Emc Tech Chir
Emc Tech Chir
Emc Tech Chir
Pancréatectomies céphaliques
et isthmiques avec préservation
duodénale en alternative
à la duodénopancréatectomie céphalique
S. Gaujoux, B. Acidi, C. de Ponthaud, A. Sauvanet
Intérêts de la préservation
Elle peut avoir plusieurs mécanismes éventuellement intriqués :
traumatisme des plexus nerveux mésentériques (en cas de DPC
du duodénum pour cancer, surtout en cas de lymphadénectomie élargie),
insuffisance pancréatique exocrine non compensée, éventuel-
Le duodénum est un carrefour situé à l’union des circuits lement pullulation microbienne [9] ;
digestif, biliaire et pancréatique et responsable de la sécrétion • des angiocholites récidivantes et/ou une cholestase chronique
d’un certain nombre d’hormones et neuromédiateurs. Sa suppres- dans 5 % des cas environ, et dans 3 % des cas une sténose de
sion, au cours d’une duodénopancréatectomie céphalique (DPC), l’anastomose biliodigestive nécessitant un traitement chirurgi-
entraîne les troubles suivants : cal ou radiologique percutané [10, 11] ;
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Pancréatectomies céphaliques et isthmiques avec préservation duodénale en alternative à la duodénopancréatectomie céphalique 40-880-F
repère supérieur du tracé de l’incision pancréatique. La mise (branches de l’artère mésentérique supérieure ou de la première
en place d’un drain par voie transcystique dans le cholédoque artère jéjunale) qu’il convient de préserver.
peut faciliter son repérage mais il n’est pas certain que cette L’hémostase de la tranche pancréatique, qui est grossièrement
manœuvre diminue le risque de plaie biliaire et nous ne l’utilisons convexe et à grand axe vertical, regardant en avant et à gauche, est
qu’exceptionnellement. minutieusement vérifiée, ainsi que la vascularisation duodénale
(Fig. 1D).
Un drainage par lame multitubulée ou drain aspiratif, placé en
Section pancréatique avant de la tête du pancréas est extériorisé dans le flanc droit.
Celle-ci est faite aux instruments froids (ciseaux ou bistouri),
de façon progressive, après avoir dégagé au fur et à mesure le plan Contrôle biliaire
séparant la face antérieure de la voie biliaire du parenchyme pan-
créatique (Fig. 1C). En dehors, la section pancréatique suit à 2 Une cholécystectomie avec test au bleu de méthylène et cholan-
à 3 mm vers l’intérieur l’arcade artérielle pancréaticoduodénale giographie permet de vérifier l’absence de fuite biliaire et l’absence
antérieure. Elle rejoint vers l’arrière le plan situé en avant du cho- de compression du cholédoque intrapancréatique.
lédoque intrapancréatique qui est exposé sur toute sa longueur En cas de plaie biliaire :
(à l’exception des derniers millimètres correspondant à sa jonc- • simple, celle-ci est suturée et un drainage externe est laissé en
tion avec le canal pancréatique principal) et sur 180◦ à sa face place ;
antérieure et gauche. L’hémicirconférence postérieure et droite du • complexe ou sténose biliaire résiduelle, une anastomose bilio-
cholédoque n’est pas disséquée pour limiter le risque de dévas- digestive (cholédocoduodénale terminolatérale sur D1, ou
cularisation. Au cours de la section pancréatique, les hémostases hépaticojéjunale sur anse en Y) est recommandée.
sont faites au fil monobrin serti 4/0, 5/0, voire 6/0 au contact du
cholédoque qu’il faut éviter de perforer ou sténoser avec ces liga-
tures. Le canal pancréatique principal (et éventuellement le canal Pancréatectomie céphalique
de Santorini) est repéré, si nécessaire désobstrué sur ses derniers
millimètres, et suturé au fil monobrin résorbable. avec préservation duodénale :
Le temps le plus délicat concerne la résection du crochet pan- intervention de Beger
créatique, que l’on expose en tirant le pancréas vers le haut et la
droite. Cette résection se situe en arrière de la veine mésentérique Généralités
supérieure qui est mobilisée vers la gauche après ligature–section
de ses collatérales, mais aussi immédiatement au-dessus de Le principe de cette intervention est de réséquer le parenchyme
l’arcade artérielle pancréaticoduodénale antérieure et du troi- pancréatique céphalique et de drainer le système canalaire pan-
sième duodénum, et également en avant de la lame rétroportale créatique, en décomprimant si cela est nécessaire le système porte
qui contient les artères pancréaticoduodénales postéro-inférieures et la voie biliaire principale. Elle ne se contente donc pas d’un
simple drainage canalaire comme avec une anastomose pancréati- au monobrin serti 4/0 ou 5/0, suit un trajet curviligne distant
cojéjunale (intervention de Partington-Rochelle) [19] mais résèque de 5 à 8 mm du bord interne du duodénum, jusqu’au genu
aussi du parenchyme céphalique, censé être le « pacemaker » inferius (Fig. 2C). Il est souhaitable mais non obligatoire de pré-
de la douleur. Cette intervention a été initialement décrite pour server l’arcade duodénopancréatique antérieure [20] . Cette section
la pancréatite chronique hyperalgique avec hypertrophie cépha- pancréatique dénude sur une hémicirconférence le cholédoque
lique [20–23] et éventuellement sténose de la voie biliaire [20, 24] et/ou intrapancréatique qui est ainsi décomprimé (Fig. 2C).
compression débutante du système porte [24, 25] . Elle a dans cette Une cholécystectomie avec test au bleu de méthylène et cho-
indication montré sa supériorité sur une approche endoscopique langiographie permet de vérifier l’absence de fuite biliaire et de
après l’échec d’un traitement médical optimal [26] et ne doit pas compression du cholédoque intrapancréatique [20] . S’il persiste
être réalisée trop tardivement dans l’histoire de la maladie sous une sténose du cholédoque, celui-ci peut être incisé longitudina-
peine de perdre en efficacité. Elle peut aussi être réalisée pour lement dans son trajet intrapancréatique et maintenu largement
des tumeurs bénignes ou de faible malignité siégeant au sein du ouvert par des points au fil monobrin résorbable 5/0 sur ses
parenchyme céphalique [27, 28] , mais cette indication est plus anec- berges (Fig. 2D, E). L’incision cholédocienne est alors incluse dans
dotique. l’anastomose pancréaticojéjunale céphalique.
Cette intervention nécessite deux sections pancréatiques :
• une au niveau de l’isthme, dont la difficulté consiste dans la Troisième temps : reconstruction digestive
pancréatite chronique à trouver le plan de clivage entre l’isthme La confection d’une anse jéjunale en Y se fait classique-
et l’axe veineux mésentéricoporte ; ment à partir de la première ou deuxième anse. Les arcades
• une autre au niveau céphalique, pratiquement identique à celle vasculaires sont sectionnées après ligatures, en s’aidant de la
faite au cours de la pancréatectomie subtotale avec préservation transillumination. L’anse jéjunale est sectionnée puis montée en
duodénale (cf. supra). transmésocolique. L’extrémité de cette anse est anastomosée à
Les suites opératoires sont essentiellement marquées par un la tranche pancréatique gauche. Cette anastomose est termino-
faible risque de fistule pancréatique quand l’intervention a été terminale à points séparés de fil monobrin 4/0 s’il existe une
indiquée pour pancréatite chronique. Ces fistules sont en fait congruence de diamètre entre l’anse jéjunale et la tranche pan-
des fistules pancréaticodigestives développées près du sommet créatique (Fig. 2F) mais elle peut aussi être terminolatérale à
de l’anse en Y et peuvent être traitées de façon conservatrice en quelques centimètres du cul-de-sac de l’anse montée par un agra-
maintenant le drainage et l’alimentation orale. fage enfoui par un surjet hémostatique.
Dans le cas de sténoses canalaires étagées et/ou d’empierrement
Geste opératoire [29] du pancréas distal, le canal de Wirsung est incisé longitudinale-
ment sur sa face antérieure. Après lavage du canal à l’eau et retrait
La voie d’abord est une incision sous-costale droite légèrement des calculs à la pince, on réalise alors, avec l’anse jéjunale mon-
prolongée à gauche qui doit permettre une bonne exposition sur tée, une anastomose pancréaticojéjunale latérolatérale sur toute la
la région duodénopancréatique. S’ensuit un décollement coloépi- longueur du pancréas distal, faite à quelques centimètres du cul-
ploïque et un abaissement de la racine du mésocôlon transverse de-sac de l’anse jéjunale positionné devant la queue du pancréas,
droit, afin de bien dégager le crochet. Un décollement duodé- après avoir bien veillé à l’hémostase de l’incision pancréatique
nopancréatique selon la manœuvre de Kocher est cette fois-ci (Fig. 2G). Des surjets courts par plusieurs segments de monobrin
nécessaire. 4/0 sont à conseiller, en partant de la gauche et en alternant berge
supérieure et inférieure.
Premier temps : section de l’isthme pancréatique Après avoir laissé, entre les deux tranches pancréatiques, une
(Fig. 2A) longueur d’anse jéjunale suffisamment longue pour éviter toute
Pour cela, la faux de l’artère hépatique commune est dissé- tension, la même anse est ensuite anastomosée en latérolaté-
quée et réclinée vers le haut, puis la face postérieure de l’isthme ral avec la tranche droite du pancréas restante afin de drainer
pancréatique est clivée de la face antérieure du confluent vei- d’éventuels canaux ouverts et en hyperpression (Fig. 2F). En
neux mésentéricoporte. Ce dernier geste est difficile en raison l’absence de sténose biliaire résiduelle, il faut veiller à ne pas bles-
des adhérences péripancréatiques ou de l’effet de masse qu’exerce ser le cholédoque, l’arcade pancréaticoduodénale postérieure ou
le pancréas sur le système porte et expose alors à un risque de même l’artère gastroduodénale lors de la confection du plan pos-
plaie veineuse de l’axe mésentéricoporte difficile à contrôler. Pour térieur ou de la partie crâniale de l’anastomose. En cas de sténose
limiter ce risque, il est licite de : biliaire traitée par incision longitudinale, l’anastomose inclura
• couper progressivement le pancréas en profitant de l’incision cholédocienne intrapancréatique (Fig. 2H).
l’amélioration progressive de l’exposition pour finir de À une distance de 70 cm en aval de cette double ana-
trouver le plan de clivage, après avoir préalablement dégagé stomose pancréaticojéjunale, on confectionne l’anastomose
les bords inférieur et supérieur de l’isthme et fait l’hémostase jéjuno-jéjunale terminolatérale « au pied de l’anse » de façon
des arcades sus- et sous-isthmiques par des ligatures appuyées classique par deux hémisurjets de fil monobrin 4/0.
de fil monobrin 3/0 ou 4/0 ; Le drainage se fait par une lame multitubulée ou un drain
• réaliser un contrôle de l’axe veineux mésentéricoporte d’amont aspiratif sortant par le flanc droit et placée en avant des deux
et d’aval au moins minimal afin d’anticiper toute plaie vascu- anastomoses pancréatiques.
laire durant la section de l’isthme. Cette intervention peut être considérée comme complexe et
Une fois l’isthme complètement sectionné, une hémostase soi- longue à réaliser du fait de ses 2 anastomoses pancréatiques et
gneuse du versant corporéal de la tranche pancréatique est faite de la dissection rendue difficile par de l’inflammation locale et
par des points sertis et cette tranche est mobilisée sur 2 cm pour des adhérences en lien avec l’indication de pancréatite chronique.
faciliter la réalisation de l’anastomose pancréaticojéjunale sur un De ce fait un certain nombre d’alternatives ont été étudiées, que
Wirsung généralement dilaté et un pancréas dur. ce soit la modification de Berne [30] , ou l’intervention de Frey,
qui semblent avoir des résultats équivalents [31] et sont souvent
Deuxième temps : résection pancréatique privilégiées.
céphalique subtotale
Pour ce faire, il faut préalablement avoir réalisé une dissection
de la face antérieure du crochet pancréatique et du troisième duo-
Pancréatectomie médiane (PM)
dénum par rapport à la face postérieure de la veine mésentérique Généralités
supérieure (Fig. 2B).
La mobilisation de l’artère gastroduodénale vers la droite du La PM (également appelée pancréatectomie centrale ou
patient est souhaitable pour débuter la transsection pancréatique isthmectomie) est une chirurgie d’épargne parenchymateuse
à l’aplomb du cholédoque intrapancréatique (cf. supra). Cette (parenchyma sparing surgery), au même titre que l’énucléation ou
transsection, faite au bistouri froid avec hémostases pas à pas la crochectomie. Le terme de pancréatectomie médiane précise
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Pancréatectomies céphaliques et isthmiques avec préservation duodénale en alternative à la duodénopancréatectomie céphalique 40-880-F
seulement que l’exérèse concerne une lésion située à la par- sung, une énucléation peut être préférable. Il faut aussi préciser
tie médiane du pancréas sans préjuger de son étendue à droite l’extension « latérale » de la lésion pour déterminer la faisabilité
comme à gauche (Fig. 3A). Elle sera notamment proposée pour des technique de l’Intervention :
tumeurs non accessibles à une énucléation du fait de leur volume • à droite, il doit en règle persister une lame de parenchyme sain
ou de leur contact avec le canal de Wirsung [27, 32] . La PM préserve à gauche de l’artère gastroduodénale et de la voie biliaire prin-
de principe les vaisseaux spléniques pour des raisons de vascu- cipale afin de ne pas la dévasculariser et suturer le pancréas
larisation du pancréas gauche restant, limitant ainsi le curage céphalique dans de bonnes conditions ;
ganglionnaire par rapport à une exérèse « classique carcinolo- • à gauche, il faut conserver une longueur suffisante (au moins 6
gique ». Elle n’est donc pas adaptée à la prise en charge des tumeurs à 8 cm) de pancréas pour qu’il assure une fonction endocrine
malignes mais au contraire, elle sera privilégiée dans le traite- et exocrine significative (Fig. 3A).
ment des tumeurs bénignes (cystadénome, TIPMP) ou de faible
malignité avec un faible risque d’envahissement ganglionnaire Mobilisation de l’isthme pancréatique
(idéalement des tumeurs neuroendocrines non fonctionnelles
asymptomatiques de moins de 2 cm pour lesquelles une indica- Au bord supérieur : isolement et éventuelle mise sur lacs de
tion aurait été retenue en RCP) [27, 32–34] . la faux de l’artère hépatique commune. En cas de suspicion de
La PM est une alternative à la pancréatectomie gauche, notam- malignité, on peut envoyer en examen anatomopathologique
ment pour les tumeurs à la jonction tête-isthme, et dont le extemporané de l’exérèse d’une ou de plusieurs adénopathie(s)
principal intérêt est de préserver le parenchyme pancréatique pour satellite(s). L’artère splénique est identifiée près de son origine,
limiter le risque d’insuffisance pancréatique exocrine (5–10 %) et sauf en cas d’inflammation importante ou d’abouchement de la
endocrine (4–5 %) [35] . Si intellectuellement cette technique est veine gastrique gauche dans la veine splénique en arrière de la
très séduisante, elle présente cependant un taux de complications jonction isthme-corps qui gênerait alors son contrôle. Dans ce
important (taux de complications globales entre 45–72 % dont cas, l’artère splénique sera disséquée à son origine ultérieurement,
18–23 % de complications graves Clavien-Dindo supérieur ou après section de l’isthme.
égal à IIIa) principalement du fait de l’existence d’une tranche Au bord inférieur : abaissement de la racine du mésocôlon trans-
pancréatique ainsi que d’une anastomose pancréaticodigestive, verse ce qui permet la sus-mésocolisation du pancréas (Fig. 3B).
souvent sur un pancréas « mou », et d’une large exposition vas- La face postérieure du pancréas est alors détachée du confluent
culaire en particulier de l’artère splénique. De ce fait, le risque de mésentéricoporte sous contrôle de la vue en combinant un abord
fistule pancréatique est très élevé (30 à 50 %) [33, 36] , avec des fis- par en haut et par en bas. La libération peut être poursuivie vers la
tules plus souvent symptomatique (grade B ou C), et la mortalité droite de manière à pouvoir faire porter la section du pancréas du
postopératoire est loin d’être négligeable : de 0,6 à 3 % [36] ce qui côté céphalique entre le bord droit de la tumeur et l’artère gastro-
est difficilement acceptable pour des tumeurs peu invasives chez duodénale dont le trajet doit être clairement identifié. En général,
des patients souvent jeunes [37–39] . Dans cette perspective, la sélec- compte tenu de la nature de la tumeur, des marges importantes
tion des malades est particulièrement importante, privilégiant des ne sont pas nécessaires.
patients sans comorbidités majeures (capables de supporter la sur-
morbidité de ce geste), à faible risque de fistule pancréatique et Section à droite de la tumeur
ayant un vrai bénéfice à long terme de la préservation des fonc- Le pancréas est sectionné 5 à 10 mm à gauche de l’artère gastro-
tions pancréatiques endocrine et exocrine. duodénale, en assurant l’hémostase par ligatures appuyées de fil
L’indication d’une PM nécessite donc une bonne caractérisation monobrin. L’artère gastroduodénale et l’arcade pancréaticoduo-
de la tumeur par imagerie et endoscopie éventuellement associée dénale antérosupérieure peuvent être disséquées en liant leurs
à une biopsie au moindre doute afin d’éviter de sous-traiter une collatérales, ou même si besoin (dans le cas où l’on souhaite
tumeur invasive ou de traiter par excès une tumeur totalement absolument éviter une DPC) être sacrifiées afin que la section
bénigne asymptomatique. Une étude topographique précise pré- pancréatique puisse se porter plus à droite, à proximité du cho-
opératoire est nécessaire, détaillant la taille et la localisation de la lédoque. Le parenchyme pancréatique est coupé aux instruments
lésion, appréciant ses rapports vasculaires avec le cholédoque et froids (ciseaux, bistouri) (Fig. 3C) et le canal de Wirsung est isolé
le canal de Wirsung, ainsi que la taille du pancréas restant devant puis sectionné après ligature élective sur son versant céphalique.
être de volume et fonction suffisante avec une longueur empi- La tranche pancréatique droite est enfin suturée à points séparés
rique d’au moins 6 à 7 cm. Un examen histologique extemporané ou par surjet de fil monobrin résorbable ou non, 4/0 ou 5/0. À la
sur les limites de résection et la lésion elle-même est également partie haute de la tranche droite, il faut veiller à ne pas léser le cho-
souhaitable au moindre doute. lédoque qui est attiré vers la gauche par traction sur l’isthme. En
cas de doute sur le repérage du cholédoque, il est prudent de faire
Geste opératoire une cholangiographie ou d’introduire une sonde par voie trans-
cystique. Lorsque la section pancréatique a été réalisée en arrière
Le patient est installé en décubitus dorsal sans billot. Selon la ou à droite de l’artère gastroduodénale, il est souvent risqué de
corpulence et la morphologie du patient, une incision médiane ou fermer la partie haute de la tranche sous peine de sténoser le cho-
bi-sous-costale sera réalisée, cette dernière devant être privilégiée lédoque. Si la section pancréatique peut se faire bien à distance de
si l’exérèse est large et/ou s’il existe une probabilité importante de l’artère gastroduodénale et du cholédoque, une alternative pos-
« conversion » en hémipancréatectomie droite ou gauche. L’abord sible consistera à sectionner le pancréas côté céphalique au moyen
laparoscopique ou robotique a été expérimenté pour cette inter- d’un agrafage avec pince GIA.
vention mais n’est à ce jour pas considéré comme un standard
de soin [40, 41] . L’exploration peropératoire initiale recherche plus Section à gauche de la tumeur
particulièrement des arguments en faveur d’une dissémination
La pièce est basculée vers la gauche puis progressivement libé-
hépatique ou ganglionnaire de la lésion, qui remettrait en cause
rée du confluent mésentéricoporte qui est mis à nu. L’exposition
l’indication d’une chirurgie d’épargne parenchymateuse.
peut être facilitée par l’introduction d’un dissecteur dans le canal
de Wirsung. La jonction isthme-corps est mobilisée par section
Abord du pancréas des vaisseaux pancréatiques inférieurs (collatérales des vaisseaux
Le pancréas est abordé par décollement coloépiploïque, pré- mésentériques supérieurs) et de l’artère pancréatique dorsale (nais-
servant la vascularisation du grand épiploon en vue d’une sant du bord inférieur du tronc cœliaque ou de l’origine de l’artère
épiplooplastie en fin d’intervention. Un décollement duodéno- splénique) (Fig. 3D). Puis la pièce est séparée de la veine et de
pancréatique selon la manœuvre de Kocher est inutile. Une l’artère spléniques, en liant ou en clippant leurs collatérales pan-
échographie peropératoire apprécie les rapports de la tumeur avec créatiques, sur une longueur suffisante pour obtenir une marge
le carrefour portal, ainsi que sa situation au sein de la glande avant saine à gauche de la lésion et permettre ensuite la réalisation
de confirmer l’indication de la PM. En effet, si la lésion est bénigne de l’anastomose pancréaticodigestive (Fig. 3E). La section de la
et à distance, c’est-à-dire à plus de 2 mm [42] du canal de Wir- tranche gauche se fait aux instruments froids (ciseaux ou bistouris)
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et avec identification du canal de Wirsung. Le corps du pancréas histologique extemporané afin de s’assurer que les marges sont
est triangulaire à la coupe et son hémostase nécessite des ligatures saines. En cas de doute sur une lésion invasive, un examen his-
appuyées. tologique extemporané de la tumeur elle-même est indiqué pour
L’un des côtés (caudal ou céphalique) de la pièce est repéré par décider d’une éventuelle conversion en « hémipancréatectomie »
un fil avant d’être adressé en anatomie pathologique pour examen dont le « côté » (DPC ou pancréatectomie gauche) tiendra compte
de la latéralisation de la lésion et de l’examen extemporané des sont traitées comme celles compliquant les DPC, si besoin en
tranches de résection pancréatiques. suspendant l’alimentation per os.
Anastomose pancréaticodigestive
Le rétablissement de la continuité pancréaticodigestive peut
Conclusion
être fait par anastomose pancréaticogastrique (Fig. 3F) ou moins En alternative à la DPC, les pancréatectomies céphaliques
fréquemment une anastomose pancréaticojéjunale sur anse en et isthmiques avec préservation duodénale sont des tech-
Y montée en transmésocolique terminoterminale ou terminola- niques chirurgicales intéressantes qui doivent faire partie de
térale (Fig. 3G). Le choix entre les deux techniques reste à la l’armamentarium du chirurgien pancréatique. Ces interventions,
discrétion du chirurgien : l’anastomose pancréaticogastrique réa-
lisée à la face postérieure de l’estomac a pour intérêt de limiter
l’intervention exclusivement à l’étage sus-mésocolique. Il n’existe
pas de différence évidente dans la littérature entre l’anastomose
pancréaticogastrique et pancréaticojéjunale sur le taux de fistule
anastomotique ou pancréatique ni sur le risque de saignement [33] ,
“ Points essentiels
à l’exception d’une récente méta-analyse sur 963 patients qui a
objectivé un taux de fistule pancréatique modérément plus faible
• Les pancréatectomies céphaliques ou isthmiques avec
après anastomose pancréaticojéjunale mais sans différence statis- préservation duodénale ont pour but commun de limi-
tiquement significative [37] . ter les séquelles fonctionnelles liées à la modification des
Cette anastomose peut se faire à points séparés ou par surjet circuits digestifs et biliodigestifs.
de fil monobrin 4/0 ou 5/0 selon l’épaisseur et la consis- • Le principal risque de la pancréatectomie subtotale est
tance du parenchyme. Plusieurs techniques ont été décrites pour la dévascularisation et/ou la blessure du cholédoque intra-
confectionner au mieux cette anastomose [43, 44] avec possibi- pancréatique et du duodénum.
lité d’intussusception du pancréas dans l’estomac. Les vaisseaux • La pancréatectomie subtotale avec préservation duo-
sous-muqueux gastriques sont liés électivement pour limiter le
dénale et l’intervention de Beger (ou pancréatectomie
risque d’hémorragie postopératoire. Afin de ne pas compromettre
l’exposition, les points sont noués en dehors en commençant par
céphalique avec préservation duodénale) sont toutes les
la partie crâniale de l’anastomose et une gastrotomie antérieure deux principalement indiquées dans la pancréatite chro-
peut être réalisée pour des raisons d’exposition si cela est néces- nique.
saire. En fonction du calibre du canal de Wirsung et de la texture • L’intervention de Beger (ou pancréatectomie cépha-
du parenchyme pancréatique, l’anastomose peut être intubée par lique avec préservation duodénale) est techniquement
un drain perdu ou externalisé (drain de type transcystique exté- difficile car nécessite d’exposer le l’axe veineux mésentéri-
riorisé par la face antérieure de l’estomac qui est elle-même fixée coporte, éventuellement la voie biliaire principale si elle est
au péritoine pariétal antérieur). sténosée, et de réaliser deux anastomoses pancréaticodi-
La réalisation d’une épiplooplastie recouvrant les vaisseaux gestives dans une région le plus souvent très inflammatoire
nous semble capitale, compte tenu de la mise à nue des vais-
et avec beaucoup d’adhérences.
seaux spléniques [45] . Le grand épiploon et/ou le ligament rond [46]
• La pancréatectomie médiane est principalement indi-
sont positionnés en avant du confluent portal, entre le moignon
pancréatique céphalique et l’anastomose pancréaticodigestive, de quée pour des tumeurs bénignes médiopancréatiques
manière à protéger les vaisseaux cœliomésentériques et surtout chez des patients très sélectionnés.
spléniques et à séparer les deux sutures pancréatiques (Fig. 3H). • La pancréatectomie médiane nécessite une seule ana-
Un système de drainage sera mis en place en fin d’intervention, stomose pancréaticodigestive mais crée deux sources
en drainant individuellement les deux sutures pancréatiques, par potentielles de fistule pancréatique.
exemple avec des lames multitubulées. Le drainage de la tranche • Le principal avantage de la pancréatectomie médiane
pancréatique céphalique sera extériorisé dans le flanc droit après par rapport à la pancréatectomie gauche est de supprimer
avoir abaissé l’angle colique droit, et celui de l’anastomose pan- le risque de diabète à distance.
créaticodigestive sera extériorisé à gauche, après avoir abaissé • Les « limites » techniques de la pancréatectomie
l’angle colique gauche. Il est souhaitable d’identifier la tranche
pancréatique à l’origine de la fistule car les fistules développées
médiane sont, à droite, la localisation de la lésion à droite
de façon certaine à partir de la tranche céphalique peuvent être de l’artère gastroduodénale et, à gauche, l’impossibilité de
traitées comme celles compliquant les pancréatectomies gauches préserver un segment pancréatique caudal de 6 à 8 cm de
(en particulier avec maintien de l’alimentation per os). Les fis- longueur.
tules développées à partir de l’anastomose pancréaticodigestive
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Pancréatectomies céphaliques et isthmiques avec préservation duodénale en alternative à la duodénopancréatectomie céphalique 40-880-F
souvent rarement pratiquées, peuvent être techniquement diffi- [20] Beger HG, Schlosser W, Friess HM, Büchler MW. Duodenum-preserving
ciles, et nécessitent des indications bien posées avec une bonne head resection in chronic pancreatitis changes the natural course of the
sélection des patients et des tumeurs à opérer. disease: a single-center 26-year experience. Ann Surg 1999;230(4):512–9,
À l’ère de la cœlioscopie, certaines équipes expérimentent la discussion 519-523.
[21] Büchler MW, Friess H, Müller MW, Wheatley AM, Beger HG.
réalisation d’une pancréatectomie avec préservation duodénale
Randomized trial of duodenum-preserving pancreatic head resection
par cœlioscopie [47] . À l’heure actuelle, l’abord par laparotomie versus pylorus-preserving Whipple in chronic pancreatitis. Am J Surg
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Gaujoux S, Acidi B, de Ponthaud C, Sauvanet A. Pancréatectomies céphaliques et isthmiques avec
préservation duodénale en alternative à la duodénopancréatectomie céphalique. EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2022;39(1):1-10 [Article
40-880-F].
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40-880-G
Énucléation pancréatique
S. Gaujoux, B. Acidi, S. Dokmak, A. Sauvanet
Résumé : L’énucléation pancréatique est une technique qui est habituellement réservée aux seules
tumeurs pancréatiques bénignes situées suffisamment à distance du canal pancréatique principal. Un
bilan préopératoire précis, visant à caractériser la lésion et ses rapports avec le canal pancréatique
principal, est donc nécessaire, et est complété par une échographie peropératoire. L’énucléation est une
intervention permettant un taux de guérison élevé et la préservation de la fonction pancréatique exocrine
et endocrine, au prix cependant d’une morbidité immédiate significative essentiellement représentée par
la fistule pancréatique.
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Tableau 1.
Principales tumeurs pancréatiques énucléables.
Principales tumeurs pancréatiques énucléables
Insulinome
Tumeur neuroendocrine non fonctionnelle asymptomatique de moins
de 2 cm
Tumeurs intrapapillaires et mucineuses du pancréas des canaux
secondaires
Cystadénome séreux symptomatique
Cystadénome mucineux non dégénéré
Tumeur solide et pseudopapillaire
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Énucléation pancréatique 40-880-G
Technique
Principes généraux
2
L’intervention ne doit réséquer que la seule lésion tumorale,
en la séparant progressivement du parenchyme adjacent. Il s’agit 4
donc d’une résection R1 de principe. Toute résection parenchy- 3
1
mateuse contiguë, surtout en profondeur, peut entraîner une plaie
vasculaire ou canalaire.
Le repérage précis du canal pancréatique principal nécessite
une échographie peropératoire. Elle doit être faite au début de
l’intervention car elle est ensuite « artefactée » lorsque l’exérèse
commence, du fait de l’air présent dans la « tranche ».
L’hémostase des petits vaisseaux situés dans la cavité
Figure 2. Voies d’abord pour énucléation. Pour une localisation
d’énucléation et la « pancréatostase » doit être une préoccupation
médiane ou profonde, la voie d’abord est une incision médiane sus-
constante afin de garder une bonne visibilité et de limiter le risque
ombilicale (1) ou une incision bi-sous-costale (2). En cas de lésion
d’hémorragie secondaire en cas de fistule pancréatique. Celle-ci
latéralisée chez un sujet mince, on peut préférer une incision latérale hori-
peut être faite par des ligatures électives, un courant bipolaire, ou
zontale droite (3) en cas de localisation céphalique, ou gauche (4) en cas
la thermofusion.
de localisation corporéocaudale.
La possibilité d’une pancréatectomie « réglée » doit être gardée
à l’esprit en cas de difficulté ou de découverte peropératoire d’une
contre-indication à l’énucléation. besoin la rate, de la loge rénale gauche. Il est à noter que la taille
Compte tenu de la finesse nécessaire à ces dissections, de la lésion n’est pas en soi une contre-indication à l’énucléation
l’utilisation de loupe binoculaire (grossissement × 2,5) peut (Fig. 3).
s’avérer utile.
Laparoscopie
Voie d’abord, exploration abdominale Il est d’abord important de rappeler que la voie d’abord utilisée
et exposition ne doit pas influencer les indications opératoires. La laparosco-
pie associée à une échographie laparoscopique peropératoire est
Laparotomie fréquemment préférée à la laparotomie pour réaliser une énucléa-
Du fait des performances actuelles de l’imagerie, une explora- tion sous réserve de l’expertise de l’opérateur. Elle est d’autant
tion complète du pancréas est devenue inutile (sauf cas particulier plus facile à réaliser que la lésion est antérieure, superficielle,
de la néoplasie endocrinienne multiple de type 1). L’incision peut voire exophytique et bien sûr à distance du canal pancréatique
donc être adaptée à la localisation (droite, gauche, ou médiane) principal et de la voie biliaire intrapancréatique. En plus de son
de la lésion, à son accessibilité (lésion antérieure et superficielle, intérêt esthétique et pariétal, la laparoscopie permet une dimi-
ou lésion plus profonde ou postérieure), et au morphotype du nution des douleurs postopératoires et de raccourcir la durée
patient. En règle, une incision médiane peut être préférée chez d’hospitalisation [29–33] . Elle ne permet, en revanche, pas de réduire
un patient longiligne ayant une lésion peu latéralisée et plutôt le taux de fistule pancréatique postopératoire responsable de la
superficielle (Fig. 2). Dans les autres cas, une incision sous-costale, majeure partie de la morbidité.
parfois très courte et horizontalisée, est utilisée (Fig. 2). L’installation se fait en règle jambes écartées, l’opérateur étant
L’exploration de la cavité abdominale doit idéalement placé entre les jambes du patient [29] . Compte tenu de la difficulté
comprendre l’inspection du péritoine et l’exploration hépatique potentielle du geste, il peut être utile d’être aidé par un cer-
mais la petite taille de la voie d’abord peut l’empêcher. tain nombre d’innovations techniques : insufflation par AirSeals®
En fonction de la localisation tumorale, le pancréas est abordé pour éviter les problèmes de fumées, caméra 3D ou articulée.
par abaissement de la racine du mésocôlon transverse droit, décol- Une position proclive permet d’améliorer l’exposition en abais-
lement coloépiploïque, section du ligament gastrocolique, et/ou sant le mésocôlon. Une inclinaison latérale droite ou gauche
abaissement de l’angle colique gauche. Exceptionnellement, en améliore l’exposition des deux extrémités du pancréas [30, 34] . On
cas de lésion médiane (isthmocorporéale) antérieure et superfi- utilise habituellement quatre à cinq trocarts, dont au minimum
cielle, l’ouverture de la pars flacida de l’épiploon gastrohépatique deux de 10 mm et deux de 5 mm. L’optique est introduite par
(petit épiploon) peut suffire. Pour énucléer une lésion antérieure le trocart ombilical ou sus-ombilical, selon la distance xypho-
du crochet, une mobilisation de la veine mésentérique supérieure ombilicale. Latéralement, dans le flanc gauche, un trocart de
(en liant et sectionnant ses collatérales) et de la jonction duodéno- 10 mm permet l’introduction de l’écholaparoscope et, si néces-
jéjunale (en sectionnant entre ligatures le ligament de Treitz) doit saire, d’instruments de thermofusion. Les autres orifices latéraux
parfois être associée au décollement duodénopancréatique afin de permettent l’introduction de pinces fenêtrées pour l’exposition,
dégager le crochet des vaisseaux mésentériques. Pour énucléer une ou d’une coagulation bipolaire (Fig. 4).
lésion postérieure de la tête, une large manœuvre de Kocher est Le pancréas isthmocorporéal est exposé par section du ligament
nécessaire. Enfin, l’abord de la face postérieure du corps et de la gastrocolique en veillant à ne pas léser l’arcade de la grande cour-
queue du pancréas nécessite la mobilisation du mésogastre posté- bure, le mésocôlon ou l’arcade colique. L’estomac est récliné vers
rieur en décollant le pancréas, avec les vaisseaux spléniques et si le haut par l’aide, un bras de Martin ou exposé à l’aide de lacs
A B C
Figure 3. Énucléation d’une volumineuse tumeur solide et pseudopapillaire céphalique.
A. Vue scanographique de la lésion.
B. Vue opératoire.
C. Vue après énucléation.
D. Vue de la pièce opératoire.
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Énucléation pancréatique 40-880-G
C
Figure 5. Technique de l’échographie peropératoire.
A. Sonde posée sur le parenchyme pancréatique, sans effet compressif, et irrigation du champ opératoire au sérum physiologique facilitant la propagation
des ultrasons.
B. En cas de tumeur superficielle, interposition d’un doigt de gant rempli de sérum physiologique pour faciliter la propagation des ultrasons.
C. Vue opératoire : échographie peropératoire.
A B
du sérum physiologique ou en éloignant la sonde du pancréas par lique et plus particulièrement du crochet est parfois plus facile
l’intermédiaire d’un gant ou d’un doigt de gant en latex rempli de en plaçant la sonde à la face postérieure du pancréas. Un contact
sérum physiologique et fermé par une ligature (Fig. 5). Il faut faire intime de la lésion et du canal pancréatique, en général moins de
attention de ne pas trop appuyer sur le pancréas avec la sonde 2 mm, contre-indique l’énucléation (Fig. 7).
au risque de collaber le canal pancréatique principal et les élé- L’écholaparoscopie est très importante du fait du caractère peu
ments veineux intra- ou péripancréatiques. Certains patients ont informatif de la palpation instrumentale [38] et doit être menée
un pancréas graisseux et/ou fibreux, se traduisant par un aspect selon les mêmes principes. L’étude échographique n’est cepen-
hétérogène gênant la visualisation du Wirsung. Le canal pancréa- dant pas faisable dans tous les plans de l’espace du fait du point
tique principal est plus facile à repérer au niveau de l’isthme avec « fixe » constitué par l’orifice d’introduction du trocart. Ceci peut
des contours très légèrement échogènes (Fig. 6) et son contenu expliquer que les énucléations par laparoscopie pour insulinome
transsonore est d’autant plus facile à visualiser que la sonde ne sont associées à un taux de conversion en laparotomie pour défaut
comprime pas le pancréas. La présence d’un stent pancréatique de localisation compris entre 5 et 10 % [29, 31, 32] .
facilite bien entendu le repérage du canal pancréatique principal.
Le canal est ensuite suivi vers la gauche où son trajet est gros-
sièrement rectiligne mais son calibre plus fin. À ce niveau, une
Énucléation
boucle de l’artère splénique, pouvant barrer l’accès au bord supé- Si la lésion est superficielle, l’exérèse débute en identifiant le
rieur ou à la face antérieure, peut être repérée par ses battements plan de clivage entre la tumeur et le parenchyme avoisinant. Si
et l’aide du Doppler. Dans la tête, le canal est plus large mais le la lésion est profonde, n’affleurant pas la capsule, elle est repérée
trajet est souvent sinueux ; toutefois, en suivant la voie biliaire par la palpation et l’échographie peropératoire. Le parenchyme est
intrapancréatique, il est possible de repérer également le canal incisé à l’endroit où la lésion est la plus superficielle, en veillant
pancréatique principal à sa terminaison. L’échographie cépha- à éviter de blesser le canal pancréatique principal. Par exemple,
A B
Figure 7.
A. Énucléation d’une tumeur n’affleurant pas la capsule pancréatique : le plan de clivage est trouvé après incision du parenchyme pancréatique.
B. Aspect postopératoire après énucléation d’une lésion profonde au contact de l’artère gastroduodénale.
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40-189
Résumé : Les auteurs rapportent leur technique chirurgicale pour la réparation des volumineuses her-
nies hiatales. Seuls les patients symptomatiques doivent être opérés. Les symptômes associent de façon
variable des signes de reflux gastro-œsophagien, des signes de dyspepsie, des manifestations respiratoires
et une anémie assez fréquente. Le bilan morphologique comprend une opacification œsogastrique, ou
une tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdominale avec ingestion de produit de contraste. Une fibrosco-
pie préopératoire est indispensable. La voie laparoscopique est utilisée de façon standard. Les principes
de l’intervention sont la réduction de l’estomac en situation abdominale, la résection du sac herniaire,
la fermeture de l’orifice hiatal éventuellement renforcé par une prothèse synthétique ou biologique, et la
réalisation d’une fundoplicature partielle postérieure. Celle-ci a l’avantage d’entraîner moins de dyspha-
gie et de comporter une fixation de la valve postérieure aux piliers du diaphragme. La prise en charge en
urgence pour volvulus gastrique commence par la mise en place d’une sonde gastrique pour aspiration
digestive. En cas d’efficacité, l’intervention peut être réalisée en urgence différée. Sinon, elle doit être réa-
lisée en urgence, la vitalité de la paroi gastrique guide alors la conduite à tenir : résection ou correction
de la hernie hiatale.
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Plan Introduction
■ Introduction 1
Les volumineuses hernies hiatales affectent la plupart du temps
■ Rappels 2 des personnes âgées, de plus de 70 ans, voire de plus de 80 ans.
Anatomie 2 Avec le vieillissement de la population, cette pathologie devient
Anatomopathologie 2 de plus en plus fréquente, et les chirurgiens sont régulièrement
Manifestations symptomatiques 2 confrontés aux questions concernant l’indication chirurgicale et
Indications 2 la technique à utiliser, éventuellement dans le cadre de l’urgence,
■ Technique chirurgicale 3 ou à l’occasion d’une hernie hiatale « de rencontre » au cours
Voie d’abord 3 d’une intervention abdominale. Ces hernies peuvent être respon-
Matériel 3 sables de manifestations fonctionnelles très gênantes, entraînant
Place de la chirurgie robotique 3 une altération significative de la qualité de vie. Elles entraînent
Installation 3 également un risque de complication aiguë par étranglement,
Réduction du contenu de la hernie 3 pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Les indications doivent
Dissection et résection du sac herniaire 3 être soigneusement posées selon le rapport bénéfice/risque. La
Dissection de l’œsophage abdominal 4 voie laparoscopique s’est imposée depuis les années 1990, par ses
Mobilisation du fundus 4 avantages en termes de douleur et de rapidité de récupération. La
Fermeture du hiatus 5 mise en place d’un renfort prothétique pour consolider la répa-
Gastroplastie d’allongement 6 ration de l’orifice hiatale a été proposée, il n’existe pas à ce jour
Fundoplicature 6 de preuve formelle de son utilité. L’évaluation des résultats à dis-
Gastropexie à la paroi antérieure de l’estomac 6 tance doit être fondée plutôt sur les résultats fonctionnels que les
Drainage 7 résultats anatomiques qui peuvent être décevants avec un taux
Suites postopératoires 7 de récidive anatomique supérieur à 50 % [1, 2] . Ces récidives, la
Incidents et accidents peropératoires 7 plupart du temps mineures, restent compatibles avec des résultats
Complications postopératoires 7 fonctionnels tout à fait satisfaisants [1, 3, 4] .
■ Prise en charge des formes compliquées 7 Il s’agit quoi qu’il en soit d’une intervention considérée comme
souvent difficile qui requiert une bonne expérience en chirurgie
■ Indications 8
laparoscopique [5] .
Rappels
Anatomie
Le diaphragme est un muscle aplati interposé entre le thorax
et l’abdomen. Il est constitué d’une série de muscles digastriques
dont les tendons intermédiaires s’entrecroisent et constituent
le centre phrénique qui a classiquement la forme d’un trèfle à
trois folioles. En arrière, le diaphragme s’insère sur le rachis par
l’intermédiaire des deux piliers : le droit, plus long que le gauche,
s’insère sur les corps vertébraux de L2 L3 L4 et les disques inter-
médiaires, le gauche sur L2 L3 et sur le disque L2–L3. Les piliers se
croisent sur la ligne médiane de façon à ménager l’orifice aortique
en arrière et l’orifice hiatal en avant.
L’orifice hiatal se projette sur T10, il est fortement oblique et
regarde en bas et en avant. Il est de forme ovalaire et contient
l’œsophage et les nerfs pneumogastriques droit et gauche. En
arrière, il est séparé de l’orifice aortique par le ligament arqué qui
est situé en regard de l’origine du tronc cœliaque.
Les moyens de fixité de la région assurent la stabilité de
l’estomac et d’une courte portion d’œsophage en situation intra- Figure 1. Transit œso-gastro-duodénal préopératoire. La totalité de
abdominale malgré un régime de pressions défavorable du fait l’estomac est contenue dans le thorax, il existe un volvulus mésentérico-
de la juxtaposition de pressions négatives intrathoracique et de axial.
pression positive intra-abdominale. En outre, les moyens de fixité
sont relatifs, et autorisent des mouvements de la région de grande
amplitude pouvant atteindre une dizaine de centimètre lors des le péricarde en avant, les plèvres latéralement et l’aorte tho-
efforts de toux, par exemple. racique ; sa résection est par conséquent indispensable pour
La membrane phréno-œsophagienne dite de Laimer-Bertelli assurer la stabilité de la réparation [9] . En outre, on observe très
relie l’œsophage au hiatus. Il s’agit d’une membrane conjonc- souvent un épaississement pseudolipomateux du péritoine rétro-
tive lâche, qui a la forme de deux troncs de cône opposés par la œsophagien, intriqué avec le nerf vague postérieur, qui peut gêner
base correspondant à son insertion œsophagienne. Elle permet les considérablement la dissection. L’épaississement lipomateux du
mouvements de glissement de l’œsophage à l’intérieur du hiatus péritoine et l’abondance des feuillets péritonéaux qui sont étirés
et son rôle dans les moyens de fixité est donc relatif. Elle constitue constituent d’ailleurs l’une des principales difficultés chirurgicales
la véritable frontière anatomique entre l’abdomen et le médiastin. par la confusion et le suintement hémorragique qu’elles peuvent
Le méso-œsophage est une densification du tissu cellulaire induire.
interposé entre l’œsophage en avant et le rachis et l’aorte abdomi-
nale en arrière. Il contient à sa partie inférieure la faux de l’artère
gastrique gauche qui participe ainsi aux moyens de fixité de la Manifestations symptomatiques
région. Il se poursuit vers la gauche par le ligament phrénico-
Les symptômes sont nombreux, variables et peu spécifiques [10] .
gastrique qui unit la grosse tubérosité gastrique au diaphragme.
La principale difficulté est en fait de faire le lien entre les
Celui-ci contribue ainsi au maintien de l’angle de His. Il contient
symptômes fonctionnels et la hernie hiatale et de ne pas por-
les vaisseaux œso-cardio-tubérositaires postérieurs nés des vais-
ter d’indication chirurgicale à tort uniquement sur des images
seaux spléniques.
aussi impressionnantes soient-elles. Les symptômes associent des
Les autres formations péritonéales de la région : péritoine pré-
troubles de la vidange gastrique, des signes de reflux gastro-
œsophagien, petit épiploon et l’épiploon gastro-splénique n’ont
œsophagien (RGO), des manifestations respiratoires et parfois une
pas de rôle important dans les moyens de fixité du fait de la grande
anémie [11–13] . Il est indispensable d’éliminer par le bilan préopé-
élasticité du péritoine.
ratoire exhaustif toute autre cause d’anémie ou de dyspnée, ce
qui peut justifier la réalisation d’un bilan endoscopique complet
et d’une exploration du grêle par vidéo-capsule ainsi que des
Anatomopathologie épreuves fonctionnelles respiratoires.
Un bilan morphologique est indispensable, la description endo-
On décrit classiquement trois types de hernies hiatales : les her-
scopique de la hernie hiatale est insuffisante pour porter une
nies par glissement (type I), les hernies par roulement (type II)
indication chirurgicale, un transit œso-gastro-duodénal (TOGD)
avec cardia en place, et les hernies mixtes (type III) avec ascen-
(Fig. 1) ou une tomodensitométrie (TDM) avec opacification diges-
sion du cardia et de l’estomac. Ce chapitre ne concerne que les
tive est obligatoire. Cette dernière permet d’évaluer le volume de
volumineuses hernies hiatales qui appartiennent au type II ou
la hernie et son contenu, et d’apprécier la dimension de l’orifice
III. En pratique, la distinction des hernies de type II ou III a
hiatal et la qualité des piliers du diaphragme.
peu d’importance, car elles entraînent les même symptômes, les
Les hernies hiatales par roulement et mixtes sont associées à un
mêmes risques de complication, et requièrent le même traitement.
risque d’accident aigu par étranglement. Le tableau clinique est
Elles contiennent généralement la partie proximale de l’estomac,
celui d’une occlusion à ventre plat, avec intolérance alimentaire
et fréquemment la totalité de l’estomac, parfois une anse de côlon
totale et vomissements abondants. Le risque est la nécrose isché-
transverse attirée par le ligament gastro-colique, et parfois même
mique de l’estomac. En réalité, le tableau est plus souvent celui
une ou plusieurs anses grêles également. Elles sont la conséquence
d’un engouement herniaire de résolution spontanée, responsable
d’un déficit des moyens de fixation de l’estomac favorisé par l’âge,
de blocage alimentaire complet et souvent douloureux, dont la
d’un élargissement de l’orifice hiatal et parfois d’un raccourcisse-
récidive est pratiquement constante en l’absence de traitement.
ment de l’œsophage ou brachyœsophage dont le rôle reste encore
très discuté et inégalement apprécié [1, 6] , et peut être d’un déséqui-
libre du rapport collagène I / III [7, 8] . Indications
L’estomac peut être le siège d’un volvulus qui aggrave les
troubles de la vidange gastrique. Celui-ci peut être organo-axial, Seuls les patients symptomatiques doivent être opérés [10, 14] , la
autour d’un axe vertical passant par le grand axe de l’estomac, difficulté étant d’établir le lien de cause à effet entre les symp-
ou mésentérico-axial, autour d’un axe horizontal passant par le tômes décrits par le patient et la hernie, ce qui nécessite une
cardia. La hernie est tapissée d’un sac péritonéal dont l’élasticité analyse détaillée des symptômes et de leurs conséquences. L’âge
exerce une force de rappel vers le haut, il est en contact avec n’est pas en soi une contre-indication, d’autant que ces hernies se
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Technique chirurgicale
Voie d’abord
Ce type de hernie peut être abordé par voie abdominale ou tho-
racique [21] . En pratique, l’abord thoracique n’est que très rarement
nécessaire, et doit être réservé aux réinterventions, encore que
celles-ci puissent être régulièrement réalisées par voie abdominale.
Une voie combinée thoracoscopie + laparoscopie a été récemment Figure 2. Position des trocarts.
rapportée, avec des résultats préliminaires intéressants [22] .
L’abord abdominal peut être réalisé par laparotomie ou laparo-
scopie. Cette dernière permet des suites opératoires plus brèves,
moins douloureuses et plus confortables, et est devenue le stan-
dard pour ce type d’intervention [21, 23–25] ; c’est donc cette voie
qui servira de type de description de la technique. En outre,
l’abord laparoscopique offre une meilleure vision que la laparoto-
mie sur une région très profonde, masquée par le lobe hépatique
gauche. Toutefois, les difficultés rencontrées peuvent amener à
une conversion en laparotomie dont le patient doit être prévenu.
Les difficultés techniques fréquemment rencontrées nécessitent
une bonne expérience en chirurgie laparoscopique [5] .
Quelle que soit la voie d’abord, les principes de la technique
restent identiques, et comprennent la réduction du contenu de
la hernie, la résection du sac herniaire, la fermeture de l’orifice
hiatal, la réalisation d’une fundoplicature et d’une gastropexie.
Figure 3. Aspect initial : un segment de côlon transverse est attiré vers
Matériel le médiastin.
Figure 4. Début de la réduction de l’estomac. Figure 7. L’ouverture du petit épiploon se poursuit par celle du péri-
toine du hiatus, et amorce la dissection du sac herniaire.
fier que l’estomac reste en place dans l’abdomen sans qu’il ne soit
plus nécessaire de le maintenir par la pince de l’orifice ombilical,
ce qui est un critère de stabilité de la réparation. Le sac peut être
réséqué ou laissé pédiculisé sur ses insertions cardiales. En cas de
résection du sac, il faut être prudent de ne pas blesser les vaisseaux
gastriques gauches qui sont étirés par la hernie hiatale, et peuvent
être endommagés lors de la section de la partie droite du sac.
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Gastroplastie d’allongement
L’existence d’un œsophage court a été souvent incriminé
Figure 16. Valve postérieure.
comme facteur favorisant la récidive, d’où la proposition
d’effectuer une gastroplastie d’allongement selon la technique de
Collis [53] . Ceci peut être réalisé par voie laparoscopique au moyen
d’une résection triangulaire du fundus par application de deux est positionnée derrière l’œsophage (Fig. 15) puis amarrée par trois
chargeurs de pince à suture linéaire, permettant d’allonger la lon- rangées de trois points : à la face antérieure des piliers, au bord
gueur d’œsophage aux dépens de la partie supérieure de l’estomac. droit et au bord gauche de l’œsophage (Fig. 16). Le point supé-
Le diagnostic d’œsophage court est en fait très difficile [6] et diver- rieur gauche charge également le sommet du pilier gauche, afin
sement apprécié, ce qui explique la très grande variabilité des d’éviter une traction excessive à ce niveau sur la paroi œsopha-
gastroplasties d’allongement dans les séries publiées, qui va de gienne. La présence d’une prothèse ne modifie pas les principes
0 à 100 % [1, 23, 25, 31, 54–56] . de la fundoplicature qui peut être fixée par des points chargeant
Dans notre pratique, la résection complète du sac herniaire et la prothèse et le diaphragme sous-jacent (Fig. 17). Si on opte pour
la mobilisation de l’œsophage médiastinal [57] permettent de don- une valve circonférentielle type Nissen, celle-ci doit être fixée par
ner une bonne stabilité à l’estomac dont le critère est qu’il reste des points non résorbables, sa hauteur doit être inférieure à 3 cm
spontanément en place sans qu’il ne soit nécessaire d’exercer une selon les recommandations de De Meester [59] . Une valve anté-
traction. En outre, l’obliquité de l’orifice hiatale est telle que la fer- rieure type Dor est une alternative simple. La technique est facile
meture des piliers en arrière allonge le segment intra-abdominal et consiste à amarrer la grosse tubérosité gastrique au pilier droit
de l’œsophage. Si bien qu’il ne nous a jamais paru nécessaire par trois ou quatre points non résorbables. Le contrôle du RGO
d’effectuer un allongement de l’œsophage. est moins efficace que celui obtenu par une valve postérieure [60] ,
avec cependant une qualité de vie équivalente à terme [61] .
Fundoplicature
Un geste antireflux est un complément indispensable du fait Gastropexie à la paroi antérieure
de la destruction des mécanismes antireflux physiologiques. Une de l’estomac
valve partielle postérieure type Toupet nous semble préférable,
car elle entraîne moins d’effets secondaires qu’une valve circon- Une gastropexie à la paroi antérieure de l’abdomen peut être
férentielle et produit un effet équivalent sur le reflux [58] . En réalisée et serait pour certains un facteur permettant d’abaisser
outre, la rangée de points postérieurs et le point supérieur gauche le risque de récidive [62, 63] . Elle est constituée de trois ou quatre
amarré au diaphragme constituent une gastropexie qui contribue points non résorbables entre la face antérieure de l’estomac et la
au maintien de l’estomac en situation intra-abdominale. La valve paroi abdominale antérieure.
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Complications postopératoires
Toute fièvre doit faire suspecter une plaie méconnue de
l’œsophage ou de l’estomac dont le diagnostic doit être confirmé
par un scanner avec injection de produit de contraste et opa-
cification digestive. Une réintervention en urgence s’impose
alors. Le pronostic des plaies œsophagiennes ou gastriques est
significativement aggravé lorsque le diagnostic en est fait après
l’intervention [64] .
Une dysphagie aiguë peut être l’expression d’une migration
intrathoracique du montage qui peut être favorisée par des efforts
de toux. Le diagnostic doit être confirmé par une TDM avec
opacification digestive ou par un TOGD aboutissant à une réin-
tervention obligatoire.
Figure 17. Fundoplicature après renfort prothétique. Une dilatation gastrique peut être la conséquence d’une lésion
d’un ou des nerfs pneumogastriques. Ceci nécessite la remise en
place d’une aspiration gastrique et d’un traitement prokinétique
et la réalisation d’une dilatation pylorique ou d’une myotomie
sous-muqueuse par voie endoscopique.
Hernie hiatale
Traitement de
la cause
Intervention en Intervention Réduction de la hernie
urgence élective après Résection du sac herniaire
Gastrectomie en aspiration Fermeture du hiatus ± prothèse
fonction de la nécrose nasogastrique Fundoplicature
Figure 19. Arbre décisionnel. Résumé des indications chirurgicales. RGO : reflux gastro-œsophagien ; TDM : tomodensitométrie.
Indications [7] Brown SR, Melman L, Jenkins E, Deeken C, Frisella MM, Brunt
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Service de chirurgie digestive, Maison du Haut-Lévèque, avenue de Magellan, 33606 Pessac cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Collet D, Gronnier C. Traitement chirurgical des hernies hiatales et leur complication. EMC - Techniques
chirurgicales - Appareil digestif 2022;39(1):1-10 [Article 40-189].
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40-165-C
Hernies incisionnelles
(éventrations) - complexes
B. Borraccino, Y. Renard, P. Ortega-Deballon
Résumé : Une éventration peut être complexe en raison de sa taille ou du risque infectieux lors de
la réparation (en raison de la contamination du champ opératoire, ou en raison des comorbidités du
patient). En effet, les complications infectieuses sont à craindre particulièrement dans ces gestes de répa-
ration qui font appel à un renfort prothétique pariétal. La prise en charge de ces éventrations nécessite
souvent une préparation en amont de la chirurgie (préhabilitation) mais aussi une adaptation de la
technique opératoire. Le problème de la taille prend une ampleur particulière en cas de perte du droit de
cité. Pour prendre en charge une éventration géante différentes stratégies préopératoires existent (injec-
tion de toxine botulinique, pneumopéritoine thérapeutique de Goñi-Moreno), ainsi que des techniques
opératoires permettant d’atteindre l’objectif de fermer la ligne médiane complètement (techniques de
séparation de composantes et fermetures étagées). Le risque d’infection inhérent à la prothèse synthé-
tique en milieu contaminé ou chez le patient à risque a justifié l’arrivée dans la panoplie du chirurgien
des prothèses biologiques et biosynthétiques.
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Plan Préhabilitation
■ Introduction 1 La préhabilitation est le programme thérapeutique préopéra-
■ Préhabilitation 1
toire qui est mis en place dans le but de contrôler l’ensemble
des facteurs de risque d’un patient candidat à une réparation
■ Le problème de la taille : éventration géante et perte du droit complexe de la paroi abdominale. Les effets bénéfiques d’un pro-
de cité 2 gramme de préhabilitation ne se limitent pas à la diminution des
Évaluation 2 complications postopératoires mais aussi à la diminution des réci-
Stratégies préopératoires en cas d’éventration géante 2 dives [2] . Ils font aussi prendre conscience au patient qu’il peut
Techniques opératoires 2 maîtriser des aspects de sa santé qu’il pensait seulement subir.
■ Le problème du risque infectieux 5 L’inconvénient d’un tel programme est la nécessité de repousser
Classifications 5 l’intervention chirurgicale pour réaliser l’intervention thérapeu-
Prothèses disponibles 6 tique.
Cas particuliers 7 Les programmes de préhabilitation prennent particulièrement
en compte cinq aspects :
• évaluation de l’état nutritionnel. La dénutrition majore le
risque d’infection postopératoire. En cas de dénutrition, il
Introduction est nécessaire d’instaurer le support nutritionnel adéquat et
d’attendre l’amélioration avant d’intervenir. À l’opposé, quand
Bien qu’il n’y ait pas une définition validée de ce qu’est une il existe une obésité sévère, on propose au patient un parcours
éventration complexe, dans la littérature il y a quelques critères bariatrique. Cela implique la prise en charge nutritionnelle ini-
qui font consensus pour considérer comme telle une éventration : tiale et l’accompagnement diététique, en arrivant, quand cela
la taille et la localisation (en dehors de la ligne médiane), le mode est indiqué, à la chirurgie bariatrique. Dans ces cas, la répara-
de présentation (en urgence), la contamination bactérienne du tion pariétale est reportée de 18 mois, le temps de compléter
champ opératoire et les comorbidités du patient [1] . À l’exception le parcours bariatrique et d’en cueillir les effets bénéfiques. En
de la taille et de la localisation, les autres facteurs se traduisent cas de non-indication de chirurgie bariatrique, on demande au
essentiellement par une augmentation des complications infec- patient d’amorcer une perte pondérale significative avant de
tieuses qui sont à craindre particulièrement lors d’un geste qui programmer la cure d’éventration [2] ;
fait appel de principe à une prothèse pariétale. Différentes straté- • le sevrage tabagique. En effet, le tabagisme est associé à un retard
gies pré- et peropératoires sont apparues dans les dernières années de cicatrisation et à une augmentation du risque d’infection
pour faire face à ces différents aspects qui font la complexité d’une postopératoire. Il y a, par ailleurs, les problèmes respiratoires qui
éventration. sont particulièrement importants après une cure d’éventration
(a fortiori volumineuse) et son impact sur la mécanique respi- pas entièrement couverte par un plan musculo-aponévrotique).
ratoire. Pour ces raisons, le sevrage tabagique doit être obtenu L’autre objectif est de prévenir le risque du syndrome du
au moins un mois avant l’intervention chirurgicale [3] . Toute compartiment abdominal, complication postopératoire immé-
aide est bienvenue pour accompagner le patient dans ce but. En diate pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
revanche, il faut être intransigeant sur l’exigence d’un sevrage
tabagique complet avant la chirurgie [4] ;
• la préparation respiratoire. La réduction d’une éventration Pneumopéritoine thérapeutique de Goñi-Moreno
implique une augmentation de la pression intra-abdominale Cette technique de préconditionnement consiste à positionner
et, de fait, un syndrome restrictif pulmonaire. Cela est parti- un cathéter dans la cavité péritonéale afin de pouvoir insuffler pro-
culièrement important dans le cas des grandes éventrations ou gressivement un pneumopéritoine. Cela va augmenter le volume
en présence d’une fragilité respiratoire ou cardiaque. On pro- de la cavité abdominale et faciliter la réduction viscérale lors de
pose au patient des séances de kinésithérapie respiratoire et l’intervention. Par ailleurs, on limite le risque de syndrome du
entraînement à l’effort pendant un mois avant l’intervention compartiment abdominal et on réalise une préparation respira-
chirurgicale ; toire, puisque l’augmentation de la pression intra-abdominale
• le contrôle strict du diabète doit être obtenu avant la chirurgie. induit une diminution des volumes pulmonaires semblable à celle
En effet, c’est un facteur de risque d’infection du site opératoire que le patient aura en postopératoire.
(ISO) qu’il faut maîtriser en amont de la chirurgie en faisant Pour le cathéter d’insufflation, on utilisait auparavant une
appel aux compétences nécessaires ; petite voie chirurgicale (mini-laparotomie) pour installer une
• en cas de lésions cutanées trophiques, un avis dermatologique chambre implantable. En raison de complications infectieuses sur
se révèle utile pour améliorer dans la mesure du possible la pré- la chambre, on a changé de stratégie : la pose du cathéter par un
paration cutanée en vue de la réparation, à la fois pour diminuer radiologue sous contrôle échographie ou scannographique, ce qui
le risque infectieux et pour faciliter la cicatrisation. est moins risqué et plus confortable pour le patient [12] . Le volume
d’air insufflé est habituellement de 1 à 2 litres (en fonction de la
tolérance) tous les 2 à 3 jours durant 2 à 3 semaines, en prenant
Le problème de la taille : la précaution de positionner un filtre à air entre la seringue et
le cathéter. Afin de concentrer le pneumopéritoine dans la cavité
éventration géante et perte péritonéale et non pas dans l’éventration, le patient porte une
ceinture de contention abdominale adaptée à sa morphologie.
du droit de cité La kinésithérapie respiratoire est systématique. On obtient une
augmentation en largeur et longueur des muscles abdominaux
La taille de l’éventration est un facteur de risque de récidive
et une augmentation de plus de 50 % du volume de la cavité
reconnu, de même que la localisation en dehors de la ligne
abdominale [11, 13, 14] .
médiane. Quand l’éventration est volumineuse, la fermeture de
la ligne médiane aponévrotique, qui constitue un pilier de la cure
d’éventration au même titre que l’utilisation d’un renfort prothé- Injection de toxine botulique
tique, peut être difficile. Par ailleurs, une fermeture sous tension
L’injection de toxine botulique dans les muscles latéraux de
comporte le risque de voir apparaître un syndrome du compar-
l’abdomen est une technique développée récemment. Le principe
timent abdominal qui engage le pronostic vital du patient. Une
est d’injecter de la toxine botulique dans les muscles transverses,
éventration est dite « géante » lorsque la largeur du collet atteint
obliques internes et obliques externes afin d’obtenir une para-
10 cm [5, 6] . Ce concept ne doit pas être confondu avec celui de la
lysie musculaire puis un allongement des muscles permettant
perte du droit de cité (ou de domicile). La perte de droit de cité se
une fermeture théoriquement plus simple [15] . En pratique, il faut
définit par l’impossibilité de réduire l’éventration au repos en rai-
injecter sous contrôle échographique la toxine botulique dans les
son d’un volume du contenu herniaire trop important qui n’a plus
trois muscles latéraux de l’abdomen (transverse, oblique interne
la place dans la cavité abdominale. C’est donc différent des situa-
et oblique externe), à droite et à gauche, et à trois hauteurs
tions où le contenu herniaire n’est pas réductible à cause d’un
différentes de chaque côté (hypocondre, flanc et fosse iliaque)
collet trop étroit pour permettre le retour du contenu herniaire
(Fig. 2) [16] . Ces injections doivent être réalisées 4 à 6 semaines
dans l’abdomen.
avant la cure d’éventration (la toxine botulique commence à être
efficace à partir de 8 jours, est pleinement efficace à partir de
Évaluation 3 semaines et l’effet dure environ 6 mois). Cette technique n’a
pas de morbidité spécifique. L’efficacité est variable, l’allongement
L’évaluation clinique se fait comme pour toute éventration en des muscles est parfois important et facilite la cure d’éventration,
mesurant la largeur du défect pariétal [7] . L’évaluation de la perte mais parfois moins évident (Fig. 3). On l’utilise en pratique dès
du droit de cité doit être complétée par une volumétrie réalisée sur qu’une éventration atteint 10 cm de largeur. On la combine avec
un scanner abdomino-pelvien (Fig. 1) [8–10] . En pratique, on uti- un pneumopéritoine thérapeutique de Goñi-Moreno quand il
lise la formule de Sabbagh pour le calcul du volume herniaire : existe une perte du droit de cité et un critère volumétrique qui
VEV /(VEV + VCA ), où VEV est le volume du sac d’éventration et l’indique [17] .
VCA est le volume de la cavité abdominale [10] . Quand ce rap-
port entre le volume de l’éventration et celui de l’ensemble du
contenu qui va devoir se retrouver en position intra-abdominale Techniques opératoires
est supérieur à 20 %, on peut affirmer la perte du droit de cité. Une
préparation spécifique est alors indispensable avant la réparation Les principes généraux de la cure d’éventration restent en
chirurgicale pour éviter l’hyperpression abdominale postopéra- vigueur pour les éventrations complexes [7] . L’objectif idéal est
toire et le syndrome compartimental (Fig. 1) [11] . Dans ce but, on donc de reconstituer un plan postérieur en arrière des grands
utilise le pneumopéritoine de Goñi-Moreno qui est décrit plus droits, poser une prothèse en position rétromusculaire ou prépé-
loin. ritonéale, et fermer la ligne médiane antérieure en la recouvrant
totalement. Le recours à un patch de Vicryl® ou d’épiploon quand
on ne peut pas fermer le plan péritonéal, malgré les astuces qui
Stratégies préopératoires sont présentées par la suite, doit rester exceptionnel. De même, le
en cas d’éventration géante positionnement intrapéritonéal de la prothèse ou son utilisation
en pont (bridging, c’est-à-dire comme comblement d’un espace où
Le but premier de ces stratégies préopératoires est de il n’y a pas de plan aponévrotico-musculaire) doivent être évités
permettre de refermer l’aponévrose lors de la réparation chi- dans la mesure du possible.
rurgicale. La prothèse doit venir renforcer les plans pariétaux Dans le cas des éventrations géantes, pour atteindre l’objectif
mais pas les remplacer (éviter donc le bridging où la prothèse n’est de la fermeture aponévrotique et la couverture totale de la
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Hernies incisionnelles (éventrations) - complexes 40-165-C
B
Figure 1. Patient porteur d’une éventration géante (A). Volumétrie sur scanner abdominal pour estimer la perte du droit de cité (B). Le volume de
l’éventration est de 8,06 l et le volume de la cavité abdominale est de 11,31 l. Selon la formule de Sabbagh 8,06/(8,06 + 11,31) = 41,61 %. Comme on
dépasse 20 %, un pneumopéritoine thérapeutique de Goñi-Moreno est nécessaire en préparation chez ce patient.
prothèse par un plan musculo-aponévrotique, différentes tech- cas de petite tension sur la paroi musculaire car elles entraînent
niques peuvent être utiles. un gain très limité.
ouverte (impliquant une large dissection pré-aponévrotique des tion de la paroi abdominale à long terme restent encore peu
grands droits) ou par voie endoscopique. Le gain obtenu par voie connus mais le décollement sous-cutané large implique un taux
endoscopique est moindre. Les résultats en termes de fragilisa- de séromes et d’hématomes non négligeable [21] .
En pratique, on effectue une longue incision verticale 1 cm en
dehors du bord latéral des grands droits (donc sur l’aponévrose de
l’oblique externe) (Fig. 5). On est dans un plan avasculaire et sans
exposition de fibres musculaires. Cette incision s’étend sur toute
la hauteur de la laparotomie, pouvant aller du rebord costal à la
crête iliaque.
On utilise cette technique de recours quand on est contraint
de mettre la prothèse en position intrapéritonéale en raison de
a b
c d
Figure 5. Technique de séparation de composantes antérieure (dite
Figure 2. Technique de l’injection préopératoire de toxine botuli- « de Ramirez ») (a à d). Elle consiste à inciser verticalement l’aponévrose
nique sous contrôle échographique, en externe, 4 à 6 semaines avant de l’oblique externe 2 cm en dehors du bord latéral des grands droits.
l’intervention chirurgicale. Cette incision peut aller des côtés jusqu’à la crête iliaque.
A B
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l’impossibilité de la mettre en position rétromusculaire et que, thèse rétromusculaire ou prépéritonéale par voie mini-invasive
malgré l’adhésiolyse large, la fermeture de la ligne médiane n’est (idéalement, robot-assistée).
pas possible sans une grande tension. Dans ces cas, la séparation Quand il existe une certaine tension lors de la fermeture de la
antérieure de composantes permet d’avoir l’étoffe pour fermer sur ligne médiane, on réalise volontiers un surjet avec des points en
la prothèse sans tension. On prend bien soin d’étendre et de fixer U qui déchirent moins que le surjet classique.
la prothèse au-delà de la projection intrapéritonéale de la ligne de
section pratiquée.
La technique de séparation postérieure des composants (dont
le transversus abdominis release [TAR] est la variante pratiquée par Le problème du risque
les auteurs) consiste à profiter de la dissection de la gaine rétro- infectieux
musculaire des droits (plan de Rives-Stoppa), en incisant la gaine
immédiatement en dedans des pédicules vasculo-nerveux perfo- La plupart des facteurs de risque de retard de cicatrisation
rants, soit environ 1 cm en dedans de la ligne blanche externe (obésité, tabagisme, âge, corticothérapie, dénutrition) augmente
(Fig. 6). On trouve alors les fibres médiales du muscle transverse également le risque d’ISO. Mais le principal facteur de risque d’ISO
qu’on crochète par petits fascicules au dissecteur en les séparant reste la contamination du champ opératoire. L’ISO est particuliè-
du fascia transversalis, puis on les sectionne (Fig. 7). rement problématique dans le cadre de la cure d’éventration dans
On augmente déjà ainsi la mobilité de la gaine postérieure du la mesure où l’utilisation d’un renfort prothétique est incontour-
muscle droit. Puis, le décollement postérieur ouvre le plan pré- nable pour obtenir une réparation durable. Le renfort de référence
péritonéal au sein duquel on peut atteindre au tampon monté la à l’heure actuelle est une prothèse synthétique non résorbable
ligne axillaire antérieure. (en polypropylène [PP], polyester [PE] ou polyfluorure de vinyli-
Une fois la manœuvre réalisée des deux côtés, on pose une pro- dène [PVDF]). Si une infection atteint cette prothèse, le risque de
thèse rétromusculaire pré-aponévrotique très large qui déborde de survenue d’une suppuration chronique est important et aboutit
la ligne de section et s’étend en prépéritonéal. Il n’est pas toujours souvent à son retrait.
aisé de trouver ce plan à mi-hauteur, mais il est plus simple de le En raison de ce risque, le chirurgien doit veiller à la prise
faire en haut (en dessous du rebord costal) ou en bas (au niveau de de toutes les mesures préventives validées pour la prévention
l’arcade de Douglas). En revanche, il faut éviter d’inciser la gaine de l’ISO. Cela comprend les mesures préopératoires citées aux-
latérale des droits en allant trop loin (la ligne blanche latérale) car quelles on peut ajouter les protocoles de préparation cutanée en
le muscle qu’on sectionne alors par mégarde est l’oblique interne vigueur, l’antibioprophylaxie périopératoire, la technique chirur-
et non pas le transverse ; dans ce cas, même si le plan est aisé et gicale adaptée et soigneuse, le choix du bon matériel prothétique
semble naturel, il implique la dénervation complète des muscles en fonction du patient et de la contamination du champ opéra-
de la paroi et un « bulging » ultérieur. toire, et l’utilisation sensée des pansements à pression négative à
La séparation postérieure des composants de type TAR est, parmi visée prophylactique [22] .
les différentes techniques de séparation de composants, celle qui
semble obtenir le plus bas taux de récidives [21] . Elle est particu-
lièrement adaptée à la réparation avec prothèse rétromusculaire, Classifications
qui est la technique de référence actuellement. Cette technique
est également réalisable lors d’une cure d’éventration avec pro- Pour décider de la stratégie chez ces patients, en particulier du
choix de la prothèse, trois classifications sont utilisées actuelle-
ment dans la littérature pour évaluer le risque infectieux (Fig. 8).
La classification historique d’Altemeier a été reprise par les
classes de contamination (CDC). Elle ne tient compte que de
la contamination du champ opératoire et elle est applicable à
toute intervention chirurgicale. Plus le degré de contamination
du champ opératoire est élevé, plus le risque d’ISO l’est égale-
ment. La classification du Ventral Hernia Working Group (VHWG)
a été établie spécifiquement pour la chirurgie de la paroi et tient
compte des facteurs de risque du patient (qui suffisent à le classer
en grade 2) et du degré de contamination du champ opératoire
(grades 3 et 4 dans la version originale et grade 3 dans la version
Figure 6. Repérage de l’endroit où doit se pratiquer l’incision de la modifiée [mVHWG]) [23, 24] . Si on considère la mVHWG, le risque
gaine postérieure des droits, 5 mm en dedans des pédicules perforants. Il de complications du site opératoire est de 14 % pour le grade 1,
faut absolument éviter d’aller jusqu’au bord latéral de la gaine. 27 % pour le grade 2, et 46 % pour le grade 3.
A B
Figure 7. Technique de séparation postérieure de composants (dite transversus abdominis release [TAR]). Avant d’inciser la gaine postérieure, il est important
de déployer un champ tissé recouvrant tout le paquet viscéral jusqu’à la ligne axillaire antérieure pour protéger les viscères en cas d’effraction du plan péritonéal
lors de la TAR. On observe après ouverture verticale de l’aponévrose postérieure des droits les fibres du transverse (A) qu’on va sectionner par petits faisceaux
au dissecteur en les séparant du fascia transversalis sous-jacent (B).
B C
ou CDC class
A II III D
Altemeier
Contaminée
contaminée
I IV
Propre-
Propre Sale
Figure 8. Schéma synoptique des trois classifications utilisées dans la littérature pour l’estimation du risque infectieux. En fonction de ces éléments, on peut
choisir le type de renfort prothétique à utiliser bien que certaines situations ne font pas l’objet d’un consensus. Il faut noter que la classification d’Altemeier
(aussi dite des classes de contamination [CDC]) est générale pour tout acte chirurgical et tient compte exclusivement du degré de contamination du champ
opératoire (pas du tout des caractéristiques du patient). VHWG : Ventral Hernia Working Group (2010) ; mVHWG : Ventral Hernia Working Group version
modifiée (2012) ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ISO : infection du site opératoire.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Borraccino B, Renard Y, Ortega-Deballon P. Hernies incisionnelles (éventrations) - complexes.
EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2022;39(1):1-8 [Article 40-165-C].
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40-880-E
Duodénopancréatectomie totale
et totalisation de pancréatectomie
A. Sauvanet
Résumé : La duodénopancréatectomie totale (DPT) est une intervention rare, parfois techniquement
difficile, et altérant significativement la qualité de vie du fait des troubles digestifs et du diabète pancréa-
toprive qu’elle induit. Sur le plan chirurgical, elle supprime le risque de fistule pancréatique postopératoire
mais elle pose des problèmes spécifiques, intéressant en particulier la vascularisation gastrique et splé-
nique, et augmente également le risque de complications ulcéreuses. Il faut distinguer la DPT « d’emblée »
ou en un temps, et la totalisation d’une pancréatectomie partielle faite préalablement. Cette totalisation
peut être indiquée en urgence pour une complication grave liée au moignon pancréatique après duodé-
nopancréatectomie céphalique, ou de façon programmée pour récidive tumorale sur le pancréas restant
quelle que soit l’intervention initiale.
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A
Figure 1.
A. Vue peropératoire d’une duodénopancréatectomie totale avec conservation du pylore avant rétablissement des continuités biliaire et digestive : la veine
gastrique gauche (1) et la veine gastrique droite (2) ont été disséquées et conservées.
B. Duodénopancréatectomie totale avec antrectomie, splénectomie et résection des vaisseaux spléniques. L’estomac n’est plus vascularisé que par l’artère
et la veine gastriques gauches (cette dernière se terminant au bord gauche de la confluence splénomésaraïque et parfois comme ici au bord supérieur de la
veine splénique).
Enfin, exceptionnellement, une totalisation de pancréatecto- neuse pouvant nécessiter de recouper l’estomac pour effectuer
mie peut être indiquée en urgence pour une complication septique la gastro-jéjunostomie en zone bien vascularisée.
ou hémorragique liée au moignon pancréatique après DPC [1] , ou Chronologiquement, une DPC étendue au pancréas distal est
pour récidive tumorale, habituellement tardive, dans le pancréas donc faite de la droite vers la gauche. La totalisation de la pan-
restant après DPC ou pancréatectomie gauche [10–12] . créatectomie résulte de la positivité de l’histologie extemporanée
des tranches pancréatiques successives faites tous les 3 cm envi-
ron [5, 10] . Il faut en effet essayer de préserver, par des sections
répétées, la queue du pancréas car elle est susceptible d’assurer
Technique à elle seule une part importante, sinon totale, de l’équilibre gly-
cémique. Les vaisseaux pancréatiques inférieurs (collatérales du
Duodénopancréatectomie céphalique pédicule mésentérique supérieur) et l’artère pancréatique dorsale
immédiatement étendue au pancréas distal (naissant du bord inférieur du tronc cœliaque ou de la portion
proximale de l’artère splénique) doivent être liés et sectionnés
Il s’agit le plus souvent d’une DPC faite pour adénocarcinome puis les vaisseaux spléniques sont disséqués de la droite vers la
multifocal ou pour TIPMP, immédiatement étendue au pancréas gauche avec hémostase par ligatures au monobrin serti 5/0 ou 6/0
distal en raison de la présence de maladie résiduelle sur la tranche ou clips de leurs collatérales destinées au corps puis à la queue du
pancréatique. pancréas (Fig. 2).
L’intervention commence comme une DPC. Si celle-ci était En cas d’aspect de tumeur invasive dans le pancréas distal ou
indiquée pour TIPMP, la préservation de principe du pylore et d’adhérence très serrée avec les vaisseaux, il faut lier et sectionner
surtout des vaisseaux gastriques droits (pyloriques) permet de pré- l’artère splénique à son origine, puis la veine splénique à sa ter-
venir un risque de dévascularisation gastrique en cas d’extension minaison, et compléter l’exérèse souvent avec une splénectomie.
de l’exérèse au pancréas distal [10, 13] du fait de l’histologie extem- En l’absence de tout contexte de cancer invasif dans le pancréas
poranée de la tranche de section si, pour une raison liée à la distal ou d’inflammation majeure à son contact, notre habitude
maladie ou à un problème technique, les vaisseaux spléniques et est d’essayer de conserver la rate. Pour cela, il faut reconnaître
la rate devaient être sacrifiés. Notre habitude est donc de préser- avec précision le trajet sinueux de l’artère splénique, exposant à
ver le pylore, la continuité des vaisseaux pyloriques et le cercle la survenue d’une plaie ou d’une ligature accidentelle. Dans ce
vasculaire de la petite courbure au cours des DPC pour TIPMP but, il faut mobiliser le mésogastre postérieur en incisant le péri-
(Fig. 1A), sauf dans les formes infiltrantes s’il existe un risque toine pariétal au-dessus et en dessous du corps du pancréas et de
de résection R1 au contact du premier duodénum et du pédicule repérer le trajet de l’artère par sa face postéro-supérieure. Cette
hépatique. En effet, la DPT peut aboutir à une dévascularisation manœuvre facilite également une lymphadénectomie au contact
ou à une congestion gastrique [10, 13] si l’intervention comporte des vaisseaux spléniques. En cas de désinsertion d’une collatérale
successivement (Fig. 1B) : artérielle, un clampage temporaire de l’artère splénique à son ori-
• une antrectomie avec sacrifice des vaisseaux gastro-épiploïques gine facilite la suture du moignon artériel au fil monobrin 6/0.
droits et des vaisseaux gastriques droits (pyloriques) ; La dissection est plus difficile dans le hile de la rate et nécessite
• un sacrifice des vaisseaux spléniques rendu nécessaire par alors, après abaissement de l’angle colique gauche, la mobilisa-
l’existence d’un foyer tumoral invasif et/ou un problème de tion complète de la queue du pancréas qui doit être « extirpée »
dissection peropératoire ; du hile de la rate par sections de ses attaches péritonéales en avant
• un traumatisme de la veine gastrique gauche qui s’abouche et surtout en arrière, voire l’extériorisation du mésogastre posté-
habituellement au bord gauche de la confluence spléno- rieur afin de mieux visualiser les branches des vaisseaux spléniques
mésaraïque. En effet, la conservation de cette veine peut se et le pédicule gastro-épiploïque gauche. En cas d’interruption
révéler difficile en cas de trajet aberrant et/ou de phénomènes accidentelle isolée de l’artère splénique, l’estomac et la rate res-
inflammatoires marqués [10, 13] . Si la veine gastrique gauche tent habituellement bien vascularisés – surtout si les vaisseaux
est interrompue, l’estomac n’est plus vascularisé par voie arté- gastriques droits ont été conservés – et la rate peut alors sou-
rielle que par l’artère gastrique gauche (coronaire stomachique) vent être conservée. Si seule la veine est sténosée ou occluse, il
et son retour veineux est assuré par les seules veines péri- est préférable de lier l’artère splénique pour éviter une hyper-
œsophagiennes et le ligament gastrophrénique au contact du tension portale segmentaire et la viabilité de la rate doit être
pilier gauche du diaphragme. Il se développe alors une stase vei- appréciée par sa coloration et éventuellement un échodoppler
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Duodénopancréatectomie totale et totalisation de pancréatectomie 40-880-E
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Duodénopancréatectomie totale et totalisation de pancréatectomie 40-880-E
vers la gauche), lier l’artère splénique puis les vaisseaux courts gas- étant imprévisible, ils justifient une prévention systématique et
trospléniques et terminer l’exérèse du pancréas par une dissection définitive par inhibiteurs de la pompe à protons ;
prudente et une ligature sur clamps par surjet de monobrin 5/0 • une gastroplégie (environ 15 %), pouvant nécessiter le main-
ou 6/0 de la terminaison de la veine splénique en veillant à ne tien ou la réinsertion de la sonde gastrique, et qui nécessite
pas sténoser l’axe veineux mésentérico-porte. La conservation de alors une nutrition parentérale immédiate avec adaptation de
la rate est en règle impossible. l’insulinothérapie [10, 18] ;
• une lymphorrhée ou d’ascite chyleuse du fait de l’importance
de la dissection cœliomésentérique [18] ;
Totalisation programmée • très rarement, une fistule de l’anastomose hépatico-jéjunale ou
Les indications les plus fréquentes de ces réinterventions sont duodéno-jéjunale.
l’adénocarcinome canalaire [16] et les TIPMP [17] . Ces interven-
tions sont rares, voire exceptionnelles après adénocarcinome, et
ne doivent être envisagées qui si elles peuvent aboutir à une exé-
rèse de type R0, si possible après traitement « néoadjuvant » ou “ Points essentiels
« d’induction » [16] .
Il peut s’agir d’une réintervention pour récidive tumorale sur • La DPT est principalement indiquée pour des formes
le pancréas corporéo-caudal après DPC. Dans cette indication, la diffuses d’adénocarcinome pancréatique ou des tumeurs
dissection est parfois difficile autour de l’anastomose pancréatico-
intracanalaires papillaires et mucineuses de topographie
digestive, en particulier à sa face postérieure qui est proche du
confluent spléno-mésaraïque et de la terminaison de la veine diffuse.
gastrique gauche. Les possibilités de préservation de la vascu- • Il n’est actuellement plus justifié de réaliser une DPT dans
larisation gastrique sont difficiles à prévoir en préopératoire et le seul but de prévenir une fistule pancréatique après DPC.
dépendent de la réalisation préalable ou non d’une antrectomie, • En cas de DPT avec antrectomie et splénectomie, la
de la perméabilité de la veine gastrique gauche, et des possibilités vascularisation gastrique ne repose plus que sur le seul
de conservation des vaisseaux spléniques lors de la totalisation. La pédicule gastrique gauche dont la veine peut facilement
suppression de l’anastomose pancréatico-jéjunale est aisée : elle être blessée au cours de l’intervention.
peut être réséquée en bloc avec les premiers centimètres de l’anse • La conservation du pylore et des vaisseaux gastriques
jéjunale, fermée en amont de l’anastomose hépatico-jéjunale par droits permet de mieux préserver la vascularisation gas-
agrafage mécanique, puisque l’anastomose pancréatico-jéjunale
trique.
est en règle générale l’anastomose la plus proche du cul-de-sac
• La totalisation d’une pancréatectomie pose les mêmes
de l’anse. La suppression d’une anastomose pancréatico-gastrique
est plus difficile car l’estomac est fixé au pancréas, ce qui gêne le problèmes de préservation de la vascularisation gastrique.
repérage précis des vaisseaux ; une fois l’anastomose supprimée • La préservation splénique et des vaisseaux spléniques
en laissant éventuellement une étroite collerette de paroi gas- n’est théoriquement envisageable qu’en cas de tumeur
trique sur le pancréas, l’estomac doit être suturé, habituellement non invasive dans le pancréas corporéo-caudal, ce qui rend
par une suture manuelle, en veillant à l’hémostase des vaisseaux un curage splénique non nécessaire.
sous-muqueux gastriques. Le reste du montage ne doit pas être • Les principales complications immédiates de la DPT
modifié. sont : les ulcères anastomotiques gastro-jéjunaux ou
Si la DPC initiale a comporté une conservation des vaisseaux duodéno-jéjunaux, la gastroparésie et les épanchements
gastriques droits, il est fréquent dans l’expérience de l’auteur que
lymphatiques (chyleux ou non).
la rate reste bien vascularisée et puisse être conservée lors d’une
• La DPT se complique d’un diabète difficile à équilibrer,
totalisation, à la condition que la queue du pancréas soit exempte
de lésion invasive et que le hile de la rate soit disséquable. avec un risque accru d’hypoglycémies, du fait de la dispa-
Certaines TIPMP traitées par pancréatectomie gauche ou rition de sécrétions endogènes de glucagon.
spléno-pancréatectomie gauche récidivent sur le pancréas cépha-
lique. Idéalement, cette récidive est découverte par la surveillance
avant le développement d’un cancer invasif. Il est donc sou-
haitable et possible de traiter ces récidives par une DPC avec
conservation du pylore et des vaisseaux gastriques droits. Le réta-
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare : Baxter (interventions ponc-
blissement de la continuité est fait selon la technique précisée plus
tuelles) ; Amgen (interventions ponctuelles).
haut.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Sauvanet A. Duodénopancréatectomie totale et totalisation de pancréatectomie. EMC - Techniques
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40-880-A
Pancréatectomies
A. Sauvanet
Résumé : Les pancréatectomies, ou résections partielles ou totales du pancréas, sont indiquées par
des tumeurs malignes et des lésions bénignes, tumorales ou inflammatoires. Ces interventions sont
représentées par des techniques variées de résection parenchymateuse, auxquelles on peut associer les
énucléations (ablation d’une tumeur sans résection parenchymateuse adjacente) et les ampullectomies
(résection limitée à l’appareil ampullaire). Le type de pancréatectomie est guidé par la localisation de la
lésion, son caractère tumoral invasif ou non invasif, et la coexistence éventuelle de phénomènes inflam-
matoires. La plupart des pancréatectomies exposent à une morbimortalité significative à court et long
termes, qui doit toujours être mise en balance avec le pronostic de la maladie sous-jacente et qui a justifié
le développement de variantes techniques destinées à en diminuer l’importance.
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Pancréatectomies 40-880-A
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Sauvanet A. Pancréatectomies. EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2020;0(0):1-3 [Article
40-880-A].