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Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842

2009, Annales historiques de la Révolution française

Annales historiques de la Révolution française 356 | avril-juin 2009 Varia Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 Annie Duprat Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/ahrf/10661 DOI : 10.4000/ahrf.10661 ISSN : 1952-403X Éditeur : Armand Colin, Société des études robespierristes Édition imprimée Date de publication : 1 avril 2009 Pagination : 226-228 ISBN : 978-2-200-92558-1 ISSN : 0003-4436 Référence électronique Annie Duprat, « Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 356 | avril-juin 2009, mis en ligne le 17 décembre 2009, consulté le 22 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/ahrf/10661 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ahrf.10661 Ce document a été généré automatiquement le 22 avril 2022. Tous droits réservés Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 Annie Duprat RÉFÉRENCE Élisabeth Vigée Le Brun, Souvenirs 1755-1842, texte établi et annoté par Geneviève Haroche-Bouzinac, Paris, Honoré Champion, Bibliothèque des correspondances, mémoires et journaux, t. 42, 2008, 860 p. , ISBN 978-2-7453-1965-0, 130 €. 1 Cette nouvelle édition des mémoires d’Élisabeth Vigée Le Brun est appelée à faire date car il s’agit d’une somme, beaucoup plus complète que les précédentes éditions des mémoires de la femme-peintre préférée de Marie-Antoinette. Dans une longue introduction (130 pages environ), Geneviève Haroche-Bouzinac opère la présentation de son ouvrage en nous expliquant quelles sont les sources à partir desquelles elle a travaillé et qui n’avaient pas été publiées auparavant (c’est le cas en particulier d’un bon nombre de correspondances, en particulier les lettres à la princesse Kourakin et de très nombreuses notes sur des tableaux et des portraits). L’historique des écrits de Vigée Le Brun (la datation, les lieux de la correspondance et de l’écriture, les réseaux du peintre, etc.) est très finement établi, même si, parfois, le lecteur se perd un peu dans les méandres de la vie aventureuse d’une femme ayant traversé des époques aussi fécondes que périlleuses. 2 Issue d’une famille de peintres, elle est née en 1755, comme celle qui deviendra sa protectrice, Marie-Antoinette de Lorraine d’Autriche. Faisant le récit d’une enfance heureuse, elle raconte, sans doute en l’enjolivant un peu, son voyage d’apprentissage dans les Flandres, sur les pas de Rubens. Si elle a peu de lettres car son instruction en cette matière a été négligée, elle déborde de l’envie de tout connaître, de tout savoir. Ce qui ressort de son autobiographie est un livre du bonheur, décliné sous toutes ses formes, car si cette femme n’a pas la tête philosophique, elle a une âme sensible, aime la musique autant que la peinture et tous les arts d’agrément (elle chante volontiers en Annales historiques de la Révolution française, 356 | avril-juin 2009 1 Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 duo avec la reine lors de la belle époque versaillaise). Pourtant, Geneviève HarocheBouzinac soupçonne Vigée Le Brun d’avoir procédé à une véritable réécriture de sa propre histoire, car, si le premier recueil de ses souvenirs a été publié de son vivant (Souvenirs, Paris, Fournier, 3 vol. , 1835-1837), elle a commencé à écrire les lettres à la princesse Kourakin en 1829, à l’âge déjà vénérable de. 74 ans ! on sait qu’il est toujours beau le temps joli de la jeunesse, a fortiori lorsque celle-ci s’est déroulée avant une Révolution qui va rapidement la contraindre à l’émigration et à un vagabondage à travers l’Europe, peu confortable même s’il ne fut pas misérable. S’interrogeant sur le genre de l’autobiographie, Geneviève Haroche-Bouzinac va même jusqu’à écrire « [qu’]elle théâtralise la scène autobiographique et en dégage du sens » (p. 8). 3 Cette assertion est assez convaincante si l’on observe que Vigée Le Brun a conservé, classées année par année, de très nombreuses notes et la liste de toutes ses œuvres, afin d’y puiser suffisamment d’informations pour la rédaction de ses mémoires. En revanche, certains souvenirs, soit désagréables, comme la campagne de libelles qui a accompagné la rumeur d’une liaison avec Calonne, soit tristes, comme le rappel de sa séparation d’avec le peintre Le Brun en 1789 (leur divorce a été officiellement prononcé en 1794) sont évoqués de façon décalée, comme si ces choses-là n’avaient pas d’importance. Or, on sait que le peintre Le Brun, qu’elle avait épousé en 1776 et dont elle a eu deux filles, la seconde morte très jeune, a usé de toute l’influence dont il disposait auprès des autorités révolutionnaires pour faciliter l’émigration d’une épouse dont il venait de se séparer ; en l’an II, il a même publié un Précis historique sur la vie de la citoyenne Le Brun dans lequel il insiste sur le fait qu’elle avait participé au don patriotique des femmes artistes le 7 septembre 1789. On sait aussi qu’Élisabeth Vigée Le Brun ne s’entendait pas bien avec sa fille Julie, surtout depuis leur retour d’émigration en 1804 ; mais elle ne s’étend guère sur ce fait car sa fille est morte jeune, en 1819. Cette époque est particulièrement difficile pour l’artiste qui doit honorer les dettes contractées par son ancien époux. 4 À lire Geneviève Haroche-Bouzinac, on saisit mieux les traits fondamentaux de la personnalité d’Élisabeth Vigée Le Brun, les affects dont elle ne se départira pas, tout au long de sa vie : la passion de l’ordre, la fidélité à la monarchie, la peur du peuple et de l’émeute, l’enfermement dans le petit monde douillet des intimes de la cour ; rien de ceci ne lui permet de seulement concevoir que la misère puisse exister. Pourtant, elle n’a jamais été riche car beaucoup de ses tableaux ne lui ont jamais été payés (en 1804, son nom figure toujours dans le Grand livre de la dette publique) mais lorsqu’ellemême, émigrée, s’est retrouvée sans guère de ressources, les princes, à l’instar du tsar Paul Ier de Russie lui ménagent un traitement d’exception, ce qui témoigne effectivement d’une renommée internationale. 5 La formation artistique d’Élisabeth Vigée Le Brun est à la fois traditionnelle et exceptionnelle ; fille d’un artiste membre lui-même de l’Académie de Saint-Luc, une académie qui avait accueilli 130 femmes en son sein en 70 ans d’existence effective, elle présente, sur proposition de Joseph Vernet, sa candidature à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1783. Malgré le soutien de Marie-Antoinette, le directeur, le peintre Jean-Baptiste Pierre, rejette sa candidature ; après quelques péripéties, elle est finalement acceptée le 31 mai 1783, sans affectation de genre, ce qui montre la gêne des académiciens. À son retour en France cependant, elle ne peut entrer à l’Institut de France qui, comme beaucoup des nouvelles structures post-révolutionnaires, n’acceptent pas la présence des femmes en leur sein. Annales historiques de la Révolution française, 356 | avril-juin 2009 2 Élisabeth Vigée Le Brun,Souvenirs 1755-1842 6 Le travail de Geneviève Haroche-Bouzinac va bien au-delà de ces précisions biographiques, au demeurant indispensables, car elle a travaillé sur des papiers de famille jusque là peu connus, comme les manuscrits du fonds Tripier-Lefranc, les a confrontés avec la première édition des Souvenirs, en apportant un appareil critique de très grande qualité sous forme de notes en bas de page, une bibliographie classée thématiquement et plusieurs index. Plusieurs traits du caractère d’Élisabeth Vigée Le Brun apparaissent au fil du récit : une volonté de fer, une grande ambition professionnelle et sociale, un grand sens de l’humour, une habile exploitation de sa beauté, des affinités monarchistes, si ce n’est légitimistes, le goût de la nature à l’état sauvage et une endurance physique et psychologique à toute épreuve qui lui a permis d’entreprendre de longs voyages par terre. On regrettera cependant la rareté des illustrations (21, toutes en noir et blanc) malgré le coût élevé de l’ouvrage. Annales historiques de la Révolution française, 356 | avril-juin 2009 3