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PLUTARQUE
OEUVRES MORALES APOPHTEGMES DES LAC�D�MONIENS.
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page 480 APOPHTHEGMES DES LAC�D�MONIENS. AVIS DU TRADUCTEUR. Les observations suivantes sont extraites, pour la plupart, de la pr�face que M. Gierig a mise � la t�te de l'�dition qu'il a donn�e � Leipsig, des Institutions Lac�d�moniennes et d'une partie des Apophtegmes. J'y joindrai d'apr�s lui la chronologie des deux branches des H�radides qui r�gn�rent � Sparte, jusqu'� la prise de cette ville par Antigonus, et pour laquelle il a lui-m�me suivi Meursius et Sigonius. Comme l'auteur de ce trait� a pr�f�r� l'ordre alphab�tique � l'ordre chronologique que Plutarque a suivi dans le premier recueil d'apophtegmes, cette table sera utile � ceux qui seront curieux de savoir dans quel temps ont r�gn� les rois de Sparte dont les paroles m�morables y sont rapport�es. Plusieurs savants croient que ce recueil d'apophtegmes lac�d�moniens, et l'abr�g� des Institutions de Sparte, ne sont pas de Plutarque, et il est difficile de n'�tre pas de leur sentiment, lorsqu'on voit avec quelle n�gligence cette compilation est �crite, et le peu de jugement et de go�t qui y percent sensiblement. Mais quel est le v�ritable auteur de ces deux opuscules? C'est ce qu'il n'est pas facile de d�cider; car je ne saurais �tre de l'avis d'�rasme, qui, dans la pr�face de son recueil d'apophtegmes, attribue � Plutarque ces deux opuscules, fond� sans doute sur ce que le titre de ce trait� se trouve dans le catalogue que Lamprias, fils de ce philosophe, a donn� des ouvrages de son p�re. Mais le catalogue de Lamprias ne prouve rien. Le trait� que Plutarque avait fait sous ce titre peut avoir �t� perdu, comme bien d'autres de ses ouvrages l'ont �t� ; et cette conjecture se change en certitude, lorsqu'on voit tous les d�fauts de celui dont nous examinons la l�gitimit�. Ruauld, dans la vie de Plutarque, qui accompagne l'�dition de ses ouvrages, le croit de Lamprias lui-m�me. Mais est-il vraisemblable que Lamprias e�t os� ins�rer dans le catalogue des ouvrages de son p�re une compilation qui n'aurait pu �tre qu'un premier essai de sa jeunesse? Vossius l'attribue � un autre Plutarque, dont Tzetz�s fait mention, et qui a v�cu post�rieurement � notre philosophe. Il est vrai page 481 que ce Plutarque passe aussi pour �tre l'auteur de deux autres trait�s qui se trouvent dans les �uvres philosophiques du premier. Mais Vossius ne donne d'antre preuve de son opinion que la ressemblance des noms; et elle ne suffit pas pour asseoir un jugement certain. M. Gierig croit que celte compilation est l'ouvrage de quelque p�re de famille instruit, ou d'un ma�tre d'�cole, qui aura fait ce recueil pour l'usage de ses enfants ou de ses disciples. Le compilateur aura pris dans diff�rents auteurs tout ce qu'il aura cru propre � son dessein. Il y aura fait les changements qu'il croyait convenables, et retranch� tout ce qui lui paraissait inutile ou moins int�ressant. Quoi qu'il en soit, ajoute M. Gierig, ces deux opuscules n'en sont pas moins dignes d'�tre mis entre les mains des jeunes gens. Ils sont form�s de divers lambeaux; mais enfin ces lambeaux sont ceux de Plutarque et de X�nophon ; et d'ailleurs le fond de l'ouvrage offre autant d'utilit� que d'agr�ment. Le recueil des apophtegmes, outre qu'il nous fait conna�tre beaucoup de faits historiques, contient d'excellentes le�ons de morale; et rien n'est plus int�ressant, ni plus propre � �lever l'�me, � lui inspirer les sentiments les plus m�les et les plus vigoureux, que ces institutions de Lycurgue, qui ont fait des Spartiates des hommes extraordinaires, dont l'id�e seule nous �tonne encore et excite notre admiration. page 482 APOPHTHEGMES DES ROIS ET DES CAPITAINES SPARTIATES, DONT LES NOMS SONT CONNUS. Ce second recueil d'apophtegmes est divis� en quatre parties : la premi�re contient les paroles m�morables des rois et des capitaines spartiates les plus connus ; la seconde, celle des Lac�d�moniens dont les noms ne sont pas cit�s; la troisi�me, qu'on peut regarder comme un ouvrage s�par�, est un abr�g� des institutions donn�es aux Spartiates par le l�gislateur Lycurgue; la quatri�me, enfin, renferme les apophtegmes des femmes lac�d�moniennes, dont quelques-unes sont nomm�es et d'autres ne le sont pas. AGASICL�S. [208a] Agasicl�s, roi de Lac�d�mone, � qui quelqu'un t�moignait sa surprise [208b] de ce qu'aimant � s'instruire, il ne prenait pas les le�ons du sophiste Philophane (01), lui r�pondit : � Je veux �tre le disciple de ceux dont je suis le fils (02). � On lui demanda comment un prince qui n'avait point de gardes pouvait r�gner en s�ret� : � C'est, dit-il, en commandant � ses sujets comme un p�re � ses enfants. � AG�SILAS LE GRAND. Ag�silas le Grand fut �lu par le sort roi d'un festin. L'�chanson vint lui demander combien de coups il verserait � chaque convive. � Si vous avez beaucoup de vin, lui dit Ag�silas, [208c] donnez-en � chacun autant qu'il en voudra ; si vous en avez peu, partagez-le � tous �galement. � T�moin de la constance avec laquelle un sc�l�rat page 483 souffrait les tourments de la question, � Que cet homme, dit-il, est horrible, de mettre tant de courage et de patience dans des souffrances que la honte et le m�pris accompagnent! � On louait devant lui un orateur sur son talent � amplifier de petites choses. � Estimeriez-vous, dit-il, un cordonnier qui ferait de grands souliers pour de petits pieds? � Un citoyen lui rappelait souvent une promesse qu'il lui avait faite. � Si la chose est juste, lui dit Ag�silas, je vous l'ai promise ; si elle ne l'est pas, j'ai prof�r� la promesse, mais je n'y ai pas consenti. � [208d] Cet homme ayant r�pliqu� que les rois devaient tenir ce qu'ils avaient promis seulement d'un signe de t�te (03) : � Ils n'y sont pas plus oblig�s, repartit Ag�silas, qu'il ne convient � ceux qui les approchent de ne leur demander que des choses justes, et de consid�rer ce que les occasions et la biens�ance permettent aux rois. � Toutes les fois qu'il entendait louer ou bl�mer quelqu'un, il voulait qu'on examin�t les m�urs de ceux qui donnaient ces louanges ou faisaient ces reproches, autant que celles des personnes dont ils parlaient. Dans un spectacle public que donnait la jeunesse de Sparte (04), le pr�sident des jeux le mit � la derni�re place. Quoiqu'il f�t d�j� d�sign� roi, il ob�it en disant : � Tant mieux, je ferai voir que les places n'honorent point les hommes, [208e] mais les hommes, les places. � Son m�decin, dans une maladie, lui prescrivait un r�gime long et assujettissant. � Si je dois mourir, lui dit Ag�silas, tous vos rem�des ne me sauveront pas. � page 484 Un jour qu'il sacrifiait un b�uf sur l'autel de Minerve (05), il fut piqu� par un de ces insectes qui ne s'attachent qu'� la mis�re. Il le prit sans honte, et le tua en pr�sence de tout le monde. � Certes, dit-il, il est doux de se venger, m�me aux pieds des autels (06). � [208f] Une autre fois il vit une souris qu'un jeune enfant avait saisie sur une fen�tre, le mordre si fort, qu'elle lui fit l�cher prise, et s'�chappa. � Puisqu'un si faible animal, dit-il aux assistants, se venge ainsi de ceux qui veulent lui faire violence, que ne doivent pas faire des hommes? � Lorsqu'il se disposait � faire la guerre au roi de Perse, pour mettre en libert� les colonies grecques d'Asie, il alla consulter l'oracle de Jupiter � Dodone. Il en re�ut une r�ponse favorable, et la fit mander aux �phores, [209a] qui lui mand�rent d'aller consulter aussi l'oracle de Delphes. Il s'y rendit, et lorsqu'il fut dans le temple, il fit ainsi sa demande : � Apollon, n'�tes-vous pas du m�me avis que votre p�re ? � Le dieu ayant confirm� par sa r�ponse celle de Jupiter, il fut nomm� g�n�ral, et partit aussit�t pour cette exp�dition. � Tissapherne (07), qui craignait Ag�silas, lui avait promis, pour obtenir la paix, de laisser aux villes grecques d'Asie la libert� de se gouverner par leurs lois ; ensuite, ayant fait venir de Perse une puissante arm�e, il le mena�a de la guerre s'il ne sortait d'Asie. Ag�silas, ravi de ce manque de foi, fait semblant de marcher en Carie, [209b] et voyant page 485 que Tissapherne y rassemblait ses troupes, il change tout � coup sa marche, vient fondre sur la Phrygie, o� il s'empare de plusieurs villes, et l�ve des contributions immenses. Ce fut � cette occasion qu'il dit � ses amis : � C'est une impi�t� que de violer injustement la foi qu'on a donn�e; mais tromper ses ennemis, c'est une action aussi juste et aussi glorieuse qu'elle est douce et utile. � Comme il manquait de cavalerie, il revint � �ph�se, et enjoignit � tous les habitants un peu ais�s de lui fournir chacun un homme et un cheval, � condition d'�tre personnellement exempts du service. Par ce moyen, il eut bient�t rassembl� un grand nombre de chevaux et de bons soldats, au lieu que ces riches citoyens n'auraient form� que de mauvaises troupes. Il disait � cette occasion qu'il avait fait comme Agamemnon, qui, pour avoir une excellente jument, [209c] dispensa un homme opulent et l�che de le suivre � l'arm�e. Les commissaires charg�s de la vente des d�pouilles ayant, par son ordre, expos� les prisonniers tout nus, il se pr�senta beaucoup de monde pour acheter leurs habits ; mais personne ne voulait de ces corps blancs et d�licats, qui, toujours nourris � l'ombre, n'�taient propres � rien. Ag�silas, qui �tait pr�sent, dit � ses soldats : �Voil� pour quelles d�pouilles vous faites la guerre, et contre quels hommes vous combattez. � Apr�s avoir d�fait Tissapherne en Lydie, et pass� au fil de l'�p�e une grande partie de ses troupes, il fit librement des courses sur le pays ennemi. Le roi de Perse lui ayant fait offrir une grande somme d'argent, s'il voulait mettre fin � la guerre, il r�pondit qu'il n'�tait qu'au pouvoir de Sparte de faire la paix; [209d] que, pour lui, il aimait mieux rendre ses soldats riches, que de s'enrichir lui-m�me, et qu'il croyait plus glorieux pour les Grecs d'emporter les d�pouilles de leurs ennemis que de recevoir d'eux des pr�sents. page 486 M�gabates, fils de Spithridate (08), jeune homme d'une grande beaut�, qui se croyait fort aim� d'Ag�silas, �tant venu � lui pour l'embrasser, ce prince se d�tourna. Voyant ensuite que M�gabates n'avan�ait point, il demanda aux officiers qui �taient pr�sents ce qui pouvait l'arr�ter ; ils lui dirent qu'il en �tait lui-m�me la cause ; qu'apr�s s'�tre refus� aux avances de ce jeune homme, la crainte l'emp�cherait d�sormais de se rapprocher. [209e] Ag�silas, apr�s quelques moments de r�flexion, leur dit : � Je ne dois pas chercher � l'attirer. J'aime mieux dompter mes propres d�sirs que de soumettre la ville la plus puissante, et je trouve bien plus beau de se conserver libre soi-m�me que d'�ter aux autres la libert�. � Observateur rigide des lois sur tout le reste, il disait qu'une justice trop exacte envers ses amis �tait un pr�texte pour ne pas les obliger. On rapporte de lui une lettre par laquelle il sollicitait aupr�s d'Hydrius, roi de Carie, la libert� d'un de ses amis, et qui �tait con�ue en ces termes : � Si Nicias est innocent, renvoyez-le ; s'il est coupable, faites-lui gr�ce � ma consid�ration ; mais quoi qu'il en soit, rendez-lui la libert�. � Tel �tait ordinairement Ag�silas pour ses amis. [209f] Dans une occasion cependant, il consulta plut�t l'utilit� publique que l'int�r�t particulier d'un ami. Un jour qu'oblig� de d�camper avec pr�cipitation , il laissait derri�re un jeune homme qu'il aimait, et � qui sa maladie ne permettait pas de suivre l'arm�e, ce jeune homme le conjurait avec larmes de ne pas l'abandonner. Ag�silas dit, en se tournant vers lui : � Qu'il est difficile d'�tre � la fois compatissant et sage ! � page 487 Il menait le m�me genre de vie que les simples soldats. Il ne se permettait jamais le moindre exc�s dans le boire ni dans le manger ; loin de se laisser ma�triser par le sommeil, il le subordonnait toujours aux affaires. [210a] Il supportait si facilement le froid et le chaud, qu'il �tait le seul pour qui toutes les saisons de l'ann�e fussent �gales. Il pla�ait toujours sa tente au milieu des soldats, et n'avait pas un meilleur lit qu'eux. Il avait coutume de dire qu'un prince devait se distinguer de ses sujets, non par le luxe et la mollesse, mais parle courage et la patience � supporter les travaux. Quelqu'un lui demandait quel bien les lois de Lycurgue avaient procur� � Lac�d�mone : � Elles lui ont appris, r�pondit-il, � m�priser les plaisirs. � Il dit � un �tranger qui lui t�moignait sa surprise de ce que lui et tous les Spartiates �taient v�tus et nourris si simplement : � Le fruit que nous recueillons de ce genre de vie est la libert�. � [210b] Un autre l'exhortait � se rel�cher un peu de cette vie aust�re, en lui disant que la fortune ne lui laisserait peut-�tre pas � l'avenir le temps de le faire. � Je m'accoutume, lui dit Ag�silas, � n'avoir jamais besoin, quoi qu'il m'arrive, d'y rien changer. � La vieillesse m�me ne lui fit rien diminuer de ce r�gime s�v�re ; et comme on lui demandait un jour pourquoi, � son �ge, et par le froid le plus rigoureux, il allait sans tunique. � C'est, r�pondit-il, afin que les jeunes gens suivent l'exemple que leur donnent les vieillards et les magistrats. � Il traversait avec son arm�e les terres des Thasiens (09), qui lui envoy�rent de la farine, des oies, de la p�tisserie, [210c] d'autres mets recherch�s et des vins choisis. Il n'accepta que la farine, et ordonna aux d�put�s de remporter tout page 488 le reste, qui lui �tait absolument inutile. Les Thasiens lui ayant fait de vives instances pour l'engager � tout accepter, il y consentit, et le fit sur-le-champ distribuer aux Ilotes. Comme ils lui en demand�rent la raison, il leur r�pondit : � Les hommes qui font profession de vertu ne doivent point se permettre ces raffinements de bonne ch�re ; ce qui attire des esclaves n'est point fait pour des hommes libres. � Les Thasiens, pour reconna�tre les grands services qu'il leur avait rendus, lui d�cern�rent les honneurs divins, [210d] et lui envoy�rent une d�putation pour lui en faire part. Lorsqu'il eut lu les d�crets qui contenaient ces t�moignages de leur reconnaissance, il demanda aux d�put�s si leur patrie avait le pouvoir de d�ifier les hommes. Sur leur r�ponse affirmative, il leur dit : � Commencez par en faire usage pour vous-m�mes, et alors je croirai que vous pouvez aussi faire de moi un dieu. � Les colonies grecques d'Asie avaient arr�t�, par des d�crets publics, qu'on lui �rigerait des statues dans leurs principales villes. Quand Ag�silas le sut, il leur �crivit : � Ne faites de moi aucun portrait, aucune image, ni aucune statue (10). � Il vit en Asie une maison dont le plancher �tait fait avec des poutres carr�es. Il demanda au ma�tre si, [210e] dans son pays, les arbres avaient naturellement cette forme. Il lui r�pondit qu'ils �taient ronds. � Eh quoi ! lui dit Ag�silas, s'ils naissaient carr�s, les arrondiriez-vous pour les employer (11)? � On lui demandait un jour jusqu'o� s'�tendaient les bornes de la Laconie : � Jusqu'o� ce fer peut atteindre, � r�pondit-il en branlant sa lance. page 489 Quelqu'un lui t�moignait sa surprise de ce que Sparte n'avait point de murailles : � Voil�, dit-il en montrant les citoyens arm�s, voil� les murailles de Lac�d�mone. � Il r�pondit une autre fois � la m�me question : � Les villes ne doivent pas avoir pour d�fense des pierres et du bois, mais la valeur des habitants. � Il exhortait ses amis � faire consister leurs richesses, non dans l'argent, mais dans le courage et la vertu. [210f] Lorsqu'il voulait h�ter les travaux des soldats, il mettait le premier la main � l'ouvrage, � la vue de tout le monde. Il mettait sa gloire � ne le c�der � personne pour le travail, et � �tre plus ma�tre de soi-m�me que de ses sujets. Quelqu'un voyant un Lac�d�monien boiteux pr�t � partir pour une exp�dition, cherchait pour lui un cheval. � Ne savez-vous point, lui dit Ag�silas, qu'il ne faut pas � la guerre des gens qui fuient, mais qui tiennent ferme dans leur poste ? � Il r�pondit � ceux qui lui demandaient comment il avait acquis une si grande gloire : � En m�prisant la mort. � On lui demandait pourquoi les Spartiates marchaient � l'ennemi au son des instruments : [211a] � C'est, dit-il, afin qu'en les faisant marcher en cadence, on puisse distinguer les timides et les braves. � Quelqu'un vantait devant lui le bonheur du roi de Perse, qui �tait encore fort jeune : � Priam, � son �ge, dit Ag�silas, n'avait pas encore �t� malheureux. � Apr�s avoir soumis une grande partie de l'Asie, il r�solut de marcher contre le roi de Perse lui-m�me, et de troubler un repos dont ce prince abusait pour corrompre les orateurs de la Gr�ce. Mais, rappel� par les �phores � la d�fense de Sparte, menac�e par les autres peuples de la Gr�ce qu'excitait l'argent du roi de Perse (12), page 490 il dit [211b] qu'un bon prince (levait ob�ir aux lois; et il partit aussit�t de l'Asie, emportant les regrets de toutes les colonies grecques qui y �taient �tablies. Comme la monnaie des Perses avait pour empreinte un archer, il dit, en d�campant, qu'il �tait chass� de l'Asie par trente mille archers du roi de Perse. En effet, ce prince avait envoy�, par Timocrate, un pareil nombre de dariques(13) � Th�bes et � Ath�nes, pour �tre distribu�es aux orateurs, qui, � ce prix, engag�rent les autres Grecs � d�clarer la guerre aux Spartiates. Voici la lettre qu'Ag�silas �crivit � cette occasion aux �phores : � Ag�silas aux �phores, salut. � Nous avons soumis une grande partie de l'Asie, mis en fuite les Barbares, et fait [211c] dans l'Ionie de grands pr�paratifs de guerre. Mais puisque vous m'ordonnez de me rendre � Sparte � jour marqu�, je suivrai de pr�s ma lettre ; je voudrais m�me pouvoir la pr�venir. Je commande, non pour moi-m�me, mais pour ma patrie et pour ses alli�s. Un g�n�ral ne l'est v�ritablement, et avec justice, que lorsqu'il agit sous la d�pendance des lois, des �phores, et de tous les autres magistrats. � Lorsque apr�s le passage de l'Hellespont, il eut � traverser la Thrace, il ne voulut point en demander la permission � ces peuples barbares ; il leur fit dire seulement s'ils voulaient qu'il pass�t sur leurs terres en ami ou en ennemi. Ils lui laiss�rent tous le passage libre, et l'accompagn�rent m�me, par honneur, sur leur territoire, page 491 � l'exception de ceux de la Troade (14), a qui Xerx�s avait, dit-on, achet� le droit de traverser leur pays, et qui demand�rent � Ag�silas cent talents d'argent (15) et autant de femmes. Ag�silas leur r�pondit en se moquant d'eux : [211d] �Que ne venez-vous tout de suite les chercher?� En m�me temps il marche contre eux, leur livre bataille, les met en fuite, et, apr�s leur avoir tu� beaucoup de monde, il continue sa route. Le roi de Mac�doine (16), � qui il fit faire la m�me demande qu'aux peuples de la Thrace, r�pondit qu'il en d�lib�rerait. � Qu'il d�lib�re � son aise, dit Ag�silas ; en attendant, nous passerons. � Le roi, surpris de sa fiert�, et n'osant se mesurer avec lui, le laissa passer librement. Il ravagea les terres des Thessaliens, alli�s des ennemis de Sparte, [211e] et d�puta � Larisse X�nocl�s et Scytha, pour proposer aux habitants de faire alliance avec les Lac�d�moniens. Ceux de Larisse se saisirent des d�put�s, et les mirent en prison. Toute l'arm�e, pleine d'indignation, voulait qu'Ag�silas m�t le si�ge devant la ville. Il r�pondit qu'il ne s'exposerait pas, pour la conqu�te m�me de toute la Thessalie, � perdre un seul de ces d�put�s (17); et il n�gocia pour qu'on les lui rend�t tous les deux. Lorsqu'il apprit que, dans une bataille donn�e aupr�s de Corinthe, o� les Spartiates n'avaient perdu que peu de monde, il avait p�ri un grand nombre d'Ath�niens et d'autres alli�s, au lieu de se r�jouir ou de tirer avantage de cette victoire, [211f] il dit en poussant un profond soupir : � Malheureuse Gr�ce, qui vient de faire p�rir de ses pro- page 492 pres mains ce qui suffirait de soldats pour soumettre tous les Barbares ! � Press� par la cavalerie pharsalienne, qui incommodait fort son arm�e, il l'attaqua avec cinq cents chevaux, et la mit en d�route. Il f�t �lever au pied du mont Narthacium (18) un troph�e pour cette victoire, qu'il pr�f�rait � toutes celles qu'il avait remport�es jusqu'alors, parce qu'avec sa cavalerie seule il avait vaincu la nation qui avait le plus de confiance dans la sienne. [212a] Diphridas �tant venu de Sparte lui porter l'ordre d'entrer � l'heure m�me en B�otie, il ob�it, quoiqu'il e�t remis � faire cette exp�dition en un autre temps, et avec des troupes plus nombreuses. Il fit donc venir vingt mille hommes de l'arm�e qui campait aupr�s de Corinthe, entra dans la B�otie, attaqua pr�s de Coron�e les arm�es r�unies d'Ath�nes, de Th�bes, d'Argos, de Corinthe et de Locres, et remporta la victoire. Il re�ut plusieurs blessures dans ce combat, l'un des plus m�morables de ce temps-l�, au t�moignage de X�nophon (19) . Lorsqu'il fut de retour � Sparte, tant de succ�s et de victoires ne lui firent rien changer � sa mani�re de vivre. Comme il vit que quelques citoyens tiraient vanit� des chevaux [212b] qu'ils entretenaient, il engagea Cynisca, sa s�ur, � monter sur un char, pour aller disputer le prix de la course aux jeux olympiques. Il voulait montrer aux Grecs que ces combats ne prouvaient aucune valeur, mais seulement de l'opulence. Il avait attir� aupr�s de lui le sage X�nophon, pour qui il avait la plus grande estime. Il le d�termina � faire venir ses enfants � Lac�d�mone, pour y �tre �lev�s, et y ap- page 493 prendre la plus belle des sciences, celle d'ob�ir et de commander. On lui demandait un jour pourquoi les Spartiates �taient [212c] les plus heureux de tous les peuples : � C'est, r�pondit-il, parce qu'ils s'exercent plus que tous les autres peuples � la science d'ob�ir et de commander. � Apr�s la mort de Lysandre, Ag�silas, qui savait que cet homme ambitieux, � son retour d'Asie, avait form� contre lui une faction consid�rable, r�solut de le d�masquer et de le faire conna�tre tel qu'il avait �t� pendant sa vie. Il avait trouv� chez lui une harangue que Cl�on d'Halicarnasse (20) avait compos�e, qui devait �tre prononc�e devant le peuple par Lysandre, et dont le but �tait de changer la constitution actuelle de Lac�d�mone. Ag�silas voulait la lire en pleine assembl�e ; mais un des anciens � qui il l'avait communiqu�e, craignant que l'art avec lequel elle �tait �crite ne f�t impression sur les esprits, lui conseilla de ne pas troubler les cendres de Lysandre, [212d] et d'ensevelir plut�t ce discours avec lui. Ag�silas le crut, et ne fit plus aucune d�marche (21). Quant � ses ennemis secrets, il ne les attaqua point ouvertement ; au contraire, il en fit nommer plusieurs � des charges civiles ou militaires qui les obligeaient de l'accompagner, et prouva qu'ils s'�taient mal conduits dans l'exercice de leur pouvoir. Lorsque ensuite ils furent traduits en justice, il se rendit leur d�fenseur, et par ce moyen, il se les attacha si fortement, qu'il n'eut plus un seul ennemi � Lac�d�mone. Quelqu'un le priait d'�crire � ses amis d'Asie, pour lui faire obtenir une chose qu'il disait juste : � Mes amis, lui dit Ag�silas, n'ont pas besoin que je leur �crive pour rendre la justice. � [212e] On lui montrait les murailles d'une ville, en lui de- page 494 mandant s'il ne les trouvait pas bien belles : �Assur�ment, dit-il, et faites bien plut�t pour des femmes que pour des hommes. � Un M�garien parlait fort avantageusement de sa patrie. � Mon ami, lui dit Ag�silas, vos discours supposent une grande puissance (22). � Il ne se souciait pas m�me de conna�tre ce qui faisait l'admiration des autres. Callipidas, c�l�bre acteur tragique, jouissait ace titre d'une grande consid�ration dans la Gr�ce. La premi�re fois qu'il vit Ag�silas, il l'aborda famili�rement, [212f] et se m�lant avec fiert� parmi ceux de sa suite, il affectait de se montrer au prince, dans l'esp�rance qu'il en recevrait quelque t�moignage d'estime et de bienveillance. Comme il vit qu'Ag�silas ne lui disait rien : �Eh quoi! prince, lui dit-il, est-ce que vous ne me connaissez pas? est-ce que vous n'avez pas entendu parler de moi? � Ag�silas lui dit, en le regardant froidement : � N' �tes-vous pas le com�dien Callipidas (23)? � [213a] Le m�decin M�n�crate, � qui la gu�rison de plusieurs maladies d�sesp�r�es avait fait donner le surnom de Jupiter, fier de ce titre, osa �crire � Ag�silas en ces termes : M�n�crate-Jupiter, au roi A g�silas, salut. Ag�silas, sans lire la lettre, lui r�crivit sur-le-champ : Ag�silas roi, � M�n�crate, sant� (24). Conon et Pharnabaze, qui commandaient l'arm�e navale des Perses (25), �tant ma�tres de la mer, assi�geaient la page 495 c�te maritime de la Laconie, et les Ath�niens fortifiaient leur ville avec l'argent que Pharnabaze leur fournissait. Alors les Lac�d�moniens [213b] firent la paix avec le roi de Perse, et d�put�rent vers T�ribase (26) un de leurs concitoyens nomm� Antalcidas, charg� de remettre sous la puissance de ce g�n�ral les villes grecques d'Asie, pour la d�fense desquelles Ag�silas avait tant combattu : d�marche honteuse dont le bl�me ne peut retomber sur ce prince. C'�tait Antalcidas qui, ennemi d�clar� de ce grand homme, voulait la paix � quelque prix que ce f�t, parce que la guerre augmentait beaucoup le cr�dit et la gloire d'Ag�silas. Quelqu'un ayant dit � cette occasion que les Lac�d�moniens persisaient, il r�pondit que c'�tait plut�t les Perses qui laconisaient (27). Interrog� quelle vertu il croyait pr�f�rable, de la force ou de la justice, il r�pondit [213c] que la force, sans la justice, �tait inutile, et que si tous les hommes �taient justes, on n'aurait pas besoin de force. Les Grecs d'Asie avaient coutume d'appeler le roi de Perse, le grand roi : � Comment, dit Ag�silas, est-il plus grand que moi, s'il n'est ni plus juste, ni plus sage? � Il disait de ces m�mes Grecs, qu'ils ne savaient pas �tre libres, mais qu'ils �taient de bons esclaves. page 496 Quelqu'un lui demandait quel �tait le plus s�r moyen de se faire estimer : � C'est, r�pondit-il, de dire et de faire ce qu'il y a de meilleur. � Il disait qu'un g�n�ral devait �tre plein d'audace contre ses ennemis, et de bienveillance pour ses soldats. On lui demandait ce qu'il fallait enseigner aux enfants : [213d] � Les choses, dit-il, dont ils feront usage quand ils seront hommes. � Dans un proc�s dont il �tait juge, l'accusateur avait tr�s bien parl�, et l'accus�, qui se d�fendait mal, r�p�tait � tout moment : � Ag�silas, il faut que le prince vienne au secours des lois. Eh quoi ! lui dit Ag�silas, si on avait abattu votre maison, ou qu'on vous e�t enlev� votre habit, attendriez-vous que votre architecte ou votre tailleur vinssent � votre secours (28) ? � Quand la paix eut �t� conclue, Artaxerx�s �crivit � Ag�silas une lettre qui lui fut remise par un Perse venu � Sparte avec le Lac�d�monien Callias, et dans laquelle ce prince lui offrait son amiti�. Ag�silas ne voulut pas recevoir la lettre, et chargea l'envoy� de dire � son roi [213e] qu'il n'avait pas besoin de lui �crire en particulier ; que s'il �tait dans des dispositions favorables pour Sparte et pour la Gr�ce, Ag�silas serait le meilleur de ses amis : � Mais, ajouta-t-il, si je d�couvre qu'il ait de mauvais desseins contre nous, qu'il ne se flatte pas de m'avoir jamais pour ami, quand il m'accablerait de ses lettres. � Il aimait si tendrement ses enfants, qu'il partageait leurs amusements, et allait avec eux � cheval sur un b�ton. Un de ses amis l'ayant surpris dans cette posture, il lui dit de n'en parler � personne, avant d'�tre lui-m�me devenu p�re. Il �tait presque toujours en guerre avec les Th�bains ; page 497 et comme il fut bless� dans un de ces combats, Antalcidas lui dit : [213f] � Vous recevez un beau salaire des Th�bains, pour leur avoir appris malgr� eux � faire la guerre. � En effet, on pr�tend que les Th�bains ne furent jamais plus belliqueux que dans ce temps-l�, � cause des fr�quentes exp�ditions des Lac�d�moniens contre eux. Aussi l'ancien Lycurgue avait-il d�fendu par ses lois qu'on fit souvent la guerre aux m�mes ennemis, de peur qu'on ne leur appr�t � la faire. Ag�silas ayant su que les alli�s de Sparte trouvaient mauvais que dans toutes les exp�ditions ils fussent oblig�s de marcher sous les ordres des Lac�d�moniens, [214a] beaucoup moins nombreux qu'eux, il voulut les convaincre que le nombre des Spartiates �tait bien plus grand qu'ils ne croyaient. Il fil mettre d'un c�t� tous les alli�s p�le-m�le, et de l'autre, les seuls Lac�d�moniens. Ensuite il dit au h�raut de faire lever d'abord les potiers de terre, puis les forgerons, apr�s eux les architectes et les ma�ons, et ainsi de suite tous les autres artisans. Les alli�s se lev�rent presque tous, et il ne se leva pas un seul Lac�d�monien, car les lois leur d�fendaient d'exercer aucun art m�canique. Alors Ag�silas dit en souriant aux alli�s : [214b] � Vous voyez combien nous fournissons plus de soldats que vous. �
Apr�s la bataille de
Leuctres, un grand nombre de Lac�d�moniens qui avaient pris la fuite devaient,
selon les lois, �tre d�clar�s inf�mes. Les �phores voyant que si on les
punissait � la rigueur, la ville n'aurait plus de soldats, et elle en avait le
plus grand besoin, cherchaient un exp�dient pour abolir la peine d'infamie, sans
cependant porter ouvertement atteinte aux lois. Ils charg�rent Ag�silas de faire
� ce sujet telle loi qu'il jugerait � propos. Il se rendit donc sur la place
publique, o� il parla ainsi : � Je page 498 J'ordonne donc qu'� compter de demain, toutes nos lois soient en vigueur. � [214c] �paminondas, � la t�te des Th�bains et des alli�s enfl�s de leur victoire, venait, comme un orage terrible, fondre sur Lac�d�mone. Ag�silas, qui n'avait avec lui que tr�s peu de monde, l'emp�cha d'entrer dans la ville, et le for�a m�me de s'�loigner. A la bataille de Mantin�e, il conseilla aux Lac�d�moniens de n�gliger tous les autres combattants, pour s'attacher au seul �paminondas. Il disait � cette occasion qu'il n'y avait de v�ritablement braves que les gens prudents; qu'eux seuls d�cidaient de la victoire. � Si donc, ajoutait-il, nous faisons p�rir �paminondas, nous serons facilement ma�tres des autres, qui n'ont ni bon sens, ni prudence. � L'�v�nement justifia sa pr�caution, car au moment qu' �paminondas, d�j� vainqueur, mettait en fuite les ennemis, [214d] et se retournait pour rappeler les siens, un Spartiate le frappa d'un coup mortel. Les troupes d'Ag�silas le voyant bless�, revinrent � la charge, et les Th�bains ne se d�fendirent plus avec la m�me ardeur, tandis que les Spartiates redoubl�rent de courage ; et la victoire demeura ind�cise. Lac�d�mone manquait d'argent pour payer les troupes �trang�res qu'elle avait � sa solde. Ag�silas, que le roi d'Egypte appelait � son secours (29), s'engagea au service de ce prince, moyennant une somme dont ils convinrent. La simplicit� de son habillement le fit m�priser des �gyptiens. Ces peuples, qui avaient des rois l'id�e la plus fausse, s'attendaient � voir le roi de Sparte [214e] aussi magnifiquement v�tu que celui de Perse. Mais Ag�silas leur fit bient�t voir que c'est dans la prudence et le courage que consistent la gloire et la puissance. Il s'�tait aper�u que les troupes qu'il devait commander �taient effray�es de page 499 leur petit nombre, et de la multitude des ennemis, dont l'arm�e montait � deux cent mille hommes. Il s'avisa donc, avant le combat, d'une ruse secr�te, pour relever leur courage. Il �crivit sur sa main gauche le mot victoire: ensuite, ayant pris [214f] des mains du pr�tre le foie de la victime, il le mit dans sa main, et affectant un air r�veur et pensif, il l'y tint assez longtemps pour que les caract�res trac�s dans sa main pussent s'imprimer sur le foie. Alors il le montre � ses soldats, et leur dit que c'est un pr�sage assur� que les dieux leur donnent de la victoire. Les troupes ne doutent plus du succ�s, et remplies de confiance, ne demandent qu'� combattre. Les ennemis se voyant tr�s sup�rieurs en nombre, travaill�rent � enfermer le camp des �gyptiens. Nectabanis (c'�tait le roi d'Egypte) voulait sortir des lignes pour livrer la bataille. Ag�silas lui dit qu'il n'avait garde de s'opposer � l'�galit� que les ennemis allaient mettre entre les deux arm�es. [215a] Lorsque les deux bouts du retranchement furent pr�s d'�tre joints, il rangea ses troupes en bataille vis-�-vis l'ouverture qui restait encore; et par ce moyen, combattant � nombre �gal, il mit en fuite, avec le peu de monde qu'il avait, celte arm�e si nombreuse, en fit un grand carnage, et envoya � Lac�d�mone des sommes consid�rables. Il tomba malade dans son voyage d'�gypte � Lac�d�mone ; et comme il �tait sur le point de mourir, il pria ses amis de ne lui �riger aucune statue, ni aucune esp�ce de monument : � Car, ajouta-t-il, si j'ai fait de belles actions, elles me serviront de troph�e ; autrement, toutes les statues, ouvrages de la main des hommes, ne sauraient �terniser ma m�moire. � AG�SIPOLIS. [215b] Ag�sipolis, fils de Cl�ombrote, dit, en apprenant que Philippe avait en peu de temps pris et d�truit la ville d'O- page 500 lynthe : � Il ne pourrait en plusieurs ann�es en reb�tir une pareille. � Quelqu'un lui reprochait qu'�tant d�j� roi, il avait �t� donn� en otage avec plusieurs autres jeunes gens, au lieu de leurs enfants et de leurs femmes. � Cela �tait juste, r�pondit-il ; les fautes doivent �tre expi�es par ceux qui les ont commises (30). � Il voulait faire venir des chiens de Sparte ; et quelqu'un lui ayant dit qu'on n'en laissait pas sortir de la ville, il r�pondit : � Les hommes n'en sortaient pas non plus autrefois, et ils le font aujourd'hui (31). � AG�SIPOLIS, fils de Pausanias. [215c] Ag�sipolis, fils de Pausanias, sur l'offre que les Ath�niens lui faisaient de prendre les M�gariens pour arbitres de leurs diff�rends, leur r�pondit : � Il serait honteux Ath�niens, que deux peuples qui commandent au reste de la Gr�ce connussent moins ce qui est juste que des M�gariens. � AGIS, fils d'Archidamus. Agis, fils d'Archidamus, re�ut ordre des �phores de prendre avec lui un certain nombre de jeunes citoyens, et de suivre un homme qui avait promis de les introduire dans la citadelle de sa ville. [215d] � Est-il prudent, leur dit Agis, de confier un si grand nombre de jeunes gens � quelqu'un qui trahit sa patrie? �
On lui demandait � quelle
science les Lac�d�moniens s'appliquaient davantage : � A celle d'ob�ir et de
commander, � Il disait que les Spartiates ne s'informaient pas si leurs page 501 ennemis �taient nombreux, mais seulement o� ils �taient. A Mantin�e, comme on voulait l'emp�cher de combattre, parce que les ennemis �taient trop sup�rieurs en nombre : � Il faut bien, dit-il, que celui qui veut commander � tout un peuple soit en �tat de combattre contre des ennemis nombreux. � Quelqu'un lui demandait un jour si les Lac�d�moniens �taient bien nombreux : � Assez, r�pondit-il, pour contenir les m�chants. � Il faisait le tour de la ville de Corinthe ; et consid�rant la hauteur, l'�tendue et la force de ses murailles : � Quelles sont, dit-il, les femmes qui habitent dans cette enceinte? � [215e] Un sophiste disait qu'il n'y avait rien de meilleur que la parole : � Tu ne vaux donc rien, lui dit Agis, quand tu ne parles pas? � Les Argiens, apr�s avoir �t� battus, revenaient fi�rement au combat, et la plupart des alli�s en paraissaient troubl�s : � Mes amis, leur dit Agis, si nous qui venons de vaincre, nous �prouvons des sentiments de crainte, que doivent faire ceux que nous avons battus? � Un d�put� d'Abd�re, apr�s l'avoir entretenu fort longuement, lui demanda ce qu'il le chargeait de rapporter � ses concitoyens. � Dites-leur, r�pondit Agis, que tant qu'il vous a plu de parler, je vous ai �cout� dans�e plus grand silence. � On louait devant lui les �l�ens de ce qu'ils observaient la plus exacte justice dans les jeux olympiques. [215f] � Quelle merveille, dit Agis, si dans l'espace de cinq ans, ils sont justes une seule fois ! � Quelqu'un lui disait que des gens d'une famille �trang�re lui portaient envie. � Eh bien ! dit Agis, outre leurs maux personnels, ils auront encore � souffrir du bien qui m'arrivera � moi et � mes amis. � page 502 Un de ses officiers lui conseillait de laisser un libre passage aux ennemis qui fuyaient. � Comment, lui dit-il, pourrons-nous combattre ceux qui nous r�sisteront avec courage, si nous n'attaquons pas ceux � qui leur l�chet� fait prendre la fuite? � [216a] Un citoyen proposait pour la libert� de la Gr�ce des moyens g�n�reux, � la v�rit�, mais d'une ex�cution tr�s difficile. � Vos conseils, lui dit Agis, supposent beaucoup de pouvoir et d'argent. � On lui disait que Philippe fermerait aux Spartiates l'entr�e de la Gr�ce. �Il nous suff�t, r�pondit-il, de notre territoire. �. Un d�put� de P�rinthe, qui �tait venu � Lac�d�mone, tit un tr�s long discours. Lorsqu'il eut fini de parler, il demanda quelle r�ponse il rendrait aux P�rinthiens. � Rien autre chose, lui dit Agis, sinon que tu as eu bien de la peine � finir, et. que je n'ai rien r�pondu. � Il fut envoy� seul, en qualit� d'ambassadeur, vers le roi Philippe, et ce prince lui, ayant dit : [216b] � Quoi! vous venez seul? �Oui, lui r�pondit Agis, seul vers un seul.� Un vieillard de Lac�d�mone, qui voyait que les anciennes lois avaient perdu de leur vigueur, et que des usages pernicieux en prenaient la place, disait � Agis, d�j� vieux, que tout �tait renvers� dans Sparte. �Si cela est, lui dit Agis en badinant, il faut que cette r�volution soit naturelle� J'�tais encore enfant, que j'entendais dire � mon p�re qu'� Sparte tout �tait boulevers�, et son p�re lui en avait dit autant dans son enfance. Il n'est donc pas �tonnant que les choses aillent toujours de mal en pis; ce qui le serait, c'est qu'elles devinssent meilleures ou qu'elles se maintinssent dans le m�me �tat. � [216c] On lui demandait comment on pouvait se conserver libre : � En m�prisant la mort, r�pondit-il. � AGIS LE JEUNE. Agis le jeune entendait dire � l'orateur D�made que page 503 les �p�es des Lac�d�moniens �taient si courtes, que les joueurs de gobelets les escamotaient sans peine. � C'est pourtant avec nos �p�es, lui dit Agis, que nous atteignons nos ennemis. � Un m�chant homme lui demandait souvent quel �tait le meilleur |d'entre les Spartiates : � C'est, lui dit-il un jour, celui qui te ressemble le moins. � AGIS, DERNIER ROI DE SPARTE (32). Agis, le dernier roi de Lac�d�mone, s'�tait laiss� prendre � une embuscade. Les �phores le condamn�rent � mort, [216d] sans vouloir seulement l'entendre. Comme on le menait au supplice, il vit un des ex�cuteurs qui pleurait. � Mon ami, lui dit Agis, ne pleure pas sur moi; condamn� injustement, je suis plus heureux que ceux qui me font mourir. � En disant ces mots, il pr�senta son cou au lacet. ACROTATUS. Acrotatus, apr�s avoir r�sist� quelque temps � ses parents, qui exigeaient de lui une chose injuste et lui faisaient les plus vives instances, leur parla ainsi : � Tant que j'ai �t� aupr�s de vous, je n'ai eu aucune id�e de la justice. Maintenant que vous m'avez remis entre les mains de la patrie et des lois, et que vous avez fait tout ce qui �tait en vous pour m'instruire dans la justice et l'honn�tet�, je dois ob�ir � ces vertus plus qu'� vous-m�mes. [216e] Puisque vous d�sirez que je pratique ce qui est mieux, et que rien n'est meilleur pour tout homme, et � plus forte raison pour un prince, que de suivre la justice, j'aurai moins d'�gard � ce que vous me dites qu'� ce que vous voulez. � page 504 ALCAM�NE, FILS DE T�L�CLUS. On demandait � Alcam�ne, fils de T�l�clus, quel �tait pour un prince le plus s�r moyen de conserver son royaume : � C'est, r�pondit-il, de se mettre au-dessus d'un vil int�r�t. � Un autre lui demandait pourquoi il n'avait pas re�u les pr�sents des Mess�niens : � C'est, r�pondit-il, que si je les avais accept�s, je n'aurais pu vivre en 'paix avec les lois. � Quelqu'un lui disait qu'il vivait bien frugalement pour la fortune qu'il avait. [216f] � Quelque riche qu'on soit, r�pondit-il, il est beau de vivre d'apr�s ce que la raison prescrit, et non d'apr�s ses d�sirs. � ANAXANDRIDAS. Anaxandridas, fils de L�on , disait � un homme qui supportait avec peine son exil : �Mon ami, il ne faut pas s'affliger d'�tre �loign� de sa patrie, mais de l'�tre de la justice. � Un �tranger parlait aux �phores sur un sujet int�ressant, mais il le faisait trop longuement : � Mon ami, lui dit Anaxandridas, vous employez sans n�cessit� une chose n�cessaire. � On lui demandait pourquoi les Lac�d�moniens faisaient labourer leurs terres par les Ilotes, au lieu de les cultiver eux-m�mes. [217a] � Nous les avons, r�pondit-il, non pour avoir soin d'eux, mais pour pouvoir nous soigner nous-m�mes (33) . � Quelqu'un lui disait que l'estime publique �tait � charge, et que celui qui n'en faisait aucun cas �tait heureux. � A page 505 votre compte, lui dit Anaxandridas, les sc�l�rats seront heureux, car un sacril�ge, un malfaiteur, ne font aucun cas de l'estime publique. � Un autre lui demandait pourquoi les Spartiates, dans les combats, s'exposaient si courageusement aux dangers. � C'est, r�pondit-il, que quoiqu'ils estiment la vie, ils ne craignent pas, comme les autres, de la perdre. � On lui demandait pour quelle raison, dans les causes capitales, les s�nateurs employaient plusieurs jours � discuter l'affaire, et que l'accus�, lors m�me qu'il �tait absous, restait toujours sous la main de la justice. [217b] � Les juges, r�pondit-il, discutent l'affaire pendant plusieurs jours, parce que, dans les jugements � mort, l'erreur est sans rem�de ; mais l'accus� reste toujours sous le pouvoir des lois, parce qu'elles permettent de revenir sur le jugement et de le r�former. � ANAXANDRE. On demandait � Anaxandre, fils d'Eurycrate, pourquoi les Spartiates n'avaient pas de tr�sor public : � C'est, dit-il, de peur que ceux qui seraient pr�pos�s � sa garde ne fussent expos�s � se corrompre. � ANAXILAS. Quelqu'un lui t�moignait sa surprise de ce que les �phores ne se levaient pas [217c] devant les rois, par qui ils �taient �tablis. � C'est, dit-il, par la raison qu'ils sont �phores (34).� ANDROCLIDAS. Androclidas, tout estropi� qu'il �tait, se pr�senta pour �tre enr�l�. Et comme on ne voulait pas l'inscrire, � cause de ce d�faut naturel : � Il ne faut pas, dit-il, pour com page 506 battre, un homme qui fuie, mais qui tienne ferme contre les ennemis. � ANTALCIDAS. Lorsque Antalcidas se faisait initier aux myst�res de Samothrace, le pr�tre lui demanda quel �tait le plus grand crime qu'il e�t fait dans sa vie. � Si j'en ai commis quelqu'un, r�pondit-il, les dieux le savent (35). � [217d] Un Ath�nien traitait devant lui les Spartiates d'ignorants. � Nous sommes donc les seuls, lui dit Antalcidas, � qui vous n'ayez pu rien apprendre de mal. � Un autre Ath�nien lui disait que les Lac�d�moniens avaient �t� souvent repouss�s loin du C�phise. � Pour nous, repartit Antalcidas, nous ne vous avons jamais chass�s des bords de l'Eurotas. � Quelqu'un lui demandait comment on r�ussirait � se faire aimer des hommes : � En leur tenant les discours les plus agr�ables, r�pondit-il, et en leur rendant les services, les plus utiles. � Un sophiste annon�a qu'il allait faire le pan�gyrique d'Hercule. � Eh ! qui pense � le bl�mer? � lui dit Antalcidas. Ag�silas ayant �t� bless� dans un combat contre les Th�bains, Antalcidas lui dit : � Vous avez �t� bien pay� d'avoir voulu leur apprendre malgr� eux � faire la guerre.� page 507 [217e] En effet, on croyait qu'Ag�silas, par ses fr�quentes exp�ditions contre eux, les avait beaucoup aguerris. Il disait que Sparte avait pour remparts ses jeunes gens, et pour bornes de son territoire le fer de leurs piques. On lui demandait pourquoi les Lac�d�moniens avaient des �p�es si courtes : � C'est, r�pondit-il, parce que nous combattons de pr�s l'ennemi. � ANTIOCHUS L'�PHORE. Antiochus l'�phore, apprenant que Philippe avait adjug� aux Mess�niens les terres qui �taient en litige entre eux et les Spartiates, demanda s'il leur avait donn� aussi la force de les d�fendre contre ceux qui viendraient les attaquer. ARIG�E. [217f] Arig�e entendait des Spartiates louer d'autres femmes que les leurs. �Il ne faut point, leur dit-il, parler l�g�rement sur le compte des femmes belles et honn�tes ; car leur beaut� et leur vertu doivent �tre inconnues � tout autre qu'� leurs maris. � En traversant la ville de S�linonte en Sicile, il vit sur un monument l'inscription suivante :
Tandis qu'ils �teignaient
l'ardente tyrannie, �Vous m�ritiez de mourir, dit-il, pour avoir voulu �teindre les feux de la tyrannie, au lieu de la laisser se consumer dans les flammes. � ARISTON. [218a] Quelqu'un louait devant Ariston ce mot de Cl�om�ne, qui, interrog� quel �tait le devoir d'un bon roi, avait r�pondu qu'il devait faire du bien � ses amis et du mal � ses ennemis. � Mon ami, dit Ariston, il serait bien plus beau de faire du bien � ses amis et de gagner l'amiti� de page 508 ses ennemis. � Au reste, l'opinion g�n�rale est que Socrate a, le 'premier, prof�r� cette belle maxime. On demandait � Ariston si les Spartiates �taient bien nombreux : � Assez, r�pondit-il, pour repousser leurs ennemis. � Un Ath�nien faisait l'�loge fun�bre de ceux de ses concitoyens qui avaient p�ri dans la guerre contre les Lac�d�moniens. [218b] � Que pensez-vous, dit Ariston, que soient nos soldats, qui ont vaincu de pareils hommes? � ARCHIDAMIDAS. Archidamidas entendait louer le roi Charila�s (36) sur la douceur dont il �tait envers tout le monde. � Comment. dit-il, peut-on louer � jus'te titre un homme qui est doux m�me envers les m�chants? � Quelqu'un bl�mait devant lui le sophiste H�cat�e, qui, admis an banquet public de Lac�d�mone, y gardait un profond silence. � Ignorez-vous, lui dit Archidamidas, que celui qui sait parler sait aussi le temps o� il doit le faire ? � ARCHlDAMUS. [218c] On demandait � Archidamus, fils de Zeuxidamus, quels �taient ceux qui commandaient � Sparte : � Ce sont les lois, dit-il, et les magistrats d'apr�s elles. � Quelqu'un louait devant lui un joueur de fl�te, et faisait le plus grand cas de son talent. � Mon ami, lui dit Archidamus, quelle estime r�servez-vous aux gens de bien, vous qui louez si fort un musicien? � Un autre lui recommandait un musicien dont il louait fort le talent. � Nous avons chez nous, dit-il, un fort bon cuisinier. � Il montrait par l� qu'il ne mettait aucune diff�rence entre les plaisirs qui n'affectent que les sens. On lui offrait un jour du tr�s bon vin. � Pourquoi page 509 faire? dit-il; nous en boirons davantage, et il affaiblira nos forces. � [218d] Pendant qu'il campait aupr�s de Corinthe, il vit sortir des li�vres d'un endroit voisin des murailles de la ville. � Compagnons, dit-il aux soldats, nous nous rendrons facilement ma�tres des ennemis. � Deux citoyens l'ayant pris pour arbitre de leurs diff�rends, il les mena dans le temple de Minerve et leur fit jurer qu'ils s'en tiendraient au jugement qu'il allait prononcer. Lorsqu'ils en eurent fait le serment, il leur dit : � J'ordonne que vous ne sortiez point d'ici sans vous �tre accord�s. � Denis, tyran de Sicile, lui avait envoy� des robes de grand prix, [218e] il les refusa, en disant : � Je craindrais que mes filles ne m'en parussent moins belles. � Un jour qu'il voyait son fils combattre avec trop d'audace contre les Ath�niens, il lui dit : � Ou ajoute � ta force, ou diminue de ta t�m�rit�. � ARCHIDAMUS, FILS D'AG�SILAS. Archidamus, apr�s la bataille de Ch�ron�e, re�ut de Philippe une lettre pleine de fiert�, � laquelle il r�pondit en ces termes : � Si vous mesurez votre ombre, vous ne la trouverez pas plus grande qu'avant votre victoire. � On lui demandait combien les Spartiates avaient de territoire : [218f] � Autant qu'ils peuvent en atteindre avec leurs lances, � r�pondit-il. P�riandre, m�decin habile et renomm�, faisait de tr�s mauvais vers. � Comment, lui dit Archidamus, �tant aussi bon m�decin, aimez-vous mieux �tre appel� mauvais po�te? � Lorsqu'on d�lib�rait sur la guerre contre Philippe, quelques citoyens �taient d'avis qu'on en port�t le th��tre aussi loin qu'il se pourrait de Lac�d�mone. � Ce n'est page 510 point sur cela, dit-il, qu'il faut d�lib�rer, mais sur les moyens de nous assurer la victoire. � [219a] Comme on le f�licitait de l'avantage qu'il avait eu sur les Arcadiens, il dit qu'il serait plus glorieux d'avoir sur eux l'avantage de la prudence que celui de la force. Lorsqu'il entra dans l'Arcadie, il apprit que les �l�ens venaient pour la secourir. Il leur �crivit simplement ces mots : ARCIHDAMUS AUX EL�ENS. � Le repos est une belle chose. � Dans la guerre du P�loponn�se, les alli�s de Sparte demandaient combien il faudrait d'argent, et ils voulaient qu'on d�termin�t la portion que chacun aurait � fournir. � La guerre, leur dit Archidamus, ne se fait point � un prix fixe. � Lorsqu'il vit le premier trait de batterie qu'on avait apport� de Sicile, il s'�cria : � Grands dieux ! la force de l'homme devient inutile. � Les Grecs ne voulaient pas suivre le conseil qu'il leur donnait de renoncer � leur alliance avec Antigonus et Crat�re, et de se mettre en libert�. Ils craignaient que les Spartiates ne les traitassent plus durement que les Mac�doniens : [219b] � La brebis, leur dit-il, n'a qu'une seule voix, mais l'homme en change souvent, jusqu'� ce qu'il vienne � bout de ce qu'il d�sire (37). � ASTYCRATIDAS. Lorsque Agis eut �t� battu par Antigonus, aupr�s de M�galopolis, quelqu'un dit � Astycratidas : � Lac�d�mo-niens, qu'allez-vous faire maintenant? subirez-vous le joug des Mac�doniens? � Eh quoi! repartit Astycratidas, Antigonus, par sa victoire, peut-il emp�cher que nous ne mourions en combattant pour notre patrie? � page 511 BIAS. [219c] Bias �tait tomb� dans une embuscade que lui avait tendue Iphicrate, g�n�ral des Ath�niens. Ses soldats lui demandaient ce qu'il fallait faire. � Rien autre chose, leur dit-il, que de vous sauver, tandis que je vais mourir les armes � la main. � BRASIDAS. Brasidas fut mordu par une souris qu'il avait saisie en mettant la main dans un panier de figues ; il la l�che aussit�t, et dit � ceux qui �taient pr�sents : � Voyez comment le plus petit animal peut sauver sa vie, s'il ose la d�fendre. � Dans un combat, il fut bless� d'un trait qui per�a son bouclier. A l'instant il arrache le trait de sa blessure, et en tue l'ennemi qui l'avait frapp�. Lorsqu'on lui demandait comment il avait �t� bless�, il disait : � C'est mon bouclier qui m'a trahi. � [219d] En partant pour une exp�dition, il �crivit aux �phores : � Je ferai tout ce que je d�sire, ou je mourrai. � Il fut tu� dans la guerre de Thrace, apr�s avoir mis en libert� les Grecs qui habitaient cette contr�e. Les d�put�s envoy�s � Sparte pour y annoncer sa mort, vinrent rendre visite � sa m�re Argil�onis. La premi�re question qu'elle leur fit fut si Brasidas �tait mort honorablement. Les d�put�s firent le plus grand �loge de sa valeur, et dirent qu'il n'y avait pas d'aussi brave g�n�ral que lui. � Vous vous trompez, leur dit-elle; Brasidas avait du courage, mais Sparte a plusieurs citoyens qui valent mieux que lui. � DAMONIDAS. [219e] Damonidas dit au pr�sident des jeux, qui, dans un spectacle public, l'avait mis an dernier rang : � Vous avez trouv� le moyen de rendre cette place honorable. � DAMIS. Alexandre avait �crit aux Spartiates de le reconna�tre page 512 pour un dieu par un d�cret public. � Nous consentons, dit Damis, qu'Alexandre, puisqu'il le veut, soit appel� dieu. � DAMINDAS. Lorsque Philippe entra les armes � la main dans le P�loponn�se, quelqu'un dit que les Lac�d�moniens avaient tout � risquer, s'ils ne faisaient la paix avec Philippe. � Homme l�che, lui dit Damindas, qu'avons-nous � craindre en m�prisant la mort ? � DERCYLLIDAS. [219f] Dercyllidas fut d�put� vers Pyrrhus, qui venait de faire entrer ses troupes dans la Laconie, et qui exigeait que les Lac�d�moniens re�ussent leur roi Cl�onyme (38), avec menaces, s'ils le refusaient, de leur faire voir qu'ils n'�taient pas plus forts que les autres peuples. � Si c'est un dieu, dit Dercyllidas, nous ne le craignons pas, puisque nous n'avons fait aucune injustice; s'il n'est qu'un homme, il n'est pas plus que nous. � D�MARATE. Quelqu'un t�moin de la duret� avec laquelle Oronte traitait D�marate, disait � ce dernier : [220a] � D�marate, Oronte vous traite bien mal. � Il ne me fait point de tort, repartit D�marate ; ce n'est point par des paroles dures qu'on peut nous nuire, mais bien plut�t par des flatteries (39). � On lui demandait pourquoi les Spartiates notaient d'infamie ceux qui jetaient leur bouclier, et non pas ceux qui abandonnaient leur casque ou leur cuirasse : � C'est, dit-il, qu'on porte ces deux derni�res armes pour soi-m�me, et le bouclier pour l'int�r�t g�n�ral de l'arm�e. � page 513 Il dit, en entendant un musicien jouer de la fl�te : � Cet homme, ce me semble, sait assez bien s'amuser. � On lui demandait dans une assembl�e si c'�tait par folie, ou faute d'avoir quelque chose � dire, qu'il gardait le silence. �Un fou, r�pondit-il, pourrait-il se taire? � [220b] Quelqu'un lui ayant demand� pourquoi il avait �t� banni de Sparte, dont il �tait roi : � C'est, dit-il, qu'� Sparte les lois ont plus de force que les rois. � Un Perse qui, � force de pr�sents, avait s�duit un jeune homme que D�marate aimait, lui dit qu'il avait gagn� son ami. � Non , r�pondit D�marate, vous l'avez achet�. � Un officier du roi de Perse, qui s'�tait r�volt�, rentra dans le devoir � la persuasion de D�marate. Le roi cependant voulait le faire mourir : � Prince, lui dit D�marate, il vous serait honteux de punir, aujourd'hui qu'il est votre ami, un homme dont vous n'avez pu vous venger lorsqu'il �tait votre ennemi. � [220c] Un parasite du roi le raillait souvent sur son exil. � Mon ami, lui dit un jour D�marate, je ne puis me battre avec toi ; j'ai perdu le rang de ma vie (40). � ECPREP�S. L'�phore Ecprep�s coupa les deux cordes que le musicien Phrynis avait ajout�es aux sept qui composaient la lyre, en lui disant : � Ne vas-tu pas corrompre la musique? � �PEN�TE. �pen�te disait que les menteurs �taient la cause de toutes les injustices et de toutes les fautes qui se commettaient. page 514 EUBOIDAS. Euboidas entendait quelqu'un louer la femme d'un autre; il l'en bl�ma, en lui disant [220d] qu'il ne fallait jamais s'entretenir de la femme d'autrui. EUDAMIDAS. Eudamidas, fils d'Archidamus et fr�re d'Agis, voyant dans l'Acad�mie X�nocrate, d�j� vieux, qui conversait avec ses disciples, demanda quel �tait ce vieillard. On lui dit que c'�tait un sage du nombre de ceux qui s'appliquaient � la recherche de la vertu. � Eh! quand donc en fera-t-il usage, dit Eudamidas, s'il est encore � la chercher? � Un philosophe disait devant lui que le sage seul �tait bon g�n�ral. � Belle maxime, dit-il ; [220e] mais celui qui la d�bite n'a jamais entendu le son de la trompette. � Il entra dans l'�cole de X�nocrate au moment o� ce philosophe finissait sa conf�rence. � Comment! dit quelqu'un de la suite d'Eudamidas, il cesse de parler quand nous entrons? � N'a-t-il pas raison, dit Eudamidas, s'il n'a plus rien � dire. � Cependant, reprit l'autre , nous serions bien aises de l'entendre. � Eh quoi! repartit Eudamidas, si nous arrivions chez lui apr�s son repas, l'obligerions-nous de recommencer? � On lui demandait pourquoi seul il �tait d'un avis contraire � celui de tous les Spartiates qui voulaient qu'on fit la guerre aux Mac�doniens. � Je ne veux pas qu'ils attendent � �tre convaincus par leur propre exp�rience, qu'ils prennent un mauvais parti. � Un citoyen, pour le d�terminer � cette guerre, lui racontait les victoires qu'on avait remport�es sur les Perses. [220f] � Conseilleriez-vous � quelqu'un, dit Eudamidas, d'attaquer cinquante loups, parce qu'il aurait vaincu cinq cents brebis? � On lui demanda ce qu'il pensait d'en musicien qui page 515 avait �t� fort applaudi : � Il amuse beaucoup de monde avec bien peu de chose, � r�pondit-il. On faisait devant lui l'�loge d'Ath�nes. � Comment, dit-il, peut-on justement louer une ville que personne n'a jamais aim�e pour y �tre devenu meilleur? � Un Argien disait que les Spartiates se corrompaient dans leurs voyages, parce qu'ils n�gligeaient d'y observer les lois de leur patrie. [221a] � Pour vous, lui dit Eudamidas, loin de vous corrompre � Sparte, vous y devenez meilleurs. � Alexandre avait fait proclamer � Olympie une permission � tous les bannis de retourner dans leur pays, les Th�bains seuls except�s. � Th�bains, dit Eudamidas, ce d�cret est rigoureux pour vous, mais il vous fait bien de l'honneur : vous �tes les seuls qu'Alexandre craigne. � On lui demandait pourquoi les Spartiates, avant de combattre, sacrifiaient aux Muses : � Afin, r�pondit-il, que nos exploits soient dignement c�l�br�s. � EURYCRATIDAS. Eurycratidas, fils d'Anaxandridas, interrog� pourquoi les �phores jugeaient tous les jours les affaires qui regardaient les contrats, r�pondit : [221b] � C'est afin qu'� la guerre m�me, nous observions une bonne foi mutuelle. � ZEUXIDAMUS. Quelqu'un demandait � Zeuxidamus pour quelle raison il n'y avait point � Sparte, sur la valeur, des lois �crites qu'on p�t faire lire aux jeunes gens : � C'est, dit-il, pour les accoutumer � �tre plus attentifs aux actions qu'aux �crits. � Un �tolien disait que la guerre �tait pr�f�rable � la paix pour ceux qui d�siraient de signaler leur courage : [221c] � Non, dit Eudamidas, c'est la mort qui pour eux est meilleure que la vie. � H�RONDAS. H�rondas, �tant � Ath�nes, apprit qu'un citoyen avait page 516 �t� condamn� pour cause d'oisivet� ; il demanda � voir un homme qui avait �t� convaincu du crime d'un homme libre (41). TH�ARIDAS. Pendant que Th�aridas aiguisait son �p�e, quelqu'un lui demanda si elle �tait bien aigu� : � Plus que la calomnie, � r�pondit-il. TH�MTSTIAS. Le devin Th�mystias avait pr�dit au roi L�onidas qu'il mourrait aux Thermopyles avec toute son arm�e. Ce prince voulut l'envoyer � Sparte, [221d] sous pr�texte d'y annoncer ce qui devait arriver, mais dans le fait, pour le sauver d'une mort certaine. Il refusa d'y aller, en disant qu'il �tait venu pour combattre, et non pour servir de courrier. TH�OPOMPE. On demandait � Th�opompe comment un roi pouvait assurer sa puissance : � En permettant � ses amis de lui dire la v�rit�, et en pr�venant de tout son pouvoir l'oppression de ses sujets, � r�pondit-il. Un �tranger disait de lui-m�me qu'on l'appelait dans son pays l'ami des Spartiates. � Il vaudrait mieux, lui dit Th�opompe, qu'on vous appel�t l'ami de vos concitoyens. � [221e] Un d�put� de la ville d'�lis lui disait qu'on l'avait choisi pour cette d�putation, parce qu'il �tait le seul qui v�c�t comme les Lac�d�moniens. � Quel genre de vie est le meilleur, lui dit Th�opompe, du v�tre, ou de celui des autres citoyens? � Le mien, r�pondit le d�put�. � Une ville, page 517 reprit Th�opompe, o� parmi tant d'habitants, il ne se trouve qu'un seul homme de bien, pourrait-elle subsister longtemps? � Quelqu'un disait que Sparte devait sa conservation � la capacit� de ses rois pour le gouvernement. � Non, dit Th�opompe, c'est � l'ob�issance des citoyens. � Il �crivit aux habitants de Pylos, qui lui avaient d�cern� des honneurs extraordinaires, que le temps affermissait les distinctions mod�r�es, et d�truisait celles qui �taient excessives. TH�RYCION. [221f] Th�rycion, en retournant de Delphes � Lac�d�mone, vit les passages de l'isthme de Corinthe occup�s par les troupes de Philippe. � Corinthiens, dit-il, le P�loponn�se a en vous de bien mauvais portiers (42). � THECTAM�NE. Thectam�ne, condamn� � mort par les �phores, allait au supplice en riant. On lui demanda s'il insultait aux lois de Sparte : � Non, r�pondit-il, mais je me r�jouis d'avoir �t� condamn� � une amende que je puis payer, sans la demander ni l'emprunter � personne. � HIPPODAMUS. [222a] Archidamus, pr�t � livrer bataille, voulut envoyer � Sparte Hippodamus et Agis, pour y vaquer � quelques affaires. � Ne mourrai-je pas ici plus honorablement, lui dit Hippodamus, en combattant pour ma patrie? � Il avait plus de quatre-vingts ans. Aussit�t il prend ses armes, se place � la droite du roi, et p�rit glorieusement dans le combat. HIPPOCRATIDAS. Un satrape de Carie �crivit � Hippocratidas qu'un Spartiate qui avait su un complot contre sa personne ne l'en avait pas averti, et il lui demandait ce qu'il devait faire. � Si vous lui avez rendu quelque service signal�, lui r�- page 518 pondit-il, faites-le mourir; sinon, chassez-le de votre gouvernement, comme un homme que sa l�chet� rend incapable de tonte vertu. � Un jeune homme poursuivi par quelqu'un qui l'aimait rencontra Hippocratidas, [222b] et rougit � sa vue. � Il ne faut, lui dit ce dernier, s'associer qu'� des personnes avec qui l'on puisse �tre vu sans changer de couleur. � CALLICRATIDAS. Callicratidas, qui commandait la flotte de Sparte, fut sollicit� par les amis de Lysandre de leur accorder la mort d'un de leurs ennemis, moyennant cinquante talents qu'ils lui donneraient. [222c] Quoiqu'il f�t tr�s press� d'argent pour payer ses matelots, il ne voulut point y consentir. Cl�andre, un de ses officiers, lui ayant dit : � Je l'aurais accord�, si j'eusse �t� Callicratidas.�Et moi aussi, r�pliqua-t-il, si j'avais �t� Cl�andre. � Il alla trouver � Sardes Cyrus le jeune, alli� de Lac�d�mone, qui devait lui donner de quoi payer ses troupes. Le jour m�me de son arriv�e, il fit demander audience � Cyrus; on lui r�pondit qu'il buvait (44). � J'attendrai, dit Callicratidas, qu'il ait fini. � Mais voyant qu'il ne lui serait pas possible de le voir ce jour-l�, il s'en alla, et se fit regarder comme un homme un peu sauvage. [222d] Le lendemain , il se pr�senta de nouveau � l'audience, et re�ut la m�me r�ponse. Enfin, Cyrus ne paraissant point, il dit qu'il fallait bien moins songer � avoir de l'argent qu'� ne rien faire d'indigne de Sparte, et il retourna � �ph�se, en faisant mille impr�cations contre ceux qui les premier s'�taient expos�s aux insultes des Barbares, et les avaient autoris�s, pour tirer de l'argent d'eux, � traiter leurs alli�s avec fiert�. Il jura, en pr�sence des assistants, qu'une fois de retour � Sparte, il ne n�gligerait rien pour rame- page 519 ner les Grecs � la concorde ; qu'alors ils se rendraient redoutables aux Barbares, au lieu d'avoir besoin de leur secours pour se d�truire tes uns les autres. Interrog� sur ce qu'il pensait des Ioniens, � Ils ne savent pas �tre libres, r�pondit-il, [222e] mais ils sont de bons esclaves (45). � Enfin, Cyruslui ayant envoy� de l'argent pour ses troupes, et des pr�sents pour lui en particulier, il refusa les pr�sents, et fit dire � Cyrus qu'il ne devait y avoir entre eux d'autre liaison que celle qui lui �tait commune avec tous les Spartiates. Comme il se pr�parait � combattre aupr�s d'Aryinuse, Hermon, son pilote, lui conseilla de se retirer, parce que la flotte des Ath�niens �tait beaucoup plus nombreuse que la sienne. � N'importe, lui dit-il, ma fuite couvrirait Sparte de honte, et pourrait lui �tre funeste; mais il sera glorieux de rester pour mourir ou pour vaincre. � [222f] Avant la bataille, on vint lui dire que le pr�tre, � l'inspection des victimes, pr�sageait la victoire et la mort du g�n�ral. Alors, sans t�moigner aucun effroi, il dit simplement : � Le salut de Sparte ne tient pas � la vie d'un seul homme ; ma mort ne fera rien perdre � ma patrie ; et si je fuyais devant les ennemis, je ferais tort � sa gloire. � Il nomma Cl�andre pouf lui succ�der dans le commandement de la flotte, livra la bataille, et fut tu� (46). CL�OMBROTE, FILS DE PAUSANIAS. [223a] Cl�ombrote dit � un �tranger qui disputait � son p�re la sup�riorit� de la vertu : � Tant que vous n'aurez pas d'enfants, mon p�re aura du moins un avantage sur vous. � page 520 CL�OM�NE, FILS D'ANAXANDRIDAS. Cl�om�ne disait qu'Hom�re �tait le po�te des Spartiates, et H�siode celui des Ilotes, parce que le premier apprenait � combattre, et le second � cultiver les terres. Il avait fait avec les Argiens une tr�ve de quelques jours; mais la troisi�me nuit, [223b] ayant su qu'ils dormaient paisiblement sur la foi de la tr�ve, il les attaqua, en tua un grand nombre, et fit le reste prisonnier. Quand ensuite on lui reprocha d'avoir viol� son serment, il r�pondit qu'il n'avait compris dans la tr�ve que les jours, et non pas les nuits ; qu'au reste, tout le mal qu'on pouvait faire � ses ennemis �tait toujours juste aux yeux des dieux et des hommes. Il ne put cependant pas s'emparer d'Argos, quoique c'e�t �t� le motif de son manque de foi. Les femmes argiennes ayant pris les armes d�pos�es dans les temples, le repouss�rent. Dans la suite, saisi d'un acc�s de fureur, il prit un couteau, [223c] se mutila tout le corps, et expira dans des convulsions horribles. Un devin le d�tournait de conduire ses troupes devant Argos, en lui annon�ant qu'il en reviendrait avec ignominie. Cependant il se mit en marche. Lorsqu'il fut proche de la ville, il trouva les portes ferm�es, et vit les femmes rang�es sur les murailles. � Croyez-vous, dit-il au devin, qu'il soit ignominieux de se retirer de devant une ville dont, apr�s la mort des hommes, les femmes ont ferm� les portes? � Il r�pondit aux Argiens, qui lui reprochaient son parjure et son impi�t� : � Vous avez le pouvoir de me dire du mal, et moi celui de vous en faire. � [223d] Les d�put�s de Samos avaient fait un tr�s long discours, pour l'engager � d�clarer la guerre � leur tyran Polycrate. � Je ne me souviens pas, leur dit-il, du commencement de votre discours, ce qui fait que je n'en comprends pas le milieu ; et pour la fin, je ne l'approuve pas. � page 521 Un pirate qui infestait les c�tes de la Laconie ayant �t� pris, disait pour sa d�fense, que manquant de vivres pour ses gens, et ne pouvant en obtenir de ceux qui en avaient, il �tait venu les leur,arracher de force. � La m�chancet� abr�ge tout, � dit CI�om�ne. Un m�chant homme m�disait de lui. � Sans doute, lui dit Cl�om�ne, tu nous attaques ainsi tous, afin qu'occup�s � nous justifier, [223e] nous n'ayons pas le loisir de parler de tes vices. � Un Lac�d�monien pr�tendait qu'un bon roi devait �tre doux envers tout le monde. � Oui, dit Cl�om�ne, pourvu que cela n'aille pas jusqu'� le faire m�priser. � Tourment� par une longue maladie, il eut recours aux devins et aux enchanteurs, en qui jusqu'alors il avait eu tr�s peu de confiance, et dit � ceux qui lui en t�moignaient leur surprise : � De quoi vous �tonnez-vous? je ne suis plus le m�me qu'auparavant, et ce changement am�ne celui de mes pens�es. � Un sophiste qui discourait sur la valeur, Je voyant rire aux �clats, lui demanda ce qui pouvait le faire rire dans un pareil sujet, lui surtout qui �tait roi. [223f] � Mon ami, lui dit Cl�om�ne, je ferais de m�me si j'entendais une hirondelle traiter ce sujet ; mais si c'�tait un aigle, je l'�couterais avec la plus grande attention. � Les Argiens disaient qu'ils r�pareraient leur d�faite. � Eh quoi ! leur dit Cl�om�ne, l'addition de deux syllabes vous rendra-t-elle plus braves que vous n'�tiez (47)? � Il dit � quelqu'un qui lui reprochait sa mani�re de vivre trop d�licate : � Cela vaut mieux que d'�tre injuste. Vous, quoique tr�s riche, vous aimez l'argent. � page 522 On lui recommandait un joueur de fl�te, dont on faisait le plus grand �loge, [224a] comme du meilleur musicien de la Gr�ce. � Voil�, dit Cl�om�ne en montrant un de ceux qui �taient aupr�s de lui, voil� le meilleur cuisinier que j'aie chez moi. � M�andre, tyran de Samos, qui, effray� de l'irruption des Perses dans la Gr�ce, s'�tait r�fugi� � Sparte, montrait � Cl�om�ne les tr�sors qu'il avait apport�s, et lui laissait la libert� de prendre tout ce qu'il voudrait. Cl�om�ne n'accepta rien ; mais craignant qu'il ne fit � d'autres les m�mes offres, il dit aux �phores qu'il croyait n�cessaire au bien de Sparte de faire sortir son h�te du P�loponn�se, de peur qu'il ne corrompit quelque Spartiate. [224b] Les �phores suivirent son conseil, et firent signifier � M�andre de se retirer dans le jour. On lui demandait pourquoi les Spartiates ne d�truisaient pas les Argiens, qui, tant de fois vaincus, recommen�aient toujours la guerre. � Nous nous en garderons bien, dit-il ; ils servent d'exercice � nos jeunes gens. � Interrog� pourquoi les Lac�d�moniens n'offraient pas aux dieux les d�pouilles des ennemis, � C'est, dit-il, qu'elles ont �t� prises sur des l�ches, et qu'il ne convient pas de mettre sons les yeux de notre jeunesse de pareilles d�pouilles, ni de les offrir aux dieux. � CL�OM�NE , FILS DE CL�OMBROTE. On offrait � Cl�om�ne des coqs qui, disait-on, �taient si braves, [224c] qu'ils se faisaient tuer dans le combat : � Donnez-moi plut�t, dit-il, de ceux qui les tuent; ils sont s�rement plus braves. � LABOTAS. Labotas dit � un orateur qui discourait trop longuement : � A quoi bon tous ces grands pr�ambules sur un objet si peu important ? Ne savez-vous pas que le discours doit �tre mesur� sur la grandeur du sujet? � page 523 L�OTHYCHIDAS. L�othychidas, premier du nom, r�pondit au reproche qu'on lui faisait de changer ais�ment : � C'est � raison des circonstances, et non, comme vous, par l'effet d'une inconstance naturelle. � On lui demandait comment on pouvait conserver ses biens : [224d] � En ne confiant pas tout � la Fortune, � r�pondit-il. Interrog� de quoi il fallait pr�f�rablement instruire les enfants, il r�pondit : � De ce qui leur sera plus utile dans l'age m�r. � Un autre lui demandait pourquoi les Spartiates buvaient peu de vin : � C'est, dit-il, afin que les autres n'aient pas � d�lib�rer pour nous, mais nous plut�t pour les autres. � L�OTHYCHIDAS , FILSD'ARlSTON. On vint rapporter � L�othychidas que les fils de D�marate disaient du mal de lui (48). �Je ne m'en �tonne point, dit-il ; aucun d'eux n'est capable de bien parler. � [224e] Un serpent s'�tait entortill� � la clef de sa chambre, et les devins regardaient cela comme un prodige : � Je ne pense pas de m�me, leur dit-il ; mais ce qui me para�trait un vrai prodige, ce serait que la clef se f�t entortill�e au serpent. � Un pr�tre d'Orph�e nomm� Philippe, r�duit � une extr�me pauvret�, promettait � ceux qui se feraient initier un bonheur parfait apr�s leur mort. � Imb�cile, lui dit L�othychidas, que ne te h�tes-tu de mourir, pour n'avoir plus � d�plorer ta mis�re et ton infortune?� L�ON , FILS D'EURYCRATIDAS. On demandait � L�on dans quelle r�publique on pouvait habiter avec plus de s�ret� : [224f] � Dans celle, r�pondit-il, o� les possessions de tous les citoyens sont �gales, o� page 524 la justice conserve tout son pouvoir, et l'injustice est sans force. � Il voyait aux jeux olympiques les athl�tes �tudier les moyens de se nuire mutuellement quand ils s'�lanceraient dans la carri�re. � Comme ils sont, dit-il, bien plus occup�s de l'emporter � la course, que d'�tre sup�rieurs en justice ! � Quelqu'un venait l'entretenir mal � propos de choses assez importantes. � Mon ami, lui dit-il, vous me parlez inutilement d'une chose fort utile. � L�ONIDAS , FILS D'ANAXANDRIDAS. L�onidas, fils d'Anaxandridas et fr�re de Cl�om�ne, r�pondit � un citoyen qui lui disait qu'il n'y avait d'autre diff�rence entre lui et les autres citoyens que le titre de roi : [225a] � Cela est vrai ; mais si je n'avais pas valu mieux que vous, je ne serais pas votre roi. � Lorsqu'il partit pour aller combattre les Perses aux Thermopyles, sa femme Gorgo lui demanda quels ordres il lui donnait : � D'�pouser, lui dit-il, un homme de bien, et d'avoir des enfants dignes de lui. � Les �phores lui repr�sentaient qu'il menait bien peu de monde � cette exp�dition : � C'est bien assez, leur dit-il, pour ce que nous allons faire. � Ils lui demand�rent s'il avait quelque dessein secret. �levais, leur r�pondit-il, en apparence pour d�fendre le passage contre les Barbares, mais, en effet, mourir pour la Gr�ce. � [225b] Arriv� aux Thermopyles, il parla ainsi � ses soldats : � On dit que les Barbares sont pr�s de nous, et nous perdons ici le temps. \7oici le moment de les vaincre ou de mourir! � Quelqu'un disait que les fl�ches des Barbares d�roberaient la vue du soleil : �Tant mieux, dit L�onidas ; nous combattrons � l'ombre (49). � page 525 Un soldat vint lui dire : � Les ennemis sont pr�s de nous. � Et nous pr�s d'eux, � lui r�pondit-il. � L�onidas, lui dit un autre, vous venez avec bien peu de monde, combattre une multitude si prodigieuse. � Si la chose d�pendait du nombre, repartit L�onidas, la Gr�ce enti�re ne suffirait pas, puisqu'elle ne ferait qu'une tr�s petite portion des troupes ennemies. [225c] Si c'est de la valeur, ce nombre est suffisant. � Il r�pondit � un autre qui r�p�tait le m�me propos : � J'ai assez de soldats, puisque je les m�ne � la mort. � Xerx�s lui �crivit que s'il voulait ne pas combattre contre un dieu et embrasser son parti, il lui donnerait l'empire de toute la Gr�ce. � Si vous connaissiez les vrais biens de la vie, lui r�pondit L�onidas, vous n'ambitionneriez pas les possessions des autres. J'aime mieux mourir pour la Gr�ce que de dominer sur ses habitants. � Ce prince lui ayant mand� de lui envoyer ses armes : �Venez les prendre, � lui r�crivit L�onidas. [225d] Comme il se disposait � livrer la bataille, les officiers de l'arm�e lui repr�sent�rent qu'il serait bon d'attendre les troupes des alli�s. � Eh quoi! dit-il, tous ceux qui doivent combattre ne sont-ils pas ici ? Ignorez-vous que ceux-l� seuls en viennent aux mains avec les ennemis, qui respectent et craignent leurs rois ? � Il avertit ses soldats de d�ner, comme devant souper aux Enfers. Il r�pondit � cette question : Pourquoi les gens de c�ur pr�f�raient une mort glorieuse � une vie obscure : �C'est qu'ils regardent celle-ci comme propre � la nature ; et l'autre, comme particuli�re � eux seuls. � Comme il voulait sauver quelques jeunes gens de son arm�e, et qu'il savait bien qu'ils n'y consentiraient pas s'il le leur disait clairement, il les chargea l'un apr�s l'autre d'aller � Lac�d�mone porter des avis aux �phores. [225e] Il voulut sauver de m�me trois citoyens de la classe des page 526 hommes faits. Mais ceux-ci p�n�tr�rent son dessein, et refus�rent de porter ses ordres � Sparte. Le premier lui dit : � Je suis venu ici en qualit� de soldat, et non pour servir de courrier. � Le second : � Je vaudrai bien davantage si je me trouve � la bataille. � Le troisi�me : � Je combattrai le premier de nous trois. � LOCHAGUS. On vint annoncer � Lochagus qu'un de ses deux fils Poly�nide el Siron �tait mort. � Je savais, dit-il, depuis longtemps, qu'il devait mourir. � LYCURGUE. Lycurgue le l�gislateur, pour tirer les Spartiates de la vie molle [225f] qu'ils avaient men�e jusqu'alors, et leur inspirer une conduite plus sage et des m�urs plus honn�tes, fit �lever deux chiens n�s d'un m�me p�re et d'une m�me m�re. Il laissa l'un � la maison, vivre au gr� de sa gourmandise, et exer�a l'autre � la chasse. Ensuite il les mena tous les deux � une assembl�e du peuple, et fit placer d'un c�t� un plat de viande et de l'autre un li�vre vivant. Chacun suivit son penchant accoutum�: l'un se jeta sur la viande et l'autre courut au li�vre. � Citoyens, dit alors Lycurgue, voyez comment ces chiens, qui ont une m�me origine, ont pris dans leur �ducation des inclinations diff�rentes , [226a] et reconnaissez que l'habitude a plus de pouvoir que la nature pour nous former � la vertu. � D'autres pr�tendent que ces deux chiens avaient une origine diff�rente; que l'un �tait n� de chiens de chasse et l'autre de chiens domestiques ; que Lycurgue avait exerc� celui-ci � la chasse et laiss� vivre l'autre � la maison dans l'oisivet� et la gourmandise; que lorsqu'il les produisit � l'assembl�e du peuple, l'un et l'autre ayant suivi l'impulsion de l'habitude, Lycurgue fit observer aux citoyens combien l'�ducation avait de pouvoir pour le bien et pour le mal : � Nous sommes de m�me, leur dit-il ; il ne nous servira de rien d'avoir l'origine la plus il- page 527 lustre et de descendre d'Hercule, [226b] si, pratiquant toute notre vie ce qui est beau et honn�te, nous n'imitons les actions glorieuses qui ont �lev� ce h�ros au-dessus du reste des mortels. � Apr�s avoir partag� les terres par portions �gales � tous les citoyens (50), il entreprit un assez long voyage. Au retour, en traversant le territoire de Sparte, qu'on venait de moissonner, il vit les tas de bl� rang�s les uns aupr�s des autres et tous �gaux. Cette vue le combla de joie, et il dit d'un air riant � ceux qui l'accompagnaient, que toute la Laconie ressemblait � un h�ritage que des fr�res venaient de partager. Il abolit toutes les dettes et con�ut le projet de diviser aussi �galement toutes les richesses domestiques, afin de taire dispara�tre jusqu'� la moindre trace d'in�galit�. [226c] Mais comme il se doutait que les citoyens ne se les verraient pas enlever sans r�pugnance, il commen�a par supprimer toute la monnaie d'or et d'argent, et ne conserva que celle de fer, et fixa sur le prix de cette monnaie le bien que chaque particulier pourrait avoir. Par l� il bannit de Lac�d�mone toute esp�ce d'injustice. On ne pouvait plus ni voler ni se laisser corrompre, ni tromper ou surprendre personne, puisqu'il �tait impossible de le cacher, que rien ne pouvait exciter la cupidit�, qu'il e�t �t� dangereux de faire usage de ce qu'on aurait d�rob�, et qu'il n'y aurait point eu de s�ret� � en faire commerce avec les �trangers. [226d] De plus, il bannit de Sparte tout superflu, et par l� il sut en �carter les marchands, les sophistes, les devins, les charlatans et tous les arts inutiles. Car il avait proscrit l'esp�ce de monnaie dont le commerce e�t pu �tre lucratif pour les �trangers, et n'avait permis que celle de fer, page 528 dont le poids �tait d'une mine �gin�te (51), et la valeur, de quatre chalcos. Pour pr�venir le luxe et extirper l'amour des richesses il introduisit les repas communs ; et lorsqu'on lui demandait quel but il avait eu dans cet �tablissement, et pourquoi il avait ainsi divis� les citoyens dans les salles par petits pelotons arm�s, il r�pondait : � [226e] C'est afin qu'il soient plus pr�ts � ex�cuter les ordres qu'ils re�oivent et que s'il se passe quelque d�sordre, la faute se renferma dans un plus petit nombre. � On leur distribuait � tous, par portions �gales, la nourriture et la boisson ; et, � cet �gard, le riche n'�tait pas distingu� du pauvre. Il en �tait de m�me pour les lits, la vaisselle et tous les autres meubles. Apr�s avoir par l� avili les richesses, puisqu'on ne pouvait ni en faire usage ni les �taler, il disait � ses amis : � Il est beau de prouver par les effets la v�rit� de cette parole : Que les richesses sont aveugles. � Il d�fendit de rien manger chez soi avant de venir � ces repas, et livra aux railleries des autres convives ceux qui y assistaient sans boire ni manger. [226f] On leur reprochait leur intemp�rance et leur mollesse, qui ne pouvaient s'accommoder de la nourriture ordinaire. Celui qu'on avait convaincu de l'avoir fait �tait mis � l'amende. Dans la suite, le roi Agis lui-m�me, au retour d'une exp�dition dans laquelle il avait vaincu les Ath�niens (52), ayant voulu page 529 souper le premier jour avec sa femme, envoya chercher sa portion � la salle commune. [227a] Les pol�marques (53) la lui refus�rent, et le lendemain il fut d�nonc� aux �phores, qui le condamn�rent � l'amende. Tous ces �tablissements d�plurent beaucoup aux riches, qui se soulev�rent contre lui, le charg�rent d'injures et voulurent m�me le lapider. Il se sauva de la place publique, �chappa � ses ennemis, et se retira dans le temple de Minerve. Alcandre seul s'acharna � sa poursuite ; et comme Lycurgue, en fuyant, tourna la t�te, il lui creva l'�il avec son b�ton. [227b] Dans la suite, Alcandre lui fut livr� pour qu'il le pun�t comme il voudrait. Lycurgue, sans le maltraiter, sans lui faire aucun reproche, le prit chez lui, le rendit t�moin de sa conduite, et en fit bient�t un admirateur z�l� de toutes ses actions. En m�moire de la perte de son �il, il b�tit, dans un terrain consacr� � Minerve, une chapelle en l'honneur de cette d�esse, sous le nom d'Optill�tide. Les yeux, en langue dorique, s'appellent optiles (54). On lui demanda pourquoi il n'avait pas donn� aux Spartiates des lois �crites. �Les hommes qui ont �t� bien �lev�s, r�pondit-il, savent juger de ce que les circonstances exigent. � On lui demandait pourquoi il avait d�fendu � ses citoyens d'employer d'autres instruments que la cogn�e pour construire la charpente de leurs maisons, et la scie pour en faire les portes. [227c] � C'est, dit-il, afin qu'ils gardent page 530 la m�diocrit� dans tout leur ameublement, et qu'ils n'aient rien de ce que le commun des hommes recherche avec tant d'ardeur. � C'est sans doute d'apr�s cet usage, que le roi L�othychidas, premier du nom, qui soupait chez un de ses h�tes, voyant le plancher lambriss� et travaill� avec art, lui demanda si, dans son pays, les arbres �taient carr�s. Il avait d�fendu de faire souvent la guerre aux m�mes ennemis; et comme on lui en demandait la raison, il r�pondit : �C'est afin que l'habitude de se d�fendre ne les forme point � l'art militaire. � [227d] Aussi Ag�silas fut-il bien bl�m� d'avoir, par ses exp�ditions fr�quentes en B�otie, mis les Th�bains en �tat de tenir t�te aux Spartiates. Interrog� pourquoi il exer�ait les jeunes filles de Lac�d�mone � la course, � la lutte, au palet et � tirer de l'arc : � C'est, r�pondit-il, afin que les enfants, form�s dans des corps robustes, en aient plus de vigueur ; que les femmes elles-m�mes, fortifi�es d�s leur jeunesse par ces exercices, supportent avec plus de courage les douleurs de l'enfantement, et m�me, s'il est n�cessaire, qu'elles soient en �tat de combattre pour leur d�fense, pour celle de leurs enfants et de leur patrie. � [227e] Comme on le bl�mait de les faire para�tre d'une mani�re peu d�cente dans les c�r�monies publiques, et qu'on lui demandait les motifs de cet usage : � J'ai voulu, dit-il, qu'accoutum�es aux m�mes exercices que les hommes, elles eussent autant de force et de vigueur dans le corps, autant d'�l�vation et de vertu dans l'�me, et qu'elles sussent m�priser comme eux l'opinion du public sur leur compte. � De l�, sans doute, cette r�ponse de Gorgo, femme de L�onidas, � une �trang�re qui lui disait : � Vous autres Lac�d�moniennes, vous �tes les seules femmes qui commandiez � vos maris. � Aussi, repartit Gorgo, sommes-nous les seules qui mettions au monde des hommes. � page 531 Il interdit aux c�libataires l'assistance aux jeux publics, et les nota m�me d'infamie, [227f] pour engager tous les citoyens � donner des enfants � l'�tat ; il les priva aussi de l'honneur et des d�f�rences que les jeunes gens rendaient aux vieillards. Aussi personne ne bl�ma la conduite d'un jeune Spartiate envers Dercyllidas, g�n�ral d'ailleurs tr�s distingu�. Lorsqu'il vint s'asseoir dans une assembl�e, ce jeune homme ne lui c�da point sa place, et lui dit : � Vous n'avez pas mis au monde d'enfant qui puisse un jour me c�der la sienne. � Quelqu'un lui demandait pourquoi il avait ordonn� que les filles se mariassent sans dot : �Afin, r�pondit-il, que les unes ne restent point sans se marier � cause de leur pauvret�, et que les autres ne soient point recherch�es pour leurs richesses; mais que chaque citoyen, [228a] consid�rant les m�urs de celle qu'il veut �pouser, ne consulte, dans son choix, que la vertu. � Il proscrivit pour la m�me raison le fard et les parures. Il fixa pour chaque sexe l'�ge o� on pourrait se marier, et dit � ceux qui lui en demandaient le motif, que les enfants qui na�traient de personnes d�j� form�es en seraient plus forts. Quelqu'un lui t�moignait sa surprise de ce qu'au lieu de permettre aux nouveaux mari�s de rester librement avec leurs femmes, il les avait oblig�s de passer la plus grande partie du jour, et presque toutes les nuits, avec leurs camarades, et de ne s'approcher de leurs femmes, pour ainsi dire, qu'� la d�rob�e : � J'ai voulu, dit-il, m�nager leurs forces, et en pr�venant la sati�t� des plaisirs, [228b] laisser � leur amour le m�rite de la nouveaut�, et les rendre capables d'avoir des enfants plus vigoureux. � Il d�fendit l'usage des parfums, comme alt�rant l'huile, et la consumant en pure perte ; et l'art de la teinture, parce qu'il ne servait qu'� flatter les sens. Il ferma l'entr�e de Sparte � tous les artisans dont le travail n'a pour page 532 objet que l'ornement et la parure, et dont l'industrie funeste est le fl�au des m�urs. Telle �tait, dans ces premiers temps, la chastet� des femmes de Lac�d�mone, tel leur �loignement des m�urs trop faciles des si�cles post�rieurs, qu'elles ne croyaient pas l'adult�re possible. On rapporte � ce sujet la r�ponse que fit un ancien Spartiate nomm� G�radate � un �tranger qui lui demandait [228c] quelle peine on infligeait � Sparte aux adult�res ; qu'il ne voyait point que Lycurgue e�t rien statu� sur cet objet. � Il n'y a point d'adult�re parmi nous, r�pondit G�radate. � Mais enfin, s'il s'en trouvait un, reprit l'�tranger? � On l'obligerait de donner un taureau assez grand pour pouvoir boire dans l'Enrotas par dessus le mont Tayg�te. � Mais o� trouver, r�pliqua l'autre , un taureau d'une grandeur si prodigieuse (55) ? � Mais plut�t, repartit G�radate, comment trouver un adult�re � Sparte, o� la parure, le luxe et les richesses sont dans le m�pris? o� l'on n'estime que la pudeur, la modestie et la soumission des citoyens aux magistrats? � Il r�pondit � celui qui lui conseillait d'�tablir la d�mocratie � Lac�d�mone : � Commencez par l'�tablir dans votre maison. � On lui demandait par quel motif il avait ordonn� des sacrifices si simples et si peu co�teux : [228d] � Afin, dit-il, que nous ne cessions jamais de rendre honneur aux dieux. � Il n'avait permis aux citoyens que les combats o� l'on ne tend point les mains pour s'avouer vaincu (56) ; et il disait � ceux qui lui en demandaient la raison, qu'il n'avait pas voulu qu'ils s'accoutumassent � perdre courage dans les fatigues et les travaux. Interrog� pourquoi il avait ordonn� aux g�n�raux de page 533 d�camper souvent: �Afin, dit-il, qu'ils fassent plus de mal aux ennemis. � Un autre lui demandait pour quelle raison il avait d�fendu qu'on attaqu�t les tours et les remparts des villes : � Je ne veux pas, r�pondit-il, que des gens de c�ur soient expos�s � p�rir de la main d'une femme, d'un enfant ou d'un l�che. � Les Th�bains le consult�rent [228e] sur le deuil et les sacrifices qu'ils font en l'honneur de Leucoth�e (57). Il leur dit que si c'�tait une d�esse, ils ne devaient pas la pleurer; que si elle �tait une simple mortelle, il ne fallait pas lui sacrifier. [228f] Ses concitoyens lui demandaient comment ils pourraient repousser les attaques de leurs ennemis. � Vous le ferez, leur dit-il, si vous restez pauvres, et que les uns ne veuillent pas �tre plus riches que les autres. � Ils lui demand�rent encore s'ils enfermeraient Sparte de murailles. � Une ville, leur dit-il, n'est point sans murailles, lorsqu'au lieu d'une enceinte de pierres, elle a pour d�fense des gens de c�ur. � Les Spartiates laissaient cro�tre leurs cheveux, parce que Lycurgue avait coutume de dire qu'une longue chevelure relevait la beaut�, et rendait la laideur plus terrible. Il avait ordonn� qu'� la guerre, quand on aurait mis les ennemis en d�route, on ne les poursuiv�t qu'autant qu'il le faudrait pour assurer la victoire, et qu'aussit�t on sonn�t la retraite. Il en donnait pour raison, qu'outre qu'il ne convenait pas � des Grecs d'�gorger des gens qui fuyaient, ils y trouveraient un tr�s grand avantage : leurs ennemis, en voyant qu'ils �pargnaient les fuyards, et qu'ils ne faisaient point de quartier � ceux qui r�sistaient, page 534 prendraient plus aisement le parti de la fuite, comme le plus s�r. On lui demandait par quel motif il avait d�fendu qu'on d�pouill�t les corps des ennemis : � De peur, r�pondit-il, qu'occup�s [229a] des d�pouilles, les citoyens ne se n�gligent dans le combat; et deplus, afin qu'ils conservent leur vertu avec leur pauvret� (58). � LYSANDRE. Denys le tyran avait envoy� � Lysandre deux robes pour sa fille, en lui faisant dire de choisir celle qu'il voudrait. Il r�pondit que sa fille ferait ce choix mieux que lui, et les garda toutes les deux. C'�tait un homme fin et rus�, qui se faisait un jeu de la fraude, pla�ait la justice et l'honn�tet� dans l'int�r�t propre, disait que la v�rit� ne valait pas mieux en soi que le mensonge, [229b] et que l'utilit� seule d�terminait le prix et la dignit� de l'un et de l'autre. On lui reprochait un jour ses tromperies fr�quentes et cette conduite pleine d'artifice et de fausset�, si peu digne d'un descendant d'Hercule. � Ne savez-vous pas, dit-il en riant, qu'o� la peau du lion ne peut atteindre, il faut coudre celle du renard? � Il r�pondit � ceux qui le bl�maient d'avoir viol� le serment qu'il avait fait � ceux de Milet : Qu'on amusait les enfants avec des hochets, et les hommes avec des serments. Lorsqu'il eut vaincu, aupr�s d'Egos-Potamos, les Ath�niens qui avaient donn� dans une embuscade, et qu'il les eut r�duits par famine � rendre la ville � discr�tion, il n'�crivit aux �pheres que ces mots : � Ath�nes est prise. � [229c] Les Argiens �taient en dispute avec les Spartiates sur les limites de leurs territoires respectifs, et soutenaient page 535 que leurs raisons �taient les meilleures. Lysandre tirant son �p�e, leur dit : �. Celui qui est le plus fort avec cette arme est celui qui raisonne le mieux sur les limites des terres.� Comme les B�otiens balan�aient � lui accorder le passage sur leurs terres, il leur envoya demander s'ils voulaient qu'il les travers�t les lances droites ou baiss�es. Dans une assembl�e des d�put�s de la Gr�ce, celui de M�gare parlait � Lysandre avec beaucoup de libert�, � Mon ami, lui dit-il, tes discours auraient besoin d'une ville. � Il marcha contre Corinthe, qui avait quitt� le parti des Lac�d�moniens. [229d] Mais ses troupes montraient peu d'ardeur pour en faire le si�ge. Au moment m�me il vit un li�vre qui sautait le foss�. � Eh quoi ! leur dit-il, n'avez-vous pas honte de craindre des ennemis dont l'indolence est telle qu'ils laissent les li�vres reposer tranquillement au pied de leurs murailles? � Comme il se faisait initier aux myst�res de Samothrace, le pr�tre lui ordonna de d�clarer le plus grand crime qu'il e�t commis dans sa vie. � Est-ce vous ou les dieux qui l'exigent, lui demanda Lysandre? � Ce sont les dieux. � Sortez donc d'ici, dit-il au pr�tre, et si les dieux m'interrogent, je saurai leur r�pondre. � Il r�pondit � un Perse qui lui demandait quelle forme de gouvernement lui paraissait pr�f�rable : [229e] �Celle o� l'on rend �galement aux gens de c�ur et aux l�ches ce qui leur est d�. � Quelqu'un lui disait qu'il le louait toujours, et prenait partout sa d�fense. � J'ai deux b�ufs � la campagne, lui dit Lysandre, et quoiqu'ils ne parlent point, je sais tr�s bien lequel des deux est bon travailleur, et quel est celui qui ne fait rien (60). � page 536 Un �tranger ne cessait de m�dire de lui. � Continuez, petit homme, lui dit Lysandre, continuez, et ne vous lassez point. Peut-�tre que vous parviendrez enfin � vider votre �me de tout le poison dont elle est remplie. � Peu de temps apr�s sa mort, il s'�leva une contestation entre Sparte et les alli�s. Ag�silas se transporta dans la maison de Lysandre [229f] pour y consulter les m�moires qu'il avait laiss�s relatifs � cette affaire. Il en trouva un sur le gouvernement, �crit de la main de Lysandre, lequel portait qu'il fallait enlever la royaut� � la famille des Eurytionides et des Agides, et choisir pour roi un des principaux citoyens ; que cet honneur devait �tre le partage, non des descendants d'Hercule, mais de celui qui aurait imit� la vertu de ce h�ros, que ses exploits avaient �lev� au rang des dieux (61). Ag�silas voulait rendre ce m�moire public, afin de d�masquer Lysandre, et de mettre les citoyens en garde contre ses partisans; mais Lacratidas, alors le premier des �phores (62), craignant que cette lecture ne produis�t un effet dangereux, retint Ag�silas, lui conseilla de laisser Lysandre en paix, [230a] et d'ensevelir avec lui un discours rempli d'art et trop propre � persuader. Ceux qui avaient recherch� ses filles en mariage, voyant qu'il ne leur laissait aucun bien, ne voulurent plus les �pouser. Les �phores les condamn�rent � l'amende, pour les punir de ce qu'apr�s lui avoir fait la cour pendant sa vie, par l'opinion qu'ils avaient de sa richesse, ils m�prisaient son alliance, lorsque sa pauvret� attestait son honn�tet� et sa justice. page 537 NAMERT�S. Namert�s avait �t� d�put� vers une r�publique dont un des citoyens le f�licitait sur le grand nombre de ses amis. Namert�s lui demanda s'il avait un moyen s�r de conna�tre qu'un homme e�t beaucoup d'amis. L'�tranger lui dit que non, mais qu'il voudrait bien en avoir un : � [230b] C'est l'adversit�, reprit Namert�s. � NICANDRE. On rapportait � Nicandre que les Argiens disaient du mal de lui. � Ils seront punis, dit-il, puisqu'ils m�disent des gens de bien. � Quelqu'un lui demandait pourquoi les Spartiates laissaient cro�tre leurs cheveux et leur barbe. �. C'est, r�pondit-il , que cet ornement est le plus naturel � l'homme, celui qui sied le mieux et qui co�te le moins. � Un Ath�nien lui disait que les Spartiates aimaient trop l'oisivet�. � Cela est vrai, r�pondit Nicandre, mais aussi nous ne nous occupons pas comme vous des choses les plus futiles. � PANTH�DAS. [230c] Panth�das avait �t� d�put� en Asie, o� quelqu'un lui faisait remarquer une ville dont les murailles �taient tr�s fortes. � Voil�, dit-il, un bel appartement de femme. � Il �tait un jour � l'Acad�mie, o� des philosophes qui venaient de discourir sur les sujets les plus importants lui demand�rent ce qu'il pensait de leurs discours. � Ils sont parfaitement beaux, leur dit-il, mais ils perdent tout leur prix d�s que vous ne les pratiquez pas. � PAUSANIAS , FILS DE CLEOMBROTE. Les habitants de D�los disputaient avec les Ath�niens sur les privil�ges de leur �le, o�, disaient-ils, il �tait d�fendu par une de leurs lois qu'aucune femme accouch�t, ou qu'aucun mort f�t enterr�, [230d] � Eh ! pouvez-vous, leur dit Pausanias, regarder comme votre patrie une �le o� page 538 nul de vous n'a pris naissance et ne reposera apr�s sa mort? � Les exil�s d'Ath�nes, pour l'animer � faire la guerre aux Ath�niens, lui disaient qu'aux jeux olympiques, lorsqu'on l'avait proclam� vainqueur, ils �taient les seuls qui l'eussent siffl�. � S'ils me sifflent, dit Pausanias, apr�s que je leur ai fait du bien, que serait-ce donc si je les maltraitais? � Quelqu'un lui demandait pourquoi les Spartiates avaient donn� le droit de bourgeoisie au po�te Tyrt�e : � Afin, r�pondit-il, qu'on ne p�t pas dire que nous avions eu pour g�n�ral un �tranger (63). � Un homme d'une constitution tr�s faible voulait qu'on fit en m�me temps la guerre par terre et par mer. [230e] � Voulez-vous quitter vos habits, lui dit Pausanias, afin qu'on juge si vous �tes fait pour nous conseiller la guerre? � Quelques soldats regardaient avec admiration, parmi les d�pouilles des Barbares, des v�tements tr�s riches (64). Il leur dit qu'il valait mieux �tre soi-m�me d'un grand prix, que de poss�der des choses pr�cieuses. Apr�s la bataille de Plat�e, il se fit servir le souper qu'on avait pr�par� pour le g�n�ral des Perses, et comme il �tait de la plus grande magnificence, il dit aux convives: � Assur�ment cet homme �tait bien gourmand, de ne pouvoir pas se contenter d'un pareil repas, et de venir encore chercher notre pain bis (65). � PAUSANIAS , FILS DE PLISTONAX. [230f] On demandait � Pausanias pourquoi il �tait d�fendu � Lac�d�mone de changer aucune des anciennes lois. � C'est, dit-il, parce que les lois doivent commander aux hommes, et non les hommes aux lois. � Il vivait en exil � T�g�e (66), et comme il faisait l'�loge des Lac�d�moniens, quelqu'un lui demanda pourquoi il avait abandonn� Sparte. � Par la raison, dit-il, que les m�decins se tiennent ordinairement aupr�s des malades, et non aupr�s des gens sains (67). � Il r�pondit � un citoyen qui lui demandait comment on pourrait vaincre les Thraces : � En mettant � la t�te de nos troupes le meilleur de nos g�n�raux. � [231a] Un m�decin qui �tait venu le voir lui dit qu'il se portait bien. � Je le crois, repartit Pausanias ; vous n'�tes pas mon m�decin. � Un de ses amis lui reprochait de ce qu'il disait du mal d'un m�decin qu'il n'avait pas �prouv�, et dont, par cons�quent, il ne pouvait pas se plaindre. � Si je l'avais mis � l'�preuve, lui dit Pausanias, je ne serais plus en vie. � page 540 Un m�decin lui disait un jour : � Vous voil� devenu vieux. � C'est que je ne vous ai pas eu pour m�decin, � lui r�pondit-il. Le meilleur m�decin, disait-il, est celui qui, sans faire languir son malade, le tue sur-le-champ. P�DAR�TE. Quelqu'un disait � P�dar�te que les ennemis �taient bien nombreux. [231b] � Tant mieux, dit-il, nous en tuerons davantage, et par l� nous acquerrons plus de gloire. � Un homme naturellement mou �tait vant� pour sa douceur. P�dar�te dit qu'il ne fallait louer ni les hommes qui imitaient les femmes, ni les femmes qui ressemblaient aux hommes, � moins que les derni�res n'eussent pour le faire un motif de n�cessit�. Il n'avait pas �t� admis au nombre des trois cents qui formaient le premier conseil de la ville, et il sortait de l'assembl�e en souriant. Les �phores l'ayant rappel� pour en savoir la cause : � Je me r�jouis, dit-il, de ce que Lac�d�mone a trois cents citoyens meilleurs que moi. � PLISTARCHUS. [231c] On demandait � Plistarchus, fils de L�onidas, pourquoi les branches r�gnantes n'avaient pas pris leur nom des premiers rois de Sparte. � C'est, r�pondit-il, que ces premiers rois �taient plut�t des chefs que des rois, et qu'il n'en a pas �t� de m�me des autres (68). � Il entendait un orateur dire en plaidant beaucoup de plaisanteries. � Mon ami, lui dit Plistarchus, ne crains-tu pas, en voulant faire rire, de te rendre enfin ridicule, comme ceux qui s'exercent continuellement dans les gymnases finissent par devenir athl�tes? � On lui rapportait qu'un m�disant parlait avantageusement de lui. � Je m'en �tonne, dit-il, � moins qu'il ne page 541 me croie mort; car il ne saurait dire du bien d'un homme vivant. � PLISTONAX, FILS DE PAUSANIAS. [231d] Un rh�teur ath�nien traitait les Spartiates d'ignorants. � Vous avez raison, lui dit Plistonax, nous sommes le seul peuple de la Gr�ce � qui vous n'ayez pu rien apprendre de mal. � POLYDORE, FILS D'ALCAM�NE. Polydore dit � un homme qu'il entendait faire souvent des menaces aux ennemis : � Ne voyez-vous pas que vous employez en vain la plus grande partie de votre vengeance? � Comme il marchait contre les Mess�niens, quelqu'un lui demanda s'il allait[ combattre contre ses fr�res (69) : � Non, r�pondit-il, mais je vais dans une portion de l'h�ritage qui n'est pas encore partag�e (70). � [231e] Les Argiens, apr�s le combat des trois cents, ayant encore perdu une grande bataille (71), les alli�s pressaient Polydore d'aller, sans perdre de temps, s'emparer de la ville ; que rien ne lui serait plus ais�, puisque les habitants avaient presque tous p�ri, et qu'il n'y restait gu�re que des femmes. Il leur r�pondit : � Je crois qu'il est page 542 tr�s glorieux de vaincre des ennemis en bataille ranger mais dans une guerre qui n'a pour objet que des limites de terre, il serait injuste de s'emparer d'Argos. Je ne suis pas venu pour prendre la ville, mais pour revendiquer une partie de son territoire. � On lui demandait pourquoi les Spartiates s'exposaient avec tant de courage aux dangers de la guerre : [231f] � C'est, dit-il, parce que nous avons appris � respecter nos chefs, et non pas � les craindre. � POLYCRATIDAS. Polycratidas avait �t� d�put�, avec d'autres Spartiates, vers les g�n�raux du roi de Perse, qui leur demand�rent s'ils venaient en leur nom ou au nom de la r�publique. � Si nous obtenons ce que nous d�sirons, r�pondit Polycratidas, c'est au nom de la r�publique ; sinon, c'est au n�tre. � PH�BIDAS (72). Avant la bataille de Leuctres, quelques soldats disaient que cette journ�e ferait conna�tre les gens de c�ur. � Ce sera, dit Ph�bidas, une journ�e bien pr�cieuse. � SOUS (73). [232a] Sous �tant assi�g� par les Clitoriens dans un poste d�savantageux o� il manquait d'eau, convint avec eux de leur abandonner les terres conquises s'ils laissaient � toute son arm�e la libert� de boire dans une fontaine voisine, qui �tait au pouvoir des ennemis. La convention ayant �t� ratifi�e avec serment de part et d'autre, il assembla ses troupes, et dit qu'il d�f�rait la royaut� � celui qui se passerait de boire. Mais aucun n'en ayant eu le courage, apr�s qu'ils eurent tous bu, il descendit le dernier page 543 dans la fontaine, et s'�tant seulement arros� d'eau, il en sortit en pr�sence des ennemis, et retint les terres, parce qu'il n'avait pas bu (74). T�L�CLUS. On disait � T�l�clus que son p�re se plaignait de lui. [232b] � Il ne le ferait pas, dit-il, s'il ne croyait pas devoir le faire. � Son fr�re trouvait mauvais que ses concitoyens ne lui t�moignassent pas autant de bienveillance qu'� lui, quoiqu'ils fussent n�s d'un m�me p�re et d'une m�me m�re. � C'est, lui dit T�l�clus, que vous ne savez pas, comme moi, supporter une injure. � Interrog� pourquoi, chez les Spartiates, les jeunes gens se levaient devant les vieillards : � Afin, dit-il, qu'accoutum�s � rendre cet honneur � des �trangers, ils en respectent davantage leurs parents. � On lui demandait ce qu'il avait de bien : � Pas plus qu'il ne m'en faut, r�pondit-il. � CHARILAUS. Charilaus r�pondit � ceux qui lui demandaient pourquoi Lycurgue avait fait si peu de lois : � Il n'en faut pas beaucoup aux personnes qui parlent peu. � [232c] On lui demandait pour quelle raison, � Sparte, les femmes ne sortaient jamais sans voile, et que les filles n'en portaient point : � C'est, r�pondit-il, que les filles ont besoin de trouver un .mari, et les femmes, de conserver le leur. � Il dit � un Ilote qui lui parlait avec beaucoup d'insolence : � Je te tuerais, si je n'�tais pas en col�re. � On lui demandait un jour quelle forme de gouvernement il croyait la meilleure : � Celle, dit-il, o� le plus page 544 grand nombre des citoyens ont entre eux une noble �mulation pour la vertu, sans que jamais elle d�g�n�re en s�dition. � Interrog� pourquoi , � Sparte , toutes les statues des dieux �taient arm�es : � C'est, r�pondit-il, afin de ne pas imputer aux dieux la l�chet� dont nous faisons un crime aux hommes, et que nos jeunes gens ne prient jamais les dieux qu'en armes. � APOPHTEGMES DES LAC�D�MONIENS DONT LES NOMS NE SONT PAS RAPPORT�S. [232d] Les d�put�s de Samos ayant prononc� un tr�s long discours, les Spartiates leur dirent qu'ils en avaient oubli� le commencement, ce qui les emp�chait d'en comprendre la fin. Les Th�bains disputaient avec chaleur sur quelques affaires publiques. � Il faut, leur dit-on, avoir plus de puissance, ou moins de fiert�. � [232e] Un Lac�d�monien r�pondit � quelqu'un qui lui demandait pourquoi il laissait si fort cro�tre sa barbe : � C'est, r�pondit-il, afin qu'en voyant sa blancheur, je prenne garde de rien faire qui soit indigne de ma vieillesse. � Quelqu'un louait des guerriers comme tr�s braves. � Ils furent � Troie, � dit un Lac�d�monien. Un autre, � qui on rapportait que, dans un repas, les convives s'�taient r�ciproquement forc�s de boire, demanda s'ils avaient fait de m�me pour manger. Pindare avait dit d'Ath�nes qu'elle �tait le soutien de la Gr�ce : � Elle s'�croulerait bient�t, dit un Spartiate, si elle n'avait pas d'autre appui. � page 545 [232f] Un citoyen paraissait �couter volontiers des discours calomnieux. � Cessez, lui dit le Spartiate qu'ils int�ressaient, cessez de pr�ter vos oreilles contre moi. � Un homme, condamn� au dernier supplice, disait que sa faute avait �t� involontaire. � Eh bien ! lui dit un Spartiate, votre supplice l'est aussi.� Un autre voyant des hommes en voyage mont�s sur des chars, dit : � A Dieu ne plaise que je m'assoie jamais dans un si�ge d'o� je ne pourrais me lever en pr�sence d'un vieillard ! � Des habitants de Chios qui �taient � Sparte, ayant, apr�s le repas, vomi dans la salle des �phores, et sali les si�ges de ces magistrats, [233a] on s'informa d'abord avec le plus grand soin si les auteurs de cette indignit� �taient des citoyens. Lorsqu'on eut d�couvert qu'elle venait de ces �trangers, on fit proclamer, par un d�cret public, qu'il �tait permis � des gens de Chios de faire des actions honteuses. Un Spartiate voyant vendre des amandes fort dures le double des autres, demanda si les pierres �taient rares. Un autre, apr�s avoir plum� un rossignol, dit, en y trouvant si peu de chair : � Tu n'es que du son, et rien autre chose. � Diog�ne le cynique embrassait une statue d'airain par un froid tr�s rigoureux. Un Lac�d�monien lui ayant demand� s'il avait froid, il r�pondit que non. � Que faites-vous donc l� de si merveilleux? � lui r�pliqua le Spartiate . Un habitant de M�taponte, trait� de l�che par un Spartiate, lui dit [233b] que ses concitoyens poss�daient cependant beaucoup de terres qu'ils avaient conquises sur d'autres peuples. � A ce compte, lui dit le Lac�d�monien, vous �tes coupables non seulement de l�chet�, mais encore d'injustice. � Un �tranger, qui se tenait tr�s longtemps sur un seul pied, disait � un Spartiate qu'il ne pourrait en faire au- page 546 tant. � J'en conviens, r�pondit-il; mais aussi il n'est pas d'oie qui ne puisse le faire. � Un orateur relevait avec ostentation l'excellence de l'art oratoire. � Il n'est, lui dit un Lac�d�monien, et il ne sera jamais d'art sans la v�rit�. � Un Argien disait qu'il y avait dans son pays beaucoup de tombeaux de Spartiates. � Pour nous, dit un Lac�d�monien , nous n'avons aucun Argien enterr� dans le n�tre. � [233c] Il voulait dire que les Spartiates avaient souvent fait des exp�ditions dans le pays d'Argos, et jamais les Argiens en Laconie. Un prisonnier Spartiate �tait vendu � l'encan, et le crieur disait : � Un Lac�d�monien � vendre. � Dis donc un prisonnier, � lui dit avec fermet� le Spartiate. Le roi Lysimaque demandait � un soldat qui servait dans son arm�e s'il �tait un des Ilotes. � Croyez-vous, lui dit le soldat, qu'un Lac�d�monien v�nt gagner quatre oboles � votre service (75) ? � Les Th�bains, apr�s la victoire de Leuctres, �tant arriv�s jusqu'aux bords de l'Eurotas, un d'eux dit avec fiert� : � O� sont les Spartiates? � [233d] Ils sont absents, r�pondit un prisonnier lac�d�monien ; sans cela, vous ne seriez pas ici.� Lorsque les Ath�niens remirent leur ville, � la discr�tion des Spartiates, ils demand�rent qu'on leur abandonn�t Samos. �Comment! leur r�pondit-on, vous n'�tes pas ma�tres de vos personnes, et vous voulez avoir les autres en votre puissance? � De l� est venu le proverbe : Il n'est point � soi-m�me, et veut avoir Samos. Les �phores dirent, en apprenant la r�duction d'une ville ennemie : � Notre jeunesse a perdu le th��tre o� elle s'exer�ait ; elle n'a plus d'adversaires. � page 547 Un de leurs rois offrait de d�truire de fond en comble une ville qui leur avait suscit� souvent bien des affaires. � Gardez-vous, lui dirent les �phores, d'�ter � nos jeunes gens l'aiguillon de leur courage. � [233e] Ils ne donnaient point de ma�tres � la jeunesse qui s'exer�ait dans les gymnases, afin que son �mulation v�nt de la vertu, et non pas de l'art. Aussi Lysandre disait-il � ceux qui lui demandaient comment Charon l'avait vaincu, que c'�tait � force d'art. Quand Philippe entra en Laconie, il �crivit aux Spartiates s'ils voulaient qu'il v�nt comme ami ou comme ennemi. Ils lui r�pondirent : � Ni l'un, ni l'autre. � Un citoyen qu'ils avaient d�put� vers Antigonus, fils de D�m�trius, fut mis � l'amende pour lui avoir donn� le titre de roi, quoiqu'il e�t obtenu de ce prince, dans un temps de disette, un muid de bl� pour chaque citoyen. [233f] Un homme d�cri� par sa conduite avait ouvert un bon avis : ils l'adopt�rent; mais ils le firent proposer par un citoyen d'une probit� reconnue. Des fr�res �taient en diff�rend les uns avec les autres. On mit le p�re � l'amende, parce qu'il souffrait de la division parmi ses enfants. Ils condamn�rent aussi un musicien �tranger, parcequ'il pin�ait la lyre avec les doigts (76). Deux jeunes gens s'�taient battus, et l'un avait fait � l'autre, avec sa faux, une blessure mortelle. Leurs compagnons , qui �taient venus pour, les s�parer, dirent � celui qui �tait bless� qu'ils vengeraient sa mort par celle page 548 de son adversaire. [234a] � Gardez-vous-en, leur dit-il, vous commettriez une injustice ; j'en aurais fait autant, si j'avais �t� aussi adroit que lui, ou que j'eusse pu le pr�venir. � Dans le temps o� la loi permettait aux enfants de voler tout ce qu'ils pouvaient, et o� il n'y avait de honte qu'� �tre d�couvert, des enfants d�rob�rent un renardeau vivant, qu'ils donn�rent � garder � l'un d'entre eux. Ceux � qui le renardeau appartenait �tant venus pour le chercher, le jeune homme le cacha sons sa tunique. L'animal, irrit�, lui d�chira les flancs sans qu'il jet�t le moindre cri. [234b] Lorsque ces gens se furent retir�s, et que ses camarades le virent dans cet �tat, ils lui dirent qu'il aurait d� l�cher le renard, plut�t que de se laisser d�chirer si cruellement. �Point du tout, leur r�pondit-il ; il valait mieux mourir dans les douleurs et se taire, que d'�tre, par faiblesse, convaincu de vol, et vivre dans l'ignominie. � Des Lac�d�moniens en voyage rencontr�rent des gens qui leur dirent qu'ils �taient fort heureux de n'�tre pas arriv�s plus t�t dans ce lieu, que des voleurs venaient d'en partir. � Il faut plut�t les f�liciter, r�pondirent-ils, de ce qu'ils ne nous ont pas rencontr�s. � On demandait � un Spartiate ce qu'il savait faire : � �tre libre, � r�pondit-il. Un jeune Spartiate, qui avait �t� pris et vendu par le roi Antigonus, ex�cutait ponctuellement [234c] tout ce que son ma�tre lui ordonnait, quand il ne le croyait pas indigne d'un homme libre. Mais un jour qu'il exigea de lui un service trop bas, il refusa de le lui rendre, et dit qu'il n'�tait pas esclave. Comme son ma�tre insistait, il monta sur le toit de la maison, en lui disant : � Vous saurez qui vous avez achet�. � Et il se pr�cipita du haut du toit. Un autre �tait expos� en vente, et quelqu'un lui ayant dit : � Si je t'ach�te, seras-tu honn�te homme? � Je le page 549 serais, r�pondit-il, quand tu ne m'ach�terais pas. � Un crieur qui faisait la vente d'un prisonnier lac�d�monien, criait : � Un esclave � vendre. � Malheureux ! lui dit le Spartiate, ne diras-tu pas un prisonnier? � Un Lac�d�monien avait mis pour enseigne � son bouclier une mouche de grandeur naturelle. On lui disait, en le raillant, qu'il l'avait fait pour se cacher. [234d] � Au contraire, dit-il, c'est pour mieux me faire conna�tre ; car j'approcherai les ennemis de si pr�s, qu'ils pourront discerner mon enseigne. � Un autre � qui l'on pr�sentait une lyre dans un festin, dit que les Spartiates ne s'amusaient pas � des bagatelles (77). Un Lac�d�monien interrog� si le chemin de Sparte �tait s�r, r�pondit : � C'est selon la disposition dans laquelle on y vient ; car les lions y sont maltrait�s, et nous y chassons les li�vres � l'ombre (78). � Dans une lutte, un Spartiate saisi au cou par son adversaire, qui le tirait � terre avec violence sans qu'il p�t lui r�sister, le mordit au bras. [234e] � Tu mords comme une femme, lui dit l'autre. � Non, r�pliqua-t-il, mais comme un lion. � Un boiteux, qui partait pour l'arm�e, voyant qu'on se moquait de lui, dit qu'il fallait � la guerre non des gens qui pussent fuir, mais des soldats qui tinssent ferme dans leur poste. Un soldat bless� mortellement d'une fl�che dit en mourant, qu'il ne regrettait pas la vie, mais qu'il trouvait bien dur de p�rir avant d'avoir rien fait de glorieux, et de la main d'un archer eff�min�. Un Spartiate arriv� dans une h�tellerie donna � l'h�te page 550 un petit poisson � accommoder. Celui-ci lui demanda s'il avait du fromage et de l'huile pour l'appr�ter. � Aurais-je achet� ce poisson, lui dit le Lac�d�monien, si j'avais eu du fromage? � On vantait le bonheur d'un habitant d'�gine, nomm� Lampris, [234f] � cause des richesses immenses que lui rapportait le grand nombre des vaisseaux marchands qu'il avait sur mer. � Je ne fais point cas, dit un Spartiate, d'un bonheur qui ne tient qu'� des cordages. � Quelqu'un demandait � un Spartiate pourquoi on ne mentait pas � Lac�d�mone : � Parce que nous sommes libres, r�pondit-il ; les autres, au contraire, ont tout � craindre quand ils disent la v�rit�. � Un autre avait entrepris de faire tenir debout un cadavre , et comme il ne pouvait en venir � bout : � Par Jupiter! dit-il, il faut qu'il y ait quelque chose l�-dedans. � Tynnichus supporta avec le plus grand courage la mort de son fils Thrasybule ; et l'on fit � cette occasion l'�pigramme suivante :
[235a]
Dessus son bouclier Thrasybule sans vie Alcibiade �tant au bain, se faisait verser une grande quantit� d'eau. � Cet Ath�nien, dit un Spartiate, doit �tre bien sale, puisqu'il lui faut tant d'eau pour se laver. � Quand Philippe fut entr� en Laconie, o� il mena�ait de tout d�truire, il demanda � un Spartiate [235b] ce qu'ils allaient faire maintenant : � Mourir g�n�reusement, r�pondit-il, car nous sommes le seul peuple de la Gr�ce qui sache �tre libre et qui n'ait pas appris � ob�ir. � page 551 Antipater, apr�s avoir vaincu le roi Agis, demanda aux Lac�d�moniens cinquante jeunes gens pour otages. L'�phore �t�ocle lui d�clara qu'on ne consentirait jamais � les lui donner, de peur qu'en recevant des principes d'�ducation contraires � ceux qu'on leur donnait � Lac�d�mone, ils ne devinssent de mauvais citoyens; mais que, s'il voulait, on donnerait le double de vieillards ou de femmes. Et comme Antipater lui faisait les plus grandes menaces au cas qu'on persist�t � les lui refuser, �t�ocle lui r�pondit au nom de la r�publique : � Si vous exigez de nous des choses plus p�nibles que la mort, il nous sera plus facile de mourir. � [235c] Un vieillard voulait voir les jeux olympiques, qui �taient commenc�s, et ne trouvait point de place. Il allait de rang en rang sans que personne voul�t lui en faire, et essuyait partout les plaisanteries les plus mortifiantes. Lorsqu'il vint � l'endroit o� �taient assis les Lac�d�moniens, tous les jeunes gens et la plupart des hommes faits se lev�rent � l'instant, et le plac�rent au milieu d'eux. Toute l'assembl�e ayant t�moign� par ses applaudissements combien elle approuvait cet usage respectable des Lac�d�moniens, le vieillard, les larmes aux yeux, En secouant sa barbe et ses longs cheveux blancs, s'�cria : � H�las ! tous les Grecs savent tr�s bien ce qui est honn�te ; les Spartiates seuls le pratiquent. � [235d] On dit que la m�me chose arriva un jour � Ath�nes. Pendant qu'on y c�l�brait les Panath�n�es (79), les Ath�niens se jouaient d'un malheureux vieillard qu'ils appe- page 552 laient comme pour lui faire place, et lorsqu'il s'�tait approch�, ils le renvoyaient. Apr�s avoir ainsi parcouru tous les rangs, il vint du c�t� o� �taient les d�put�s de Lac�d�mone, qui se lev�rent aussit�t de leurs si�ges, et le plac�rent au milieu d'eux. Le peuple, plein d'admiration pour ce trait d'honn�tet�, applaudit avec transport. � Les Ath�niens, dit alors un Spartiate, connaissent le bien, mais ils ne le font pas. � Un pauvre demandait l'aum�ne � un Lac�d�monien. � Si je le donnais, lui dit-il, ce serait une raison pour toi de mendier encore ; [235e] le premier qui t'a fait l'aum�ne, en favorisant ta paresse, a donn� lieu � la vie honteuse que tu m�nes. � Un pr�tre faisait la qu�te pour ses dieux. � Je n'ai que faire, lui dit un Spartiate, de dieux qui sont plus pauvres que moi. � Un Lac�d�monien surprit un homme en adult�re avec sa femme, qui �tait fort laide. � Malheureux ! lui dit-il, quelle n�cessit� a pu te porter � ce crime? � Un autre entendait un rh�teur faire de longues p�riodes. � Oh ! le grand orateur, dit-il, qui parle beaucoup pour ne rien dire ! � Un �tranger qui se trouvait � Sparte, t�moin du respect que les jeunes gens avaient pour les vieillards : � Ce n'est qu'� Sparte, dit-il, qu'il est beau de vieillir. � On demandait � un Spartiate ce qu'il pensait du po�te Tyrt�e. [235f] � Il est bon, dit-il, pour exciter le courage des jeunes gens. � Un autre qui avait mal aux yeux partait pour une exp�dition ; et comme on lui demandait o� il allait, et ce qu'il comptait faire en cet �tat : � J'�mousserai, dit-il , l'�p�e d'un ennemi, si je ne puis lui faire du mal. � page 553 Sparte avait m�rit� pour avoir fait mourir les ambassadeurs de ce prince. Lorsqu'ils furent devant le roi, ils lui demand�rent de les punir pour tous les Lac�d�moniens, [236a] et de leur faire souffrir tel genre de mort qu'il voudrait. Xerx�s, plein d'admiration pour leur vertu, leur fit gr�ce, et leur proposa m�me de rester � sa cour. � Prince, lui dirent-ils, comment pourrions-nous vivre ici, et abandonner une patrie, des lois et des concitoyens pour qui nous sommes venus de si loin chercher la mort? � Indarnus,g�n�ral de Xerx�s, leur faisait les plus vives instances, et les assurait que ce prince les traiterait � l'�gal de ses plus intimes favoris. �Vous ignorez sans doute, lui dirent-ils , le prix de la libert�. Est-il un homme sens� qui voul�t la changer m�me contre le royaume de Perse? � [236b] Un �tranger n'ayant point de lit � donner � un Spartiate, fit semblant de ne pas le voir ; le lendemain il en emprunta un, et re�ut tr�s bien son h�te. Celui-ci foula aux pieds les couvertures, en disant : � Elles sont cause qu'hier je n'ai pas eu m�me une natte pour me coucher.� Un Lac�d�monien �tant � Ath�nes, y vit les citoyens vendre de la viande et des poissons sal�s, lever les imp�ts, trafiquer des esclaves et exercer, sans en rougir, beaucoup d'autres m�tiers peu honn�tes. De retour dans sa patrie, on lui demanda ce qu'il pensait d'Ath�nes : [236c] � Il n'y a rien dans cette ville, r�pondit-il, qui ne soit honn�te. � Il faisait entendre ironiquement que les Ath�niens ne connaissaient rien de honteux (80). Un autre avait r�pondu n�gativement � une question qu'on lui avait faite. � Vous mentez, lui dit celui qui l'avait interrog�. � Vous avez donc tort, r�pliqua le premier, de me questionner sur ce que vous savez. � Des Lac�d�moniens qu'on avait d�put�s vers le tyran Lygdamis, furent plusieurs jours sans pouvoir obtenir page 554 audience. Enfin il leur fit dire qu'il ne se portait pas assez bien pour les recevoir. � � Allez lui dire, r�pondirent-ils, que nous ne venons pas pour lutter avec lui, mais pour l'entretenir. � [236d] Un pr�tre qui initiait un Spartiate � des myst�res, lui dit de d�clarer l'action la plus criminelle qu'il e�t commise. L'initi� r�pondit que les dieux la savaient. Mais le pr�tre en exigeait l'aveu comme un pr�liminaire indispensable. � Est-ce � vous ou au dieu que je dois le dire ? reprit le Spartiate. � C'est au dieu, dit le pr�tre. � Commencez donc par vous �loigner, � r�pliqua le Spartiate. Un autre passait la nuit aupr�s d'un tombeau, et croyant voir un spectre, il courut � lui la lance � la main, en disant : � O� fuis-tu ? attends, et tu mourras deux fois ! � Un Spartiate avait fait v�u de se pr�cipiter du haut du promontoire de Leucate. Mais lorsqu'il y fut mont� et qu'il en eut vu toute la profondeur, il se retira. Comme on lui en faisait des reproches, il r�pondit : � Je n'avais pas r�fl�chi que ce v�u en supposait un autre bien plus grand (81). � [236e] Dans une bataille, un soldat avait le bras lev� pour frapper son ennemi, lorsque entendant sonner la retraite, il s'arr�ta. Un de ses camarades lui ayant demand� pourquoi il avait �pargn� un ennemi dont il lui �tait si facile de se d�faire : � Il vaut mieux, dit-il, ob�ir � son g�n�ral que de tuer un ennemi. � On disait � un Lac�d�monien qui avait �t� vaincu aux jeux olympiques, que son adversaire �tait plus brave que lui : � Non, r�pondit-il ; mais plus adroit � terrasser. � page 555 ANCIENNES INSTITUTIONS DES SPARTIATES. [236f] Lorsque les Lac�d�moniens entraient dans les salles o� ils mangeaient en commun, le plus ancien de l'assembl�e disait � chacun d'eux, en lui montrant la porte : � Il ne sort pas un mot par l�. � Ils aimaient avec tant de passion leur brouet noir, que les vieillards le pr�f�raient � la viande, qu'ils abandonnaient aux jeunes gens. On dit que Denys le tyran, curieux de manger de ce rago�t, acheta expr�s un cuisinier lac�d�monien, et lui dit de ne rien �pargner pour le bien appr�ter. Mais a peine en eut-il go�t�, [237a] qu'il le rejeta avec indignation. � Prince, lui dit alors le cuisinier, il faut, avant de manger ce brouet, avoir exerc� son corps, comme les Spartiates, et s'�tre baign� dans l'Eurotas. � Les Lac�d�moniens, apr�s avoir bu mod�r�ment dans leurs repas, s'en retournaient chez eux sans flambeaux. Il ne leur �tait permis, ni dans cette occasion, ni dans aucune autre, d'aller la nuit avec de la lumi�re, parce qu'on voulait les accoutumer � marcher hardiment au milieu des t�n�bres. Ils ne s'instruisaient dans les lettres que pour le simple besoin. Pour toutes les autres sciences, ils les avaient bannies de leur ville, aussi bien que les �trangers qui les professaient. Toute leur �ducation consistait � savoir bien ob�ir, supporter les travaux, et vaincre ou mourir en combattant. [237b] Ils ne portaient toute l'ann�e qu'une simple tunique, soignaient tr�s peu leur corps, et ne faisaient presque point d'usage de bain ni d'huile. Les jeunes gens dormaient par troupes sur des lits qu'ils faisaient eux-m�mes avec des joncs qui croissent sur le bord de l'Eurotas, et dont ils rompaient le bout avec leurs mains, sans y employer le fer. L'hiver, ils �tendaient sur ces joncs des es- page 556 p�ces de couvertures qu'ils appelaient des lycophons, et auxquelles ils attribuaient la vertu d'�chauffer (82). Il �tait permis chez eux de s'attacher � des jeunes gens d'un heureux naturel , mais ils regardaient comme une infamie de concevoir pour eux un amour criminel ; [237c] et celui qu'on aurait convaincu d'un pareil attachement e�t �t� d�shonor� pour la vie. Un vieillard qui rencontrait un jeune homme avait droit de lui demander o� il allait, et ce qu'il allait faire. S'il ne r�pondait pas, ou qu'il cherch�t quelque d�tour, il devait le r�primander. Si le vieillard lui voyait faire une faute, et qu'il ne l'en repr�t pas, il �tait condamn� � la m�me peine que le jeune homme avait encourue. Celui-ci recevait-il mal la r�primande , c'�tait pour lui le plus grand d�shonneur. Lorsqu'un citoyen �tait pris en faute, on l'obligeait de faire le tour d'un des autels de la ville, en chantant une chanson qui contenait la censure du mal qu'il avait fait , ce qui n'�tait autre chose que se r�primander soi-m�me.
On accoutumait les
enfants, non seulement � respecter leurs parents [237d] et � leur ob�ir, mais encore �
honorer tous les vieillards, � leur c�der le pas, � se lever pour leur donner
leur place, � se tenir devant eux dans un respectueux silence. Aussi chaque p�re
de famille avait-il soin, non seulement de ses enfants, de ses esclaves, de ses
biens, comme on fait dans les autres villes , mais encore de ceux de ses
voisins, autant que des siens propres ; en sorte que tout paraissait commun
entre les citoyens. Si un enfant corrig� par un autre que son p�re allait se
plaindre, le p�re, sous peine de se d�shonorer, devait aggraver page 557 ils �taient persuad�s que personne ne pouvait exiger de leurs enfants rien que d'honn�te. Les jeunes gens d�robaient, pour se nourrir, tout ce qu'ils trouvaient. [237e] Ils s'exer�aient � surprendre adroitement les personnes n�gligentes ou endormies. Lorsqu'ils �taient pris sur le fait, on les ch�tiait, et ils �taient oblig�s d'endurer la faim. On leur donnait tr�s peu � manger, afin qu'�tant contraints de chercher eux-m�mes le suppl�ment de leur nourriture, la n�cessit� les rend�t entreprenants et industrieux. Outre ce premier motif, on voulait encore par l� les accoutumer � n'�tre jamais rassasi�s, et � savoir supporter la faim. Ils comptaient aussi en tirer plus de service � la guerre, dont ils pourraient, m�me en mangeant tr�s peu, soutenir les fatigues. Ils les rendaient en m�me temps plus sobres et plus �conomes, en faisant qu'une d�pense tr�s m�diocre suffit longtemps � leurs besoins. [237f] D'ailleurs une nourriture simple et sans appr�t �tait beaucoup plus saine, leur formait un temp�rament m�le et robuste, et, en ne leur donnant que l'embonpoint n�cessaire, ne les emp�chait pas d'acqu�rir cette taille avantageuse qui contribue tant � la beaut� . En effet, les corps maigres et d�li�s ont une souplesse et une agilit� que n'ont point ceux qui sont gras et �pais. On ne les instruisait pas avec moins de soin de la po�sie et de la musique, [238a] comme propres � exciter le courage, � �lever l'�me, et � inspirer de l'audace. Leur composition �tait simple et s�v�re ; elle n'avait pour objet que les louanges de ceux qui avaient servi leur patrie avec honneur, que la gloire et le bonheur d'�tre morts pour elle. Le bl�me des l�ches entrait aussi dans leurs chants ; ils y exposaient leur honte et leur bassesse. L'exhortation et l'encouragement � la vertu, selon les trois diff�rents �ges, �taient encore le sujet de leurs chansons. Dans les f�tes publiques, ces trois classes de citoyens divis�es en trois page 558 ch�urs chant aient tour � tour. Celui des vieillards commen�ait ainsi :
� Nous avons eu tous un
partage, [238b] Apr�s eux, venait celui des hommes faits, qui disaient :
� Nous sommes tous dignes
de vous, Celui des enfants finissait :
� Nous aurons, vous pouvez
le croire, La cadence de leurs ch�urs de musique �tait celle de leur marche. Ils attaquaient l'ennemi au son de la fl�te, afin d'exciter le courage, d'inspirer la confiance et le m�pris de la mort. Lycurgue avait joint la musique aux exercices militaires. Il voulait r�gler l'ardeur guerri�re par les accords d'un art propre pour cet effet. Aussi leur roi sacrifiait aux Muses avant le combat, afin que les citoyens fissent des actions dignes de passer � la post�rit�. [238c] Ils ne permettaient pas qu'on fit aucun changement dans l'ancienne musique. Il arriva que Terpandre (84), le page 559 meilleur joueur de lyre de son temps, qui excellait dans l'art de c�l�brer les actions h�ro�ques, quoique fort instruit des anciens usages ajouta une corde � la lyre, pour en varier les tons. Les �phores condamn�rent cette nouveaut�, et clou�rent sa lyre � un mur, tant on �tait attach� aux plus simples accords ! Le musicien Timoth�e (85) ayant aussi ajout� deux cordes � sa lyre, lorsqu'il disputa le prix aux jeux carn�ens (86), un des �phores vint, un couteau � la main, lui demander de quel c�t� il voulait qu'il coup�t les cordes qui exc�daient le nombre de sept. [238d] Lycurgue abolit les usages superstitieux dans la s�pulture des morts ; il permit de les enterrer dans la ville, et de leur �lever des monuments aupr�s des tombeaux (87). Il proscrivit aussi les sacrifices fun�bres; il d�fendit d'ensevelir les morts avec autre chose qu'une robe de pourpre et des feuilles d'olivier; et cela, sans aucune distinction (88). Il abolit encore l'usage du deuil et des la- page 560 mentations, et d�fendit les �pitaphes, qu'il r�serva pour ceux qui �taient morts � la guerre. Il ne permettait pas � ses citoyens de voyager; il craignaient qu'ils ne se corrompissent, et qu'ils n'apportassent � Lac�d�mone les m�urs �trang�res ; il ferma m�me la ville aux �trangers, [238e] � cause de leurs mauvais exemples. Si un Spartiate refusait de faire donner � ses enfants l'�ducation commune, il �tait priv� des droits de citoyen. Il y en a qui disent que Lycurgue avait voulu que les �trangers qui se soumettraient aux institutions de Sparte pussent entrer dans l'ancien partage du territoire (89) ; mais personne ne pouvait vendre sa portion. Il �tait d'usage de se servir des esclaves, des chiens et des chevaux de ses voisins, pourvu que ceux-ci n'en eussent pas besoin. A la campagne, ils pouvaient entrer dans les maisons pour y prendre les choses qui leur convenaient, et ils se retiraient apr�s en avoir ferm� les portes. [238f] A la guerre, ils portaient des robes de pourpre, parce que cette couleur donnait un air plus martial ; que sa ressemblance avec celle du sang pouvait effrayer des soldats sans exp�rience, et par la m�me raison, tromper les ennemis, en leur cachant les blessures qu'ils avaient faites. Lorsqu'ils devaient la victoire � une ruse du g�n�ral, ils immolaient un b�uf au dieu Mars. S'il avait d�fait les ennemis en bataille rang�e, ils sacrifiaient un coq. Ils page 561 voulaient accoutumer leurs g�n�raux � �tre non seulement courageux, mais encore adroits et rus�s. [239a] Dans toutes les pri�res qu'ils faisaient aux dieux, ils demandaient la force de souffrir les injures. Tous leurs v�ux se bornaient � obtenir les moyens de bien faire, et rien de plus. Ils honoraient V�nus arm�e, et repr�sentaient leurs divinit�s, dieux et d�esses, avec une lance � la main, parce qu'ils leur attribuaient �galement � tous la vertu guerri�re en partage. Ce proverbe usit� parmi eux : La main sur ton ouvrage invoque la Fortune, signifiait qu'il ne faut implorer le secours des dieux qu'apr�s avoir commenc� d'agir. Pour d�tourner les jeunes gens de l'ivresse, ils leur faisaient voir les ilotes ivres. Lorsqu'ils voulaient entrer dans une maison, au lieu de frapper � la porte, ils appelaient du dehors. [239b] Ils se servaient d'�trilles de roseau, et non de fer. Ils n'assistaient jamais � des trag�dies, ni � des com�dies, pour ne pas entendre, m�me dans les choses d'amusement, des discours contraires aux lois. Le po�te Archiloque �tant venu � Sparte, ils l'en chass�rent bien vite, parce qu'ils surent qu'il avait dit dans un de ses po�mes qu'il valait mieux jeter son bouclier que de p�rir :
J'ai laiss� malgr� moi mon
bouclier aux champs. page 562 [239c] Les jeunes gar�ons et les jeunes filles participaient aux m�mes sacrifices. Les �phores condamn�rent � l'amende un citoyen nomm� Sciraphidas, parce qu'il �tait l'objet du m�pris public. Ils en condamn�rent un autre � mort, parce qu'il avait mis sur sa tunique une robe de pourpre (91). Ils r�primand�rent vivement un jeune homme du gymnase, parce qu'il savait le chemin du Pyl�e (92). L'orateur C�phisonte s'�tant vant� qu'il parlerait une journ�e enti�re sur tel sujet qu'on voudrait lui marquer, ils le bannirent de Sparte, en disant qu'un bon orateur devait toujours proportionner la grandeur de son discours � celle de son sujet. Il y avait un certain jour o�, � Lac�d�mone, l'on fouettait les enfants, souvent jusqu'� la mort , sur l'autel de Diane Orthia (93). Ils supportaient avec joie cette ex�cution sanglante, et se disputaient l'honneur de recevoir plus de coups sans se plaindre ; [239d] le vainqueur �tait combl� de gloire. Cette rivalit�, qu'on appelait la flagellation, se renouvelait tous les ans. Une des plus sages et des plus heureuses institutions de Lycurgue, c'est le grand loisir qu'il avait procur� aux page 563 Lac�d�moniens. Il ne leur �tait permis d'exercer aucun art mercenaire. Ils n'avaient besoin ni de travailler, ni de faire aucun commerce, pour acqu�rir des biens, puisqu'il avait �t� aux richesses le prix et l'estime qu'on y attachait partout ailleurs. Les Ilotes cultivaient la terre pour eux (94) et leur en payaient la rente, suivant l'ancien taux fix� par Lycurgue. Un citoyen qui aurait afferm� sa terre au-dessus de ce prix serait devenu l'objet de l'ex�cration publique. [239e] Son motif en cela avait �t� d'attacher les Ilotes � la culture par l'app�t du gain, et d'�ter � leurs ma�tres l'envie d'augmenter leur fortune. Il leur avait interdit aussi le commerce maritime et les guerres de mer. Dans la suite ils se rel�ch�rent sur ce dernier point et devinrent ma�tres de la mer ; mais s'�tant aper�us de la d�pravation que ces guerres maritimes introduisaient dans les m�urs, ils les abandonn�rent (95). Au reste, sur ce point comme sur tous les autres, ils vari�rent beaucoup. Dans les commencements, ceux qui apportaient de l'argent � Sparte �taient condamn�s � mort. Car les rois Alcam�ne et Th�opompe avaient re�u de l'oracle cette r�ponse . L'avarice � la fin perdra Lac�d�mone. [239f] Cependant lorsque Lysandre, apr�s la prise d'Ath�nes, fit transporter � Lac�d�mone beaucoup d'or et d'argent, ses concitoyens le re�urent avec plaisir, et lui en surent le plus grand gr� (96). Tant que Sparte fut fid�le au serment page 564 qu'elle avait fait d'observer les lois de Lycurgue, elle eut, pendant l'espace de cinq cents ans, la sup�riorit� sur toutes les autres villes de la Gr�ce, par la sagesse de son administration et par la gloire qui en fut le fruit. D�s qu'elle commen�a � s'en �carter et qu'une sordide avarice s'empara peu � peu du c�ur des citoyens, [240a] elle vit diminuer sa puissance et ali�na l'esprit de ses alli�s (97). Dans cet �tat m�me d'affaiblissement, lorsque Philippe de Mac�doine, vainqueur � Ch�ron�e, eut �t� d�clar� g�n�ralissime des troupes de la Gr�ce sur terre et sur mer; quand, apr�s lui , Alexandre son fils eut soumis les Th�bains, les Spartiates, qui n'avaient pour d�fense qu'une ville sans murailles, que des guerres fr�quentes avaient r�duits � un tr�s petit nombre, et mis dans un �tat de faiblesse qui rendait leur oppression facile, les Spartiates, dis-je, furent les seuls qui, conservant encore un germe pr�cieux des lois de Lycurgue, [240b] ne servirent point dans les arm�es de ces deux princes et de leurs successeurs au royaume de Mac�doine. Ils ne se rendirent jamais aux assembl�es communes de tous les autres peuples de la Gr�ce, et ne pay�rent aucune contribution. Mais ensuite, ayant enti�rement abandonn� les lois de Lycurgue, ils furent asservis par leurs propres concitoyens (98). Alors, ne conservant plus rien de leurs anciennes institutions, devenus semblables � tous les autres peuples, ils perdirent avec la libert� leur ancienne splendeur, et finrent par subir, comme le reste de la Gr�ce, le joug des Romains. page 565 APOPHTEGMES DES FEMMES LAC�D�MONIENNES. ARGIL�ONIS. [240c] Brasidas, fils d'Argil�onis, ayant �t� tu� � l'arm�e, les d�put�s que ceux d'Amphipolis (99) envoy�rent � Sparte vinrent visiter sa m�re. Elle leur demanda si Brasidas �tait mort glorieusement et en digne Spartiate. Ils firent un �loge magnifique de sa valeur, et lui dirent que c'�tait le plus grand homme de guerre qu'e�t eu Lac�d�mone. � �trangers, leur dit-elle, il est vrai que mon fils �tait brave, mais Sparte a plusieurs citoyens qui valent mieux que lui. � GORGO (100). [240d] Aristagoras, tyran de Milet, sollicitait vivement Cl�om�ne, roi de Sparte (101), de prendre, contre le roi de Perse, la d�fense des Ioniens, et lui offrait beaucoup d'argent pour l'y d�terminer. Plus Cl�om�ne refusait, plus Aristagoras ajoutait � la somme. Sa fille, t�moin de leur conversation, dit � Cl�om�ne : � Mon p�re, ce mis�rable �tranger vous corrompra, si vous ne le chassez promptement de chez vous (102). � Son p�re lui dit un jour de donner du froment � un homme, pour r�compense de ce qu'il lui avait appris � mieux faire le vin. � Mon p�re, lui dit-elle, il ne vous a pas rendu service, ce sera le moyen qu'on en boive davantage, et la licence, qui en sera la suite, rendra les citoyens plus m�chants. � Pendant qu'Aristagoras �tait chez Cl�om�ne, elle vit page 566 qu'il se faisait chausser par un de ses esclaves : [240e] � Mon p�re, dit-elle, est-ce que votre h�te n'a point de mains ? � Elle voyait un jour un �tranger qui passait sa robe d'une mani�re molle et eff�min�e. � Va, lui dit Gorgo en le repoussant, tu n'es pas capable de ce que fait la moindre femme. � GYRTIAS. Acrotatus, petit-fils de Gyrtias, dans une querelle de jeunes gens, avait re�u tant de coups qu'on le rapporta chez lui presque mort. Les proches et les amis de Gyrtias fondaient en larmes : � Ne finirez-vous pas ? leur dit-elle ; il a montr� de quel sang il �tait sorti. Il ne faut pas donner � des gens de c�ur des regrets inutiles, mais penser � les gu�rir. � [240f] Lorsqu'on lui apporta la nouvelle de la mort de son petit-fils, elle dit : � D�s qu'il allait � la guerre, ne fallait-il pas qu'il y mour�t ou qu'il tu�t les ennemis ? Il m'est bien plus doux d'apprendre que sa mort a �t� digne de lui, de sa patrie et de ses anc�tres, que de lui voir tra�ner longtemps une vie honteuse. � DAMATRIA. Damatria ayant appris que son fils avait agi l�chement et d'une mani�re indigne d'elle , elle le fit mourir � son retour de l'arm�e. On fit � ce sujet l'�pigramme suivante :
Damatrie � la mort
condamne un l�che fils : APOPHTEGMES DES LAC�D�MONIENNES DONT LES NOMS NE SONT PAS CONNUS. [241a] Une autre Lac�d�monienne punit aussi de mort son fils, comme indigne de sa patrie, pour avoir abandonn� son poste. � Il n'�tait pas mon fils, � dit-elle. Voici une �pigramme o� on la fait parler ainsi page 567
Va, fils d�g�n�r�, dans
ces cavernes sombres, [241b] Une m�re apprenant que son fils avait fui pour sauver sa vie, lui �crivit en ces termes : � On r�pand sur ton compte des bruits d�shonorants. Ou justifie-toi, ou meurs. � Une autre dont les fils avaient fui de la bataille, les voyant arriver, alla au-devant d'eux : � L�ches, o� fuyez-vous, s'�cria-t-elle en soulevant sa robe et leur montrant son ventre, pr�tendez-vous rentrer dans ce sein d'o� vous �tes sortis?� Une troisi�me, dont le fils revenait de l'arm�e, lui demanda ce qui s'�tait pass�; et, sur sa r�ponse que les troupes avaient �t� taill�es en pi�ces, elle le tua d'un coup de tuile, en disant : � T'a-t-on donc choisi pour �tre le porteur d'une si funeste nouvelle ? � Un Spartiate racontait � sa m�re la mani�re glorieuse dont son fr�re �tait mort. � N'as-tu pas honte, lui dit- elle, d'avoir manqu� une si belle occasion de le suivre ? � Une m�re dont les cinq fils �taient � l'arm�e, [241c] attendait aux portes de la ville des nouvelles du combat ; elle en demande au premier qu'elle rencontre, qui lui dit que tous ses fils �taient morts. �Mis�rable,-lui dit-elle, est-ce �A ce que je te demande? Je veux savoir quel a �t� l'�v�nement de la bataille. � Nous l'avons gagn�e, r�pondit-il. � J'apprends donc sans regret la mort de mes enfants. � Pendant qu'une autre m�re rendait � son fils les derniers devoirs, une pauvre femme s'approchant, lui t�moigna qu'elle partageait sa douleur. � F�licitez-moi plut�t, lui dit la m�re. Je l'avais mis au monde afin qu'il mour�t pour sa patrie ; je l'ai obtenu. � Une femme d'Ionie tirait vanit� d'une superbe �toffe page 568 qu'elle avait brod�e elle-m�me. [241d] Une Lac�d�monienne lui montrant ses quatre fils, tous parfaitement bien �lev�s, lui dit que c'�tait de ces sortes d'ouvrages qu'une femme sage et honn�te devait se glorifier (103). � Une Lac�d�monienne sachant que son fils se conduisait mal dans une ville �trang�re, lui �crivit ces mots: � Il se r�pand de mauvais bruits sur ton compte ; fais-te cesser, ou meurs. � Des exil�s de Chios, qui �taient venus � Sparte, imputaient � P�dar�te une conduite tr�s r�pr�hensible. Sa m�re T�leutia les fit venir, et, d'apr�s leur rapport, croyant son fils coupable, elle lui �crivit : [241e] � Ou change de conduite, ou demeure � Chios, et ne compte pas pouvoir revenir � Lac�d�mone. � Une autre, voyant son fils accus� d'un crime fort grave, lui dit : � Repousse l'accusation, ou renonce � la vie. � Une m�re envoyait � l'arm�e son fils qui �tait boiteux. � A chaque pas que tu feras, lui dit-elle, souviens-toi de la vertu. � Un soldat , au retour d'une bataille , souffrait cruellement d'une blessure qu'il avait re�ue au pied. � Mon fils, lui dit sa m�re, si tu penses � la vertu, tu ne souffriras plus, et tu reprendras courage. � Un Spartiate avait �t� si fort bless� � la guerre qu'il ne pouvait plus marcher qu'� quatre pattes ; et comme il avait honte d'une posture qui le rendait ridicule, sa m�re lui dit : [241f] � Mon fils, il est bien plus beau de se r�jouir de son courage que de rougir d'un rire insens�. � Une m�re donnait le bouclier � son fils qui partait pour l'arm�e, et l'exhortant � se conduire en homme de c�ur, elle lui disait : � Reviens avec lui, ou sur lui (104). � Une autre, remettant de m�me le bouclier � son fils, page 569 au moment qu'il partait, lui dit : � Ton p�re l'a toujours conserv� ; fais de m�me, ou meurs. � Une troisi�me dit � son fils, qui se plaignait d'avoir une �p�e trop courte : � Allonge-la d'un pas. � [242a] Une m�re, apprenant que son fils �tait mort en combattant vaillamment, dit : � Il �tait mon fils. � Une autre, � qui l'on rapporta que le sien avait sauv� sa vie en fuyant, s'�cria : � Il n'est pas mon fils. � On vint dire � une autre que sou fils avait �t� tu� en tenant ferme dans son poste : � Qu'on l'ensevelisse , dit-elle, et que son fr�re prenne sa place. � Une femme, au milieu d'une pompe solennelle, apprit que son fils avait remport� la victoire, mais qu'il �tait mort de la suite de ses blessures. Alors, sans �ter la couronne de fleurs qu'elle avait sur sa t�te, elle dit d'un air de triomphe aux femmes qui �taient pr�s d'elle : � Mes amies, il est bien plus beau de mourir sur le champ de bataille, au sein de la victoire, que d'�tre couronn� aux jeux olympiques. � Un Spartiate racontait � sa s�ur la mani�re honorable dont son fils �tait mort. � Autant, lui dit-elle, la mort de mon fils me cause de joie, autant je rougis pour toi de ce que tu ne l'as pas suivi dans une si belle occasion. � [242c] Une femme mari�e que quelqu'un faisait solliciter de consentir � ses d�sirs criminels , r�pondit : � Dans mon enfance, on m'a appris qu'il fallait ob�ir � mon p�re, et je l'ai toujours fait; depuis mon mariage, j'ob�is � mon mari. Si cet homme me demande une chose honn�te, qu'il ne craigne pas de lui en faire part. � On demandait � une fille pauvre ce qu'elle apporterait en dot : � La pudeur de ma famille, � r�pondit-elle (105). page 570 Une jeune femme dit � quelqu'un qui lui demandait si elle s'�tait approch�e de son mari : �Non, c'est lui qui s'est approch� de moi. � Une jeune fille , qui s'�tait laiss� corrompre et avait fait avorter son fruit, souffrit avec tant de courage qu'elle ne jeta pas un seul cri, en sorte que ni son p�re, ni aucun de ses voisins, n'en eurent le moindre soup�on ; tant la crainte de l'infamie lui faisait surmonter la violence de la douleur ! Une Lac�d�monienne �tait expos�e en vente ; quelqu'un lui ayant demand� ce qu'elle savait faire, elle r�pondit: � �tre fid�le. � Une autre, en pareil cas, r�pondit � la m�me question, qu'elle savait garder la maison. Une troisi�me � qui quelqu'un demandait si elle serait sage, au cas qu'il l'achet�t, lui dit : � Je le serai, quand m�me vous ne m'ach�teriez pas. � [242d] Un crieur public demandait � une autre qui �tait expos�e en vente, ce qu'elle savait faire : � �tre libre , � r�pondit-elle. Celui qui l'avait achet�e ayant voulu exiger d'elle un service qu'elle croyait indigne d'une femme libre, elle lui dit : � Vous vous repentirez de vous �tre priv� d'un tel bien ; � et en m�me temps elle se donna la mort. (01) Ce sophiste ne m'est point connu ; c'�tait probablement un de ces rh�teurs �trangers qui allaient de ville en ville donner des le�ons d'�loquence. (02) Agasicl�s entend sans doute qu'il ne veut point prendre les le�ons d'un �tranger qui pourrait alt�rer les principes d'�ducation qu'il avait re�us dans sa patrie et dans sa famille. (03) Allusion � un passage d'Hom�re, o� Jupiter dit de lui-m�me: Que tout ce qu'il aura accord� d'un seul signe de t�te sera ex�cut�. (04) Le texte dit γυμνοπαιδία. C'�tait un jeu dans lequel les enfants de Sparte dansaient nus sur la place publique, et chantaient les louanges de ceux qui �taient morts avec gloire. (05) Le texte ajoute : τῆς καλκοίκου. C'�tait un surnom sous lequel Minerve �tait ador�e � Sparte, et qui venait, selon Suidas, ou d'un temple d'airain qui lui �tait consacr�, ou des exil�s de Chalcis qui, s'�tant r�fugi�s � Sparte, y b�tirent un temple en son honneur. (06) Cette maxime ne doit passer que pour un badinage dans la bouche d'Ag�silas, qui, suivant X�nophon, regardait comme une impi�t� d'arracher des autels les suppliants, et qui justifia cette mani�re de penser � la bataille de Coron�e. Xenoph. de Agesil., XI, I. Cornel. Nep. Agesil., c. 4. (07) Tissapherne commandait les troupes de Perse dans l'Asie Mineure, pour Artaxerx�s Memnon, et fut presque toujours battu par les Grecs. (08) M�gabates �tait un des principaux officiers d'Artaxerx�s Memnon. Dans la guerre d'Asie, il embrassa le parti des Grecs, et rendit de grands services � Ag�silas. X�nophon, en parlant de l'amiti� de ce prince pour M�gabates, dit qu'il le ch�rissait comme pouvait le faire une �me aussi grande et aussi vertueuse que celle d'Ag�silas. (09) Les Thasiens habitaient l'�le de Thasos, dans la mer �g�e, sur la c�te de Thrace. (10) Ce fut au moment de sa mort qu'Ag�silas pria ses amis de ne lui �riger aucune esp�ce de monument. (11) Les maisons des Spartiates �taient construites avec la plus grande simplicit�. Lycurgue leur avait d�fendu d'y employer d'autres instruments que la scie et la cogn�e. (12) Ces peuples �taient les B�otiens, ceux d'Ath�nes, de Corinthe et d'Argos, qui, gagn�s par l'argent d'Artaxerx�s Memnon, alors roi de Perse, s'�taient ligu�s contre les Spartiates. Ag�silas livra aux B�otiens une premi�re bataille dont le succ�s fut douteux ; mais ensuite il remporta sur les alli�s la rameuse victoire de Coron�e. (13) La darique �tait une monnaie de Perse, qu'on croit avoir lire son nom du premier Darius, pour qui elle fut fabriqu�e. Elle valait 50 drachmes attiques. Les 50,000 dariques valaient pr�s de 1,200,000 livres de notre monnaie en 1785. (14) La Troade �tait une contr�e de l'Asie Mineure, dans la Phrygie, sur la c�te orientale de l'Hellespont. Troie en �tait la capitale. (15) Le talent d'argent valait plus de cinq mille livres, au taux de l'argent en 1785. (16) C'�tait Amyntas, second du nom, qui pr�c�da d'environ soixante ans le fameux Alexandre. (17) Il craignait que s'il assi�geait Larisse, les habitants, dans un premier moment de fureur, ne fissent p�rir les d�put�s. Larisse �tait la Capitale de la Thessalie. (18) Montagne de la Thessalie. X�nophon dit qu'il fit �riger ce troph�e entre deux montagnes qu'il appelle Pranle et Narth�cium. (19) Voyez pour les d�tails de cette bataille le discours de X�nophon sur le roi Ag�silas. Il combattit dans celle fameuse journ�e aupr�s de ce prince, qui l'avait attir� � Sparte. (20) C'�tait un c�l�bre rh�teur de ce temps-l�. (21) A l'article de Lysandre, ce fait est beaucoup plus d�velopp�. (22) Dans le trait� Sur les moyens de discerner un flatteur d'un ami, cette r�ponse est attribu�e � Lysandre, avec des diff�rences. (23) Le mot grec que j'ai rendu par com�dien est δεικηλίτας, et l'auteur ajoute que c'est ainsi que les Lac�d�moniens appellent les acteurs. Il vient de δείκηλον,ou δείκελον, qui signifie image, simulacre, parce que les com�diens repr�sentent les actions ordinaires de la vie. Il veut dire aussi masque, parce que les com�diens ne jouaient leurs pi�ces que masqu�s. (24) Le mot grec forme un double sens. Il exprime le souhait d'une bonne sant�, et celui du bon sens. (25) Conon �tait g�n�ral de l'arm�e des Ath�niens, et Pharnabaze, de celle des Perses. Le premier, apr�s avoir �t� battu aupr�s Aegos-Polamos, par Lysandre, qui commandait la floue des Lac�d�moniens, s'�tait retir� en Chypre, d'o� il se rendit aupr�s d'Artaxerx�s Memnon, qui le fit amiral de sa flotte, avec laquelle il d�fit celle de Lac�d�mone, aupr�s de Gnide. (26) T�ribase �tait un des g�n�raux d'Artaxerx�s Memnon. (27) Je crois que dans cet endroit tes mots persiser et laconiser ne sont pas pris dans un m�me sens. Le premier signifie simplement que les Lac�d�moniens favorisaient les Perses, et d�mentaient leur ancienne haine pour un peuple si longtemps leur ennemi. C'est ainsi qu'on disait que l'oracle de Delphes philippisait, parce que ses r�ponses �taient toujours favorables � Philippe. Mais dans la r�ponse d'Ag�silas, le mot laconiser veut dire, si je ne me trompe, que les Perses avaient pris la place des Spartiates; et qu'au lieu qu'autrefois ceux-ci d�fendaient la libert� des colonies grecques d'Asie, et rendaient inutiles les efforts des rois de Perse contre elles, aujourd'hui ils les abandonnaient, et laissaient prendre � un roi leur ennemi un empire qu'ils avaient jusqu'alors conserv�. (28) Cet accus�, sentant la faiblesse de sa cause, voulait qu'Ag�silas interpr�t�t les lois en sa faveur. Le sens de la r�ponse d'Ag�silas est donc qu'il agissait alors comme juge, et non comme roi. (29) Ce roi d'�gypte �tait Nectabanis, alors en guerre avec le roi de Perse, Artaxerx�s Memnon. (30) C'�tait l'usage � Lac�d�mone que les rois donnassent en otages � leur place, leurs femmes et leurs enfants. Ag�sipolis regardait cette coutume connue injuste, parce que les fautes qui se commettent � l'arm�e ou dans le gouvernement sont ordinairement sur le compte des g�n�raux et des magistrats. (31) Les chiens de la Laconie passaient pour les meilleurs de la Gr�ce, et les Spartiates �taient jaloux d'en conserver chez eux la race. (32) Agis ne fut pas le dernier roi de Sparte. Il commen�a de r�gner l'an 344 avant J.-C., et ne fut sur le tr�ne que quatre ans. La race d'Hercule ne finit � Lac�d�mone que deux cent dix-neuf ans avant J.-C. Il faut donc lire le dernier du nom. (33) Les Ilotes �taient les esclaves des Lac�d�moniens, et menaient la vie la plus dure. On les employait � labourer les terres; quelquefois on s'en servait pour la guerre, et si l'on �tait content de leurs services, ils obtenaient la libert�. Leur nom venait de la ville d'H�los, que les Spartiates prirent apr�s un long si�ge, et dont ils firent tous les habitants esclaves. (34) Les �phores �taient des magistrats charg�s de veiller � tout ce qui int�ressait le bien de la r�publique. Leur nom signifie inspecteurs. Ils avaient inspection sur les rois eux-m�mes, qu'ils faisaient mettre en prison lorsqu'ils le jugeaient n�cessaire. Il n'est donc pas �tonnant qu'ils ne se levassent pas devant les rois, et qu'au contraire les rois se levassent devant eux, au rapport de Plutarque dans ses Pr�ceptes politiques. (35) Samothrace �tait une �le de la mer �g�e, pr�s des c�tes de Thrace, qui porta d'abord le nom de Dardanie, puis celui de Samos, dont ensuite on fit celui de Samothrace, pour la distinguer de la Samos d'Ionie. Les myst�res qu'on y c�l�brait �taient si respect�s des anciens, qu'on appelait la Samothrace l'�le sacr�e. Les lP�lasges ou sauvages de l'ancienne Gr�ce qui l'habitaient , y avaient leurs pr�tres nomm�s cabires. Les Grecs les appelaient anactotclestes, ou rois des myst�res. Celui d'entre eux qui �tait charg� d'examiner ceux qui venaient se faire initier, s'appelait ko�s, ou l'auditeur. La plupart des c�r�monies myst�rieuses se faisaient la nuit, quelques unes m�me dans un antre, et le secret le plus inviolable en d�robait la connaissance aux profanes. Les Romains, par respect pour ces myst�res, laiss�rent � la Samothrace sa libert�, c'est-�-dire le droit de se gouverner par ses lois. (36) Ce Charila�s �tait neveu de Lycurgue, qui fut son tuteur jusqu'� ce que ce jeune prince e�t atteint l'�ge de r�gner. (37) Le sens de celle parole est, si je ne me (rompe, que les Mac�doniens useraient de mod�ration et de douceur, ce que d�signe la voix de la brebis, tant qu'ils ne seraient pas les plus forts; mais qu'aussit�t qu'ils croiraient pouvoir le faire impun�ment, ils appesantiraient leur joug sur les Grecs. (38) Cl�onyme n'�tait pas roi de Sparte; mais il se plaignait de ce qu'on lui avait pr�f�r� son fr�re Ar�us dans la succession au tr�ne, et il avait appel� Pyrrhus en Laconie. (39) D�marate, chass� du tr�ne de Sparte parles intrigues de Cl�om�ne. son coll�gue, s'�tait r�fugi� � la cour de Darius, fils d'Hystaspe, dont Oronte �tait un des officiers. (40) Cette r�ponse porte sur la double signification du mot τάξις, qui veut dire arm�e et rang. Celui qui n'a plus d'arm�e n'est plus en �tat de combattre, et D�marate avait perdu son rang, puisque de roi il �tait devenu exil�. (41) Nous avons vu que les lois de Lycurgue d�fendaient aux Spartiates tous les arts et toutes les professions m�caniques, et m�me l'agriculture qui �tait abandonn�e aux Ilotes. A Ath�nes, au contraire, tout citoyen �tait oblige de travailler, et de rendre compte aux magistrats de l'emploi de son temps. H�rondas, d'apr�s les id�es de son pays, est curieux de voir un homme qu'on lui dit avoir �t� condamn� pour une chose qu'il regarde nomme honn�te, puisqu'elle �tait � Sparte le privil�ge des hommes libres. (42) L'isthme de Corinthe est comme la porte du P�loponn�se. (44)i Les Perses se piquaient de bien boire. Nous avons vu ce m�me Cyrus. �crire aux Lac�d�moniens qu'il buvait beaucoup plus que son fr�ree Artaxerx�s, et qu'il portait mieux le vin. (45) C'est le jugement que nous avons vu Ag�silas et un roi scythe porter sur les Or�es d'Asie. (46) La pr�diction du devin ne se v�rifia que pour le g�n�ral. Les Ath�niens remport�rent une fameuse victoire. Ce fut dans cette occasion qu'ils con damn�rent � mort leurs g�n�raux, pour n'avoir pas fait enterrer les corps des Ath�niens tu�s � la bataille. (47) La r�ponse de Cl�om�ne ne peut avoir de sens que dans le grec. Elle est fond�e sur la diff�rence des deux verbes μαχεῖσθαι et ἀναμαχεῖσθαι qui y sont employ�s. Le premier signifie combattre, et le second, qui n'en diff�re que par les deux premi�res syllabes, veut dire, combattre de nouveau, et r�parer sa d�faite. (48) D�marate avait �t� chass� du tr�ne de Sparte, et c'�tait L�othychidas qu'on avait mis � sa place. (49) H�rodote, liv. 7, attribue celle r�ponse � un Spartiate nomm� Di�n�ce. (50) Il fit du territoire de Sparte neuf mille parts pour autant de citoyens. Celui de la Laconie fut divis� en trente mille portions pour les habitants de la campagne. (51) La monnaie de fer introduite par Lycurgue avait, au rapport de Plutarque dans la Vie de ce l�gislateur, une grosseur et un poids consid�rables, avec tr�s peu de valeur; en sorte, ajoute-t-il, que dix mines, c'est-�-dire environ 1,500 liv. de notre monnaie, remplissaient un grand coffre, et faisaient la charge d'une voilure tra�n�e par deux b�ufs. Au reste, les �gin�tes passaient pour les premiers qui avaient frapp� dans la Gr�ce des monnaies d'argent. La chronique de Paros en fixe la date � l'an 894 avant J.-C., environ vingt ans avant l'�poque des lois de Lycurgue. C'est pour cela que la mine �gin�te servit de base � ses estimions. (52) C'�tait Agis, premier du nom, qui, dans la guerre du P�loponn�se, ravagea l'Attique. (53) Pol�marque �tait le nom qu'on donnait au troisi�me archonte d'Ath�nes, lorsque ces magistrats �taient au nombre de neuf. Dans la suite, ce nom s'�tendit � d'autres officiers, qui �taient charges de la conduite des guerres, comme leur nom l'indique; cependant leur magistrature �tait plus civile que militaire. (54) Pausanias, liv. III, en parlant de celte chapelle qui subsistait de son temps, et dont il attribue aussi la fondation � Lycurgue, donne � Minerve le surnom d'Ophlltalmilide. (55) Ce passage est mutil�. J'ai suppl�� le trait d'histoire d'apr�s Plutarque, qui le rapporte tout entier dans la Vie de Lycurgue. Les mots en lettres italiques sont ceux que j'ai ajout�s. (56) Les combats proscrits �taient ceux du pancratium et du ceste, o� le vaincu demandait gr�ce en tendant les mains. (57) Il y eut dans l'antiquit� plusieurs divinit�s de ce nom. Celle dont il s'agi1 ici est Ino, fille de Cadmus, et femme d'Athamas, roi de Th�bes. Les Grecs lui donn�rent le nom de Leucoth�e, lorsqu'apr�s s'�tre pr�cipit�e dans la mer, Neptune m eut fait une divinit� divine. (58) Les d�pouilles de Mardonius port�rent � Sparte le premier germe de la cupidit�. En perdant le go�t de la pauvret�, les Spartiates perdirent leur vertu, et finirent par �tre opprim�s. (60) Lysandre veut faire entendre � cet homme que la v�ritable vertu se recommande assez d'elle-m�me. (61) La succession au tr�ne de Sparte �tait born�e aux deux branches de la post�rit� d'Hercule appel�es, l'une, les Agides, et l'autre, les Eurytionides. Lysandre, quoique descendant d'Hercule, n'�tait d'aucune de ces deux branches. Mais, apr�s les grands services qu'il avait rendus, si son plan �tait adopt�, il pensait bien qu'il remporterait sans peine sur tous les autres concurrents. (Diodore, liv. IV.) (62) Il para�t par cet endroit que les �phores pr�sidaient tour � tour leur coll�ge. (Voyez Frag. Rep. Laced., liv. Il, c. 4.) (63) Tyth�e �tait d'Ath�nes. Les Ath�niens l'envoy�rent aux Spartiates dans la seconde guerre de Mess�ne, et par la beaut� de ses vers, autant que par la sagesse de ses conseils, il releva leur courage, et les fit triompher. (64) C'�tait � la bataille de Plat�e, et cette admiration fut le premier germe de la cupidit�, et par cons�quent de la corruption des Spartiates. (65) Le grec dit μᾶζαν. Les auteurs varient beaucoup sur la signification de ce mot. Suidas dit que c'est une esp�ce de g�teau fait avec de la farine et du lait. Selon Ath�n�e, on donna d'abord ce nom � une nourriture commune faite avec de l'orge, pour l'usage du peuple. Mais ensuite, lorsqu'on la pr�para avec plus de soin, elle fut appel�e ματτύα. Ce qu'il y a de certain, c'est que celte nourriture �tait moins estim�e que le pain, et qu'ordinairement on la faisait avec de l'orge. C'est ce qu'on voit clairement dans Ath�n�e, qui dit que Solon ordonna qu'on serv�t cette nourriture � ceux qui mangeaient dans le Prytan�e, et qu'on leur donn�t du pain les jours de f�te. C'est ce qui m'a d�termin� � le traduire par pain bis. Car s�rement il ne s'agit pas ici du brouet noir des Spartiates, qui, comme nous le verrons bient�t, s'appellent en grec ζωμός. (66) Dans la guerre de B�otie, Lysandre, qui commandait une des arm�es de Lac�d�mone, et qui avait mis le si�ge devant Haliarle, �crivit � Pausanias de venir le joindre avec ses troupes. La lettre fut intercept�e, et Lysandre, oblig� de combattre seul, perdit la bataille, et fut tu�. Pausanias l'ayant appris, ne laissa pas de continuer sa marche; mais il ne crut pas prudent de risquer un second combat. A son retour, cit� par les �phores pour rendre compte de sa conduite, il refusa de compara�tre. Condamn� � mort, il se d�roba au supplice par la fuite, et se retira � T�g�e, en Arcadie, o� il mourut. (Voyez Plutarq. in vit. Lys.) (67) Il reproche a ce T�g�ate les m�urs corrompues de sa patrie, qui auraient eu besoin de la discipline de Sparte. (68) Le texte parait alt�r� en cet endroit, el les manuscrits ne donnent point de le�on diff�rente. (69) Les Mess�niens avaient une origine commune avec les Spartiates. Lelex, premier roi de Lac�d�mone, eut deux fils, dont l'a�n�, nomm� Myl�s, lui succ�da. Le second, appel� Polycaon, �pousa une Argienne nomm�e Mess�ne; cette femme d�termina son mari � faire, avec le secours des Spartiates et des Argiens, la conqu�te de la contr�e voisine. Il s'en empara, et l'appela Mess�nie, du nom de sa femme. La guerre dont il s'agit ici est la premi�re que les Lac�d�moniens aient faite contre les Mess�niens, d'abord sous la conduite d'Alcam�ne, leur roi, ensuite sous celle des rois Polydore et Th�opompe. Elle dura vingt ans, et finit par la r�duction de toute la Mess�nie. (70) Allusion au partage des terres par Lycurgue. Il veut dire que les Mess�niens et les Spartiates �tant fr�res, il �tait juste que les terres des premiers fussent partag�es comme l'�taient les terres des derniers. (71) Ce combat des trois cents se livra dans une guerre qui survint,sous le r�gne de Th�opompe,entre les Spartiates et les Argiens, au sujet d'un petit pays appel� Thyr�a, que ces derniers revendiquaient. Voyez-en les d�tails dans le premier livre d'H�rodote. (72) Ph�bidas, capitaine qui, dans la guerre des Spartiates contre les Th�bains, commandait un corps de troupes sous Ag�silas, et fut tu� dans une rencontre. (73) On sait d'ailleurs qu'il y eut parmi les rois de Sparte un Sous, coll�gue d'Agis, premier du nom, avec qui il soumit la ville d'H�los, vers l'an 1125 avant J.-C. (74) Les Clitoriens habitaient le milieu de l'Arcadie. Leur ville capitale s'appelait Clitore, du nom de Clitor, leur premier roi. Il y avait, dit-on, aupr�s, une fontaine dont l'eau donnait � ceux qui en avaient bu, le plus grand d�go�t du vin. (75) Selon M. Paucton, six oboles composaient la drachme attique, qui, comme je l'ai d�j� dit, valait environ 18 sous de notre monnaie. Ainsi, les quatre oboles valaient � peu pr�s 12 sous de la m�me �poque, en 1785. (76) Dans les premiers temps, on ne jouait point de la lyre sans plectrum ou archet. C'�tait une esp�ce de haguette d'ivoire, ou de bois poli, ou m�me d'ongle de ch�vre, plut�t que de m�tal, afin de m�nager les cordes. Le musicien le tenait de la main droite. Son nom vient du verbe grec πλήττειν, frapper. Le premier qui s'affranchit de la servitude du plectrum fut un certain Epigonus d'Ambracie, au rapport d'Ath�n�e, liv. IV, chap. 35. (77) Le seui instrument dont les Lac�d�moniens apprissent � jouer �tait la fl�te, parcequ'ils s'en servaient-ilans les combats. (78) Ce Spartiate veut dire, suivant �rasme, que ni les gens violents, ni les gens mous et eff�min�s, ne sont pas bien re�us � Lac�d�mone. (79) C'�taient des f�tes qu'on c�l�brait � Ath�nes en l'honneur de Minerve, et dont Apollodore attribue l'�tablissement � Erichton. Avant Th�s�e elles �taient particuli�res aux Ath�niens, et se nommaient simplement Ath�n�es. Mais ce prince les ayant rendues communes � tous les habitants de l'Attique, elles prirent d�s lors le nom de Panath�n�es. On les distinguait en grandes et petites. Les premi�res se c�l�braient tous les cinq ans, et les autres tous les ans. Elles duraient plusieurs jours. (80) La r�ponse du Lac�d�monien d�signe certains m�tiers tr�s malhonn�tes que les Ath�niens ne rougissaient pas de faire. (81) Celui d'avoir un courage sup�rieur � la crainte de la mort. Leucate �tait une �le de la mer d'Ionie, fameuse par son promontoire, d'o� se pr�cipitaient les gens malheureux en amour, et ceux qui d�siraient retrouver les parents qu'ils avaient perdus. On l'appelait Leucate � cause de la blancheur de ses roches. Apollon y avait un temple c�l�bre. (82) Lycophon, c'est un chardon cotoneux. C'�tait sans doute avec un duvet de ce chardon, qui est fort doux, que les Spartiates faisaient ces couvertures. (83) Ces vers iambes sont un fragment d'une esp�ce de chanson dont Tyrt�e para�t �tre l'auteur. Car Pollux dit que ce po�le institua chez les Lac�d�moniens, la danse � trois ch�urs, compos�e des enfants, des hommes et des vieillards. Tant que la r�publique de Sparte subsista, ces po�mes s'y conserv�rent, et on y maintint l'usage de les chanter dans les arm�es, lorsqu'elles marchaient � l'ennemi. Tyrt�e avait jet� dans les cinq livres d'anapestes que renfermait ce po�me, les maximes et les pens�es qui lui avaient sembl� les plus propres � ranimer la valeur des Lac�d�moniens, �teinte par tant de disgr�ces pr�c�dentes. (84) Terpandre �tait de Lesbos. Il fut appel� � Sparte par ordre de l'oracle pour y apaiser une s�dition. Il vivait peu de temps apr�s Lycurgue, dont il mit, dit-on, les lois en vers. Il remporta le premier prix de la musique aux jeux carn�ens. (85) Timoth�e �tait de Milet. Il avatl ajout� � la lyre une dixi�me et une onzi�me corde. Il eut ordre d'en retrancher quatre. Le d�cret rendu � ce sujet par les rois et les �phores �tait � peu pr�s du temps o� les Lac�d�moniens remport�rent � Egos-Potamos celle c�l�bre victoire qui les rendit ma�tres d'Ath�nes.
(86)
Ces jeux
avaient �t� institu�s � Lac�d�mone, la vingt-sixi�me olympiade, en l'honneur
d'Apollon. Ath�n�e dit qu'ils �taient une repr�sentation de la vie militaire. On
dressait des esp�ces de tent�s au nombre de neuf, qu'on appelait sciades,
du mot grec σκία, ombre. Dans chacune �taient neuf citoyens. Ils y venaient tous
manger successivement, � mesure que le h�raut
(87)
Lycurgue, (88) La couleur de pourpre �tait le symbole de la mort. Hom�re donne tr�s souvent � la mort l'�pith�te de pourpr�e. Les corps des morts �taient ordinairement envelopp�s dans des feuilles d'olivier, de myrte et de peuplier. Dans les sacrifices d'initiation aux myst�res, on portail des couronnes de ces diff�rents arbres, et l'on �tait v�tu de pourpre. Or, dans ces myst�res, il y avait beaucoup de choses qui se rapportaient � la vie future, et les initi�s �taient cens�s passer par un �tat de mort. Del� venait la conformit� de plusieurs des c�r�monies usit�es dans les initiations avec celles qui se pratiquaient � la s�pulture et aux sacrifices pour les morts. Au reste, ce que notre auteur dit, qu'il n'y avait dans cette mani�re d'ensevelir les morts de distinction pour personne, ne se trouve point dans la Vie de Lycurgue par Plutarque, el est d'ailleurs contredit par �lien, qui dit qu'on n'ensevelissait avec des feuilles d'olivier que les citoyens courageux, et que la robe de pourpre m�me n'�tait accord�e � ceux-ci que lorsqu'ils avaient donn� des preuves de la plus grande valeur. Ce que notre auteur ajoute, que Lycurgue abolit l'usage du deuil et des lamentations, doit encore �tre modifi� par le r�cit de Plutarque, qui, dans la Vie de ce l�gislateur, dit qu'il les borna � onze jours. (89) Ils pouvaient y parvenir par des mariages, ou par les testaments de leurs amis. (90) Val�re-Maxime pr�tend que ce fut � cause des traits obsc�nes et mordants qu'Archiloque avait r�pandus dans ses po�sies, qu'il fut chass� de Lac�d�mone. Les deux motifs peuvent y avoir concouru. Cependant, au rapport de Plutarque, ce po�te se donnait � la face de toute la Dr�ce pour un serviteur de Mars. (91) 1 H y a dans le grec παρυφὴν, esp�ce de broderie ou de bordure qui servait d'ornement aux habits. Tout ce passage est 1r�s difficile, et il a cl� traduit fort diversement par les diff�rents interpr�tes. (92) Ce passage a �t� rendu bien diversement par Xylandre et par Amyot. Le Pyl�e, suivant Suidas, �tait l'assembl�e des amphictyons qui se tenait � Pyles , o� chaque ville qui avait droit d'assister � ce conseil g�n�ral de la Gr�ce envoyait des d�putes qu'on appelait pylagores. Ce passage de Suidas semble favoriser la traduction d'Amyot. (93) Surnom donn� � Diane � Sparte. Dans les premiers temps, les Spartiates lui sacrifiaient tous les ans un homme. Dans la suite, Lycurgue substitua � cet usage barbare la flagellation jusqu'au sang, qu'on ex�cutait sur des enfants dont les plus �g�s avaient quatorze ou quinze ans. On les appelait Bomonices, victorieux � l'autel, de βῶμος, autel, et de νίκη, victoire. Plutarque, dans la Vie de Lycurgue, dit qu'on en voyait plusieurs expirer sous les coups. (94) Le but de Lycurgue, en d�fendant aux Spartiates toute esp�ce de travail, �tait de leur laisser le plaisir de se former aux exercices, et surtout d'acqu�rir les connaissances relatives � l'art militaire, vers lequel toute son institution �tait dirig�e. (95) Les Spartiates acquirent l'empire de la mer, la premi�re ann�e de la quatre-vingt-deuxi�me olympiade, et ils le perdirent dans la deuxi�me ann�e de la quatre-vingt-sixi�me, par la d�faite qu'ils essuy�rent aupr�s de Cnide. (96) Ce fut, comme je l'ai d�j� remarqu�, � la bataille de Plat�e, o� Pausanias et Aristide, l'un Spartiate et l'autre Ath�nien, d�firent Mardonius g�n�ral du roi Xerx�s, que les riches d�pouilles des Barbares firent la plus vive impression sur les Lac�d�moniens. (97) Ce fut apr�s la bataille de Leuctres, la deuxi�me ann�e de la cent deuxi�me olympiade, que les Lac�d�moniens perdirent celle sup�riorit� sur les autres peuples de la Gr�ce. Plusieurs auteurs, et Cic�ron entre autres, mettent sept cents ans, au lieu de cinq cents. Mais c'est qu'ils y comprennent le r�gne des premiers rois H�raclides, ant�rieurs � Lycurgue. (98) Ce fut vers l'an 219 avant J.-C. que la race d'Hercule finit de r�gner � Lac�d�mone. (99) Colonie grecque dans la Thrace. (100) Elle �tait femme du c�l�bre L�onidas, tu� aux Thermopyles. (101) Cl�om�ne, premier du nom, r�gnait � Sparte du temps de Darius, fils d'Hystaspe (102) Lorsque Gorgo dit � son p�re celte belle parole, elle n'�tait �g�e que de huit ou neuf ans. (103) In reconna�t l� le trait de Corn�lie, la m�re des Gracques. (104) C'�tait l'usage � Sparte de rapporter sur leurs boucliers les soldats qui avaient �t� tu�s � l'arm�e. (105) Horace a dit de m�me :
Dos est magna
parentium
La vertu des
parents est la plus belle dot. |