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L'arborescence des verbes de la série « A »

Ces verbes décrivent l’attitude du parent devant l’enfant non désiré, refusé (tel le poète maudit par sa mère, cf infra) : • verbes exprimant la déception, la surprise, l'étonnement, la peur, l'horreur, • haïr, détester, maudire, ne pas prendre au sérieux, tourner en dérision, et les moyens de se débarrasser d'un tel enfant, de le faire changer, ou de l’ignorer : • détruire (ouvrir, casser, démolir, brûler, éclater, déchirer, percer, etc.) • changer, modifier, altérer, déformer, tordre • déplacer, remuer, secouer, éloigner, écarter, chasser, (faire) sortir (verbe parfois métaphorisé en vomir) • abandonner, laisser tomber, lâcher, jeter • perdre, égarer, donner, vendre, échanger • méconnaître, ignorer, oublier, etc., tous ces mots étant valorisés secondairement chez l'adulte que cet enfant deviendra.

ARBORESCENCE DES VERBES DE LA SÉRIE « A » (À COMPLÉTER) Comment cette arborescence de verbes a-t-elle été construite ? Le terme psychanalytique d’identification, qui désigne à la fois un processus et son résultat, est préférable à celui de personnalité, qui évoque trop la personne ou l’individu de la psychologie préfreudienne (en psychanalyse seul le corps biologique est individué, tandis que le sujet psychique est divisé). 1. Le premier temps du processus identificatoire consiste à se mettre à parler, à s’identifier au fonctionnement du langage sans toutefois encore se désigner dans l’énoncé (l’enfant ne dit pas je d’emblée). 2. La « deuxième identification » fonde depuis le dire du parent (le nom propre, les pronoms personnels) la conviction de l’enfant d’être quelqu’un, une entité unifiée, et qui plus est l’auteur de son discours, pourtant venu de l’autre. 3. La « troisième identification » accomplit la mise en place du fantasme, qui peut recevoir une définition linguistique : J.-C. Milner rappelle, dans son Introduction à une science du langage, que « selon la théorie freudienne, un fantasme se laisse toujours exprimer par une phrase, ou plus exactement par une formule phrastique, dont chaque variante répond en principe à un fantasme distinct » (souligné par nous). 4. Tout ceci survient dans la petite enfance. Comme, sauf exception, la « personnalité définitive » ne s'installe qu'à l'adolescence, après une phase dite de latence dans la seconde enfance, on comprend à présent que nos « parlers » ne prennent comme bornes que l’adolescence et la fin de la vie. C’est selon nous le discours parental qui détermine après la naissance, non de façon linéaire mais avec certaines transformations elles-mêmes « programmées », le discours fantasmatique de l'enfant, de façon différente selon que celui-ci est idéalisé ou rejeté, pour ne parler d’abord que des cas extrêmes. Notre hypothèse est que l'enfant, une fois identifié au texte du désir parental, qualifiera et traitera désormais tout objet (y compris lui-même et son parent) comme le parent l'a qualifié et a souhaité le traiter. Ce faisant, c'est la satisfaction du parent, et non la sienne, qu'il exprime et recherche sans le savoir, en une sorte de « Que ta volonté soit faite ! ». Ce sont les adjectifs extraits des appréciations du parent sur l’enfant, et les verbes décrivant le sort qu’il lui souhaite, qui fourniront les atomes de sens valorisés dans les énoncés fantasmatiques. 1. Les adjectifs décrivent l'objet : — tel qu'il est jugé par le parent (beau, laid, conforme, inattendu, etc.) : ces adjectifs seront toujours valorisés dans le discours futur de l'enfant; — et tel qu'il devrait être pour rendre possible l'action que le parent veut exercer sur lui ou le comportement qu'il en attend: léger … pour mieux s'en débarrasser s’il est perçu comme un fardeau, prudent s'il s'agit de le protéger des dangers : ces adjectifs seront toujours valorisés dans le discours futur de l'enfant, et leurs contraires dévalorisés (lourd dans le premier exemple, imprudent dans le second); 2. Les verbes décrivent l’attitude du parent : — devant l’enfant idéalisé : • aimer, adorer, prendre au sérieux, respecter • regarder, voir, contempler, etc., et les moyens de conserver un tel enfant : • posséder, maîtriser • garder, protéger, enfermer, retenir, contenir, isoler, incorporer (verbe le plus souvent métaphorisé en manger) • nourrir, remplir, etc., — ou au contraire devant l’enfant non désiré, refusé (tel le poète maudit par sa mère, cf infra) : • verbes exprimant la déception, la surprise, l'étonnement, la peur, l'horreur, • haïr, détester, maudire, ne pas prendre au sérieux, tourner en dérision, et les moyens de se débarrasser d'un tel enfant, de le faire changer, ou de l’ignorer : • détruire (ouvrir, casser, démolir, brûler, éclater, déchirer, percer, etc.) • changer, modifier, altérer, déformer, tordre • déplacer, remuer, secouer, éloigner, écarter, chasser, (faire) sortir (verbe parfois métaphorisé en vomir) • abandonner, laisser tomber, lâcher, jeter • perdre, égarer, donner, vendre, échanger • méconnaître, ignorer, oublier, etc., tous ces mots étant valorisés secondairement chez l'adulte que cet enfant deviendra.