692552914-COURS-DROIT-PUBLIC-ECONOMIQUE-2017-2018

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COURS

DE DROIT PUBLIC ECONOMIQUE

Année universitaire

1
SIGLES ET ABREVIATIONS

AAI : Autorité Administrative Indépendante

ACAM : Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles

AMF : Autorité des marchés financiers

ANRMP : Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics

APE : Agence de la participation de l’État

API : Agence publique indépendante

ARTCI : Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire

ARSO : Aménagement de la Région du Sud-Ouest

AVB : Aménagement de la vallée du Bandama

BCET : Bureau Central d'Etude Technique

BNETD : Bureau National Etude Technique et de Développement

CAA : Cour Administrative d’Appel

CAS : Centre d’Analyse stratégique

CDGF : Conseil de Discipline de la Gestion Financière

CC : Conseil Constitutionnel

CE : Conseil d’État

CEDEAO : Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CCE : Communauté économique européenne

CJCE : Cour de justice des Communautés européennes

CEMAC : Communauté économique monétaire Afrique central

CIE : Compagnie Ivoirienne d'Electricité

CIJ : Cour international de justice

CMF : Conseil des marchés financiers

2
COB : Commission des opérations boursières

CESEC : Conseil économique social, environnemental et culturel

CDGF : Conseil de Discipline de la Gestion Financière

CIE : Compagnie Ivoirienne d'Electricité

CNDCL : Comité National de développement des Collectivités Locales

CGP : Commissariat Général au Plan

CSA : Conseil supérieur de l’audiovisuel

CT : Collectivité territoriale

DDHC : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

DGDAT : Direction Générale de la Décentralisation et de l'Aménagement du Territoire

DSRP : Documents de Stratégies de Réduction de la pauvreté

EPA : Etablissement public administratif

EPIC : Etablissement Public industriel et commercial

GATT: General agreement on tariffs and trade

HABG : Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance

IRD : Institut de Recherche et de Développement

OHADA : Organisation pour l’harmonisation africaine du droit des affaires

OMC : Organisation mondiale du commerce

PGD : Principes généraux du droit

PGD : Principes généraux du droit

UE : Union Européenne

UEMOA : Union économique et monétaire de ouest Africain

SA : Service Administratif

SEM : Société d’économie mixte

3
SEML : Société d’économie mixte

SPA : Service Public Administratif

SPIC : Service Public Industriel et Commercial

SODECI : Société de Distribution Eau en Côte Ivoire

PPTE : Pays Pauvre Très Endetté

TA : Tribunal Administratif

TC : Tribunal des conflits

PPTE : Pays Pauvre Très Endetté

4
INTRODUCTION GENERALE

L’introduction de ce cours de droit publique économique consiste à analyser les étapes de sa


formation (I), à retracer les interventions des Etats dans l’économie (II) et à mettre en lumière
ses sources (III).

La référence au droit public économique suscite immédiatement des interrogations sur


l’existence d’une telle discipline académique, son champ de compétence et la manière de
l’envisager. On n’observera que la notion elle-même fait l’objet de nombreuses controverses
doctrinales. C’est en cela qu’il conviendra de se référer aux grandes étapes de sa formation et
de ses sources.

En effet, pour certains auteurs le droit public économique, est le droit qui se caractériserait par
ses rapports avec l’économie. Le problème est dès lors de savoir ou d’établir un lien entre
droit et économie permettant d’affirmer que tel droit est économique ou tel ne l’est pas. Ainsi,
d’autres auteurs se sont demandé s’il fallait distinguer le droit public économique et le droit
privé économique. Mais il n’apparaît qu’un seul droit car il y a manifestement des
imbrications entre les deux droits (droit public et droit privé). À cet titre, on constatera par
exemple que l’État, puissance publique a souvent recourt à des techniques de droit privé
(recours aux SA, privatisations aujourd’hui). De fait, les auteurs sont à peu près d’accord sur
un élément : ils considèrent que le champ de l’étude du droit public économique est celui de
l’intervention publique en matière économique. Autrement dit, les règles gouvernant l’action
publique en matière économique. Ainsi, pour Delvolvé P., « Le droit public de l’économie
peut être sommairement défini comme la partie du droit public (droit qui régit les
personnes publiques : État, collectivités locales, établissements publics et personnes
publiques), qui porte sur le domaine économique 1».

Au regard de son objet, le droit public économique, transcende les idéologies et peut se
déployer aussi bien dans État à économie dirigée que dans un État libéral. Seule l’intensité de
l’intervention de l’État est variable. Dans un cas comme l’autre, en effet, les flux
économiques sont, par nature et par origine, liés à l’État, qui, a minima, en fixe le cadre
général et en assure la régulation. Il peut, naturellement, décider d’aller au-delà, en jouant, par
exemple un rôle plus actif d’opérateur économique ou en exerçant une contrainte forte, au
moyen de pouvoirs de police économique, sur les opérateurs privés2.

1
P. Delvolvé, Droit public de l’économie, éd. Dalloz, 1998, p.1.
2
Voir Stéphane BRACONNIER, Droit public de l’économie, presse universitaire de France, 2016, p.1.
5
En tout état de cause, comme on le verra, le droit public économique s’est donc formé de
manière générale autour des modalités et degrés d’intervention de l’État dans l’économie.

Ce qui fait que le droit public économique apparait clairement comme les mécanismes
juridiques par lesquels les personnes publiques tentent de modifier le comportement
naturel des agents économiques. On observera que les modalités d’intervention de la
puissance publique peuvent revêtir différents aspects notamment lorsque l’État prend des
mesures de blocage des prix, il y a là manifestement une modalité d’intervention économique.
Il en est de même lorsque l’Etat qui veut par exemple favoriser l’épargne se voir dans la
nécessité d’émettre certains types d’emprunt favorables à cette épargne. Encore lorsque l’Etat
interdit qu’il y ait un dépassement d’un certain nombre de commerces dans un certain nombre
de périmètre donné. Aussi lorsque l’Etat verse des primes à certaines entreprises qui
s’installent dans des zones difficiles. Ainsi le droit public économique est
traditionnellement considéré comme l’ensemble des règles à travers lesquelles la
puissance publique manifeste, directement ou indirectement, sa présence dans le
domaine économique

De tout ce qui précède, on pourrait envisager le terme intervention comme étant les mesures
prises par les personnes publiques à l’égard des agents économiques qui sont soit des
personnes privées, soit des personnes morales privées (des entreprises).

Il existe en effet une conception large de l’interventionnisme : c’est celle ou la collectivité


publique prend en charge elle-même une activité économique.

Le droit public économique comprend alors toutes les situations ou les personnes publiques
influencent l’économie au nom de l’intérêt général. En vérité, le droit public économique c’est
la traduction juridique des politiques publiques d’intervention en matière économique.
Lorsque l’Etat met par exemple en œuvre une politique pour lutter contre le chômage, il
intervient donc fortement dans l’économie en ayant pour objectif la création d’emplois et
donne par ricochet un pouvoir d’achat à des nouveaux salariés. Ce qui contribue d’une part à
redynamiser l’économie et d’autre part à œuvrer pour le social. Le droit public économique
traduit en réalité une idéologie politique et l’on se rend compte qu’il évolue en fonction de
l’idéologie politique.

L’intervention publique dans l’économie est éminemment variable et dépend, pour l’essentiel,
de ce choix idéologique et de contraintes économiques. Cet interventionnisme en matière
économique évolue en fonction de deux éléments qui se corrigent mutuellement, sans pour

6
autant pouvoir se soumettre totalement : des choix politiques endogènes et des contraintes
économiques exogènes.

On observera qu’à l’exception des pays du bloc soviétiques jusqu’au début des années 1990,
de la Corée du nord aujourd’hui, rares sont en effet, les États dans lesquels la seule
« volonté » politique réussit ou a réussi parfaitement, à dominer le phénomène de marché.

De façon pragmatique, les contraintes économiques sont de façon générale souvent prises
comme prétexte, soit pour justifier de l’interventionnisme croissant de l’État, soit au contraire,
pour tenter de réduire l’État à ses missions originelles. Les périodes de crises imposent ainsi à
l’État, selon les époques, un interventionnisme croissant ou, à l’inverse, une révision drastique
du périmètre et des modalités de son intervention3.

Mais on constatera par ailleurs que l’économie et le marché sont aujourd’hui au cœur des
débats car il y a de nouvelles règles communautaires (UE, UEMOA, CEMAC, CEDEAO)
avec une concurrence exacerbée entre entreprises privées mais surtout obligeant les États eux-
mêmes à ouvrir à la concurrence leurs propres activités marchandes. Le droit communautaire
interdit dans certains cas aux l’États de favoriser leurs propres entreprises privées au
détriment des entreprises privées des autres États membres.

Aujourd’hui, le droit public économique évolue très rapidement et certains auteurs ont parlé
d’un recul de celui-ci en raison précisément du recul de l’interventionnisme et de l’incursion
du droit d’intégration communautaire. En réalité, on ne peut pas dire qu’il y a un recul du
droit public économique, mais un droit public économique différent. On s’attachera à voir la
place que fait l’État à l’économie (surtout à l’interventionnisme) en fonction des idéologies.
Mais à partir de 1945, le droit public de l’économie ne s’inscrit plus dans une logique
strictement négative consistant, pour l’essentiel, à empêcher la puissance publique d’agir sur
les flux et mécanismes économiques. Le droit public de l’économie emprunte, au contraire,
des voies qui favorisent l’intervention positive de l’État dans l’économie, notamment en tant
qu’opérateur ou actionnaire.

Du développement qui précède, on retiendra que le droit public économique constitue


l’étude de l’ensemble des règles juridiques applicables à l’intervention 4 des personnes

3
Voir Stéphane BRACONNIER, Droit public de l’économie, presse universitaire de France, 2016, p.5.

4
Il incombe toujours à la puissance publique (organisée à l’échelon mondial, international ou local) de créer les
conditions propices au développement des activités économiques. Cependant, les voies qu’elle empruntait
paraissent compromises ou affaiblies, en tout cas profondément renouvelées. Au sein des Etats, ces interventions
sont traditionnellement de trois ordres : la réglementation : les autorités étatiques délèguent de plus en plus la
7
publiques dans la vie économique. On observera que le droit public économique fait
incontestablement partie de la culture générale car il rejoint les grandes interrogations
relatives au rôle de l'États dans notre société. C'est là certainement son plus grand intérêt.
Cette discipline juridique, reste toutefois poreuse et très difficile à catégoriser dans les
branches traditionnelles du droit public.

Trois raisons expliquent cette particularité : D’abord, cette matière est fortement liée aux
impératifs économiques et aux théories fluctuantes de l'interventionnisme économique de
l’États. L'étendue de ce droit dépend finalement de la sphère d'intervention de l ’États dans
l'économie, de ses modes d'action et de son rôle. C'est donc un droit pragmatique, dont
certains concepts restent flous car forgés à partir de la matrice économique mais étrangers à la
sphère juridique (comme la notion d'entreprise publique par exemple). Ensuite, c'est une
matière qui est au carrefour d'autres disciplines juridiques qui ne sont pas à proprement parler
de droit public. Le droit privé, en particulier le droit commercial occupe une place importante,
le droit de la concurrence ou le droit communautaire (dans le contexte de la Côte d’Ivoire les
normes de UEMOA et de l’OHADA) une place désormais incontournable. Ce constat oblige à
s'interroger sur la pertinence du caractère « public » de ce droit. Et, distinct des autres
matières juridiques, il engloberait les règles de droit public ou de droit privé relatives aux
questions économiques.

La conception qui précède, est en germe dans la pensée physiocrate du XVIIIe siècle lorsque
Nicolas Baudeau estime qu’une « législation économique » doit contribuer à réguler la
société, en former la constitution économique Au XIXe siècle, le théoricien Karl Marx
accordait la prééminence aux rapports de production dans la société et Pierre-Joseph
Proudhon proposait une transnationaux pour dépasser les contradictions sociales et assurer la
conciliation universelle ; ils œuvrent ainsi, consciemment ou non, dans le même sens 5. Il faut
régulation de certains secteurs non seulement à des autorités administratives indépendantes mais aussi à des
autorités professionnelles. L’aide aux entreprises : Les aides directes (telles que les subventions) sont si
étroitement encadrées par le droit communautaire qu’elles ne jouent plus qu’un rôle marginal. En revanche, les
aides indirectes ont de multiples vecteurs : les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme, de
marketing territorial, la coopération internationale et même l’action culturelle … ce sont les collectivités
territoriales qui jouent un rôle essentiel dans ce domaine. Les politiques communautaires de cohésion sociale et
territoriale maintiennent des possibilités d’action publique économique que la politique de la concurrence interdit
dans son principe. La prise en charge directe par la collectivité publique de certaines activités (de production,
de distribution, de stockage ou de transports) qui présentent le caractère d’un service public ou simplement un
intérêt économique pour le pays. Avec le mouvement de privatisation qui se généralise en Europe et en Afrique
depuis le début des années 80, le secteur public est en recul constant. Le droit communautaire oppose des
obstacles juridiques sévères à l’actionnariat public. Qu’il soit législateur, aménageur, protecteur ou patron l’Etat
voit son rôle décroître dans l’économie. La tendance n’est pas à la majoration de l’intervention publique, mais
plutôt au « partenariat privé-public » ou à la délégation de service public et à la privatisation des activités.
5
Jean-Paul Valette, Droit public économique, éd. Hachette, 2015, p. 7.
8
pourtant attendre le début du XXe siècle pour voir le grand sociologue allemand, Max Weber
argumenter la différence radicale entre l’ordre juridique – normatif, logique et systématique –
et l’ordre économique qui concrétise la disposition des biens et services, puis les années 1930
afin que François Kiraly revendique l’autonomie du droit économique au sein de la science
juridique6.

À partir des années 1960, on observera que la doctrine privatiste assimile souvent le droit
économique au droit de l’entreprise envisagée comme une production. Claude Champaud
met en avant la ressemblance entre mes personnes publiques et les personnes privées dans
l’action économique, les procédures contractuelles utilisées, et relativise la spécificité des
relations avec la puissance publique. Il constate que le recours à l’initiative privée pour gérer
certaines missions de service public est devenu courant avec l’essor des concessions, des
sociétés d’économie mixte, des sociétés strictement privées, des associations ou des
organismes professionnels afin de prendre en main des missions d’intérêt général. Il faut
pourtant reconnaitre que la différence entre l’intervention économique publique et
l’initiative privée restent sensibles. Si les formes juridiques de la gestion privée sont de plus
en plus fréquemment mises au service des impératifs de service public, c’est moyennant un
contrôle étroit et une relation stricte par des autorités de tutelle.

Si les pouvoirs publics assument toujours les missions de service public, ils ne les assurent
pas toujours eux-mêmes. Il n’en demeure pas moins que l’entreprise privée, motivée par la
recherche du profit, ne peut identifier à une entreprise publique ou à une entité de droit public
dont l’existence ne se justifie que par la poursuite de l’intérêt général, et la croyance en sa
capacité à réaliser sa mission de manière plus satisfaisante que ne le ferait le secteur privé.
Autant dire que les initiatives publiques conservent leurs particularités, liées à des
techniques particulières de planification, d’organisation, de consultation, de concertation ou
de mise en œuvre. Au reste, il n’a jamais été créé en Côte d’Ivoire une juridiction
transdisciplinaire droit- public- privé chargé de l’ensemble du contentieux économique.

Dès lors, à défaut de reconnaitre dans le droit économique une discipline autonome, il est
possible de défendre une spécificité du droit public en matière économique, autrement dit
l’existence concomitante d’un droit public économique et d’un droit privé économique.
Comment délimiter alors le champ du premier ? Pour y parvenir on observera que jusqu’au
début des années 1980, on a pu insister sur des aspects structurels, son organisation

6
Idem
9
économique, notamment à travers le secteur public, mais aujourd’hui seul sa finalité permet
vraiment de l’identifier. De fait, le droit public économique peut être ainsi défini comme la
partie du droit public qui permet la réalisation de la politique économique des pouvoirs
publics conformément à l’impératif de l’intérêt général7.

Cette discipline académique prend en compte les interventions de l’État, des collectivités
locales et de leurs groupements, des établissements publics, mais également de sociétés
privées, associations ou ordres professionnels associés au service public. Il est donc
indispensable de recourir à plusieurs disciplines pour l’aborder : le droit constitutionnel, le
droit international, le droit communautaire, le droit administratif, mais aussi la science
politique, l’histoire des institutions, la science économique, les finances publiques, ou le droit
privé, principalement commercial.

Le droit public économique n’est pas pourtant une juxtaposition de matières, un enseignement
pluridisciplinaire. En réalité, une matière spécifique, avec un champ de connaissances qui se
précise et se développe chaque jour, est en train de naître. Si le droit administratif y est
omniprésent, il n’en est plus qu’un aspect, même s’il reste plus visible. L’approche
contemporaine doit être résolument interdisciplinaire.

Force sera de constater que le droit public économique est une discipline prodigieux. Et pour
cause, les normes dont il doit rendre compte n’ont jamais cessé de se développer en raison de
dispositions toujours plus complexes et plu subtiles de réglementation, de contrôle de
régulation de l’économie par les pouvoirs publics. Et c'est une matière qui est traversée
aujourd'hui par des mutations et des transformations importantes qui ont radicalement changé
sa présentation en quelques années. Le droit public économique français fondé par exemple
sur des notions traditionnelles (États providence, service public, entreprise public, acte
unilatéral...) a dû repenser certains concepts pour se renouveler sous la pression du contexte
international. A cet égard, les réflexions actuelles portant sur le concept de régulation sont
foisonnantes et très symptomatiques.

L'objectif premier de ce cours est donc d'expliquer et d'aider à faire comprendre la spécificité
et l'originalité de cette matière. L’objectif purement académique de ce cours est de faire
comprendre et démontrer aux étudiants l’importance des acteurs publics dans la vie
économique.

7
Idem p. 8.
10
I- LES ETAPES DE LA FORMATION DU DROIT PUBLIC ECONOMIQUE

Pour mieux comprendre les étapes de la formation du droit public économique ivoirien, il y a
lieu avant tout de présenter celle de la France dont la Côte d’ivoire tire essentiellement ses
sources d’inspiration. L’un des buts principaux de ce cours étant l’étude de la question des
bases théoriques du droit public économique en Côte d’Ivoire, pour arriver à présenter ce
droit, il convient donc avant tout de regarder du côté de l’histoire du droit public économique
en France8.

Trois grandes étapes doivent être abordées. D’abord le 19 ème siècle où l’Etat français est
marqué par le libéralisme, le rôle de l’Etat est réduit à une fonction de gendarme (fonctions
régaliennes). Puis le 20ème siècle marqué par l’interventionnisme économique et enfin une
évolution à la fin du 20ème, début 21ème siècle où l’Etat devient gendarme de l’économie
(régulateur).

A. Le 17ème siècle : l’ère du colbertisme


Le colbertisme (17ème) est la version française du mercantilisme 9. L’idée dominante d’alors
est que le roi est propriétaire de son royaume. C’est son entreprise qu’il lui faut développer
sur le plan économique. En développant simplement la richesse de ses sujets, en favorisant
leur prospérité. Ceci engendre des recettes fiscales supplémentaires, c’est en quelque sorte un
« retour sur investissement ».

Par ailleurs, il faut empêcher l’or et la monnaie de quitter le pays car les prélèvements sont
effectués en monnaie et celle-ci est basée sur l’or. Si les deux quittent le pays, il y a un
appauvrissement du pays et de facto, du roi. De plus, cette fuite permet l’enrichissement des
monarques voisins (augmentation de leur puissance) au détriment de celle du roi.

L’enrichissement des sujets, le maintien des richesses au sein du pays permettent


l’enrichissement du roi et l’augmentation de sa puissance face à ses voisins.

L’idée du mercantilisme est reprise par Jean-Baptiste Colbert (puissant ministre d’état et
contrôleur général des finances de LOUIS XIV) qui mettra l’accent sur la conquête des

9
Le mercantilisme est une doctrine économique dont les origines date du XVI ème siècle et qui a beaucoup été
utilisée jusqu’au XVII ème siècle. Cette théorie porte aussi le nom de nationalisme économique, de théorie de la
croissance à vocation d’exportation ou de protectionnisme. En effet, le mercantilisme est la protection de
l’économie nationale. L’État intervient de façon lourde sur l’économie. Il protège l’industrie et les entreprises
locales avec des mesures dites protectionnistes comme les tarifs douaniers et les primes à l’exportation. Il limite
les importations de biens à l’étranger en les taxant et favorise les exportations à travers subventions et des aides.
11
métaux précieux pour favoriser au maximum la richesse de l’État et c’est également
l’enrichissement des sujets10. La politique conduite par Jean-Baptiste Colbert, entre 1661 et
1683, repose sur l’idée qu’« il n’y a que l’abondance d’argent dans un État qui fasse la
différence de sa grandeur et de sa puissance »11. Colbert y va en effet avec deux objectifs :
conquête des métaux précieux et enrichissement des sujets. Pour atteindre ces objectifs, il faut
une politique économique dirigiste. On institue alors une réglementation du commerce et de
l’industrie avec un contrôle douanier de protectionnisme des produits français12.

Par ces mesures protectionnistes, l’État favorise la production agricole et industrielle (en
particulier celle-ci). L’État réglemente la marine et Colbert sous influence des idées
mercantilistes, encourage les manufactures de l’État, il crée de véritables entreprises
publiques. De même qu’il encourage des manufactures privées. Faire fructifier le royaume, et
pour cela protéger l’économie, favoriser la croissance et s’assurer des flux financier » telle
était la conception de Colbert. Grâce à Colbert, le pouvoir royal absolutiste va ainsi favoriser,
au XVI e siècle, puis au XVIIe siècle, les grandes organisations économiques et développer
de nombreuses réglementations13.

Le colbertisme, qui se donne donc pour doctrine de consolider la présence de l’État dans les
institutions et les relations économiques, adapte le mercantilisme et pose les fondements
modernes de l’intervention de l’État, sur le plan des structures économiques (corporations,
manufactures, compagnies coloniales, etc.) et la règlementation (nationalisme douanier, aides
et subventions, primes à la production, normes afférentes à la qualité de la production dans
certains secteurs, etc.). Ainsi, comme le souligne Stéphane BRACONNIER, dans son ouvrage
Droit public de l’économie, PUF, 2015 : « Par ce bouquet de mesures convergentes, destinées à
permettre la conquête de marchés étrangers. Colbert institutionnaliste l’interventionnisme
étatique et prépare, presque paradoxalement, l’émergence des libertés économiques que la
Révolution va favoriser, en réaction14 »

La plupart des auteurs sont d’accord pour dire que le colbertisme a constitué un précédent du
dirigisme et qu’il a influencé très largement l’interventionnisme économique ultérieur. Il ne
cessera jamais une référence pour les gouvernants portés sur le protectionniste et
10
Ces principes étaient appliqués déjà au règne de Henri IV (1589-1610), mais ils ont reçu réellement son
développement sous Louis XIV (1643-1715), avec la politique menée par le réel « ministre de l’économie et des
finances » (cette fonction n’existait pas formellement) Jean-Baptiste Colbert (1619-1683).
11
Jean-Paul Valette, Droit public économique, op, cit., p.12.
12
Selon ce principe la puissance d’un pays est proportionnelle à ses réserves en métaux précieux en or
notamment.
13
Voir P. Minard, La fortune du colbertisme, État et industrie dans la France des lumières, éd. Fayard, 1998.
14
Stéphane BRACONNIER, Droit public de l’économie, op, cit. pp. 2-3.
12
l’interventionnisme économiques. La doctrine affirme que la France est de tradition
colbertiste.

B. La fin du 17ème marque le début du libéralisme

Les idées des physiocrates15, en contradiction avec les principes issus du mercantilisme et du
colbertisme, se répandent en France pendant les dernières années de la monarchie absolue,
pendant le règne de Louis XVI. Quesnay (1694-1774), le marquis de Mirabeau (1715-1789) et
Turgot (1727-1781) sont favorables à la libéralisation de la circulation des marchandises, au «
laissez-faire, laissez-passer ». Les physiocrates sont proches de l’école classique anglaise qui
défend l’harmonie d’un ordre naturel fondé sur l’initiative individuelle et la régulation
économique automatique par le marché. Adam Smith dans « Recherche sur la nature et les
causes de la richesse des nations » (1776) écrit : « Tout individu… ne se propose pas de
promouvoir l’intérêt public. Il ignore d’ailleurs dans quelle mesure il y parvient. Il ne se
préoccupe que de sa sécurité propre, que de son gain propre. Et se faisant, il est conduit par
une main invisible à atteindre un objectif qu’il n’avait aucunement visé. En poursuivant son
intérêt particulier il sert souvent l’intérêt social plus efficacement que dans les cas où il a
réellement l’intention de le promouvoir ».

Cette défense de l’initiative privée conduit au libéralisme économique et à la réduction


drastique du rôle de l’État dans l’économie. Sous l’influence des physiocrates, les
révolutionnaires de 1789 décident de restreindre sévèrement l’intervention économique de
l’État. « Par réaction aux structures et à la réglementation mises en place sous l’Ancien
régime, les révolutionnaires édictent des textes restés célèbres qui consacrent la propriété
privée, proclament la liberté du commerce et démantèlent l’organisation administrative
instituée dans le domaine économique ».

La France se retrouve ainsi dans un État libéral avec une économie comme telle et l’idée qui
domine est que l’État doit se limiter à un rôle de gendarme, l’économie doit être laissée à la
société civile. Il doit y avoir une frontière entre la sphère publique et privée. Toutefois en
pratique, cette séparation doit être nuancée : l’État intervient dans certains secteurs privés.
Ainsi, l’état a quelques fonctions économiques : il gère lui-même certaines entreprises

15
La physiocratie est une doctrine économique et politique du XVIIIe siècle qui fonde le développement
économique sur l’agriculture en considérant que la richesse d’un pays provient exclusivement de son agriculture
qui est selon eux la seule création annuelle de richesse. Cette doctrine prône également la liberté du commerce et
de l’industrie.
13
industrielles et commerciales (manufactures de Sèvres, Beauvais et Gobelins qui sont un
héritage du colbertisme).

En outre, il détient certains monopoles comme le tabac, les allumettes, les PTT. Les
communes prennent en charge également certaines activités comme la distribution de l’eau,
du gaz, d’électricité, les transports urbains. Ces interventions restent les exceptions et restent
inavouées car l’idée dominante est que les personnes publiques doivent se tenir à l’écart de la
vie économique. Certaines activités sont gérées parfois directement par la personne publique
(gestion en régie). Dans d’autres cas, elles sont gérées par des personnes privées et un contrat
est passé alors avec la personne publique (concession de service public). Grâce à cette
concession, les entreprises privées financent des grands équipements comme les chemins de
fer, les canaux. À la base, il y a un contrat entre public et privé. Les grandes concessions du
service public datent du 19ème.

La période de l’entre-deux-guerres est importante dans la formation du DPE car elle va


constituer le début de celle-ci.

C. Début du 20ème au lendemain de la 2 GM : L’ère de l’État-providence

Au début du 20ème siècle, il y a un changement des mentalités car la société se modifie


profondément. Sont en effet dénoncés les abus du libéralisme économique. La guerre de 1914
marque l’arrêt de certaines activités (les transports, les chemins de fer a dès lors, problèmes de
ravitaillement). Ces activités d’intérêt général ne sont plus assurées, l’État devant les prendre
en charge lui-même et les réglementer. L’État devient ravitailleur, transporteur. Ce devait être
passager mais les populations s’habituent à cette évolution. La « der des ders » met en place
un interventionnisme étatique.

L’entre-deux-guerres avec la crise de 1929 a fait que l’État français est devenu à nouveau
interventionniste de façon accrue et a instauré une économie dirigée à partir de 1930. Par
exemple, il institue dans la viticulture des primes à l’arrachage et une interdiction de
plantations nouvelles. En 1934, il tente une coordination des transports entre rail et route. Sur
le plan juridique, il y a création des sociétés d’économie mixtes industrielles et commerciales.
Sociétés réunissant des capitaux publics et privés. Le tribunal des conflits et le conseil d’état
font une distinction entre SPA et SPIC (arrêt Bac d’Eloka en 1921). Les SPIC relèvent du

14
droit privé tandis que les SPA relèvent du droit administratif. Une partie importante du droit
interventionniste économique relève d’un régime différent du service public administratif.

La deuxième guerre mondiale a conduit à un encadrement de plus en plus important de


l’économie par l’État. En effet, pendant le régime de Vichy il y a un interventionnisme très
poussé16. Par exemple, la collecte des produits agricoles ou encore la répartition des produits
alimentaires. Les organisations professionnelles sont utilisées à des fins interventionnistes et
elles règlementent les professions. Il y a à l’époque l’instauration d’une économie de guerre
totalement dirigée. Le gouvernement et chaque ministre ayant des pouvoirs d’intervention
importants.

À la Libération, l’État français supprime certaines mesures interventionnistes tout en


conservant d’autres, qui seront développées : l’État encadre le crédit, dirige une vague de
nationalisations en 1945 succédant à celle de 1936 (Renault, transports aériens, banques,
assurances) et développe le secteur industriel et commercial.

Il est important de noter que l’intervention de l’État n’a pas pour but d’améliorer la
compétitivité des entreprises. Le but c’est la recherche de la solidarité nationale, la cohésion
sociale. Les nationalisations de 36 et 45 ont pour but d’instaurer un compromis social. Après
1946, l’instauration des monopoles publics nationaux a pour objectif la réduction des
inégalités sociales mais aussi le redémarrage de l’économie. Le but social est alors important
dans l’interventionnisme économique. Dans la mesure où les préoccupations sociales de la
population devenaient de plus en plus pressantes. L’essor du capitalisme industriel a créé un
prolétariat ouvrier misérable. Les mouvements d’opinion se multiplient. Ce qui a amené l’État
français à prendre des mesures sociales afin de satisfaire aux besoins de la population.

Par ailleurs, les idées de Keynes (économiste financier) auront une influence importante dans
les pays occidentaux. Pour Keynes, la crise de 1929 est due au non réaction de l’État face à un
cycle économique dépressif. Il considère qu’en prenant des mesures adaptées, la crise aurait
pu être surmontée. Keynes préconise qu’en période de récession, l’État doit injecter des
capitaux dans les circuits économiques. Il doit effectuer des grands travaux qui relancent
l’économie. La main visible de l’État doit remplacer celle invisible du marché. C’est l’État
qui doit s’imposer au marché. L’État doit tout mettre en œuvre pour assurer le plein emploi.

16
En 1940, Maréchal Philipe Pétain devenu le chef de l’Etat français, n’apprécie guère la démocratie libérale et
ses conséquences économiques, aussi prend-il immédiatement parti pour un étatisme autoritaire, très
conservateur sur le plan social. La liberté syndicale est supprimée, un corporatisme d’État la remplace.
15
L’État doit se donner les moyens de sa politique. Les questions économiques sont des
questions politiques, l’État se doit d’être interventionniste.

L’après deuxième guerre mondiale a incontestablement marqué l’apogée de l’État-providence


et de l’intervention étatique. L’entreprise privée et le marché sont quelque peu déconsidérés.
L’État apparait alors comme le seul capable d’assurer une certaine modernité. Il y a un
retournement des mentalités illustré par un discours de De Gaulle en 1943. L’État français
devient alors le modernisateur et le régulateur de l’économie. Cela s’observe à différents
niveaux : De Gaulle a instauré la planification, la DATAR (Délégation à l’Aménagement du
Territoire et à l’Action Régionale) a été créée en 1963.

Les interventions de l’État sont faites dans le but d’exercer une action sur l’économie, elles
expriment une politique économique. L’interventionnisme revêt alors plusieurs formes :

La police administrative chargée de limiter la libre initiative individuelle dans le but de


maintenir l’ordre public économique. Par exemple, l’État va prendre des mesures pénales
(amendes, prisons) pour faire respecter l’ordre économique. Ce sont des mesures de police
économique, l’administration interdit, prescrit, réglemente ou octroie un avantage par voie
unilatérale.

Puis il y a une évolution et l’État intervient d’une autre façon tout en conservant la méthode
de police économique. Apparait la méthode de l’économie concertée, contractuelle. C’est
l’hypothèse où l’administration n’impose plus mais oriente les comportements économiques
par l’incitation. Par exemple, l’État accorde des avantages fiscaux. Cette évolution cohabite
avec les mesures de police.

La notion de concertation qui apparait après la deuxième guerre mondiale, traduisant une
aspiration en matière économique. Les professionnels veulent élaborer avec l’administration
des objectifs à atteindre et des moyens à mettre en place pour atteindre ces objectifs.

Après le dialogue, on passe un contrat. Le but de la démarche c’est que pour obtenir certains
comportements, l’administration passe des conventions ou des contrats avec les
professionnels, conventions donnant des avantages. L’administration n’impose plus, elle
négocie.

Il y a ces 3 notions (économie orientée, concertée et contractuelle) qui ont une importance
jusqu’au début des années 1970.

1. Les années 1973 / 1974 à la fin du 20ème siècle


16
On assiste à une remise en cause de l’État-providence ainsi qu’à un double mouvement des
politiques publiques avec un renforcement de l’interventionnisme et un développement du
libéralisme. À la fin du 20ème, on remarquera une autre évolution avec un nouveau rôle de l’
l’État.

a. La remise en cause de l’État-providence


À partir des années 1973/1974, la croissance s’essouffle (inflation, récession, chômage). Crise
qui apparait, entre autres, à cause des chocs pétroliers. Les théories de Keynes sont remises en
question parce que l’État semble avoir montré ses limites à l’époque. La planification existait
mais elle n’était pas à même de prévoir les chocs. Le ralentissement des pays soviétiques
montre bien que l’interventionnisme n’est peut-être pas la meilleure solution. On vante à
nouveau les mérites du marché. Il reprend une place importante par rapport à l’État. Il est
alors irremplaçable même s’il est perfectible. Il y a un désenchantement de l’État au niveau
économique. Des économistes soutiennent que l’État n’est là que pour assurer le
fonctionnement du marché et non pas pour le remplacer.

b. Le double mouvement des politiques publiques


Il y a une remise en cause de l’interventionnisme de l’État mais sur le plan des idées
uniquement car en pratique, les choses ne changent pas. Jusqu’en 1981, il y a un renforcement
de l’interventionnisme puis nous assistons ensuite à un approfondissement du libéralisme.

2. Le renforcement de l’interventionnisme
On assiste à un renforcement durant la période des socialistes de 1981 à 1986. Ce
développement de l’interventionnisme se manifeste. On assiste à un développement important
du secteur public avec une vague de nationalisation. Plus d’une quarantaine d’entreprises.
Dans l’arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers le Conseil d’État a même
considéré que l’insuffisance de l’initiative privée justifie l’intervention des collectivités
publiques dans le domaine industriel et commercial, bien que ces activités restent, en principe,
réservées au secteur privé. Cette décision a donné lieu à une jurisprudence fournie, appelée
jurisprudence sur le socialisme municipal. Elle a formé le cadre essentiel de l’action
économique des collectivités locales jusqu’aux lois de décentralisation de 1982.

a. Le développement du libéralisme

17
À partir des années 84, il y a des mesures libérales qui sont progressivement adoptées. On
parle de déréglementation. Avec ce terme, il apparait de nouvelles structures administratives
que sont les Autorités Administratives Indépendantes (AAI).

- La déréglementation :
C’est le fait d’alléger ou de supprimer la réglementation dans un domaine déterminé. L’idée
de réglementer moins et mieux. En réalité, la déréglementation se traduit par autre chose : il y
a autant de réglementation mais elle change d’objectif. La déréglementation s’est traduite par
un allègement du contrôle de l’état sur les opérateurs privés et une plus grande liberté aux
opérateurs économiques. Aujourd’hui le marché ne comporte pas moins de droit mais un droit
différent. Il faut aborder la question des AAI qui interviennent dans l’économie avec un rôle
de régulateur.

• Privées nationalisées: des banques, des sociétés financières, industrielles. L’état


devient propriétaire de la quasi-totalité du système bancaire et des grands groupes industriels.

• La décentralisation (82/83): les 3 collectivités (communes, départements, régions) sont


décentralisées et cette réforme souligne le rôle de développement économique des CT. Le
législateur à cette époque donne aux CT des possibilités accrues d’intervention.

• Il y a maintien du dirigisme. L’état réglemente par exemple autoritairement les


rapports entre locataires et propriétaires. L’état prend des mesures autoritaires de blocage des
prix.

- Les AAI et la régulation économique


Il y a quelques années encore, les AAI étaient inconnues en droit français. L’apparition des
premières date des années 70. Elles se sont démultipliées, particulièrement dans le domaine
économique. Dans un premier temps, elles sont apparues fondamentalement dans un objectif
de liberté individuelle. Et du fait des critiques faites à l’administration traditionnelle, très
hiérarchisées avec à sa tête le Premier Ministre et dont les décisions prises sont plus d’intérêt
politique qu’économique. Il va s’en dire que certaines décisions administratives impliquent
que l’administration économique ait une très grande technicité dans certains domaines
économiques. Or, il n’y a souvent que des professionnels qui ont cette technicité.

La création des AAI répond à ce double objectif : D’abord, couper l’administration du


pouvoir politique afin que des décisions économiques soient neutres et indépendantes puis
que des professionnels participent à la prise de décisions. Ce sont des structures qui sont

18
composées d’une part de membres de l’Etat et d’autre part de professionnels et d’experts du
monde économique concerné. Elles ne sont pas soumises à la hiérarchie de l’administration et
ne peuvent recevoir ni ordres, ni instructions d’aucune autorité. Elles ont par ailleurs une
fonction de régulation du marché. Elles assurent un équilibre entre les droits et les obligations
de chacun. Pour cela, elles ont un pouvoir réglementaire (émettre des règlements), de larges
capacités d’investigation et de contrôle et elles ont un pouvoir très important : le pouvoir
d’infliger des sanctions aux opérateurs économiques, particulièrement des sanctions
pécuniaires qui peuvent être des amendes importantes. Elles ont également le pouvoir de
suspendre une autorisation d’exercer, voire de la retirer.

L’évolution de l’économie et du DPE a été à l’origine de l’apparition de nouvelles structures


dont le rôle est de réguler le marché. Régulation qui se fait par une administration
indépendante du pouvoir politique et par une administration composée en partie de
professionnels.

b. Le glissement du secteur public vers le privé


Globalement, on a assisté à un glissement progressif du secteur public vers le privé. Ainsi, en
1986, il y a eu des privatisations partielles et il devait y avoir un nombre important
d’entreprises publiques qui devaient rentrer dans le privé or seules certaines d’entre elles ont
été privatisées. Cependant, les privatisations qui ont été faites n’ont pas été remises en cause
par la gauche quand elle revient au pouvoir pas plus que l’on a effectué de nouvelles
nationalisations. De plus, il faut noter que certains secteurs publics ont été ouverts aux
capitaux privés ou réaménagés pour plus d’efficacité. Par exemple, les PTT (EPA) en 1990 se
divisent entre France Télécoms (EPIC) qui est devenu ensuite une SA et la Poste (EPIC) qui
va prochainement le devenir.

En 1993, la majorité de droite reprend une politique de privatisation et la nouvelle majorité de


gauche de 1997 limite quelque peu cette réalisation mais ne l’arrêtera pas totalement. Dans
certains cas, cela se fait brusquement, c'est-à-dire qu’une entreprise est privatisée mais dans
d’autres cas, cela se fait pas étapes, les PTT en sont un exemple.

c. L’évolution du DPE du fait du marché unique


Le grand marché européen institué par le traité de Rome transformé en 1986 par le marché
intérieur unique a transformé le DPE français. Le marché instaure la libre circulation des
biens, des services, des Hommes et des capitaux. Le marché supprime les frontières et
instaurera la monnaie unique. Il met en place un droit communautaire avec la CJCE

19
garantissant l’application du droit communautaire. Le droit communautaire résulte des traités
mais il émane également des organes communautaires chargés d’édicter des règles. Il est
important d’observer que le droit communautaire s’impose quand il entre en conflit avec le
droit national (arrêt Posta Ennel de 1964, arrêt Nicolo en 1989 qui fait prévaloir le droit
communautaire alors qu’il avait résisté). Notons que la Cour de Cassation avait fait prévaloir
le droit communautaire sur le droit national (arrêt Jacques Vabres, 1973). Désormais, le juge
national doit faire prévaloir les traités internationaux, les directives et règlements
communautaires sur les lois et règlements nationaux. En matière économique, 80% des lois
viennent du droit communautaire.

Il y a un problème : le droit communautaire a une conception privatiste du droit (et non


publiciste). L’idée dominante est que les activités économiques doivent être soumises au droit
commun. En outre, le droit communautaire prohibe toute intervention publique susceptible de
fausser la concurrence ou d’entraver la libre circulation des biens et services.

En France, l’objet même du DPE est précisément de contraindre les acteurs économiques
d’avoir tel ou tel comportement économique, d’influencer le marché. Le juge européen
considère illégal ce type d’intervention publique. Il y a un rétrécissement du DPE.

II- LES INTERVENTIONS DE L’ÉTAT DANS L’ECONOMIE


On observera partout plusieurs types d’interventions de l’État.

A. Les premières interventions de l’État


D’habitude on dit que l’interventionnisme (l’intervention d’une personne ou d’une institution
dans les affaires qui ne lui sont pas propres) s’est manifesté dans l’activité de l’État français
dans la période de la fin de XIXe siècle jusqu’à 1946. Cependant les interventions sont
beaucoup plus « anciennes », elles existaient depuis longtemps, par exemple le colbertisme.
En effet, « notamment le colbertisme est considéré comme la condition de l’apparition du
droit économique, qui, comme n’importe quel droit, est fondé sur les lois. Dans la période
napoléonienne, quand le libéralisme économique était codifié, des interventions de l’Etat
considérables sont connues aussi. La naissance du droit public économique contemporaine
remonte à la loi du 17 décembre 1814 sur la douane, signée par le roi Louis XVIII. Cette loi
permettait au roi de prendre par ordonnance des mesures destinées à interdire l’importation de
marchandises étrangères en France ». D’autres juristes français considèrent que la loi de 1841
sur le travail des enfants est la première manifestation de l’intervention de l’Etat ; elle a eu
pour résultat la naissance du droit du travail puis son développement. En général, la naissance

20
et le développement du droit de travail sont l’un des premiers résultats des interventions de
l’État dans l’économie.

Parallèlement, les groupements économiques du capitalisme – les sociétés anonymes – se sont


constitués et ont considérablement accru la concentration capitaliste à laquelle l’Etat a réagi
en intervenant. Donc, « la réaction de l’État aux concentrations capitalistes s’est exprimée
dans les interventions de l’État ». Cependant avant le capitalisme les philosophes ont
commencé à réfléchir sur le phénomène du développement économique. Le philosophe
français du XVIIIe siècle, Nicolas BAUDEAU, introduisit la notion de « législation
économique » dans son ouvrage « Première introduction à la philosophie économique ou
Analyse des Etats policés » (1767). Selon lui, la législation économique est commune et
universelle. Elle relève du droit naturel et régit la « société économique », fondée sur trois «
arts » – social, productif et stérile – qui correspondent à trois classes : les propriétaires, la
classe productive des agriculteurs et la « classe stérile des industriels et des commerçants ».

Baudeau fut en effet le premier à bâtir la théorie selon laquelle toute l’activité économique est
dirigée par une « constitution économique » (ce que la doctrine allemande a développé
après). Un siècle plus tard, dans son ouvrage « Sur la capacité politique des classes ouvrières
» (1865), Pierre-Joseph PROUDHON définit la notion de « droit économique », lequel est
censé résoudre les contradictions de la vie sociale par la voie d’une « conciliation universelle
». Ni le droit public ni le droit prive ne peuvent y parvenir, l’un présentant le danger d’une
trop grande limitation de la liberté économique par le pouvoir, l’autre n’étant pas en mesure
de pénétrer les structures d’ensemble de l’activité économique. L’organisation sociale
reposera donc sur un « droit économique, complément et corollaire du droit politique et du
droit civil ».

B. Les racines sociales des interventions


L’étude des problèmes posés par l’interventionnisme étatique n’est pas récente notamment en
France. Le 26 décembre 1896 déjà, une thèse intitulée « La nécessité de l’intervention de
l’Etat en matière économique » a été soutenue à la Faculté de droit de Paris. L’auteur, tout en
qualifiant de remarquable la théorie de l’Etat gendarme, a démontré que l’Etat intervenait
pourtant dans certains domaines comme la poste, le télégraphe, les chemins de fer. En
examinant principalement l’aspect social de la question, il en a déduit que le critère pour
intervenir était l’utilité sociale à un moment donné pour une société donnée. Ainsi, « L’État
doit intervenir chaque fois, quand il peut faire une prestation de service mieux que le

21
commerçant privé, soit quand ce service ne se fait pas du tout par le commerçant privé, et
toujours, quand l’activité des particuliers contredit l’utilité sociale, parce que c’est l’État qui
est responsable du progrès social. Le but et les limites de n’importe quelle intervention est
l’utilité sociale».

Il faut avoir en vue, conclut l’auteur, que l’intervention de l’État est très relative. Ses moyens
et son niveau varient d’un pays à l’autre (puisque cela dépend des traditions, de la position
géographique, de l’état de la civilisation), et même dans le même pays – d’une époque à
l’autre. En général, « l’État intervient parce que sa nature est d’être l’organisateur et le
réorganisateur en tout ce que concerne les relations sociales ». C’est pourquoi « la
contrepartie de l’interventionnisme économique c’est la responsabilité de la puissance
publique en matière d’administration économique ».

Les limites de l’intervention de l’État ont fait l’objet de développements jurisprudentiels. Le


droit administratif a été modifié concernant l’application du principe de l’égalité des
administrés qui a cédé dans la mesure où les mesures d’incitation reposent sur la
discrimination entre administrés. Le Conseil d’État français a admis que les mesures
discriminatoires, utilisées par les pouvoirs publics, sont valables lorsqu’elles n’ont pas été
inspirées « par des considérations étrangères à l’intérêt général », lorsque l’administration «
n’a pas agi dans un but étranger aux fins de la législation d’économie dirigée ».

C. L’interventionnisme et le libéralisme
Au début ce sont les interventions de l’État dans l’économie qui ont fondé le domaine du droit
public économique. Selon l’expression devenue courante, le droit public économique est un
droit des interventions de l’État. Cependant dans la doctrine économique l’interventionnisme
est opposé au libéralisme. Ainsi, selon la théorie du néo-libéralisme de Hayek les
interventions sont irrationnelles, le marché leur est insensible, il faudrait une intervention
limitée de l’Etat (moins d’État, comme d’ailleurs de responsabilité sociale). C’est pourquoi on
peut comprendre que le droit public économique est un droit de la première doctrine
économique, qui est condamné par la doctrine du libéralisme; mais cela est incorrect.

En conséquence, les termes deviennent plus neutres, par exemple, l’activité publique
économique ou l’initiative publique dans le domaine économique. Par exemple, l’art. 128-2
de la Constitution espagnole prévoit le droit de l’initiative de l’État dans le domaine
économique. «La loi peut réserver les ressources ou les services les plus importants pour le
secteur public, particulièrement dans les cas du monopole, ainsi que permettre une
22
participation à la gestion des entreprises, si les intérêts généraux le demandent». C’est
pourquoi certains auteurs proposent de définir le droit public économique comme « le droit
de la politique économique, qui peut être interventionniste ou libérale ».

1. Le rôle de l’ l’État dans l’économie


Cependant l’État assiste même dans la théorie économique la plus libérale. L’État a toujours
joué un rôle dans l’économie. « L’État-gendarme » assurait la sanction d’une certaine règle du
jeu économique. Mais si la doctrine économique ou juridique parle aujourd’hui de «
l’intervention » de l’État, c’est en raison de l’existence des fonctions économiques directes de
l’État ». « L’État participe, contrôle, mais il est aussi et un scénariste de la macro-économie
». Nous adresserons un tableau montrant les différentes conceptions et notions d’État.

En général, l’État utilise différentes techniques d’intervention dans l’économie :

• l’interdiction (assez rare);

• la réglementation : 1) les pouvoirs publics soumettent les activités contractuelles à


l'accomplissement de formalités. Il s’agira notamment des obligations d’informer : soit les
pouvoirs publics (déclarations à effectuer), soit les tiers (publicité), soit le partenaire
contractuel. L’organisation de l’activité économique suppose une information des pouvoirs
publics sur l’activité contractuelle. 2) les pouvoirs publics peuvent soumettre l’exercice
d’activités contractuelles à la réunion de certaines conditions relatives à la possibilité de les
exercer;

• le contrôle;

• la détermination du contenu du contrat – contrat type;

• la formation autoritaire du rapport contractuel.

En général, « la régulation de l’économie par les pouvoirs publics repose d’abord sur un cadre
juridique, lequel détermine la place de l’Etat dans l’économie (conception), les libertés
économiques des opérateurs (sources) et les institutions chargées des actions sur le marché
(acteurs) ».

2. Le cadre de l’action publique dans l’économie


Il incombe toujours à la puissance publique (organisée à l’échelon mondial, international ou
local) de créer les conditions propices au développement des activités économiques.

23
Cependant, les voies qu’elle empruntait paraissent compromises ou affaiblies, en tout cas
profondément renouvelées. Au sein des Etats, ces interventions sont traditionnellement de
trois ordres:

a. la réglementation : les autorités étatiques délèguent de plus en plus la régulation de


certains secteurs non seulement à des autorités administratives indépendantes mais aussi à des
autorités professionnelles.

b. L’aide aux entreprises : Les aides directes (telles que les subventions) sont si étroitement
encadrées par le droit communautaire qu’elles ne jouent plus qu’un rôle marginal. En
revanche, les aides indirectes ont de multiples vecteurs : les politiques d’aménagement du
territoire, d’urbanisme, de marketing territorial, la coopération internationale et même l’action
culturelle … ce sont les collectivités territoriales qui jouent un rôle essentiel dans ce domaine.
Les politiques communautaires de cohésion sociale et territoriale maintiennent des possibilités
d’action publique économique que la politique de la concurrence interdit dans son principe.

c. La prise en charge directe par la collectivité publique de certaines activités (de


production, de distribution, de stockage ou de transports) qui présentent le caractère d’un
service public ou simplement un intérêt économique pour le pays. Avec le mouvement de
privatisation qui se généralise en Europe et dans le monde depuis le début des années 80, le
secteur public est en recul constant. Le droit communautaire oppose des obstacles juridiques
sévères à l’actionnariat public. Qu’il soit législateur, aménageur, protecteur ou patron l’Etat
voit son rôle décroître dans l’économie. La tendance n’est pas à la majoration de
l’intervention publique, mais plutôt au « partenariat privé-public » ou à la délégation de
service public et à la privatisation des activités. Le régime des SPIC fait largement appel au
droit privé depuis des arrêts du Conseil d’Etat (ci-après CE) Sté des granits porphyroïdes des
Vosges de 1912 ou bac d’Eloka de 1921. L’essentiel du contentieux de la concurrence relève
des juridictions judiciaires, via l’appel des décisions du Conseil de la concurrence exercé
devant la Cour d’Appel de Paris.

On observera pour terminer que le glissement du contentieux économique des juridictions


administratives vers les juridictions judiciaires est constant. Le Conseil d’Etat a fini par
incorporer le droit de la concurrence issu de l’ordonnance de 86 dans les normes de contrôle
de légalité des actes administratifs précisément pour endiguer la fuite du contentieux vers le
judiciaire. Le juge de l’administration économique est le juge judiciaire autant que le juge
administratif. Le droit de l’intervention économique publique permet d’observer toutes les
24
limites de la distinction entre les deux branches du droit : nature des actes, le rôle des
organismes privés ou professionnels et le régime contentieux. Le droit économique est surtout
composé de règles hybrides, de techniques singulières, expérimentales, novatrices.
Notamment, les catégories cardinales du droit administratif y sont toutes mises à rude
épreuve. Si c'est bien le droit administratif qui s'applique en matière économique, c'est au prix
de déformations qui brouillent les régimes juridiques les mieux établis.

Au croisement du droit public et du droit privé, la matière relève autant de la science


économique que du droit. De nombreuses règles reposent sur des notions économiques et sur
une analyse économique : position dominante, marché pertinent. Les sources essentielles de la
réglementation économique sont d’origine européenne, africaine dans le cas de la Côte
d’Ivoire et internationale. Les intégrations régionales sont la manifestation d’un
redéploiement de la puissance publique au-delà des frontières de l’État-nation. Mais c’est
même la « logique étatique » qui se déploie. Ces «néo-fédérations» qu’on hésite à appeler
parfois « organisations internationales », ont cessé d’être régies selon un ordre strictement
conventionnel. Elles créent du droit objectif qui s’impose aux Etats-nations, selon des règles
de majorité et non plus d’unanimité.

La logique étatique se redéploye aussi en deçà de l’État -nation avec l’émergence des
pouvoirs régionaux et locaux. Mais c’est toujours de la puissance publique usant des
prérogatives exorbitantes. Le DPE met à jour quelques-unes des mutations fondamentales que
connaît l’État postmoderne, dans son rôle, dans son organisation et ses finalités. L’évolution
du droit public économique traduit les grandes lignes de force de transformation des
économies nationales et mondiale. Il permet d’appréhender de façon plus concrète le degré
d’interpénétration des systèmes juridiques en ce qui concerne les activités économiques. Il
permet d’apprécier l’état de la concrétisation juridique de la mondialisation.

Le DPE est un droit saisi par la mondialisation. Le thème de la mondialisation a envahi la


scène éditoriale et politique en France depuis 1996 et cela témoigne de la prise de conscience
d’une transformation polymorphe de l’économie sous l’impact :

- de la financiarisation de l’économie

- de la déterritorialisation des activités économiques

- du déplacement du centre de gravité du capitalisme vers l’Asie du Sud-est

25
- de l’extension de la logique capitaliste aux sphères scientifiques, culturelles,
artistiques et politiques jusque-là relativement épargnées. La mondialisation est une nouvelle
phase du capitalisme dans laquelle se joue une inflexion profonde des rapports de force entre
les marchés et les Etats, entre les lois de l’accumulation du capital et les lois qui régissent les
sociétés. La mondialisation se présente comme un processus de contournement et de
démantèlement des frontières physiques, politiques et juridiques qui font obstacle à
l’accumulation du capital à l’échelle mondiale. Il n’est donc pas inutile de refaire l’histoire
des rapports entre l’économique et le politique, les Etats et les marchés.

III- LES SOURCES DU DROIT PUBLIC ECONOMIQUE

Comme en toute discipline du droit, nous avons là encore des sources internes et des sources
externes

A. Les sources internes


La première des sources internes est la Constitution

1) Les sources constitutionnelles


On observera d’emblée que le Conseil Constitutionnel français a véritablement reconstruit une
nouvelle hiérarchie des sources du DPE créant ainsi un véritable droit constitutionnel
économique.

Ainsi, la constitution comme en toute matière, apparait comme la première des sources, cela
vaut en effet pour toutes les branches du droit, elle est supérieure à toutes les autres sources.
En France cette suprématie a été renforcée depuis 1958. En effet, la constitution française de
1958 comprend de nombreuses dispositions économiques. L’art 34 réserve par exemple toute
une liste de compétence au parlement. En matière économique, ces règles concernent les
garanties fondamentales pour l’exercice de certaines libertés du citoyen (liberté du commerce
et de l’industrie), nationalisation, imposition et privatisation. Mais pour le constitutionnaliste
Jean Yves CHERAUD, la constitution française est relativement neutre en ce qui concerne
l’organisation économique française et ce n’est pas dans la constitution que l’on trouve un
programme de politique économique ou même des contraintes substantielles pour orienter le
choix des différentes politiques économique.

Il s’ensuit que c’est dans la Loi et non dans la constitution que figure les bases de
l’organisation économique française. Le corps de la constitution est exclusivement consacré à
l’organisation des pouvoirs publics mais la constitution comprend tout de même une

26
institution à vocation économique « le conseil économique et social et environnemental ». Le
texte constitutionnel en vigueur comporte fort peu de dispositions spécifiques au DPE mais en
revanche la constitution offre au parlement de vastes possibilités de légiférer en matière
économique (loi des finances).

Pour ce qui est du cas de la côte d’ivoire, les éléments ci-dessus exposés en France sont
parfaitement applicables. En effet, la Constitution ivoirienne à l’instar de celle de la France
contient aussi des éléments de DPE. Il énonce par exemple dans le préambule que :
« Convaincu que l'union dans le respect de cette diversité assure, par le travail et la discipline,
le progrès économique et le bien-être social de tous ». En tout état de cause, le préambule de
la constitution de novembre 2016 assure de la part de l’État une : « […] détermination à
bâtir un État de droit dans lequel les droits de l’homme, les libertés publiques, la dignité de
la personne humaine, la justice et la bonne gouvernance tels que définis dans les instruments
juridiques internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie, notamment la Charte des
Nations unies de 1945, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 et ses protocoles additionnels, l’Acte
constitutif de l’Union africaine de 2001, sont promus, protégés et garantis ».

Le préambule de la Constitution ivoirienne, contient ainsi quelques dispositions ayant un


lien beaucoup plus étroit avec dans le domaine économique. Ceci même s’il s’agit d’une part
de déclaration de principe ou de philosophie libérale (principes fondamentaux) et d’autres par
une philosophie interventionniste.

Quant au corps même de la constitution comme énoncé précédemment des dispositions sont
directement en rapport à l’économie dans le sens de l’intervention de l’État. L’Article 13
prévoit: « Le droit de tout citoyen à la libre entreprise est garanti dans les limites prévues
par la loi. L’Etat veille à la sécurité de l’épargne, des capitaux et des investissements ». En
outre, l’Article 14 dispose que : « Toute personne a le droit de choisir librement sa
profession ou son emploi. L'accès aux emplois publics ou privés est égal pour tous, en
fonction des qualités et des compétences. Est interdite toute discrimination dans l'accès aux
emplois ou dans leur exercice, fondée sur le sexe, l’ethnie ou les opinions politiques,
religieuses ou philosophiques ». Et enfin l’Article 15 assure que : « Tout citoyen a droit à
des conditions de travail décentes et à une rémunération équitable. Nul ne peut être privé
de ses revenus, du fait de la fiscalité, au-delà d'une quotité dont le niveau est déterminé par
la loi ».

27
Le titre XI de la constitution est entièrement consacré au conseil économique qui est devenu
le conseil économique, social, environnement et culturel depuis la constitution de la 3 e
république. Cet organe consultatif a entre autres pour rôle de donner son avis sur les projets de
loi, d’ordonnances ou de décrets à caractère économique (article 163). Le Président de la
République peut consulter cet organe sur tout problème à caractère économique, social,
environnemental et culturel ( article 164).

On peut multiplier pèle mêle les exemples qui montrent que l’économie constitue une
préoccupation majeure pour le constituant ivoirien de 2016. Cependant, la compétence du
pouvoir constituant dans la reconnaissance des sources de l’intervention de l’État en matière
économique n’est pas très bien ou clairement affirmée. On observera qu’à l’instar des libertés
publiques, c’est la loi qui apporte une contribution majeure.

2) La Loi
C’est en effet, le parlement qui fixe les règles et qui détermine les principes fondamentaux
dans le domaine économique. Notons que l’activité économique privée est basée sur deux
principes fondamentaux : Liberté d’entreprendre et le droit de propriété. On observera aussi
que Législateur est également compétent pour fixer les grands principes fondamentaux pour
les matières civiles et commerciales (contrats et sociétés). Par ailleurs, la Loi est nécessaire
pour la création de SPIC qui par la concurrence faite à l’initiative privée porterait atteinte à la
liberté du commerce et de l’industrie. Cela s’impose également pour les privatisations. De
même, toute opération faisant sortir une entreprise publique par la perte de la majorité des
parts de l’État doit faire l’objet d’une loi adoptée par le parlement. Seule la loi pouvait
permettre l’exploitation d’activités industrielles et commerciales par les personnes publiques.

Par ailleurs, l’Article 101 de la constitution ivoirienne attribue explicitement au domaine de


la loi certaines matières économiques ou sociales :

« Les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs
biens ; - l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; -
le régime d'émission de la monnaie ; - les modes de gestion publique des activités
économiques et sociales ; - la création de catégories d'établissements publics ». Selon
toujours le même Article 100, la loi fixe également « le régime de la propriété, des droits
réels et des obligations civiles et commerciales ; - du droit du travail, du droit syndical et des
Institutions sociales ; - de l'aliénation et de la gestion du domaine de l'Etat et de celui des
collectivités territoriales ; - du transfert d'entreprises du secteur public au secteur privé ; -

28
de la mutualité et de l'épargne ; - de l'organisation de la production ; du régime des
transports et des télécommunications ; - du régime des ressources et des charges de l’Etat ;
- de la programmation des objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat ».

Il s’en suit que c’est clairement au parlement que revient le soin d’élaborer les sources du
droit public économique. Nonobstant ce rôle majeur reconnu au le législateur, il n’est pas la
seule source privilégiée du DPE. Le pouvoir règlementaire s’y intéresse également et
fortement dans les limites fixées par le droit administratif.

3) Le règlement
Le pouvoir règlementaire économique c’est d’abord le pouvoir règlementaire général. Sous
ses diverses formes que la constitution ivoirienne confie dans son article 64 qui prévoit
notamment que : « Le Président de la République détermine et conduit la politique de la
Nation ». Ainsi, le Président de la République a le pouvoir de réglementer l’exercice des
activités économiques. De plus en vertu de l’Article 74 de la constitution il a l'initiative des
lois, concurremment avec les membres du Parlement. Fort de cela, il est généralement
l’initiateur de toutes les lois votées en matière économiques.

Par ailleurs, le Premier Ministre est censé également prendre des règlements en matière
économique dans la mesure où l’Article 82 de la Constitution dispose que : « Le Premier
ministre anime et coordonne l'action gouvernementale. […]Le Premier ministre supplée le
Président de la République lorsque celui-ci et le vice-Président de la République sont hors du
territoire national ».

Enfin le ministre de l’économie et des finances dispose d’une vraie police spéciale en matière
économique. Ainsi, le gouvernement par son biais peut par exemple imposer des charges
financières et règlementer les charges publiques. De même, les activités économiques
publiques peuvent faire l’objet d’aménagements règlementaires sous la houlette du ministre
de l’économie.

Aussi, le secteur public peut être réorganisé par le gouvernement sans le parlement. Le
Gouvernement peut également créer des établissements publics appartenant à une catégorie
préexistante, les fusionner, tout en précisant les règles de la compétence.

4) L’apport du juge

29
En principe en vertu de la théorie de la séparation des pouvoirs, le juge n’est pas une autorité
compétente dans l’élaboration des sources de droit. Ce rôle, comme on l’a vu, est
originellement dévolu au législateur et au constituant.

Il suit de ce qui précède que le juge ne dispose d’un pouvoir normatif primaire dans
l’élaboration des sources du droit public économique. Néanmoins, la jurisprudence apparait
comme une source secondaire et supplétive du droit, protectrice des libertés publiques
notamment en matière économiques17. Elle peut en effet secrétée une source non écrites en
matière du droit économique publique dans la mesure où son pouvoir d’interprétation vient
enrichir le corpus constitutionnel et législatif de tout droit18.

Les Principes généraux du droit (PGD) dégagés par les juges du Conseil d’État à la fin du 20 e
siècle en sont une illustration des plus éclatantes. Il convient de relever que de nombreux
principes généraux du droit se rattachent aux notions d’égalité, de liberté et de protection des
libertés fondamentales notamment en matière économique ont été dégagés par le juge. Elles
s’imposent à l’administration et leur violation est considérée comme une violation de la règle
de droit. Il s’agit entre autres du principe le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie (V. par exemple CE Sect., 13 mai 1994, requête numéro 112409). Lequel principe
avait été indirectement reconnu dans l’arrêt « Dames Dol et Laurent » (CE, 28 février 1919).
On rappellera l’arrêt DAUDIGNAC, 22/06/1951 où le conseil d’état assurait que la liberté
du commerce et de l’industrie est garantie par la loi. On remarquera que la légalité des
mesures interventionnistes prises par le gouvernement ont été plusieurs fois sanctionnées par
le conseil d’état (CE Ass 19/06/64 Sté Pétrole SHELL – BERRE & autres). Ainsi,
plusieurs arrêts du conseil d’état sanctionnant les atteintes à la liberté du commerce et de
l’industrie sont devenus des sources indirectes du droit public économique.

Mieux, il est bon de souligner que les sources du droit public économique peuvent résulter
des règles non écrites et que certaines ont même une valeur constitutionnelle. À ce titre, ont
désormais une valeur constitutionnelle des Principes Généraux du Droit s’attachant au travail,
la liberté syndicale, la liberté d’entreprendre, de commerce et de l’industrie. On pourrait

17
Dans le « silence et l’obscurité de la loi », le juge ne peut se dérober à l’exercice d’un pouvoir créateur des
normes au risque d’être accusé de déni de justice à l’occasion d’un litige dont il a la lourde responsabilité de
trancher.
18
Dans le rôle naturel qui est le sien, le juge est appelé à appliquer les dispositions relatives aux droits des
libertés publiques en matière économique. Toutefois, le silence et l’imprécision de certaines dispositions oblige
le juge à utiliser son pouvoir d’interprétation, de suppléance et d’adaptation. Ce qui est indispensable pour
combler les lacunes des textes ou trancher dans l’ambiguïté de ceux-ci. Ce pouvoir reconnu au juge peut
déboucher sur la définition d’un droit ou d’une liberté ; par les normes qu’il crée ainsi, le juge devient par
ricochet une des sources du droit des libertés publiques.
30
encore citer de nombreux autres PGD en rapport avec le DPE ayant une valeur
constitutionnelle.

B. Les sources externes

1) Les sources communautaires


Le DPE apparait de plus en plus tributaires du Droit Communautaire eu égard aux directives
européennes tout comme l’ensemble du système juridique français (privé ou public). Plusieurs
dispositions communautaires ont pour objectif principal de favoriser l’établissement d’un
marché unique, libre circulation des capitaux et des marchandises. Le traité de Rome entend
imposer le respect de ces directives par les entreprises privées et publiques. Le droit
communautaire est plus porté sur l’économie. Quatre libertés fondamentales : libre circulation
des marchandises, des personnes, des services et des capitaux.

Cette même situation prévaut en Afrique notamment en Côte d’Ivoire avec l’intégration
économique monétaire et financière entre Etats. Ce qui a permis de générer des sources
externes du droit public économique notamment à travers notamment le droit OHADA, le
droit économique applicable aux pays faisant partie de l’UEMOA et des normes ou directives
économiques de la CEDEAO applicables à l’ensemble des pays membres.

2) Les sources internationales


Les règles qui s’imposent à l’État en matière économique sont de plus en plus nombreuses et
ont des effets de plus en plus directs sur les opérateurs nationaux. L’économie
s’internationalise (mondialisation) et les conventions et traités internationaux ont toujours été
chargés de contenus économiques ce qui donne naissance aujourd’hui à un droit international
économique. L’activité économique, même française, n’est plus enfermée dans des frontières.
Toute intervention de l’État dans le domaine économique doit prendre en considération les
aspects internationaux. La volonté d’organiser un ordre économique mondial conduit à la
conclusion de plusieurs conventions économique : transports internationaux, pour la
commercialisation de certains produits ou pour les échanges internationaux (GATT, OMC).
En vertu de l’art 55 de la Constitution française, l’État français est tenu de respecter les
engagements internationaux. En droit ivoirien l’article 123 de la Constitution dispose que
« les Traités ou Accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque Traité ou Accord, de son application
par l'autre partie. ».

31
Les engagements internationaux permettent la régulation des échanges, des relations
monétaires et des investissements. Il faut aussi tenir compte des résolutions des
organisations internationales, des coutumes internationales et des principes généraux posés
par la Cour internationale de justice de la Haye. Le droit national est affecté par les
engagements internationaux bilatéraux et multilatéraux.

En droit international, un traité est applicable dans l’ordre interne s’il est régulièrement
ratifié, publié et appliqué par l’autre partie. En général, il n’affecte immédiatement et
directement la situation des individus et des personnes morales autres que l’État. Rare sont les
régimes immédiatement applicables (self exécuting), dont la seule adoption suffit à obliger les
États. Il existe surtout des règles qui n’entreront en vigueur qu’après un acte d’intégration
dans le droit national pris par les autorités du pays concerné. Du reste, comme l’assure le
Conseil d’État français, qu’il ne suffit pas qu’un traité qualifie une norme de directement
applicable pour qu’elle le soit effectivement : elle doit être aussi suffisamment précise19.

On observera que les engagements internationaux font souvent référence aux grands
principes de droit international susceptible d’affecter le droit national ou interne.

- La souveraineté économique des États, dans les limites des traités signés, est
reconnue par la charte des droits et devoirs économiques des États du 14 décembre
1974. Chaque pays détient et exerce sa souveraineté entière et permanente sur toutes
ses richesses naturelles et ses activités économiques. Il les utilise et en dispose
librement, pouvant aussi bien les nationaliser que les attribuer au secteur public ou
privé.
- Le principe de territorialité empêche un État quel qu’il en soit d’édicter des mesures
économiques qui atteindraient des personnes se trouvant hors du territoire national :
l’action étatique s’arrête aux frontières. Un pays a néanmoins la possibilité de signer
un traité avec un autre pays pour apporter des restrictions à cette règle. Mais, il ne peut
prescrire, ou interdire, des activités sur la mer extraterritoriale ou l’espace extra-
atmosphérique : mais attendu que la convention de Genève du 29 avril 1958 sur le
plateau continental accorde des droits d’exploration et d‘exploration aux riverains.

- Enfin, le principe d’égalité, régulièrement mentionné dans les conventions


internationales, est susceptible d’avoir des incidences sur les droits nationaux.

19
Jean-Paul Valette, Droit public économique, op, cit. p. 47.
32
Pour finir notons que le contrôle de l’application des traités relève de la Cour international
de justice (CIJ), mais il dépend aussi des juridictions nationales qui ont la charge d’assurer le
respect de la primauté des traités sur les lois. Ce principe est posé, en Côte d’Ivoire, par
l’article 123 précité de la Constitution.

PREMIERE PARTIE I : LES ORGANES PUBLICS D’ACTION ECONOMIQUE

Les organes publics d’action économique, autrement dit les acteurs (publics) du droit public
économique sont nombreuses et diverses. Parmi les acteurs du DPE en Côte d’Ivoire on
observera la présence des acteurs institutionnels et les démembrements de l’Etat. On
envisagera successivement l’étude des institutions centrales acteurs du droit public
économique (CHAPITRE I) et les institutions décentralisées (CHAPITRE II).

CHAPITRE I : LES INSTITUTIONS CENTRALES.

Les institutions politiques (Président de République, Premier Ministre, membres du


gouvernement) jouant un rôle en matière de droit public économique n’ont pas tous le même
poids aujourd’hui qu’autrefois sur le jeu des acteurs économiques. Ils ont des fonctions

33
différentes. Ce qui doit être retenu c’est que lorsqu’on a appréhendé les relations entre l’État
et le marché, on a affirmé pendant longtemps la supériorité de l’État sur le marché. C’est en
raison de cette supériorité de la puissance publique que l’État est devenu interventionniste.

En réaction, il y a eu le mouvement inverse (libéralisme, privatisation, mondialisation…).


Cette globalisation a eu une conséquence importante telle que la supériorité ou la toute-
puissance de l’État dans le droit public économique s’est rétrécie. C’est le marché qui
s’impose aujourd’hui. Les États ne sont plus à même aujourd’hui de peser sur le marché et ne
font que suivre la loi du marché. Or avant, l’État avait le pouvoir d’influencer sa propre
économie. Mais aujourd’hui, force est de constater qu’il n’est plus confronté à sa propre
économie mais à un marché économique mondial. Les Etats tentent de rééquilibrer cette
situation en évoluant dans leur rôle qui est maintenant la régulation du marché. Les
institutions actuelles sont le reflet de cette situation

SECTION I : LES INSTITUTIONS ÉTATIQUES GENERALES

Au titre des institutions étatiques générales, nous passerons en revue le rôle de l’exécutif en
matière de droit public économique (Paragraphe 1) et le rôle du parlement (Paragraphe 2).

Paragraphe I : Le rôle du pouvoir exécutif

Le pouvoir exécutif incluant le Président de la République (A) et le gouvernement (B), nous


aborderons successivement le rôle de chacun de ses acteurs.

A. Le Président de la République

On sait que le Président de la république en sa qualité de chef de l’exécutif a un rôle


prééminent en matière de droit public économique. Il a un pouvoir d’intervention, de direction
dans tous les domaines, notamment en matière économique. Cela d’autant plus comme il a été
déjà dit la constitution ivoirienne dispose dans son Article 64 que : « Le Président de la
République détermine et conduit la politique de la Nation ». Fort de cette disposition
constitutionnel, le Président de la République a le pouvoir d’intervenir pour mettre en place
ou règlementer l’exercice des activités économiques.

Il est constant que le Président de la République étant généralement élu sur la base de son
programme économique (les douze chantiers d’éléphants d’Afrique, la solution ou émergence
à l’horizon 2020), soit le mieux amène que quiconque de mettre en place la politique
économique du pays. En conséquence, l’inspirateur du droit public économique de l’Etat.

34
Ainsi, le Président de la République apparait incontestablement comme le tout premier acteur
du droit public économique.

B. Le gouvernement

Le gouvernement comprend le Premier Ministre et ses ministres. Quel peut être le rôle en
droit public économique ?

1. Le Premier Ministre
Comme on l’a vu précédemment, le Premier Ministre est censé joué un rôle non négligeable
comme acteur du droit public économique. D’autant l’Article 82 de la Constitution fait de lui
l’animateur et le coordonnateur de l’action gouvernementale. A ce titre, il est habilité à
prendre les dispositions pour faire appliquer ou suivre de près la politique économique de
l’Etat, plus encore, intervenir comme acteur du droit public économique. Le pouvoir du
premier ministre dans ce domaine est susceptible de se renforcer davantage dans les périodes
où il est amené à suppléer le Président de la République en occurrence lorsque celui-ci et le
vice-Président de la République sont hors du territoire national.

Contrairement à la Côte d’ivoire, en France on remarquera qu’au terme de la Constitution


française, c’est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation y compris
la politique économique de celle-ci et cela se fait sous la conduite du Premier Ministre, chef
de la majorité. Ce pouvoir du PM français est beaucoup plus prégnant en période de
cohabitation.

2. Les autres membres du gouvernement


Les autres membres du gouvernement comprennent l’ensemble des ministres. Tous ne sont
pas de véritables acteurs dans le domaine du droit public économique. Seul le ministre de
l’économie et des finances jouent réellement un rôle d’acteur dans ce domaine.

En effet, ce ministère est voulu par tous les Etats pour servir une administration de
l’économie assumant les fonctions économiques de l’Etat. En 1930, apparaît un sous-
secrétariat d’état chargé de l’économie nationale. Le fait qu’il y a création d’un ministère de
l’Economie, les directions du budget et du trésor dans les administrations financières sont
devenus les principaux outils de l’interventionnisme de l’État en matière économique. Le
Trésor a été qualifié centre d’impulsion de la vie économique. À l’intérieur du Ministère de
l’Economie et des Finances, il y a généralement ce qu’on appelle DGCRF, la Direction
Economique Extérieure, le Commerce Intérieur, les douanes.

35
Par ailleurs, on observera que le ministre de l’économie et des finances dispose d’une vraie
police spéciale en matière économique. Ainsi, le gouvernement peut par exemple à travers ce
ministère imposer des charges financières et règlementer les charges publiques. De même, les
activités économiques publiques peuvent faire l’objet d’aménagements règlementaires. Aussi,
par son canal le Gouvernement peut également créer des établissements publics appartenant à
une catégorie préexistante, les fusionner, tout en précisant les règles de la compétence.

Paragraphe 2 : Le rôle du pouvoir législatif

Le parlement est une structure peu adaptée à l’interventionnisme économique. Il n’y a pas au
parlement de représentation économique.

Cela dit, on sait que l’Article 101 de la constitution ivoirienne donne des possibilités
importantes pour légiférer en matière économique. C’est en effet, le parlement qui fixe les
règles et qui détermine les principes fondamentaux dans le domaine économique. On
rappellera aussi que le parlement est également compétent pour fixer les grands principes
fondamentaux pour les matières civiles et commerciales (contrats et sociétés). De même, toute
opération faisant sortir une entreprise publique par la perte de la majorité des parts de l’Etat
doit faire l’objet d’une loi adoptée par le parlement. Encore seul le parlement autorise par un
vote de loi la possibilité de l’exploitation d’activités industrielles et commerciales par les
personnes publiques.

En dépit de ce rôle important du parlement, il est bien connu que le parlement ne peut faire le
poids face à l’exécutif dans notre système politique présidentialiste, ce qui ne lui a pas permis
de maitriser réellement l’économie. D’ailleurs la plupart des initiatives du parlement en
matière économique émane généralement dans l’exécutif. De plus, des secteurs de l’économie
ont été attribués au pouvoir réglementaire. Il faut noter encore que les compétences de
l’UEMOA et la CEDEAO dans le cadre du droit communautaire ont dépossédé encore le
Parlement ivoirien de ses fonctions législatives en matière économique (de facto, une baisse
de son pouvoir).

SECTION II : LES INSTITUTIONS DECONCENTREES

36
Il s’agit ici de l’administration économique de l’Etat à un niveau déconcentrée, prolongement
de l’administration centrale20. Avant d’aborder l’administration économique déconcentrée, il
faut voir les cadres géographiques de cette administration.

Paragraphe I : les cadres géographiques de l’administration déconcentrée et leur


administration économique

La déconcentration est à l’heure actuelle le droit commun de l’organisation administrative.


Traditionnellement, l’administration centrale était l’échelon compétent sauf délégation donnée
au niveau déconcentré. Divers textes sont intervenus pour instaurer le fait que la compétence
des administrations centrales est limitée aux affaires nationales insusceptibles d’être
déléguées par déconcentration. Les administrations nationales ont une compétence
d’impulsion, d’orientation, d’évaluation et de contrôle. Toutes les autres missions de l’état
sont déconcentrées au niveau de la Région ou du département.

A. Les circonscriptions régionales de base


La Côte d’Ivoire a été d’abord découpée en départements et plus tard on a inventé le cadre
régional essentiellement pour des raisons économiques. On procède à un découpage régional
pour y implanter certains services de l’État. Avec la décentralisation survenue après, le préfet
de région apparaît avec des pouvoirs renforcés en matière économique. La région,
circonscription administrative apparaît désormais comme un échelon des plus importants de
l’État. Plus particulièrement, elle apparaît comme étant indispensable dans l’action
économique de l’État.

B. Les circonscriptions départementales

Le département est une autre circonscription administrative, plus réduite que la région. On
remarquera que le département n’a pas de fonction particulière en matière économique mais
l’Etat intervient dans de nombreux domaines économiques sur le plan départemental. Ex : la
Direction département de l’économie, la Direction départemental de l’étude et de la
promotion économique, la Direction département des impôts, du travail, de l’agriculture etc.

20
La déconcentration est la technique d’organisation administrative dans laquelle le pouvoir central, c’est-à-dire
l’Etat se trouve représenté dans les différentes circonscriptions administratives par des agents qui agissent au
nom et pour le compte de l’Etat. Exemple le préfet.
37
Le département est le principal échelon de mise en œuvre des politiques de l’État, y compris
les politiques économiques sous l’autorité du préfet. Mais le préfet a pour mission de faire
prévaloir l’intérêt national sur l’intérêt local.

Paragraphe 2 : l’administration économique déconcentrée


Les services déconcentrés sont devenus compétents pour toutes les affaires qui n’ont pas un
caractère national ou pour toutes les affaires qui ne peuvent être déléguées à un échelon
territorial.

A. Le préfet de région

Le préfet de région cumule traditionnellement deux fonctions : Préfet de région et préfet du


département chef-lieu de région. En sa qualité de représentant de l’Etat dans sa
circonscription, il a différentes attributions notamment sur le plan économique. Il met en effet
en œuvre la politique de l’Etat en matière d’aménagement du territoire, de développement
économique, développement rural, développement durable, culture, emploi, logement, santé
publique etc.

Pour accomplir ces taches, le préfet de région s’appuie sur généralement les chefs de services
déconcentrés, sur son secrétariat général.

B. Le préfet de département

Le préfet est le délégué du gouvernement dans son département, c’est le représentant direct du
Président de la République et de chacun des ministres du gouvernement. Depuis les lois de
décentralisation, son rôle s’est progressivement renforcé. Il dirige sous l’autorité des ministres
concernés les services déconcentrés de son département. Services déconcentrés qui ont
souvent une forte connotation économique (Direction départemental de l’étude et de la
promotion économique, la Direction département des impôts, du travail, de l’agriculture etc.)

Par ailleurs, il a des pouvoirs de police et peut exercer la police économique des prix, de la
répression des fraudes, contrôle de certains marchés, contrôle l’exercice de certaines
professions, préside des commissions.

SECTION III: LES INSTITUTIONS DECENTRALISEES

Il s’agit ici d’aborder dans cette section l’aspect économique ou les pouvoirs économiques des
collectivités décentralisées21. Les lois de décentralisation ont créé en Côte d’ivoire 4
21
Rappelons que la décentralisation c’est la technique d’organisation administrative dans laquelle le pouvoir
central, c’est-à-dire l’Etat crée des entités, des institutions auxquelles il confère la personnalité juridique et en
38
collectivités territoriales (commune, district, département, région) mais avec 3 exécutifs élus
(maire, gouverneur, président du conseil régional) et une assemblée délibérante (conseil
municipal, conseil du district et régional). Indéniablement, c’est la région et les districts qui
détiennent le rôle le plus important dans le domaine économique. Les autres collectivités
territoriales sont non négligeables bien que plus limitées.

Paragraphe 1 : L’essor de la décentralisation

Commencé avant l’indépendance avec la communalisation, le processus de décentralisation


va atteindre sa vitesse de croisière à partir de 2000 où il apparaît une nouvelle politique de
décentralisation qui envisage d'aller encore plus loin que les précédentes dans l'élargissement
et dans l'approfondissement de la décentralisation.

Un Comité National de développement des Collectivités Locales, et une Direction Générale


de la Décentralisation et de l'Aménagement du Territoire (DGDAT) ont été mises en place
pour atteindre cet objectif. Un deuxième atelier sur le transfert de compétences est organisé en
2001 et par la suite trois (3) importantes lois ont été adoptées par l'assemblée nationale.

Il s'agit de :

- la loi n° 2001-476 du 09 aout 2001 d'orientation sur la politique générale de l'administration


du territoire ;

- la loi n° 2001-477 du 09 aout 2001 relative à l'organisation du département ;

- loi n° 2002 - 04 du 03 janvier 2002 portant statut du personnel des collectivités territoriales.

Ces trois lois ont permis de mettre le cadre institutionnel pour l'avènement effectif des
départements comme collectivités territoriales décentralisées.

L'avènement des conseils généraux depuis 2002

Cette phase est marquée par l'élection des conseils généraux le 09 juillet 2002 et la disparition
des Fonds Régionaux d'Aménagement Rural (FRAR) anciennement logés au ministère du
plan et qui intervenaient en dehors du territoire communal. Les activités de ce fonds sont
confiées aux départements et aux districts.

conséquence l’autonomie administrative et financière.


39
A cet effet, 56 départements et deux districts ont été dotés de personnalités juridiques à
travers ces élus locaux. Le fonctionnement de ces nouvelles collectivités territoriales a
largement modifié le paysage de la décentralisation en Côte-d'Ivoire.

Deux autres lois essentielles ont été votées par l'assemblée nationale:

- la loi n° 2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l'état


aux collectivités territoriales ;

- loi n° 2003-489 du 26 décembre 2003 portant régime fiscal, financier et domanial des
collectivités territoriales.

Plusieurs décrets d'application ont été signés pour consacrer le transfert des compétences de
certains ministères au profit des conseils généraux (Annexes 1 et 2).

Cette phase est marquée par l'élection des conseils généraux le 09 juillet 2002 et la disparition
des Fonds Régionaux d'Aménagement Rural (FRAR) anciennement logés au ministère du
plan et qui intervenaient en dehors du territoire communal. Les activités de ce fonds sont
confiées aux départements et aux districts.

À cet effet, 56 départements et deux districts ont été dotés de personnalités juridiques à
travers ces élus locaux. Le fonctionnement de ces nouvelles collectivités territoriales a
largement modifié le paysage de la décentralisation en Côte-d'Ivoire.

Deux autres lois essentielles ont été votées par l'assemblée nationale:

- la loi n° 2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l'état


aux collectivités territoriales ;

- loi n° 2003-489 du 26 décembre 2003 portant régime fiscal, financier et domanial des
collectivités territoriales.

Plusieurs décrets d'application ont été signés pour consacrer le transfert des compétences de
certains ministères au profit des conseils généraux (Annexes 1 et 2).

Paragraphe 2 : la légitimité des interventions économiques des collectivités territoriales

Les lois de décentralisation ont été très favorables aux initiatives économiques des
collectivités territoriales. En effet, la décentralisation consacre des compétences nouvelles des
collectivités territoriales en matière économique. Il est alors acquis qu’elles concourent avec

40
l’Etat au développement économique. Il est bien connu que les communes, interviennent en
matière économique, laquelle est bien connue du droit administratif.

Les interventions économiques des collectivités territoriales visent les objectifs suivants :

- Favoriser le développement économique ;


- Protéger les intérêts économiques et sociaux de la population (aides aux entreprises en
difficulté) ;
- Maintenir des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en
milieu rural.
- mettre en place les équipements d'infrastructures et de superstructure et les maintenir
en bon état de fonctionnement ;
- favoriser le développement des activités économiques, promouvoir l'emploi et lutter
contre la pauvreté ;
En termes d'aménagement du territoire :

- contrebalancer l'hyper pouvoir attractif de la ville d'Abidjan tout en consolidant sa vocation


économique ;

- redistribuer l'activité économique et l'emploi sur toute l'étendue du territoire national, en


faisant des chefs-lieux de départements et de régions des pôles de développement économique
délocalisés ;

- ralentir l'exode rural, promouvoir le développement rural, redistribuer les flux migratoires
et mieux répartir la population nationale sur l'ensemble du territoire national ;

- renforcer et consolider l'armature territoriale nationale par le développement du réseau


urbain et des réseaux sectoriels d'équipement, ainsi que par l'apport d'un minimum de bien
être dans toutes les parties habitées du territoire national.

Si les interventions des collectivités territoriales sont admises, elles peuvent être tempérées.
Ainsi, elles doivent respecter tout comme l’Etat, la liberté de commerce et d’industrie et les
autres principes du droit public économique. En outre, les collectivités territoriales doivent
respecter les compétences économiques des autres collectivités territoriales. De plus, certaines
politiques relèvent de l’Etat et les collectivités territoriales ne peuvent substituer leur propre
politique à celle de l’Etat, elles ne peuvent que prolonger les politiques étatiques dans
certaines matières (défense de l’emploi). Il n’est pas toujours facile d’établir une frontière

41
claire entre ce qui relève de l’Etat et ce qui relève des collectivités territoriales, ni même entre
les collectivités territoriales.

La région a une clause générale de compétence en ce qui concerne les affaires de la région,
sous réserve de ne pas empiéter sur les autres collectivités territoriales. Le département a
également une compétence générale pour développer les affaires départementales. Il a
différentes compétences économiques mais moins marquées que pour la région.

La commune possède aussi une clause de compétence générale pour les affaires de son
ressort. Les lois de décentralisation lui ont attribué des compétences en matière d’urbanisme.
Elles peuvent agir en matière économique (zones industrielles, artisanales), compétence dans
les ports de plaisance, dans les aéroports.

Certains auteurs considèrent que le bilan des collectivités territoriales est très limité. Et pour
cause : les collectivités territoriales n’ont pas une autonomie financière suffisante. D’autres
pensent que les résultats de l’interventionnisme sont mineurs voire négatifs. Enfin, certains
affirment que les compétences sont parfois facultatives, dispersées, concurrentielles. Dès lors,
on peut remarquer une certaine confusion sur les rôles respectifs de chacune voire un certain
désintérêt des collectivités pour ces actions.

Cependant, les critiques sur l’action des collectivités territoriales ne doivent pas masquer les
qualités de certaines interventions économiques qui ont une incidence heureuse sur le
développement économique. Il faut remarquer que la décentralisation qui est encore récente
en Côte d'Ivoire a entraîné un bouleversement profond des institutions. Cela s’accompagne
alors obligatoirement d’une période d’adaptation, de tâtonnement. Il peut même y avoir des
aspects négatifs jusqu’à la recherche d’un nouvel équilibre.

42
CHAPITRE II : LES INSTITUTIONS ET ADMINISTRATIONS ECONOMIQUES
SPECIALISEES

On notera qu’en plus des administrations traditionnelles comme les ministères, il y a des
structures spécialisées qui sont les administrations de mission, de consultation, les autorités
administratives indépendantes (AAI) et les établissements publics qui tentent de jouer un rôle
majeur en DPE.

SECTION I : LES INSTITUTIONS ECONOMIQUES SEPECIALISEES : Le conseil


économique, social, environnemental et culturel

Le Conseil économique et social est une institution de la Côte d’Ivoire établie par la
Constitution. Il constitue auprès des pouvoirs publics de ce pays, une assemblée consultative
qui assure la représentation des principales activités économiques et sociales, favorise la
collaboration des différentes catégories professionnelles entre elles et contribue notamment à
l’élaboration de la politique économique et sociale du Gouvernement. Le Conseil économique
et social donne son avis sur des projets de lois, d’ordonnance ou de décret ainsi que des
propositions de lois.

Selon l’article 163 de la constitution ivoirienne, le Conseil économique et social, désormais


appelé Conseil économique social, environnemental et culturel « donne son avis sur les
projets de loi, d'ordonnances ou de décrets ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont
soumis. Les projets de loi de programme à caractère économique, social, environnemental et
culturel lui sont soumis pour avis. Le Président de la République peut consulter le Conseil
économique, social, environnemental et culturel sur tout problème à caractère économique,
social, environnemental et culturel ».

43
SECTION II : LES ADMINISTRATIONS DE MISSION

On observera que les administrations de mission s’opposent aux administrations de gestion et


les administrations de mission ont proliféré. Parfois, elles ont eu des formes variées qui les a
rendues dans certains cas difficiles à déceler. L’administration de mission se caractérise par
les éléments suivants, elle peut être conçue pour réaliser une tache déterminée et disparaître
une fois la tâche accomplie.

L’administration de mission échappe à la hiérarchie traditionnelle, rattachée à un ministère. A


l’intérieur de l’administration de mission, la hiérarchie n’existe. C’est une structure légère,
lieu de rencontres et confrontation de diverses administrations. Son rôle n’est pas
généralement de faire mais de faire faire. Elle donne une véritable impulsion aux
administrations traditionnelles. On pourrait citer à titre d’illustration le Commissariat Général
au Plan en France et en Côte d’Ivoire la direction générale de l’économie et la direction de
l’étude et de la promotion économique

On observera que les administrations de mission ont pour certaines réussi leur objectif, à
fédérer les administrations, à contourner les blocages bureaucratiques et parfois elles ont
rencontré une certaine résistance des administrations classiques qui les ont retardées voire
bloquées.

SECTION III : LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES (A.A.I)

Les AAI sont des structures relativement modernes. Elles ont aussi connu un grand succès et
sont le résultat du mouvement de libéralisation qui affecte l’interventionnisme. Elles sont des
structures qui s’éloignent du type des administrations classiques, celles-ci étant considérées
comme politisées et bureaucratiques. Elles ont en effet fait leur apparition en Côte d’ivoire à
partir des années 1990. Elles se constituent pratiquement comme des institutions de l’Etat,
agissant au nom de celui-ci mais étant titulaire, d’une indépendance vis-à-vis des organes
exécutifs et législatifs. Elles sont créées en vue d’assurer la régulation, c’est-à-dire le
fonctionnement harmonieux, d’un secteur précis dans lequel le gouvernement ne veut pas
intervenir directement22.

Notons que ces AAI interviennent dans des secteurs divers et variés que sont : l'organisation
des élections, la régulation de la presse ou de la communication audiovisuelle, la promotion et

22
Il s’agit le plus souvent d’un domaine sensible, soit en raison de ses conséquences politiques possibles (information,
communication, l’audiovisuel), soit en raison de son impact économique (ex : télécommunication, concurrence. Et surtout en
raison de son rôle de garant et défenseur des droits fondamentaux et des libertés publiques (CNDHCI, le Médiateur).

44
la défense des droits de l’homme, la conciliation en matière de litige. Ce dernier point
concerne le MR (médiateur de la république) dont il faut dire un mot. Beaucoup d'AAI
défendent, promeuvent et protègent les libertés fondamentales. Ils jouent un rôle important
dans la protection des libertés publiques de manière générale et les libertés économiques pour
ce qui nous concerne ici. En raison de la sensibilité de leurs domaines d’intervention, la loi
leur a donc conférée la nature d’autorité administrative indépendante.

La fonction de l’AAI est donc de réguler particulièrement dans le domaine économique. Il


convient de passer en revue certaines d’entre elles notamment celles qui ont un véritable
impact sur le droit public économique.

Paragraphe I : l’ANRMP (Autorité Nationale de Régulation Marchés Publics)

L’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics est un Organe Spécial Indépendant,
qui était jusque-là rattaché au ministère de l’économie et des finances en charge des marchés
publics. Elle est désormais rattachée à la Présidence de la république. Son siège est fixé à
Abidjan. Des antennes régionales peuvent, en tant que besoin, être créées, sur délibération de
l’organe plénier, le Conseil.

A. Origines et raisons de la création de l’ANRMP


On observera que le système des marchés publics en Côte d’Ivoire a connu deux grandes
réformes. La première est intervenue à la suite d’une étude diagnostique réalisée à l’initiative
du Ministère de l’Economie et des Finances sur la base des recommandations des ministères,
des institutions, des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux et le secteur privé. Cette
réforme a débuté en juin 1999. L’objectif visé était de mettre en place un système des marchés
publics plus performant et plus transparent devant conduire à l’instauration d’un
environnement propice et à l’amélioration de la gestion des dépenses publiques. Les résultats
de cette réforme ont permis l’adoption du décret n° 2005-110 du 24 février 2005 portant Code
des marchés publics qui a consacré le transfert des compétences traditionnelles de la Direction
des Marchés Publics à de nouveaux acteurs par la déconcentration et la décentralisation de la
fonction marché.

Cependant, la mise en œuvre de ces mécanismes a coïncidé avec l’adoption au niveau


régional de deux directives. Il s’agit de la directive n° 04/2005/CM/UEMOA portant
procédures de passation, d’exécution et de règlement des marches publics et des conventions
de délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine et de
la directive n°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marchés publics et des
45
conventions de délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine. Dès lors, il s’est avéré nécessaire de transposer les dispositions de ces directives
dans la réglementation nationale des Etats membres de l’UEMOA.

L’harmonisation des dispositions du Code des marchés publics avec la réglementation


communautaire a motivé cette deuxième reforme. Elle vise à renforcer la transparence des
marchés publics, l’efficacité de la lutte contre la corruption et la fraude et garantir les voies de
recours efficaces. C’est donc dans ce contexte que la transposition des dispositions des
directives au niveau national a permis une révolution réglementaire. Deux décrets ont été
adoptés en Conseil des Ministres le 06 août 2009. Il s’agit du décret n°2009-259 du 06 août
2009 portant Code des marchés publics et du décret n°2009-260 du 06 août 2009 portant
organisation et fonctionnement de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics.

En somme, la réforme du système des marchés publics, démarré depuis 1999 semble avoir
abouti cette fois-ci. Grâce à l’avènement concomitant du nouveau Code et de l’Autorité de
Régulation, l’on est plus que jamais assurer sans prétention aucune de la mise en place de
procédures de passation des marchés publics compatibles avec les exigences de la bonne
concurrence, d’efficacité économique de la dépense publique, de transparence et de célérité à
travers ces deux outils essentiels, importants et opportuns.

Veiller à l’application des principes de bonne gouvernance, notamment par la mise en œuvre
des moyens préventifs permettant de lutter contre la fraude et la corruption dans les marchés
publics et les délégations de service public, ainsi que la réalisation des audits indépendants de
la passation et de l’exécution des marchés publics et des délégations de service public sont
également au nombre des prérogatives de l’ARNMP.

B. Les missions de l’ARNMP


Pour ce qui est des missions de l’ARNMP, le Décret n°2009-260 du 6 août 2009 portant
organisation et fonctionnement de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics
(ANRMP) tel que modifié par le Décret 2013-308 du 8 mai 2013 ». l’Autorité de régulation a
pour missions, en matière de marchés publics et de délégations de service public, de :
formuler des avis au ministre chargé des marchés publics pour la définition et l’amélioration
des politiques en vue des actions de réforme du système des marchés publics ; définir les
politiques et les stratégies de formation et d’information des acteurs de la commande
publique ; définir les orientations pour l’animation et l’alimentation du système
d’information des marchés publics et du site Internet qui lui est consacré et d’en assurer la

46
surveillance ; veiller à l’application des principes de bonne gouvernance, notamment par la
mise en œuvre des moyens préventifs permettant de lutter contre la fraude et la corruption
dans les marchés publics et les délégations de service public ; réaliser les audits
indépendants de la passation et de l’exécution des marchés publics et des délégations de
service public et assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations ; régler les litiges
et différends nés à l’occasion de la passation et de l’exécution des marchés publics et des
délégations de service public faisant l’objet de recours portés devant elle par les participants
à la procédure des marchés publics ; assurer le suivi des décisions portant sur le règlement
des litiges dans les marchés publics ; prononcer des sanctions à l’encontre des candidats ou
titulaires des marchés publics et des délégataires de service public reconnus coupables
d’irrégularités et de fraudes ; créer et animer un cadre d’échanges et d’écoute de l’ensemble
des acteurs du système des marchés publics.

Pour mener à bien ses missions, l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics
exerce les attributions suivantes : identifier les faiblesses éventuelles du système des marchés
publics et proposer, sous forme d’avis, de recommandations, ou de décisions, toute mesure
législative, réglementaire, de nature à améliorer le système, dans un souci d’économie, de
transparence et d’efficacité ; collecter et analyser les données relatives aux aspects
économiques de la commande publique, produire annuellement au ministre chargé des
marchés publics, un rapport relatif aux conditions d’application du code des marchés
publics, au respect de ses principes directeurs, et faire des recommandations pour améliorer
la commande publique ; saisir l’autorité contractante des irrégularités constatées et lui faire
des recommandations et injonctions nécessaires et le cas échéant saisir toute institution
administrative ou judiciaire pour en connaître ; valider tout projet de texte législatif ou
réglementaire relatif à la commande publique ainsi que sur toute question tenant à la
commande publique dont elle aura été saisie par une autorité publique ; saisir ou assister, en
tant qu’organe de liaison des institutions communautaires de l’Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), la Commission de l’UEMOA dans le cadre de la
surveillance multilatérale en matière de marchés publics et de délégations de service public ;
tenir le fichier des entrepreneurs, fournisseurs et prestataires de service ayant commis des
irrégularités lors de la passation, de l’exécution des marchés publics et des conventions de
délégation de service public ou qui sont sous le coup d’une sanction ; participer à
l’élaboration des normes, spécifications techniques, et du système de management de la
qualité applicable aux marchés et conventions, en adéquation avec le schéma

47
d’harmonisation communautaire adopté au sein de l’UEMOA ; assurer la diffusion sur le site
web des marchés publics, de toute information ou documentation qu’elle jugera utile pour
servir les principes de bonne gouvernance et de renforcement des capacités en matière de
marchés publics.

En somme, l’Autorité de régulation a pour missions, en matière de marchés publics et de


délégations de service public de formuler des avis au ministre chargé des marchés publics
pour la définition et l’amélioration des politiques en vue des actions de réforme du système
des marchés publics. En outre, de veiller à l’application des principes de bonne gouvernance,
notamment par la mise en œuvre des moyens préventifs permettant de lutter contre la fraude
et la corruption dans les marchés publics et les délégations de service public, ainsi que la
réalisation des audits indépendants de la passation et de l’exécution des marchés publics et
des délégations de service public sont également au nombre des prérogatives de l’ARNMP.

Cette Autorité, règle enfin, les litiges et différends nés à l’occasion de la passation et de
l’exécution des marchés publics et des délégations de service public faisant l’objet de recours
portés devant elle par les participants à la procédure des marchés publics.

L’Etat de Côte d’Ivoire a donc prescrit que l’ANRMP est une Autorité Administrative
Indépendante dotée de la personnalité juridique ainsi que de l’autonomie financière. Sa
composition tripartite et paritaire (administration, du secteur privé et de la société civile) est le
gage de son indépendance dans l’exercice de ses missions de régulation.

Paragraphe 2 : La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance

La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance fait partie des instruments mis en place par le
gouvernement ivoirien dans le cadre de son plan national de lutte contre la corruption et la
délinquance économique et financière. La HABG est une Autorité Administrative
Indépendante dotée de la personnalité morale ainsi que de l’autonomie financière. Elle est
placée sous l’autorité du Président de la République. La HABG assure une mission de
prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Pour ce faire elle
dispose d’une compétence juridictionnelle sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, elle donne des avis et des conseils pour la prévention de la corruption à toute
personne physique et morale ou à tout organisme public ou privé. Elle fait également des
recommandations sur les mesures d’ordre législatif et réglementaire de prévention et de lutte

48
contre la corruption. Elle contribue à la moralisation de la vie publique économique et
consolide les principes de bonne gouvernance.

Une autre mission de la HABG consiste le cas échéant à mener des investigations sur les
pratiques de corruption et à identifier les auteurs présumés et leurs complices pour initier les
poursuites. Afin de pourvoir réaliser sa mission, elle reçoit les rapports d’inspections et
d’audits des organes et structures de contrôle et de détection de l’Etat en matière de lutte
contre la corruption ainsi que la déclaration de patrimoine des responsables publics. Elle peut
le cas échéant, saisir le Procureur de la République près la juridiction compétente.

Paragraphe 3 : L'Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire


(ARTCI)

A. Sa création
L’ARTCI a été créé par l'Ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 à l'issue de la fusion du
Conseil des Télécommunications de Côte d’Ivoire (CTCI) et de l’Agence des
Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI). L’ARTCI est une autorité administrative
indépendante dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

Les missions de l’ARTCI sont déterminées par l’ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012
susvisée. Le siège de l’ARTCI est fixé à Abidjan. Il peut être transféré en tout autre lieu du
territoire national, après avis conforme du Conseil de Régulation.

Les missions de régulation sont exercées par l’ARTCI de façon indépendante, impartiale et
transparente.

B. Ses missions
Les missions de l’ARTCI consistent à :

- Définir les principes et autoriser la tarification des services qui sont fournis sous le régime
du monopole,

- Délivrer les autorisations d’exploitation des services de Télécommunications,

- Accorder les agréments des équipements terminaux,

- Protéger les consommateurs

- Réguler l’internet, la concurrence, l’interconnexion

- Affecter le spectre des fréquences destinées aux acteurs des télécommunications/ TIC.

49
- Contribuer à l’exercice de toute autre mission d’intérêt public que pourrait lui confier le
gouvernement pour le compte de l’Etat dans le secteur des Télécommunications,

- Contribuer à l’exercice des missions de l’Etat en matière de défense et de sécurité Publique,

- Réguler le secteur postal,

- Protection des données à caractère personnel,

- Gestion des transactions électroniques,

- Gestion des noms de domaines et des adresses Internet de la Côte d'Ivoire,

- Gestion du point d'échange Internet de la Côte d'Ivoire.

L’ARTCI est en effet tenue de produire, chaque année, au plus tard le 30 mars, un rapport
d’activité. Ce rapport est communiqué au ministre chargé des Télécommunications. Il est
publié sur le site Internet de l’ARTCI.

Comme on le voit, les AAI sont des autorités administratives pouvant prendre des actes
administratifs unilatéraux. Elles sont indépendantes au sens où elles sont soustraites à tous
pouvoir hiérarchique. Elles ne reçoivent ni ordre, ni instruction des administrations ou du
gouvernement. Les AAI ont pour fonction la régulation du marché et pour cela, elles
disposent d’un pouvoir réglementaire dans leur domaine de compétence et particulièrement un
pouvoir de sanction envers e opérateurs économiques méconnaissant la réglementation.

SECTION IV : LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX

Les établissements publics sont des services publics érigés par l’Etat au rang de personnes
morales qui se caractérisent par la spécialité de leur mission, c'est-à-dire qu’ils ont une tache
spécifique dont ils ne peuvent sortir. Ce sont des services d’intérêt général dont l’Etat pense
qu’ils seront mieux gérés sous la forme d’établissement public et que par conséquent l’Etat
érige en personne morale de droit public. C’est le cas de l’université de Korhogo qui est un
établissement public dont la mission est l’enseignement et la recherche ; l’hôpital notamment
le CHR de Korhogo a pour mission de soigner.

Suivant la loi n° 80-1070 du 13 septembre 1980 sur les EPN, ils sont créés pour gérer un
service public déterminé et ils ne peuvent aller au-delà de la mission qui leur est confiée.
Notons que cette loi de 1980 avait créé deux catégories d’EP conformément à la constitution.
D’une part, les établissements publics administratifs (EPA), et d’autre part, les établissements

50
publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Mais la création a proprement parlé des
différents établissements publics à l’intérieur des catégories prévues par la loi était laissé au
soin du pouvoir exécutif23.

Il est important de souligner que les Services Public Administratifs (SPA) et les Service
Public Industriels et Commerciaux (ci-après SPIC) font partie des démembrements de l’Etat.
Ils sont la manifestation même du DPE. En effet, les SPA correspondent aux activités
traditionnellement prises en charge par les personnes publiques, les règles qui leur sont
applicables sont dominées par le droit public. En revanche, parce que leurs activités relèvent
de la sphère marchande, où la réalisation de profits égale la satisfaction des besoins collectifs,
les SPIC sont principalement régis par des règles de droit privé. Par ailleurs, le régime
juridique des SPA dépend de la personne qui gère le service, tandis que cet élément n’a plus
d’importance pour les SPIC.

Analysons les règles particulières aux SPA et celles des SPIC.

Paragraphe 1 : Les règles particulières à chaque catégorie d’EPN

Alors que les règles générales s’appliquent à l’aspect service public, les règles particulières
visent les caractères du service public. Ainsi convient-il de distinguer deux (2) catégories de
services publics : les Services Publics Administratifs (SPA), et les Services Publics Industriels
et Commerciaux (SPIC), droit privé.

Cette distinction a été opérée par un arrêt du Tribunal des conflits de 1921 Société
commerciale de l’Ouest africain à propos d’un bac maritime de transport, fonctionnant
en Côte d’Ivoire alors colonie française. Le Tribunal des conflits a considéré que
l’administration exploitait le service « dans les mêmes conditions qu’un industriel
ordinaire ».

Trois critères principaux sont donc retenus par le juge pour distinguer les deux (2) catégories
de service. Ce sont respectivement ceux tirés de l’objet du service, son mode de financement
et ses modalités d’organisation et de fonctionnement.

A. L’objet du service
23
Sur cette base, plusieurs EPN avaient été créés par décret du président de la république. Ces établissements ont
révélé des disfonctionnements graves dans leur gestion ce qui a provoqué l’avènement d’une nouvelle loi qui est
la loi 98-388 du 2 juillet 1998 relative aux EPN. (Cette loi est désormais abrogée par l'ordonnance du 28 déc.
2016, prise par le PR en Conseil des ministres)
51
Ce critère se réfère aux opérations auxquelles se livrent le service public, à sa nature. Si ces
opérations sont de même nature que celles d’une entreprise privée similaire, le service est
alors industriel et commercial (qualifié de SPIC). Ainsi, l’exploitation d’un bac initialement
qualifié de SPIC (arrêt du Tribunal des conflits de 1921) est désormais qualifiée de SPA (CE,
10 mai 1974, « Denoyez et Chorques »). Ce service public apparaît aujourd’hui comme ayant
pour objet la voirie routière dont il est le complément. De manière générale, les activités
d’intérêt général pour lesquelles la loi aménage un monopole de la puissance publique sont
qualifiées de SPA.

B. Le mode de financement du service


Ce critère se réfère à la provenance et à la nature des ressources du service. Un SPIC doit être
financé pour l’essentiel par les redevances payées par les usagers en contrepartie de la
prestation qui leur est fournie. La redevance perçue est calculée de manière à correspondre au
coût réel du service. Par conséquent, un service public gratuit (école) ne peut être considéré
comme un SPIC. Au contraire, un SPA sera principalement financé par des recettes fiscales,
par des taxes ou par des subventions. Selon son mode de financement, une même activité de
service public peut être considérée soit comme un SPA soit comme un SPIC. Si le service est
alimenté par des redevances payées par les usagers en contrepartie des prestations reçues, il
revêt un caractère industriel et commercial. Dans le cas contraire, il alors il est administratif
(SPA). Dans le premier cas (SPIC) la redevance est proportionnelle au service rendu alors que
dans le second cas (SPA) s’il y une taxe est prélevée, elle est proportionnelle aux capacités du
contribuable.

C. Les modalités d’organisation et de fonctionnement du service public


La dernière condition dégagée par la jurisprudence tient aux modalités d’organisation et de
fonctionnement du service public. Si le service public est exploité « dans les mêmes
conditions qu’un industriel ordinaire », il présente alors le caractère de SPIC.

Ces modalités ou conditions ont trait au recours aux usages du commerce, à la réalisation de
bénéfices, aux modalités d’organisation semblables à celles des entreprises privées,
notamment la soumission aux règles de la comptabilité privée. Exemple : L’arrêt BAC
d’Eloka du 22 janvier 1921. Si, au contraire, le service ne fonctionne pas dans les mêmes
conditions qu’une entreprise privée, il revêt un caractère administratif.

52
De façon générale, les conditions de gestion d’un SPIC doivent être comparables à celles
d’une entreprise commerciale (comptabilité, recherche de l’équilibre financier, large
application du droit privé).

Paragraphe 2: Le régime juridique des SPA et des SPIC

A. Le régime juridique des SPA


Pour ce qui est des SPA gérés par une personne publique (par ex : les universités, les
hôpitaux, les services sanitaires, les aides financières des collectivités, etc.). On observera
que :

– les actes de la personne publique gérant un SPA, qu’ils soient réglementaires ou


unilatéraux sont administratifs ;

– les contrats de la personne publique gérant un SPA sont administratifs, soit parce qu’ils
contiennent des clauses exorbitantes du droit commun ; soit parce qu’ils confient l’exécution
même du service public au cocontractant (la personne privée) ;

– les agents de la personne publique gérant un SPA recrutés par contrat sont considérés
comme des agents publics et les contrats en question réputés être des contrats administratifs
(TC, 25 mars 1990, Préfet du Rhône, M. Berkani c/ CROUS de Lyon, RFDA 1996, p. 823) ;

– la responsabilité de la personne publique gérant un SPA est engagée devant les juridictions
administratives (v. TC, 8 février 1873, Blanco, Rec. 61).

Par ailleurs, dans bien des cas, il arrive que des particuliers ou des organismes privés soient
soumis au droit administratif lorsqu’ils assument une activité administrative (Organisme
privé gérant un service public : C.E, Ass. 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et
Protection »24. Il est donc admis qu’une personne privée puisse gérer un service public et
qu’elle dispose, à cet effet, des prérogatives attachées à l’exécution d’un tel service.

24
Le service des assurances sociales est un service public, et sa nature de service public n’est pas affectée par le
fait qu’il est confié, notamment, à des caisses primaires qui sont des personnes morales de droit privé.
53
Cependant, lorsque le SPA est géré par une personne privée investie d’une mission de service
public, le recours au droit privé est plus fréquent : le droit public ne s’applique que sous
certaines conditions. Ainsi, les actes de la personne privée gérant un SPA seront des actes
administratifs unilatéraux s’ils sont pris dans l’exercice du service public. Ce sera le cas si la
personne privée met en œuvre une prérogative de puissance publique comme on le disait
tantôt. (Ex : une Fédération sportive qui organise une compétition nationale, qui établit un
règlement, qui exclut un membre sur le fondement de ce règlement, qui impose à ses
fournisseurs l’adoption de tel système de billetterie. Mais ce critère est loin d’être le seul).

En revanche les contrats de la personne privée gérant un SPA seront administratifs si et


seulement s’ils sont passés avec une personne publique et s’ils contiennent des clauses
exorbitantes du droit commun ou ont pour objet l’exécution même de la mission de service
public. Ainsi, un service public peut être géré par des personnes morales de droit privé, voire
par de simples particuliers. Ex : Arrêt Epoux Bertin (CE 20 Avril 1956.Q.A J A n° 79).

On remarquera par ailleurs que les agents de la personne privée gérant un SPA seront des
agents privés sauf loi contraire : recrutés par une personne privée, ils sont avec elle dans des
relations de droit privé. Et la responsabilité de la personne privée gérant un SPA est engagée
devant le juge judiciaire sauf si le préjudice résulte de la mise en œuvre de prérogatives de
puissance publique ou intervient dans le cadre de la mission de service public.

En Côte d’Ivoire, les Centre Hospitaliers Universitaires (CHU), les universités publiques
comme celle de Korhogo sont des exemples de SPA parmi tant d’autres.

B. Le régime juridique des SPIC


Il n’est alors plus nécessaire de distinguer selon que le SPIC est géré par une personne
publique ou une personne privée.

– Les actes des SPIC sont de droit privé, à l’exception du règlement d’organisation du service
public qui est un acte administratif unilatéral (TC, 15 janvier 1968, Cie).

Air France c/ Epoux Barbier, RDP 1968, p. 893, à propos du règlement fixant les conditions
de travail du personnel navigant commercial et dont l’article 72 interdisait aux hôtesses de
l’air de se marier). En revanche, lorsque l’acte émanant du gestionnaire du SPIC ne concerne
plus l’organisation du SPIC, le juge judiciaire est compétent.

54
– Les contrats des SPIC sont a priori des contrats de droit privé : il faut cependant distinguer
selon que le contrat est passé avec des tiers ou des usagers du SPIC :

Pour les contrats des SPIC avec les usagers : il existe un bloc de compétence judiciaire : tous
les contrats des SPIC avec leurs usagers sont des contrats de droit privé même s’ils
contiennent des clauses exorbitantes du droit commun (abonnement, redevances, etc) (CE,
Section 13 octobre 1961, Etablissements Campanon-Rey, Rec., p. 567).

Pour les contrats des SPIC avec les tiers : ces contrats (par ex : un contrat entre un EPIC et un
fournisseur) sont généralement de droit privé sauf s’ils sont passés avec une personne
publique et à la condition alternative qu’ils contiennent des clauses exorbitantes du droit
commun ou qu’ils confient à la personne privée l’exécution même du service public.

Les agents des SPIC sont dans une situation de droit privé avec le gestionnaire du SPIC sauf
loi contraire. Mais la jurisprudence reconnaît la qualité d’agents publics au directeur du
service public et au chef comptable (CE, 26 janv. 1923, Robert de Lafrégeyre, Rec., p. 67).
Les litiges les concernant relèvent du juge administratif.

La responsabilité des SPIC est principalement engagée devant le juge judiciaire. Le juge
administratif n’est compétent que dans deux cas : a) si la responsabilité découle de l’illégalité
de l’acte d’organisation du service public ; b) si les dommages résultent de la mise en œuvre
de prérogatives de puissance publique.

En Côte d’Ivoire, nous pouvons citer la SODECI ou encore la CIE comme SPIC.

Il n’est pas inutile de rappeler que tous les usagers doivent disposer des mêmes avantages,
qu’il s’agisse d'un SPA ou d'un SPIC ; il ne peut exister de systèmes préférentiels.
Néanmoins, l'application uniforme de règles égalitaires ne doit pas avoir pour effet d’accroître
les inégalités sociales. En effet, les prix ne doivent pas être les mêmes pour tous ; les plus
démunis doivent bénéficier de tarifs avantageux pour que l'égalité face aux services publics
soit garantie. Ainsi, les services publics doivent adapter leur offre à chaque usager pour
garantir l'égalité de tous. Il ne peut donc exister aucune discrimination au sein d’un service
public (exigence de neutralité et d’impartialité). Tous les usagers qui se trouvent dans la
même situation objective peuvent réclamer les mêmes avantages. Le juge administratif
sanctionne les discriminations pratiquées dans les services publics (inégalités de traitement,
discriminations tarifaires, etc.).

55
On observera que la gestion des activités économiques de l’Etat s’est réalisée dans beaucoup
de cas par l’intermédiaire de la structure de l’établissement public et plus particulièrement
l’EPIC que l’on oppose ainsi à l’EPA. Les grands secteurs de l’économie de l’Etat sont
actuellement assurés par des EPIC (SOTRA, SODECI, CIE, SNCF, EDF).

DEUXIEME PARTIE : L’ENCADREMENT PUBLIC DE L’ECONOMIE

L’interventionnisme public s’est réalisé à l’intérieur d’un cadre juridique. Nous verrons les
cadres juridiques de l’interventionnisme puis les moyens d’action utilisés.

CHAPITRE I : LES CADRES JURIDIQUES DE L’INTERVENTIONNISME

Ici sera abordé l’encadrement par le droit interne traditionnel et l’encadrement par le droit de
la concurrence, droit plus moderne.

SECTION I: l’ENCADREMENT PAR LE DROIT TRADITIONNEL

Le cadre juridique traditionnel de l’interventionnisme s’est réalisé grâce à l’encadrement par


des principes propres au DPE. Il s’est réalisé par ailleurs grâce à un encadrement par des
règles du droit administratif mais avec une incidence économique. On observera à cet effet
que l’intervention des pouvoirs publics dans l’économie nationale est soumise au respect des
principes imposés par le droit national, international ou communautaire. Ils peuvent être
spécifiques à la matière ou découler de principes généraux du droit public.

Paragraphe 1: L’encadrement par des principes propres ou spécifiques au DPE

Parmi les principes propres au DPE, il y a des principes libéraux qui limitent
l’interventionnisme. Il y a inversement, des principes interventionnistes qui limitent les
principes libéraux. Le DPE oscille entre ces deux extrêmes et il recherche un équilibre entre
des principes qui sont contradictoires.

56
A. Les principes libéraux
Il existe deux catégories de principes du DPE : les principes purement économiques et
d’autres issus du droit commun qui peuvent avoir une interférence dans le domaine
économique.

1. Les principes propres au DPE


L’intervention de l’Etat et des autres personnes publiques économique est placée sous des
principes contradictoires. Certains s’opposent à l’intervention de l’état (principes libéraux)
mais d’autres imposent cette intervention (principes interventionnistes). Certains de ces
principes sont propre au DPE d’autres sont diffus dans d’autres branches juridiques.

a. Les libertés économiques : la liberté d’entreprendre


La plus importante de ces libertés reste la liberté d’entreprendre. Ceci même si la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen (ci-après DDHC) de 1789 ne proclame pas la liberté
économique comme elle le fait pour les autres libertés individuelles telle que la liberté
d’expression. Mais ce silence équivaut à une reconnaissance implicite. En effet, si la liberté
d’entreprendre n’apparait pas dans la rédaction définitive, on peut la retrouver dans les
articles 2, 4 et 5 de la déclaration. On pourrait observer par exemple : la liberté d’user de ses
facultés pour parvenir à son épanouissement et son bien-être matériel sous la seule réserve
de ne pas nuire à autrui. Mais plus tard et progressivement la liberté d’entreprendre a
commencé à figurer dans les principes fondamentaux du droit public français. C’est le Conseil
Constitutionnel (ci-après C. Const) qui, après avoir parlé du « libre exercice de l’activité
professionnelle », a reconnu une valeur constitutionnelle à la liberté d’entreprendre en se
fondant sur la déclaration de 1789. (Décision du C. Cons 16/01/82 loi sur la nationalisation).

Pour revenir en Côte d’Ivoire, on se réfèrera à l’article 13 de la constitution de 2016, qui


assure que : « Le droit de tout citoyen à la libre entreprise est garanti dans les limites
prévues par la loi. L’État veille à la sécurité de l’épargne, des capitaux et des
investissements ».

En outre, l’article 14 de la même constitution dispose que : « Toute personne a le droit de


choisir librement sa profession ou son emploi (…) ».

Il s’ensuit qu’en Côte d’Ivoire, comme en France, la liberté d’entreprendre est garantie par la
constitution.

Quelle est la valeur réelle de la liberté d’entreprendre ?

57
Comme souligné précédemment, le Conseil Constitutionnel français a consacré la liberté
d’entreprendre. Cette consécration en 1982 marque la volonté de situer l’activité économique
dans le domaine des libertés fondamentales. Il est certain que par cette décision, le Conseil
Constitutionnel a contribué à l’apparition d’un droit constitutionnel économique. La liberté
comprend, du fait de l’interprétation jurisprudentielle, un volet économique : liberté
d’entreprendre. Selon ce Conseil Constitutionnel, cette liberté ne signifie pas une absence
totale de restriction car le parlement peut fixer les limites mais qui ne doivent pas être
restrictives ou arbitraires ou abusives. Pour lui, la liberté d’entreprendre s’impose au
législateur même si elle comporte des limites et il souligne en même temps que cette liberté
n’est ni générale ni absolue, elle a une valeur supérieure à celle de la Loi. Limitation de la
publicité commerciale, encadrer les pratiques commerciales.

En Côte d’ Ivoire, l’article 13 de la Constitution précité, souligne très clairement que la liberté
d’entreprendre reconnue à tout un chacun « est garanti dans les limites prévues par la loi » ;
et que de plus, il appartient à l’État de veiller à la sécurité de l’épargne, des capitaux et des
investissements. Ce qui signifie que cette liberté n’est ni générale ni absolue, car non
seulement elle doit s’exercer dans les limites fixées par la loi mais aussi l’État veille au grain
pour empêcher et sanctionner d’éventuels débordements.

Quel est le contenu de la liberté d’entreprendre ?

La première composante est la liberté professionnelle, la liberté d’accéder à un métier ou une


profession de son choix tant pour un métier règlementé que pour une profession libérale. C’est
la liberté d’exercer toute activité commerciale ou industrielle. La liberté professionnelle
composante de la liberté d’entreprendre, elle couvre tous les stades de l’activité économique
et toutes ses modalités. (Liberté d’établissement ou d’installation).

Pour le Conseil d’Etat français (ci-après CE) il s’agit du libre accès à l’exercice par les
citoyens de toute activité professionnelle n’ayant fait l’objet d’aucun limitation légale. En
conséquence l’administration ne peut interdire l’ouverture d’un établissement. En d’autres
termes, la liberté professionnelle implique la liberté d’exercice ou d’exploitation de l’activité
d’entreprise. Cette liberté favorise le principe de libre concurrence entre les opérateurs
économiques, c’est pour cela que les pouvoirs publics ne peuvent limiter la compétition entre
entreprises par l’adoption de prescriptions mais ils ne peuvent non plus accorder des
avantages au détriment des autres. Les aides accordées aux entreprises sont strictement
contrôlées.
58
La protection par la Constitution de la liberté d’entreprendre

Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel ivoirien avait jugé que la liberté
d’entreprendre n’est ni générale ni absolue et que cette liberté ne peut exister que dans le
cadre d’une règlementation instituée par la Loi.

Pour mieux constater la protection de la liberté d’entreprendre, il conviendra de s’intéresser à


la décision du 4/07/89 relative à loi sur le dénoyautage des entreprises privatisées, rendue par
le Conseil Constitutionnel français. Dans lequel, ce dernier a précisé que la liberté
d’entreprendre n’est ni générale ni absolue et qu’il est loisible au législateur d’y apporter des
modifications et limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’est pas
pour conséquence d’en dénaturer la portée, ce qui place la liberté d’entreprendre dans le
standard de base de la protection des libertés fondamentales. Mieux, le Conseil
Constitutionnel français va introduire l’idée de proportionnalité en jugeant « qu’il est loisible
au législateur de lui apporter des limitations justifiées par l’intérêt général ou liées à des
exigences constitutionnelles et, qu’en l’espèce, il lui incombait de fixer les règles anti
concentration et de veiller à l’application de ces règles ne limite pas la liberté d’entreprendre
dans les proportions excessives au regard de l’objectif constitutionnel du pluralisme ».

Ainsi le législateur peut apporter des limitations à la liberté d’entreprendre liées à des
exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général à la condition qu’il en résulte
pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. (Loi sur l’archéologie
préventive 16/01/00). Dans la Loi SRU de 2000 : le Conseil Constitutionnel français a jugé
par exemple que « le souci d’assurer la sauvegarde de la diversité commerciale des quartiers
répond à une exigence d’intérêt général ». Cependant en soumettant à une autorisation
administrative tout changement de destination d’un local commercial entrainant une
modification de la nature et de l’activité, le législateur a apporté, en l’espèce, tant au droit de
propriété qu’à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la DDHC, une atteinte
disproportionnée à l’objectif poursuivi.

B. La liberté du commerce et de l’industrie

Pour mieux envisager la liberté du commerce et de l’industrie, nous partirons d’emblée de cet
arrêt du Conseil d’État rendu 22/06/1951 à propos du sieur Daudignac. En effet, à travers cet
arrêt le CE français a estimé que le maire de Montauban avait eu tort de soumettre à
autorisation préalable l’activité de photographe filmeur auquel s’adonnait le sieur Daudignac

59
et de lui imposer des conditions restrictives. Cette profession n’étant pas réglementé par la loi,
le maire pouvait intervenir pour éviter des inconvénients de cette activité pour des
considérations d’ordre public, mais sans pour autant « porter atteinte à la liberté du
commerce et de l’industrie garantie par la loi » (CE, ASS., 22 juin 1951, Daudignac, Rec.
362). La haute juridiction administrative française a également jugé que cette liberté était une
liberté publique placée par l’article 34 de la Constitution sous la protection du législateur,
qui peut déterminer les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour son exercice
(CE, sect., 28 octobre 1960, Martial Laboulaye, Rec. 570) 25. La liberté du commerce et de
l’industrie est donc garantie par la loi.

Par ailleurs, suivant de nombreux auteurs, le principe de la liberté de commerce et de


l’industrie favorise la concurrence entre le secteur public et le secteur privé. Le principe de
libre concurrence permet en effet aux opérateurs économiques d’exercer leurs activités dans
un système de compétition, qui ne doit être entravé par les pouvoirs publics. En réalité, la
concurrence du secteur public et privé représente une autre dimension de la question même de
la liberté de commerce et de l’industrie. Car l’otique libérale réprouve la prise en charge
directe d’activité commerciale et industrielle par les personnes publiques. Par conséquent elle
réserve par principe aux personnes privées.

Dès lors, on peut s’interroger sur le point de savoir pourquoi l’initiative économique d’une
collectivité publique est considérée comme contraire à la liberté du commerce ou à la libre
concurrence. Autrement dit, en quoi cette intervention peut-elle fausser la concurrence ? Il est
vrai que l’intervention d’une personne publique avec toutes les prérogatives traditionnelles
juridiques et financières risquent de fausser la concurrence nécessaire à la vie du marché. La
création d’un service public, sa diversification, ou même toute forme de prestation
économique d’une personne publique sont considéré comme pouvant limiter l’initiative
privée.

Notons que le conseil d’état français (1930) avait déjà jugé que l’activité commerciale est en
principe réservée à l’initiative privée. En jugeant ainsi, le conseil d’état ne reconnaissait pas
aux personnes publiques ce principe. La philosophie ici est de faire en sorte que seules les
circonstances particulières (insuffisance ou défaillance de l’initiative privée) peuvent justifier
l’action publique.

25
Jean-Paul Valette, Droit public économique, op, cit. p. 57.

60
Paragraphe 2 : Les principes tirés du droit commun à valeur économique

A. Le Droit de la Propriété

Proclamée comme un droit naturel, imprescriptible et sacré par la déclaration des droits de
l’homme de 178926, la propriété a été mentionnée dans la plupart des constitutions. Ce qui lui
donne par conséquent une valeur constitutionnelle. Le Droit de propriété en DPE provient
ainsi du droit interne fondamentale de l’État. Ainsi, l’article 11 de la constitution ivoirienne
de novembre 2016 dispose par exemple que : « Le droit de propriété est garanti à tous. Nul
ne doit être privé de sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et sous la condition
d'une juste et préalable indemnisation ».

On notera que ce droit s’applique autant à la propriété foncière et immobilière qu’à la


propriété mobilière (telles que les actions des sociétés), à la propriété littéraire ou artistique
qu’à la propriété industrielle (brevets). Toutefois, sa reconnaissance n’a pas empêché d’en
fixer les limites

On n’a pu noter par exemple en France, qu’à la fin de la 3 ème République et la Libération, de
nombreuses mesures ont affecté le droit de propriété soit par transfert d’entreprise à la nation
(nationalisation) soit par des règlementations qui ont eu pour but d’encadrer de façon stricte le
droit de propriété. Ce débat a donné lieu à des divergences, certains auteurs ont même soutenu
que ce droit n’était plus essentiel. Cette thèse n‘a plus sa raison d’être car le Droit de propriété
a toute sa place dans les droits fondamentaux de l’homme. Ce droit n’est plus conçu
maintenant avec la même rigueur qu’en 1789. En effet, il ne fait aucun doute que la
législation français lui a apporté de nombreuses atteintes mais malgré ça le Conseil
Constitutionnel a expressément confirmé le maintien du droit de propriété en le mentionnant
parmi les principes constitutionnels tout d’abord dans sa décision du 5 janvier 1982 puis dans
celle du 16 janvier 82. Il a ainsi tenu à préciser : « Si, postérieurement à 1789 et jusqu’à nos
jours, les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont subies une évolution
caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d’application, des domaines
individuels nouveaux et par des limitations exigées par l‘intérêt général, les principes même
énoncés par la Déclaration ont pleine valeur constitutionnelle, tant en ce qui concerne le
caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue un des but de la
société politique et qui est mise au même rang que la liberté […] ».
26
En principe, le droit de propriété devrait donc accompagner le principe de liberté du Commerce et de
l’Industrie. La Déclaration place à l’article 2 la « propriété » parmi les droits naturels et imprescriptibles de
l’Homme, et l’article 17 précise : « la propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé… ».
61
Force est de constater que le droit de propriété n’est donc pas finalement un droit absolu.

- La valeur du Droit de propriété : il résulte de ces décisions que le droit de propriété à


valeur constitutionnelle comme la liberté d’entreprendre, ce que le Conseil
Constitutionnel a eu plusieurs fois l’occasion de confirmer malgré les limitations dont
ce droit fait l’objet. Le Droit de propriété a été reconnu et confirmé au niveau
constitutionnel, à ce titre il constitue une limite à l’interventionnisme économique du
parlement.

- Les titulaires de ce droit : avant tout les personnes physiques, la conception


individualiste du droit de propriété était essentiellement liée à l’homme (citoyen) mais
il convient de préciser que ce droit peut être étendu aux personnes morales de droit
privé et personnes publiques. Dans la décision des 25 et 26 Juin 86 relatives aux
privatisations, le Conseil Constitutionnel avait jugé que : « la protection du patrimoine
public trouve un fondement dans les dispositions de la DDHC relatives au droit de
propriété et que cette protection ne concerne pas que le droit de propriété privé des
particuliers mais aussi à titre égal la propriété de l’Etat et des autres personnes
publiques ».

- Le contenu du Droit de propriété : il a été défini par le Code Civil français,


notamment l’article 544 : « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses
de la manière la plus absolue… ». Dans une décision du 9 avril 1996 relative au statut
du territoire de la Polynésie Française, le Conseil Constitutionnel français avait
expressément jugé que : « le droit de disposer est un attribut essentiel du droit de
propriété. »

- La portée du Droit de propriété : La constitution ivoirienne a déjà donné sa valeur


constitutionnelle au droit de propriété, en cas d’atteinte à ce droit par les autorités
publiques justifié par l’intérêt général, il faut au préalable une juste indemnisation en
cas de privation de ce droit ou d’utilisation pour cause d’utilité publique. Il y a lieu de
rappeler à ce propos que suivant l’article 11 de la constitution ivoirienne du 8
novembre 2016 : « Le droit de propriété est garanti à tous. Nul ne doit être privé de sa
propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et sous la condition d'une juste et
préalable indemnisation ». Notons que ce droit d’exproprier exclusivement réservé aux

62
autorités administratives existe en général pour assurer le bien-être de tous. C’est sans
doute pourquoi en la matière, la compétence du juge judicaire a été affirmée (en raison
de la supposée connivence entre l’administration et le juge administratif).

Par ailleurs, certains principes généraux du droit public trouvent en matière économique une
importance particulière comme le Principe d’égalité.

B. le Principe d’égalité.

Le principe d’égalité en matière économique présente les mêmes similitudes que le principe
de liberté du commerce et de l’industrie. Mais sa consécration constitutionnelle économique
est récente.

Avant d’aborder le contenu de ce principe, on soulignera d’emblée le fait que la Cour de


justice a précisé que les personnes protégées doivent « être traitées sur le même pied
d’égalité » (CJCE, 28 octobre 1975, Rutili, Réc. 1219). En droit interne, le principe d’égalité
tire son essence dans l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du
28 août 1789. Selon lequel : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »
Ce principe abstrait d’égalité implique en priorité l’égalité devant la loi, qui « doit être
pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », mais aussi l’égalité devant le service
public27. Mais, si les personnes physiques ou morales doivent être traitées conformément à la
loi, il n’est pas obligatoire de les considérer de manière identique, des différenciations restent
possibles.

1. Comment se concrétise l’application en matière économique ?

Le principe d’égalité revêt une grande portée dans le système français et par ricochet dans le
système ivoirien. Il est en effet annoncé souverainement dans la DDHC de 1789 comme
exposé ci-avant. C’est devenu par la suite un principe constitutionnel par essence. Et pour
cause : dans une décision du 27 Décembre 1976, le Conseil Constitutionnel français a déclaré
inconstitutionnelle une disposition de la Loi fiscale comme portant atteinte au principe
d’égalité devant la Loi et a affirmé la valeur de ce principe dans les différents domaines
d’activité et particulièrement en matière économique. Les mesures juridiques règlementaires

27
Le Conseil d’État français a fait depuis longtemps de l’égalité devant la loi un principe général de droit. Il
défend à la fois l’égalité de traitement entre usagers d’un même service public (CE, 29 novembre 1911, Chomel,
Réc. 1265) et l’égalité qui doit régir le fonctionnement des services publics (CE, 9 mars 1951, Société des
concerts du Conservatoire, Réc. 151), qu’il s’agisse de services publics administratifs ou de services publics
industriels et commerciaux.
63
ou individuelles prisent pas l’administration en matière économique doivent respecter
l’égalité des agents économiques placés dans la même situation car pour un motif d’intérêt
général une décision peut justifier légalement une inégalité.

S’inspirant du système français, le constituant ivoirien n’a pas manqué d’inscrire dans la
constitution ce principe en disposant en son Article 14 que : « Toute personne a le droit de
choisir librement sa profession ou son emploi. L'accès aux emplois publics ou privés est égal
pour tous, en fonction des qualités et des compétences. Est interdite toute discrimination dans
l'accès aux emplois ou dans leur exercice, fondée sur le sexe, l’ethnie ou les opinions
politiques, religieuses ou philosophiques ».

Comme on le voit ce principe n’est pas une règle propre à l’administration économique. Ce
principe occupe pourtant une place importante dans les principes de base de cette matière. En
effet, plusieurs facteurs font de l’interventionnisme économique un domaine exposé aux
risques de discrimination. Par exemple, les pouvoirs publics, par leurs interventions, peuvent
modifier une situation existante, conjoncturelle, structurelle, en favorisant une catégorie
particulière de l’activité économique. Le principe d’égalité est assez peu contraignant en
matière de politique économique quand elle exige des mesures discriminatoires dans les buts
poursuivis. L’action régulatrice de la puissance publique ne doit pas avoir pour but de créer
des discriminations entre les opérateurs économiques privés ou publics.

D’autre part, les interventions directes dans la gestion économique et sociale ne peuvent être
admises que dans la condition du respect de l’égalité. Or force est de souligner que bon
nombre d’interventions publiques impliquent par définition une certaine rupture d’égalité en
vue de la réalisation d’objectif politique ou commerciale. Les SPIC ne peuvent établir de
discrimination dans le traitement de leurs usagers que lorsque celle-ci serait fondée sur une
différence de situation au regard du service public 28. En Droit interne, la censure des
discriminations s’est effectuée au plus haut niveau à l’encontre du législateur. Quand celui-ci
a nationalisé les banques, la dérogation portée au profit des banques dans la majorité du
capital social appartenait à des sociétés à caractère mutualiste ou coopératif (directement ou
indirectement) (Décision de 1982) mais connaissait un caractère d’égalité.

28
Le CE français a affirmé que les différenciations dans le traitement des usagers d’un même service public
pouvaient se justifier sans qu’il y ait pour autant rupture d’égalité. Il a accepté une discrimination tarifaire en
matière e transport par bac entre la Rochelle et l’île de Ré, en raison d’une différence de situation appréciable
entre habitants permanents de l’île et ceux du continent, justifiant ainsi des tarifs réduits au profit des premiers
(CE, 10 mai 1974, Denoyez e Chorques, Rec. 274). On remarquera que ces discriminations sont aujourd’hui
courantes, de nombreux services y recourir en raison de conditions spécifiques d’exploitation.
64
En France par exemple dans la Loi de mutualisation du Crédit Agricole, la disposition
réservant aux agriculteurs dans les caisses régionales la majorité des sièges, quel que soit la
proportion de ces sociétés, par son caractère général et absolu, apporte au principe d’égalité
une atteinte qui dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour faire droit à la situation
particulière de certains sociétaires au maintien d’avantages spécifiques au profit des activités
agricoles et au crédit agricole. (C. Constit 7 janvier 88). D’où les limites du principe d’égalité
en matière économique.

2. Les limites du principe d’égalité

La reconnaissance de la valeur constitutionnelle du principe d’égalité n’empêche pas le


parlement d’y apporter des atteintes à la condition qu’elle ne méconnaisse pas la portée du
principe de manière manifeste. Néanmoins, l’égalité entre les opérateurs économique ne peut
être considérée de manière abstraite et générale. Ce qui veut dire que les pouvoirs publics
doivent tenir compte des différences et des distinctions, même s’il n’y a pas de différences
objectives en elle-même…

En matière fiscale, le conseil constitutionnel français a jugé par exemple : « si le principe


d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de favoriser par l’octroi
d’avantage fiscaux (activité déterminée), c’est à la condition que celui-ci fonde son
appréciation sur les critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ». 16
janvier 1982, cette haute juridiction a admis que : « les caractères spécifiques attachés au
groupe industriel et des deux compagnies financières faisant l’objet de nationalisation font
obstacle à ce que le principe d’égalité puisse utilement être invoqué par comparaison avec la
situation d’autres sociétés non visées par la loi de nationalisation ». En outre, le 20 janvier
1993 il admettait également : « prévention de la corruption : la seule appartenance d’une
entreprise au secteur public ne peut suffire à écarter l’application d’égalité entre entreprises.
»

Le Conseil Constitutionnel se donne pour mission lorsqu’il est saisi de vérifier l’absence
d’égalité de traitement entre public et privé dans la législation sur la diminution du temps de
travail (Loi Aubry 10 juin 1998). C’est également en matière de politique économique qu’on
pourra jouer le plus facilement la dérogation au principe d’égalité en raison d’intérêt général
permettant de traiter de façon différente des situations objectivement semblables. Le
législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité, exclure les banques étrangères du
champ des nationalisations en prenant comme motif les risques de difficulté de nationalisation

65
de ces banques auraient pu engendrer sur le plan international. Le conseil constitutionnel
estime qu’il appartient au législateur, en fonction de la nécessité publique constatée par lui,
d’exclure de la nationalisation les banques les moins importantes.

Par ailleurs, le respect du principe d’égalité en matière économique peut dans certaines
circonstances impliquer la libre concurrence. Dans ce cas, les effets éventuels des dispositions
contestées des conditions d’exercice de la concurrence sur un secteur déterminé ne sont pas
constitutifs d’une rupture d’égalité. Dès lors, une mesure n’est pas contraire au principe
d’égalité lorsque la mesure comporte une différence de traitement objective ou parce que cette
différence est rendue nécessaire par l’intérêt général. Dans ce cas, il n’y a pas de contrariété à
la constitution. L’atteinte à la concurrence est donc par elle-même indifférente à
l’appréciation de la violation du principe constitutionnel de l’égalité (23 juillet 99 – CMU).
C’est notamment ce que le Conseil Constitutionnel français a jugé dans une disposition sur la
concurrence entre les organismes maladie et les organismes complémentaires dans la gestion.
« S’il est vrai que les conditions de compensation des dépenses engagées au titre de la
protection complémentaire des bénéficiaires de la CMU ne sont pas les mêmes selon que le
choix des intéressés se porte sur un organisme d’assurance maladie ou sur un organisme
social complémentaire les différences de traitement qui en résultent entre organismes sont la
conséquence de la différence de situation de ces derniers au regard de l’objet de la Loi. ».

Après avoir ainsi analysé, les grands principes guidant l'action des personnes publiques sur le
droit public économique, il convient de voir maintenant comment l’Etat ou la puissance
publique arrive à encadrer concrètement l’économie.

L’État peut intervenir à trois titres sur un marché : en tant que régulateur, en tant qu'offreur de
biens et de services, en tant

SECTION II : LES PRINCIPES INTERVENTIONISTES

Nous venons de voir ci-avant que le droit public économique est encadré par des principes
libéraux différents. Nous verrons dans cette section qu’il est aussi encadré par des principes
interventionnistes. Ces principes limitent par définition les principes libéraux et cette
limitation est justifiée par l’Intérêt Général. Par exemple, l’Intérêt Général justifie l’atteinte au
droit de propriété. Les autorisations préalables se justifient parce que l’administration doit
contrôler certaines activités. L’administration peut encore limiter les principes libéraux
économiques en exploitant elle-même des activités privées. C’est encore l’Intérêt Général qui
justifie que l’administration exploite elle-même des activités privées.
66
Ainsi, l’administration est tenue dans certains cas de créer certains Service Public car ils
correspondent à des besoins de la société civile. L’ordre public peut encore justifier que
l’administration crée des activités privées payantes comme les parkings. En effet, ils
répondent à l’idée de sécurité dans la circulation. Le logement social également. Il est
d’Intérêt Général que les logements sociaux concurrencent le marché privé. Par le passé,
l’ouverture de restaurants économiques destinés aux indigents.

Certains Service Public doivent être institués dans certaines circonstances, lorsqu’il y a
défaillance de l’initiative privée. Défaillance entendue de plus en plus largement. Ainsi, le
juge a admis que l’administration crée ou prenne en charge des activités privées dès lors qu’il
y a défaillance totale du secteur privé. Puis, le juge reconnaît la création d’activités privées
par l’administration à la simple insuffisance qualitative et quantitative. C’est à partir de cette
jurisprudence que les communes ont pu créer des campings municipaux. Les communes ont
pu intervenir dans des activités diverses et variées du fait de la carence ou insuffisance du
privé à partir du moment où l’activité est considérée d’Intérêt Général.

L’État peut intervenir à quatre titres sur le marché économique publique: en tant que
régulateur, en tant qu'offreur de biens et de services, en tant que collaborateur avec des
entreprises privées et enfin en tant que censeur des opérateurs économiques.

Paragraphe 1: L’intervention de l’État en tant que régulateur de l'économie

Lorsque l'État intervient en tant que régulateur de l'économie, il dispose de prérogatives pour :
limiter et encadrer l'accès au marché par exemple, la réglementation de l'accès à certaines
professions comme les pharmaciens ; définir la structure du marché, l'administration peut à ce
titre instituer un monopole ou des droits exclusifs, ou contrôler les concentrations
d'entreprises ; réglementer le fonctionnement des marchés, par exemple certains marchés
sensibles comme le marché financier ou le marché bancaire ; préserver son caractère
concurrentiel et aider les opérateurs par des aides publiques.

Paragraphe 2 : L’intervention de l’Etat en qualité d’opérateur économique

L’État peut intervenir en devenant lui-même opérateur économique sur le marché c'est-à-dire
en y offrant des biens et services. L'intervention de l'État l'intègre au marché et le soumet à
ses règles, notamment le respect du droit de la concurrence. L’État intervient alors au travers
de ses entreprises publiques, ce que l'on appelle le secteur public. L'objet du Droit public des
affaires est de réglementer d'une part, les organes que sont les opérateurs publics nationaux

67
(entreprises publiques) et locaux (société d'économie mixte) : leur création et leur
fonctionnement (pour les entreprises publiques : question de gouvernance, de gestion, de
financement). Sont également réglementés les opérations de privatisation et de nationalisation
d'entreprises publiques. D'autre part, l'objet du Droit public des affaires est de réglementer les
prérogatives des opérateurs publics : leur domaine d'intervention et leur modalité
d'intervention (comportement sur le marché au regard des règles de concurrence).

Paragraphe 3 : L’intervention de l’État en qualité de collaborateur des opérateurs


économiques

En droit public économique, l’État intervient très souvent sur le marché pour collaborer avec
des opérateurs économiques en vue de satisfaire directement ses besoins ou pour satisfaire
indirectement l'intérêt général de la population. C'est le droit de la commande publique. Cette
collaboration peut prendre plusieurs formes juridiques, dont les principales sont : le marché
public, la délégation de service public, le contrat de partenariat, les conventions d'occupation
du domaine ayant pour objet la réalisation d'équipement destinés à être occupés par une
personne publique ou destiné à devenir sa propriété, la vente en l'état futur d'achèvement et
le crédit-bail. Economiquement, cette collaboration réalise une externalisation, c'est-à-dire
qu'elle consiste à confier à une entité extérieure une tâche, une mission.

A. L’intervention de l’État pour sanctionner les opérateurs économiques : les


sanctions administratives
Aujourd’hui, il est de plus en plus fréquent que lorsqu’un opérateur économique ne respecte
pas le droit, l’administration lui inflige une sanction économique. La sanction administrative
économique a but précis punitif et répressif. La particularité de cette sanction c’est qu’elle est
prononcée par l’administration et non pas par un juge et cela suscite les critiques de la
doctrine car dans une société dont les pouvoirs sont séparés, les sanctions émanent du juge.

C’est pourquoi on parle d’une justice sans juge. D’autres parlent de punir sans juger. C’est un
élément d’un état policier. Malgré les critiques de la doctrine, les sanctions administratives
ont intégré le droit administratif et elles sont admises par la CEDH, par le Conseil
Constitutionnel, le Conseil d’Etat, la Cour de Cassation et elles se sont particulièrement
développées dans le domaine économique.

B. Genèse et développement de la sanction administrative


Les sanctions administratives apparaissent dans un premier temps en matière contractuelle et
elles sont appliquées au contrat passé entre l’administration et son cocontractant, personne
68
privée. Autrement dit, il faut qu’il y ait un lien contractuel pour qu’il y ait sanction
administrative. La sanction apparaît également en matière de fonction publique lorsqu’un
fonctionnaire commet une faute, l’administration prononce une sanction à son égard. À
l’origine, la sanction était marginale et elle apparaît dans des domaines très spécifiques. À la
base, il y a un lien entre l’administration et la personne sanctionnée (lien contractuel ou de
travail).

Notons qu’en France par exemple, c’est durant la période du régime de Vichy qu’apparaît un
nouveau type de sanction administrative qui est une véritable répression administrative. Le
but est de punir des comportements économiques du fait de la méconnaissance de lois et
règlements à caractère économique. Il s’agit de la période particulière de guerre et le domaine
particulièrement concerné est le ravitaillement alimentaire de première nécessité. La sanction
fondamentale était le retrait d’agrément ou d’autorisation. Après la guerre, ce procédé est
maintenu et étendu à d’autres secteurs.

Mais à partir des années 60, la sanction administrative en France semble tomber en désuétude
puis réapparaît dans les années 70, d’abord avec la création d’une autorité particulière (le
médiateur de la République) puis c’est avec le développement des AAI en matière
économique. Ces AAI se voient octroyer un pouvoir de sanction qu’elles peuvent infliger aux
opérateurs économiques qui méconnaissent lois et règlements. Ces sanctions sont de divers
ordres (blâme, retrait d’agrément ou autorisation, suspension d’exercice) mais c’est surtout
des amendes qui peuvent être parfois extrêmement lourdes.

A partir du développement des AAI qui sont un nouveau type d’administration, on a vu se


développer le droit répressif administratif en matière économique. Aujourd’hui, la sanction
apparaît comme permettant la régulation de l’économie. Elle s’applique en France mais aussi
dans les pays d’économie libérale tel que la Côte d’Ivoire.

Quel est l’avantage de ce type de sanction par rapport à la sanction judiciaire ? D’abord,
l’efficacité de ce type de sanction. En effet, elle est prononcée rapidement à l’inverse de la
décision du juge qui met plusieurs années à aboutir (lenteur chronique de la justice). Par
rapport aux opérateurs économiques, elle est beaucoup moins infamante parce qu’elle est
prononcée par l’administration et non pas par une juridiction pénale. La sanction
administration suscite les critiques de la doctrine qui considère qu’elle va à l’encontre d’un
état de droit.

C. La conformité à la Constitution de la sanction administrative


69
Le juge constitutionnel après une période d’hésitation a admis la conformité de la sanction
avec la Constitution.

La CEDH a admis la régularité des sanctions administratives car elle y voit là un élément
d’efficacité. Cependant, elle entoure de garanties le prononcé de la sanction. Le Conseil
constitutionnel français s’inspirant probablement de la CEDH va dans le même sens. Ainsi, il
admet que des sanctions puissent être prononcées par l’administration (traditionnelle ou AAI)
mais il exclut de ces sanctions les peines privatives de liberté qui seules peuvent être
prononcées par le juge pénal. En revanche, il admet les autres sanctions comme le retrait
d’agrément, d’autorisation, suspension… Le Conseil constitutionnel français entoure
également le prononcé de la sanction administrative de garanties qu’il emprunte au procès
pénal. Par exemple, il impose la proportionnalité de la peine à la faute, le respect des droits de
la défense, la règle de non bis in idem qui signifie qu’on ne peut être puni deux fois la chose.

Il est inutile de préciser que c’est le même principe de sanction qui s’applique en Côte
d’Ivoire où l’Etat se donne les moyens à travers des mesures coercitives pour obliger tous les
acteurs économiques à respecter les règles du droit public économique.

CHAPITRE II : LES INSTRUMENTS DE L’INTERVENTIONNISME PUBLIC

Les instruments de l’interventionnisme sont divers et variés mais nous nous concentrerons sur
la planification (SECTION I) et sur la police de l’économie (SECTION II).

SECTION I : LA PLANIFICATION OU LE PLAN ECONOMIQUE

Le Plan est un document adopté par les pouvoirs publics et destiné à analyser les probabilités
d’évolution économique et à définir les orientations de ces évolutions, considérées
souhaitables et vers lesquelles les autorités entendent pousser les affaires économiques.

On observera que la planification a revêtu dans certains Etats une signification politique et
idéologique. Ainsi, le Plan a été un élément fondamental de la doctrine de Marx. Il faisait
partie du mythe révolutionnaire marxiste et les marxistes considéraient que c’était la meilleure
méthode pour modifier la société. Engels avait la même conception. L’aspect révolutionnaire
de la planification est à l’origine de l’hostilité de la majorité de la classe politique européenne
70
à l’égard du plan. La crise inattendue de 1929 montre la nécessité du Plan qui prévoit les
probabilités d’évolutions économiques. Dans les années 30, on revendique la planification. Le
Plan est présenté comme permettant la maîtrise du futur.

A partir des années 40, un manquement est ressenti : l’espace. Il faut donc prévoir une
planification du territoire (aménagement du territoire).

Paragraphe 1 : La planification dans le temps

L’idée qui gouverne les plans à l’origine est qu’ils permettent de maîtriser le futur, d’échapper
aux aléas de la conjoncture. Les plans sont présentés comme réducteurs d’incertitudes en
matière économique. Cette idée se développe surtout à gauche et le Plan soviétique est étudié.
Il possédait les caractères suivants : impératif, autoritaire. La question était de savoir si ce
plan était transposable dans une économie libérale.

Est instaurée en France une planification mais qui n’a pas un caractère impératif. Elle est
indicative. D’ailleurs, le père de la planification en France était le libéral Jean Monnet. Le
premier plan concerne la période 1947-1953 (Plan Monnet) qui se veut une période de
modernisation et d’équilibre. Ce Plan est suivi d’autres plans. De Gaule était attaché à la
planification. Pour lui, c’est une ardente obligation.

A. Les étapes de la planification


Dès son accession à l’indépendance, la Côte d’Ivoire a fait de la planification l’outil
fondamentale pour son développement économique. À ce titre, un plan de développement
décennal et trois Plan quinquennaux ont été mis en œuvre entre 1960 et 1985. Ces plans ont
fortement contribué au développement économique et social de la côte d’Ivoire.

L’arrêt du processus de planification du développement à partir des années 80, a eu pour


conséquence l’insuffisance de cohérence dans bien d’actions conduites par l’État.

Déclarée éligible à l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) en mars 1998, la Côte
d’Ivoire a renoué avec le processus de planification, à travers l’élaboration des Documents de
Stratégies de Réduction de la pauvreté (DSRP), entamée en mars 2002, complété en mars
2009 et révisé en juin 2011.

À partie de là, la planification stratégique a été replacée au cœur de la politique de


développement avec le plan national de développement 2012-2015. Lequel plan se propose de
« faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 ». Car, ce plan adopté par le
gouvernement ivoirien le 28 mars 2012, prétend « tracer les grands axes de l’action
71
gouvernementale tant au plan national que régional pour atteindre une croissance
vigoureuse, soutenue, solidaire et productrice d’emploi »29.

Le contenu des plans varie généralement selon les époques et selon les priorités que les
gouvernements se fixent. C’est en cela que les plans préconisent des actions prioritaires et
réduit les objectifs sélectionnés. Un Plan souligne que la planification n’a pas vocation à tout
prévoir. Dans un premier temps, le Plan est un document unique national mais rapidement, le
plan national s’enrichit d’une dimension territoriale (plans régionaux, locaux). Il devient de ce
fait, le document de référence pour tous les acteurs tant au niveau national, régional
qu’international. Mais, il demeure généralement un document flexible, revue et corrigé sur la
base des résultats obtenus, des facteurs exogènes et endogènes.

B. Les caractères du Plan


Les Plans présentent un caractère indicatif souple et ils se caractérisent par une concertation.
Il comporte des recommandations, incitations, prévisions. Il ne donne pas d’ordres et ils ont
un caractère souple, ce qui signifie qu’ils peuvent s’adapter en cours d’exécution en fonction
de circonstances nouvelles. En clair, les plans demeurent généralement des documents
flexibles, revues et corrigés sur la base des résultats obtenus, des facteurs exogènes et
endogènes.

La concertation se fait avec les partenaires économiques et sociaux car le Plan n’est
qu’indicatif. On considère qu’il n’a de réelles chances d’aboutir que s’il est accepté par les
principaux concernés.

C. L’élaboration du Plan.
En France le plan national est principalement mis au point par un organisme dit Commissariat
Général au Plan. Il a eu son âge d’or durant la première période gaulliste ou il est rattaché à
Matignon jusqu’en 1962. Puis son prestige s’efface, de même que son importance. La preuve
en est qu’il est rattaché à un simple secrétariat d’Etat. Le CGP n’a qu’un rôle d’impulsion et
non de décision. En fin de compte, c’est le Parlement qui décide officiellement du plan
national sachant qu’au terme d’une décision du Conseil Constitutionnel, le législateur ne doit
pas adresser des injonctions au Gouvernement dans le domaine qui est le sien et ne peut pas se
lier pour l’avenir.

29
Voir préface du Président de la République Alassane Ouattara dans Plan National de Développement, tome 1 :
Résumé analytique, p iii.
72
La planification est en réalité une loi mais une loi qui a une portée normative très limitée. En
effet, la loi du Plan comporte des vœux, déclarations d’intentions et autres annonces.

Encore toujours en France, la loi de 1982 a donné un rôle important en matière de


planification au profit des régions. Celles-ci peuvent élaborer leurs propres plans régionaux à
la condition qu’ils respectent le plan national. De plus, les régions ont un rôle consultatif pour
l’élaborer du plan national.

En Côte d’Ivoire, le décret n°2016-600 du 03 aout 2016 portant organisation du ministre


auprès du Premier Ministre, chargé de l’économie et des finances a créé un Service dit
Service de la Planification et du Suivi et Evaluation. Lequel selon l’article 10 du décret
précité, est chargé :

- d’apporter une assistance en matière de planification, de suivi évaluation et de mettre


en œuvre la politique de normalisation et de gestion de la qualité au sein du ministère,
- d’assurer la production des statistiques sectorielles
- d’assurer la conception et la mise en œuvre des études sectorielles,
- de participer à l’élaboration des Plans Nationaux de Développement des programmes
d’investissement publics
- de participer à la réalisation de programmes sectoriels dédiés,
- de prévoir et de réaliser les études nécessaires à la planification etc.

En tout état de cause, la planification a subi une transformation importante. À l’origine, le but
est de maîtriser le futur en matière économique, l’évolution économique et sociale. C’est un
document réducteur d’incertitudes. La mondialisation de l’économie est généralement à
l’origine du fait que des décisions économiques, des événements échappent complètement
échappé aux décideurs. Il y avait une augmentation des incertitudes économiques et
politiques.

Il est impossible de maîtriser l’économie. En effet, aujourd’hui, la planification renonce à


dompter le marché et elle a un objectif qui a évolué : un affichage par les pouvoirs publics
d’orientations souhaitables que l’on pense pouvoir mener à terme compte tenu d’un
environnement dont on s’est résolu à admettre les incertitudes. Aujourd’hui, les pouvoirs
publics ne prétendent plus organiser le futur de manière infaillible et les plans permettent
d’éclairer les choix, de prendre en compte des hypothèses probables d’évolution à Moyen

73
Terme. La planification est un outil d’aide à la décision. On remarque une dilution du Plan au
sens où on l’entendait à l’origine.

Paragraphe 2 : La planification de l’espace ou l’aménagement du territoire

C’est une notion relativement imprécise. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’aménagement du
territoire répond à une idée de planification de la répartition des hommes dans l’espace. En
occident c’est à partir de la deuxième guerre mondiale que les Hommes politiques ont été
amenés à prévoir des politiques d’aménagement de l’espace. Depuis, les textes se sont
multipliés. Le but est le développement équilibré du territoire pour compenser les inégalités
des conditions de vie. L’aménagement peut donc s’appréhender comme étant un ensemble
d’actions concertées visant à disposer avec ordre les habitants, les activités, les constructions,
les équipements et les moyens de communications sur l’étendue d’un territoire. Il peut se
concevoir à divers niveaux : du territoire d’un pays (aménagement du territoire), à une ville
jusqu’à un quartier (aménagement urbain ou urbanisme). Il convient de passer successivement
en revue l’exemple de la France (A) et celui de la Côte d’ivoire (B).

A. L’exemple de la France
En France la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) a
été une structure de base à l’aménagement du territoire. Elle avait été créée en 1963 et elle a
marqué la période moderne de l’action de l’Etat en matière de planification de l’espace. La
DATAR a été une administration de mission avec un rôle de réflexion, d’impulsion des
politiques de l’Etat en matière d’aménagement du territoire.

Le but est de désengorger Paris et de rééquilibrer le territoire en le modernisant mais la


DATAR est remplacée par la DIACT (Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la
Compétitivité des Territoires) en 2005. Elle a un champ d’action plus large que la DATAR.
Elle recherche l’attractivité et la compétitivité du territoire national tout en poursuivant une
politique de solidarité envers les zones fragiles ou excentrées.

C’est une administration de mission à vocation interministérielle qui prépare les orientations
et met en œuvre la politique nationale d’aménagement et développement du territoire. Elle
accompagne les mutations économiques et elle privilégie une approche offensive de la
compétitivité. La DIACT a deux impératifs : compétitivité et cohésion. Cohésion au profit des
territoires qui souffrent de handicaps ou qui sont confrontés à des situations de crise
économique ou industrielle. La DIACT est un organisme important mais un parmi d’autres

74
dans l’aménagement du territoire. Le développement de l’UE, la décentralisation a entraîné la
multiplication d’acteurs ayant compétence dans la matière.

En 1991, un décret a créé le Conseil National de l’Aménagement du Territoire qui est une
structure de concertation regroupant l’Etat, les collectivités territoriales, les représentants des
entreprises et des associations. L’aménagement du territoire comporte de multiples modalités.
Par exemple, l’implantation d’un SP dans une zone défavorisée contribue à l’aménagement du
territoire.

Les incitations recouvrent différentes réalités dont le but est d’orienter dans un sens déterminé
le comportement des personnes ou des entreprises. Par exemple, des aides aux entreprises
(exonérations fiscales ou sociales) quand elles s’implantent dans certaines zones défavorisées.
Une loi de 1995 a instauré des zones prioritaires qui se caractérisent par des handicaps
géographiques, économiques, sociaux et qui doivent faire l’objet de politiques différenciées
dans l’aménagement du territoire.

Inversement, il peut y avoir des incitations négatives pour que les entreprises ne s’implantent
pas des zones très développées économiquement. Par exemple, on peut alourdir l’impôt (taxe
sur les locaux de bureaux en Ile de France).

À l’origine, c’était l’État français qui attribuait les aides aux entreprises mais avec la
décentralisation, des collectivités ont acquis le pouvoir d’attribuer les aides aux entreprises
privées. Sachant que parfois, les aides peuvent être considérées en contradiction avec le droit
communautaire.

B. L’exemple de la Côte d’Ivoire


L’aménagement urbain est l’une des caractéristiques première de l’urbanisation. C’est un
phénomène récent en Côte d’Ivoire. On remarquera que les premières villes ont été bâties au
XIXe siècle avec le développement du commerce transsaharien entre les villes du soudan
occidental et celle du monde arabe. Les grandes villes à cette époque étaient Bouna et Kong.
Cependant, l’aménagement urbain dans sa phase moderne actuelle est très récent et date de la
colonisation. Des villes ont été en effet crées par le colonisateur français, celles-ci étaient des
comptoirs, des postes administratifs ou militaires (Assinie, Grand-Bassam, Tiassalé,
Sassandra, Agboville, Bouaké, Dimbokro, Bingerville, Abidjan…).

Mais c’est véritablement à partir de 1950, qu’on assiste à une explosion urbaine ou une
urbanisation croissante du fait de la politique de l’aménagement urbain. Elle est liée à la mise

75
en valeur économique de certaines villes par l’administration coloniale notamment Abidjan
devenu entre-temps la capitale économique du pays depuis 1934. La croissance urbaine a
rapidement atteint 10% notamment par la création du port d’Abidjan en septembre 1951, et
aussi par la création des succursales de grandes firmes internationales. Ces différents projets
de développement économique seront la cause d’un long exode rural vers la capitale et les
villes aux alentours.

Au lendemain de l’indépendance, le processus de création et de développement économique


des villes va se poursuivre à travers la mise en place d’une véritable politique d’aménagement
du territoire, de décentralisation et de déconcentration administrative. Ainsi, le gouvernement
ivoirien d’alors va mettre en place des projets comme l’A.R.S.O (Autorité pour
l’Aménagement de la Région Sud-Ouest) qui aboutira à la naissance de San-Pedro avec la
création du port autonome. Il a été initialement conçu en tandem avec l’AVB (Autorité pour
l’Aménagement de la Vallée du Bandama) concourra à la création du barrage de Kossou.
Mais ces projets d’aménagement n’ont pas abouti dans leur ensemble à cause de la gabegie et
de la mauvaise gestion des fonds décaissés.

Par ailleurs, il est bon de souligner que le système des fêtes tournantes de l’indépendance de
la Côte d’Ivoire initié par le Président Houphouët-Boigny a induit le développement
économique de certaines villes de régions avec la construction des infrastructures sociales,
culturelles, économiques et sportives.

SECTION II : LES POLICES DE L’ECONOMIE

L’activité de police a pour but d’assurer l’ordre. On connaît traditionnellement la police


administrative générale qui doit assurer l’ordre public que l’on divise en 3 aspects : sécurité,
tranquillité, salubrité. Il y a des polices spéciales qui interviennent en matière économique. Le
libéralisme a conduit à supprimer un certain nombre de mesures de police économique. Mais
malgré cela, il existe des polices de l’économie qui vont concerner certaines activités, certains
produits…

Paragraphe 1 : La police des prix

La police des prix est l’activité par laquelle les pouvoirs publics contrôlent les prix. On
remarque qu’il existe une réglementation communautaire de certains prix au titre des

76
politiques communes. En France par exemple, les autoroutes ont été réglementées parce qu’il
n’y a pas de concurrence. Les prix de l’électricité et du gaz ont connu cette réglementation.

Il y a des circonstances qui justifient une police des prix, notamment des circonstances
conjoncturelles. Par exemple, les pouvoirs publics peuvent réglementer les prix en cas de crise
ou de circonstances exceptionnelles, en cas de calamité nationale ou de situation
manifestement anormale du marché…

La réglementation des prix a un caractère provisoire et dès lors que la circonstance


particulière a disparu, la liberté des prix réapparaît. Il peut y avoir réglementation dans le
cadre d’une politique à caractère sanitaire et social : les prix des médicaments pour permettre
l’accès pour tous ou dans un souci de diminuer les dépenses de santé. La liberté du prix est le
principe. A titre d’illustration on remarquera que lorsque l’Etat décide d’augmenter les taxes
sur les tabacs, ils modifient un rapport économique (acheteurs-vendeurs) qui peut être de
limiter la consommation de tabac pour des motifs de santé publique.

Par ailleurs, il peut y avoir des circonstances particulières structurelles d’élaboration d’un prix
réglementé. La question s’est posée de savoir ce qui signifiait la notion de prix. Les prix c’est
la valeur en monnaie d’un produit ou d’un service. Le prix est la rémunération d’une
marchandise, d’une activité.

Ont été considérés comme des prix : les prix des journées des hôpitaux, les honoraires des
médecins et chirurgiens, les sommes dues au service public en contrepartie de prestations
fournies aux usagers. En revanche, ne sont pas des prix les taxes (aucun service rendu). D’une
façon générale, les prix ne sont pas l’équivalent d’un coût d’un service d’un produit (les
subventions payées à des particuliers, les indemnités d’expropriation). Les prix tombent sous
l’ordonnance de 1986.

Paragraphe 2 : La police de la concurrence

Le but de cette police est d’assurer un ordre dans lequel s’exerce normalement la concurrence.
Il y a un droit de la concurrence régissant le comportement des opérateurs qui relèvent autant
du droit privé que public. Les mesures de police de la concurrence revêtent des aspects variés
Elles peuvent viser des pratiques anticoncurrentielles prohibant certaines ententes.

L’ordonnance de 1986 définit les ententes prohibées comme étant « les actions concertées, les
conventions, les ententes expresses ou tacites, les coalitions qui ont pour objet ou effet

77
d’empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ». Pour tomber sous le coup
de la législation, l’entente doit avoir pour objet ou effet d’affecter la concurrence.

Au titre de la police des pratiques concurrentielles, il faut citer également la répression des
abus de position dominante ; c’est l’exploitation abusive par une entreprise ou groupe
d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou de l’état de dépendance
économique dans laquelle se trouve une entreprise ou un fournisseur et qui ne dispose pas de
solutions équivalentes.

La position dominante ou l’état de dépendance économique ne sont pas en eux-mêmes


condamnables, c’est l’abus qui l’est. Il y a un autre type de pratique anticoncurrentielle ; ce
sont les offres de prix ou des prix de vente abusivement bas par rapport à leur coût. Ces
pratiques sont prohibées lorsqu’elles ont pour objet ou pour effet d’éliminer un marché ou
d’empêcher l’accès à celui-ci à une entreprise (ventes à perte).

En France, la police des pratiques anticoncurrentielles est effectuée par le Conseil de la


Concurrence. Lorsqu’il est saisi, il peut ne pas donner suite. S’il décide de poursuivre, il peut
prendre des mesures (suspension de la pratique concernée, injonctions, prononcer des
sanctions économiques très lourdes). Le Conseil de la Concurrence est un organe administratif
qui n’est pas une juridiction et les actes pris sont administratifs. Pourtant le contentieux de ces
actes relève de la CA de Paris, juge judiciaire et non administratif. La Cour d’Appel de Paris
est compétente en tant que juge de premier et dernier ressort mais non comme juge d’appel.

Il est bon de souligner qu’en Côte d’Ivoire la police des pratiques anticoncurrentielles est
effectuée par une Commission dite Commission de la Concurrence instituée par la loi n° 91-
999 du 27 décembre 1991.

L’article 16 de cette loi assure que la Commission de la Concurrence donne son avis sur
toutes les questions concernant la concurrence dont elle est saisie ou lorsqu’elle s’autosaisie
elle-même d’une difficulté liée à une pratique anticoncurrentielle.

Paragraphe 3: La police des marchés financiers

Les marchés financiers ont connu une transformation profonde ces dernières années du fait de
la libéralisation des mouvements de capitaux à l’échelon mondial et du fait de moyens
nouveaux de communication qui permettent de donner des ordres à n’importe quel coin du
monde de façon instantanée. Cela a entraîné de nouveaux produits financiers ainsi que la
78
mutation, disparition et apparition de professions. Aujourd’hui, du fait de cette évolution, on
connaît un développement très important des affaires financières et boursières qui nécessite
l’existence d’une police. Il faut une intervention de la puissance publique à ce titre.
Cependant, l’État n’a pas voulu assumer directement cette responsabilité et il l’a confiée à des
organismes spécialisés qui ont acquis un rôle de régulateur du marché et qui disposent de
différents pouvoirs pour assurer cette régulation. Essayons d’analyser cette police des
marchés financiers en France (A) et en Côte d’Ivoire (B).

A. L’exemple en France
En France Pendant longtemps, la police des marchés financiers a été assurée par deux
organismes (Commission des Opérations de Bourse, COB et Conseil des Marchés Financiers,
CMF). La COB était une AAI dont le but était d’assurer la régularité des opérations des
marchés financiers. Le CMF était plutôt une instance professionnelle chargée d’assurer
également le bon fonctionnement des marchés. Son rôle se confondait avec celui de la COB.
Une loi d’août 2003 (loi de sécurité financière) a opérerai une fusion des deux organismes
(ainsi que la disparition du Conseil de Discipline de la Gestion Financière (CDGF)) pour
donner naissance à l’AMF.

L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) est une institution nationale, européenne et
mondiale. Elle a le pouvoir réglementaire, elle prend des décisions individuelles,
d’injonctions, de contrôle, elle enquête et prononce des sanctions. Le contentieux est réparti
entre le juge judiciaire et le juge administratif. C’est une autorité dotée d’un statut juridique
inédit ; elle n’est pas tout à fait une AAI (car elle a la personnalité juridique) mais plutôt une
API (Autorité Publique Indépendante).

La personnalité juridique lui confère une indépendance par rapport à l’exécutif mais cette
indépendance (budgétaire et financière) doit être nuancée car elle demeure sous la tutelle de
l’exécutif. C’est le Ministre de l’Economie et des Finances qui nomme les membres, choisit le
président et homologue son règlement intérieur.

B. L’exemple en Côte d’Ivoire


Comme il a été déjà évoqué (voir page cours sur les AAI), la police des marchés financiers
relevé de la compétence de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics
(ANRMP). Rappelons qu’il s’agit d’une Autorité Administrative Indépendante dotée de la
personnalité juridique ainsi que de l’autonomie financière dont la composition tripartite et

79
paritaire (administration, du secteur privé et de la société civile) est le gage de son
indépendance dans l’exercice de ses missions de régulation.

Cette autorité de régulation a pour missions, en matière de marchés publics et de délégations


de service public de formuler des avis au ministre chargé des marchés publics pour la
définition et l’amélioration des politiques en vue des actions de réforme du système des
marchés publics. En outre, de veiller à l’application des principes de bonne gouvernance,
notamment par la mise en œuvre des moyens préventifs permettant de lutter contre la fraude
et la corruption dans les marchés publics et les délégations de service public, ainsi que la
réalisation des audits indépendants de la passation et de l’exécution des marchés publics et
des délégations de service public sont également au nombre des prérogatives de l’ARNMP.

Cette Autorité, règle enfin, les litiges et différends nés à l’occasion de la passation et de
l’exécution des marchés publics et des délégations de service public faisant l’objet de recours
portés devant elle par les participants à la procédure des marchés publics.

Paragraphe 4 : La police des finances publiques

Dans la dernière constitution de novembre 2016, le constituant ivoirien a instaurer une


institution chargée de constater et de juger les fautes de gestion dans les finances publics. Il
s’agit de la Cour des Comptes. Selon l’article 152 de la Constitution, la Cour des comptes est
l’institution suprême de contrôle des finances publiques. Elle a des attributions
juridictionnelles, de contrôle et de consultation.

Suivant la constitution la Cour de Compte a pour mission de contrôler « la gestion des


comptes des services de l’État, des établissements publics nationaux, des collectivités
territoriales, des autorités administratives indépendantes et de tout organisme bénéficiant du
concours financier de l’État ou d’une personne morale de droit public ainsi que de tout
organisme bénéficiant du concours financiers des entreprises publiques et de leurs filiales »
(Art. 152 de la Constitution).

Il est bon de savoir que le Président de la Cour des Comptes chargée de faire la police aux
différentes fautes de maniements des fonds publics est nommé par le Président de la

80
République pour une durée de 5 ans renouvelable une fois. Il est choisi parmi les
personnalités reconnues « pour leur compétence et leur expertise avérées en matière
d’économie, de gestion, de comptabilité ou de finances publiques » (Art. 153 de la
Constitution).

CONSEILS BIOGRAPHIQUES

I- Manuels de droit public économique

- Jean-Paul Valette, Droit public économique, éd. Hachette, 2e édition, 2015, 157 p.
- Stéphane BRACONNIER, Droit public de l’économie, presse universitaire de France,
2016, 441 p.
- Jean-Yves CHEROT, Droit public de l’économie, Economica, 2 éd., 2007
- Frédéric COLIN, Droit public de l’économie – Sources et principes, secteur public,
régulation, Gualino, 2 éd., 2008.

81
- Du Marais Bertrand, Droit public de la régulation économique, PFNSP-Dalloz, 2014.
- Jeanneau Benoît, Droit public des services public et des entreprises nationales,
Dalloz, 1984.
- P. Minard, La fortune du colbertisme, État et industrie dans la France des lumières, éd.
Fayard, 1998.

II- Thèses et Mémoires

 Antoine A., Prérogatives de la puissance publique et droit de la concurrence,


LGDJ, Bibliothèque de Droit Public, T. 261, 2009

III- Revues et articles

 Auby J.-B, « Le droit de la concurrence appliqué à la police administrative » Dir


adm., janvier 2001, repère n°1

 Bazec M., « Le droit public de la concurrence » ? RFD adm., 1998, p. 78.

TABLES DE MATIERES

INTRODUCTION GENERALE
……………………………………………………………………………….P.6 à P.23

I- Les étapes de la formation du Droit Public Economique……………………..………..P.


10 à P.16
II- Les interventions des Etats dans
l’économie………………………………………………….P. 16 à P. 20
III- les sources du droit public
économique………………………………………………………..P. 21 à P. 26

82
PREMIERE PARTIE I : LES ORGANES PUBLICS D’ACTION ECONOMIQUE

CHAPITRE I : LES INSTITUTIONS


CENTRALES……………………………………………….P. 27 à P. 33

SECTION I : LES INSTITUTIONS ÉTATIQUES


GENERALES……………………………….P.27 à P.29

Paragraphe 1 : Le rôle du pouvoir


exécutif……………………………………………………………….P.27 à P.28

Paragraphe 2 : Le rôle du pouvoir


législatif………………………………………………………………..P.28 à P.28

SECTION II : LES INSTITUTIONS


DECONCENTREES………………………………………..P.28 à P. 29

Paragraphe 1 : les cadres géographiques de l’administration déconcentrée et leur administration


économique………………………………………………………………………………………………
……..P29 à P.29

Paragraphe 2 : l’administration économique déconcentrée………………………………………….P.


29 à P. 30

SECTION III: LES INSTITUTIONS DECENTRALISEES………………………………………P.


30 à P.33

Paragraphe 1 : L’essor de la
décentralisation……………………………………………………………….P. 31 à P.32

Paragraphe 2 : la légitimité des interventions économiques des collectivités territoriales…P. 32 à P. 33

CHAPITRE II : LES INSTITUTIONS ET ADMINISTRATIONS ECONOMIQUES


SPECIALISEES…………………………………………………………………………………………
…..P. 34 à P. 40

SECTION I : LES INSTITUTIONS ECONOMIQUES SEPECIALISEES : Le conseil


économique, social, environnemental et
culturel…………………………………………………………………….P. 34 à P. 34

SECTION II : LES ADMINISTRATIONS DE MISSION………………………………………P.


34 à P. 34

83
SECTION III : LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES (A.A.I)….P. 34 à
P. 39

Paragraphe 1 : l’ANRMP (Autorité Nationale de Régulation Marchés Publics………………….P. 35 à


P.37

Paragraphe 2 : La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance…………………………………….P. 37


à P.38

Paragraphe 3 : L'Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI)


………………………………………………………………………………………………………….P.
38 à P. 39

SECTION IV : LES ETABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX………………………….P.39


à P.40

Paragraphe 1 : Les règles particulières à chaque catégorie d’EPN…………………………………P.39


à P. 40

Paragraphe 2: Le régime juridique des SPA et des SPIC…………………………………………..P. 40


à P. 43

DEUXIEME PARTIE : L’ENCADREMENT PUBLIC DE L’ECONOMIE………………..P. 44


à P.62

CHAPITRE I : LES CADRES JURIDIQUES DE L’INTERVENTIONNISME………….P. 44 à


P. 54

SECTION I : l’ENCADREMENT PAR LE DROIT TRADITIONNEL…………………….P. 44 à


P.51

Paragraphe 1: L’encadrement par des principes propres ou spécifiques au DPE……………..P. 44 à


P.47

Paragraphe 2 : Les principes tirés du droit commun à valeur économique……………………..P. 47 à


P. 51

SECTION II : LES PRINCIPES INTERVENTIONISTES………………………………………..P.


51 à P.54

Paragraphe 1: L’intervention de l’État en tant que régulateur de l'économie…………………..P. 51 à


P. 51

84
Paragraphe 2 : L’intervention de l’Etat en qualité d’opérateur économique……………………P. 51 à
P.51

Paragraphe 3 : L’intervention de l’État en qualité de collaborateur des opérateurs


économiques……………………………………………………………………………………………
………..P. 51 à P. 54

CHAPITRE II : LES INSTRUMENTS DE L’INTERVENTIONNISME PUBLIC………..P. 55 à


P. 62

SECTION I : LA PLANIFICATION OU LE PLAN ECONOMIQUE……………………….P. 55


à P. 57

Paragraphe 1 : La planification dans le


temps…………………………………………………………..P. 55 à P.57

Paragraphe 2 : La planification de l’espace ou l’aménagement du territoire…………………….P. 57 à


P. 58

SECTION II : LES POLICES DE


L’ECONOMIE…………………………………………………..P. 58 à P. 62

Paragraphe 1 : La police des


prix………………………………………………………………………………….P. 58 à P. 58

Paragraphe 2 : La police de la
concurrence…………………………………………………………......P. 58 à P. 60

Paragraphe 3: La police des marchés


financiers………………………………………………………..P. 60 à P. 61

Paragraphe 4 : La police des finances publiques……………………………………………………….P.


61 à P. 62

CONCLUSIONS
………………………………………………………………………………………………………..P.
62 à P. 62

BIBLIOGRAPHIE
GENERALE…………………………………………………………………………………….P.63 à P.
63

85
86

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