Pratique / Question d'anatomie
Kinesither Rev 2019;19(208):26–30
Point d’anatomie : la colonne
vertébrale lombaire
Anatomy focus: lumbar spinal column
Stéphane Evelingera,b
Xavier Dufoura
Arnaud Ceriolia,b
a
Institut de Thérapie Manuelle et de Physiothérapie
(ITMP), 40, rue du Général-Malleret-Joinville,
94400 Vitry, France
b
IFMK CEERRF, 36, rue Pinel, 93206 Saint-Denis,
France
ANATOMIE DE LA COLONNE
LOMBAIRE
La colonne vertébrale lombaire est une zone
assez courte, située entre le complexe colonne thoracique/côtes et le bassin.
Cet empilement de 5 vertèbres, articulées
entre elles et séparées antérieurement par
un disque intervertébral, forme une lordose
d’en moyenne 60° [1]. Cette lordose varie en
fonction des paramètres pelviens, de l’incidence pelvienne et de la pente sacrée [1].
La mobilité de la colonne vertébrale lombaire
est principalement orientée par la conformation des articulations zygapohysaires qui ont
une forme ovoïde et sont incurvées.
Cette orientation est variable en fonction
des étages, ce qui permet d’expliquer les
différences de mobilités observées entre les
étages [2]. De manière générale, ces articulations regardent vers l’arrière et le dedans,
limitant ainsi la rotation qui n’est que de 7°. Le
centre de rotation des vertèbres lombaires se
situe hors du plateau vertébral, à la base des
processus épineux [3].
Les différentes mobilités ont été mesurées par
Troke et al. et sont retranscrites le Tableau I [4].
Le disque intervertébral, composé de 60 %
d’eau, permet une absorption des contraintes,
ainsi que la stabilité et la mobilité du rachis
lombaire. Deux parties imbriquées le consti
tuent : le nucléus pulposus, central, et l’annulus fibrosus, périphérique. La distinction entre
les deux parties n’est pas nette du fait que
les composantes périphériques du nucléus
pulposus fusionnent avec l’annulus fibrosus.
Ce dernier est constitué de 10 à 20 lames de
collagène dont l’orientation est inverse entre
2 lames successives. Au niveau de son innervation, seul le tiers externe de l’annulus fibrosus est innervé [5].
La stabilité de la colonne lombaire est renforcée par différents ligaments.
Les ligaments, longitudinal antérieur et longi
tudinal postérieur, sont anatomiquement et
cliniquement intéressants. Le ligament longitudinal antérieur est situé à la face antérieure
des disques intervertébraux et des corps
vertébraux. Il se continue en haut et en bas et
représente un lien sur tout le rachis.
Le ligament longitudinal postérieur s’étend
entre chaque articulation inter-somatique et
recouvre le disque intervertébral. Il est étroit
au niveau des corps vertébraux et s’étend
latéralement au niveau des disques.
MOTS CLÉS
Anatomie
Clinique
Évaluation
Lombaire
KEYWORDS
Anatomy
Clinical
Assessment
Lumbar
Tableau I. Amplitudes de mouvement de la colonne vertébrale lombaire en degrés,
maximum et minimum, (médiane), en fonction de l’âge [4].
Mouvement
Homme
Maximum
Femme
Minimum
Maximum
Minimum
Flexion
73°
40°
68°
40°
Extension
29°
7°
28°
6°
Inclinaison droite
28°
15°
27°
14°
Inclinaison gauche
28°
16°
28°
18°
Rotation droite
7°
7°
8°
8°
Rotation gauche
7°
7°
6°
6°
Auteur correspondant :
Stéphane Evelinger,
36 rue Pinel 93320 Saint Denis
France
Adresse e-mail :
[email protected]
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2019.02.002
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ARTICLE IN PRESS
Point d’anatomie. La colonne vertébrale lombaire
Pratique / Question d'anatomie
La région postérieure est également riche en structures ligamentaires, avec les ligaments inter-épineux, supra-épineux
ou encore le ligament jaune.
A cette structure viennent s’ajouter les nombreux muscles
présents le long de la colonne vertébrale qui apportent une
protection supplémentaire tout en assurant une grande
mobilité (Tableau I). On y trouve le muscle psoas, qui se situe
en avant, les muscles inter-transversaires, latéraux, le carré
des lombes, sur les côtés, et les muscles spinaux dans la
partie postérieure.
Cette zone présente aussi un important système de fascias :
le fascia thoracolombaire et les fascias viscéraux, dont le fascia de Treitz.
Palpation
En fonction de la position du patient, il est possible de palper
plusieurs parties des vertèbres lombaires. La palpation des
processus épineux est aisée au niveau du dos. Cependant, le
fait que ces processus puissent être bifides peut constituer une
source d’erreur dans le repérage. La présence de la masse
commune, associée au fascia thoracolombaire, empêche la
palpation de l’arc postérieur.
La palpation des apophyses transverses est possible, plus
aisée lorsque le patient est en décubitus latéral.
Le corps antérieur des vertèbres est palpable en fonction de
la masse adipeuse du sujet. Pour l’atteindre, le patient doit
avoir les jambes pliées, ce qui permet diminuer la tension
des muscles abdominaux. En plaçant les doigts en dehors
des muscles grands droits et en comprimant la masse viscérale en direction centrale, le thérapeute sent un arrêt dur
qui correspond à la rencontre avec la face antérieure du
corps vertébral.
PARAMÈTRES PELVIENS ET COURBURES
RACHIDIENNES
Duval-Beaupère [6] a étudié l’équilibre sagittal du rachis afin
de comprendre les variations relevées entre les individus.
Trois paramètres pelviens sont essentiels pour comprendre la statique rachidienne : l’incidence pelvienne, la pente
sacrée et la version pelvienne (Fig. 1).
● L’incidence pelvienne se mesure dans le plan sagittal.
Elle correspond à l’angle formé entre une droite perpendi
culaire et médiane au plateau sacré, et une droite qui passe
par le milieu du plateau sacré et le milieu de la tête fémorale. Cet angle est invariable, acquis entre 5 et 12 ans, en
fonction des contraintes mécaniques développées pendant
cette période [7].
● La pente sacrée est l’inclinaison du plateau sacré par rapport à l’horizontale.
● La version pelvienne correspond à l’angle entre la verticale et la droite qui va du milieu du plateau sacré aux têtes
fémorales.
● Le porte-à-faux de S1 est définit comme la distance entre
l’axe des têtes fémorale et la projection de la droite médiane du plateau sacré.
La pente sacrée et la version pelvienne sont variables en
fonction de l’antéversion ou de la rétroversion du bassin.
Figure 1. Paramètres pelviens [6]
Toutefois, leurs valeurs moyennes, associées à la position
debout, sont étroitement et positivement corrélées à l’incidence pelvienne : la valeur moyenne de la pente sacrée est
de 42°, la valeur moyenne de la version pelvienne de 10° [1].
La seule mesure fiable de la lordose lombaire est réalisée en
mesurant la valeur angulaire entre le plateau supérieur de
S1 et le plateau inférieur de T12 (Fig. 2). La lordose lombaire
est elle aussi corrélée positivement avec la pente sacrée :
plus la pente sacrée augmente, plus la lordose augmente ;
et inversement.
La valeur physiologique de la lordose dépend donc de deux
angles, l’incidence pelvienne et la pente sacrée. La valeur
moyenne de la lordose est de 64° pour une incidence à 51°
et une pente sacrée à 42°.
Les courbes de corrélations issues des travaux de G. DuvalBeaupère, confirmées par les travaux de P. Guigui ou de
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Pratique / Question d'anatomie
Figure 2. A. Mesure angulaire des courbures rachidiennes
théoriques. B. En pratique radiologique
P. Roussouly [8-10], permettent de mieux comprendre les
modifications de contraintes. Les courbures et contraintes
rachidiennes sont le résultat de facteurs anatomiques, notamment de l’incidence, mais aussi de facteurs positionnels
comme la pente sacrée et version pelvienne. Ces deux facteurs sont variables et peuvent être modifiés par des hypo-extensibilités sous-pelviennes. Les incidences et pentes
sacrées faibles favorisent les pathologies discales. Les profils inverses favorisent les douleurs et instabilités articulaires
par compensation des courbures. En cas d’absence de compensation, la tension musculaire qui se développe favorise
des douleurs liées aux contractions nécessaires pour tenir
debout. Ce modèle mécanique fournit une explication des
douleurs propres à certaines lombalgies chroniques [11].
D’autres modèles, comme ceux qui ont été développés dans
le domaine des neurosciences ou comme le modèle psychosocial, complètent les outils disponibles pour comprendre les
lombalgies, qu’elles soient aiguës ou chroniques.
La carte d’identité du bassin est l’incidence pelvienne, invariable quels que soient les mouvements réalisés. Celle-ci
définit la pente sacrée économique, qui lui est corrélée, la lordose qui en découle et, en partie, la cyphose. La bonne corrélation de ces éléments participe à l’équilibre économique
de la position debout.
ÉVALUATION DES MOBILITÉS ET TRAITEMENTS
PROPOSÉS EN LIEN AVEC LES NIVEAUX
DE PREUVE
Approche de la mobilité
Longtemps, les différents courants de la thérapie manuelle
ont privilégié une approche basée sur des modèles biomé-
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S. Evelinger et al.
caniques qui faisaient référence à une possible perception « fiable » des différents paramètres de mobilité. Les
« lois » dites de « Fryette » allaient même jusqu’à établir des
modèles de dysfonctions évaluables manuellement, associant des paramètres de manière tridimensionnelle comme
FRS (flexion-rotation-sidebending) ou ESR (extensionrotation-sidebending), sidebending étant l’inclinaison. Divers
essais cliniques ont remis cette approche en cause, notamment le niveau de fiabilité inter et intra-évaluateur de ces
techniques [12].
Les principaux tests qui présentent un niveau de validation
scientifique fort à modéré sont :
● L’étoile de Maigne (Fig. 3) qui consiste à identifier les secteurs enraidis dans les trois plans et l’apparition de douleurs lors de mouvements globaux [13] ;
● Le test « de rebond » qui cherche à apprécier la « résistance tissulaire » à la pression lors d’un appui postéroantérieur sur les vertèbres lombaires (Fig. 4) [14].
Les tendances récentes, issues des courants anglo-saxons,
plébiscitent une approche basée sur l’interprétation de la
modulation symptomatique. Il existe d’ailleurs une forte corrélation entre restriction de mobilité et douleur [15]. On peut
chercher à analyser :
● La douleur à la contrainte, mouvement et/ou surpression. Le concept Mulligan® préconise de chercher une diminution des symptômes lors du mouvement habituellement
douloureux en effectuant des surpressions et en faisant
varier l’intensité de la pression ainsi que sa direction (Fig. 5) ;
● L’évolution de la douleur à la répétition des mobilisations. La thérapie mécanique vertébrale (concept McKenzie®) cherche à obtenir une centralisation des symptômes
(c’est-à-dire une concentration de la douleur le plus près
possible de l’axe rachidien) par l’utilisation de mouvements, le plus souvent actifs (Fig. 6) ;
● La restriction de mobilité. La notion de « première résistance à la mobilité » est fortement présente dans l’approche Maitland® où le praticien cherche une corrélation
clinique entre douleur et restriction en utilisant le principe
du pompage articulaire.
Traitement des troubles de la mobilité
L’approche dite « classique », décrite dans la littérature professionnelle, préconise en général de chercher à mobiliser
les vertèbres dans le secteur de la restriction identifiée. On
parle alors d’approche « structurelle ». De nombreuses techniques de type « Lumbaroll » sont bien identifiées (Fig. 7).
Les essais cliniques ont montré l’efficacité de cette approche
sur les symptômes, principalement la douleur [16].
Cependant, les approches strictement passives sur les
restrictions douloureuses de mobilité montrent clairement
des limites ; bon nombre de patients développent des
phénomènes de chronicisation avec sensibilisation centrale
et périphérique de la douleur.
Les approches basées sur la réponse symptomatique et sa
modulation sollicitent en général la participation active du
patient :
● Le concept Mulligan® conseille aux praticiens, une fois la
technique adéquate identifiée, de l’enseigner au patient
afin que celui-ci puisse la répéter souvent en auto-traitement ;
Point d’anatomie. La colonne vertébrale lombaire
Pratique / Question d'anatomie
Figure 4. Test de rebond
Figure 3. Étoile de Maigne.
● L’approche Mc Kenzie® est, elle aussi indissociable d’une
participation active du patient, sollicité pour effectuer
des répétitions des mouvements et/ou de postures au
quotidien.
CONCLUSION
Figure 5. Concept Mulligan® : modulation de la douleur
Le repérage palpatoire d’un certain nombre de structures
est possible au niveau de la région lombaire. Sa mobilité,
bien que soumise à des variations inter-individuelles, est
bien décrite dans la littérature. Cependant, son apprécia-
tion manque encore de fiabilité, notamment si le praticien ne
s’appuie pas sur une interprétation basée sur la modulation
symptomatique. À l’instar de l’orientation physiothérapique
anglo-saxonne, il semble nécessaire de convaincre le
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Pratique / Question d'anatomie
Figure 6. Concept McKenzie® : auto mobilisation en extension
Figure 7. Technique en « Lumbaroll »
patient de participer activement à l’amélioration de sa
mobilité douloureuse.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Xavier Dufour est directeur de la société formation continue ITMP.
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