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LES BREVES JURIDIQUES N0 122, 10 novembre 2024
Révision constitutionnelle : Devoir de mémoire
Les faits. Une annonce du chef de l’Etat Félix Tshisekedi a replacé la question de la révision constitutionnelle au cœur du débat politico-juridique en RDC. « Notre constitution, a-t-il déclaré, n’est pas bonne. Elle a été rédigée à l’étranger par les étrangers. Il faut une constitution sur la base de nos réalités ». La cause est entendue ! Mais nous souhaiterions verser une autre pièce à ce débat : un devoir de mémoire. En droit. On ne le dira jamais assez, la Constitution peut être modifiée et même changée. C’est une vérité de Lapalisse. La question n’est donc pas là. La question porte sur les motivations, les raisons, les dits et les non-dits d’une révision projetée. La ‘’reine’’ des raisons invoquées à ce jour pour la révision constitutionnelle est le fait que les travaux de rédaction de la constitution actuelle aient connu la participation –influente ! - des « étrangers ». Il est temps, dit-on, que les congolais eux-mêmes rédigent leur constitution. Yes, but ! Oui, mais les congolais avaient toujours rédigé leurs constitutions. Ils étaient 137 à préparer la constitution de Luluabourg. Joseph Iléo qui présidait la commission était assisté de Marcel Lihau. Trois ans plus tard, les congolais ont balayé Luluabourg et adopté par référendum (97, 8 de « oui ») la constitution du 24 juin 1967. Elle n’avait que 84 articles. Mais ça ne suffisait pas. La décision d’Etat n°032/CC/83 relative au rôle du Parti du 1er avril 1983 fera de MPR l’unique Institution de la République. Bien plus tard, le décret-loi constitutionnel signé par Laurent Désiré Kabila, qui n’eut que 15 articles (Pourquoi pas ?), concentra entre ses mains les pouvoirs exécutif, législatif, réglementaire, juridictionnel et constitutionnel. Les membres du Gouvernement n’étaient responsables que devant le Président de la République. Donc, oui, les congolais avaient déjà prouvé de quoi ils étaient capables en matière de rédaction de constitution. Ceux d’hier savaient ce que ceux d’aujourd’hui pourraient savoir : rédiger des constitutions sur mesure. On reposera la question autrement : une constitution est-elle nécessairement bonne parce que rédigée par les « fils du pays » ? C’est, en tout cas, ce que notre histoire ne permet pas de démontrer. On rivalise aussi d’arguments. Mais qu’y aura-t-il de nouveau sous le soleil constitutionnel congolais ? On l’oublie souvent : l’article 67 de la constitution de 1967 disposait déjà que « En vue de promouvoir l’unité africaine, la République peut conclure des traités et accords d’association comportant abandon partiel de souveraineté ».Mais en 2024, cet article fait craindre la balkanisation du pays. On parle de limiter le nombre des partis politiques ; ce ne sera pas du nouveau : la constitution de 67 l’avait déjà prescrit. Le fédéralisme ? La constitution de 1964 l’avait organisé. Bref, comme dirait l’autre, « Nini tosali tee ? ». Le problème reste la culture du respect des textes. Et le manque d’idéal. « Quand je vais dans un pays, je n’examine pas s’il y a de bonnes lois, mais si on exécute celles qui y sont, car il y a de bonnes lois partout ». Montesquieu. Sur le débat actuel, considérant le contexte politique, il y a des raisons de s’inquiéter et de craindre que « la constitution des étrangers » cède la place à une « constitution sur mesure », un complot interne remplaçant un complot international. Ce serait un recul. Complot sur complot ne vaut. Me Jacques MUKONGA SEFU