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Recherche culturelle et sciences participatives PARTICIP-ARC

2019

Recherche culturelle et sciences participatives PARTICIP-ARC Loup Bernard, Chloé Besombes, Philippe Boula de Mareüil, Lisa Chupin, Erwan Dagorne, Marie Delannoy, Myriam Desainte-Catherine, Bruno Dosseur, Victor Drouin, Anna Echassoux, et al. To cite this version: Loup Bernard, Chloé Besombes, Philippe Boula de Mareüil, Lisa Chupin, Erwan Dagorne, et al.. Recherche culturelle et sciences participatives PARTICIP-ARC. [Rapport de recherche] Muséum national d’Histoire naturelle. 2019. ฀mnhn-02297638฀ HAL Id: mnhn-02297638 https://hal-mnhn.archives-ouvertes.fr/mnhn-02297638 Submitted on 30 Sep 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. PARTICIP-ARC Recherche Culturelle et Sciences Participatives Rapport Juillet 2019 Particip-Arc Recherche culturelle et Sciences participatives Etat des lieux Caractérisation Recommandations Rapport Juillet 2019 2 TABLE DES MATIERES RÉSUMÉ ...................................................................................................................................................... 5 INTRODUCTION .......................................................................................................................................... 7 PARTIE 1 – Le projet Particip-Arc ................................................................................................................ 9 Contexte du projet Particip-Arc ............................................................................................................ 9 Positionnement du projet Particip-Arc par rapport au rapport Les sciences participatives en France 10 Méthode de travail ............................................................................................................................. 11 PARTIE 2 – Etat des lieux : la recherche culturelle et les sciences participatives ..................................... 13 Recherche culturelle et sciences participatives : tentatives de définitions ......................................... 13 Essai de délimitation des périmètres de la recherche culturelle et des sciences participatives ......... 14 Histoires, trajectoires et diversité de projets ...................................................................................... 18 Point de vue, par F. Chlous (MNHN) et A. Luneau (PALOC-IRD) ............................................................. 28 Point de vue, par V. Puig (IRI).................................................................................................................... 29 Point de vue, par P. Sinclair (ESA-Aix) ...................................................................................................... 30 PARTIE 3 - Analyse et diagnostic .............................................................................................................. 31 Recherche culturelle et sciences participatives : une diversité de terminologies et d’épistémologies 31 Contextes d’émergence : pourquoi et comment émergent les projets ? ............................................ 32 Effets attendus et inattendus sur l’exercice de la recherche au quotidien ......................................... 33 La nécessité d’intégrer de nouveaux cadres d’action et de nouvelles compétences ......................... 36 Quelles sont les spécificités des sciences participatives en culture ?................................................ 40 PARTIE 4 – Prospective et recommandations ........................................................................................... 43 Réflexion prospective......................................................................................................................... 43 Synthèse des attentes concrètes des partenaires du réseau Particip-Arc ......................................... 49 Recommandations du réseau particip-Arc au ministère de la Culture ............................................... 51 Liste des participants et institutions d’appartenance .................................................................................. 54 Liste des abréviations................................................................................................................................. 56 Pour aller plus loin ...................................................................................................................................... 57 Projets des partenaires de Particip-Arc.............................................................................................. 57 Bibliographie ...................................................................................................................................... 59 3 4 RÉSUMÉ Le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), suite à l’appel à manifestation d’intérêt 2017 du ministère de la Culture, a piloté pendant dix-huit mois des travaux sur la thématique « Recherche culturelle et sciences participatives ». Faisant suite au rapport de 2016 « Les sciences participatives en France », un réseau d’une trentaine de chercheurs, conservateurs et médiateurs scientifiques issus de domaines diversifiés (archéologie, urbanisme, linguistique, arts, musicologie, communication, patrimoines…) a été coordonné par le MNHN pour identifier leurs questionnements, leurs besoins, leurs attentes en vue de formuler des recommandations au ministère de la Culture. Le MNHN bénéficie d’une longue histoire et d’une expertise approfondie des sciences participatives du fait du développement et de l’animation d’un grand nombre de programmes de sciences participatives (Vigie-Nature, Les Herbonautes, gestion des patrimoines avec les populations locales…) et de travaux réflexifs sur ces programmes. Le projet 65 Millions d’Observateurs (financé par le Programme d’Investissement d’Avenir 2015-2019) a permis de développer de nombreux outils et a contribué à une internalisation assumée des nombreuses expertises métiers correspondantes. Le réseau a travaillé au fil de réunions plénières, de groupes de travail, d’enquêtes et de consultations extérieures au réseau. Après une phase de partage de savoirs et de savoir-faire, de foisonnement de questions et de constats, le réseau s’est concentré sur trois sujets : la participation et les publics participants ; la recherche et les évolutions induites par les sciences participatives ; les outils de la participation, de collecte et de traitement des données. Les constats font état d’une grande diversité des démarches, des méthodes, des finalités des projets entrepris par les partenaires du réseau. Cependant, la capitalisation et la circulation de l’information entre porteurs de projets est difficile, que ce soit concernant les outils, les aspects juridiques, les mécanismes de mise en place de communautés ou les modalités de valorisation. La jeunesse des réflexions et le manque de partage d’expérience conduisent à une déperdition de temps et de moyens, alors même que les outils numériques en constant développement et leur facilité d’utilisation s’imposent à chacune et à chacun, lui permettant d’entrevoir les possibilités de recherche, d’échange, de partage avec les publics divers, et parfois de sauvegarde et de réappropriation de richesses culturelles par les communautés. Le réseau a ensuite thématisé ses travaux autour de questions clés : Comment la démarche participative fait-elle évoluer l’activité de recherche ? Comment les chercheurs et les professionnels de la culture impliqués pourraient-ils s’organiser et être mieux préparés pour mettre en œuvre des sciences participatives ? Dans l’abondance des possibilités qui s’offrent à eux, quels outils sont et devraient être utilisés, et à quelles fonctionnalités faut-il veiller pour mener à bien des projets en sciences participatives ? À quels aspects un chercheur en sciences participatives doit-il être attentif, vis-à-vis des participants potentiels, d’un point de vue juridique, éthique, mais aussi déontologique, dans cette relation d’un type nouveau avec ces partenaires de recherche que sont les participants ? Comment la recherche évolue-t-elle aujourd’hui du fait du développement des sciences participatives et que nous disent ces tendances dans le domaine de la culture ? Le réseau partage dans ce rapport la synthèse de ses réflexions et formule un certain nombre de recommandations pour que les chercheurs, incluant les constructeurs de corpus que sont les Archives, les bibliothèques, mais également les artistes, puissent développer dans les meilleures conditions et à bon escient, la participation de non-scientifiques-professionnels dans leurs recherches. Le constat principal étant que nous identifions aujourd’hui les prémices des bénéfices des sciences participatives pour la recherche, pour les chercheurs, pour les citoyens et pour la société en général. 5 6 INTRODUCTION La participation de non-scientifiques-professionnels à la construction des connaissances connaît un fort développement depuis quelques décennies. Restée forte dans certains domaines comme l’histoire naturelle ou le patrimoine et à travers les sociétés savantes notamment, cette participation des « amateurs » avait subi un relatif discrédit depuis la professionnalisation de la recherche au 19e et au début du 20e siècle. Les « sciences participatives », caractérisées par l’appel par des chercheurs académiques à des volontaires pour collecter des données de terrain ou pour enrichir des collections ou des bases de données, se sont progressivement installées dans le paysage de la recherche dans des domaines multiples, avec un bénéfice avéré pour la science, les chercheurs, les publics participants et le rapprochement entre science et société. Les institutions et les décideurs politiques s’interrogent aujourd’hui sur leur rôle dans ce développement et les opportunités qu’il représente pour leurs objectifs scientifiques et politiques. En 2010, le ministère de la Transition écologique et solidaire lance le programme REPERE, pour une recherche collaborative sur le développement durable. En 2016, le réseau LERU (League of European Research Universities) reconnaît le potentiel des sciences citoyennes pour la recherche et son rôle dans le mouvement de la science ouverte. La même année, le rapport « Les sciences participatives en France », élaboré par François Houllier à la demande de la Ministre en charge de l’Education, et du Ministre en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, fournit un état des lieux et des recommandations aux chercheurs. En 2018, l’Ademe en concertation avec la Fondation de France, Agropolis Fondation et la fondation Charles Léopold Mayer – FPH, lance le programme « CO3 Co-construction de connaissances ». En vue de la 45e édition du sommet du G7, qui se tiendra à Biarritz du 25 au 27 août 2019 les sept académies des sciences des pays membres viennent de remettre à leurs gouvernements respectifs trois déclarations conjointes pour les alerter sur les enjeux scientifiques qu’elles ont jugés prioritaires. Elles encouragent la science citoyenne, comprenant la recherche participative et la science hors les murs1. Souhaitant cerner l’impact des actions menées afin d’en améliorer la qualité et d’identifier les démarches innovantes, le ministère de la Culture a inscrit dans sa stratégie de recherche 2017-2020 la volonté d’encourager les travaux de recherche sur les nouveaux défis sociétaux, avec une approche participative et de lancer un chantier exploratoire sur le thème « sciences participatives et recherche culturelle ». Le projet Particip-Arc s’inscrit dans cette stratégie ministérielle et dans ce contexte sociétal, pour faire émerger les réflexions qu’elles impliquent sur les enjeux scientifiques, mais aussi démocratiques et pédagogiques. Issu de l’appel à manifestation d’intérêt 2017 du ministère de la Culture, le projet Particip-Arc a pour objectif de dresser un état des lieux des sciences participatives dans le domaine culturel, et de proposer des recommandations au ministère de la Culture avec une approche prospective. Plus largement, les enjeux de capacitation (ou empowerment) des citoyens, de contribution à la définition de l’agenda de la recherche et d’évolution des relations science-société seront questionnés. 1 https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/Citizen_G7_2019_FR.pdf 7 8 PARTIE 1 – LE PROJET PARTICIP-ARC CONTEXTE DU PROJET PARTICIP-ARC L’appel à manifestation d’intérêt 2017 Le 23 juin 2017, dans le cadre de sa stratégie de recherche 2017-2020 («Axe prioritaire 1 : Promouvoir la recherche et l’innovation pour la culture / Encourager les travaux de recherche sur les nouveaux défis sociétaux, avec une approche participative/ Lancer des programmes de recherche favorisant la participation de la société civile), le ministère de la Culture a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) intitulé « Atelier recherche culturelle et sciences participatives ». Il s’inscrit dans le contexte du rapport Les sciences participatives en France2 élaboré par François Houllier et Jean-Baptiste Merilhou-Goudard rendu en février 2016 aux ministres en charge de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi que la « Charte des sciences et recherches participatives en France » qui en découla le 20 mars 2017. Inscrivant les sciences participatives dans les profondes transformations actuelles des rapports entre science et société, le ministère de la Culture s’est interrogé sur les nouvelles dynamiques de la recherche culturelle associant la société civile et pouvant venir en appui à ses politiques culturelles. Le ministère a également souhaité que soit menée une réflexion prospective. L’appel à manifestation d’intérêt avait donc pour objectifs de rassembler la communauté de la recherche culturelle menant des projets de type participatif, d’identifier les spécificités des recherches participatives en culture, de dresser une réflexion prospective en interrogeant l’innovation produite en vue d’alimenter le processus d’élaboration de futurs axes de la politique de recherche du ministère de la Culture. Le positionnement du Muséum national d’Histoire naturelle Le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) a été lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt avec son projet nommé Particip-Arc. Pour construire la réponse, les porteurs du projet se sont appuyés sur l’expérience reconnue du MNHN dans les sciences participatives (en écologie, en archéologie, en anthropologie, en linguistique, en musique, en conservation du patrimoine) ; sur le projet d’infrastructure numérique dédié aux sciences participatives « 65 Millions d’Observateurs » développé dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir 2015-2019 ; sur les analyses réflexives sur les sciences participatives menées dans le cadre de masters, de thèses, d’ateliers transversaux et décrites notamment dans un dossier spécial de la revue Natures Sciences Sociétés (2017)3. La proposition du projet Particip-Arc consiste à rassembler, au sein d’un réseau, les acteurs des recherches culturelles menant des projets de sciences participatives et à co-construire avec eux une réflexion concernant les questions scientifiques, méthodologiques, éthiques, économiques et juridiques posées par les sciences participatives dans les domaines de la culture. Les échanges d’expériences entre les partenaires et le partage des connaissances sur les différentes thématiques sont au cœur du fonctionnement du réseau. Le projet propose d’identifier la diversité des sciences participatives dans les recherches culturelles, d’interroger leurs spécificités et de mettre en évidence les freins existants et les opportunités qu’elles offrent. Enfin, il s’agit d’étudier les besoins exprimés pour les développements opportuns des sciences participatives dans les recherches culturelles. 2 Les sciences participatives, état des lieux, bonnes pratiques et recommandations (2016). Rapport élaboré à la demande des ministres en charge de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, sous la direction de François Houllier, Président-Directeur général de l’Inra et Président d’AllEnvi. https://inra-dam-front-resources-cdn.brainsonic.com/ressources/afile/320323-7bb62-resource-rapport-de-la-missionsciences-participatives-fevrier-2016.html 3 https://www.nss-journal.org/articles/nss/abs/2017/05/contents/contents.html 9 Le projet Particip-Arc a ainsi pour objectifs : - d’identifier et de caractériser la diversité des démarches participatives dans les recherches culturelles, les freins à leur développement et les opportunités dont elles sont porteuses. - d’interroger les spécificités des recherches culturelles, qu’elles soient d’ordre scientifique, technique, social, juridique ou éthique. - de construire une réflexion prospective en interrogeant l’accroissement quantitatif et qualitatif de la recherche culturelle et des sciences participatives. - de proposer un appui méthodologique et technologique en s’appuyant sur les expériences du MNHN et notamment de l’infrastructure issue du projet « 65 Millions d’Observateurs » (65MO), et d’interroger l’opportunité de la création d’une plateforme ad hoc après identification des besoins du réseau. A qui ce rapport s’adresse-t-il ? Le présent rapport est remis au Département Recherche, Enseignement supérieur et Technologie (DREST) du ministère de la Culture. Il est destiné à être diffusé largement à l’ensemble de la communauté impliquée ou concernée par la recherche culturelle et les sciences participatives : chercheurs, conservateurs, archivistes, bibliothécaires, médiateurs scientifiques et culturels, artistes, gestionnaires de lieux et d’institutions à caractère scientifique, gestionnaires de bases de données, mais aussi associations et publics participants ou souhaitant participer. Ce rapport exprime les constats, les interrogations et les recommandations des partenaires du réseau Particip-Arc. Les travaux ont été dirigés par Frédérique Chlous, Directrice du Département Homme et Environnement du MNHN et la rédaction du rapport a été confiée à Anna Echassoux, animatrice du projet. En annexe4 figurent les travaux de Lisa Chupin (Maître de conférences en sciences de l'information et de la communication Université Paris-Descartes, Laboratoire Dicen-IDF) et de Victor Drouin Leclerc encadrés par l’Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou dans le cadre du projet Particip-Arc. Figurent également les textes produits par les groupes de travail formés sur cinq thématiques différentes. Ces textes sont l’expression de leurs signataires. Il est à noter que ce rapport et certains groupes de travail fournissent en annexe des préconisations aux porteurs de projets participatifs, notamment sur les questions d’outils et de données et sur les questions juridiques et éthiques, ainsi qu’un glossaire rassemblant essentiellement des termes utilisés dans le texte du groupe de travail sur les outils et les données (Annexe III). POSITIONNEMENT DU PROJET PARTICIP-ARC PAR RAPPORT AU RAPPORT « LES SCIENCES PARTICIPATIVES EN FRANCE » (2016) Le rapport « Les sciences participatives en France » (2016) considère « le champ des sciences participatives comme incluant tout dispositif de recherche » quelles que soient les disciplines concernées. Il écarte les enjeux de gouvernance et d’orientation de la recherche, les actions de diffusion de la culture scientifique et technique et les dispositifs d’innovation ouverte qui aujourd’hui souhaitent davantage associer la société. Les domaines de recherche concernés par les sciences participatives et identifiés par François Houllier sont : la santé publique, la recherche pour le développement, les sciences naturalistes, l’environnement, l’astrophysique, la biodiversité, l’éducation, le travail social, l’agriculture et les questions urbaines. Ce rapport a été construit en s’appuyant sur des analyses de la bibliographie ainsi que sur des entretiens. Il distingue deux finalités essentielles aux sciences participatives : l’enrôlement des citoyens pour la production de connaissance (via la collecte, la catégorisation et l’analyse de données) et la transformation sociale (« recherche-action participative »). 4 Rapport et annexes téléchargeables sur www.participarc.net ou sur https://hal-mnhn.archives-ouvertes.fr 10 Les domaines de la recherche culturelle présents dans le réseau Particip-Arc se retrouvent donc peu mentionnés et étudiés dans le rapport Houllier : les arts et les sciences humaines et sociales n’occupent que 4% des projets français considérés. Les travaux du réseau Particip-Arc souhaitent donc compléter les réflexions de la mission Sciences participatives en se concentrant sur les recherches dans le domaine culturel. METHODE DE TRAVAIL Le réseau Particip-Arc (Annexe I) s’est constitué sur la base d’un recensement préalable des initiatives identifiées par le DREST et de candidats à l’appel à manifestation d’intérêt : laboratoires travaillant sur le patrimoine matériel et immatériel, les arts, la linguistique, la musique, les Archives, les bibliothèques, l’architecture, l’archéologie, l’anthropologie, la communication et les médias, l’informatique. Ont été ajoutés, pour compléter les champs disciplinaires, certains services du ministère de la Culture (Inventaire général du patrimoine culturel), des laboratoires ou entités du MNHN qui ont une expérience des sciences participatives : Bibliothèques, l’UMR CESCO (Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation), l’UMR PALOC (Patrimoines Locaux, Environnement et Globalisation), le Centre de Recherche sur la Conservation, le programme « Les Herbonautes ». Cinq étapes se sont déroulées sur 18 mois : (i) rassembler les communautés de la recherche culturelle, (ii) recenser et caractériser les recherches culturelles et les sciences participatives, (iii) approfondir les questionnements et les spécificités, (iv) développer des réflexions prospectives et (v) organiser la restitution comprenant un colloque organisé le 11 juillet 2019 et le présent rapport. Le réseau a mené différents travaux : un certain nombre de réunions plénières comprenant ateliers, débats et interventions d’acteurs extérieurs au réseau, des groupes de travail thématiques, des enquêtes, entretiens et questionnaires. Par ailleurs, deux études spécifiques ont été encadrées par l’Institut de Recherche et l’Innovation du Centre Pompidou (IRI) (Annexes VI et VII) :   Approche citoyenne et contributive de la culture par la recherche et l’expérimentation, par Victor Drouin-Leclerc (Annexe VII) Collecte et ouverture des données des recherches myriadisées, par Lisa Chupin, en collaboration avec Vincent Puig et Karën Fort (Annexe VI) Les travaux ont été accompagnés par diverses instances de suivi : une équipe de coordination, chargée de veiller à la bonne avancée des travaux au plus près du calendrier ; un comité de suivi institutionnel, chargé de s’assurer de la conformité des orientations avec des objectifs initiaux ; un comité de suivi scientifique, chargé de veiller à la bonne avancée des travaux sur le plan scientifique, avec apport de ressources ; Yves Mathieu et Erwan Dagorne du cabinet Missions Publiques (Paris) ont quant à eux assuré un rôle de tiers veilleurs5. Spécialisés dans l’amélioration de la gouvernance et des décisions par la participation des citoyens et des parties prenantes, ils ont apporté au réseau leur expérience de designers de démarches participatives et de co-pilotes du projet de recherche européen (H2020) CIMULACT (www.cimulact.eu). Enfin, un site Internet et un intranet ont été 5 https://sciencescitoyennes.org/wp-content/uploads/2019/04/AccompagnementRechercheParticipative-va.pdf 11 12 PARTIE 2 – ETAT DES LIEUX : LA RECHERCHE CULTURELLE ET LES SCIENCES PARTICIPATIVES RECHERCHE CULTURELLE ET SCIENCES PARTICIPATIVES : TENTATIVES DE DEFINITIONS L’intitulé de l’appel à manifestation d’intérêt « Atelier recherche culturelle et sciences participatives » confronte deux expressions dont il convient de fixer les contours. Le premier, « recherche culturelle », est une terminologie utilisée par le ministère de la Culture dans le cadre de ses actions de recherche dans les domaines culturels. Les échanges au sein du réseau Particip-Arc ont montré que les partenaires n’utilisaient pas cette terminologie et ne lui attribuaient pas un contenu précis, mais qu’ils pouvaient s’y reconnaitre. Un des effets de cette terminologie est de relier des disciplines et des projets très diversifiés. Les « sciences participatives » ont été définies par François Houllier dans son rapport en 2016 comme étant des « formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiquesprofessionnels – qu’il s’agisse d’individus ou de groupes – participent de façon active et délibérée ». Cette définition, qui peut paraitre étendue, a notamment le mérite d’être inclusive et c’est celle-ci qui a été choisie dès l’origine du projet Particip-Arc. Partant de cette définition, l’expression « Recherche culturelle et sciences participatives » peut être entendue comme « les formes de production de connaissances scientifiques dans les mondes ou les domaines de la culture, auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels – qu’il s’agisse d’individus ou de groupes – participent de façon active et délibérée ». Il est nécessaire dès à présent de préciser que les productions de corpus annotés sous forme participative (très présentes dans le domaine de la culture) sont incluses dans cette définition, ces corpus permettant de mettre en œuvre des recherches. Le document « 1959-2010. La recherche au ministère de la Culture » 6 détaille un certain nombre de recherches dans les domaines culturels qui concernent notamment la conservation du patrimoine, l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques, les Archives, l’archéologie, l’architecture et l’aménagement urbain, l’informatique documentaire, la musique, les arts du spectacle, le patrimoine écrit, l’ethnologie, la sociolinguistique et les arts plastiques. Ces domaines évoquent une diversité d’institutions, de champs disciplinaires, de cultures et d’épistémologies. Tous ces domaines de recherche ne sont pas susceptibles de se décliner en pratiques participatives. Les pratiques participatives existantes prennent des formes variées : production de données, inventaire, crowdsourcing, transcription et correction collaboratives, indexation d’images, correction et enrichissement de métadonnées notamment bibliographiques, mais aussi construction de bibliothèques de sons et production d’œuvres artistiques participatives. Les Académies des Sciences des pays membres du G7 ont pour leur part émis un avis le 6 mai 2019 à l’appel de l’Académie des Sciences française, dans lequel elles définissent la « science citoyenne » comme « la recherche menée par des citoyens qui ne sont pas des scientifiques professionnels ». Elles distinguent d’une part la « recherche participative », « contribution de personnes sans formation scientifique initiale poussée, qui prennent part en tant qu’amateurs, à des projets de recherche, notamment à travers la collecte de données de terrain », et d’autre part la « science hors les murs » qui « implique des personnes de solide formation scientifique et qui exercent leur activité en dehors des murs des systèmes de recherche professionnels ». Cette dernière recherche est souvent liée à ce que l’on nomme les tiers-lieux (Cf. rapport de l’IRI réalisé par Victor Drouin-Leclerc, Annexe VII). Le réseau Particip-Arc, pour sa part, a souhaité s’en tenir uniquement à la définition donnée dans le rapport produit par F. Houllier en 2016. Il a souhaité décrire et caractériser les acteurs, les méthodologies, les objectifs et les projets se reconnaissant dans la terminologie « recherche culturelle et sciences participatives ». 6 Culture et Recherche, n°122-123 13 Les projets identifiés par « recherche culturelle et sciences participatives » désigneraient des dispositifs : - - - dont la finalité de transformation sociale ou sociétale est autant considérée que la finalité scientifique portée par le chercheur ou son institution, les chercheurs académiques impliqués devant conjuguer les demandes scientifiques et les demandes sociales ; dans lesquels des non-professionnels de la recherche sont impliqués à différents niveaux dans le processus de recherche, soit dans le cadre de la collecte de données, soit en termes décisionnels : question de recherche, élaboration des protocoles, interprétation, usage et diffusion, voire co-propriété des résultats ; axés sur le partage d’expérience et l’expérimentation, ce qui induit d’une part des innovations et d’autre part la nécessité de maîtriser les risques liés à la robustesse de la démarche (indépendance, déontologie…) et des résultats (validation, reproductibilité…). Ces diversités de projets et de rôles des acteurs soulèvent la question plus générale des modes de construction et de reconnaissance des savoirs en tant que processus, dans des échelles spatiales et temporelles diversifiées, relatifs à des individus ou à des groupes, et la façon dont chacun construit son rapport à la science et à l’objet étudié. Le parti pris dans le projet Particip-Arc a été de considérer l’ensemble des recherches scientifiques dans le domaine de la culture impliquant des non-professionnels comme un continuum avec des polarités diverses. La recherche scientifique implique qu’au moins un des acteurs du projet appartienne à une institution de recherche académique. Sont considérées comme produits de ces recherches : les données captées (chiffres, discours, images), décrites ou transcrites (écrits non standardisés, références anciennes), les données matérielles mises au jour (découvertes archéologiques, petit patrimoine vernaculaire…) mais aussi les données personnelles ou interprétées (accents dans les langues, savoirs individuels), ce qui pose de multiples questions scientifiques, juridiques et éthiques qu’il s’agit de prendre en compte. Les problématiques posées sont d’une part de favoriser la présence des non-professionnels au sein d’une recherche scientifique, et d’autre part de permettre la montée en compétences de la communauté scientifique qui le souhaite sur des questions scientifiques, sociales et techniques pertinentes au regard des contextes étudiés et des pratiques collectives de recherche. ESSAI DE DÉLIMITATION DES PÉRIMETRES DE LA RECHERCHE CULTURELLE ET DES SCIENCES PARTICIPATIVES Composantes du réseau Particip-Arc Le réseau Particip-Arc s’est constitué en rassemblant des chercheurs et des professionnels de la culture exerçant ou intéressés par les démarches participatives en contexte de recherche. Fort de sa grande diversité, et devant la nécessité de construire un socle commun, le groupe a souhaité se concentrer sur la création d’un réseau, une caractérisation des recherches menées, un approfondissement des convergences/divergences et une réflexion prospective. Les domaines de recherche couverts par les participants au réseau Particip-Arc sont les suivants :          Archives, bibliothèques Patrimoines (matériel et immatériel, Inventaire général) Architecture, urbanisme Archéologie Art, musique, image Linguistique Web, numérique, communication, innovation technologique Muséologie Diffusion de la culture scientifique 14 Ils recouvrent la totalité du périmètre de recherche de la stratégie ministérielle (ministère de la Culture) 2017-2020 :     Patrimoines Architecture, urbanisme et paysages Création artistique Recherches transversales (fortement interdisciplinaires) Les partenaires du réseau décrivent leurs démarches en quelques mots Archives nationales : ʺ Produire des données ouvertes et réutilisables : Analyse et indexation de corpus documentaires textuels sous forme d’ateliers en présentiel ; Analyse et indexation de corpus numérisés massifs (textes, iconographie…), via des interfaces numériques dédiées ; Transcription et publication de documents manuscrits numérisés, via des interfaces numériques dédiées ; Production de notices historiques en vue de constituer des dictionnaires, via des interfaces numériques dédiées. ʺ Ministère de la Culture, Inventaire général du patrimoine culturel : ʺ Co-recensement du patrimoine culturel selon la méthodologie nationale (protocoles de recherche, thesaurus, normes…) ʺ ENSA Nantes, architecture et urbanisme : ʺ Co-design et co-conception, observation de processus participatifs dans des projets urbains, information géographique volontaire (VGI, Volunteered Geographical Information), émergence de la figure du citoyen-capteur. ʺ Living Lab , Le Dôme, Caen : ʺ Citoyens, habitants ou usagers sont considérés comme des acteurs clés des processus de recherche et d’innovation. Au contact de chercheurs, d'industriels, d'artistes dans des ateliers itératifs de co-création et d’expérimentation, ils accélèrent la production de nouveaux usages/services. Source : Le Dôme/Inmediats ʺ; Do it with others (DIWO) : ʺ Développement de projets techniques collaboratifs : Les utilisateurs créent du lien et s'encouragent autour d'intérêts communs en partageant les projets sur lesquels ils travaillent dans les domaines du développement informatique, de la recherche, ou même du progrès social. Source : Techopedia.com ʺ Ecole supérieure d’Art d’Aix en Provence, projet Locus Sonus : ʺ Par des dispositifs interdisciplinaires avec des procédés itératifs, la recherche d'inattendu qui promeut l'émergence. Itération et dispositif. ʺ Archéorient, projet Truelles et Pixels : ʺ Expression de savoirs personnels informels et transmutation en intelligence/innovation collective, dans une communauté d’amateurs engagés. Méthodes facilitant cet engagement des individus : dynamique de groupe, jeux et défis, design collaboratif ʺ IRCAM : ʺ Prendre le feed-back des utilisateurs sur les applications participatives, le principe d’agilité ʺ Université de Strasbourg, UMR Archimède, archéologie : ʺ Au-delà de la pluridisciplinarité (pourquoi pas super-disciplinarité), réussir à lier des données disparates en ligne (ce qui s'appelle aussi LOD pour Linked open data) est la garantie d'obtenir des résultats qui iront au-delà de la simple agrégation des données contenues dans les bases. La donnée produite par la juxtaposition est exponentiellement plus importante que la simple addition des éléments. ʺ La composition du réseau Particip-Arc en domaines, en métiers (professeur, maître de conférences, ingénieur de recherche, ingénieur d’étude, conservateur du patrimoine, archiviste, bibliothécaire, directeur d’institut de recherche et de service, chef de projet, coordinateur de projet, chef d’équipe web, doctorant, post-doctorant…) et en démarches fait état d’une grande variété d’acteurs, incluant les disciplines de la recherche liées au domaine de la culture, dont les artistes avec la recherche en art et la recherche-création, et les métiers du patrimoine et des bibliothèques avec la production de corpus. 15 Panorama des projets des partenaires du réseau Particip-Arc Caractéristiques et exclusions Le réseau Particip-Arc a mené une réflexion spécifique sur les périmètres concernés par la recherche culturelle et les sciences participatives. Les activités prises en considération sont caractérisées par la présence simultanée de non-scientifiquesprofessionnels et d’au moins un partenaire appartenant à une institution de recherche académique. Un certain nombre d’activités participatives ont été exclues : - Les participations volontaires auto-organisées (Wikipedia 7 ), qu’elles aient fait ou non l’objet d’une appropriation par les chercheurs Les activités menées par des entreprises privées (dont les GAFAs) dont les objectifs sont économiques et où le participant n’est pas toujours éclairé et donc consentant. Le réseau s’est interrogé sur la pertinence de caractériser les activités appartenant au périmètre « recherche culturelle et sciences participatives » par la présence de communautés préexistantes ou bien ayant vocation à se structurer. Certains, dans le réseau, considèrent comme une caractéristique spécifique aux recherches culturelles l’existence de motivations et d’implications sociales ou sociétales. 7 www.wikipedia.fr : Projet d’encyclopédie collective en ligne, universelle, multilingue et fonctionnant sur le principe du wiki visant à offrir un contenu librement réutilisable, objectif et vérifiable, que chacun peut modifier et améliorer. 16 Tentative de cartographie du paysage des démarches participatives de recherche recensées en recherche culturelle LECTURE DE LA FIGURE En ordonnées, la motivation sociétale des projets de recherche. En abscisses, sont qualifiées d’« ascendantes » les démarches à l’initiative de non-spécialistes-professionnels et de « descendantes » celles à l’initiative de chercheurs académiques ou d’institutions. Encadrés rouges : processus participatifs de médiation et/ou de diffusion des connaissances qui ne relèvent pas des sciences participatives au sens considéré par le réseau. DESIGNATION DES DIFFERENTES DEMARCHES RECENSEES Commanditaires en recherche : Des médiateurs scientifiques indépendants font émerger des questions scientifiques à partir de problématiques sociétales, recherchent des financements et sollicitent des chercheurs susceptibles de les conduire. Ex. : programme Nouveaux Commanditaires Science de la Fondation de France. Recherche contributive : Recherche visant l’innovation sociétale, associant chercheurs académiques et habitants. Ex. : « Territoire apprenant » développée par l’IRI sur le territoire de Plaine Commune (93). Recherche-action participative : Projets de recherche menés par des chercheurs académiques avec le but d’agir sur une réalité de terrain. Ex. : Recherches menées par l’UMR Paloc au Kenya, au Brésil, au Timor oriental. Living Labs : Centres de sciences et d’innovation en grandeur réelle où se rencontrent des non-spécialistes-professionnels, des chercheurs, des entreprises, des artistes, pour créer de nouveaux services, produits et infrastructures. Ex. : Relais d’Sciences, le Dôme, Caen. Sociétés savantes : Associations d’érudits regroupant experts et amateurs éclairés (Cf. CTHS). Bases de données personnelles : Collections (données ou objets) constituées par des particuliers souhaitant les verser au domaine académique pour contribuer à la science. Sciences citoyennes : Mouvement qui vise à permettre aux citoyens de se « réapproprier la science » et d’intervenir dans la décision, la mise en œuvre et le contrôle de la recherche. Ex. et références : Association Sciences Citoyennes. Boutiques de sciences : Lieux de rencontre entre citoyens et chercheurs académiques, qui permettent à des projets portés par des non-professionnels de la recherche de bénéficier d’un appui scientifique pour répondre à une question spécifique, mener à bien leurs projets, les évaluer… Création et enrichissement de corpus : Recueil, transcription ou annotation de bases de données de documents anciens, d’images, de partitions, d’herbiers… par des internautes. Ex. Les Herbonautes, Testaments de poilus. Science participative distribuée : Projets de recherche dans lesquels les participants (novices ou amateurs éclairés) sont sollicités pour participer au recueil des données et/ou à leur analyse. Certains projets permettent également la participation à la construction du protocole, à la coproduction de connaissances. Ex. programme SPIPOLL, Vigie-Flore Recensement et suivi écologique : Recueil de données en continu pour évaluer les tendances et définir des stratégies de gestion en fonction de l’évolution des indicateurs. Ex. Suivi temporel des oiseaux communs (STOC), Propage, Bourdons… 17 HISTOIRES, TRAJECTOIRES ET DIVERSITE DE PROJETS Le projet Particip-Arc s’est nourri de l’expérience des partenaires dont certains sont porteurs d’un ou plusieurs projets de sciences participatives dans les domaines de la culture à différents degrés d’avancement. D’autres s’interrogent sur l’opportunité de se lancer dans un tel projet, ou œuvrent à la conception d’outils ou de lieux favorisant les sciences participatives. D’autres enfin mènent des recherches sur les processus de sciences participatives, parfois dans le cadre des processus participatifs en général. Analyse des informations et des visions recueillies au sein du réseau Les descriptions ci-dessous retranscrivent ces débats et postures des partenaires du réseau, ainsi que les réponses aux différentes enquêtes, entretiens, questionnaires. Pertinence scientifique, sociale ou artistique des projets Si tout projet s’inscrivant dans le cadre « recherche culturelle et des sciences participatives » a une dimension scientifique, tous les porteurs de projets affirment être également au cœur d’enjeux de société : pertinences scientifique et sociale s’articulent. Les formes sont variables : si la plupart des projets visent à recueillir des données et à explorer des pistes de recherches nouvelles, l’expérimentation, le renouvellement des approches et des relations entre partenaires du projet de recherche apparaissent tout aussi prioritaires. La pertinence sociale est comprise dans la dimension éducative et sensibilisatrice des projets, à travers par exemple la volonté de rendre les corpus accessibles à tous. Elle est également comprise comme la possibilité d’agir sur une réalité en fournissant des données scientifiques. La pertinence artistique s’exprime dans au moins la moitié des projets décrits. Les projets en création artistique interrogent plus particulièrement le processus créateur lui-même et s’inscrivent dans les questionnements contemporains sur l’art. Genèse des projets Les projets sont souvent le résultat d’opportunités, de rencontres et de croisements d’objectifs. Une chercheuse en Histoire des idées du XVIIIe siècle anglais souhaitait qu’une plateforme en TEI [Text Encoding Initiative] puisse être mise à disposition d’un public large. Or, l’Ecole des Chartes a développé un outil de transcription collaborative des testaments de Poilus de la Grande Guerre. C’est donc à partir de ce corpus que l’outil de transcription a été développé, la chercheuse acceptant de se déporter de sa période historique d’étude. Membre des Archives Nationales Dans plus de la moitié des cas, un chercheur ou une équipe de recherche est à l’origine du projet, encouragé parfois par un événement ou une opportunité de type appel à projets. Dans les autres cas, les projets sont à l’initiative d’institutions de recherche ou de communautés partageant un enjeu culturel ou d’artistes. Le nombre de chercheurs impliqués dans un projet est très variable, s’étendant de 2 à plus de 10. Pour quelles raisons choisit-on le mode participatif dans une recherche ? Tous les projets analysés ont été conçus dès leur origine comme des projets participatifs, quel que soit le moment de la recherche où la participation est effectivement mise en œuvre. Les porteurs de projets font participer le public à leurs recherches pour des raisons très diverses et le plus souvent multiples : « empowerment ou capacitation », « faire participer le public à une démarche de recherche », « recueillir un grand nombre de données », « rendre les corpus accessibles » ou rendre possible la « réappropriation du patrimoine par les communautés » sont les raisons le plus souvent invoquées. Le souci d’ « améliorer la qualité des corpus » (robustesse scientifique) et l’ « ouverture des données » (science ouverte, données accessibles) sont tout aussi souvent mentionnées. 18 L’objectif : enrichir la connaissance de nos archives à un niveau qui n’est pas atteignable par les archivistes au regard du volume des documents conservés et de nos fonctions. Parfois, l’aide de personnes disponibles et détenant, sur des sujets pointus, des compétences spécifiques pour la compréhension et le repérage de nos fonds concourt au bénéfice de tous Membre des Archives Nationales Consulter les gens n’est pas une option mais une nécessité, faute de quoi nous cultiverions un discours abstrait, déconnecté de la réalité Membre de l’UMR AAU Nantes Promouvoir l’intérêt du public pour l’objet de la recherche est également une motivation dominante. Encourager à terme l’émergence de nouveaux usages du patrimoine commun en ligne et en créer les outils. Membre de la BnF Rôle des partenaires dans les projets Les « partenaires » médiateurs (institutionnels, associatifs, individuels…) désignés ici sont les partenaires techniques, financiers, qui sont indispensables à la mise en œuvre des projets de sciences participatives par des chercheurs académiques. En effet, un projet de sciences participatives dans la recherche culturelle est un projet collectif dans lequel porteurs, partenaires et participants s’embarquent ensemble et collaborent à différents niveaux du processus de recherche. Par leurs réseaux, leur puissance mobilisatrice et leur expertise, les partenaires du projet, parfois appelés « médiateurs », « intermédiaires » ou « facilitateurs » peuvent être impliqués dans plusieurs étapes du projet : construction, élaboration de la méthodologie, collecte des données, analyse et valorisation des résultats. Ils sont souvent les porteurs de l’animation des projets vers les participants. Le soutien financier au projet est apporté généralement par les organismes de recherche, mais parfois également par les partenaires associatifs. Les soutiens financiers proviennent le plus souvent de l’Etat et des collectivités locales qui apportent de surcroît un appui technique ; mais ce dernier provient le plus souvent d’organismes de recherche ou d’associations, fondations ou ONGs. La médiation globale autour des projets de recherche participatifs est prise en charge le plus souvent par les partenaires associatifs, mais les organismes de recherche, les institutions artistiques et les établissements d’enseignement supérieur (rarement scolaires) sont aussi acteurs de la médiation entre les partenaires du projet et les publics participants. Les apports des parties prenantes, des experts et des chercheurs sont complémentaires. Les projets se construisent, le plus souvent, dans le dialogue, ce qui permet à chacun de se sentir engagé. 19 Membre de l’EA STIH - Sorbonne Université – Recherche en traitement automatique des langues ʺ Nous avions besoin de ressources langagières pour créer un outil qui améliore le traitement automatique du français, mais nous étions éthiquement opposés au modèle du « Turc mécanique » [Mechanical Turk] d’Amazon : le travail rémunéré à la micro-tâche [parfois mis en œuvre dans certains domaines lorsque la tâche proposée n’est pas intéressante - NDLR]. La ludification peut répondre à plusieurs objectifs : garder les gens sur une plateforme sur un sujet peu attractif, former les participants à respecter des règles contre-intuitives et finalement, produire des données de qualité. Nous profitons à la fois de l’engagement des gens et de leurs capacités d’apprentissage. ʺ Membre de l’UMR Archimède - Faculté des sciences historiques - Université de Strasbourg ʺ En archéologie, le participatif est à développer. L’amateur a été mis de côté depuis une trentaine d’années, or certains connaissent le territoire bien mieux que nous, ils peuvent nous aider à repérer des sites. Le public est demandeur et certains sont très compétents, lisent des revues spécialisées et sont rigoureux. Si nous ne travaillons pas avec eux, des gens travailleront seuls et sans encadrement. Mais nous avons du mal à travailler avec les gens car la loi est très contraignante. Mais il est parfois difficile d’accorder du crédit à certains amateurs : certains n’hésitent pas à falsifier leurs données pour vieillir leur site, pour des raisons politiques ou nationalistes. Il faut vérifier ces données, ce qui demande du temps et de l’expertise.ʺ Membre du laboratoire PRISM – Ecole supérieure d’Art d’Aix en Provence ʺ Nous créons des conditions d’expérimentation artistique. Nous investiguons les possibilités de création offertes par les nouvelles technologies comme le streaming. Les « nouveaux auditoriums » désignent les nouvelles façons dont un public peut partager une écoute. Nous sommes dans une participation au service d’une création artistique, d’une expérimentation artistique qui est en cours, qui perdure. Il y a plusieurs finalités : une recherche appliquée (le développement d’outils pour la création), une finalité de création, mais aussi de théorisation sur les pratiques d’écoute, de quelle manière ces pratiques d’écoute peuvent devenir musicales ou artistiques... Il y a aussi des environnementalistes qui participent : ils exploitent ces sources [captées par les participants] pour augmenter la sensibilité écologique par exemple. Le projet [Locus Sonus] n’existe que par la participation et dans un principe collectif. La carte est accessible en permanence, n’importe qui peut développer sa propre pratique sonore.ʺ 20 Comment les participants sont-ils associés et qui sont-ils ? Le profil des participants varie d’un projet de recherche à l’autre en fonction des compétences recherchées, de la disponibilité des participants ou encore de contraintes pratiques (par exemple : investissement demandé, situation géographique). Pour mieux appréhender qui sont les participants, il est essentiel de comprendre, pour chaque projet, ce qui est attendu d’eux. Parmi les partenaires du réseau Particip-Arc, les besoins en termes de profil de participants, fonction des projets, sont très variés. Voici quelques exemples : - des compétences spécifiques (par exemple pour des travaux sur des langues régionales, des personnes parlant la langue concernée) ; des personnes qui vont monter en compétence sur une thématique ou sur un outil donné (par exemple, annotation de corpus) ; un panel le plus diversifié possible, sans compétences spécifiques sur le sujet traité (par exemple, projet d’urbanisme). Soulignons qu’au sein du réseau, la quasi-totalité des projets de sciences participatives en culture décrits s’adressent à des communautés, c’est-à-dire à des publics concernés par un enjeu social ou culturel précis et/ou impliqués dans un domaine de connaissance en particulier ou encore un public artiste. Les projets s’adressent donc souvent à une catégorie d’âge, à une catégorie professionnelle, à des habitants d’un lieu ou encore à une communauté linguistique ou artistique. Certains s’adressent à des participants intéressés par l’outil de participation proposé, lorsqu’il prend la forme d’un jeu, par exemple. De ce fait, le recrutement des participants sur les lieux physiques ou virtuels en lien avec l’objet du projet : sur les lieux physiques pour les projets liés à l’environnement, à l’urbanisme ou au patrimoine matériel, via des réseaux associatifs ou collectifs citoyens pour les projets liés à un domaine de connaissance, via des réseaux d’artistes pour la création artistique… Les réseaux sociaux et les sites Internet, de même que les réseaux d’enseignement, sont faiblement représentés parmi les canaux de diffusion et de recrutement de participants pour l’ensemble des projets. Le nombre de participants, de quelques dizaines à plusieurs centaines, diffère énormément d’un projet à l’autre, et il est souvent corrélé à l’échelle géographique du projet. Il évolue souvent au fil du projet. La fidélisation des participants sur la durée du projet est un enjeu majeur, et pour diverses raisons, et elle est encore mal maîtrisée. Le projet CORRECT a rassemblé 500 à 700 participants motivés par un intérêt personnel sur le patrimoine ou l’amélioration du service public. Membre de la BnF Les gens viennent pour l’intérêt de la recherche et ils restent pour le jeu. Nous avons de gros problèmes de participation et de fidélisation des participants. Nous voudrions savoir comment créer des communautés, mais l’identité n’est pas un moteur dans notre projet, ce qui rend cela difficile. Membre de l’EA STIH Sorbonne Université Degré et étape d’implication des participants dans les projets Différents gradients de participation sont distingués dans les différents projets des partenaires du réseau. Le niveau le plus faible consiste à faire réaliser par le participant une action simple (ou élaborée moyennant une formation) qui lui est prescrite par les concepteurs de la question de recherche, du protocole de collecte ou de transcription, de l’analyse des résultats. Le niveau le plus élevé consiste dans une co-construction, voire une codécision pour chacune des étapes du projet, entre les chercheurs et les participants. Pour mémoire, nous rappelons ici les quatre niveaux de participation proposés par Muki Haklay et repris par F. Houllier dans son rapport (2016). 21 Quatre niveaux de participation dans les sciences citoyennes, d’après Muki Haklay (2015)8 ʺParticipatifʺ est un terme général très vague. ʺCollaborationʺ signifie étymologiquement ʺtravailler ensembleʺ. ʺCoopérationʺ touche à l’idée d’œuvre commune. ʺContributifʺ renforce l’idée d’un apport individuel identifié et reconnu au sein d’un groupe. Membre de l’IRI L’extraordinaire disponibilité sémantique du mot ʺparticipationʺ nous fédère. Membre de l’EHESS L’une des questions posées dans un questionnaire en ligne adressé aux partenaires du réseau Particip-Arc demandait de décrire le degré d’implication des participants non-professionnels aux différentes phases du projet de recherche. Les partenaires ayant répondu considèrent que les participants s’inscrivent davantage dans des démarches de collaboration, de co-construction et de co-décision et sont particulièrement impliqués dans les étapes de collecte de données, de validation et de valorisation des résultats (voir figure ci-dessous). 12 10 8 6 4 2 0 Construction du projet Sensibilisation Elaboration de la méthodologie Concertation Collecte de données Analyse des résultats Collaboration Co-construction Validation des résultats co-décision Implication des participants dans chacune des étapes du projet, selon les partenaires du réseau Particip-Arc, de la sensibilisation à la co-décision Les dispositifs utilisés pour faire participer les participants aux projets de recherche Les dispositifs utilisés pour faire participer sont diversifiés et le plus souvent multiples voire combinés : les deux tiers des partenaires du réseau ayant répondu au questionnaire utilisent plus de deux outils différents, qu’ils impliquent un contact direct avec les participants (ateliers présentiels, entretiens/questionnaires, cartographie) ou 8 HAKLAY, M. 2015. Citizen science and policy: A European perspective. Washington D.C.: The Woodrow Wilson Center/Commons Lab. 22 numériques (bases de données à enrichir, application sur smartphone). Certains mettent en œuvre également des procédés de co-création (concert, co-design urbain, improvisation musicale…) ou encore des jeux. La restitution des résultats des projets Avec le protocole de Nagoya, nous sommes tenus de veiller à ce que les retombées des recherches bénéficient aux populations locales. Membre de l’UMR Paloc-IRD Les porteurs de projets procèdent quasiment tous à des restitutions des résultats de leurs recherches participatives sous plusieurs formes. Une restitution publique et une restitution scientifique sont organisées dans la presque totalité des cas, accompagnées le plus souvent d’une valorisation médiatique ou Internet, et/ou d’une mise à disposition du public des données et des procédures avec ces différents vecteurs de restitution. Les partenaires évaluent de plusieurs dizaines à plusieurs centaines le nombre de personnes touchées. Chaque nouvelle année, j’envoie en guise de carte de vœux, par mail, notre carte actualisée des langues de France. Membre du LIMSI-CNRS Expression de points de vue des partenaires de Particip-Arc sur leur démarche Le réseau s’est livré à de nombreux débats sur l’émergence des sciences participatives dans le champ culturel, leur pertinence, leurs caractéristiques, leur plus-value et leurs handicaps. Des amateurs éclairés et des gens se forment aujourd’hui très rapidement à toutes sortes de techniques parce qu’il y a plus d’outils à disposition. De plus en plus de gens ont plus de temps, avec un excellent niveau d’éducation, et sont capables de conduire des recherches approfondies. Membre des Archives Nationales L’émergence des sciences participatives dans le domaine culturel est une rencontre entre des chercheurs académiques et des citoyens en quête de savoir et de participation aux processus de construction des connaissances, mis en capacité par des outils technologiques de plus en plus répandus et simples d’utilisation. Positionnement des institutions de recherche Cette émergence est parfois le fait de citoyens susceptibles de prendre l’initiative de projets de recherche et de poser eux-mêmes des questions de recherche. Le citoyen participant est donc considéré comme un nouvel acteur de la recherche. Ces nouvelles collaborations obligent le chercheur à s’interroger à tous les niveaux de sa démarche : questions de recherche, méthodologie, qualité de la collecte de données, restitution des résultats… Elles interrogent aussi le chercheur sur son rôle, dans le contexte au sein duquel il intervient, et elles l’incitent à redéfinir sa place et sa fonction. Des analyses réflexives autour du processus de recherche sont réalisées par des chercheurs engagés dans le participatif ou par des chercheurs « extérieurs » au processus. Ces recherches intégrant la participation de non-scientifiques-professionnels sont considérées parfois par les chercheurs eux-mêmes comme sortant de l’académisme puisqu’elles soumettent les problématiques, les procédures et les résultats à la discussion de publics non académiques. D’autres, au contraire, revendiquent un ancrage dans leur domaine scientifique même s’ils conviennent que ces processus de construction de connaissance font apparaitre de nouvelles compétences, comme l’animation d’un réseau. Ce faisant, les institutions de recherche font face à de nouveaux défis. Elles doivent parfois repréciser leur rôle auprès des participants et affirmer leur fonction de validation des procédures et des résultats tout en argumentant dans les arènes scientifiques sur la plus-value des sciences participatives et la garantie de la scientificité des travaux. 23 Nous renouvelons complètement nos façons de travailler, nous devons nous repositionner dans l’arène de la recherche. Membre de l’UMR Paloc-IRD Il faut maintenir les procédures de validation scientifique : il y a un seuil de compétences à avoir. Membre de l’EHESS Les archivistes encadrent la pratique et valident la démarche. Nous avons aussi une mission fondamentale : nous garantissons la qualité scientifique. On assiste au renouvellement de cette responsabilité, nous sommes les garants de ces équilibres. Membre des Archives Nationales Il faut aussi réfléchir aux limites : jusqu’où va-t-on avec les citoyens ? Le chercheur doit aussi rester dans son rôle de scientifique, et la limite de participation est donc à définir. Membre de l’UMR Paloc-IRD Les institutions, souvent enthousiastes à l’idée d’endosser un rôle positif pour l’émancipation des participants et la reprise en main de leurs patrimoines, doivent mesurer et moduler l’effet de leur action sur les dynamiques sociales en jeu dans les territoires. Nous avons sans doute un rôle inclusif à jouer, pour apaiser, par le partage de nos archives communes, certaines difficultés voire certaines tensions sociales, pour les expliciter, les faire comprendre. Il y a un formidable enjeu d’animation de vie citoyenne et de diffusion des connaissances. Membre des Archives Nationales Gallica Studio accompagne le mouvement général d’empowerment lié en grande partie aux usages du numérique et à la défense des communs. Membre de la BnF Nous montrons qu’il y a une vision locale de ce qu’il est nécessaire de transmettre aux générations futures et qu’il y a aussi une possibilité d’impliquer les populations dans cette conservation. Il y a un grand écart entre la vision institutionnelle et locale des patrimoines. Nous nous posons la question de la représentativité de la participation. Et à la fin, une question importante est : à qui appartiennent les résultats ? Le but n’est pas simplement de travailler avec les groupes locaux et de prendre des données, il faut qu’ils en tirent quelque chose. Membre de l’UMR Paloc-IRD Les partenaires sont conscients et expriment le caractère parfois expérimental, fragile et instable de leurs démarches participatives. Les institutions sont conscientes que les métiers et les missions évoluent ou vont évoluer. Il y a une relative fragilité organisationnelle et du même coup, technologique, pour permettre une continuité. Il faut des moyens pour héberger les bases de données et pérenniser les données publiques : disposer d’un socle technique, d’une plateforme interopérable, d’une organisation et d’une méthodologie. Etre de plus en plus présent dans le numérique, c’est rester en vie : sinon, on disparaît. Nous pensons que ces projets collaboratifs vont nous amener à réfléchir différemment. Il y a là un enjeu vital, pour nous en tant qu’institution, mais aussi pour la société. Membre des Archives Nationales Les bénéfices retirés des démarches participatives en recherche culturelle sont nombreux. L’important développement du crowdsourcing nous a permis de constater l’intérêt du grand public pour notre objet de recherche. Cela nous a confortés dans l’idée que nous travaillons sur une matière vivante. Membre du LIMSI-CNRS L’intérêt du processus participatif est l’effet de loupe, démultiplicateur, par lequel nous pouvons observer des choses qui sont invisibles autrement. La participation redonne du pouvoir aux gens sur leur langue, elle leur donne de la visibilité. Membre de l’EA STIH Sorbonne Université 24 « Perdre du temps » avec le participatif est un enrichissement de la pratique de recherche, car il y a un devoir d’entrer dans une politique de « concernement » auprès des gens. La participation est l’engagement dans une action collective, et l’acquisition de compétences à travers cette participation. Membre de l’EHESS Les partenaires expriment leurs préoccupations et leurs besoins. Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est une vision prospective pour ancrer notre stratégie. Membre des Archives Nationales Les projets que nous observons n’ont souvent pas de méthodologie très développée, ils émergent de façon anecdotique, spontanée, peu planifiée. Ils improvisent le recours à la participation sans idée précise de comment faire venir les gens à eux, ils n’ont pas d’idée précise du public, de l’échelle… Membre de l’université Paris Nanterre Mettre en place des programmes participatifs, c’est un programme politique de transformation de la société. On pourrait questionner les instances qui évaluent les chercheurs. La bibliométrie paralyse les capacités d’innovation dont rêvent les chercheurs. Membre de l’EHESS Certains partenaires souhaitent trouver des moyens de valoriser le travail réalisé par les participants dans le cadre d’un programme de recherche participatif. Nous sommes attachés à ce que le contributeur soit reconnu et dispose d’un ʺrevenu contributifʺ qui lui laisse entière liberté pour développer ses savoirs dans le champ culturel, scientifique ou social. Les activités contributives sont pour nous des activités qui luttent contre l’entropie actuellement à l’œuvre dans tous les domaines, dans l’environnement comme dans le champ de l’information. Membre de l’IRI La recherche par les acteurs privés de la culture Enfin, selon certains partenaires du réseau, une réflexion sur le lien avec les acteurs privés de la culture, qui mènent des recherches par ailleurs, semble devoir être engagée. En effet, les industries culturelles, du numérique et médiatiques constituent à la fois une certaine forme de production de connaissances sur une base participative, mais également une opportunité de développement pour les chercheurs académiques en termes de réseaux, de pouvoir de diffusion et d’accès au participant. Certains opposent le participant ciblé pour une recherche dont la finalité est la production d’objets de consommation, et le participant-collaborateur, éclairé et associé dans une recherche dont la finalité est l’accroissement des connaissances pour le bien commun. Le statut, la fonction et les modalités de reconnaissance du « participant » dans les recherches académiques, dans les recherches portées par des organismes privés, ou dans les recherches en partenariat public/privé sont l’objet d’une réflexion fondamentale qui doit être menée, selon les partenaires du réseau. Qui sont les participants aux projets de recherche et pourquoi participent-ils ? Connaître les participants, leurs motivations à s’inscrire dans le projet de recherche et à y rester, connaître leurs attentes et les bénéfices qu’ils en retirent est complexe. Les réponses sont là aussi très diversifiées. Elles sont liées à la fois au projet et aux attentes personnelles et collectives des participants. Les porteurs de projets ou les partenaires intermédiaires mènent parfois des enquêtes afin de déterminer les profils et les motivations à participer, dans le respect de la réglementation sur la protection des données personnelles (RGPD) (Voir Partie 3 - La nécessité d’intégrer de nouveaux cadres d’action et de nouvelles compétences). Deux journées ont été consacrées respectivement aux questionnements portant sur la participation des publics et aux témoignages de publics participants et de partenaires des projets. Des participants à des projets ont été invités et auditionnés autour d’une table ronde. Les raisons de l’engagement de chacun(e) à participer sont multiples. Elles s’inscrivent dans une histoire de vie, dans une relation personnelle à l’objet de la recherche (par exemple, « Testaments de poilus » ou autre corpus archivistique, sites et matériels archéologiques, recherche en histoire locale et histoire en généalogie, inventaire du patrimoine bâti), mais aussi parfois dans une certaine relation aux institutions porteuses de projets 25 (Archives, bibliothèques, association, administration locale). Le sentiment d’agir pour un bien commun est un moteur important de la motivation, mais le jeu ou la création artistique sont également des motivations importantes pour les participants. Je transcris des testaments de Poilus sur la plateforme du même nom. Bibliothécaire à la retraite, j’ai eu connaissance du projet par France Culture. J’apprécie de participer à une œuvre collective tout en étant chez moi. J’apprécie particulièrement le travail intellectuel, le sujet de la guerre de 14 et l'apprentissage informatique que cette participation m’apporte. Une participante au projet « Testaments de poilus » Avec une formation d’archiviste, je me suis lancé dans la généalogie en indépendant. Passionné par la collecte de mémoire, j’apprécie particulièrement les démarches sur des papiers personnels couplés avec des documents d’archives, qui évoquent des aspects de l’histoire qui ne sont jamais évoqués dans les livres. C’est une façon de redécouvrir l’Histoire. Un généalogiste amateur devenu professionnel Des éléments de motivation sont identifiés : enrichir ses connaissances ; aider la science dans ses questionnements, sa mise en œuvre, l’interprétation de ses résultats, son évaluation ; aider à diffuser les résultats de la recherche ; faire partie d’une communauté ou participer à un effort collectif ; mobiliser voire montrer son expertise ; jouer utilement ou éthiquement ; participer à une création artistique collective. Chaque participant possède cependant une motivation ou une gamme de motivations qui lui est propre. L’importance de la qualité des interactions entre les participants et les structures porteuses ou organisatrices des projets de recherche est constante. De l’expression générale, on note des attentes fortes vis-à-vis des institutions construisant les projets de recherche, et une volonté de contribuer à l’amélioration des interfaces qui leur permettent de participer. Les participants apprécient particulièrement : - la formation en continu, sur le plan technique et sur le fond des sujets ; - la confiance qui leur est faite et le sentiment de participer utilement, en faisant un travail qui leur est dévolu ; - l’impression que les tâches leur sont adaptées ; - la possibilité d’échanger leurs documents et des expériences avec d’autres participants. En quelques mots : les participants voient leur contribution préparée et valorisée, ils trouvent leur place dans un processus de recherche, ils contribuent seuls mais au sein d’une large communauté et cela fait sens pour eux. La diversité des formes de participation, que certains souhaiteraient pouvoir catégoriser, est corrélée aux différentes raisons qui incitent les scientifiques professionnels à associer le public à leurs recherches. Voici une liste non-exhaustive de raisons catégorisées :     Volonté d’associer des amateurs à une ou plusieurs étapes de la recherche : la définition de l’objet de la recherche, des questions de la recherche à sa conduite (collecte de données, discussion sur le protocole), à son analyse (travaux à partir de résultats) ou encore à son évaluation ; Mener une recherche à une échelle qui fait sens : micro locale, locale, régionale, nationale, européenne, internationale ; Finalités : publication scientifique, diffusion d’une démarche, collecte de données, création d’une matière utile à des recherches, création artistique ; La position de la personne ou de l’institution qui mène la recherche : le chercheur qui garantit la scientificité de la démarche, prépare des bases de données pour des recherches ultérieures ou utilise des bases existantes, l’artiste qui recherche la singularité (auteur), ou encore le conservateur qui administre le corpus. 26 Les participants aux projets de sciences participatives (M. Severo, 2019 9). Selon M. Severo, dans un projet des recherches participatives, il faut distinguer : les participants « connus » dont le porteur du projet connait leurs motivations et histoires de vie (la cible principale du projet) ; les participants «inconnus», c’est-à-dire les bénévoles qui interviennent de manière anonyme dont le porteur de projet ne peut pas connaitre le profil et les motivations ; les participants « imaginés », c’est-à-dire les participants souhaités par le porteur de projet, mais dont la participation n’est pas assurée ; les participants « involontaires », c’est-à-dire les participants auxquels le projet n’est pas adressé, mais qui décident d’y participer pour des raisons différentes de celles prévues par le porteur du projet. M. Severo, "Les participants aux projets de sciences participatives », Colloque Recherche culturelle et Sciences participatives, Muséum national d’Histoire naturelle - Paris, 11 juillet 2019. 9 27 Point de vue Frédérique CHLOUS, Directrice du Département Homme et Environnement – MNHN & Aymeric LUNEAU, post-doctorant - UMR PALOC MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE Diversité sémantique et de pratiques Le Muséum national d’Histoire naturelle possède une tradition de collaboration avec des publics non-scientifiquesprofessionnels : amateurs aventuriers ou voyageurs éclairés, militaires, médecins ou encore missionnaires mettaient en œuvre des protocoles de récolte de données ou d’objets pour enrichir les collections et les connaissances. Le MNHN mène aussi des travaux réflexifs sur ces modes de collaborations et de construction des savoirs d’hier et d’aujourd’hui. Sciences participatives, Sciences/recherches collaboratives, Sciences/recherches contributives, Recherche-action participative, Recherche interventionnelle, Community based research, Recherche communautaire ; arts communautaires, interactifs, interventionnistes, socialement engagés (cf. Point de vue Peter Sinclair ci-dessous) ; épidémiologie populaire en médecine… Beaucoup de termes sont utilisés. Muki Haklay (2015) a tenté une catégorisation des niveaux de participation, mais il faut surtout souligner que les sciences participatives sont en évolution constante, et pas uniquement d’un point de vue du numérique. Si les relations entre amateurs et disciplines scientifiques sont anciennes, elles ont des ancrages historiques forts : « amateurat » en écologie (en taxonomie aujourd’hui, les personnes en capacité d’identifier certaines espèces sont très souvent des amateurs), mouvement de la recherche-action (ancien en sciences humaines et sociales), mobilisation collective de malades (partie intégrante de l’histoire des sciences médicales), community based research (conflits entre Etats et populations autochtones qui souhaitent se faire entendre et faire reconnaître leurs savoirs), aménagement urbain participatif (corrélés à des mouvements sociaux depuis les années 1960)… Cette pluralité d’épistémologies et de cadres théoriques produisent parfois des tensions et des concurrences. Elle relève de visions du monde assez différentes, sur la place des savoirs notamment. Elle relève aussi de contextes politiques mettant en avant rationalité scientifique ou savoirs locaux. Derrière chaque terme employé, il y a une ou plusieurs communauté(s) de référence, des prises de positions méthodologiques, théoriques et axiologiques. La « recherche culturelle et sciences participatives » est un domaine hétérogène où chaque projet est ancré dans une épistémologie. Le Muséum est davantage familier de la recherche-action participative et du modèle Citizen Science, incarné par Vigie-Nature, mais Particip-Arc est une ouverture aux autres domaines. Le terme Citizen science apparaît dans les années 90 avec Alan Irwin, avec un triple sens : « science pour les citoyens », « science par les citoyens » et « savoir citoyen », comme on parle de « savoir paysan », « autochtone », « local » ou « ordinaire ». Richard Bonney (1996), désigne les programmes impliquant le « public » dans la collecte de données ornithologiques et renvoie à l’idée d’une « science faite par les citoyens ». Les Citizen Science sont définies en 2019 par l’Oxford English Dictionnary comme : «The collection and analysis of data relating to the natural world by members of the general public, typically as part of a collaborative project with professional scientists ». Les Citizen science évoluent très fortement, par exemple des développements actuels visent à permettre aux participants d’analyser eux-mêmes les données. La recherche-action participative, théorisée par Kurt Lewin, Chambers, Paolo Freire, a pris une ampleur considérable avec la Convention sur la diversité biologique et la reconnaissance par l’IPBES de l’importance des savoirs autochtones dans la connaissance de la biodiversité). Elle émerge des conflits entre savoirs scientifiques et la reconnaissance d’ «autres systèmes de savoirs », et la volonté de collaborer. Il s’agit de construire une recherche par une question posée par une communauté dans le but de résoudre à la fois des éléments scientifiques et des éléments sociaux. Certains collègues vont jusqu’à penser une autonomisation complète des communautés en leur donnant la capacité de maitriser les outils de production de connaissance. Avec d’autres approches comme la recherche participative en art, nous avons des divergences théoriques et de contextes scientifiques et politiques, mais ces différences ne doivent pas nous faire oublier que nous avons des points communs, des questions communes. La recherche participative est différente de la recherche académique classique : il faut un lien avec le public, des outils numériques ; elle assume, quelle qu’elle soit, une implication sociale forte, et un mouvement d’ « horizontalisation » qui ne signifie pas « symétrisation » car le chercheur garde un rôle de protocole, de rigueur en lien avec la dimension scientifique incontournable. Particip-Arc semble être le seul lieu, pour l’instant, de discussion entre ces différentes épistémologies et ces différents univers qui se sont rencontrés. 28 Point de vue Vincent PUIG, Directeur INSTITUT DE RECHERCHE ET D’INNOVATION DU CENTRE POMPIDOU Recherche culturelle L’amateur, littéralement « celui qui aime », c’est d’abord dans l’acception retenue par l’IRI de cette figure et en référence à Aristote, celui dont l’âme noétique participe au noûs, et à la suite de Simondon celui qui ne s’individue jamais seul mais toujours dans son insertion à une individuation collective. Dans un tel contexte, un enjeu du réseau Particip-Arc a été de repenser le concept de « participation » pour ne pas négliger le processus noétique et sensible qui est parfois court-circuité ou instrumentalisé par des technologies numériques non-réflexives y compris lorsqu’il est question de la citoyenneté1. Depuis 1993, avec l’avènement de la technologie du world wide web, le numérique a radicalement changé les conditions du savoir mais aussi des savoir-faire et des savoir-vivre. Cette mutation s’est largement opérée dans le champ scientifique et à même permis à Chris Anderson en 2008 de prédire la fin de la science fondée sur des hypothèses ou théories au profit du traitement statistique de données. Dans le champ culturel, plusieurs artistes travaillant sur les données n’ont pas hésité à travailler sur ce thème y compris dans la condition de production de l’œuvre elle-même. Depuis quelques années, un doute profond quant à la promesse des réseaux numériques s’est installé – renforcé par le scandale Cambridge analytica et plus récemment avec le Libra comme appropriation du bien commun que constitue la monnaie. Ce «blues du net» tient au fait que l’évolution des pratiques sociales, surtout depuis l’apparition de grands réseaux sociaux, reconduit à des formes ni collaboratives ni contributives, mais hyper consuméristes et fondées exclusivement sur l’économie des data, de plus en plus perçue comme la capture et l’exploitation de données personnelles. Le défi de la recherche participative dans le champ culturel est donc d’être particulièrement attentif au développement des plateformes et des outils qui vont accompagner une pratique scientifique participative héritant ainsi de la figure des grands amateurs si attachés à leurs cabinets de curiosité encore conservés au Muséum national d’Histoire naturelle car reconnus comme instruments de production, de développement et de conservation des savoirs. Le champ culturel a donc la chance (même si le numérique peut parfois niveler cette richesse) de disposer d’une grande diversité d’instruments de sa pratique. Caméras numériques, informatique musicale, sites de partage de photo, de vidéo et de musique, médias sociaux du cinéma, remix muséographique, annotation d’images, de textes, de vidéos : ces outils sont fédérateurs de nouvelles communautés de participants qui produisent une grande quantité et parfois une grande qualité de données qui peuvent être l’objet de convoitise de bien des industries. Entre 2010 et 2012, à la demande d’Alain Brunsvick, Annie Chevrefils-Desbiolles a établi un rapport sur « les mutations profondes que connaissent, avec l’essor de la culture numérique et de l’internet, les conditions d’accès à la culture mais aussi les pratiques artistiques et culturelles notamment des amateurs » , en faisant le portrait des « pratiques non professionnelles dans le secteur des arts plastiques, en portant prioritairement [son] expertise sur les nouveaux usages liés au numérique en termes de pratiques individuelles et collectives de production, de médiation et de formation », et dans le but de « voir en quoi cette nouvelle figure du spectateur activé par le web 2.0 oblige à repenser l’action culturelle du ministère » et de « poursuivre l’objectif de démocratisation partagé par les pouvoirs publics ». Mais la dichotomie traditionnelle entre spectateur et producteur est aujourd’hui largement brisée comme on a pu le montrer dans un rapport sur le Futur du Spectacle Vivant. C’est ce qui fait une particularité de la recherche culturelle où la donnée peut ne pas être seulement le résultat d’une observation ou d’une analyse mais bien d’une création. Les instruments d’une recherche musicale nécessiteront des outils spécifiques non seulement à l’écoute, à l’analyse mais aussi à la création de nouvelles données par le truchement d’algorithmes de transposition, de ralentissement, de séparation de sources, etc. 29 Point de vue Peter SINCLAIR – Professeur, AMU, CNRS, UMR PRISM ECOLE SUPERIEURE D’ART d’AIX-EN-PROVENCE Recherche participative en Art La vision de la recherche participative artistique qui suit est fondée sur l’acceptation de l’existence d’une recherche intrinsèque aux pratiques artistiques. Le dictionnaire installé sur mon ordinateur vient de me donner la courte définition de la recherche suivante : «L’ensemble des activités qui ont pour objet la découverte des connaissances et de lois nouvelles ou de nouveaux moyens d’expression». Nous n’avons aucune difficulté à inclure les arts dans cette définition. J’ajouterais – pour répondre à l’opinion parfois exprimée par certains scientifiques et qui aurait tendance à invalider cette recherche, car trop subjective – que l’art n’est pas un don de la nature, et qu’il n’est pas non plus, la plupart du temps, fondé sur l’expression d’une identité personnelle. Bien au contraire, l’art se développe dans un système de références, d’échanges et d’expérimentations et concerne avant tout la quête de la compréhension, l’interprétation et la traduction de notre monde et de nos sociétés, malgré le fait que les moyens utilisés sont ceux du sensible (autre que le seul verbe). Si nos systèmes de validation passent parfois, par le dialogue avec d’autres disciplines (histoire de l’art par exemple, mais aussi l’esthétique, l’anthropologie…), c’est souvent l’artiste lui-même qui s’empare de ces méthodes pour contextualiser et analyser son propre travail. Cependant, des travaux récents montrent l’intérêt heuristique que peut également recouvrir pour le monde de la recherche l’articulation entre pratiques artistiques et pratiques scientifiques, y compris celles en sciences humaines et sociales. L’importance de la participation du public dans la recherche artistique est évidente, dans la mesure où la validation du travail artistique est en partie liée à sa présentation dans un contexte social (au-delà du groupe de ses pairs). Ainsi, un des objectifs de la recherche participative, celui d’impliquer le public dans la recherche, existe de facto en art. Si cela n’est pas la première question ici, je propose qu’il soit utile aux scientifiques et aux académiques de garder en tête le fait que les artistes sont des experts du questionnement des relations aux publics. Au-delà du simple fait de montrer le travail artistique au public, nous voyons depuis les années 1990 une forte croissance de l’intérêt pour la participation et la collaboration en art. Les arts : communautaires ; interactifs ; interventionnistes ; socialement engagés… Nous pouvons en partie accréditer la paternité de ces tendances à Nicolas Bourriaud et son texte l’Esthétique relationnelle (1998), bien que, comme le souligne Claire Bishop dans son livre Artificiel Hells, Participatory art and the politics of spectatorship (2012), beaucoup d’artistes sont moins intéressés par la question esthétique que par « les récompenses créatrices de la participation comme un procédé politisé ». Un autre facteur favorise l’art participatif, note également Claire Bishop, il s’agit de la prévalence de financements publics pour les arts. S’il s’agit en effet de formes artistiques souvent moins reconnues par le monde commercial de l’art, car donnant priorité aux procédés plutôt qu’aux formes stabilisées (artefacts), il est probable que ces formes concernent un public plus large et surtout d’avantage impliqué, car il devient coauteur du processus. Au sein de l’ESA-Aix (Locus Sonus) depuis quinze ans, et aujourd’hui avec l’UMR PRISM, nos expérimentations prennent appui sur des dispositifs participatifs - itératifs, évolutifs et interdisciplinaires pour investiguer le potentiel artistique des technologies émergentes. Ces dispositifs (Locustream étant un exemple), créant les conditions pour l’émergence des connaissances, proposent au public et aux artistes ce que Monik Bruneau appelle « des outils de création ». Les contenus obtenus font l’objet d’une utilisation partagée entre différentes disciplines et le public. La suite de la recherche est ajustée en fonction des résultats obtenus et les besoins des différentes parties. Pour conclure, la recherche participative en art, contrairement aux disciplines rigoureusement scientifiques, peut considérer l’apport du participant comme une partie essentielle, souvent sensible de la recherche et qui détermine en partie les résultats obtenus. 30 PARTIE 3 - ANALYSE ET DIAGNOSTIC Après la phase de partage des expériences, des points de vue et des postures des partenaires du projet Particip-Arc, plusieurs travaux ont été menés pour approfondir l’analyse et poser un diagnostic avant d’engager une réflexion prospective. La présente synthèse est basée sur ces travaux : débats, ateliers, enquêtes diverses, récits, travaux en groupes, travaux dirigés par l’IRI. Sont évoqués les métiers et leur évolution au quotidien, puis de façon plus spécifique, le nécessaire élargissement des compétences techniques, organisationnelles, les cadres juridiques et éthiques qui s’imposent aux chercheurs. Enfin, l’expression des besoins des chercheurs et des autres professionnels de la recherche culturelle a donné lieu à de nombreuses discussions restituées ici. RECHERCHE CULTURELLE ET SCIENCES PARTICIPATIVES : UNE DIVERSITE DE TERMINOLOGIES ET D’EPISTEMOLOGIES Reconnaître la diversité des approches sans condamner la possibilité d’échanger est aujourd’hui essentiel pour permettre les échanges entre les communautés épistémiques. Le terme « sciences participatives » peut jouer ce rôle fédérateur sans masquer les questions de vocabulaire. Les partenaires du réseau ont accepté que soit employé le terme « sciences participatives » pendant les travaux, tout en revendiquant leurs différences de points de vue. Les rencontres des acteurs de la recherche culturelle et des sciences participatives du réseau Particip-Arc ont posé de façon récurrente la question des parties prenantes impliquées, mais également celle de la participation et des interactions avec les participants et plus largement, la question fondamentale des démarches scientifiques et sociales sous-jacentes. Ainsi, une très grande variété de terminologies est employée par les différents partenaires : « sciences participatives », « sciences citoyennes », « recherche participative », « recherche-action », « recherche contributive », « community based research », « co-design », « recherche-création », « recherche artistique » … Chacun des termes revêt une signification précise pour les acteurs qui l’utilisent et il s’inscrit dans des épistémologies spécifiques, et engage un lien particulier entre science, art et société. Le terme employé précise une approche ancrée dans des cadres théoriques et des histoires disciplinaires et s’inscrit dans une posture concernant la production de connaissances plus ou moins centralisée et institutionnelle. Un continuum existe entre des sciences distribuées (sollicitation de participants non-scientifiques-professionnels pour recueillir des données, éventuellement les analyser ou participer à la construction de protocoles) et des recherches revendiquant de répondre aux besoins réels des populations. Les convergences entre Community based research et sciences participatives distribuées existent. Les questions de recherche création, recherche en art interrogent cette dichotomie apparente. De plus, il est nécessaire de prendre en compte les évolutions en cours dans les sciences participatives en général et dans le domaine de la culture en particulier. Il est à noter que ce débat, qui souhaite parfois opposer projet académique et projet citoyen, semble prégnant dans la communauté des démarches participatives scientifiques françaises. Ces divergences sémantiques empêchent la traduction littérale des termes en anglais, langue dans laquelle « Citizen science » correspondrait davantage à « Sciences participatives » en français, alors que « Sciences citoyennes » en français fait davantage référence à une recherche dans laquelle des chercheurs sont engagés sur des principes de responsabilité sociale, économique et éthique, ou sont même parfois absents des processus, laissant aux citoyens la responsabilité de la robustesse des protocoles ou des résultats. Il est tout aussi difficile pour les acteurs des sciences participatives en culture (et au-delà) de s’accorder sur un terme pour désigner ceux qui ne sont pas chercheurs professionnels mais qui participent : amateurs, participants, contributeurs, citoyens, bénévoles (en anglais Volunteers). Chacun de ces termes est révélateur, lui aussi, d’une vision du rôle de celui ou celle qui participent, dans le projet de recherche, et de sa fonction dans la société. De même, aucun terme ne s’est imposé pour qualifier les chercheurs académiques ou scientifiques professionnels conférant au projet de recherche sa qualification de projet de recherche en sciences participatives. 31 En effet, ainsi qu’il a déjà été mentionné, l’ensemble des professionnels (chercheurs, conservateurs, archivistes…) menant des recherches ou permettant la création de corpus sont considérés. Pour une plus grande facilité de lecture du rapport, les termes de « scientifique professionnel » (en référence au rapport Houllier, 2016) ou de « chercheur académique » seront employés, et il conviendra d’entendre la définition suivante : « institutionnels reconnus pour leur expertise dans la production de connaissances ou de création culturelle travaillant avec des participants ne faisant pas partie de cette institution ». CONTEXTES D’EMERGENCE : POURQUOI ET COMMENT EMERGENT LES PROJETS ? La réémergence des non-professionnels dans la construction des savoirs Nombreux sont les domaines de recherche qui, historiquement, ont associé chercheurs académiques et amateurs dans une co-construction de connaissances : l’astronomie, la médecine, l’histoire naturelle, via les sociétés savantes, les missionnaires, les militaires, les simples habitants ou les voyageurs... L’ethnologie, la sociologie, puis la recherche-action avec un objectif de transformation sociale telle que développée depuis le milieu du XXe siècle, ont associé les populations aux processus de recherche eux-mêmes, opérant un glissement du sujet de la recherche vers une posture dans laquelle le participant est acteur de la recherche le concernant. Dans le contexte scientifique contemporain, le participant non professionnel est parfois présent aux côtés des chercheurs académiques (ou scientifiques professionnels) mais dans ce cas, ce participant non-scientifiqueprofessionnel est absent et invisible : la science se construit et se valide via des procédures auxquelles le chercheur se soumet mais auxquelles l’amateur est réputé étranger. Or, les sciences participatives cherchent à reconnaître, dans le processus de recherche, la place du participant, ses apports singuliers et même sa pertinence d’un point de vue scientifique, du questionnement à l’interprétation des résultats. Cette reconnaissance officielle, pour être recevable, ne doit pas altérer la crédibilité du chercheur et de ses travaux au sein de son institution ni au sein de la communauté scientifique. La recherche participative comprend donc pour le chercheur un risque le plus souvent assumé et revendiqué. Les développements des sciences participatives dans les différents domaines montrent que celles-ci (notamment du fait du nombre de publications qui leur sont liées) ont progressivement été acceptées dans le champ scientifique. L’essor récent des sciences participatives dans les domaines scientifiques ou culturels peut résulter de plusieurs enjeux émergents :    Acquisition des connaissances face à l’urgence, où s’affirme un besoin de suivis pour évaluer les infléchissements et produire des indicateurs pour les décideurs ; dans le domaine de la culture, il s’agit de sauvegarder des langues, des patrimoines (bâtis, non bâtis, archéologiques, savoir-faire), une mémoire individuelle ou collective (Archives) Réponse à une demande sociale, avec l’émergence d’une nouvelle relation à l’objet de recherche (scientifique, culturel, artistique…), qui permet aux participants de se saisir des questions sociales, ce que cherche à traduire le terme « empowerment » Explorations et innovations scientifiques à la faveur de technologies émergentes. Par exemple, pour la création artistique : recherche-création, streaming pour création sonore ; Pour le numérique : traitement automatique des langues. Un groupe de travail a travaillé spécifiquement sur cette question (Annexe IV). Quels sont les invariants identifiés des sciences participatives dans le domaine culturel ? Dans la première partie du rapport, il est fait état des résultats de l’enquête auprès des porteurs de projets, montrant que plusieurs des projets revêtaient une pertinence scientifique et une pertinence sociale. Il est également souligné que chaque projet évolue dans son cadre et sa portée sociale au cours de sa vie, à mesure de son appropriation par les participants, qu’il soit, parfois a posteriori, adossé à un enjeu culturel, identitaire, 32 communautaire (jusqu’à l’instrumentalisation dans certains cas), ou corollaire de développements sociaux et culturels spontanés. Une autre constante observée est donc l’implication sur des enjeux sociaux et/ou sociétaux assumée par les scientifiques professionnels qui s’investissent dans les sciences participatives notamment dans les recherches culturelles. Qu’ils soient à l’initiative des projets ou qu’ils soient embarqués, tous ont une conscience aigüe de leur rôle dans ces processus de co-création de connaissance et dans les contextes sociaux et culturels dans lesquels ils sont amenés à s’immerger. En résumé, les sciences participatives semblent contribuer à un processus de capacitation et de mobilisation des participants vis-à-vis de leur patrimoine et des questions sociétales. Concomitamment, elles ancrent les chercheurs dans la société. EFFETS ATTENDUS ET INATTENDUS SUR L’EXERCICE DE LA RECHERCHE AU QUOTIDIEN Qu’ils soient de l’initiative de chercheurs ou de participants, quelles que soit leur durée ou leur ampleur, les projets de recherche participatifs produisent des effets attendus et non attendus sur les professionnels qui les développent, leurs institutions, les participants et éventuellement sur l’ensemble de la société et la place de la recherche en son sein. Ces effets inattendus sont aussi importants que les résultats scientifiques escomptés car ils nécessitent certains repositionnements. Au-delà du constat, les chercheurs et les autres professionnels de la recherche culturelle s’attachent donc à comprendre les processus en jeu pour mieux construire leur proposition, mais aussi pour essayer d’anticiper les éventuelles conséquences ou dérives. L’avènement de la participation dans des projets de recherche entraine plusieurs lots de transformations dans l’exercice de la recherche, de son organisation à la production scientifique et le positionnement social du chercheur. L’une des caractéristiques des sciences participatives entrainant ces évolutions plus ou moins subies est le changement induit des échelles de temps, d’espace et de partenaires du projet. La deuxième tient dans l’évolution du cadre de travail pour le chercheur qui renforce les liens avec les publics concernés. Un groupe de travail a travaillé spécifiquement sur cette question (Annexe I). De nouveaux champs de recherche et une recherche partagée Outre le recueil de données robustes obtenues grâce à la mise en place de projets de sciences participatives, les chercheurs et les professionnels impliqués au sein du réseau évoquent un bénéfice à la fois personnel et collectif de l’ouverture vers de nouvelles thématiques. Cette ouverture résulte de l’interdisciplinarité souvent induite par les projets de recherche participatifs, mais aussi de l’interaction avec les participants qui contribuent aux différentes étapes de la recherche, discutant les objets de la recherche et les orientations méthodologiques à prendre. Les professionnels décrivent un gain en compétence et souvent, l’apport de questionnements originaux qui sont particulièrement motivants pour le chercheur. Les difficultés rencontrées par les chercheurs et les professionnels dans l’exercice de la recherche Robustesse scientifique L’une des premières difficultés ou préoccupations auxquelles est confronté le scientifique professionnel ou l’équipe de recherche qui entame une démarche participative est celle de la robustesse scientifique. L’investissement dans une démarche participative est souvent chronophage (recherche de partenaires et de financements, animation, formation…). La présence des partenaires nécessite de construire un projet commun, mais également une posture partagée par tous. Les accords construits au début du projet peuvent ensuite se désagréger et mettre en péril le résultat final. Les projets peuvent être soumis à des aléas sociaux, politiques, culturels difficilement maîtrisables. Dans certains domaines, il est encore nécessaire d’argumenter sur la validité 33 scientifique des résultats produits. Les suspicions qui existent encore, mais qui semblent s’estomper, pourraient avoir des répercussions sur le déroulement de la carrière du chercheur. Au sein du réseau, il a été décrit que les chercheurs s’investissent davantage lorsque la question de l’avancement ou de la reconnaissance est moins sensible. La participation, une configuration Un autre défi pour le scientifique professionnel qui souhaite s’investir dans les sciences participatives est celui d’installer un nouveau contexte pour sa recherche. En effet, la participation n’est pas, pour un projet de recherche, une simple modalité mais une réelle configuration, celle d’une recherche partagée. Les participants, mais aussi les partenaires, intermédiaires ou médiateurs, devront être identifiés et mobilisés pour prendre part à une recherche. S’ils sont à l’initiative ou s’ils participent à l’émergence du projet, il s’agira de les sensibiliser à la démarche scientifique puis de maintenir leur mobilisation sur le long terme. A contrario, certains partenaires ou participants identifient la difficulté d’engager sur la durée un programme de recherche participative, les scientifiques développant parfois une succession de projets. Installer une confiance entre le chercheur, les partenaires et les participants est crucial dans tout projet, mais il faut également que le chercheur bénéficie de l’appui de son institution. Une recherche « hors les murs » Un troisième ensemble de difficultés consiste pour le chercheur académique à se retrouver en situation « hors les murs » académiques. En tant qu’individu immergé dans une communauté, il peut se trouver confronté à des problématiques éthiques, voire juridiques dont il ne possède pas toujours les contours. Il devient parfois un chef d’orchestre qui attribue des places et des rôles à chacun. Il peut, sans le vouloir, être le représentant d’une institution et il est donc susceptible d’être instrumentalisé, dans le cas de projets à forte teneur sociale notamment. Il peut être fait appel à un « tiers veilleurs » 10 , qui apportera un « regard extérieur au collectif de recherche, observant, venant en appui, conseillant et réfléchissant sur le processus de construction des savoirs ». Des paramètres à ajuster en continu Enfin, le succès ainsi que les productions de son projet de recherche, outre les questions de qualité et de traitement de données, sont intimement liés à des paramètres spécifiques que le chercheur devra ajuster selon la tournure prise par le projet (dimensionnement, rythme…), les évolutions techniques et règlementaires, les attentes des participants. De même, les formes de restitution devront être adaptées aux attentes des participants. Le corollaire de ce dernier aspect consiste souvent dans le recours nécessaire à de nouvelles compétences, voire à de nouveaux métiers. Ces évolutions sont le signe de transformations plus larges qui réinterrogent :      La place et le rôle du chercheur, de la recherche et des institutions de recherche, qui doivent rester garants des procédures, des résultats, de la déontologie et de l’indépendance de la science La rencontre des savoirs académiques et des savoirs citoyens ou traditionnels qu’il s’agirait, ou pas, de légitimer voire d’institutionnaliser Les orientations des thématiques de recherche Les modes d’évaluation de la recherche, des chercheurs et de leurs productions individuelles et collectives Les modalités de publication et de diffusion des résultats scientifiques Certains chercheurs partagent un sentiment d’impréparation et de solitude. Les freins organisationnels (cloisonnement, incompatibilité des systèmes d’information, manque de formation), mais aussi juridiques (mise en commun des données, partage de l’information, limite entre donnée scientifique et donnée personnelle) et scientifiques (temporalité, faible reconnaissance) peuvent pénaliser les projets : ils sont sources de déperdition d’énergie et ne permettent pas de consolider des projets et des partenariats. Les porteurs de projets redoutent des 10 Concept élaboré par la Fondation de France et l’association Sciences citoyennes, suite à l’expérience du programme REPERE, visant un accompagnement à la recherche participative pour palier un déficit de réflexivité au sein des projets sur l’expérience de collaboration. Le tiers-veilleurs apporte un regard extérieur mais également une multitude d’autres implications selon les besoins particuliers du collectif de recherche. https://ecolethematique.sciencesconf.org/resource/page/id/16 34 fins forcées et brutales, avec perte des données et des productions intellectuelles (par exemple, dans le cas d’un contrat non renouvelé ou d’un doctorant quittant le laboratoire une fois sa thèse terminée). Enjeux et risques : des équilibres à trouver L’une des clés de la mise en œuvre et du succès des projets de recherche participative (dont leur longévité) est la synergie entre le scientifique professionnel (en charge de la dimension scientifique du projet), le partenaire du projet (souvent intermédiaire, parfois commanditaire, impliqué auprès du scientifique) et le participant. Cette synergie doit respecter, valoriser et rendre compatibles les motivations, les modes d’action et les capacités, les droits et les devoirs de chacun ainsi que les nécessaires retours sur expérience ou sur résultats. Or, ces exigences respectives évoluent dans la durée du projet et des convergences construites à l’origine peuvent ensuite l’altérer par la suite. S’ajoutent, pour le chercheur, les contraintes liées à l’exercice de la recherche académique (production scientifique, évaluation, temporalités) et celles liées aux dispositions du droit qui s’exercent dans son activité (propriété des données, droits du participant…) ainsi que les considérations éthiques (voir plus loin Partie 3 – La nécessité d’intégrer de nouveaux cadres d’action et de nouvelles compétences). Plusieurs équilibres ou compromis à trouver ont été identifiés pour qu’un projet de recherche participative puisse naître et prospérer tout en atteignant les objectifs scientifiques ou de création et les attendus (multiples) des partenaires et des participants. Faire de la participation à bon escient Un développement des sciences participatives est parfois considéré comme pouvant répondre aux attentes sociétales d’un renouvellement des relations entre sciences et société, voire à la demande d’une démocratie plus participative. L’objectif n’est cependant pas de généraliser les sciences participatives mais d’évaluer la pertinence et la plus-value réelle de leur mise en œuvre selon les domaines et selon les publics. Un impératif scientifique incontournable Un projet de recherche est soumis à un certain nombre d’exigences : question de recherche, procédures d’acquisition et de traitement des données… Les participants sont le plus souvent informés de ces contraintes et les acceptent (les formes ludiques de projets dont l’objet est peu attrayant n’informent pas forcément des fondements scientifiques), bien que leurs motivations propres puissent être différentes : apprendre pour euxmêmes, s’amuser, appartenir à un groupe et une dynamique sociale, renforcer leur propre image ou celle de leur patrimoine… Si ces exigences respectives ne sont pas a priori incompatibles, les motivations des différents acteurs de la science participative doivent être satisfaites. A défaut, les risques peuvent être une perte en scientificité et en crédibilité du projet de recherche, des résultats, des données. L’enjeu est ici scientifique. Finalité scientifique versus finalité sociale ou politique L’analyse des projets met en exergue la nécessité de gérer l’équilibre entre la finalité scientifique du projet et d’autres finalités souvent motrices dans la motivation des participants : finalité sociale, artistique, patrimoniale, politique… Certains projets trouvent un écho auprès de participants du fait de l’objet de la recherche (langue régionale, traditions, projet d’aménagement, démarches mémorielles…). Certains chercheurs observent que la dimension sociale ou politique prend parfois le pas sur la dimension scientifique. Le chercheur académique peut être amené à s’interroger sur la dimension sociale, politique ou normative de son projet, et il se trouve « embarqué » dans une situation qu’il a contribué à construire. Certains chercheurs situent d’ailleurs le lieu de la génération de nouvelles connaissances au sein même d’une action et d’une transformation sociales. Ceci peut être le cas en recherche-action ou en recherche création par exemple. Un risque identifié est celui de l’instrumentalisation des recherches participatives. L’enjeu est ici celui de l’articulation entre les finalités scientifiques et sociales. Motivation individuelle du participant versus objectif collectif Une adéquation doit être trouvée entre la motivation personnelle du participant, la production collective du groupe et les objectifs du projet de recherche. Les motivations personnelles à participer peuvent détourner le participant si la dimension collective du projet lui échappe. Il peut aussi considérer que sa participation est négligeable si le nombre élevé de participants ne fait pas sens dans la production du bien commun. Le risque est un abandon des participants conduisant au plafonnement voire à la fin du projet. L’enjeu ici est celui de la réussite du projet et de la qualité des productions. 35 Simplicité versus complexité de la participation Les tâches demandées aux participants doivent être de difficulté et de durée calculées : trop complexes, les participants seront peu nombreux ou l’expérience sera source de contrariété pour le participant. Trop simples et répétitives, les participants risquent de perdre leur intérêt pour le projet. On parle d’expérience optimale lorsque la juste mesure est trouvée entre complexité de la tâche et qualité de l’expérience du point de vue du participant. Le risque est l’asservissement du participant, sa perte d’autonomie. L’enjeu est ici éthique. Encadrement versus souplesse des protocoles La question des protocoles contrôlés très fortement par les chercheurs, même s’ils sont discutés en amont avec les partenaires du projet de recherche, est intéressante. Cet encadrement permet la reproductibilité des données et leur agrégation. Les professionnels des sciences participatives en recherche culturelle sont partagés sur le contrôle de certains programmes de sciences participatives. Plusieurs partenaires du réseau évoquent le regard pertinent apporté parfois par un participant, moins focalisé sur le protocole et observateur perspicace. Il est noté que dans certains domaines, en sciences humaines et sociales notamment, l’autonomie permet une meilleure appropriation des enjeux du projet de recherche. Le risque est double entre asservissement du participant et perte de qualité des données. L’enjeu est la préparation des projets de sciences participatives, devant prendre en compte toutes ces dimensions. Nombre de participants versus reconnaissance du participant Certains projets de recherche privilégient un nombre faible de participants où une relation directe se noue entre les concepteurs professionnels du projet et les participants. D’autres, portant notamment sur des questions plus globales, privilégient un grand nombre de participants et/ou un maillage étendu. Il est à noter que, pour la plupart des projets, la participation apparaît peu prévisible, certains peinant à recruter au point de voir la poursuite du projet de recherche menacée, d’autres connaissant un succès inattendu qui doit être géré dans l’urgence. Dans le même temps, la relation au participant évolue, certains participants impliqués sur des plateformes numériques peuvent être invités à rencontrer les chercheurs et les partenaires de la communauté virtuelle concernée. À mesure qu’elle évolue dans le temps, cette relation doit être repensée. L’ensemble de ces équilibres à considérer sont autant de facteurs de succès ou d’affaiblissement d’un projet en sciences participatives. Afin de bien les prendre en compte, des compétences peuvent être ajoutées à l’équipe du projet : animation, formation, vulgarisation. LA NECESSITE D’INTEGRER DE NOUVEAUX CADRES D’ACTION ET DE NOUVELLES COMPETENCES De nouveaux cadres d’action et de nouvelles compétences s’imposent aux chercheurs qui s’investissent dans les sciences participatives. Ceux-ci concernent les développements du numérique et des technologies de l’information, mais également les cadrages juridiques et les considérations éthiques. Un groupe de travail a travaillé spécifiquement sur cette question et propose des recommandations aux porteurs de projets (Annexe III). Compétences techniques et numériques Le développement de projets de recherche participatifs passe désormais très souvent par l’utilisation d’outils numériques, que ce soit de façon exclusive ou de façon annexe (accompagnement de projets en présentiel, enquêtes, traitement des données, restitutions aux participants). Ces outils sont pertinents pour communiquer et rassembler une communauté de participants souvent disséminée. L’utilisation quasi généralisée par les participants d’outils de type ordinateur, smartphone, capteurs de sons et d’images numériques, GPS, offre aux porteurs de projets des possibilités étendues de recueil et de versement dans des bases de données. De plus, les plateformes en ligne ou les réseaux sociaux permettent d’élargir le public touché. Les travaux du réseau ont fait état d’un certain nombre de difficultés à trouver et obtenir les informations sur les méthodes et les outils existants. Ces sujets ont constitué une partie importante des travaux. Certains points d’attention élémentaires ont été listés et sont repris dans l’Annexe III, sans viser l’exhaustivité. L’étude réalisée à l’IRI par Lisa Chupin, en collaboration avec Vincent Puig et Karën Fort (Annexe VI) a particulièrement mis en évidence la diversité de typologie et de format des données collectées notamment dans le 36 champ de la recherche culturelle. La phase de constitution d’un « public » au sens que lui donne John Dewey11, comme plus récemment Samuel Goëta12, est un point particulièrement sensible dans le champ culturel où les participants peuvent être sollicités dans le cadre d’ateliers créatifs ou de création à l’aide d’outils ou de méthodologies ne faisant pas appel en première instance à des technologies numériques. A ce titre, de nombreux verrous méthodologiques et technologiques sont encore à lever pour trouver le bon niveau de généricité des interfaces numériques participatives dans le champ culturel. Si des sites de configuration de projets de sciences participatives comme CitSci analysé dans l’étude induisent parfois un formatage excessif de la contribution, il est probablement nécessaire de prévoir beaucoup plus d’ajustements et d’aller-retour avec les contributeurs dans le contexte culturel. Cet enjeu d’accompagnement méthodologique, informatique et de design des projets est un défi majeur pour les plateformes d’amorçage de projets de recherche participative comme 65 Mo. Cadrage juridique et éthique Les questions juridiques qui se posent aux porteurs de projets de sciences participatives en recherche culturelle se déclinent dans deux dimensions : d’une part, la législation évolue (entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données en 2018 par exemple) du fait de l’évolution rapide des technologies, et d’autre part le franchissement de certaines frontières scientifiques et sociales confronte les chercheurs à des domaines juridiques nouveaux, tels que les questions liées à la propriété intellectuelle par exemple. Ces deux dimensions conjuguées donnent parfois lieu à des entremêlements de différentes législations ou, à l’inverse, à un vide juridique. Certains points d’attention élémentaires ont été listés et sont repris ci-dessous, sans viser l’exhaustivité. Les problématiques juridiques soulevées par les projets de sciences participatives dans le domaine de la culture sont de deux ordres essentiellement : celles liées aux données personnelles des participants dans le processus de participation (identification, coordonnées, géolocalisation…) et celles liées au contenu de leur contribution, lorsque celui-ci leur est personnel (patrimoine, langue, savoirs locaux), mais aussi porteur d’informations sensibles de type physique, opinion ou comportement, politique, etc.. Dans le domaine culturel, cette deuxième dimension est particulièrement présente et le domaine artistique pose des questions spécifiques liées à la création et à sa propriété. Ensuite, la singularité des sciences participatives en matière juridique révèle la contradiction qui peut exister entre les droits et libertés du participant via les données qu’il verse et dont il est l’auteur, et les impératifs liés à la nécessité de leur analyse immédiate ou reportée dans le temps. Les données devraient pouvoir être conservées « aussi longtemps que nécessaire », et éventuellement transférées à d’autres utilisateurs, chercheurs ou participants dans le cas d’une démarche d’analyse collaborative. Les porteurs de projets de sciences participatives du réseau Particip-Arc quant à eux expriment leur souci de ne pas porter atteinte aux libertés et aux droits des participants. Ils sont avisés et conscients de l’existence de dispositions légales et règlementaires, et ont connaissance des principaux textes ou principes, ainsi que de quelques textes spécifiques : Droits humains (Charte des droits de l’Homme des Nations Unies, Convention européenne des Droits de l’Homme) Règlement général sur la Protection des Données (RGPD) Propriété intellectuelle (CPI) Loi Informatique et Libertés Protocole de Nagoya (Convention sur la Diversité biologique) - Dewey J. (2010), Le public et ses problèmes, Trad. Joëlle Zask, Paris, Gallimard. Goëta, S. (2016), Instaurer des données, instaurer des publics, Thèse de doctorat en Sociologie, Paris, Télécom ParisTech, www.theses.fr/2016ENST0045, consulté le 30 juin 2019. 11 12 37 Le Règlement général sur la Protection des Données (RGPD)13 Le plus souvent, les porteurs de projets se prémunissent contre les problèmes de conformité à travers un contrat moral ou écrit avec les participants qui se traduit le plus souvent par une mention d’information des principaux éléments qui protègent les droits et les libertés de chacun : - Finalité de la collecte : participation à un projet de recherche - Utilisation des données obtenues : à des fins de recherche, utilisation non commerciale - Utilisateurs des données : chercheurs ou assimilés - Droit des personnes concernées - Durée de conservation des données Cependant, en matière de traitement à des fins de recherche scientifique, plusieurs principes du RGPD nécessitent de bénéficier d’une certaine adaptation. C’est la raison pour laquelle le texte leur prévoit un cadre particulier. Concernant la durée de conservation des données, le RGPD stipule normalement qu’une durée limitée doit être indiquée pour la conservation des données. En matière de recherche, il prévoit une dérogation en laissant la possibilité de conserver les données au-delà de la durée nécessaire pour atteindre la finalité de recherche (par exemple, au-delà de la durée d’un projet de recherche déterminé) du moment qu’elles sont ensuite conservées exclusivement pour être utilisées à des fins de recherche14 et pour autant que soient mises en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le RGPD afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée. Il est à noter que d’une façon générale, les chercheurs se réservent traditionnellement la possibilité de transmettre les données à d’autres chercheurs ou à d’autres institutions pour des besoins de fonctionnement de la recherche (collecte de données indirecte). Cette transmission indirecte de données est rendue possible dès lors que le participant est informé de cette possibilité au moment de la collecte initiale de ses données et au moment de la transmission indirecte de ses données. Néanmoins, le régime particulier applicable aux traitements à des fins de recherche scientifique prévoit que la collecte indirecte de données peut être loyale même en l’absence d’information des personnes concernées, si et seulement si le responsable de traitement est en mesure d’établir que sont caractérisés l’impossibilité, les efforts disproportionnés nécessaires pour informer les personnes, ou le fait que l’information des personnes compromettrait la réalisation des objectifs poursuivis par la recherche. Certains établissements de recherche ont aussi réalisé des « guides » qui détaillent « positivement » ces obligations.15 13 https://www.economie.gouv.fr/entreprises/reglement-general-sur-protection-des-donnees-rgpd JORF n°0288 du 13 décembre 2018 texte n° 5 Ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles et portant modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et diverses dispositions concernant la protection des données à caractère personnel. « Art. 4.-Les données à caractère personnel doivent être : « 1° Traitées de manière licite, loyale et, pour les traitements relevant du titre II, transparente au regard de la personne concernée ; « 2° Collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d'une manière incompatible avec ces finalités. Toutefois, un traitement ultérieur de données à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique, ou à des fins statistiques est considéré comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données, s'il est réalisé dans le respect des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 et de la présente loi, applicables à de tels traitements et s'il n'est pas utilisé pour prendre des décisions à l'égard des personnes concernées 14 15 http://www.u-plum.fr/actualites/467-fiches-pratiques-sur-le-reglement-general-pour-la-protection-des-donnees 38 Propriété intellectuelle Certains porteurs de projets de recherche participatifs du réseau Particip-Arc se protègent des dispositions prévues par la règlementation sur le droit d’auteur sur les données (ou propriété littéraire, artistique ou industrielle, domaine de la propriété intellectuelle) que les participants pourraient revendiquer, en mentionnant dès l’inscription du participant que les données recueillies par eux seront la propriété de l’établissement de recherche. Certains porteurs de projets placent les données sous licence « Creative Commons16». Enfin, le recueil de corpus oraux se fait via le consentement des personnes interrogées. Les porteurs de projets anticipent également le droit à l’image (qui fait appel à plusieurs corpus juridiques dont la propriété intellectuelle) en restreignant le plus possible les possibilités d’identification du participant. Commission nationale Informatique et Liberté (CNIL)17 Les porteurs de projets de sciences participatives dans le domaine culturel consultent les services de la CNIL qui proposent un certain nombre de focus sur les implications légales de certaines activités pouvant contrevenir aux droits et libertés des personnes, comme par exemple la mise en ligne d’archives à caractère personnel18. Un exemple de disposition spécifique : la Convention de Valette Il existe des conventions spécifiques à certains domaines de recherche, auxquelles les chercheurs concernés devraient se conformer. C’est le cas de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (Convention de Valette) (1992) 19 . Elle porte en particulier sur « les modalités de la collaboration à mettre en œuvre entre archéologues, urbanistes et aménageurs afin d'assurer la meilleure préservation possible du patrimoine archéologique. La convention formule des orientations sur le financement des travaux de fouille, de recherche et de publication des résultats obtenus. Elle traite également de l’accès du public, notamment aux sites archéologiques, et de l'action éducative à entreprendre pour que l'opinion publique prenne conscience de la valeur du patrimoine archéologique. » En l’état des réglementations en archéologie20, il existe des contraintes liées à la règlementation : une ouverture totale des données (de l’inventaire, Patriarche, etc.) devrait théoriquement être mise en œuvre, et les emprises respectives des différents partenaires (Directions régionales des Affaires culturelles, Service régional de l’archéologie, Unités de recherche et Universités, INRAP, autres établissements publics…) devraient être définies préalablement au projet. Ces dispositions théoriques semblent difficiles à envisager. Convention sur la diversité biologique – Protocole de Nagoya21 Le protocole de Nagoya (2014) prévoit le partage juste et équitable des avantages de l’accès aux ressources génétiques (article 5) et notamment les connaissances traditionnelles qui leurs sont associées, ainsi que les résultats de recherche et leur mise en valeur. Il prévoit également (article 23) un transfert de technologie, une collaboration et une coopération entre parties prenantes. Les chercheurs exerçant dans les pays où cette convention s’applique (par exemple, appartenant à l’UMR Paloc de l’IRD) sont particulièrement sensibles à ces dispositions. Considérations éthiques L’éthique fait référence à une morale et/ou à des valeurs et des règles de conduite que des communautés ou des professionnels veillent à se fixer, en particulier dans l’exercice de leurs fonctions, par lesquelles ils pourraient être placés en situation d’abus vis-à-vis d’autrui. Il existe un continuum entre les lois et les règles 16 https://creativecommons.org/. « Solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standard de leur pays, jugés trop restrictifs » (Wikipedia) 17 https://www.cnil.fr/ 18 https://www.cnil.fr/fr/archives-publiques-sur-internet-quelles-sont-les-donnees-personnelles-concernees 19 https://www.coe.int/fr/web/culture-and-heritage/valletta-convention 20 Articles L531-1, L531-5, L531-14, L531-16, L541-1, L541-5, L542-1, L542-3 du Code du Patrimoine 21 https://www.cbd.int/abs/doc/protocol/nagoya-protocol-fr.pdf 39 éthiques qui peuvent aboutir à des projets de lois (voir les décisions du Comité consultatif national d’éthique – CCNE). Les sciences participatives impliquent un contact avec des participants, et l’utilisation de technologies très performantes (traçabilité, enregistrement et stockage…) et automatisées. Elles représentent un risque d’atteinte aux libertés et aux droits légaux et humains des participants et de leurs productions, notamment lorsqu’il y a échange ou production de données. Au sein du réseau Particip-Arc, l’ensemble des partenaires ont fait état de leurs préoccupations éthiques, c’est-à-dire leur souci de prendre soin et d’expliciter les normes et conditions de production scientifique et d’utilisation des données. En cela, les professionnels analysent les dispositions de la loi et cherchent à anticiper d’éventuelles dérives des pratiques qu’ils engagent. Certain(e)s ont notablement approfondi par ailleurs leurs questionnements et les réponses à apporter dans le cadre spécifique de chaque projet. Il apparaît que chaque projet court des risques éthiques spécifiques et exige une réflexion collective propre. Des recommandations aux porteurs de projets sont formulées dans l’Annexe III. QUELLES SONT LES SPECIFICITES DES SCIENCES PARTICIPATIVES EN CULTURE ? L’un des objectifs du projet Particip-Arc, après avoir identifié et caractérisé la diversité des démarches participatives dans les recherches culturelles, consistait à interroger les spécificités des sciences participatives dans les recherches culturelles, qu’elles soient d’ordre scientifique, technique, social, juridique ou éthique. Rappelons les spécificités évoquées lors des discussions :  Les sciences participatives dans le domaine culturel se veulent transformatives. Elles revêtent toujours une pertinence sociale ou sociétale aussi importante que la pertinence scientifique : cette pertinence scientifique s’articule presque toujours avec des objectifs d’éducation, de sensibilisation, d’action sur les terrains ; les institutions et les scientifiques professionnels qui s’y investissent sont des acteurs impliqués dans des objectifs d’autonomisation des populations ; elles s’adressent le plus souvent à des communautés existantes ou en devenir.  La production des sciences participatives dans le domaine culturel fait émerger, par le recensement ou la création, de nouvelles connaissances et productions artistiques. Ces nouvelles formes peuvent mêler données brutes, reconnaissance de savoirs individuels ou propre à un groupe, mais aussi production sensible éventuellement collective. Elles pourraient permettre la création de nouvelles relations sociales entre participants et avec les scientifiques, ce qui apparait à certains comme un véritable résultat apporté par les sciences participatives.  Les sciences participatives dans le domaine culturel se caractérisent par une diversité extraordinaire, à tous points de vue : acteurs, méthodes, outils, temporalités, échelles géographiques, formats de données…  D’un point de vue juridique et éthique, les contenus des contributions seraient porteurs de davantage d’informations sensibles sur les participants (identité, opinion, comportement…). Dans le domaine de la création artistique, la question de la propriété intellectuelle est également spécifique. Les spécificités avancées ici sont-elles réellement absentes des autres domaines de sciences participatives ? Ou sont-elles seulement amplifiées à certains égards, dans certains projets et disciplines, comme il existe des particularités dans d’autres domaines ? Toutefois, au-delà des spécificités techniques ou de mise en œuvre, les débats ont mis en évidence la possible singularité des implications des sciences participatives dans le domaine culturel, dans les deux sens du terme : ce qu’elles révèlent de la situation dans laquelle elles émergent et se développent d’une part, et leurs conséquences sociétales et politiques d’autre part. 40 En ce qui concerne la situation dans laquelle elles émergent, on note, comme dans tout autre domaine de sciences participatives, l’existence chez les individus participants d’un intérêt pour l’objet ou pour la démarche proposée, une volonté de s’impliquer, parfois face à une urgence (disparition d’une langue ou d’une tradition, érosion de la biodiversité…) et à la nécessité d’avoir des données pour mettre en place une gestion spécifique. Dans certains domaines culturels, peut-être existe-t-il une autre particularité de départ : chaque individu est un représentant unique de l’objet de culture qu’il porte en lui, et chacun est porteur potentiel de capacités créatrices qui lui sont propres. Du point de vue des conséquences sociétales et politiques du développement des sciences participatives dans le domaine culturel, l’une des singularités relevées lors des débats consiste dans une plus grande initiative prise par des non-scientifiques-professionnels (motivations patrimoniales notamment) dans des domaines où la frontière entre recherche scientifique et recherche « amateure » est plus floue que dans les domaines de l’environnement par exemple. Le foisonnement d’initiatives observé pourrait à cet égard être vecteur de davantage de risques pour la robustesse scientifique des actions de recherche menées. 41 42 PARTIE 4 – PROSPECTIVE ET RECOMMANDATIONS Après l’état des lieux et l’analyse des effets du développement des sciences participatives dans le domaine culturel sur les scientifiques professionnels et sur leur relation aux participants et à la société en général, cette quatrième partie délivre les résultats d’une réflexion prospective, une synthèse des attentes des partenaires du réseau et les recommandations du réseau Particip-Arc au ministère de la Culture. REFLEXION PROSPECTIVE L’analyse prospective proposée consiste dans l’analyse de l’évolution passée et actuelle des situations organisationnelles, techniques, scientifiques et sociales et de leurs effets qui, conjugués, permettent d’identifier certaines tendances de la recherche culturelle et des sciences participatives à court, moyen et long terme. L’analyse de l’évolution des situations a été menée avec l’ensemble des partenaires du projet Particip-Arc au cours des débats et de différents ateliers. Un groupe de travail a travaillé spécifiquement sur la question de l’évolution de la recherche (Annexe V). Trois dimensions sont considérées pour appréhender l’évolution probable des sciences participatives dans le domaine de la culture : - le fonctionnement de la recherche académique au niveau national et international, l’émergence ou le développement de demandes individuelles ou de groupes sociaux, la politique culturelle à l’échelle nationale, régionale et locale. La recherche académique : orientations et fonctionnement Orientations actuelles de la recherche au niveau national et international sur la question de la participation Au niveau national, il apparaît que la participation de non-scientifiques-professionnels dans les processus de construction des savoirs fait parfois l’objet d’un soutien de la part d’institutions ou d’établissements de recherche, et en particulier de la part des organismes ayant une expérience ancienne de la collaboration avec des nonspécialistes et/ou non-professionnels. Les domaines dans lesquels les sciences participatives ont été développées et leurs apports attestés (anthropologie, musicologie, archéologie, Inventaire général du patrimoine culturel…) parviennent généralement à encourager l’approche participative et ses méthodes, au moins sur un plan conceptuel. A contrario, en archéologie par exemple, l’évolution de la règlementation tend à compliquer la participation des amateurs. Dans des domaines où la participation est moins développée (communication, traitement automatique des langues…), certains chercheurs évoquent un encouragement faible, l’absence de financements ou de dispositions spécifiques dans les appels à projets qui permettraient son développement. Au niveau européen, les appels du programme de travail « Science avec et pour la Société » (Science With And For Society – SWAFS, 2018-2020) dans le cadre du programme de financement de la recherche et de l’innovation Horizon 2020 (2014-2020) ont identifié comme objectif, d’« explorer et encourager les sciences participatives » : créer de nouveaux modes d’interaction, consolider et étendre le savoir basé sur les sciences participatives. Le programme Horizon Europe (2021-2027) qui lui succède inscrit les sciences participatives dans le cadre plus large de la science ouverte sans les mentionner explicitement : il promeut « une démarche d’élaboration ouverte et participative » à travers les axes (piliers) de science ouverte et d’innovation ouverte, pour un plus grand rapprochement entre la science et les citoyens. 43 Evolution du fonctionnement de la recherche académique : quelle place pour la participation ? Tout d’abord, la reconnaissance scientifique de la qualité des travaux d’un chercheur à travers ses publications intervient à différents niveaux : institutionnel et national (HCERES22), international (reconnaissance par les pairs, publication) et à différents rythmes selon le domaine de connaissance. Cependant, la bibliométrie et ses différents indicateurs (impact de la recherche, production…) sont devenus un critère clé de l’évaluation du chercheur, ce qui a suscité une accélération du rythme de la publication chez les chercheurs tant dans les sciences dites exactes que dans les sciences humaines et sociales. A différentes étapes de sa carrière, un chercheur peut de moins en moins risquer une déperdition de temps liée à une évolution aléatoire de son projet de recherche telle qu’elle existe dans les sciences participatives. Par ailleurs, le financement sur appels à projets (ANR 23 , projets européens…) incite peu au partage d’expérience, mais davantage à la concurrence entre consortiums de recherche. Cette dynamique est peu favorable au décloisonnement des laboratoires de recherche et à la dissémination des pratiques éprouvées et vertueuses et n’encourage pas suffisamment les démarches participatives. Evolution des revendications sociétales Depuis les années 1990, avec l’émergence dans l’agenda politique national et européen de la « gouvernance » notamment sur des questions environnementales et sanitaires, puis le développement d’outils participatifs dans les années 2000 (Commission Nationale du Débat Public…), l’expression d’une volonté de participer n’a cessé de croitre, ou plus exactement l’injonction à la participation est plus forte et les vertus conférées à celle-ci sont mises en avant. Dans plusieurs domaines, notamment l’aménagement du territoire et l’environnement, la participation des citoyens est inscrite dans la loi. Participation à la décision, aux choix politiques ou de financement, accès pour tous aux objets, aux lieux et aux débats culturels et scientifiques, cette volonté semble s’exprimer régulièrement à travers le monde associatif, bien que la sociologie de cette « demande de participation » soit encore à interroger et à caractériser. Des chercheurs du GIS Démocratie et Participation24 se sont saisis de ces questions ainsi que la Fondation de France à travers différents appels à projets. Ces demandes de participation se sont amplifiées depuis fin 2018 à travers le mouvement des « Gilets jaunes », dont les caractéristiques profondes restent à déterminer, mais qui est assimilé davantage à un ensemble de volontés individuelles d’être associé à la vie et aux décisions politiques qu’à un mouvement social unitaire. Outre cette volonté de participer davantage et d’être mieux informé, se dessine çà et là la revendication que les savoirs locaux ou situés soient mieux reconnus, parallèlement au savoir académique. Ces demandes ont été reprises notamment par l’IPBES25 qui reconnait l’importance des savoirs locaux dans les questions de biodiversité. Evolution des politiques culturelles à l’échelle nationale et locale sur la question de la participation Un enjeu central en matière de prospective, concernant les sciences participatives dans le domaine culturel, réside dans les capacités des démarches participatives à contribuer à la définition et à la mise en œuvre des politiques culturelles nationales : contribuer à l'identification, la reconnaissance, la protection et la conservation du patrimoine, réduire des inégalités dans les accès à la culture en collaborant avec les collectivités territoriales, en promouvant le développement artistique... Les échelons territoriaux (régions, départements, communes) sont des acteurs clés du développement culturel et ils participent souvent à son dynamisme via notamment des financements dédiés. Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, autorité administrative indépendante française chargée de l’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche publique 23 Agence française de financement de la recherche sur projets 24 GIS Démocratie et Participation : https://www.participation-et-democratie.fr/ 25 Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques est un groupe international d'experts sur la biodiversité 22 44 Plusieurs travaux sur les initiatives et les retombées locales en termes de développement culturel font état de la capacité des dispositifs de sciences participatives à contribuer à la mise en œuvre des politiques culturelles, parallèlement aux dispositifs participatifs non scientifiques (crowdfunding, musées locaux27, lieux intermédiaires, création artistique collaborative…). D’un autre côté, comme cela a été dit, la prise en considération, par les institutions et collectivités territoriales en charge des politiques culturelles, des approches participatives dans leurs orientations est un véritable choix. Les partenaires du réseau Particip-Arc, acteurs de terrain, témoignent de leur volonté de s’y investir, de leur disponibilité et de leur enthousiasme. La question du sens et de la pertinence Si un certain engouement scientifique voire politique est observé pour les sciences participatives, dans le cadre plus large du développement de la participation du public dans tous les domaines, la qualité et le succès du projet tiennent dans son sens et sa pertinence : avancées scientifiques (élargissement des questionnements, des possibilités de recueil de données d’un point de vue quantitatif et qualitatif…), retombées des résultats scientifiques sur la société, sensibilisation des participants à la démarche scientifique ou mobilisation sur le partage, l’étude et la préservation de l’objet de la recherche (une langue, un patrimoine, une mémoire…). Il apparaît que la dimension culturelle induit presque toujours un « concernement » par au moins une partie des publics participants. Les partenaires du réseau Particip-Arc formulent le souhait que les projets se développent dans le sens d’un engagement croissant de nouveaux acteurs et de nouvelles communautés, au-delà des publics déjà actifs. Quelles évolutions pour les sciences participatives dans les domaines culturels ? Etant donnés les contextes décrits ci-dessus, quelles sont les évolutions prévisibles et probables des sciences participatives dans les domaines culturels ? Quels pourraient être les développements potentiels ? L’examen des forces, faiblesses, opportunités et menaces des sciences participatives dans le domaine culturel permet de cerner les tendances actuelles. 26 Par exemple, concernant l’Inventaire participatif du patrimoine : « Nouvelle stratégie régionale d’inventaire du patrimoine culturel – Comment forger un regard commun sur nos héritages pour construire la société de demain » : rapport du Service de l’Inventaire du patrimoine culturel au Conseil régional de Bretagne, session de décembre 2018. https://www.bretagne.bzh/upload/docs/application/pdf/2018-12/nouvelle_strategie_dinventaire_2018.pdf 27 Le Séminaire de Muséologie de l’Institut de Recherche et d’Innovation (IRI) organisé en 2018 avec le soutien du DREST a permis d’explorer les dynamiques de recherche participative et contributive dans le champ des musées. Quatre effets de levier ont guidé autant la conception que les réflexions de ce séminaire : 1) Une question initiale appliquée au musée : « comment créer, entretenir et pérenniser une communauté fondé sur la contribution ou la participation ? » ; 2) Le travail d’Hugues de Varine sur l’Initiative communautaire et sa proposition d’une Nouvelle muséologie des territoires, qui offraient des réponses à cette question première ; 3) Issue du séminaire de l’année passée, l’ambition de créer un pont entre les enjeux de la muséologie et les dynamiques citoyennes émergeant des Lieux Intermédiaires et Indépendants (LII) ainsi que des mouvements de repaysannisation ; 4) Légitimant cette ambition, l’appel de Jean-Louis Tornatore à « redimensionner la question du patrimoine sous les topiques de l’héritage, du vivant et des communs ». Les réflexions de ce séminaire sont parties autant d’éléments théoriques que d’expériences concrètes menées ou amenées par les participants. Des propositions d’ordre opérationnel ont également été faites dans le sens de dispositifs d’expérimentation muséale. Elles ont été discutées au travers des échanges, particulièrement durant la journée d’ateliers en auto-organisation. Programme et synthèse du séminaire http://iri.tw/musees. 45 Forces  Diversité des formes et des épistémologies Les sciences participatives, en particulier dans la recherche culturelle, connaissent un essor considérable ; autant de formes de participation que de définitions (recherche-participation-culture) et de projets existent actuellement. Il est fort probable que ces développements se poursuivent dans le sens d’une diversité de plus en plus grande.  Vif intérêt des chercheurs, émulation La curiosité scientifique ou individuelle des professionnels investis ou souhaitant s’investir n’est que rarement déçue, et ceux qui se sont prêtés à l’exercice souhaitent poursuivre et développer d’autres projets, entraînant avec eux collègues et institutions.  Développements techniques rapides pour les données et la communication Les métiers et les technologies associées aux sciences participatives connaissent un développement constant et important, ainsi qu’une certaine normalisation des procédés et des référentiels. Des outils complexes sont de plus en plus accessibles et chaque citoyen équipé d’un ordinateur ou d’un smartphone est un collaborateur potentiel.  Nouveaux champs de recherche inaccessibles autrement Les sciences et les recherches participatives permettent l’accès à des savoirs détenus par des participants ou démultiplient les capacités d’observation. Faiblesses  Cloisonnement des organisations L’un des obstacles à un développement des sciences participatives dans le champ culturel est le cloisonnement des acteurs, des institutions et des systèmes alors même que les sciences participatives exigent de nombreuses compétences, ressources techniques et acteurs d’interface. Manque de communication, ignorance des projets voisins, mais aussi incompatibilité des systèmes sont autant de causes de ralentissement voire de reproduction des mêmes erreurs par des professionnels différents.  Incertitude accrue sur l’évolution des projets et la capacité à publier rapidement La plupart des projets analysés dans le réseau Particip-Arc se caractérisent par leur relative imprévisibilité liée à la nécessité de construire un projet commun, partagé par l’ensemble des acteurs bien qu’ils ne possèdent pas les mêmes langages, connaissances et expériences : il existe un problème de temporalité inhérent au montage d’un projet participatif (outils, animation, communication, identification de relais, processus de validation des données…). Le problème est accru lorsque le professionnel escompte une participation virtuelle importante. Les aspects communicationnels sont décisifs. Cette difficulté freine souvent des chercheurs qui ont besoin de publier rapidement leurs travaux, en début de carrière par exemple.  Difficultés à se former sur le plan organisationnel, technique, juridique Les professionnels perçoivent rapidement qu’ils doivent acquérir de nouvelles compétences ou du moins y être sensibilisés, mais l’offre de formation est encore faible et le professionnel doit souvent expérimenter ou chercher à se former seul. 46 Opportunités  Engouement sociétal pour la participation dans tous les domaines (démocratie, gestion, conservation, culture, science…) Ce point mériterait toutefois d’être approfondi, ne serait-ce que concernant les caractéristiques sociales de cet engouement, et il nécessite de différencier aspiration et réalité. Néanmoins, le mouvement général de recours à la participation de la part des institutions ou à l’initiative des citoyens eux-mêmes est une réelle opportunité pour les sciences participatives.  Reconnaissance scientifique des apports des sciences participatives dans certains domaines Certains domaines ont apporté la preuve des avancées scientifiques permises par les sciences participatives et des opportunités qu’elles permettent.  Maturité (densité, qualité, fiabilité) des bases de données nationales du patrimoine culturel ainsi que des méthodes et principes d'analyses scientifiques éprouvées par les communautés scientifiques Cette maturité permet de penser et de fonder la justification et l’innovation dans les sciences participatives.  Contrepoint à la « marchandisation » des pratiques culturelles par les principaux acteurs du web 2.0 Considérée par les partenaires comme une démarche pour le bien commun, les sciences participatives sont une pratique vertueuse de la relation à l’objet culturel, au patrimoine, à l’art, à la science  Pertinence particulière des sciences participatives dans la recherche culturelle, dans la relation du citoyen à la culture Menaces  Risque de confusion entre recherche et autres dispositifs participatifs Les démarches participatives foisonnent ainsi que cela a été dit plus haut, et certaines se revendiquent d’une démarche scientifique qu’elles n’appliquent pas en réalité. Les institutions scientifiques doivent rester garantes de la scientificité des démarches dites de « sciences participatives ».  Une participation systématisée et mal définie Une participation devenue systématique (non pertinente) ou mal définie pourrait être la source d’effets pervers du type banalisation, désintérêt, marchandisation ou instrumentalisation de la participation. Cela mettrait également à mal le statut du chercheur. Une réflexion sur l’opportunité des sciences participatives et sur leur éthique doit être mise en place sur la base de la charte des sciences participatives existante28.  Réticences institutionnelles et manque de reconnaissance Si certains domaines ont réussi à assoir les sciences participatives dans le paysage de la recherche, grâce à une expérience large de la collaboration avec les non-scientifiques-professionnels, le développement de moyens adéquats et une bonne culture de la pluridisciplinarité, certains domaines 28 https://inra-dam-front-resources-cdn.wedia-group.com/ressources/afile/403674-cf7ac-resource-charte-francaisedes-sciences-et-recherches-participatives.pdf 47 connaissent encore les réticences de leurs institutions qui perçoivent la complexité de la démarche et le temps long qui les sépare d’une robustesse des procédés. Il en découle un manque de soutien voire de reconnaissance des professionnels souhaitant s’investir, de la part de leur institution de tutelle. Un effort important de pédagogie ou de formation doit être fait pour permettre aux responsables institutionnels, mais également aux décideurs politiques, de comprendre la démarche et la plus-value des sciences participatives. Un ou des centres de ressources reconnus permettraient une montée en compétence plus rapide des porteurs de projets, ainsi que l’assurance d’un accompagnement par des métiers peu présents (exemple des développeurs ou animateurs).  Manque de financements dédiés Le caractère participatif d’un projet de recherche a parfois fait l’objet d’une exigence dans certains appels à projets. Cela a pu entraîner la qualification de « participatif » pour des projets qui ne l’étaient pas réellement. En outre, les évaluateurs de projets devraient bénéficier spécifiquement d’une formation à la participation en science pour mieux discriminer les projets. La plus-value apportée par la participation dans un projet de recherche, lorsqu’elle est réelle, devrait être sérieusement valorisée au titre d’une méthodologie originale et performante. De fait, les projets participatifs ont des coûts associés (outils, communication…) et une temporalité plus longue qui rend parfois plus difficile leur intégration dans les appels à projets. INTERNE POSITIF NEGATIF FORCES FAIBLESSES  Diversité des formes et des épistémologies  Vif intérêt des chercheurs, émulation  Développements techniques rapides pour les données et la communication  Nouveaux champs de recherche inaccessibles autrement  Cloisonnement des organisations  Incertitude accrue sur l’évolution des projets et la capacité à publier rapidement  Difficultés à se former sur les plans organisationnels, techniques, juridiques OPPORTUNITES  EXTERNE     MENACES Engouement pour la participation dans tous les domaines (démocratie, gestion, conservation, culture, science…) Reconnaissance scientifique des apports des sciences participatives dans certains domaines Maturité (densité, qualité , fiabilité) des bases de données nationales du patrimoine culturel Contrepoint à la « marchandisation » des pratiques culturelles par les principaux acteurs du web 2.0 Pertinence particulière des sciences participatives dans la recherche culturelle     Risque de confusion entre recherche et autres dispositifs participatifs Une participation systématisée et mal définie Réticences et manque de reconnaissance institutionnelle dans les institutions Manque de financements dédiés Synthèse des forces, faiblesses, opportunités et menaces des sciences participatives en recherche culturelle 48 Conclusion sur la prospective Il apparaît que la multiplication des initiatives et des programmes de recherche aura probablement pour effet un développement continu et diversifié du nombre de projets et une mobilisation accrue des populations. Il est avéré que les sciences participatives, dans certains domaines, constituent un apport important pour la recherche scientifique, la conservation des patrimoines et la promotion culturelle, comme la création artistique. La participation des non-scientifiques-professionnels à la science est maintenant reconnue comme une méthodologie pertinente. Néanmoins, l’explicitation des processus et leur mise en place buttent souvent sur le cloisonnement des compétences (et donc l’incapacité à produire du savoir collectif) et la privatisation croissante des plateformes numériques de traitement des données. Il convient donc de renforcer les moyens publics dédiés aux projets transdisciplinaires, participatifs et fondés sur des instruments et plateformes transparents et évolutifs. Il n’est pas question, dans l’attente d’une meilleure explicitation des protocoles et des outils, d’une mansuétude vis-à-vis des chercheurs et des professionnels qui, s’investissant dans les sciences participatives, auraient des résultats de plus faible qualité ou quantité et des retards à la présentation de leurs résultats, ou des problématiques financières spécifiques. Il s’agit de mieux accompagner les porteurs de projets pour les aider à améliorer le niveau scientifique, la qualité culturelle ou l’impact social de leur projet, sur les plans organisationnels, de formation, juridiques, techniques, afin qu’ils accèdent rapidement à une pratique efficace et reconnue comme telle, pour un bénéfice scientifique et sociétal accru, une meilleure relation science-société, une meilleure mobilisation des citoyens, une politique culturelle plus pertinente et plus égalitaire. SYNTHESE DES ATTENTES CONCRETES DES PARTENAIRES DU RESEAU PARTICIP-ARC La diversité de domaines et de pratiques est grande, mais les questions sont communes : - Comment faire reconnaître l’importance, la qualité, la validité des travaux participatifs ? Comment identifier les financements, les voies de publication et la reconnaissance des personnels impliqués dans les travaux ? Vers qui se tourner pour définir les besoins techniques et recruter les compétences nécessaires ? Comment identifier les initiatives existantes, les projets ou les outils afin de partager des connaissances et compétences ? Comment lever les obstacles liés au cloisonnement des organisations, aux limitations techniques des systèmes informatiques ? Comment faire connaître son projet ? Besoin d’échanges entre professionnels Les partenaires du réseau Particip-Arc expriment un vif besoin d’ouverture aux pratiques mises en œuvre par d’autres chercheurs dans d’autres domaines (y compris éloignés) pour un apprentissage mutuel, la construction d’un référentiel et d’un vocabulaire communs et partagés, l’enrichissement des réflexions d’ordre épistémologique, une plus grande capacité d’innovation et des partenariats féconds (transdisciplinarité). Besoin de ressources et d’accompagnement : perpétuer une dynamique d’échanges entre les professionnels amorcée par le projet Particip-Arc Les partenaires du souhaitent bénéficier non seulement de ressources pour des questions techniques, numériques, juridiques, éthiques, mais aussi d’un accompagnement qui leur permette de donner de la densité aux projets, et ainsi de lever les barrières trop lourdes aux différents stades de leur développement. Les obstacles sont notamment liés à l’impréparation, au sentiment d’isolement et au cloisonnement des institutions. Le projet 65 Millions d’observateurs, devenu le Centre pour les Sciences participatives du Muséum, a à cet égard fait l’objet de plusieurs présentations, explications et projections. 49 Le besoin de formation est fort, qu’elle soit formelle (formations au numérique, formation à la communication), ou plus informelle, au contact des pairs dans le cadre d’un réseau. Besoin de visibilité auprès des institutions Les partenaires investis dans la recherche culturelle et les sciences participatives aspirent à une visibilité accrue auprès de leurs institutions, mais aussi auprès des échelons locaux. Les collectivités sont particulièrement ciblées : leur échelle est pertinente, certaines (régions) exercent la compétence de recherche et d’innovation et des projets de recherche participatifs pourraient contribuer à accroître le développement du territoire tout en promouvant la démarche scientifique (science ouverte) et les cultures matérielle et immatérielle locales. 50 RECOMMANDATIONS DU RESEAU PARTICIP-ARC AU MINISTERE DE LA CULTURE Le réseau Particip-Arc et ses partenaires, à l’issue de la période de 18 mois consacrée au projet, énoncent les recommandations suivantes au ministère de la Culture. Se référer également aux travaux du groupe de travail sur les outils de structuration des acteurs (Annexe II). AIDER LES ACTEURS DE LA RECHERCHE CULTURELLE A S’ORGANISER ENTRE EUX I. Nous recommandons au ministère de la Culture de reconnaître les sciences participatives comme une discipline pertinente à adosser à la recherche culturelle et préconisons 5 principes fondamentaux afin de mieux organiser leur entrée dans les domaines culturels :  L’identification et la reconnaissance d’une communauté ou/et d’un réseau permettant de se compter, d’adhérer à la démarche, et d’avoir une liste de diffusion  La circulation des expériences, des pratiques, des savoirs participatifs à tous les niveaux (signalisation de tous les projets faits ou émergents – cartographie possible à l’échelle européenne, nationale, territoriale)  La mutualisation interministérielle des outils (notamment : veille juridique sur le monde participatif ; lieu ouvert pour les offres/demandes des projets participatifs ; base de données ; formations…)  La reconnaissance de différentes temporalités : temps long de la recherche (temps/homme), temps des données et de leur pérennisation  L’accès à la formation aux sciences participatives (formation initiale et formation continue, formation dans le parcours étudiant...) Nous recommandons : 1. L’écriture d’une charte, texte fondateur et fédérateur, des « Sciences participatives et recherches culturelles » permettant de se reconnaitre, ou pas, dans cette approche, d’en dessiner les contours (échelles, sujets, niveau qualitatif). La charte pourrait rendre effective la proposition d’un label ; 2. Le prolongement de l’animation du réseau Particip-Arc dont l’appétence à travailler ensemble n’est plus à démontrer, en revendiquant l’éclectisme des participants comme valeur première ; 3. La reconnaissance par les ressources humaines du temps dédié au travail en mode participatif (animation de la communauté, montage du projet, suivi, …) des responsables et acteurs de projets participatifs dans la fiche de poste ; 4. L’ouverture d’un lieu, d’un espace virtuel ou réel dédié à l’accueil bienveillant des différents projets, aux propositions citoyennes sur la recherche culturelle et les sciences participatives ; 5. La présence d’un réfèrent « Recherches culturelles et sciences participatives » au sein des structures. 51 II. FACILITER LE DEVELOPPEMENT DES SCIENCES PARTICIPATIVES AUPRES DES PUBLICS Les bénéfices du développement des sciences participatives à bon escient dans le domaine culturel sont avérés : elles enrichissent la science, le chercheur dans sa démarche, le participant et sont vectrices de mobilisation sur des enjeux de conservation, de diffusion des connaissances, de développement des relations sciences-société en général. Pour faciliter le développement des sciences participatives auprès des publics, il semble nécessaire d’intervenir auprès des différentes parties prenantes (professionnels de la culture et de la recherche, réseaux d’acteurs locaux). L’objectif est d’améliorer leur connaissance et leur compréhension des finalités et méthodes des sciences participatives. Il convient d’intégrer également très en amont des projets de sciences participatives les réseaux d’acteurs locaux et une évaluation continue. Nous recommandons au Ministère la mise en place de cinq démarches pour mettre en œuvre cette ambition : 6. La réalisation d’un plan de formation continue aux finalités, méthodes et outils pratiques (plateforme, kits d’animation…) des sciences participatives dont les modules seront proposés aux responsables des institutions culturelles accueillant du public, porteurs de projets et programmateurs, conservateurs, médiateurs culturels et artistes. Cette démarche devra être étendue à l’Education nationale et aux écoles doctorales. 7. La reconnaissance des sciences participatives comme une nouvelle pratique culturelle en les intégrant dans la démarche du Musée du XXIème siècle pour renouer le lien avec certains publics, en favorisant la démarche de recherche-création avec les artistes, en permettant l’intégration de problématiques de territoires diversifiés à des projets de recherche. 8. Le soutien à la création de temps forts et d’espaces d’offre et demande sur les projets de sciences participatives dans les territoires pour informer et mobiliser sur ces démarches autour d’exemples concrets. 9. Le financement de thèses de doctorat sur les sciences participatives, notamment pour étudier leur impact sur les écosystèmes locaux et la production et le partage de connaissances. III. AFFECTER UTILEMENT LES FINANCEMENTS DEDIES AUX SUBVENTIONS ET AUX APPELS A PROJETS Pour affecter utilement les financements, nous recommandons au ministère : 10. L’intégration de différents items en tant que critères de validation de financements des projets de sciences participatives : mobilisation de réseaux locaux de diffusion et d’animation (bibliothèques, centres culturels, mairies, associations, etc.) ; reconnaissance et la valorisation de la participation des publics et contributeurs. 11. De favoriser la pluridisciplinarité dans les appels à projets, le croisement des métiers et des compétences afin de garantir leur faisabilité, notamment : community manager, web designer, architecte logiciel, bêta testeur, administrateur système, développeur… 12. Le financement d’une plateforme numérique opérationnelle de mise en relation de projets participatifs proposant des points de références, des outils et une cartographie des ressources humaines et techniques disponibles. Cette plateforme doit également intégrer des fonctionnalités de lancement de projets 52 participatifs, sur la base fonctionnelle de l’infrastructure développée dans le cadre du projet « 65 Millions d’Observateurs » par exemple. 13. De favoriser non seulement le financement des infrastructures mutualisées (prévoyant gestion, modélisation, mapping, ouverture de données, formats ouverts, ontologies, plateformes collaboratives…) mais aussi la maintenance et la pérennisation des plateformes hébergées par les différents acteurs. 14. De faciliter la multiplicité des sources de financement pour le montage de projets et de proposer des compléments de financement pour le volet participatif y compris des ressources pour le développement des plateformes et la gestion des communautés. IV. AIDER LES SCIENCES PARTICIPATIVES A PESER DANS LA RECHERCHE AUJOURD’HUI 15. Démontrer la plus-value des démarches participatives pour aider les acteurs de la recherche à se les approprier, en insistant notamment sur leurs bénéfices (nouveaux champs de recherche, données nouvelles, ouverture sur la société) et à travers des études comparées de recherches avec et sans participation. 16. Encourager les établissements de recherche, agences de financement (ANR, commission européenne…) à inscrire la participation dans les documents de stratégie. 17. Donner une plus grande visibilité aux recherches participatives, via une signalétique et une cartographie des projets participatifs pour aider le participant potentiel comme le chercheur à se repérer. 18. Inciter le HCERES et les universités et le CNRS à prévoir l’évaluation de la qualité et de la plusvalue de la participation dans les indicateurs d’évaluation des recherches. 19. Systématiser l’origine participative ou non participative des données publiées (Data papers…) 53 LISTE DES PARTICIPANTS D’APPARTENANCE ET INSTITUTIONS Environnement Dominique Guillaud MNHN IRD, PALOC, UMR 208 Marc Pignal MNHN Département Origines et Evolution, UMR 7205, Phanérogamie Innovation technologique, Musées Victor Drouin-Leclerc IRI - Institut de Recherche et d'Innovation Vincent Puig IRI - Institut de Recherche et d'Innovation Web, Numérique, Communication Lisa Chupin IRI - Institut de Recherche et d'Innovation / Université Paris Descartes Marta Severo Université Paris Nanterre, DICEN -IDF (EA 7339) Musique et informatique David Auber Frédéric Bevilacqua Myriam Desainte-Catherine Guillaume Pellerin Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique, LaBRI, UMR 5800 CNRS IRCAM, UMR STMS Ircam-CNRS-UPMC 1 Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique, LaBRI, UMR 5800 CNRS IRCAM, UMR 9912 CNRS Patrimoine Ghislaine Glasson Deschaumes Françoise Lemaire Université Paris Nanterre - Labex Les Passés dans le présent Rosine Lheureux Archives nationales Benoist Pierre Université François-Rabelais de Tours - Centre d’études supérieures de la Renaissance (CESR) - UMR 7323 MNHN, Centre de Recherche sur la Conservation Véronique Rouchon Archives nationales Virginie Serna Ministère de la Culture, Mission de l'Inventaire général du Patrimoine Culturel, Direction générale des patrimoines, Paris. Architecture Gwendoline l'Her Daniel Siret Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Nantes, UMR 1563 CNRS Ambiances Architectures Urbanités (AAU) Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Nantes, UMR 1563 CNRS Ambiances Architectures Urbanités (AAU) Archéologie Rose-Marie Arbogast Université de Strasbourg, Misha, UMR 7044 Archimede Loup Bernard Université de Strasbourg, UMR 7044 Archimede Jean-Pierre Girard Projets Truelles & Pixels (CNRS, FR3747 Maison de l'Orient et de la Méditerranée) et HyperThésau (Labex IMU, UMR 5133 Archéorient) Culture scientifique Bruno Dosseur François Millet Le Dôme - Relais d’sciences, Centre de culture scientifique et technique de Normandie Le Dôme - Relais d’sciences, Centre de culture scientifique et technique de Normandie Art Musique Image Peter Sinclair Ecole supérieure d'Art d'Aix, UMR PRISM 54 Nicolas Darbon Aix-Marseille Université, CNRS, UMR PRISM Denis Laborde EHESS, Centre Georg Simmel Linguistique Philippe Boula de Mareuil CNRS, LIMSI Karën Fort Sorbonne Université - EA STIH Bibliothèques Emmanuelle Bermès Bibliothèque nationale de France, BnF Chloé Besombes MNHN, Direction des bibliothèques et de la documentation Gildas Illien MNHN, Direction des bibliothèques et de la documentation Cécile Quach Bibliothèque nationale de France – BnF, Gallica studio Coordination Frédérique Chlous MNHN, Département Homme et Environnement Marie Delannoy MNHN, Département Homme et Environnement, CESCO, UMR 7204 Anna Echassoux MNHN, Département Homme et Environnement Romain Julliard MNHN Département Homme et Environnement, CESCO, UMR 7204 Ministère de la Culture Astrid Brandt-Grau DREST, Ministère de la Culture Meriem Hameg DREST, Ministère de la culture Sonia Zillhardt DREST, Ministère de la Culture Missions Publiques Erwan Dagorne Consultant, Missions Publiques Yves Mathieu Co-Directeur, Missions Publiques 55 LISTE DES ABREVIATIONS ANR : Agence nationale de la Recherche BnF : Bibliothèque nationale de France CCNE : Comité consultatif national d’éthique CESCO : Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation du MNHN CNIL : Commission nationale informatique et liberté CNRS : Centre national de la Recherche scientifique CPI : Code de la Propriété intellectuelle DICEN IDF : Laboratoire Dispositifs d'information et de communication à l'ère numérique – Paris, Île-de-France DREST : Département de la Recherche, de l’Enseignement supérieur et de la Technologie du ministère de la Culture EA STIH : Équipe d'accueil 4509 Sens Texte Informatique Histoire, Sorbonne Université EHESS : Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ENSA : Ecole nationale supérieure d’Architecture ESA : Ecole supérieure d’Art FPH : Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme GAFAs : Désignation des principales industries numériques et WEB : Google, Apple, Facebook, Amazon GIS : Groupement d’intérêt scientifique HCERES : Haut Conseil de l'évaluation de la Recherche et de l'Enseignement supérieur INRAP : Institut national de Recherches archéologiques préventives IPBES : Plateforme internationale pour la Biodiversité et les Services écosystémiques IRCAM : Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique IRD : Institut de Recherche pour le développement IRI : Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou LIMSI : Laboratoire d'Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l'Ingénieur MNHN : Muséum national d’Histoire naturelle ONG : Organisation non gouvernementale Paloc : UMR Patrimoines locaux, IRD RGPD : Règlement général sur la Protection des Données SWAFS : Appels Science with and for Society du programme européen Horizon 2020 UMR : Unité mixte de recherche 56 POUR ALLER PLUS LOIN PROJETS DES PARTENAIRES DE PARTICIP-ARC Site du projet Particip-Arc : https://www.participarc.net/ ARCHEOLOGIE Arkeogis : http://arkeogis.org/ Truelles et Pixels https://www.truelles-pixels.mom.fr/ COMMUNICATION Institut de recherche et d’innovation du centre Pompidou : https://www.iri.centrepompidou.fr/ ; Projets : https://www.iri.centrepompidou.fr/experimentations/joconde-lab/?lang=fr_fr; https://www.iri.centrepompidou.fr/experimentations/social-media/?lang=fr_fr; https://www.iri.centrepompidou.fr/outils/telecharger-fichier-ligne-de-temp/?lang=fr_fr CREATION ARTISTIQUE Musicologie : http://locusonus.org/locustream/#pd, http://locusonus.org/soundmap/051/ Cosima : http://cosima.ircam.fr/ PATRIMOINES Centre d’étude supérieure de la Renaissance : https://renaissance-transmedia-lab.fr/ ; https://cesr.univtours.fr/centre-d-etudes-superieures-de-la-renaissance/centre-d-etudes-superieures-de-la-renaissance50498.kjsp Inventaire général du Patrimoine Culturel (Ministère de la Culture) : http://www.inventaire.culture.gouv.fr/ ; En Bretagne : http://patrimoine.bzh/ Labex Les Passés dans le Présent : http://passes-present.eu/ UMR Paloc-IRD : www.paloc.fr/fr ARCHIVES NATIONALES Archives nationales : https://archivnat.hypotheses.org/; Projets : https://testaments-de-poilus.huma-num.fr/#!/; Réseau territorial des Archives : https://francearchives.fr/fr/article/26288084 ENVIRONNEMENT Les Herbonautes : http://lesherbonautes.mnhn.fr/ Vigie Nature : http://www.vigienature.fr/fr Centre de recherche sur la conservation : http://crc.mnhn.fr/ LINGUISTIQUE Syntaxe en dépendance : https://zombilingo.org/ Atlas sonore des langues de France : https://atlas.limsi.fr/ URBANISME https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01712477 https://aau.archi.fr/laboratoire-aau/ PATRIMOINES 57 Festival Turfu : https://turfu-festival.fr/ BIBLIOTHEQUES MNHN : http://bibliotheques.mnhn.fr/medias/medias.aspx?INSTANCE=EXPLOITATION Gallica Studio : http://gallicastudio.bnf.fr Gallica (BnF) : https://gallica.bnf.fr/ MINISTERE DE LA CULTURE http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Connaissance-des-patrimoines/Thematiques-de-recherche/Patrimoine-etsociete/Patrimoines-et-dispositifs-participatifs-videos/Session-1-La-participation-dans-le-domaine-du-patrimoineune-longue-histoire/Participez-!-.-Imperatif-present-et-autres-conjugaisons-contemporaines-du-patrimoine HUMA-NUM, TGIR pour les sciences humaines et sociales : https://www.huma-num.fr/presentation/reseau MISSIONS PUBLIQUES : https://missionspubliques.org/ 58 BIBLIOGRAPHIE Beck U., 1986. 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