2014, Méthodologie de la lecture linéaire des textes littéraires
Conseils pour lire un texte en ancien français L'explication d'un texte médiéval met en jeu les mêmes compétences méthodologiques que celles qui sont requises pour tout texte littéraire. L'étudiant peut s'aider de la traduction souvent fournie en regard, mais le travail et la citation du texte en ancien français sont indispensables. La traduction des éditions disponibles est toujours une traduction littéraire, qui, tout en recherchant l'exactitude, est aussi soumise à des impératifs d'élégance et de légèreté qui peuvent parfois l'éloigner d'une absolue fidélité au texte. Il peut donc être judicieux de se constituer sa propre traduction, plus littérale, ou du moins de toujours favoriser un va-et-vient entre le texte et sa traduction. En cas de divergence de temps, de ponctuation, de syntaxe etc. entre le texte et sa traduction, c'est bien sûr toujours le texte qui doit être commenté. Tout phénomène repéré dans la traduction (répétition, figure de style…) doit donc faire l'objet d'une vérification dans l'original. Un parti pris particulier dans la traduction peut éventuellement faire l'objet d'un commentaire, pour autant que l'on précise bien que l'on commente la traduction et son écart avec l'ancien français. Il est cependant préférable de travailler le plus rapidement possible sur le texte en ancien français lui-même, en s'aidant d'un dictionnaire pour vérifier le sens des termes 1. Pour ceux qui débutent dans les études littéraires, la connaissance de quelques phénomènes grammaticaux essentiels peut être utile pour se livrer à cette première approche du texte en ancien français 2. On ne mentionnera ici que quelques éléments facilitant une comparaison très basique entre le texte original et sa version moderne : 1/ L'existence d'une flexion, distinguant la fonction sujet (« cas sujet ») de toutes les autres (regroupées sous le terme « cas régime »), au singulier et au pluriel explique la présence d'un «-s » pour un groupe nominal régissant un verbe au singulier. Ainsi au v. 1 du texte de Chrétien de Troyes « li vilains dit » : le substantif « vilain » prend la marque de flexion-s, celle-ci est utilisée au cas sujet singulier et, comme aujourd'hui, au cas régime pluriel. Le groupe nominal « li vilains » se décline comme suit : Singulier Pluriel Cas sujet li vilains li vilain Cas régime le vilain les vilains Ce système connaît des variantes et des exceptions et n'est valable que pour la majorité des noms masculins. Mais il est bon de le garder en tête car il permet une meilleure compréhension des textes. 2/ la possibilité d'omettre le pronom personnel sujet lorsque celui-ci se trouverait placé devant le verbe. On en a ici un exemple au v. 23 Des or comancerai l'estoire : le pronom personnel je est omis. Dans l'explication, il faudra donc bien veiller à ne pas parler, par exemple, de l'apparition du « je » mais plus largement du passage à la première personne marqué dans la morphologie même du verbe. 3/ le passage très fréquent, en ancien français, d'un temps à un autre (avec une concordance des temps également plus souple), et du « tu » au « vous » dans les dialogues. La traduction harmonise parfois ces différences qui n'ont pas une valeur stylistique aussi marquée en ancien français qu'en français moderne. 1 L'ouvrage d'A.J. Greimas, Dictionnaire de l'ancien français, Paris, Larousse, 1979 doit souvent être complété du dictionnaire de F. Godefroy (Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IX e au XV e siècle, Paris, 1881). Le TLF (Trésor de la langue française informatisé) contient en fin de notice une rubrique étymologie et histoire (http://atilf.atilf.fr/). 2 On consultera avec profit des grammaires « abrégées » comme Pour lire l'ancien français,