Les Etats-Unis et le Proche-Orient
Vers une perpétuation des politiques sismiques ?
Barah Mikaïl
Dans Confluences Méditerranée 2008/2 (N°65), pages 117 à 130
Éditions L'Harmattan
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ISSN 1148-2664
ISBN 9782296054769
DOI 10.3917/come.065.0117
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Barah Mikaïl
Chercheur à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS)
Les Etats-Unis et le Proche-Orient
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L’histoire est cyclique par nature. C’est pourquoi rien ne
permet de parier sur une prééminence ad vitam aeternam
des Etats-Unis à l’international. Certes, Washington est une
puissance dotée de capacités économiques et militaires sans
précédent. Mais tout faîte de la gloire implique aussi une
logique baisse de régime et de positionnement. Reste à
savoir si Washington devra un jour l’étiolement de ses
capacités à un déroulement naturel des événements ou aux
conséquences d’une faille stratégique de sa part, à un
moment où le bilan de sa politique au Proche-Orient met
en exergue une franche montée d’anti-américanisme
couplée à un potentiel conflictuel régional croissant et
toujours plus inquiétant pour l’avenir de la région.
I
l y a cinquante ans, la France et la Grande-Bretagne signaient,
avec la guerre de Suez (1956), la fin effective de leur longue ère
impériale. L’arrogance et les erreurs par lesquelles
l’Administration Bush a envisagé les perspectives proche et moyenorientales depuis l’accès du président républicain au pouvoir fait ainsi
immanquablement penser à la possibilité qu’il y aurait pour cette
région du monde d’être à son tour le réceptacle de la dépouille impériale américaine. Un scénario écrit d’avance ? Loin de là, tant
Washington reste fort de ressources économiques, stratégiques et militaires que conforte amplement l’alignement d’une série de gouvernants régionaux à ses desiderata, toutes Administrations confondues1.
Mais obéissance n’est pas pour autant synonyme de soumission aveugle,
et la tournée entreprise par le président G. W. Bush au début du mois
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Vers une perpétuation
des politiques sismiques ?
L’Iran, une puissance virtuelle ?
de janvier 2008 dans quelques capitales proche et moyen-orientales2
aura bel et bien mis en évidence les réticences qu’avaient certains fidèles alliés de Washington à trop facilement faire de la « menace
nucléaire iranienne » le prétexte au développement de stratégies aux
lendemains hasardeux.
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Le Proche-Orient3, dans ses composantes israélo-palestinienne,
syrienne et libanaise, illustre bien entendu à merveille la manière par
laquelle les Etats-Unis ont cherché de tous temps à y développer des
politiques bien plus conformes à la consolidation de leurs intérêts qu’à
une quelconque profession de foi. Par extension, l’Iran, pays situé au
carrefour du Moyen-Orient et de l’Asie d’un point de vue géographique, mais que l’on peut aussi identifier au Proche-Orient sur un
plan plus purement politique, a prouvé au long de ces dernières
années, avec sa quête d’un programme nucléaire civil, que les menaces
affichées par les Etats-Unis à son encontre ne l’avaient pas cédé au
développement par l’Administration Bush d’une stratégie militaire
offensive à son encontre, malgré une rhétorique récurrente quant à la
« nécessaire préservation de la sécurité internationale ». Il n’est certes
qu’à se pencher sur les minutes du Congrès américain, et sur les
innombrables déclarations d’officiels des Etats-Unis, pour noter que,
depuis l’accès de Mahmoud Ahmadinejad au pouvoir très particulièrement, l’Iran a été considéré comme étant un pays qu’il fallait empêcher
par tout moyen de prétendre à un renforcement de sa posture régionale.
Néanmoins, l’Administration Bush est sur ses derniers mois et, à
moins d’une surprise de dernière heure, qui ne manquerait d’ailleurs
pas d’avoir pour corollaire une profonde mise à mal des intérêts américains dans la région, l’on voit mal comment Washington pourrait
oeuvrer au développement d’une attaque militaire frontale vis-à-vis de
l’Iran. D’un point de vue américain, Téhéran doit être étranglé, et définitivement dissuadé de constituer une menace pour la région, certes ;
mais cela ne signifie pas pour autant que Washington soit prêt à y laisser des plumes supplémentaires, l’Iraq ayant suffi à lui seul à écorner
considérablement et durablement son image comme ses ressources
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Une propension à la contradiction
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auprès d’une bonne partie de l’opinion publique internationale4. Les
principes affichés sont ainsi une chose, leur mise en application en est
une autre. Et la raison d’Etat demeure quant à elle maîtresse des faits.
Il n’y a d’ailleurs là rien de nouveau dans l’attitude américaine. D’un
point de vue général en effet, il convient de noter que si, à l’origine de
leur constitution, les Etats-Unis s’étaient voulu respectueux de la
« Doctrine Monroe », ils ne se sont pas retenu de faire de l’ingérence à
certains endroits de la planète, jouant pleinement la contradiction tout
en donnant l’impression de vouloir justifier leur attitude par « les impératifs du moment ». On retrouvera d’ailleurs le même comportement
de leur part durant la Guerre froide, officiellement régie par la doctrine Truman et son pan relatif à un soutien des « peuples libres qui résistent à des tentatives d’asservissement 5 », mais qui ne manquera pas pour
autant de voir les Etats-Unis participer de la chute du président démocratiquement élu Salvador Allende, soutenir le dictateur iraquien
Saddam Hussein, ou encore vendre des armes à l’Iran du peu démocratique ayatollah Khomeiny.
Plus près de nous, c’est bien entendu l’attachement proclamé des
Etats-Unis à la démocratisation des régimes, canalisée à son tour dès
l’année 2004 au sein d’un package global plus connu aujourd’hui
encore sous le nom de Great Middle East Project 6, qui mettra en exergue
les contradictions américaines. Le Moyen-Orient pris dans un sens très
large, et notamment sa composante proche-orientale, étaient ainsi censés connaître un nouveau tournant politique que caractériserait la mise
en place d’élections régulières, libres, transparentes. Mais l’acquisition
par des formations politiques profondément américano-sceptiques
d’une posture non négligeable au Liban avec les élections parlementaires du printemps 2005, l’écrasant accroissement du nombre de députés parlementaires issus du courant des Frères musulmans en Egypte, et
surtout l’accès du Hamas au pouvoir dans les Territoires palestiniens en
janvier 2006, sont autant d’événements qui, à côté de la consécration
par les Iraniens du président Ahmadinejad, et devant la montée en
puissance des formations religieuses conservatrices dans les pays arabes
du Golfe, pousseront plus encore qu’auparavant les Etats-Unis à faire
de la communication basée sur les droits de l’homme tout en amputant
leur rhétorique d’un quelconque principe tangible d’application. Une
fois encore, la raison d’Etat américaine l’emportait, Washington ayant
bien entendu intérêt à composer avec des gouvernants autoritaires mal-
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Vers une perpétuation des politiques sismiques ?
L’Iran, une puissance virtuelle ?
léables plutôt que d’avoir à être confrontée à des acteurs légitimes sur
le plan institutionnel, mais beaucoup plus hostiles à un relais des desiderata américains sur le plan pratique.
Bien entendu, si la propension à la contradiction demeure l’une des
attitudes les mieux mises en évidence par Washington, toutes périodes
et toutes présidences confondues, cela ne préjuge en rien du caractère
éventuellement plus cohérent susceptible de s’imposer à l’avenir sur
l’agenda de la première puissance mondiale. Les modalités décisionnelles américaines sont déterminantes sur ce point, la principale difficulté consistant, pour l’observateur extérieur, à savoir qui décide de
quoi et à quel(s) niveau(x) aux Etats-Unis. Néanmoins, dans le cas de
G. W. Bush, deux mandats successifs nous auront aidé à comprendre
que le chef de l’Exécutif américain décide en grande partie, en matière
de politique internationale, en fonction de la perception qu’il a – ou
qu’il se fait – des affaires internationales7.
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Quoiqu’il en soit, la scène moyen-orientale en général et procheorientale en particulier aura eu pour sort, sous la présidence de
l’Administration Bush, de voir son triste état le céder à plus de motifs
d’inquiétude encore. Si l’Administration Clinton avait échoué à résoudre le conflit israélo-palestinien, ce dernier ne fera en effet pas grandchose pour améliorer la donne. Le délaissement du conflit
israélo-palestinien caractérisera très clairement les premiers mois de
l’Administration Bush, au point de susciter l’ire du prince Abdallah
d’Arabie saoudite, qui ne manquera pas d’en faire le reproche au
numéro un américain. Ce dernier donnera alors des signes bonne
volonté au prince saoudien, mais le 11-Septembre aura tôt fait de porter un coup d’arrêt à toute possible clarification de l’avenir de la question israélo-palestinienne, reléguant la grille d’interprétation des
événements internationaux à une seule opposition entre les soutiens
du terrorisme et ses détracteurs. Aller à l’encontre de la vision développée par l’Administration Bush, tous domaines confondus, portait le
lourd risque de pouvoir dès lors être assimilé à un soutien d’al-Qaïda et
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Un inquiétant éclatement
des champs conflictuels
proche-orientaux
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d’Ousama ben Laden ; la mise entre parenthèses des perspectives
israélo-palestiniennes s’ouvrira dès lors, et avec elle l’octroi à l’Etat
hébreu de toute latitude en matière de gestion du conflit régional le
plus lourd et le plus empreint de tensions. Avec pour résultat ultime
l’accès du Hamas au pouvoir en janvier 2006.
Car, directement après l’invasion de l’Afghanistan à la fin de l’année
2001, c’est le dossier iraquien qui avait accaparé l’attention et les efforts
de l’Administration Bush. Trois motifs seront avancés pour « justifier »
l’invasion du pays : la détention présumée par le régime de Saddam
Hussein d’Armes de destruction massives (ADM), accusation qui
occupera pleinement l’espace médiatique le long du second semestre
2002 ; les connexions présumées entre le dictateur iraquien et l’organisation al-Qaïda, que « mettra en valeur » le Secrétaire d’Etat américain Colin Powell lors de sa célèbre prestation au Conseil de sécurité de
l’ONU en date du 5 février 2003 ; et enfin, l’attachement de
Washington à installer la démocratie en Iraq, objectif qui ne sera
cependant formulé qu’au lendemain de l’invasion de ce pays.
Certes, en classant dès le mois de janvier 2002 l’Iraq aux côtés de
l’Iran et de la Corée du Nord dans le camp de l’ « Axe du Mal » (Axis
of Evil 8), le président américain n’avait pas pour autant réussi à provoquer un consensus de la part de la communauté internationale en
faveur de la chute de Saddam Hussein. Pour preuve, ce sont les seuls
Etats-Unis, Grande-Bretagne et Espagne qui se mettront d’accord sur
une telle opération, scellée à l’occasion du Sommet des Açores du
16 mars 2003. Mais dans le même temps, cette réticence internationale,
relayée d’ailleurs par de puissants mouvements de contestation par les
opinions publiques mondiales d’un scénario belliqueux si précipité à
l’encontre de l’Iraq, n’empêchera en rien Washington de mener une
telle attaque, soutiens régionaux comme internationaux à l’appui, et
d’avancer dans un sens conforme à ses volontés initiales. Ce n’est
qu’avec le passage du temps que les limites de la stratégie américaine
transparaîtront, avec néanmoins une inconnue toujours d’actualité :
celle de savoir ce qu’a vraiment sollicité l’Administration Bush en se
lançant dans une telle aventure.
Sur un plan factuel en effet, l’invasion de l’Iraq a eu pour conséquence une mise à mal durable et très probablement irréversible du
sentiment d’unité nationale iraquien, Kurdes, Arabes sunnites et
Arabes chiites aspirant pour la plupart d’entre eux à l’obtention d’une
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assise territoriale à l’autonomie large. Serait-ce là le résultat escompté
par Washington ? On ne peut entièrement l’exclure, notamment
lorsque l’on porte attention aux éléments idéologiques qui ont pu
motiver des néo-conservateurs omniprésents lors du premier mandat
de G. W. Bush. Dans le même temps, on ne peut que constater que les
Etats-Unis ont, avec cette aventure, porté un coup durable à leurs intérêts régionaux, et surtout à l’image qu’ils ont auprès des opinions
publiques régionale comme internationale.
En parallèle, l’argument selon lequel les Etats-Unis, motivés avant
tout par la sécurisation de leur approvisionnement pétrolier à terme,
auraient voulu tirer profit des réserves énergétiques iraquiennes afin
de diminuer leur dépendance vis-à-vis d’une Arabie saoudite en proie
à des courants fondamentalistes menaçants reste tout aussi bien un élément à prendre en compte, bien entendu, mais avec une nuance de
taille : à savoir que l’Arabie saoudite n’a pas de raisons de renoncer à
jurer fidélité à son allié américain tant que celui-ci lui garantit son soutien militaire. Reste ainsi l’argument selon lequel les Etats-Unis, mus
par une volonté effective de démocratisation de la région, auraient
voulu faire de l’Iraq un exemple réussi et amené à se propager par effet
domino dans le reste des Etats de la région ; mais là encore, cela n’explique en rien pourquoi l’Administration Bush a, dès lors, choisi d’user
de cet argumentaire de type idéologique après l’invasion de l’Iraq, et
après avoir mis en exergue d’autres motifs et accusations vis-à-vis de
Saddam Hussein. Les raisons ayant effectivement motivé l’invasion de
l’Iraq seront ainsi peut-être révélées un jour, ouverture des archives
diplomatiques et secrètes américaines aidant. Dans l’attente cependant, force est de constater que la stratégie américaine n’a nullement
joué en faveur de la stabilisation des perspectives prévalant au Proche
et au Moyen-Orient.
C’est l’éclatement des champs conflictuels proche-orientaux qui a en
effet d’ores et déjà caractérisé les deux mandats de l’Administration
Bush, et l’exacerbation des tensions entre Syriens et Libanais n’est que
l’une des preuves supplémentaires de cette situation. La domination
exercée par la Syrie sur le Liban n’a en effet, durant longtemps, pas
vraiment gêné les Administrations américaines, qui s’accommodaient
de cette situation en ne regardant que la contrepartie et les bénéfices
qu’ils pouvaient obtenir de Damas en échange. Ce n’est qu’en 2004,
avec le rapprochement sollicité par la France des Etats-Unis aux fins de
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récupérer la casse intervenue dans leurs relations au début de l’année
2003, que seront posées les conditions d’une réévaluation de la donne
syro-libanaise. La résolution 1559 de l’ONU du 2 septembre 2004, fruit
d’un rapprochement et d’un travail actifs entre Français et Américains9,
participera ainsi de tiraillements extrêmes sur la scène politique libanaise, que ne contribuera en rien à apaiser la décision prise par les
Syriens de pousser les députés parlementaires libanais à prolonger le
mandat du président Emile Lahoud d’une durée de trois ans.
Cinq mois plus tard, intervenait l’assassinat du Premier ministre nouvellement démissionnaire Rafic Hariri, qui mènera vite à un retrait des
contingents syriens du pays.
Mais le Liban ne connaîtra pas pour autant la stabilité, loin s’en faut.
Les attentats ciblés à l’encontre de journalistes et intellectuels, de politiciens et de militaires d’une part, l’éclatement d’une guerre libanoisraélienne d’autre part, seront autant d’événements qui joncheront
par la suite le quotidien d’un pays profondément désorienté. Si une
idée abondamment relayée, en Occident comme dans les pays arabes,
veut en effet qu’un jeu dominé par la Syrie et l’Iran soit à la base des
évolutions cahoteuses connues par le Liban, cela ne laisse pas moins
posée la question de savoir dans quelle mesure le positionnement des
Etats-Unis vis-à-vis de la région prise dans son ensemble pourrait pour
sa part être interprété à la seule lumière des vertus que Washington
entretiendrait réellement au Moyen-Orient.
Lors de la guerre de l’été 2006, les Etats-Unis n’avaient en effet en
rien cherché à réfréner l’action pour le moins lourde développée par
l’Etat hébreu vis-à-vis de zones libanaises habitées par des civils et/ou
éloignées des positions militaires et stratégiques du Hezbollah. Et, plus
largement, les motifs de tension qui ont entretenu la majorité parlementaire libanaise et ses homologues de l’opposition depuis les élections législatives du printemps 2005 ont constamment poussé les
Américains à adopter une attitude de partisans impliqués dans les évolutions politiques libanaises, et non de médiateurs. Washington ne saurait d’ailleurs être blâmé à ce titre, étant donné que le fait pour lui de
trouver un répondant au sein de l’échiquier politique libanais ne peut,
naturellement, que l’encourager à aller plus avant dans la notification
de ses souhaits vis-à-vis des évolutions politiques du pays. Par contre, le
constat ainsi formulé implique de nommer les choses pour ce qu’elles
sont, et de ne pas voir dans le Liban l’exemple d’un pays payant le seul
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prix de politiques développées par des pays régionaux confortés par la
présence d’alliés locaux. Les Etats-Unis, au même titre que l’Iran et la
Syrie, ont pour chacun d’entre eux des alliés politiques libanais effectifs, avec lesquels ils partagent une large communauté de points de vue.
En revanche, si l’idée d’un bras de fer engagé entre Washington
d’une part, et Damas et Téhéran d’autre part, au travers de la scène
libanaise est avérée, il convient néanmoins de demeurer conscients de
ce que, plus que tout, ce sont bien les motifs d’opposition entre proAméricains et américano-sceptiques qui entretiennent l’essentiel de la
polarisation politique installée dans ce pays aujourd’hui. Un phénomène que les médias occidentaux comme arabes sont très majoritairement prompts à occulter, mais qui saute pourtant aux yeux pour qui
pointe un regard attentif aux motifs et à la rhétorique déployés par chacune des formations politiques membres de la majorité parlementaire
et de l’opposition libanaises.
De la situation israélo-palestinienne à l’état des lieux syro-libanais en
passant par la donne iraquienne, l’éclatement des champs conflictuels
proche-orientaux est ainsi bel et bien au rendez-vous. Qui plus est, un
trait saillant s’impose dans ces trois situations : celui de la présence, chez
les opinions publiques, d’un américano-scepticisme massif, qui explique
en partie non négligeable l’accès du Hamas au pouvoir palestinien, la
radicalité de la posture des partis libanais de l’opposition, l’absence de
disposition d’une majorité de formations politiques iraquiennes à
acquiescer à toute politique qui pourrait leur être dictée de près ou de
loin par Washington, mais aussi le boulevard rhétorique qui s’est ouvert
à l’Iran depuis que les Etats-Unis ont doublé leur stratégie politico-militaire hasardeuse de tentatives d’auto-justification qui restent bien loin
d’emporter l’adhésion des opinions publiques concernées.
Mutations des alliances régionales,
ou consolidation du statu quo ?
On a pu croire, pendant un moment, que les Etats-Unis allaient doubler leur aventure militaire iraquienne de l’ouverture de champs similaires en Syrie et en Iran. Si une telle hypothèse ne peut toujours pas
être entièrement évacuée tant les mises en garde américaines vis-à-vis
de ces deux pays restent réelles, il faut noter en parallèle la manière par
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laquelle les diverses tentatives d’intimidation déployées par
Washington n’ont pas obtenu les effets escomptés.
Car la stratégie régionale américaine, qui a provoqué des craintes de
la part de la Syrie plus que de l’Iran, a de surcroît eu pour effet
incontestable un renforcement de la posture régionale de ce dernier. A
la veille du 11-Septembre, les Talibans afghans et l’Iraquien S. Hussein
comptaient au rang des ennemis honnis par Téhéran, qui avait déployé
une stratégie politique et militaire fondée sur la nécessaire anticipation
de toute menace susceptible d’être déployée par l’un d’eux à l’encontre de ses intérêts. Deux années plus tard, ni l’un ni l’autre de ces deux
acteurs ne seront plus en place, et Washington se verra lui-même
confronté à un impératif de Nation Building qui, doublé de violences
locales exercées à l’encontre de ses intérêts et de ceux de ses alliés,
concentrent à ce jour encore une grande partie de son attention et de
ses efforts.
Avec le temps, il va de soi que les motifs de contestation développés
par une partie de l’opinion publique américaine elle-même vis-à-vis de
la politique internationale de l’Administration en place ne faciliteront
en rien la tâche des responsables américains, aussi attachés au développement de scénarii belliqueux puissent-ils – ou aient-ils pu – être.
Par extension, si certaines hypothèses n’excluent en rien la possibilité
pour l’administration Bush de tenter une attaque vis-à-vis de l’Iran
quelques semaines avant la fin officielle du mandat du président, il faut
cependant noter aussi que ce dernier, bien que ne se représentant plus,
reste cependant le nécessaire garant des intérêts et de l’image du parti
républicain. Ce qui laisse posée la question de savoir comment il pourrait en venir à lancer une nouvelle opération guerrière au MoyenOrient sans voir cette hypothèse rejaillir sur les chances des candidats
républicains actuels à la présidence.
C’est peu dire, en effet, que l’image du président Bush à l’international restera durablement écornée. Mais cette situation ne préjuge pas
pour autant de la posture des Etats-Unis à l’échelle de la planète. Les
Américains, quand bien même ils souffrent aujourd’hui d’un déficit de
crédibilité et d’un relatif étiolement de leurs capacités de persuasion,
n’en restent pas moins toujours aussi déterminants sur les évolutions
du monde, faute notamment de concurrent à leur hauteur sur les plans
diplomatique et militaire. Cette position enviable pourra-t-elle les pousser à mettre en place des stratégies plus constructives pour l’avenir du
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Moyen-Orient avec le renouvellement de l’Administration américaine ?
Seul l’avenir le dira, même si l’on croit pouvoir se douter de ce que
le/la successeur(e) de G. W. Bush, aussi louables pourront être ses
intentions, n’aura que très peu de chances de vouloir chercher à modifier certaines constantes lourdes américaines. Parmi celles-ci : la pleine
prise en considération des requêtes israéliennes dans l’esquisse des
politiques proche et moyen-orientales ; l’érection des prétentions iraniennes à un programme nucléaire comme scénario profondément
inquiétant justifiant des mesures et mises en garde sévères ; l’inscription du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais au rang des forces
radicales et extrémistes ne supportant que très peu l’ouverture d’un
canal diplomatique ; ou encore, le soupçon de voir une présence
syrienne derrière tous les maux libanais tout comme derrière certains
maux iraquiens et, partant, la mise en accusation de ce pays comme
préalable à toute discussion. Or, Washington aurait tout intérêt à changer la manière par laquelle il cherche à peser sur les évolutions proche
et moyen-orientales, sans quoi il pourrait perdre son emprise sur cette
région bien plus rapidement qu’on ne le croit.
Bien entendu, les Etats-Unis sont loin d’être aussi affaiblis dans la
région que ne le furent les Français et les Britanniques cinquante ans
plus tôt10. Mais dans le même temps, le récent sommet d’Annapolis
(2007), ainsi que la tournée de G.W. Bush au Moyen-Orient (2008), ont
mis en exergue deux faits majeurs : la faible détermination de
l’Administration américaine actuelle à vouloir oeuvrer à une résolution
effective des conflits israélo-palestinien et israélo-arabes en général ;
mais aussi l’échec du numéro un américain à rallier ses alliés de la
région au développement d’une stratégie menaçante pour l’Iran. De
l’Egypte à l’Arabie saoudite en passant par la Jordanie, les Emirats
arabes unis ou encore le Koweït, Washington n’a que des amis fiables,
certes. Mais cela n’entame pour autant en rien une réalité en gestation :
celle de la présence de modalités concurrentielles renouvelées, impliquant Moscou et Pékin très spécifiquement, tous deux n’épargnant pas
leurs efforts amenés à les rendre indispensables aux besoins économiques et militaires de la région11. Or, l’histoire récente a prouvé que
si les Etats-Unis avaient réussi à solidifier les ressorts de leur influence
politique au Moyen-Orient, c’était pour beaucoup grâce au savant
alliage qu’ils avaient réussi à mettre en place par un maniement impeccable d’offres commerciales, financières et/ou militaires en pleine adé-
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Un malaise durable
Les Etats-Unis ont encore de beaux jours devant eux au MoyenOrient. Mais leur image s’y est considérablement affaiblie en l’espace
de deux mandats présidentiels. Qui plus est, la profonde méfiance des
opinions publiques à leur égard s’est doublée de craintes de la part
d’une partie des gouvernants de la région, qui demeurent conscients
de ce que les relations internationales et les logiques d’alliances peuvent être, par définition, extrêmement fluctuantes. Il ne faut néanmoins pas s’attendre à ce que l’un ou l’autre des gouvernants de la
région cherche à évoluer vers une franche recomposition de ses relations stratégiques sur les court et moyen termes : Syrie et Iran savent en
effet que leurs saluts respectifs restent déterminés par la manière dont
ils joueront la partie d’échecs qui les opposent à Washington ; la classe
politique au pouvoir en Iraq affiche pour sa part, chaos ambiant aidant,
un grand attachement à voir les Etats-Unis maintenir leurs contingents
militaires dans son pays aussi longtemps que la sécurité nationale et la
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quation avec les besoins et les demandes d’une région en quête perpétuelle de parrains étrangers.
Outre leur impopularité régionale néanmoins, les Américains ont
pour principale autre tare d’avoir fondé leur rhétorique de ces dernières années sur des motifs largement idéologiques, basés surtout sur leur
supposé attachement à la promotion de la démocratie dans la région.
Les événements récents ont bien sûr prouvé qu’il n’y avait là que pure
démagogie qu’était venu annuler en large partie le constat suivant :
celui d’une montée en puissance des forces radicales aux programmes
inspirés par des motifs religieux. Mais les gouvernants de la région
ont-ils des raisons de se sentir rassurés par l’action d’un acteur qui,
pour des motifs annoncés idéologiques en partie, était allé jusqu’à écarter un S. Hussein pourtant naguère si conciliant avec les intérêts américains ? Il est à parier que non, et si la majorité des gouvernants de la
région se savent encore sous étroite dépendance des Etats-Unis, ils ont
cependant de fortes chances d’être de plus en plus tentés à terme par
les offres d’acteurs chinois et russes qui ont, à leurs yeux, pour mérite
non négligeable de n’être absolument pas regardants sur les questions
relevant des questions politiques domestiques et du respect des droits
de l’homme.
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constitution efficace des corps sécuritaires iraquiens ne seront pas assurés, soit pendant très longtemps encore ; la majorité parlementaire libanaise, aussi soumise à pressions domestiques soit-elle, n’a pas moins fait
de son alliance pro-américaine un pan stratégique inébranlable que
Washington cherchera à préserver tant qu’il en aura besoin ; l’Autorité
palestinienne de Mahmoud Abbas n’envisage sérieusement pas d’autre
médiateur que les Etats-Unis dans le conflit qui l’oppose à Israël ; quant
à la situation régionale prise dans un sens plus large, elle demeure à l’avantage des Américains qui peuvent encore compter sur une série d’alliés fidèles et cordiaux.
Mais cet état des faits cache mal un profond malaise régional, caractérisé par la manière dont les pôles conflictuels ont pu connaître une
inquiétante prolifération ces dernières années, et que le manque de
crédibilité des Américains au Moyen-Orient ne contribue absolument
pas à apaiser. Plus que tout, les huit années qui viennent de s’écouler
ont montré que les perspectives proche et moyen-orientales souffraient
pour beaucoup de la nature et de la portée des ingérences étrangères
qui s’exerçaient en son sein. Or, l’idée d’un Moyen-Orient indépendant et désarrimé d’influences étrangères est tout à fait illusoire12 ; sa
soumission à influences russe et/ou chinoise n’est pas ce qu’il y a de
plus souhaitable ; quant à la traduction par l’Union européenne de ses
principes proclamés en actes concrets s’appliquant dans la région, elle
ne semble en rien imminente. Il ne reste dès lors plus qu’à espérer que,
devant le manque annoncé de perspectives concrètes en faveur d’une
pacification du Proche-Orient, l’avenir de la politique américaine s’y
exerçant puisse, à défaut d’une résolution des pôles déstabilisants y prévalant, ne pas participer d’un éclatement supplémentaire des champs
conflictuels. Pour le reste, le salut de la région ne pourra être qu’à l’émanation de politiques concrètes voulues et promues en plein accord
par les dirigeants de la région. Autant dire que l’attente risque d’être
encore bien longue. ■
Notes
1. Les gouvernants moyen-orientaux actuels, qui sont pour beaucoup d’entre eux
en place depuis des décennies, n’ont qu’à de menues et rares exceptions près mis
en exergue les nuances qu’ils percevaient selon que les Etats-Unis avaient pu être
dirigés par James Carter, Ronald Reagan, Bill Clinton, George W. Bush, entre autres.
2. Une première et probablement dernière tournée officielle au Moyen-Orient de
la part du président américain durant ses deux mandats, qui le mènera en Israël,
dans les Territoires palestiniens, au Koweït, au Bahreïn, aux Emirats arabes unis,
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L’Iran, une puissance virtuelle ?
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en Arabie saoudite et en Egypte.
3. Le Proche-Orient, expression de création médiatique occidentale datant de la
fin des années 1970, désigne traditionnellement l’Etat d’Israël et les pays ou
entités arabes qui ont connu des guerres puis des pertes territoriales à son
profit, soit : les Territoires palestiniens, la Syrie, le Liban, l’Egypte et la Jordanie.
Le Moyen-Orient désigne pour sa part, plus généralement, cette même région
étendue aux pays du golfe arabo-persique, Iraq et Iran inclus ; voir à ce propos
Alexandre Defay, Géopolitique du Proche-Orient, PUF/Que Sais-Je, 2006. Cette
définition reste bien évidemment à nuancer, tant elle peut dépendre de critères
d’appréciation purement subjectifs ; à titre d’exemple, la Turquie ne saurait en
rien être entièrement exclue de la géographie comme des évolutions politiques
de la région, sans en faire entièrement partie ; il en va d’ailleurs de même dans
le cas de l’Iran.
4. Voir notamment le rapport du Pew Research Center Project, America’s Image
Slips, but Allies Share Concerns over Iran, Hamas, 13 juin 2006, à l’adresse
Internet : http://pewglobal.org/reports/pdf/252.pdf. Le tableau intitulé Dangers
to World Peace y est des plus parlants, notamment pour ce qui relève de la
proportion de personnes ayant estimé en 2006 que la présence américaine en
Iraq constituait une menace pour la paix mondiale : 15% des Indiens seulement,
mais une moyenne de 30 % pour les Chinois, les Japonais et les Américains
eux-mêmes, et plus de la moitié des sondés en Turquie, en Egypte, en Jordanie...
ou encore en Espagne.
5. Selon l’expression utilisée par le président Harry Truman devant le Congrès
américain, 12 mars 1947. Bien entendu, c’était la nécessité qu’il y avait pour les
Etats-Unis d’empêcher toute extension du communisme qui expliquait l’initiation
par les Etats-Unis de la doctrine du containment ; mais on n’avait pas moins ici
la représentation d’une posture officielle au sein de laquelle l’attachement
proclamé à la « liberté des peuples » donnait l’impression de n’avoir pas
beaucoup plus qu’une fonction de prétexte au développement de stratégies
garantissant les intérêts américains à l’international.
6. Révélé à la suite de fuites du département d’Etat américain par le quotidien à
capitaux saoudiens al-Hayat en février 2004, consacré par les Etats-Unis et le G8
quatre mois plus tard, le projet de Grand Moyen-Orient, vite rebaptisé Broader
Middle East and North Africa Initiative (BMENA), se proposait de refondre les
perspectives moyen-orientales à travers trois axes : l’encouragement à la
démocratisation des régimes de la région ; l’amélioration des modalités de
transmission des connaissances ; et la promotion du libéralisme économique. Le
projet ne restera cependant pas longtemps d’actualité, l’Administration
américaine ayant elle-même cessé de l’évoquer comme tel au lendemain de la
réélection de G. W. Bush à la présidence du pays. Celui-ci évoquera certes ses
projets concernant le Broader Middle East dans son discours sur l’état de l’Union
du 2 février 2005 ; mais c’était là l’une des dernières références de sa part à ce
qui s’apparentait encore à un réel projet.
7. Particulièrement parlante à cet égard est l’expression dont aurait usé Dan
Bartlett, directeur de la communication de G. W. Bush, pour qui ce dernier
« n’est pas un vérificateur des faits » (« The President of the United States is not
a fact checker) ; voir les bonnes feuilles de l’ouvrage de Jacob Weisberg, From
the Bush Tragedy, Random House Publishing Group, 2008, in Newsweek, 19
janvier 2008.
8. Expression utilisée par le président G. W. Bush à l’occasion du discours sur
l’état de l’Union du 29 janvier 2002, consultable à l’adresse Internet :
http://www.whitehouse.gov/news/releases/2002/01/20020129-11.html
9. Pour les détails de ce réchauffement dans les relations franco-américaines,
voir Richard Labévière, Bagdad-Beyrouth : le grand retournement, Paris, Seuil,
2006.
10. La guerre de Suez (1956) avait en effet signifié la fin des politiques
impériales française et britannique dans la région, et avait d’ailleurs été voulue
et provoquée par des Etats-Unis en quête d’un positionnement stratégique
confortable au Moyen-Orient ; voir Barah Mikaïl, La politique américaine au
Moyen-Orient, Paris, Dalloz, 2006. Si Washington n’est pas à l’abri d’un tel
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Vers une perpétuation des politiques sismiques ?
L’Iran, une puissance virtuelle ?
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retournement de l’histoire, il a néanmoins, à ce jour, pour principal atout de ne
pas connaître de concurrent international apte à prétendre à sa pleine succession
dans la région. L’histoire demeure cependant en perpétuelle gestation.
11. Cette stratégie n’est d’ailleurs pas nouvelle, Pékin et Moscou ayant été
accusés de vendre des armes à certains acteurs et pays de la région dès la fin
des années 1990. La nuance à apporter aujourd’hui réside cependant dans le
caractère assumé et en bonne partie officialisé de cette situation, comme le
prouvent, entre autres exemples, la portée des accords militaires et/ou
commerciaux entretenant la Russie et la Chine d’une part, et l’Iran, la Syrie et
même l’Algérie de l’autre.
12. Et ce en dépit du caractère noble de cette idée, qui aurait le mérite de voir
enfin les Etats du Moyen-Orient traiter de leurs propres problèmes entre eux et
indépendamment de tout parasitage à l’origine externe ; voir à ce titre Etienne
Balibar, L’Europe, l’Amérique, la guerre : réflexions sur la médiation européenne,
Paris, La Découverte, 2005.