Papers by Sébastien Heiniger
Traduire, transposer, composer. Passages des arts verbaux extra-occidentaux en langue française, Mar 9, 2021
Traduire, transposer, composer. Passages des arts verbaux extra-occidentaux en langue française
L'entretien avec Madeleine Leclair revient sur l'expérience de traduction (du yor... more L'entretien avec Madeleine Leclair revient sur l'expérience de traduction (du yoruba vers le français) des paroles des chants liés au culte d'un orisha, au centre du Bénin. M. Leclair évoque la méthodologie utilisée et la valeur heuristique de l'expérience de traduction. http://www.fabula.org/colloques/document6960.php The interview with Madeleine Leclair discusses the experience of translating (from Yoruba into French) the lyrics of songs related to the cult of an orisha in central Benin. Leclair discusses the methodology used and the heuristic value of the translation experience. http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
ALTERNATIVE FRANCOPHONE
En 1966, à l’occasion du Festival mondial des arts nègres de Dakar, la revue Présence Africaine p... more En 1966, à l’occasion du Festival mondial des arts nègres de Dakar, la revue Présence Africaine publie son 57e numéro qui rassemble 144 poètes et 393 poèmes. Ouvrage collectif, la Nouvelle somme de poésie du monde noir est une anthologie plurilingue, rassemblant des poèmes écrits dans cinq langues différentes (français, anglais, portugais, espagnol et néerlandais). L’auteur ressaisit les intentions des anthologistes (Léon-Gontran Damas, Lamine Diakhaté, Abiola Irele et Virgílio de Lemos) et leurs conceptions de la « poésie du monde noir » à partir de l’appareil d’accompagnement et de l’organisation de la Nouvelle somme. Se manifeste une volonté de donner corps tant à une littérature (« la poésie du monde noir »), qu’à une communauté imaginée (« le monde noir »). Il indique ensuite les enjeux sous-jacents au projet de rassembler la poésie d’une nouvelle génération d’écrivains à l’occasion du Festival mondial des arts nègres et la tentative menée par Damas d’affilier la nouvelle génér...
Archipélies, 2022
Pourquoi Léopold Sédar Senghor intronise-t-il l'auteur de Batouala comme « précurseur de la Négri... more Pourquoi Léopold Sédar Senghor intronise-t-il l'auteur de Batouala comme « précurseur de la Négritude » ? L'auteur se penche sur quatre textes : L'Humanisme et nous : René Maran, Vues sur l'Afrique noire, ou assimiler et non être assimilés, Les plus beaux écrits de l'Union française et du Maghreb, et René Maran précurseur de la Négritude. En somme, Senghor cherche à édifier la Négritude comme l'aboutissement indépassable des mouvements anticoloniaux portés par les « hommes noirs ». N'incluant pas Maran dans les « représentants de la poésie néo-nègre de langue française », il le déclare précurseur pour circonscrire le groupe formé par les « militants de la Négritude ». Commentant la postface d'Éthiopiques et le terme « précurseur » qui s'y trouve, l'auteur montre, par une présentation du contexte colonial, pourquoi Senghor estime que Maran est un ouvreur de voie, mais n'est pas un annonciateur de la « Cité de demain » comme le sont les « poètes néo-nègres ».
Pourquoi, dans les conditions historiques étaient les siennes, Senghor a-t-il fondé son projet po... more Pourquoi, dans les conditions historiques étaient les siennes, Senghor a-t-il fondé son projet politique et poétique sur la notion de race ? Mettant à profit les recherches historiques récentes, cet ouvrage remet en question l’idée communément admise selon laquelle la négritude est un nationalisme culturel né de la résistance identitaire à l’assimilationnisme français. Il s’est agi de démontrer, en reconstruisant la vision projective que Senghor avait des avenirs possibles de l’Afrique française aux instants clés de la décolonisation, qu’il n’identifiait pas l’émancipation coloniale à la libération nationale, mais souhaitait l’avènement d’une République fédérale française. En somme, cet ouvrage met en évidence que, pour saisir le lien entre le projet politique et le projet poétique de Senghor, il est indispensable de comprendre sa théorie de la négritude à l’aune de son fédéralisme.
- Résumé court -
Pourquoi, dans les conditions historiques étaient les siennes, Senghor a-t-i... more - Résumé court -
Pourquoi, dans les conditions historiques étaient les siennes, Senghor a-t-il fondé son projet politique et poétique sur la notion de race ? Mettant à profit les recherches historiques récentes, cet ouvrage remet en question l’idée communément admise selon laquelle la négritude est un nationalisme culturel né de la résistance identitaire à l’assimilationnisme français. Il s’est agi de démontrer, en reconstruisant la vision projective que Senghor avait des avenirs possibles de l’Afrique française aux instants clés de la décolonisation, qu’il n’identifiait pas l’émancipation coloniale à la libération nationale, mais souhaitait l’avènement d’une République fédérale française. En somme, cet ouvrage met en évidence que, pour saisir le lien entre le projet politique et le projet poétique de Senghor, il est indispensable de comprendre sa théorie de la négritude à l’aune de son fédéralisme.
La première partie, intitulée « L’horizon des possibles en situation coloniale », montre que Senghor n’était pas indépendantiste. En tant que député à l’Assemblée nationale de la IVe République, il ne militait pas pour l’indépendance des peuples d’outre-mer, mais demandait qu’ils puissent accéder à l’autodétermination politique tout en restant des Français. La reconstruction du contexte historique dans lequel émerge sa pensée politique et poétique passe par une présentation du droit colonial français, présentation qui permet de décrire comment la France a conjugué l’incorporation et la différenciation de ses ressortissants, consolidé les hiérarchies coloniales et contrôlé les frontières sociales dans son empire. Il est ainsi démontré que la réflexion de Senghor se forme dans un système colonial qui justifiait la non-extension des droits politiques, civils et sociaux aux Français minuto jure par le fait qu’ils n’étaient pas membres de la « civilisation française ». Ainsi, contrairement aux autres puissances impériales, la France a fondé la ségrégation entre citoyens et indigènes (devenus citoyens de statut personnel en 1946) sur la différence culturelle et non sur la différence raciale. Cette particularité a permis à Senghor de se servir de la catégorie de « race » contre un égalitarisme héritier de la tradition révolutionnaire française qui conjoignaient assimilation et soumission au Code civil, tout en luttant contre les anti-assimilationnistes qui refusaient l’égalisation des statuts des citoyens issus de civilisations différentes.
Dans la seconde partie, intitulée « Fédéraliser pour décoloniser de la France », il est montré que Senghor propose l’instauration d’une République fédérale française comme solution au problème de la colonisation. Les définitions qu’il donne aux termes « civilisation » et « culture » sont présentées et mises en relation avec la question de la démocratie dans la France qui était en ce temps-là plurinationale et inégalitaire. Senghor soutient que les civilisations française et négro-africaine sont complémentaires et appelle à la suppression du système colonial ségrégationniste afin de permettre la pleine réalisation de la civilisation afro-française. De 1945 jusqu’au référendum de 1958, il demande l’application de réformes fédéralistes qui, selon lui, pérenniseraient l’Union française. Adoptant les termes du préambule de la Constitution de 1946 pour désigner par « Nation » le peuple souverain de la France et par « peuple » les communautés culturelles appelées à « développer leurs civilisations respectives », il présente une France qui serait une République fédérale et une Nation composée de peuples différents, mais égaux. Sa théorie de la négritude est à comprendre à la lumière de ce fédéralisme : son appel à réaliser la « communauté africaine » était inextricablement lié à son souhait de voir advenir la « communauté franco-africaine ».
La troisième partie, intitulée « Nous », montre le caractère complexe de la première personne du pluriel dans les textes et poèmes de Senghor : elle peut désigner « nous, les Négro-africains », « nous, les hommes » et, jusqu’en 1960, « nous, les Français ». L’étude de cette personne est d’autant plus intéressante quand Senghor aborde la question de l’Europe à l’Assemblée nationale. Dans des termes à peine voilés, il accuse ceux qui veulent fonder une Europe qui exclurait l’Afrique de lutter pour la survie de l’inégalité en France, alors que les membres du peuple français sont égaux selon la Constitution. La thématique de la réconciliation des peuples qui forment le « nous, Français égaux et fraternels » est au cœur du recueil Hosties noires. L’étude des poèmes montre que le processus de création du groupe y est toujours présenté comme l’élargissement d’un noyau central entièrement formé d’hommes noirs. Comme Senghor fait référence au corps mystique du Christ dans ses poèmes, ces derniers sont lus à la lumière du rite eucharistique afin de révéler que le poète adresse un appel à la repentance aux « hommes blancs » qu’il appelle « mes frères ». Cette partie se clôt par un chapitre intitulé « L’engagement poétique », lequel présente la mission que Senghor attribue au poète et montre comment ce fédéraliste conçoit l’art engagé. Il porte en particulier sur la postface du recueil Ethiopiques, intitulée « Comme les lamantins vont boire à la source », laquelle est communément considérée comme son art poétique. Or le fait que cette postface contient une apologie de la République fédérale française n’a jusqu’ici jamais été remarqué, alors que sa rédaction est contemporaine à celle de la loi-cadre Defferre qui sonne le glas du projet fédéraliste de Senghor. Ce manquement explique pourquoi cette postface a été erronément comprise comme une exaltation du retour aux sources et à la tradition africaine. Il s’est alors agi d’expliquer la phrase suivante : « Il m’a donc suffi de nommer les choses [du Royaume d’Enfance], les éléments de mon univers enfantin, pour prophétiser la Cité de demain, qui renaîtra des cendres de l’ancienne, ce qui est la mission du Poète » et de mettre en évidence le substrat politique de l’affirmation : « Notre ambition est modeste : elle est d’être des précurseurs, d’ouvrir la voie à une authentique poésie nègre, qui ne renonce pas, pour autant, à être française » . La « mission du Poète », telle que Senghor la définit en 1956, est de prophétiser la communauté politique française et pluriethnique que sera la « Cité de demain » en créant une poésie qui la préfigure. L’hypothèse proposée en fin de chapitre est que la désagrégation de la Communauté française donne naissance à ladite « littérature francophone », laquelle est comprise comme projet de défense et d’illustration d’identités culturelles, alors qu’elle était la préfiguration d’une communauté politique plurinationale, égalitaire et française chez Senghor.
La conclusion se penche sur l’émergence progressive d’une « question noire » en France à la suite de la promulgation de la loi Taubira en mai 2001. La question de la pertinence de lire Senghor, qui fut parmi les premiers à affirmer que certains Français sont de « race noire », est ensuite posée. À l’heure du combat entre refus et exigence de repentance, le lire révèle qu’il n’y avait pas de solution facile au problème de la colonisation, comme il n’y en a pas pour nos problèmes postcoloniaux. Senghor plaçait son espoir dans la poésie : réparateurs de la communion des hommes et prémices de la Cité à venir, les poèmes nègres de langue française étaient le signe que la communauté franco-africaine pouvait être fondée sur la remémoration des offenses pardonnées.
Quêtes littéraires
Léopold Sédar Senghor était un penseur et poète de la Négritude, et il était aussi un homme polit... more Léopold Sédar Senghor était un penseur et poète de la Négritude, et il était aussi un homme politique, député à l’Assemblée nationale française dans un contexte où la décolonisation était inéluctable. Avec le soutien théorique de Paul Ricœur, cet article explore l’utopie chez Senghor pour réfléchir à la fonction qu’occupent ces lieux irréels dans sa pensée et restaurer la vision de l’avenir qui était la sienne. Figures de son eutopia, tant le Royaume du Sine que la France Confédérée se proposaient comme communautés harmonieuses à l’aune desquelles imaginer l’avenir. Si Senghor ne défie pas l’idéologie coloniale avec une utopie conservatrice, où le Royaume du Sine retrouverait sa forme ancienne, mais bien avec celle d’une France décolonisée parce que fédérale, où il existerait une égalité de droits politiques, civiques et sociaux entre membres de cet État plurinational, la question de savoir s’il était utopiste demeure.
Fabula / Les colloques , 2021
URL : http://www.fabula.org/colloques/document6945.php
Cet article s’interroge sur l’absence d’u... more URL : http://www.fabula.org/colloques/document6945.php
Cet article s’interroge sur l’absence d’une réflexion approfondie sur la traduction dans la pensée de Senghor. Il montre que la notion de traduction est d’abord métaphorique dans la négritude senghorienne. À partir d’une relecture de la fameuse postface d’Éthiopiques, publiée en 1956, il explique les raisons pour lesquelles considérer la « nouvelle poésie nègre de langue française » comme transposition des arts verbaux de la « tradition africaine » était incompatible avec le projet politique défendu par Senghor à l’Assemblée nationale de la IVe République.
« “Il nous faut comprendre ce futur noué comme un poème pour nos yeux illettrés” : ville créole et poétique du Divers dans Texaco de Patrick Chamoiseau», Versants. Revue suisse des littératures romanes, n°60:1 (« Le conflit urbain »), 2013, pp. 27-39. , 2013
Je montre dans cet article que l’urbaniste (un personnage dont les notes portant sur l’urbanisme ... more Je montre dans cet article que l’urbaniste (un personnage dont les notes portant sur l’urbanisme créole sont inscrites dans le corps du texte) est une figure du lecteur. Ainsi, par le biais de ce personnage, Chamoiseau indique à son lecteur comment il souhaite que son livre soit lu. Il importe moins de dénouer l’énigme de Texaco que de se laisser transformer par la fréquentation du mystère.
« Les “chair-mots-de-passe” de Sony Labou Tansi », Po&sie, vol. 165-166, no. 3, 2018, pp. 189-206. , 2018
Je me suis penché sur le roman La vie et demie de l’auteur congolais Sony Labou Tansi. J’ai montr... more Je me suis penché sur le roman La vie et demie de l’auteur congolais Sony Labou Tansi. J’ai montré qu’une littérature engagée est figurée dans le roman. Nommée « l’évangile de Martial », elle circule de main en main et est créée une communauté de lecteurs martyrisée par le pouvoir dictatorial. Contre la critique littéraire qui soutient que ce roman est sans structure logique, j’ai montré que le récit est sous-tendu par la structure narrative de L’Apocalypse de Jean de Patmos.
« Humour malinké », Libretos : Ahmadou Kourouma & CIE. Retour sur les discours postcoloniaux fondateurs relectures, ressourcements et palabres, Instituto de literatura comparada Margarida Losa, 2014, pp.33-45., 2014
Cet article est une lecture de Les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma qui cherche à met... more Cet article est une lecture de Les Soleils des indépendances d'Ahmadou Kourouma qui cherche à mettre en lumière une forme particulière d'humour, propre aux narrateur et personnages du roman de Kourouma, et qualifiée de "malinké". Il s'agit de comprendre la fonction de cet humour dans la communauté mise en scène par le récit et d'exposer de la sorte le socle axiologique sur lequel celle-ci est édifiée. L'objectif poursuivi est double. Premièrement, l'auteur de l'article soutient qu'une lecture de ce roman qui n'est pas faite au prisme de la relation ex-colonie à Métropole, telle celle qui a gravité autour du thème de la "malinkisation de la langue française", permet une interprétation plus riche des objectifs poursuivis par l'auteur. Ensuite, cette étude cherche à nuancer le pessimisme habituellement perçu chez Kourouma et de montrer un attachement au devenir de l'Afrique postcoloniale, lequel se traduit par des appels à un usage responsable de la parole, afin que celle-ci soit utilisée à des fins d'édification et de maintien de la communauté entre les hommes. Abstract: This article is a reading of Ahmadou Kourouma's Les Soleils des indépendances, which describes a particular sort of humour, here called and here called "Malinke".
Thesis Chapters by Sébastien Heiniger
Résumé de thèse - version 20p
Résumé de la thèse - version 2p
Conference Presentations by Sébastien Heiniger
Fabula / Les colloques, 2021
L'entretien avec Madeleine Leclair revient sur l'expérience de traduction (du yoruba vers le fran... more L'entretien avec Madeleine Leclair revient sur l'expérience de traduction (du yoruba vers le français) des paroles des chants liés au culte d'un orisha, au centre du Bénin. M. Leclair évoque la méthodologie utilisée et la valeur heuristique de l'expérience de traduction.
http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
The interview with Madeleine Leclair discusses the experience of translating (from Yoruba into French) the lyrics of songs related to the cult of an orisha in central Benin. Leclair discusses the methodology used and the heuristic value of the translation experience.
http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
Books by Sébastien Heiniger
Decolonization, federalism and poetry in Léopold Sédar Senghor’s works
Summary:
Why, under the... more Decolonization, federalism and poetry in Léopold Sédar Senghor’s works
Summary:
Why, under the historical conditions he faced, did Senghor base his political and poetic project on the notion of race? Drawing on recent historical research, this thesis challenges the commonly held view that negritude is a cultural nationalism born of identity-based resistance to French assimilationism. It has attempted to demonstrate, by reconstructing Senghor's projective vision of the possible futures of French Africa at key moments of decolonization, that he did not identify colonial emancipation with national liberation, but desired the advent of a French federal republic. In sum, this thesis shows that in order to understand the link between Senghor's political and poetic projects, it is essential to understand his theory of negritude in the light of his federalism.
The first part of the thesis, entitled “The Horizon of Possibilities in a Colonial Situation”, shows that Senghor did not promote independentism. As a deputy in the National Assembly of the Fourth Republic, he did not advocate for the independence of overseas peoples, but asked that they be able to achieve political self-determination while remaining French. The reconstruction of the historical context in which his political and poetic thought emerges involves a presentation of French colonial law, a presentation that makes it possible to describe how France combined incorporation and differentiation of its nationals, consolidated colonial hierarchies and controlled social boundaries in its empire. It is thus shown that Senghor's thinking is shaped in a colonial system that justified the non-extension of political, civil and social rights to the French minuto jure by the fact that they were not members of the “French civilization”. Thus, unlike other imperial powers, France based the segregation between citizens and indigènes (who became citoyens de statut personnel local in 1946) on cultural difference and not on racial difference. This particularity allowed Senghor to use the category of “race” against an egalitarianism inherited from the French revolutionary tradition that combined assimilation and submission to the Civil Code, while fighting against anti-assimilationists who refused the equalization of the status of citizens who were members of different civilizations.
In the second part, entitled “Federalizing to Decolonize France” it is shown that Senghor proposes the establishment of a federal French Republic as the solution to the problem of colonization. His definitions of “civilization” and “culture” are presented and related to the question of democracy in France, which at the time was a plurinational and inegalitarian state. Senghor argues that the French civilization and the Black African civilization (“civilization négro-africaine”) are complementary and calls for the abolition of the colonial segregationist system in order to allow the full realization of the Afro-French civilization. From 1945 until the 1958 referendum, he called for the implementation of federalist reforms which, in his opinion, would perpetuate the French Union. Adopting the terms of the preamble of the Constitution of 1946 to designate by “Nation” the sovereign people of France and by “people” the cultural communities called to “develop their respective civilizations”, he presents a France that would be a federal Republic and a Nation composed of different but equal peoples. His theory of negritude is to be understood in the light of this federalism: his call for the realization of the “African community” was inextricably linked to his wish to see the emergence of the “Franco-African community”.
The third part of the thesis, entitled “We”, shows the complex character of the first person plural in Senghor's texts and poems: it can designate “we, the Negro-Africans”, “we, mankind” and, until 1960, “we, the French”. The study of this person is all the more interesting when Senghor addresses the question of Europe in the National Assembly. In barely veiled terms, he accuses those who want to found a Europe that would exclude Africa of fighting for the survival of inequality in France, whereas the members of the French people are equal according to the Constitution. The theme of the reconciliation of the peoples who form the “we, equal and fraternal French” is at the heart of the collection of poems entitled Hosties noires. The study of the poems shows that the process of creation of this “we” is always presented as the enlargement of a central core entirely formed by black men. As Senghor refers to the mystical body of Christ in his poems, the poems are read in light of the Eucharistic rite to reveal that the poet is addressing a call to repentance to the “white men” whom he calls “my brothers”. This section closes with a chapter entitled “Poetic commitment (engagement)”, which presents the mission Senghor attributes to the poet and shows how this federalist conceives committed art. It focuses in particular on the afterword to Ethiopiques, entitled “As manatees go to drink from the spring”, which is commonly regarded as the where he exposes his poetics. The fact that this afterword contains an apology for the French Federal Republic has never been noticed, even though it was written at the same time as the loi-cadre Defferre, which sounded the death knell for Senghor's federalist project. The non-realization of his utopia explains why this afterword has been misunderstood as an exaltation of the return to African sources and tradition. It was then a matter of explaining Senghor's following sentence: “It was therefore enough for me to name the things [of the Kingdom of Childhood], the elements of my childish universe, to prophesy the City of tomorrow, which will be reborn from the ashes of the old one, which is the mission of the Poet” and to highlight the political substratum of the statement: “Our ambition is modest: it is to be precursors, to open the way to an authentic negro poetry, which does not renounce, for all that, to be French” . The “mission of the Poet”, as Senghor defined it in 1956, is to prophesy the French and pluri-national political community that will be the “City of Tomorrow” by creating a poetry that prefigures it. The hypothesis proposed at the end of the chapter is that the disintegration of the French Community gives rise to the so-called “francophone literature”, which is understood as a project of defense and illustration of cultural identities, whereas it was the prefiguration of a pluri-national, egalitarian and French political community for Senghor.
The conclusion looks at the gradual emergence of a “black question” in France following the enactment of the Taubira law in May 2001. The question of the relevance of reading Senghor, who was among the first to assert that some French people are of the “black race”, is then raised. At a time of struggle between refusal and demand for repentance, reading Senghor reveals that there was no easy solution to the problem of colonization, just as there is none for our post-colonial problems. Senghor placed his hope in poetry: as repairers of the communion of men and the first fruits of the City to come, French-language negro poems were a sign that the Franco-African community could be founded on the remembrance of forgiven offenses.
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Papers by Sébastien Heiniger
Pourquoi, dans les conditions historiques étaient les siennes, Senghor a-t-il fondé son projet politique et poétique sur la notion de race ? Mettant à profit les recherches historiques récentes, cet ouvrage remet en question l’idée communément admise selon laquelle la négritude est un nationalisme culturel né de la résistance identitaire à l’assimilationnisme français. Il s’est agi de démontrer, en reconstruisant la vision projective que Senghor avait des avenirs possibles de l’Afrique française aux instants clés de la décolonisation, qu’il n’identifiait pas l’émancipation coloniale à la libération nationale, mais souhaitait l’avènement d’une République fédérale française. En somme, cet ouvrage met en évidence que, pour saisir le lien entre le projet politique et le projet poétique de Senghor, il est indispensable de comprendre sa théorie de la négritude à l’aune de son fédéralisme.
La première partie, intitulée « L’horizon des possibles en situation coloniale », montre que Senghor n’était pas indépendantiste. En tant que député à l’Assemblée nationale de la IVe République, il ne militait pas pour l’indépendance des peuples d’outre-mer, mais demandait qu’ils puissent accéder à l’autodétermination politique tout en restant des Français. La reconstruction du contexte historique dans lequel émerge sa pensée politique et poétique passe par une présentation du droit colonial français, présentation qui permet de décrire comment la France a conjugué l’incorporation et la différenciation de ses ressortissants, consolidé les hiérarchies coloniales et contrôlé les frontières sociales dans son empire. Il est ainsi démontré que la réflexion de Senghor se forme dans un système colonial qui justifiait la non-extension des droits politiques, civils et sociaux aux Français minuto jure par le fait qu’ils n’étaient pas membres de la « civilisation française ». Ainsi, contrairement aux autres puissances impériales, la France a fondé la ségrégation entre citoyens et indigènes (devenus citoyens de statut personnel en 1946) sur la différence culturelle et non sur la différence raciale. Cette particularité a permis à Senghor de se servir de la catégorie de « race » contre un égalitarisme héritier de la tradition révolutionnaire française qui conjoignaient assimilation et soumission au Code civil, tout en luttant contre les anti-assimilationnistes qui refusaient l’égalisation des statuts des citoyens issus de civilisations différentes.
Dans la seconde partie, intitulée « Fédéraliser pour décoloniser de la France », il est montré que Senghor propose l’instauration d’une République fédérale française comme solution au problème de la colonisation. Les définitions qu’il donne aux termes « civilisation » et « culture » sont présentées et mises en relation avec la question de la démocratie dans la France qui était en ce temps-là plurinationale et inégalitaire. Senghor soutient que les civilisations française et négro-africaine sont complémentaires et appelle à la suppression du système colonial ségrégationniste afin de permettre la pleine réalisation de la civilisation afro-française. De 1945 jusqu’au référendum de 1958, il demande l’application de réformes fédéralistes qui, selon lui, pérenniseraient l’Union française. Adoptant les termes du préambule de la Constitution de 1946 pour désigner par « Nation » le peuple souverain de la France et par « peuple » les communautés culturelles appelées à « développer leurs civilisations respectives », il présente une France qui serait une République fédérale et une Nation composée de peuples différents, mais égaux. Sa théorie de la négritude est à comprendre à la lumière de ce fédéralisme : son appel à réaliser la « communauté africaine » était inextricablement lié à son souhait de voir advenir la « communauté franco-africaine ».
La troisième partie, intitulée « Nous », montre le caractère complexe de la première personne du pluriel dans les textes et poèmes de Senghor : elle peut désigner « nous, les Négro-africains », « nous, les hommes » et, jusqu’en 1960, « nous, les Français ». L’étude de cette personne est d’autant plus intéressante quand Senghor aborde la question de l’Europe à l’Assemblée nationale. Dans des termes à peine voilés, il accuse ceux qui veulent fonder une Europe qui exclurait l’Afrique de lutter pour la survie de l’inégalité en France, alors que les membres du peuple français sont égaux selon la Constitution. La thématique de la réconciliation des peuples qui forment le « nous, Français égaux et fraternels » est au cœur du recueil Hosties noires. L’étude des poèmes montre que le processus de création du groupe y est toujours présenté comme l’élargissement d’un noyau central entièrement formé d’hommes noirs. Comme Senghor fait référence au corps mystique du Christ dans ses poèmes, ces derniers sont lus à la lumière du rite eucharistique afin de révéler que le poète adresse un appel à la repentance aux « hommes blancs » qu’il appelle « mes frères ». Cette partie se clôt par un chapitre intitulé « L’engagement poétique », lequel présente la mission que Senghor attribue au poète et montre comment ce fédéraliste conçoit l’art engagé. Il porte en particulier sur la postface du recueil Ethiopiques, intitulée « Comme les lamantins vont boire à la source », laquelle est communément considérée comme son art poétique. Or le fait que cette postface contient une apologie de la République fédérale française n’a jusqu’ici jamais été remarqué, alors que sa rédaction est contemporaine à celle de la loi-cadre Defferre qui sonne le glas du projet fédéraliste de Senghor. Ce manquement explique pourquoi cette postface a été erronément comprise comme une exaltation du retour aux sources et à la tradition africaine. Il s’est alors agi d’expliquer la phrase suivante : « Il m’a donc suffi de nommer les choses [du Royaume d’Enfance], les éléments de mon univers enfantin, pour prophétiser la Cité de demain, qui renaîtra des cendres de l’ancienne, ce qui est la mission du Poète » et de mettre en évidence le substrat politique de l’affirmation : « Notre ambition est modeste : elle est d’être des précurseurs, d’ouvrir la voie à une authentique poésie nègre, qui ne renonce pas, pour autant, à être française » . La « mission du Poète », telle que Senghor la définit en 1956, est de prophétiser la communauté politique française et pluriethnique que sera la « Cité de demain » en créant une poésie qui la préfigure. L’hypothèse proposée en fin de chapitre est que la désagrégation de la Communauté française donne naissance à ladite « littérature francophone », laquelle est comprise comme projet de défense et d’illustration d’identités culturelles, alors qu’elle était la préfiguration d’une communauté politique plurinationale, égalitaire et française chez Senghor.
La conclusion se penche sur l’émergence progressive d’une « question noire » en France à la suite de la promulgation de la loi Taubira en mai 2001. La question de la pertinence de lire Senghor, qui fut parmi les premiers à affirmer que certains Français sont de « race noire », est ensuite posée. À l’heure du combat entre refus et exigence de repentance, le lire révèle qu’il n’y avait pas de solution facile au problème de la colonisation, comme il n’y en a pas pour nos problèmes postcoloniaux. Senghor plaçait son espoir dans la poésie : réparateurs de la communion des hommes et prémices de la Cité à venir, les poèmes nègres de langue française étaient le signe que la communauté franco-africaine pouvait être fondée sur la remémoration des offenses pardonnées.
Cet article s’interroge sur l’absence d’une réflexion approfondie sur la traduction dans la pensée de Senghor. Il montre que la notion de traduction est d’abord métaphorique dans la négritude senghorienne. À partir d’une relecture de la fameuse postface d’Éthiopiques, publiée en 1956, il explique les raisons pour lesquelles considérer la « nouvelle poésie nègre de langue française » comme transposition des arts verbaux de la « tradition africaine » était incompatible avec le projet politique défendu par Senghor à l’Assemblée nationale de la IVe République.
Thesis Chapters by Sébastien Heiniger
Conference Presentations by Sébastien Heiniger
http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
The interview with Madeleine Leclair discusses the experience of translating (from Yoruba into French) the lyrics of songs related to the cult of an orisha in central Benin. Leclair discusses the methodology used and the heuristic value of the translation experience.
http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
Books by Sébastien Heiniger
Summary:
Why, under the historical conditions he faced, did Senghor base his political and poetic project on the notion of race? Drawing on recent historical research, this thesis challenges the commonly held view that negritude is a cultural nationalism born of identity-based resistance to French assimilationism. It has attempted to demonstrate, by reconstructing Senghor's projective vision of the possible futures of French Africa at key moments of decolonization, that he did not identify colonial emancipation with national liberation, but desired the advent of a French federal republic. In sum, this thesis shows that in order to understand the link between Senghor's political and poetic projects, it is essential to understand his theory of negritude in the light of his federalism.
The first part of the thesis, entitled “The Horizon of Possibilities in a Colonial Situation”, shows that Senghor did not promote independentism. As a deputy in the National Assembly of the Fourth Republic, he did not advocate for the independence of overseas peoples, but asked that they be able to achieve political self-determination while remaining French. The reconstruction of the historical context in which his political and poetic thought emerges involves a presentation of French colonial law, a presentation that makes it possible to describe how France combined incorporation and differentiation of its nationals, consolidated colonial hierarchies and controlled social boundaries in its empire. It is thus shown that Senghor's thinking is shaped in a colonial system that justified the non-extension of political, civil and social rights to the French minuto jure by the fact that they were not members of the “French civilization”. Thus, unlike other imperial powers, France based the segregation between citizens and indigènes (who became citoyens de statut personnel local in 1946) on cultural difference and not on racial difference. This particularity allowed Senghor to use the category of “race” against an egalitarianism inherited from the French revolutionary tradition that combined assimilation and submission to the Civil Code, while fighting against anti-assimilationists who refused the equalization of the status of citizens who were members of different civilizations.
In the second part, entitled “Federalizing to Decolonize France” it is shown that Senghor proposes the establishment of a federal French Republic as the solution to the problem of colonization. His definitions of “civilization” and “culture” are presented and related to the question of democracy in France, which at the time was a plurinational and inegalitarian state. Senghor argues that the French civilization and the Black African civilization (“civilization négro-africaine”) are complementary and calls for the abolition of the colonial segregationist system in order to allow the full realization of the Afro-French civilization. From 1945 until the 1958 referendum, he called for the implementation of federalist reforms which, in his opinion, would perpetuate the French Union. Adopting the terms of the preamble of the Constitution of 1946 to designate by “Nation” the sovereign people of France and by “people” the cultural communities called to “develop their respective civilizations”, he presents a France that would be a federal Republic and a Nation composed of different but equal peoples. His theory of negritude is to be understood in the light of this federalism: his call for the realization of the “African community” was inextricably linked to his wish to see the emergence of the “Franco-African community”.
The third part of the thesis, entitled “We”, shows the complex character of the first person plural in Senghor's texts and poems: it can designate “we, the Negro-Africans”, “we, mankind” and, until 1960, “we, the French”. The study of this person is all the more interesting when Senghor addresses the question of Europe in the National Assembly. In barely veiled terms, he accuses those who want to found a Europe that would exclude Africa of fighting for the survival of inequality in France, whereas the members of the French people are equal according to the Constitution. The theme of the reconciliation of the peoples who form the “we, equal and fraternal French” is at the heart of the collection of poems entitled Hosties noires. The study of the poems shows that the process of creation of this “we” is always presented as the enlargement of a central core entirely formed by black men. As Senghor refers to the mystical body of Christ in his poems, the poems are read in light of the Eucharistic rite to reveal that the poet is addressing a call to repentance to the “white men” whom he calls “my brothers”. This section closes with a chapter entitled “Poetic commitment (engagement)”, which presents the mission Senghor attributes to the poet and shows how this federalist conceives committed art. It focuses in particular on the afterword to Ethiopiques, entitled “As manatees go to drink from the spring”, which is commonly regarded as the where he exposes his poetics. The fact that this afterword contains an apology for the French Federal Republic has never been noticed, even though it was written at the same time as the loi-cadre Defferre, which sounded the death knell for Senghor's federalist project. The non-realization of his utopia explains why this afterword has been misunderstood as an exaltation of the return to African sources and tradition. It was then a matter of explaining Senghor's following sentence: “It was therefore enough for me to name the things [of the Kingdom of Childhood], the elements of my childish universe, to prophesy the City of tomorrow, which will be reborn from the ashes of the old one, which is the mission of the Poet” and to highlight the political substratum of the statement: “Our ambition is modest: it is to be precursors, to open the way to an authentic negro poetry, which does not renounce, for all that, to be French” . The “mission of the Poet”, as Senghor defined it in 1956, is to prophesy the French and pluri-national political community that will be the “City of Tomorrow” by creating a poetry that prefigures it. The hypothesis proposed at the end of the chapter is that the disintegration of the French Community gives rise to the so-called “francophone literature”, which is understood as a project of defense and illustration of cultural identities, whereas it was the prefiguration of a pluri-national, egalitarian and French political community for Senghor.
The conclusion looks at the gradual emergence of a “black question” in France following the enactment of the Taubira law in May 2001. The question of the relevance of reading Senghor, who was among the first to assert that some French people are of the “black race”, is then raised. At a time of struggle between refusal and demand for repentance, reading Senghor reveals that there was no easy solution to the problem of colonization, just as there is none for our post-colonial problems. Senghor placed his hope in poetry: as repairers of the communion of men and the first fruits of the City to come, French-language negro poems were a sign that the Franco-African community could be founded on the remembrance of forgiven offenses.
Pourquoi, dans les conditions historiques étaient les siennes, Senghor a-t-il fondé son projet politique et poétique sur la notion de race ? Mettant à profit les recherches historiques récentes, cet ouvrage remet en question l’idée communément admise selon laquelle la négritude est un nationalisme culturel né de la résistance identitaire à l’assimilationnisme français. Il s’est agi de démontrer, en reconstruisant la vision projective que Senghor avait des avenirs possibles de l’Afrique française aux instants clés de la décolonisation, qu’il n’identifiait pas l’émancipation coloniale à la libération nationale, mais souhaitait l’avènement d’une République fédérale française. En somme, cet ouvrage met en évidence que, pour saisir le lien entre le projet politique et le projet poétique de Senghor, il est indispensable de comprendre sa théorie de la négritude à l’aune de son fédéralisme.
La première partie, intitulée « L’horizon des possibles en situation coloniale », montre que Senghor n’était pas indépendantiste. En tant que député à l’Assemblée nationale de la IVe République, il ne militait pas pour l’indépendance des peuples d’outre-mer, mais demandait qu’ils puissent accéder à l’autodétermination politique tout en restant des Français. La reconstruction du contexte historique dans lequel émerge sa pensée politique et poétique passe par une présentation du droit colonial français, présentation qui permet de décrire comment la France a conjugué l’incorporation et la différenciation de ses ressortissants, consolidé les hiérarchies coloniales et contrôlé les frontières sociales dans son empire. Il est ainsi démontré que la réflexion de Senghor se forme dans un système colonial qui justifiait la non-extension des droits politiques, civils et sociaux aux Français minuto jure par le fait qu’ils n’étaient pas membres de la « civilisation française ». Ainsi, contrairement aux autres puissances impériales, la France a fondé la ségrégation entre citoyens et indigènes (devenus citoyens de statut personnel en 1946) sur la différence culturelle et non sur la différence raciale. Cette particularité a permis à Senghor de se servir de la catégorie de « race » contre un égalitarisme héritier de la tradition révolutionnaire française qui conjoignaient assimilation et soumission au Code civil, tout en luttant contre les anti-assimilationnistes qui refusaient l’égalisation des statuts des citoyens issus de civilisations différentes.
Dans la seconde partie, intitulée « Fédéraliser pour décoloniser de la France », il est montré que Senghor propose l’instauration d’une République fédérale française comme solution au problème de la colonisation. Les définitions qu’il donne aux termes « civilisation » et « culture » sont présentées et mises en relation avec la question de la démocratie dans la France qui était en ce temps-là plurinationale et inégalitaire. Senghor soutient que les civilisations française et négro-africaine sont complémentaires et appelle à la suppression du système colonial ségrégationniste afin de permettre la pleine réalisation de la civilisation afro-française. De 1945 jusqu’au référendum de 1958, il demande l’application de réformes fédéralistes qui, selon lui, pérenniseraient l’Union française. Adoptant les termes du préambule de la Constitution de 1946 pour désigner par « Nation » le peuple souverain de la France et par « peuple » les communautés culturelles appelées à « développer leurs civilisations respectives », il présente une France qui serait une République fédérale et une Nation composée de peuples différents, mais égaux. Sa théorie de la négritude est à comprendre à la lumière de ce fédéralisme : son appel à réaliser la « communauté africaine » était inextricablement lié à son souhait de voir advenir la « communauté franco-africaine ».
La troisième partie, intitulée « Nous », montre le caractère complexe de la première personne du pluriel dans les textes et poèmes de Senghor : elle peut désigner « nous, les Négro-africains », « nous, les hommes » et, jusqu’en 1960, « nous, les Français ». L’étude de cette personne est d’autant plus intéressante quand Senghor aborde la question de l’Europe à l’Assemblée nationale. Dans des termes à peine voilés, il accuse ceux qui veulent fonder une Europe qui exclurait l’Afrique de lutter pour la survie de l’inégalité en France, alors que les membres du peuple français sont égaux selon la Constitution. La thématique de la réconciliation des peuples qui forment le « nous, Français égaux et fraternels » est au cœur du recueil Hosties noires. L’étude des poèmes montre que le processus de création du groupe y est toujours présenté comme l’élargissement d’un noyau central entièrement formé d’hommes noirs. Comme Senghor fait référence au corps mystique du Christ dans ses poèmes, ces derniers sont lus à la lumière du rite eucharistique afin de révéler que le poète adresse un appel à la repentance aux « hommes blancs » qu’il appelle « mes frères ». Cette partie se clôt par un chapitre intitulé « L’engagement poétique », lequel présente la mission que Senghor attribue au poète et montre comment ce fédéraliste conçoit l’art engagé. Il porte en particulier sur la postface du recueil Ethiopiques, intitulée « Comme les lamantins vont boire à la source », laquelle est communément considérée comme son art poétique. Or le fait que cette postface contient une apologie de la République fédérale française n’a jusqu’ici jamais été remarqué, alors que sa rédaction est contemporaine à celle de la loi-cadre Defferre qui sonne le glas du projet fédéraliste de Senghor. Ce manquement explique pourquoi cette postface a été erronément comprise comme une exaltation du retour aux sources et à la tradition africaine. Il s’est alors agi d’expliquer la phrase suivante : « Il m’a donc suffi de nommer les choses [du Royaume d’Enfance], les éléments de mon univers enfantin, pour prophétiser la Cité de demain, qui renaîtra des cendres de l’ancienne, ce qui est la mission du Poète » et de mettre en évidence le substrat politique de l’affirmation : « Notre ambition est modeste : elle est d’être des précurseurs, d’ouvrir la voie à une authentique poésie nègre, qui ne renonce pas, pour autant, à être française » . La « mission du Poète », telle que Senghor la définit en 1956, est de prophétiser la communauté politique française et pluriethnique que sera la « Cité de demain » en créant une poésie qui la préfigure. L’hypothèse proposée en fin de chapitre est que la désagrégation de la Communauté française donne naissance à ladite « littérature francophone », laquelle est comprise comme projet de défense et d’illustration d’identités culturelles, alors qu’elle était la préfiguration d’une communauté politique plurinationale, égalitaire et française chez Senghor.
La conclusion se penche sur l’émergence progressive d’une « question noire » en France à la suite de la promulgation de la loi Taubira en mai 2001. La question de la pertinence de lire Senghor, qui fut parmi les premiers à affirmer que certains Français sont de « race noire », est ensuite posée. À l’heure du combat entre refus et exigence de repentance, le lire révèle qu’il n’y avait pas de solution facile au problème de la colonisation, comme il n’y en a pas pour nos problèmes postcoloniaux. Senghor plaçait son espoir dans la poésie : réparateurs de la communion des hommes et prémices de la Cité à venir, les poèmes nègres de langue française étaient le signe que la communauté franco-africaine pouvait être fondée sur la remémoration des offenses pardonnées.
Cet article s’interroge sur l’absence d’une réflexion approfondie sur la traduction dans la pensée de Senghor. Il montre que la notion de traduction est d’abord métaphorique dans la négritude senghorienne. À partir d’une relecture de la fameuse postface d’Éthiopiques, publiée en 1956, il explique les raisons pour lesquelles considérer la « nouvelle poésie nègre de langue française » comme transposition des arts verbaux de la « tradition africaine » était incompatible avec le projet politique défendu par Senghor à l’Assemblée nationale de la IVe République.
http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
The interview with Madeleine Leclair discusses the experience of translating (from Yoruba into French) the lyrics of songs related to the cult of an orisha in central Benin. Leclair discusses the methodology used and the heuristic value of the translation experience.
http://www.fabula.org/colloques/document6960.php
Summary:
Why, under the historical conditions he faced, did Senghor base his political and poetic project on the notion of race? Drawing on recent historical research, this thesis challenges the commonly held view that negritude is a cultural nationalism born of identity-based resistance to French assimilationism. It has attempted to demonstrate, by reconstructing Senghor's projective vision of the possible futures of French Africa at key moments of decolonization, that he did not identify colonial emancipation with national liberation, but desired the advent of a French federal republic. In sum, this thesis shows that in order to understand the link between Senghor's political and poetic projects, it is essential to understand his theory of negritude in the light of his federalism.
The first part of the thesis, entitled “The Horizon of Possibilities in a Colonial Situation”, shows that Senghor did not promote independentism. As a deputy in the National Assembly of the Fourth Republic, he did not advocate for the independence of overseas peoples, but asked that they be able to achieve political self-determination while remaining French. The reconstruction of the historical context in which his political and poetic thought emerges involves a presentation of French colonial law, a presentation that makes it possible to describe how France combined incorporation and differentiation of its nationals, consolidated colonial hierarchies and controlled social boundaries in its empire. It is thus shown that Senghor's thinking is shaped in a colonial system that justified the non-extension of political, civil and social rights to the French minuto jure by the fact that they were not members of the “French civilization”. Thus, unlike other imperial powers, France based the segregation between citizens and indigènes (who became citoyens de statut personnel local in 1946) on cultural difference and not on racial difference. This particularity allowed Senghor to use the category of “race” against an egalitarianism inherited from the French revolutionary tradition that combined assimilation and submission to the Civil Code, while fighting against anti-assimilationists who refused the equalization of the status of citizens who were members of different civilizations.
In the second part, entitled “Federalizing to Decolonize France” it is shown that Senghor proposes the establishment of a federal French Republic as the solution to the problem of colonization. His definitions of “civilization” and “culture” are presented and related to the question of democracy in France, which at the time was a plurinational and inegalitarian state. Senghor argues that the French civilization and the Black African civilization (“civilization négro-africaine”) are complementary and calls for the abolition of the colonial segregationist system in order to allow the full realization of the Afro-French civilization. From 1945 until the 1958 referendum, he called for the implementation of federalist reforms which, in his opinion, would perpetuate the French Union. Adopting the terms of the preamble of the Constitution of 1946 to designate by “Nation” the sovereign people of France and by “people” the cultural communities called to “develop their respective civilizations”, he presents a France that would be a federal Republic and a Nation composed of different but equal peoples. His theory of negritude is to be understood in the light of this federalism: his call for the realization of the “African community” was inextricably linked to his wish to see the emergence of the “Franco-African community”.
The third part of the thesis, entitled “We”, shows the complex character of the first person plural in Senghor's texts and poems: it can designate “we, the Negro-Africans”, “we, mankind” and, until 1960, “we, the French”. The study of this person is all the more interesting when Senghor addresses the question of Europe in the National Assembly. In barely veiled terms, he accuses those who want to found a Europe that would exclude Africa of fighting for the survival of inequality in France, whereas the members of the French people are equal according to the Constitution. The theme of the reconciliation of the peoples who form the “we, equal and fraternal French” is at the heart of the collection of poems entitled Hosties noires. The study of the poems shows that the process of creation of this “we” is always presented as the enlargement of a central core entirely formed by black men. As Senghor refers to the mystical body of Christ in his poems, the poems are read in light of the Eucharistic rite to reveal that the poet is addressing a call to repentance to the “white men” whom he calls “my brothers”. This section closes with a chapter entitled “Poetic commitment (engagement)”, which presents the mission Senghor attributes to the poet and shows how this federalist conceives committed art. It focuses in particular on the afterword to Ethiopiques, entitled “As manatees go to drink from the spring”, which is commonly regarded as the where he exposes his poetics. The fact that this afterword contains an apology for the French Federal Republic has never been noticed, even though it was written at the same time as the loi-cadre Defferre, which sounded the death knell for Senghor's federalist project. The non-realization of his utopia explains why this afterword has been misunderstood as an exaltation of the return to African sources and tradition. It was then a matter of explaining Senghor's following sentence: “It was therefore enough for me to name the things [of the Kingdom of Childhood], the elements of my childish universe, to prophesy the City of tomorrow, which will be reborn from the ashes of the old one, which is the mission of the Poet” and to highlight the political substratum of the statement: “Our ambition is modest: it is to be precursors, to open the way to an authentic negro poetry, which does not renounce, for all that, to be French” . The “mission of the Poet”, as Senghor defined it in 1956, is to prophesy the French and pluri-national political community that will be the “City of Tomorrow” by creating a poetry that prefigures it. The hypothesis proposed at the end of the chapter is that the disintegration of the French Community gives rise to the so-called “francophone literature”, which is understood as a project of defense and illustration of cultural identities, whereas it was the prefiguration of a pluri-national, egalitarian and French political community for Senghor.
The conclusion looks at the gradual emergence of a “black question” in France following the enactment of the Taubira law in May 2001. The question of the relevance of reading Senghor, who was among the first to assert that some French people are of the “black race”, is then raised. At a time of struggle between refusal and demand for repentance, reading Senghor reveals that there was no easy solution to the problem of colonization, just as there is none for our post-colonial problems. Senghor placed his hope in poetry: as repairers of the communion of men and the first fruits of the City to come, French-language negro poems were a sign that the Franco-African community could be founded on the remembrance of forgiven offenses.