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Zaouïa (édifice religieux)

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Zaouïa Sidi Al Bahi à Tunis.

Une zaouïa (en arabe : زاوية), également retranscrit zaouiya[1], zawiya ou zawiyah, et appelé zaviye en turc, ou encore dahira au Sénégal, est un édifice religieux musulman qui constitue le centre autour duquel une confrérie soufie se structure. Par extension, elle désigne souvent la confrérie elle-même.

Le terme zaouïa est surtout usité en Afrique du Nord. Au Moyen Orient, on trouve les termes khanqah, tekke ou tekiyeh, et en Asie du Sud, le mot darga.

Description

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Une zaouïa aux côtés des murs de la ville de Kairouan en Tunisie dans le début du XXe siècle.

Dans les premiers siècles de l'islam, ce terme désigne un emplacement ou un local réservé à l'intérieur d'une structure plus vaste où les soufis (mystiques) pouvaient se retirer avec quelques élèves[2], comme le laisse entendre le sens de la racine du mot arabe (« angle » ou « recoin »).

Le mot vient également du mot arabe inzawa qui veut dire « se retirer », ce qui donne au lieu sa charge sémantique de lieu de retraite[2]. A partir du XIIIe siècle, les premières zaouïa comme bâtiment indépendant (ou groupe de bâtiments indépendants) apparaissent en Syrie et en Egypte, comme lieu de réunion général des premières confréries soufies[2]. A partir de la fin du XIVe siècle, ce mot désigne un complexe religieux comportant une mosquée, des salles réservées à l'étude et à la méditation ainsi qu'une auberge pour y recevoir les indigents. On y effectue les pratiques spirituelles, on y étudie et on y enterre les saints fondateurs des tariqa[2].

Les confréries sont alors dotées grâce aux donations de gens fortunés et à la pratique du waqf[2].

Au Maghreb, au sens historique, une zaouïa fut plus qu'une simple confrérie recrutant des adeptes. Les zaouïas, qui connurent au Maghreb une naissance et une propagation avec des adaptations de culte populaire entre le XIe et le XIIIe siècle, vont se faire, pour la plupart d'entre elles, promotrices de la vie sociale. Surtout dans les espaces où la pensée régionaliste est forte, et plus particulièrement en Algérie et Tunisie et au Maroc.

Là où le particularisme religieux fut fortement imprégné du malékisme mélangé à un passé kharijito-chiite révolu, les zaouïas donneront leurs définitions dans leurs buts et leurs champs d'action. Par ce particularisme, elles redéfinissent un islam adapté aux besoins populaires. On observe le même phénomène dans tout le Maghreb, d'autant plus que plusieurs zaouïas sont trans-maghrébines (exemple: Qadiriya, Chadhiliyya...)

Ainsi, on assiste aux cultes des saints, aux fêtes liées à un événement relatif au bonheur populaire comme le moussem. Les zaouïas vont également représenter au Maghreb une force propre aux volontés populaires. Ce seront elles qui canaliseront le combat, le jihad populaire pendant la colonisation française de l'Algérie, par exemple, où la plupart des résistances sont portées par les confréries religieuses (Révolte des Mokrani 1871). Par la suite, l'autorité coloniale a annexé les biens habous au domaine public, privant ainsi les zaouïas d'auto-financement. Les marabouts ont aussi été instrumentalisés pour servir la politique coloniale. Et paradoxalement, on retrouve les Oulémas qui demandent l'application de la loi de 1901 portant sur la laïcité en France afin de dénoncer cette instrumentalisation. Ces mêmes oulémas combattront aussi, dans une volonté réformiste, les pratiques jugées archaïques et incompatibles avec l'islam.

Organisation des confréries au sein des zaouïas[3]

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Au sommet de la hiérarchie est placé le cheikh, directeur spirituel et temporel de l'ordre. Il est considéré comme le dépositaire de la Connaissance (ma'rifat) du Dieu clément et miséricordieux, et sa personne véhicule le flux bénéfique de la sainteté (la baraka); cela en fait tout naturellement, en tant que « héritier des Prophètes », une « porte » permettant d'accéder au Divin. Le cheikh est l'homme qui aurait une connaissance parfaite de la loi divine, qui serait arrivé à la perfection dans l'art de connaître les infirmités et les maux dont les âmes sont affligées, mais aussi les remèdes propres à guider ces âmes dans la voie de Dieu. C'est un véritable pontife, fondateur ou héritier de l'enseignement spécial à la tariqa, le seul qui en posséderait tous les secrets, que Dieu aurait honoré de tous les titres divins (wali, soufi, qotb, ghout, etc.). Personnage magnanime, austère, synthétisant toutes les vertus, toutes les sciences, ayant, dit-on de lui, le don des miracles ; en un mot, le vrai continuateur de la tradition que tant d'hommes célèbres ont illustrée par leur piété et leur savoir soufi, derviche, marabout.

Le cheikh ne reconnaît d'autre puissance, au-dessus de la sienne, que celle de Dieu et de Mahomet ; nulle pensée ne l'inspire, sinon celles que lui suggérerait Dieu lui-même ou son initiateur (le fondateur de la confrérie) tout puissant, assis dans l'autre monde à côté du trône souverain et habité par les sentiments de l'Être suprême. Tel est, au sens mystique du mot, le cheikh, comme le conçoivent les croyants soufis, adeptes ou serviteurs de la confrérie placée sous son patronage.

Au deuxième rang se trouve le calife (khalifa) ou lieutenant (remplaçant) du cheikh, son coadjuteur dans les pays éloignés, investi d'une partie de ses pouvoirs et délégué auprès des fidèles. On le désigne parfois sous le nom de naïb (intérimaire) qui, comme son nom l'indique, exerce tous les pouvoirs du khalifa sans être officiellement investi de ce titre.

Muqaddem/Moqaddem

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Au-dessous du khalîfa, on trouve le muqaddam (représentant, pl. muqaddim), sorte de vicaire régional, exécuteur des instructions que le cheikh lui transmet, oralement ou par des lettres, son délégué auprès du peuple, le vrai propagateur des doctrines de la tariqa, l'âme de la confrérie, tantôt missionnaire, tantôt directeur d'un couvent, professeur ('âlim) lettré ou ignorant ; il est l'initiateur du commun qui sollicite son appui.

Il remplit en cela le rôle du daï des ismaélites et a les mêmes attributions, les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le muqaddam non encore titularisé porte, comme le khalîfa, le titre de nâ'ib (intérimaire) (vicarius alterius, pl. nuwwâb).

Les muqaddim ont généralement des agents spéciaux, sortes d'émissaires montés (râkib, au pl. rukkâb), spécialement chargés de prévenir les adeptes du jour de l'arrivée du maître, de donner connaissance aux frères assemblés des instructions, écrites ou verbales, que le muqqadam leur fait parvenir de temps à autre, et d'assurer les relations des adeptes avec le chef de l'ordre. Dans certaines confréries (Rahmaniya, Taïbiya, Hansaliya), ces auxiliaires portent le nom de chaouch.

Les ikhwan et autres adeptes

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Enfin, vient, au dernier échelon de la hiérarchie, la masse des adeptes qui reçoivent différents noms, suivant la confréries à laquelle ils appartiennent : leur nom générique est ikhwan (frères) en Afrique septentrionale, et derviches en Orient. Mais en réalité, ces termes, qui rappellent sans cesse à l'affilié le lien intime qui l'attache à ses coreligionnaires reliés à la même source divine, la tariqa, ne sont employées, pour le premier, que dans les ordres dérivés de la khalwatiyya, particulièrement dans celui des Rahmaniya, et pour le second dans ceux issus des doctrines chadéliennes, principalement dans celui des Derkaoua.

Les Qadiriya et leurs dérivés ont conservé le nom de adjir (locataire). Les Tidjaniya appellent leurs adeptes 'asḥâb (compagnons) et les confréries locales (Cheikhiya, Ammariya, Sellamiya ou Soulamiya, Boualiya) ayant, généralement, un marabout comme patron, les nomment Khuddâm (serviteurs). Les adeptes des confréries sont parfois désignés par les autres musulmans et par leurs supérieurs eux-mêmes, comme étant des « 'asḥâb » les compagnons, les amis ; souvent aussi ils ajoutent à cette désignation l'expression 'as'ḥâb-al-fatwa, compagnons de la décision ; 'as'ḥâb-al-bisâṭ, compagnons du tapis ou de la natte (servant à la prière) ; 'as'ḥâb-aṭ-Ṭariqa, compagnons de la voie ; 'asḥâb-ach-Chebd, compagnons du zèle, du lien à la même foi, ou encore 'asḥâb-al-yad, compagnons de la main. On emploie aussi, pour l'ensemble de l'ordre, 'ahl-al-Ṭariqa, les gens de la voie, etc.

Les faveurs célestes auxquelles aspirent les adeptes d'une confrérie, à quelque degré de la hiérarchie qu'ils appartiennent, ne sont pas exclusivement réservées aux hommes : les femmes bénéficient aussi des mânes bienfaisantes que répandent le cheikh fondateur et ses disciples ; en conséquence de quoi, elles obtiennent leur affiliation à l'Ordre qu'elles suivent, et parviennent même au grade de muqaddema (masculin: muqaddam). On les désigne sous le nom générique de khawniyât ou khouatât, féminin pluriel de ikhouan.

Quelques zaouïas au Maghreb

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Zaouiya Annoussak à Salé édifiée par Abu Inan Faris en 1356

Notes et références

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  1. Larousse du XXe siècle.
  2. a b c d et e Janine Sourdel-Thomine et Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l'Islam, PUF, coll. « Quadrige Dicos poche », (ISBN 978-2-13-054536-1), p. 864
  3. Sossie Andezian, "L'Algérie, le Maroc, la Tunisie" in Alexandre Popovic et Gilles Veinstein (Dir.), Les voies d'Allah. Les ordres mystiques dans l'islam des origines à nos jours, Paris, Fayard, , 711 p. (ISBN 978-2-213-59449-1), p. 393.
  4. (ar)
  5. El Moudjahid, 21-03-2009El Moudjahid, 21-03-2009
  6. Ernest Gellner (trad. de l'anglais par Paul Coatalen), Les Saints de l'Atlas, Paris, Editions Bouchene, , 301 p. (ISBN 2-912946-32-8), p. 15
  7. Zaouïa Bouatlaoui

Bibliographie

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  • Christian Coulon, Pouvoir maraboutique et pouvoir politique au Sénégal, (Thèse d’État) Paris, Université de Paris, 1976, 2 vol. 594 p. Publication remaniée en 1981 sous le titre Le marabout et le prince. Islam et pouvoir au Sénégal, Paris, Pedone, XII-317 p.
  • Octave Depont, Les Confréries religieuses musulmanes, 1897.
  • Mohammed Lahlou, Zaouïa et développement culturel au Maroc, Édilivre, Paris, 2015 (ISBN 978-2332841612)

Articles connexes

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Liens externes

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