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Atlas de la santé mentale en France

2020

De nombreuses sources d'information ont été mobilisées pour élaborer cet atlas de la santé mentale en France. La présente liste n'est pas exhaustive. Sont présentées ici les principales sources d'information mobilisées, disponibles en routine au niveau national. Certaines données complémen-taires ont fait l'objet de collecte spécifique auprès d'organismes tels que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), le Psycom, le collectif Schizophrénies, le Centre collaborateur de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale, le ministère de la Justice, etc.

Reproduction sur d’autres sites interdite mais lien vers le document accepté : https://www.irdes.fr/recherche/ouvrages/007-atlas-de-la-sante-mentale-en-france.pdf Réalisation de l’atlas Construction des indicateurs Mathieu Joyau Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques-Drees Cartographie numérique Franck-Séverin Clérembault Irdes ainsi que Élias Ouadghiri Atlasanté Charlie Ménard Institut de recherche Xavier Vitry Atlasanté, et documentation en Agence régionale économie de la santé-Irdes de santé ARS Auvergne– Florent Dralet Irdes Rhône-Alpes Alexandre Lolivier Irdes Inès Khati Drees Directeur de publication Éditrice Conception graphique Denis Raynaud Anne Evans Diffusion Suzanne Chriqui Couverture, maquette, infographies Franck-Séverin Clérembault Dépôt légal À parution ISBN Papier 978-2-87812-522-1 ISBN PDF 978-2-87812-523-8 Institut de recherche et documentation en économie de la santé 117bis, rue Manin 75019 Paris Courriel : [email protected] Tél. : 01 53 93 43 06 www.irdes.fr Remerciements Cet Atlas est le fruit d’une large collaboration. Nous remercions particulièrement l’Agence régionale de santé (ARS) Provence–Alpes–Côte d’Azur (Paca), l’équipe Atlasanté, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et les Universités d’Aix–Marseille et de Versailles–Saint-Quentin-en-Yvelines pour leurs contributions et relectures de cet ouvrage collectif, ainsi que les nombreux experts sollicités tout au long de ce projet. Nous remercions également l’ensemble des membres du comité de pilotage. Agence nationale d'appui à la performance (Anap) Corinne Martinez Valérie Reznikoff Agence régionale de santé (ARS) Provence–Alpes–Côte d’Azur (Paca) Marion Chabert Evelyne Falip David Lapalus Steve Nauleau Géraldine Tonnaire Nadia Younès Christine Passerieux Centre d'études et de recherche sur les services de santé et la qualité de vie, Université Aix-Marseille Sara Fernandes Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) Anne Buronfosse Anis Ellini Marie-Caroline Clément Assistance publiquehôpitaux de Marseille (AP-HM) Guillaume Fond Catherine Paulet Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) André Bitton Centre ressource régional de psychiatrie du sujet âgé (CRRPSA) d’Île-de-France Pr. Frédéric Limosin Dr. Cécile Hanon Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) Atlasanté Élias Ouadghiri Xavier Vitry (ARS Auvergne – Rhône-Alpes) Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) Anne Cuerq Christelle Gastaldi-Ménager Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) Fanny Bouarek Violaine Eudier Catherine Perisset Danièle Steinbach Centre de preuves en psychiatrie et santé mentale, Université Versailles– Saint-Quentin-en-Yvelines Emin Agamaliyev Muriel Barlet Valérie Carrasco Mathilde Gaini Mathieu Joyau Inès Khati Philippe Raynaud Miléna Spach Fabien Toutlemonde Direction générale de l’offre de soins (DGOS) Céline Descamps Direction générale de la santé (DGS) Pascale Fritsch Anne-Claire Stona Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) Suzanne Chriqui Franck-Séverin Clérembault Florent Dralet Anne Evans Alexandre Lolivier Véronique Lucas-Gabrielli Anna Marek Charlie Ménard Clément Nestrigue Denis Raynaud Marie-Odile Safon Véronique Suhard Ministère de la Justice Florence De-Bruyn Caroline Jeangeorges Annie Kensey Camille Lancelevée Santé publique France Christine Chan Chee Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS) Élisabeth Féry-Lemonnier Patrick Risselin Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) Alain Monnier ISBN : 978-2-87812-522-1 (papier) ISBN : 978-2-87812-523-8 (PDF) Les reproductions de textes, infographies ou tableaux sont autorisées à condition de mentionner la source et les auteurs. 1 2 Préambule_________________________________________ 5 Sources___________________________________________ 9 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires__________________________________ 15 1.1. L’offre de soins en santé mentale 15 1.2. L’offre d’accompagnement 39 Les enfants et adolescents____________________________ 51 2.1 Des informations lacunaires sur le recours aux soins des enfants et adolescents en santé mentale… 52 2.2 ... et des facteurs de risque variés selon les territoires 53 2.3 Diversité de la prise en charge des enfants et adolescents pour troubles psychiques 55 2.4 Un recours aux soins des moins de 18 ans qui s’exerce prioritairement vers les établissements de santé autorisés en psychiatrie et en ambulatoire 57 2.5 Des modalités de prise en charge variables selon l’âge et les pathologies suivies 58 3 4 5 2.6 Variabilité territoriale du recours aux soins selon le mode de prise en charge et disparités d’offre 61 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans__________________________ 71 3.1 Recours aux soins de santé mentale 75 3.2 Les prises en charge spécialisées en établissements de santé 81 3.3 Articulation entre ville et hôpital 88 Les personnes âgées_________________________________ 97 4.1. Le recours aux soins de santé mentale des personnes âgées 103 4.2. L’offre de soins et d’accompagnement médico­-social à destination des personnes âgées 109 La population pénitentiaire___________________________ 113 5.1. La population carcérale 115 5.2. L’offre de soins en milieu pénitentiaire 117 5.3. Recours aux soins 119 Glossaire__________________________________________ 123 Bibliographie______________________________________ 135 Table des illustrations_______________________________ 153 Atlas de la santé mentale en France 3 4 Atlas de la santé mentale en France Préambule Magali Coldefy, Coralie Gandré Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) E n France, les troubles psychiques sont associés à des enjeux majeurs en termes de prises en charge dans un champ en pleine mutation. Le changement de paradigme de la psychiatrie vers la santé mentale, entamé à l’échelle mondiale, oblige à repenser les liens entre les acteurs impliqués dans le suivi des personnes avec des troubles psychiques. Encore trop souvent centré uniquement sur le soin, ce suivi devrait davantage s’orienter vers le rétablissement, l’inclusion sociale, professionnelle et citoyenne des personnes. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte où les répercussions épidémiologiques et économiques des troubles psychiques sont particulièrement significatives. Si leur prévalence reste difficile à caractériser à l’échelle nationale, notamment du fait de l’importance du non-recours aux soins et de la difficulté à poser un diagnostic pour certains de ces troubles, en 2017, on estime que plus de 7 millions d’individus ont eu une prise en charge spécialisée due à un trouble psychique diagnostiqué ou à un traitement psychotrope. De ce fait, les dépenses liées sont particulièrement élevées et représentent l’un des principaux postes de dépense de l’Assurance maladie, 23 milliards d’euros annuels, soit 14 % des dépenses totales remboursées en 2017 (Cnam, 2019). L’inclusion des coûts additionnels relatifs aux prises en charge médico-sociales, à la perte de productivité et à la réduction de la qualité de vie a conduit à estimer le fardeau économique total des troubles psychiques à près de 110 milliards d’euros pour la seule année 2007 (Chevreul et al., 2013). En 2015, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que ces coûts représentent près de 4 % du Produit intérieur brut (PIB) [OECD/EU, 2018]. Néanmoins, les répercussions des troubles psychiques ne se limitent pas à leur impact direct car ils sont également à l’origine de fortes répercussions somatiques sur la santé physique des personnes qui en souffrent. Une étude récente montre une diminution de l’espérance de vie atteignant en moyenne seize ans chez les hommes et treize ans chez les femmes suivis pour des troubles psychiques ainsi que des taux de mortalité systématiquement supérieurs à ceux de la population générale, particulièrement marqués pour la mortalité prématurée, et ce quelle que soit la cause décès (Coldefy et Gandré, 2018). En conséquence, la santé mentale est une thématique qui prend de l’ampleur sur l’agenda politique en France. La reconnaissance du handicap psychique a été officialisée dans une loi de 2005 (Légifrance, 2005) tandis que deux plans interministériels successifs Psychiatrie et santé mentale, couvrant les périodes 2005-2008 et 2011-2015, ont défini les priorités politiques dans ce champ (Ministère de la Santé et des Solidarités, 2005 ; Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, 2012). Une feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie, lancée en juin 2018 par la ministre de la Santé et s’inscrivant dans le cadre de la Stratégie nationale de santé, leur a fait suite. Cette feuille de route est notamment organisée autour de trois priorités : la promotion du bien-être mental et la prévention de la souffrance psychique ; la mise en place de parcours de soins coordonnés soutenus par une offre diversifiée ; et l’amélioration des conditions de vie, d’inclusion sociale et de Atlas de la santé mentale en France 5 P Préambule citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique (Ministère de la Santé, 2018a). En parallèle, des adaptations organisationnelles sont soutenues. C’est en particulier le cas des Projets territoriaux de santé mentale (PTSM) que les acteurs locaux sont incités à définir et porter sous l’égide des Agences régionales de santé (ARS) d’ici juillet 2020. Ces projets territoriaux visent à organiser les parcours de santé et de vie des personnes et à structurer et coordonner l’offre sanitaire et d’accompagnement social et médico-social pour le suivi des troubles psychiques. Ils reposent notamment sur des diagnostics préalables de la situation sur les territoires (Légifrance, 2017 ; Ministère de la Santé, 2018b). Une réforme du financement de la psychiatrie hospitalière est également en cours pour introduire un cadre commun aux secteurs public et privé, favoriser le développement d’alternatives à l’hospitalisation complète et permettre une réduction des inégalités territoriales persistantes liées au mode de financement actuel (Ministère des Solidarités et de la Santé, 2019). Cette réforme repose sur la combinaison de modalités de financement avec une dotation populationnelle ajustée, notamment sur la précarité de la patientèle ainsi que sur une part liée à l’innovation et à la qualité. Malgré cette volonté politique forte, un récent rapport parlementaire pointe le chemin qui reste à parcourir pour garantir une prise en charge optimale des troubles psychiques en France (Hammouche, Fiat, Wonner, 2019). Il s’avère donc plus que jamais nécessaire de mieux documenter les organisations et prises en charge actuelles dans le champ de la santé mentale en France. Or les troubles psychiques sont caractérisés par de nombreux facteurs de complexité tels que la difficulté à poser un diagnostic, le caractère évolutif des troubles, l’hétérogénéité des situations au sein d’un même groupe diagnostic et les risques de déni de soins et de stigmatisation. Si ces particularités ont conduit au développement de prises en charge spécifiques pour ces troubles, elles ont également eu des conséquences sur les systèmes d’information existants pour les caractériser. Ainsi, les données d’activité hospitalière en psychiatrie ont été disponibles plus tard que pour le champ de la Médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). N’étant pas directement liées aux modalités de financement des établissements, à la différence du champ MCO, elles ont longtemps été moins bien renseignées (Coldefy et al., 2012). Ce retard se comble progressivement et la récente mise à disposition du Système national des données de santé (SNDS) incluant à la fois les données d’activité hospitalière et de soins en ville des 6 Atlas de la santé mentale en France assurés de la Cnam permet une caractérisation de plus en plus fine, bien qu’uniquement sanitaire, des prises en charge des personnes suivies pour des troubles psychiques. Tenter de décrire ces prises en charge mobilisant l’intervention de nombreux acteurs nécessite d’analyser de nombreuses sources d’informations, tels que les enquêtes auprès des établissements de santé ou médicosociaux, les répertoires de professionnels de santé, les bases de données médico-administratives en santé, les données du recensement de la population, ainsi que des recueils d’information spécifiques. Dans ce contexte, l’Atlas de la santé mentale en France se propose de faire une synthèse descriptive des données disponibles, à partir des différents systèmes d’information existants, à destination des acteurs concernés dont les usagers des services de santé mentale, leurs proches, les professionnels de santé et du secteur social et médico-social, les décideurs politiques nationaux et locaux et les chercheurs impliqués dans ce champ. Cet Atlas vise à documenter tant les prises en charge que l’offre disponible en tenant compte des situations spécifiques, et notamment celles de populations particulièrement vulnérables du fait de leur âge ou de leur milieu de vie. Une présentation générale des sources de données mobilisées est tout d’abord proposée. Cinq grands chapitres lui font suite. Le premier porte sur l’offre de soins et de services en santé mentale dans les territoires tandis que les quatre chapitres suivants décrivent les prises en charge par populations : les enfants et adolescents, les adultes de 18 à 64 ans suivis pour des troubles psychiques fréquents ou des troubles psychiques sévères et persistants, les personnes âgées et la population pénitentiaire. Enfin, cet Atlas propose une bibliographie générale et un glossaire des termes techniques utilisés. Ce document vient compléter la version numérique de l’Atlas qui met à disposition les principaux indicateurs mobilisables de façon actualisée et cartographiée (http://santementale.Atlasanté.fr/). Ce projet global est issu d'une collaboration entre l'Irdes, la Drees, l'ARS Paca et l'équipe Atlasanté afin de mettre à disposition des acteurs de la santé mentale des données et connaissances actualisées sur un champ vaste et majeur en santé, utiles pour la mise en place de politiques de santé mentale sur les territoires. Préambule L’Atlas numérique de la santé mentale en France http://santementale.Atlasanté.fr Cet atlas interactif constitue une base de données territorialisée en santé mentale inédite. Il a été conçu par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des Solidarités et de la Santé, en collaboration avec l’Agence régionale de la santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), et avec l’appui de l’équipe Atlasanté, le projet mutualisé de système d’information géographique des Agences régionales de santé. Issu d’un groupe de travail ayant réuni les principaux producteurs de données et experts de la thématique, cet atlas propose une série d’indicateurs pertinents pour décrire et suivre les politiques de santé mentale et leurs déclinaisons territoriales. Il affiche et édite à la demande des cartes et permet d’exporter les données rassemblant des informations relatives à la santé mentale dans les territoires de France métropolitaine et départements et régions d’outre-mer, jusqu’au niveau de la commune, selon les disponibilités. Il propose ainsi plus de 350 indicateurs, construits à partir de plus de dix bases de données (recensement, bases de données médico-administratives, enquêtes, recueils spécifiques) qui peuvent être mobilisés notamment pour élaborer et faire le suivi des diagnostics territoriaux partagés ou des projets territoriaux de santé mentale. Il est destiné à l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la santé mentale : usagers, professionnels, décideurs et chercheurs. L’atlas est organisé sous forme de rubriques thématiques qui présentent le contexte territorial, l’offre de santé mentale, et différentes entrées populationnelles : adultes, enfants et adolescents, personnes âgées et personnes vulnérables. Pour en savoir plus : www.Atlasanté.fr/accueil/presentation_du_projet/429_314/latlas_de_la_sante_mentale_en_france INDICATEURS RAPPORTS ZONAGES DONNÉES EXTERNES À PROPOS... Santé Mentale, une base de donnée territorialisée Indicateurs : cartes, données et graphiques CARTE CHOISIR DES INDICATEURS OK Chercher... Effacer + TABLEAU ACTIONS France par Département Autres filtres LE CONTEXTE TERRITORIAL 23 LES ENFANTS ET ADOLESCENTS 56 LES PERSONNES ÂGÉES 42 LES POPULATIONS VULNÉRABLES 26 LES ADULTES - OFFRE DE SANTÉ MENTALE 29 LES ADULTES - TROUBLES MENTAUX FRÉQUENTS 38 LES ADULTES - TROUBLES MENTAUX SÉVÈRES 40 CHANGER LE DÉCOUPAGE GÉOGRAPHIQUE Niveau Département 2015 Rechercher un territoire ALLER PLUS LOIN Partager, imprimer, exporter Editer des rapports Charger des données externes Atlas de la santé mentale en France 7 P P Préambule 8 Atlas de la santé mentale en France Sources De nombreuses sources d’information ont été mobilisées pour élaborer cet atlas de la santé mentale en France. La présente liste n’est pas exhaustive. Sont présentées ici les principales sources d’information mobilisées, disponibles en routine au niveau national. Certaines données complémen- 1. taires ont fait l’objet de collecte spécifique auprès d’organismes tels que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le Psycom, le collectif Schizophrénies, le Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale, le ministère de la Justice, etc. Insee, recensement général de population Le recensement de la population permet de connaître la diversité et l'évolution de la population de la France. L'Insee fournit ainsi des statistiques sur les habitants et les logements, leur nombre et leurs caractéristiques : répartition par sexe et âge, professions, conditions de logement, modes de transport, déplacements domicile-travail, etc. Depuis 2004, le recensement repose sur une collecte d'information annuelle, concernant successivement tous les territoires communaux au cours d'une période de cinq ans. Les communes de moins de 10 000 habitants réalisent une enquête de recensement portant sur toute la population, à raison d'une commune sur cinq chaque année. Les communes de 10 000 habitants ou plus, réalisent tous les ans une enquête par sondage auprès d'un échantillon d'adresses représentant 8 % de leurs logements. En cumulant cinq enquêtes, l'ensemble des habitants des communes de moins de 10 000 habitants et 40 % environ de la population des communes de 10 000 habitants ou plus sont pris en compte. Les informations ainsi collectées sont ramenées à une même date pour toutes les communes afin d'assurer l'égalité de traitement entre elles. Cette date de référence est fixée au 1er janvier de l'année médiane des cinq années d'enquête pour obtenir une meilleure robustesse des données. Les cinq premières enquêtes de recensement ont été réalisées de 2004 à 2008. Ainsi, à partir de fin 2008, il a été possible d'élaborer puis de diffuser les résultats complets du recensement millésimé 2006, date du milieu de la période. Depuis lors et chaque année, les résultats du recensement sont produits à partir des cinq enquêtes annuelles les plus récentes : abandon des informations issues de l'enquête la plus ancienne et prise en compte de l'enquête nouvelle. Pour en savoir plus : www.insee.fr/fr/information/2383265 Atlas de la santé mentale en France 9 S Sources 2. Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (Sniiram) Créé en 1999 par la loi de financement de la Sécurité sociale, le Sniiram est une base de données nationale dont les objectifs sont de contribuer à une meilleure gestion de l’Assurance maladie et des politiques de santé, d’améliorer la qualité des soins et de transmettre aux professionnels de santé les informations pertinentes sur leur activité. La Cnam est chargée de la gestion du Sniiram, elle est responsable du système d’information au regard de la Cnil, autorité indépendante compétente en matière de protection des données personnelles. Le Sniiram est un entrepôt de données anonymes regroupant les informations issues des remboursements effectués par l’ensemble des régimes d’assurance maladie pour les soins du secteur libéral (1,2 milliard de feuilles de soins pour l’ensemble de la population vivant en France). Les informations sur les séjours hospitaliers (diagnostics, actes,…) recueillis par l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH) au sein du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) sont également disponibles dans le Sniiram. Le Sniiram constitue donc une base de données complète et détaillée sur le parcours des patients et l’organisation du système de soins. Le Sniiram regroupe : - des données sur les patients telles que l’âge, le sexe, le bénéfice de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), la commune et le département de résidence, ainsi qu’éventuellement le diagnostic d’Affection de longue durée (ALD) et la date de décès ; - toutes les prestations remboursées dans le cadre des soins réalisés en médecine de ville: les informations disponibles sur le prestataire de soins et éventuellement le prescripteur (spécialité, mode d’exercice, sexe, âge, département d’implantation), le codage détaillé (médicaments, actes techniques des médecins, dispositifs médicaux, prélèvement biologiques) ainsi que la date des soins et les montants remboursés par l’Assurance maladie et payés par les patients ; - des données sur la consommation de soins en établissement : le Sniiram centralise les données relatives aux séjours facturés directement à l’Assurance maladie, principalement par les cliniques privées et les données du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) pour l’ensemble des établissements sanitaires. Les données sur les pathologies traitées sont disponibles dans le Sniiram au travers des données issues du service médical ou des diagnostics hospitaliers du PMSI. Pour en savoir plus : www.ameli.fr/l-assurance-maladie/statistiques-et-publications/sniiram/finalites-du-sniiram.php 3. Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie, obstétrique (PMSI MCO) Depuis la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, les établissements de santé publics et privés doivent procéder à l’analyse de leur activité médicale et transmettre aux services de l’État et à l’Assurance maladie « les informations relatives à leurs moyens de fonctionnement et à leur activité » : articles L. 6113-7 et L. 6113-8 du code de la santé publique. À cette fin ils doivent « mettre en oeuvre des systèmes d’information qui tiennent compte notamment des pathologies et des modes de prise en charge » : c'est la définition même du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Pour les séjours hospitaliers en soins de courte durée — médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO) — cette analyse est fondée sur le recueil systématique d’un petit 10 Atlas de la santé mentale en France nombre d’informations administratives et médicales, qui constituent le Résumé de sortie standardisé (RSS). Les informations recueillies font l’objet d’un traitement automatique aboutissant au classement des RSS en un nombre volontairement limité de groupes cohérents du point de vue médical et des coûts : les Groupes homogènes de malades (GHM). Les informations ainsi produites sont utilisées principalement à deux fins, pour le financement des établissements de santé (tarification à l'activité) et pour l’organisation de l’offre de soins (planification). Sources La description de l’activité médicale dans le cadre du PMSI MCO des établissements de santé publics et privés repose sur le recueil systématique de données administratives, démographiques, médicales et de prise en charge, normalisées. Les établissements de santé publics et privés, en France métropolitaine et dans les Drom, ayant une activité autorisée en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), quel que soit leur mode de financement, sont tenus de réaliser, pour chaque patient pris en charge en hospitalisation, par extraction depuis le système d’information de l’établissement de santé, un recueil d’informations portant sur l’activité de soins et sur sa facturation. Ce recueil couvre l’hospitalisation à temps complet et à temps partiel réalisée dans les établissements de santé. L’activité de consultations et de soins externes réalisée par les établissements sous Dotation annuelle de financement (Daf) est également enregistrée. Pour en savoir plus : www.solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bos/2017/sts_20170006_0001_p000.pdf www.atih.sante.fr/mco/presentation 4. Recueil d’informations médicalisé pour la psychiatrie (Rim-P) Le Recueil d’informations médicalisé pour la psychiatrie (Rim-P) permet de décrire toute l’activité réalisée au bénéfice de malades par les établissements de santé autorisés en psychiatrie, en hospitalisation complète ou partielle comme en ambulatoire. La description de l'activité médicale dans le cadre du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) en psychiatrie des établissements de santé publics et privés repose sur le recueil systématique de données administratives, démographiques, médicales et de prise en charge, normalisées. Ce recueil s’inscrit dans la logique des dispositions des articles L.6113‑7 et L.6113-8 du code de la santé publique, qui s’appliquent aux établissements de santé, publics et privés, en matière d’analyse de leur activité. Les établissements de santé publics et privés, en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, ayant une activité autorisée en psychiatrie, quel que soit leur mode de financement, sont tenus de réaliser, pour chaque patient pris en charge, par extraction depuis le système d’information de l’établissement de santé, un recueil d’informations portant sur l’activité de soins et sur sa facturation. Ce recueil couvre les prises en charge à temps complet et à temps partiel sous la forme de Résumés par séquence (RPS) et les prises en charge ambulatoires sous la forme de Résumés d’activité ambulatoire (RAA). Le Sniiram et les bases PMSI sont aujourd’hui intégrées au Système national des données de santé (SNDS), qui inclut aussi les données de l’Inserm sur les causes de décès. A terme, les données relatives au handicap (en provenance des MDPH - données de la CNSA) et un échantillon de données en provenance des organismes d’Assurance maladie complémentaire alimenteront également le SNDS. Géré par l’Assurance maladie, le SNDS a pour finalité la mise disposition de ces données afin de favoriser les études, recherches ou évaluation présentant un caractère d’intérêt public et contribuant à l’une des finalités suivantes : information sur la santé, mise en œuvre des politiques de santé, connaissance des dépenses de santé, information des professionnels et des établissements sur leurs activités, innovation dans les domaines de la santé et de la prise en charge médico-sociale, surveillance, veille et sécurité sanitaire. Pour en savoir plus : www.snds.gouv.fr/SNDS/Accueil Pour en savoir plus : www.solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bos/2017/ sts_20170004_0001_p000.pdf www.atih.sante.fr/psy/presentation Atlas de la santé mentale en France 11 S S Sources 5. Statistique annuelle des établissements de santé (SAE) La SAE est une enquête administrative obligatoire et exhaustive, réalisée annuellement par la Drees, auprès des établissements de santé, publics et privés, situés sur le territoire français. Cette enquête recueille des informations détaillées sur l’activité et les ressources en équipement et en personnel dans les établissements de santé, que ceux-ci aient ou non une autorisation d’activité en psychiatrie. Depuis 2006, un bordereau de cette enquête est spécifiquement consacré à la psychiatrie. La SAE a pour principaux objectifs de : - caractériser de façon précise les établissements : structure, capacités, équipements des plateaux techniques et personnels ; - caractériser l’activité réalisée par type d’activité ou de discipline d’équipement ; - recueillir des indicateurs sur la mise en oeuvre des politiques nationales et le suivi des activités de soins soumises à autorisation. Les données recueillies auprès des établissements de santé dans le cadre de l’enquête SAE portent principalement sur : - les évolutions juridiques des structures ; - les modes de coopération inter hospitalière, avec des médecins et autres professionnels de santé non hospitaliers, et avec des services sociaux et médico-sociaux ; - des indicateurs de suivi des politiques nationales ; - les capacités d’accueil par type d’activité et par disciplines d’équipement regroupées ; - l’activité réalisée par type d’activité et par disciplines d’équipement regroupées ; - l’équipement, l’activité et le personnel du plateau technique ; - les interruptions volontaires de grossesse ; - l’équipement, l’activité et le personnel des principales activités de soins soumises à autorisation ; - les effectifs, qu’il s’agisse des personnels médicaux salariés ou libéraux, des internes, des sages-femmes et des personnels non médicaux, des emplois aidés. Pour en savoir plus : http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/open-data/etablissements-de-sante-sociaux-et-medico-sociaux/article/la-statistique-annuelle-des-etablissements-sae 6. Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) Le Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) est un répertoire national géré par le Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Ce fichier constitue la référence en matière d’inventaire des structures et équipements des domaines sanitaire, médico-social, social et de formation aux professions de ces secteurs. Il Pour en savoir plus : http://finess.sante.gouv.fr/fininter/jsp/index.jsp 12 Atlas de la santé mentale en France est mis en oeuvre et maintenu par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Les données de ce répertoire sont actualisées de façon continue par des agents en service dans les Agences régionales de santé et dans les services déconcentrés de l’Etat et mises à disposition du public sur un site internet dédié. Sources 7. Les répertoires nationaux des professionnels de santé (RPPS et Adeli) Les répertoires nationaux RPPS et Adeli garantissent l’identification des professionnels de santé et viennent alimenter l’annuaire santé. Les référentiels nationaux des professionnels de santé sont le RPPS ou Adeli. Certifiées par les ordres professionnels, le Service santé des armées (SSA) ou les Agences régionales de santé (ARS), les données enregistrées permettent l’identification des professionnels de santé. Elles sont publiées par le service « Annuaire Santé » de l'Agence du numérique en santé (ANS). Le Répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS) est le répertoire unique de référence permettant d’identifier les professionnels de santé. Il rassemble et publie les informations des professionnels de santé, sur la base d’un numéro RPPS attribué au professionnel toute sa vie. Ce répertoire vise à : identifier les professionnels intervenant dans le domaine de la santé en exercice, ayant exercé ou susceptible d’exercer ; suivre l’exercice de ces professionnels, connaître le niveau d’étude des internes et étudiants ; contribuer aux procédures de délivrance et de mise à jour des produits de certification ; permettre la réalisation d’études et la production de statistiques relatives aux professionnels répertoriés. Le RPPS a été créé par l’arrêté du 6 février 2009, modifié par l’arrêté du 18 avril 2017. Les professions enregistrées dans le RPPS incluent les médecins, les chirurgiens – dentistes, les sagesfemmes, les pharmaciens, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicure- podologues. Le RPPS regroupera à terme l’ensemble des professionnels de santé. L’intégration est progressive, en fonction des possibilités des autorités d’enregistrement. Le répertoire Adeli est le système d’information national portant sur les professionnels de santé qui ne sont pas déjà dans le RPPS. Ce répertoire attribue un numéro aux professionnels non-RPPS, lors de leur enregistrement auprès de leur ARS. C’est le numéro de référence d'identification pour ces professionnels (hors RPPS). Les professions enregistrées dans Adeli rassemblent les audioprothésistes, diététiciens, épithésistes, ergothérapeutes, infirmiers, manipulateurs en radiologie, ocularistes, opticiens-lunetiers, orthopédistes-orthésistes, orthophonistes, orthoprothésistes, orthoptistes, podo-orthésistes, psychologues, psychomotriciens et techniciens de laboratoire. Pour en savoir plus : https://esante.gouv.fr/securite/annuaire-sante/rpps-adeli Atlas de la santé mentale en France 13 S S Sources 14 Atlas de la santé mentale en France chapitre 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Sara Fernandes1, Magali Coldefy2, Coralie Gandré2 Avec la collaboration d’Inès Khati3 1 Centre d'études et de recherche sur les services de santé et la qualité de vie, Université Aix-Marseille 2 Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) 3 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) L es troubles psychiques* affectent à des degrés divers les différents aspects de la vie personnelle et sociale, tant de la personne atteinte que de son entourage. Dans ce contexte, les réponses à apporter englobent non seulement le traitement des symptômes mais aussi la réduction des conséquences fonctionnelles et sociales des troubles psychiques. Le système français de prise en charge des troubles psychiques est caractérisé par une grande pluralité des acteurs, des organisations et des structures ainsi que des modalités d’accompagnement. Des caractéristiques propres à ce champ médical (tels le caractère souvent durable et évolutif des troubles, le déni de soins et la stigmatisation couramment associés ou la nécessité d’une approche globale de la prise en charge) ont été à l’origine d’une organisation et d’une législation spécifiques par rapport au reste du champ sanitaire (Coldefy, 2016). Ainsi, depuis les années 1960, l’organisation des soins de santé mentale a été construite dans une logique territoriale autour des secteurs psychiatriques*. Ils correspondent à des aires popula- tionnelles dans lesquelles une équipe pluridisciplinaire médicale et médico-sociale est chargée de fournir des soins ambulatoires et hospitaliers intégrés*. Leur objectif prioritaire est de favoriser l’accès aux soins, sans couper les personnes de leur environnement familial et social, et d’assurer la continuité entre prévention, dépistage et traitement de façon équitable pour chacun, quel que soit son lieu d’habitation (Légifrance, 1960). Plusieurs types d’établissements hospitaliers sont autorisés pour la prise en charge des pathologies psychiatriques : les établissements publics spécialisés dans le champ de la santé mentale, les établissements publics pluridisciplinaires qui disposent d’un service de psychiatrie, les Établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et les établissements privés à but lucratif. Parallèlement à ces prises en charge en établissement de santé, il existe une prise en charge en ville par des professionnels libéraux spécialisés ou non qui vont jouer un rôle important dans l’accompagnement et le suivi des troubles les plus fréquents. Par ailleurs, les établissements et services des secteurs social et médico-social sont également mo- Atlas de la santé mentale en France 15 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires bilisés pour assurer l’hébergement et l’accompagnement des personnes en situation de handicap psychique, pour lesquelles les conséquences de la maladie peuvent rendre difficile l’accès et le maintien dans un logement, un emploi, des études… (Coldefy, 2016). Enfin, des dispositifs additionnels complètent ces prises en charge tels que des actions de prévention ciblées ou des initiatives communautaires. Depuis quelques années, les initiatives d’entraide par les pairs* tendent notamment à se multiplier. Il existe néanmoins un cloisonnement persistant entre l’offre de soins de santé mentale publique et privée, l’offre de soins primaires et spécialisés, et l’offre médico-sociale et sociale pour la prise en charge des troubles psychiques, régulièrement souligné dans les rapports institutionnels (Laforcade, 2016). Le volet handicap psychique de la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre médico-sociale du ministère de la Santé mentionne par ailleurs que la prise en charge des troubles psychiques sévères* et persistants doit répondre à un objectif de rétablissement, fondé sur l’empowerment* dans le cadre de parcours de soins mais aussi de vie. A ce titre, en plus de la stabilisation des troubles sont visés la promotion des capacités des personnes et leur accès à une vie active et sociale via la mobilisation des dispositifs de droit commun mais également des secteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux (Ministère des Affaires sociales et de la Santé, 2016). De la psychiatrie vers la santé mentale Des initiatives politiques récentes viennent ainsi soutenir le changement de paradigme nécessaire de la psychiatrie vers la santé mentale par l’intégration des différents secteurs de prises en charge. La loi de modernisation du système de santé de 2016 redéfinit la politique de santé mentale et les missions de la psychiatrie de secteur. La politique de santé mentale est désormais conçue comme une action globale comprenant des actions de prévention, de diagnostic, de soins, d’accompagnement, de réadaptation et de réinsertion sociale, associant tous les acteurs sanitaires et sociaux concernés (Légifrance, 2016). Ainsi, cette loi distingue la politique de santé mentale, branche de la santé publique, de l’organisation de la psychiatrie. En effet, la santé mentale n’est pas de la responsabilité exclusive de la psychiatrie, cependant intégrée dans la politique de santé mentale. A cet égard, elle clarifie la responsabilité des différents acteurs qui interviennent en santé mentale (Laforcade, 2016). Cette loi s’appuie sur l’expérience du sec- 16 Atlas de la santé mentale en France teur psychiatrique tout en la repensant en fonction des évolutions survenues depuis lors. Cellesci concernent le champ sanitaire (progrès thérapeutiques qui rendent difficile le maniement de l’ensemble des techniques par une seule équipe, développement du rôle du médecin traitant, de la psychiatrie libérale, d’établissements non sectorisés), social (impact des politiques de la ville, de l’éducation nationale, du logement, du travail sur l’insertion des personnes), et médico-social (développement d’une offre d’établissements et services ayant compétence dans l’accompagnement vers l’insertion, cf. loi du 11 février 2005 reconnaissant le handicap psychique (Légifrance, 2005)). La loi de modernisation du système de santé de 2016 a ainsi introduit les Projets territoriaux de santé mentale (PTSM). Ils visent à faciliter le suivi des individus souffrant de troubles psychiques dans leur milieu de vie ordinaire par l’organisation de parcours de proximité ainsi que par la structuration et la coordination de l’offre sanitaire et d’accompagnement social et médico-social. Ces projets territoriaux sont proposés et portés par les acteurs locaux sous l’égide des Agences régionales de santé (ARS) et devront être mis en œuvre d’ici juillet 2020 (Légifrance, 2017 ; Ministère des Solidarités et de la Santé, 2018). Dans ce contexte en pleine évolution, ce chapitre dresse un état des lieux des ressources existantes sur les territoires pour répondre aux besoins de santé mentale des individus, à partir des données disponibles dans le système d’information en santé. En raison de la difficulté à réunir les données, l’offre de prévention n’est pas traitée ici bien qu’elle constitue, avec la promotion de la santé mentale, un enjeu majeur d’amélioration de la prise en charge des troubles psychiques. Pour autant, des interventions se développent dans ces domaines comme le soutien à la parentalité, le développement des compétences psychosociales, les actions de prévention de la souffrance psychique au travail, du suicide (à travers notamment les dispositifs de rappels des suicidants)… Le site Oscarsante vise à observer et suivre les actions régionales de santé, et permet un premier recensement des actions de prévention en santé mentale sur les territoires (http://oscarsante.org). L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires 1.1. L’offre de soins en santé mentale L’offre de soins à destination des populations vivant avec des troubles psychiques repose sur deux types d’offre complémentaires : l’offre libérale de ville et l’offre des établissements de santé, majoritairement publique, avec une répartition qui se fait essentiellement selon la sévérité des troubles et le besoin ou non d’une équipe pluriprofessionnelle, sans que ces critères soient clairement énoncés. L’offre de ville s’occupe du suivi de proximité des troubles de sévérité limitée et sans besoin d’une équipe pluriprofessionnelle. L’offre des établissements de santé est surtout centrée sur les prises en charge des troubles plus sévères et persistants nécessitant l’intervention d’une équipe multi-professionnelle, en hospitalisation ou en ambulatoire. 1.1.1. L’offre de soins de ville L’offre de ville à destination des individus vivant avec des troubles psychiques est graduelle. Elle se compose tout d’abord d’une offre médicale non spécialisée. Les médecins généralistes sont les interlocuteurs privilégiés pour la prise en charge de premier recours en santé mentale en France (Dezetter et al., 2013). Ils participent de facto à la détection et au traitement des troubles et accompagnent les patients dans le cadre d’une prise en charge globale (Regier et al., 1993). Cette offre est complétée par une offre spécialisée non médicale, principalement à destination des individus vivant avec des troubles fréquents de sévérité modérée, assurée par les psychologues libéraux. Enfin, il existe une offre spécialisée médicale assurée par les psychiatres libéraux. Des structures pluri­ professionnelles telles que les maisons de santé se développent par ailleurs dans certains territoires sous-dotés en offre de ville, et peuvent combiner prises en charge non spécialisées et spécialisées. Les médecins généralistes Depuis la reconnaissance de la médecine générale en tant que spécialité médicale à part entière en 1983, la place du médecin généraliste dans le dispositif de soins a beaucoup évolué. La loi de 2004 a notamment instauré la mise en place du « parcours de soins coordonnés » qui impose de déclarer un médecin traitant, généraliste ou spécialiste. Celui-ci assure le suivi personnalisé et au long cours de la personne et l’oriente vers d’autres médecins ou professionnels de santé lorsque c’est nécessaire (Légifrance, 2004). Avec près de 7 personnes sur 10 se tournant vers un médecin généraliste en première intention, quelle que soit la nature du problème de santé rencontré, ce dernier apparaît comme le pivot du dispositif d’offre de soins de ville. Le cabinet de médecine générale est ainsi considéré comme un cadre de soins personnalisé accessible, stable, disponible, assurant permanence et continuité des soins, et le médecin généraliste est parfois le dernier interlocuteur accepté par des personnes en rupture de soins (Gallais et Alby, 2002). En tant que garant de l’offre de soins de proximité, le généraliste est fréquemment sollicité pour des affections d’ordre mental (Morin, 2007 ; Dezetter et al., 2013 ; Norton et al., 2009). Près de 13 % des consultations chez le médecin généraliste sont liées aux seuls troubles dépressifs et anxieux (Labarthe, 2004). En France, on compte en moyenne 104 médecins généralistes libéraux ou mixtes pour 100 000 habitants en 2016 (RPPS, Insee). Néanmoins leur répartition sur le territoire est inégale : cette densité dépasse ainsi 130 généralistes pour 100 000 habitants dans des départements urbains ou de la moitié sud de la France tels que Paris, la Haute-Garonne, les Bouches-du-Rhône, la Gironde, la Haute-Vienne, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Orientales ou l’Hérault. A l’inverse, elle est inférieure à 75 pour 100 000 habitants en Guyane, Eure-et-Loir, Seine-Saint-Denis, Seine-et-Marne et Mayenne. Ces disparités de répartition géographique pourraient être liées à des différences de besoins de soins des habitants des divers départements résultant, notamment, de la variabilité de la structure par âge de leurs populations. Afin de tenir compte de cet élément, la disponibilité des médecins généralistes sur le territoire peut également être caractérisée via l’Accessibilité potentielle localisée (APL)*, un indicateur qui considère à la fois l’offre de soins disponible, tenant compte du niveau d’activité des professionnels en exercice et de leur distance géographique, et de la demande (taux de recours ajusté sur la structure par âge de la population) au niveau des communes. Cet indicateur, calculé en nombre de consultations ou visites accessibles par habitant standardisé, rend donc comparable l’accessibilité de communes aux populations d’âges très différents (Barlet et al., 2012). Les résultats montrent en 2015, que les habitants des communes françaises ont eu accès en moyenne à 4,1 consultations ou visites de médecine générale, et qu’il existe d’importantes variations territoriales. On observe une forte hétérogénéité de si- Atlas de la santé mentale en France 17 1 1 CARTE 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Accessibilité potentielle localisée (APL) aux médecins généralistes en 2015 dans trois départements français Nombre de consultations ou de visites de médecine générale par habitant 0 2,3 3,0 3,5 4,2 28,7 Valeur minimum : 0 Amirat, Ascros, Auvare, Bairols, Beuil, Briançonnet, Castellar, Caussols, Châteauneuf-d'Entraunes, Cipières, Clans, Collongues, Entraunes, Escragnolles, Gars, Gorbio, Ilonse, La Penne, La Tour, Le Mas, Les Mujouls, Lieuche, Moulinet, Pierlas, Rigaud, Saint-Antonin, Saint-Auban, Saint-Léger, Sallagriffon, Sauze, Thiéry, Utelle AlpesMaritimes Valeur maximum : 13 Rimplas, Valdeblore Nice 10 km Valeur minimum : 0 Boisset, Ceilhes-et-Rocozels, Pégairolles-de-Buèges Valeur maximum : 8,4 Balaruc-le-Vieux Hérault Montpellier 10 km Perpignan Valeur minimum : 0 Ayguatébia-Talau, Boule-d'Amont, Calmeilles, Caudiès-de-Conflent, Glorianes, La Bastide, Lamanère, Mantet, Montferrer, Nohèdes, Prunet-et-Belpuig, Railleu, Saint-Marsal, Sansa, Taillet, Taulis, Urbanya, Valmanya Valeur maximum : 10,3 Mont-Louis PyrénéesOrientales 10 km Discrétisation : quintiles. Sources : Drees-Sniiram 2015, Insee 2017. Infographie : Irdes 2019 18 Atlas de la santé mentale en France L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires tuations dans certains départements (par exemple l’Hérault, les Pyrénées-Orientales ou les AlpesMaritimes, avec notamment des zones littorales ou montagnardes touristiques mieux dotées que les zones intérieures des départements (carte 1). Plus généralement, l’indice APL est bien plus élevé dans les pôles urbains quelle que soit leur taille que dans les communes isolées hors influence des pôles. Il y a donc des disparités territoriales dans l’accessibilité aux médecins généralistes qui ne sont pas uniquement liées à des différences de besoins de soins. La concentration des médecins dans les zones les plus urbaines est globalement constatée dans l’ensemble des pays développés et n’est pas spécifique aux médecins généralistes. Elle peut s’expliquer par des conditions de travail généralement plus difficiles en milieu rural (horaires de travail plus importants, manque de contact avec les confrères, etc.) ainsi que par des raisons sociales (moindres perspectives professionnelles pour le conjoint, plus grandes distances d’accès aux établissements scolaires pour les enfants, etc.) [Organisation de coopération et développement économiques, 2017]. Les psychologues Les psychologues libéraux assurent le suivi psychologique des individus souffrant de troubles psychiques par l’intermédiaire de thérapies, notamment la psychothérapie*, qui est recommandée en première intention dans le traitement des troubles psychiques d’intensité légère à modérée (HAS, 2017). Néanmoins, les psychologues ne sont pas reconnus comme des professionnels de santé en France et ne relèvent pas à ce titre du code de la santé publique. Ils bénéficient d’une liberté d’installation sur le territoire français mais sont tenus de s’inscrire au répertoire Adeli (Automatisation des listes), ce qui permet de connaître leurs effectifs et leur répartition géographique, mais pas leur activité ni le nombre de personnes qui y recourent. Des retours d’expérience montrent également que ce répertoire n’est pas systématiquement mis à jour, les données présentées doivent donc être interprétées avec précaution. Parmi les 61 633 psychologues en activité en 2017, 19 726 exercent en tant que professionnels libéraux ou mixtes (32 %), soit une densité moyenne de 29,7 pour 100 000 habitants. Leur répartition sur le territoire français est inégale et les différences de densité sont encore plus marquées que pour les médecins généralistes car elles varient dans un rapport de 1 à 16 (carte 2). Trois départements urbains se démarquent par une densité supérieure à 50 psychologues pour 100 000 habitants : Paris, la Haute-Garonne et le Rhône. A l’inverse, la Guyane, les Ardennes, le Pas-de-Calais et la Creuse comptent moins de 10 psychologues pour 100 000 habitants. Globalement, les plus faibles densités sont observées dans les départements ruraux où l’offre en médecins généralistes est également faible. Ainsi les psychologues ne semblent pas être un levier mobilisable à ce jour dans les déserts médicaux pour assurer une première prise en charge des personnes avec des troubles psychiques. Par ailleurs, les consultations de psychologues libéraux ne sont actuellement pas remboursées par la sécurité sociale – uniquement par certaines complémentaires privées et selon un montant limité – ce qui peut constituer un frein au recours pour les populations défavorisées. Certains médecins généralistes indiquent ainsi ne pas pouvoir adresser leurs patients à des psychologues libéraux du fait de la charge financière associée (Dumesnil, Apostolidis et Verger, 2018 ; Dumesnil et al., 2012 ; Fournier et al., 2010). Afin de tenter d’apporter une réponse à ce potentiel frein au recours aux psychologues libéraux, deux expérimentations de prise en charge à 100 % de la psychothérapie dans le cadre d’un parcours de soins coordonnés, sont menées par l’Assurance maladie depuis 2017. L’une concerne le remboursement des consultations chez un psychologue libéral pour les jeunes de 6 à 21 ans dans trois régions : Ile-de-France, Pays de la Loire et Grand Est. L’autre concerne les adultes de 18 à 60 ans dans les départements du Morbihan, des Bouches-du-Rhône, de la Haute-Garonne et des Landes. Dans cette expérimentation, le remboursement de la consultation chez le psychologue est soumis à une collaboration étroite avec le médecin généraliste, qui doit réaliser un premier bilan de l’état de santé mentale du patient avant adressage vers le psychologue et suivre l’évolution de l’état du patient (Cnam, 2017). L’efficacité de ce dispositif va être évaluée sur plusieurs années avant une éventuelle extension nationale (Gandré et al., 2019). Le remboursement des consultations chez le psychologue est déjà effectif dans plusieurs pays, et en discussion dans d’autres (De Block, 2018 ; Vasiliadis et Dezetter, 2015 ; Diminic et Bartram, 2018 ; Jorm, 2018). Atlas de la santé mentale en France 19 1 1 CARTE 2 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de psychologues libéraux en 2017 Pour 100 000 habitants Départements et régions d'outre-mer 101,3 30,8 A Guadeloupe France 29,7 24,3 19,8 20 km 14,8 B Martinique 6,3 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : RPPS-Adeli 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Les psychiatres L’offre de ville est complétée par l’activité des psychiatres libéraux. En 2017, sur les 15 307 psychiatres qui couvrent le territoire français, 6 509 exercent leur activité selon un mode d’exercice libéral ou mixte (43 %), soit une densité nationale de 9,9 pour 100 000 habitants. Selon l’Ordre des médecins, parmi eux, seuls 780 sont inscrits en tant que pédopsychiatres. Les psychiatres libéraux bénéficient, tout comme les médecins généralistes et les psychologues libéraux, de la liberté d’installation. La majorité des psychiatres libéraux (67 %) exercent en secteur 1, c’est-à-dire sans dépassement d’honoraires. Ces psychiatres sont d’ailleurs majoritaires dans l’ensemble des départements français, à l’exception de départements de région parisienne (Essonne, Yvelines, Hauts-de-Seine et Paris) où les psychiatres exerçant en secteur 2 sont plus nombreux. Notons également la situation particulière du Cantal et de la Meuse, qui en plus d'une faible densité de psychiatres libéraux, ne comptent que la moitié de professionnels ne pratiquant pas de dépassement d'honoraires. 20 Atlas de la santé mentale en France 20 km L’offre libérale de psychiatrie est très inégalement répartie sur le territoire. La densité de psychiatres libéraux ou mixtes varie dans un rapport de 1 à 59 entre les départements. La densité la plus élevée est observée dans le département parisien (64,4 pour 100 000 habitants) et la plus faible en Haute-Marne (1,1 pour 100 000 habitants). Le nombre total de psychiatres en France n’a cessé de croître depuis les années 1980, passant de 8 418 professionnels en 1984 à plus de 15 000 en 2017. Avec une densité nationale de 23 psychiatres (tous modes d’exercice confondus) pour 100 000 habitants, la France possède l’une des densités les plus élevées d’Europe (Coldefy et Le Neindre, 2014). Ce constat doit toutefois être nuancé par la prise en compte de la pyramide des âges de ces professionnels. En moyenne, 66 % des psychiatres libéraux d’un département sont âgés de 55 ans et plus et, dans plus de la moitié des départements, ce taux est supérieur à 50 %. Les départements concernés ne sont par ailleurs pas ceux fortement dotés en psychiatres libéraux ou mixtes. Ce constat suggère une potentielle diminution des effectifs de psychiatres libéraux dans les années à venir avec les départs à la retraite d'autant que la psychiatrie figure parmi les spécialités qui peinent L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de pédo-psychiatres libéraux et salariés en 2016 Pour 100 000 jeunes de 0 à 14 ans Départements et régions d'outre-mer 23,7 A Guadeloupe 11,5 7,9 France 6,7 20 km 5,4 B Martinique 2,9 0,9 20 km 0 Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km à attirer les étudiants lors des épreuves classantes nationales [Anguis, 2017]. Cela pourrait contribuer à aggraver les inégalités spatiales sur le territoire français. Cependant les projections démographiques réalisées par le ministère de la Santé prévoient une légère baisse du nombre de psychiatres entre 2016 et 2021 avant un retour à la hausse jusqu’en 2040, de façon similaire aux projections pour l’ensemble des médecins. La situation est critique pour les pédopsychiatres avec une densité nationale de 6,7 médecins pour 100 000 jeunes et une dizaine de départements dépourvus de toute offre de pédopsychiatres libéraux. La répartition territoriale met en évidence un gradient nord-sud, avec une meilleure couverture à Paris et au sud-ouest de la France (carte 3). Tout comme pour les médecins généralistes, la disponibilité des psychiatres libéraux sur le territoire peut être appréciée via l’APL qui tient compte à la fois de l’offre (en particulier niveau d’activité des médecins et distance géographique) et de la demande (taux de recours ajusté sur l’âge de la population). En 2013, les habitants des communes françaises ont eu accès en moyenne à 3,8 psychiatres pour 100 000 habitants. L’APL aux psychiatres libéraux apparaît particulièrement Discrétisation : quintiles. Sources : RPPS 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. élevée en zones urbaines (notamment les grandes aires urbaines de Paris, Marseille et Lyon) et péri­urbaines. Ainsi, les variations géographiques dans la disponibilité des psychiatres libéraux ne s’expliquent pas uniquement par des différences de besoins de soins des populations (carte 4 p. 22). Bien qu’il existe également une concentration dans les zones urbaines, la répartition des psychiatres n’est pas strictement superposable à celle des médecins généralistes, la disponibilité des psychiatres étant relativement élevée dans les départements sièges d’universités. Liens entre les professionnels de ville La coordination entre soins primaires et soins spécialisés en ville est déterminante pour permettre une prise en charge graduelle des troubles psychiques dont l’évolution n’est pas favorable, ainsi que pour garantir le suivi somatique des patients vivant avec ces troubles. Les conséquences d’une mauvaise coopération entre les professionnels de santé, et plus particulièrement entre le médecin généraliste et le psychiatre, sont en effet nombreuses et de mauvais pronostic pour les patients (absence ou retard au diagnostic, augmentation de la iatrogénie*, mauvaise obser- Atlas de la santé mentale en France 21 1 CARTE 3 1 CARTE 4 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Accessibilité potentielle localisée aux psychiatres libéraux en 2013 22 Atlas de la santé mentale en France L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires vance des traitements, rupture de soins, prise en charge somatique insuffisante, etc.) [Hardy-Baylé et Younès, 2014]. Pourtant, en France, les collaborations entre médecins généralistes, psychiatres et psychologues restent compliquées (Dumesnil et al., 2018). Afin d’y remédier, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié en 2018 un guide pour aider les professionnels à développer et renforcer la coordination interprofessionnelle dans la prise en charge des patients adultes vivant avec des troubles psychiques (HAS, 2018). Des structures pluriprofessionnelles sont par ailleurs en plein développement. Ainsi, en parallèle d’une offre de ville libérale en cabinets, l’offre de ville se diversifie pour simplifier les conditions d’exercice des professionnels de santé et améliorer la prise en charge des patients. De nouveaux modèles de soins ont ainsi vu le jour, parmi lesquels notamment les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les centres de santé. Les MSP ont été introduites dans la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2007 pour permettre aux professionnels libéraux d’accéder à un mode d’exercice collectif (Légifrance, 2007). Ces structures regroupent des professionnels de santé de premier recours, professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens, qui assurent de façon coordonnée un projet de soins partagé. Des psychologues exercent fréquemment dans ce type de structure pour réaliser le suivi de la santé mentale des patients. Ces initiatives locales ont vocation à maintenir les services publics de santé de proximité et à lutter contre la désertification médicale. Alors qu’en 2008 on comptabilisait seulement 20 MSP en France, elles sont 1 332 fin 2019 (DGOS, 2019). Les centres de santé viennent également compléter l’offre de soins de ville mais ils se distinguent des MSP par leur dimension plus sociale. Ces structures ont en effet pour mission prioritaire de contribuer à l’accès aux soins pour tous et sont principalement implantées dans les zones reculées ou à faibles ressources. Les professionnels de santé y exerçant sont des salariés pratiquant tous les tarifs du secteur 1 et le tiers payant intégral. Près de 2 000 centres de santé sont recensés en 2015 (FNSS, 2015). Enfin, des dispositifs de soins partagés, dédiés à la coopération entre médecins généralistes et psychiatres, se développent sous la forme d’initiatives locales sur le territoire français, notamment dans les Yvelines et la région de Toulouse. Ces dispositifs permettent aux médecins généralistes de solliciter une expertise spécialisée pour leurs patients souffrant de troubles psychiques avec une évaluation initiale de la situation ainsi que le possibilité de mettre en place des consultations systématiques de suivi si nécessaire (Hardy-Baylé et Younès, 2014). Par ailleurs, des initiatives politiques récentes, introduites par la loi de modernisation du système de santé de 2016, visent à faciliter la coordination des soins ambulatoires pour le bénéfice des patients (Légifrance, 2016a). Cette loi a ainsi prévu la création de Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui ont pour objectif de renforcer les liens entre les différents types de soins de ville et de proposer des actions et outils de coordination communs. Ces CPTS, créées à l’initiative des professionnels de santé, regroupent des acteurs des soins de premier et de deuxième recours (médecins généralistes et spécialistes, infirmiers, etc.), et, le cas échéant, des acteurs médico-sociaux ou sociaux, qui interviennent ensemble pour fluidifier le parcours de soins des personnes. Ces dispositifs sont actuellement en cours d’implantation sur les territoires. 1.1.2. L’offre en établissements de santé Plus de 600 établissements de santé sont autorisés en France pour une activité de psychiatrie, parmi les 3 000 établissements de santé recensés (Drees, 2018). Plus de la moitié d’entre eux appartiennent au secteur public et assurent 67 % des capacités d’accueil, contre 45 % des établissements de santé tous secteurs confondus. Le reste des établissements se répartissent à parts égales entre les cliniques privées et les établissements privés d’intérêt collectif. L’offre de soins en psychiatrie infanto-juvénile dépend presque exclusivement des établissements publics et privés d’intérêt collectif (Drees, 2019). La France se distingue de ses voisins européens par la part importante d’établissements spécialisés dans la prise en charge des troubles mentaux (Coldefy, 2012). 61 % des établissements dispensant des soins psychiatriques sont mono­ disciplinaires, et ce malgré un mouvement dans les années 1990 promouvant l’intégration de la psychiatrie à l’hôpital général. Cette intégration existe notamment en Angleterre et en Italie où les hôpitaux psychiatriques ont été fermés dans le cadre du mouvement de désinstitutionnalisation des soins psychiatriques (Chapireau, 2008 ; Glover, 2007). Elle tend à réduire la stigmatisa- Atlas de la santé mentale en France 23 1 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires tion associée aux maladies mentales et à la psychiatrie et à améliorer la prise en charge somatique des personnes suivies pour des troubles psychiques. La psychiatrie se distingue des autres spécialités médicales par l’importance et la diversité du gradient de soins proposés pour répondre aux différentes phases de la pathologie, depuis l’ambulatoire aux différentes prises en charge à temps complet, en passant par l’hospitalisation à temps partiel. L’offre est majoritairement publique et spécialisée et s’appuie sur de nombreuses structures extra-hospitalières développées pour la plupart dans le cadre de la politique de sectorisation psychiatrique et visant à favoriser l’intégration et le maintien dans la cité de la personne. Les établissements privés à but lucratif n’étant autorisés à ne proposer que des hospitalisations (à temps plein et partiel), dans le secteur privé, l’offre ambulatoire est proposée par les psychiatres libéraux exerçant en cabinet. Les établissements de santé autorisés en psychiatrie ont pris en charge 2,5 millions de personnes en 2017, soit près de 2 millions d’adultes (âgés de 16 ans ou plus) et 511 000 enfants et adolescents. Parmi ces patients, 340 000 ont été hospitalisés à temps plein. Les autres sont essentiellement suivis en ambulatoire. Les personnels des établissements de santé Les soins dispensés en établissement de santé le sont par des professionnels de santé qualifiés, exerçant leur activité au sein d’une équipe pluridisciplinaire (psychiatres, psychologues, infirmiers, assistants sociaux, psychomotriciens, etc.) assurant une prise en charge globale et coordonnée. Selon la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE), en 2016, plus de 120 000 professionnels (soit 110 000 Équivalents temps plein (ETP)) ont exercé en psychiatrie en établissement de santé, dont 12 300 professionnels médicaux (soit 8 900 ETP). Comparativement à l’ensemble des tableau 1 établissements de santé, avec 90 % des effectifs, le personnel non médical assure une part importante de la prise en charge des personnes en psychiatrie (tableau 1). La psychiatrie se distingue également des autres disciplines médicales par la faible proportion de praticiens hospitalo-universitaires, qui représentent moins de 2 % des ETP du personnel médical salarié, contre 8 % pour la médecine, chirurgie, obstétrique. Alors que plus de 80 % des personnes suivies en psychiatrie en établissement de santé le sont en ambulatoire, seuls 47 % du personnel non médical et 67 % du personnel médical exercent en dehors des unités d’hospitalisation à temps plein (carte 5 p. 25). Ces proportions sont très variables selon les établissements et peuvent renseigner sur l’intensité du virage ambulatoire opéré par les établissements de santé dans le cadre de la sectorisation psychiatrique. Comme pour l’offre libérale, les densités des personnels des établissements de santé varient fortement selon les territoires. En psychiatrie générale, la densité de psychiatres exerçant en établissement varie de moins de 5 ETP pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus en Saône-et-Loire, Jura, Dordogne ou dans les Landes à plus de 15 ETP de psychiatres pour 100 000 habitants à Paris, dans le Val-de-Marne, le Rhône ou la Haute-Vienne. Pour le personnel de soins et de services socio-éducatifs, la Haute-Corse, la Saôneet-Loire, le Puy-de-Dôme, la Seine-et-Marne, la Haute-Savoie déclarent moins de 100 ETP de personnels de soins pour 100 000 habitants contre plus de 300 en Haute-Saône, Lozère ou Dordogne. La démographie des personnels médicaux et non médicaux ne se superpose pas (carte 6 p. 26). En psychiatrie infanto-juvénile, les disparités sont encore plus marquées. La densité de psychiatres exerçant en établissement de santé varie de moins de 5 ETP pour 100 000 jeunes en Guyane, Saôneet-Loire, Indre, Alpes-de-Haute-Provence, Orne, Ardennes à plus de 20 ETP à Paris, en Corse-duSud, en Haute-Vienne, dans le Val-de-Marne et le Rhône. Pour les autres personnels soignants, les densités varient de moins de 70 ETP pour 100 000 Densité des différents types de personnel exerçant en établissement de santé Type de personnel Densité de psychiatres Densité de personnels médicaux autres Densité de personnels soignants et socio-éducatifs Psychiatrie générale pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus Psychiatrie infanto-juvénile pour 100 000 habitants de moins de 16 ans 10,8 13,4 1,7 0,7 156,4 134,4 Sources : SAE 2015, Insee. 24 Atlas de la santé mentale en France L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Part des personnels soignants et éducatifs exerçant en dehors des unités d’hospitalisation à temps plein Équivalents temps plein Départements et régions d'outre-mer 87,0 A Guadeloupe 54,0 France 47,1 46,7 42,8 20 km 38,3 B Martinique 0,7 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km jeunes en Saône-et-Loire, Indre-et-Loire, Côtes d’Armor, Puy-de-Dôme à plus de 300 dans le Lot, la Corse du Sud et la Lozère (carte 7 p. 27). Depuis 2012, une nouvelle catégorie d’intervenants en santé mentale émerge en France, sous l’égide du Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS). Ces nouveaux intervenants viennent compléter la plurisdiciplinarité des équipes soignantes : les pairs-aidants* professionnels ou médiateurs de santé, pairs qui ont pour mission la médiation en santé mentale. La particularité de ces médiateurs est d’être des « ex-usagers de la psychiatrie » d’où la référence à la notion de « pair ». A l’instar d’autres pays tels que les États-Unis, le Canada, l’Angleterre, l’Australie, le Danemark ou les Pays-Bas, la France a mis en place en 2012 une première promotion de médiateurs de santé pairs dans trois régions pilotes (Ile-de-France, Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte-d’Azur) issus d’un cursus universitaire diplômant. Depuis 2018, une nouvelle formation de niveau licence de science sanitaire et sociale mention médiateur de santé pair est mise en place. Une trentaine d’établissements (dont un quart d’établissements médico-sociaux) accueillent ces nouveaux professionnels. La litté- Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015. Infographie : Irdes 2019-20. rature internationale montre que l’intégration de pairs-aidants dans les services de santé mentale a des effets positifs pour : les usagers des services de santé mentale (amélioration de l’accès aux soins et de l’observance du traitement, transmission aux usagers de l’espoir du rétablissement à tous les stades de la maladie, développement de l’empowerment des usagers, amélioration de leur fonctionnement social, diminution de l’auto-stigmatisation et de la mésestime de soi, etc.) ; les équipes de soins (diversification et amélioration de la prise en charge, amélioration de l’alliance thérapeutique, évolution favorable des représentations liées aux personnes vivant avec des troubles psychiques, etc.) ; les pairs-aidants euxmêmes (amélioration de la qualité de vie, reprise d’une activité professionnelle, évolution favorable du parcours du rétablissement) [CCOMS, de Vayshenker et al., 2016 ; Crane et al., 2016]. Le recrutement de pairs-aidants est encore peu pratiqué en France au sein des équipes de psychiatrie, se heurtant en partie à une acceptation difficile par les professionnels de santé traditionnels. En 2018, moins de 50 médiateurs de santé pairs exercent dans des services de santé mentale en France. Atlas de la santé mentale en France 25 1 CARTE 5 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité d’Équivalents temps plein (ETP) moyens exerçant en établissement de santé en psychiatrie générale en 2015 CARTE 6 6a Psychiatres Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 25,7 A Guadeloupe 11,4 9,8 France 10,8 20 km 8,4 B Martinique 7,2 1,8 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 6b Personnels soignants Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 341,6 A Guadeloupe 210,6 174,9 151,0 France 156,4 20 km B Martinique 131,5 15,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 26 Atlas de la santé mentale en France 20 km L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires 1 Densité d’Équivalents temps plein (ETP) moyens exerçant en établissement de santé en psychiatrie infanto-juvénile en 2015 Psychiatres CARTE 7 7a Pour 100 000 habitants de moins de 16 ans Départements et régions d'outre-mer 47,1 A Guadeloupe 15,1 France 13,4 12,4 20 km 10,7 B Martinique 8,4 3,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Personnels soignants Pour 100 000 habitants de moins de 16 ans Départements et régions d'outre-mer 363,3 A Guadeloupe 199,2 156,8 France 134,4 20 km 128,2 B Martinique 111,0 39,4 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 27 7b 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires 1.1.3. Les structures de soins Les prises en charge ambulatoires Au sein des établissements de santé, la majorité des personnes suivies en psychiatrie bénéficient d’une prise en charge ambulatoire. 1,6 millions de personnes, soit environ 80 % des adultes suivis en psychiatrie en établissement de santé, le sont exclusivement en ambulatoire en 2016 (Drees, 2018). Plus de 21 millions d’actes ambulatoires ont été réalisés en 2016, dont 75 % en psychiatrie générale. La majorité des actes réalisés sont des consultations médicales ou entretiens soignants dispensés en Centre médico-psychologique (CMP) [60 %], mais aussi en Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) [13 %], au domicile des patients ou en institutions substitutives au domicile (8 %), en unités d’hospitalisation somatique (5 %), en établissements pénitentiaires (4 %) et dans d’autres lieux divers (12 %). L’offre ambulatoire des établissements publics ou à but non lucratif repose essentiellement sur les CMP. Implantées pour la plupart hors de l’enceinte hospitalière, les équipes pluriprofessionnelles des CMP coordonnent l’ensemble des actes de soins ambulatoires : consultations médicales, entretiens soignants, démarches et accompagnement social, dans les locaux de la structure ou plus rarement à domicile. Le cas échéant, elles orientent les patients en direction de structures plus adaptées (CATTP, hospitalisation de jour ou de nuit…). En 2016, 2 263 CMP de psychiatrie générale et 1 545 CMP de psychiatrie infanto-juvénile sont présents sur le territoire français. Le nombre de structures est en augmentation pour la psychiatrie générale comme pour la psychiatrie infanto-juvénile. Ainsi, entre 2006 et 2016, on compte respectivement 680 et 500 CMP supplémentaires et 11 % de structures en plus ouvertes cinq jours ou plus par semaine. La densité nationale de CMP s’élève à 4 pour 100 000 habitants de 16 ans et plus pour la psychiatrie générale et 11 pour 100 000 habitants de moins de 16 ans pour la psychiatrie infanto-juvénile. Des disparités territoriales marquées sont observées avec des densités de CMP qui semblent plus élevées dans les départements ruraux qu’urbains. Pour autant, ces disparités doivent être interprétées avec précaution car elles ne renseignent pas sur les ressources humaines disponibles dans les différents CMP qui peuvent être de taille très variable. Certains territoires urbains privilégient des structures concentrées de taille importante avec des horaires d’ouverture amples, alors que, dans 28 Atlas de la santé mentale en France les territoires ruraux, des antennes de CMP sont dispersées sur le territoire pour assurer une meilleure couverture géographique. Il demeure que plusieurs enquêtes montrent des difficultés d’accès à un premier rendez-vous en CMP. Les délais d’attente peuvent être très importants, et ce particulièrement en psychiatrie infanto-juvénile. Selon une étude réalisée par l’ARS Rhône-Alpes en 2014 auprès de plus de 300 structures, le délai moyen d’attente pour un premier rendez-vous hors urgence y est de 21 jours pour la psychiatrie générale et de 116 jours pour la psychiatrie infanto-juvénile (Ynesta et Danguin, 2015). Ces délais importants constituent une véritable barrière d’accès aux soins de santé mentale, notamment chez les jeunes (Redko, Rapp, et Carlson, 2006 ; O’Brien et al., 2016). Ils peuvent avoir des conséquences sur le pronostic des patients puisqu’un retard à la prise en charge initiale des troubles mentaux est associé à des résultats cliniques moins favorables (Kisely et al., 2006). Un des défis de la prise en charge psychiatrique est le non-recours aux soins et les ruptures de soins qui touchent plus particulièrement les populations défavorisées et désocialisées. Depuis quelques années, en parallèle aux visites à domicile que peuvent réaliser les équipes des CMP (mais qui ont tendance à se réduire avec les contraintes budgétaires), des équipes mobiles spécialisées, se déplaçant dans le milieu de vie des personnes, se sont développées afin de répondre aux objectifs d’évolution vers une psychiatrie « hors les murs ». Les plus nombreuses sont les Equipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP). La sectorisation, en reposant sur l’orientation des personnes selon leur appartenance à une aire géographique délimitée, est un frein à l’entrée en soins des personnes en situation de précarité et d’exclusion sociale, dont le mode de vie est souvent caractérisé par l’itinérance. Fondées sur le principe d’aller au-devant des populations concernées, des équipes pluridisciplinaires, composées de professionnels issus des secteurs sanitaires et sociaux, se déplacent jusqu’à leurs lieux de vie. Les EMPP sont chargées de faciliter l’entrée dans le circuit du soin des publics concernés quel que soit le lieu, en assurant la prévention et le repérage précoce des troubles, et en facilitant l’orientation et l’accès au dispositif de soins lorsque cela s’avère nécessaire. Ces équipes s’adressent aux personnes en souffrance psychique, mais remplissent aussi des fonctions de soutien et de formation à destination des acteurs de première ligne. Ainsi, les EMPP font office d’interface entre les secteurs de psychiatrie, les équipes sanitaires, sociales et mé- L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires dico-sociales, afin de fournir une prise en charge adaptée et coordonnée aux patients. Au total, 152 équipes mobiles couvrent l’ensemble du territoire en 2015 (contre 126 en 2011, soit une augmentation de 21 %) et trois-quarts des départements en sont équipés. Toutefois, il existe de nombreuses disparités au niveau de leur implantation géographique, avec cinq départements possédant au moins cinq EMPP (le Nord, l’Hérault, les AlpesMaritimes, le Pas-de-Calais et Paris). Ces départements sont aussi ceux qui enregistrent le plus de personnes en situation de précarité. Les disparités d’offre observées en termes d’EMPP pourraient en partie s’expliquer par des différences de besoins des populations desservies. D’autres équipes mobiles existent mais ne font pas l’objet d’un recensement national. Il s’agit notamment des équipes mobiles d’urgence et de crise, dont des équipes d’intervention précoce pour les troubles psychotiques, qui sont pourtant fréquentes à l’étranger et qui ont été développées à la suite d’évaluations de leur efficacité (Baumann et al., 2013 ; Johnson, 2013). Certaines équipes mobiles se sont spécialisées dans les interventions auprès de publics jeunes (périnatalité, adolescents et jeunes adultes) ou au contraire âgés, ou dans la prise en charge de certains troubles spécifiques comme les addictions. Les prises en charge à temps complet et partiel Depuis l’instauration de la psychiatrie sectorisée dans les années 1960, l’organisation des soins a considérablement évolué, passant d’une psychiatrie exclusivement hospitalière à une psychiatrie désinstitutionnalisée, au plus près du lieu de vie des populations. Cette nouvelle organisation des soins a eu pour conséquence une réduction des capacités d’hospitalisation au profit des prises en charge ambulatoires et à temps partiel. En France, le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie a été divisé par deux entre 1985 et aujourd’hui. La France comptait plus de 110 000 lits d’hospitalisation en psychiatrie en 1985 contre 56 000 en 2017, soit 84 lits pour 100 000 habitants. Depuis 2007, leur nombre tend à se stabiliser du fait notamment d’une évolution contraire selon les types d’établissements : les établissements publics et Espic tendent à poursuivre la fermeture de lits, alors que les établissements privés à but lucratif tendent à les augmenter. Différents types de séjours hospitaliers sont disponibles afin d’offrir une gamme de prise en charge complète et adaptée. Ils se différencient suivant la nature des soins à prodiguer, et notamment de leur intensité, mais aussi en fonction de la nécessité d’une mise sous surveillance médicale constante ou épisodique. L’hospitalisation à temps plein L’hospitalisation à temps plein est la principale modalité de prise en charge à temps complet puisqu’elle représente 91 % des prises en charge. Cette modalité de soins correspond à une hospitalisation d’au minimum 24 heures réservée aux situations les plus aigües qui requièrent des soins intensifs associés à une surveillance médicale continue. 53 424 lits de psychiatrie générale et 2 228 lits de psychiatrie infanto-juvénile y sont dédiés en 2017 (Drees, 2019). La psychiatrie représente ainsi 14 % des capacités d’hospitalisation complète des établissements de santé français. Les lits sont majoritairement rattachés à des établissements publics (62 % pour la psychiatrie générale et 72 % pour la psychiatrie infanto-juvénile) et, dans une moindre mesure, aux établissements privés à but lucratif (25 % et 11 %) et aux établissements privés d’intérêt collectif (13 % et 18 %). Ce sont 337 600 patients adultes et 10 400 enfants ou adolescents qui ont été accueillis dans ce mode de prise en charge en 2016, soit respectivement 19 et 2,3 % des files actives* suivies en psychiatrie en établissement de santé. Alors que la France présente une densité de lits d’hospitalisation en psychiatrie élevée en comparaison à la plupart des pays de l’OCDE (OCDE, 2017), une partie non négligeable de ces capacités d’accueil n’est pas disponible pour de nouvelles admissions. En effet, un quart des lits sont occupés par des patients hospitalisés au long cours, sans que cela ne soit pour autant le résultat d’une indication thérapeutique. En 2017, ce sont plus de 15 000 patients qui ont été hospitalisés plus de 270 jours dans l’année. Une partie de ces situations est liée à un défaut d’offre d’accompagnement et d’hébergement non médicalisé plus adaptée (Coldefy et Nestrigue, 2014). En 2016, la densité nationale, tout type d’établissements confondus, est de 103 lits d’hospitalisation à temps plein en psychiatrie générale pour 100 000 habitants âgés de 16 ans et plus et de 18 lits pour 100 000 habitants de moins de 16 ans (carte 8 p. 30). Des disparités territoriales marquées sont cependant observées. Ainsi, en psychiatrie générale, la densité de lits par département varie de moins de 60 lits pour 100 000 ha- Atlas de la santé mentale en France 29 1 1 CARTE 8 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de lits d'hospitalisation à temps plein en 2016 8a Psychiatrie générale Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 195,1 A Guadeloupe 131,5 116,2 94,1 France 103,2 20 km B Martinique 77,2 53,8 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 8b Psychiatrie infanto-juvénile Pour 100 000 habitants de moins de 16 ans Départements et régions d'outre-mer 148,1 A Guadeloupe 27,4 19,4 France 18,0 20 km 12,6 B Martinique 9,4 0,0 20 km 0 Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 30 Atlas de la santé mentale en France 20 km L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires bitants de 16 ans et plus (à Mayotte, en Meurtheet-Moselle et dans la Loire) à plus de 160 lits pour 100 000 habitants de 16 ans et plus dans des départements ruraux (tels que la Haute-Saône, la Dordogne, l’Yonne, la Lozère, les Hautes-Pyrénées ou la Creuse). Globalement, cette densité est plus importante dans la moitié sud de la France, du fait d’une offre privée s’ajoutant à l’offre publique. Les plus fortes densités sont rencontrées dans les départements plutôt ruraux, sièges d’implantation historique des grands établissements spécialisés dans la lutte contre les maladies mentales, parmi lesquels plusieurs ont un statut d’Espic. Pour la psychiatrie infanto-juvénile, onze départements ne disposent d’aucune capacité d’hospitalisation à temps plein alors qu’à l’inverse les Hautes-Alpes et les Landes ont une capacité d’accueil de plus de 100 lits pour 100 000 habitants de moins de 16 ans, notamment du fait d’une offre privée importante qui s’ajoute à l’offre publique. Cinq départements possèdent une offre d’hospitalisation à temps plein uniquement portée par des établissements pluridisciplinaires : les Alpesde-Haute-Provence, l’Ariège, les Deux-Sèvres, les Hautes-Alpes et la Guyane. A l’inverse, l’offre de psychiatrie hospitalière de 31 départements est uniquement portée par des établissements spécialisés. Des établissements privés à but lucratif sont implantés dans 61 départements français. Ils se concentrent davantage dans le sud de la France, principalement au niveau du littoral méditerranéen et des Pyrénées. La densité nationale de lits d’hospitalisation à temps plein dans ces établissements est de 25 lits pour 100 000 habitants de 16 ans et plus. Dans neuf départements (les Bouches-du-Rhône, le Var, les Pyrénées Orientales, le Loir-et-Cher, le Gard, l’Hérault, la Loire, la Haute-Garonne et la Haute-Corse), cette offre privée est majoritaire et représente plus de la moitié des capacités d’hospitalisation à temps plein en psychiatrie générale. Au-delà de la quantité d’offre disponible, son éloignement peut être parfois problématique et défavorable au maintien du lien avec la famille ou les proches, notamment dans le cas de l’hospitalisation d’enfants ou d’adolescents. C’est particulièrement le cas quand les temps d’accès en voiture à l’unité d’hospitalisation la plus proche dépassent fréquemment une heure (carte 9 p. 32-33). Autres modalités de soins à temps complet Bien que l’hospitalisation à temps plein soit la forme d’activité majoritaire des prises en charge à temps complet (prises en charge continues de jour et de nuit), il existe d’autres modalités de soins à temps complet situées en dehors de l’hôpital telles que les séjours thérapeutiques, l’hospitalisation à domicile, l’accueil familial thérapeutique, les appartements thérapeutiques, les centres de post-cure et les centres de crise. En 2017, elles représentaient 6 089 lits et places pour la psychiatrie générale, l’accueil familial thérapeutique en constitue la principale modalité (43 % des lits et places). 852 places alternatives sont recensées pour la psychiatrie infanto-juvénile, sous la forme majoritaire d’accueil familial thérapeutique. Pour les patients de moins de 16 ans, ces modalités de soins représentent plus d’un quart (28 %) des capacités de prise en charge à temps complet. Dans certains départements, elles constituent l’unique modalité de prise en charge à temps complet en psychiatrie-infanto-juvénile, c’est le cas notamment de la Corrèze, de la Creuse, de la Manche, de la Martinique et de l’Eure. En psychiatrie générale, en 2016, la densité moyenne de ces autres modalités de soins à temps complet est de 12 places pour 100 000 habitants de 16 ans et plus. Cette modalité de prise en charge est marquée par une très forte hétérogénéité sur l’ensemble du territoire : la majorité des départements possède un nombre de places ou de lits inférieurs à la moyenne alors que trois départements se distinguent avec des densités supérieures à 50 lits ou places pour 100 000 habitants : l’Allier, le Cher et l’Aisne (carte 10 p. 34). L’hospitalisation à temps partiel L’hospitalisation à temps partiel correspond à une hospitalisation de moins de 24 heures, et constitue une alternative aux prises en charge à temps complet. Le temps partiel ne se limite pas à la seule hospitalisation, il peut également se matérialiser par une activité dispensée au sein d’un atelier thérapeutique visant la réinsertion sociale de la personne. L’hospitalisation à temps partiel peut avoir une visée diagnostique ou thérapeutique et se dérouler de jour, allant d’une demi-journée à la journée complète, ou de nuit, lorsque l’état de santé du patient nécessite une surveillance médicale nocturne. On compte en France, en 2017, près Atlas de la santé mentale en France 31 1 1 CARTE 9 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Temps moyen d'accès (en véhicule) aux unités d'hospitalisation temps plein en 2015 9a Psychiatrie générale 32 Atlas de la santé mentale en France L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires 1 Temps moyen d'accès (en véhicule) aux unités d'hospitalisation temps plein en 2015 Psychiatrie infanto-juvénile 9b Atlas de la santé mentale en France 33 CARTE 9 1 CARTE 10 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de places des autres modalités de soins à temps complet en 2016 10a Psychiatrie générale en 2016 Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 146,2 A Guadeloupe 16,1 9,8 France 11,9 20 km 6,4 B Martinique 4,2 0,5 20 km 0 C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 10b Psychiatrie infanto-juvénile en 2015 Pour 100 000 habitants de moins de 16 ans Départements et régions d'outre-mer 77,1 A Guadeloupe 20,2 10,3 5,5 France 6,4 20 km B Martinique 2,9 0,5 20 km 0 Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 34 Atlas de la santé mentale en France 20 km L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires de 30 000 places1 d’accueil en hôpital de jour ou de nuit dont 9 500 sont destinées à la psychiatrie infanto-juvénile. Ce nombre a doublé depuis les années 1980. Ces places sont majoritairement rattachées aux établissements publics (75 %), et aux Espic (19 %), même si elles tendent à se développer au cours du temps dans les établissements privés à but lucratif avec 1 750 places en 2017 contre moins de 500 avant 2008. Les places d’hospitalisation à temps partiel représentent un quart des capacités d’hospitalisation en psychiatrie générale contre 75 % pour la psychiatrie infanto-juvénile. Les prises en charge en hospitalisation à temps plein pour les enfants et les adolescents sont en effet plus rares et correspondent à des indications limitées. En 2016, la densité nationale en places d’hospitalisation à temps partiel de psychiatrie est de 37 pour 100 000 habitants de 16 ans et plus (soit 40 % des places d’hospitalisation à temps partiel toutes spécialités confondues dans les établissements de santé français) et de 71 pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. On observe néanmoins des disparités importantes selon les départements, plus marquées pour la psychiatrie infanto-juvénile (carte 11 p. 36). Près de 300 ateliers thérapeutiques et 1 900 CATTP viennent compléter l’offre de prise en charge à temps partiel. Ces dispositifs ont pour fonction la réinsertion sociale et l’autonomie des usagers des services de santé mentale. Ils proposent des soins peu intensifs déclinés sous la forme d’ateliers (soutien, thérapie de groupe…). Les densités de structures, lits ou places disponibles, selon les différents modes de prise en charge en établissements de santé, à la fois pour la psychiatrie générale et la psychiatrie infanto­ juvénile, sont synthétisées dans le tableau 2 et la figure 1 p. 37. Densité de structures, lits ou places disponibles en établissements de santé en 2016 Densité de structures, lits et/ou places Mode de prise en charge Ambulatoire (nombre de centres médico-psychologiques) Hospitalisation à temps plein (nombre de lits) En psychiatrie générale (pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus) En psychiatrie infanto-juvénile (pour 100 000 habitants de moins de 16 ans) 4 11 103 18 Alternatives à l’hospitalisation à temps complet (nombre de lits ou places) 12 6 Hospitalisation à temps partiel (nombre de places) 37 71 Sources : SAE 2016, Insee. 1 1 Le nombre de places correspond au nombre de patients pouvant être accueillis en même temps au sein d’un établissement de santé. Atlas de la santé mentale en France 35 tableau 2 1 CARTE 11 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de places en hospitalisation à temps partiel 11a Psychiatrie générale en 2016 Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 106,1 A Guadeloupe 47,6 39,7 30,4 France 37,1 20 km B Martinique 24,5 11,3 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 11b Psychiatrie infanto-juvénile en 2015 Pour 100 000 habitants de moins de 16 ans Départements et régions d'outre-mer 204,9 A Guadeloupe 99,7 77,1 61,7 France 70,7 20 km B Martinique 48,7 9,8 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 36 Atlas de la santé mentale en France 20 km 1 1 Atlas de la santé mentale en France Densité pour 100 000 habitants* générale infanto-juvénile générale Nombre de lits/places en psychiatrie... infanto-juvénile Alternatives à l’hospitalisation à temps plein Hospitalisation à temps partiel Nombre de places en psychiatrie... générale infanto-juvénile 37 France métropolitaine : régions 2016 générale infanto-juvénile Nombre de centres médico-psychologiques en psychiatrie... Ambulatoire Chaque point représente un département français. Il est positionné sur le graphique en fonction de sa densité de lits, places ou structures. La couleur associée indique sa région d'appartenance. La moyenne nationale est représentée par une ligne pointillée. France d’outre-mer Couleurs des points Sources. Psychiatrie générale : SAE 2016. Psychiatrie infanto-juvénile : SAE 2015, Insee. Infographie : Irdes 2020. * âgés de 16 ans et plus pour la psychiatrie générale adulte et de moins de 16 ans pour la psychiatrie infanto-juvénile. 0 25 50 100 150 204 Nombre de lits en psychiatrie... Hospitalisation à temps plein Densité d'équipements (lits, places, structures) en psychiatrie en 2015-2016 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires 1 FIGURE 1 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires 1.1.4. Les unités à destination de populations spécifiques Si la politique de sectorisation psychiatrique a pendant longtemps privilégié une prise en charge généraliste et non spécialisée, de plus en plus de dispositifs se mettent en place pour proposer une offre spécifique à certaines populations ou pathologies. Les unités spécialisées dans la prise en charge de patients agités ou difficiles Des unités spécialisées dans la prise en charge de patients agités ou difficiles ont été mises en place afin de répondre à des besoins spécifiques et ponctuels : les Unités pour malades difficiles (UMD) ou les Unités de soins intensifs psychiatriques (Usip). Les UMD sont des structures psychiatriques spécialisées dans l’accueil des personnes présentant une dangerosité pour elles-mêmes ou pour autrui. L’admission en UMD relève des soins psychiatriques sans consentement* sous la forme d’une hospitalisation complète assortie de protocoles de soins intensifs et de mesures de sûreté particulières. Ces unités, à vocation interrégionale, sont implantées dans des centres hospitaliers spéciali- CARTE 12 sés. En 2016, le territoire français compte 10 UMD qui se situent dans les départements du Val-deMarne, du Vaucluse, de la Moselle, de la Gironde, de la Corrèze, de la Seine-Maritime, du Rhône, de la Marne, du Tarn et des Côtes d’Armor (carte 12). Les Usip sont des structures de soins intermédiaires aux unités psychiatriques traditionnelles et aux UMD. Ces unités intersectorielles offrent un cadre sécurisé aux patients en état de crise ou présentant des troubles majeurs du comportement, mais ne relevant pas d’une admission en UMD en l’absence d’une dangerosité particulière. En 2016, 22 départements disposent de ce type d’unité. Ces unités spécialisées dans la prise en charge des patients hospitalisés présentent une répartition hétérogène sur le territoire métropolitain, qui peut notamment être liée à la vocation interrégionale des UMD. On observe néanmoins une sous-dotation dans le centre ouest de la France (carte 12). Les centres experts et centres ressources Les centres experts sont des plateformes de soins spécialisées par pathologie, à la différence des services classiques de psychiatrie. Ils sont label- Présence d'unités spécialisées dans la prise en charge de patients agités ou difficiles en 2016 (Unités de soins intensifs psychiatriques (Usip) et Unités pour malades difficiles (UMD)) Nombre d’unités Départements et régions d'outre-mer 3 A Guadeloupe 1 20 km B Martinique 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Source : SAE 2016. Infographie : Irdes 2019-20. 38 Atlas de la santé mentale en France 20 km L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires lisés par la fondation de coopération scientifique FondaMental, hébergés au sein de services hospitaliers et intègrent des équipes pluridisciplinaires. Ils sont accessibles sur orientation par le médecin généraliste ou le psychiatre. 43 centres labellisés sont présents sur le territoire français. 13 d’entre eux sont spécialisés dans la prise en charge de la dépression résistante, 12 dans celle des troubles bipolaires, 10 dans celle de la schizophrénie et 8 dans celle de l’autisme de haut niveau. Ils visent à fournir une prise en charge personnalisée, s’appuyant sur des techniques de soins orientées vers le rétablissement, notamment la réhabilitation psychosociale après une démarche évaluative et diagnostique commune aux différents centres (Fondation FondaMental, 2017). Ils ne se substituent pas aux soins mais visent à leur apporter un soutien, à partir d’une évaluation poussée. Ces centres s’inscrivent par ailleurs dans une dynamique de recherche à partir des données collectées auprès des personnes. Par ailleurs, des centres de ressources, réhabilitation psychosociale, handicap psychique ou encore autisme complètent cette offre d'expertise spécialisée à vocation régionale. 1.2. L’offre d’accompagnement La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 a reconnu le handicap psychique pour la première fois de façon officielle en France (Milano, 2009). Ce handicap renvoie aux limitations rencontrées dans la vie quotidienne par les personnes vivant avec un trouble psychique. Les conséquences de la pathologie (par exemple : troubles de la volonté, altération de la vision du monde, somnolence provoquée ou renforcée par les traitements,…) peuvent impacter la vie sociale et professionnelle. Le handicap psychique est caractérisé en particulier par des difficultés dans les relations sociales, un repli sur soi, et des difficultés à prendre des initiatives. L’offre médico­-sociale sur le territoire doit pouvoir accompagner les personnes afin qu’elles soient en capacité d’accéder et de se maintenir dans un logement autonome, d’accéder à une scolarisation, à des études, à un emploi qui leur conviennent, à une participation active à la vie sociale et citoyenne, par des solutions diversifiées, graduées et modulables en fonction de leurs besoins et projet personnalisé. Pour ce faire, l’offre d’accompagnement à destination des personnes en situation de handicap psychique est spécifique et doit prendre en compte : le caractère variable, intermittent et évolutif des troubles, imposant un ajustement en continu de l’accompagnement proposé et la nécessité de co-construire les solutions avec la personne et ses aidants ; la difficulté des personnes à demander de l’aide et la nécessaire reconnaissance des capacités d’auto-détermination et du rôle de citoyen de la personne (Anesm, 2016). La reconnaissance récente du handicap psychique par la loi de 2005 rend cependant difficile le recensement exhaustif de l’offre médico-sociale disponible en la matière à travers les systèmes d’infor- mation existants, contrairement à l’offre sanitaire globale. En effet, cette reconnaissance a bousculé l’organisation des établissements et services médico-sociaux, qui ne prenaient jusque-là pas en compte de manière officielle les personnes avec des troubles psychiques. Pour autant, certains établissements accueillaient déjà des personnes avec des troubles psychiques (Bergeron, Eldeminan, 2018). Plutôt que de créer des structures dédiées à ce type de handicap, des établissements se sont ouverts à cette population. Pour mieux les identifier, ne sont conservés ici que les structures et services pouvant accueillir les personnes en situation de handicap psychique, en excluant les places autorisées pour personnes en situation de handicaps moteurs, visuels, auditifs et polyhandicaps. Seul le Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) a pu être mobilisé pour qualifier l’offre d’accompagnement et d’hébergement disponible pour la prise en charge du handicap psychique. L’offre médicosociale spécifiquement dédiée aux enfants et adolescents est présentée dans l’encadré 1 p. 42. Plusieurs types d’établissements et de services coexistent pour les personnes adultes en situation de handicap. Ils se différencient du fait de la nature des besoins des personnes en leur dispensant un accompagnement médico-social dans leur milieu ordinaire de vie ou en institution. Ils ont vocation à être un support social et éducatif en vue de maintenir ou de recouvrer une certaine autonomie et sont en mesure de répondre aux besoins de soins. Certains sont des structures d’hébergement, d’autres sont des dispositifs d’accompagnement dans la vie quotidienne ou encore d’accompagnement à l’emploi, à la formation et aux activités courantes. L’offre d’établissements et de services a pratiquement doublé en dix ans pour Atlas de la santé mentale en France 39 1 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires s’adapter aux besoins des personnes en situation de handicap. Elle se développe plus rapidement dans les services que dans les établissements. Sur les 494 353 places que compte le territoire en 2017, 75 % peuvent potentiellement accueillir des personnes en situation de handicap psychique. Le paysage de l’offre médico-sociale est aujourd’hui en profonde mutation, traversé par les dynamiques que représente la « réponse accompagnée pour tous » afin de répondre de manière individualisée aux besoins des personnes et de permettre leur inclusion en milieu ordinaire autant que possible. Cette transformation s’applique également au handicap psychique et est déclinée dans la stratégie quinquennale de transformation de l’offre médico-sociale pour la période 2017-2021 (Ministère des Affaires sociales et de la Santé, 2016). 1.2.1. L’accompagnement dans la vie quotidienne et courante Les personnes en situation de handicap psychique peuvent rencontrer des limitations dans la vie quotidienne et courante pour assurer leur hygiène corporelle, s’habiller de façon adaptée, préparer un repas équilibré, gérer leurs médicaments, leur sécurité (se protéger des abus, savoir demander de l’aide, connaître ses limites, etc.), gérer leurs dépenses courantes, réaliser des démarches administratives, sortir de leur domicile, utiliser les transports en commun, conduire un véhicule, faire leurs courses, etc. (Anesm, 2016). Pour répondre à ces besoins, plusieurs services ou dispositifs sont proposés par le secteur médicosocial. Le Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) s’adresse aux personnes en situation de handicap dont la vie en logement de droit commun est rendue possible par un accompagnement adapté. Basé sur un projet individuel de prise en charge et d’accompagnement, le SAVS vise à favoriser le maintien ou la restauration de l’ensemble des liens sociaux de la personne, offre un suivi éducatif et psychologique ainsi qu’une assistance dans la réalisation de l’ensemble des actes de la vie quotidienne. L’accompagnement délivré par le SAVS est proportionnel aux besoins de chaque usager et peut être permanent, temporaire ou séquentiel. La répartition des 32 198 places en SAVS que compte le territoire français est également caractérisée par des disparités géographiques majeures 40 Atlas de la santé mentale en France avec des densités de places qui varient dans un rapport de 1 à 20 selon les territoires. Alors que la densité nationale est de 79 places de SAVS pour 100 000 adultes âgés de 20 ans ou plus, leur nombre varie de moins de 20 en Seine-et-Marne, Martinique, Haute-Corse, Moselle, Seine-SaintDenis et Territoire de Belfort à plus de 200 places dans le Doubs, les Côtes d’Armor, l’Indre et la Corrèze (carte 13). Dans la continuité des prestations offertes par le SAVS, le Service d’accompagnement médico­ social pour adultes handicapés (Samsah) contribue à la réalisation du projet de vie de la personne tout en proposant un accompagnement médical et paramédical qui permet son maintien en milieu ordinaire. L’offre de places installées en Samsah est tout aussi hétérogène que celle en SAVS. Alors que la densité nationale est de 20 places pour 100 000 habitants de 20 ans et plus, sept départements comptent moins de 5 places pour 100 000 habitants (Creuse, Moselle, Meuse, Essonne, HautesPyrénées, Ardèche et Vosges), tandis que la Corrèze, le Cantal et les Ardennes offrent plus de 80 places de Samsah pour 100 000 adultes. Si dans certains territoires les offres de services d’accompagnement se complètent, dans d’autres elles font défaut ou à l’inverse semblent très présentes au regard de la population locale à desservir (carte 14). Plus récemment, les Pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE), institués en 2016, sont appelés à être une des briques de la transformation en cours de l’offre médico-sociale. Plus de 100 existent actuellement sur le territoire et s’adressent à toute personne en situation de handicap pour soutenir son projet de vie en milieu ordinaire dans un objectif inclusif. 1.2.2. L’accompagnement à l’emploi, à la formation et aux activités courantes La demande d’accès à l’emploi en milieu ordinaire est forte parmi les personnes en situation de handicap psychique, le travail étant à la fois source de revenus mais aussi de reconnaissance sociale et de mise à distance du handicap (Anesm, 2016). De nombreuses études montrent un lien entre le rétablissement et le travail. L’activité permet d’augmenter l’estime de soi, de ne pas se focaliser sur les symptômes de la maladie, de se libérer de L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de places installées en Services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) 1 CARTE 13 Pour 100 000 habitants de 20 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 260,6 A Guadeloupe 130,5 88,8 France 79,2 20 km 67,9 B Martinique 45,8 0,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Finess 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Densité de places installées en Services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah) Pour 100 000 habitants de 20 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 87,4 A Guadeloupe 32,1 22,8 France 20,3 20 km 16,7 B Martinique 11,9 0,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Finess 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 41 CARTE 14 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires l’image stigmatisante du handicap, de développer des contacts sociaux, d’aider à la structuration du temps et des journées (Anesm, 2016). Comme pour le logement, une évolution est en cours concernant les dispositifs d’accompagnement à l’emploi, à la formation et aux activités courantes des personnes en situation de handicap. L’accès direct au milieu ordinaire de travail plutôt que dans l’emploi protégé grâce à un soutien personnalisé est désormais privilégié. C’est notamment le cas des dispositifs d’emploi ac- Encadré 1 compagné créés par la loi travail du 8 août 2016 qui visent à permettre d’obtenir et de conserver un emploi rémunéré sur le marché du travail, via un soutien et un accompagnement du salarié ainsi qu’un appui et un accompagnement de l’employeur (Légifrance, 2016b). Cet accès direct est également facilité par l’implication de conseillers en insertion professionnelle présents dans les Établissements de santé, sociaux et médico-sociaux (ESMS) et les entreprises adaptées. Le développement de ce type d’accompagnement, existant dans de nombreux pays européens, est L’offre d’accompagnement en établissements et services médico­-sociaux à destination des enfants et adolescents Les structures médico-sociales jouent un rôle important dans la prise en charge des enfants et adolescents présentant des troubles psychiques, parfois proche de celui des structures sanitaires ambulatoires. En effet, depuis la reconnaissance du handicap psychique avec la loi du 11 février 2005 (Légifrance, 2005), le nombre de structures ou de places dédiées aux personnes souffrant de troubles psychiques s’est fortement développé dans les établissements et services médico-sociaux (Amara et al., 2011). Les prises en charge en Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) Les CAMSP proposent un dépistage précoce et des suivis thérapeutiques en ambulatoire pour les enfants âgés de moins de 6 ans. En 2015, près de 330 CAMSP couvrent l’ensemble du territoire français. La densité nationale moyenne s’établit à 6 structures pour 100 000 enfants de 0 à 6 ans et apparaît plus élevée dans les départements à dominante rurale. Par ailleurs, les capacités d’accueil en CAMSP sont parfois insuffisantes. Selon l’enquête Etablissements sociaux (ES) de la Drees, en 2010, le délai moyen d’attente entre le premier contact et la première consultation était de 1,8 mois (Makdessi, 2013). D’autres enquêtes plus récentes (CNSA, 2017) avancent également des délais moyens d’attente assez longs, variant de 15 jours à 3 mois (Ledésert et Mari, 2016). Les possibilités de prise en charge en CAMSP se mesurent également par le temps d’accès à la structure la plus proche : sur 10 enfants, 3 se situent à moins de 20 minutes d’un CAMSP, 4 entre 20 et 40 minutes, 2 entre 40 et 60 minutes et 1 à plus de 60 minutes. 42 Les prises en charge en Centre médico-psychopédagogique (CMPP) à 307 places pour 100 000 jeunes âgés de 0 à 20 ans. Les CMPP offrent un suivi ambulatoire et des consultations thérapeutiques pour les enfants de moins de 20 ans, ainsi qu’un accompagnement dans leur milieu de vie et leur scolarisation. En 2015, on dénombre 483 CMPP sur le territoire français, quatre départements en étant dépourvus : la Lozère, les Alpes-Maritimes, la Savoie et l’Ain. La densité nationale moyenne de CMPP est de 3 structures pour 100 000 jeunes de 0 à 18 ans et apparaît plus élevée dans les départements à dominante rurale. Les CMPP présentent aussi des délais d’attente importants. Le délai moyen d’attente entre le premier contact et la première consultation était de 2,6 mois en 2010 (Makdessi, 2013). Du point de vue de l’accessibilité géographique, 15 % de la population se situe à plus d’une heure d’un CMPP. Les prises en charge en Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) Les prises en charge en Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) Les Sessad assurent un accompagnement personnalisé des enfants et adolescents en situation de handicap par une équipe éducative, médicale et paramédicale pour favoriser leur maintien dans leur milieu de vie ordinaire. Depuis le milieu des années 1990, le nombre de places en Sessad n’a cessé de croître, passant de 12 000 à 52 000 places entre 1995 en 2015 (Mainguené, 2008). Ce développement des services a particulièrement bénéficié aux enfants présentant des troubles psychiques qui occupaient 15 % des places de Sessad en 2010 et 24 % en 2014 (Drees, enquête ES). Bien que plus élevée dans les départements à dominante rurale, la densité de places varie assez peu par département et s’élève en moyenne au niveau national Atlas de la santé mentale en France Les Itep sont dédiés à l’accueil des enfants présentant des troubles psychiques. Ils évoluent vers des modalités d’accueil et d’accompagnement diversifiées, des possibilités d’hébergement modulées, de l’accueil en externat et des services spécialisés pour favoriser le maintien des enfants en milieu ordinaire. La part d’internat diminue ; elle est de 53 % en 2014 (Drees, enquête ES). La densité nationale moyenne de places en Itep s’élève en 2015 à 148 places pour 100 000 jeunes de 6 à 18 ans. La répartition des 450 Itep sur le territoire en 2015 fait apparaître un gradient Nord-Sud, avec des taux d’équipement plus forts dans les départements du sud de la France. En particulier, le département de la Lozère bénéficie d’une densité de 700 places pour 100 000 jeunes de 6 à 18 ans, mais présente l’une des plus faibles densités de population de cet âge. Les prises en charge en Institut médico-éducatif (IME) Les IME sont dédiés aux enfants présentant une déficience intellectuelle ou des troubles psychiques. 18 % des places d’IME sont occupées par des enfants avec troubles du psychisme (Drees, enquête ES). Ils fonctionnent le plus souvent en externat, la part d’internat diminue, elle est de 29 % en 2014. En 2015, la France compte plus de 1 200 IME. La répartition des 70 000 places disponibles en IME apparaît relativement homogène sur le territoire et une densité nationale moyenne de 578 places pour 100 000 jeunes. L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires récent en France où les Établissements et services d’aide par le travail (Esat) restent prédominants. Ils sont destinés aux personnes présentant un handicap ne leur permettant pas d’exercer une activité professionnelle dans une entreprise ordinaire ou adaptée. Ces structures de travail visent la réinsertion professionnelle et sociale en offrant à la fois un milieu protégé aux travailleurs handicapés et un soutien médico-social et éducatif. Historiquement, ils ont été essentiellement créés pour répondre aux besoins des personnes présentant des déficiences intellectuelles. Ils doivent désormais proposer des solutions adaptées aux spécificités du handicap psychique, en constituant notamment une étape de transition vers le milieu ordinaire (Anesm, 2016). Ceci est un axe fort de la transformation de l’offre d’accueil en Esat, souhaitée pour les prochaines années, avec le développement d’Esat dits de transition, ouverts sur le milieu ordinaire. Avec 118 331 places recensées pour l’année 2017, soit 240 places pour 100 000 adultes, le territoire français est relativement bien doté. La Lozère apparaît atypique avec 880 places en Esat pour 100 000 adultes, accueillant des personnes de toute la France. Lorsqu’on l’exclut, les disparités territoriales semblent moindres pour ces struc- tures, variant dans un rapport de 1 à 3 entre les départements. Ainsi, la Guyane, la Haute-Corse, Paris et le Var comptent moins de 170 places pour 100 000 adultes, alors que les départements ruraux du Cantal, de l’Orne, de la Corrèze, de la Creuse et des Hautes-Pyrénées en proposent plus de 350. Encore plus que dans le secteur sanitaire, les disparités territoriales d’offre médico-sociale semblent obéir à des logiques différentes de la couverture des besoins locaux (carte 15). 1.2.3. La pair-aidance* et les dispositifs visant à faire de la personne un acteur de sa santé Au-delà des réponses apportées par l’Etat et les institutions aux problèmes de santé mentale, de plus en plus de dispositifs et d’initiatives se développent en dehors des institutions pour favoriser l’autonomie et l’inclusion sociale et citoyenne des personnes vivant avec un trouble psychique et en faire des acteurs de leur santé. Ces initiatives peuvent émaner d’une pluralité d’acteurs, dont les personnes elles-mêmes, et revêtir différentes formes, mais reposent sur des principes communs : viser la pleine citoyenneté et le rétablissement des personnes. Ce sont des espaces d’accueil, d’échanges ou de vie, non médicalisés, qui offrent Densité de places installées en Établissements et services d'aide par le travail (Esat) Pour 100 000 habitants de 20 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 880,4 A Guadeloupe 298,0 263,0 20 km France 240,4 B Martinique 245,2 213,8 127,8 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km 1 Discrétisation : quintiles. Sources : Finess 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 43 CARTE 15 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires une alternative ou un complément à la prise en charge en institution. Ces services échappent au système d’information statistique, mais il est important de les évoquer ici car ils contribuent à la qualité de vie des personnes et sont inégalement répartis sur le territoire. Loin d’être exhaustif, ce recensement a pour objet de faire connaître ces dispositifs, en développement depuis quelques années en France. Plusieurs dispositifs reposent sur la pair-aidance* – entraide entre personnes partageant ou ayant partagé la même expérience d’une problématique de santé – qui a montré depuis longtemps son bénéfice, notamment dans le domaine des addictions, pour les personnes concernées par l’aide issue du savoir expérientiel de la personne. Le partage d’expérience, du vécu de la maladie et du parcours de rétablissement induisent des effets positifs dans la vie des personnes souffrant de troubles psychiques (Vayshenker et al., 2016 ; Crane et al., 2016). Avec les associations d’usagers et de proches, les Groupes d’entraide mutuelle (Gem) constituent les dispositifs les plus connus et répandus. Véritables lieux de rencontres, d’échanges et de soutien, les Gem permettent aux personnes avec des expériences similaires de partager leur vécu de la maladie et plus particulièrement d’échanger autour du parcours ayant mené à leur rétablissement. Les Gem sont des outils d’insertion dans la cité, de lutte contre l’isolement et de prévention de l’exclusion sociale de personnes en grande fragilité (CNSA, 2018). Introduits par la loi du 11 février 2005 et gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) depuis 2011, les Gem ont vu leur nombre multiplié par trois en dix ans, traduisant une volonté d’accroître le développement des dispositifs à l’initiative des usagers et ex-usagers de la psychiatrie afin de faciliter leur intégration dans la cité. En 2018, le territoire compte 505 Gem en service (dont 375 uniquement destinés à des publics présentant des troubles psychiques, 59 à des publics présentant des traumatismes crâniens et 36 aux deux types de public) [CNSA, 2019]. L’ensemble des départements français est aujourd’hui couvert par au moins un Gem, même si leur nombre varie selon les départements. (carte 16). Si, dans l’ensemble, les territoires de la France métropolitaine sont bien couverts en Gem, quelquesuns (formalisés en blanc dans la carte 17) demeurent concernés par des distances d’accès à ce 44 Atlas de la santé mentale en France dispositif supérieures ou égales à 35 kilomètres. Or le Gem, qui appelle une fréquentation régulière, est censé être un dispositif de proximité souple et accessible. La constitution même des Gem, basée sur la mobilisation d’un collectif d’usagers, rend toutefois difficile leur diffusion dans des territoires isolés (CNSA, 2018). D’autres réseaux d’entraide entre pairs tendent à se développer en France, tels que les réseaux d’entente de voix qui ont pour objectif de promouvoir une approche des expériences, perceptions ou vécus inhabituels, respectueuse des personnes et de leur expertise. Ils offrent pour ce faire des espaces d’expression où les personnes peuvent parler de leurs expériences sans être jugées ni enfermées dans une identité de malades. Trente-deux groupes locaux sont ainsi recensés en France par le Réseau français sur l’entente de voix (REV France). Inspirés du modèle des « Recovery colleges » qui se développent à l’étranger, deux Centres de formation au rétablissement (CoFoR) ont également ouvert leurs portes à Marseille et à Lille depuis 2017. Un troisième est en cours de construction à Paris. Basés sur les recommandations internationales des pratiques orientées vers le rétablissement, ils proposent aux personnes concernées par des troubles psychiques des programmes de formation extérieurs aux services de soin. Fondé sur le principe de l’entraide mutuelle, l’ensemble du dispositif, de la conception des modules aux interventions, est géré par des experts d’expériences, c’est-à-dire des personnes concernées ou ayant été concernées par des troubles psychiques (Psycom, 2018). Le CoFor propose à ses étudiants des outils d’appropriation collective de connaissance de soi, de ses troubles et des moyens d’y faire face mobilisant des outils reconnus au niveau international tels que des plans de crise et de bien-être. Ces différents dispositifs participent à une politique de santé mentale orientée vers le rétablissement des personnes. Dans cette optique, se développent également des dispositifs à destination des familles et des proches qui assurent souvent au quotidien l’accompagnement des personnes avec des troubles psychiques. C’est par exemple le cas des programmes de psycho-éducation dont les objectifs sont de permettre aux familles de mieux comprendre comment agir avec leur proche, dont les symptômes peuvent être difficiles à gérer, mais également d’apprendre à réduire l’impact de la maladie sur leur propre santé. Les recommandations internationales récentes précisent que la L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Répartition des groupes d’entraide mutuelle sur le territoire français en 2017 1 CARTE 16 Nombre de Groupes d'entraide mutuelle (Gem) Départements et régions d'outre-mer A Guadeloupe 15-7 6-5 4 20 km 3 B Martinique 2-1 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : CNSA 2017. Infographie : Irdes 2019-20. Distance d’accès aux groupes d’entraide mutuelle en 2017 Atlas de la santé mentale en France 45 CARTE 17 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires psycho-éducation à destination des aidants devrait être proposée précocément de manière systématique. Trois principaux programmes d'aide aux aidants sont actuellement développés sur le territoire et proposent des formations plus ou moins longues : Profamille, programme psycho-éducatif sur deux ans destiné aux familles et proches de patients souffrant de troubles schizophréniques ou apparentés ; deux programmes courts sont également proposés : « Bref », un programme de psycho-éducation à destination des aidants, construit par l'Unité de psycho-éducation et de psychothérapies du centre hospitalier du Vinatier en collaboration avec l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), et « Prospect », des ateliers d'entraide également mis en œuvre par l'Unafam depuis 2005. 1.2.4. Les structures d’hébergement installées en Fam pouvant accueillir des personnes en situation de handicap psychique est de 61 places pour 100 000 habitants de 20 ans et plus et varie de 19 places pour le Territoire de Belfort à 247 pour le département de la Lozère connu pour ses traditions d’accueil. Excepté la situation très particulière de la Lozère, la densité de places en Fam varie tout de même dans un rapport de 1 à 7 entre les territoires les moins dotés (densité inférieure à 25 places pour 100 000 habitants) tels que le Territoire de Belfort, la Guadeloupe, la Haute-Marne, la Haute-Corse et la Corrèze, et les territoires les plus dotés (densité supérieure à 140 places) : la Haute-Loire, les Hautes-Pyrénées, l’Yonne et la Dordogne (carte 18). L’implantation de l’offre médico-sociale diffère ainsi sensiblement de celle de l’offre sanitaire. Les Maisons d’accueil spécialisé (Mas) sont prévues pour des personnes présentant un niveau de dépendance supérieur à celui des personnes admises en Fam. Ces personnes requièrent une assistance permanente pour effectuer les actes essentiels de la vie quotidienne ainsi qu’une surveillance médicale et des soins constants. La densité nationale est de 59 places pour 100 000 adultes de 20 ans et plus en 2017. Là encore, la Lozère se distingue par une offre très supérieure, avec 675 places en Mas pour 100 000 habitants. L’ampleur des disparités territoriales est similaire à celle observée pour les Fam, même si elle concerne des territoires un peu différents. Ainsi, les départements tels que la Haute-Savoie, Paris et les Hauts-de Seine ont des densités de places en Mas inférieures à 25 pour 100 000 habitants âgés de 20 ans ou plus, alors qu’à l’opposé du gradient, les Hautes-Pyrénées, la Creuse, la Corrèze offrent plus de 150 places en Mas pour 100 000 habitants (carte 19). Lorsque les solutions visant à maintenir en milieu ordinaire les individus atteints de handicap psychique échouent, notamment pour les individus avec les troubles les plus sévères, il existe, inégalement réparties sur le territoire, des solutions d’hébergement pour ces individus : logements individuels avec accompagnement, regroupements de logements individuels avec accompagnement (résidence-accueil par exemple), appartements collectifs, structures sociales ou médico-sociales d’hébergement, familles d’accueil, logements accompagnés. Ces diverses modalités d’accueil et d’hébergement relèvent d’acteurs multiples des champs sanitaires, sociaux, médico-sociaux ou du milieu ordinaire. Certaines sont des logements, dans lesquels la personne est titulaire de son bail, d’autres sont des hébergements (par exemple, les foyers de vie). Plusieurs structures d’hébergement médico-social accueillent en particulier des personnes en situation de handicap psychique avec différents niveaux d’accompagnement et de soins, qui sont proposés en fonction de l’autonomie et des besoins de la personne. Entre 2007 et 2017, le nombre de places en Fam ou en Mas est passé de 30 357 à 57 250, soit une progression de près de 90 %, afin de mieux répondre à la demande de la population. Les foyers d’accueil médicalisé (Fam) accueillent des personnes avec un niveau de dépendance totale ou partielle rendant impossible l’exercice d’une activité professionnelle et nécessitant l’assistance d’une tierce personne pour effectuer la plupart des actes essentiels à la vie courante. Les Fam sont des structures de vie qui tendent à favoriser l’ouverture sociale des personnes en leur apportant un soutien éducatif afin de développer leur autonomie, et fournissent en parallèle un suivi médical. En 2017, la densité nationale de places Aujourd’hui, on note une diversification des Fam et des Mas, à travers notamment la mise à disposition de plateaux techniques en soutien à d’autres établissements et services médico-sociaux, le développement d’une fonction-ressource visant à appuyer la montée en compétence des autres établissements et la gestion des situations complexes, la possibilité d’hospitalisation à domicile en établissement médico-social ou encore la création de Mas externalisées permettant de vivre à domicile. Le développement de l’accueil de jour, de l’hé- 46 Atlas de la santé mentale en France L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de places installées en Foyers d’accueil médicalisé (Fam) 1 CARTE 18 Pour 100 000 habitants de 20 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 247,0 A Guadeloupe 84,1 France 60,9 20 km 63,7 51,5 B Martinique 40,5 0,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Finess 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Densité de places installées en Maisons d'accueil spécialisée (Mas) Pour 100 000 habitants de 20 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 674,8 A Guadeloupe 84,4 70,5 France 58,6 20 km 56,4 B Martinique 42,6 21,9 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Finess 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 47 CARTE 19 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires bergement temporaire et de l’accueil séquentiel à temps partiel est également encouragé au sein des Mas, Fam et foyers de vie (voir ci-dessous) afin de répondre de manière souple aux besoins des personnes en évitant les ruptures de parcours. Les foyers de vie ou foyers occupationnels ont pour vocation d’accueillir des personnes adultes handicapées dont le degré d’autonomie ne relève pas d’une admission en Fam, en Mas ou en Etablissement spécialisé d’aide par le travail (Esat). Ces foyers proposent des activités quotidiennes diversifiées, adaptées au handicap des personnes, et ont aussi pour mission de stimuler leur autonomie. Plusieurs modalités d’accueil y sont offertes : internat, semi-internat ou accueil de jour uniquement. Le foyer d’hébergement se différencie du foyer de vie, sa principale mission étant de fournir un hébergement aux travailleurs handicapés exerçant une activité professionnelle en milieu ordinaire, adapté ou en établissement spécialisé d’aide par le travail. Leur objectif est d’améliorer l’intégration sociale et l’autonomie des personnes en leur proposant un hébergement collectif ou un logement individuel, en internat complet ou à la semaine. Ce type de structure est souvent annexé à un Esat. En 2017, on compte 103 places installées en foyers de vie et d’hébergement pour 100 000 adultes de 20 ans et plus. Là encore, la Lozère fait figure d’exception avec plus de 900 places pour 100 000 adultes. Ces structures sont marquées par les disparités territoriales les plus fortes, les capacités variant de moins de 20 places pour 100 000 adultes dans les départements corses et la HauteMarne à plus de 200 dans le Tarn, le Tarn-etGaronne, la Corrèze et la Nièvre (carte 20). Lorsque les troubles psychiques n’entraînent pas une admission en institution médico-sociale, des modalités d’habitat alternatif peuvent être proposées, permettant un maintien dans le milieu de vie ordinaire. Le « logement accompagné » désigne une variété de pratiques fondées sur l’insertion par le logement. Celle-ci permet de renforcer l’autonomie des personnes tout en favorisant le maintien et le développement de leurs liens sociaux. Le logement peut être individuel ou collectif et la personne bénéficie d’un accompagnement adapté à ses besoins et à sa capacité d’autonomie. La maison relais est un habitat communautaire de petite taille associant des logements privatifs à 48 Atlas de la santé mentale en France des espaces de vie collectifs sous la direction d’un hôte chargé d’en assurer le bon fonctionnement. Ces résidences offrent un logement, sans limitation de durée, aux personnes dont la nature des troubles, et les difficultés engendrées, empêchent leur accès à un logement individuel autonome. Ces maisons s’adressent à l’ensemble des personnes désocialisées et démunies en leur offrant un lieu de vie convivial et sécuritaire. La résidence d’accueil est une déclinaison de la maison relais. Elle est spécifiquement dédiée à l’accueil durable des personnes adultes en situation de handicap psychique souffrant de précarité ou d’exclusion sociale. Ces personnes, suffisamment stabilisées pour vivre dans un logement individuel, nécessitent encore un suivi par un service d’accompagnement médico-social modulable suivant l’évolution de leurs besoins. D’autres pratiques coexistent sur l’ensemble du territoire, parmi lesquelles les appartements accompagnés ou le programme « Un chez soi d’abord ». Le premier est un logement mis à disposition par une association qui assure le rôle de tiers entre le propriétaire ou le bailleur et la personne en situation de handicap psychique suivie par un service d’accompagnement. Ce dispositif se base sur l’intermédiation locative de logement relais ou de bail glissant. Le second est une expérimentation mise en place depuis 2010 qui vise à faciliter l’accès au logement et aux soins des personnes sans domicile souffrant de troubles psychiatriques sévères qui s’inspire des expériences étrangères « Housing first » (Aubry et al., 2015 ; Whittaker et al., 2015). Le programme « Un chez soi d’abord » se répand maintenant sur le territoire français sous la forme d’appartement de coordination thérapeutique. Ces appartements désormais inclus dans la liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux ont leurs dépenses de fonctionnement prises en charge par l’Assurance maladie. En 2014, la répartition géographique des 11 528 places en logement accompagné de type maisons-relais et pensions de famille, disponibles en France reflète quelques disparités mais dans une moindre mesure que pour les autres types d’hébergements médico-sociaux. La densité nationale moyenne est de 22 places pour 100 000 habitants de 20 ans et plus et oscille entre moins de 10 places pour la Réunion, la Haute-Corse, l’Aube, la Guadeloupe, les Yvelines, la Corrèze, le Calvados, l’Isère, à plus de 60 places en Lozère, HauteMarne, Lot-et-Garonne (carte 21). L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires Densité de places installées en foyers de vie et d'hébergement 1 CARTE 20 Pour 100 000 habitants de 20 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 911,9 A Guadeloupe 151,4 119,5 France 103,3 20 km 102,0 B Martinique 66,2 10,1 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Finess 2017, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Densité de logements accompagnés (maisons relais, pensions de famille...) Pour 100 000 habitants Départements et régions d'outre-mer 85,2 A Guadeloupe 32,5 25,2 France 22,0 20 km 20,9 14,6 B Martinique 0,0 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Score-Santé 2014. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 49 CARTE 21 1 L’offre de soins et services en santé mentale dans les territoires *** L’offre de soins et services à destination des personnes souffrant de troubles psychiques en France a longtemps été centrée sur les prises en charge sanitaires (notamment en milieu hospitalier). Elle se caractérise désormais par sa diversité (offre sanitaire en ville et à l’hôpital, ambulatoire ou non, spécialisée ou non ; offre médico-sociale ; offre citoyenne ou initiée par les pairs). On observe en particulier une volonté de maintenir et intégrer autant que possible les individus en situation de handicap psychique en milieu de vie ordinaire et de garantir le plein exercice de leurs droits de citoyens par une offre de services adaptés à ces objectifs d’inclusion. Des disparités géographiques dans la répartition de l’offre persistent néanmoins. Bien que les déterminants à l’origine de ces disparités ne soient pas totalement élucidés, elles n’apparaissent pas liées uniquement à des différences de besoins de soins entre les populations desservies. Cela questionne l’équité des prises en charge et services proposés selon les territoires. Ces caractéristiques de l’offre de soins et services à destination des individus vivant avec des troubles psychiques (diversité, caractère évolutif, développement variable selon les territoires) rendent cette offre complexe et parfois difficilement lisible, d’autant que de nombreux acteurs, décideurs et financeurs y sont impliqués, ce qui concourt à rendre l’articulation entre les différents types d’offre peu aisée. C’est d’ailleurs tout l’enjeu des Projets territoriaux de santé mentale (PTSM) qui doivent être mis en place par l’ensemble des acteurs impliqués dans la prévention, le soin et l’accompagnement des troubles psychiques, dans les territoires en 2020. Coordination, co-construction, repositionnement des acteurs dans un objectif d’amélioration de la qualité de vie et des soins des personnes vivant avec un trouble psychique constituent ainsi les principes majeurs de l’évolution de la politique de santé mentale redéfinie par la loi de modernisation du système de santé de 2016.  Remerciements relecteurs : Fanny Bouarek (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, CNSA), Alain Monnier (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, Unafam), Nadia Younès (EA 4047 Handiresp, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines). 50 Atlas de la santé mentale en France chapitre 2 Les enfants et adolescents Valérie Carrasco1, Inès Khati1 1 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) E n 2017, la France compte près de 15 millions de personnes âgées de moins de 18 ans, soit près d’un quart de la population française. Les troubles psychiques peuvent se manifester à différents âges mais les premiers signes apparaissent souvent au cours de l’enfance et de l’adolescence (Kessler et al., 2001 ; Rosa et al., 2003). En effet, 75 % des affections psychiatriques débutent avant 25 ans et la moitié avant 15 ans1. Selon les estimations, entre 10 et 20 % des enfants et adolescents seraient touchés par un ou plusieurs troubles psychiques*, qui peuvent être de durée et de sévérité très variables. À l’adolescence, la dépression* constitue la troisième cause de morbidité selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les troubles psychiques pouvant avoir des conséquences à long terme entraînent des coûts sociaux et économiques élevés : « L’introduction au Plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 rappelle que les coûts collatéraux liés à la perte de production et de qualité de vie atteindraient près de 80 milliards d’euros chaque année, soit plus de 3,5 points de Produit intérieur brut (PIB) [Million, Amiel, 2017]. » Or, un repérage et une prise en charge précoces réduisent les risques de développement et de chronicisation de ces troubles, a fortiori sur une population jeune. Rappelons que le suicide est la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans, après les accidents de la route, et que la maladie mentale est le premier facteur de risque 1 des décès par suicide. La prévention en santé mentale s’avère donc cruciale pour les jeunes. En France, plusieurs types d’intervention en promotion et prévention en santé mentale sont développés dans les territoires : programmes centrés sur le développement des compétences parentales, développement des compétences psycho-sociales, actions d’information et de prise en charge des conduites addictives, interventions contre les violences et les discriminations, prévention du suicide notamment. Ces actions, conduites par une multiplicité d’acteurs, relevant des champs associatif, sanitaire et socio-éducatif, rendent difficile leur recensement exhaustif et l’analyse de leur couverture territoriale. Le site Oscarsante vise à observer et suivre les actions régionales de santé, et permet un premier recensement sur les actions de prévention en santé mentale menées sur les territoires (http://oscarsante.org). Les troubles psychiques des mineurs se caractérisent par la variabilité de leur gravité et leur caractère souvent transitoire (CESE, 2010) rendant parfois difficile l’établissement d’un diagnostic. La prise en charge des jeunes mineurs est d’autant plus spécifique que la demande de soins émane souvent d’une tierce personne, les parents, l’école ou encore la Justice. Ces spécificités appellent une intervention pluridisciplinaire et une certaine souplesse dans l’appréhension et la prise en charge des troubles afin d’éviter de séparer les mineurs de leur milieu de vie, de provoquer des rup- www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/focus-adolescent-health/fr/ Atlas de la santé mentale en France 51 2 Les enfants et adolescents tures dans le parcours scolaire, à l’occasion d’une hospitalisation ou d’un accueil dans une structure médico-sociale. troubles psychiques, décrite dans le chapitre 1, est par ailleurs très variable d’un territoire à l’autre et peut contribuer à des recours aux soins différenciés en termes d’opérateurs. L’offre de santé et d’accompagnement à destination des enfants et adolescents vivant avec des 2.1 Des informations lacunaires sur le recours aux soins des enfants et adolescents en santé mentale… Les informations permettant de caractériser l’état de santé mentale des enfants et adolescents sont lacunaires, particulièrement à des échelles géographiques fines. En France, des enquêtes fournissent cependant des estimations nationales de la prévalence* en population générale qui sont proches des estimations internationales. Ainsi, selon l’Inserm, 12 % des enfants et adolescents souffriraient d’au moins un trouble psychique en France. Cette évaluation regroupe des troubles de fréquence, de gravité, d’âge d’apparition et de durée très variables et diffèrent en partie, en proportion, de ceux observés dans la population adulte : 5 % des enfants souffrent de troubles anxieux*, et 1 à 2 % sont hyperactifs. À l’adolescence, les troubles de l’humeur* augmentent puisqu’ils touchent 3 % des 13-19 ans2. La boulimie* concerne 1 % des jeunes filles de 17 à 19 ans, et l’anorexie* affecte 0,2 % des adolescentes de 15 à 19 ans. Les troubles du spectre autistique* et les troubles schizophréniques* touchent pour leur part moins de 1 % des enfants et des adolescents (Institut national de la santé et de la recherche médicale, 2002). Le baromètre santé 2014, enquête nationale réalisée par Santé publique France3, évalue la prévalence des tentatives de suicide sur les douze derniers mois à 2,6 % pour les filles de 15-19 ans et à 0,5 % pour les garçons du même âge, et celle des pensées suicidaires à respectivement 3,9 % et 2,2 % (Observatoire national du suicide, 2016). 2 3 Afin d’approcher les disparités territoriales de santé mentale des jeunes, il est possible de mobiliser les bases de données médico-administratives issues du système d’information national en santé. Ces bases de données exhaustives, alimentées lors du recours aux soins hospitalier ou ambulatoire, renseignent indirectement sur la santé mentale des jeunes et permettent d’observer des disparités entre les territoires. Ces indicateurs de recours à différentes formes de soins ne dépendent pas seulement de l’état de santé de la population mais reflètent également l’intensité du recours ou les pratiques des professionnels de santé, qui peuvent être associées au niveau ou à la composition de l’offre de soins sur les territoires (chapitre 1). Un rapport plus récent (2015) aboutit à une estimation de la prévalence de l’épisode dépressif majeur chez les 13-18 ans à 5,6 % (Brunelle, Cohen, 2015). Le Baromètre était réalisé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) jusqu’à sa fusion en 2016 avec l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), pour créer Santé publique France. 52 Atlas de la santé mentale en France Les enfants et adolescents 2.2 ... et des facteurs de risque variés selon les territoires Les facteurs de risque des troubles psychiques, en particulier environnementaux, peuvent en outre être liés à des caractéristiques du territoire. Si certains facteurs de risque environnementaux de la dépression sont communs aux adolescents et aux adultes (violences et abus sexuels dans l’enfance, pauvreté, être issu d’une minorité, isolement social, stress, harcèlement, etc.), d’autres sont spécifiquement associés à la dépression de l’adolescence (problèmes périnataux, déficit moteur, rupture et instabilité dans la fonction parentale, criminalité et psychopathie dans la famille, troubles du comportement et émotionnels dans l’enfance, etc.) [Brunelle, Cohen, 2015]. De même, les principaux facteurs associés à une tentative de suicide sont similaires pour les adolescents et les adultes (négligences, violences, sexuelles et autres, trouble dépressif sévère, pauvreté, consommation de produits psychoactifs, etc.) [Janssen, Spilka, 2016]. L’isolement et la précarité sociale semblent cependant moins déterminants pour les jeunes que pour les adultes (François et al., 2011). Les territoires présentent des caractéristiques différentes au regard de ces facteurs de risque. Ainsi, selon les départements, la part d’enfants vivant dans une famille monoparentale varie de 13 à 29 % en métropole et atteint 50 % dans les Départements et régions d’outre-mer (Drom) [carte 22]. La part des enfants de moins de 6 ans vivant sous le seuil de pauvreté varie de 11 à 30 % (carte 23 p. 54) et la part de jeunes faisant l’objet d’un placement ou d’une mesure éducative dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance (Ase) de 1 à 4 % (carte 24 p. 54). Plusieurs études ont mis en avant une vulnérabilité et une souffrance psychique accrue des enfants placés* (Bronsard et al., 2008 ; Rozé, 2016). Part des enfants vivant dans une famille monoparentale Pour 100 habitants de moins de 18 ans Départements et régions d'outre-mer 50,2 A Guadeloupe 21,6 19,8 20 km 18,1 B Martinique 16,9 13,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Insee RP 2013. Infographie : Irdes 2019-20. 2 Atlas de la santé mentale en France 53 CARTE 22 2 CARTE 23 Les enfants et adolescents Taux de pauvreté des moins de 6 ans Pour 100 enfants de moins de 6 ans Départements et régions d'outre-mer 30,0 A Guadeloupe 22,0 19,0 20 km 18,0 B Martinique 15,0 11,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Insee, FiloSofi 2013. Infographie : Irdes 2019-20. CARTE 24 Taux de mesures éducatives ou placements dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance (Ase) Pour 100 habitants de moins de 18 ans Départements et régions d'outre-mer 4,2 A Guadeloupe 2,5 2,3 1,9 20 km France 1,9 B Martinique 1,6 0,9 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : Drees 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 54 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les enfants et adolescents 2.3 Diversité de la prise en charge des enfants et adolescents pour troubles psychiques Le rapport Moro-Brison (2016) estime « à près d’un million le nombre de jeunes ayant consulté au moins une fois au cours de l’année dans une structure dédiée à la prise en charge des troubles psychiques », toutes structures confondues. Pour autant, le système d’information actuel ne permet pas de dénombrer précisément les enfants et adolescents qui ont fait l’objet d’une double prise en charge sanitaire et médico-sociale au cours de l’année, ni ceux qui ont consulté un psychologue libéral, un médecin généraliste ou un pédiatre pour un problème de santé mentale4. Malgré ces limites, les chiffres suivants, par grands segments de l’offre de soins et d’accompagnement, confirment cet ordre de grandeur. Sur l’ensemble du territoire, environ 500 000 personnes âgées de moins de 18 ans ont été prises en charge en 2015 par un établissement de santé autorisé en psychiatrie (public ou privé), en ambulatoire, à temps partiel ou complet (figure 2). Un peu moins de 100 000 bénéficient d’une prise en charge pour ALD psychiatrique (la plupart pour des troubles envahissants du développement*). Environ 30 000 personnes de moins de 18 ans ont été hospitalisées dans un service de MCO pour un motif psychiatrique et 8 000 jeunes de 12 à 17 ans à la suite d’une tentative de suicide5. Ce dernier chiffre ne représente qu’une part des tentatives de suicide prises en charge à l’hôpital, celles non suivies d’hospitalisation après un passage aux ur- Nombre de mineurs ayant eu recours à des soins de santé mentale en 2015, selon le type de soins Prise en charge médico-sociale Prise en charge en établissement de santé autorisé en psychiatrie Prise en charge ambulatoire de ville 486 026 175 160 49 743 Ambulatoire public 32 342 159 536 65 010 30 311 Hospitalisation Hospitalisation MCO en psychiatrie Temps Temps Motif Tentacomplet partiel psychia- tive de trique suicide 51 000 69 900 63 532 15 200 8 238 CMPP1 CAMSP2 Itep3 Sessad4 (24 %) IME5 (18 %) Psychiatres Psycholibéraux tropes Centres médico-psycho-pédagogiques ; 2 Centres d’action médico-sociale précoce ; 3 Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques ; 4 Services d’éducation spéciale et de soins à domicile ; 5 Instituts médico-éducatifs ; 1 Sources : Rim-P, PMSI-MCO, Enquête ES, Sniiram. Infographie : Irdes 2020. 4 5 2 L’absence de système d’information dans le champ médico-social ne permet pas de connaître précisément le nombre d’individus concernés ni les passerelles existantes avec le champ sanitaire. D’autre part, les prises en charge sanitaires non remboursées par l’Assurance maladie échappent également au système d’information. Enfin, le motif de consultation des professionnels de santé libéraux n’est pas renseigné dans les données de l’Assurance maladie. Les spécifications de codage des tentatives de suicide dans le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) imposent de coder la tentative de suicide en diagnostic associé, et d’indiquer en diagnostic principal un code Cim 10 en S ou T (lésions traumatiques, empoisonnements et autres conséquences de causes externes). Si on adopte une définition moins stricte qui retient tous les séjours avec un diagnostic associé de tentative de suicide (codes X60 à X84), quel que soit le diagnostic principal, on arrive à un total d’environ 10 000 jeunes de 12 à 17 ans hospitalisés pour ce motif. Atlas de la santé mentale en France 55 FIGURE 2 2 Les enfants et adolescents gences n’étant pas dénombrées. Or, seulement la moitié des adolescents venus aux urgences pour ce motif sont ensuite hospitalisés en MCO (Chan Chee, Jezewski-Serra, 2014). La carte départementale des taux d’hospitalisation pour tentative de suicide des 12-18 ans fait état de disparités territoriales importantes, les départements du nord de la France étant particulièrement concernés (carte 25). Les jeunes vivant avec des troubles psychiques peuvent également être pris en charge par une structure médico-sociale, essentiellement en Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)*, Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP)*, Instituts médico-éducatifs (IME)*, Instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (Itep) ou Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). L’offre d’accompagnement à destination des enfants et adolescents est présentée dans l’encadré 1 du chapitre 1. Si la quasi-totalité des mineurs accueillis dans les CMPP, les CAMSP et les Itep souffrent de troubles psy- CARTE 25 chiques, il n’en va pas de même pour les IME et les Sessad accueillant respectivement 18 et 24 % des enfants avec des troubles psychiques au niveau national. Les CMPP ont accueilli ainsi 175 000 enfants en 2014, les CAMSP 65 000 (Chan Chee, Jezewski-Serra, 2014), les Itep 15 000, les IME 70 000 et les Sessad 51 000 (Falinower, 2016). Le système d’information actuellement disponible dans le champ médico-social ne permet pas de décrire les disparités territoriales de recours à ces structures d’accompagnement. Le recours des enfants et adolescents aux professionnels de santé libéraux de ville pour un problème de santé mentale peut être en partie appréhendé par la consommation de psychotropes et les consultations de psychiatres libéraux. En 2015, 64 000 jeunes de moins de 18 ans ont reçu au moins trois délivrances de psychotropes et 150 000 jeunes ont consulté un psychiatre libéral, soit respectivement 0,4 et 1 % d’entre eux (figure 2). Taux d’hospitalisation pour tentative de suicide des 12-18 ans en 2015 Pour 10 000 habitants de 12 à 18 ans Départements et régions d'outre-mer 47,6 A Guadeloupe 21,4 18,0 14,1 France 16,1 20 km B Martinique 10,4 3,4 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : PMSI-MCO 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 56 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les enfants et adolescents 2.4 Un recours aux soins des moins de 18 ans qui s’exerce prioritairement vers les établissements de santé autorisés en psychiatrie et en ambulatoire Parmi ces recours aux soins de santé mentale des moins de 18 ans, le recours aux établissements de santé autorisés en psychiatrie est majoritaire : près de deux fois supérieur au cumul des différentes prises en charge médico-sociales et trois fois plus fréquent que le recours aux psychiatres libéraux. Cette prise en charge en établissement concerne 3,5 % des jeunes de moins de 18 ans et se fait en ambulatoire* dans 90 % des cas. Les données ne permettent pas d’identifier les prises en charge parallèles par plusieurs intervenants sanitaires ou médico-sociaux. Quelle que soit la structure ou le professionnel contacté, le recours ambulatoire est majoritaire chez les enfants et adolescents, pour lesquels le maintien dans le milieu de vie est privilégié. Au sein des établissements de santé, le recours ambulatoire peut prendre plusieurs formes et varie selon les âges et les pathologies. Même s’il reste le principal mode de recours aux soins de santé mentale pour l’ensemble des tranches d’âge, il est plus élevé chez les 12-17 ans que chez les plus jeunes qui, pour une partie d’entre eux, sont orientés vers les CAMSP et CMPP. Les consultations en CMP constituent la principale modalité de prise en charge ambulatoire, 81 % des mineurs suivis en ambulatoire en établissement de santé ont été vus en CMP. 6 % ont été suivis en CATTP, dont l’indication est adaptée à des troubles plus sévères. Les soins ambulatoires à domicile restent rares pour les mineurs (2 % des jeunes pris en charge, contre 8 % pour les adultes). L’intensité de la prise en charge ambulatoire diffère d’une personne à l’autre. Un jeune sur cinq n’a été vu qu’une seule fois au cours de l’année. Cela peut correspondre à une consultation pour avis ou orientation, sans prise en charge au sein de l’établissement. Ces actes uniques représentent moins de 2 % de l’ensemble des actes et sont le plus souvent effectués par des médecins (50 % contre 18 % pour l’ensemble). Le recours aux soins de ville des enfants et adolescents pour un problème de santé mentale apparaît moins fréquent que le recours ambulatoire en établissement de santé. 1,1 % des moins de 18 ans ont consulté un psychiatre en ville en 2015 et 0,4% ont eu au moins trois délivrances de psychotropes*. Cependant, une partie du recours aux soins de ville des jeunes ne peut être observée par le système d’information actuel, il s’agit notamment du recours aux psychologues ou aux médecins généralistes pour un problème de santé mentale (les motifs de consultation en ville n’étant pas renseignés dans les données recueillies). Par ailleurs, certaines situations nécessitent une intensité de soins ou d’accompagnement plus importante. 33 000 jeunes ont été hospitalisés à temps partiel* (de jour ou de nuit) en psychiatrie, soit 0,2 % des jeunes de moins de 18 ans, un taux de recours similaire à celui observé pour les CATTP. Cette prise en charge concerne surtout les populations plus jeunes : 22 400 jeunes de 0 à 11 ans ont été hospitalisés à temps partiel, et 10 600 jeunes de 12 à 17 ans. En revanche, les prises en charge à temps complet en psychiatrie sont moins fréquentes pour des populations jeunes (0,1 % des mineurs concernés en 2015). Moins de 4 000 jeunes de moins de 12 ans ont été pris en charge à temps complet en psychiatrie en 2015, et la moitié l’ont été dans des structures alternatives à l’hospitalisation à temps plein (accueil familial thérapeutique notamment). L’hospitalisation à temps plein des adolescents est plus fréquente : 16 600 jeunes âgés de 12 à 17 ans ont été pris en charge à temps complet* en psychiatrie, majoritairement en hospitalisation à temps plein*. Les capacités d’hospitalisation en psychiatrie infanto-juvénile étant restreintes et diversement réparties sur le territoire, avec 2 300 lits pour l’ensemble du pays (chapitre 1), il arrive que cette hospitalisation se fasse dans des services de psychiatrie générale. C’est le cas de plus d’un mineur sur cinq hospitalisé à temps plein en psychiatrie en France. Ces hospitalisations dans des services adultes peuvent s’accompagner de mesures d’isolement afin de protéger le jeune ou lors de situations d’hétéroagressivité*, d’agitation, dans 18 % des cas (6 % pour l’ensemble des mineurs hospitalisés à temps plein en psychiatrie). L’hospitalisation peut également avoir lieu dans des services de pédiatrie, en MCO, souvent perçue comme moins stigmatisante et réservée aux tranches d’âge les plus jeunes. Cette situation est d’ailleurs plus fréquente que l’hospitalisation à temps plein en psychiatrie pour les moins de 12 ans : près de 11 000 jeunes ont été hospitalisés en pédiatrie pour des problèmes de santé mentale. En revanche, pour les adolescents, les taux d’hospitalisation en MCO et en Atlas de la santé mentale en France 57 2 2 Les enfants et adolescents psychiatrie sont du même ordre. De fait, même si la pédiatrie offre une prise en charge moins stigmatisante que la psychiatrie, y accueillir des ado- 2.5 Des modalités de prise en charge variables selon l’âge et les pathologies suivies Le recours aux différents modes de prises en charge dépend non seulement de l’âge mais également du diagnostic, disponible uniquement pour les prises en charge en établissement de santé. Cependant, 16 % des mineurs qui y sont suivis n’ont pas de diagnostic principal renseigné lors de leur séjour hospitalier ou prise en charge ambulatoire. Ce taux est supérieur à celui observé chez les adultes suivis en psychiatrie. À cela, diverses causes dont : une prise en charge visant à établir un diagnostic, un refus de la part du psychiatre de poser précocement certains diagnostics, ou encore, l’inadaptation des codes de la Cim 10 à la pédopsychiatrie6. Les « troubles mentaux et du comportement » représentent les trois quarts des diagnostics renseignés. Mais, pour nombre d’entre eux, le diagnostic principal peut renvoyer au chapitre de la Cim 10 « Facteur influant sur l’état de santé et motifs de recours aux services de santé » qui reflète la présence de symptômes ou de demandes d’évaluation plus que des pathologies avérées. Les pathologies prises en charge en établissement de santé diffèrent sensiblement selon l’âge et le mode de prise en charge (figure 3). Pour les enfants de moins de 12 ans, les « troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement pendant l’enfance » arrivent en tête (29 % des enfants). Ils consistent essentiellement en troubles des conduites (6 %), troubles émotionnels (9 %), troubles mixtes (3 %) et troubles hyperkinétiques (5 %). Les « troubles du développement psychologique » constituent le deuxième motif de prise en charge des enfants de moins de 12 ans (21 %), surtout des « troubles envahissant du développement» (TED, dont les troubles du spectre autistique). Enfin, les «   troubles névrotiques*, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes* » concernent 12 % des enfants pris en charge, le plus souvent « troubles 6 lescents est plus difficile, ces derniers nécessitant souvent une prise en charge plus « contenante », que la pédiatrie ne peut pas toujours proposer. réactionnels à un facteur de stress sévère et troubles de l’adaptation » (7 %). Premiers motifs aussi de prise en charge des adolescents de 12 à 17 ans, ces trois grandes catégories de pathologies se répartissent différemment : les «  troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes* » sont nettement plus fréquents (21 %, avec 11 % de « réaction à un facteur de stress sévère et troubles de l’adaptation » et 6 % de troubles anxieux non phobiques) et les troubles du développement psychologique ne sont plus retrouvés que pour 9 % des adolescents suivis en psychiatrie. On constate également une diversification des troubles, 17 % des adolescents pris en charge présentant une autre catégorie de diagnostic : « troubles de l’humeur » (7 %), « troubles de la personnalité et du comportement chez l’adulte » (3 %), « syndromes comportementaux associés à des perturbations physiologiques et à des facteurs physiques » (3 %, essentiellement troubles du comportement alimentaire), troubles psychotiques (2 %) et « troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives » (1 %), ces pathologies émergeant généralement à un âge plus avancé. Cette répartition des diagnostics reflète essentiellement celle de la prise en charge ambulatoire, qui concerne 90 % des mineurs pris en charge en psychiatrie en établissement de santé. Elle diffère en hospitalisation complète ou partielle, davantage indiquée dans le cas de troubles plus sévères ou installés, ou en situations de crise. D’ailleurs, dans le cadre de ces prises en charge, un diagnostic psychiatrique est plus fréquemment renseigné. Pour les moins de 12 ans, dont la prise en charge en hospitalisation se fait essentiellement à temps partiel, un diagnostic psychiatrique est ainsi ren- En particulier, les pédopsychiatres peuvent lui préférer la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) qui s’intègre à une « approche pluridimensionnelle rendant possible la saisie des contraintes organiques pesant sur l’enfant, les effets des événements de la vie ayant marqué sa trajectoire ainsi que ceux liés à son environnement familial et social ». 58 Atlas de la santé mentale en France Les enfants et adolescents Part des mineurs pris en charge en psychiatrie en établissement de santé par grande catégorie diagnostique, selon la tranche d’âge (plus ou moins de 12 ans) Pourcentage de mineurs concernés 0-11 ans 12-17 ans 30 25 20 15 10 5 0 ND F0 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 Z F0 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 Classes Cim 10 du diagnostic principal F9 Z Autres Troubles mentaux organiques, y compris les troubles symptomatiques Troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives Schizophrénie, troubles psychotiques Troubles de l’humeur Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes Syndromes comportementaux associés à des perturbations Troubles de la personnalité et du comportement Retard mental Troubles du développement psychologique Troubles du comportement et troubles émotionnels (hors troubles mentaux) Facteurs influençant l’état de santé Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2020. seigné pour 84 % d’entre eux. Il s’agit principalement de « troubles du développement psychologique » indiqués pour plus de la moitié des enfants pris en charge en hospitalisation partielle (55 %). Il s’agit essentiellement des troubles envahissants du développement (40 % des enfants). En revanche, les « troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement pendant l’enfance » sont moins fréquents qu’en ambulatoire, même s’ils sont indiqués pour 22 % des enfants. Toutes les autres grandes catégories de diagnostics concernent moins de 3 % des enfants (figure 4 p. 60). Pour les adolescents de 12 à 17 ans pris en charge en hospitalisation complète ou partielle, les absences de diagnostic principal et les « facteurs influant sur l’état de santé et motifs de recours aux services de santé » sont également beaucoup moins fréquents qu’en ambulatoire. Concernant les diagnostics médicaux, l’hospitalisation à temps complet se caractérise par l’importance des troubles de l’humeur, indiqués pour 16 % des F8 adolescents pris en charge. Les troubles psychotiques et les « troubles de la personnalité et du comportement chez l’adulte » sont également nettement plus fréquents qu’en ambulatoire (concernant respectivement 8 et 7 % des adolescents). Enfin, 2,5 % des adolescents sont pris en charge pour troubles liés à des substances psychoactives (figure 4 p. 60). Comme pour les plus jeunes, l’hospitalisation à temps partiel se démarque de la prise en charge ambulatoire par une part beaucoup plus importante d’adolescents ayant un trouble du développement psychologique (24 %), essentiellement troubles envahissants du développement (19 %), et de façon moindre, par des diagnostics de troubles psychotiques plus fréquents (6 %) (figure 4 p. 60). L’hospitalisation des enfants de moins de 12 ans pour motif psychiatrique est aussi fréquente dans un service de MCO que dans un service psychiatrique. Les diagnostics sont alors assez proches Atlas de la santé mentale en France 59 2 FIGURE 3 2 FIGURE 4 Les enfants et adolescents Part des mineurs pris en charge en établissements psychiatriques concernés par chaque grande catégorie de diagnostics, selon le mode de prise en charge et l’âge (plus ou moins de 12 ans) Hospitalisation à temps plein Hospitalisation à temps partiel Ambulatoire Enfants 0-11 ans  Adolescents 12-17 ans 0,3 0,4 0,2 0,3 0,1 0,1 F0. Troubles mentaux organiques, y compris les troubles symptomatiques F1. Troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives 0,0 2,4 0,0 0,5 0,0 0,9 0,8 0,3 0,1 F2. Schizophrénie, troubles psychotiques 1,6 0,3 0,9 F3. Troubles de l'humeur F4. Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes 6,7 11,8 1,3 7,8 5,6 2,9 1,8 0,7 1,4 5,3 3,1 2,4 F6. Troubles de la personnalité et du comportement 2,0 1,1 0,8 7,5 5,0 2,6 F8. Troubles du développement psychologique 2,2 2,5 1,0 8,4 20,0 F9. Troubles du comportement et troubles émotionnels (hors F99. Trouble mental) 29,9 29,1 24,0 26,5 24,2 18,4 9,5 5,8 7,5 5,1 2,4 1,1 2,3 Autres Diagnostics non renseignés 17,2 50 40 24,3 8,9 22,5 Z. Facteurs influençant sur l’état de santé 60 20,5 2,4 2,2 1,1 36,6 55,1 20,9 12,6 F5. Syndromes comportementaux associés à des perturbations F7. Retard mental 16,0 7,4 6,0 30 20 3,5 0,4 3,2 7,4 9,6 9,5 10 19,0 0 10 11,2 15,5 20 30 Pourcentages Lecture : 37 % des mineurs de moins de 12 ans pris en charge en 2015 en hospitalisation à temps plein dans un établissement psychiatrique ont eu un diagnostic du chapitre F8 de la Cim 10 « troubles du développement psychologique ». Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2020. 60 Atlas de la santé mentale en France Les enfants et adolescents de ceux observés en psychiatrie, ce qui n’est pas le cas pour les adolescents de 12-17 ans7. Les enfants de moins de 12 ans hospitalisés en pédiatrie pour un problème de santé mentale sont en effet majoritairement pris en charge pour des troubles du développement psychologique (45 % d’entre eux), mais ces troubles sont moins sévères qu’en psychiatrie : il s’agit de troubles spécifiques de la parole et du langage et de troubles spécifiques des acquisitions scolaires (12 % chacun), et pour seulement 8 % de troubles envahissants du développement, nettement moins fréquents qu’en psychiatrie. La deuxième grande catégorie de troubles prise en charge en pédiatrie est constituée, comme en psychiatrie, par les troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement pendant l’enfance (31 % des enfants). Les cas d’enfants suivis pour retard mental sont un peu plus nombreux qu’en psychiatrie (7 % contre 2.6 Variabilité territoriale du recours aux soins selon le mode de prise en charge et disparités d’offre La variabilité territoriale du taux de recours aux soins de santé mentale des jeunes est très différente d’un mode de prise en charge à l’autre et n’est pas liée à sa fréquence (figure 5 p. 62 et carte 28 p. 64-p. 65). Ainsi, la prise en charge ambulatoire en CMP est la plus répandue mais présente un coefficient de variation du même ordre (30 %) que des types de recours plus rares, comme l’hospitalisation à temps complet en psychiatrie ou en MCO, ou encore la consommation de psychotropes. En revanche, les taux de recours départementaux aux CATTP et aux psychiatres libéraux sont très hétérogènes (avec des coefficients de variation autour de 100 %). Si le nombre de mineurs suivis en CATTP est relativement faible (moins de 30 000) et leur répartition sur le territoire peu corrélée à l’offre de soins, à l’inverse le recours aux consultations de psychiatres libéraux est nettement plus fréquent (près de 160 000 mineurs concernés) et fortement lié à l’offre de soins8, très inégalement répartie sur le territoire (chapitre 1). La densité de psychiatres 7 8 2 %). Concernant les adolescents de 12 à 17 ans, la différence majeure est la prise en charge pour des troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives, surtout l’alcool, catégorie diagnostique quasiment inexistante comme motif principal de prise en charge en psychiatrie, et qui concerne un quart des adolescents hospitalisés en MCO pour motif psychiatrique : 58 % de ces adolescents sont hospitalisés dans les Unités d’hospitalisation de courte durée des urgences (UHCD) et 31 % en pédiatrie. La seconde spécificité des adolescents pris en charge en MCO est la fréquence de ceux qui présentent un diagnostic de troubles de l’humeur (20 %). Comme en psychiatrie, les « troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes » concernent 21 % des adolescents et les « troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement pendant l’enfance » un quart d’entre eux. à Paris est en effet six fois supérieure à la moyenne France entière et l’implantation des psychiatres libéraux reste globalement très concentrée dans les grandes agglomérations urbaines (cartes 26 et 27 p. 63). Une typologie permet d’affiner cette approche des disparités territoriales en matière d’offre et de recours aux soins des mineurs présentant des troubles psychiques (encadré 2 p. 66). Elle fait apparaître quatre configurations distinctes (carte p. 67). Dans la classe 3 regroupant le plus de départements (38) et couvrant 24 % de la population des 0 à 17 ans, un quart de la population vit en zone rurale et présente des signes de vulnérabilité sociale. Ces départements se caractérisent par une offre importante en soins hospitaliers spécialisés en psychiatrie infanto-juvénile ainsi qu’en services et accompagnement médico-sociaux. À cette offre est associé un recours élevé vers ces structures spécialisées, semblant indiquer une relativement bonne adéquation de l’offre à la demande de soins. Dans une autre classe (1) re- Dans les deux cas, psychiatrie et MCO, les parts de mineurs concernés par un diagnostic sont calculées par rapport à l’ensemble des mineurs pris en charge, et non par rapport aux seuls mineurs pour lesquels un diagnostic est renseigné. En effet, on ne peut assimiler la structure des cas où le diagnostic est non renseigné à celle des cas où il est connu ; néanmoins, la grande variabilité de cette part de diagnostics inconnus selon le mode de prise en charge et l’âge (de 17 % en ambulatoire à 0 % en MCO, par définition) rend la comparaison plus délicate. Le coefficient de corrélation linéaire entre le taux de recours aux psychiatres des jeunes de moins de 18 ans et le nombre de psychiatres libéraux par habitant de moins de 18 ans est de 0,8. Atlas de la santé mentale en France 61 2 2 FIGURE 5 Les enfants et adolescents Nombre de mineurs ayant eu recours à des soins de santé mentale en 2015, selon le type de soins Taux de recours (pour 10 000 habitants) 50 % des départements 1 000 90 e percentile 3 e quartile 1er quartile e 10 percentile 100 10 1 0,1 Ensemble ambulatoire CMP CATTP à temps complet Hospitalisation... à temps en MCO pour motif partiel psychiatrique Psychotropes Psychiatres libéraux CMP : Centres médico-pédagogiques CATTP : Centres d'activité thérapeutique à temps partiel MCO : Médecine, chirurgie, obstétrique Lecture : Le 10e percentile (seuil en dessous duquel se situent les 10 % de départements au taux le plus faible) est de 229. Le 1er quartile (seuil en dessous duquel se situent les 25 % de départements au taux le plus faible) est de 276. Le 3e quartile (seuil en dessous duquel se situent les 75 % de départements au taux le plus faible) est de 429. Le 90e percentile (seuil au-dessus duquel se situent les 10 % de départements au taux le plus fort) est de 499. Sources : Rim-P, PMSI MCO, Sniiram 2015, Insee. Infographie : Irdes 2020. groupant 30 départements urbains parmi les plus peuplés, soit 44 % des moins de 18 ans, l’offre se caractérise par l’importance de dispositifs d’accueil spécifiques ou de référence régionale, ainsi que par une offre privée de ville bien implantée, associée à un recours important aux psychiatres libéraux. A l’inverse, l’offre médico-sociale y est peu développée. La présence de cette offre spécifique en direction des enfants et adolescents tend à limiter le recours aux établissements de santé, qu’il soit ambulatoire ou hospitalier, ce qui pourrait traduire un assez bon fonctionnement de la complémentarité des secteurs et dispositifs dans ces territoires. Les deux autres classes (2 et 4) apparaissent plus problématiques, réunissant des départements où vivent respectivement 19 et 13 % des mineurs. Dans la classe 2, réunissant une vingtaine de départements présentant des caractéristiques sociales plus défavorisées, il semble y avoir des difficultés de prises en charge hospitalières à temps complet ou partiel. L’offre moindre en capacités ou en offre libérale spécialisée génère un recours plus important vers l’hospitalisation 62 Atlas de la santé mentale en France en pédiatrie pour motif psychiatrique ou suite à une tentative de suicide, ou en psychiatrie générale, notamment en urgence, et une consommation plus importante de psychotropes. Les douze départements de la classe 4 se caractérisent quant à eux par un faible recours dont on ne sait pas s’il est subi du fait d’une offre insuffisante pour répondre à la demande, ou s’il est lié au fait que la population de ces territoires, qui cumule des indicateurs sociaux défavorables et une population jeune relativement importante, ne recourent pas aux soins. Cette classe est notamment retrouvée pour les quatre Drom. *** Ces configurations diverses appellent des réponses variées pour améliorer la prise en charge des enfants et adolescents sur ces territoires. Les projets territoriaux de santé mentale qui doivent être mis en place en 2020 doivent prendre en compte ces spécificités.   Les enfants et adolescents 2 CARTE 26 Densité de psychiatres libéraux Pour 100 000 habitants Départements et régions d'outre-mer 64,4 France 9,9 A Guadeloupe 9,0 6,6 5,0 20 km 3,6 B Martinique 1,1 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : RPPS 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Taux de recours aux psychiatres libéraux pour les mineurs Pour 100 000 habitants de moins de 17 ans Départements et régions d'outre-mer 266,5 A Guadeloupe 124,5 France 109,2 90,6 20 km 63,7 B Martinique 41,4 13,3 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Sniiram 2015. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 63 CARTE 27 2 Les enfants et adolescents Taux de recours en établissement de santé des enfants et adolescents, par grand mode de prise en charge, en 2015 CARTE 28 28a Taux de recours ambulatoire Pour 10 000 habitants de 0 à 17 ans Départements et régions d'outre-mer 585,4 A Guadeloupe 454,4 374,7 322,1 France 335,2 20 km B Martinique 267,7 3,3 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rimp 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 28b Taux de recours à temps partiel Pour 10 000 habitants de 0 à 17 ans Départements et régions d'outre-mer 79,3 A Guadeloupe 42,2 23,6 France 22,3 20 km 16,6 B Martinique 13,4 0,9 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rimp 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 64 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les enfants et adolescents 2 Taux de recours en établissement de santé des enfants et adolescents, par grand mode de prise en charge, en 2015 Taux de recours à temps complet en psychiatrie CARTE 28 28c Pour 10 000 habitants de 0 à 17 ans Départements et régions d'outre-mer 37,6 A Guadeloupe 20,9 16,1 France 14,5 20 km 13,7 B Martinique 10,5 5,2 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rimp 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Taux de recours en hospitalisation en MCO pour un motif psychiatrique Pour 10 000 habitants de 0 à 17 ans Départements et régions d'outre-mer 56,9 A Guadeloupe 27,4 France 20,9 20 km 21,5 17,6 B Martinique 14,7 5,5 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rimp 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 65 28d 2 Les enfants et adolescents Encadré 2 1 sur 5 Une typologie des départements fondée sur le recours aux soins Pour synthétiser la diversité des situations départementales en matière de prise en charge des troubles psychiques des jeunes de moins de 18 ans, une typologie en quatre classes a été réalisée au moyen d’une Classification ascendante hiérarchique (CAH). Elle s’appuie sur l’analyse de différents indicateurs de recours aux soins et est ensuite mise en regard de données relatives au contexte démographique, socio-économique et d’offre dans lequel ce recours opère (tableau p. 69-70). Classe 1 30 départements urbains dotés d’une offre de psychiatres libéraux élevée et marqués par un faible recours en établissements de santé. Réunissant 30 départements, parmi les plus peuplés, et 44 % de la population des moins de 18 ans, cette classe est la plus importante. Elle est composée de départements urbains (en moyenne, 85 % de la population du département vit en zone urbaine), essentiellement situés en Ile-de-France, sur le littoral méditerranéen, à l’Est, en Corse et dans les départements sièges de grandes villes (Paris, Nantes, Besançon, Clermont-Ferrand, Strasbourg, Lyon, Toulouse). Sur le plan socio-économique, cette classe ne présente pas de difficultés sociales majeures (indicateurs de recours à l’Aide sociale à l’enfance (Ase) inférieurs à la moyenne). Contrairement aux autres classes, ce groupe est marqué par une forte offre en matière de dispositifs d’accueil spécifiques ou de niveau de recours régional comme les unités spécialisées dans la prise en charge de l’adolescent, les unités d’hospitalisation ou de jour parents-bébés ainsi que les maisons départementales des adolescents. Cette classe se caractérise également par une très importante offre psychiatrique libérale de ville avec 10,3 psychiatres libéraux pour 100 000 habitants contre 7,1 en moyenne1. Ceci peut expliquer un taux de recours aux psychiatres libéraux de ville nettement supérieur à la moyenne (1,5 % versus 1 %) et une faible consommation de psychotropes. Bénéficiant également d’une dotation en psychiatres hospitaliers au-dessus de la moyenne, ces départements se distinguent par un faible recours aux 1 établissements de santé, surtout en psychiatrie ambulatoire et en unité d’hospitalisation MCO. Le taux d’hospitalisation à temps plein en psychiatrie reste inférieur à la moyenne, malgré une part relativement élevée de population située à moins de 20 minutes d’une unité d’hospitalisation à temps plein (41 % contre 30 % en moyenne), liée au caractère urbain de ces territoires. En outre, ces départements disposent de l’offre la plus faible en équipements médico-sociaux, avec notamment des densités très inférieures de CAMSP et de places en IME et en Sessad. Classe 2 20 départements caractérisés par de faibles offres et recours spécialisés, en psychiatrie hospitalière comme de ville, mais un fort taux de recours en MCO et de consommation de psychotropes. Cette classe englobe 20 départements qui couvrent 19 % de la population concernée. Géographiquement, elle concentre un grand nombre de départements de la moitié nord de la France, avec une répartition de la population entre zones urbaines et rurales proche de la moyenne nationale. Cette classe se démarque des autres sur deux indicateurs sociodémographiques : une part de moins de 18 ans (comme de moins de 6 ans) vivant sous le seuil de pauvreté supérieure à la moyenne (22,6 % contre 19,7 %) et un taux de mineurs faisant l’objet d’un taux de mesures d’assistance éducative également supérieur (2,5 % contre 2,1 %), indicateurs a priori révélateurs de besoins plus importants. Cette classe se distingue en premier lieu par un taux d’hospitalisation en MCO (notamment en pédiatrie) très supérieur à la moyenne nationale. Les taux d’hospitalisation pour motif psychiatrique et suite à une tentative de suicide s’élèvent respectivement à 29,8 pour 10 000 habitants de moins de 18 ans (contre 21 en moyenne) et à 25,3 (contre 16,7 en moyenne). Par ailleurs, la part des admissions par les urgences est assez élevée, 63  % contre 56 % pour la moyenne des départements. Le recours aux soins en psychiatrie infanto-juvénile en établissement de santé, se caractérise par un recours en ambulatoire proche de la moyenne nationale (3,6 %), mais un faible recours en hospitalisation complète et surtout partielle (18 contre 26 pour 10 000 en moyenne pour l’ensemble des départements). Ceci peut en partie s’expliquer par une offre hospitalière infanto-juvénile peu développée, avec des densités de lits et de places d’hospitalisation plutôt inférieures à la moyenne. Pour autant, les différences ne sont pas significatives du fait du petit effectif de cette classe (11 lits pour 100 000 habitants contre 16 en moyenne pour l’hospitalisation temps plein dans le public et 59 places d’hospitalisation partielle pour 100 000 habitants contre 77 en moyenne) et une part relativement importante de la population mineure qui réside à plus d’une heure d’une unité d’hospitalisation (15 % contre 12 %). La relative faiblesse de l’offre d’hospitalisation en psychiatrie infanto-juvénile ne semble pas aboutir à une saturation des ressources. En effet, le taux d’occupation des lits d’hospitalisation temps plein n’est pas spécialement élevé (54 % contre 59 %) mais le recours à l’hospitalisation en psychiatrie générale (9,8 % des adolescents hospitalisés en psychiatrie le sont en psychiatrie générale, contre 5,9 % en moyenne) ou en MCO s’accroît. L’offre libérale est également limitée (qu’il s’agisse de psychiatres ou de psychologues) et s’accompagne d’un faible recours à ces professionnels (58 pour 10 000 contre 99 en moyenne). Toutefois, ces territoires se démarquent par une forte consommation de psychotropes, peut-être liée à un moindre recours à l’offre spécialisée. Les départements de cette classe proposent une offre médico-sociale globalement dans la moyenne des autres départements, mais supérieure concernant les IME, avec une densité de places supérieure (767 contre 644) et au contraire, un peu inférieure concernant les CMPP. Classe 3 38 départements, à dominante rurale combinant une offre de psychiatrie et médicosociale importante se traduisant par un faible recours en unité d’hospitalisation MCO. Cette classe regroupe 38 départements, couvrant 24 % de la population des 0-17 ans. Il s’agit majoritai- Le taux France entière est de 10, peu différent de la moyenne des taux départements de la classe du fait du poids très important de cette classe au sein de la population française en termes de nombre d’habitants. 66 Atlas de la santé mentale en France Les enfants et adolescents Une typologie des départements fondée sur le recours aux soins rement de territoires ruraux présents dans le sud-ouest et une partie du centre de la France, à faible densité de population mineure, mais présentant des signes de vulnérabilité sociale, comme en témoignent des indicateurs de recours à l’Ase plus élevés que dans les autres départements (taux de saisines du juge des enfants en assistance éducative, taux de placements Ase, densités de places en établissements Ase). Cette classe se démarque par une offre de psychiatrie infanto-juvénile en établissement de santé relativement importante : les densités de lits d’hospitalisation à temps plein et de places d’hospitalisation à temps partiel mais également la densité de structures ambulatoires (CMP, CATTP, Itep) sont toutes nettement supérieures à la moyenne des autres classes. Cette forte dotation en services de psychiatrie est associée à un taux de recours à ces établissements, lui aussi très élevé, dans le cadre d’une prise en charge hospitalière ou ambulatoire. Par ailleurs, la part des adolescents hospitalisés dans des services de psychiatrie générale y est faible ainsi que la part des admissions par les urgences psychiatriques. Ces indicateurs suggèrent que dans ces territoires, l’offre proposée par la psychiatrie permet d’absorber la demande exprimée. Parallèlement, le taux d’hospitalisation en pédiatrie pour un motif psychiatrique atteint à peine la moyenne, avec un taux de 19 patients pour 10 000 habitants de 0 à 17 ans contre 21 en moyenne. Ces départements disposent également de densités de pédopsychiatres, libéraux et salariés, ainsi que de psychiatres libéraux proches de la moyenne et le recours à ces spécialistes n’y est pas significativement différent du recours moyen. Au sein des établissements psychiatriques, les moyens en psychiatres affectés à la pédopsychiatrie se situent dans la moyenne du territoire alors qu’ils sont plus importants concernant les autres catégories de personnel, médical ou non. L’offre médico-sociale y est également très bien implantée : en particulier, les densités de CAMSP et de CMPP ainsi que les places d’accueil en Itep sont très largement supérieures à la moyenne française. Départements et régions d'outre-mer Classes de la typologie des départements 1 2 3 4 Guadeloupe 20 km Martinique 20 km Guyane 100 km Réunion 20 km Mayotte 100 km 20 km Classe 4 12 départements à faibles offre et recours de psychiatrie comme de consommation de psychotropes, caractérisés par des difficultés sociales et une forte prise en charge par les urgences. Cette classe compte 12 départements (dont les 4 Drom) qui représentent 13 % de la population concernée. Sur le plan social, bien que cette classe ne soit pas très homogène, les départements qui la composent apparaissent assez défavorisés : la part des enfants ayant des difficultés scolaires, comme celle des enfants vivant dans une famille monoparentale ou ayant des parents sans emplois sont particulièrement élevées (les parts des mineurs et des moins de 6 ans vivant sous le seuil de pauvreté ne sont pas renseignées pour les Drom). En outre, cette classe est celle qui détient en moyenne la plus forte part de jeunes de moins de 18 ans (avec cependant des valeurs beaucoup plus élevées pour la Guyane que pour les autres départements de la classe, 28 % de moins de 12 ans et 12 % d’adolescents entre 12 et 17 ans). Du point de vue de la prise en charge, cette classe se caractérise par de faibles taux de recours en psychiatrie infanto-juvénile en établissements de santé, se distinguant ainsi de la classe précédente : le taux d’hospitalisation en psychiatrie des moins de 18 ans s’élève à 8,8 pour 100 000 pour l’hospitalisation à temps plein (contre 13,2 pour 100 000 pour la moyenne des départements) et à 12 pour 100 000 pour l’hospitalisation à temps partiel (contre 25,7 en moyenne). Cette situation est à mettre en regard d’indicateurs d’offre de soins en établissement de santé et d’offre médico-sociale nettement en dessous de la moyenne2. Elle s’accompagne d’une part d’adolescents admis par les urgences très supérieure à celle des autres classes (9,6 % contre 2,9 % pour la moyenne des départements). Le taux de recours en ambulatoire est également faible, de 234 pour 10 000 habitants mineurs (contre 349 en moyenne) et une forte proportion de ces jeunes n’ont été vus qu’une seule fois dans l’année (24 % de mono-consultants contre 21 % en moyenne). Ce dernier résultat peut être lié à une difficulté à instaurer une prise en charge après cette première évaluation ou à l’afflux de demandes psychosociales ne relevant pas d’une prise en charge sanitaire. Il est difficile de savoir si ces territoires sont particulièrement en difficulté pour répondre à la demande ou si la demande ne s’exprime pas. En effet, le faible effectif de la classe (12 départements) rend fragile la comparaison de son offre de soins avec celle des autres départements, les différences observées par rapport à la moyenne nationale 2 A l’exception de la densité de personnels de soins et socio-éducatifs dans les services hospitaliers de psychiatrie infanto-juvénile, on n’observe pas de différences significatives sur ces indicateurs en raison du faible effectif de cette classe. Atlas de la santé mentale en France 67 2 Encadré 2 2 sur 5 2 Encadré 2 3 sur 5 Les enfants et adolescents Une typologie des départements fondée sur le recours aux soins n’étant en général pas statistiquement significatives. Le taux d’hospitalisation en MCO pour motif psychiatrique est tout à fait conforme à la moyenne des autres départements mais comme pour la psychiatrie, la part d’admissions par les urgences y est significativement plus forte (69 % contre 56 %). En ville, on note à la fois un faible recours, que ce soit les consultations de psychiatres libéraux ou la consommation de psychotropes, et une offre inférieure à la moyenne nationale, avec de faibles densités de psychologues libéraux (17,6 pour 100 000 habitants contre 22) et de psychiatres (6,4 pour 100 000 habitants contre 7,1). L’offre médico-sociale ne se démarque guère de la moyenne, sauf concernant la densité de places en IME où elle semble plus faible (576 pour 100 000 jeunes de 6 à 20 ans contre 644). Remerciements aux relecteurs : Guillaume Fond (Assistance publique-hôpitaux de Marseille, AP-HM), Alain Monnier (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, Unafam), Nadia Younès (Université de Versailles-SaintQuentin-en-Yvelines). 68 Atlas de la santé mentale en France Les enfants et adolescents Une typologie des départements fondée sur le recours aux soins Significatvité° Moyenne Moyenne départe- France mentale entière Classe 1 N=30 Classe 2 N=20 Classe 3 N=38 Classe 4 N=12 Variables de recours Taux d'hospitalisation temps plein en psychiatrie des 0-17 ans Taux d'hospitalisation temps partiel en psychiatrie des 0-17 ans Taux d'hospitalisation en alternatives à temps complet en psychiatrie des 0-17 ans Part des adolescents hospitalisés en psychiatrie générale Part des admissions par les urgences des 0-17 ans en psychiatrie Part des mineurs hospitalisés en soins sans consentement ** 13,2 12,5 - 11,32 ** 25,7 22,3 - 18,78 ** 2,9 2,3 - 1,62 ** 5,9 5,6 5,23 ++ 9,75 -- 2,75 ++ 11,55 ** 2,9 2,6 2,31 2,55 -- 1,38 ++ 9,59 ns 5,2 5,09 5,26 4,49 7,70 Part des mineurs en isolement thérapeutique * 9,5 8,06 ++ 14,60 7,55 10,53 Taux de recours en ambulatoire des 0-17 ans ans en établissement de santé pour motif psychiatrique ** 348,6 335,2 -- 296,55 363,58 ++ 417,81 -- 234,27 * 20,8 20,5 21,90 20,66 -- 18,76 + 24,35 Part des actes ambulatoires à domicile ns 1,0 1,0 0,81 1,19 1,18 0,52 Part des actes ambulatoires hors Centres médico-psycyhologiques (CMP) ns 24,1 24,3 24,41 22,11 24,42 25,82 ** 21,1 20,9 - 18,39 ++ 29,51 19,33 19,87 ** 16,7 16,1 -- 11,56 ++ 25,34 16,82 14,99 ** 44,3 38,9 ** 1,6 1,5 Part de mineurs consommant des psychotropes (ensemble) ** 47,7 Taux de recours à un psychiatre des 0-17 ans ** 99,1 109,2 ++ 148,05 Variables d'offre domaine sanitaire/médico-social Nombre d'unités spécialisées dans la prise en charge des adolescents ns 2,0 202,0 ++ * 0,2 19,0 Nombre d'unités de jour parents-bébés ns 0,2 20,0 Nombre de maisons départementales des adolescents ns 1,5 ** Part des 0-17 ans monoconsultants en ambulatoire Taux d'hospitalisation en MCO pour motif psychiatrique des 0-17 ans Taux d'hospitalisation pour tentative de suicide des 12-18 ans Part des admissions par les urgences des 0-17 ans en Médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) Part des 0-17 ans hospitalisés en MCO pour un trouble psychiatrique 12,12 ++ 16,70 -- - 17,65 ++ 39,68 -- 11,95 - 1,19 ++ 5,13 2,31 ++ 47,10 63,10 8,76 56,40 + 68,50 1,36 ++ 2,21 1,49 1,56 -- 38,49 ++ 58,83 + 51,97 -- 39,02 58,18 85,91 86,79 2,80 1,70 1,66 1,75 ++ 0,43 0,10 0,08 0,08 + 0,40 0,10 0,13 0,08 151,0 1,73 1,30 1,37 1,75 16,0 15,1 14,12 10,82 ++ 22,16 10,10 ns 2,4 1,5 1,78 1,43 4,03 0,81 ns 7,6 6,4 3,89 7,11 9,18 12,57 ** 76,8 70,7 59,36 ++ 102,54 60,68 Taux d'occupation des lits d'hospitalisation temps plein ns 58,6 61,0 63,75 54,31 59,89 49,17 Part de la population mineure à moins de 20 min d'une unité d'hospitalisation temps plein ** Part de la population mineure à plus de 60 min d'une unité d'hospitalisation temps plein ns 30,4 37,1 ++ 41,04 25,14 26,48 25,11 11,9 4,5 6,96 15,35 15,02 8,80 Atlas de la santé mentale en France 69 Nombre d'unités d'hospitalisation parents-bébés Densité de lits d'hospitalisation en psychiatrie infanto-juvénile en établissement public Densité de lits d'hospitalisation en psychiatrie infanto-juvénile en établissement privé Densité d'alternatives à temps complet en psychiatrie infanto-juvénile Densité de places d'hospitalisation partielle en psychiatrie infanto-juvénile - - 62,24 - - ° Test de Fischer de comparaison globale des moyennes de la variable entre les classes : ** p < 0,01 ; * p < 0,05. Pour chaque classe, test de Fischer de comparaison de la moyenne de la variable dans la classe et dans la population totale : p<0,01 p<0,05 (1) : indicateurs non renseignés pour les 4 départements de la classe (les Dom) Encadré 2 4 sur 5 TABLEAU. Typologie de départements selon le recours aux soins : caractéristiques des 4 classes Variables actives Variables illustratives 2 Encadré 2 5 sur 5 Les enfants et adolescents Une typologie des départements fondée sur le recours aux soins TABLEAU. Typologie de départements selon le recours aux soins : caractéristiques des 4 classes (suite) Significatvité° 2 Variables actives Variables illustratives Variables d'offre domaine sanitaire/médico-social (suite) Part des CMP ouverts 5 jours ou plus par semaine psychiatrie infanto-juvénile ns Moyenne Moyenne départe- France mentale entière Classe 1 N=30 79,7 80,4 84,23 12,1 13,4 ++ 14,82 Classe 2 N=20 Classe 3 N=38 Classe 4 N=12 78,58 77,20 78,09 9,82 11,86 9,92 Densité d’Équivalents temps plein (ETP) moyens annuel de psychiatre infanto-juvénile ** Densité d’ETP moyens personnel médical autre psychiatrie infanto-juvénile * Densité d’ETP moyen personnels de soins et socio-éducatif psychiatrie infanto-juvénile ** 0,9 0,7 0,54 0,72 ++ 1,35 0,76 148,9 134,4 131,08 130,51 ++ 188,22 -- 99,45 Taux d'encadrement (psychiatres/file active) ns 4,6 4,8 6,7 + - 5,82 3,29 4,56 3,80 * 6,3 Accessibilité potentielle localisée (APL) aux psychiatres libéraux ** 5,6 * 7,1 Densité de psychologues libéraux ** 22,0 Densité de Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) * Densité de Centres médicopsycho-pédagogiques (CMPP) * Densité de places en Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) ns 8,1 5,9 3,7 2,9 3,13 171,2 148,2 154,48 Densité de places en Institut médico-éducatif (IME) ** 643,5 577,8 -- 527,56 ++ 766,93 691,20 576,21 338,3 307,3 -- 303,45 354,82 357,98 2,1 1,9 -- 1,63 ++ 2,46 + 2,20 1,97 Densité de pédopsychiatres libéraux et salariés Densité de psychiatres libéraux (sur la population totale) Densité de places en Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) * 7,11 - 3,79 7,41 5,27 7,85 - 3,91 4,95 4,78 ++ 10,32 4,66 6,13 6,36 ++ 30,47 -- 14,58 20,50 17,58 6,99 ++ 10,57 9,60 2,30 ++ 4,83 3,79 147,00 + 207,95 136,53 ++ 10 -- 5,07 - 347,20 Variables de contexte Taux de mesures éducatives ou de placement dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance ** Part de mineurs faisant l’objet d’une saisine du juge des enfants en assistance éducative ** Nombre de places en établissements d'aide sociale à l'enfance * 8,0 7,6 -- 7,24 8,26 ++ 8,70 7,52 4,1 3,8 - 3,51 4,07 ++ 4,72 3,82 Taux de pauvreté des moins de 6 ans ** 17,9 18,0 17,71 + 20,40 18,45 -- 12,08 Taux de pauvreté des moins de 18 ans ** 19,7 20,0 19,46 + 22,55 20,29 -- 13,25 Part des enfants vivant dans une famille monoparentale ** 19,9 19,9 19,27 18,44 18,79 ++ 27,22 Part des enfants vivant dans une famille dont les parents n’ont pas d’emploi ** et ne sont ni retraités ni étudiants Part d'élèves entrant en 6e avec au moins un an de retard, à la rentrée 2015 * 11,5 11,5 9,81 12,20 10,06 ++ 19,31 10,2 10,2 9,81 10,56 9,77 ++ 11,79 Densité des 0-12 ans ** 14,3 14,76 14,66 -- 13,33 ++ 15,94 Densité des 12-17ans ** 7,3 7,23 7,42 Part de population mineure vivant en zone urbaine (111, 112, 120) ** Part de population mineure vivant en zone rurale (300, 400) ** 71,3 ++ 85,48 67,80 16,9 -- 8,47 -- -- 59,88 77,79 18,36 ++ 24,55 11,39 ° Test de Fischer de comparaison globale des moyennes de la variable entre les classes : ** p < 0,01 ; * p < 0,05. Pour chaque classe, test de Fischer de comparaison de la moyenne de la variable dans la classe et dans la population totale : p<0,01 p<0,05 (1) : indicateurs non renseignés pour les 4 départements de la classe (les Dom) 70 Atlas de la santé mentale en France 6,99 ++ 8,10 chapitre 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Coralie Gandré1, Magali Coldefy1, Clément Nestrigue1 1 Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) L es troubles psychiques de l’adulte présentent un très large spectre : ils regroupent un ensemble de maladies hétérogènes tant sur le plan phénotypique* qu’étiologique*. De nature, de gravité et d’évolution différentes, ils vont des troubles légers et ponctuels, tels que des épisodes anxieux isolés*, à des troubles sévères et persistants, tels que les troubles schizophréniques*, avec entre ces deux extrêmes une très grande variété de troubles aux manifestations multiples. De ce fait, il est difficile de catégoriser les différentes maladies mentales. Néanmoins, la littérature étrangère distingue couramment les troubles fréquents légers à modérés des troubles sévères plus rares et au caractère plus durable dans le temps, même s’il n’existe pas de consensus sur la définition précise de ces deux types de troubles (Steel et al., 2014). D’après la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les troubles psychiques fréquents (ou modérés) sont caractérisés par l’importance de leur prévalence* et incluent deux pathologies principales : les troubles dépressifs et les troubles de l’anxiété sans critère restrictif lié à la sévérité, à la durée ou à la récurrence des troubles (OMS, 2017 ; Fleury et Grenier, 2012). Néanmoins, d’autres travaux incluent également les addictions* parmi les troubles fréquents (Steel et al., 2014 ; Alonso et al., 2004). Les troubles psychiques sévères et persistants correspondent à des troubles chroniques avec des épisodes récurrents qui interfèrent fortement avec les relations interpersonnelles limitant les compétences sociales et les capacités fonctionnelles (Fleury et Grenier, 2012). La plupart des définitions de ces troubles issues de la littérature internationale reposent sur une identification non seulement basée sur le diagnostic mais qui s’appuie également sur leur durée et les limitations fonctionnelles qu’ils entraînent. Certaines définitions s’affranchissent en partie de la notion de diagnostic en se basant davantage sur des critères opérationnels, tels qu’une longue durée de contact avec des services de santé mentale et des scores peu élevés sur des échelles d’évaluation globale du fonctionnement d’un individu (Ruggeri et al., 2000 ; Parabiaghi et al., 2006 ; Schinnar et al., 1990). Les groupes diagnostiques identifiés comme ayant un impact durable avec des conséquences fonctionnelles peuvent donc différer selon les publications consacrées aux troubles psychiques sévères et persistants. Certaines n’incluent que les troubles schizophréniques* (Murphy et al., 2015), d’autres intègrent les troubles sévères de l’humeur* et les troubles liés aux addictions (de Mooij Atlas de la santé mentale en France 71 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans et al. 2016), d’autres encore réunissent troubles psychotiques*, dépressifs et bipolaires (Fleury et Grenier 2012). Les données médico-administratives mobilisées dans le cadre de cet Atlas ne contiennent pas de données précises sur la sévérité des troubles psychiques des patients pris en charge, que ce soit en termes de symptomatologie* ou de limitations fonctionnelles. Elles incluent uniquement le diagnostic ayant conduit à la prise en charge, codé selon la dixième version de la Classification internationale des maladies (Cim 10), qui ne contient pas d’informations détaillées sur la sévérité du trouble. L’identification des troubles psychiques fréquents et des troubles psychiques sévères et persistants a donc été faite essentiellement sur la base des groupes diagnostiques. Ainsi, nous avons fait le choix d’inclure dans les troubles psychiques fréquents deux sous-groupes : d’une part, les troubles névrotiques et de l’humeur* intégrant notamment les troubles anxieux et les épisodes dépressifs sans notion de sévérité et, d’autre part, les troubles addictifs. Pour les troubles psychiques sévères et persistants, nous avons considéré les troubles psychotiques (incluant notamment la schizophrénie), les troubles bipolaires et les troubles dépressifs sévères. Les troubles psychiques chez les adultes sont associés à des enjeux significatifs pour le système de santé français tant en termes de santé publique que sur le plan économique. En effet, les troubles psychiques sont responsables de 11 % de la morbidité* en termes d’années de vie ajustées sur l’incapacité (disability-adjusted life years, Dalys) [OMS, 2018]. Le coût de leur prise en charge s’élève à 23 milliards d’euros annuels, ce qui représente l’un des principaux postes de dépense de l’Assurance maladie, équivalent à 14 % des dépenses totales remboursées (Cnam, 2018). Néanmoins, les données de prévalence des troubles psychiques sont limitées en France. Quelques enquêtes génériques en population générale ont permis d’obtenir des estimations pour les troubles psychiques fréquents. Ainsi, d’après l’enquête Baromètre santé 2017, les épisodes dépressifs caractérisés toucheraient 13 % des femmes et 6 % des hommes chaque année, soit près d’une personne sur dix (Léon et al., 2018). L’Enquête santé européenne (EHIS-ESPS) estime quant à elle que 9 % des femmes et 5 % des hommes présentent des symptômes dépressifs dans les deux semaines précédant l’entretien (Pisarik et al., 2017). Toutefois, ces enquêtes génériques se prêtent mal à la me- 72 Atlas de la santé mentale en France sure de la prévalence des troubles psychiques sévères et persistants qui concernent une population plus réduite bien que significative. À l’heure actuelle, seules deux enquêtes en population générale spécifiques à la santé mentale ont été réalisées en France. L’enquête Santé mentale en population générale : images et réalités (SMPG), réalisée entre 1999 et 2003 en France métropolitaine, a ainsi estimé la prévalence des troubles dépressifs récurrents à 7 % chez les femmes et 5 % chez les hommes sur la vie entière, celle des épisodes maniaques* à 1 % chez les femmes et 2 % chez les hommes, et celle des troubles d’allure psychotique* à 2,5 % chez les femmes et 3,1 % chez les hommes (Bellamy, 2004). L’enquête European Study of the Epidemiology of Mental Disorders (ESEMED) a, elle, estimé la prévalence des épisodes dépressifs majeurs tous sexes confondus à 6 % chaque année et à 21 % sur la vie entière en France (Lépine et al., 2005). Ces données sont cependant anciennes, les deux enquêtes spécifiques à la santé mentale ayant été réalisées au début des années 2000. De plus, elles ont été obtenues par pondération d’un échantillon représentatif de la population, ce qui ne permet pas d’avoir une approche territorialisée de ces prévalences, par exemple par région, département ou territoire de santé mentale. L’une des approches pouvant être employée pour combler le manque de données sur la prévalence des troubles psychiques est de recourir à des données sur la prévalence des troubles pris en charge par le système de santé qui correspond au concept de prévalence « traitée » (treated prevalence) évoqué dans la littérature internationale (Bulloch et al., 2011 ; Bijl et al., 2003). Pour autant, ce concept n’intègre pas les personnes ne recourant pas aux soins, qui sont nombreuses, y compris dans les pays développés. Comme le pose le modèle d’Andersen, l’accès aux soins relève de facteurs « prédisposants » (résultant de facteurs sociodémographiques, d’attitudes, de croyances et de stigmatisation), de facteurs « de besoin » (la sévérité évaluée subjectivement et objectivement), et de facteurs « favorisant » (système d’assurance, niveau financier, soutien social, offre de soins) [Andersen, 1995]. Ainsi, la prévalence « traitée » dépend de la prévalence des troubles psychiques, et de nombreux autres facteurs tels que le niveau de défavorisation sociale des territoires et l’offre de soins disponible (Bocquier et al., 2008). Selon l’OMS, le pourcentage de cas non traités est estimé entre 44 % et 70 % dans les pays développés, notamment pour les troubles les plus légers (OMS, 2004). Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans En France, la prévalence « traitée » peut être approchée à travers la cartographie des pathologies et des dépenses de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Cette analyse médicalisée s’appuie sur les données issues du Système national des données de santé (SNDS). Le SNDS est une base de données nationale, gérée par la Cnam, qui inclut les données hospitalières de l’Agence technique d’information sur l’hospitalisation (ATIH) en services de Médecine, chirurgie et obstétrique (base PMSI-MCO) ou psychiatriques (base Rim-P), l’ensemble des remboursements de soins hospitaliers et de médecine de ville des assurés de l’Assurance maladie (base Sniiram), ainsi que certaines de leurs caractéristiques individuelles, notamment sociodémographiques et médicales (dont les motifs d’hospitalisation et les causes de décès). Des groupes de populations sont constitués à partir d’algorithmes développés afin d’identifier et de caractériser, pour chaque bénéficiaire, les pathologies, traitements ou épisodes de soins repérables à partir du SNDS. Les groupes relatifs aux pathologies psychiatriques sont constitués à partir des diagnostics repérés lors d’une hospitalisation ou d’une Affection de longue durée (ALD), ainsi qu’à partir des traitements psychotropes réguliers (au moins trois délivrances) sur une période allant de un à cinq ans (Cnam, 2018a). Les prévalences « traitées » sont relativement proches de celles estimées au niveau international en population générale pour certains troubles sévères pour lesquels le recours aux soins mobilisés dans la construction des algorithmes de la cartographie est quasi-systématique. C’est le cas des troubles psychotiques qui présentent une prévalence mondiale moyenne de 7,2 pour 1 000 en population générale (Moreno-Küstner, Martín, et Pastor, 2018). Pour les troubles fréquents, la prévalence « traitée » identifiée par l’Assurance maladie à travers des consommations de soins spécifiques tend à fortement sous-estimer le nombre de personnes concernées, notamment les addictions, qui en France sont majoritairement prises en charge par le secteur social ou médico-social ou en ambulatoire. Dans ce contexte, ce chapitre vise à décrire les prises en charge des individus adultes souffrant de troubles psychiques fréquents ou de troubles psychiques sévères et persistants en caractérisant : le recours aux soins pour ces troubles en France, les prises en charge au sein des établissements de santé et l’articulation ville-hôpital, tant pour les soins spécialisés qu’en termes d’accès aux soins somatiques* et à la prévention, sont également observées. Ainsi en 2016, il est estimé que 7,3 millions d’individus couverts par le Régime général et les Sections locales mutualistes (SLM)1 [dont près de 60 % ont entre 15 et 64 ans], faisaient partie de ces catégories (Cnam, 2018). Néanmoins, si l’utilisation des causes d’hospitalisation et des ALD limite l’estimation de la prévalence des troubles psychiques aux troubles très sévères, l’utilisation de la consommation de médicaments psychotropes peut au contraire conduire à surestimer cette prévalence car ils sont parfois prescrits en dehors du cadre d’une pathologie psychiatrique. La bonne estimation de la prévalence traitée des troubles psychiques doit donc se situer entre les deux. Les données issues de la cartographie des pathologies et des dépenses de la Cnam sont présentées dans le tableau 1. 1 Ces sections correspondent à des régimes propres à des statuts particuliers (par exemple les fonctionnaires ou les étudiants). Atlas de la santé mentale en France 73 3 3 tableau 1 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Estimation de la prévalence « traitée » des troubles psychiques chez les bénéficiaires du Régime général et des Sections locales mutualistes (SLM) ayant consommé des soins et étant âgés de 15 à 64 ans Nombre de personnes Catégories Prises en charge pour... Au moins trois délivrances... Taux pour 1 000 consommants des troubles névrotiques et de l’humeur 773 600 21,5 des troubles addictifs 257 400 7,2 des troubles psychotiques 331 700 9,2 de neuroleptiques, hors pathologie identifiée 151 500 4,2 d’antidépresseurs, hors pathologie identifiée 1 567 200 43,6 d’anxiolytiques, hors pathologie identifiée 1 459 500 40,6 d’hypnotiques, hors pathologie identifiée 611 000 17,0 Sources : Cnam, 2018 a et b. 74 Atlas de la santé mentale en France Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 3.1 Recours aux soins de santé mentale Etant donné la diversité des troubles psychiques, leur large spectre, et les différentes phases de la maladie, la demande de soins pour un problème de santé mentale peut s’exprimer auprès de plusieurs opérateurs. La médecine de ville est naturellement en première ligne, avec un recours aux soins qui peut se faire auprès de médecins généralistes ou de professionnels spécialisés tels que les psychiatres et psychologues libéraux. Il peut également avoir lieu auprès des établissements de santé qui proposent des prises en charge ambulatoires (majoritairement en Centres médico­ psychologiques (CMP)) ainsi qu’en hospitalisation à temps partiel ou complet, en psychiatrie ou dans des services somatiques (notamment aux urgences). Une partie du recours, notamment pour les addictions, se fait également auprès du secteur social et médico-social (en particulier via les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, les Consultations jeunes consommateurs (CJC) et autres dispositifs). Peu de données sont disponibles dans la littérature pour caractériser le recours aux soins des personnes avec des troubles psychiques fréquents ou des troubles psychiques sévères et persistants en France. Tout comme pour l’estimation de la prévalence des troubles, les données de l’enquête SMPG en population générale ont néanmoins apporté quelques premiers éléments de réponse. Elles soulignent ainsi l’absence de recours aux soins pour un quart des individus souffrant de dépression, qui semble cependant concerner principalement les individus les moins sévèrement malades. 26 % des individus dépressifs ont déclaré avoir consulté un professionnel de la santé mentale et 38 % un professionnel de santé non spécialisé, tandis que 17 % ont été pris en charge en établissement hospitalier (Morin, 2007). L’enquête ESEMED a confirmé que les individus souffrant de troubles psychiques fréquents en France étaient plus susceptibles de consulter un médecin généraliste qu’un psychiatre (Dezetter et al., 2013). Il est par ailleurs estimé qu’une part importante des consultations chez les médecins généralistes sont liées à des troubles psychiques (Norton et al., 2009), cette part pouvant atteindre près de 13 % rien que pour les principaux troubles fréquents (troubles dépressifs et anxieux) [Labarthe, 2004]. Les données de consommation de soins des individus suivis pour des troubles psychiques issues du SNDS permettent de compléter ces premiers éléments. Pour autant, le SNDS ne permet qu’une approche parcellaire des soins reçus par les individus avec des troubles psychiques. En effet, les diagnostics ayant motivé les prises en charge ne sont renseignés que pour celles réalisées en établissement de santé (en service de psychiatrie ou en MCO) hors passage aux urgences. En ville, le motif de consultation n’est pas disponible. Ainsi, si l’ensemble des consultations chez les psychiatres peut être attribué à la prise en charge des troubles psychiques, il n’est pas possible d’identifier les consultations de médecins généralistes spécifiquement motivées par un problème psychique. Ces limites sont liées aux modes de financement des différents types de soins. Les passages aux urgences et les consultations en ville n’étant pas financés selon une tarification à l’activité, ils ne nécessitent pas le recueil de données sur les motifs de recours. Par ailleurs, des limites sont également présentes pour les prises en charge psychiatriques ambulatoires en établissement de santé. Il n’est en effet possible d’identifier qu’un même patient a été pris en charge en ambulatoire dans plusieurs établissements que s’il a également été hospitalisé dans ces établissements. Cela est lié à l’absence de recueil d’un numéro d’identification national lors des prises en charge en CMP (qui est néanmoins prévu pour la première fois en 2020) et peut conduire à comptabiliser plusieurs fois le recours d’un même patient. De plus, les données du SNDS n’incluent pas les consultations de psychologues ou de psychothérapeutes pour lesquelles les patients ne sont pas remboursés à ce jour, en dehors d’une expérimentation mise en œuvre dans quelques départements français (Cnam, 2017). Enfin, le système d’information national sur le recours au secteur social et médico-social est encore en cours de construction, ne permettant pas à ce jour d’avoir accès à des données à l’échelle nationale. Malgré ces limites, le SNDS est une source de données particulièrement riches pour caractériser le recours aux soins des individus souffrant de troubles psychiques fréquents ou sévères et persistants. À partir de ces données, il est ainsi possible d’obtenir une estimation du taux de recours aux psychiatres libéraux qui s’élève à 18 pour 1 000 bénéficiaires du Régime général et des Sections locales mutualistes (SLM) en 2015, même si l’absence de motif de consultation dans le SNDS ne permet pas de savoir quelle proportion du re- Atlas de la santé mentale en France 75 3 3 CARTE 29 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Taux de recours aux psychiatres libéraux tous motifs confondus en 2015 Pour 100 000 habitants de 18 à 64 ans Départements et régions d'outre-mer 3 896,6 A Guadeloupe 2 016,9 France 1 829,8 1 601,4 20 km 1 369,7 B Martinique 1 018,7 1,9 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Sniiram 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. CARTE 30 Densité de psychiatres libéraux ou mixtes en 2016 Pour 100 000 habitants 64,4 9,0 Départements et régions d'outre-mer France 9,9 A Guadeloupe 6,6 5,0 20 km 3,6 B Martinique 1,1 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : RPPS 2016, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 76 Atlas de la santé mentale en France 20 km Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans cours concerne des troubles fréquents et modérés ou des troubles plus sévères. Des disparités territoriales sont observées entre départements avec des taux de recours2 qui varient dans un rapport de 1 à 10. Les taux les plus élevés sont observés dans des départements densément peuplés, tels que les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes et Paris. A l’inverse, les taux les plus faibles sont localisés dans des départements moins densément peuplés, tels que le Cantal, la Manche, la HauteMarne et la Meuse (carte 29). Une partie de la variabilité du recours aux psychiatres libéraux entre départements s’explique par la variabilité de la disponibilité de ces professionnels de santé au sein des différents territoires (carte 30). En effet, si la France présente une importante densité de psychiatres par rapport aux autres pays, l’hétérogénéité de leur répartition géographique, avec notamment une concentration dans les grands pôles urbains, est soulignée depuis de nombreuses années (Milon, 2009 ; Drees, 2016). L’offre de soins disponible permet de répondre aux besoins, elle peut aussi influencer le recours selon la théorie économique de la demande induite vérifiée dans le champ de la santé (Davis et al., 2000 ; Hendryx, Urdaneta, et Borders, 1995) et le modèle d’Andersen (Andersen, 1995). La prise en charge en psychiatrie nécessitant un recours fréquent et régulier et non ponctuel justifie d’autant plus cette corrélation entre recours et offre de soins car l’éloignement géographique rend difficile le suivi et la continuité de la prise en charge. Le taux de recours en établissements de santé ayant une autorisation d’activité en psychiatrie en 2015, tous modes de prises en charge confondus (hospitalisation à temps complet ou partiel et ambulatoire), est particulièrement élevé pour les troubles névrotiques et de l’humeur (12 pour 1 000 habitants), suivi des troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères (9 pour 1 000) et des troubles addictifs (3 pour 1 000). Ainsi, bien que les prévalences « traitées » des troubles addictifs et des troubles psychotiques apparaissent proches chez les adultes en France, le taux de recours en établissement de santé est bien plus élevé pour ces derniers. Cela peut s’expliquer par la sévérité de ces troubles qui peut nécessiter des prises en charge mobilisant des équipes pluriprofessionnelles ainsi que par le poids du secteur médico-social et social dans la prise en charge des addictions. 2 Des disparités géographiques sont observées entre départements dans les taux de recours en établissements de santé, quel que soit le groupe diagnostique considéré. Mais elles sont plus marquées pour les troubles psychiques fréquents (rapport de 1 à 14 pour les troubles névrotiques et de l’humeur et de 1 à 12 pour les troubles addictifs versus de 1 à 4 pour les troubles sévères) [cartes 31a et 31b p. 78]. Les disparités plus importantes pour les troubles psychiques fréquents peuvent s’expliquer par le plus large spectre de troubles inclus dans cette catégorie ainsi que par des variations de pratiques : les hospitalisations ne font pas partie du traitement recommandé en première intention, le recours peut s’effectuer vers les soins primaires, les psychologues ou les psychothérapeutes sans objectivation possible dans le système d’information actuel et ces recours peuvent varier selon les territoires. Pour les troubles sévères, des taux élevés de recours aux établissements de santé sont notés en Guadeloupe ou en Martinique, sans être retrouvés pour les autres groupes diagnostiques. Cela peut être lié à une forte prévalence des troubles sévères dans ces départements ou à un moindre recours aux soins pour des troubles névrotiques et de l’humeur du fait de facteurs culturels (soutien communautaire et familial développé, poids de la religion et forte stigmatisation associée à ces troubles) [Robert et al., 2017]. Pour les troubles fréquents, les taux de recours en établissements de santé (cartes 31a, 31b et 31c p. 78-79) semblent plus faibles dans les régions où les taux de recours aux psychiatres libéraux et leur densité sont les plus élevés (cartes 29 et 30 p. 76). Des travaux de recherche ont mis en évidence une diminution du taux d’hospitalisation à temps plein en psychiatrie avec l’augmentation du nombre de psychiatres libéraux (Gandré et al., 2018). Cela pourrait signifier qu’en l’absence d’une offre libérale dans certains territoires, les personnes sont suivies en établissement de santé même pour des troubles légers à modérés (hypothèse de la subsidiarité des différents types d’offre). Les prises en charge en hospitalisation (à temps complet ou partiel) en 2015 ont lieu majoritairement dans des établissements publics ou Espic (qui représentent 81 % des capacités d’hospitalisation – lits et places – en psychiatrie), quel que soit le groupe diagnostique considéré. Cela est néanmoins particulièrement marqué pour les addictions pour lesquelles les taux de recours en Le terme « recours » est utilisé pour indiquer que le taux est rapporté à la zone de résidence des patients et non pas au lieu de prise en charge. Atlas de la santé mentale en France 77 3 3 CARTE 31 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Taux de recours global (complet, partiel, ambulatoire) en établissements de santé en 2015 31a Pour des troubles névrotiques et de l’humeur Pour 1 000 habitants de 18 à 64 ans Départements et régions d'outre-mer 25,5 A Guadeloupe 17,0 12,7 France 11,7 20 km 10,8 B Martinique 8,2 1,8 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km 31b Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Pour des troubles addictifs Pour 1 000 habitants de 18 à 64 ans Départements et régions d'outre-mer 11,6 A Guadeloupe 4,7 3,5 France 3,2 20 km 2,9 B Martinique 2,1 1,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km 78 Atlas de la santé mentale en France Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 3 CARTE 31 Taux de recours global (complet, partiel, ambulatoire) en établissements de santé en 2015 Pour des troubles sévères Pour 1 000 habitants de 18 à 64 ans Départements et régions d'outre-mer 15,1 A Guadeloupe 10,2 8,8 France 8,7 20 km 8,1 B Martinique 6,8 3,4 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 79 31c 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans hospitalisation sont 11 fois supérieurs en établissements publics ou Établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) qu’en établissements privés (contre 4 fois supérieurs pour les troubles sévères et 2 fois supérieurs pour les troubles névrotiques et de l’humeur). La cause peut être qu’il s’agit de populations plus difficiles à prendre en charge et moins favorisées socialement pour lesquelles certains établissements développent des dispositifs territoriaux spécifiques. Par ailleurs, quel que soit le groupe diagnostique considéré, le recours vers le secteur privé est plus important dans les départements du sud de la France, où existe la plus forte concentration d’établissements de statut privé. Le taux de recours en ambulatoire dans les établissements ayant une autorisation d’activité en psychiatrie en 2015 est élevé pour l’ensemble des groupes diagnostiques considérés : 10 pour 1 000 habitants pour les troubles névrotiques et de l’humeur, 8 pour 1 000 habitants pour les troubles sévères et 3 pour 1 000 pour les troubles addictifs. Ces chiffres sont très proches des taux de recours global en établissements de santé, plus de 80 % des patients suivis en psychiatrie l’étant en ambulatoire quel que soit le groupe diagnostique considéré (Drees, 2018). La part des patients pris en charge exclusivement en ambulatoire en établissement de santé est néanmoins plus élevée pour les troubles fréquents que pour les troubles sévères et persistants, ce qui est peu surprenant car ces derniers nécessitent des prises en charge mobilisant des équipes pluriprofessionnelles et des soins plus intensifs. La part des patients pris en charge uniquement en ambulatoire en établissement de santé atteint 77 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur, 69 % pour les troubles addictifs et 57 % pour les troubles sévères. La densité des soins à domicile réalisés par des équipes hospitalières pour des troubles sévères s’élève à 16 actes pour 1 000 habitants en 2015 avec de fortes variations entre départements. Cette densité varie dans un rapport de 1 à 65 entre l’Aveyron où la densité est la plus forte et la Vendée où elle est la plus faible. La densité des soins ambulatoires hors lieux de soins de l’établissement (notamment au domicile des patients et dans les structures médico­sociales) pour des troubles sévères est de 24 actes pour 1 000 habitants en 2015 avec des variations par département extrêmement marquées. Ce taux varie en effet dans un rapport de 1 à 33, avec des taux plus élevés dans les départements ruraux mais également dans le Nord et le Pas-de-Calais. Ces variations illustrent le développement très inégal des prises en charge hors structures hospitalières selon les établissements. Les valeurs nationales des principaux indicateurs de recours aux soins de santé mentale pour des troubles psychiques fréquents ou sévères et persistants sont synthétisées dans le tableau 2. Synthèse des indicateurs de recours aux soins de santé mentale pour des troubles psychiques fréquents ou sévères en 2015 tableau 2 Troubles névrotiques et de l’humeur Troubles addictifs Troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères Tous motifs de recours - - - 18,3 Taux de recours en établissements de santé ayant une autorisation d’activité en psychiatrie tous modes de prises en charge confondus 12 3 9 - Taux de recours en ambulatoire dans les établissements ayant une autorisation d’activité en psychiatrie en 2015 10 3 8 - Indicateur (pour 1 000 habitants)a Taux de recours aux psychiatres libéraux a Pour les psychiatres libéraux, ce taux est calculé pour 1 000 bénéficiaires du Régime général et des Sections locales mutualistes (SLM) qui incluent néanmoins la majeure partie de la population française. Sources : Cnam, 2018 a, Rim-P, Insee. 80 Atlas de la santé mentale en France Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 3.2 Les prises en charge spécialisées en établissements de santé En France, la place de l’hôpital dans la prise en charge des troubles psychiques est particulièrement forte et les soins qui y sont réalisés sont parmi les plus documentés dans le système national d’information. Plusieurs indicateurs complémentaires, tels que le taux de recours en hospitalisation à temps plein, la part d’admissions par les urgences, les taux de réhospitalisation ou le taux de recours aux soins sans consentement, peuvent être mobilisés pour caractériser le parcours des individus suivis pour des troubles psychiques en établissements de santé, spécialisés ou non, ayant une autorisation d’activité en psychiatrie. Les disparités territoriales observées sur certains de ces indicateurs peuvent être les signaux de dysfonctionnements et points de rupture dans les parcours des personnes. Le taux de recours en hospitalisation à temps plein standardisé sur le sexe et l’âge en 2015 est très élevé pour les troubles sévères (2,9 pour 1 000 habitants) et les troubles névrotiques et de l’humeur fréquents (2,3 pour 1 000 habitants). Le taux est nettement plus faible pour les troubles addictifs (0,9 pour 1 000 habitants). Ces différences peuvent être liées au poids du secteur médico-social dans la prise en charge de ces troubles qui sont la plupart du temps pris en charge de façon pluridisciplinaire et transversale. C’est d’ailleurs pour eux que les variations du taux de recours standardisé en hospitalisation à temps plein entre départements sont les plus élevées (rapport de 1 à 14). Si ces variations peuvent ainsi traduire des différences dans la disponibilité d’une offre alternative à l’hospitalisation à temps plein, elles peuvent également illustrer des différences de pratique entre zones géographiques. Or, lorsque les hospitalisations à temps plein en psychiatrie sont liées à des critères non justifiés par les caractéristiques cliniques des patients (notamment de sévérité ou d’urgence), elles sont contraires aux recommandations internationales et européennes de bonne pratique (OMS, 2005, 2012). L’hospitalisation à temps plein en psychiatrie peut avoir des conséquences néfastes, notamment en termes de perte d’autonomie et de lien social ainsi que de stigmatisation (Quirk et Lelliott, 2001 ; Mattioni et al., 1999 ; Thomas, Guire, et Horvat, 1997 ; Knapp et al., 2011). La part des admissions en hospitalisation à temps plein réalisées suite à un passage aux urgences en 2015 pour des troubles psychiques fréquents ou sévères et persistants est importante et diffère peu selon les troubles. Ainsi, plus d’un patient hospitalisé sur quatre est admis via les urgences (26 % pour les troubles sévères, 29 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur et 25 % pour les troubles addictifs). Les admissions par les urgences, utilisées comme un point d’entrée dans le système de santé par les patients n’ayant pas d’autres moyens d’obtenir des soins adéquats et rapides, sont régulièrement considérées comme un indicateur de qualité des soins dans la littérature internationale (Or et Penneau, 2018 ; O’Malley, 2013 ; Cowling et al., 2013). Les données sur la part d’admissions par les urgences pour les troubles psychiques fréquents et les troubles psychiques sévères et persistants en France suggèrent que leur prise en charge dans la communauté n’est pas optimale ou qu’il existe des problèmes d’accès ou de recours aux soins pour les individus vivant avec ces troubles. Ces données confirment les résultats issus de travaux précédents qui mettaient en évidence des taux élevés et de fortes variations dans les taux d’admissions par les urgences chez les patients hospitalisés pour dépression (Nestrigue et al., 2017). La Durée moyenne annuelle d’hospitalisation à temps plein (DMAH) en 2015 apparaît, sans surprise, plus élevée pour les troubles sévères que pour les troubles fréquents, montrant également l’intérêt de raisonner en grands groupes diagnostiques plutôt que de manière globale pour l’ensemble des patients d’un établissement. Elle s’élève en moyenne à 71 jours pour les troubles sévères, 37 jours pour les troubles addictifs et 33 jours pour les troubles névrotiques et de l’humeur (cartes 32a, 32b et 32c p. 82-83). La DMAH très élevée observée pour les troubles sévères peut être liée aux particularités de la prise en charge de ces troubles qui nécessitent pour certains patients des hospitalisations au long cours, en lien avec la disponibilité ou non de services d’accompagnement permettant un maintien au domicile de la personne. La part des patients hospitalisés à temps plein depuis plus d’un an pour ces troubles atteint 4 % avec de fortes variations en fonction des territoires (carte 33 p. 83), ce qui questionne les pratiques. En termes d’effectifs, 5 550 personnes sont concernées. Au total, les hospitalisations au long cours immobilisent près d’un quart des lits d’hospitalisation en psychiatrie, limitant ainsi les possibilités d’accueil dans certains établissements de patients en crise, et empêchant la fluidité des parcours. Atlas de la santé mentale en France 81 3 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Durée moyenne annuelle d’hospitalisation à temps plein selon le type de trouble psychique en 2015 CARTE 32 32a Pour des troubles névrotiques et de l’humeur Nombre de jours par patient Départements et régions d'outre-mer 54,3 A Guadeloupe 39,9 35,2 30,0 France 33,2 20 km 26,7 B Martinique 15,8 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 32b Pour des troubles addictifs Nombre de jours par patient Départements et régions d'outre-mer 67,9 A Guadeloupe 44,2 39,5 35,8 France 37,4 20 km 30,7 B Martinique 20,8 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 82 Atlas de la santé mentale en France 20 km Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 3 Durée moyenne annuelle d’hospitalisation à temps plein selon le type de trouble psychique en 2015 Pour des troubles sévères CARTE 32 32c Nombre de jours par patient Départements et régions d'outre-mer 225,7 A Guadeloupe 81,0 72,4 France 70,5 68,2 20 km 62,6 B Martinique 38,6 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2019-20. Part des personnes hospitalisées depuis plus d’un an pour des troubles psychotiques sévères et persistants Pour 100 patients hospitalisés Départements et régions d'outre-mer 50,0 A Guadeloupe 6,5 4,8 France 4,3 20 km 3,8 2,5 B Martinique 0,3 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 83 CARTE 33 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Des variations départementales dans la DMAH sont observées dans un rapport de 1 à 3 pour l’ensemble des groupes diagnostiques considérés. Tout comme la part d’admission par les urgences, la DMAH peut s’interpréter en termes de qualité des soins. En effet, les hospitalisations prolongées peuvent être responsables d’une perte de lien social et d’autonomie et sont peu appréciées des patients qui jugent qu’elles ne fournissent pas un environnement stable, rassurant et thérapeutique (Thomas et al., 1997 ; Quirk et Lelliott, 2001; Baker, s. d. ; Knapp et al., 2011). L’OMS fait ainsi figurer de courtes durées d’hospitalisation parmi les indicateurs permettant de déterminer le caractère vertueux d’un service de soins de santé mentale (OMS, 2005, 2012, 2003). Il est ainsi recommandé que les séjours hospitaliers soient aussi brefs que possible, réservés aux soins aigus et organisés rapidement et uniquement lorsque cela est nécessaire (Thornicroft et Tansella, 2003). Ces préconisations sont également soutenues par des rapports institutionnels nationaux (Laforcade, 2016). Néanmoins, une réduction trop drastique des durées de séjour peut conduire à augmenter les taux de réhospitalisation. La DMAH, calculée sur l’année, permet de tenir compte de ce phénomène : elle reflète davantage la prise en charge annuelle – en permettant de tenir compte des réhospitalisations – que la durée moyenne de séjour, qui représente par ailleurs davantage une notion administrative que clinique. Son utilisation est soutenue par l’ATIH ainsi que par l’OMS (OMS, 2005, 2012. ATIH, s.d.). Les variations observées entre départements pour la DMAH ont plusieurs implications. Elles peuvent résulter de variations de pratiques entre établissements hospitaliers ainsi que de variations dans les prises en charge alternatives à l’hospitalisation proposées par ces établissements (Gandré et al., 2017a) ou par le secteur social et médico-social environnant. Ces variations de pratiques peuvent également se traduire par des variations dans la qualité des soins prodigués par les établissements. Tout comme pour les valeurs des DMAH, des taux de réhospitalisation à temps plein plus élevés sont observés pour les troubles sévères et persistants comparativement aux troubles fréquents en 2015. Ainsi, 11 % des patients hospitalisés pour un trouble psychotique, bipolaire ou dépressif sévère sont réhospitalisés dans les 15 jours qui suivent la sortie de l’hospitalisation, contre 8 % pour les troubles addictifs et 6 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur. Si l’on étend la durée à 30 jours suivant la sortie d’hospitalisation, ce sont 84 Atlas de la santé mentale en France respectivement 17 %, 13 % et 11 % de patients qui sont réadmis en hospitalisation à temps plein pour ces troubles. Ces chiffres sont similaires aux taux de réhospitalisation observés suite à un séjour en MCO. En revanche, les variations départementales sont importantes et plus élevées pour les troubles fréquents que pour les troubles sévères. Le taux de réhospitalisation à 15 jours varie dans un rapport de 1 à 9 entre départements pour les troubles sévères (carte 34), alors qu’il varie dans un rapport de 1 à 32 pour les troubles addictifs et de 1 à 36 pour les troubles névrotiques et de l’humeur (carte 35). Par ailleurs, dans certains départements, plus d’un patient sur trois est réhospitalisé dans les 30 jours suivant la sortie, et ce pour l’ensemble des groupes diagnostiques considérés même si les départements concernés varient en fonction des troubles. Tout comme pour les indicateurs mobilisés précédemment, ces variations questionnent. Les réhospitalisations peuvent avoir une significativité en termes de qualité des soins en traduisant une détérioration de l’état de santé des patients suite à une prise en charge initiale. Dans ce cadre, elles sont particulièrement utiles pour les pathologies associées à un faible taux de décès pour lesquelles un indicateur de mortalité ne peut être employé (Or et Renaud, 2009). Cela est d’autant plus vrai lorsqu’elles sont considérées à court terme, comme c’est le cas pour les réhospitalisations à 15 et 30 jours après la sortie de l’hospitalisation. Ces réhospitalisations précoces sont en effet un meilleur marqueur des prises en charge hospitalières que les réhospitalisations à plus long terme, davantage influencées par l’évolution naturelle des troubles psychiques (Craig et al., 2000 ; Heggestad, 2001 ; Heggestad et Lilleeng, 2003 ; Zilber et al.,, 2011). Néanmoins, cet indicateur est à interpréter avec prudence dans un contexte où les retours à domicile sont encouragés précocement pour maintenir les personnes dans leur environnement. Par ailleurs, des réhospitalisations planifiées séquentielles, que les données mobilisées ne permettent pas d’identifier, peuvent être prévues dans le cadre de stratégies thérapeutiques. Ainsi, il est important de n’interpréter aucun des indicateurs présentés seul mais au contraire de mobiliser conjointement des indicateurs complémentaires (part d’admission par les urgences, DMAH, taux de réhospitalisation…) pour mieux caractériser la qualité des soins de santé mentale sur les territoires. Les soins psychiatriques sans consentement peuvent être mobilisés en France dans les par- Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Taux de réhospitalisation à 15 jours pour trouble mental sévère en 2015 3 CARTE 34 Pour 100 patients hospitalisés Départements et régions d'outre-mer 35,6 A Guadeloupe 8,8 France 6,6 6,7 5,3 20 km 4,2 B Martinique 1,0 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2019-20. Taux de réhospitalisation à 15 jours pour troubles de l’humeur en 2015 Pour 100 patients hospitalisés Départements et régions d'outre-mer 33,4 A Guadeloupe 22,0 France 17,3 18,2 15,3 20 km 13,2 B Martinique 3,7 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Rim-P 2015. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 85 CARTE 35 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans cours de soins des patients en présence de trois critères indispensables : l’existence de troubles psychiques requérant des soins, l’impossibilité de consentir aux soins et la nécessité de soins immédiats et d’une surveillance médicale constante ou régulière. L’établissement de certificats médicaux circonstanciés est par ailleurs nécessaire, tout comme l’implication d’un juge pour évaluer la légitimité de la mesure qui implique une privation de liberté. Les soins sans consentement concernent majoritairement des personnes suivies pour des troubles sévères (troubles psychotiques, bipolaires et de la personnalité). Le taux de recours aux soins sans consentement s’élève à 133 pour 100 000 habitants en France en 2015. Près de 96 000 personnes ont ainsi été concernées par des soins sans consentement en 2018. Trois principaux modes légaux distincts peuvent conduire aux soins sans consentement : 1/ les soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (SDRE) en cas d’atteinte à la sûreté des personnes ou à l’ordre public ; 2/ les soins psychiatriques sur demande d’un tiers (SDT) lorsqu’une personne justifiant d’une relation avec le patient antérieure à l’admission en fait la demande ; 3/ les soins psychiatriques en cas de péril imminent (SPI) pour les personnes isolées ou désocialisées pour lesquelles aucune demande de soins par un tiers n’a pu être recueillie (Coldefy et Fernandes, 2017). Parmi les soins sans consentement, les SDT sont les plus fréquents et concernent 87 personnes pour 100 000 habitants contre 29 pour 100 000 pour les SPI et 23 pour 100 000 pour les SDRE. Les variations départementales sont particulièrement marquées pour les SPI : elles varient ainsi dans un rapport de 1 à 69 entre départements, contre 1 à 20 pour les SDRE et 1 à 7 pour les SDT. Si une grande partie de ces variations s’explique par des différences dans les populations prises en charge et le contexte socio-économique environnant (notamment en termes de fragmentation sociale et de défavorisation) [Coldefy et al., 2016], l’importance de ces disparités questionne. Elles sont couramment interprétées comme un marqueur de la qualité des soins car des prises en charge optimales ne devraient pas mener à des situations de crise (OMS, 2005, 2012 ; Center for Quality Assessment and Improvement in Mental Health, 2015 ; Donisi et al., 2016 ; Hermann, 2006 ; Gandré et al., 2017b). En effet, le recours aux soins sans consentement n’est rétrospectivement pas perçu comme justifié ou bénéfique par les patients (Katsakou et Priebe, 2006) et peut nuire à la relation thérapeutique. Néanmoins, ces variations traduisent également des situations 86 Atlas de la santé mentale en France complexes pour les professionnels de santé qui font face à des injonctions contradictoires, d’une part, le devoir de protection des personnes et, d’autre part, le respect de la liberté des individus de consentir ou non aux soins. Enfin, les disparités importantes observées pour la modalité spécifique des SPI, qui connaît une explosion depuis sa mise en place par la loi de 2011, interrogent. Elles semblent davantage utilisées pour admettre de façon simplifiée une personne en soins sans consentement que pour permettre l’accès aux soins de personnes désocialisées pour lesquelles une demande de tiers n’est pas disponible. Depuis 2011, les soins sans consentement peuvent prendre la forme de soins ambulatoires ou d’hospitalisation à temps partiel, via les programmes de soins, ou avoir lieu plus classiquement en hospitalisation à temps plein (Légifrance, 2011). Cette dernière est par ailleurs un préalable à la mise en place d’un programme de soins sans consentement. Le taux d’hospitalisation à temps plein en soins sans consentement, tous modes légaux confondus, atteint 115 pour 100 000 habitants (76 pour les SDT, 27 pour les SPI et 17 pour les SDRE) en 2015 (carte 36). Ce taux présente des variations dans un rapport de 1 à 8 entre départements. Là encore, ces variations sont particulièrement marquées pour les SPI (rapport de 1 à 68). Ces données confirment les résultats de travaux précédents (Coldefy et Fernandes, 2017 ; Coldefy et Tartour, 2015) et questionnent les pratiques et modes d’organisation des soins en urgence des établissements de santé et des autres acteurs du territoire. D’autres études ont en effet mis en évidence un lien entre les variations du taux d’hospitalisation à temps plein en soins sans consentement et l’offre de soins de santé mentale dans la communauté, notamment une offre essentiellement centrée sur la psychiatrie publique spécialisée dans certains territoires (Coldefy et al., 2016) et le développement des alternatives à l’hospitalisation à temps plein au sein des structures hospitalières (Gandré et al., 2017c). Par ailleurs, plus de 42 000 personnes ont été suivies dans le cadre d’un programme de soins qui permet leur prise en charge en alternatives à l’hospitalisation à temps plein (hôpital de jour ou de nuit, CMP, visites à domicile, etc.) en planifiant les modalités de cette prise en charge et sa périodicité, soit 40 % des patients en soins sans consentement. Les différences géographiques sont particulièrement marquées : la part des patients pris en charge en soins sans consentement suivis dans le cadre d’un programme de soins varie de moins de Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 3 CARTE 36 Taux d’hospitalisation à temps plein sans consentement en 2015 Tous modes légaux 36a Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus (hors UMD) Départements et régions d'outre-mer 200,1 A Guadeloupe 137,0 122,6 France 114,7 20 km 107,5 B Martinique 85,9 24,9 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Soins en cas de péril imminent Pour 100 000 habitants de 16 ans ou plus (hors UMD) Départements et régions d'outre-mer 87,9 A Guadeloupe 44,0 France 26,5 20 km 28,2 17,7 B Martinique 10,2 0,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 87 36b 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 10 % dans six départements à plus de 70 % dans cinq autres. Cela suggère des disparités en fonction des territoires dans la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 ayant introduit ces programmes de soins (Légifrance, 2011) ainsi que dans l’accès aux soins de santé mentale. tableau 3 Les valeurs nationales des principaux indicateurs caractérisant les prises en charge en établissement de santé pour des troubles psychiques fréquents ou sévères sont synthétisées dans le tableau 3. Synthèse des indicateurs caractérisant les prises en charge spécialisées en établissements de santé pour des troubles psychiques fréquents ou sévères en 2015 Troubles névrotiques et de l’humeur Taux de recours en hospitalisation à temps plein standardisé sur le sexe et l’âge (pour 100 000 habitants) Troubles addictifs Troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères Tous motifs de recours 228 88 292 - Part des admissions en hospitalisation à temps plein réalisées suite à un passage aux urgences (%) 29 25 26 - Durée moyenne annuelle d’hospitalisation à temps plein (jours) 33 37 71 - Taux de réhospitalisation à temps plein à 15 jours (%) 6 8 11 - Taux de réhospitalisation à temps plein à 30 jours (%) 11 13 17 - Taux de recours global aux soins sans consentement (pour 100 000 habitants) - - - 133 Taux d’hospitalisation à temps plein en soins sans consentement (pour 100 000 habitants) - - - 115 Sources : Rim-p 2015, Insee . 3.3 Articulation entre ville et hôpital 3.3.1 Suivi des troubles psychiques Le système de santé mentale français a longtemps été caractérisé par son hospitalo-centrisme. Par ailleurs, le cloisonnement persistant entre l’offre de soins de santé mentale publique et privée, l’offre de soins primaires et spécialisés, et l’offre médico-sociale et sociale pour la prise en charge des troubles psychiques est régulièrement souligné (Laforcade, 2016). Pourtant, une articulation adaptée entre les différents types d’offre est un facteur susceptible de favoriser une bonne continuité des soins avec des conséquences bénéfiques pour l’état de santé des personnes vivant avec des troubles psychiques. Peu d’informations sont néanmoins disponibles en France sur la coordination des différents types de soins pour la prise en charge de ces troubles puisqu’elles se limitent aux données du champ sanitaire et n’incluent pas les motifs de consultation en soins primaires. Il est cependant possible de mobiliser des indicateurs de suivi en amont et en aval pour les personnes ayant été hospitalisées au moins une fois pour un motif psychiatrique afin de mieux caractériser 88 Atlas de la santé mentale en France l’articulation entre les intervenants ambulatoires, qu’il s’agisse de médecins généralistes ou de spécialistes, et les acteurs hospitaliers. Ainsi, 43 % des patients hospitalisés pour des troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères en 2012 ou 2013 n’ont pas eu de suivi spécialisé en ambulatoire (psychiatre libéral ou CMP) l’année précédant l’hospitalisation. Ce chiffre est encore plus élevé pour les troubles fréquents : 53 % pour les troubles addictifs et 51 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur. Une des explications vient du fait que leur traitement ne requiert pas systématiquement une prise en charge spécialisée en psychiatrie. Ainsi, les troubles addictifs sont la plupart du temps pris en charge de façon transversale et pluridisciplinaire, notamment dans des structures médico-sociales ou sociales dédiées, tandis que les troubles névrotiques et de l’humeur non sévères et persistants peuvent être pris en charge en soins primaires en première intention. Quel que soit le groupe diagnostique considéré, la part de patients hospitalisés n’ayant pas eu de suivi spécialisé en ambula- Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans toire en amont de l’hospitalisation varie dans un rapport de 1 à 3 entre les départements. Les mêmes tendances sont observées pour la part des patients hospitalisés en 2012 ou 2013 n’ayant pas eu de suivi spécialisé en ambulatoire (psychiatre libéral ou CMP) l’année suivant l’hospitalisation : 40 % pour les troubles psychotiques, bipolaires et dépressifs sévères, 42 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur, et 52 % pour les troubles addictifs. Ces résultats sont relativement inquiétants en termes de continuité des soins, notamment pour les troubles sévères qui requièrent davantage de prises en charge spécialisées, même si une partie du relais peut être réalisée par les médecins généralistes ou dans un CMP autre que celui de l’établissement d’hospitalisation3. Les variations géographiques les plus importantes sont observées pour les patients souffrant de troubles sévères avec une part de patients sans suivi spécialisé en ambulatoire variant dans un rapport de 1 à 4 entre départements (contre 1 à 3 pour les troubles fréquents). Bien que ces variations puissent refléter le manque d’observance des prises en charge de la part des individus (notamment du fait d’une conscience altérée de leur trouble ou de difficultés cognitives), elles pourraient également traduire l’absence de suivi proposé adapté aux besoins et attentes des personnes ou des disparités dans l’offre de proximité disponible. La part plus élevée de patients hospitalisés pour des troubles psychiques fréquents sans suivi spécialisé en ambulatoire semble s’expliquer – au moins en partie – par le fait que ces patients sont davantage suivis par des médecins généralistes que par une offre de soins spécialisée. En effet, lorsqu’on inclut les consultations de médecins généralistes avec prescription de psychotropes dans le suivi ambulatoire un an en aval de l’hospitalisation, la part de patients non suivis devient plus faible pour les troubles fréquents que pour les troubles sévères. Ainsi, elle s’élève à 14 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur, 16 % pour les troubles addictifs et 20 % pour les troubles sévères. Les résultats concernant les troubles sévères pour lesquels un suivi spécialisé est recommandé demeurent inquiétants, surtout dans certains territoires où ils atteignent jusqu’à 41 %. cologiques. Ainsi, la part de patients hospitalisés en 2012 ou 2013 pour des troubles sévères ayant eu au moins neuf délivrances de thymorégulateurs (prescrits notamment dans la prise en charge des troubles bipolaires, des épisodes dépressifs récurrents et de certains troubles schizophréniques) parmi les patients hospitalisés pour trouble sévère ayant eu au moins une délivrance de ce type de médicaments dans l’année suivant l’hospitalisation s’élève en moyenne à 45 % sur le territoire français. Ceci suggère une observance moyenne pour ces traitements, avec des variations départementales dans un rapport de 1 à 2, soit de 28 à 59 %. De même, seule la moitié des patients hospitalisés en 2012 ou 2013 pour des troubles psychotiques sévères et ayant eu au moins une prescription d’antipsychotiques dans l’année suivant l’hospitalisation ont eu au moins neuf délivrances de ces médicaments cette année-là. Cela illustre des problèmes aigus d’observance dans cette population avec un manque de suivi au long cours des traitements prescrits. Ils pourraient s’expliquer en partie par les importants effets secondaires associés aux traitements antipsychotiques et par la nature des troubles ou les conditions de vie qui peuvent perturber la perception de la nécessité des soins (Lingam et Scott, 2002). Les disparités territoriales sont plus fortes pour ces traitements que pour les thymorégulateurs puisqu’il y a des variations entre départements dans un rapport de 1 à 4 (carte 37 p. 90). Elles illustrent là encore la difficulté d’observance des traitements dans certains territoires qui pourrait être liée tant aux caractéristiques de la population de ces territoires qu’à un suivi moins intensif ou moins adapté des patients. Les valeurs nationales des principaux indicateurs caractérisant l’articulation ville/hôpital pour le suivi des troubles psychiques fréquents ou sévères sont synthétisées dans le tableau 4 p. 90. D’autres indicateurs permettant de mesurer la qualité du suivi en ville des troubles psychiques des patients hospitalisés pour des troubles sévères concernent l’observance des traitements pharma3 Rappelons qu’il n’est possible d’identifier qu’un même patient a été pris en charge en ambulatoire dans plusieurs établissements que s’il a également été hospitalisé dans ces établissements. Atlas de la santé mentale en France 89 3 3 CARTE 37 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Part des patients hospitalisés pour des troubles psychotiques en 2012 ou 2013 ayant eu plus de neuf délivrances d’antipsychotiques dans l’année suivant l’hospitalisation Pour 100 patients hospitalisés ayant eu au moins une délivrance d’antipsychotiques Départements et régions d'outre-mer A Guadeloupe 60,0 52,6 48,8 45,7 20 km France 46,2 B Martinique 41,6 16,7 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P, Sniiram 2012-2014. Infographie : Irdes 2019-20. tableau 4 Synthèse des indicateurs caractérisant les prises en charge spécialisées en établissements de santé pour des troubles psychiques fréquents ou sévères en 2011-2014 Pour les troubles névrotiques et de l’humeur Pour les troubles addictifs Pour les troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères 51 53 43 Psychiatre libéral ou CMP* seulement 42 52 40 Psychiatre libéral, CMP* ou consultation de médecin généraliste avec prescription de psychotropes 14 16 20 Part de patients ayant eu au moins 9 délivrances de thymorégulateurs parmi les patients ayant eu au moins une délivrance de ce type de médicaments dans l’année suivant l’hospitalisation (%) - - 45 Part de patients ayant eu au moins 9 délivrances d’antipsychotiques parmi les patients ayant eu au moins une délivrance de ce type de médicaments dans l’année suivant l’hospitalisation (%) - - 46 Indicateur Part des patients n’ayant pas eu de suivi spécialisé en ambulatoire (psychiatre libéral ou CMP*) l’année précédant l’hospitalisation (%) Part des patients n’ayant pas eu de suivi spécialisé en ambulatoire l’année suivant l’hospitalisation (%) * Centre médico-psychologique 90 Atlas de la santé mentale en France Sources : Rim-P, Sniiram 2011-2014. Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 3.3.2 Accès à la prévention et aux soins somatiques Si l’articulation entre ville et hôpital pour le suivi spécialisé des individus atteints de troubles psychiques est primordiale afin de garantir la continuité des soins de santé mentale, le dépistage et la prise en charge des comorbidités somatiques de ces individus doivent également faire l’objet d’une attention renforcée. En effet, ils présentent souvent des facteurs de risque de nombreuses maladies chroniques, notamment d’ordre comportemental, telles qu’une forte consommation de tabac, une grande sédentarité ou une moindre observance aux traitements (Berg et al., 2013 ; DiMatteo et al., 2000). Les personnes vivant avec un trouble psychique sévère et persistant sont par ailleurs exposées aux effets secondaires des médicaments psychotropes (Mitchell et al., 2013). Enfin, les données internationales montrent une moins bonne prise en charge somatique que celle de la population générale tout au long de la vie, notamment en termes d’accès aux soins, de dépistage ou de qualité des soins délivrés (Wahlbeck et al., 2011 ; Thornicroft, 2011; Graber et al., 2000 ; Kodl et al., 2010; Ishikawa et al., 2016; Mitchell et Lawrence, 2011). En conséquence, les personnes vivant avec des troubles psychiques présentent une surmortalité marquée qui a été objectivée dans de nombreux pays et pour l’ensemble des groupes diagnostiques, même si elle est plus forte pour les troubles sévères (Nordentoft et al., 2013 ; Coldefy et Gandré, 2018 ; Saha et al., 2007 ; Colton et Manderscheid, 2006 ; Saxena, 2018 ; Chang et al., 2011). En France, la réduction de l’espérance de vie à 15 ans des individus suivis pour des troubles psychiques atteint en moyenne seize ans pour les hommes et treize ans pour les femmes (Coldefy et Gandré, 2018). Ces individus ont également des taux de mortalité deux à cinq fois supérieurs à ceux de la population générale, quelle que soit la cause de décès, et un taux de mortalité prématurée* quadruplé. Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, le suicide ne représente pas leur cause de décès principale, même si le risque de décéder par suicide est 9 fois supérieur à la population générale pour les personnes suivies pour des troubles psychiatriques (14 fois supérieurs pour les troubles de l’humeur). Ainsi, le cancer et les maladies cardiovasculaires sont les deux premières causes de décès des personnes suivies pour des troubles psychiques (Coldefy et Gandré 2018), d’où l’importance d’un repérage précoce et d’un suivi adéquat de ces comorbidités somatiques. Pourtant, la proportion de patients hospitalisés pour des troubles psychiques sévères en 2012 ou 2013 n’ayant pas déclaré de médecin traitant n’est pas négligeable. Elle atteint ainsi 15 % pour les troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères. Cette part est nettement supérieure à celle observée en population générale puisque seuls 7 % de la population âgée de 18 à 64 ans et 3 % des individus hospitalisés (tous motifs confondus) n’ont pas déclaré de médecin traitant. Elle est également très supérieure à celle observée chez les personnes hospitalisées pour un trouble névrotique ou de l’humeur (4 %) ou pour des troubles addictifs (7 %). Or ce sont chez les personnes vivant avec un trouble sévère que les risques de comorbidités somatiques sont les plus importants. Renforçant ces premiers constats, seul un tiers des patients hospitalisés pour des troubles sévères en 2012 ou 2013 a consulté son médecin traitant dans les deux mois qui suivent la sortie de l’hospitalisation, et 36 % l’ont consulté dans les deux mois qui ont précédé ce séjour hospitalier. Chez les patients hospitalisés pour des troubles fréquents en 2012 ou 2013, la place du médecin traitant est plus importante : 54 % des patients hospitalisés pour des troubles névrotiques et de l’humeur et 46 % des patients hospitalisés pour des troubles addictifs l’ont consulté dans les deux mois précédant l’admission. Ces chiffres s’élèvent respectivement à 49 % et à 42 % les deux mois suivant la sortie. La déclaration d’un psychiatre comme médecin traitant est rare et ne concerne que 0,2 % des personnes hospitalisées pour un trouble sévère en 2012 ou 2013. La part des patients hospitalisés pour des troubles psychiques, qu’ils soient modérés et fréquents ou sévères, n’ayant pas de médecin traitant connaît de fortes disparités géographiques puisqu’elle varie au minimum dans un rapport de 1 à 10 entre départements, montrant que des efforts peuvent être faits dans certains territoires. Dans les départements où la part des patients hospitalisés pour des troubles psychiques n’ayant pas déclaré de médecin traitant est la plus élevée, elle atteint près d’un patient sur trois pour les troubles psychotiques, bipolaires et dépressifs sévères et les troubles addictifs, et un patient sur cinq pour les troubles névrotiques et de l’humeur. Les disparités territoriales observées sont relativement similaires pour l’ensemble des groupes diagnostiques considérés (même si les variations apparaissent particulièrement marquées pour les troubles addictifs), les enjeux d’amélioration étant particulièrement importants dans certains départements, plutôt situés dans la moitié nord du pays Atlas de la santé mentale en France 91 3 3 CARTE 38 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Part des patients hospitalisés pour des troubles addictifs en 2012 ou 2013 n’ayant pas déclaré de médecin traitant Pour 100 patients hospitalisés Départements et régions d'outre-mer 34,0 A Guadeloupe 9,2 7,1 France 6,5 20 km 5,9 4,6 B Martinique 1,6 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km CARTE 39 Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P, Sniiram 2012-13. Infographie : Irdes 2019-20. Part des patients hospitalisés pour des troubles psychiques sévères en 2012 ou 2013 n’ayant pas déclaré de médecin traitant Pour 100 patients hospitalisés Départements et régions d'outre-mer 31,8 A Guadeloupe 18,2 France 14,5 14,4 12,6 20 km 10,7 B Martinique 2,0 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km 92 Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P, Sniiram 2012-13. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans (cartes 38 et 39). Une partie de ces disparités pourrait s’expliquer par des variations dans les densités de médecins généralistes, pouvant se traduire par des difficultés à trouver un médecin traitant acceptant de nouveaux patients dans certains territoires, ainsi que par un cloisonnement entre les soins primaires et les soins spécialisés. La Fédération française de psychiatrie-Conseil national professionnel de psychiatrie (FFP-CNPP) a élaboré des recommandations de bonne pratique pour améliorer la prise en charge somatique des personnes ayant une pathologie psychiatrique sévère et chronique (schizophrénie et trouble bipolaire). Ces recommandations insistent sur l’importance du rôle du médecin généraliste pour assurer le suivi somatique de ces patients, qui est d’autant mieux assuré quand le médecin généraliste est le médecin traitant. Elles soutiennent également le développement de la prévention chez les individus souffrant de troubles psychiques, notamment des actions de dépistage des complications couramment associées aux traitements psychotropes. De plus en plus d’études soulignent les risques associés aux antipsychotiques, dont la prise de poids et des anomalies glucidiques et lipidiques pouvant se traduire par un syndrome métabolique. En conséquence, les recommandations de bonnes pratiques indiquent la nécessité de suivre l’évolution du risque métabolique et cardio-vasculaire chez les individus atteints de troubles psychiques (FFP-CNPP, 2015 ; Godin et al., 2017, 2015). Bien que ces recommandations s’adressent davantage aux patients souffrant de troubles psychiques sévères du fait des traitements médicamenteux associés, les actes de prévention classiques permettant de surveiller ce risque (bilan sanguin, glycémie et cholestérol) sont davantage réalisés chez les patients souffrant de troubles fréquents et modérés. Ainsi, la part de patients hospitalisés en 2012 ou 2013 ayant eu l’ensemble de ces actes de prévention classique dans les deux ans qui suivent l’hospitalisation est plus élevée chez les patients souffrant de troubles névrotiques et de l’humeur (54 %) et de troubles addictifs (47 %) que chez ceux souffrant de troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères (44 %). Dans le cadre des bonnes pratiques de prise en charge des individus souffrant de troubles psychiques, des examens complémentaires sont également recommandés pour les patients ayant des traitements antipsychotiques. Ces examens incluent notamment le bilan hépatique, l’ionogramme, le dosage de la protéine C réactive, l’exploration de base de l’hémostase, le dosage sanguin de la thyréostimuline et l’électrocardiogramme (FFP-CNPP, 2015). En pratique, une très faible part de patients hospitalisés pour des troubles psychiques fréquents ou sévères et persistants en 2012 ou 2013 a bénéficié d’au moins trois de ces actes de prévention complémentaires (dont électrocardiogramme et bilan rénal) dans les deux ans qui suivent l’hospitalisation. Cette part s’élève en effet à 15 % pour les troubles psychotiques, bipolaires ou dépressifs sévères, 17 % pour les troubles addictifs et 18 % pour les troubles névrotiques et de l’humeur. Cependant, ces faibles taux peuvent en partie s’expliquer par le fait que les actes ayant lieu pendant les séjours hospitaliers (notamment les bilans d’entrée systématiques) ne sont pas identifiés dans le système d’information. Concernant la part de patients hospitalisés ayant eu des actes de prévention en termes de dépistage (cancers du sein et du col de l’utérus), également fortement soutenus par les recommandations de bonnes pratiques (FFP-CNPP, 2015), et de vaccination (diphtérie, tétanos, poliomyélite) en ville dans les deux années qui suivent l’hospitalisation, cette proportion est plus élevée pour les patients souffrant de troubles sévères (23 %) que pour ceux souffrant de troubles addictifs (17 %) alors qu’elle est similaire à celle de la population générale pour les patients souffrant de troubles névrotiques et de l’humeur (33 %). Lorsqu’on ne considère que la population féminine, les tendances par groupe diagnostique sont similaires : cette part atteint 51 % pour les patientes avec un trouble névrotique ou de l’humeur, 43 % pour celles avec un trouble psychique sévère et persistant et 40 % pour celles avec un trouble addictif. Plus généralement, les personnes vivant avec des troubles psychiques recourent moins aux soins somatiques courants que la population générale. Parmi les personnes hospitalisées pour un trouble psychique en 2012 ou 2013, seules 40 % des personnes ayant un trouble sévère, 41 % de celles ayant un trouble addictif et 49 % de celles ayant un trouble névrotique ou de l’humeur ont eu des soins dentaires, ophtalmologiques ou gynécologiques en ville dans les deux ans qui ont suivi leur sortie d’hospitalisation. A titre comparatif, 76 % de la population générale âgée de 18 à 64 ans a bénéficié de tels soins sur une période de deux ans. Là encore des disparités territoriales importantes existent selon les départements (carte 40 p. 94). Ces variations peuvent être en partie liées à la disponibilité de l’offre de soins en ville, en particulier libérale, mais suggèrent également Atlas de la santé mentale en France 93 3 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans Part des personnes hospitalisées pour un trouble psychique sévère en 2012 ou 2013 ayant eu des soins dentaires, ophtalmologiques ou gynécologiques dans les deux ans suivant leur sortie CARTE 40 Pour 100 patients hospitalisés Départements et régions d'outre-mer 52,4 A Guadeloupe 43,2 41,2 39,4 France 40,2 20 km 37,5 B Martinique 28,7 Non disponible 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P, Sniiram 2012-13. Infographie : Irdes 2019-20. tableau 5 Synthèse des indicateurs caractérisant l’accès à la prévention et aux soins somatiques des personnes hospitalisées en 2012 ou 2013 pour des troubles psychiques sévères ou fréquents Pour les troubles Pour les troubles Pour les troubles névrotiques addictifs psychotiques, et de l’humeur bipolaires ou dépressifs sévères Indicateur Part de patients n’ayant pas déclaré de médecin traitant (%) 4 7 15 Part de patients ayant eu l’ensemble des actes de prévention classique1 dans les deux ans suivant l’hospitalisation (%) 54 47 44 Part de patients ayant eu au moins trois actes de prévention complémentaires2 dans les deux ans suivant l’hospitalisation (%) 18 17 15 Tous sexes confondus (%) 33 17 23 Chez les femmes (%) 51 40 43 49 41 40 Part de patients ayant eu des actes de prévention en termes de dépistage3 et de vaccination4 dans les deux ans suivant l’hospitalisation (%) Part des patients ayant eu des soins dentaires, ophtalmologiques ou gynécologiques dans les deux ans suivant l’hospitalisation (%) bilan sanguin, glycémie et cholestérol ; dont électrocardiogramme et bilan rénal ; cancer du sein et cancer du col de l’utérus ; 4 diphtérie, tétanos, poliomyélite. 1 2 3 94 Atlas de la santé mentale en France Sources : Rim-P, Sniiram 2012-2015 . Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans des variations dans la mise en œuvre des bonnes pratiques de soins somatiques des individus souffrant de troubles psychiques. Les valeurs nationales des principaux indicateurs caractérisant l’accès à la prévention et aux soins somatiques des individus hospitalisés pour des troubles psychiques sévères ou fréquents en 2012 ou 2013 sont synthétisés dans le tableau 5. *** Les données mobilisées dans le cadre de cet atlas, bien que ne permettant qu’une caractérisation parcellaire car essentiellement sanitaire des soins de santé mentale, soulignent des prises en charge hétérogènes pour les troubles psychiques fréquents et les troubles sévères et persistants sur le territoire français, avec des indicateurs de recours et de prise en charge variant fortement selon les départements. Ces variations interrogent la qualité, l’équité et l’efficience des prises en charge spécialisées pour les individus souffrant de ces troubles en France. Elles restent néanmoins à interpréter au regard des indicateurs mobilisés qui ne tiennent pas directement compte de l’environnement des soins, dont les disparités d’offre disponible en termes de structures médico-sociales ou complémentaires aux soins tels que les groupements d’entraide mutuelle ou des dispositifs formalisés d’aide par les pairs. Les prises en charge sanitaires doivent par ailleurs s’appuyer sur une articulation forte entre soins hospitaliers et soins de ville, dans une logique de décloisonnement de l’offre de soins à destination des personnes vivant avec des troubles psychiques. Cette articulation semble encore limitée, notamment pour les troubles psychiques sévères et persistants. Par ailleurs, le suivi des comorbidités somatiques des patients souffrant de troubles psychiques reste insuffisant en France, là encore plus particulièrement pour les troubles psychiques sévères, même si les indicateurs mobilisables ne permettent pas de caractériser toutes ses dimensions, dont l’éducation thérapeutique. Les défauts d’articulation entre soins somatiques et soins psychiatriques pourraient en partie expliquer la surmortalité récemment objectivée chez les individus suivis pour de tels troubles (Coldefy et Gandré, 2018) et suggère une marge d’amélioration pour la prise en charge globale des personnes vivant avec des maladies psychiques. Des évolutions à venir du SNDS, dont l’incorporation de données sur le secteur médico-social et l’inclusion d’un identifiant national unique pour les patients pris en charge en ambulatoire en établissement de santé, devraient permettre à terme de compléter cette première photographie de la prise en charge des troubles psychiques fréquents, et des troubles sévères et persistants à l’échelle nationale, dont l’exhaustivité reste liée aux données disponibles.  Remerciements aux relecteurs : Guillaume Fond (Assistance publique-hôpitaux de Marseille, AP-HM), Alain Monnier (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, Unafam), Nadia Younès (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines). Atlas de la santé mentale en France 95 3 3 Troubles psychiques sévères et troubles psychiques fréquents chez les 18-64 ans 96 Atlas de la santé mentale en France chapitre 4 Les personnes âgées Miléna Spach1, Magali Coldefy2 1 D Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) 2 Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) ’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte, au 1er janvier 2017, 12,8 millions de personnes âgées de 65 ans et plus1, soit près d’un habitant sur cinq. De plus, comme dans l’ensemble des pays occidentaux, l’espérance de vie* augmente d’une manière progressive et constante. Cet allongement de l’espérance de vie s’accompagne d’une augmentation de la prévalence* des pathologies liées à l’âge et des besoins spécifiques de prise en charge de ces populations particulièrement vulnérables. En France, les territoires vont être différemment confrontés à cette augmentation de la population âgée. Les régions actuellement les plus âgées sont la Nouvelle­-Aquitaine, la Corse, la Bourgogne Franche-Comté, l’Occitanie et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), où la part des 65 ans ou plus excède 21 % de la population (Insee, 2013) [carte 41 p. 98]. Les projections de population de l’Insee (2017) prévoient que les personnes âgées de 65 ans ou plus représenteront plus d’un habitant sur quatre (27 %) en 2050. Dans plusieurs départements, près de quatre habitants sur dix auront plus de 65 ans : Martinique, Creuse, Lot, Cantal, Dordogne. Or, la population âgée constitue une population spécifique dans le sens où, relativement à la population générale, une plus grande partie de la population souffre d’un problème de santé mentale (Lôo et Gallarda, 2000 ; OMS, 2016). Ces évolutions font de la prise en charge des troubles psychiques* du sujet âgé un enjeu majeur de l’organisation des 1 soins et de l’accompagnement à destination de ces personnes, particulièrement marqué dans certains territoires ruraux du pays où se concentre la population âgée. Pour l’étude de la santé mentale, les personnes âgées se composent de deux sous-populations : les personnes âgées sans antécédents de troubles psychiques et dont des troubles (dépression, anxiété, troubles du sommeil) peuvent se développer lors du vieillissement et être à l’origine d’une comorbidité importante, et les personnes âgées avec antécédents de troubles psychiques pour lesquelles le passage des dispositifs adultes aux dispositifs pour les personnes âgées peut compromettre la continuité de la prise en charge, et qui s’accompagne d’un risque de handicap et de surmortalité (DGS, 2008). De plus, les maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques, etc.), qui se traduisent par des troubles du comportement, de la personnalité et des troubles cognitifs, surviennent le plus souvent au-delà de 65 ans. Plus précisément, le vieillissement est une période de vie qui s’accompagne de plusieurs facteurs de stress, sources potentielles de souffrance psychologique, susceptibles d’avoir un impact sur la santé mentale (DGS, 2008). Pourtant, l’évaluation de la santé mentale des sujets âgés a été longtemps négligée (Schuster et al., 2013). D’après l’OMS (2016), plus de 20 % de la population mondiale âgée de 60 ans ou plus souffre d’un problème de santé mentale ou neuro- Dans la suite du chapitre, nous emploierons le terme « personne âgée » pour désigner les personnes âgées de 65 ans ou plus. Atlas de la santé mentale en France 97 4 CARTE 41 Les personnes âgées Pourcentage des 65 ans et plus dans la population générale, 2013 98 Atlas de la santé mentale en France Les personnes âgées logique, dont les plus courants sont la démence* (maladie neurodégénérative*, maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées) et la dépression*. Plusieurs études françaises montrent une forte prévalence des troubles psychiques, en particulier des troubles dépressifs chez les personnes âgées. Pisarik et Rochereau (2017) observent, à partir des données de l’Enquête santé européenne (EHIS), la présence de symptômes dépressifs chez 15 % des personnes âgées de 75 ans ou plus vivant à domicile (contre 7 % des 15 ans ou plus). L’étude de Ritchie et al. (2004) observait quant à elle, chez les plus de 65 ans, des prévalences ponctuelles de troubles anxieux* de 14,2 %, d’épisodes dépressifs majeurs* de 3 % et de troubles psychotiques* de 1,7 %. Selon Schuster et al. (2013), l’utilisation d’instruments d’évaluation spécifiques aux sujets âgés augmenterait encore ces mesures de prévalence du fait des spécificités cliniques de la dépression chez les sujets âgés (plaintes somatiques souvent au premier plan, moindre expression des affects dépressifs, etc.) [Thomas et Hazif-Thomas, 2008]. Les facteurs de risque les plus importants sont les maladies chroniques et les douleurs physiques, l’isolement social, la précarité financière, la perte du conjoint ou d’amis, ou encore l’approche de la mort. À ce titre, les personnes âgées sont 6,6 % à résider dans des communes rurales isolées (Insee, 2013), potentiellement éloignées des services, et 31,6 % des personnes âgées vivent seules (Insee, 2013). Dans certains départements comme la Lozère ou la Creuse, plus d’une personne âgée sur deux vit dans une commune rurale isolée (carte 42a p. 100). En revanche, les personnes âgées vivant seules se situent davantage dans des départements urbains (Paris, Hauts-de-Seine, Alpes-Maritimes) (carte 42b p. 101). Si l’isolement constitue un facteur de risque important de développement des troubles psychiques, les personnes vivant en institution sont également très concernées par les troubles psychiques. Une étude récente de la Drees fait état d’un état psychologique dégradé par un tiers des personnes âgées vivant en institution (Abdoul-Carime, 2020). Cet écart s’explique en partie par le fait que la dégradation de l’état de santé de ces personnes a souvent conduit à l’entrée en institution. Dans ce sens, plusieurs études montrent une prévalence* plus importante des troubles psychiques chez les personnes âgées vivant en institution, notamment en Unités de soins de longue durée (USLD)* et en Etablissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPA)*, avec des conséquences importantes en termes de qualité de vie et de morbi-mortalité somatique (Schuster et al., 2013). D’après le rapport France, portrait social (2018), la prévalence de la dépression chez les personnes âgées en institution est estimée à 18 %, contre 7 % chez les personnes à domicile. En France, 9,6 % des personnes âgées de 75 ans ou plus (soit près de 600 000 individus) vivent en institution (Insee, 2013), proportion qui varie de 2,5 % en Guadeloupe à 17,4 % en Lozère. Cette hétérogénéité est à mettre en regard avec les disparités départementales d’offre d’hébergement disponible pour les personnes âgées (encadré 3). Offre d’hébergement disponible pour les personnes âgées Trois principaux types d’hébergements sont proposés aux personnes âgées selon leur degré de dépendance : résidences autonomie*, Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad),* Unités de soins de longue durée (USLD)*. En 2017, on compte en France 608 000 places dans les Ehpad, soit 5,2 places pour 100 personnes âgées de 65 ans ou plus (Finess, 2017 ; Insee, 2013). Ce taux varie de moins de 5 places pour 100 personnes à Paris, dans les Dé- 4 partements et régions d’outre-mer (Drom) et en Corse du Sud, à plus de 15 places pour 100 personnes âgées dans l’Yonne, en Ardèche ou en Lozère. À côté de cette offre d’hébergement médicalisée pour les personnes âgées dépendantes, elles peuvent également être hébergées dans des résidences autonomie*. On compte en France 125 600 places dans ces structures, soit un taux d’équipement national de 1,1 place pour 100 habitants de 65 ans ou plus (Finess, 2017 ; Insee, 2013). Ici, la Corse, l’Yonne, les Landes et les Hautes Pyrénées apparaissent très peu dotées de ce type de structures, alors que les départements de la Seine-Maritime, du Maine-et-Loire, de l’Oise, de l’Eure et de la Marne ont une politique d’accueil plus importante en la matière. Enfin, en 2017, pour les personnes âgées de 65 ans ou plus, on compte 31 600 places dans les USLD, soit 0,3 place pour 100 habitants (Finess, 2017 ; Insee, 2013). Atlas de la santé mentale en France 99 ENCADRÉ 3 4 CARTE 42 Les personnes âgées L’isolement social et spatial des personnes âgées 42a Part des personnes âgées vivant dans des communes rurales isolées en 2013 100 Atlas de la santé mentale en France Les personnes âgées 4 CARTE 42 L’isolement social et spatial des personnes âgées Part des personnes âgées vivant seules en 2013 Atlas de la santé mentale en France 101 42b 4 Les personnes âgées Parmi les autres facteurs liés à l’émergence et au développement des troubles psychiques chez les personnes âgées, la précarité est régulièrement identifiée dans la littérature, par exemple au travers du fait d’être allocataire du minimum vieillesse (Pisarik, 2018). En effet, la population des personnes âgées affiche un taux de pauvreté relativement important, bien qu’inférieur à la population totale. En 2013, en France métropolitaine, 8,9 % des plus de 75 ans (soit plus de 500 000 personnes) vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14,5 % de la population totale. Ici encore, la variabilité entre départements est forte puisqu’en Lozère, Creuse, Corse, Aude et Gers, plus de 17 % des personnes âgées de 75 ans ou plus vivent sous le seuil de pauvreté*, contre 5 % dans les Yvelines ou l’Essonne (carte 43). CARTE 43 Les facteurs géographiques et économiques sont d’autant plus importants que les personnes isolées ou en situation d’exclusion ou de précarité sont davantage susceptibles d’être atteintes de troubles psychiques non détectés par les services médicaux ou sociaux (Labbé et al., 2007). Ainsi, des actions de prévention, de lutte contre l’isolement social des personnes âgées sont développées dans plusieurs territoires, à l’instar du projet Monalisa de lutte contre l’isolement social des seniors via un réseau de proximité très local de veille, repérage et densification des liens sociaux. Ce dispositif a été instauré en décembre 2015, dans le cadre de la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Taux de pauvreté des personnes âgées de 75 ans ou plus, 2013 Pour 100 habitants de 75 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 23,8 A Guadeloupe 13,4 11,4 9,8 8,3 20 km France 8,9 B Martinique 4,9 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : Insee Filosofi 2013. Infographie : Irdes 2019-20. 102 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les personnes âgées 4 4.1. Le recours aux soins de santé mentale des personnes âgées Les troubles psychiques des personnes âgées sont souvent négligés et non traités, les symptômes étant associés au vieillissement (Rigaud et al., 2005), et les expressions cliniques spécifiques et complexes souvent mal appréhendées par les professionnels de santé. Par ailleurs, la stigmatisation des maladies mentales rend les personnes âgées réticentes à consulter (OMS, 2016). De plus, leur prise en charge est complexe du fait de la fréquence des troubles cognitifs associés, d’une symptomatologie différente, de la polypathologie ou encore de la polymédication (Peyneau et al., 2016), et la formation des professionnels n’est pas toujours adaptée. C’est seulement en 2017 que la psychiatrie du sujet âgé est reconnue comme une sous-spécialité de la psychiatrie en France, au même titre que la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avec la mise en place d’une option spécifique qualifiante. La France rattrape ainsi un retard certain par rapport à ses voisins européens (Hanon et Camus, 2010). La mise en place d’un enseignement spécifique devrait permettre à terme de structurer l’offre de soins à destination des personnes âgées, en améliorant la formation des professionnels à la clinique du sujet âgé, et la lisibilité de l’offre existante. De nombreux professionnels et structures des champs sanitaires et médico-sociaux, publics et privés, spécialisés ou non dans la prise en charge des maladies mentales, vont intervenir dans le soin et l’accompagnement des personnes âgées (détails dans la figure 6). En 2015, 5,8 % des personnes âgées de 65 ans ou plus ont été prises en charge pour une pathologie psychiatrique identifiée via une hospitalisation ou une Affection de longue durée (ALD)* [pour lesquelles un diagnostic codé selon la Cim 10 est enregistré (Cnam, 2017)], soit 607 000 personnes. Ces chiffres ne prennent pas en compte les 725 000 personnes de 65 ans ou plus prises en charge pour une maladie neurodégénérative (dont maladie d’Alzheimer) ou pour des troubles cognitifs. Au sein de cette prise en charge pour pathologie psychiatrique, les troubles névrotiques ou de l’humeur* sont majoritaires (2,6 % de l’ensemble des personnes âgées), suivis des troubles psychotiques* (0,8 %), et des troubles liés à l’addiction* (0,3 %) [principalement l’alcool et les psychotropes] (Cnam, 2016). Les disparités montrent, pour les troubles névrotiques, des recours plus importants en Haute-Loire (4,9 %), en Creuse (4,2 %) ainsi qu’en Lozère et dans le Puyde-Dôme (3,9 %), et plus faibles dans les Drom (< 1,5 %) [carte 44a p. 104]. Néanmoins, pour les troubles psychotiques, les Drom figurent parmi les départements dans lesquels le recours est le plus important (Guadeloupe 1,6 %, Martinique 1,2 %, La Réunion 1,1 %), au même titre que la Lozère (1,5 %), tandis que la Charente et Mayotte affichent les taux les plus faibles (inférieurs à 0,5 %) [carte 44b p. 104]. Le recours aux soins de santé mentale des personnes âgées Personne âgée Réseaux et établissements sociaux ou médico-sociaux contribuant au maintien à domicile ou à l’accueil résidentiel Soins non spécialisés Soins spécialisés • Services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) • Services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) • Urgences • Hospitalisation à domicile (HAD) • Maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia) • Services de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) • Plateformes territoriales d'appui (PTA) • Gériatres • Réseaux de santé gérontologiques • Médecins généralistes • Centres locaux d'information et de coordination (Clic) • Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) • Établissements de santé publics et privés autorisés en psychiatrie • Professionnels de santé de ville : psychiatres, psychologues Temps complet, temps partiel, ambulatoire Atlas de la santé mentale en France 103 FIGURE 6 4 Les personnes âgées Taux de personnes âgées de 65 ans et plus prises en charge pour une pathologie psychiatrique en 2015 CARTE 44 44a Pour troubles névrotiques ou de l’humeur Pour 100 000 consommants de 65 ans et plus Départements et régions d'outre-mer 4 867,6 A Guadeloupe 3 158,8 2 744,3 France 2 650,9 2 517,7 20 km B Martinique 2 216,6 152,2 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Source : Cnam 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 44b Pour troubles psychotiques en 2015 Pour 100 000 consommants de 65 ans et plus Départements et régions d'outre-mer 1 610,6 A Guadeloupe 920,5 France 768,6 787,6 720,2 20 km B Martinique 641,5 152,2 20 km C Guyane ENCADRÉ 1 Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Source : Cnam 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 104 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les personnes âgées En 2015, 2,4 % des personnes âgées de 65 ans ou plus (soit près de 284 000 individus) ont été prises en charge dans un établissement autorisé en psychiatrie à temps complet, partiel ou en ambulatoire2. Les principales pathologies prises en charge sont les troubles de l’humeur (29,4 % des séjours) et les troubles névrotiques ou liés à des facteurs de stress et les troubles somatoformes (16,1 % des séjours) [Recueil d’information médicalisé en psychiatrie (Rim-P), 2015]. Le recours à un établissement autorisé en psychiatrie se fait majoritairement en ambulatoire (2,2 %) [Rim-P, 2015]. Seules 0,5 % des personnes âgées ont été hospitalisées en psychiatrie (Rim-P, 2015) (carte 45a p. 106). Parmi les soins ambulatoires, les soins à domicile (ou substitut de domicile) représentent 17,1 % des soins ambulatoires, mais cette part est très variable d’un territoire à l’autre. Les soins à domicile constituent plus d’un tiers des actes dans certains départements (Corrèze, Côte-d’Or, Creuse, Pas-de-Calais) contre moins de 5 % dans d’autres (Vaucluse, Vendée, Vienne) [Rim-P, 2015]. Par ailleurs, les équipes de psychiatrie peuvent également assurer une activité de liaison vers le secteur médico-social. Cette activité représente 10,6 % des soins ambulatoires à destination des personnes âgées, correspondant à plus de 30 % des soins dans les Deux-Sèvres et le Lot, contre moins de 1 % dans sept départements (Haute-Corse, Creuse, Nièvre, Val-d’Oise, Paris, Hauts-de-Seine, Guyane) [Rim-P, 2015]. En raison de la polypathologie souvent associée, une partie du recours en établissement de santé des personnes âgées pour des problèmes psychiques s’exerce également au sein de la filière somatique et gériatrique. Ce recours est d’ailleurs supérieur à celui qui s’exerce en hospitalisation en psychiatrie. Ainsi, 112 000 personnes âgées sont hospitalisées en Médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) pour un motif psychiatrique (PMSIMCO, 2015), soit 1,0 % de la population âgée (carte 45b p. 106). Les disparités départementales indiquent toutefois certains écarts importants puisque le taux de personnes âgées hospitalisées en MCO pour motif psychiatrique dépasse 1,5 % dans le Val-de-Marne, Haut-Rhin, Paris et les Ardennes, contre 0,5 % en Corse, PyrénéesOrientales, Aude et Guyane. Ainsi, pour les personnes âgées, le recours en hospitalisation pour motif psychiatrique se fait davan2 tage en MCO. Dans 7 départements, le taux d’hospitalisation en MCO pour motif psychiatrique est cinq fois supérieur au taux d’hospitalisation dans un service de psychiatrie (Corse-du-Sud, Aveyron, Lot, Tarn, Haute-Loire, Creuse, Haute-Vienne) [PMSI-MCO, 2015 ; Rim-P, 2015]. À l’inverse, le recours se fait de manière plus équilibrée entre les deux disciplines médicales pour les départements de la Haute-Corse, du Val-d’Oise, du Valde-Marne, de l’Essonne, de la Haute-Garonne, des Ardennes, de la Haute-Savoie (PMSI-MCO, 2015 ; Rim-P, 2015). Ce recours différencié vers la psychiatrie ou les soins somatiques et la gériatrie peut être lié à la nécessité de prise en charge des comorbidités somatiques, fréquentes chez les personnes âgées, mais également à la structuration de l’offre de soins sur les territoires. En l’absence d’une reconnaissance de la spécialité de la psychiatrie du sujet âgé en France et d’une offre associée identifiée, l’offre de soins à destination des personnes âgées s’est développée de façon hétérogène, parfois à l’initiative de la gériatrie, parfois à celle de la psychiatrie. Cette organisation a des conséquences sur les prises en charge, plus ou moins centrées sur la question des démences et des maladies neurodégénératives, ou sur une véritable psychiatrie du sujet âgé (couvrant l’ensemble des troubles psychiques antérieurs ou postérieurs au vieillissement : troubles dépressifs, psychoses, addictions, etc.). L’hospitalisation à temps plein des personnes âgées n’est pas toujours réalisée dans des conditions d’accueil adaptées, notamment les passages par les urgences doivent être évités autant que possible. En effet, l’organisation classique des urgences n’est pas adaptée pour des patients âgés présentant par exemple des troubles cognitifs ou des risques liés au décubitus* prolongé (Sough et al., 2012). Cependant, 10,4 % des personnes âgées hospitalisées en psychiatrie sont admises via les urgences, avec des disparités importantes entre départements : deux départements (Ardennes et Guadeloupe) affichent plus de 40 % de parts d’admission par les urgences des personnes âgées en psychiatrie (Rim-P, 2015). Lorsque l’hospitalisation a lieu dans un service somatique, la part d’admission par les urgences des personnes âgées s’élève quant à elle à 44,4 % (PMSI-MCO, 2015). Chez les personnes âgées, la dépression est associée à un risque important de passage à l’acte suicidaire (Observatoire national du suicide, 2016), Ici encore, les chiffres ne tiennent pas compte des personnes âgées atteintes de maladie neurodégénérative ou de troubles cognitifs. Atlas de la santé mentale en France 105 4 4 CARTE 45 Les personnes âgées Taux d’hospitalisation des 65 ans ou plus en 2015 45a En psychiatrie Pour 10 000 habitants de 65 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 123,9 A Guadeloupe 71,9 56,6 France 55,0 20 km 45,3 B Martinique 41,9 18,0 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Rim-P, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. 45b En MCO pour un motif psychiatrique Pour 10 000 habitants de 65 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 188,6 A Guadeloupe 110,6 89,8 France 96,2 20 km 79,4 B Martinique 68,0 35,5 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : PMSI-MCO, Insee 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 106 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les personnes âgées y compris en Ehpad où le risque est accru dans la première année qui suit l’entrée de la personne (Anesm, 2014). D’après les données du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc, 2011), 28 % des suicides survenus en France ont concerné des personnes âgées, ce qui représente plus de 2 900 personnes3. Le taux de suicides est multiplié par 10 entre les 15-25 ans et les plus de 75 ans ; le taux de suicide étant maximal chez les hommes âgés de plus de 85 ans (Mouquet et Bellamy, 2006). La grande majorité (90 %) des suicides des personnes âgées sont en lien avec un trouble psychiatrique (Anesm, 2014), notamment la dépression (Hawton et al., 2013) dont le diagnostic est malaisé car il peut être confondu avec d’autres maladies. Aussi, le taux de recours en hospitalisation pour tentative de suicide des 65 ans ou plus est de 5,4 pour 10 000 habitants de 65 ans ou plus (PMSI-MCO, 2015). Le taux de décès par suicide ou dépression est quant à lui de 4,1 pour 10 000 chez les personnes de 75 ans ou plus (Irdes, 2015). Enfin, du fait de leur plus grande fragilité, 4 % des personnes âgées hospitalisées pour tentative de suicide décèdent à l’hôpital, contre moins de 1 % des 18 ans ou plus (PMSI-MCO, 2015). Le recours en ville est plus difficile à appréhender par le système d’information disponible car le motif de consultation n’est pas connu dans les données de l’Assurance maladie. Il est donc indirectement appréhendé ici par la consultation de professionnels spécialisés dans la prise en charge des maladies mentales ou par la délivrance de médicaments psychotropes qui peuvent suggérer un recours pour un problème de santé mentale. Les personnes âgées consultent peu les psychiatres libéraux. En 2015, 61 000 personnes âgées de 65 ans ou plus ont consulté un psychiatre libéral (Sniiram, 2015), soit un taux de recours de 52 pour 10 000 habitants, ce qui est plus de trois fois inférieur au recours des 18‑64 ans. Par contre, la consommation de psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques, hypnotiques) est courante chez les personnes âgées (Verger et al., 2017 ; Verger et al., 2018). En 2015, plus d’une personne âgée sur quatre (28 %) a eu au 3 4 5 moins trois délivrances de psychotropes4 ; cela représente 2,9 millions de personnes (Cnam, 2017). Globalement, les Drom se caractérisent par une faible consommation de psychotropes, tandis que la Creuse et la Haute-Vienne comptent parmi les départements où le taux de personnes âgées ayant reçu au moins 3 délivrances de psychotropes est le plus élevé (Cnam, 2016)5. Plus précisément, en 2015, 13,3 % des personnes âgées ont eu au moins trois délivrances d’antidépresseurs (avec un maximum à 20,3 % en Haute-Vienne, contre moins de 6,5 % pour les Drom), et 15,9 % au moins trois délivrances d’anxiolytiques (culminant à 23,1 % en Creuse contre moins de 10 % dans les Drom), 9,4 % au moins trois délivrances d’hypnotiques et 2,6 % des neuroleptiques (Cnam, 2016) [cartes 46a et 46b p. 108]. Ces taux sont supérieurs à ceux observés dans la population âgée de 18 à 64 ans pour laquelle on observe respectivement les fréquences suivantes : 6,0 % pour les antidépresseurs, 7,0 % pour les anxiolytiques, 3,0 % pour les hypnotiques et 1,6 % pour les neuroleptiques (Cnam, 2016). La consommation de psychotropes chez les personnes âgées soulève plusieurs questions. D’une part, les psychotropes sont à l’origine d’une iatrogénie* importante – en grande partie évitable – et d’hospitalisations (chutes, etc.) car plus de la moitié des traitements ne seraient pas indiqués (DGS, 2008). Les raisons sont notamment la sur-prescription (consommation chronique de benzodiazépines et hypnotiques, entraînant une dépendance, avec des prescriptions non réévaluées régulièrement par le médecin généraliste), les prescriptions inadaptées (Jardin et al., 2012), et le fait que les personnes âgées constituent une population fragile (problèmes de tolérance, d’effets secondaires, comorbidités associées, polymédication) [Schuster et al., 2013 ; Verger et al., 2018] dont les pathologies psychiatriques peuvent s’exprimer de manière atypique et conduire à un problème d’inadéquation des traitements prescrits. D’autre part, la délivrance de psychotropes serait insuffisante, notamment pour les personnes âgées souffrant de dépression (DGS, 2008), du fait du mauvais repérage des troubles. À noter que la France figure parmi les pays dans lesquels le taux de suicide des personnes âgées est le plus élevé (DGS, 2008), même si celui-ci tend à diminuer ces dernières années comme pour les autres classes d’âge. De plus, pour les personnes âgées résidant en Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le recours aux psychotropes augmente dans l’année qui suit leur admission (Atramont et al., 2017). Précisons toutefois qu’il est difficile de connaître le recours en ville, ceci en raison de l’absence d’information sur le motif de consultation ; ce dernier étant seulement appréciable via les délivrances de médicaments lorsque le recours ne se fait pas vers un psychiatre. Atlas de la santé mentale en France 107 4 4 CARTE 46 46a Les personnes âgées Taux de 65 ans ou plus ayant eu des délivrances de psychotropes en 2015 Au moins 3 délivrances d’antidépresseurs Pour 100 000 consommants de 65 ans et plus Départements et régions d'outre-mer 20 331,1 A Guadeloupe 14 726,7 13 807,9 France 13 311,5 13 064,3 20 km B Martinique 12 392,4 1 739,1 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : Cnam 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 46b Au moins 3 délivrances d’anxiolytiques Pour 100 000 consommants de 65 ans et plus Départements et régions d'outre-mer 23 084,2 A Guadeloupe 18 832,2 16 811,3 France 15 939,9 15 644,6 20 km B Martinique 14 689,1 1 956,5 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Sources : Cnam 2015. Infographie : Irdes 2019-20. 108 Atlas de la santé mentale en France 20 km Les personnes âgées 4 4.2. L’offre de soins et d’accompagnement médico­-social à destination des personnes âgées Le système d’information national permet difficilement d’identifier l’offre de soins psychiatriques et d’accompagnement spécifiquement dédiée aux personnes âgées. La base de données de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE), recense 145 unités spécialisées dans la psychiatrie du sujet âgé (SAE, 2015). Ces dernières sont présentes dans 81 départements. psychiatrie du sujet âgé (intégrant notamment les missions d’évaluation des cas complexes, d’enseignement et de recherche, d’information et de communication) et le déploiement d’équipes mobiles de psychiatrie du sujet âgé, et pour Paris une unité de liaison psychiatrique en lien avec les dispositifs sectoriels (consultations fléchées, équipes mobiles de secteurs, etc). Au sein des établissements de santé, les personnes âgées ont accès aux services proposés pour la population générale. Dans certains territoires, une offre spécifique a été développée avec des lits d’hospitalisation dédiés ou encore des dispositifs ambulatoires de secteur proposant des consultations fléchées au sein des Centres médico-psychologiques (CMP), des hospitalisations de jour et des centres d’accueil thérapeutiques à temps partiel spécifiques pour les personnes âgées. Des équipes mobiles de psychiatrie du sujet âgé ont vu le jour et se déplacent au domicile ou dans les institutions médico-sociales. C’est le cas notamment en Île-de-France où l’offre de soins psychiatriques à destination des personnes âgées s’est structurée autour d’un centre de ressources régional de Au-delà du champ de la santé mentale, d’autres acteurs interviennent dans le parcours de soins des personnes âgées, qu’il s’agisse du médecin généraliste ou de spécialistes du sujet âgé comme les gériatres. On recense, en 2015, 1 756 gériatres, soit une densité de 15,1 pour 100 000 habitants âgés de 65 ans ou plus (RPPS, 2015), avec une répartition très hétérogène sur le territoire national et fortement concentrée sur l’Île-de-France (la densité de gériatres allant de 2 pour 100 000 dans le Jura à 42 dans le Val-d’Oise) [carte 47]. Notons également l’importance de l’accompagnement et des soins à domicile pour les personnes âgées, population peu mobile. En 2015, le taux d’équipement en places dans les services de soins Densité de gériatres en 2015 Pour 100 000 habitants de 65 ans ou plus Départements et régions d'outre-mer 41,6 A Guadeloupe 18,4 France 15,1 12,9 20 km 10,5 B Martinique 8,4 1,9 20 km Non disponible C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km 20 km Discrétisation : quintiles. Sources : RPPS 2015, Insee. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 109 CARTE 47 4 Les personnes âgées infirmiers à domicile (Ssiad) et dans les Services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) s’élève, pour 100 personnes âgées de 65 ans ou plus, à 1,1 place, avec une certaine hétérogénéité puisque deux départements (Martinique et BasRhin) ont, pour 100 personnes âgées de 65 ans ou plus, un taux d’équipement inférieur à 0,8 ; et six départements ont quant à eux un taux supérieur à 1,6 (Hautes-Alpes, Creuse, Lozère, Paris, Aine, Meuse) [Finess, 2015]. Enfin, différents dispositifs existent à destination des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées (encadré 4). ENCADRÉ 4 Par ailleurs, au-delà de l’offre de soins, différents dispositifs (non spécifiques à la santé mentale) sont déployés pour les personnes âgées qui cumulent souvent plusieurs comorbidités et des difficultés économiques ou sociales. Quatre types de services peuvent être mentionnés : les points d’information locaux, comme les Centre locaux d’information et de coordination gérontologique (Clic), qui sont des dispositifs médico-sociaux destinés aux personnes âgées et à leurs proches ; les plateformes d’accompagnement et de répit, pour répondre aux besoins des aidants ; les gestionnaires de cas relevant des méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (Maia), qui couvrent Offre de soins et accompagnement médico-social à destination des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées Il existe des dispositifs de soins et d’accompagnement spécifiques à la prise en charge des troubles du comportement de la maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées. Ces dispositifs se trouvent en Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou en Unités de soins de longue durée (USLD) [uniquement en Unités d’hébergement renforcées (UHR)]. Ils se composent des Pôles d’activités et de soins adaptés (Pasa), des Unités d’hébergement renforcé (UHR) et Unités de vie protégées (UVP), des Unités cognitivo-comportementales (UCC), des dispositifs d’accueil de jour, et des Équipes spécialisées Alzheimer (Esa) rattachées à des Ssiad. Les Pasa sont présents dans tous les départements, les UHR dans 80 départements (absents dans la quasi-totalité de l’Île-deFrance et les Drom), et les UCC dans 83 départements (Finess, 2017 ; SAE, 2015). a) Les Pasa sont des espaces d’activités aménagés au sein des Ehpad. Ils ne proposent pas d’hébergement et sont destinés à accueillir durant la journée des résidents de l’Ehpad ayant des troubles du comportement modérés. Les résidents qui y sont accueillis à la journée peuvent éventuellement venir de l’extérieur. Les activités proposées ont pour objectif d’offrir un accompagnement spécifique et personnalisé en fonction des besoins des résidents, notamment pour faire diminuer les manifestations de l’humeur et les troubles du com- 110 portement. D’après les données du répertoire Finess, en 2017, on compte 1 517 Pasa, soit 1,3 pôle pour 10 000 habitants de 65 ans ou plus. b) Les UHR ou les UVP sont implantées majoritairement au sein des Ehpad mais aussi en USLD et proposent, sur un même lieu, l’hébergement, les soins, les activités sociales et thérapeutiques, individuelles ou collectives. Elles s’adressent à des résidents souffrant de troubles sévères du comportement qui altèrent leur sécurité et leur qualité de vie et celle des autres résidents de l’Ehpad. Le passage dans l’UHR a pour objectif de trouver des réponses adaptées (médicamenteuses et non-médicamenteuses) pour atténuer les troubles des personnes hébergées et leur permettre, dans la mesure du possible, de retourner sur leur lieu de vie et de soins habituel. Il existe actuellement 2 209 places, en fonctionnement en Ehpad ou en USLD (Finess, 2017). c) L’UCC, pour les patients ayant des troubles du comportement sévères (troubles du sommeil grave, agressivité, etc.), propose une prise en charge à l’hôpital en Soins de suite et de réadaptation (SSR). Elle vise à stabiliser les troubles du comportement grâce à un programme individualisé et à assurer les soins à l’origine de la situation de crise en l’absence d’indication d’hospitalisation en court séjour (HAS, 2013). On dénombre 1 124 places en UCC (SAE, 2015). d) L’accueil de jour s’adresse principalement aux personnes âgées atteintes Atlas de la santé mentale en France de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées et, pour certains accueils de jour, aux personnes atteintes d’autres maladies neuro-dégénératives comme la maladie de Parkinson par exemple. Il peut également être proposé aux personnes âgées en perte d’autonomie physique. L’accueil de jour permet aux personnes âgées de bénéficier d’un suivi régulier et d’un accompagnement adapté, d’entretenir leurs capacités grâce aux activités adaptées proposées lors de l’accueil de jour, de renouer des liens et de sortir de chez elles. Solution de répit, l’accueil de jour permet en outre à leurs proches de pouvoir libérer du temps durant la journée, de trouver un soutien et des conseils auprès des professionnels de l’accueil de jour et de pouvoir échanger avec d’autres familles et proches. e) Enfin, les Esa ont pour mission d’accompagner les personnes malades d’Alzheimer vivant à domicile et d’aider leurs proches. L’accompagnement des équipes spécialisées Alzheimer s’adresse aux personnes diagnostiquées au début de la maladie, à un stade léger et modéré. L’objectif est de les aider à maintenir leur autonomie en stimulant leurs capacités, à diminuer les éventuels troubles du comportement, à améliorer la relation patient-aidant. Une adaptation du lieu de vie peut être proposée afin de maintenir ou d’améliorer les capacités des personnes malades ainsi que leur sécurité. Les personnes âgées 98 % du territoire français ; les Plateformes territoriales d’appui (PTA) qui sont des dispositifs sanitaires déployés dans le cadre de l’expérimentation Parcours santé des aînés (Paerpa) et dont l’objectif est une meilleure coordination des parcours complexes. De plus, dans l’objectif du maintien à domicile des personnes âgées dans les meilleures conditions sanitaires et sociales, il existe les réseaux de santé gérontologiques. Au nombre de 124 en France, ces réseaux de santé regroupent un ensemble d’intervenants, aux compétences sanitaires et sociales (médecins, infirmiers, assistants sociaux, etc.), qui se coordonnent autour d’une personne âgée dépendante. En dernier lieu, afin de prévenir les risques d’émergence et de développement des troubles psychiques, des actions de prévention (lutte contre l’isolement social, prévention du suicide, éducation pour la santé, atelier nutrition, etc.) envers les personnes âgées sont mises en place dans certains territoires, que ce soit au niveau national, régional ou communal. Le vieillissement des personnes présentant des troubles psychiques, ou l’apparition de troubles accompagnant le vieillissement des personnes handicapées, sont des problématiques identifiées qui font l’objet de diverses modalités d’accompagnement ciblé dans les établissements et services médico-sociaux dédiés aux personnes en situation de handicap. En effet, le vieillissement est un facteur de risque de la survenue de pathologies cognitives et physiques. De ce fait, différentes modalités d’accompagnement au sein de ces structures se développent, qui visent à cibler les besoins particuliers des personnes handicapées vieillissantes présentant des troubles psychiques. Il peut s’agir d’unités dédiées aux personnes handicapées vieillissantes dans un établissement, dont l’équipe peut être particulièrement formée et sensibilisée aux problématiques de santé mentale de la personne handicapée. Il peut également s’agir de la mise en œuvre d’une politique de formation des personnels au sein d’un établissement accompagnant des personnes en situation de handicap psychique à la problématique du vieillissement. Des unités d’accueil de jour accueillant des personnes présentant différents types de handicaps, notamment psychiques, sont également développées, à l’instar de ce qui est mis en œuvre pour les personnes présentant des troubles neurodégénératifs. Ces unités, souvent adossées à un établissement accueillant des personnes en situation de handicap, peuvent être des solutions de répit pour les personnes et leurs proches. *** Les changements démographiques en cours avec l’augmentation du nombre de personnes âgées et l’allongement de l’espérance de vie posent des questions économiques, sociales mais aussi organisationnelles pour l’accompagnement et la prise en charge de cette population, y compris dans le champ de la santé mentale. Souvent sous-estimée ou traitée de façon inappropriée, la souffrance psychique des personnes âgées constitue un enjeu de santé publique et nécessite d’adapter le système de santé à cette population vulnérable qui requiert des prises en charge spécifiques. Certaines populations sont particulièrement concernées : les personnes âgées isolées, en situation d’exclusion ou de précarité, celles vivant en institution, ou encore celles souffrant de pathologies chroniques. Les données présentées dans ce chapitre montrent l’hétérogénéité des besoins selon les territoires. En effet, leurs caractéristiques sociales, écono- miques, géographiques mais aussi historiques sont déterminantes en termes d’implantation de l’offre sanitaire et médico-sociale, d’existence ou pas de services à destination des personnes âgées, et de développement d’une offre spécifique en psychiatrie du sujet âgé ou d’une organisation plus centrée sur la prise en charge des démences et des maladies neurodégénératives. La France n’est pas le seul pays confronté à ces problématiques. Au niveau européen se développe un projet visant l’amélioration des réseaux de professionnels pour la santé mentale des personnes âgées atteintes de troubles psychiques en Europe qui permet de mutualiser et échanger sur les stratégies à mettre en place pour répondre au mieux aux besoins des personnes (www.arpa-europe.eu).  Remerciements aux relecteurs : Pr. Frédéric Limosin, Dr. Cécile Hanon (Centre ressource régional de psychiatrie du sujet âgé (CRRPSA) d’Île-de-France), Dr. Evelyne Falip (Agence régionale de santé (ARS) - Provence-Alpes-Côte d’Azur), Fanny Bouarek, Violaine Eudier, Danièle Steinbach, Catherine Perisset (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)). Atlas de la santé mentale en France 111 4 4 Les personnes âgées 112 Atlas de la santé mentale en France chapitre 5 La population pénitentiaire Miléna Spach Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) L a réforme de 1994 a confié l’organisation des soins en milieu pénitentiaire au service public hospitalier afin que les personnes détenues puissent avoir accès à une qualité et une continuité de soins identiques à celles de la population générale. Cependant, l’état de santé des personnes placées sous main de justice* est mal connu. Cette méconnaissance provient en partie du fait qu’il existe très peu d’études sur l’état de santé des individus en prison (GodinBlandeau et al., 2013), en particulier concernant la santé mentale, pour laquelle les études longitudinales sont absentes (Lancelevée, 2017). Pourtant, les détenus constituent une population spécifique dans le sens où leur santé mentale est plus mauvaise que celle de la population générale1 (Falissard et al., 2006). Plusieurs études ont en effet montré une plus forte prévalence des troubles psychiques*, notamment sévères, et du besoin de soins chez les personnes détenues par rapport à la population générale, que ce soit dans les pays développés ou en développement (Fazel et Seewald, 2012). L’étude de Jakobowitz et al. (2017) montre notamment que, sur 360 détenus londoniens, 80 % des femmes et 70 % des hommes incarcérés nécessitent une prise en charge psychiatrique (majoritairement pour des problèmes d’addiction*, mais aussi pour des troubles dépressifs*, des troubles de la personnalité* et des troubles psychotiques*). En France, selon le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales 1 (Igas) et du ministère de la Justice (Branchu et al., 2015), plus de la moitié des personnes détenues ont un antécédent de troubles psychiatriques, et un entrant sur six a déjà été hospitalisé en psychiatrie. L’étude conduite par Duburcq et al. (2006) indique que 3,8 % des détenus souffrent de schizophrénie* nécessitant un traitement (soit 4 fois plus qu’en population générale) et 17,9 % présentent un état dépressif majeur (soit 4 à 5 fois plus qu’en population générale). Si ces troubles peuvent exister en amont de la détention, la privation de liberté peut également avoir un impact sur la santé mentale des détenus, surtout dans le cas de mauvaises conditions de détention (problèmes d’hygiène, surpopulation, éloignement familial, etc.) [Lancelevée, 2017], mais aussi du fait du stress lié à l’incarcération. Le stress peut en effet déclencher des symptômes aigus ou induire des souffrances réactionnelles* (crise suicidaire, insomnie, etc.), favoriser une décompensation* ou même révéler certaines pathologies psychiatriques comme la schizophrénie* ou le trouble bipolaire* (Fovet et al., 2015). Par ailleurs, le taux de suicides des personnes détenues est particulièrement élevé et a fortement augmenté depuis 1945 : près de la moitié des décès survenus dans les prisons françaises sont le fait de suicides (Duthé et al., 2014). En 2014, on dénombre 1 033 tentatives de suicides, et 94 suicides (Direction de l’administration pé- Plus généralement, les détenus sont caractérisés par un état de santé global plus mauvais que celui de la population générale. Les catégories sociales en grande précarité, sans travail, sans domicile, avec un faible niveau éducatif, y sont surreprésentées (Laurencin, 2013). Atlas de la santé mentale en France 113 5 La population pénitentiaire nitentiaire (Dap), 2015), soit un taux de suicides 7 fois supérieur à la moyenne nationale (autour de 15/10 000 en détention, contre moins de 2 pour 10 000 en population générale) [Branchu et al., 2015]. De plus, un risque suicidaire a été repéré chez 40 % des hommes et 62 % des femmes détenues, d’après l’étude de Duburcq et al. (2006). Certains moments de la détention sont particulièrement sensibles : « Le risque suicidaire est 4 fois plus élevé pour les prévenus que pour les condamnés. Environs 15 % des suicides surviennent dans les dix premiers jours d’écrou » (Laurencin, 2013, p. 28). Aussi, d’après le rapport Albrand (2009), en 2008, 11 % des suicides se sont produits dans le quartier disciplinaire alors même que cette structure ne représente que 2 % de la capacité totale du parc pénitentiaire. 114 Atlas de la santé mentale en France Enfin, les détenus représentent une population spécifique au regard de leur consommation de substances psychoactives*. En 2003, près de 80 % des entrants en prison fument quotidiennement du tabac, dont 15 % plus de 20 cigarettes par jour, et près d’un détenu sur trois admet une consommation excessive d’alcool (Mouquet, 2005). Concernant les stupéfiants (cannabis, cocaïne, héroïne, etc.), un tiers des détenus en déclarent une utilisation prolongée et régulière au cours des douze mois précédant l’incarcération, et 7,5 % reçoivent un traitement de substitution aux opiacés (Mouquet, 2005). Par ailleurs, 15 % des entrants en 2003 indiquent bénéficier d’un traitement en cours par médicaments psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs, neuroleptiques)*. La population pénitentiaire 5 5.1. La population carcérale La population carcérale est inégalement répartie sur le territoire français, en partie parce qu’elle dépend de l’implantation et des capacités d’accueil des différents établissements susceptibles de les héberger. Au 1er janvier 2017, l’administration pénitentiaire compte 186 établissements pénitentiaires qui accueillent les personnes détenues : 82 maisons d’arrêt*, 11 centres de semi-liberté*, 6 maisons centrales*, 26 centres de détention*, 54 centres pénitentiaires* et 6 établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs. Les conditions de détention sont très différentes d’un type d’établissement à l’autre et d’une région à l’autre. Au 1er janvier 2017, on dénombre 103 services pénitentiaires d’insertion et de probation* qui suivent les personnes condamnées à une sanction ou une mesure de milieu ouvert. À cette même date, au sein de ces établissements, 250 000 personnes étaient prises en charge par l’administration pénitentiaire, dont environ 170 000 personnes suivies en milieu ouvert auxquelles s’ajoutent 80 000 personnes sous écrou. Au 1er janvier 2017, sur les 80 000 personnes écrouées, près de 70 000 sont en détention et 10 000 sont « écrouées non hébergées », c’est-àdire bénéficiant de mesures spécifiques comme le placement sous surveillance électronique. Par ailleurs, parmi les 70 000 personnes en détention, 50 000 sont condamnées et 20 000 sont en attente de jugement (prévenues) [Ministère de la Justice, 2017]. La durée moyenne sous écrou en 2016 est inférieure à un an (9,7 mois) et les personnes écrouées détenues sont majoritairement des hommes (97 % au 1er janvier 2017). L’âge moyen des écroués est de 34,7 ans, les mineurs représentent 1 % (les moins de 16 ans 0,1 %) des détenus. Les femmes représentent quant à elles 3 % des détenus (Dap, 2017). Outre le nombre de personnes détenues à une date donnée, 142 000 personnes ont été incarcérées dans les établissements pénitentiaires français au cours de l’année 2016 (carte 48). Cela correspond au « stock », c’est-à-dire les détenus présents au Nombre de personnes détenues (présents au 1er janvier et entrants dans l’année) dans les établissements pénitentiaires français, en 2016 Nombre de détenus Essonne 11 175 Val-de-Marne 6 524 Seine-et-Marne 2 948 Martinique 1 665 Côte d’Or 802 AHP* 89 * Alpes-de-Haute-Provence Ile-de-France 100 km 20 km Départements et régions d'outre-mer A Guadeloupe B Martinique C Guyane D Réunion E Mayotte Source : Direction de l’administration pénitentiaire, 2016. Infographie : Irdes 2019-20. Atlas de la santé mentale en France 115 CARTE 48 5 La population pénitentiaire 1er janvier 2016, auquel s’ajoute le « flux », soit les personnes entrées en détention au cours de l’année 2016 (Dap, 2016). Selon les territoires, la file active en détention varie fortement : elle est nulle dans les départements qui ne comportent pas d’établissement pénitentiaire (Gers et Lot), alors qu’elle varie de moins de 100 personnes dans les Alpes-de-Haute-Provence à plus de 11 000 en Essonne, département où se situe le plus grand centre pénitentiaire de France : Fleury-Mérogis (carte 48). Un des principaux déterminants des conditions de détention, en lien avec l’impact de la détention sur la santé des personnes incarcérées, est la surpopulation pénale. Pour la population française âgée de 15 ans ou plus, au 1er janvier 2016, on compte 58 561 places opérationnelles, ce qui représente une densité de places opérationnelles de 106 places pour 100 000 habitants (Dap, 2016). Le décalage entre le nombre de personnes incar- CARTE 49 cérées et le nombre de places disponibles permet d’évaluer la surpopulation pénale. Au 1er janvier 2016, la surpopulation carcérale est de 114 détenus pour 100 places opérationnelles (Dap, 2016) [carte 49]. D’après l’Observatoire international des prisons, en France, la surpopulation se concentre dans les maisons d’arrêt, qui accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à des courtes peines de prison. La densité de détenus par place est hétérogène selon les départements puisqu’elle est supérieure à 180 détenus pour 100 places dans le Gard, la Vendée et les Côtes d’Armor, tandis qu’elle est inférieure à 75 dans la Drôme, l’Oise, l’Orne et Mayotte. Cette hétérogénéité s’explique notamment par les différents types d’établissements présents sur chacun des territoires. La surpopulation carcérale est en effet plus élevée dans les maisons d’arrêt (établissements de courtes peines accueillant prévenus et détenus) que dans les maisons centrales (établissements de longues peines). Taux d’occupation effectif des places pour 100 places opérationnelles, en 2016 Pour 100 places opérationnelles Départements et régions d'outre-mer 196,4 A Guadeloupe 146,2 123,3 107,1 France 113,5 20 km 88,4 B Martinique 54,8 Non concerné 20 km C Guyane Paris et petite couronne 100 km D Réunion 10 km 20 km E Mayotte 100 km Discrétisation : quintiles. Source : Direction de l'administration pénitentière (Dap) 2017. Infographie : Irdes 2019-20. 116 Atlas de la santé mentale en France 20 km La population pénitentiaire 5 5.2. L’offre de soins en milieu pénitentiaire Il existe une offre de soins adaptée au milieu pénitentiaire2. La prise en charge sanitaire des détenus s’organise selon trois niveaux : 1) les consultations et actes externes somatiques et psychiatriques, 2) la prise en charge hospitalière à temps partiel, 3) la prise en charge hospitalière à temps complet* (figure 7). Au sein de chacun de ces niveaux de prise en charge, l’organisation des soins s’articule autour de deux dispositifs, l’un pour les soins somatiques* et le second pour les soins psychiatriques*. La prise en charge psychiatrique des détenus repose principalement sur les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire institués par le décret du 14 mars 1986, impliquant soit la prise en charge des détenus par l’établissement hospitalier de référence, soit la mise en place d’un Service médico-psychologique régional (SMPR)* au sein de l’établissement pénitentiaire. La loi d’orientation du 9 septembre 2002 a également créé les Unités hospitalières spécialement aménagées (Uhsa)* qui, rattachées aux secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, ont vocation à prendre en charge des personnes incarcérées nécessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète, au sein des établissements sanitaires3. Les Uhsa visent à accueillir dans de bonnes conditions d’accueil et de soins les personnes détenues relevant d’une hospitalisation à temps complet, avec et sans leur consentement. Il s’agit ainsi d’offrir une prise en charge de la même qualité que les services de psychiatrie en population générale, en y ajoutant une sécurité renforcée – assurée par l’administration pénitentiaire – pour minimiser les risques d’évasion (de Labrouche et al., 2017). À côté de ce dispositif spécialisé, les Unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP)* proposent 7 Unité sanitaire de niveau 3 2 3   Unité sanitaire de niveau 2  Unité sanitaire de niveau 1 L’organisation des soins en milieu pénitentiaire Soins somatiques Assurés en milieu pénitentiaire ou parfois hospitalier (USMP)* : consultations de médecine générale et de spécialités, dont consultations dentaires. Soins psychiatriques Assurés en milieu pénitentiaire ou hospitalier (SMPR* ou USMP) : activités de consultations, d’entretiens et activités thérapeutiques de groupe. Soins somatiques Assurés en milieu hospitalier : activités de chirurgie ambulatoire, « séances » (dialyse, chimiothérapie...)... Soins psychiatriques Assurés en milieu pénitentiaire : cellule dédiée à l’hospitalisation de jour (SMPR)*. Soins somatiques Assurés en milieu hospitalier : au sein des chambres sécurisées dans l'établissement de santé de rattachement (urgences et hospitalisation < 48 h) et des UHSI*. Soins psychiatriques Assurés en milieu hospitalier : au sein des UHSA* (avec ou sans consentement), et pour les soins sans consentement en Unités pour malades difficiles (UMD)* et en service de psychiatrie. Consultations, prestations et activités ambulatoires Prise en charge hospitalière à temps partiel Prise en charge hospitalière à temps complet Depuis la loi de janvier 1994, la prise en charge sanitaire et l’organisation des soins en milieu pénitentiaire relèvent du ministère de la Santé. Toutes les personnes détenues sont immatriculées et affiliées à la Sécurité sociale, et doivent bénéficier d’une prise en charge identique à celle proposée à l’ensemble de la population. Pour une genèse des Unités hospitalières spécialement aménagées (Uhsa), voir Contrast et al. (2015). Atlas de la santé mentale en France 117 FIGURE 7 5 La population pénitentiaire un dispositif de soins somatiques et psychiatriques, assurent la coordination des actions de prévention ainsi que l’accueil et la prise en charge hospitalière. psychiatriques avec ou sans consentement (Bron, Toulouse, Nancy, Villejuif, Fleury-les-Aubrais, Rennes, Seclin, Cadillac) [SAE, 2016]. Une neuvième Uhsa a ouvert à Marseille début 2018 (carte 50). Enfin, on compte en France 10 Unités pour malades difficiles (UMD) – non spécifiques à la population pénitentiaire – au sein desquelles les détenus peuvent être hospitalisés5. On peut ainsi recenser l’offre de soins réservée aux détenus. Au total, on compte en 2016 207 unités de santé ou hospitalières se répartissant entre 165 Unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP)4, 8 Unités hospitalières sécurisées interrégionales (Uhsi)* implantées dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU) pour les hospitalisations programmées de plus de 48 heures (Nancy, Lille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Paris PitiéSalpêtrière, Rennes), 26 Services médico-psychologiques régionaux (SMPR), 8 Unités hospitalières spécialement aménagées (Uhsa) implantées en milieu hospitalier accueillant les hospitalisations CARTE 50 D’après les travaux de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), les unités sanitaires sont sous-dotées en surface, avec des surfaces de locaux inférieures aux besoins de 30 % pour les maisons d’arrêt et de 40 % pour les centres pénitentiaires (Branchu et al., 2015). Par ailleurs, si les effectifs de soignants ont doublé entre 1997 et 2013 (passant Unités et services médicaux dédiés aux personnes détenues Service médico-psychologique régional (SMPR) Départements et régions d'outre-mer Unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) Lille Etablissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) Amiens Rouen Caen Bois-d’Arcy Rennes 4 1 2 3 4 Lyon D Réunion Nice Perpignan Source : Direction de l'administration pénitentière (Dap) 2017. Infographie : Irdes 2020. 5 100 km Grenoble-Varces Bordeaux Toulouse 4 20 km C Guyane 3 Pitié-Salpétrière Paris-La Santé Paris-Villejuif Fresnes 20 km Ducos Dijon Poitiers 1 Baie-Mahault B Martinique Orléans Paris et petite couronne 2 Metz Châlon-en-Champagne Nancy Strasbourg Fleury-Mérogis Nantes 10 km A Guadeloupe Lille-Annoeulin Le Port Marseille 20 km E Mayotte 100 km 20 km Les Unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP) ont été créées par la loi du 18 janvier 1994. Elles sont dépendantes de l’hôpital public de proximité et leurs missions touchent le champ de la santé publique : les soins somatiques et psychiatriques, l’hygiène, la prévention, les addictions, l’éducation pour la santé et la continuité des soins, etc. Si la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE 2016) recense 165 USMP, d’après la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap) ces unités sont au nombre de 175. D’après le décret n° 2016-94 du 1er février 2016, « les Unités pour malades difficiles (UMD) accueillent des patients relevant de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète […] dont l'état de santé requiert la mise en œuvre, sur proposition médicale et dans un but thérapeutique, de protocoles de soins intensifs et de mesures de sécurité particulières ». 118 Atlas de la santé mentale en France La population pénitentiaire de 1 345 à 2 600 Equivalents temps plein (ETP)), cette hausse a été modérée par l’augmentation de plus de 25 % du nombre de personnes détenues ainsi que par des postes budgétés non pourvus (15,5 % des postes de psychiatres) [Branchu et al., 2015]. En 2016, pour 10 000 détenus, la densité en ETP de psychiatres en psychiatrie pénitentiaire est de 13,5 et on compte 1,9 ETP pour le personnel médical autre en psychiatrie pénitentiaire (SAE, 2016 ; Dap, 2016). De même, en 2016, pour 10 000 détenus, on dénombre 110,6 ETP de personnels des services de soins et socio-éducatifs exerçant en psychiatrie pénitentiaire (SAE, 2016). Enfin, l’hospitalisation pour un motif psychiatrique des personnes détenues peut se faire, soit au sein des Uhsa récemment créées, soit au sein des services classiques de psychiatrie générale, sous un mode légal non consenti (Article D398 du Code de procédure pénale). En 2016, les 8 Uhsa ouvertes proposent 380 lits d’hospitalisation à temps plein, soit une densité de 25 lits pour 10 000 détenus (contre 11 places en psychiatrie générale, pour 10 000 habitants de 16 ans ou plus). La prise en charge en hospitalisation à temps partiel, qui correspond au deuxième niveau de l’organisation graduée des soins en détention, est assurée, pour les soins somatiques, en milieu hospitalier, et pour les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire, au sein des unités sanitaires6 des SMPR. La SAE recense, en 2016, 355 places d’hospitalisation à temps partiel en milieu pénitentiaire, soit 24 places pour 10 000 détenus (contre 4 places en psychiatrie générale, pour 10 000 habitants de 16 ans ou plus). Si ces taux peuvent paraître supérieurs à ceux observés en population générale, l’hospitalisation à temps plein ou à temps partiel des personnes détenues reste problématique du fait de la couverture géographique limitée de cette offre7, des contraintes liées aux transferts et déplacements de ces populations spécifiques, mais aussi de par la prévalence élevée des troubles psychiques et donc des forts besoins de la population concernée. 5.3. Recours aux soin