Books by Michaël Crevoisier
Classiques Garnier, 2023
Dans une page de L’individuation consacrée au problème du fondement de la connaissance, Simondon ... more Dans une page de L’individuation consacrée au problème du fondement de la connaissance, Simondon affirme que « l’être individué est le sujet transcendantal. » Cette phrase énigmatique croise deux conceptions du sujet connaissant apparemment incompatibles : ontogénétique et transcendantale. Elle ouvre une lecture possible de l’œuvre qui révèle un dialogue constant avec Kant, à travers lequel la réforme philosophique qui anime Simondon se comprend comme un effort réflexif duquel le concept de sujet en ressort quasiment méconnaissable, transformé par les révolutions scientifiques et techniques qui ont fait notre temps. En héritier, Simondon continue l’histoire de la philosophie et annonce une nouvelle époque, un avenir pour le transcendantal.
[English : Simondon's theory of knowledge is at the crossroads between two conceptions of the subject: ontogenetic and transcendental. It reveals a constant dialogue with Kant that reveals a conceptual reform in line with the scientific and technical revolutions of our time.]
Depuis une vingtaine d'années, on commence à mieux connaître en France la vie et l'œuvre de Victo... more Depuis une vingtaine d'années, on commence à mieux connaître en France la vie et l'œuvre de Victor Klemperer, ce philologue juif allemand qui a décrypté la langue du Troisième Reich et lui a miraculeusement survécu. Ses carnets, dans lesquels il a consigné pendant plus d'une décennie les distorsions que les nazis faisaient subir à la langue allemande, sont devenus un document incontournable pour saisir ce qu'est le totalitarisme.
L'expérience singulière et tragique de cet homme qui a trouvé son salut dans l'étude obsessionnelle de l'idiome nazi est ici le point de départ d'une réflexion sur la situation actuelle du langage. Pour peu qu'on l'écoute vraiment, la langue dit toujours la vérité d'une époque. À travers ses transformations, dans la confusion des sentiments et l'ambiguïté́ des mots, s'imposent certaines idées et représentations qu'on a longtemps qualifiées d'idéologie avant que ce terme ne tombe en disgrâce. Cet ouvrage collectif entreprend de montrer les modalités suivant lesquelles l'idéologie se déploie aujourd'hui, en croisant l’approche linguistique héritée de Klemperer, la tradition critique en sciences sociales qui a su historiquement la conceptualiser, et une problématisation des systèmes techniques qui permet d'analyser l'automatisation du langage.
Faire de Klemperer notre contemporain, c'est nous confronter au discours publicitaire et aux algorithmes du web mondialisé en nous armant du principe d'exactitude qui guidait l'écriture de son journal et « apprendre à se colleter à sa propre conscience, plutôt que de surveiller celles des autres », comme nous y invite Walser.
Diaphanes, 2021
Rarement les philosophes dont la formation s’est faite à l'écart de l’université se sont entreten... more Rarement les philosophes dont la formation s’est faite à l'écart de l’université se sont entretenus. Le temps d’une conversation Mehdi Belhaj Kacem et Bernard Stiegler se sont prêtés au jeu, échangeant à propos de ce qui les lie à la philosophie. Inévitablement, la mort tragique de Bernard Stiegler survenue un an plus tard, donne à lire ce texte avec un regard affecté. D’autant plus qu’ici, l’enthousiasme des échanges nous fait sentir le mouvement vivant de philosophies à l’œuvre, continuant de se constituer en système. En effet, bien que les œuvres de ces deux auteurs soient singulières, l’une et l’autre procèdent d’une même exigence qui les place au centre de la tradition philosophique : produire un système conceptuel qui donne à penser la nouveauté de la situation historique. À quoi bon la cohérence d’une philosophie qui ne nous dirait rien de ce qu’est devenu le monde ? Que vaudrait l’abstraction conceptuelle si celle-ci n’était pas au service de la compréhension de ce qui nous transforme ? Ainsi, les deux auteurs nous appellent à ne pas oublier : l’enjeu de la philosophie n’est pas la philosophie. Cette exigence critique, la présente conversation la réfléchit à bras le corps, non sans détours et tourments, mais avec franchise et esprit de liberté.
Papers by Michaël Crevoisier
Appareil, 2023
L'un des premiers philosophes du cinéma, Béla Balázs, fonde son éloge sur une caractéristique est... more L'un des premiers philosophes du cinéma, Béla Balázs, fonde son éloge sur une caractéristique esthétique de l'image cinématographique, rendue possible par la technique de la projection d'images animées : on y découvre d'immenses visages dévoilant nouvellement dans leurs mouvements expressifs la vie de l'esprit. Sur l'écran apparaît l'âme humaine dans une clarté que nous pensions impossible, une nouvelle visibilité de l'homme. Qu'en est-il aujourd'hui avec ce nouveau type d'images que proposent les jeux vidéo ? Si les jeux vidéo sont cette pratique esthétique correspondant au stade numérique de l'évolution des techniques, pouvons-nous en attendre autant pour la réflexion philosophique que ce que le cinéma apporta au vingtième siècle ? L'hypothèse que cet article entend élaborer a pour but de chercher à penser les jeux vidéo en tant que leur pratique consiste en une relation homme-machine non-utilitaire dont la finalité esthétique implique la perception de cette relation. À partir de l'analyse simondonienne de ce type de relation, nous cherchons à défendre l'idée selon laquelle dans certains jeux vidéo, l'usage « mineur » de l'objet technique (c'est-à-dire automatisé) que nécessite la manipulation de l'image, implique un type d'interaction dans laquelle les schèmes de fonctionnement de l'esprit humain et ceux de la machine apparaissent indiscernables. La description de telles interactions dans des séquences de jeu, nous montre que cette indiscernabilité ressentie révèle esthétiquement une obscurité de l’homme non pas en opposition mais au-dedans de sa visibilité. Ainsi nous défendons que l'apport esthétique des jeux vidéo consiste à nous donner à percevoir la réalité humaine en tant qu'elle n'est pas isolable dans l'intériorité d'une âme, mais relationnelle, c'est-à-dire se manifestant dans l’obscurité de la relation homme-machine.
Etudes Digitales, 2023
Retour sur la conversation publiée dans l’ouvrage Philosophies singulières afin de mettre en lumi... more Retour sur la conversation publiée dans l’ouvrage Philosophies singulières afin de mettre en lumière la dimension existentielle de la philosophie de Bernard Stiegler. Cette dimension se reconnaît dans l’usage d’un concept et d’un affect, transversaux dans l’œuvre : l’épreuve et le désespoir. Leur cohérence et leur nécessité donnent à penser la raison pour laquelle la question de la technique est cruciale pour notre époque.
A look back at the conversation published in the book Philosophies singulières in order to highlight the existential dimension of Bernard Stiegler's philosophy. This dimension can be seen in the use of a concept and an affect that are transversal to the work: ordeal and despair. Their coherence and their necessity give us an idea of why the question of technology is crucial for our time.
PSN, 2022
Le thème de la clinique traverse l’œuvre de Gilles Deleuze sans apparaître explicitement comme un... more Le thème de la clinique traverse l’œuvre de Gilles Deleuze sans apparaître explicitement comme un concept majeur. Toutefois, l’emprunt de ce terme appartenant au domaine médical implique une discussion critique avec les manières dont la médecine jusqu’à la psychanalyse analyse les symptômes et détermine des tableaux cliniques. L’enjeu pour Deleuze est d’émanciper la clinique de son objectif médical consistant à identifier l’état d’un patient à une pathologie, en proposant de faire de la clinique le moyen d’une description des signes émis par un sujet explorant de nouveaux états corporels et mentaux. Cet élargissement du sens de la clinique en fait une méthode d’investigation philosophique dont l’objectif est de suivre des signes habituellement jugés aberrants voire asignifiants, forçant le regard et le discours à inventer des manières de voir et de dire. Dans cet article, nous cherchons dans un premier temps à définir le sens deleuzien de la clinique puis nous montrons en quoi cette clinique est une méthode s’inscrivant dans le projet d’une philosophie de la différence. Enfin, à partir d’exemples nous précisons le rôle central de l’art (en particulier de la littérature) pour une clinique de la différence.
Philosophique, 2022
La nouveauté esthétique de l’image cinématographique peut être évaluée à l’aune des conceptions t... more La nouveauté esthétique de l’image cinématographique peut être évaluée à l’aune des conceptions traditionnelles de la philosophie de l’art, en interrogeant par exemple l’appartenance du cinéma aux Beaux-arts. Mais une autre approche peut aussi consister à se demander en quoi la nouveauté de l’expérience esthétique que propose cet art implique une modification de notre compréhension de ces conceptions traditionnelles, en particulier celle du beau. À partir de la conception kantienne du beau caractérisé par le désintéressement propre à ce sentiment, nous interrogeons la place qu’il est possible d’accorder à la dimension technique de l’image cinématographique dans l’analyse de l’expérience esthétique. La pureté du désintéressement kantien implique que cette dimension technique de la production de l’œuvre soit exclue du jugement esthétique, mais dans quelle mesure la prise en considération de l’expérience cinématographique serait susceptible de nous inviter à modifier l’analyse ? Notre hypothèse est la suivante : c’est à partir des affects spécifiques liés au spectacle de la prouesse technique de l’homme que l’esthétique du cinéma révèle sa beauté propre et son degré proprement artistique. C’est ce que nous proposons d’appeler l’expérience esthétique de la technicité de l’image. Nous précisons d’un point de vue ontologique pourquoi ce type d’expérience appartient en propre à la nouveauté de l’image cinématographique, puis, dans un second temps, nous reprenons l’analyse du point de vue de l’expérience esthétique elle-même à partir de l’étude du film Fitzcarraldo de Werner Herzog.
Sciences du jeu, Apr 12, 2019
L'idée selon laquelle les jeux vidéo sont un objet pertinent pour la philosophie n'est pas d'embl... more L'idée selon laquelle les jeux vidéo sont un objet pertinent pour la philosophie n'est pas d'emblée évidente. Afin d'interroger ce que peut signifier une philosophie des jeux vidéo, nous proposons une réflexion méthodologique fondée sur la potentielle nouveauté de l'image vidéoludique. Nous formulons l'hypothèse que cette nouveauté serait intéressante pour la philosophie dans la mesure où son analyse nécessiterait une transformation de certains concepts. Le problème consiste à comprendre comment peut s'opérer la saisie de cette transformation à partir de la pratique des jeux vidéo. Les travaux que Gilles Deleuze a consacrés à la transformation cinématographique du concept d'image nous servent de guide. D'abord parce qu'ils permettent de préciser notre méthode, et ensuite parce qu'à la limite de sa philosophie du cinéma, Deleuze voit venir un nouveau régime d'image impliquant de nouvelles transformations. Or, il est remarquable que ces transformations à venir pour la philosophie, que Deleuze n'a pu expérimenter, correspondent à ce que l'image vidéoludique nous donne à penser.
Implications philosophiques, 2018
Penser l'université à partir de sa déconstruction (2/2) implications-philosophiques.org/9846/ Pen... more Penser l'université à partir de sa déconstruction (2/2) implications-philosophiques.org/9846/ Penser l'université à partir de sa déconstruction Stiegler lecteur critique de Derrida 2. Stiegler : la déconstruction de la déconstruction de l'université En constatant l'héritage kantien d'une certaine forme d'inconditionnalité, Stiegler voit dans la pensée derridienne de l'université une conception métaphysique[1] qui reste à déconstruire. Non pas que Derrida chercherait délibérément à conserver une dimension métaphysique, mais que sa manière de déconstruire reste elle-même à déconstruire. C'est en mettant l'accent sur la question de la technique que Stiegler va radicalement la critiquer afin d'en reprendre et d'en achever le déploiement, ce qui le conduit à affirmer une autre conception de l'université.
Philosophique, 2020
Dans L'Origine de la géométrie, Husserl ouvre la réflexion de la phénoménologie transcendantale à... more Dans L'Origine de la géométrie, Husserl ouvre la réflexion de la phénoménologie transcendantale à la place des outils techniques dans l'apparition de l'acte noétique d'idéalisation. Cela le conduit à se demander en quoi, génétiquement, la faculté de raison est déterminée par des pratiques techniques culturellement données et historiquement changeantes. Il pointe ainsi une impureté fondamentale dans la constitution de l'Ego transcendantal. Pour une part, la critique derridienne commence par la thématisation de cette impureté et sa radicalisation à l'ensemble des concepts fondamentaux de la phénoménologie jusqu'à remettre en question la pertinence du projet transcendantal en déconstruisant la conception idéaliste d'un Ego pur. Dans quelle mesure le projet transcendantal est-il invalidé par cette déconstruction ? Y'a-t-il un sens à penser la technique comme constitutive de ce que la philosophie transcendantale a dégagé comme structure a priori des possibilités de l'expérience ? Nous proposons de montrer comment la philosophie de Simondon, fondée sur le concept de transduction, transforme le sens de la philosophie transcendantale de manière à y intégrer une pensée de la technique.
Philosophique, Mar 2, 2019
À la fin du deuxième tome de Cinéma, Deleuze affirme que « l’image-temps […] est “transcendantale... more À la fin du deuxième tome de Cinéma, Deleuze affirme que « l’image-temps […] est “transcendantale“ au sens que Kant donne à ce mot ». Cette référence à l’idée kantienne de transcendantal est étrange dans la mesure où elle n’apparaît pas auparavant, et semble entrer en contradiction avec l’approche bergsonienne qui guide conceptuellement les analyses que Deleuze mène dans cet ouvrage. Notre objectif est d’élucider cette référence au transcendantal kantien concernant le concept d’image-temps dans Cinéma ; nous montrons que Deleuze joue le Kant de la Critique de la faculté de juger contre celui de la Critique de la raison pure en s’appuyant sur la singularité de l’expérience du sublime. En effet, avec le sublime il est question d’une expérience de ce qui ne peut être représenté et qui consiste en une affection particulière : non pas l’affection d’une matière, d’un donné, mais de la forme même de l’esprit. Or, la lecture que Deleuze propose de Kant consiste à mettre en évidence que cette forme de l’esprit est le temps lui-même. En ce sens, l’expérience du sublime serait l’expérience de la forme du temps et l’image-temps du cinéma serait à même de nous la procurer. De cette lecture deleuzienne, nous déduisons une remarque générale concernant la modification du sens du transcendantal qui ne désigne alors plus une structure mais une limite : l’expérience sublime de cette limite implique la découverte par le sujet de nouvelles possibilités, et révèle la limite comme une force transformatrice.
Philosophique, 2017
On a souvent reproché à Gilles Deleuze d'appartenir à une génération de philosophes qui auraient... more On a souvent reproché à Gilles Deleuze d'appartenir à une génération de philosophes qui auraient négligé la science de leur temps, ou, pire, qui s'y seraient intéressés mais sans la rigueur nécessaire à une assimilation philosophique bien comprise. Par exemple, dans leur célèbre ouvrage Impostures intellectuelles, Sokal et Bricmont leur reprochent principalement d'user du vocabulaire scientifique de manière métaphorique, entrainant ainsi des « effets d'obscurité », et sans ne jamais s'expliquer sur la relation entre notions scientifiques et concepts philosophiques . Outre que nous pourrions leur demander, avec Derrida, d'eux-mêmes s'expliquer sur l'obscurité inévitablement métaphorique de ce qu'ils nomment la clarté argumentative , nous nous attacherons principalement à montrer qu'une telle explication concernant l'usage philosophique du vocabulaire et des idées scientifiques a bien été menée par Deleuze, et que d'autre part, loin de pouvoir se résumer à de simples allusions ou métaphores, ces idées sont d'une importance primordiale dans l'économie générale de son œuvre ; c'est en ce sens que nous expliciterons pourquoi « la philosophie a fondamentalement besoin de la science », et nous le ferons en interrogeant le concept qui nous semble être le lieu où se cristallise le plus directement le problème du rapport entre science et philosophie : le cerveau.
Bien qu'apparemment marginal dans l'oeuvre de Deleuze (il est très rarement thématisé chez les commentateurs), nous soutiendrons que le concept de cerveau joue un rôle crucial pour comprendre le statut de la science dans sa différence compliquée avec la pensée philosophique. Il faut en effet remarquer que les moments où la question du cerveau apparaît comme telle dans l'œuvre, d'une part sont à chaque fois déterminés par les découvertes de la microbiologie, et d'autre part sont en lien avec ce que Deleuze nomme la « modernité », c'est-à-dire ce qui marque un changement dans les manières de penser. Or, ce changement dans la pensée, Deleuze l'associe à un nouveau rapport (vécu) au cerveau, qui n'est pas sans lien avec une nouvelle connaissance de celui-ci. Nous verrons que c'est la modification de ce lien entre le cerveau et la pensée qui intéresse Deleuze en tant que s'y joue le rapport entre la science et la philosophie.
Book Chapters by Michaël Crevoisier
Ontogenesis and Finitude. Remarks on the Marginality of Philosophical Thought in Simondon, 2024
Simondon’s work aims to reform the fundamental concepts of philosophy through a new theory of bei... more Simondon’s work aims to reform the fundamental concepts of philosophy through a new theory of being as ontogenesis. In his eponymous book, Simondon develops this theory, primarily focusing on the notion of individuation. He puts forward a conception of the individual, taking into consideration the dimension of its being that produce him as an individual, that is the pre-individual. As Simondon resumes the effort of philosophical reflection starting from this primitive reality, he claims to be able to develop this theory of ontogenesis and carry out this reform of philosophical concepts. Thus, ontogenesis appears as a new first philosophy, the starting point for the construction of a system ensuring the de jure foundation of the universality of knowledge. However, it has often been noticed that the way of speaking employed by Simondon contrasts with this ambition. His reasoning is built on postulates and hypotheses and is most often presented through the precaution of the conditional. As if, fundamentally, the task of philosophy was less to realize an ambition, than to make a promise. The nature of philosophical thought in Simondon is caught in this contradiction: on the one hand thetic, even apodictic, and on the other hypothetical, even optative.
At the center of this contradiction is a question: can we know individuation? In other words, is a science of the pre-individual possible? Simondon's answer is complicated: “nous ne pouvons, au sens habituel du terme, connaître l'individuation.” (2013, p. 36). In order to clarify this answer, it seems necessary to follow the path he opens for us, by asking: in which meaning should knowledge be taken so that ontogeny will allow itself to be known? In this direction, we find the development of the analogical method and the affirmation of transductive thought, as a means of access to the ontogenetic dimension of the real. But what can we expect from this method and this kind of thinking? The ambition of ontogenic thinking implies that the theory of individuation has a universal validity, but Simondon remains cautious: “[i]l se peut que l'ontogénèse ne soit pas axiomatisable” (2013, p. 228). Our article is devoted to analyzing the reasons for this caution. Why could ontogenesis not be axiomatizable?
From this question, Simondon deduces a definition of philosophy : “la pensée philosophie [est] comme perpétuellement marginale par rapport à toutes les autres études” (2013, p. 228). Our goal is to clarify the meaning of this definition. We will attempt to show that this marginality is explained by what we propose to call the ontogenetic finitude of the philosophizing subject. More precisely, Simondon's ontogenetic theory involves the conception of a subject for whom it’s impossible to reflect all of the ontogenetic conditions of his own thought. This means that the problematic at the start of philosophical thought always remains partially obscure to the subject. This obscurity is, on the one hand, the driving force that individuate philosophical thought, the promise of its renewal, and, on the other, that which de jure limits its claim to universality.
Le numérique et le secret, 2019
Uploads
Books by Michaël Crevoisier
[English : Simondon's theory of knowledge is at the crossroads between two conceptions of the subject: ontogenetic and transcendental. It reveals a constant dialogue with Kant that reveals a conceptual reform in line with the scientific and technical revolutions of our time.]
L'expérience singulière et tragique de cet homme qui a trouvé son salut dans l'étude obsessionnelle de l'idiome nazi est ici le point de départ d'une réflexion sur la situation actuelle du langage. Pour peu qu'on l'écoute vraiment, la langue dit toujours la vérité d'une époque. À travers ses transformations, dans la confusion des sentiments et l'ambiguïté́ des mots, s'imposent certaines idées et représentations qu'on a longtemps qualifiées d'idéologie avant que ce terme ne tombe en disgrâce. Cet ouvrage collectif entreprend de montrer les modalités suivant lesquelles l'idéologie se déploie aujourd'hui, en croisant l’approche linguistique héritée de Klemperer, la tradition critique en sciences sociales qui a su historiquement la conceptualiser, et une problématisation des systèmes techniques qui permet d'analyser l'automatisation du langage.
Faire de Klemperer notre contemporain, c'est nous confronter au discours publicitaire et aux algorithmes du web mondialisé en nous armant du principe d'exactitude qui guidait l'écriture de son journal et « apprendre à se colleter à sa propre conscience, plutôt que de surveiller celles des autres », comme nous y invite Walser.
Papers by Michaël Crevoisier
A look back at the conversation published in the book Philosophies singulières in order to highlight the existential dimension of Bernard Stiegler's philosophy. This dimension can be seen in the use of a concept and an affect that are transversal to the work: ordeal and despair. Their coherence and their necessity give us an idea of why the question of technology is crucial for our time.
Bien qu'apparemment marginal dans l'oeuvre de Deleuze (il est très rarement thématisé chez les commentateurs), nous soutiendrons que le concept de cerveau joue un rôle crucial pour comprendre le statut de la science dans sa différence compliquée avec la pensée philosophique. Il faut en effet remarquer que les moments où la question du cerveau apparaît comme telle dans l'œuvre, d'une part sont à chaque fois déterminés par les découvertes de la microbiologie, et d'autre part sont en lien avec ce que Deleuze nomme la « modernité », c'est-à-dire ce qui marque un changement dans les manières de penser. Or, ce changement dans la pensée, Deleuze l'associe à un nouveau rapport (vécu) au cerveau, qui n'est pas sans lien avec une nouvelle connaissance de celui-ci. Nous verrons que c'est la modification de ce lien entre le cerveau et la pensée qui intéresse Deleuze en tant que s'y joue le rapport entre la science et la philosophie.
Book Chapters by Michaël Crevoisier
At the center of this contradiction is a question: can we know individuation? In other words, is a science of the pre-individual possible? Simondon's answer is complicated: “nous ne pouvons, au sens habituel du terme, connaître l'individuation.” (2013, p. 36). In order to clarify this answer, it seems necessary to follow the path he opens for us, by asking: in which meaning should knowledge be taken so that ontogeny will allow itself to be known? In this direction, we find the development of the analogical method and the affirmation of transductive thought, as a means of access to the ontogenetic dimension of the real. But what can we expect from this method and this kind of thinking? The ambition of ontogenic thinking implies that the theory of individuation has a universal validity, but Simondon remains cautious: “[i]l se peut que l'ontogénèse ne soit pas axiomatisable” (2013, p. 228). Our article is devoted to analyzing the reasons for this caution. Why could ontogenesis not be axiomatizable?
From this question, Simondon deduces a definition of philosophy : “la pensée philosophie [est] comme perpétuellement marginale par rapport à toutes les autres études” (2013, p. 228). Our goal is to clarify the meaning of this definition. We will attempt to show that this marginality is explained by what we propose to call the ontogenetic finitude of the philosophizing subject. More precisely, Simondon's ontogenetic theory involves the conception of a subject for whom it’s impossible to reflect all of the ontogenetic conditions of his own thought. This means that the problematic at the start of philosophical thought always remains partially obscure to the subject. This obscurity is, on the one hand, the driving force that individuate philosophical thought, the promise of its renewal, and, on the other, that which de jure limits its claim to universality.
[English : Simondon's theory of knowledge is at the crossroads between two conceptions of the subject: ontogenetic and transcendental. It reveals a constant dialogue with Kant that reveals a conceptual reform in line with the scientific and technical revolutions of our time.]
L'expérience singulière et tragique de cet homme qui a trouvé son salut dans l'étude obsessionnelle de l'idiome nazi est ici le point de départ d'une réflexion sur la situation actuelle du langage. Pour peu qu'on l'écoute vraiment, la langue dit toujours la vérité d'une époque. À travers ses transformations, dans la confusion des sentiments et l'ambiguïté́ des mots, s'imposent certaines idées et représentations qu'on a longtemps qualifiées d'idéologie avant que ce terme ne tombe en disgrâce. Cet ouvrage collectif entreprend de montrer les modalités suivant lesquelles l'idéologie se déploie aujourd'hui, en croisant l’approche linguistique héritée de Klemperer, la tradition critique en sciences sociales qui a su historiquement la conceptualiser, et une problématisation des systèmes techniques qui permet d'analyser l'automatisation du langage.
Faire de Klemperer notre contemporain, c'est nous confronter au discours publicitaire et aux algorithmes du web mondialisé en nous armant du principe d'exactitude qui guidait l'écriture de son journal et « apprendre à se colleter à sa propre conscience, plutôt que de surveiller celles des autres », comme nous y invite Walser.
A look back at the conversation published in the book Philosophies singulières in order to highlight the existential dimension of Bernard Stiegler's philosophy. This dimension can be seen in the use of a concept and an affect that are transversal to the work: ordeal and despair. Their coherence and their necessity give us an idea of why the question of technology is crucial for our time.
Bien qu'apparemment marginal dans l'oeuvre de Deleuze (il est très rarement thématisé chez les commentateurs), nous soutiendrons que le concept de cerveau joue un rôle crucial pour comprendre le statut de la science dans sa différence compliquée avec la pensée philosophique. Il faut en effet remarquer que les moments où la question du cerveau apparaît comme telle dans l'œuvre, d'une part sont à chaque fois déterminés par les découvertes de la microbiologie, et d'autre part sont en lien avec ce que Deleuze nomme la « modernité », c'est-à-dire ce qui marque un changement dans les manières de penser. Or, ce changement dans la pensée, Deleuze l'associe à un nouveau rapport (vécu) au cerveau, qui n'est pas sans lien avec une nouvelle connaissance de celui-ci. Nous verrons que c'est la modification de ce lien entre le cerveau et la pensée qui intéresse Deleuze en tant que s'y joue le rapport entre la science et la philosophie.
At the center of this contradiction is a question: can we know individuation? In other words, is a science of the pre-individual possible? Simondon's answer is complicated: “nous ne pouvons, au sens habituel du terme, connaître l'individuation.” (2013, p. 36). In order to clarify this answer, it seems necessary to follow the path he opens for us, by asking: in which meaning should knowledge be taken so that ontogeny will allow itself to be known? In this direction, we find the development of the analogical method and the affirmation of transductive thought, as a means of access to the ontogenetic dimension of the real. But what can we expect from this method and this kind of thinking? The ambition of ontogenic thinking implies that the theory of individuation has a universal validity, but Simondon remains cautious: “[i]l se peut que l'ontogénèse ne soit pas axiomatisable” (2013, p. 228). Our article is devoted to analyzing the reasons for this caution. Why could ontogenesis not be axiomatizable?
From this question, Simondon deduces a definition of philosophy : “la pensée philosophie [est] comme perpétuellement marginale par rapport à toutes les autres études” (2013, p. 228). Our goal is to clarify the meaning of this definition. We will attempt to show that this marginality is explained by what we propose to call the ontogenetic finitude of the philosophizing subject. More precisely, Simondon's ontogenetic theory involves the conception of a subject for whom it’s impossible to reflect all of the ontogenetic conditions of his own thought. This means that the problematic at the start of philosophical thought always remains partially obscure to the subject. This obscurity is, on the one hand, the driving force that individuate philosophical thought, the promise of its renewal, and, on the other, that which de jure limits its claim to universality.
Ce numéro accueille aussi le Bulletin bibliographique de philosophie politique et sociale : près de cinquante ouvrages récemment publiés y sont thématiquement recensés.
D’autre part, ce numéro inaugure une nouvelle rubrique : le Bulletin bibliographique de philosophie politique et sociale. Plus d’une vingtaine d’ouvrages récemment publiés y sont thématiquement recensés, décrits et commentés.
Ce numéro contient également un entretien avec Louis Ucciani, l’occasion d’un regard rétrospectif sur le parcours de celui qui fut le directeur de la revue jusqu’à présent ; ainsi que trois notes de lecture consacrées à Jacques Bouveresse, Jean-Hugues Barthélémy et Jacques Rancière.