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1993 Des tombeaux admirables

Xoana, Images et sciences sociales N°1 1993

A travers une étude photographique des peintures réalisées pour la décoration d’un tombeau tandroy dans le sud de Madagascar, l’auteur propose une lecture de certains aspects des relations sociales et des représentations en vigueur dans la société malgache contemporaine, révélant le jeu complexe des rêves, des ambitions et des contradictions né de l’intrusion dans la dynamique de l’imaginaire social des tentations du monde moderne.

zyx zy Des tombeaux admirables zyxwvutsrqponmlk Jacques Lonzbni-cl “ Le message que j’ai voulu déchiffrer ici est transmis, porté par des images, des peintures réalisées pour la <décoration>>d’un tombeau antandroy dans le sud de Madagascar. chacun devra passer par différents médiateurs pour tenter d’établir une telle communication. Le souverain et le commun des mortels sont donc d’une nature totalement différente, et le tombeau exprime cette différence fondamentale autour d’un certain nombre de principes - tels l’opposition entre le haut et le bas, le Nord et le Sud, le froid et le chaud, le feu et l’eau, l’Est et l’Ouest. zy zyxwvut Le tombeau, de tout temps à Madagascar, a été le vrai lieu de l’expression métaphorique de la modernité. Le lieu de la libre expression des transformations sociales à travers la description de règles, de rituels, de privilèges autrefois réservés au seul souverain et servant de modèle au plus grand nombre (cf. Boulfroy, 1989 ; Goedefroit, 1989 ; Pannoux,.l991). Autrefois, seul le roi disposait d’un tombeau décoré arborant les différents signes du pres:ige (nlonlo ou sculpture funéraire d’une tombe royale mahafale, cfi photo I ) alors que les femmes et les dépendants n’avaient pas de tombes apparentes. Le tombeau royal constitue donc la référence qui, à travers de nombreuses transformations, va marquer l’évolution de l’architecture funéraire malgache (tombeau sakalava du Menabe, photo 2 ) . Avec la pénétration européenne et la période coloniale, un divorce définitif s’installe progressivement entre l’ancien ordre lignager, garant d’un certain équilibre économique et ceux qui tirent bénéfice de l’accroissement irréversible des activités commerciales liées au développement éConomique de Madagascar. Même pour la construction des tombeaux, l’étalon-bœuf v a se trouver Avec les royautés malgaches apparaît, du XIVe au XVe siècle, un modèle de hiérarchie politique et sociale fondée sur le rclpport des vivants aux morts à travers le culte des ancêtres. Inféodant des populations à son nouveau pouvoir, le souverain va inféoder leurs ancêtres à ses propres. ancêtres, fabriquant dans le même temps des généalogies mythiques bâties le plus souvent grâce aux ancêtres de ceux que, désormais, il domine. Le roi dispose d’un ‘accèsdirect à la divinité, premier de ses ancêtres, et se trouve ainsi installé à la cime du monde et grand ordonnateur de toute chose. Si le souverain établit une relation * Anthropologue, ORSTOM, Pans. cmaturelle>>,familiale avec Dieu, en revanche, tout un zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxwvutsrqponmlkj Xouna. I . 1993 b I I I z Xoana zyxwvutsrqponmlkji zyxwvut zyxwv zyxwv zyxwvuts zy zyxwvutsr zyxwvutsr remplacé par la monnaie et, surtout, le besoin pour les nouveaux venus dans la compétition sociale de se trouver un blason afin de conforter leur nouvelle position va les amener à réinventer l’histoire en fabriquant leurs propres ancêtres. <<ouverte>>, recevait le cercueil, le tombeau sera entouré plus tard par une palissade de pieux épointés. Au début du siècle, la maçonnerie va remplacer les simples amoncellements, désormais solidifiés par des joints en ciment. Enfin, depuis une trentaine d’années, les tombeaux ont tendance à s’agrandir, jusqu’à atteindre 20 à 25 mètres de caté et nombre d’entre eux sont entièrement construits en ciment. I1 faut également noter l’apparition, au centre, d’une petite maison, dénommé e ti-n n o mp n n n n e, ég a 1em e n t en ciment, surélevée, qui rappelle le sanctuaire où est déposé le cercueil d e s rois sakalava ou merina. Pour cela, il leur fallait sortir des nécropoles lignagères où un compte minutieux et tâtillon était tenu de la place de chacun selon son statut dans le lignage. Cadets et dépendants ont quitté les forêts profondes, où les nécropoles restaient à l’abri des regards et des profanations, pour s’installer au vu et su de tout le monde, au bord des routes, sans aucune contrainte à subir quant à l’emplacement et à la L’artiste qui, autrefois, taille des tombeaux. Là, se consacrait à la décotout devient possible si ration du tombeau des l’on a les moyens de son rois en est venu proimagination puisque gressivement, iì travers l’on joue seul sa propre les époques, à décorer carte. Installé au bord de le tombeau du noble, la route, on emprunte un puis celui du commun véritable raccourci pour d e s mortels, ensuite rejoindre l’au-delà, Photo 2 : Tombeau snknlava du Mennbe, 1899. celui des esclaves : les comme si la munificence mêmes signes d e l a du tombeau, par une sorte defeed-back, ne pouvait gloire et de l’honneur pouvaient s’y lire sous que correspondre à la gloire de l’ancêtre ; on renoue des formes renouvelées. À l’époque des royaupar là avec la conception la plus classique, qui est tés, le changement était signalé par la transford’installer le surnaturel au plus près de la vie quotimation de l’architecture funéraire, avant même dienne pour mieux en préserver les bienfaits. qu’un autre type de formalisation au plan social ou politique de cette nouvelle manière de faire Les tombeaux antandroy sont les plus représentane soit connue. Et ceci parce que tout ce qui touche aux tombeaux engage l’essentiel des tifs de cette évolution. Au départ parallépipède principes de la hiérarchie sociale et politique. de pierres entassées au centre duquel la terre, pí, y 84 Des tombeau admirables zyxwvutsrqponm zy zyxwvut zyxwvut Sans doute le rôle de l’artiste (au sens fort de ce dernier terme) est-il alors de savoir ne pas aller trop loin, de dire et de montrer tout ce qu’il <<peut>>, sans perdre le contact mais en portant la nécessité et l’évidence du changement juste au bord de ces <<tempêtes>> que d’aucuns seraient alors tentés d’appeler la colère des dieux ! (photo 3). Malgré ces bouleversements, un principe reste inchangé : le devoir d e s vivants est de savoir <<accueillir>> leurs ancêtres sans qu’ils ne soient en rien étonnés par tous les changements apportés dans le monde. Le dialogue est maintenu en permanence de mille manières : par le rêve, la maladie, la possession, la prière, la folie mais aussi par le tombeau, lieu symbolique par excellence du contact entre les deux mondes et ainsi de l’expression de toute modernité. côté, utilisant une tonne et demie de ciment. Le peintre s’appelle Sezomarina (photos 4 et 5). Ces fresques, j e les ai toutes photographiées, mises à plat, arrêties comme on arrête un manège : animé par un souci d’exhaustivité, de classification, choisissant des cadres et des angles de prise de vue qui évoluaient selon mes sentiments et en fonction de l’accoutumance et de l’acuité du regard que j’y exerçais. De ces peintures j’ai fait d’autres images, constituant en quelque sorte un corpus, mais sans mener une enquête systématique sur ce tombeau, le défunt, sa famille, les conditions de sa construction, son coût, ... Au-delà de l’expression des seuls destins individuels et familiaux des défunts enterrés dans ces monuments, il me semblait en effet que la lecture de ces fresques nous révélait d’abord le jeu complexe des rêves et des ambitions, des contradictions auxquelles ils avaient été livrés avec l’intrusion de toutes les tentations du monde moderne. Le tombeau dont il est question dans cet article est situé B Ambondro e t appartient à Fanilira, éleveur de bœufs, pro- P h o t o 3 : T o m b e a u Sakalava priétaire d’un troupeau de deux d i r Metiabe - 1950. U n couple. cents têtes et mort à soixante-dix ans, en 1982. I1 habitait le village Son fils, Tsimihotsike, a mis dei construire ce tombeau, d’environ vi Toutes les peintures présentes sur c e tombeau sont codées, métonymiques si l’on veut, dans la mesure où elles sont, chaque fois, introduction à un pan entier des les, des croyances, de l’histoire; ce ainsi fait pour déclencher l’imagi- zyxwvutsrqpon 85 naire, les phantasmes et, bien sûr, les entretenir. La lisibilité de ces images n’est donc pas toujours garantie et je me suis seulement intéressé aux peintures qui mettaient en scène un sujet stéréotypé avec une grande puissance d’expression et une réelle qualité esthétique.1 La présentation des photographies ne répond à aucun souci pédagogique et voudrait simplement, telle la projection de diapositives commentées par le voyageur, faire partager l’émerveillement d’une découverte, À une démarche à prétention scientifique est ici substituée une lecture qui, refusant de s’enfermer dans une soi-disant signification des images, tente d’activer nos propres rêveries afin de faire surgir celles qui, justement, animent la fresque. zyxwvuts zyxwvutsr On peut considérer chacune de ces peintures comme un véritable <(clip>> amorçant dans l’imaginaire une infinité de situations sociales et affectives qui réalisent les valeurs les plus contemporaines de la société malgache - mais terriblement Chaque photographie est accompagnée d’une idéalisées, utopiques par rapport à la réalité de la note explicative qui en assure une lecture immésituation sociale et économique du pays. Sans diate permettant un décodage culturel, technique, doute pourrait-on prétendre que l’un va avec écologique. Certaines précisions sont apportées l’autre ... Si le chansonnier, le mpibeko, s’attache à concernant l’emplacement des peintures sur le bien des détails de la vie politique locale, aux diftombeau, en fonction des orientations cardinales ficultés liées à la crise économique et aux faits dont la signification est déterminante ; il en va de divers de tous ordres, l’artiste ici invente un avemême pour les associations liées à la proximité nir radieux nourri des rêves secrets de chacun et de plusieurs sujets sur le support, et ceci bien dont il est le subtil accoucheur. Cette fresque, qu’il me semble qu’elles ne doivent pas être syscomposée de stéréotypes plus ou moins originaux tématiques. La visite du tombeau est organisée dont la forme est empruntée à des manuels, des autour de quatre thèmes : joumaux de mode, des bandes dessinées ou des publicités, fonctionne alors comme une peinture Hommes et femmes du réalisme socialiste dont la réalisation serait L‘âge d’or spontanée et non le reflet d’une action de propaLe héros gande ; elle brosse en même temps une esquisse La ville. de la nouvelle société en construction. La liberté de l’artiste est ici sa capacité à répondre à une attente collective, à en être le poète, à la formuler, * Exploiter l’ensemble des éléments figuratifs présents sur ce tombeau aurait nécessité I’élargissement de cette étude 1 un travail comparatif à anticiper sur la formalisation des changements systématique avec d’autres tombeaux équivalents, associé à I’introducet donc à les faire vivre ; elle est comparable en tion de données complexes sur l’organisation sociale, économique et surtout sur les croyances religieuses. Ce travail, d’ailleurs en cours cela au rôle joué par le possédé pour tous ceux (Andrianetrazafy, 1992), doit permettre de mieux comprendre comment qui attendent de l’<<esprit>> une réponse à des I’évolution de l’architecture funéraire dans cette région de Madagascar a permis d‘aboutir h cette forme spécifique d’art populaire. questions fondamentales. zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxw zyxwvuts 56 I------ _--__ _--__-_--- ,--^- I I zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA , -.A----- zyxwvutsrqp zyxwvutsrq Photo 4 : Toinheair de Faiiiliixi ci Aniboiidi-o. Régioti (le Fort-Dciiiphiii. Vire gétiéi~cilede l'eticeinte,face iioid. zyxwvuts Photo 5 :Tornhenil de Fatiilira iì Anzhondro. Vile géne'i.de de l'enceinte, face oliest. 87 Xoana zyxwvutsrqponmlk Hommes et femmes Le deuxième bureau zyxwvutsrq zyxwvutsrqp zyxwvutsr zyx Situé sur la face ouest de l’enceinte dir tombeau, ci son extrêmité sud. L’ouest est la zone des femmes aussi bieri polir les tonibeaiix que polir la disposition des personnes dans l’espace, à cle nombreuses occasions, i.itiielles o11pas. L’ouest implit-, l‘ouest du coilchant s’oppose ci l’est dir levant , symbole dit pur, de la divinité, clii poilvoir, de la sagesse et de la connaissance. Chaqiie tombeau est flanqué, clans son axe médiari, à l’est et à l‘oiiest, d ’ m e pierre dressée appelée vatolahy, pierre mûle cì l’est et vatovavy, pierre femelle cì l’ouest. L’érection de ces pierres correspondà lu dernière phase de constniction du tombeau quand la maçonnerie est achevée, au moment oli l’on va le recouvrir d‘11i1 enduit protecteur qui servira de siipport aiis fi-espies. Ici, les pierres dressées d’autrefois, qui pouvaient atteindre deris à trois mitres, ont été remplacées par un travail de maçonnerie d‘environ lin mètre ciizqiiante de haut, rappelant line guérite de militaire. On distiizgue s11r la face ouest de cette guérite uti personnage vraisemblablement inspiré d’une bande dessinée et p i figw-e un guerrier grec, peutêtre de la période macédonienne, reconnaissable ci sa tiinique courte, ourlée vers le bas, serrée ù la taille et airs der1.r jambières qui remontent jiisqii’au bas du geriou. Ce personnage fait pendant a11 salirt cl11 gendarme, à l‘est, dont j e reparlerai plils bas, Les d e i a scènes, au srid et au nord, ainsi qu’une séquence plus complexe ai1 centre-sud, siir lesquelles j e reviendrai, illustrent bien l’universf h i n i n par ti-ois thèmes spécificlues - mais il farit notei- que la scène air centi-e-nord que noils avons appelé la cccamaraderies figure deux hommes. zyxwvuts zyxwv La composition de cette scène est assez élaborée, et l’on pourrait la transcrire de la manière suivante : <<Arrivera-t-elleà le retenir face à cette impudente qui cherche à l’attirer dans ses filets ?>, La rivale s’appuie négligemment, d’un air mutin, à la branche d’un arbre et coule un long regard en coin sur sa proie. Elle porte une veste joliment taillée, rehaussée de boutons dorés et dont le bleu vif, très <<mode>>, tranche avec le rouge soutenu du dessous. Sa coupe de cheveux, dont deux mèches remontent en accroche-cœur de chaque côté du visage, est signe de séduction. Le jeune homme sur lequel elle a jeté son dévolu laisse deviner l’aisance de sa situation au dessin recherché de sa chemise et à sa coupe modeme. I1 semble autant fasciné par l’étrangère que sa douce compagne est inquiète, l’enlaçant, entourant son épaule d’un long mouvement tendre et ferme, et semblant vouloir faire de sa main droite un écran pour voiler le regard brûlant qu’il porte à sa rivale. Son costume plus modeste, sa coiffure sage et classique qui retombe en deux pans lourds sur ses épaules dénotent l’attitude d‘une épouse réservée, et son expression tout à la fois attentive et décidée rappelle immanquablement des images du cinéma japonais. C’est la forme actuelle de la polygamie qui est traitée ici ; elle est communément dénommée <<deuxièmebureau>>quand un notable, un personnage politique important mais aussi un fonctionnaire plus modeste choisit d’installer une deuxième femme dans un logement où elle vivra, pensionnée, avec ses enfants, comme n‘importe quelle autre épouse. Dans une situation économique difficile, un personnage en vue, socialement et financièrement, est toujours une cible privilégiée pour celles qui veulent tenter leur chance au-delà d’une simple aventure. On peut même dire que les jeunes femmes se mènent une guerre sans merci pour l’accès aux portes de leur avenir dans un système social et économique qui ne leur laisse guère d’autres choix et, en tout cas, fort peu les moyens de leur autonomie. Bien des responsables politiques ou économiques .ont ainsi plusieurs épouses, et une bonne lecture de la situation politique dans ce pays passe aussi par une certaine connaissance de tous les conflits et jeux d’influence nés de ces situations. zyxw zy Des tombearLr admirables 89 Xoana zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxwvutsrqp zyxwvutsr zyxwvut zyx zyxwvutsrqp zyxwv Le slow zyxw La scène est située siir la fcice norcl de l’enceinte dit tornbeau, au ceritre, entoirrée d’autres scènes évoqiinnt desfigures du cirque, i i n pêcheur exhibant i i n énorine poisson et 1111 élétrient complexe représentant line f e n m e emprisonnée dans les anneailx d’un python oli do qui e s t , dans cette région, l’image de Ia réhcarnation ;le thème traité ici semble être, peiltêtre dans m e perspective chrétienne, celui de la senlitide, de ceux qui sont possédés par les esprits cles morts. Le nord, par rapport au siid, est l’orientation des cadets, des inférieurs par rapports aux aînés ou aux chefs. Cette ílétertnination ccirdincile, très importante polir les nécropoles oil les tombes sont alignées dii nord ciii siid en fonction cles hiérarchies sociales, ne semble pas avoir été retenue ici, puisque rien de réellement sign$catif en termes de hiérarclzie n’est exprimé, Au contraire, le tombeau est situé dans lin autre système de référence spatial qrii ne laisse pas de place 2 ce type d’opposition piiisqiibn l’a justement choisi seul et unique dans son espace. Sans doute un couple de danseurs, étroitement enlacés dans un slow interminable. Une image classique de jeunes dans Line boîte de nuit mais qui prend ici, sur ce tombeau, une force particulière. L’attitude est sans ambiguïté, joue contre joue, il la serre étroitement à la taille et elle tient une main sur son épaule, elle vient de lancer sa jambe gauche en amere pour toumer lentement avec la reprise, et lui reste presque immobile. Elle porte une robe de sortie au dessin original, il est habillé sport^ avec un blouson cintré et sans doute un jeans. Ce motif établit une double rupture, d’abord avec la danse classique en pays antandroy où les hommes sont face aux femmes, chacun formant un groupe à part, comme nous le verrons plus bas ; ensuite, avec l’expression publique des sentiments amoureux, en particulier de l’intimité d’un couple, exclue par le code de la bienséance et de la politesse à Madagascar. C‘est une autre conception du couple qui émerge ici, fondée d’abord sur des relations beaucoup plus personnalisées, revendiquant le libre choix du partenaire et installant le couple comme une cellule indépendante, exclusive d’autres relations sociales - en particulier les relations familiales ou lignagères dont on sait combien elles pèsent, dans ce pays, sur la vie privée de chacun. Le thème du couple, présenté dans l’expression de ses relations amoureuses, est récurrent dans l’ensemble de la fresque : on peut en compter six représentations, parmi lesquelles j’ai choisi une vue ginérale et un détail (face est de la tranompanane, partie sud) comme une variante de la première. I1 lui parle tendrement à l’oreille avec un doux sourire et elle l’écoute charmée. La jeune femme semble porter une chevelure blonde - s’agit4 d’une étrangère et donc d’un couple mixte, symbole d’une certaine réussite sociale et matérielle ? 90 -: 91 zyxwvutsrq zyxwvutsrq zyxwvutsrqp Le couple au landau Situé siir la face est de la tranompanane, dans sa partie nord, et voisinant avec des déments pour lesquels il ne noils semble pas possible d‘établir de corrélations significatives, sinon par simple analogie avec le coriple dont noils venons de parler, présenté en gros plan siir la partie sud. Il est intéressant de noter la présence du landutau et1 opposition avec la technique classique du port de l’enfant serré dans le dos par line bande de tissii noué siir le devant. zyxw Deuxième exemple de couple. L’image est tellement stéréotypée qu’on pourrait sans doute l’enregistrer un peu partout dans le monde. Sans nous arrêter plus avant sur le costume, les coupes de cheveux, les lunettes de soleil, le sac à main, notons que le landau apparaît comme l’un des signes les plus évidents de la modernité, d’autant que c’est le père qui le pousse, penché vers son enfant, manifestant ainsi un partage des responsabilités entre les parents. Notons aussi laconnivence et l’intimité manifestes dans le mouvement de cette main posée par la femme sur I’épaule de son compagnon, et par le regard tendre et attentif des parents pour leur enfant. I1 nous faut ajouter que 1.a situation dans les villes du Sud est loin de correspondre à cette figure idéalisée. Les couples sont très instables et bien souvent, légitimes ou pas, ils se (défont.Les femmes se retrouvent alors seules avec plusieurs enfants et le plus souvent sans ressources, la solidarité cédant devant les trop grandes difficultés économiques auxquelles les familles se trouvent confrontées. Le problème des mères célibataires ou divorcées est l’un des plus cruciaux parmi ceux que l’on rencontre dans une ville comme Tuléar, dans le sud-ouest. 92 Des tombeau admirables 93 zy zyxwvutsrq zyxwvu zyxw La baigneuse zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA .I Sitirée SILI'la face nord de la tranompanane, clans la partie ouest, vers le bas. Sans rekition apparente avec les peintures du voisinage. Le costume féminin classiqite clic Srid ciévoile rai.emerit le corps. Les femmes nouent, juste cm dessus des seins, iin pagne Iégèremenr ouvert sili le côté droit et qui retombe au niveau des genoils oii 1112 peu au-dessus. Le soutien-gorge, chel. poiir les bitclgets les pliis modestes, est siirtoiit porté par les jeiines filles clans les régions rirrales. Une femme en bikini, à la peau très blanche. C'est d'ailleurs le cas de tous les personnages que nous venons de voir, par opposition à la couleur très sombre des représentations de la vie culturelle ou rituelle classique. Elle se recoiffe d'un air léger, le buste légèrement en arrière et le regard perdu dans la lumière du soleil. Expression de la séduction féminine fortem m t codée, qui semble sortie d'un magazine de mode. Femme <(libérée>>, découvrant son corps, sexuellement indépendante mais aussi libre de son temps, prenant des vacances, ayant des loisirs. Situation si différente de celle que l'on peut rencontrer dans le sud de Madagascar, où les femmes travaillent beaucoup, à la ville comme à la campagne, et tout à fait contrastée avec le modèle de la brodeuse sur la face ouest, la partie féminine du tombeau. Prenons l'exemple de Clarisse, quarante ans, pour décrire la journée d'une femme appartenant à la fraction la plus démunie de la petite bourgeoisie à Tuléar. Debout vers 5 h du matin, elle prépare le déjeûner de toute la famille, soit environ une dizaine de personnes (mari, enfants, petits-enfants, frère, père), fabrique de petites galettes qui seront vendues sur le marché par son fils, s'occupe des volailles (poulets et canards) élevées pour le commerce. Vers 7 h, elle va faire le ménage et la lessive chez deux coopérants vietnamiens de l'université de Tuléar. De 9 h à 13 h, elle travaille chez des coopérants français, se chargeant du ménage, des courses et de la préparation des repas. Rentrée chez elle en début d'après-midi, elle s'occupe de sa propre maison (le ménage et le repas pour la famille, aidée par ses filles), de la gargote où elle sert des repas rapides pour les gens du quartier, et passe un peu de temps avec ses petits-enfants. Disposant d'un poste de télévision let d'un magnétoscope acheté bon marché à ses précédents employeurs, elle organise, après le repas du soir et jusqu'g 22 h, des séances payantes de vidéo, tout en poursuivant un travail de broderie (nappes brodées avec de petits personnages évoquant des scènes de la vie quotidienne). Elle va se coucher vers minuit. 94 zyx . zyxwvutsrqp -: .' Xoana zyxwvutsrqponm zy i 'r La couturière zyxwvut zyxwvut Située siir la face ouest cle l'enceinte du tombeau dans sa partie nord, ci l'opposé de la séquence du ccdeiixième biireaii)) clont n o w avons parlé pliis haut. Notons que ka christianisation de Mciclagascar, très nnciemre, datant de la première moitié du X I X e siècle a provoqué, entre nutres, line véritable transformatiotz dii coshime, en particulier féminin, qu'il serait très intéressant d'observer ci travers des images diverses, graviires ou photographies anciennes. La femme modèle, tout à son ouvrage, dans une pose quasi hiératique, le corsage remonté jusqu'au cou et les manches retroussées. On ne peut s'empêcher de penser à ces générations de brodeuses formées 2 Madagascar par les religieuses et les dames de charité. En fait, une certaine image de la femme revue et corrigée par la tradition chrétienne, et que l'on retrouve ici dans la pose, le regard modeste, le costume, la coupe stricte, les cheveux très courts. La camaraderie zy zyxwvutsr Sitiige siir la face ouest de l'enceinte, nu centre et au nord du guerrier grec. Deux hommes qui rient de bon cœur, l'amitié ou.la camaraderie, les relations privées, personnelles entre deux personnes, sans doute une des valeurs les plus importantes de la vie actuelle par opposition 2. la toute puissance du lignage qui guide les intérêts personnels de chacun et pèse sur ses relations privées, amicales ou amoureuses. Une autre manière de représenter la liberte individuelle déjà évoquée dans les relations de couple. 96 Il I I Des tottibeails adtnirahles 91 zy 98 -- . zyxwvutsrqponmlkj l zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxw zyxw Des romhenrLr aclniirnhles zyxwvutsrqponm L'âge d'or zyxwvutsrqponm zyxwvutsrqp Les danseurs zyxwv Situé siir Ici fcice est de la tranompanane, aii siid et en contre-bas, iiii groupe de driiiserii.~,participmit vi.ciiserrzblablemerit cì Line cérkinonic! de possession oii kokolampo. Ils sont cicconipagrze's de ni!isiciens doiit l'iirijolie c h marovany, 011 cithare siii' caisse, qiii comporte en général douze coi-des qiie l'on pince cles clmx côtés de la caisse disposée eiitre les delis jatribes dii miisicieii, assis en tailleur. Un airtre niusicieiz agite un hochet clont il esì diflicile de clire s'il est eiz vannerie ou en tiiyaii. Les feintnes portent 1111 lambahoany oii inipi.iirzé aiis coiileiirs vives arboimt soiii'eizt line foririule en niulgache, adage qiii ciffime zii1 trait cle la per.sonnalitt du porteur dii costime, sorte de clin d'@il A l'assistance. Le danserir aii premier plan porte les insignes clii detiii, organisatew- de la cérémonie, niais la pi,éseiice des ratneci~i.~ siir la tête est clifficile ci espliqiier. Les mouvements des feinnies qiii claizsent - bras levés et poignets très mobiles - sont caractéii~tiqiiescles différents ritirels lignagers. La première chose à noter ici est la couleur de la peau des personnages, nettement plus foncée que pour les représentations précédentes, et cela en raison du thème traité qui renvoie aux images anciennes, fabuleuses presque, de la sociét4 antandroy à travers une mise en scène riche en détails et qui exclut toute inter;;6ii6rration avec des Cléments de la vie contemporaine. Cette scène est destinée à présenter les activités sociales et culturelles de la vie coutumière SOLIS une forme définitivement classique : ctdu temps de nos ancêtres...>> La coiffure à boules . Située sur la partie est de l'enceiiite estérieiire, air centre, à côté du geiiclaririe qui salue. C'est l'espressioii de la beaiité sous sa forine la plus classique dans l'ouest et le sud-ouest de Madcigascar. Cette coiffure denimide beaucoup de tenips de préparation, puisqii'oii découpe la chevelure en.petits carrés dont on tire wie loizgiie iiatte fine que l'on roule ensiiite siir elle-mêtne pour en faire line boule. On peut encore admirer cette coiffiire cì l'occasion de certaines fêtes oii céi-émonies. La toge rouge est un symbole de prestige, costume des anciens chefs OLLrois. Image stéréotypée de la beauté et du <(style)>de la vie ancienne et qui, là encore, ne permet aucune confusion avec les formes actuelles de la parure et du costume. 99 XOUtlU zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA _ .-. ! i zyxwvuts I O0 Des tonibearLv admirables zy zyxwvutsrqp zyxwvuts zyxwvut zyxwvuts zyxwvuts zyxwvutsr La consultation Située jiiste à côté cle la scène des clansews, siir la fùce est de la tranompanane. Image très classiqiie d‘iíne consirl[ation cruprès ~ 1 ’ 1 1 1 1 ombiasy oli deviri-griérisseiii.. Il vient cle tirer les graiiies du sikily, procédé cle divitintiori d’origine arabe largement iltilisé à Maclagascai.. On i-emaiqiie les delis figiires clénoniniées Alakaosy, O L Ll’etfant, qui exprime aiissi la prière et la force biaitale, et Adabaray, qui signifie Ici mort mais aiissi l’apparteiiance à liti groupe noble. Notons erlfiii la pi.ésence, clans iin perit panier, des deils aoly oii talismans, corfectionnés A l’aide d’iitie corlie de zébu, dont la boliche est brodée avec cles perles de coidelir. Les corms sont iwnplies avec cle la graisse de bceirfforniant ilne espèce de cinient qui retient des objets niugiques, cléposés là pour leur rapport analogiqire avec iin des aspects clir problème traité et des bois niédiciiiaiis. Le talisman, cle nzême qiíe le sikily, sont des réponses, dcins les cleiis cas cì ti‘civers une formiilatioiz symboliqiie, A la questiori posée par la cliente. Peilt-être est-il qirestion ici des circonstances du décès cle la personne enterrée dans ce tombeau, mais il poirimit s’agir tout aiissi bien cl’une affaire cl’amoia-, d‘wie maladie, d’irti cotzflit avec Lin proche. Le devin, pour signifier son état, porte jiiste un pagne, uti talisman noué autoiw du bras droit et Litze barbe. La femme, très attentive, iioiis toiirne le dos. Le devin, tri% noir, est projeté lui aussi dans le monde magique des ombres oÙ s’agitent les grandes figures mythiques du passé de Madagascar, qui sont ici comme un rappel de la force profonde du monde. La divination, la consultation, c’est bien quelque chose dont on ne peut pas se passer face à la mort, l’amour, la peur, l’ambition. La jeune femme qui consulte, d’allure tout 51 fait moderne, formule les mêmes interrogations que tout le monde mais en secret, dans un débat intime avec elle-même, oÙ se jouent aussi bien l’idée du bonheur que la lutte contre l’angoisse existentielle. Les deux malins Uize iizstitutrice aux longs clieveiíx clénoiiés dans le dos est assise face à trois enfants plongés dans la lecture de Ikotofetsy sy Imahaka, im des contes malgaches les plils célèbres, que toils les enfants connaissent et qui raconte l’liistoire de deux ccmalins>>qui rivalisent d’imagination et d’intelligence pour sortir des situations les plus difficiles, déjouer les complots de leurs ennemis et ridiculiser les fats et les idiots de ce monde. Notons que cette image voisine avec celle du combat des deux héros grecs. OÙ comment être le plus fort tout en restant vraiment soi-même, donc malgache ! L’apprentissage de la langue et de la lecture se fait à la source de l’histoire de ces deux héros les plus valeureux de la littérature malgache, comparables aux héros grecs, universels, que l’histoire du monde nous laisse en exemple et qui, à leur manière sont aussi des images du passé mythique de la Grande Île, ainsi que nous le verrons plus loin. Cette évocation vient clore, en quelque sorte, l’exaltation des valeurs les plus simples, les plus spécifiques et les plus profondes de la culture malgache. 101 Xonna zyxwvutsrqponml Le héros zyxwvutsrqp zyxwvutsrq zyx zyxwv zyxwvuts Le guerrier grec zyxwvutsr zyxwv Situé siír la face ouest cle Ia tranompanane, en contrebas, aií voisinage des trois élèves et cle I‘institiitrice. Peilt-être socle des guerres puniques o~ímécliques si l’on en croit la forme dii casque et du boiiclier. iín épi- Image sans doute empruntée 2 un livre d’histoire qui dëveloppe une scène de combat entre deux hommes armés de javelines, très proche des combats au corps à corps qui opposaient autrefois les royautés dans ce pays. L’identification valorise ici une forme de combat commune et introduit l’association, également traitëe plus bas, entre le guerrier et l’expression des valeurs fondamentales de la dignitë sociale et de la virilité. Le héros et son combat Sitiiés siir la fcíce norcl de lu tranompanane, en contrebas, quatre éléments cle compétition sont ici associés et reprbentés síir le mime paiineciii. Le ringa olí lutte d mains nues dont l’ezjeii est d’immobiliser son aclvei.sair-e aií sol. On peiit en admirer cle spectaculaires démonstrations d l’occasion des veillées de fêtes oií cle cérémonies. Le port du salaka o11pagne est inclispensable, puisque l’on se sert de ce vêtementpoiir assurer sa prise aií coiírs dii combat. Les deux joiieiirs de football siir lesquels noiis n’insisterons pas. La lutte entre les deus taiíreaux, cornes contre cornes. À droite, on découvre i í n homme vêtu du pagne antaizclroy, simple bande cle coton tissé,formant des motifs géométriqiíes dans une opposition cle noir et de blanc. Il pointe iín javelot, lefona, dans sa mairi droite et s’apprête à le lancer dans la direction cle deiís bœilfs dont I ’ m est déjd abattu. S’agit-il d’un chasseur de ces bœilfs sauvages, comme il en existait beaucoup autrefois, échnppés des troiipeaiíx, vivant à In limite des pdtíírages clans les zones acciclentées, difficilement accessibles, symbolisant ainsi Ici chasse la plus valeiireuse clans un pays oìì il n’esiste pas de gros gibier (e,xepté le crocodile et le phacochère), oli plus simplement line scène de vol de bœilfs oil les jeunes clevaientfaire la preuve cle leiirs talents avant de prendre place clans la société ? Plirs bas, un milsicien jolie du violon oli lokanga, copie du modèle européen importé au XVIIe siècle, pour accompagner d e w danseiirs dans la position classique des danseurs defiinéi.ailles. La femme tient ses bras levés au-dessus de Ia tête en décrivant des moiílinets avec ses mains et I* homme, légèrement penché vers l’avant, tape des pieds siir le sol en remontant très haut ses g e n o u , le javelot pointé vers le sol. Exaltation des valeurs de la lutte et du combat à travers l’association de trois thèmes très classiques du combat, lutte, chasse aux bœufs, combat entre deux taureaux, auxquels vient s’ajouter le football, expression modeme des mêmes valeurs. La valeur personnelle, mélange d’intelligence, de courage et de force physique, trouve à s’exprimer dans les mêmes termes à travers le football pratiqué par ces nouveaux héros : l’objectif seste celui de la reconnaissance sociale et de l’acquisition d’un statut. i O2 Des rombenru admirables pw 103 zy Xoatta zyxwvutsrqponmlk Les championnes zyxw zyxw zyxwvuts Un groupe de jeunes filles, siir la face sircl de l’enceinte, clans la partie est. On devine leur rôle ri leur costiinle cle sportives. Cette scène est tout cì fait proche de la représentcition de l‘éqiiipe de basketteuses, également très cinétiqiie. Le groupe, très vivant, est saisi dans son mouvement comme s’il passait en courant devant le peintre, au cours d’une manifestation de rue, derrière une pancarte qui claironne un <(Allez,les filles, allons-y!>,. La première jeune fille est présentée comme dans un instantané, surprise par ce regard extérieur, et l’on devine l’effort qu’elle fournit à sa mèche défaite. La dernière, esquissant un geste de ralliement, s’adresse au public que l’on devine dans son regard, renforçant la conviction exprimée par la pancarte. Ses vêtements de jogging, son bandeau dans les cheveux, son gilet très chic, son collier, donnent l’image de n’importe quelle jeune citadine rencontrée au détour d’une allée de Central Park à New York. Les femmes, aujourd’hui, sont aussi des championnes dont les combats et les victoires portent l’avenir du pays. Ce groupe de jeunes filles exprime toute l’importance accordée au sport comme élément de la modemité, d’une forme de développement, de l’expression de l’identité nationale dans la compétition intemationale et aussi, par opposition au football, du rôle nouveau (rêvé, sinon réellement entré dans les mœurs) de la femme dans la société malgache. Les basketteuses Sitriées siir la face nord de l’enceinte, tì son extrémité ouest. zyxwvutsrq On retrouve le thème du rôle symbolique des femmes dans latransformation sociale, àtravers un rappel dynamique de cette équipe universitaire qui s’est illustrée récemment clans une compétition internationale. On peut noter les détails essentiels du costume, la f o m e particulière du short, un peu plus long que pour les autres disciplines, les bandes longitudinales sur le côté et les rondelles blanches sur les chaussures. Le travail Située siir la face nord de l’enceinte, d l’est, en opposition au groupe des basketteuses, cette scène représente les valeurs du travail et de sa division sexuelle sous la forme la plus classique. Les femmes pilent le riz, battant en cadence dans le même mortier. On peilt noter le réalisme cle celle de gauche avec son pagne noué autour cle la taille, les foulards pow- protéger les chevelures d i son et les deux robes de coupe moderne. À côté, les dela honinies retoiitnent la terre - sans doiite celle d‘une rizière avant le repiquage. L’un porte Lin costume courant et le second, un malabar, le costume traditionnel despayfans des Hautes Terres, tel que le chapeau à bord large. zyxwvu Expression stéréotypée du travail à Madagascar et donc du travail agricole comme source principale des revenus, mais misi comme outil fondamental des équilibres sociaux. On peut considérer ces deux activités très classiques comme une des :ormes d‘évolution de la représentation du héros dans la culture malgache. O4 Des ronibeaia admirables zyxwvutsrqpon zyx , . zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFED I. \ 1O5 Xoana I06 zyxwvutsrqponmlk zyxwvutsrqponm i zyxw Des tonibeaiu adtnirables zyxwvutsrqponm La ville zyxwvutsrqpon I zyxwvutsr zyxwvuts Elle, face oiiest de l’ericeinte, s w la pai?ie sild clir pilier ceritid, lai, son penclant, face est de l’enceinte, s ~ i rla pnrtie sud du pilier centrcd. Elle, maquillée, portant des boucles d’oreilles éclatantes, la chevelure nattée, à l’image des lycéennes chic des Hautes Terres, son polo de couleur vive associé .5 un pantalon ajusté et porté sur des bottes. Lui, arborant une coiffure <<afro,>, des lunettes de soleil sur le modèle de certains chanteurs à la mode de Tananarive. II Le boucher Situé siir Ici face sild cle l’enceinte, en contre-bas, dcrm la partie ouest. Dans ce pays cl‘éleveurs, la consotnination cle viundei siirtoiit de viancle cle zébu, est Lin signe maizifeste d‘opulence. Le boucher symbolise la vie urbaine : à la campagne ou au village on ne trouve de la viande qu’à l’occasion des abattages rituels et rarement pour la seule consommation. Ici, les différents morceaux sont exposés et pesés avant d’être vendus 5 une cliente qui porte tous les signes d’une apparence bourgeoise - tailleur, cheveux nattés dans le dos et escarpins. Les gendarmes Situés siir la face suc1 de l’enceinte, vers rest, deux gendarnies boivent du vin, exprimant ainsi leur position privilégiée d’honzrnes de poirvoir qui ont accès à des plaisirs particuliers, rares 011 précieii-y, venant quelquefois cle l’étranger. Notons l’expressioiz de la camaraderie entre ces deux hoinmes qui orit des grades di8érents. Les grades se lisent sur les ilriiformes malgaches Ci l’aide de boutons blancs correspondant àperi près n i a barettes des uniformes français. Le gendarme représente l’instrument du pouvoir par excellence ; il est donc présent, au garde-à-vous, sur le pilier central de la face est de l’enceinte, dans la direction des ancêtres et de la divinité, qu’il salue. 107 zyxwvuts l En guise de conclusion, et pour synthétiser le message que j’ai tenté de transmettre, terminons avec l’histoire de Mahavelo venu à Tuléar, il y a une quinzaine d’années, pour s’enrôler comme tireur de pousse-pousse afin de rembourser une partie du troupeau qu’il a fallu dilapider pour permettre la construction du tombeau du père de son père (un tombeau semblable à celui que je viens de présenter). Mahavelo travaille dur, partant le matin à l’aube après avoir bu seulement un verre d’eau et rentrant à la nuit tombée. Ainsi, jour après jour, il amasse l’argent nécessaire 8 la reconstitution du troupeau et l’envoie, en bon fils, à son père. Un jour, il s’éprend d’une femme plus âgée que lui et qui n’a pas été choisie par sa famille. Très amoureux, il offre mille cadeaux à sa dulcinée, devenant lui aussi beaucoup plus attiré par toutes ces choses que l’on trouve en ville ; il néglige sa famille qui ne reGoit plus ni argent ni nouvelles. Son père, furieux, le rappelle au village où il finit par se rendre avec sa femme et la présenter à ses p a r e n t s . À peine arrivé, e t devant elle, il s’entend dire qu’il doit divorcer sur l’heure s’il ne veut pas être chassé du village et du tombeau familial - la dernière des hontes et des punitions. Je me souviens du visage de Mahavelo, qui s’était assis contre le mur d’une de ces petites maisons du pays antandroy, noyé de dou- leur, d’amertume et d’incertitude. Ayant à peine quarante ans, il avait beaucoup rêvé de mener une vie moins dure, plus personnelle, une vie qui ménage une place à tout ce qu’il avait découvert à Tuléar, une vie proche de tout ce qu’évoquait cette fresque que nous avons décrite. Mais sa femme, assise loin derrière lui, silencieuse, le souffle court, le visage muet, abasourdie, attendait sa décision. Alors Mahavelo s’est levé, les épaules très lourdes, tel un enfant fatigué qui reprend sa tâche, pour annoncer à son père qu’il avait décidé de divorcer... zyxwv zyxwvu Références bibliographiques Andrianetrazafy H., 1992, Pour line cipproche historique de I’nrt fiínéi.crii.e antcrnrlroy. Problèmes et perspectives, DEA, université d’Antananarivo, UER d’histoire, 123 p. Boulfroy N., 1989, ((L’art funéraire mahafale,,, i n iMCm‘agciscar,Arts de la vie et de la survie, éd. ADEIAO, 24-30. Goedefroit S., 1989, Les T o m b e m s scikalcivci du Mennbe. Interpi.étntion historiqiie, nntlzr-opologiqiíeet sémiologiqite d ’ u n a r t e n nzozívenzcnt, DEA, Université libre d e Bruxelles, Bruxelles. Pannoux S., 1991, <<Letombeau mahafale, lieu d‘expression des enjeux sociaux : tradition et nouveauté>>,in AOMBE 3 , éd. MRSTD-ORSTOM, 117-146. zyxwv 2. I % zyxwvu 1 ! i 1 I I t zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Résumés (français) zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxwvutsr zyxwvu Luis Prieto : Entre sigizal et inclice : Z’inzage photographique et l’irnage ciize”atogi.aphiqiie. L. J. Prieto aborde ici, pour la première fois sous une forme développée et systématique, le problème de l’image à partir de la sénziologie de l’inclicatioiz dont il a donné la théorie en d’autres écrits. Comment décrire sémiologiquement (tun objet ressemblant à un autre objet>>,quels instruments nouveaux doit-on forger ? Pour l’essentiel le mécanisme de l’indication suppose que l’image soit référée à un autre objet matériel ou symbolique. Ainsi l’analyse du rôle joué par le ré€érent dans le cas de l’image photographique comme dans le cas de l’image cinématographique, ainsi que la comparaison entre l’une et l’autre configuration sémiologique donnent l’occasion à L. J. Prieto de poser les bases d’une sémiologie de l’image. Jean-FranGois Werner : La photogi-aphie de fainille en Afi-iqrie de I’ Quest. Uize méthode d’approche etkizogi-aphiqiie. A quelles conditions les images photographiques peuvent-elles être considérées comme un matériau scientifique utiIisable dans l’approche ethnographique ? Le fait que le sens attribué par l’ethnographe aux images qu’il met en œuvre doit s’appuyer sur la connaissance du contexte dans lequel elles ont été Claborées amène l’auteur à analyser leurs conditions techniques et sociales de production, à partir d’observations effectuées récemment en Afrique de 1’Ouest. zyxwvu Christian Papinot : La photographie et soi1 adaptation au terrain. Uize expérience malgache. Mettant à profit les réactions souvent très négatives de la population malgache vis-à-vis de certains aspects de son travail de terrain (la photographie de la décoration des taxis-brousse), l’auteur analyse la façon dont les Malgaches conçoivent l’image, l’objet de la photographie et les relations qui s’instaurent entre photographe et photographié, mettant en évidence certains aspects fondamentaux de la culture locale. Jacques Lombard : Des tombeaux admirables. A partir de photographies qu’il a prises de peintures réalisées pour la décoratidn d’un tombeau antandroy dans le Sud de Madagascar, l’auteur propose une lecture de certains aspects des relations sociales et des croyances en vigueur dans la société malgache contemporaine, révélant le jeu complexe des rêves, des ambitions et des contradictions nés de l’intrusion dans une société traditionnelle des tentations du monde modeme. 184 Summaries (english) zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxwvutsrq zyxwvu Luis Prieto : Between the sigrial arid the iizclex :the photographic aizcl the ciiienzatogi-ciphic image. L.J. Prieto develops here, for the first time extensively and systematically, the problem of the image based on the theory of iizclicative semiology which he has set out in other papers. How can <can object which resembles an other object>>be semiologically described, what new instruments need to be created ? Basically, the mechanism of the indication supposes that the image is referred to another material or symbolic object. Thus an analysis of the role played by the referent in the case of the photographic image as in the case of the cinema image, together with the comparison between one and the other semiologic configuration allows L.J. Prieto to set out the basis for an image semiology. J e a n - F r a n c o i s W e r n e r : Photogr-apliy i12 West Africa. An ethnographic cippr-oaclz. In what conditions can photographs be considered scientific material to be used in an ethnographic approach? The fact that the meaning attributed by the ethnograph to photographs must be based on his familiarity with the context in which they were taken leads the author to analyse the technical and social conditions of their production, based on recent observations in West Africa. zyxw Christian Papinot : Local culti.ii-e and image i-epoi-t. Field experience in Madagascar. Based on the often very negative reactions of the Malgache population to certain aspects of his field work (photographs of decorations on brush taxis), the author analyses the Malgache conception of the image, of the subject treated, and the relations between the photographer and his subject, thus discussing certain fundamental aspects of local culture. Jacques Lombard : Admirable tombs. Using photographs of paintings used to decorate antandroy tombs in south Madagascar, the author proposes an interpretation of some aspects of the social relations and beliefs current in contemporary Malgache society and highlights the complex interplay of dreams, ambitions and contradictions resulting from t h é intrusion of modern temptations into a traditional society. Xonnn zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA , , zyxwv Resiirnenes (espaiiol) zyxw zyxw Luis J. Prieto : Entre la s e h l y el íridice : la iiriagerz fotogi-cifica y la imagen cinematogsáfica. L. J. Prieto trata aquí, por primera vez bajo una forma desarrollada y sistemática, el problema de la imagen a partir de la semiología de la iizclicacióiz, de la que ha explicado la teoría en otros escritos. ¿Cómo describir semiológicamente <tunobjeto que se parece a otro objeto>>?¿Qué instrumentos nuevos deben forjarse? En lo esencial, el mecanismo de la indicación supone que la imagen se refiere a otro objeto material o simbólico. De este modo, el análisis de la función desempeñada por el <(referente>> en el caso de la imagen fotográfica y en el caso de la imagen cinematográfica así como la comparación entre uma y otra configuración semiológica,dan la ocasión a L. J. Prieto para fijar las bases de una semiología de la imagen. Jean-Frangois Werner : La fotografia en Afifca Occidental. Un método p a i z un eifoqiie etiiogi-áfico. Bajo determinadas condiciones, ¿pueden considerarse las fotografías como un material científico utilizable en un enfoque etnográfico? EI hecho de que el sentido atribuido por el etnógrafo a las imágenes que trata debe basarse en el conocimiento del contexto en el que fueron elaboradas, conduce al autor a analizar sus condiciones técnicas y sociales de producción a partir de observaciones efectuadas recientemente en Africa Occidental. Christian Papinot : Sobre la imagen y ciiltiira local. Una experiencia sobre el terreno eiz Madagascar. Aprovechando las reacciones con frecuencia muy negativas de la población malgache en lo referente a determinados aspectos de su trabajo sobre el terreno (la fotografía de la decoración de los taxis-bosquejo), el autor analiza la forma en que los malgaches conciben la imagen, el objeto de la fotografía y las relaciones que se establecen entre fotógrafo y fotografía, relaciones que ponen de realce determinados aspectos fundamentales de la cultura local. Jacques Lombard : Tumbas aclmirables. A partir de fotografías tomadas de pinturas realizadas para la decoración de una tumba antandroy en el Sur de Madagascar, el autor propone una interpretación de algunos aspectos de las relaciones sociales y de las creencias vigentes en la sociedad malgache contemporánea, lo que revela el juego complejo de los sueños, de las ambiciones y de las contradicciones originadas por la intrusión de las tentaciones del mundo modemo en una sociedad tradicional. 188 I I b Xoann zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA i l I I ! il I 1 Riassunti (italiano) zyxwvutsr zyxwvut zy zyxwvu Luis Prieto ; Tra il segnale e l’indizio : l'immagine fotografica e l’immagine ciiiematogrnfica. L.J.Prieto abborda qui, per la prima volta sotto forma sviluppata e sistematica, il problema dell’immagine partendo dalla semiologia dell’indicazione di cui ha enunciato la teoria in altri scritti. Come descrivere semiologicamente <tun oggetto rassomigliante a un altro oggetto>>,quali nuovi strumenti si devono fabbricare ? Per l’essenziale il meccanismo dell’indicazione suppone che l’immagine venga riferita a un altro oggetto materiale o simbolico.Cosí l’analisi del ruolo del referente nel caso dell’immagine fotografica come nel caso dell’immagine cinematografica nonché il confronto tra l’una e l’altra configurazione semiologica danno l’occasione a L.P. Prieto di porre le basi per una semiologia dell’immagine. Jean-FranGois Werner : La fotografia in Afiica Occiclentale.Un nzetoclo d’appl-occio etnografico. A quali condizioni le immagini fotografiche possono essere considerate come materiale scientifico utilizzabile nell’approccio etnografico ? I1 fatto che il senso attribuito dall’etnografo alle immagini messe in opera dallo stesso debba fondarsi sulla conoscenza del contesto in cui sono state elaborate induce l’autore ad analizzare le loro condizioni tecniche e sociali di produzione partendo da osservazioni recentemente effettuate in Africa Occidentale. Christian Papinot : Rapporto all’iinmngine e ciiltili-a locale. U n espesimento di terreno in Maclagascar. Mettendo a profitto le reazioni spesso molto negative della popolazione malgascia rispetto a certi aspetti del suo lavoro di terreno (la fotografia della decorazione dei taxi-savana), l’autore analizza il modo con cui i Malgasci concepiscono l’immagine, l’oggetto della fotografia e le relazioni che s’instaurano tra fotografo e persona fotografata, evidenziando certi aspetti fondamentali della cultura locale. Jacques Lombard : Tombe ammirabili. Partendo da fotografie, scattate dall’autore, di dipinti realizzati per la decorazione di una tomba antandoy nel Sud Madagascar, egli propone una lettura di certi aspetti delle relazioni sociali e delle credenze vigenti nella societa malgascia contemporanea, rivelando il gioco complesso dei sogni, delle ambizioni e delle contraddizioni nate dall’intrusione in una societa tradizionale delle tentazioni del mondo modemo. I90 na Images et sciences sociales zy zyx zyxwv 124 &rb 9Y e O. R.S.T.O.M. -. . . . .. . :g cote zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA zyxwvu Fonds Documentaire