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Des tombeaux admirables zyxwvutsrqponmlk
Jacques Lonzbni-cl “
Le message que j’ai voulu déchiffrer ici est transmis, porté par des images, des peintures réalisées
pour la <décoration>>d’un tombeau antandroy
dans le sud de Madagascar.
chacun devra passer par différents médiateurs
pour tenter d’établir une telle communication. Le
souverain et le commun des mortels sont donc
d’une nature totalement différente, et le tombeau
exprime cette différence fondamentale autour
d’un certain nombre de principes - tels l’opposition entre le haut et le bas, le Nord et le Sud, le
froid et le chaud, le feu et l’eau, l’Est et l’Ouest.
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Le tombeau, de tout temps à Madagascar, a été le
vrai lieu de l’expression métaphorique de la
modernité. Le lieu de la libre expression des
transformations sociales à travers la description
de règles, de rituels, de privilèges autrefois réservés au seul souverain et servant de modèle au
plus grand nombre (cf. Boulfroy, 1989 ;
Goedefroit, 1989 ; Pannoux,.l991).
Autrefois, seul le roi disposait d’un tombeau décoré arborant les différents signes du pres:ige
(nlonlo ou sculpture funéraire d’une tombe royale
mahafale, cfi photo I ) alors que les femmes et les
dépendants n’avaient pas de tombes apparentes.
Le tombeau royal constitue donc la référence qui,
à travers de nombreuses transformations, va marquer l’évolution de l’architecture funéraire malgache (tombeau sakalava du Menabe, photo 2 ) .
Avec la pénétration européenne et la période
coloniale, un divorce définitif s’installe progressivement entre l’ancien ordre lignager, garant d’un
certain équilibre économique et ceux qui tirent
bénéfice de l’accroissement irréversible des activités commerciales liées au développement éConomique de Madagascar. Même pour la construction des tombeaux, l’étalon-bœuf v a se trouver
Avec les royautés malgaches apparaît, du XIVe au
XVe siècle, un modèle de hiérarchie politique et
sociale fondée sur le rclpport des vivants aux
morts à travers le culte des ancêtres. Inféodant
des populations à son nouveau pouvoir, le souverain va inféoder leurs ancêtres à ses propres.
ancêtres, fabriquant dans le même temps des
généalogies mythiques bâties le plus souvent
grâce aux ancêtres de ceux que, désormais, il
domine. Le roi dispose d’un ‘accèsdirect à la divinité, premier de ses ancêtres, et se trouve ainsi
installé à la cime du monde et grand ordonnateur
de toute chose. Si le souverain établit une relation
* Anthropologue, ORSTOM, Pans.
cmaturelle>>,familiale avec Dieu, en revanche, tout un zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
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Xouna. I . 1993
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remplacé par la monnaie et, surtout, le besoin
pour les nouveaux venus dans la compétition
sociale de se trouver un blason afin de conforter
leur nouvelle position va les amener à réinventer
l’histoire en fabriquant leurs propres ancêtres.
<<ouverte>>,
recevait le cercueil, le tombeau sera
entouré plus tard par une palissade de pieux
épointés. Au début du siècle, la maçonnerie va
remplacer les simples amoncellements, désormais solidifiés par des joints en ciment. Enfin,
depuis une trentaine d’années, les tombeaux ont
tendance à s’agrandir, jusqu’à atteindre 20 à 25
mètres de caté et nombre d’entre eux sont entièrement construits en ciment. I1 faut également
noter l’apparition, au centre, d’une petite maison,
dénommé e ti-n n o mp n n n n e, ég a 1em e n t en
ciment, surélevée, qui rappelle le sanctuaire où
est déposé le cercueil
d e s rois sakalava ou
merina.
Pour cela, il leur fallait sortir des nécropoles
lignagères où un compte minutieux et tâtillon
était tenu de la place de chacun selon son statut
dans le lignage. Cadets et dépendants ont quitté
les forêts profondes, où les nécropoles restaient à
l’abri des regards et des profanations, pour s’installer au vu et su de tout
le monde, au bord des
routes, sans aucune
contrainte à subir quant
à l’emplacement et à la
L’artiste qui, autrefois,
taille des tombeaux. Là,
se consacrait à la décotout devient possible si
ration du tombeau des
l’on a les moyens de son
rois en est venu proimagination puisque
gressivement, iì travers
l’on joue seul sa propre
les époques, à décorer
carte. Installé au bord de
le tombeau du noble,
la route, on emprunte un
puis celui du commun
véritable raccourci pour
d e s mortels, ensuite
rejoindre l’au-delà, Photo 2 : Tombeau snknlava du Mennbe, 1899. celui des esclaves : les
comme si la munificence
mêmes signes d e l a
du tombeau, par une sorte defeed-back, ne pouvait
gloire et de l’honneur pouvaient s’y lire sous
que correspondre à la gloire de l’ancêtre ; on renoue
des formes renouvelées. À l’époque des royaupar là avec la conception la plus classique, qui est
tés, le changement était signalé par la transford’installer le surnaturel au plus près de la vie quotimation de l’architecture funéraire, avant même
dienne pour mieux en préserver les bienfaits.
qu’un autre type de formalisation au plan social
ou politique de cette nouvelle manière de faire
Les tombeaux antandroy sont les plus représentane soit connue. Et ceci parce que tout ce qui
touche aux tombeaux engage l’essentiel des
tifs de cette évolution. Au départ parallépipède
principes de la hiérarchie sociale et politique.
de pierres entassées au centre duquel la terre,
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84
Des tombeau admirables zyxwvutsrqponm
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Sans doute le rôle de l’artiste (au sens fort de ce
dernier terme) est-il alors de savoir ne pas aller
trop loin, de dire et de montrer tout ce qu’il
<<peut>>,
sans perdre le contact mais en portant la
nécessité et l’évidence du changement juste au
bord de ces <<tempêtes>>
que d’aucuns seraient alors
tentés d’appeler la colère des dieux ! (photo 3).
Malgré ces bouleversements, un
principe reste inchangé : le devoir
d e s vivants est de savoir
<<accueillir>>
leurs ancêtres sans
qu’ils ne soient en rien étonnés
par tous les changements apportés
dans le monde. Le dialogue est
maintenu en permanence de mille
manières : par le rêve, la maladie,
la possession, la prière, la folie mais aussi par le tombeau, lieu
symbolique par excellence du
contact entre les deux mondes et
ainsi de l’expression de toute
modernité.
côté, utilisant une tonne et demie de ciment. Le
peintre s’appelle Sezomarina (photos 4 et 5).
Ces fresques, j e les ai toutes photographiées,
mises à plat, arrêties comme on arrête un manège : animé par un souci d’exhaustivité, de classification, choisissant des cadres et des angles de
prise de vue qui évoluaient selon
mes sentiments et en fonction de
l’accoutumance et de l’acuité du
regard que j’y exerçais. De ces
peintures j’ai fait d’autres images,
constituant en quelque sorte un
corpus, mais sans mener une
enquête systématique sur ce tombeau, le défunt, sa famille, les
conditions de sa construction, son
coût, ... Au-delà de l’expression
des seuls destins individuels et
familiaux des défunts enterrés
dans ces monuments, il me semblait en effet que la lecture de ces
fresques nous révélait d’abord le
jeu complexe des rêves et des
ambitions, des contradictions auxquelles ils avaient été livrés avec
l’intrusion de toutes les tentations
du monde moderne.
Le tombeau dont il est question
dans cet article est situé B
Ambondro e t appartient à
Fanilira, éleveur de bœufs, pro- P h o t o 3 : T o m b e a u Sakalava
priétaire d’un troupeau de deux d i r Metiabe - 1950. U n couple.
cents têtes et mort à soixante-dix
ans, en 1982. I1 habitait le village
Son fils, Tsimihotsike, a mis dei
construire ce tombeau, d’environ vi
Toutes les peintures présentes sur
c e tombeau sont codées, métonymiques si l’on veut, dans la
mesure où elles sont, chaque fois,
introduction à un pan entier des
les, des croyances, de l’histoire; ce
ainsi fait pour déclencher l’imagi- zyxwvutsrqpon
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naire, les phantasmes et, bien sûr, les entretenir.
La lisibilité de ces images n’est donc pas toujours garantie et je me suis seulement intéressé
aux peintures qui mettaient en scène un sujet stéréotypé avec une grande puissance d’expression
et une réelle qualité esthétique.1
La présentation des photographies ne répond à
aucun souci pédagogique et voudrait simplement,
telle la projection de diapositives commentées par
le voyageur, faire partager l’émerveillement d’une
découverte, À une démarche à prétention scientifique est ici substituée une lecture qui, refusant de
s’enfermer dans une soi-disant signification des
images, tente d’activer nos propres rêveries afin de
faire surgir celles qui, justement, animent la fresque.
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On peut considérer chacune de ces peintures
comme un véritable <(clip>>
amorçant dans l’imaginaire une infinité de situations sociales et affectives qui réalisent les valeurs les plus contemporaines de la société malgache - mais terriblement
Chaque photographie est accompagnée d’une
idéalisées, utopiques par rapport à la réalité de la
note
explicative qui en assure une lecture immésituation sociale et économique du pays. Sans
diate permettant un décodage culturel, technique,
doute pourrait-on prétendre que l’un va avec
écologique.
Certaines précisions sont apportées
l’autre ... Si le chansonnier, le mpibeko, s’attache à
concernant l’emplacement des peintures sur le
bien des détails de la vie politique locale, aux diftombeau, en fonction des orientations cardinales
ficultés liées à la crise économique et aux faits
dont
la signification est déterminante ; il en va de
divers de tous ordres, l’artiste ici invente un avemême pour les associations liées à la proximité
nir radieux nourri des rêves secrets de chacun et
de plusieurs sujets sur le support, et ceci bien
dont il est le subtil accoucheur. Cette fresque,
qu’il me semble qu’elles ne doivent pas être syscomposée de stéréotypes plus ou moins originaux
tématiques. La visite du tombeau est organisée
dont la forme est empruntée à des manuels, des
autour de quatre thèmes :
joumaux de mode, des bandes dessinées ou des
publicités, fonctionne alors comme une peinture
Hommes et femmes
du réalisme socialiste dont la réalisation serait
L‘âge d’or
spontanée et non le reflet d’une action de propaLe héros
gande ; elle brosse en même temps une esquisse
La
ville.
de la nouvelle société en construction. La liberté
de l’artiste est ici sa capacité à répondre à une
attente collective, à en être le poète, à la formuler,
* Exploiter l’ensemble des éléments figuratifs présents sur ce tombeau
aurait nécessité I’élargissement de cette étude 1 un travail comparatif
à anticiper sur la formalisation des changements
systématique avec d’autres tombeaux équivalents, associé à I’introducet donc à les faire vivre ; elle est comparable en
tion de données complexes sur l’organisation sociale, économique et surtout sur les croyances religieuses. Ce travail, d’ailleurs en cours
cela au rôle joué par le possédé pour tous ceux
(Andrianetrazafy, 1992), doit permettre de mieux comprendre comment
qui attendent de l’<<esprit>>
une réponse à des
I’évolution de l’architecture funéraire dans cette région de Madagascar a
permis d‘aboutir h cette forme spécifique d’art populaire.
questions fondamentales. zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
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Photo 4 : Toinheair de Faiiiliixi ci Aniboiidi-o. Régioti (le Fort-Dciiiphiii. Vire
gétiéi~cilede l'eticeinte,face iioid.
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Photo 5 :Tornhenil de Fatiilira iì Anzhondro. Vile géne'i.de de l'enceinte, face oliest.
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Hommes et femmes
Le deuxième bureau
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Situé sur la face ouest de l’enceinte dir tombeau, ci son extrêmité sud.
L’ouest est la zone des femmes aussi bieri polir les tonibeaiix que polir la disposition des personnes dans l’espace, à cle
nombreuses occasions, i.itiielles o11pas. L’ouest implit-, l‘ouest du coilchant s’oppose ci l’est dir levant , symbole dit pur, de
la divinité, clii poilvoir, de la sagesse et de la connaissance.
Chaqiie tombeau est flanqué, clans son axe médiari, à l’est et à l‘oiiest, d ’ m e pierre dressée appelée vatolahy, pierre mûle cì
l’est et vatovavy, pierre femelle cì l’ouest. L’érection de ces pierres correspondà lu dernière phase de constniction du tombeau quand la maçonnerie est achevée, au moment oli l’on va le recouvrir d‘11i1 enduit protecteur qui servira de siipport
aiis fi-espies. Ici, les pierres dressées d’autrefois, qui pouvaient atteindre deris à trois mitres, ont été remplacées par un
travail de maçonnerie d‘environ lin mètre ciizqiiante de haut, rappelant line guérite de militaire. On distiizgue s11r la face
ouest de cette guérite uti personnage vraisemblablement inspiré d’une bande dessinée et p i figw-e un guerrier grec, peutêtre de la période macédonienne, reconnaissable ci sa tiinique courte, ourlée vers le bas, serrée ù la taille et airs der1.r jambières qui remontent jiisqii’au bas du geriou. Ce personnage fait pendant a11 salirt cl11 gendarme, à l‘est, dont j e reparlerai
plils bas, Les d e i a scènes, au srid et au nord, ainsi qu’une séquence plus complexe ai1 centre-sud, siir lesquelles j e reviendrai, illustrent bien l’universf h i n i n par ti-ois thèmes spécificlues - mais il farit notei- que la scène air centi-e-nord que noils
avons appelé la cccamaraderies figure deux hommes.
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La composition de cette scène est assez élaborée, et l’on pourrait la transcrire de la manière suivante : <<Arrivera-t-elleà le
retenir face à cette impudente qui cherche à l’attirer dans ses filets ?>, La rivale s’appuie négligemment, d’un air mutin, à la
branche d’un arbre et coule un long regard en coin sur sa proie. Elle porte une veste joliment taillée, rehaussée de boutons
dorés et dont le bleu vif, très <<mode>>,
tranche avec le rouge soutenu du dessous. Sa coupe de cheveux, dont deux mèches
remontent en accroche-cœur de chaque côté du visage, est signe de séduction. Le jeune homme sur lequel elle a jeté son dévolu laisse deviner l’aisance de sa situation au dessin recherché de sa chemise et à sa coupe modeme. I1 semble autant fasciné par l’étrangère que sa douce compagne est inquiète, l’enlaçant, entourant son épaule d’un long mouvement tendre et
ferme, et semblant vouloir faire de sa main droite un écran pour voiler le regard brûlant qu’il porte à sa rivale. Son costume
plus modeste, sa coiffure sage et classique qui retombe en deux pans lourds sur ses épaules dénotent l’attitude d‘une épouse
réservée, et son expression tout à la fois attentive et décidée rappelle immanquablement des images du cinéma japonais.
C’est la forme actuelle de la polygamie qui est traitée ici ; elle est communément dénommée <<deuxièmebureau>>quand un
notable, un personnage politique important mais aussi un fonctionnaire plus modeste choisit d’installer une deuxième
femme dans un logement où elle vivra, pensionnée, avec ses enfants, comme n‘importe quelle autre épouse. Dans une situation économique difficile, un personnage en vue, socialement et financièrement, est toujours une cible privilégiée pour
celles qui veulent tenter leur chance au-delà d’une simple aventure. On peut même dire que les jeunes femmes se mènent
une guerre sans merci pour l’accès aux portes de leur avenir dans un système social et économique qui ne leur laisse guère
d’autres choix et, en tout cas, fort peu les moyens de leur autonomie. Bien des responsables politiques ou économiques .ont
ainsi plusieurs épouses, et une bonne lecture de la situation politique dans ce pays passe aussi par une certaine connaissance
de tous les conflits et jeux d’influence nés de ces situations.
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Des tombearLr admirables
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Le slow
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La scène est située siir la fcice norcl de l’enceinte dit tornbeau, au ceritre, entoirrée d’autres scènes évoqiinnt desfigures du
cirque, i i n pêcheur exhibant i i n énorine poisson et 1111 élétrient complexe représentant line f e n m e emprisonnée dans les
anneailx d’un python oli do qui e s t , dans cette région, l’image de Ia réhcarnation ;le thème traité ici semble être, peiltêtre dans m e perspective chrétienne, celui de la senlitide, de ceux qui sont possédés par les esprits cles morts.
Le nord, par rapport au siid, est l’orientation des cadets, des inférieurs par rapports aux aînés ou aux chefs. Cette ílétertnination ccirdincile, très importante polir les nécropoles oil les tombes sont alignées dii nord ciii siid en fonction cles hiérarchies sociales, ne semble pas avoir été retenue ici, puisque rien de réellement sign$catif en termes de hiérarclzie n’est
exprimé, Au contraire, le tombeau est situé dans lin autre système de référence spatial qrii ne laisse pas de place 2 ce type
d’opposition piiisqiibn l’a justement choisi seul et unique dans son espace.
Sans doute un couple de danseurs, étroitement enlacés dans un slow interminable. Une image classique de jeunes dans Line
boîte de nuit mais qui prend ici, sur ce tombeau, une force particulière. L’attitude est sans ambiguïté, joue contre joue, il la
serre étroitement à la taille et elle tient une main sur son épaule, elle vient de lancer sa jambe gauche en amere pour toumer
lentement avec la reprise, et lui reste presque immobile. Elle porte une robe de sortie au dessin original, il est habillé
sport^ avec un blouson cintré et sans doute un jeans. Ce motif établit une double rupture, d’abord avec la danse classique
en pays antandroy où les hommes sont face aux femmes, chacun formant un groupe à part, comme nous le verrons plus
bas ; ensuite, avec l’expression publique des sentiments amoureux, en particulier de l’intimité d’un couple, exclue par le
code de la bienséance et de la politesse à Madagascar. C‘est une autre conception du couple qui émerge ici, fondée d’abord
sur des relations beaucoup plus personnalisées, revendiquant le libre choix du partenaire et installant le couple comme une
cellule indépendante, exclusive d’autres relations sociales - en particulier les relations familiales ou lignagères dont on sait
combien elles pèsent, dans ce pays, sur la vie privée de chacun. Le thème du couple, présenté dans l’expression de ses relations amoureuses, est récurrent dans l’ensemble de la fresque : on peut en compter six représentations, parmi lesquelles j’ai
choisi une vue ginérale et un détail (face est de la tranompanane, partie sud) comme une variante de la première. I1 lui parle
tendrement à l’oreille avec un doux sourire et elle l’écoute charmée. La jeune femme semble porter une chevelure blonde
- s’agit4 d’une étrangère et donc d’un couple mixte, symbole d’une certaine réussite sociale et matérielle ?
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Le couple au landau
Situé siir la face est de la tranompanane, dans sa partie nord, et voisinant avec des déments pour lesquels il ne noils semble
pas possible d‘établir de corrélations significatives, sinon par simple analogie avec le coriple dont noils venons de parler,
présenté en gros plan siir la partie sud. Il est intéressant de noter la présence du landutau et1 opposition avec la technique
classique du port de l’enfant serré dans le dos par line bande de tissii noué siir le devant.
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Deuxième exemple de couple. L’image est tellement stéréotypée qu’on pourrait sans doute l’enregistrer un peu partout dans
le monde. Sans nous arrêter plus avant sur le costume, les coupes de cheveux, les lunettes de soleil, le sac à main, notons
que le landau apparaît comme l’un des signes les plus évidents de la modernité, d’autant que c’est le père qui le pousse,
penché vers son enfant, manifestant ainsi un partage des responsabilités entre les parents. Notons aussi laconnivence et l’intimité
manifestes dans le mouvement de cette main posée par la femme sur I’épaule de son compagnon, et par le regard tendre et
attentif des parents pour leur enfant. I1 nous faut ajouter que 1.a situation dans les villes du Sud est loin de correspondre à
cette figure idéalisée. Les couples sont très instables et bien souvent, légitimes ou pas, ils se (défont.Les femmes se retrouvent alors seules avec plusieurs enfants et le plus souvent sans ressources, la solidarité cédant devant les trop grandes difficultés économiques auxquelles les familles se trouvent confrontées. Le problème des mères célibataires ou divorcées est
l’un des plus cruciaux parmi ceux que l’on rencontre dans une ville comme Tuléar, dans le sud-ouest.
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Des tombeau admirables
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La baigneuse zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
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Sitirée SILI'la face nord de la tranompanane, clans la partie ouest, vers le bas. Sans rekition apparente avec les peintures du
voisinage.
Le costume féminin classiqite clic Srid ciévoile rai.emerit le corps. Les femmes nouent, juste cm dessus des seins, iin pagne
Iégèremenr ouvert sili le côté droit et qui retombe au niveau des genoils oii 1112 peu au-dessus. Le soutien-gorge, chel. poiir
les bitclgets les pliis modestes, est siirtoiit porté par les jeiines filles clans les régions rirrales.
Une femme en bikini, à la peau très blanche. C'est d'ailleurs le cas de tous les personnages que nous venons de voir, par
opposition à la couleur très sombre des représentations de la vie culturelle ou rituelle classique. Elle se recoiffe d'un air
léger, le buste légèrement en arrière et le regard perdu dans la lumière du soleil. Expression de la séduction féminine fortem m t codée, qui semble sortie d'un magazine de mode.
Femme <(libérée>>,
découvrant son corps, sexuellement indépendante mais aussi libre de son temps, prenant des vacances,
ayant des loisirs. Situation si différente de celle que l'on peut rencontrer dans le sud de Madagascar, où les femmes travaillent beaucoup, à la ville comme à la campagne, et tout à fait contrastée avec le modèle de la brodeuse sur la face ouest,
la partie féminine du tombeau.
Prenons l'exemple de Clarisse, quarante ans, pour décrire la journée d'une femme appartenant à la fraction la plus démunie
de la petite bourgeoisie à Tuléar. Debout vers 5 h du matin, elle prépare le déjeûner de toute la famille, soit environ une
dizaine de personnes (mari, enfants, petits-enfants, frère, père), fabrique de petites galettes qui seront vendues sur le marché
par son fils, s'occupe des volailles (poulets et canards) élevées pour le commerce. Vers 7 h, elle va faire le ménage et la lessive chez deux coopérants vietnamiens de l'université de Tuléar. De 9 h à 13 h, elle travaille chez des coopérants français,
se chargeant du ménage, des courses et de la préparation des repas. Rentrée chez elle en début d'après-midi, elle s'occupe
de sa propre maison (le ménage et le repas pour la famille, aidée par ses filles), de la gargote où elle sert des repas rapides
pour les gens du quartier, et passe un peu de temps avec ses petits-enfants. Disposant d'un poste de télévision let d'un magnétoscope acheté bon marché à ses précédents employeurs, elle organise, après le repas du soir et jusqu'g 22 h, des
séances payantes de vidéo, tout en poursuivant un travail de broderie (nappes brodées avec de petits personnages évoquant
des scènes de la vie quotidienne). Elle va se coucher vers minuit.
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La couturière
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Située siir la face ouest cle l'enceinte du tombeau dans sa partie nord, ci l'opposé de la séquence du ccdeiixième biireaii))
clont n o w avons parlé pliis haut. Notons que ka christianisation de Mciclagascar, très nnciemre, datant de la première moitié du X I X e siècle a provoqué, entre nutres, line véritable transformatiotz dii coshime, en particulier féminin, qu'il serait
très intéressant d'observer ci travers des images diverses, graviires ou photographies anciennes.
La femme modèle, tout à son ouvrage, dans une pose quasi hiératique, le corsage remonté jusqu'au cou et les manches
retroussées. On ne peut s'empêcher de penser à ces générations de brodeuses formées 2 Madagascar par les religieuses et
les dames de charité. En fait, une certaine image de la femme revue et corrigée par la tradition chrétienne, et que l'on
retrouve ici dans la pose, le regard modeste, le costume, la coupe stricte, les cheveux très courts.
La camaraderie
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Sitiige siir la face ouest de l'enceinte, nu centre et au nord du guerrier grec.
Deux hommes qui rient de bon cœur, l'amitié ou.la camaraderie, les relations privées, personnelles entre deux personnes,
sans doute une des valeurs les plus importantes de la vie actuelle par opposition 2. la toute puissance du lignage qui guide
les intérêts personnels de chacun et pèse sur ses relations privées, amicales ou amoureuses. Une autre manière de représenter la liberte individuelle déjà évoquée dans les relations de couple.
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Des romhenrLr aclniirnhles zyxwvutsrqponm
L'âge d'or zyxwvutsrqponm
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Les danseurs
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Situé siir Ici fcice est de la tranompanane, aii siid et en contre-bas, iiii groupe de driiiserii.~,participmit vi.ciiserrzblablemerit cì
Line cérkinonic! de possession oii kokolampo. Ils sont cicconipagrze's de ni!isiciens doiit l'iirijolie c h marovany, 011 cithare siii'
caisse, qiii comporte en général douze coi-des qiie l'on pince cles clmx côtés de la caisse disposée eiitre les delis jatribes dii
miisicieii, assis en tailleur. Un airtre niusicieiz agite un hochet clont il esì diflicile de clire s'il est eiz vannerie ou en tiiyaii.
Les feintnes portent 1111 lambahoany oii inipi.iirzé aiis coiileiirs vives arboimt soiii'eizt line foririule en niulgache, adage qiii
ciffime zii1 trait cle la per.sonnalitt du porteur dii costime, sorte de clin d'@il A l'assistance. Le danserir aii premier plan
porte les insignes clii detiii, organisatew- de la cérémonie, niais la pi,éseiice des ratneci~i.~
siir la tête est clifficile ci espliqiier.
Les mouvements des feinnies qiii claizsent - bras levés et poignets très mobiles - sont caractéii~tiqiiescles différents ritirels
lignagers.
La première chose à noter ici est la couleur de la peau des personnages, nettement plus foncée que pour les représentations
précédentes, et cela en raison du thème traité qui renvoie aux images anciennes, fabuleuses presque, de la sociét4 antandroy
à travers une mise en scène riche en détails et qui exclut toute inter;;6ii6rration avec des Cléments de la vie contemporaine.
Cette scène est destinée à présenter les activités sociales et culturelles de la vie coutumière SOLIS une forme définitivement
classique : ctdu temps de nos ancêtres...>>
La coiffure à boules
. Située sur la partie est de l'enceiiite estérieiire, air centre, à côté du geiiclaririe qui salue. C'est l'espressioii de la beaiité
sous sa forine la plus classique dans l'ouest et le sud-ouest de Madcigascar. Cette coiffure denimide beaucoup de tenips de
préparation, puisqii'oii découpe la chevelure en.petits carrés dont on tire wie loizgiie iiatte fine que l'on roule ensiiite siir
elle-mêtne pour en faire line boule. On peut encore admirer cette coiffiire cì l'occasion de certaines fêtes oii céi-émonies. La
toge rouge est un symbole de prestige, costume des anciens chefs OLLrois.
Image stéréotypée de la beauté et du <(style)>de la vie ancienne et qui, là encore, ne permet aucune confusion avec les
formes actuelles de la parure et du costume.
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La consultation
Située jiiste à côté cle la scène des clansews, siir la fùce est de la tranompanane. Image très classiqiie d‘iíne consirl[ation
cruprès ~ 1 ’ 1 1 1 1 ombiasy oli deviri-griérisseiii.. Il vient cle tirer les graiiies du sikily, procédé cle divitintiori d’origine arabe largement iltilisé à Maclagascai.. On i-emaiqiie les delis figiires clénoniniées Alakaosy, O L Ll’etfant, qui exprime aiissi la prière
et la force biaitale, et Adabaray, qui signifie Ici mort mais aiissi l’apparteiiance à liti groupe noble. Notons erlfiii la pi.ésence, clans iin perit panier, des deils aoly oii talismans, corfectionnés A l’aide d’iitie corlie de zébu, dont la boliche est brodée
avec cles perles de coidelir. Les corms sont iwnplies avec cle la graisse de bceirfforniant ilne espèce de cinient qui retient
des objets niugiques, cléposés là pour leur rapport analogiqire avec iin des aspects clir problème traité et des bois niédiciiiaiis. Le talisman, cle nzême qiíe le sikily, sont des réponses, dcins les cleiis cas cì ti‘civers une formiilatioiz symboliqiie, A la
questiori posée par la cliente. Peilt-être est-il qirestion ici des circonstances du décès cle la personne enterrée dans ce tombeau, mais il poirimit s’agir tout aiissi bien cl’une affaire cl’amoia-, d‘wie maladie, d’irti cotzflit avec Lin proche. Le devin,
pour signifier son état, porte jiiste un pagne, uti talisman noué autoiw du bras droit et Litze barbe. La femme, très attentive,
iioiis toiirne le dos.
Le devin, tri% noir, est projeté lui aussi dans le monde magique des ombres oÙ s’agitent les grandes figures mythiques du
passé de Madagascar, qui sont ici comme un rappel de la force profonde du monde. La divination, la consultation, c’est
bien quelque chose dont on ne peut pas se passer face à la mort, l’amour, la peur, l’ambition. La jeune femme qui consulte,
d’allure tout 51 fait moderne, formule les mêmes interrogations que tout le monde mais en secret, dans un débat intime avec
elle-même, oÙ se jouent aussi bien l’idée du bonheur que la lutte contre l’angoisse existentielle.
Les deux malins
Uize iizstitutrice aux longs clieveiíx clénoiiés dans le dos est assise face à trois enfants plongés dans la lecture de Ikotofetsy
sy Imahaka, im des contes malgaches les plils célèbres, que toils les enfants connaissent et qui raconte l’liistoire de deux
ccmalins>>qui rivalisent d’imagination et d’intelligence pour sortir des situations les plus difficiles, déjouer les complots de
leurs ennemis et ridiculiser les fats et les idiots de ce monde. Notons que cette image voisine avec celle du combat des deux
héros grecs.
OÙ comment être le plus fort tout en restant vraiment soi-même, donc malgache ! L’apprentissage de la langue et de la lecture se fait à la source de l’histoire de ces deux héros les plus valeureux de la littérature malgache, comparables aux héros
grecs, universels, que l’histoire du monde nous laisse en exemple et qui, à leur manière sont aussi des images du passé
mythique de la Grande Île, ainsi que nous le verrons plus loin. Cette évocation vient clore, en quelque sorte, l’exaltation des
valeurs les plus simples, les plus spécifiques et les plus profondes de la culture malgache.
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Le héros
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Le guerrier grec
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Situé siír la face ouest cle Ia tranompanane, en contrebas, aií voisinage des trois élèves et cle I‘institiitrice. Peilt-être
socle des guerres puniques o~ímécliques si l’on en croit la forme dii casque et du boiiclier.
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Image sans doute empruntée 2 un livre d’histoire qui dëveloppe une scène de combat entre deux hommes armés de javelines, très proche des combats au corps à corps qui opposaient autrefois les royautés dans ce pays. L’identification valorise
ici une forme de combat commune et introduit l’association, également traitëe plus bas, entre le guerrier et l’expression des
valeurs fondamentales de la dignitë sociale et de la virilité.
Le héros et son combat
Sitiiés siir la fcíce norcl de lu tranompanane, en contrebas, quatre éléments cle compétition sont ici associés et reprbentés
síir le mime paiineciii. Le ringa olí lutte d mains nues dont l’ezjeii est d’immobiliser son aclvei.sair-e aií sol. On peiit en
admirer cle spectaculaires démonstrations d l’occasion des veillées de fêtes oií cle cérémonies. Le port du salaka o11pagne
est inclispensable, puisque l’on se sert de ce vêtementpoiir assurer sa prise aií coiírs dii combat. Les deux joiieiirs de football siir lesquels noiis n’insisterons pas. La lutte entre les deus taiíreaux, cornes contre cornes. À droite, on découvre i í n
homme vêtu du pagne antaizclroy, simple bande cle coton tissé,formant des motifs géométriqiíes dans une opposition cle noir
et de blanc. Il pointe iín javelot, lefona, dans sa mairi droite et s’apprête à le lancer dans la direction cle deiís bœilfs dont
I ’ m est déjd abattu. S’agit-il d’un chasseur de ces bœilfs sauvages, comme il en existait beaucoup autrefois, échnppés des
troiipeaiíx, vivant à In limite des pdtíírages clans les zones acciclentées, difficilement accessibles, symbolisant ainsi Ici chasse la plus valeiireuse clans un pays oìì il n’esiste pas de gros gibier (e,xepté le crocodile et le phacochère), oli plus simplement line scène de vol de bœilfs oil les jeunes clevaientfaire la preuve cle leiirs talents avant de prendre place clans la société ? Plirs bas, un milsicien jolie du violon oli lokanga, copie du modèle européen importé au XVIIe siècle, pour
accompagner d e w danseiirs dans la position classique des danseurs defiinéi.ailles. La femme tient ses bras levés au-dessus
de Ia tête en décrivant des moiílinets avec ses mains et I* homme, légèrement penché vers l’avant, tape des pieds siir le sol
en remontant très haut ses g e n o u , le javelot pointé vers le sol.
Exaltation des valeurs de la lutte et du combat à travers l’association de trois thèmes très classiques du combat, lutte, chasse
aux bœufs, combat entre deux taureaux, auxquels vient s’ajouter le football, expression modeme des mêmes valeurs. La
valeur personnelle, mélange d’intelligence, de courage et de force physique, trouve à s’exprimer dans les mêmes termes à
travers le football pratiqué par ces nouveaux héros : l’objectif seste celui de la reconnaissance sociale et de l’acquisition
d’un statut.
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Des rombenru admirables
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Les championnes
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Un groupe de jeunes filles, siir la face sircl de l’enceinte, clans la partie est. On devine leur rôle ri leur costiinle cle sportives.
Cette scène est tout cì fait proche de la représentcition de l‘éqiiipe de basketteuses, également très cinétiqiie.
Le groupe, très vivant, est saisi dans son mouvement comme s’il passait en courant devant le peintre, au cours d’une manifestation de rue, derrière une pancarte qui claironne un <(Allez,les filles, allons-y!>,. La première jeune fille est présentée
comme dans un instantané, surprise par ce regard extérieur, et l’on devine l’effort qu’elle fournit à sa mèche défaite. La
dernière, esquissant un geste de ralliement, s’adresse au public que l’on devine dans son regard, renforçant la conviction
exprimée par la pancarte. Ses vêtements de jogging, son bandeau dans les cheveux, son gilet très chic, son collier, donnent
l’image de n’importe quelle jeune citadine rencontrée au détour d’une allée de Central Park à New York. Les femmes,
aujourd’hui, sont aussi des championnes dont les combats et les victoires portent l’avenir du pays. Ce groupe de jeunes
filles exprime toute l’importance accordée au sport comme élément de la modemité, d’une forme de développement, de
l’expression de l’identité nationale dans la compétition intemationale et aussi, par opposition au football, du rôle nouveau
(rêvé, sinon réellement entré dans les mœurs) de la femme dans la société malgache.
Les basketteuses
Sitriées siir la face nord de l’enceinte, tì son extrémité ouest.
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On retrouve le thème du rôle symbolique des femmes dans latransformation sociale, àtravers un rappel dynamique de cette
équipe universitaire qui s’est illustrée récemment clans une compétition internationale. On peut noter les détails essentiels
du costume, la f o m e particulière du short, un peu plus long que pour les autres disciplines, les bandes longitudinales sur le
côté et les rondelles blanches sur les chaussures.
Le travail
Située siir la face nord de l’enceinte, d l’est, en opposition au groupe des basketteuses, cette scène représente les valeurs
du travail et de sa division sexuelle sous la forme la plus classique. Les femmes pilent le riz, battant en cadence dans le
même mortier. On peilt noter le réalisme cle celle de gauche avec son pagne noué autour cle la taille, les foulards pow- protéger les chevelures d i son et les deux robes de coupe moderne. À côté, les dela honinies retoiitnent la terre - sans doiite celle
d‘une rizière avant le repiquage. L’un porte Lin costume courant et le second, un malabar, le costume traditionnel despayfans des Hautes Terres, tel que le chapeau à bord large.
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Expression stéréotypée du travail à Madagascar et donc du travail agricole comme source principale des revenus, mais
misi comme outil fondamental des équilibres sociaux. On peut considérer ces deux activités très classiques comme une des
:ormes d‘évolution de la représentation du héros dans la culture malgache.
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La ville zyxwvutsrqpon
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Elle, face oiiest de l’ericeinte, s w la pai?ie sild clir pilier ceritid, lai, son penclant, face est de l’enceinte, s ~ i rla pnrtie sud du
pilier centrcd.
Elle, maquillée, portant des boucles d’oreilles éclatantes, la chevelure nattée, à l’image des lycéennes chic des Hautes
Terres, son polo de couleur vive associé .5 un pantalon ajusté et porté sur des bottes. Lui, arborant une coiffure <<afro,>,
des
lunettes de soleil sur le modèle de certains chanteurs à la mode de Tananarive.
II
Le boucher
Situé siir Ici face sild cle l’enceinte, en contre-bas, dcrm la partie ouest. Dans ce pays cl‘éleveurs, la consotnination cle viundei siirtoiit de viancle cle zébu, est Lin signe maizifeste d‘opulence.
Le boucher symbolise la vie urbaine : à la campagne ou au village on ne trouve de la viande qu’à l’occasion des abattages
rituels et rarement pour la seule consommation. Ici, les différents morceaux sont exposés et pesés avant d’être vendus 5 une
cliente qui porte tous les signes d’une apparence bourgeoise - tailleur, cheveux nattés dans le dos et escarpins.
Les gendarmes
Situés siir la face suc1 de l’enceinte, vers rest, deux gendarnies boivent du vin, exprimant ainsi leur position privilégiée
d’honzrnes de poirvoir qui ont accès à des plaisirs particuliers, rares 011 précieii-y, venant quelquefois cle l’étranger. Notons
l’expressioiz de la camaraderie entre ces deux hoinmes qui orit des grades di8érents. Les grades se lisent sur les ilriiformes
malgaches Ci l’aide de boutons blancs correspondant àperi près n i a barettes des uniformes français.
Le gendarme représente l’instrument du pouvoir par excellence ; il est donc présent, au garde-à-vous, sur le pilier central de
la face est de l’enceinte, dans la direction des ancêtres et de la divinité, qu’il salue.
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En guise de conclusion, et pour synthétiser le
message que j’ai tenté de transmettre, terminons
avec l’histoire de Mahavelo venu à Tuléar, il y a
une quinzaine d’années, pour s’enrôler comme
tireur de pousse-pousse afin de rembourser une
partie du troupeau qu’il a fallu dilapider pour
permettre la construction du tombeau du père de
son père (un tombeau semblable à celui que je
viens de présenter). Mahavelo travaille dur, partant le matin à l’aube après avoir bu seulement
un verre d’eau et rentrant à la nuit tombée.
Ainsi, jour après jour, il amasse l’argent nécessaire 8 la reconstitution du troupeau et l’envoie,
en bon fils, à son père. Un jour, il s’éprend
d’une femme plus âgée que lui et qui n’a pas été
choisie par sa famille. Très amoureux, il offre
mille cadeaux à sa dulcinée, devenant lui aussi
beaucoup plus attiré par toutes ces choses que
l’on trouve en ville ; il néglige sa famille qui ne
reGoit plus ni argent ni nouvelles. Son père,
furieux, le rappelle au village où il finit par se
rendre avec sa femme et la présenter à ses
p a r e n t s . À peine arrivé, e t devant elle, il
s’entend dire qu’il doit divorcer sur l’heure s’il
ne veut pas être chassé du village et du tombeau
familial - la dernière des hontes et des punitions. Je me souviens du visage de Mahavelo,
qui s’était assis contre le mur d’une de ces petites maisons du pays antandroy, noyé de dou-
leur, d’amertume et d’incertitude. Ayant à peine
quarante ans, il avait beaucoup rêvé de mener
une vie moins dure, plus personnelle, une vie
qui ménage une place à tout ce qu’il avait
découvert à Tuléar, une vie proche de tout ce
qu’évoquait cette fresque que nous avons décrite. Mais sa femme, assise loin derrière lui,
silencieuse, le souffle court, le visage muet,
abasourdie, attendait sa décision.
Alors Mahavelo s’est levé, les épaules très
lourdes, tel un enfant fatigué qui reprend sa tâche,
pour annoncer à son père qu’il avait décidé de
divorcer...
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Références bibliographiques
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iMCm‘agciscar,Arts de la vie et de la survie, éd. ADEIAO, 24-30.
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AOMBE 3 , éd. MRSTD-ORSTOM, 117-146.
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Résumés (français) zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
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Luis Prieto : Entre sigizal et inclice : Z’inzage photographique et l’irnage ciize”atogi.aphiqiie. L. J. Prieto
aborde ici, pour la première fois sous une forme développée et systématique, le problème de l’image à
partir de la sénziologie de l’inclicatioiz dont il a donné la théorie en d’autres écrits. Comment décrire
sémiologiquement (tun objet ressemblant à un autre objet>>,quels instruments nouveaux doit-on forger ?
Pour l’essentiel le mécanisme de l’indication suppose que l’image soit référée à un autre objet matériel ou
symbolique. Ainsi l’analyse du rôle joué par le ré€érent dans le cas de l’image photographique comme
dans le cas de l’image cinématographique, ainsi que la comparaison entre l’une et l’autre configuration
sémiologique donnent l’occasion à L. J. Prieto de poser les bases d’une sémiologie de l’image.
Jean-FranGois Werner : La photogi-aphie de fainille en Afi-iqrie de I’ Quest. Uize méthode d’approche
etkizogi-aphiqiie. A quelles conditions les images photographiques peuvent-elles être considérées
comme un matériau scientifique utiIisable dans l’approche ethnographique ? Le fait que le sens attribué par l’ethnographe aux images qu’il met en œuvre doit s’appuyer sur la connaissance du contexte
dans lequel elles ont été Claborées amène l’auteur à analyser leurs conditions techniques et sociales de
production, à partir d’observations effectuées récemment en Afrique de 1’Ouest.
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Christian Papinot : La photographie et soi1 adaptation au terrain. Uize expérience malgache.
Mettant à profit les réactions souvent très négatives de la population malgache vis-à-vis de certains
aspects de son travail de terrain (la photographie de la décoration des taxis-brousse), l’auteur analyse la façon dont les Malgaches conçoivent l’image, l’objet de la photographie et les relations qui
s’instaurent entre photographe et photographié, mettant en évidence certains aspects fondamentaux
de la culture locale.
Jacques Lombard : Des tombeaux admirables. A partir de photographies qu’il a prises de peintures
réalisées pour la décoratidn d’un tombeau antandroy dans le Sud de Madagascar, l’auteur propose une
lecture de certains aspects des relations sociales et des croyances en vigueur dans la société malgache
contemporaine, révélant le jeu complexe des rêves, des ambitions et des contradictions nés de l’intrusion dans une société traditionnelle des tentations du monde modeme.
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Summaries (english) zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
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Luis Prieto : Between the sigrial arid the iizclex :the photographic aizcl the ciiienzatogi-ciphic image.
L.J. Prieto develops here, for the first time extensively and systematically, the problem of the
image based on the theory of iizclicative semiology which he has set out in other papers. How can
<can object which resembles an other object>>be semiologically described, what new instruments
need to be created ? Basically, the mechanism of the indication supposes that the image is referred
to another material or symbolic object. Thus an analysis of the role played by the referent in the
case of the photographic image as in the case of the cinema image, together with the comparison
between one and the other semiologic configuration allows L.J. Prieto to set out the basis for an
image semiology.
J e a n - F r a n c o i s W e r n e r : Photogr-apliy i12 West Africa. An ethnographic cippr-oaclz. In what
conditions can photographs be considered scientific material to be used in an ethnographic
approach? The fact that the meaning attributed by the ethnograph to photographs must be
based on his familiarity with the context in which they were taken leads the author to analyse the technical and social conditions of their production, based on recent observations in
West Africa.
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Christian Papinot : Local culti.ii-e and image i-epoi-t. Field experience in Madagascar. Based on
the often very negative reactions of the Malgache population to certain aspects of his field work
(photographs of decorations on brush taxis), the author analyses the Malgache conception of the
image, of the subject treated, and the relations between the photographer and his subject, thus discussing certain fundamental aspects of local culture.
Jacques Lombard : Admirable tombs. Using photographs of paintings used to decorate antandroy
tombs in south Madagascar, the author proposes an interpretation of some aspects of the social
relations and beliefs current in contemporary Malgache society and highlights the complex interplay of dreams, ambitions and contradictions resulting from t h é intrusion of modern temptations
into a traditional society.
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Resiirnenes (espaiiol)
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Luis J. Prieto : Entre la s e h l y el íridice : la iiriagerz fotogi-cifica y la imagen cinematogsáfica. L. J.
Prieto trata aquí, por primera vez bajo una forma desarrollada y sistemática, el problema de la imagen a
partir de la semiología de la iizclicacióiz, de la que ha explicado la teoría en otros escritos. ¿Cómo describir semiológicamente <tunobjeto que se parece a otro objeto>>?¿Qué instrumentos nuevos deben forjarse?
En lo esencial, el mecanismo de la indicación supone que la imagen se refiere a otro objeto material o
simbólico. De este modo, el análisis de la función desempeñada por el <(referente>>
en el caso de la imagen fotográfica y en el caso de la imagen cinematográfica así como la comparación entre uma y otra configuración
semiológica,dan la ocasión a L. J. Prieto para fijar las bases de una semiología de la imagen.
Jean-Frangois Werner : La fotografia en Afifca Occidental. Un método p a i z un eifoqiie etiiogi-áfico.
Bajo determinadas condiciones, ¿pueden considerarse las fotografías como un material científico utilizable en un enfoque etnográfico? EI hecho de que el sentido atribuido por el etnógrafo a las imágenes que
trata debe basarse en el conocimiento del contexto en el que fueron elaboradas, conduce al autor a analizar sus condiciones técnicas y sociales de producción a partir de observaciones efectuadas recientemente
en Africa Occidental.
Christian Papinot : Sobre la imagen y ciiltiira local. Una experiencia sobre el terreno eiz Madagascar.
Aprovechando las reacciones con frecuencia muy negativas de la población malgache en lo referente a
determinados aspectos de su trabajo sobre el terreno (la fotografía de la decoración de los taxis-bosquejo), el autor analiza la forma en que los malgaches conciben la imagen, el objeto de la fotografía y las
relaciones que se establecen entre fotógrafo y fotografía, relaciones que ponen de realce determinados
aspectos fundamentales de la cultura local.
Jacques Lombard : Tumbas aclmirables. A partir de fotografías tomadas de pinturas realizadas para la
decoración de una tumba antandroy en el Sur de Madagascar, el autor propone una interpretación de
algunos aspectos de las relaciones sociales y de las creencias vigentes en la sociedad malgache contemporánea, lo que revela el juego complejo de los sueños, de las ambiciones y de las contradicciones originadas por la intrusión de las tentaciones del mundo modemo en una sociedad tradicional.
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Riassunti (italiano)
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Luis Prieto ; Tra il segnale e l’indizio : l'immagine fotografica e l’immagine ciiiematogrnfica.
L.J.Prieto abborda qui, per la prima volta sotto forma sviluppata e sistematica, il problema dell’immagine partendo dalla semiologia dell’indicazione di cui ha enunciato la teoria in altri scritti. Come descrivere semiologicamente <tun oggetto rassomigliante a un altro oggetto>>,quali nuovi strumenti si
devono fabbricare ? Per l’essenziale il meccanismo dell’indicazione suppone che l’immagine venga
riferita a un altro oggetto materiale o simbolico.Cosí l’analisi del ruolo del referente nel caso
dell’immagine fotografica come nel caso dell’immagine cinematografica nonché il confronto tra l’una
e l’altra configurazione semiologica danno l’occasione a L.P. Prieto di porre le basi per una semiologia
dell’immagine.
Jean-FranGois Werner : La fotografia in Afiica Occiclentale.Un nzetoclo d’appl-occio etnografico. A
quali condizioni le immagini fotografiche possono essere considerate come materiale scientifico utilizzabile nell’approccio etnografico ? I1 fatto che il senso attribuito dall’etnografo alle immagini messe in
opera dallo stesso debba fondarsi sulla conoscenza del contesto in cui sono state elaborate induce
l’autore ad analizzare le loro condizioni tecniche e sociali di produzione partendo da osservazioni
recentemente effettuate in Africa Occidentale.
Christian Papinot : Rapporto all’iinmngine e ciiltili-a locale. U n espesimento di terreno in
Maclagascar. Mettendo a profitto le reazioni spesso molto negative della popolazione malgascia rispetto
a certi aspetti del suo lavoro di terreno (la fotografia della decorazione dei taxi-savana), l’autore analizza
il modo con cui i Malgasci concepiscono l’immagine, l’oggetto della fotografia e le relazioni che s’instaurano tra fotografo e persona fotografata, evidenziando certi aspetti fondamentali della cultura locale.
Jacques Lombard : Tombe ammirabili. Partendo da fotografie, scattate dall’autore, di dipinti realizzati per la decorazione di una tomba antandoy nel Sud Madagascar, egli propone una lettura di certi
aspetti delle relazioni sociali e delle credenze vigenti nella societa malgascia contemporanea, rivelando
il gioco complesso dei sogni, delle ambizioni e delle contraddizioni nate dall’intrusione in una societa
tradizionale delle tentazioni del mondo modemo.
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Images et sciences sociales
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Fonds Documentaire