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Sommaire
Mode d’emploi ......................................................................................................................................... 3
Quel est le but de cette analyse ?................................................................................................................................ 3
Comment est structurée cette analyse ? .................................................................................................................. 3
La communauté face à l’individu .......................................................................................................... 5
Répondre aux besoins de l’humain ............................................................................................................................. 5
2020
EZZAIM Med Wassim
[email protected]
▪ Chaque carré bleu représente un bloc (= un argument accompagné d’exemples tirés des
3 œuvres).
Mode d’emploi
Dans cette fiche, tu vas retrouver une liste d’arguments utilisables en dissertation, avec
pour chaque argument, des exemples et citations commentées, puis un exemple de
bloc rédigé :
Argument (et son explication) + exemples et commentaires des œuvres + exemple de bloc rédigé
ARGUMENT
Chaque argument expose une idée en lien avec le thème de l’année.
Attention
Les différents arguments présentés dans une même sous-partie sont indépendants les uns des
autres. Ils ne s’articulent pas les uns avec les autres comme cela devrait être le cas dans une
dissertation. Dans une dissertation, tes arguments doivent se suivre dans un ordre logique.
EXEMPLES ET COMMENTAIRES
Il s’agit d’un ensemble d’exemples tirés des 3 œuvres permettant d’illustrer l’argument
qui vient d’être donné. Pour chaque œuvre, un code ( ++ / + / = / - ) indique
l’adéquation de l’exemple avec l’argument :
Attention
Dans cette section, les 3 œuvres apparaissent toujours dans le même ordre. La répétition de cet
ordre sert juste à faciliter la lecture du document. Mais dans ta copie, il faut varier l’ordre des
œuvres autant que possible. Sinon, ta dissertation risque d’être trop répétitive (il faut essayer de
donner à ton correcteur l’envie de lire ta copie).
Attention
Tous les sujets de dissertation abordent le thème de l’année d’une manière unique. Pour bien
répondre à chaque sujet, tu dois recombiner de façon inédite les exemples tirés des 3 œuvres. C’est
comme ça que l’exercice de dissertation permet de tester ta réflexion personnelle. Ces exemples de
blocs rédigés sont donc donnés à titre indicatif : ils n’ont pas vocation à répondre à un sujet précis
bien qu’ils puissent t’inspirer pour un maximum de sujets. Il est donc déconseillé de bêtement
copier-coller les exemples déjà rédigés.
Dans ces blocs, les 3 œuvres sont utilisées à chaque fois. C’est la forme « idéale » d’un paragraphe
de dissertation. Mais en condition réelle, tu n’es pas obligé de t’appuyer sur les 3 œuvres à chaque
fois : il est possible de ne s’appuyer que sur 2, voire une seule œuvre pour prendre davantage le
temps de bien l’expliquer.
Besoin de sécurité
++ L’apport de sécurité est la raison d’être de la communauté politique (la société) selon
Spinoza. En effet, la sécurité est fondamentalement utile aux hommes : c’est le « besoin
premier » car il permet de protéger son existence, de se prémunir contre la peur et le
danger. Or, à l’état naturel, « l’Appétit » des êtres humains les pousse à causer du tort à
autrui : il n’y a pas de sécurité. Il est donc nécessaire de s’organiser en communauté
pour que tout le monde s’accorde à ne pas nuire aux autres, et que chacun soit ainsi
protégé (ce qui implique de remettre volontairement son droit d’agir à un pouvoir
souverain, afin que tous les individus aillent dans le même sens, celui du bien
commun) :
• « Il est de beaucoup plus utile aux hommes de vivre suivant les lois et les injonctions
certaines de la Raison, lesquelles tendent uniquement […] à ce qui est réellement utile aux
hommes. En outre il n’est personne qui ne désire vivre à l’abri de la crainte autant qu’il se
peut, et cela est tout à fait impossible aussi longtemps qu’il est loisible à chacun de faire tout
ce qui lui plaît […] S’ils ne s’entraident pas, les hommes vivent misérablement […] Pour vivre
dans la sécurité et le mieux possible les hommes ont dû nécessairement aspirer à s’unir en
un corps et ont fait par là que le droit que chacun avait de Nature sur toutes choses fût
déterminé non plus par la force et l’appétit de l’individu mais par la puissance et la volonté
de tous ensemble » XVI p. 263-4
• « Il leur a donc fallu par un établissement très ferme, convenir […] de refréner l’Appétit, en
tant qu’il pousse à causer du dommage à autrui […] et enfin de maintenir le droit d’autrui
comme le sien propre » XVI p. 264
• « Prévenir tous ces maux […] établir partout des institutions faisant que tous […] mettent le
droit commun au-dessus de leurs avantages privés, c’est là l’œuvre laborieuse à accomplir »
XVII p. 279-80
• « Le Roi : Ou contre ceux-ci ou contre ceux-là soulever une rude guerre, c’est à quoi je suis
contraint […] Point d’issue exempte de douleur ! […] et de tous côtés d’invincibles soucis ! Une
masse de maux vient sur moi comme un fleuve […] et point de havre ouvert à ma détresse ! »
LS p. 66-67
• « Le Roi : J’ai besoin d’une pensée profonde qui nous sauve […] afin que l’affaire d’abord ne
crée point de maux à notre cité […] qu’Argos échappe aux atteintes d’une guerre de
représailles » LS p. 65
• « Étéocle : La Terre maternelle […] à l’heure, où, enfants, vous vous traîniez sur son sol
bienveillant, a pris toute la charge de votre nourriture et fait de vous des loyaux citoyens »
LSCT p. 143-144
• « Le Chœur. – Que le conseil qui commande en cette cité garde sans trouble ses honneurs,
pouvoir prévoyant qui pense pour le bien de tous ! » LS p. 75
+ La sécurité en tant que telle est rarement évoquée directement dans le roman de
Wharton, mais le confort social est l’un des principaux sentiments recherchés par les
membres de la haute-société de New-York (et ce pourquoi ils sont tant attachés à
l’ordre établi au sein de leur communauté). Dès le début du roman, les nouveaux riches
sont d’ailleurs décrits comme un « danger » car leurs pratiques plus frivoles et
individualistes déstabilisent la structure de la communauté. Même Ellen, qui est
pourtant un électron libre, ressent ce besoin de se fondre dans le moule pour se sentir
en sécurité. En effet, déracinée après son long voyage en Europe, elle se sent vulnérable
et souffre de la solitude :
• « [Ellen] avait Beaufort à ses pieds, Mr van der Luyden planait au-dessus d’elle comme une
divinité protectrice, et de nombreux candidats attendaient leur tour de se déclarer ses
défenseurs. Néanmoins […] Ellen Olenska souffrait de sa solitude » XIII p. 132
• « [Ellen :] Peut-être ai-je toujours vécu avec trop d’indépendance. En tout cas, je veux faire
ce que vous faites tous : je veux sentir de l’affection et de la sécurité autour de moi » IX p. 89
• « Vous aviez raison de me dire toute la bonté de mes hôtes. Je me sens en sécurité ici » XIV
p. 137
• « Les traditionalistes y tenaient [à la vieille salle d’opéra] parce que, petite et incommode,
elle éloignait, de ce fait même, les nouveaux riches dont New-York commençait à sentir à la
fois l’attraction et le danger » I p. 21
La communauté apporte une forme de sécurité aux individus. Elle semble exister
« naturellement » car elle permet aux individus, au travers d’un pacte de non-agression, de se
protéger mutuellement. Comme l’écrit Spinoza : « Pour vivre dans la sécurité et le mieux
possible les hommes ont dû nécessairement aspirer à s’unir en un corps ». Selon le philosophe,
la sécurité est le bien suprême, celui qui apporte la plus grande utilité à la vie de l’individu :
l’apport de sécurité est la raison d’être de l’État. C’est en partie pour rappeler cette « utilité » de
la cité que les intrigues des pièces d’Eschyle mettent en avant les dangers de la guerre qui
menace la « Terre maternelle » qui prend soin de ses « enfants ». Symboliquement, la
communauté est ici présentée comme une mère car elle est indispensable au maintien de
l’existence des individus. Dans Le Temps de l’innocence, même le personnage d’Ellen, pourtant
très indépendante, éprouve ce besoin de protection. Elle dit : « je veux sentir de l’affection et de
la sécurité autour de moi ». En effet, déracinée après son long voyage en Europe, elle se sent
vulnérable et souffre de la solitude. Or, une existence solitaire s’apparente à de la survie. La
sécurité est probablement le premier des biens communs garantis par la communauté.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Besoin de reconnaissance
donner une image de « dieu sur terre », car il se croit au-dessus des autres, trompe ses
sujets et risque alors de perdre leur confiance :
• « Pour leur sécurité, les rois qui autrefois avaient usurpé le pouvoir, ont tenté de persuader
qu'ils tiraient leur origine des Dieux immortels. Ils pensaient que si leurs sujets et tous les
hommes ne les regardaient pas comme leurs semblables, mais les croyaient des Dieux, ils
souffriraient plus volontiers d'être gouvernés par eux et se soumettraient facilement. Ainsi
Auguste persuada aux Romains qu'il tirait son origine d'Énée, qu'on croyait fils de Vénus et
rangeait au nombre des Dieux : il voulut des temples, une image sacrée » XVII p. 281
• « Les choses sacrées […] relèvent du seul droit du souverain […] cela est de première
nécessité pour le maintien tant de la Religion elle-même que de l’État ; tout le monde sait en
effet quel prestige ont dans le peuple le droit et l’autorité de régler les choses sacrées, et
comme il est suspendu à la parole de celui qui les détient ; on peut affirmer qu’avoir cette
autorité c’est régner sur les âmes » XIX p. 320
• « Que la ville d'Amsterdam nous soit en exemple […] dans cette ville très éminente, des
hommes de toutes nations et de toutes sectes vivent dans la plus parfaite concorde et
s'inquiètent uniquement, pour consentir un crédit [= donner de la considération] à quelqu'un,
de savoir […] s'il a accoutumé [= s’il a l’habitude] d'agir en homme de bonne foi ou en
fourbe » XX p. 334
+ Avec les Danaïdes, Eschyle met en scène des femmes fugitives qui ne se
reconnaissent plus dans la communauté égyptienne, qui cherchent une nouvelle
identité. Perdues, elles ont besoin de se reconstruire au sein d’une autre patrie. Mais en
arrivant à Argos, elles ne sont que des étrangères. Afin d’être bien vues, elles montrent
donc d’abord tout leur respect pour les traditions grecques. Puis, elles prouvent leur
filiation avec le pays d’Argos. En construisant ainsi leur identité de « concitoyennes »,
Pélasgos devient plus sensible à leur cause. Par la suite, les Danaïdes sont acceptées.
Elles expriment alors avec soulagement et fierté leur filiation à cette nouvelle
communauté :
• « Le chœur : Nous sommes fille de Zeus, et c’est de ce rivage qu’est partie notre colonie. Une
trace ancienne me ramène aujourd’hui aux lieux où sous l’œil d’un gardien jadis paissait ma
mère [= Io] » LS p. 70
• « Le Roi : D’où vient donc cette troupe à l’accoutrement si peu grec, fastueusement parée de
robes et de bandeaux barbares, à qui je parle ici ? […] Je vois chez vous, il est vrai, des
rameaux suppliants déposés suivant le rite aux pieds des dieux de la cité : en cela
seulement, la conjecture peut retrouver la Grèce […] Le Coryphée : Nous nous honorons
d’être de race argienne » LS p. 59-60
• « [Archer] avait été, somme toute, ce qu’on commençait à appeler à New-York ‘’un bon
citoyen’’ […] On disait toujours : ‘’Il faut demander l’avis d’Archer’’. Ses jours étaient remplis, et
remplis avec honneur. N’était-ce pas tout ce qu’un homme de bien pouvait demander ? »
XXIV p. 293-4
• « Tout New-York était contristé par l’histoire du déshonneur de Beaufort » XXVIII p. 252
• « [Mrs Manson Mingott :] ‘’L’honneur a toujours été l’honneur, et l’honnêteté l’honnêteté,
dans la maison de Manson Mingott » XXVII p. 248
• « La jeune femme [= Ellen] […] semblait inconsciente de l’attention qu’attirait sa toilette [=
tenue] originale » I p. 26
• « Archer fut frappé de nouveau par le respect religieux que la moins mondaine de ses
compatriotes [= May] portait au prestige de la toilette. ‘’C’est leur armure, leur défense contre
l’inconnu’’ » XX p. 195
• « [Les artistes] étaient d’espèce particulière, difficiles à classer […] leur origine, leur tenue,
leurs tignasses incultes, leurs relations avec les acteurs et les chanteurs, empêchaient de
les classifier d’après le critérium du vieux New-York » XII p. 115
• « Tous les messieurs de la loge se retournèrent pour écouter ce qu’allait dire Mr Jackson, car
son autorité sur le chapitre ‘’famille’’ était aussi incontestée que celle de Lawrence Lefferts
sur le chapitre ‘’bon ton’’ […] Ces messieurs attendaient donc avec un visible intérêt l’oracle
qu’allait rendre Mr Sillerton Jackson [au sujet d’Ellen] » I p. 26 à 28
• « Lawrence Lefferts était, somme toute, le premier arbitre de New-York en matière de ‘’bon
ton’’ » I p. 25
de gentleman, ne pourra se résoudre à quitter May pour Ellen. Incarnant son rôle de bon citoyen,
« ses jours étaient remplis, et remplis avec honneur. N’était-ce pas tout ce qu’un homme de
bien pouvait demander ? ». De même, les Danaïdes affirment ceci : « Nous nous honorons
d’être de race argienne ». Alors qu’elles ne se reconnaissaient plus dans la communauté
égyptienne, elles se sont rattachées à leur identité de « concitoyennes » du pays d’Argos,
exprimant avec soulagement et fierté leur filiation avec cette cité. Spinoza donne quant à lui
l’exemple d’une communauté dont les membres se définissent et obtiennent de la considération
en fonction de leur honnêteté : ils « s'inquiètent uniquement, pour consentir un crédit à
quelqu'un, de savoir […] s'il a accoutumé d'agir en homme de bonne foi ou en fourbe ».
Communauté jugée exemplaire par le philosophe car c’est ici le comportement moral de
l’individu qui lui confère une identité positive.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Besoin d’unité
+ Pour se pacifier et être stable, la communauté politique devrait s’appuyer sur deux
grands principes religieux selon Spinoza : la charité (aider son prochain) et la justice
(faire respecter le droit de chacun). Ces deux principes seraient les seuls véritablement
imposés par Dieu lui-même (et appliqués grâce à l’État). Tout homme, souverain ou
sujet, se devrait de les respecter. Ainsi, le peuple montre sa foi en Dieu en ayant foi en
l’État puisque c’est lui qui est garant de la loi divine. La religion peut donc alimenter la
« fidélité » du sujet envers la communauté, c’est-à-dire son sentiment d’appartenance
à cette communauté :
• « Il faut obéir à Dieu de toute son âme, en pratiquant la justice et la charité » préface p. 26
• « Le culte religieux extérieur [= pratiqué collectivement] et toutes les formes extérieures de
la piété doivent, si nous voulons obéir à Dieu directement, se régler sur la paix de l’État […] La
piété envers la Patrie est la plus haute sorte de piété qu’un homme puisse montrer ;
supprimez l’État en effet, rien de bon ne peut subsister ; nulle sûreté nulle part ; c’est le
règne de la colère et de l’impiété dans la crainte universelle » XIX p. 317
• « Comme c’est l’office du souverain seul de déterminer ce qu’exigent le salut de tout le
peuple et la sécurité de l’État […] c’est par conséquent aussi l’office du souverain de
déterminer à quelles obligations pieuses chacun est tenu à l’égard du prochain, c’est-à-dire
suivant quelle règle chacun est tenu d’obéir à Dieu » XIX p. 317
• « Accomplir la loi de Dieu c’est pratiquer la justice et la charité […] d’où suit que le Règne de
Dieu est établi où la justice et la charité ont force de droit et de commandement […] la
Religion n’acquiert force de droit que par le décret de ceux qui ont le droit de commander […]
le règne singulier de Dieu sur les hommes ne s’établit que par les détenteurs du pouvoir
politique » XIX p. 314 / Voir aussi XVI p. 272
++ L’œuvre d’Eschyle met en scène deux cités (Thèbes et Argos) dont les citoyens
semblent unis autour de valeurs communes. Ces valeurs permettent l’avènement de la
« civilité » et de « l’humanité » face au chaos, à la violence et à l’ensauvagement :
↪ Dans Les Suppliantes, c’est le sens de l’hospitalité et le respect envers les plus faibles
qui semblent unir les Argiens. En effet, ils accueillent de manière unanime les Danaïdes.
Ils subliment ainsi leur humanité au lieu de n’être que des égoïstes. Ils respectent les
commandements divins :
• « Le Roi : Père de ces vierges [=Danaos], vite, en tes bras prends ces rameaux [= symbole de
supplication] et va les déposer sur d’autres autels de nos dieux nationaux, afin que tous les
citoyens voient cet insigne suppliant […] La compassion sans doute naîtra à cette vue […]
C’est aux faibles toujours que vont les bons vouloirs » LS p. 68
• « Le Roi : Il m’est pénible aussi de dédaigner vos prières » LS p. 64
• « Danaos : Argos s’est prononcée d’une voix unanime […] nous aurons ‘’la résidence en ce
pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d’asile reconnu ; nul habitant ni
étranger ne pourra nous saisir ; use-t-on de violence, tout bourgeois d’Argos qui ne nous
prête aide est frappé d’atimie, exilé par sentence du peuple’’ » LS p. 72
• « Le Coryphée : Allons, que nos vœux appellent sur Argos les biens qui paieront ses
bienfaits, et que Zeus Hospitalier veille à réaliser pleinement et sans réserve les hommages
que lui rend la bouche de ses hôtes ! » LS p. 73
• « Danaos. – Tous [les Argiens] ont été nos sauveurs. C’est ainsi qu’ils ont écouté mon récit,
avec la sympathie due à des proches […] En échange de tels bienfaits, nous leurs devons, si
notre âme est guidée par un bon pilote, l’hommage d’une gratitude qui les honore encore
plus que jamais » LS p. 84-85
↪ Tandis que dans Les Sept contre Thèbes, courage, discipline et « dévouement au
pays » (p. 174) sont des valeurs communes qui donnent force et noblesse à la
communauté et aux membres qui la composent :
• « Étéocle : Si tu ne veux pas semer la lâcheté au cœur des citoyens, reste en repos, ne laisse
pas déborder ta terreur […] Le Coryphée : Je me tais : mon sort sera le sort de tous / Étéocle :
Voilà un mot que je retiens […] accompagne-les […] de la clameur sacrée, du cri rituel qui, en
Grèce, salue la chute des victimes : il donnera confiance aux nôtres et dissipera en eux tout
effroi de l’ennemi […] Voilà les vœux que je t’engage à faire, au lieu de te complaire à ces
gémissements, à ces cris haletants, aussi vains que sauvages, qui ne te feront pas échapper
au destin » LSCT p. 150 à 152
• « Étéocle [au coryphée] : Invoque les dieux, sans pour cela te sottement conduite ! La
discipline est mère du succès qui seul, ô femme, assure la vie sauve » LSCT p. 149
• « Étéocle : Vous devez tous à cette heure […] chacun enfin se donnant au rôle qui convient à
ses forces, porter secours à la cité, aux autels des dieux du pays […] à vos fils, et à la Terre
maternelle, la plus tendre des nourrices, qui, à l’heure, où, enfants, vous vous traîniez sur son
sol bienveillant, a pris toute la charge de votre nourriture et fait de vous des loyaux citoyens
armés du bouclier qu’elle attend en ce besoin » LSCT p. 143-44
+ Chez Wharton, la communauté new-yorkaise est d’autant moins liée par un projet
politique qu’il est mal vu de se mêler des affaires parfois douteuses de la politique et de
l’État (voir XIV p. 135-6). En revanche, ses membres se rassemblent autour de mœurs et
de traditions : ce sont les « principes du bon goût » (p. 32), l’étiquette, la coutume, les
usages et autres conventions qui font la « noblesse » ou « l’honneur » (parfois
discutable car hypocrite ou superficiel) de la communauté. Il est d’ailleurs intéressant de
noter que Dallas, le fils d’Archer et May, a naturellement délaissé les principes de ses
parents car il fait partie d’une autre génération, il a évolué avec sa communauté pour lui
« appartenir » pleinement :
l’individu, la cité d’Argos recevra ainsi les biens du grand « Zeus Hospitalier ». Chez Spinoza, le
pacte « sécuritaire » conclu entre tous les individus est renforcé par un projet à la fois politique
et religieux. En effet, le philosophe écrit qu’« accomplir la loi de Dieu c’est pratiquer la justice et
la charité » et que « le règne singulier de Dieu sur les hommes ne s’établit que par les
détenteurs du pouvoir politique ». Ainsi, la religion aide l’individu à faire corps avec les autres, et
alimente donc sa « fidélité » envers la communauté, c’est-à-dire son sentiment d’appartenance
à cette communauté, Ce qui donne cette impression d’unité aux personnages de Wharton, c’est
leur rassemblement autour de mœurs et de traditions. Aussi, bien qu’il se sente différent des
autres, Archer fait naturellement preuve de « solidarité masculine » en partageant le « code »
de ses pairs. Il a besoin de se sentir uni aux siens.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
La domination du souverain
• « « Il faut que l’individu transfère à la société toute la puissance qui lui appartient, de façon
qu’elle soit seule à avoir sur toutes choses un droit souverain de Nature, c’est-à-dire une
souveraineté de commandement à laquelle chacun sera tenu d’obéir […] De là cette
conséquence que le souverain n’est tenu par aucune loi et que tous lui doivent obéissance
pour tout […] La Raison […] nous persuade de maintenir cet établissement de toutes nos
forces, nous sommes tenus d'exécuter absolument tout ce qu'enjoint le souverain, alors
même que ses commandements seraient les plus absurdes du monde ; la Raison nous
ordonne de le faire, parce que c'est choisir de deux maux le moindre » XVI p. 266
• « La fin de la Démocratie [est que les hommes] vivent dans la concorde et dans la paix ; ôté
ce fondement, tout l’édifice s’écroule. Au seul souverain donc il appartient d’y pourvoir ; aux
sujets, comme nous l’avons dit, d’exécuter ses commandements et de ne reconnaître
comme droit que ce que le souverain déclare être le droit » XVI p. 267
• « Par Droit Civil privé nous ne pouvons entendre autre chose que la liberté qu’a l’individu de
se conserver dans son état, telle qu’elle est déterminée par les édits du pouvoir souverain et
maintenue par sa seule autorité. Après en effet que l’individu a transféré à un autre son droit
de vivre selon son bon plaisir propre, c’est-à-dire sa liberté et sa puissance de se maintenir,
droit qui n’avait d’autres limites que son pouvoir, il est tenu de vivre suivant la règle de cet
autre et de ne se maintenir que par sa protection » XVI p. 269
• « C’est l’office du souverain seul de déterminer ce qu’exigent le salut de tout le peuple et la
sécurité de l’État » XIX p. 317
• « Tous sont tenus d’obéir aux décrets et commandements du souverain [au sujet de la
religion], en vertu de la foi qu’ils lui ont promise » XVI p. 273
+ Les deux pièces d’Eschyle mettent en scène deux rois à l’autorité respectée, que ce
soit dans les domaines religieux, militaire ou diplomatique. Cependant, même s’ils ont
un pouvoir souverain (comme le rappelle le chœur des Danaïdes), ils doivent être
exemplaires en tant que garants du bien de la communauté. Eschyle insiste d’ailleurs
sur la fragilité du pouvoir souverain, puisqu’une mauvaise décision pourrait conduire le
peuple à se révolter contre lui. Ainsi, Pélasgos se montre publiquement et
personnellement hospitalier (il propose d’accueillir les Danaïdes dans son propre palais),
courageux et prudent, de même qu’Étéocle qui incarne le courage, la force (il combat
lui-même l’envahisseur), la sagesse et la prudence. :
• « Le Roi : J’ai besoin d’une pensée profonde qui nous sauve […] afin que l’affaire d’abord ne
crée point de maux à notre cité, pour moi-même ensuite se termine au mieux […] la foule
aime chercher des raisons à ses maîtres » LS p. 65 et 68
• « Étéocle : Peuple de Cadmos, il doit dire ce que l’heure exige, le chef qui, tout à sa besogne,
au gouvernail de la cité, tient la barre en main, sans laisser dormir ses paupières. Car, en cas
de succès, aux dieux tout le mérite ! Si au contraire […] un malheur arrive, ‘’ Étéocle !’’ […] sera
célébré par des hymnes grondants et des lamentations » LSCT p. 143
• « Le chœur : C’est toi, la cité ; c’est toi, le Conseil ; chef sans contrôle […] toi seul décides de
tout » LS p. 64
• « Le Roi : Je vais convoquer les gens de ce pays, pour disposer en ta faveur l’opinion
populaire » LS p. 28
• « Le Roi : Entrez dans notre cité bien close […] L’État y possède de nombreuses demeures ;
moi-même, j’y ai été pourvu d’appartements d’une main généreuse […] Choisissez – vous
êtes libres – ce qui vous paraîtra le plus avantageux et le plus agréable. Pour répondants [=
sortes de citoyens référents responsables des étrangers accueillis au sein de la cité] vous
avez le Roi et tous les citoyens, dont s’exécute ici la décision » LS p. 84
• « Un Messager : Étéocle, vaillant seigneur des Cadméens […] Allons, bon pilote, à la barre !
fortifie ta cité, avant que se déchaîne l’ouragan d’Arès » LSCT p. 145
• « Les Van der Luyden, dit pompeusement Archer, disposent d’une grande influence sur la
société de New-York » IX p. 89
• « Mr van der Luyden planait au-dessus d’[Ellen] comme une divinité protectrice » XIII p. 132
• « Newland Archer était un homme d’habitudes correctes et disciplinées. Il lui aurait
profondément déplu de rien faire que Mr van der Luyden eût désapprouvé » XXXII p. 281
• « Mr van der Luyden portait encore le titre de ‘’Patroon’’, titre comprenant des droits
seigneuriaux » VI p. 67
La communauté doit être contrôlée par un pouvoir souverain. Au vu des œuvres au programme,
il ne semble pas pouvoir exister de communauté « atomisée », où les individus seraient
autonomes sans être commandés. Même la haute-société new-yorkaise, pourtant dépendante
de la communauté politique des États-Unis, forme une communauté à part entière avec ses
propres chefs. Ainsi, les Van der Luyden sont présentés comme « les arbitres sociaux de leur
petit monde ». Leur avis est requis pour démêler toute affaire publique délicate et rétablir le bon
ordre. De loin, ils ressemblent aux rois décrits par Eschyle et qui doivent faire figure de modèles
pour le peuple. Étéocle, qui tient le « gouvernail de la cité » et veille sur la vie publique, se
montre exemplaire : il fait preuve d’autant de courage que de prudence pour affronter le danger
qui menace sa communauté. Chez Spinoza, le souverain a un rôle encore plus marqué car
« c’est l’office du souverain seul de déterminer ce qu’exigent le salut de tout le peuple et la
sécurité de l’État ». Il doit décider seul de ce qui est bon pour la vie de ses sujets dans tous les
domaines. Les sujets de cet État, parce qu’ils ont transféré ce droit au souverain et dépendent
de cette entité supérieure pour être « contrôlés », lui doivent une obéissance absolue. En effet,
pour garantir l’intégrité de la communauté, il semble nécessaire qu’un souverain la dirige.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
La force de la loi
La loi est le pilier la communauté. Une communauté qui ne serait pas régie par des
lois semble impensable. Elles constituent le fondement intrinsèque de son existence, au
point qu’elles sont parfois considérées comme « sacrées ».
++ Spinoza rappelle tout d’abord que le fait de s’unir entre individus au sein d’un État
signifie déjà obéir à une loi : celle de la « raison », qui nous commande de nous protéger
mutuellement. De cette loi fondamentale découlent toutes les autres. Par ailleurs,
Spinoza sous-entend que cette loi est « inspirée » par Dieu, et qu’elle se manifeste par
l’application de la justice et de la charité. Le philosophie associe donc étroitement l’État
et cette loi de Dieu. D’une part parce que la loi divine n’existe pas sans l’État. D’autre
part parce que l’État est considérablement renforcé par l’application de cette loi divine.
En somme, le souverain est garant de la loi divine qui vise au « salut » du peuple :
• « Il est de beaucoup plus utile aux hommes de vivre suivant les lois et les injonctions
certaines de la Raison, lesquelles tendent uniquement […] à ce qui est réellement utile aux
hommes [= se mettre en sécurité par l’union] » XVI p. 263
• « Le salut du peuple est la loi suprême à laquelle doivent se rapporter toutes les lois tant
humaines que divines » XIX p. 317
• « Accomplir la loi de Dieu c’est pratiquer la justice et la charité […] le Règne de Dieu est établi
où la justice et la charité ont force de droit et de commandement » XIX p. 314
• « Le culte religieux extérieur [= pratiqué collectivement] et toutes les formes extérieures de
la piété doivent, si nous voulons obéir à Dieu directement, se régler sur la paix de l’État […] La
piété envers la Patrie est la plus haute sorte de piété qu’un homme puisse montrer ;
supprimez l’État en effet, rien de bon ne peut subsister ; nulle sûreté nulle part ; c’est le
règne de la colère et de l’impiété dans la crainte universelle » XIX p. 317
• « Comme c’est l’office du souverain seul de déterminer ce qu’exigent le salut de tout le
peuple et la sécurité de l’État […] c’est par conséquent aussi l’office du souverain de
déterminer à quelles obligations pieuses chacun est tenu à l’égard du prochain, c’est-à-dire
suivant quelle règle chacun est tenu d’obéir à Dieu » XIX p. 317
• « Le chœur : Quel dieu [autre que Zeus] encore plus désigné par ses actes puis-je
raisonnablement invoquer ? […] Aucun pouvoir ne siège au-dessus du sien. Sa loi n’obéit pas
à une loi plus forte » LS p. 71-2
• « Le chœur : Allons, divins auteurs de ma naissance, vous voyez où est le Droit […] dans votre
haine toujours prête à frapper la démesure, montrez votre justice en face de cet hymen » LS
p. 53
• « Le chœur : Fais alliance avec la Justice : prends une décision qui d’abord respecte les
dieux […] Zeus impartial […] suivant leurs mérites, traite les méchants en coupables, en justes
les cœurs droits […] Réfléchis bien : le règne de Zeus est celui de la justice » LS p. 65-6
• « Le chœur : Aussi bien le respect des pères est-il la troisième loi inscrite au livre de Justice,
à qui va le suprême hommage » LS p. 75
• « Le Roi : Si les fils d’Égyptos ont pouvoir sur toi, de par la loi de ton pays, dès lors qu’ils se
déclarent tes plus proches parents, qui pourrait s’opposer à eux ? Il te faut, toi, plaider que
les lois de chez vous ne leur donnent point sur toi de tutelle » LS p. 64
+ Pour Archer et ses proches, le code de l’aristocratie new-yorkaise fait force de loi. Elle
surpasse même « officieusement » la loi américaine sur certains points, ce qui illustre la
structuration forte de cette communauté. Ces lois non juridiques se fondent sur les
traditions et sur tous les usages dont on considère qu’ils sont de « bon goût » ou de
« bon ton ». Wharton emploie volontairement un vocabulaire « sacro-saint » (= qui fait
l’objet d’un respect religieux exagéré) pour montrer à quel point cet ensemble de règle
est vénéré et tenu pour intouchable :
• « Archer, autrefois, aurait partagé cette opinion ; alors tout ce qui concernait les coutumes
de son petit monde lui semblait revêtir le caractère de l’absolu » XIX p. 183
• « Peu de choses semblaient à Newland Archer plus pénibles qu’une offense au ‘’bon goût’’,
cette lointaine divinité dont le ‘’bon ton’’ était comme la représentation visible » II p. 32
• « Le caractère de la jeune femme était d’un dessin aussi noble que celui de son visage, et
elle semblait être la divinité tutélaire de toutes les traditions qu’il avait révérées » XX p. 194
• « Newland Archer avait toujours accepté cet état de choses comme faisant partie de la
structure de son univers » XII p. 116
• « C’était la règle : le fiancé devait témoigner de son empressement, en s’exposant ainsi seul
aux regards de l’assemblée. Archer se résignait à cette formalité, comme à toutes les autres
exigences d’un rite qui semblait venir de la nuit des temps. Il obéissait scrupuleusement aux
injonctions agitées de son garçon d’honneur, comme autrefois les mariés qu’il avait dirigés à
travers le même labyrinthe, lui avaient obéi à lui-même » XIX p. 181
La loi est le pilier la communauté. Une communauté qui ne serait pas régie par des lois semble
impensable. Elles constituent le fondement intrinsèquement lié à son existence, au point qu’on
les considère parfois comme « sacrées ». D’ailleurs selon Spinoza, « le salut du peuple est la loi
suprême à laquelle doivent se rapporter toutes les lois tant humaines que divines » : c’est cette
loi, commandée par la raison et inspirée par Dieu lui-même, qui détermine la mise en œuvre du
contrat social. L’idée que la loi préexisterait à l’État et en serait à l’origine est également
présente dans l’œuvre d’Eschyle. En effet, la loi de laquelle découlent l’ordre et la justice qui
rendent possible la vie en communauté serait imposée par les dieux de l’Olympe. Ainsi, le chœur
des Danaïdes affirme que Zeus traite « en justes les cœurs droits », c’est-à-dire ceux qui sont
pieux et observent la loi. Point de loi strictement officielle et peu de références à la religion dans
la communauté décrite par Wharton… Et pourtant, ses membres ont également érigé leurs
traditions au rang de principes divins faisant force de loi. Aussi, Archer perçoit May comme la
« divinité tutélaire de toutes les traditions qu’il avait révérées ». La communauté serait-elle
capable de se structurer sans ce caractère sacré de la loi ?
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
• « On n'est jamais arrivé au point que la sécurité de l'État fût moins menacée par les citoyens
que par les ennemis du dehors » XVII p. 280
• « L'Ennemi est celui qui vit hors de la cité et ne reconnaît, ni en qualité de confédéré, ni en
qualité de sujet, le gouvernement qu'elle a institué. Ce n'est pas la haine en effet qui confère
la qualité d'ennemi de l'État, c'est le droit qu'a la cité contre lui […] la cité a le même droit qu'à
l'égard de celui qui lui a causé un dommage : elle pourra donc à bon droit, par tout moyen à
sa portée, le contraindre à se soumettre ou à s'allier à elle » XVI p. 270
• « Après, en effet, qu[e] [les Hébreux] eurent transféré leur droit à Dieu, ils crurent que leur
royaume était le royaume de Dieu, que seuls ils avaient qualité de fils de Dieu, les autres
nations étant ennemies de Dieu et leur inspirant pour cette raison la haine la plus violente
(car cette haine leur semblait une marque de piété [)] […] Le seul fait d'aller habiter quelque
part sur la terre étrangère était tenu pour flétrissant parce que, dans la patrie seulement, le
culte obligatoire de Dieu leur était possible, si bien qu'à part la terre sainte de la patrie, le
reste du monde leur semblait impur et profane » XVII p. 292
• « Pour que les Hébreux pussent conserver la liberté qu'ils avaient acquise et garder sous leur
entière domination les terres qu'ils occupaient, il leur fut nécessaire […] de plier la religion à
leur seul État et de se séparer des autres nations ; aussi leur maxime fut-elle : Aime ton
prochain, aie en haine ton ennemi » XIX p. 318
↪ La première est une posture hospitalière. Une posture imposée par Zeus lui-même et
adoptée par Pélasgos. L’hospitalité serait une condition de l’ordre du monde et de la
civilité humaine : elle détermine donc la prospérité de la communauté dont le but est
justement de faire coexister les individus. Celle-ci doit mettre en application ce principe
en permanence, avec l’étranger également. Mais ce principe ne vaut que si l’étranger
et/ou sa communauté font preuve de modestie, de respect à l’égard des traditions
locales, et viennent humblement demander une faveur. C’est le cas des Danaïdes qui
finissent donc par acquérir les mêmes droits que les citoyens argiens :
• « Danaos : Argos s’est prononcée d’une voix unanime […] nous aurons ‘’la résidence en ce
pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d’asile reconnu ; nul habitant ni
étranger ne pourra nous saisir ; use-t-on de violence, tout bourgeois d’Argos qui ne nous
prête aide est frappé d’atimie, exilé par sentence du peuple’’. Telle est la formule qu’a
défendue notre patron, le roi des Pélasges » LS p. 72
• « Le chœur : À qui respecte le suppliant ira la prospérité » LS p. 64
• « Le Coryphée : Allons, que nos vœux appellent sur Argos les biens qui paieront ses
bienfaits, et que Zeus Hospitalier veille à réaliser pleinement et sans réserve les hommages
que lui rend la bouche de ses hôtes ! » LS p. 73
• « Danaos : Mes filles, il faut qu’aux Argiens vus offriez prières, sacrifices et libations, comme
à des dieux de l’Olympe ; car, sans se partager, tous ont été nos sauveurs […] Le Chœur : Que
nos louanges disent la ville des Pélasges ! » LS p. 84 et 86
↪ La seconde est une posture hostile. En effet, la cité grecque n’a pas à se montrer
accueillante face à des étrangers insolents, irrespectueux ou menaçants. Ainsi,
Pélasgos et Étéocle s’opposent catégoriquement à ceux qui veulent s’imposer de force
dans leur propre patrie (Égyptos et ses fils / Polynice et ses guerriers). Face à cette
« sauvagerie » et à cette impiété qu’est l’arrogance, l’usage de la violence est légitime
car il permet non seulement de protéger ses citoyens, mais aussi de défendre ses lois et
ses principes éthiques contre la « barbarie » :
+ et – Dans son roman, Wharton évoque l’hospitalité des New-Yorkais à l’égard des
étrangers. Cette valeur est pour eux constitutive d’une communauté noble car civilisée.
Cependant, cette hospitalité reste superficielle et ponctuelle. La haute-société se
montre beaucoup plus frileuse face aux nouveaux venus qui voudraient faire leur place
dans la communauté. Ainsi, les plus « traditionalistes » se montrent réservés à l’égard
de la caste des artistes (jugés trop « inclassables »), méfiants face nouveaux riches
(dont le mode de vie est jugé trop ostentatoire) et méprisants par rapport aux
Européens (jugés trop « libres » et extravagants) :
• « [Mrs Archer à son fils :] Tu veux dire sans doute que notre société est moins amusante que
celle des villes d’Europe ? Peut-être as-tu raison ; mais nous sommes d’ici, et, quand on
vient parmi nous, on doit respecter nos habitudes » X p. 101
• « [Mrs Welland :] Je crains que les idées d’Ellen ne soient pas du tout les nôtres […] Rien
d’étonnant à ce qu’elle soit si complètement européanisée / [Archer :] Mais le divorce n’est
pas admis en Europe… La comtesse Olenska a cru se conformer aux usages américains en
demandant sa liberté […] Mrs Welland prit un air irrité : — Encore un exemple des usages
extraordinaires que nous attribuent les étrangers… Ils pensent que nous dînons à deux
heures, et que nous favorisons le divorce… » XVI p. 151
• « [May :] Ce petit Français ? Il est bien commun, répondit-elle froidement […] Les gens de
cette sorte manquent toujours d’usage » XX p. 198
• « Au-delà de la glissante pyramide qui composait le monde de Mrs Archer s’étendait la
région hétéroclite où vivaient des artistes, des musiciens et des ‘’gens qui écrivent’’. Ces
échantillons épars de l’humanité n’avaient jamais essayé de s’amalgamer avec la société […]
Mrs Archer et son groupe éprouvaient une certaine timidité vis à vis de ces personnes. Elles
étaient d’espèce particulière, difficiles à classer » XII p. 115
• « Les traditionalistes y tenaient [à la vieille salle d’opéra] parce que, petite et incommode,
elle éloignait, de ce fait même, les nouveaux riches dont New-York commençait à sentir à la
fois l’attraction et le danger » I p. 21
• « Mrs Archer, qui aimait à mettre en axiomes sa philosophie sociale, disait [à propos de
Julius Beaufort, un nouveau riche] : ‘’Nous avons tous quelques chéris dans la racaille’’ […]
Plus d’un membre de cette société exclusive [= qui exclut] en avouait secrètement la vérité.
Mrs Beaufort appartenait, il est vrai, à une des plus honorables familles américaines […] Être
apparenté aux Manson ou aux Rushworth, c’était avoir ‘’droit de cité’’ (comme disait Mr
Sillerton Jackson) dans la société de New-York ; mais ne le perdait-on pas en épousant un
Julius Beaufort ? En effet, qui était Beaufort ? Il passait pour Anglais […] il s’était créé
rapidement une importante situation dans le monde des affaires. Il avait des habitudes de
dissipation, une langue mordante, des ascendants inconnus » III p. 36-7
La communauté vit souvent repliée sur elle-même. Dans les œuvres au programme, l’étranger
suscite souvent la méfiance voire l’hostilité de la communauté. Pour préserver son intégrité, elle
se montre plus ou moins hermétique au monde extérieur. C’est le cas de la haute-société new-
yorkaise décrite par Wharton, « société exclusive » où il est difficile d’obtenir « droit de cité »
sans être affilié aux familles reconnues. Les traditionalistes expriment ainsi leur méfiance voire
leur mépris face à des étrangers dont les usages non conformes pourraient mettre en péril
l’ordre et l’uniformité de leur petit monde. Dans une certaine mesure, Spinoza approuverait cette
méfiance puisque toute personne qui ne reconnait pas explicitement la souveraineté d’une
communauté donnée peut légitimement être qualifiée d’ennemi : contre lui, « la cité a le même
droit qu'à l'égard de celui qui lui a causé un dommage » car il représente une menace
potentielle contre l’ordre établi. Eschyle propose une vision plus nuancée : l’hospitalité est
définie comme un principe divin qui démontre justement le niveau de « civilisation » atteint par
la communauté, dont la raison d’être est précisément de faire coexister les individus. Ainsi,
comme le chantent les Danaïdes, une cité qui « respecte le suppliant » étranger venu
demander l’asile doit connaître la « prospérité ».
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
La communauté peut tenir les individus par la peur. Ces derniers sont parfois
tentés d’agir de manière égoïste, au détriment d’autrui. Pour les retenir, la communauté
peut agiter la menace de la condamnation ou de l’exclusion.
+ Spinoza rappelle à plusieurs reprises que l’être humain est entraîné par son
« Appétit », c’est-à-dire l’envie d’exister et de satisfaire ses besoins et désirs par tous
les moyens. La seule façon de le « retenir » de nuire aux autres pour qu’il respecte le
pacte conclu avec eux, c’est qu’il reconnaisse de lui-même que ce pacte lui apporte
plus de bien que de mal (qu’il lui soit « utile » au plus haut point). Mais si le but ultime
est de mettre en avant les bienfaits de la communauté, Spinoza n’exclut pas la
possibilité en retour de « menacer » les comportements égoïstes. Il s’agit de rappeler
qu’il faut craindre l’abolition de l’État et le retour à l’état de nature, c’est-à-dire à
l’insécurité. Aussi, les dissidents, les méchants et les désobéissants doivent être
retenus par la peur de l’exclusion et de la sanction. Toutefois, le philosophe déplore
qu’au cours de l’histoire, la peur ait été souvent instrumentalisée (notamment par le
biais de la religion) pour soumettre les individus :
• « Nul moyen de gouverner la multitude n’est plus efficace que la superstition […] de tromper
les hommes et de colorer du nom de religion la crainte qui doit les maîtriser » préface p. 21
• « Chacun est entraîné dans un sens différent ; il leur a donc fallu [aux hommes] par un
établissement très ferme, convenir […] de refréner l’Appétit, en tant qu’il pousse à causer du
dommage à autrui […] et enfin de maintenir le droit d’autrui comme le sien propre […] [C’est]
une loi universelle de la nature que nul ne renonce à ce qu’il juge être bon, sinon par espoir
d’un bien plus grand ou par crainte d’un dommage plus grand, ni n’accepte un mal, sinon
pour éviter un mal pire ou par espoir d’un plus grand bien » XVI p. 264
• « De là nous concluons que nul pacte ne peut avoir de force sinon pour la raison qu’il est
utile, et que, levée l’utilité, le pacte est levé du même coup […] [Il faut faire en sorte que] la
rupture du pacte entraîne, pour celui qui l’a rompu, plus de dommage que de profit : c’est là
un point d’importance capitale dans l’institution de l’État » XVI p. 265
• « Il faut que l’individu transfère à la société toute la puissance qui lui appartient, de façon
qu’elle soit seule à avoir […] une souveraineté de commandement à laquelle chacun sera
tenu d’obéir, soit librement, soit par crainte du dernier supplice » XVI p. 266
↪ En premier lieu, la peur est décrite comme un sentiment négatif, opposé au courage.
La peur risque de porter atteinte à la cité si l’individu se laisse emporter par elle. Les rois
de chaque pièce se montrent donc très critique à l’égard des femmes (Danaïdes /
Thébaines) qui se montrent trop craintives face au destin collectif de la cité :
• « Étéocle : [Lorsque les femmes prennent] peur, c’est un fléau pire encore pour sa maison et
sa cité » LSCT p. 148
• « Le Roi : À qui te dit : ‘’Confiance !’’ réponds par des mots confiants / Le Coryphée : Ne
t’étonne pas si mon cœur effrayé se montre impatient / Le Roi : Jamais roi n’a connu la
peur » LS p. 69
↪ Toutefois, une crainte modérée favorise la discipline. Ainsi, les deux rois des deux
pièces font savoir que désobéir à leurs ordres est passible d’atimie (= privation de
droits), d’exil, voire de mort. Plus encore, le respect des lois divines qui doivent s’imposer
à tous les hommes repose en grande partie sur la crainte des dieux : la religion est donc
un puissant vecteur de discipline car l’impossibilité d’échapper au regard de Zeus pèse
en permanence sur les comportements individuels :
• « Étéocle : Cette fois, quiconque n’entendra pas mon ordre, homme, femme - ou tout autre -
verra un arrêt de mort tôt délibéré sur lui » LSCT p. 148
• « Danaos : Argos s’est prononcée d’une voix unanime […] nous aurons ‘’la résidence en ce
pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d’asile reconnu […] use-t-on de
violence, tout bourgeois d’Argos qui ne nous prête aide est frappé d’atimie, exilé par
sentence du peuple’’ » LS p. 72
• « Le Roi. – Je suis contraint de respecter le courroux de Zeus Suppliant : il n’est pas pour les
mortels de plus haut objet d’effroi » LS p. 68
↪ À ce sujet, le cas d’Antigone est intéressant. En effet, elle surpasse sa peur d’être
sanctionnée par la cité car elle veut et elle doit enterrer son frère au nom du respect dû
à la communauté familiale et à la loi de Zeus qui défend ce principe. Il faut donc parfois
dépasser sa crainte de la communauté pour désobéir… Une moitié du chœur des
femmes Thébaines décident de soutenir Antigone dans sa rébellion, tandis que l’autre
décide d’obéir aux ordres de la cité, en partie par crainte d’un supplice :
• « Antigone : Je saurai affronter un péril pour enterrer un frère, sans rougir d’être ainsi
indocile et rebelle à ma ville […] Le Héraut : Je t’engage à ne pas être ainsi rebelle à ta cité […]
Le Coryphée : J’ai peur aussi et je veux détourner la terreur que m’inspire la cité […] Le chef
du premier demi-chœur : Que la ville frappe ou non ceux qui pleurent Polynice, nous irons,
nous ; à ses funérailles nous serons et ferons cortège » LSCT p. 175-6
• « [Mrs Manson-Mingott :] La famille dira ce qu’elle voudra […] ils voulaient que je lui coupe les
vivres : histoire de lui dicter sa conduite […] Mais aussitôt que j’ai revu Ellen, j’ai dit : ‘’Toi, mon
joli oiseau, t’enfermer encore dans cette cage conjugale ? Jamais !’’ » XXX p. 266-7
• « [Archer] se demandait si Ellen ne commençait pas à comprendre que la société de New-
York était une redoutable machine qui avait été bien près de la broyer » IX p. 89
• « [Archer :] Franchement, que gagneriez-vous qui pût compenser la possibilité, la certitude
d’être mal vue de tout le monde ? / [Ellen :] Mais… ma liberté : n’est-ce rien ? […] / [Archer :]
Est-ce que cela vaut la peine de risquer des choses infiniment désagréables et
douloureuses ?… Pensez aux journaux, à leurs vilenies… […] L’individu, dans ces cas-là, est
presque toujours sacrifié à l’intérêt collectif ; on s’accroche à toute convention qui maintient
l’intégrité de la famille » XII p. 124
• « Comment, lui, l’indépendant Archer, s’était-il cru obligé de rester cloué à son bureau par
crainte des critiques ? » XVI p. 148
La communauté peut tenir les individus par la peur. En effet, ces derniers sont parfois tentés
d’agir de manière égoïste, au détriment d’autrui. Pour les retenir, la communauté peut agiter la
menace de la condamnation ou de l’exclusion. Cette menace sera mise à exécution concernant
Ellen Olenska car son divorce porte atteinte à la renommée de son clan et plus largement aux
valeurs et à l’ordre établi par la communauté new-yorkaise. Or, comme le dit Archer : « l’individu,
dans ces cas-là, est presque toujours sacrifié à l’intérêt collectif ». Si la peur ne doit jamais
devenir excessive, elle est néanmoins utile aux yeux d’Eschyle. En effet, le respect des lois
divines qui doivent s’imposer à tous pour le bien de la communauté repose en grande partie sur
la crainte des dieux : « le courroux de Zeus Suppliant : il n’est pas pour les mortels de plus haut
objet d’effroi ». La religion est donc un puissant vecteur de discipline car l’impossibilité
d’échapper au regard de Zeus pèse en permanence sur les comportements individuels. Spinoza
critique cette instrumentalisation de la religion car le sujet est propice aux dérives : « colorer du
nom de religion la crainte qui doit […] maîtriser » les hommes est une manière pour certains
individus justement égoïstes d’en soumettre beaucoup d’autres. Toutefois, le philosophe admet
que l’individu doit toujours être retenu par une crainte « raisonnée » : celle de retourner à
l’insécurité de l’état de nature…
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
↪ Il faut d’abord que l’État soit « utile » à l’individu, c’est-à-dire qu’il lui apporte un
grand « bien ». L’utilité est la première condition de la fidélité envers l’État. Cependant,
elle ne suffit pas toujours car encore faut-il que l’individu garde en tête cette utilité :
face au plaisir, il peut très vite « l’oublier », perdre la raison et s’abandonner à ses
désirs :
• « Il y eut dans cet État une autre force unique et la plus grande de toutes, qui devait retenir
les citoyens et les prémunir contre toute idée de défection et tout désir de déserter leur
patrie, ce fut la considération de l’utilité » XVII p. 293
• « Si maintenant tous les hommes se laissaient facilement conduire sous la seule conduite de
la Raison et connaissaient la très grande utilité et la nécessité de l'État […] tous
observeraient rigoureusement les pactes avec la plus entière fidélité, par désir de ce bien
supérieur qu'est la conservation de l'État […] [Mais] chacun se laisse entraîner par son plaisir
et le plus souvent l’avarice, la gloire, l’envie, la haine » XVI p. 265
↪ Il faut donc également que l’individu accepte de transférer son droit naturel (son droit
d’agir comme bon lui semble) à un pouvoir souverain. Autrement dit, l’individu se rend
fidèle en acceptant d’obéir au souverain :
• « Voici maintenant la condition suivant laquelle une société peut se former sans que le Droit
Naturel y contredise le moins du monde, et tout pacte être observé avec la plus grande
fidélité ; il faut que l'individu transfère à la société toute la puissance qui lui appartient » XVI
p. 266
• « La conservation de l'État [dépend] avant tout de la fidélité des sujets, de leur vertu et de
leur constance dans l'exécution des commandements » XVII p. 279
↪ Dans le meilleur des cas, l’individu obéit de plein gré. C’est-à-dire que ses propres
sentiments et jugements vont pleinement dans le sens des commandements du
souverain. Il devient alors « intimement » fidèle envers l’État :
• « [Le souverain] a bien des moyens de faire qu’une très grande partie des hommes croie,
aime, ait en haine ce qu’il veut […] Nous pouvons concevoir des hommes qui n’aient de
croyance, d’amour, de haine, de mépris, de sentiment quelconque pouvant les entraîner,
qu’en vertu du droit du souverain » XVII p. 279
↪ Par ailleurs, puisque la loi divine peut s’appliquer réellement grâce à l’État, avoir foi en
Dieu (c’est-à-dire vouloir que sa loi soit appliquée parmi les hommes) suppose d’avoir foi
en l’État. Autrement dit, la fidélité envers Dieu peut (et devrait) devenir fidélité envers
l’État :
↪ Enfin, Spinoza établit une dernière condition : celle d’accorder la liberté de penser aux
individus. D’une part, parce que cette liberté fait partie de la nature humaine : la
protéger, c’est respecter la nature de l’individu. D’autre part, cette liberté permet d’éviter
les divisions au sein de la communauté. Elle s’oppose à la tyrannie et favorise donc la
paix. Tout cela contribue largement à la fidélité de l’individu envers l’État :
• « Pour que la fidélité donc et non la complaisance soit jugée digne d'estime, pour que le
pouvoir du souverain ne souffre aucune diminution, n'ait aucune concession à faire aux
séditieux, il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les
gouverner de telle sorte que, professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils
vivent cependant dans la concorde. Et nous ne pouvons douter que cette règle de
gouvernement ne soit la meilleure, puisqu'elle s'accorde le mieux avec la nature humaine »
XX p. 334
++ Les pièces d’Eschyle illustrent toute la question de la loyauté envers l’État. Dans Les
Suppliantes, les Danaïdes fuient l’Égypte : elles deviennent infidèles envers leur patrie
car celle-ci veut les contraindre à un mariage forcé et contre-nature. En revanche, au
même titre que les autres Argiens, elles expriment leur confiance et leur loyauté envers
le roi Pélasgos qui fait preuve de sagesse. Dans Les Sept contre Thèbes, les Thébains
font preuve d’un profond sens du devoir envers leur patrie qui fut leur « nourrice ». Ils
sont également soudés derrière un souverain de confiance car dévoué. C’est donc à la
fois le bien que procure la cité, mais aussi le respect lié au souverain qui fidélisent les
individus :
• « Étéocle : Vous devez tous à cette heure […] chacun enfin se donnant au rôle qui convient à
ses forces, porter secours à la cité, aux autels des dieux du pays […] à vos fils, et à la Terre
maternelle, la plus tendre des nourrices, qui, à l’heure, où, enfants, vous vous traîniez sur son
sol bienveillant, a pris toute la charge de votre nourriture et fait de vous des loyaux citoyens
armés du bouclier qu’elle attend en ce besoin » LSCT p. 143-44
• « Étéocle : C’est un vrai enfants de la terre thébaine que Mélanippe ! […] c’est vraiment le
Droit du sang qui l’envoie en son nom écarter de la terre à qui il doit le jour les lances
ennemies » LSCT p. 155
• « Étéocle : [Mégareus] paiera sa dette au sol qui l’a nourri » LSCT p. 157
• « Le Héraut : Pour celui-ci, Étéocle, à raison de son dévouement au pays, il a été décrété
qu’il serait enseveli en de pieuses funérailles » LSCT p. 174
• « Le Roi : Laisse là tes rameaux, symboles de ta peine / Le Coryphée : Voilà : je les laisse à la
garde de ton bras et de ta parole » LS p. 69
• « [Ellen] luttait contre son sort […] elle s’attachait de toutes ses forces à la résolution de ne
pas trahir la confiance de May, de toute la famille » XXXI p. 270
• « [Ellen :] je veux sentir de l’affection et de la sécurité autour de moi / [Archer :] Voilà
justement ce que souhaitent vos amis. Il n’y a rien à craindre à New-York, ajouta-t-il avec
une pointe de sarcasme / [Ellen :] Oui, n’est-ce pas ? On en a l’impression, s’écria-t-elle, sans
saisir l’ironie. C’est comme d’entrer en vacances, quand on a été une bonne petite fille qui a
bien fait tous ses devoirs » IX p. 89
• « [Mrs Archer :] Vous, Louisa, et ce cher Henri, devez garder la place, comme vous l’avez
toujours fait. / Mr et Mrs van der Luyden ne pouvaient rester sourds à cet appel. À contre-
cœur, mais toujours héroïquement soumis au devoir, ils étaient rentrés en ville » XXXII p. 278
• « Les longues années qu’ils avaient passées ensemble lui avaient enseigné que le mariage
le plus ennuyeux n’est pas une faillite, tant qu’il garde la dignité d’un devoir » XXXIV p. 294
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Esclave ou sujet ?
+ Spinoza est assez ambigu à ce sujet. Il affirme qu’un individu vivant au sein d’une
communauté doit d’obéir au souverain même s’il s’agit d’un tyran (voir arg. « la
domination du souverain »). Cependant, il admet aussi que personne n’a le droit (ni
même le pouvoir) de dominer notre « âme » (nos pensées, notre volonté, nos envies) :
l’être humain ne peut jamais être totalement soumis. Il conserve une part de son droit
naturel face à l’État (ce pourquoi la violence d’un tyran est absurde car illégitime et
vouée à l’échec). Plus encore, la raison d’être de l’État est d’offrir un maximum de liberté
à l’individu (dans un cadre raisonnable), notamment en le libérant de la crainte. Un État
digne de ce nom n’est donc jamais composé d’esclaves qui serviraient un tyran (car ce
serait contradictoire) : il est composé de « sujets » qui, par leur obéissance au
souverain, servent la communauté et par son intermédiaire, se servent aussi eux-
mêmes :
• « Dans un État et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout
le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain, ne doit pas être
dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet […] [Dans ce cadre, un sujet] fait par le
commandement du souverain ce qui est utile au bien commun et par conséquent aussi à
lui-même » XVI p. 267-8
• « [La fin de l’État] n’est pas la domination […] au contraire c’est pour libérer l’individu de la
crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il
se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir […] La fin de l’État
n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes
brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps
s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison libre
[…] La fin de l’État est donc en réalité la liberté » XX p. 329
• « Il ne peut se faire que l'âme d'un homme appartienne entièrement à un autre ; personne
en effet ne peut transférer à un autre, ni être contraint d'abandonner son droit naturel ou sa
faculté de faire de sa raison un libre usage et de juger de toutes choses. Ce gouvernement
par suite est tenu pour violent, qui prétend dominer sur les âmes » XX p. 327
• « Nul en effet ne pourra jamais, quel abandon qu’il ait fait à un autre de sa puissance et
conséquemment de son droit, cesser d’être homme » XVII p. 277
• « Si des hommes pouvaient être privés de leur droit naturel à ce point qu’ils n’eussent plus
par la suite aucune puissance […] alors en vérité la pire violence contre les sujets serait
loisible à celui qui règne […] Il faut donc accorder que l’individu se réserve une grande part de
son droit » XVII p. 277-8
= Chez les Grecs anciens, tous les individus (hommes ou femmes libres, étrangers,
esclaves, etc.) n’avaient pas les mêmes droits face à l’État. Mais nous nous
contenterons de parler du « peuple » tel que décrit par Eschyle, c’est-à-dire des
citoyens libres. Bien que ses pièces montrent que la communauté est dirigée par un roi
à l’autorité souveraine, on remarque que l’avis des citoyens est requis, et qu’ils ont une
marge de liberté. Il y a ainsi un contraste fort entre la tyrannie d’Égyptos (qui veut
réduire les Danaïdes à l’esclavage) et la cité grecque d’Argos (qui respecte la volonté des
Danaïdes et dont le roi sollicite l’avis de son peuple au lieu de l’imposer brutalement) :
• « Le Roi : Si les fils d’Égyptos ont pouvoir sur toi, de par la loi de ton pays, dès lors qu’ils se
déclarent tes plus proches parents, qui pourrait s’opposer à eux ? » LS p. 64
• « Le Roi : Ces femmes, tu les emmèneras, si elles y consentent de bon cœur, quand tu auras,
pour les convaincre, trouvé de pieuses raisons. Par un vote unanime, le peuple argien l’a
proclamé sans appel : jamais il n’abandonnera à la violence une troupe de femmes » LS p.
83
• « Danaos : Argos s’est prononcée d’une voix unanime […] nous aurons ‘’la résidence en ce
pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d’asile reconnu » LS p. 72
• « Le Roi : Si la souillure est pour Argos, pour la cité entière, que le peuple s’occupe d’en
découvrir le remède […] quel que soit mon pouvoir, je ne saurais rien faire sans le peuple » LS
p. 64-5
• « Le Roi : Que demandes-tu donc en suppliante aux dieux de la cité [ ?] […] Le Coryphée : De
n’être pas esclave des fils d’Égyptos » LS p. 62
++ Les personnages de Wharton, pourtant citoyens riches et libres des États-Unis, sont
réduits à une forme particulière et assez forte d’assujettissement (= état de forte
soumission). En effet, la force de la tradition, le peu de libre-arbitre permis à chacun et
la crainte du jugement des autres entraînent une obéissance presque absolue (comme
en témoigne la docilité de May). Cette communauté produit de parfaits « esclaves »
dans la mesure où cette soumission est presque « intégrée » inconsciemment. En
ouvrant les yeux grâce à Ellen, Archer se rend compte qu’il est comme enchaîné,
prisonnier, soumis malgré lui à des règles absurdes :
• « Quel inutile assujettissement ! […] Archer frissonnait à la pensée que lui-même pourrait en
être là. Il résistait à la stagnation, il passait ses vacances à voyager, il cultivait les
‘’intellectuels’’ […] Mais une fois marié, que deviendrait cette étroite marge que se réservait sa
personnalité ? » XIV p. 136-7
• « Revoyant son passé, [Archer] sentait qu’il s’était, lui aussi, enlisé, alors que tout changeait
autour de lui. Que restait-il du petit monde où il avait grandi, des principes qui l’avaient
dominé et enchaîné ? » XXXIV p. 296
• « Archer aurait aimé se joindre aux voyageurs, vivre pour quelques semaines au soleil,
canoter et se promener avec sa fiancée ; mais lui aussi était tenu par les usages et les
conventions » XI p. 113
• « [Archer] se sentait comme emprisonné dans le convenu par son désir même de dire
quelque chose de frappant » IX p. 87
• « [Ellen :] Je la [= May] croyais trop intelligente pour être à ce point l’esclave des
conventions » XVIII p. 171
• « [Ellen] s’était décidée à essayer de Washington, où elle trouvait une plus grande diversité
de monde et d’idées […] [Ellen :] au fond, ces chimères [= projets considérés comme
irréalisables - ici Ellen fait référence aux idées progressistes de la fin du XIXème siècle
défendant de nouvelles libertés individuelles] m’intéressent plus que l’aveugle obéissance à
la tradition qui sévit dans notre milieu » XXIV p. 225-226
d’Égyptos, elles préfèrent fuir pour se réfugier à Argos : face à la tyrannie égyptienne, la cité
grecque apparaît comme une terre d’asile où elles pourront être « libres et protégé[e]s ». En
effet, les citoyens grecs semblent libres car seules les décisions prises collectivement
s’imposent à eux. Selon Spinoza, il est possible d’obéir absolument à son souverain sans pour
autant devenir un esclave (à la condition que ce souverain ne poursuive pas son propre bien,
mais le bien commun). L’individu est alors un « sujet » qui, à la différence d’un esclave, « fait par
le commandement du souverain ce qui est utile au bien commun et par conséquent aussi à lui-
même ». Paradoxalement, parmi les trois œuvres, ce sont les citoyens libres et riches des États-
Unis décrits par Wharton qui semblent réduits au pire assujettissement. En effet, « l’aveugle
obéissance à la tradition », le peu de libre-arbitre de l’individu et la crainte du jugement des
autres entrainent chez eux une obéissance presque absolue…
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
L’épanouissement personnel
Si la communauté s’intéresse plus ou moins au bien-être de l’individu, c’est surtout pour
viser le bien du plus grand nombre à l’échelle collective. Mais l’épanouissement
personnel de l’individu – ses envies, ses désirs, ses passions – est rarement pris en
compte… Noyé dans la communauté, l’individu peut avoir de sérieuses difficultés à faire
exister son individualité.
L’individu pourrait avoir besoin de vivre pour lui-même. Selon notre conception
moderne, l’être humain ne peut pas faire taire sa nature, qui le pousse à satisfaire
certains désirs, à défendre sa liberté, à vivre ses passions. Et ce, en dépit de la
communauté.
+ et - Le besoin de vivre pour soi (besoin qui se rapproche du concept d’« appétit » de
Spinoza) est d’abord perçu assez négativement par le philosophe :
↪ En effet, il met souvent l’accent sur le fait que cet « individualisme » conduit à mal se
comporter avec autrui et à développer des vices (ce pourquoi un État fort et « utile »
doit permettre de freiner les penchants naturels de l’être humain) :
• « Tout ce donc qu’un individu considéré comme soumis au seul empire de la Nature juge lui
être utile, que ce soit sous la conduite de la droite Raison ou par la violence de ses Passions,
il lui est loisible [= permis] de l’appéter [= de le désirer] en vertu d’un Droit de nature
souverain et de s’en saisir par quelle voie que ce soit, par la force, par la ruse, par les prières,
enfin par le moyen qui lui paraîtra le plus facile ; conséquemment aussi de tenir pour ennemi
celui qui veut l’empêcher de se satisfaire […] [La Nature] ne prohibe rien […] ni les conflits, ni
les haines, ni la colère, ni l’aversion, quel qu’en soit l’objet, qu’inspire l’Appétit » XVI p. 263
• « Aussi bien les gouvernants que ceux qui sont gouvernés sont tous des hommes […] non la
Raison, en effet, mais les seules affections de l’âme gouvernent [la multitude des hommes] ;
incapable d’aucune retenue, elle se laisse très facilement corrompre par le luxe et l’avidité.
Chacun pense être seul à tout savoir et veut tout régler selon sa complexion […] par gloire il
méprise ses semblables et ne souffre pas d’être dirigé par eux ; par envie de l’honneur […] il
désire le mal d’autrui et y prend plaisir » XVII p. 279-80
↪ Certes, les penchants naturels de l’être humain ne peuvent jamais être totalement
réprimés. Cependant, Spinoza reconnait en même temps que cette impossibilité de
répression totale est bénéfique : il faut que l’individu reste un « individu ». Car s’il ne doit
pas agir comme il veut en communauté, il doit en revanche conserver le « droit » de
faire usage de ses fonctions naturelles, notamment de penser et ressentir ce qu’il veut :
• « Il ne peut se faire que l'âme d'un homme appartienne entièrement à un autre ; personne
en effet ne peut transférer à un autre, ni être contraint d'abandonner son droit naturel ou sa
faculté de faire de sa raison un libre usage et de juger de toutes choses […] ces choses sont
du droit propre de chacun, un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir » XX p.
327
• « Si grand donc que soit le droit attribué au souverain sur toutes choses […] encore ne
pourra-t-il jamais se dérober à la nécessité de souffrir [= supporter] que les hommes jugent
de toutes choses suivant leur complexion propre et soient affectés aussi de tel sentiment ou
tel autre » XX p. 328
• « Nul en effet ne pourra jamais, quel abandon qu’il ait fait à un autre de sa puissance et
conséquemment de son droit, cesser d’être homme » XVII p. 277
• « L’individu se réserve une grande part de son droit » XVII p. 278
= À l’époque antique, le destin individuel des personnes semble tellement lié à celui de
la communauté que le concept d’épanouissement personnel est anachronique. Dans
l’œuvre d’Eschyle, il semble donc difficile de trouver des personnages qui cherchent à
vivre pour eux-mêmes. Et pourtant, l’exemple des Danaïdes est assez parlant. En effet,
ce sont des femmes qui refusent le mariage. Elles défendent donc leur volonté
personnelle, celle de choisir une vie sans époux. Ce choix est probablement détonnant à
l’époque d’Eschyle, et montre que le besoin de vivre pour soi contre l’avis des autres est
ancré en l’être humain :
• « Le chœur : Ah ! que je ne tombe au pouvoir des mâles vainqueurs ! Fuir, sans guides que
les étoiles, voilà le lot que plutôt je m’assigne, s’il me préserve d’un hymen odieux » LS p. 65
• « Les suivantes : Après des milliers de femmes avant toi, l’hymen pourrait bien être ton lot
final / Le chœur : Ah ! que l’auguste Zeus écarte de moi l’hymen des fils d’Égyptos » LS p.
86-7
• « Les regrets accumulés, les souvenirs étouffés d’une vie muette, pesaient lourdement sur
son âme… […] Pour l’enfant [= Dallas], sans doute, l’épisode n’était que l’exemple pathétique
d’une vie gâchée » XXXIV p. 301
• « Archer frissonnait à la pensée que lui-même pourrait en être là. Il résistait à la stagnation,
il passait ses vacances à voyager, il cultivait les ‘’intellectuels’’ […] Mais une fois marié, que
deviendrait cette étroite marge que se réservait sa personnalité ? Combien d’autres avant lui
avaient rêvé son rêve, qui graduellement s’étaient enfoncés dans les eaux dormantes de la
vie fortunée ! » XIV p. 136-7
• « [M. Rivière, à Archer :] Garder intactes sa liberté intellectuelle, ses facultés critiques, c’est
cela, monsieur, qui prime tout. C’est pour cette indépendance que j’ai abandonné le
journalisme […] Voyez-vous, monsieur, pouvoir regarder la vie en face, être maître de sa
pensée, cela vaut bien la peine de vivre dans une mansarde [= logement précaire] » XX p.
197
• « Par sa culture intellectuelle et artistique, le jeune homme [= Archer] se sentait nettement
supérieur à ces spécimens choisis dans le gratin du vieux New-York. Il avait plus lu, plus
pensé, et plus voyagé que la plupart des hommes de son clan. Isolément, ceux-ci
trahissaient leur médiocrité intellectuelle ; mais en bloc ils représentaient ‘’New-York’’, et, par
une habitude de solidarité masculine, Newland Archer acceptait leur code en fait de morale.
Il sentait instinctivement que sur ce terrain il serait à la fois incommode et de mauvais goût
de faire cavalier seul » I p. 25
• « Se conformer à la tradition, ne demander à May que ce qu’il avait vu ses amis demander à
leurs femmes, c’était plus aisé que de faire l’expérience dont, jeune homme, il avait rêvé [=
faire de son épouse une femme intellectuellement épanouie plutôt qu’une ‘’femme
soumise’’] » XX p. 194
• « [Ellen :] Elles m’en veulent un peu de m’être émancipée, ma pauvre grand-mère surtout.
Elle aurait voulu me garder avec elle ; mais j’avais besoin d’être libre. / Archer fut […] ému à la
pensée de ce qui avait pu donner à Mme Olenska cette soif d’une liberté qui comportait tant
de solitude » IX p. 91
L’individu pourrait avoir besoin de vivre pour lui-même. Selon notre conception moderne, l’être
humain ne peut pas faire taire sa nature, qui le pousse à satisfaire certains désirs, à défendre sa
liberté, à vivre ses passions. Et ce, en dépit de la communauté. C’est ce que montre
parfaitement le personnage d’Ellen Olenska : contre l’avis des siens, elle ne peut s’empêcher
d’espérer son divorce et son indépendance. Cette situation est difficile car la comtesse se sent
seule, mais elle a un besoin irrépressible d’être libre. Archer est d’ailleurs ému par « cette soif
d’une liberté qui comportait tant de solitude ». Chez Eschyle, ce sont les Danaïdes qui veulent
défendre leur propre liberté en refusant le mariage : elles sont prêtes à « fuir, sans guides que
les étoiles, […] un hymen odieux » imposé par leur communauté. Ce choix très personnel est
d’autant plus remarquable si l’on admet qu’à l’époque antique, le destin individuel était
normalement très lié au destin communautaire : les Danaïdes choisissent malgré tout l’exil pour
leur propre bien, illustrant la force et l’ancrage de ce besoin de vivre pour soi en l’être humain.
Pour Spinoza, ce besoin n’est pas un problème tant qu’il ne porte pas atteinte à autrui ou à la
souveraineté de l’État. Il l’associe même à un « droit » en ce qui concerne le fait d’être maître de
son « âme », c’est-à-dire d’éprouver, de penser et d’avoir ses propres opinions. Car « ces choses
sont du droit propre de chacun, un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir ».
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Il existe nécessairement une tension entre l’individu et les règles collectives qui
s’imposent à lui. Chaque être humain est singulier : même s’il respecte sa
communauté, il peut entrer en conflit avec ce qu’elle lui impose en raison de sa
personnalité, de ses envies, de ses sentiments, de ses valeurs…
++ Spinoza précise que cette tension existe dans les « deux sens » :
personnelles. Mais cela est nécessaire pour vivre en paix et respecter le pacte conclu
avec autrui. En contrepartie, Spinoza précise qu’il faut éviter de décréter des lois trop
« irritantes » pour les individus, notamment en matière de religion, sujet de vifs débats :
il ne faut donc pas légiférer au sujet d’opinions religieuses. En effet, certains hommes
n’accepteront pas que des opinions religieuses (purement spéculatives et personnelles)
fassent l’objet de lois interdisant des opinions contraires. Il n’y a rien de pire car cela
conduit des hommes honnêtes (qui ne supportent pas d’être criminalisés pour leurs
opinions personnelles) à détester la loi et donc à se rebeller contre l’État :
• « Il est évident que les lois concernant les opinions […] sont faites moins pour contenir les
méchants que pour irriter les plus honnêtes […] De telles lois condamnant des opinions sont
[…] inutiles : ceux qui jugent saines les opinions condamnées ne peuvent obéir à ces lois » XX
p. 332-3
• « Les lois établies sur la Religion […] irritent les hommes plus qu’elles ne les corrigent » XX p.
335
• « Il est dangereux de rattacher aux règles du droit divin les questions d'ordre purement
spéculatif et de fonder les lois sur des opinions, sujet au moins possible de constantes
disputes entre les hommes » XVIII p. 307
• « Les hommes sont ainsi faits qu'ils ne supportent rien plus malaisément que de voir les
opinions qu'ils croient vraies tenues pour criminelles […] par où il arrive qu'ils en viennent à
détester les lois » XX p. 332
↪ La tension existe aussi dans l’autre sens : entre le souverain et son peuple. En effet, le
souverain reste un individu qui ne supporte pas forcément que ses sujets ne pensent
pas comme lui. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une tension entre le souverain et la loi
(puisque c’est lui qui l’impose), mais bien avec toute une partie de la communauté qui
ne l’accepte pas. Le souverain peut alors faire preuve de la « pire violence » (p. 328)
pour forcer ses sujets à se plier à son point de vue. Mais cela est vain : il y a des points
sur lesquels on ne peut pas légiférer car l’être humain ne peut s’y soumettre. Le
souverain doit donc accepter que ses sujets ne soient pas toujours en accord avec lui,
et qu’ils ont le droit de penser autrement :
• « Jamais en effet les hommes n’ont renoncé à leur droit et n’ont transféré leur puissance à
un autre au point que ceux-là mêmes [= les souverains] qui avaient acquis ce droit et cette
puissance, ne les craignissent plus […] Il faut donc accorder que l’individu se réserve une
grande part de son droit » XVII p. 277-8
• « Vouloir tout régler par des lois, c'est irriter les vices plutôt que les corriger. Ce que l'on ne
peut prohiber, il faut nécessairement le permettre, en dépit du dommage qui souvent peut
en résulter » XX p. 331
• « Si grand donc que soit le droit attribué au souverain sur toutes choses […] encore ne
pourra-t-il jamais se dérober à la nécessité de souffrir [= supporter] que les hommes jugent
de toutes choses suivant leur complexion propre et soient affectés aussi de tel sentiment ou
tel autre » XX p. 328
• « Il n'y aura jamais de souverain qui puisse tout exécuter comme il voudra. En vain il
commanderait à un sujet d'avoir en haine son bienfaiteur ; d'aimer qui lui a fait du mal ; de
ne ressentir aucune offense des injures ; de ne pas désirer être affranchi de la crainte ; et un
grand nombre de choses semblables qui suivent nécessairement des lois de la nature
humaine » XVII p. 277
• « Antigone : Je saurai affronter un péril pour enterrer un frère, sans rougir d’être ainsi
indocile et rebelle à ma ville […] Le Héraut : Je t’engage à ne pas être ainsi rebelle à ta cité […]
/ Le Coryphée : Celui-ci [= Polynice] irait, infortuné, sans lamentation, suivi du seul thrène
d’une sœur éploré : qui le pourrait croire ? / Le chef du premier demi-chœur : Que la ville
frappe ou non ceux qui pleurent Polynice, nous irons, nous ; à ses funérailles nous serons et
ferons cortège […] ce que l’État recommande comme le droit, tantôt c’est ceci et tantôt
cela ! » LSCT p. 175-6
• « Danaos : Asseyez-vous dans le sanctuaire, te un vol de colombes fuyant des éperviers –
leurs frères pourtant ! frères changés en ennemis, qui veulent se souiller d’un crime à l’égard
de leur propre race. L’oiseau reste-t-il pur, qui mange chair d’oiseau ? Comment donc serait
pur celui qui veut prendre une femme malgré elle, malgré son père ? » LS p. 58-9
• « Le chœur : [Que les fils d’Égyptos] périssent, avant d’avoir, malgré le Ciel qui le défend,
asservi les nièces d’un père, en montant dans des lits qui ne les veulent pas » LS p. 52
• « Le Roi : Que demandes-tu donc en suppliante aux dieux de la cité [ ?] […] Le Coryphée : De
n’être pas esclave des fils d’Égyptos / Le Roi : Est-ce une question de haine ? – ou veux-tu
dire qu’ils t’offrent un sort infâme ? / Le Coryphée : Qui aimerait des maîtres qu’il lui faut
payer ? » LS p. 62
++ La tension entre Ellen, Archer et les règles de leur communauté augmente tout au
long du roman. Ellen entre notamment en conflit avec les habitudes sociales new-
yorkaises en réclamant son divorce (alors même que la loi américaine l’autorise !). Archer
la défend parce qu’elle n’a pas voulu ce conflit : elle est seulement victime d’un ex-mari
infréquentable et réclame légitimement le droit à retrouver une vie privée saine. Archer
lui-même est de plus en plus exaspéré par l’ensemble étouffant des règles qu’il qualifie
• « Le sort […] obligeait [Mr et Mrs Van der Luyden] à rester les arbitres sociaux de leur petit
monde, la dernière cour d’appel du protocole mondain, alors qu’ils eussent préféré vivre dans
la simplicité et la réclusion […] par nature timides et réservés, ayant peu de goût pour le rôle
d’arbitres suprêmes du bon ton que la destinée leur avait dévolu, ils ne demandaient qu’à se
cacher dans la sylvestre solitude de [leur maison de] Skuytercliff » VII p. 71-2
• « [Archer :] Mme Olenska a mené une existence malheureuse, cela ne la met pas hors-la-
loi » V p. 57
• « [Archer] lui avait érigé dans son cœur un sanctuaire qui bientôt était devenu le seul théâtre
de sa vie réelle ; là aboutissaient toutes ses idées, tous ses sentiments. Hors de là, sa vie
ordinaire lui semblait de plus en plus irréelle. Il se heurtait contre les préjugés et les points de
vue traditionnels comme un homme absorbé se heurte contre le mobilier de sa chambre. Il
était absent » XXVI p. 242
• « [Archer] était […] obsédé par l’idée que jusqu’à la fin de sa vie il ferait vraisemblablement
toujours la même chose à la même heure, et dans le même cadre. ‘’Monotonie !…
monotonie !…’’ soupira-t-il. Ce mot l’obsédait. En rentrant, ce soir-là, il ne s’était pas arrêté au
cercle comme d’habitude » X p. 98
• « La monotonie de sa vie lui mettait dans la bouche comme un goût de cendres ; par
moment, il avait le sentiment d’être enterré vivant » XV p. 147
• « [Archer :] Notre législation favorise le divorce… nos habitudes sociales ne l’admettent pas. /
[Ellen :] En aucun cas ? / [Archer :] Elles ne l’admettent pas, si une femme […] s’est exposée à
la critique en prenant une attitude qui ne rentre pas dans les conventions habituelles » XII
p. 123
Il existe nécessairement une tension entre l’individu et les règles collectives qui s’imposent à lui.
Chaque être humain est singulier : même s’il respecte sa communauté, il peut entrer en conflit
avec ce qu’elle lui impose en raison de sa personnalité, de ses envies, de ses sentiments, de ses
valeurs… Chez Eschyle, le personnage d’Antigone entre ainsi en conflit avec les siens : ses
sentiments envers son frère Polynice, à qui la loi divine veut qu’elle rende hommage, la
poussent à rejeter la décision des conseillers de Thèbes de ne pas enterrer le traître. Une partie
du chœur soutient Antigone : « Que la ville frappe ou non ceux qui pleurent Polynice », ces
femmes iront l’enterrer car elles ne peuvent obéir à un ordre de la cité allant à l’encontre de la
solidarité, des valeurs et des sentiments familiaux. Cette tension avec la loi est d’un niveau plus
intime encore pour le personnage d’Archer. Il ne s’agit pas pour lui de défendre un principe
éthique contre l’avis collectif, mais plutôt une « passion ». En effet, il éprouve le désir de vivre
plus spontanément et d’échapper au cadre monotone de la vie conjugale traditionnelle mais se
« heurt[e] contre les préjugés et les points de vue traditionnels » de sa communauté. Spinoza
blâmerait peut-être ces « rebelles » dans le sens où il pense qu’un citoyen doit savoir « agir en
opposition avec ce qu'il juge et professe qui est bon », c’est-à-dire parfois contre ses propres
opinions et ses sentiments. Mais cela n’est valable que si les lois visent le bien commun, et
qu’elles ne cherchent pas à condamner ces opinions et sentiments personnels. Pour éviter cette
tension, peut-être faut-il laisser de la place à la personnalité de l’individu.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Le risque du conformisme
+ et = Spinoza insiste sur l’idée que l’individu doit « transférer son droit » au collectif : il
accepte d’obéir à un pouvoir souverain pour s’unir aux autres et freiner son « appétit ».
Toutefois, cela ne signifie pas que l’individu cesse d’être humain pour devenir un
automate au service de la société : ses besoins personnels doivent être satisfaits grâce
au collectif et surtout, son « âme » (qu’on peut définir rapidement comme étant la
manifestation son « unicité », qui se traduit par ses pensées et ses sentiments) doit
rester libre. Il faut respecter sa nature. Plus encore, Spinoza émet l’idée originale que
l’obéissance véritable n’implique pas une « robotisation » de l’individu, mais au contraire
qu’elle vient de son for intérieur : l’obéissance n’est réelle que si l’individu agit de son
« plein gré », ce qui suppose qu’il ne soit pas formaté et qu’il ait encore une volonté
propre :
• « L’obéissance ne concerne pas tant l’action extérieure que l’action interne de l’âme. Celui-là
donc est le plus sous le pouvoir d’un autre, qui se détermine à obéir à ses commandements
d’une âme entièrement consentante » XVII p. 278
• « Dans une libre République […] une entière liberté de juger et d’honorer Dieu selon sa
complexion propre est donnée à chacun » préface p. 22
• « Nul en effet ne pourra jamais, quel abandon qu’il ait fait à un autre de sa puissance et
conséquemment de son droit, cesser d’être homme » XVII p. 277
• « Il ne peut se faire que l'âme d'un homme appartienne entièrement à un autre ; personne
en effet ne peut transférer à un autre, ni être contraint d'abandonner son droit naturel ou sa
faculté de faire de sa raison un libre usage et de juger de toutes choses » XX p. 327
• « Si grand donc que soit le droit attribué au souverain sur toutes choses […] encore ne
pourra-t-il jamais se dérober à la nécessité de souffrir [= supporter] que les hommes jugent
de toutes choses suivant leur complexion propre et soient affectés aussi de tel sentiment ou
tel autre » XX p. 328
• « [L’État] est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs
fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison libre […] La fin de l’État est donc en réalité
la liberté » XX p. 329
• « Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de
telle sorte que, professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent
cependant dans la concorde. Et nous ne pouvons douter que cette règle de gouvernement
ne soit la meilleure, puisqu'elle s'accorde le mieux avec la nature humaine » XX p. 334
+ et – Il est délicat de repérer cette notion au sein d’une œuvre antique. En effet, à cette
époque et dans cette culture, la vie collective prime sur toute forme d’individualisme.
Ainsi, les aspirations des personnages d’Eschyle se confondent avec celles de la
communauté. Cela donne l’impression d’avoir des personnages archétypaux, adoptant
les comportements conformes aux attentes de la cité (sens du devoir, dévouement…).
Cependant, ils se distinguent aussi les uns des autres par leurs caractères ou leurs
qualités propres. Tel est le cas des guerriers d’Étéocle, présentés à la fois comme de
dociles soldats prêts à se sacrifier pour la patrie, mais ayant chacun leur personnalité :
• « Étéocle : [Mélanippe est] de très noble race, il vénère le trône de l’Honneur et déteste les
propos orgueilleux : s’il renâcle aux vilenies, il n’a point pour cela coutume d’être lâche […]
c’est un vrai enfant de la terre thébaine que Mélanippe […] c’est vraiment le Droit du sang qui
l’envoie en son nom écarter de la terre à qui il doit le jour les lances ennemies » LSCT p. 155
• « Étéocle : À Tydée j’opposerai, moi, le preux fils d’Astacos pour défenseur de cette porte »
LSCT p. 155
• « Étéocle : [Face à Amphiaraos] nous placerons un porter inhospitalier, le puissant
Lasthène : si son esprit est d’un vieillard, ses muscles sont jeunes » LSCT p. 162
• « [May était le] produit redoutable du système social dont il faisait partie, et auquel il croyait
[…] [Elle] lui apparaissait maintenant comme une étrangère » VI p. 60
• « [May] avait toujours eu le même point de vue : celui du monde qui les entourait » XX p. 198
• « [Le] visage [de May] semblait appartenir à un type plutôt qu’à une personne : elle aurait pu
poser pour une Vertu civique ou pour une Divinité grecque […] Archer se rendit compte qu’il
posait sur sa femme le regard d’un étranger » XIX p. 188-9
• « [Archer] sentait qu’il prononçait exactement toutes les paroles que l’on attend d’un fiancé,
et qu’elle faisait toutes les réponses qu’une sorte d’instinct traditionnel lui dictait, — jusqu’à
lui dire qu’il était original / – Original ? Nous sommes tous aussi pareils les uns aux autres
que ces poupées découpées dans une feuille de papier plié. Ne pourrions-nous pas être un
peu nous-mêmes, May ? » X p. 97
• « Oh ! ces Mingott ! Tous les mêmes ! […] ils sont tous pareils : ils veulent tous faire ce que
tous les autres auraient fait » XVII p. 158
• « Archer en revenait à sa conception héréditaire du mariage. Se conformer à la tradition, ne
demander à May que ce qu’il avait vu ses amis demander à leurs femmes […] Tout tendait
donc à ramener Archer aux vieilles idées » XX p. 194-5
• « [May] était certaine que Newland continuerait à inculquer à Dallas les mêmes principes et
les mêmes préjugés qui avaient façonné la vie de ses parents » XXXIV p. 295
• « Par sa culture intellectuelle et artistique, le jeune homme [= Archer] se sentait nettement
supérieur à ces spécimens choisis dans le gratin du vieux New-York […] mais en bloc ils
représentaient ‘’New-York’’, et, par une habitude de solidarité masculine, Newland Archer
acceptait leur code en fait de morale » I p. 25 / Voir aussi XIX p. 181
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
L’atteinte à autrui
L’individu peut représenter un danger pour la communauté. L’égoïsme, les sentiments
comme la haine ou l’orgueil, les désirs de gloire ou de pouvoir, ou encore la convoitise
peuvent conduire à porter atteinte à autrui.
L’individu est entraîné par ses pulsions et ses émotions. L’être humain est
difficilement raisonnable : il est sans cesse traversé par des affects (≃ décharges
émotionnelles) qui peuvent le faire agir au détriment d’autrui.
++ Spinoza avertit plusieurs fois son lecteur à ce sujet : si la raison conduit l’être humain
à s’unir aux autres, son « appétit » et la « violence de ses Passions » (p. 263) l’entraîne
à n’agir que pour son propre bien. Pire, il cherche à dominer ses semblables. En effet,
c’est de cette manière qu’il vivrait à « l’état naturel ». Ainsi, nombreux sont les désirs qui
le poussent à nuire aux autres, même après avoir accepté de pactiser avec eux :
• « Chacun est entraîné dans un sens différent ; il leur a donc fallu [aux hommes] par un
établissement très ferme, convenir […] de refréner l’Appétit, en tant qu’il pousse à causer du
dommage à autrui […] [C’est] une loi universelle de la nature que nul ne renonce à ce qu’il
juge être bon, sinon par espoir d’un bien plus grand ou par crainte d’un dommage plus
grand, ni n’accepte un mal, sinon pour éviter un mal pire ou par espoir d’un plus grand bien »
XVI p. 264
• « Aussi bien les gouvernants que ceux qui sont gouvernés sont tous des hommes […] non la
Raison, en effet, mais les seules affections de l’âme gouvernent [la multitude des hommes] ;
incapable d’aucune retenue, elle se laisse très facilement corrompre par le luxe et l’avidité.
Chacun pense être seul à tout savoir et veut tout régler selon sa complexion […] par gloire il
méprise ses semblables et ne souffre pas d’être dirigé par eux ; par envie de l’honneur […] il
désire le mal d’autrui et y prend plaisir » XVII p. 279-80
• « Un appétit sans mesure d’exercer les fonctions sacerdotales a pénétré dans le cœur des
plus méchants, l’amour de propager la foi en Dieu a fait place à une ambition et à une
avidité sordides » préface p. 23
• « Après que les rois se furent emparés du pouvoir, comme on ne combattait plus ainsi
qu'auparavant pour la paix et la liberté, mais pour la gloire, nous voyons [que] tous firent la
guerre, et un funeste appétit de régner rendit sanglant pour la plupart le chemin conduisant
à la royauté » XVIII p. 306
• « Les rois dont les âmes sont toujours orgueilleuses et ne peuvent fléchir sans honte,
s'attachèrent à leurs vices avec obstination jusqu'à la complète destruction de la Ville » XVIII
p. 307
++ Ce point est crucial pour Eschyle. Il montre que les sentiments et désirs humains
peuvent devenir excessifs et faire tomber l’individu dans la « démesure » (l’hybris). Il
risque alors de se focaliser sur lui-même, de devenir égoïste, de perdre de vue sa place
dans le groupe, voire de se croire au-dessus de tout dans le cosmos :
↪ Dans les deux pièces, Eschyle dénonce en premier lieu les comportements arrogants
et avides. Des comportements inspirés par la haine, l’orgueil et la vanité, et conduisant
les hommes (ici Égyptos et ses fils / Polynice et ses guerriers) à se comporter comme
des « bêtes » sanguinaires plutôt que comme des êtres civilisés. D’où la mise en garde
du chœur à Étéocle :
• « Le Chœur : Ne laisse pas l’égarement d’une folie meurtrière emplir ton cœur et t’emporter.
Rejette, déjà en son principe, cette convoitise mauvaise » LSCT p. 164
• « Le Coryphée : Des maudits ! voilà la dévorante engeance d’Égyptos – et insatiables de
combats […] Leurs instincts sont ceux de bêtes luxurieuses et sacrilèges. Ah ! gardons qu’ils
ne nous commandent jamais » LS p. 76-7
• « Le Chœur : Les fils d’Égyptos – intolérable démesure – mâles en chasse sur mes pas, vont
pressant la fugitive de leurs lubriques clameurs et prétendent l’avoir de force ! » LS p. 79
• « Le Messager : Tydée, tout bouillant, altéré de combats, crie comme un serpent […] Sur le
bouclier même il porte un blason d’orgueil […] Voilà la démence que trahit l’insolent harnois,
tandis qu’il crie sur la berge du fleuve, avide de batailles » LSCT p. 154-5
• « Le Messager : Capanée […] un mécréant aussi, pire que le premier et dont la jactance [=
attitude arrogante qui se manifeste par des propos vaniteux] dit l’orgueil surhumain. Il
adresse à nos murs d’effroyables menaces » LSCT p. 156
• « Le Messager : Hippomédon […] des yeux qui sèment l’épouvante […] c’est la panique que,
devant nos portes, déjà proclame sa jactance » LSCT p. 158
↪ Cette « sauvagerie » liée aux affects conduit à la folie : celle de se croire au-dessus
des dieux… Cet « hybris » (ou « démesure ») est impardonnable car il ramène l’être
humain à l’état de « bête » avide et impie, sourd à la justice voulue par les dieux et
indispensable à la vie en communauté. L’hybris bouscule non seulement l’ordre de la
communauté, mais plus encore l’ordre même du cosmos :
• « Le Héraut [aux Danaïdes] : Je ne crains pas les dieux de ce pays […] Si tu ne résignes à
gagner le vaisseau, ta tunique ouvragée sera déchirée sans pitié […] Le Roi : Hé là-bas, que
fais-tu ? Quelle superbe t’induit à mépriser ainsi la terre des Pélasges ? […] Tu ignores d’abord
les devoirs d’un étranger […] Tu ne montres aucun respect des dieux ! » LS p. 81-2
• « Le chœur : Orgueilleux, tout dévorants d’audace impie comme des chiens sans vergogne,
ils sont sourds à la voix des dieux » LS p. 77
• « Le Messager : [Parthénopée jure] qu’il ravagera la cité cadméenne, en dépit de Zeus »
LSCT p. 159
• « Le Messager : [Capanée] affirme qu’il saccagera cette ville et que le défi de Zeus même
s’abattant devant lui, ne l’arrêterait pas » LSCT p. 156
↪ Mais il n’y a pas besoin de tomber dans de tels excès pour nuire à autrui. En effet, la
peur (émotion propre à la gent féminine selon Eschyle) conduit aussi à l’imprudence, à
l’indiscipline, voire à la folie du suicide (évoqué par les Danaïdes) :
• « Le Roi : À qui te dit : ‘’Confiance !’’ réponds par des mots confiants. / Le Coryphée : Ne
t’étonne pas si mon cœur effrayé se montre impatient » LS p. 69
• « Le Chœur. – Ne me laisse pas seule, je t’en supplie, ô père […] Des frissons sans cesse vont
courant sur mon âme ; mon cœur, maintenant noir, palpite […] Je suis morte d’effroi. Ah ! je
voudrais, pendue trouver la mort dans un lacet » LS p. 77-8
• « Le Chœur : Je clame ici ma peur et mes douleurs immenses ! L’armée est lâchée […] /
Étéocle : [Lorsque les femmes prennent] peur, c’est un fléau pire encore pour sa maison et sa
cité. Aujourd’hui même, avec vos courses éperdues par la ville, vous avez parmi les nôtres
clamé l’appel de la lâcheté peureuse » LSCT p. 145 et 148
• « Le Coryphée : Dieux de ma cité, épargnez-moi l’esclavage ! / Étéocle : C’est toi qui nous
livres à l’esclavage, et moi et toute la ville […] Le Coryphée : Je n’ai plus de courage :
l’épouvante m’arrache mes mots […] Étéocle : Tais-toi, malheureuse ; cesse d’effrayer les
tiens » LSCT p. 151
↪ Eschyle évoque enfin le cas du désir sexuel qui peut provoquer la honte et la
discorde. Ce désir est responsable de la malédiction de Laïos d’où découle la tragique
histoire d’Étéocle et Polynice. Dans Les Suppliantes, Danaos ordonne à ses filles d’éviter
les histoires en n’ayant pas de relation sexuelle avec les Argiens :
• « Danaos : Je vous invite donc à ne pas me couvrir de honte, puisque vous possédez cette
jeunesse qui attire les yeux des hommes […] ne créons pas d’opprobre pour nous-mêmes, de
joie pour mes ennemis » LS p. 85
• « Le Chœur : Je pense à la faute ancienne […] la faute de Laïos, rebelle à ’Apollon, qui […] lui
avait déclaré qu’il [= Laïos] devait mourir sans enfants, s’il voulait le salut de Thèbes. Mais
Laïos succombe à un doux égarement, et il engendre sa propre mort, Œdipe le parricide, qui
a osé ensemencer le sillon sacré où il s’était formé et y planter une souche sanglante : un
délire unissait les époux en folie ! » LSCT p. 166
+ Chez Wharton, ce sont les sentiments amoureux qui risquent de faire « dévier » les
personnages principaux que sont Newland Archer et Ellen Olenska. D’abord, Ellen
commet la faute de devenir l’amante du secrétaire de son mari (elle s’est éprise du jeune
homme qui l’a aidée à fuir son terrible époux). Or ce « désir extraconjugal » est
condamnable par la loi des États-Unis mais aussi par le code de l’honneur new-yorkais.
De même, la relation amoureuse entre Ellen et Archer est condamnée car Archer s’est
engagé à se marier avec May, et il serait indécent de vivre une liaison cachée. Ellen et
Archer luttent contre eux-mêmes pour ne pas céder à leur amour et ne pas trahir leur
entourage. Avec regret, notre héros se plie finalement aux « bonnes mœurs » de la vie
conjugale. Même si cela semble futile, il ressort avec dignité de toute cette histoire :
• « Les regrets accumulés, les souvenirs étouffés d’une vie muette, pesaient lourdement sur
son âme… […] Pour l’enfant [= Dallas], sans doute, l’épisode n’était que l’exemple pathétique
d’une vie gâchée. N’était-ce vraiment que cela ? » XXXIV p. 301
• « [Ellen] luttait contre son sort […] elle s’attachait de toutes ses forces à la résolution de ne
pas trahir la confiance de May, de toute la famille » XXXI p. 270
• « Peu à peu il retrouvait toute sa répugnance pour la voie qui s’ouvrait devant lui [= celle de
l’adultère] […] C’était le rôle de l’éternel mensonge […] Dans dix minutes il rentrerait chez lui,
et là il retrouverait May, l’habitude de la vie conjugale, l’honneur du foyer, toutes les
convenances que lui et les siens avaient toujours respectées […] Non, il ne pourrait se
résigner à cette vie de mensonge » XXXI p. 271 et 273
• « [Archer :] Nous n’avons pas le droit de mentir aux autres ni à nous-mêmes » XVIII p. 174
• « Elle était jeune, elle avait peur, elle était désespérée. Avait-elle été reconnaissante à son
sauveur ? Cette gratitude la mettait, aux yeux de la loi et du monde, de pair avec son
abominable mari. Archer le lui avait expliqué, comme son devoir le voulait, ajoutant qu’à
New-York, si les cœurs étaient simples et bons, elle ne devait cependant pas sur ce chapitre
escompter leur indulgence » XIII p. 128
• « [Ellen :] Nous ne sommes l’un près de l’autre qu’à condition de rester séparés. Alors
seulement nous pouvons être nous-mêmes. Autrement, nous serons Newland Archer, le mari
de la cousine d’Ellen Olenska, et Ellen Olenska, la cousine de la femme de Newland Archer,
volant un bonheur qui ne leur appartient pas » XXIX p. 261-2
L’individu est entraîné par ses pulsions et ses émotions. L’être humain est difficilement
raisonnable : il est sans cesse traversé par des affects qui peuvent le faire agir au détriment
d’autrui. Comme l’écrit Spinoza, « non la Raison, en effet, mais les seules affections de l’âme
gouvernent » la plupart des hommes. Il est donc difficile d’établir un contrat social solide et
durable dans le temps car les individus parviennent difficilement à freiner leurs désirs souvent
néfastes pour autrui… Ce pourquoi Eschyle avertit son public : il faut se garder des « instincts […]
de bêtes luxurieuses et sacrilèges » (tels que ceux des fils d’Égyptos), autrement dit de
« l’hybris » qui nous éloigne de la civilité pour nous entraîner vers un égoïsme source de
désordre. C’est précisément contre cet égoïsme que luttent Archer et Ellen en refusant de céder
à leur désir amoureux. En effet, ils ne veulent pas trahir May ni leurs familles respectives. Avec
regret mais pour « l’honneur du foyer », Archer se plie finalement aux « convenances » de la vie
conjugale. Même si cela peut sembler futile, en ayant démontré son respect pour les siens, il
ressort avec dignité de toute cette histoire. Il n’a pas cédé à l’ardent désir qui peut briser l’union
au sein du groupe.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
• « [Des hommes haineux], par une sorte de malfaisant prestige, peuvent tourner en rage la
dévotion de la foule séditieuse et l'exciter contre ceux qu'ils lui désignent » XX p. 33
• « J’ai vu maintes fois avec étonnement des hommes fiers de professer la religion chrétienne,
c’est-à-dire l’amour, la joie, la paix, la continence et la bonne foi envers tous, se combattre
avec une incroyable ardeur malveillante et se donner des marques de la haine la plus âpre »
Préface p. 22
• « Où les hommes en effet commencent à disputer avec l'ardeur du fanatisme, appuyés de
part et d'autre par des magistrats [= fonctionnaires de l’État], il est impossible de jamais
arriver à un apaisement et la division en sectes est inévitable » XVIII p. 305
• « Si donc on veut ravir [l’autorité religieuse] au souverain, c’est qu’on veut diviser l’État et
cette division ne peut manquer de faire naître […] des discussions et des luttes impossibles à
apaiser » XIX p. 320
• « Les Ecclésiastiques […] sont des hommes après tout et de simples particuliers, n’ayant à
prendre soin que de leurs propres affaires […] La ruine de l’État sera encore beaucoup plus
rapide si des particuliers revendiquent séditieusement le droit de Dieu » XIX p. 321
• « Les schismes [= divisions] [naissent] d’un grand appétit de régner » XX p. 335
• « Il est dangereux de rattacher aux règles du droit divin les questions d'ordre purement
spéculatif et de fonder les lois sur des opinions, sujet au moins possible de constantes
disputes entre les hommes […] Cette licence effrontée, parce qu'elle se couvre d'une
apparence de religion, n'est pas facile à réprimer, surtout dans un pays où les détenteurs du
pouvoir souverain ont introduit une secte dont la doctrine échappe à leur autorité » XVIII p.
307-8
• « Si en effet les hommes n'étaient pas dominés par l'espoir de tirer à eux les lois et les
magistrats, de triompher de leurs adversaires aux applaudissements du vulgaire, et de
recueillir des honneurs, ils ne se combattraient pas avec tant de malveillance, leurs âmes ne
seraient pas agitées d'une telle fureur » XX p. 333
++ Dans Les Sept contre Thèbes, Eschyle met en scène des individus perturbateurs. En
effet, on apprend que le vil Tydée a excité le désir de vengeance de Polynice : ce dernier
est prêt à ravager sa propre cité et à tuer son propre frère pour une question d’orgueil et
de pouvoir… Cet « attentat » contre sa propre communauté est impardonnable : c’est un
acte terriblement impie qui le conduira, lui et son armée, à la mort. Le combat d’Étéocle
contre Polynice, frère contre frère, symbolise les graves conséquences de cette faute
commise par l’individu perturbateur :
• « Le Messager : [Polynice] veut, après avoir escaladé nos murs, s’être proclamé vainqueur […]
se mesurer avec toi, et, alors, ou te tuer et tomber mort près de toi, ou, s’il laisse vivre qui l’a
privé de ses droits, du moins par un exil qui te jette à ton tour hors de Thèbes tirer de toi
vengeance égale » LSCT p. 162
• « Mrs Archer vivait retirée du monde et l’observait du haut de sa solitude. Secondée par Mr
Jackson et Miss Sophy, elle notait chaque craquement nouveau à la surface de la
société […] si le changement n’était pas encore accompli, certainement il était en cours [...]
La société, — si toutefois elle existait encore ! — offrait plutôt un spectacle digne des
malédictions bibliques » XXVI p. 237-8
• « [Mrs Archer :] Il ne faut surtout pas, ma chère Louisa, laisser des gens comme Mrs. Lemuel
Struthers chausser les souliers de Regina ; ce sont les occasions que saisissent les parvenus
pour se pousser et prendre pied dans le monde » XXXII p. 278
L’individu est porteur de divisions au sein la communauté. L’être humain cherche parfois à
prendre l’ascendant au sein d’un groupe, ou plus simplement à s’opposer vivement à d’autres
membres de la communauté au point de créer des scissions. La faute est grave dans le cas de
Polynice qui est prêt à ravager sa propre communauté, et même à tuer son propre frère par
orgueil, soif de vengeance et de pouvoir. Ainsi Eschyle met symboliquement en scène « le
meurtre de deux frères, tombés sous des coups mutuels », le présentant comme une
« souillure » infâme. Spinoza dénonce aussi vivement tout porteur de conflit au sein de la
société : celui qui, sous couvert de religion, impose ses opinions en tournant les lois à son
avantage, voire ravit l’autorité des chefs de la communauté. En agissant ainsi, « c’est qu’on veut
diviser l’État et cette division ne peut manquer de faire naître […] des discussions et des luttes
impossibles à apaiser ». La petite communauté new-yorkaise cherche donc à tout prix à afficher
son unité, quitte à passer sous silence les conflits internes. Mais si la pyramide des vieux clans
finit par s’ébrécher, n’est-ce pas justement la faute de ceux qui voudraient maintenir un ordre et
des traditions figées ? En effet, c’est la rigidité des traditionnalistes qui provoque la cassure, en
refusant d’accorder une place à ceux qu’ils qualifient de « parvenus » …
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
bénéfique au collectif, car c’est une atteinte au fonctionnement même du contrat social.
Autrement dit, l’individu appartenant à la communauté n’a pas le droit d’agir selon sa
propre initiative (s’il le fait, quelle que soit l’intention, il doit être condamné). Spinoza va
plus loin en affirmant qu’avant d’agir par soi-même, le seul fait d’y penser peut déjà être
condamnable. Il ne faut jamais diffuser l’idée qu’on devrait agir « selon son propre
jugement » :
• « Le crime de lèse-majesté […] on dit qu'un sujet a commis ce crime, quand il a tenté de ravir
pour une raison quelconque, ou de transférer à un autre, le droit du souverain […] Qu'un
dommage doive s'ensuivre en effet pour l'État ou au contraire qu'il doive en recevoir le plus
clair accroissement, cela ne fait à mes yeux aucune différence. Quelle que soit la raison de
sa tentative, il y a eu lèse-majesté et il est condamné à bon droit […] Si un individu, de sa
propre décision et à l'insu du conseil souverain, a entrepris l'exécution d'une affaire publique,
quand bien même un accroissement certain en résulterait pour la cité, il a cependant violé le
droit du souverain, a lésé la majesté et mérité une condamnation » XVI p. 271
• « [Il est facile] de déterminer de même quelles opinions sont séditieuses dans l'État : ce sont
celles qu'on ne peut poser sans lever le pacte par lequel l'individu a renoncé à son droit
d'agir selon son propre jugement : cette opinion, par, exemple, que le souverain n'est pas
indépendant en droit ; ou que personne ne doit tenir ses promesses ; ou qu'il faut que
chacun vive d'après son propre jugement ; et d'autres semblables qui contredisant
directement à ce pacte. Celui qui pense ainsi est séditieux, non pas à raison du jugement
qu'il porte et de son opinion considérée en elle-même, mais à cause de l'action qui s'y trouve
impliquée : par cela même qu'on pense ainsi en effet, on rompt tacitement ou expressément
la foi due au souverain » XX p. 331
↪ Dans Les Suppliantes, les Danaïdes ont pris l’initiative de fuir l’Égypte pour demander
asile aux Argiens. Elles prennent ainsi le risque assez égoïste de provoquer une guerre
entre les deux peuples. En contrepoint, le roi Pélasgos évite justement d’agir selon son
seul et unique jugement… alors même qu’il est en droit de le faire ! Sage et prudent, il
préfère obtenir l’aval de tout son peuple :
• « Le Roi : Vous n’êtes pas assises à mon propre foyer : si la souillure est pour Argos, pour la
cité entière, que le peuple s’occupe d’en découvrir le remède […] Décider ici n’est point facile :
ne t’en remets pas à moi pour décider. Je te l’ai dit déjà : quel que soit mon pouvoir, je ne
saurais rien faire sans le peuple » LS p. 64-5
↪ Dans Les Sept contre Thèbes, le cas d’Antigone est plus subtil. Elle va prendre
l’initiative d’enterrer Polynice contre l’avis de la cité. Commet-elle une faute ? Il semble
plutôt que ce soit la cité qui, sous le coup de l’émotion et par esprit de vengeance,
s’écarte du droit de manière hasardeuse en refusant l’enterrement. Antigone paraît plus
sage et légitime dans sa décision personnelle, car par-là elle montre du respect pour sa
• « Antigone : Je saurai affronter un péril pour enterrer un frère, sans rougir d’être ainsi
indocile et rebelle à ma ville. C’est un lien étrangement fort que d’être sortis des mêmes
entrailles […] Aussi, prends ta part de ses maux, mon âme […] avec un courage de sœur ! […] /
Le Héraut : Je t’engage à ne pas être ainsi rebelle à ta cité […] / Le chef du premier demi-
chœur : Que la ville frappe ou non ceux qui pleurent Polynice, nous irons, nous ; à ses
funérailles nous serons et ferons cortège […] ce que l’État recommande comme le droit,
tantôt c’est ceci et tantôt cela ! » LSCT p. 175-6
+ Rares sont les personnages de Wharton qui prennent des initiatives personnelles dans
les affaires publiques. Même celles qui concernent la vie privée sont condamnées
publiquement, comme en témoigne Ellen dont l’initiative de divorcer entraînera son
exclusion… En réalité, la plupart des personnages ont tellement intégré les codes de leur
petit monde hyper structuré que toute initiative, spontanéité ou originalité dans leur
comportement semble inhibée… Ils ne font que reproduire les schémas attendus. Archer
s’en rend compte grâce à Ellen. En effet, celle-ci ne s’embarrasse pas des ridicules et
pointilleuses conventions qui veulent par exemple qu’une femme ne prenne pas
l’initiative de parler à un homme :
• « La comtesse se leva, et traversant seule la vaste pièce, elle alla s’asseoir près de
Newland. L’étiquette à New-York voulait qu’une dame attendît, immobile comme une idole ;
c’était aux hommes à se succéder à ses côtés. Sans doute [Ellen] ignorait cette règle » VIII p.
79
• « [Ellen] était parvenue par sa seule simplicité à lui faire sentir qu’il agissait avec la banalité
la plus risible, au moment même où il croyait jeter les conventions par-dessus bord » XXIX p.
259
• « — Mais ne pas faire comme tout le monde, c’est justement ce que je veux ! insista
l’amoureux [= Archer] / — Vous êtes si original ! dit [May], avec un regard d’admiration […]
[Archer] sentait qu’il prononçait exactement toutes les paroles que l’on attend d’un fiancé, et
qu’elle faisait toutes les réponses qu’une sorte d’instinct traditionnel lui dictait, — jusqu’à lui
dire qu’il était original / — Original ? Nous sommes tous aussi pareils les uns aux autres que
ces poupées découpées dans une feuille de papier plié. Ne pourrions-nous pas être un peu
nous-mêmes, May ? » X p. 97
• « [May] n’avait de courage et d’initiative que pour les autres, et non pour elle-même » XVI p.
156
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
L’individu doit parfois se battre seul pour le bien commun. Le groupe est parfois
aveugle face à ses propres contradictions ou défend des injustices contre lesquelles
l’individu se rebelle légitimement.
est injuste. Il s’agit de montrer l’exemple de ce qu’est un « bon sujet » qui respecte le
droit du souverain malgré ses divergences de points de vue :
• « Quelle pire condition concevoir pour l'État que celle où des hommes de vie droite, parce
qu'ils ont des opinions dissidentes et ne savent pas dissimuler, sont envoyés en exil comme
des malfaiteurs ? Quoi de plus pernicieux, je le répète, que de tenir pour ennemis et de
conduire à la mort des hommes auxquels on n'a ni crime ni forfait à reprocher, simplement
parce qu'ils ont quelque fierté de caractère, et de faire ainsi du lieu de supplice, épouvante
du méchant, le théâtre éclatant où, pour la honte du souverain, se voient les plus beaux
exemples d'endurance et de courage ? Qui sait en effet qu'il est, dans sa conduite,
irréprochable, ne craint pas la mort comme un criminel et ne se sauve pas du supplice par
des implorations ; car le remords d'aucune vilenie ne torture son âme ; il est honorable à ses
yeux, non infamant, de mourir pour la bonne cause, glorieux de donner sa vie pour la
liberté » XX p. 333
• « Le peuple a bien pu changer de tyran, mais non jamais supprimer le tyran, ni changer un
gouvernement monarchique en un autre d’une forme différente […] Trop tard le peuple
s’aperçut qu’il n'avait rien fait pour le salut de la patrie, sinon violer le droit du roi légitime et
changer l’ordre existant en un pire […] chaque État doit conserver sa forme de gouvernement
qu’il ne peut changer sans être menacé de ruine totale » XVIII p. 309-10
• « Tous sont tenus d’obéir aux décrets et commandements du souverain à ce sujet, en vertu
de la foi qu’ils lui ont promise […] Si ceux qui ont le commandement suprême sont des
Idolâtres [≃ impies], ou bien il ne faut pas contracter avec eux, mais souffrir délibérément les
pires extrémités plutôt que de leur transférer son droit, ou bien, si l’on contracte et qu’on leur
ait transféré son droit, puisque par là même on a renoncé à se maintenir soi-même et à
maintenir sa religion, on est tenu de leur obéir » XVI p. 273
+ Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, Eschyle met en scène des cas de
rébellion qui semblent légitimes :
• « Le Roi : Que demandes-tu donc en suppliante aux dieux de la cité [ ?] […] Le Coryphée : De
n’être pas esclave des fils d’Égyptos / Le Roi : Est-ce une question de haine ? – ou veux-tu
dire qu’ils t’offrent un sort infâme ? / Le Coryphée : Qui aimerait des maîtres qu’il lui faut
payer ? » LS p. 62
• « Le Coryphée : Des maudits ! voilà la dévorante engeance d’Égyptos – et insatiables de
combats […] Leurs instincts sont ceux de bêtes luxurieuses et sacrilèges. Ah ! gardons qu’ils
ne nous commandent jamais » LS p. 76-7
↪ Pour Antigone, la décision du conseil de Thèbes de donner le corps de son frère aux
chiens est intolérable et non conforme à la justice divine. Courageusement, elle se
dresse donc seule contre le décret de la cité, mais sans violence : elle est prête à en
assumer les conséquences. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui une forme de
« désobéissance civile », c’est-à-dire une résistance publique et pacifique contre une
règle jugée injuste :
• « Antigone : Je saurai affronter un péril pour enterrer un frère, sans rougir d’être ainsi
indocile et rebelle à ma ville. C’est un lien étrangement fort que d’être sortis des mêmes
entrailles […] Aussi, prends ta part de ses maux, mon âme […] avec un courage de sœur ! […] /
Le Héraut : Je t’engage à ne pas être ainsi rebelle à ta cité » LSCT p. 175
↪ Newland Archer semble trop « formaté » pour se dresser contre une décision du
groupe, même si cette décision est illégitime. En effet, il a appris à privilégier la cohésion
aux dépends parfois du bon sens et de la justice. Au fur et à mesure du roman, il ose de
plus en plus affirmer une position contraire à celle du groupe vis-à-vis du divorce
d’Ellen, mais ne rentrera jamais en conflit ouvert avec son entourage. Il se résigne face à
l’impossibilité de changer les choses :
divorcer au début du roman. Ce dernier plaide tout de même en sa faveur, de même que
la matriarche Mrs Manson-Mingott. Ils forment un trio qui veut faire triompher la liberté
contre l’oppression du groupe :
• « [Ellen à Archer :] N’est-ce pas vous qui m’avez fait renoncer à ce divorce ? C’est vous qui
m’avez fait comprendre qu’on doit se sacrifier pour préserver la dignité du mariage, pour
épargner à sa famille un scandale. Et parce que ma famille allait devenir la vôtre, pour May et
pour vous j’ai fait ce que vous m’avez demandé, ce que vous m’avez affirmé que je devais
faire ! » XVIII p. 173
• « [Archer :] Elle n’aurait pas pu retourner auprès de son mari, c’était impossible ! s’écria-t-il /
[Mrs Manson-Mingott :] Ah ! mon cher, j’ai toujours su que tu étais pour elle, et c’est pourquoi
je t’ai fait venir […] tu vois, nous aurons encore à combattre. À moi toute seule, je ne suis pas
de force, il faut que tu viennes à mon aide […] Chère grand’mère, vous pouvez très bien tenir
contre eux tous, à vous toute seule ; mais, si vous avez besoin de moi, je serai derrière
vous » XXX p. 267
L’individu doit parfois se battre seul pour le bien commun. Le groupe est parfois aveugle face à
ses propres contradictions ou défend des injustices contre lesquelles l’individu se rebelle
légitimement. C’est le cas d’Antigone qui se dresse courageusement contre le décret de la cité
de Thèbes ordonnant de donner le corps de son frère aux chiens, ce qu’elle juge intolérable et
non conforme à la justice divine. Mais loin d’agir avec violence, elle est prête à en assumer les
conséquences. « Je saurai affronter un péril » dit-elle dans un acte de « désobéissance civile »
contre une règle jugée injuste, au nom de principes supérieurs. C’est également pour Spinoza la
seule manière légitime de lutter : « mourir pour la bonne cause »… car lorsque l’État est
corrompu au point de condamner injustement ses membres les plus honnêtes, l’individu doit
accepter le châtiment. Il s’agit de montrer l’exemple de ce qu’est un « bon sujet » qui respecte le
droit du souverain malgré ses divergences de points de vue. En revanche, rien ne justifie en tant
que sujet de se rebeller et de déstabiliser l’État, même tyrannique. Pourtant, rien ne semble plus
valable que le combat de la comtesse Olenska pour son droit au divorce, contre le despotisme et
le conservatisme du vieux New-York… En effet, Ellen espérait trouver « la paix et la liberté »
d’une communauté qui veille sur ses membres. Mais les jugements et la marginalisation dont
elle fait l’objet sont si injustes qu’ils entraîneront même la matriarche Manson-Mingott à
« combattre […] contre eux tous » pour la liberté d’Ellen…
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Se défaire de l’opinion
L’individu peut vite être opprimé par le jugement d’autrui. La vie en société peut
devenir étouffante à cause de l’opinion des autres sur son propre comportement ou ses
propres idées. Pour que l’individu s’épanouisse, il doit parfois s’en défaire.
↪ Il affirme d’une part que le souverain ne peut, ni ne doit chercher à contrôler l’opinion
et le jugement de ses sujets. C’est un droit « naturel » de penser ce que l’on veut. Ce
pourquoi il ne faut pas décréter des lois dont l’objet serait de réguler voire d’opprimer les
opinions, notamment en matière de religion. En plus d’être injustes, de telles lois
augmentent la colère et la discorde entre les individus. De plus, pour ne pas risquer
d’être condamnés, les hommes deviennent alors menteurs pour cacher leurs véritables
opinions. Or, une société où les gens se mentent est vouée à dépérir… :
• « Admettons cependant que cette liberté [d’opinion] peut être comprimée et qu'il est
possible de tenir les hommes dans une dépendance telle qu'ils n'osent pas proférer une
parole, sinon par la prescription du souverain ; encore n'obtiendra-t-il jamais qu'ils n'aient de
pensées que celles qu'il aura voulu ; et ainsi, par une conséquence nécessaire, les hommes
ne cesseraient d'avoir des opinions en désaccord avec leur langage et la bonne foi, cette
première nécessité de l'État, se corromprait » XX p. 332
• « Une majesté souveraine paraît agir injustement contre ses sujets et usurper leur droit,
quand elle veut prescrire à chacun ce qu'il doit admettre comme vrai ou rejeter comme faux,
et aussi quelles opinions doivent émouvoir son âme de dévotion envers Dieu : car ces choses
sont du droit propre de chacun, un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir » XX
p. 327
• « Il est évident que les lois concernant les opinions […] sont faites moins pour contenir les
méchants que pour irriter les plus honnêtes […] De telles lois condamnant des opinions sont
[…] inutiles : ceux qui jugent saines les opinions condamnées ne peuvent obéir à ces lois » XX
p. 332-3
• « Il est dangereux de rattacher aux règles du droit divin les questions d'ordre purement
spéculatif et de fonder les lois sur des opinions, sujet au moins possible de constantes
disputes entre les hommes » XVIII p. 307
↪ Spinoza affirme d’autre part qu’il faut permettre à chacun d’avoir son opinion. Mais si
l’individu a le droit d’avoir son opinion, il ne doit jamais l’imposer aux autres (encore
moins au souverain), ni persécuter les autres pour leurs propres opinons. De plus, c’est
seulement au souverain de juger si une opinion est « valable » et mérite d’être prise en
compte dans la gestion des affaires publiques :
• « [L’individu] peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler,
pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son
opinion par la Raison seule ; non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l'intention de
changer quoi que ce soit dans l'État de l'autorité de son propre décret. Par exemple, en cas
qu'un homme montre qu'une loi contredit à la Raison, et qu'il exprime l'avis qu'elle doit être
abrogée, si, en même temps, il soumet son opinion au jugement du souverain (à qui seul il
appartient de faire et d'abroger des lois) et qu'il s'abstienne, en attendant, de toute action
contraire à ce qui est prescrit par cette loi, certes il mérite bien de l'État et agit comme le
meilleur des citoyens » XX 329-30
• « À l'exemple des Pharisiens, les pires hypocrites, animés de la même rage, ont partout
persécuté des hommes d'une probité insigne et d'une vertu éclatante, odieux par là même à
la foule, en dénonçant leurs opinions comme abominables et en enflammant contre eux de
colère la multitude féroce » XVIII p. 307
• « Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de
telle sorte que, professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent
cependant dans la concorde » XX p. 334
= Dans l’œuvre d’Eschyle, ce sont plutôt les chefs qui sont persécutés par le jugement
d’autrui. En effet, ils portent la responsabilité des mauvaises décisions et doivent donc
se méfier de l’opinion publique. D’où le fait que Pélasgos cherche à être persuasif, afin
de convaincre l’opinion de la justesse de sa décision. Eschyle montre ainsi que le
souverain est dépendant de l’opinion de son peuple :
• « Le chœur : Fais alliance avec la Justice : prends une décision qui d’abord respecte les
dieux. / Le Roi : Décider ici n’est point facile : ne t’en remets pas à moi pour décider. Je te l’ai
dit déjà : quel que soit mon pouvoir, je ne saurais rien faire sans le peuple. Et me garde le
Ciel d’ouïr Argos me dire un jour, si pareil malheur arrivait : ‘’Pour honorer des étrangers, tu as
perdu ta cité !’’ » LS p. 65
• « Le chœur : Aussi bien le respect des pères est-il la troisième loi inscrite au livre de Justice,
à qui va le suprême hommage » LS p. 75
• « Le Roi : J’ai besoin d’une pensée profonde qui nous sauve […] afin que l’affaire d’abord ne
crée point de maux à notre cité, pour moi-même ensuite se termine au mieux […] la foule
aime à chercher des raisons [= des torts] à ses maîtres ! » LS p. 65 et 68
• « Le Roi : Je vais convoquer les gens de ce pays, pour disposer en ta faveur l’opinion
populaire […] Que la Persuasion m’accompagne » LS p. 69
• « Étéocle : En cas de succès, aux dieux tout le mérite ! Si au contraire […] un malheur arrive, ‘’
Étéocle !’’ […] sera célébré par des hymnes grondants et des lamentations » LSCT p. 143
jugement du groupe pèse sur le moindre fait ou geste et où chacun en vient donc à
faire semblant, à se cacher :
• « En réalité, ils vivaient tous dans un monde fictif, où personne n’osait envisager la réalité, ni
même y penser » VI p. 62
• « [Ellen] avait dit que Mrs Welland désirait qu’elle passât sous silence tout ce qu’il pouvait y
avoir de ‘’pénible’’ dans son passé. L’innocence de New-York n’était-elle donc qu’une simple
attitude ? Sommes-nous des pharisiens [= hypocrites] ? se demanda Archer » XI p. 109-10
• « [Mr Letterblair :] — Toute la famille est contre le divorce, et je crois qu’elle a raison […] /
Dans la manière dont ce vieillard égoïste, bien nourri, suprêmement indifférent, exposait la
question, [Archer] croyait entendre la voix pharisaïque [= hypocrite] de la société, ne
songeant qu’à se barricader contre tout ce qui pouvait être ‘’pénible’’ » XI p. 111
• « [May, avec mépris :] Je ne crois pas qu’Ellen se soucie beaucoup de l’opinion du monde »
XXVI p. 240
• « [Ellen] était parvenue par sa seule simplicité à lui faire sentir qu’il agissait avec la banalité
la plus risible, au moment même où il croyait jeter les conventions par-dessus bord / — Je
crois que vous êtes la femme la plus sincère que j’aie jamais connue ! / — Une des plus
vraies… répondit-elle, avec une voix caressante comme un sourire. / — Le mot importe peu…
Vous regardez les choses en face » XXIX p. 259
• « [May :] Je voulais vous dire que, quand deux êtres s’aiment véritablement, je comprends
qu’il puisse y avoir des situations qui donnent le droit d’agir contre l’opinion publique… » XVI
p. 155
• « [Archer :] Chaque cas doit être considéré individuellement, selon sa valeur réelle, — sans
tenir compte de l’opinion… Toute femme a droit à sa liberté » XVI p. 156
• « Newland Archer était un homme d’habitudes correctes et disciplinées […] Mais maintenant
il sentait craquer le moule des contraintes sociales : il ne se souciait plus de l’opinion » XXXII
p. 281
L’individu peut vite être opprimé par le jugement d’autrui. La vie en société peut devenir
étouffante à cause de l’opinion des autres sur son propre comportement ou ses propres idées.
Ainsi, Newland Archer a de plus en plus de mal au fil du roman à supporter les jugements de ses
semblables, qui conduisent chacun à se comporter de manière hypocrite. Même May, pourtant
très soucieuse de l’opinion des autres pour dicter sa conduite, admet « qu’il puisse y avoir des
situations qui donnent le droit d’agir contre l’opinion publique… ». Autrement, ce serait le règne
de la fourberie, chacun devant cacher ce qu’il pense des autres par peur d’être ostracisé, voire
condamné : « les hommes ne cesseraient d'avoir des opinions en désaccord avec leur langage
et la bonne foi, cette première nécessité de l'État, se corromprait » écrit Spinoza. En effet,
l’opinion d’autrui ne doit jamais opprimer le besoin de dire ce que l’on pense personnellement,
au risque de corrompre la sincérité des échanges entre individus qui sont au fondement d’une
communauté saine. Cette sincérité s’applique d’autant plus au souverain selon Eschyle :
transparent, le roi Pélasgos expose donc la situation des Danaïdes à son peuple afin de
convaincre la communauté et de « disposer en [leur] faveur l’opinion populaire ».
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
La solitude et l’exclusion
• « Le crime de lèse-majesté […] on dit qu'un sujet a commis ce crime, quand il a tenté de ravir
pour une raison quelconque, ou de transférer à un autre, le droit du souverain […] Quelle que
soit la raison de sa tentative, il y a eu lèse-majesté et il est condamné à bon droit » XVI
p. 271
• « Dans un État […] corrompu […] des fanatiques et des ambitieux […] ne peuvent supporter les
hommes de caractère indépendant » XX p. 331
• « Quelle pire condition concevoir pour l'État que celle où des hommes de vie droite, parce
qu'ils ont des opinions dissidentes et ne savent pas dissimuler, sont envoyés en exil comme
des malfaiteurs ? Quoi de plus pernicieux, je le répète, que de tenir pour ennemis et de
conduire à la mort des hommes auxquels on n'a ni crime ni forfait à reprocher [?] » XX p. 333
+ et = Dans Les Suppliantes, les Danaïdes fournissent le rare exemple (parmi les œuvres
au programme) de personnes qui s’exilent d’elles-mêmes afin de fuir l’esclavage. Il faut
cependant noter qu’elles espèrent retrouver une patrie d’adoption chez les Argiens et
que c’est un honneur pour elles d’obtenir « la résidence en ce pays, libres et
protégées » (p. 72). Puisqu’elles obtiennent la « citoyenneté », les Argiens qui leur
causeraient du tort sont eux-mêmes menacés d’exil. Une sentence terrible car être
« apatride » (= sans patrie), c’est devoir se débrouiller seul, retourner plus ou moins à
l’état de nature et donc ne plus être traité dignement en tant qu’être humain... La cité de
Thèbes condamne d’ailleurs le traître Polynice à cette humiliation symbolique en
refusant de l’enterrer sur sa terre natale :
• « Danaos : Argos s’est prononcée d’une voix unanime […] nous aurons ‘’la résidence en ce
pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d’asile reconnu ; nul habitant ni
étranger ne pourra nous saisir ; use-t-on de violence, tout bourgeois d’Argos qui ne nous
prête aide est frappé d’atimie, exilé par sentence du peuple’’ » LS p. 72
• « Le chœur : Nous sommes filles de Zeus, et c’est de ce rivage qu’est partie notre colonie.
Une trace ancienne me ramène aujourd’hui aux lieux où sous l’œil d’un gardien jadis paissait
ma mère [= Io] » LS p. 70
• « Le héraut : Je dois proclamer ici ce qu’ont jugé et décrété les commissaires du peuple de la
cité cadméenne […] [Polynice] sera jeté hors de nos murailles, sans sépulture, en proie aux
chiens, puisqu’il eût été le dévastateur du pays cadméen […] Même mort, il gardera sa
souillure à l’égard des dieux de nos pères, ces dieux qu’il a outragés en lançant une armée
étrangère à la conquête de sa ville » LSCT p. 174
++ On peut d’abord citer le cas de Mrs Beaufort, rejetée sans pitié par son clan
simplement parce qu’elle est l’épouse d’un banquier malfaiteur (Julius) qui entache
l’honneur de la famille. Mais le cas d’Ellen est encore plus significatif. Ellen oscille entre
son besoin de liberté d’une part et son besoin de sécurité d’autre part qui l’oblige à
entrer dans le moule de la communauté… mais dans les deux cas, elle subit la solitude :
si elle s’émancipe, elle est mal vue et ses proches la mettent à l’écart. Si elle s’intègre,
elle doit se « contenir » et dissimuler ce qu’elle pense (et donc éprouver une solitude
« intérieure »). La pauvre Ellen n’aspire pourtant qu’à une chose : gérer sa vie privée de
manière indépendante, sans se cacher, tout en étant entourée de ses proches. Mais
cette vie lui est refusée, et elle sera tout simplement exclue du clan d’une manière très
« civilisée » … :
• « Mme Olenska avait la place d’honneur [au repas donné en « l’honneur » de son départ -
plus ou moins forcé - en Europe, et qui marque symboliquement et implicitement son
exclusion du clan] ; pouvait-on souligner avec plus de finesse qu’on ne la tenait plus tout à
fait pour une parente ? Il y avait des choses qu’il fallait faire sans marchander et, parmi
celles-ci, dans le vieux code de New-York, était le dernier ralliement du clan autour du
membre qui allait en être retranché […] C’était ainsi dans ce vieux New-York, où l’on donnait
la mort sans effusion de sang » XXXIII p. 288
• « Ellen Olenska souffrait de sa solitude » XIII p. 132
• « [Ellen :] Je l’avoue, j’aime cette petite maison ; mais c’est surtout, je crois, parce qu’elle est
dans mon pays, à New-York, et… et que j’y suis seule […] [Archer :] Vous aimez tant que ça
être seule ? / — Oui, puisque mes amis m’empêchent de sentir ma solitude… » IX p. 88
• « Elles m’en veulent un peu de m’être émancipée, ma pauvre grand-mère surtout. Elle aurait
voulu me garder avec elle ; mais j’avais besoin d’être libre. / Archer fut […] ému à la pensée
de ce qui avait pu donner à Mme Olenska cette soif d’une liberté qui comportait tant de
solitude » IX p. 91
• « [Les femmes de la famille] veulent m’aider, mais à la condition de ne rien entendre qui leur
déplaise […] On ne désire donc pas savoir la vérité ici ? La solitude, c’est de vivre parmi tous
ces gens aimables qui ne vous demandent que de dissimuler vos pensées » IX p. 92
• « [Archer] aussi était trop profondément imbu du code de l’honnêteté financière pour céder à
la pitié : une probité sans tache était le ‘’noblesse oblige’’ du vieux New-York des affaires […]
la place d’une femme était à côté de son mari dans l’adversité. Quant à la société, il y a des
malheurs dont elle s’éloigne […] Couvrir un déshonneur, c’était la seule chose à quoi la famille
en tant qu’institution dût se refuser » XXVII p. 248-9
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
++ Spinoza est historiquement l’un des premiers philosophes à mettre en avant l’idée
que la société existe pour servir l’intérêt de chaque individu (à commencer par sa
sécurité). Ainsi, l’individu défend le bien de la communauté parce qu’il défend par là-
même son propre bien (réciproquement, en défendant le droit de chaque individu, la
communauté assure sa propre stabilité). Comme le montre l’exemple de l’État hébreu,
cela peut se manifester concrètement par le fait d’attribuer à chacun un droit de
propriété sécurisé : un lopin de terre permettant d’assurer sa subsistance. Toutefois, ce
fonctionnement n’est possible que moyennant un équilibre : défendre son propre bien
par l’intermédiaire de la communauté suppose de se soumettre à l’autorité souveraine.
L’individu défend son droit d’exister en respectant le droit du souverain :
• « Établir partout des institutions faisant que tous […] mettent le droit commun au-dessus de
leurs avantages privés, c’est là l’œuvre laborieuse à accomplir » XVII p. 279-80
• « Par Droit Civil privé nous ne pouvons entendre autre chose que la liberté qu’a l’individu de
se conserver dans son état, telle qu’elle est déterminée par les édits du pouvoir souverain et
maintenue par sa seule autorité. Après en effet que l’individu a transféré à un autre son droit
de vivre selon son bon plaisir propre, c’est-à-dire sa liberté et sa puissance de se maintenir,
droit qui n’avait d’autres limites que son pouvoir, il est tenu de vivre suivant la règle de cet
autre et de ne se maintenir que par sa protection » XVI p. 269
• « Il y eut dans cet État [= hébreux] une autre force unique et la plus grande de toutes, qui
devait retenir les citoyens et les prémunir contre toute idée de défection et tout désir de
déserter leur patrie, ce fut la considération de l'utilité qui donne aux actions humaines leur
vigueur et leur animation. Je dis que dans cet État cette considération avait une force
unique ; nulle part en effet les citoyens n'avaient sur leurs biens un droit de propriété plus
assuré que les sujets de cet État. La part de terre et de champs possédée par chacun d'eux
était égale à celle du chef et ils en étaient maîtres pour l'éternité » XVII p. 293
• « [Un sujet] fait par le commandement du souverain ce qui est utile au bien commun et par
conséquent aussi à lui-même » XVI p. 267-8
++ La réciprocité entre État et individu est une thématique au cœur des Sept contre
Thèbes. Cette réciprocité est essentielle car la vie de l’individu dépend des soins
prodigués par la communauté. En retour, l’individu lui est infiniment redevable : il doit
être prêt à sacrifier sa vie pour la communauté. Ainsi, Étéocle explique aux femmes
thébaines effrayées que, si elles veulent sauver leur propre vie, il est contreproductif
d’agir égoïstement en cédant à ses propres affects. Pour se sauver, il leur faudra penser
et agir dans l’intérêt collectif (en étant disciplinées et en encourageant leurs
défenseurs) :
• « Étéocle : Vous devez tous à cette heure […] chacun enfin se donnant au rôle qui convient à
ses forces, porter secours à la cité, aux autels des dieux du pays […] à vos fils, et à la Terre
maternelle, la plus tendre des nourrices, qui, à l’heure, où, enfants, vous vous traîniez sur son
sol bienveillant, a pris toute la charge de votre nourriture et fait de vous des loyaux citoyens
armés du bouclier qu’elle attend en ce besoin » LSCT p. 143-44
• « Étéocle [au coryphée] : Invoque les dieux, sans pour cela te sottement conduite ! La
discipline est mère du succès qui seul, ô femme, assure la vie sauve […] Si tu ne veux pas
semer la lâcheté au cœur des citoyens, reste en repos, ne laisse pas déborder ta terreur […]
Le Coryphée : Dieux de ma cité, épargnez-moi l’esclavage ! / Étéocle : C’est toi qui nous
livres à l’esclavage, et moi et toute la ville […] Tais-toi, malheureuse ; cesse d’effrayer les
tiens […] Le Coryphée : Je me tais : mon sort sera le sort de tous / Étéocle : De Voilà un mot
que je retiens […] accompagne-les […] de la clameur sacrée, du cri rituel qui, en Grèce, salue
la chute des victimes : il donnera confiance aux nôtres et dissipera en eux tout effroi de
l’ennemi » LSCT p. 149 à 151
↪ Admiratifs de ce principe, Ellen et Archer décident de s’avouer leur amour sans céder
à la tentation sexuelle. Dans un premier temps, Archer semble grandi par cet abandon
du désir personnel au profit du bien commun : il montre qu’il est parfois préférable de
sacrifier certains désirs pour témoigner de son amour aux autres. Au passage, sa propre
relation amoureuse avec Ellen est sublimée par ce sacrifice. Ainsi se trouve amplifiée
une force essentielle dans la vie en communauté : l’amour :
• « [Ellen :] C’est vous qui m’avez fait comprendre que, sous l’ennui et l’uniformité de cette vie,
se cachent des choses si belles, si nuancées, si délicates, que même celles à quoi je tenais le
plus dans mon ancienne vie semblent médiocres en comparaison. Comment dire ?… Je
n’avais jamais compris jusqu’alors que les plaisirs les plus raffinés s’achètent souvent au prix
de la cruauté, de la bassesse… » XXIV p. 226
• « Archer se sentit pénétré d’un calme qui lui apportait à la fois de l’étonnement et de la force
[…] C’était le résultat de l’équilibre parfait que Mme Olenska avait su établir entre ce qu’ils
devaient de loyauté aux autres et de franchise à eux-mêmes. Cet équilibre, elle l’avait trouvé
non dans un adroit calcul mais dans la sincérité invincible qu’avaient révélée ses larmes et
ses hésitations […] [Archer] remerciait le sort que nulle vanité masculine, nul désir de jouer un
rôle, ne l’eût induit dans la tentation de la tenter elle-même […] Archer s’était éloigné seul,
avec le sentiment qu’il venait de sauver plus d’amour qu’il n’en avait sacrifié » XXV p. 230
↪ Mais il existe trop peu de réciprocité affective dans la froide communauté new-
yorkaise, où les rapprochements (dont les mariages) entre individus se limitent bien
souvent à défendre les intérêts matériels de chacun sans véritable échange chaleureux.
Le fait de comprimer ses désirs n’obtient alors aucune contrepartie « sensible ». Aussi,
Archer en vient parfois à penser que le sacrifice de ses propres désirs rend seulement
malheureux et donc aigri avec à autrui :
• « [Archer :] Si nous nous sacrifions, ce sera pire pour tout le monde » XVIII p. 177
• « [Archer] frissonna en songeant qu’un jour leur union [avec May], comme tant d’autres,
pourrait se réduire à une morne association d’intérêts matériels, soutenue par l’ignorance
d’un côté et l’hypocrisie de l’autre » VI p. 61
Pour vivre en communauté, intérêts personnel et collectif doivent s’équilibrer sans entrer en
contradiction les uns avec les autres. L’être humain ne peut pas faire partie d’un groupe au
détriment de tous ses désirs, ni les laisser s’exprimer au détriment du groupe. Spinoza le montre
parfaitement en expliquant qu’un sujet « fait par le commandement du souverain ce qui est
utile au bien commun et par conséquent aussi à lui-même » : l’État a pour raison d’être de
servir l’intérêt de l’individu, et cela n’est possible qu’à la condition que l’individu serve l’intérêt
collectif, c’est-à-dire défende l’État en respectant (parfois malgré lui) l’autorité suprême du
souverain. Wharton illustre le fait que cette réciprocité est parfois fragile et difficile à mettre en
œuvre. Archer en témoigne : tantôt satisfait de sacrifier certains désirs pour témoigner de son
amour aux autres, tantôt aigri et malheureux en raison de ce même sacrifice qui n’obtient
aucune contrepartie affective, il montre les limites d’une communauté où les liens entre
individus se limitent bien souvent à une « morne association d’intérêts matériels ». Eschyle
prône une réciprocité plus concrète : puisque la vie de l’individu dépend des soins que lui
apporte la communauté, il doit être prêt à lui rendre en se sacrifiant pour elle. Ainsi, si les
femmes thébaines effrayées veulent sauver leur propre vie, Étéocle leur explique qu’il leur
faudra agir dans l’intérêt collectif : leur « sort sera le sort de tous ».
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Montrer l’exemple
+ Spinoza critique les sociétés où les uns jugent les autres sur le seul critère de leur
opinion. Le philosophe affirme donc que peu importent les opinions, seuls les actes
comptent. Ainsi, le citoyen qui illustre les principes de justice et de charité doit être
salué. Spinoza prend l’exemple de la cité d’Amsterdam où c’est le fait d’agir
honnêtement qui apporte de la reconnaissance à l’individu, et qui par effet ricochet
profite à toute la communauté. En négatif, la fourberie et le mensonge sont découragés.
En montrant que de tels actes profitent tant à l’individu qu’à la paix de la communauté,
l’individu leur donne une grande valeur :
• « Il faut obéir à Dieu de toute son âme, en pratiquant la justice et la charité […] il faut laisser
à chacun la liberté de son jugement et le pouvoir d’interpréter selon sa complexion les
fondements de la foi, et juger de la foi de chacun selon ses œuvres [= actes] seulement, se
demandant si elles sont conformes ou non à la piété, car de la sorte […] seules la justice et la
charité auront pour tous du prix » préface p. 26
• « Que la ville d'Amsterdam nous soit en exemple […] dans cette ville très éminente, des
hommes de toutes nations et de toutes sectes vivent dans la plus parfaite concorde et
s'inquiètent uniquement, pour consentir un crédit à quelqu'un, de savoir […] s'il a accoutumé
d'agir en homme de bonne foi ou en fourbe » XX p. 334
• « La fidélité envers l'État comme envers Dieu se connaît aux œuvres seules » XX p. 331
++ Dans l’œuvre d’Eschyle, des personnages exemplaires sont mis en valeur dans le but
d’offrir une leçon de vie civique. Ainsi, le roi Pélasgos et les Argiens font preuve
d’hospitalité. En retour, ils suscitent l’admiration et reçoivent les prières de Danaos et de
ses filles qui les vénèrent comme… des dieux. Eschyle montre symboliquement qu’un
comportement exemplaire entraîne de nombreux bienfaits de la part d’autrui. De même,
Étéocle et ses guerriers sont présentés comme des citoyens courageux et sont honorés
car ils montrent l’exemple. Au lieu de se vanter comme le font Polynice et ses
combattants, ils agissent pour la cité :
• « Étéocle : Ah ! si les dieux leur accordaient un sort digne de leurs pensers, à ceux-là [= les
guerriers de Polynice], et à leur jactance impie ! Ce serait pour eux l’anéantissement complet
et misérable. Pour l’Arcadien aussi dont tu nous parles, j’ai un guerrier sans jactance et dont
le bras voit ce qu’il doit faire […] Celui-là ne permettra pas à ce torrent de mots sans actes
d’aller faire croître des malheurs à l’intérieur de nos remparts » LSCT p. 160
• « Étéocle : [Mélanippe est] de très noble race, il vénère le trône de l’Honneur et déteste les
propos orgueilleux : s’il renâcle aux vilenies, il n’a point pour cela coutume d’être lâche […]
c’est un vrai enfant de la terre thébaine que Mélanippe » LSCT p. 155
• « Le Coryphée : Allons, que nos vœux appellent sur Argos les biens qui paieront ses
bienfaits » LS p. 73
• « Danaos : Mes filles, il faut qu’aux Argiens vus offriez prières, sacrifices et libations, comme
à des dieux de l’Olympe ; car, sans se partager, tous ont été nos sauveurs […] En échange de
tels bienfaits, nous leurs devons, si notre âme est guidée par un bon pilote, l’hommage d’une
gratitude qui les honore encore plus que jamais […] Le Chœur : Que nos louanges disent la
ville des Pélasges ! » LS p. 84 et 86
• « Le Héraut : Pour celui-ci, Étéocle, à raison de son dévouement au pays, il a été décrété
qu’il serait enseveli en de pieuses funérailles » LSCT p. 174
↪ Celui qui donne l’exemple est celui qui fait comme les autres et reste dans les
normes, aussi absurdes soient-elles. Pire encore, il s’agit souvent d’une exemplarité
feinte et hypocrite : l’innocence, la bonté mais encore l’hospitalité des gens de New-
York sont fausses… Aussi, bien que May semble exemplaire en termes de vertu (simple,
sincère, innocente), sa « pureté » est qualifiée de « factice » (p. 62). Cependant, à de
rares moments du récit, elle montre bel et bien l’exemple car derrière sa superficialité,
elle fait réellement preuve d’empathie et de pitié à l’égard de ses proches :
• « [Archer] sentit son cœur allégé d’un lourd fardeau. Quelqu’un avait donc deviné [son amour
pour Ellen], avait eu pitié ; et que ce quelqu’un eût été May, il en ressentait une émotion
indicible » XXXIV p. 301
• « [Ellen] avait dit que Mrs Welland désirait qu’elle passât sous silence tout ce qu’il pouvait y
avoir de ‘’pénible’’ dans son passé. L’innocence de New-York n’était-elle donc qu’une simple
attitude ? Sommes-nous des pharisiens [= hypocrites] ? se demanda Archer » XI p. 109-10
• « La jeune fille [= May], centre de ce système de mystification soigneusement élaboré […]
était franche, la pauvre chérie, parce qu’elle n’avait rien à cacher : confiante, parce qu’elle
n’imaginait pas avoir à se garder […] [elle avait] cette pureté factice, si adroitement fabriquée
par la conspiration des mères » VI p. 62
• « [Le] visage [de May] semblait appartenir à un type plutôt qu’à une personne : elle aurait pu
poser pour une Vertu civique ou pour une Divinité grecque » XIX p. 188 / Voir aussi XXI p. 205
• « [M. Rivière :] Garder intactes sa liberté intellectuelle, ses facultés critiques, c’est cela,
monsieur, qui prime tout. C’est pour cette indépendance que j’ai abandonné le journalisme
[…] Voyez-vous, monsieur, pouvoir regarder la vie en face, être maître de sa pensée, cela vaut
bien la peine de vivre dans une mansarde [= logement précaire] » XX p. 197
• « [Archer] sentait qu’[Ellen] était femme à changer en lui toute l’échelle des valeurs, et
comprit qu’il serait forcé de se mettre à des points de vue incroyablement nouveaux s’il
voulait lui être utile dans ses difficultés présentes » XII p. 117
• « [Ellen] était parvenue par sa seule simplicité à lui faire sentir qu’il agissait avec la banalité
la plus risible, au moment même où il croyait jeter les conventions par-dessus bord / — Je
crois que vous êtes la femme la plus sincère que j’aie jamais connue ! / — Une des plus
vraies… répondit-elle, avec une voix caressante comme un sourire. / — Le mot importe peu…
Vous regardez les choses en face » XXIX p. 259
L’individu doit montrer l’exemple pour augmenter les bienfaits de la communauté. Afin de créer
un cercle vertueux, il est important que les citoyens soient exemplaires par leurs actes publics.
La communauté, pour qui cela est profitable, sera d’autant plus généreuse envers ses membres.
C’est pourquoi l’hospitalité de Pélasgos et des citoyens Argiens est littéralement bénie par
Danaos qui dit à ses filles : « En échange de tels bienfaits, nous leurs devons […] l’hommage
d’une gratitude qui les honore ». Par-là, Eschyle montre symboliquement qu’un comportement
exemplaire entraîne un échange vertueux avec autrui. Spinoza prend quant à lui l’exemple de la
cité d’Amsterdam, où c’est le fait d’agir honnêtement qui apporte de la reconnaissance à
l’individu, ce qui se répercute en même temps positivement sur l’ensemble de la communauté.
En effet, les citoyens y vivent « dans la plus parfaite concorde » parce qu’ils accordent du
« crédit » à celui qui agit « en homme de bonne foi ». En négatif, la fourberie et le mensonge
sont découragés. Dans Le Temps de l’Innocence, l’exemplarité des membres de la bourgeoisie,
qui se doivent d’être constamment irréprochables, paraît factice et superficielle. Face à ces
faux-semblants, Archer admire la sincérité d’Ellen et se demande donc : « L’innocence de New-
York n’était-elle donc qu’une simple attitude ? Sommes-nous des pharisiens ? ». Finalement, la
sincérité de l’individu semble essentielle à l’édification d’une société exemplaire.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
• « La fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à
celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et
leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une
Raison libre […] La fin de l’État est donc en réalité la liberté » XX p. 329
• « Accomplir la loi de Dieu c’est pratiquer la justice et la charité suivant le commandement de
Dieu, d’où suit que le Règne de Dieu est établi où la justice et la charité ont force de droit et
de commandement […] la Religion n’acquiert force de droit que par le décret de ceux qui ont
le droit de commander […] le règne singulier de Dieu sur les hommes ne s’établit que par les
détenteurs du pouvoir politique » XIX p. 314
• « Rien ne s'empare de l'âme avec plus de force que la joie qui naît de la dévotion, c'est-à-
dire à la fois de l'amour et de l'admiration [envers Dieu] » XVII p. 294
• « Le Chœur : Quel homme fut jamais honoré à la fois des dieux assis au foyer de Thèbes et
de l’agora populeuse [= le peuple] comme était révéré Œdipe, depuis qu’il avait délivré cette
terre du monstre qui lui ravissait ses hommes ? » LSCT p. 167
• « Étéocle : [Mélanippe est] de très noble race, il vénère le trône de l’Honneur et déteste les
propos orgueilleux : s’il renâcle aux vilenies, il n’a point pour cela coutume d’être lâche […]
c’est un vrai enfant de la terre thébaine que Mélanippe […] c’est vraiment le Droit du sang qui
l’envoie en son nom écarter de la terre à qui il doit le jour les lances ennemies » LSCT p. 155
• « Le Héraut : Pour celui-ci, Étéocle, à raison de son dévouement au pays, il a été décrété
qu’il serait enseveli en de pieuses funérailles » LSCT p. 174
L’individu a besoin de la communauté pour s’accomplir. Au-delà de ses besoins égoïstes et/ou
primaires, l’être humain a un besoin « existentiel » d’être avec les autres. Spinoza, pour qui
l’épanouissement passe par la dévotion envers Dieu qui emplit « l’âme » humaine, remarque
que celle-ci peut justement être amplifiée par la communauté politique. En effet, « le règne
singulier de Dieu sur les hommes ne s’établit que par les détenteurs du pouvoir politique » : c’est
grâce à l’État que la loi de Dieu s’accomplit parmi les hommes. L’État renforce ainsi la foi et donc
la joie de ses sujets. Pour Eschyle, l’accomplissement individuel semble étroitement associé à
l’honneur, à la gloire, à la dignité morale, c’est-à-dire aux vertus qui témoignent d’un sens du
sacrifice envers la communauté. Œdipe semble ainsi s’être « réalisé » au travers de son
dévouement à la communauté car aucun homme ne « fut jamais honoré » par les dieux et le
peuple autant que lui. Mais la communauté peut aussi être un frein à l’accomplissement
personnel, comme en témoigne Archer qui ne pourrait vivre son amour avec Ellen qu’en se
retirant du monde : « Ce que je veux, c’est partir avec vous pour un monde […] où nous serons
simplement deux êtres qui s’aiment, qui sont tout l’un pour l’autre, pour lesquels le monde ne
compte pas ». Mais par crainte d’être ostracisé, il se résigne à une vie monotone, à l’issue de
laquelle la reconnaissance honorifique de sa qualité de « bon citoyen » sera sa seule
consolation…
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Liberté et contrôle
Pour vivre en communauté, l’individu doit être capable de contrôler ses affects et sa
liberté doit être cadrée. De cette manière, la liberté ne s’oppose pas nécessairement à la
discipline indispensable pour le fonctionnement du collectif. Elle peut même favoriser la
cohésion sociale. Enfin, en favorisant une société diversifiée et ouverte sur le monde, la
liberté permet à la communauté d’évoluer, de s’adapter et donc de se pérenniser.
Pour le bien du plus grand nombre, l’individu doit contrôler ses affects. Les
envies et les émotions de l’être humain peuvent le conduire à nuire aux autres, ainsi
qu’à lui-même. Contre sa « nature » qui peut s’apparenter à de la « sauvagerie », il doit
apprendre à se modérer.
• « Aussi bien les gouvernants que ceux qui sont gouvernés sont tous des hommes […] non la
Raison, en effet, mais les seules affections de l’âme gouvernent [la multitude des hommes] ;
incapable d’aucune retenue, elle se laisse très facilement corrompre par le luxe et l’avidité »
XVII p. 279
• « Chacun est entraîné dans un sens différent ; il leur a donc fallu [aux hommes] par un
établissement très ferme, convenir […] de refréner l’Appétit, en tant qu’il pousse à causer du
dommage à autrui […] et enfin de maintenir le droit d’autrui comme le sien propre […] [C’est]
une loi universelle de la nature que nul ne renonce à ce qu’il juge être bon, sinon par espoir
d’un bien plus grand ou par crainte d’un dommage plus grand, ni n’accepte un mal, sinon
pour éviter un mal pire ou par espoir d’un plus grand bien » XVI p. 264
• « De là nous concluons que nul pacte ne peut avoir de force sinon pour la raison qu’il est
utile, et que, levée l’utilité, le pacte est levé du même coup […] [Il faut faire en sorte que] la
rupture du pacte entraîne, pour celui qui l’a rompu, plus de dommage que de profit : c’est là
un point d’importance capitale dans l’institution de l’Etat […] Mais il s’en faut de beaucoup
que tous se laissent aisément conduire sous la seule conduite de la Raison ; chacun se
laisse entraîner par son plaisir et le plus souvent l’avarice, la gloire, l’envie, la haine » XVI p.
265
++ Ce point est capital chez Eschyle. Il condamne fermement l’hybris (ou « démesure »
- voir arg. « Céder aux affects »), comme en témoigne le massacre de Polynice et de
ses guerriers haineux et vantards. En contrepoint, les personnages « paternels » que
sont Danaos, Pélasgos et Étéocle sont honorés et redoublent d’avertissements et de
conseils, notamment auprès des femmes (qui seraient plus sujettes à se laisser
emporter par certaines émotions) : il leur faut se montrer calmes, prévoyantes,
pudiques, et par-dessus tout prudentes et modestes. Ces qualités sont essentielles
pour prendre du recul et parvenir à la maîtrise de soi :
rejeter certains plaisirs afin de ne pas causer du tort aux autres. Ellen est d’autant plus
admirative qu’elle sait qu’Archer est « tenté » par les plaisirs de la vie, tandis que
d’autres personnes « trop sages » ne peuvent pas comprendre cette « tentation ».
Archer est donc exemplaire parce qu’il place certaines valeurs indispensables à la vie
collective au-dessus de « bas plaisirs » égoïstes. Il incarne le parfait citoyen qui fait
preuve de noblesse d’âme, d’honneur et d’empathie. Dans une moindre mesure, May est
également capable de cet « autocontrôle », ce pourquoi Archer éprouve respect et
tendresse à son égard :
• « [May :] [Ellen] est trop différente […] On dirait qu’elle prend plaisir à se singulariser […] Mais
je ne veux plus être injuste pour elle […] / ‘’Elle déteste Ellen, pensa [Archer] ; elle essaie de
dominer ce sentiment. ’’ Cette pensée l’émut » XXXI p. 276
• « [Ellen, à Archer :] C’est vous qui m’avez fait comprendre que, sous l’ennui et l’uniformité de
cette vie, se cachent des choses si belles, si nuancées, si délicates, que même celles à quoi
je tenais le plus dans mon ancienne vie semblent médiocres en comparaison. Comment
dire ?… Je n’avais jamais compris jusqu’alors que les plaisirs les plus raffinés s’achètent
souvent au prix de la cruauté, de la bassesse… » XXIV p. 226
• « [Ellen, à Archer :] Cependant, personne ne semblait me comprendre comme vous ;
personne ne me donnait d’aussi bonnes raisons pour faire ce qui, au premier abord, me
révoltait comme inutile et difficile. Les gens trop sages ne me persuadent pas : ils n’ont
jamais été tentés… Mais vous, vous compreniez ! Vous saviez comment la vie vous tire à elle
avec ses mains tentatrices ; et pourtant vous haïssiez les concessions qu’elle suggère, vous
haïssiez la jouissance achetée au prix du mensonge, de la cruauté, de l’indifférence ! Jamais
je n’avais connu personne qui vous ressemblât, qui fût aussi loyal, aussi généreux » XVIII
p. 175
Pour le bien du plus grand nombre, l’individu doit contrôler ses affects. Les envies et les
émotions de l’être humain peuvent le conduire à nuire aux autres, ainsi qu’à lui-même. Contre
sa « nature » qui peut s’apparenter à de la « sauvagerie », il doit apprendre à se modérer.
Préconisant cette maîtrise de soi, les personnages paternels et protecteurs que sont Danaos,
Étéocle ou Pélasgos redoublent donc d’avertissements auprès des femmes, parfois sujettes à
une émotivité excessive. Danaos ordonne notamment à ses filles de mettre « la modestie plus
haut que la vie », une qualité essentielle pour éviter l’exubérance et donc de possibles discordes
avec autrui. De même, Newland Archer est admiré par Ellen car il place certaines valeurs
indispensables à la vie collective au-dessus de « bas plaisirs » égoïstes : « vous haïssiez la
jouissance achetée au prix du mensonge, de la cruauté, de l’indifférence ! » lui dit-elle avec
adoration. Archer incarne le parfait citoyen qui fait preuve de noblesse d’âme, d’honneur et
d’empathie. Spinoza doute qu’un être humain puisse être toujours aussi raisonnable car
« chacun se laisse entraîner par son plaisir ». Incapable d’autocontrôle, l’individu devrait alors
être retenu par l’utilité ou la crainte…
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
+ Les citoyens grecs étaient des « hommes libres ». Bien qu’Eschyle n’insiste pas sur la
notion de liberté individuelle, ses pièces mettent en scène deux cités qui s’opposent à
l’esclavage et où la liberté est solidement instituée. En effet, la liberté rend responsable
de soi-même et éveille la conscience de ses devoirs envers les autres. Elle favorise la
cohésion du groupe. C’est cette liberté que réclament les Danaïdes, fuyant une
communauté qui veut les réduire à l’esclavage :
• « Étéocle : Zeus, Terre, dieux de ma patrie […] Ne courbez point un pays libre, une ville fondée
par Cadmos, sous un joug d’esclave. Soyez notre secours, je parle dans votre intérêt autant
que dans le mien, je crois : une ville prospère, seule, honore ses dieux » LSCT p. 145
• « Danaos : Argos s’est prononcée d’une voix unanime […] nous aurons ‘’la résidence en ce
pays, libres et protégés contre toute reprise par un droit d’asile reconnu » LS p. 72
• « Le Roi : Que demandes-tu donc en suppliante aux dieux de la cité [ ?] […] Le Coryphée : De
n’être pas esclave des fils d’Égyptos » LS p. 62
• « Le Messager : La ville a échappé au joug de l’esclavage ; on a vu s’effondrer les vanteries
de ces puissants guerriers » LSCT p. 167
La liberté individuelle peut renforcer la cohésion du groupe. La liberté de chacun peut être
perçue comme un danger éventuel pour la cohésion de l’ensemble. Pourtant, les œuvres au
programme nous montre qu’elle soude au lieu de diviser. C’est l’avis de Spinoza qui explique que
« la fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle
de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué […] pour qu’eux-mêmes usent
d’une Raison libre […] La fin de l’État est donc en réalité la liberté ». En effet, la « raison » doit
être « libre » car elle conduit les hommes à s’unir au lieu de se diviser. À l’inverse, l’oppression
n’amène que de la violence et donc une fragilisation de la communauté politique. Aussi, dans la
cité grecque, être citoyen, c’est être libre. Une liberté qui confère une responsabilité et des
devoirs, et qui favorise donc la cohésion du groupe. Ce pourquoi Étéocle implore les dieux : « Ne
courbez point un pays libre […] sous un joug d’esclave ». Admiratif devant cette liberté réclamée
par Ellen, Archer se surprend à dire : « Les femmes doivent être libres, aussi libres que nous ».
En effet, dans son petit monde tyrannique, la gent féminine, subissant le joug de relations
conjugales avilissantes, est particulièrement lésée dans ses droits et libertés. Dès lors, se pose
un problème d’unité et d’harmonie dans les rapports entre individus.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Une communauté recluse sur elle-même n’est pas nécessairement plus forte :
elle peut même être fragilisée. Le repli sur soi est en effet un facteur de rejet et de
division. Au contraire, la diversité et l’ouverture accroissent la tolérance et donc la paix
entre individus.
+ et = Spinoza défend l’idée suivante : le but de l’État est de faire vivre ensemble et
dans la paix des personnes de tous horizons (comme c’était le cas à Amsterdam). Cela
nécessite de leur accorder la liberté de penser ce qu’elles veulent, afin que chacune se
sente respectée dans ce droit et, en retour, soit tolérante à l’égard de la diversité de
pensées d’autrui. Mais une fois encore, cela nécessite également que chacun respecte
le droit du souverain, afin que cette diversité d’opinions soit sous contrôle. En
contrepoint, Spinoza présente le cas des Hébreux dont la communauté était
particulièrement hermétique, uniforme et hostile à tout étranger. Certes, les liens entre
ses membres étaient particulièrement forts, puisqu’ils étaient unis par leur religion
contre le reste du monde. Mais ce fonctionnement ne reposait que sur une croyance qui
devait être partagée absolument : celle d’appartenir au seul royaume de Dieu sur terre
(si cette seule croyance ne faisait plus l’unanimité, cet État allait s’effondrer). De plus, ce
fonctionnement était un cercle vicieux : un tel repli communautaire excitait la haine de
l’étranger, qui haïssait les Hébreux en retour… :
• « Après, en effet, qu'ils eurent transféré leur droit à Dieu, [les Hébreux] crurent que leur
royaume était le royaume de Dieu, que seuls ils avaient qualité de fils de Dieu, les autres
nations étant ennemies de Dieu et leur inspirant pour cette raison la haine la plus violente […]
L'amour des Hébreux pour la patrie n'était donc pas un simple amour, c'était une piété […] A
l'égard de l'étranger, tous les jours couvert d'opprobre, dut naître dans leurs âmes une haine
l'emportant en fixité sur tout autre sentiment, une Haine crue pieuse puisque née de la
dévotion, de la piété […] une haine s’avive de plus en plus […] [car] un sentiment tout pareil […]
répondait au leur ; les autres nations ne purent manquer de les haïr aussi de la haine la plus
violente » XVII p. 292
• « Des hommes professant ouvertement des opinions différentes peuvent être mis aisément
dans l'impossibilité de se nuire les uns aux autres […] Que la ville d'Amsterdam nous soit en
exemple […] dans cette ville très éminente, des hommes de toutes nations et de toutes
sectes vivent dans la plus parfaite concorde » XX p. 334
• « Si personne, dans les choses qu’il croit appartenir à la religion, n’était tenu en droit d’obéir
au souverain, le droit de la cité dépendrait du jugement divers et du sentiment passionné de
chacun. Car personne ne serait tenu par le statut établi pour peu qu’il le jugeât contraire à sa
foi et à sa superstition, et ainsi chacun, sous ce prétexte, prendrait licence de tout faire » XVI
p. 273
• « Il faut nécessairement accorder aux hommes la liberté du jugement et les gouverner de
telle sorte que, professant ouvertement des opinions diverses et opposées, ils vivent
cependant dans la concorde » XX p. 334
• « On ne pourra jamais tenter dans un État, sans que la tentative ait le plus malheureux
succès, de faire que des hommes, d'opinions diverses et opposées, ne disent cependant rien
que d'après la prescription du souverain […] ce gouvernement donc sera le plus violent, qui
dénie à l'individu la liberté de dire et d'enseigner ce qu'il pense ; au contraire, un
gouvernement est modéré quand cette liberté est accordée à l'individu » XX p. 328
+ Bien que le terme « barbare » utilisé par les Grecs anciens pour qualifier les étrangers
ait aujourd’hui une connotation péjorative, l’œuvre d’Eschyle montre qu’un profond
respect pouvait leur être accordé. La communauté pouvait être ouverte à la diversité.
On peut d’ailleurs noter l’expression apparemment paradoxale utilisée par le roi Pélasgos
lorsqu’il parle des Danaïdes et de leur père comme de « concitoyens-étrangers » (p. 63).
Cette expression suppose en effet que l’étranger peut faire partie de la communauté. En
particulier s’il s’agit d’un « suppliant » : puisque la communauté a vocation à protéger
les individus, plus elle défend les faibles, plus elle démontre son utilité et se renforce :
• « Le Coryphée : Allons, que nos vœux appellent sur Argos les biens qui paieront ses
bienfaits, et que Zeus Hospitalier veille à réaliser pleinement et sans réserve les hommages
que lui rend la bouche de ses hôtes ! […] / Le Chœur : Qu’ainsi prospère la cité dans le
respect de […] Zeus hospitalier » LS p. 73-4
• « Depuis deux ans que May était morte, Archer n’avait aucune raison de continuer sa vie
sédentaire ; mais il s’était trouvé retenu par l’habitude, les souvenirs, et par une certaine
appréhension de ce qui était nouveau. Maintenant, revoyant son passé, il sentait qu’il s’était,
lui aussi, enlisé, alors que tout changeait autour de lui. Que restait-il du petit monde où il
avait grandi, des principes qui l’avaient dominé et enchaîné ? » XXXIV p. 296
• « Fanny Beaufort [la fiancée du fils aîné d’Archer] […] avait conquis les cœurs un peu
comme Mme Olenska trente ans auparavant. Seulement, au lieu de la regarder avec une
sorte de méfiance, la société l’avait joyeusement acceptée. Elle était jolie, amusante et
douée : que pouvait-on demander de plus ? Personne n’avait l’esprit assez étroit pour lui
faire un grief du passé de son père, ni de son origine à elle […] Rien ne pouvait donner plus
exactement la mesure du chemin que le monde avait parcouru. On était trop absorbé par les
réformes et les mouvements sociaux, par les engouements et les modes du jour, pour
s’inquiéter beaucoup du passé de ses voisins. Qu’importait le passé dans le grand
kaléidoscope où tous les atomes sociaux roulaient sur le même plan ? » XXXIV p. 297-8
• « [Ellen] s’était fatiguée de la société de New-York […] Aussi, elle s’était décidée à essayer de
Washington, où elle trouvait une plus grande diversité de monde et d’idées » XXIV p. 225-
226
• « [May était] si peu ouverte aux idées, que le monde de sa jeunesse avait pu tomber en
miettes et se reconstruire sous ses yeux, sans qu’elle eût pris conscience du changement.
Cette incapacité de s’adapter au mouvement du temps avait amené ses enfants à lui cacher
leurs pensées, comme Archer lui avait toujours caché les siennes. Père et enfants s’étaient
inconsciemment entendus pour maintenir autour d’elle l’illusion de l’uniformité » XXXIV p.
295
• « Mrs Archer vivait retirée du monde et l’observait du haut de sa solitude. Secondée par Mr
Jackson et Miss Sophy, elle notait chaque craquement nouveau à la surface de la
société […] si le changement n’était pas encore accompli, certainement il était en cours [...]
La société, — si toutefois elle existait encore ! — offrait plutôt un spectacle digne des
malédictions bibliques » XXVI p. 237-8
• « — Je me demande, dit Winsett, comment une comtesse a pu s’installer dans notre affreux
quartier / — Parce qu’elle se moque bien du quartier [dit Archer] : [Ellen] passe devant nos
petites catégories sociales sans même s’en apercevoir. / — Hum !… Elle a sans doute
fréquenté une société moins fermée » XIV p. 134
• « Archer gardait l’impression que, si son monde à lui était bien restreint, le leur [celui des
intellectuels] l’était encore davantage, et que le seul moyen de les élargir l’un et l’autre serait
d’arriver à les fondre » XII p. 116
• « [Mary, la fille de May et d’Archer] était grande et blonde, mais elle avait la taille large, la
poitrine à peine indiquée, et cette nonchalance d’attitude que permettait la nouvelle mode
[…] La différence était symbolique : l’âme de [May] avait été pareillement enfermée dans une
armature aussi rigide que sa fine taille. Il y avait du bon aussi dans le nouvel ordre des
choses [car Mary est plus ouverte que sa mère] » XXXIV p. 295
Une communauté recluse sur elle-même n’est pas nécessairement plus forte : elle peut même
être fragilisée. Le repli sur soi est en effet un facteur de rejet et de division. Au contraire, la
diversité et l’ouverture accroissent la tolérance et donc la paix entre individus. Ce contraste est
parfaitement visible dans le roman de Wharton où le renouveau d’idées, la tolérance et à la joie
de vivre incarnés par des personnages plus ouverts et plus jeunes tels qu’Ellen ou les enfants
d’Archer s’opposent à l’uniformité, à l’étroitesse d’esprit et l’attachement à des traditions
obsolètes des vieilles familles. En effet, ces dernières cherchent à faire perdurer leurs habitudes
en cercle fermé, en s’opposant obstinément au changement et à la nouveauté. Un
enfermement néfaste comme en témoigne May dont « l’âme […] avait été pareillement
enfermée dans une armature aussi rigide que sa fine taille » … Pour Eschyle, la communauté
doit s’ouvrir aux « concitoyens-étrangers » qui réclament protection. En effet, puisque la
communauté a vocation à protéger les individus, plus elle défend les faibles, plus elle démontre
son utilité et se renforce. Enfin, selon Spinoza, le but de l’État est justement d’éviter le repli sur
soi en accordant la liberté de pensée aux individus, afin que chacun se sente respecté dans ce
droit et soit par là-même capable de tolérer en retour la diversité de pensées d’autrui. Il est ainsi
possible et souhaitable que « des hommes de toutes nations et de toutes sectes vivent dans la
plus parfaite concorde ».
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
L’importance de la raison
La faculté de l’être humain à raisonner lui permet d’adopter une conduite modérée en
société. La raison permet d’agir avec justice dans le respect du droit de chacun, de
rechercher une forme d’égalité dans son rapport avec autrui et de privilégier le dialogue
et l’écoute pour prendre des décisions, contre l’autoritarisme et l’arbitraire.
Être juste
L’individu a tout intérêt à être juste avec autrui. Si l’être humain peut être tenté de
léser autrui pour son propre bien, sa raison l’appelle à rester juste pour mieux vivre avec
les autres.
• « La Justice est une disposition constante de l’âme à attribuer à chacun ce qui d’après le
droit civil lui revient » XVI p. 269
• « La justice donc et en général tous les enseignements de la Raison vraie […] n'acquièrent
force de droit et de commandement qu'en vertu du seul droit de régir l'État […] Le règne de
Dieu consiste dans l'obligation légale de la justice et de la charité, c'est-à-dire de la vraie
Religion » XIX p. 315
• « On ne trouve de marques de la justice divine que là où règnent des hommes justes » XIX
p. 316-7
• « Il est extrêmement rare que les souverains commandent des choses très absurdes ; il leur
importe au plus haut point, en effet, par prévoyance et pour garder le pouvoir, de veiller au
bien commun et de tout diriger selon l’injonction de la Raison : personne […] n’a longtemps
conservé un pouvoir de violence » XVI p. 267
• « Une majesté souveraine paraît agir injustement contre ses sujets et usurper leur droit,
quand elle veut prescrire à chacun ce qu'il doit admettre comme vrai ou rejeter comme faux,
et aussi quelles opinions doivent émouvoir son âme de dévotion envers Dieu : car ces choses
sont du droit propre de chacun, un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir » XX
p. 327
• « Un souverain peut en droit gouverner avec la pire violence, et condamner à mort les
citoyens pour le plus léger motif ; tout le monde niera que dans cette façon de gouverner le
jugement de la droite Raison reste sauf » XX p. 328
++ Selon Eschyle, la justice consiste bien sûr à protéger le droit des citoyens, mais aussi
et plus particulièrement des individus plus faibles tels que les Danaïdes (puisque sans
justice, les faibles seraient les plus lésés par autrui). Cette justice serait imposée aux
hommes par une loi divine défendue par Zeus lui-même (et face à Zeus tout-puissant, il
est préférable de rester raisonnable…). La justice n’est donc pas seulement liée à la cité,
mais il s’agit d’un principe universel qui doit s’appliquer en toutes circonstances, et qui
fait appel à la raison humaine. Ceux qui osent s’en émanciper, les méchants
déraisonnables tels que Polynice ou Égyptos, seront punis pour leur violence et leur
impiété :
• « Le chœur : Quel dieu [autre que Zeus] encore plus désigné par ses actes puis-je
raisonnablement invoquer ? » LS p. 71
• « Le chœur : Allons, divins auteurs de ma naissance, vous voyez où est le Droit […] dans votre
haine toujours prête à frapper la démesure, montrez votre justice en face de cet hymen » LS
p. 53
• « Le chœur : Regarde vers celui qui d’en haut tout regarde, le protecteur des mortels
douloureux qui, aux genoux de leurs frères, n’obtiennent pas le droit que la loi leur donne […]
Fais alliance avec la Justice : prends une décision qui d’abord respecte les dieux […] Zeus
impartial, qui, suivant leurs mérites, traite les méchants en coupables, en justes les cœurs
droits […] Réfléchis bien : le règne de Zeus est celui de la justice » LS p. 64 à 66
• « Étéocle : Ce n’est pas, je pense, au moment où [Polynice] maltraite la terre de ses pères,
qu[e la justice] peut être à ses côtés » LSCT p. 163
= Dans Le Temps de l’Innocence, Ellen Olenska subit une terrible injustice puisque son
droit de divorcer est bafoué. Plus largement, ce sont toutes les femmes qui sont lésées
dans leurs droits et leurs libertés… La communauté new-yorkaise semble donc parfois
soumise au règne de l’arbitraire. D’autant plus qu’il suffit d’une calomnie (= accusation
fausse) pour se voir injustement condamné, ou d’aller à l’encontre d’une règle absurde
pour être marginalisé. Dans cette communauté, ce n’est donc pas la raison ou le bon
sens mais l’obéissance aveugle qui met dans le « droit chemin »… d’où les doutes et les
remises en question permanentes d’Archer et d’Ellen à l’égard de cette société :
L’individu a tout intérêt à être juste avec autrui. Si l’être humain peut être tenté de léser autrui
pour son propre bien, sa raison l’appelle à rester juste pour mieux vivre avec les autres. De ce
point de vue, l’œuvre d’Eschyle sert de « rappel à l’ordre » : la justice est imposée par une loi
divine défendue par Zeus lui-même. Sans justice, il n’y a plus de droit et c’est le règne de la
violence au détriment des plus faibles. Les Danaïdes adressent ainsi leurs prières aux dieux :
« vous voyez où est le Droit […] montrez votre justice ». Ceux qui osent enfreindre ce principe
universel seront donc punis pour leur violence et leur impiété. Spinoza associe également la
justice à une volonté divine, car Dieu défend le droit de chacun à vivre. En effet, « la Justice est
une disposition constante de l’âme à attribuer à chacun ce qui d’après le droit civil lui revient »
et donc à garantir la sécurité de tous, premier bien de l’État. Le philosophe précise que c’est la
faculté de raisonner et de juger qui permet d’être juste. À l’inverse, tout comportement
« déraisonnable » car motivé par des passions égoïstes conduit à la violence, à l’absurde et à la
négation du droit d’autrui. C’est bien à ce règne de l’arbitraire que se confrontent Ellen Olenska
et les femmes de la société new-yorkaise de la fin du XIXème, « lésées […] dans tous leurs
droits ». Dans cette communauté, ce n’est donc pas la raison ou le bon sens mais l’obéissance
aveugle qui met dans le « droit chemin ». Un chemin parsemé d’injustices et donc
problématique pour la cohésion du groupe…
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Rechercher l’égalité
L’égalité entre individus favorise le bien vivre en communauté. Elle est l’une des
plus puissantes forces stabilisatrices pour la vie en communauté, notamment parce
qu’elle permet d’éviter les conflits.
↪ À ce sujet, l’État hébreu est d’abord pris pour exemple : il est fondé sur ce principe
d’égalité en droit puisqu’à sa fondation, tous les individus se mirent d’un commun
accord sur un pied d’égalité face à Dieu. De plus, l’égalité « de fait » était respectée
puisque tout le monde possédait une même « part de terre ». Ce qui causa la perte de
l’État hébreu, c’est justement une faille dans ce traitement à égalité : suivant l’ordre
donné par Dieu, Moïse attribua à la tribu des Lévites le privilège d’interpréter la parole
divine. Ce déséquilibre fit monter la colère ainsi qu’un sentiment d’injustice parmi le
peuple :
• « Ce ne fut pas à la sécurité des Hébreux que Dieu veilla dans ce temps-là, mais de sa
vengeance qu'il prit soin […] [en raison du] privilège accordé aux seuls Lévites d'avoir accès
aux choses saintes […] Si l'État avait été constitué suivant la première intention de son
fondateur [= Moïse], toutes les tribus eussent eu le même droit et des honneurs égaux, et la
sécurité aurait régné partout ; qui voudrait violer en effet le droit sacré de ses consanguins
[= de sa famille] ? […] Par ce procédé toutes les tribus fussent restées beaucoup plus
étroitement unies entre elles » XVII p. 296
• « Puisque les Hébreux ne transférèrent leur droit à personne d'autre, que tous également,
comme dans une démocratie, s'en dessaisirent et crièrent d'une seule voix tout ce que Dieu
aura dit (sans qu'aucun médiateur fût prévu), nous le ferons, tous en vertu de ce pacte
restèrent entièrement égaux. Le droit de consulter Dieu, celui de recevoir et d'interpréter ses
lois, appartint également à tous, et d'une manière générale tous furent également chargés
de l'administration de l'État » XVII p. 283
• « Je dis que dans cet État cette considération avait une force unique ; nulle part en effet les
citoyens n'avaient sur leurs biens un droit de propriété plus assuré que les sujets de cet État.
La part de terre et de champs possédée par chacun d'eux était égale à celle du chef et ils en
étaient maîtres pour l'éternité » XVII p. 293
↪ Par ailleurs, Spinoza explique que l’égalité passe par l’application de la justice, qui fait
respecter le droit de chacun. Il ajoute qu’un État démocratique est d’autant plus stable
qu’il permet à chaque citoyen d’être également consulté. Dans ce type d’État, l’individu
n’est pas le sujet d’un autre homme mais celui d’un pouvoir souverain dont lui-même
fait partie :
• « On appelle aussi la Justice et l'Injustice, Équité et Iniquité, parce que les magistrats
institués pour mettre fin aux litiges sont tenus de n'avoir aucun égard aux personnes, mais
de les tenir toutes pour égales et de maintenir également le droit de chacun ; de ne pas
porter envie au riche ni mépris au pauvre » XVI p. 269
• « Dans [un] État [démocratique] nul ne transfère son droit naturel à un autre de telle sorte
qu'il n'ait plus ensuite à être consulté, il le transfère à la majorité de la Société dont lui-même
fait partie ; et dans ces conditions tous demeurent égaux, comme ils l'étaient auparavant
dans l'état de nature » XVI p. 268
+ La notion d’égalité est peu évoquée dans l’œuvre d’Eschyle. Toutefois, la « rupture
d’égalité » entre les Danaïdes et leurs cousins, les fils d’Égyptos, est l’une des raisons
qui justifient leur fuite. Danaos parle en effet de « l’impureté » de ces « frères » qui
cherchent à prendre le pouvoir sur leurs semblables. De manière plus anecdotique, dans
Les Sept contre Thèbes, le chœur des femmes thébaines rappelle que la guerre au sein
d’une cité entraîne la sauvagerie, et que celle-ci se manifeste (entre autres) par l’avidité
des pilleurs qui refusent tout partage égal avec les autres. Autrement dit, l’inégalité est
associée au chaos :
• « Le Chœur : Quand une cité succombe, hélas ! innombrables sont ses maux […] Arès souffle
en furieux, domptant les hommes, violant tout ce qu’on révère […] Partout le rapt [= pillage]
[…] aucun ne veut ni moins ni même autant » LSCT p. 153-4
• « Danaos : Asseyez-vous dans le sanctuaire, te un vol de colombes fuyant des éperviers –
leurs frères pourtant ! frères changés en ennemis, qui veulent se souiller d’un crime à l’égard
de leur propre race. L’oiseau reste-t-il pur, qui mange chair d’oiseau ? » LS p. 58-9
• « Qu’importait le passé dans le grand kaléidoscope où tous les atomes sociaux roulaient sur
le même plan ? » XXXIV p. 297-8
• « En réalité, hors son plaisir et la satisfaction de sa vanité, [Archer] ne pouvait trouver
aucune raison valable pour refuser à sa fiancée une liberté d’expérience égale à la sienne »
VI p. 63
• « [Archer] savait que les femmes ‘’bien élevées’’, si lésées qu’elles fussent dans tous leurs
droits, ne revendiqueraient jamais le genre de liberté auquel il faisait allusion […] une liberté
que jamais il n’accorderait à sa femme, si un jour elle venait à la revendiquer » VI p. 60-1
• « La société de New-York pouvait être comparée à une petite pyramide solide et glissante où
aucune fissure apparente ne s’était encore produite. La base […] se composait d’une majorité
de familles honorables, telles que les Spicer, les Lefferts, les Jackson, qui s’étaient élevées
au-dessus de leur milieu par des alliances avec les clans dirigeants […] Sur ces fondements
solides, mais sans éclat, la pyramide s’élevait en diminuant vers le sommet, composée d’un
bloc compact et brillant représenté par le groupe des Newland, Mingott, Chivers et Manson
[…] [Plus haut encore se trouvent les Van der Luyden] Un petit nombre de privilégiés
pouvaient seuls prétendre à cette éminence » VI p. 65
L’égalité entre individus favorise le bien vivre en communauté. Elle est l’une des plus puissantes
forces stabilisatrices pour la vie en communauté, notamment parce qu’elle permet d’éviter les
conflits. A contrario, l’inégalité est symptomatique d’un monde sauvage où règnent la violence
et la déviance, comme l’illustre le chœur des femmes thébaines qui soulignent qu’en cas de
guerre dans la cité, l’avidité prend le dessus. Dès lors, « aucun ne veut ni moins ni même
autant » que les autres. L’inégalité est aussi le trait d’une société en désuétude chez Wharton,
qui décrit le système pyramidal bientôt obsolète de la bourgeoisie new-yorkaise. En effet, celui-
ci semble en partie remplacé à la fin du roman par une société plus égalitaire « où tous les
atomes sociaux roulaient sur le même plan » : l’héritage familial n’est plus un critère de
« sélection » et les personnes sont désormais des individus à part entière traités avec un égal
respect quelles que soient leurs origines. C’est donc une erreur que d’établir un État inégalitaire
comme en témoigne l’histoire des Hébreux selon Spinoza : en évitant d’attribuer un privilège à la
tribu des Lévites au sujet de la religion, « toutes les tribus [auraient eu] eu le même droit et des
honneurs égaux, et la sécurité aurait régné partout […] Par ce procédé toutes les tribus fussent
restées beaucoup plus étroitement unies entre elles ». Alors que l’inégalité conduit à la colère et
à la division, l’individu raisonné recherche l’égalité qui soude la communauté.
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !
Promouvoir le dialogue
↪ D’un côté, il décortique les défauts d’un État qui serait autoritaire. Celui-ci est
généralement voué à l’échec car il consiste à faire taire l’opinion de certains « sujets »
au nom du droit du souverain à tout décider. Cela implique de la violence, ce qui est une
absurdité puisque l’État est institué pour garantir paix et sécurité aux individus. Le tyran
s’éloigne de ce que voudrait la « Raison » humaine :
• « L'exercice du pouvoir ne va pas sans la pire violence dans un État où l'on tient pour crimes
les opinions qui sont du droit de l'individu auquel personne ne peut renoncer […] dans un État
de cette sorte c'est la furieuse passion populaire qui commande » XVIII p. 307
• « Ce droit de commander tout ce qu’ils veulent n’appartient aux souverains qu’autant qu’ils
ont réellement un pouvoir souverain ; ce pouvoir perdu, ils perdent en même temps le droit
de tout commander […] Pour cette raison, il est extrêmement rare que les souverains
commandent des choses très absurdes ; il leur importe au plus haut point, en effet, par
prévoyance et pour garder le pouvoir, de veiller au bien commun et de tout diriger selon
l’injonction de la Raison : personne […] n’a longtemps conservé un pouvoir de violence » XVI
p. 267
• « Accordons en effet qu'un souverain peut en droit gouverner avec la pire violence, et
condamner à mort les citoyens pour le plus léger motif ; tout le monde niera que dans cette
façon de gouverner le jugement de la droite Raison reste sauf […] Un souverain ne peut
régner de la sorte sans mettre en danger tout l'État […] On ne pourra jamais tenter dans un
État, sans que la tentative ait le plus malheureux succès, de faire que des hommes,
d'opinions diverses et opposées, ne disent cependant rien que d'après la prescription du
souverain […] ce gouvernement donc sera le plus violent, qui dénie à l'individu la liberté de
dire et d'enseigner ce qu'il pense » XX p. 328
↪ D’un autre côté, Spinoza défend les États démocratiques, où le dialogue, l’accord et le
compromis sont nécessaires. Ainsi, la démocratie empêche de vivre sous l’emprise d’un
seul homme et de son « appétit de régner » (p. 335). Elle implique tous les citoyens
dans l’exercice de la souveraineté. Chacun a donc intérêt à défendre des décisions
raisonnables, c’est-à-dire qui satisfont le plus grand nombre :
• « La Démocratie se définit ainsi : l’union des hommes en un tout qui a un droit souverain
collectif sur tout ce qui est en son pouvoir » XVI p. 266
• « Dans un État Démocratique, l'absurde est moins à craindre, car il est presque impossible
que la majorité des hommes unis en un tout, si ce tout est considérable, s'accordent en une
absurdité […] La fin de la Démocratie [est] de soustraire les hommes à la domination absurde
de l’Appétit et à les maintenir, autant qu’il est possible, dans les limites de la Raison, pour
qu’ils vivent dans la concorde et dans la paix » XVI p. 267
• « Dans un État démocratique (c'est celui qui rejoint le mieux l'état de nature) nous avons
montré que tous conviennent d'agir par un commun décret, mais non de juger et de
raisonner en commun ; c'est-à-dire, comme les hommes ne peuvent penser exactement de
même, ils sont convenus de donner force de décret à l'avis qui rallierait le plus grand nombre
de suffrages, se réservant l'autorité d'abroger les décisions prises sitôt qu'une décision
meilleure leur paraîtrait pouvoir être prise » XX p. 334
• « Dans le gouvernement démocratique, tous décident, d'un commun consentement, de vivre
selon l'injonction de la Raison » XIX p. 315
• « Je pense avoir assez montré les fondements de l'État Démocratique, duquel j'ai parlé de
préférence à tous les autres, parce qu'il semblait le plus naturel et celui qui est le moins
éloigné de la liberté que la Nature reconnaît à chacun. Dans cet État en effet nul ne
transfère son droit naturel à un autre de telle sorte qu'il n'ait plus ensuite à être consulté, il le
transfère à la majorité de la Société dont lui-même fait partie » XVI p. 268
• « Si le grand secret du régime monarchique et son intérêt majeur est de tromper les
hommes et de colorer du nom de religion la crainte qui doit les maîtriser, afin qu'ils
combattent pour leur servitude […] [et] satisfaire la vanité d'un seul homme, on ne peut, en
revanche, rien concevoir ni tenter de plus fâcheux dans une libre République […] il est
entièrement contraire à la liberté commune que le libre jugement propre soit asservi aux
préjugés » préface p. 22
+ Bien que les pièces d’Eschyle mettent en scène des rois avec une forte autorité,
l’exercice du pouvoir ne va pas sans consultation des citoyens. Ainsi, malgré sa position,
le roi Pélasgos sollicite l’avis de son peuple avant d’entrer en guerre contre l’Égypte. De
• « Le Roi : Vous n’êtes pas assises à mon propre foyer : si la souillure est pour Argos, pour la
cité entière, que le peuple s’occupe d’en découvrir le remède […] Décider ici n’est point facile :
ne t’en remets pas à moi pour décider. Je te l’ai dit déjà : quel que soit mon pouvoir, je ne
saurais rien faire sans le peuple » LS p. 64-5
• « Le Chœur : Que le Conseil qui commande en cette cité garde sans trouble ses honneurs,
pouvoir prévoyant qui pense pour le bien de tous ! » LS p. 75
• « Le Roi : Pour répondants [= sortes de citoyens référents responsables des étrangers
accueillis au sein de la cité] vous avez le Roi et tous les citoyens, dont s’exécute ici la
décision : en attendez-vous de plus qualifiés ? » LS p. 84
• « [M. Rivière :] Garder intactes sa liberté intellectuelle, ses facultés critiques, c’est cela,
monsieur, qui prime tout. C’est pour cette indépendance que j’ai abandonné le journalisme,
et que j’ai accepté de devenir précepteur. Le métier est quelquefois bien aride ; mais on a la
liberté de son esprit. On peut écouter et réfléchir, on peut causer. Ah ! la conversation ! Il n’y
a rien de tel, n’est-ce pas ? L’air qui circule autour des idées est le seul air respirable » p. 197
• « Mr Welland […] n’avait pas d’opinions personnelles, mais, en revanche, il avait des
habitudes. Nul ne devait y contrevenir […] Il fallait que partout où il allait, il retrouvât son
milieu habituel » p. 130
• « Archer se taisait, dans la stupeur de découvrir que de telles négociations avaient eu lieu
sans qu’il en eût seulement été averti. Il comprit que la famille avait cessé de le consulter,
avertie par quelque profond instinct de clan qu’il ne la suivrait plus […] Le résultat avait été
communiqué à la famille, et Archer tacitement exclu de leurs conseils. Il admirait la discipline
de tribu qui soumettait May à cette décision » XXV p. 234
• « Les règles de leur code s’opposaient à ce que la mère et le fils fissent allusion au sujet qui
les préoccupait » p. 55
• « En réalité, ils vivaient tous dans un monde fictif, où personne n’osait envisager la réalité, ni
même y penser » p. 62
Il est déconseillé de bêtement copier-coller cet exemple dans tes dissertations. Prends le temps de l’adapter au
sujet !