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DOCUMENTS DE CRIMINOLOGIE J&hfyc^-


ET DE MÉDECINE LÉGALE
Publiés sous la direction du Dr A. LACASSAGNE

ÉTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE


DES

EMBAUMEMENTS
AVEC DESCRIPTION

D'UNE NOUVELLE MÉTHODE

PAR

le Dr PARGELLY

LYON PARIS

. 4. SfQRÇlJ, ÉDITEUR (y. MASSON, ÉDITEUR


78, rue de l'H^el-de-Yil.le, 120, boulevard St-Germain

1391
BIBLIOTHÈQUE DE CRIMINOLOGIE
Publiée sous la direction du Dr A. LACASSAGNE

I. — Em. Régis (D'). — LES RÉGICIDES DANS L'HISTOIRE ET


DANS LE , avec 20 gravures
PRÉSENT 3 fr. 50
II. — G. Tarde. — PHILOSOPHIE PÉNALE, 1 vol. in-8°, 2°°Édit. 7 fr. 50'
III. — E.Laurent. - LES HABITUÉS DES PRISONS, 1 gros vol.
in-8° avec nombreux portraits, planches et gra-
phiques 10 fr »
IV. — Raux, Directeur de la 20° circonscription pénitentiaire.
— Nos JEUNES DÉTENUS. Etude sur l'enfance
coupable. 1 vol.in-8° 5 fr. »;
V. — A. Lacassagne.— L'AFFAIRE GOUFFÉ, 1 vol. in-8% 4 pl
hors texte, 2°" Edit. augmentée 3f. 50
Sous presse '
G. Tarde. — ÉTUDES PÉNALES ET SOCIALES.
C. Lombroso. — LES PALIMPSESTES DES PRISONS
Paul Dubuisson, médecin en chef de l'asile Sainte-Anne. — DE LA!
RESPONSABILITÉ CRIMINELLE. Caractères distincts de l'aliéné et du cri-

minel.
V. Augagneur. (Dr), agrégé de la Faculté de Médecine de Lyon,
chirurgien de l'Antiquaille. — DE LA PROSTITUTION. Etudes de physio-
logie et de pathologie sociales
Lannois (Dr), agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon,— LE SOURD-
MUET. Etude médicale et sociologique avec applications au droit civil'

et au droit criminel.

HYGIÈNE DE LYON
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX
DU CONSEIL D'HYGIÈNE PUBLIQUE ET DE SALUBRITÉ;
DU DÉPARTEMENT DU RHONE '
Météorologie. — Géologie. — Statistique. — Consommation et alimentation.-
— Eaux. — Voirie urbaine. — Epidémies. — Ecoles. — Hôpitaux. — Lois-
protégeant l'enfance. — Prostitution. — Criminalité. —Prisons. — Aliénation,
mentale.
Par A. LACASSAGNE
I'
1 vol. in-8 de 410 pages: 10 francs
Médaille d'Or du Ministère de l'Intérieur \

LES ÉTABLISSEMENTS INSALUBRES


DE LA REGION LYONNAISE
i Abattoirs, équarissage, boyauderies.— Fab. d'acides, de sulfure de carbone,,
de céruse, de phosphore. — Usines à gaz. — Cimetières. — Eaux, etc., etc.
Lois, décrets et ordonnances. 1

Par A. LACASSAGNE
In-18 de 600 pages, 5 cartes en couleurs : 10 fr.
t

LYON PARIS
A. STORCK, ÉDITEUR G. MASSON, ÉDITEUR
7b, rue dé l'Hotel-de-Ville 120, boulevard St-Germain

1891
PRÉFACE

Da Tenlara scrlptls quorum non Gloria nobis


Causa, sed utililas officiumquo fuit.
("Olide, Eplst. el Ponto;.

En 1879, M. le Professeur Lacassagne, (l) après avoir


solidement réfuté, dans son article sur la CRÉMATION, les
trois principaux reproches que les adversaires de l'inhu-
mation faisaient aux cimetières, s'exprimait ainsi :
« Qu'on se tranquillise donc, on peut être assuré qu'il
dépend des hommes de garder près d'eux leurs morts. Pour
atteindre un tel but les moyens ne font pas défaut. Userait
au moins étrange que dans un état de civilisation aussi
florissant, dans un siècle où les sciences physico-chimiques
et biologiques ont fait de si grands progrès, nous fussions
inférieurs, à un point de vue semblable, à toutes les théo-
craties de l'antiquité. »
C'est qu'en effet,déjààcette époque, la science possédait
un grand nombre de procédés de conservation du cadavre
humain, parmi lesquels ceux de "William ïïunter, du pro-
fesseur Chaussier, du Dr Sucquet,deLaskowski de Genève,
du savant Brunetti, étaient considérés comme les meilleurs
et donnaient réellement de bons résultats.

(1) Art. Crémation du Dict. de Dechambre.


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Cependant, il faut bien le reconnaître, toutes ces mé- avoir au point de vue social, militaire, hygiénique,-mé-
thodes, les unes à cause de la complication du manuel dico-légal. ■:.
opératoire qu'elles exigeaient, les autres à cause des opé- :Mais, pour bien faire sentir sa supériorité, sur ceux qui
rations plus ou moins blessantes pour la délicatesse du pu- l'ont précédé, nous nous proposons de reprendre, d'un peu
blic qu'elles comportaient, laissaient beaucoup à désirer. plus haut, la question de la conservation du corps humain
On n'était pas encore en possession d'un procédé simple, après la mort. Nous étudierons, au point de vue historique
sûr, facile à appliquer, à la portée de tous, évitant etcritique, dans la suite des siècles, les principales métho-
ce qui peut choquer des yeux peu accoutumés aux travaux des d'embaumement. En un mot, nous verrons ce qu'ont
d'anatomie, qu'on était en droit d'attendre de la science été les embaumements dans le passé, ce qu'ils sont dans
moderne. Aussi voyait-on chaque jour se réaliser ces pa- le présent, ce qu'ils pourront être dans le futur. D'où
roles du Dr Sucquet : « L'embaumement perdra de plus en trois parties dans notre travail.
plus la faveur publique, s'il ne surgit pas quelque méthode . Mais, pour apprécier à sa juste valeur un procédé
nouvelle, simple et sûre, quelle que soit d'ailleurs l'habi^ quelconque de conservation, il faut auparavant se faire
leté des opérateurs. » une idée exacte de la manière dont s'opère, dans les con-
Il était réservé à M. le professeur Dubois, de la Faculté ditions ordinaires, la destruction du corps humain. Or,
des Sciences de Lyon,de résoudre enfin,au moins en grande deux actes président à cette destruction, ha, putréfaction
partie, ce problème difficile, et de trouver le procédé qu'on et la disparition du cadavre.
réclamait depuis si longtemps. Le procédé R. Dubois, en
effet, par sa simplicité, par les beaux résultats qu'il donne,
semble appelé à faire sortir l'embaumement de l'enceinte
§1. PUTRÉFACTION DU CADAVRE HUMAIN
des laboratoires ou de quelques familles privilégiées, pour
le faire passer dans le domaine de la vulgarisation et de la
pratique commune. Avec cette découverte, l'homme du Aussitôt après la mort, commence la désagrégation de
peuple pourra, aussi bien que le riche et le grand seigneur, la substance organique. « Notre chair, dit Bossuet (orai-
supprimer à son gré la corruption qui l'attend un jour, et son funèbre d'Henriette d'Angleterre), change bientôt de
immobiliser pour un temps indéfini les restes de ceux qu'il nature, notre corps prend un autre nom, même celui de
a aimés. cadavre, .parce qu'il montre encore quelque chose
C'est ce procédé nouveau que nous nous proposons de ' d'humain, ne lui demeure pas longtemps. Il devient un
développer dans cette thèse. je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue ».
Nous en montrerons la nature, le manuel opératoire.' Comment s'effectue un tel changement?
Nous parlerons des nombreuses applications qu'il pourra Pendant de longs siècles la cause première, la nature.
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intime de la putréfaction cadavérique ont été à peu près genres, animaux et végétaux. Ce sont eux qui donnent à
complètement inconnues. l'oxygène de l'air les moyens de les brûler et de les
On savait, il est vrai, depuis longtemps, que c'était au transformer en préparant une vie nouvelle. »
moyen de la putréfaction que la nature entretenait dans Ce sont eux qui accomplissent tous les dédoublements
le monde le circulus œterni metus materiœ et Lucrèce accompagnés de produits volatiles d'odeur infecte,
dans son poème : De natura rerum, exprimait élégam- auxquels on doit désormais réserver le nom de putréfac-
ment cette idée lorsqu'il écrivait. : tion.
« L'examen à la fois chimique et microscopique du
« Haud igitur penitus pereunt qucecumque videntur
Quando aliud ex alio refècit natura nec ullain produit solide ou liquide qui donne lieu au dégagement
Rem gigni patitur nisi morte adjuta aliéna. » gazeux permet de suivre pas à pas la marche de la putré-
faction, dit le Dr L. Hugounenq (1). La matière albumi-
A la fin du dernier siècle, notre immortel Lavoisier noïde est d'abord envahie par des myriades de bactéries
avait fait faire un pas de plus à la question, en consi- qui s'attaquent à elle; elle se scinde alors en substance
dérant la putréfaction comme une combustion lente, une de complexité moindre, bientôt impropre à la vie des
oxydation par l'oxygène de l'air de la substance orga- bactéries primitives. De nouveaux êtres infiniment petits
nique. Mais, l'agent qui la provoquait n'était pas encore envahissent aussitôt le milieu putride où ils trouvent
connu, et on était bien loin à cette époque de pouvoir un terrain favorable à leur développement et à leur
s'écrier, en renversant la phrase de Mitscherlich, sans en propagation. Sous l'influence de ces nouveaux venus, les
changer la vérité : « La pourriture c'est la vie ». C'est réactions s'accélèrent, les produits de dédoublement
seulement en 1862 que Pasteur démontra l'exacte vérité formés pendant le premier stade se dédoublent à leur tour
de cette proposition en apparence paradoxale, en indiquant en produits plus simples, au sein desquels la vie n'est
que la putréfaction devait être attribuée à l'action d'êtres plus possible pour les bactéries qui ont provoqué leur for-
microscopiques; mais vivants, à l'action de ce que mation. Devenues excrémentitielles pour l'espèce précé-
Sedillot de Strasbourg a appelé depuis les microbes (1). dente, les substances putrides sont encore alimentaires pour
« Si les êtres microscopiques, dit Pasteur, disparais- une nouvelle génération de microbes, qui trouve dans la
saient de notre globe, la surface de la terre serait chaleur, dégagée par ces dédoublements successifs, la
encombrée de matières organiques et de cadavres de tous source de son énergie vitale: et c'est ainsi que de simplifi-
cation en simplification, la matière putride, envahie tour
(1) Le nom de microbes proposé par Sèdillot en 1878 convient
en même temps qu'aux bactéries, à des levures, des moisissures,
à des animaux inférieurs infusoires ou autres ; il en éstdemême (1) Archives de l'anthropologie criminelle et des sciences
du terme micro-organisme. (Macé, .traité de Bactériologie, p. 9). pénales, art. putréfaction sur le cadavre et le vivant, 1887.
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à tour par des:bactéries différentes, ' arrive-progressive- du phosphore et de l'azote dans les composés âlbumineux
ment à une série de corps relativement simples et trop sta- des tissus, donne naissance à de l'hydrogène sulfuré,
bles pour se prêter au jeu délicat des forces biologiques des phosphoré, à de l'ammoniaque dont la mauvaise odeur
infiniment petits ». vient s'ajouter à celle des substances précédentes, et
Les microorganismes qui travaillent ainsi au mouve- former le fumet repoussant de la putréfaction, variant
ment morphologique delà matière morte sont des végétaux. suivant la qualité et la quantité des divers composants.
Ce sont des algues de la classe des schizophytes (Cohn). A côté de ces produits volatils on trouve des produits
L'ammoniaque, la potasse, l'acide sulfurique ne les fixes, résidus comme les premiers de l'activité vitale des
attaquent pas : car leur protoplasma est protégé par une microbes. C'est de la leucine, de la tyrosine, du glyco-
couche de cellulose (Arloing, Traité des virus, p. 46). coll etc. (Ma'cé, Traité pratique de bactériologie,\
Ils sont excessivement nombreux; Ehremberg en a- p. 80).
compté plus de trente espèces. Néanmoins Pasteur a pu , Les ferments anaérobiens cessent fatalement leur action
les partager toutes en deux grands groupes : les aérobies devantcertainesmatièresencore complexes,maisquinesont
et les anaérobies. plus capables d'alimenter leur vie. Mais ces substances
Les premiers sont avides d'oxygène libre et ils ne peuvent être brûlées complètement par les bactéries aéro-
peuvent végéter qu'en présence de ce gaz. Les seconds, biennes delà surface, qui jouent ainsi un rôle complémen-
au contraire, voient leur développement contrarié et même taire de celui des vibrions de l'intérieur.
complètement arrêté par l'oxygène à l'état de liberté. Ces organismes oxydants absorbent, en effet, l'oxygène
Ceux-ci ne vivent qu'à la surface des matières putres- de l'air, le fixent sur la matière à détruire, et lui font subir
cibles, ceux-là se trouvent bien dans leurs profondeurs. ainsi les véritables phénomènes de la combustion lente.
Les uns se comportent comme la levure de bière, les autres Le résultat ultime de la transformation est surtout de
comme le micoderme du vinaigre. Les vibrions anaéro-; l'acide carbonique et de l'eau : produits simples et ino-
biens tels que le.bacille putride apportent à la destruction dores.
du cadavre les qualités spéciales des ferments; ils s'ef- Les êtres de la surface et ceux de la profondeur se ■
forcent ■ de dissocier, de dédoubler les matières albumi- portent ainsi un mutuel concours, et peuvent de la sorte
noïdes- en produits gazeux et en corps nouveaux de mener rapidement l'oeuvre de décomposition de la matière -
constitution- plus simple : tels que les ammoniaques com- organique.
posés^ les :acides gras volatils d'odeur infecte, tel que> Pour produire tous ces changements, les microbes delà
l'endol, le scatol etc. d'odeur fécaloïde très pénétrante. putréfaction, anaérobies ou aérobies, sécrètent des dias--,
. .Beaucoup d'anaérobies dégagent de l'hydrogène plus tases qui jouent à peu près le rôle du suc gastrique chez
ou moins, pur .qui, rencontrant à l'état naissant du soufre, \ les animaux-supérieurs. Ces substances liquéfient les
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matières albuminoïdes et les rendent dialysables. Chaque nombre doués de propriétés spéciales, et sont pour la
microbe sécrète une diastase particulière, dit Dubief plupart extrêmement vénéneux : ce sont les ptomaïnes
{Traité de microbiologie). Certains peuvent même en (de 7îT(ûf/.a cadavre).C'est Selmi qui le premier les retirades
fabriquer plusieurs successivement, suivant les besoins cadavres humains. Puis Gautier parvint à les extraire
de leur évolution et de la nutrition de leurs organes. d'abord des substances albumineuses en fermentation, et
Ces diastases sont des corps non figurés, solubles dans ensuite des cellules vivantes normales elles-mêmes.
l'eau, et se rapprochant par leurs propriétés chimiques des Il en donna une étude chimique bien complète et en
matières albumineuses elles-mêmes. Elles produisent des précisa les rapports avec la putréfaction.
réactions et des dédoublements, sans former elles-mêmes- On en a obtenu depuis un très grand nombre,dontl'étude
des combinaisons avec les éléments qu'elles ont mis en se trouve dans les récents mémoires de Brieger. ■
liberté, et sans que leur action en soit diminuée. Cesbases azotées cristallisent d'unemanière bien définie.
Une des conditions absolument nécessaires à la vie des Elles sont d'autant plus toxiques qu'elles apparaissent
microbes putréfactoires, c'est la présence de l'eau. L'eau, plus tardivement sur le cadavre en putréfaction (Dubief,
en effet, est indispensable à toute cellule vivante quelle loc. cit.).
qu'elle.soit : les bactéries et les vibrions ne font pas excep- Parleurs réactions chimiques, ainsi que par leur action
tion à cette règle. La dessication non seulement empêche physiologique, elles ressemblent beaucoup à certains
leur végétation, mais les tue rapidement. Il n'y a d'ex- alcaloïdes végétaux, tels que la morphine, l'atropine et
ception à cette règle que pour le micrococcusprodigiosus. la muscarine des champignons vénéneux (Macé).
Les spores résistent bien mieux au manque d'eau que Comme on le voit le phénomène putréfactoire du corps
les cellules adultes. D'après Biefeld les spores du bacillus humain est assez complexe. Cette complexité résulte de
subtilis résisteraient trois ans à la dessication. la diversité des matériaux qui se putréfient et delà variété
L'eau dans les microorganismes paraît surtout servir des êtres qui y prennent part.Néanmoins il est assez facile,
en grande partie de véhicule pour les matières assi- ainsi que le fait remarquer M. Duclaux dans sa chimie
milées, élaborées ou excrétées. biologique,d'en tracer le tableau général.Nous ne saurions
Comme cellules vivantes, en effet, les bactéries et les mieux faire que de citer ici la description qu'en donne cet
vibrions fournissent une certaine quantité de déchets auteur.
organiques, qui vont en s'accumulant dans les milieux « Nous savons, dit-il, que dans les conditions ordi-
nutritifs, et finissent par rendre impossible la vie de la naires le corps (c'est-à-dire le milieu organique) de
cellule, si par un procédé quelconque ils ne disparaissent l'animal est fermé à l'introduction des germes inférieurs.
pas. Ce n'est point par là que commence l'attaque, elle vient
Parmi ces produits excrémentitiels il en est un certain de l'extérieur et 'du tube digestif. Toute la surface du
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corps est couverte de poussières que l'air charrie, parmi gaz qui passeront dans l'air. Enfin, une masse de cendres de
lesquelles nous savons qu'il y a des germes de microbes. la partie insoluble seule ne rentrera pas d'elle-même ou ne
« Mais le canal intestinal est rempli dans toute sa rentrera que très tardivement dans Ja grande circulation,
longueur non plus seulement de germes, mais de vibrions à- laquelle s'alimente toute vie sur la surface du globe. »
tout développés que Leuwenhoeck avait déjà aperçus. Ces
vibrions ont une grande avance sur ceux de la surface.
Ils sont producteurs dediastases qui peuvent liquéfier non
§ IL — DISPARITION DU CADAVRE
seulement la caséine, mais la fibrine.
« Ils tapissent les parois et remplissent l'intérieur du
tube digestif, beaucoup moins résistant que la peau. Ils C'est en effet à ce moment que se montrent, en général,
pénètrent même dans la profondeur de certains conduits des ennemis plus robustes et plus forts que les microbes de
débouchant dans l'intestin, comme, par exemple, dans le la putréfaction. Il faut de toute nécessité que le cadavre
canal pancréatique. Ils se trouvent donc à l'état vivant disparaisse complètement, pour que la matière morte se
en présence de cellules mortes, dont les réactions ont revivifie de nouveau, et ce sont les insectes qui sont
changé et que le sang n'anime plus. C'est par là que chargés par la Nature d'accomplir cette grande mission.
commence la dissolution des tissus. Une fois le canal Travailleurs infatigables de la mort, comme les appelle
digestif perforé, les êtres microscopiques arrivent au M. Mégnin, ces êtres affamés et gloutons vont achever la
contact des organes. Là, les diastases agissent encore. La ruine totale de l'édifice humain déjà si fortement ébranlé
fibrine commence à se ramollir et se transforme ensuite par l'action des infiniment petits.
en une sorte de bouillie nutritive, comme le fait la caséine L'expression Insectes est prise ici dans le sens général
sous l'action des microbes Tyrothrix. Des gaz putrides que lui donnait Cuvier et qu'on lui donne encore dans le
fabriqués, comme dans une infusion organique ordinaire, langage courant, c'est-à-dire qu'elle désigne tous les êtres
surtout par des anaérobies se dégagent abondamment. articulés, dont les naturalistes modernes ont fait les classes
La peau résistante jusque-là se gonfle et après s'être des insectes proprement dits ou des hexapodes, des myria-
ramollie, se déchire. L'air atmosphérique, avec la multi- podes et des arachnides.
tude de microbes qu'il contient, peut désormais pénétrer .En réalité, les insectes des cadavres comprennent des
dans la masse en décomposition ; et ici encore, grâce au hexapodes et des acariens sous-classe des arachnides.
concours des aérobies et des anaérobies, tout ce qui était Les insectes hexapodes des cadavres appartiennent aux
matière organique insoluble dans l'eau sera devenu au ordres des coléoptères, des diptères et des lépidoptères.
bout de quelque temps de l'eau, du carbonate d'ammo- Les acariens appartiennent à la famille des gamasides
niaque soluble dans l'eau, de l'acide carbonique,et d'autres et à celle des sarcoptides.
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Parmi toutes les facultés des insectes hexapodes, le métrique croissante calculée sur une trentaine de demeu-
sens de l'odorat est un des plus remarquables. rants en l'espace de huit jours. M. Mégnin a exécuté un de
Ce sens est placé sur les antennes percées d'une infinité ces calculs et il a trouvé qu'une momie d'enfant ayant
de trous isolés, simulant un crible et communiquant avec environ 3000 centimètres carrés de surface comptait
une cavité, au fond de laquelle est tendue une fine mem- 2.400.000 acariens tyroglyphes morts ou vivants. J'em-
brane, laquelle se rattache avec une expansion du nerf prunte tous ces détails à la savante thèse du Dr Yovanq-
olfactif. vitch, (Paris, 1888.)
Cet apparéilleur fait trou vèr avec sûreté non seulement Ce n'est pas d'aujourd'hui seulement qu'on connaît les
les cadavres exposés à l'air libre, mais ceux profondé- mœurs carnassières de ces insectes.
ment enfouis dans la terre. Cependant certaines plantes Les Perses, au dire de Plutarque, savaient très bien le
de la famille des aroïdées, par exemple, exhalent une moyen de faire dévorer tout vifs leurs condamnés par les
odeur de cadavre qui trompe quelquefois les premiers larves de certains diptères.
visiteurs de la mort, tels que les calitphoras vomitorias. Voici comment on procédait. On faisait placer le cou-
Ils se précipitent sur. elles et y meurent, mais, dit pable entre deux bateaux d'égale longueur, renversés l'un
Kûnckel, les erreurs dans lesquelles ils tombent fournis- sur l'autre. Sa têce, ses mains et ses pieds sortaient en
sent une preuve éclatante delà délicatesse de-leur odorat. dehors. Sa face demeurait exposée au soleil et était enduite
Les hexapodes ont des métamorphoses complètes, et de miel. Les larves qui naissaient entraient dans les
sont successivement larves, nymphes et insectes parfaits. chairs pour les dévorer. C'est ainsi que périt le malheu-
Les acariens subissent aussi des métamorphoses spé- reux Mithridate. Celui-ci exposé par Artaxercès Longue-
ciales., mais leurs larves et leurs nymphes sont actives et main à cet horrible supplice, vécut cependant ainsi pendant
ressemblent plus ou moins aux parents. L'état larvaire de 70 jours. Quand on enleva le bateau supérieur, on trouva
ces insectes correspond à l'enfance de l'homme. La larve sa chair et ses. entrailles entièrement rongés par des
ne fait que manger, et pour atteindre au plus vite l'état myriades de vers. (Moquin-Tandon, Zoologie médicale,
parfait, elle mange beaucoup. Aussi son appareil mastica- 1862).
teur est-il ordinairement bien développé. Et l'immortel naturaliste Suédois n'a-t-il pas dit depuis
De tous ces êtres ce sont les acariens détriticoles qui longtemps sans trop d'hyperbole : que trois mouches con-
se reproduisent le plus rapidement. Une huitaine de jours somment un cadavre aussi vite que le fait un lion (Mac-
leur suffit pour arriver à l'état adulte et donner lieu à une quart) ?
nouvelle génération, de sorte que le chiffre des descen- Enfin Van Beneden {Commensaux et parasites) fait
dants auxquels peut donner lieu un couple de ces êtres remarquer judicieusement que le rôle de croque-mort est
microscopiques, peut s'exprimer par une progression géo- très répandu dans la nature, et que ce n'est jamais sans
- 15 -
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M. Mégnin en effet a montré (de l'application de
quelque profit pour lui, ou pour sa progéniture, que ce
l'entomologie à la médecine légale 1883, Gazette hebdom.
sombre travailleur fait disparaître les cadavres.
de méd. et de chirurgie) que le dépôt des œufs par ces
Les animaux comprenant les travailleurs de la mort
insectes ne se fait pas au même moment pour tous, qu'ils
et constituant la faune des tombeaux sont relativement
choisissent chacun un certain degré de décomposition, et
nombreux. Cependant les insectes qui paraissent se
que ce moment varie depuis quelques minutes jusqu'à
repaître de préférence de cadavres et dont les oeufs sont
deux et même trois ans après la mort ; mais qu'il est
déposés à la surface des corps sont seulement les suivants :
tellement constant pour chaque espèce,et que la succession
Musca tachina, simplex de Meigne, Carnaria domes-
de leur apparition est tellement régulière, que Ton peut
tica, vomitoria, Anthrenus, Dermestes, Hister, Necro-
par l'examen des débris qu'ils laissent, comme par l'étude
phorus,SylphaPterus,imperialis, Oxyporus, Lathrobium,
des stratifications géologiques, apprécier l'âge du cadavre
Pœdurus Stenus, Tachinus Alocharia, Noterus Scarites
c'est-à-dire remonter assez exactement à l'époque de la
Harpalus, Julus Lepissima.
mort : ce qui a souvent une importante capitale en méde-
Mais ces insectes n'ont ni les mêmes mœurs ni les
cine légale.
mêmes instincts. Il est pourtant un usage qui est presque
Lorsqu'un cadavre est exposé à l'air libre, dit l'auteur
commun à tous. C'est que presque tous attendent que la
que nous venons de citer, il est rapidement envahi par une
putréfaction ait fait son apparition avant d'attaquer le
foule d'insectes qui viennent pondre à sa surface et
cadavre et d'y déposer leurs œufs. (1)
surtout à l'entrée des ouvertures naturelles ; les larves
C'est un fait en effet avéré, dit Yovanovitch clans sa
sorties des œufs le pénètrent en tous les sens, pour se
thèse inaugurale, que, dans les premiers temps après la
nourrir de ses humeurs et activent singulièrement sa
mort, les mouches ne s'arrêtent pas autour des cadavres,
décomposition. Ainsi agissent les diptères du groupe des
que plus tard, elles ne font que voltiger auprès d'eux, et
sarcophagiens et quelques coléoptères dont les adultes
qu'enfin, lorsque la putréfaction est plus- avancée, elles
de certaines espèces pénètrent même sous la peau comme
s'abattent sur eux et y déposent leurs œufs ; et bientôt on
les Sylphes et les Histers. Les larves de diptères, connues
voit des larves plus ou moins volumineuses, plus ou moins
sous le nom vulgaire d'asticots, et celles des coléoptères
nombreuses ramper sur plusieurs de leurs parties.
suffisent pour absorber la plus grande quantité des
Toutefois l'époque de l'attaque est parfaitement fixe et
humeurs liquides du cadavre et l'amener presque entiè-
régulière pour une espèce donnée et varie d'une espèce à
rement à l'état de squelette accompagné d'un faible rési-
l'autre.
du de matière animale plus ou moins grasse qui va servir,
(1) C'est que la plupart se délectent des odeurs fétides et redoutent à l'alimentation de nouveaux insectes.
excessivement les odeurs que nous considérons comme agréables C'est à ce moment, en effet, qu'arrivent les larves des
et les parfums.
- 16 — - 17 —

dermestes qui font disparaître jusqu'aux dernières traces Les os, ayant perdu leur substance organique, deviennent
toutes les matières grasses. L'action des dermestes ter- friables et s'émiettent petit à petit. Ce sont les côtes qui
minée et le corps réduit à l'état de momie, les parties orga- se détruisent d'abord, puis le bassin, viennent ensuite les
niques sèches, les tendons, la peau, les parties musculaires os des membres, le. crâne et les dents persistent plus long-
épargnées par les précédents insectes, sont attaqués par temps.En général au bout de 12 à 15 ans, la plupart des os
les Anthrènes et les- Acariens détriticoles des genres ont disparu. Il ne reste plus alors du corps humain qu'un
Tyroglyphus et Glyciphagus qui se montrent alors par peu de terrain noirâtre et encore plus ou moins gras,
myriades et font disparaître tout ce qui reste des matières lequel devient à la longue pulvérulent. La sentence bi-
organiques, le remplaçant par une matière pulvérulente blique est exécutée : « et inpulverem reverteris. » A la
qui recouvre les os, et qui est entièrement composée de longue cette cendre finit elle-même par se décomposer en
de leurs dépouilles, de celles de leurs nymphes hypopiales acide carbonique et en eau. Il ne reste plus rien du ca-
et de leurs déjections. davre humain. La phase de la destruction totale est
On le voit, la disparition totale du cadavre se fait par une terminée. (Dict. de Dechamhre. —Dict. de Jaccoud).
espèce de succession régulière de différentes générations D'après ce que nous venons de dire, un procédé d'em-
d'insectes. Le corps est d'abord envahi par les Diptères et baumement pour être réellement conservateur, devra
leurs larves, qui absorbent toutes les matières liquides qui d'abord empêcher ou arrêter la putréfaction ; il devra
ne s'évaporent pas ; puis viennent les Dermestes et leurs ensuite préserver efficacement le corps contre les attaques
larves qui font disparaître les matières grasses, et enfin des insectes. Il pourra remplir la première indication de
les Anthrèmes et les Acariens qui dévorent les parties deux manières différentes, soit en tuant directement les
sèches ou à peu près. microbes de la putréfaction au moyen des antiseptiques,
Très souvent du reste l'action destructive des insectes soit en les empêchant de vivre, en les privant de l'eau
est singulièrement favorisée par l'intervention hâtive élément absolument nécessaire de la vitalité. Il remplira
d'un grand nombre de mucorinées dontles spores,charriées la seconde indication aussi de deux manières, ou bien en
par l'air, germent rapidement à la surface du cadavre, et empoisonnant au moyen d'insecticides, l'insecte mangeur
le végétal cryptogame qui en sort aide par son évolution de cadavres qui tenterait de s'introduire dans les tissus
à la disparition de la matière animale. et d'y déposer les germes de sa progéniture, ou bien en
C'est ainsi qu'après la mort, miné par les microbes tenant l'insecte éloigné des corps embaumés, au moyen
aérobies ou anaérobies, désorganisé et détruit par les des odeurs fortes et aromatiques que redoutent en géné-
insectes de diverses espèces, l'édifice humain tombe rapi- ral les insectes nécrophages.
dement en ruines. Les parties molles se réduisent de plus Voyons comment dans la suite des siècles les diffé-
en plus, et au bout de trois à cinq ans on n'en trouve plus rents systèmes d'embaumements ont plus oumoins répondu
de traces. Puis le squelette se détruit aussi à son tour. à cette double indication.. 3
19 —

tions et des pures vues de l'esprit. On fabrique des théories


plus ou moins excentriques et on les applique ensuite,
sans discernement, dans la pratique !
C'est pourquoi cette première partie comprendra tout
PREMIÈRE PARTIE d'abord deux grandes divisions : La période empirique
et la période métaphysique.

Les embaumements dans le passé. § I. — LA PÉRIODE FICTIVE OU EMPIRIQUE.

La période fictive ou empirique se divise tout naturel-


lement en deux époques bien distinctes : L'époque ancienne
Par embaumement dans les siècles passés, nous enten- et l'époque du Moyen-Age. Nous traiterons chacune d'elles

dons tous les procédés appliqués autrefois et actuellement dans deux sections séparées.
abandonnés.
Ces procédés sont compris dans deux périodes, d'iné- PREMIÈRE SECTION
gale longueur : La période fictive ou empirique et la
période théorique ou métaphysique. L'embaumement durant Vépoque ancienne.
La première commence pour ainsi dire au berceau de
Cette époque est longue. Elle commence avec l'histoire
l'humanité et se termine environ à la fin du Moyen-Age.
des peuples anciens et se termine à l'avènement des
La seconde comprend, à peu près, les temps modernes,
peuples modernes d'Europe. Or, pendant ce long espace de
c'est-à-dire, les siècles qui se sont écoulés depuis la fin du
temps, nous trouvons deux grands groupes d'embaume-
Moyen-Age jusqu'à l'époque contemporaine qui com-
ments. Les embaumements à durée permanente et les
mence, pour nous, avec l'aurore du xixe siècle.
embaumements à durée temporaire : d'où deux chapitres
Durant la période empirique, on se laisse guider seule-
dans cette première section.
ment par l'expérience. Les faits n'y sont point discutés ; ils
n'y sont liés par aucun principe général, par aucune
théorie scientifique. Les différentes méthodes d'embaume- CHAPITRE I
ment adoptées, durant cette période par les divers peuples,
sont des pratiques plus ou moins secrètes, mais en rapport Embaumement à durée permanente ou indéfinie.
avec les exigences du climat et les institutions politiques. Trois peuples ont cherché dans l'embaumement une
Pendant la période métaphysique, on abuse des abstrac- conservation indéfinie et ont pratiqué cet usage d'une
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manière générale et nationale. Ce sont les Egyptiens, les ses études, un usage dont le point de départ se perd dans
Guanches et les Incas. la nuit des temps. Un ancien nous dit, que les Egyptiens
Considérons, dans trois articles, l'embaumement chez prenaient ce soin de la conservation des corps, parce qu'ils
chacun d'eux. croyaient que l'âme restait dans le corps tant qu'il sub-
sistait. Cassien prétend, d'autre part, qu'on avait inventé
ARTICLE I cette méthode, parce qu'on ne pouvait enterrer les morts
tout le temps de l'inondation.
L'embaumement chez les Egyptiens.
Hérodote considère l'embaumemenf comme un moyen
« La pratique des embaumements, dit leDr Sucquet, (De de soustraire les cadavres à la voracité des animaux.
Vembaumement chez les anciens et chez les modernes) La piété filiale et le respect pour les morts sont, selon
date des premiers temps historiques de l'humanité. Elle Diodore de Sicile, les sentiments qui poussèrent les
remonte à cet ancien empire, dont les dynasties, regardées Egyptiens à embaumer les corps.
longtemps comme fabuleuses, ont été rendues à la science De Maillet, dans sa dixième lettre sur l'Egypte, rap-
de nos jours par les inscriptions de Giseh et de Saqqârah. porte seulement les motifs religieux de l'origine des
Six mille ans se sont écoulés depuis que la main des embaumement. Les Egyptiens croyaient qu'après qua-
hommes grava les premiers caractères hiératiques du rante mille ans, il y aurait une grande révolution où
grand hypogée de Memphis. » l'univers se retrouverait au point où il avait commencé à
Les Egyptiens embaumaient leurs morts et les procédés sa naissance. Leurs âmes retourneraient alors dans le
qu'ils employaient étaient assez parfaits pour en assurer même corps qu'elles avaient d'abord habité et le ren-
la conservation indéfinie. Voilà un fait, dit Gannal, dont draient immortel. Mais, pour arriver à cette résurrection
les pyramides, les caveaux et toutes les sépultures de souhaitée, deux choses étaient absolument nécesaires : La
l'Egypte, nous offrent des preuves irrécusables. première que les corps fussent soigneusement préservés
Mais quelle fut la cause et l'origine de cette coutume ? de la corruption et assez bien conservés pour que les âmes
Cette question, souvent débattue, reste encore indécise. pussent y habiter de nouveau ; la seconde, que pendant
L'embaumement fut-il, comme on l'a dit, un témoignage ce long espace de temps, elles se fussent purifiées de toutes
de l'union des familles égyptiennes, union exemplaire les fautes commises pendant le temps de la première
à l'encontre de toute l'antiquité ? Aurait-il été, comme habitation sur la terre.
on l'assure, une mesure d'hygiène publique ? Doit-il être Mais, la superstition seule n'a pas dû engager les
rattaché aux dogmes religieux ? On ne saurait le dire. hommes à garantir de la destruction la dépouille mortelle
En l'absence de documents de quelque valeur, chacun a des personnes qu'ils avaient chéries vivantes. Il vaut
expliqué, selon la tournure de son esprit ou la nature de mieux chercher la source de cet usage, dans le sentiment
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quisûrvitaux objets enlevés à.notre affection par lô trépas. sité physique des embaumements, pour la salubrité de
Puisque la mort moissonne indistinctement les humains, cette contrée, fit de cette pratiqué l'accomplissement d'un
qu'elle ne respecte ni l'amour, ni l'amitié, puisque les devoir religieux qui leur présentait dans cette conservation
liens les plus chers et les plus sacrés sont impitoyablement de l'espèce humaine, un tribut payé à la tendresse, aux
brisés par elle, n'est-il pas dans la nature des coeurs sen- vertus, aux talents, à la piété ou la reconnaissance.
sibles dé chercher, en quelque sorte, à éluder une séparar Ainsi la conservation des cadavres était basée chez les
tion douloureuse, èn conservant les restes des personnes Egyptiens, sur les vues hygiéniques, couvertes dès le prin-
aimées et dont ils furent aimés? L'amour, la tendresse cipe, d'un motif religieux : l'idée de la résurrection des
et l'amitié ne finissent pas avec les objets qui les ont fait morts, qui finit par être considérée comme le seul but de
naître ; ils leur survivent, ils les suivent jusque dans le cette pratique. « Il faut,dit M.P.Pierret,qu'aucun membre,
le tombeau et ne cessent qu'avec nous (Bory de Saint- qu'aucune substance ne manque à l'appel (la renaissance
Vincent (essaisur les îles Fotunées). L'opinion de Volney est à ce prix). Les sentiments, auxquels les auteurs cités
admise et reproduite par Parisot {Mémoire sur les causes rapportent l'origine et la cause des embaumements chez
de la peste), allègue une raison d'hygiène. C'est par les Egyptiens, fait justement remarquer Gannal, existent
crainte de la peste et des maladies qu'engendrait la putré- tous et dans l'homme isolé et dans les associations hu-
faction des cadavres, que les Egyptiens ont inhumé les maines. Tel individu a pu faire embaumer le corps de
corps, loin de la terre habitée et ont cherché à prévenir ses parents ou de ses amis par des motifs de superstition,
la putréfaction par l'embaumement. Enfin M. Julia tel autre par des motifs d'égoïsme, d'intérêt personnel,
affirme que les causes de l'embaumement chez les Égyp- tel autre enfin à reçu de son cœur, de ses sentiments
tiens, peuvent se réduire en nécessité physique et en idées affectueux, la mission sainte de conserver les restes des
religieuses. Une vraie nécessité poussait les. Egyptiens à personnes qui lui furent chères. Cependant, il faut bien
embaumer les dépouilles de leurs défunts, sans cela, en le reconnaître, aucun de ces mobiles n'a le caractère de
effet, ils ne pouvaient que les enterrer ou les brûler. Or, généralité, de perpétuité qui consacre un usage et le rend
quand le Nil débordait, ils ne pouvaient pas les ensevelir populaire. Le gouvernement a donc dû intervenir pour lui
dans les parties inondées. Ils ne voulaient pas non plus les donner force de loi. »
enterrer, près des lieux habités, qui en général sont plus Ce gouvernement des premiers âges était théocratique
élevés, à cause des périls qu'entraîne avec elle la putréfac- et sacerdotal.
tion. La disette de bois ne permettant pas de les brûler, « Au milieu de nos sociétés modernes si compliquées, dit
il ne restait qu'à prévenir la putréfaction en plongeant les le Dr Sucquet, nous avons de peine à reconstituer par la
cadavresdansle natron qui amenait une espèce de salaison, pensée l'état de ces premières colonies humaines, conduites
à laquelle on adonné le nom d'embaumement, La néces- par des collèges de prêtres, possesseurs discrets des pre-
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mlères recettes empiriques nécessaires à la vie des popu-
lations. Mais cette réglementation, avec son luxe de cérémonies
v La théocratie égyptienne, moins politique et plus
symboliques ou lucratives, ces perfectionnements ne
humaine que la théocratie indienne dont elle fut sans furent pas créés d'un seul jet, ils ne s'établirent qu'après
doute une émanation, assit son crédit non seulement sur de longs et nombreux tâtonnements (1).
les services matériels qu'elle rendait, mais encore sur un Ce furent sans doute, les phénomènes naturels de conser-
spiritualisme très élevé. L'ordre qu'elle institua sur les vation que ce peuple observateur avait sous les yeux, qui
bords du Nil avait été réglé, comme l'ordre de tout l'uni- lui fournirent la première idée de la méthode à employer
vers, par la divinité créatrice du ciel et de la terre. Ce pour empêcher la destruction du cadavre.
qui était, avait été, et devait être sans retour. Dans cet « L'état ordinaire du climat d'Egypte, dit M. le profes-
enchaînement d'idées, l'embaumement formait le symbole seur Lacassagne (art. Crémation, p. 8), est tel que la con-
matérialisé de cette immuabilité même au-delà de la vie, servation des cadavres, avant même qu'aucune préparation
même dans le tombeau. Ce furent ces prêtres, ces sages, y vienne ajouter son effet à celui de l'atmosphère et des
à la fois premiers savants hygiénistes et législateurs qui, vents, y semble une chose toute naturelle. Volney, ajoute-
consacrant le fait accompli, arrivèrent peu à peu à régler, t-il, qui a longtemps habité ce pays et le connaît bien,
limiter, perfectionner, idéaliser même et codifier en quelque ne tarit point sur les propriétés qu'il attribue à cette mer-
sorte cet usage funéraire que la nature intronisait et scel- veilleuse siccité de l'air. « Elle est si grande, dit cet au-
lait dans les moeurs ». teur, en un passage de sa relation de voyage, que les
Ils s'ingénièrent, ajoute le Dr Martin, (thèse inaugurale, viandes exposées, même en été, au vent du nord, ne se
laboratoire de médecine légale, Lyon, 1881), à seconder putréfient point, mais se dessèchent et se durcissent à
l'œuvre duclimat, à la rendre sûre et désormais à l'abri des l'égal du bois. » De nombreux déserts, dans ces pays
causes de destruction. Les bandelettes, les huiles, les sels et d'Afrique, offrent des cadavres ainsi desséchés, qui sont
les parfums se marièrent avec art. Désireux d'effacer jus- devenus si légers qu'un homme soulève aisément, d'une
qu'aux empreintes de la mort, ils peignèrent et dorèrent le seule main, la charpente entière d'un chameau. « Dans les
visage du défunt, mais trompés dans leur attente, ils en contrées situées au-delà du Nil, raconte le P. Kircher, dans
vinrent à le dérober pour jamais aux regards, sous des lam- l'histoire de ses voyages, est un vaste désert de sables,
bris sculptés, reflétant, mais de loin, sa forme et son image. dont les vagues immenses apparaissent, dans un horizon
Pour éviter l'humidité, les inondations, et peut-être l'affai- sans limites), semblables à celles de la mer agitée par les
blissement du respect qu'à la longue l'encombrement dans
les demeures et la gêne auraient amené, ils imaginèrent (1) Sous les premières dynasties, les procédés étaient encore peu satis-
faisants, dit le Dr H. Bauwens, (Inhumation et crémation, Bruxelles,
les lieux de sépulture, taillés dans les montagnes; ils les 1890), les cadavres remontant à cet âge ne sont plus guère que des
squelettes, sous le Nouvel-empire l'embaumement atteignit la perfection.
déclarèrent sacrés et les concédèrent à prix d'or.
- 27 —
— 26 — plus humorale et des localités basses et voisines du fleuve,
vents. Ces sables produisent de si affreuses tempêtes, dans lesquelles la dessication presque naturelle ne pou-
qu'ils engloutissent, sous leurs amas énormes, les voya- vait être assez rapide pour éviter la destruction du corps.
geurs, les bêtes de charge et les marchandises. Les corps Il fallut donc remédier à ces obstacles. Aussi, plus tard,
ainsi ensevelis sont desséchés, par l'ardeur des rayons du les procédés de momification se compliquent et se perfec-
soleil et par la vertu de ces sables brûlants. » tionnent, sans qu'on ose pourtant ouvrir et mutiler le corps;
Des années, des siècles s'écoulent, puis une nouvelle plus tard encore, les intestins, reconnus comme obstacles
révolution survient, dans le gisement de ces masses et à l'intégrité de la conservation, seront retirés et jetés dans
rend à la lumière les corps qu'une révolution précédente le fleuve sacré, avec des cérémonies et des invocations,
avait engloutis ; ils sont noirs, desséchés et légers, par la ayant surtout pour but de masquer et d'absoudre une vé-
perte de tous les fluides qu'ils contenaient, en un mot, ils ritable et rebutante profanation.
sont momifiés. La colonie égyptienne venue très probablement du bord
Il en fut toujours ainsi au milieu des sables arabiques oriental de la mer Rouge, n'apportait donc pas avec elle
et lybiques, dans lesquels le Nil a formé, le long de son la formule de cet art. L'embaumement, on le voit, fut un
cours la vaste oasis de l'Egypte. produit original de l'Egypte. La nature y fit pour lui plus
Les anciens Egyptiens durent d'abord simplement pro- que les hommes ; c'est en l'imitant de son mieux que l'art
fiter de ces conditions naturelles spéciales, pour assurer put se substituer à elle (Drs Sucquet et Martin).
la conservation des corps de leurs défunts. Puis, ils ajou- Telles sont les causes probables, telle est l'origine
tèrent l'art à la nature, afin de mieux assurer la dessi- presque certaine de l'embaumement égyptien. Voyons
cation. maintenant, avec quelques détails, comment ce peuple
On trouvé en effet, dans la plaine de Saqqarâh, près réussit dans cet art merveilleux.
du bourg de Manof, à côté de nombreuses momies natu- Les embaumements égyptiens disent MM. L. Hahn et
relies, des couches d'autres momies qui reposent sur des L. Thomas (Dict. des Sciences médicales, Art.
lits de charbon et qui, sans apprêts intérieurs, dorment Embaumement), étaient accompagnés de cérémonies
sous la natte, recouvertes de six pieds de sable. Il est religieuses, de transactions commerciales; la maison de
permis de penser, que c'est là la première étape de l'em- l'embaumeur fut à la fois un caravansérail et une
baumement; l'art encore dans l'enfance ne trouvait rien enceinte réservée aux pompes funèbres.
de mieux à ajouter aux influences naturelles qu'un char- Le directeur ou Kolchyte connaissait seul les secrets
bon absorbant et désinfectant ; sans doute le climat de ce de la conservation, seul il avait le droit de les appliquer;
pays, le tempérament sec delà race sémitique autochtone, s'il vendait chèrement son habileté aux riches, il était
rendaientlamomification plusfacilesmais les premiersopé- tenu de faire gratis l'embaumement des pauvres, de four-
rateurs rencontrèrent bientôt des sujets d'une constitution
. — 28 — — 29 -

nir les bandelettes, avec lesquelles ils entouraient leurs et étaient revêtues de laque et de métaux précieux. Les
momies. historiens n'ont pas dit si la même hiérarchie s'étendait
Ce fonctionnaire avait de nombreux auxiliaires : les aux prières.
prêtres, les tarycheutes ou porteurs de cadavres, les para- La seconde partie de l'édifice comprenait une salle de
schites qui faisaient les incisions réglementaires, enfin des pierre pourvue de tables, sur lesquelles on déposait le
artisans, des manœuvres, menuisiers, fabricants de bières, cadavre. C'est là, qu'on faisait l'extraction des viscères ; en
tisseurs pour la toile de lin qu'on faisait aussi venir de avant, se trouvait un bassin rempli d'une solution saline
Sais, hommes de peine portant des outres ou des amphores concentré et servant aux bains. Autour, les ateliers des
remplies de l'eau sacrée du Nil. Tous ne jouissaient pas mouleurs, des menuisiers, des tisseurs; la dernière cons-
de la même considération : on s'éloignait instinctivement truction était destinée à la mise sous bandelettes.
des tarycheutes; mais le véritable bouc émissaire de la La maison avait ses prêtres familiers connaissant une
maison d'embaumement c'était le paraschite; son contact partie des secrets du maître ; c'étaient eux qui prenaient,
souillait le cadavre; à peine avait-il fait les incisions, sur des tablettes couvertes de cire préparée, les noms du
avec son couteau en pierre d'Ethiopie, qu'il se sauvait à mort, de sa femme, de ses enfants, ses titres et qualités ;
toutes jambes, sans cette précaution les assistants, qui ne on les transcrivait sur un rouleau de papyrus placé avec
manquaient jamais de le récompenser, avec force bour- la momie dans la bière, sur le socle de la statue, sur une
rades et coups de pierre, l'eussent assommé, pour faire un plaque de métal fixée à côté.
acte méritoire, ou plutôt pour montrer un semblant de D'autres présidaient aux chants funèbres et portaient
condamnation pour la profanation du cadavre (Lenor- le masque d'Anubis à la tête de chacal, ou dirigeaient des
mand). chœurs d'enfants cachés sous les traits d'Horus. A la tête
On trouvait des rouleaux de corde à bandelettes, des de chaque momie, se trouvait une pleureuse en Isis, aux
amulettes de toutes formes, triangles, colonnettes, cou- pieds, une autre en Typhon.
teaux, scarabées, statuettes en terre cuite; les unes Il sortait jour et nuit, de la maison d'embaumement des
montraient dans les cas de litige, les bornes réelles de la mélodies étranges; psalmodies lentes ou cris aigus, tout
sépulture; les autres représentaient Seth-Typhon le puri- cela contribuait à augmenter la vénération craintive
ficateur, ou bien un Scheleti portant sur le dos un crochet, qu'on lui portait.
une charrue et un soc, c'étaient des génies tutélaires, Elle était divisée en trois parties : une accessible au
qu'on donnait aux morts, des travailleurs chargés de lui public, une seconde dans laquelle les profanes ne met-
venir en aide, à son arrivée dans la terre des saints. Il y taient jamais les pieds: c'était la véritable officine ; enfin
avait des cercueils de différents prix, depuis la boîte à une troisième, sorte de dépôt pour les momies, dans
peine équarrie,jusqu'à celles qui représentaient une momie laquelle, les parents ne faisaient qu'un séjour de quelques
instants. »
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Dans la première partie, les clients choisissaient la
classe. Il y en avait trois : la première (1), coûtait un D'abord,ils tirent le cerveau pàrles narines,en partie avec
talent d'argent, c'est-à-dire 4500 francs ; la seconde un fer recourbé, en partie par le moyen de drogues qu'ils
valait vingt mines (1500 fr.) ; la troisième était gratuite; introduisent dans la tête.
les préparations coûteuses, l'éviscération ne se faisaient « Le corps étant étendu par terre, le scribe trace sur le
que pour la première. flanc gauche, tout ce qu'on doit couper. Celui qui doit
Le kolchyte ne vendait rien à l'aveugle ; il avait des faire l'incision coupe, avec une pierre d'Ethiopie tran-
modèles de morts en bois. Le premier qui était le plus chante, autant de chair que l'ordonne la loi. Ils tirent par
recherché représentait une divinité que, par un scrupule cette ouverture les intestins, les nettoient en les passant
religieux, Hérodote, tout grec qu'il était, n'a pas osé au vin de palmier et les mettent dans un coffre, lequel est
nommer. C'était, dit-on, la représentation dTsis. Il en jeté dans le fleuve après une invocation au soleil.
faisait voir un second, qui était inférieur au premier et ne « Ensuite ils remplissent le ventre de myrrhe pure
coûtait pas si cher. Il en montrait même un troisième, qui broyée, de cannelle, d'autres parfums, l'encens excepté,
était au plus bas prix. puis ils le recousent.
Lors du décès d'un chef de famille, les femmes se « Lorsque cela est fini, ils salent le corps en le recou-
couvraient la face d'un voile et parcouraient la ville, les vrant de natrum, pendant 70 jours. Il n'est pas permis de
cheveux en désordre. Puis, aussitôt après ces manifes- le laisser plus longtemps dans le sel. »
tations de douleur, les parents apportaient le corps du « Les 70 jours expirés, ils lavent le corps et l'enve-
défunt, dans le laboratoire des embaumeurs, et choisis- loppent entièrement de bandes de toile de coton enduites
saient celui des trois modèles qu'ils désiraient voir exé- de gomme arabique, dont les Egyptiens se servent ordi-
cuter. Ils convenaient du prix du travail et se retiraient . nairement comme de colle. Les parents retirent ensuite
Puis les embaumeurs se mettaient à l'œuvre et voici, le corps. Ils font faire en bois un étui de forme humaine ;
d'après Hérodote, qui visita TÉgypte, 450 ans avant ils y renferment le mort et le mettent dans une salle des-
J.-C, c'est-à-dire, dans le temps de ses dynasties natio- tinée à cet usage; ils le placent droit contre la muraille.
nales, à un moment où les coutumes populaires n'avaient Telle est la manière la plus magnifique d'embaumer les
point encore subi l'influence des mœurs étrangères, com- morts. »
ment la chose se passait en général. « Ceux qui veulent éviter la dépense choisissent cette
« Les embaumeurs, dit-il, travaillent chez eux et voici autre sorte. On remplit des seringues d'une liqueur
comment ils procèdent à l'embaumement le plus précieux. onctueuse qu'on a tirée du cèdre (cedria). On en injecte
le ventre du mort, sans y faire aucune incision et sans en
(1) Selon Diodore de Sicile. tirer les intestins. Quand on a introduit cette liqueur dans
le fondement, on le bouche pour empêcher la liqueur de
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d'abord remarqué que non seulement les embaumeurs
sortir. Ensuite, on saie le corps,pendant le temps prescrit. extrayaient le cerveau par les narines, mais encore par-
Le dernier jour, on fait sortir du corps la liqueur injectée; fois par le trou occipital, au moyen d'une ouverture pra-
elle a tant de force qu'elle dissout les entrailles et les tiquée à la nuque, et que la cavité du crâne avait ensuite
entraîne avec elle. Le natrum consume les chairs et il été remplie, de matière bitumineuse.
ne reste que la peau et les os. Cette opération finie, ils Puis, pour découvrir la nature exacte du natrum, le
rendent le corps, sans y faire autre chose. » r
D Granville a étudié les petites parties salines cristal-
« La troisième espèce d'embaumement n'est que pour lisées que l'on retrouve à l'extérieur et plus abondamment,
les plus pauvres. On injecte le corps avec la liqueur à l'intérieur du corps des momies. Il les a trouvées com-
nommée surmaïa, on le met dans le natrum pendant posées de nitrate de potasse, de carbonate de cet alcali,
70 jours et on le rend ensuite à ceux qui l'ont apporté. » de sulfate et de muriate de soude et de quelques traces
Tel est le récit d'Hérodote, l'historien le plus complet de chaux.
sur ce point de toute l'antiquité. Malheureusement, ainsi Rouelle, de son côté, a analysé la matière d'embau-
que le remarque le Dr Sucquet (loc. cit.) les commen- mements. Il a expérimenté sur six momies ; il a trouvé,
taires des savants ont jeté des doutes sur la véracité dans deux, du succin et dans les quatre autres, du bitume
d'Hérodote. Comment une liqueur végétale, comme le de Judée ou du pisasphaltum, mélange où se trouve le
cedria, pouvait-elle dissoudre les intestins ? Quel était ce bitume de Judée. Il n'a rencontré dans aucune la myrrhe
liquide ? Comment le natrum pouvait-il consumer les dont parle Hérodote. Voici la conclusion qu'il tire des
chairs profondes qu'il ne touchait pas et respecter la peau faits : « Nos expériences nous fournissent donc trois
qu'il touchait partout ? embaumements différents par la matière. Le premier avec
Et puis, ajoute Gannal {Histoire des embaumements, le bitume de Judée, le second avec le mélange du bitume
p. 112). On s'est d'abord étonné qu'Hérodote eût omis le et la liqueur de cèdre, et le troisième avec ce mélange,
dessèchement, manipulation des plus importantes. D'autre auquel on a joint des matières résineuses et très aroma-
part, les uns ont voulu que le corps entier fût première- tiques. »
ment salé et ensuite pénétré de matières résineuses et Le ; même auteur a pareillement remarqué, que très peu
balsamiques ; les autres ont prétendu que les corps, après de momies étaient enveloppées selon la description
avoir été salés, étaient desséchés et que ce n'était qu'après d'Hérodote. En général, surtout pour l'embaumement le
cette dessication, qu'on leur appliquait les matières rési- plus précieux, les bandes de toile ne sont pas collées en-
neuses et balsamiques. semble par de la gomme seule, elles ne sont pas appliquées
Pour résoudre ces difficultés et combler, dans la mesure immédiatement sur le corps simplement desséché, sans
du possible, les lacunes du récit d'Hérodote, les savants aucune matière résineuse. La momie conservée dans le
ont essayé de s'adresser directement aux momies. Ils ont
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cabinet, de sainte Geneviève et les deux qui sont dans très sèches, faciles à développer et à rompre, elles con-
celui des Célestins ont deux espèces de bandages : servent encore toutes leurs dents, les cheveux et les poils
l'un composé de bandes de toile enduites de résine ou des sourcils et les traits du visage sont reconnaissables.
de bitume enveloppe séparément le corps et les membres ; Quelques-unes sont dorées sur toute la surface du corps,
l'autre plus superficiel enveloppe tout le corps et les d'autres ne le sont que sur le visage les mains et les pieds.
bandes ne contiennent pas de matière bitumineuse. Inaltérables tant qu'on les conserve dans un lieu sec, les
Ces bandes sont jaunâtres et ont pu être enduites de momies attirent promptement l'humidité quand elles sont
gomme arabique. 11 semble que c'est de ce dernier développées et exposées à l'air et au bout de quelques
appareil dont parle Hérodote. Il aurait oublié de jours, elles répandent une odeur désagréable. Lessecondes,
mentionner le premier. M. Rouyer qui, en 1810, visita dures, pesantes, comme vernissées, ont une couleur noi-
beaucoup de chambres sépulcrales et étudia sur place un râtre et sont difficiles à développer et a rompre. Rivées
grand nombre de momies, nous fournit de nouveaux de leurs bandelettes et exposées à l'air, elles absorbent
détails. l'humidité et se couvrent d'une légère efïïorescence de
« Les Arabes, dit-il, ont saccagé les grottes les plus sulfate de soude.
apparentes et les pyramides. Aussi, pour trouver les
momies, faut-il pénétrer dans le sein des montagnes et « 2° Parmi les momies sans incision et dont on a retiré
descendre dans ces vastes et profondes excavations, où les intestins par le fondement, les unes ont été salées, puis
l'on arrive que par de longs canaux. Là, on trouve des remplies de pisasphalte et les autres ont été seulement
milliers de momies entassées les unes sur les autres. J'en salées. Les premières ne conservent plus aucun trait
ai reconnu de deux classes principales. Celles auxquelles reconnaissable; non seulement toutes les cavités ont été
on a fait au-dessus de l'aine gauche une incision péné- remplies de bitume, mais tout le corps en est couvert,
trante de deux pouces et demi environ, pour retirer les comme si elles avaient été plongées dans un bain de cette
intestins, et celles qui n'ont d'ouverture sur aucune substance bouillante. Ces momies les plus nombreuses et
partie du corps. Dans l'une et l'autre classe on trouve les plus communes sont noires, dures, pesantes, d'une
plusieurs momies qui ont les parois du nez déchirées et odeur pénétrante et désagréable ; elles n'ont plus ni cheveux
l'ethmoïde entièrement brisé. ni sourcils;elles sont très peu susceptibles de s'altérer; à
l'humidité, elles se couvrent d'une légère effiorescence
« 1° Parmi les momies à incisions, les unes ont été à base de soude. Celles qui n'ont été que salées et dessé-
desséchées et remplies d'un mélange de résines aroma- chées sont généralement plus mal conservées et montrent
tiques, les autres salées et bourrées d'asphalte ou bi- çà e( là des morceaux d'adipo-cire. La peau est blanche,
tume pur. Les premières sont d'une couleur olivâtre, sèche ou souple, les traits du visage sont entièrement
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détruits ; les toiles qui les enveloppent se déchirent et bras croisés sur la poitrine ou bien un seul bras ainsi
tombent en lambeaux lorsqu'on les touche (Dr Martin, placé et l'autre étendu le long du corps. Les jeunes filles
thèse inaugurale 1881 Lyon). ont les deux bras étendus le long du corps, mais l'avant -
« Ces diverses espèces de momies, dit Grannal, sont bras replié et les deux mains réunies sur le bas ventre :
emmaillotées avec un art inimitable. De nombreuses c'était le symbole de leur chasteté. La main gauche
bandes de toile, appliquées les unes sur les autres au des momies est ordinairement fermée et la droite éten-
nombre de quinze ou vingt d'épaisseur, sont serrées et due. Les jambes approchées l'une de l'autre, les bras (dans
entrelacées avec tant d'adresse et si à propos, qu'il paraît les positions que nous venons d'indiquer), sont fixés dans
qu'on a cherché à rendre à ces morts considérablement cet état par d'autres bandes qui enveloppent lecorps entier,
diminués par la dessication, leur première forme et leur Ces dernières, ordinairement chargées de figures hiéro-
grandeur naturelle. » glyphiques et fixées par de longues bandelettes qui se
On trouve toutes les momies enveloppées à peu près dè croisent avec beaucoup d'art et de symétrie, terminent
la même manière, il n'y a de différence que dans le nombre l'enveloppe. (Gannal, loc. cit.).
de bandes qui les entourent, et dans la qualité des toiles, Ces bandelettes finissent parfois par atteindre une lon-
dont le tissu est plus ou moins fin, selon que l'embaume- gueur incroyable. L'archéologue, M. Mariette, a déroulé
ment était plus ou moins précieux. Le corps embaumé est les bandelettes d'une riche momie qui avaient une longueur
d'abord couvert d'une chemise étroite, lacée sur le dos et d'environ 5000 mètres. L'embaumeur plaçait de ci, delà,
serrée sous la gorge; sur quelques-uns, au lieu d'une au milieu de ces bandelettes des talismans, des images,
chemise, on ne trouve qu'une large bande qui enveloppe des fétiches, dans le but de faciliter au mort son voyage
tout le corps. La tête est couverte d'un morceau de toile dans l'autre monde et le protéger contre les accidents et
carré, d'un tissu très fin, dont le centre forme sur la figure les maléfices; on n'omettait pas d'y placer des scarabées,
une espèce de masque; on en trouve quelquefois cinq à six regardés par les Egyptiens comme un symbole d'immor-
ainsi appliqués l'un sur l'autre; le dernier est ordinaire- talité. Des figurines appelées usabti-u, répendants, qui
ment peint ou doré, et représente la figure de la personne représentaient les traits du mort, et devaient seconder ses
embaumée. entreprises dans l'autre vie. Ces images tenaient dans
Chaque partie du corps est enveloppée séparément par leurs bras, ramenés en croix devant la poitrine, des instru-
plusieurs bandelettes imprégnées de résine. L'attitude ments de labour, pour permettre au défunt de cultiver les
de la tête, du corps et des jambes est en. ligne droite. Il champs célestes, les terres d'Aala. (Dr Is. Bauwens).
n'en est plus de même des bras et des mains. En général « Il est rare de trouver ces momies enfermées dans
les hommes et les nouveaux-nés ont les bras étendus le des caisses, dont il ne reste plus aujourd'hui que quelques
long du corps. Les femmes d'un certain âge ont les deux débris. Ces caisses qui ne servaient sans doute que
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pour les personnes de haute distinction étaient doubles. effet diviser les tombeaux égyptiens en six grandes
Celle dans laquelle on déposait les momies était faite d'une classes. (1)
espèce de carton composé de plusieurs morceaux de toile
1° Les Pyramides, tombeaux les plus anciens des rois
collés les uns sur les autres. Cette caisse était ensuite en-
de la première dynastie, monuments construits de maté-
fermée dans une seconde construite en bois de sycomore
riaux rapportés des montagnes;
ou de cèdre. » (1)
Ces cercueils étaient faits de deux pièces. La partie 2°Les tombeaux creusés dansl'épaisseurdes montagnes,
inférieure qui contenait le corps était beaucoup plus pro- ouvrant sur le chemin des vallées (hypogées);
fonde que le couvercle qui s'ajoutait parfaitement sur 3° Les tombeaux situés au fond des puits creusés dans
cette dernière. Ce couvercle était quelquefois pourvu la roche qui existe au-dessous d'une couche de sable de
d'yeux de verre qui permettaient de voir la momie de deux à trois mètres d'épaisseur. Ces puits ont la forme
l'extérieur. Ces cercueils étaient souvent ornés sur leurs d'un cône tronqué et comptent de nombreuses loges taillées
parois de sculptures ou de peintures donnant une idée verticalement dans la paroi. Ils ont une grande profon-
très juste de la vie terrestre du défunt et de celle dans deur. Ils sont nombreux dans la plaine de Saqqiiârah.
laquelle il devait entrer. Dans cette nouvelle existence le
mort devait reprendre sa profession. L'Egyptien en était 4° Les tombeaux disposés en alvéoles et construits de
profondément convaincu. Puis il s'en allait naviguer sur briques crues.
le Nil, le fleuve sacré ; il bâtissait des maisons et buvait 5° Les souterrains ou nécropoles publiques creusés
son eau sainte. Sur la paroi de quelques cercueils, on voit dans l'épaisseur des montagnes; mais beaucoup plus spa-
un capitaine placé à l'arrière du vaisseau donnant des cieux que les autres et servant habituellement à renfermer
ordres aux matelots, la mer sur laquelle ils vaguent est le la dépouille des artisans et des pauvres.
bassin de l'Occident, le port vers lequel ils se dirigent est
6° Des sépultures isolées dans la terre ou le sable sans
la tombe {Inhumation et crémation, par le docteur Is.
apparence de construction.(M.Fey.deau pense que ce mode
Bauwens).
était réservé aux criminels).
Les momies avec leurs cercueils étaient ensuite
placées dans des tombeaux d'aspect et de formes très A propos des injections de cédria qui selon Hérodote
remarquables au milieu de cimetières mortuaires les plus devaient dissoudre les intestins, M. Rouyer croit qu'il est
différents suivant les temps, la condition et les qualités beaucoup plus naturel de supposer qu'elles étaient com-
des personnes, (2) D'après le docteur Martin on peut en
(1) Gannal, loc. cit. (1) Consulter Feydau,Usages funéraires chez les peuples anciens
(2) V. Inhumation et crémation, D' Is. Bauwens, p. 303. et F. Martin, Les cimetières et la crémation, p. 88-89,.
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posées d'une solution forte et caustique de natrum, qui ment égyptien, ainsi que le rapporte le Dr Martin (loc.
pouvait désorganiser les viscères et que ce n'était qu'après cit.), doit être là tout entier.
avoir fait sortir les matières contenues dans les intestins, L'extraction des intestins et du cerveau, l'emploi du
que les embaumeurs remplissaient le ventre de cédria ou bitume, du pisasphalte, des bandelettes n'auraient été
d'un autre liquide qui se desséchait avec le corps. Malheu- que des accessoires de l'opération, suivant la richesse,
reusement, aucun auteur de l'antiquité ne mentionne la l'humidité des localités, ou les époques et les pratiques
liqueur caustique dont parle M. Rouyer!... religieuses; car la loi est muette à leur égard et on les
Il en est de même,lorsqu'il nous dit, queles embaumeurs voit pratiqués ou supprimés, sans que la conservation des
après avoir lavé les corps, avec cette liqueur vineuse et corps en éprouve un changement essentiel. Mais comment
balsamique qu'Hérodote et Diodore appellent vin de le séjour dans le natrum pouvait-il conserver et dessécher
palmier et les avoir remplis de résines odorantes ou de les corps? L'expérience seule pouvait éclairer ce sujet et
bitumes, les plaçaient dans des étuves, où à l'aide d'une le Dr Sucquet eut l'idée d'y recourir. Il se fit expédier le
chaleur convenable, ces substances résineuses s'unis- natrum extrait des lacs d'Egypte (1) et en entoura le
saient intimément aux corps, qui arrivaient bientôt à cet corps d'un enfant de huit ans, par une température de
état de dessication parfaite, dans lequel on les trouve 25° centigrades. L'odeur caractéristique de la putréfac-
aujourd'hui. tion se manifesta dès le troisième jour et devint tellement
«Mais sur quoi, remarque le Dr Sucquet {loc. cit.), insoutenable le dix-septième jour, qu'il fut contraint de
fonde-t-il son appréciation? Aucun texte ne rend cette mettre fin à l'expérience. Mais, quel ne fut pas son étonne-
question plausible et Rouyer n'a soulevé qu'un doute de ment, quand malgré ce signed'une décomposition profonde
plus, autour de cette question, entourée déjà de tant il constata l'intégrité générale de la peau avec momifica-
d'obscurités et de tant d'invraisemblances ». tion de l'extrémité des membres !
L'étude directe des momies n'avait donc pas résolu
complètement la question de la nature de l'embaumement (1) Ce natrum était sous la forme d'une poudre d'un aspect
égyptien et vers le milieu de ce siècle, on était encore à brunâtre, d'une odeur peu prononcée et d'un goût franchement
salin. Soumis à l'analyse, ce produit se partageait en 2 portions
se demander, quelle était en réalité la méthode exacte que
l'une soluble et l'autre insoluble dans le liquide.
ce peuple avait suivie. La partie soluble, beaucoup plus considérable que l'autre, était
C'est alors, que le Dr Sucquet faisant table rase de tous formée d'une forte proportion de carbonate de soude, et ensuite
de sulfate de soude, de chlorure de sodium et des traces de phos-
ces récits sujets à caution, et ne retenant de leurs pra- phate de la môme base. (On voit que cette composition ressemble
tiques bizarres que ce point : le séjour des corps dans beaucoup à celle que le docteur Gran ville avait trouvée dans les
momies).
le natrum pendant 70 jours (1) pense que l'embaume-
Là partie insoluble contenait du carbonate de fer et de chaux,
de l'alumine, de la magnésie, des matières organiques.
(1) Hérodote dit 70 jours, Diodore 72 et la Bible 40.
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Les liquides organiques transudant à travers le derme
contenaient. Pour cela ils ajoutaient, à l'action favori-
dénudé, n'étant pas suffisamment évaporés avaient sé-
sante du climat, le bain de natrum, et enlevaient de l'in-
journés dans le cercueil et s'y étaient décomposés, mais
térieur du corps tout ce qui pouvait devenir une oeuvre
le sujet lui-même n'était pas en voie de putréfaction. Il de corruption, pendant le temps destiné à le dessécher.
n'avait manqué à l'expérience que l'air chaud et sec de la
La seconde s'efforçait d'empêcher la destruction
Libye. L'embaumement égyptien n'était donc ni une
des corps ainsi desséchés contre l'humidité et le contact
salaison, ni une consomption des chairs, la peau et les os
de l'air, au moyen d'un système de bandelettes très com-
exceptés. C'était une desquamation del'épiderme d'abord,
pliqué. Puis, ils éloignaient les insectes et leur action des-
une conservation et une dessication ensuite du derme et
tructive, au moyen des baumes et des résines odorantes,
l'évaporation naturelle des liquides du corps, au bout de
dont ils connaissaient à ce point de vue les remarquables
70 jours, sous l'influence d'un climat très sec. propriétés.
Le bitume chaud, dont les Egyptiens imprégnaient
On le voit, les Egyptiens étaient arrivés 6000 ans avant
certains corps, avait surtout pour effet de le préserver
nos découvertes modernes à trouver, au moyen de l'em-
plus efficacement que les seules bandelettes gommées, pirisme,une méthode d'embaumement à peu près conforme
contre l'humidité de l'air absorbée par les sels plus ou à la théorie et aux exigences de la science actuelle. Ils
moins déliquescents du natrum.Mais cette pratique n'était préservaient d'abord le cadavre de la putréfaction, puis
nécessaire que dans les localités basses et voisines du ils empêchaient sa disparition dans la suite des âges.
fleuve, comme la plaine de Saqqârah près de Memphis.
C'est précisément ce que nous nous efforçons de réaliser à
C'est là, en effet, qu'on a retrouvé les momies imbibées l'époque présente. Ainsi l'embaumement égyptien a bravé
de bitume et dont la conservation reste plus ou moins
les injures des hommes et du temps et la belle conserva-
imparfaite, malgré ce surcroît de précaution. (Dr Martin
tion des momies fait encore l'admiration des savants du
Loc. cit). Les embaumeurs Egyptiens, on le voit, connais- xixe siècle.
saient l'action utile ou nuisible des alcalis sur la subs-
Le 7 octobre 1886, M. Maspero (1) montrait, à Paris,
tance animale, selon que cette action est plus ou moins
à la Société d'anthropologie de France; une momie retirée,
prolongée', puisque le temps que les corps doivent rester
en 1881, de la cachetta de Deir el Bahari (2); elle était
en contact était strictement limité. Ils n'ignoraient pas
d'une beauté remarquable et parfaitement conservée. Elle
non plus les propriétés qu'ont les baumes et les résines
n'était pas trop surchargée de bandelettes agglutinées ni
odorantes d'éloigner les insectes et leurs larves.
Leur méthode comprenait donc deux actions princi- (1) Directeur général des fouilles en Egypte.
pales. La première consistait à dessécher les corps c'est- (2) Où elle avait été transportée, après avoir été enlevée à son
tombeau primitif, sans doute afin de la soustraire à la profa-
à dire, à leur enlever les liquides et les graisses qu'ils nation.
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de couches de bitume. En plusieurs points, on reconnaît à des maius mercenaires, pendant soixante et dix jours. En
la couleur blanche de la peau. A part le ventre ouvert au Egypte même, dit le Dr Sucquet (loc. cit.), il a fallu que la
niveau de la fosse iliaque gauche, toutes les parties loi se joignît aux croyances religieuses pour obtenir un pareil
étaient admirablement intactes. Le corps, long de lm,72, délaissement, lequel, ainsi qu'Hérodote le rapporte, au
est étendu. La tête dolichocéphale est légèrement inclinée point de vue moral, n'était pas toujours sans dangers (1).
en avant, les bras croisés devant la poitrine à une petite Du reste, on s'est aperçu bientôt que les embaumements
distance du thorax, les poignets un peu fléchis sur l'avant- égyptiens, si permanents dans leur pays, étaient peu
bras. Les cheveux, qui sont blancs, fins et ondulants, stables dans nos climats du Nord. Les momies y absorbent
recouvrent les oreilles et la nuque et sont en parfait état. petit à petit l'humidité de l'atmosphère et se décomposent
Les dents et les ongles sont bien conservés. Or, d'après les ensuite lentement. Le procédé égyptien ne pouvait donc
inscriptions hiéroglyphiques que portait cette momie, elle s'adapter ni à nos moeurs ni à nos climats.
représentait le corps de Rhamsès II, l'illustre conquérant La coutume des embaumements fut une des plus
de l'antiquité, le Sésostris des Grecs, et qui régnait tenaces des anciens égyptiens, dit Ezermak, à la fin de
environ au temps de l'Exode d'Israël. son travail. Elle fut conservée religieusement après la
Cette sortie du tombeau après bientôt quarante siècles, chute des dynasties nationales. Une partie des Grecs
cette apparition qui réunit en quelque sorte le passé au d'Egypte l'adoptèrent. On connaît des momies nom-
présent èt nous rend tangible la réalité historique affaiblie breuses de la période des Ptolémées. Plus tard, ce mode
et comme effacée par le lointain des âges, tout cela forme de sépulture fut combattu par les chrétiens et perdit, petit
un spectacle qui a son prestige et sa grandeur. à petit, de son importance et de sa généralité. Du temps de
C'est en présence de semblables phénomènes de conser- Porphyre, au IVe siècle, de notre ère, on pratiquait
vation, dont les sujets des Pharaons semblent avoir eu seuls encore l'embaumement; mais, trois cents ans plus tard,
le monopole, qu'on entend parfois certaines personnes au moment de la peste de Justinien, cette coutume
exprimer un vif enthousiasme pour les embaumements n'existait plus. . '
égyptiens et se plaindre amèrement de la perte de procédés
aussi parfaits. Au point de vue historique, on peut avoir ARTICLE II.
raison, mais au point de vue pratique, il en est autre-
ment. Que dirait-on dé nos jours si l'on voyait un méde- L'embaumement chez les Guanches.
cin appelé dans une famille pour pratiquer un embaume- La conservation des corps aux îles Canaries semble
ment, extraire la cervelle par les narines, ouvrir le ventre n'être qu'une tradition de l'embaumement égyptien.
pour en ôter les viscères ? Qui ne voit que les moeurs de
(!) Il raconte, en effet, que, sur la dénonciation d'un de ses camarades, on
notre pays, ne se prêteraient pas à l'abandon de nos morts surprit un jour un embaumeur en flagrant délit avec une femme morte
récemment.
- & -

« L'Egypte, en effet, dit le docteur Sucquet (loc. cit.), en danger de décomposition avant la dessication inté-
placée à l'extrémité orientale du continent africain, connut grale, on plaçait les corps dans des étuves et la dessica-
cependant tout le littoral de cette partie du monde et tion y devenait complète au bout de quinze jours. Nous
sans doute aussi les Canaries, qui s'élèvent comme une trouvons dans le beau travail de Bory de Saint-Vincent,
annexe de son bord occidental. » En effet, sous le Pharaon sur une des îles Fortunées, 1811, des détails intéressants
Néchao, de la XVI dynastie, une flotte entière, partie de sur la pratique des Guanches etles rapprochements qu'on
la mer Rouge, franchit le cap de Bonne-Espérance, longea pourra faire entre elle et les procédés égyptiens pourront
les côtes occidentales de l'Afrique, passa le détroit de justifier encore la parenté que nous attribuons aux deux
méthodes de conservation ».
Gibraltar et retourna vers l'Egypte par la Méditerranée.
Deux mille ans avant Vasco de Gama, l'Egypte doublait, Les sentiments qui présidèrent à l'établissement de
en sens inverse le cap des Tempêtes et réalisait la cir- cette coutume aux îles Fortunées furent très probable-
cumnavigation du continent africain. Par combien de ment les mêmes que ceux qui eurent cours sur les bords
du Nil
voyages partiels une expédition d'ensemble, aussi remar-
quable pour le temps avait-elle été préparée déjà ? Les na- C'est de l'amour, de la tendresse et de l'amitié que
vires égyptiens fréquentèrent de temps immémorial les naquit chez les Guanches le respect de la mémoire et la
côtes d'Afrique, et l'un d'eux porta sans doute jusqu'aux vénération pour la cendre des aïeux.

Canaries, l'un des arts les plus originaux de son pays. « Les arts des Guanches, dit Bory de Saint-Vincent,
« En effet, les Guanches, si pauvres en toute sorte d'arts, p. 54, n'étaient pas nombreux; le plus singulier sans
pratiquèrent celui de l'embaumement sur une grande doute est celui des embaumements. »

échelle et, comme les Egyptiens, en firent une coutume « Les Guanches conservaient les restes de leurs parents
nationale. Sans doute, l'absence du natrum aux îles Ca- d'une manière scrupuleuse et n'épargnaient rien pour les
garantir de la corruption. ,
naries dût y modifier les procédés de conservation. Mais
le natrum, qui restituait des corps desséchés, montrait « Parmi leur moral, chacun préparait lui-même les
aux Guanches que sa dessication devait être également peaux de chèvres dans lesquelles devaient être enveloppés
l'objectif de leurs opérations. Ils le comprirent et les corps ses débris. Ces peaux étaient souvent dépouillées de leur
étaient d'abord exposés au soleil ardent. Dans cette condi- poil ; d'autres fois, on l'y laissait et l'on mettait alors
tion, l'épiderme perdait rapidement son adhérence et des indifféremment le côté velu en dedans ou en dehors. Les
frictions avec les baumes achevaient sa séparation. procédés dont on se servait pour faire des momies assez
« A ce moment, le corps évaporait rapidement ses li- parfaites qu'on nommait Xaxos sont à peu près perdus.
quides et se desséchait comme dans l'embaumement égyp- Quelques écrivains ont cependant laissé quelques détails

tien. Mais, comme l'absence de natrum laissait ce dernier à ce sujet, mais peut-être ne sont-ils pas plus exacts que
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cêux qu'Hérodote nous a transmis sur les embaumements résine, de brai, de pierre ponce et d'autres matières absor-
égyptiens. bantes.
« Chez les Guanches, les embaumeurs étaient des sujets « Feuillé croit que ces onctions se faisaient aussi avec
abjects : des hommes et des femmes remplissaient ces une espèce de beurre et des substances dessicatives et
emplois respectivement pour leur sexe; on les payait très balsamiques, parmi lesquelles il nomme la résine de larix
bien, mais on se serait cru avili par leur fréquentation ; et ou mélèze, et les feuilles de grenadier qui n'ont jamais eu
tout ce qui s'occupait de la préparation des Xaxos, vivait la propriété de conserver les cadavres.
retiré, solitaire et caché à tous les regards. C'est donc mal « Le quinzième jour l'embaumement devait être com-
à propos que Sprats a avancé que les embaumements étaient plètement terminé ; la momie devait être sèche et légère ;
confiés à une tribu de prêtres, qui en faisaient un mystère les parents l'envoyaient chercher, et l'on célébrait les
sacré et que le secret s'est perdu avec ces prêtres. Il y obsèques le plus magnifiquement que l'on pouvait. On
avait plusieurs sortes d'embaumements et plusieurs cousait le mort en plusieurs doubles dans les peaux qu'il
emplois parmi ceux qui en étaient chargés. Quand on avait préparées de son vivant, et on le ceignait avec des
avait besoin du ministère des embaumeurs, on leur appor- courroies retenues par des noeuds coulants. Les rois et
tait le cadavre à conserver, et l'on se retirait aussitôt. Si les grands étaient en'outre placés dans des caisses ou
le mort appartenait à des gens en état de faire une cer- cercueils d'un seul morceau et creusé dans le tronc d'une
taine dépense, on l'étendait d'abord sur une table de sabine, dont le bois passait pour incorruptible ; on por-
pierre : un opérateur lui faisait une ouverture au bas- tait enfin les Xaxos ainsi cousus et encaissés, dans des
ventre avec un caillou effilé, taillé en forme de couteau grottes inaccessibles et consacrées à les recevoir.
et appelé Tabona; on en retirait les intestins, que d'autres « L'autre manière de conserver les morts, moins dispen-
opérateurs lavaient et nettoyaient ensuite; on lavait aussi dieuse, consistait à les faire sécher au soleil, après leur
le reste du corps et surtout les parties délicates, comme avoir introduit dans le ventre une liqueur corrosive ;
les yeux, l'intérieur de la bouche, les oreilles et les doigts cette liqueur rongeait toutes les parties intérieures, que le
avec de l'eau fraîche, dans laquelle on avait fait dissoudre soleil n'aurait pu dessécher assez pour les empêcher de
le plus de sel possible. On remplissait de plantes aroma- se corrompre. Comme les autres Xaxos les parents les
tiques les grandes cavités; on exposait ensuite le cadavre cousaient dans des peaux et on les portait dans les grottes.
au soleil ardent, ou dans des étuves, quand le soleil n'était « Ces momies telles qu'on les trouve aujourd'hui sont
pas assez chaud. légères, sèches ; plusieurs sont parfaitement conservées
Pendant l'exposition on enduisait fréquemment le avec leurs cheveux et leur barbe ; les ongles marquent
corps d'une sorte d'onguent composé de certaines graines souvent. Les traits du visage sont distincts, mais retirés;
de poudre de plantes odoriférantes, d'écorce de pin, ;de le ventre est affaissé. Dans quelques unes on ne trouve
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aucune marque d'incision ; dans d'autres, on voit la- anciennes, soit qu'elles fussent mal embaumées, elles
trace d'une assez grande fente sur le flanc. tombèrent aussitôt en poussière. A Fer, on a trouvé sur
« Les Xaxos sontd'une couleur tannée, d'une odeur ordi- les sables où l'on avait couché les Xaxos, des meubles
nairement agréable. Exposés à l'air, hors des peaux de dont le mort avait usé pendant la vie. Dans cette île, on
chèvres, qui sont admirablement conservées, ils tombent murait les cavernes sépulcrales pour qu'elles ne servissent
peu à peu en poussière ; ils sont piqués en plusieurs pas de retraite aux oiseaux de proie et aux corbeaux.
endroits, environnés de chrysalides, de mouches, venues « A Canaries, on ne se bornait pas toujours à placer les
probablement de vers déposés sur le corps pendant la momies dans les grottes, on élevait des tombeaux parti-
préparation. Ces larves et ces chrysalides, qui n'ont pu culiers, à certains morts de distinction. Ces morts privilé-
se reproduire, se sont conservées saines et entières, ainsi giés, embaumés et vêtus de leur habit appelé tamarco,
que les momies. Le chevalier Scory dit que ces momies étaient placés sur des planches de bois de pin exhaussées
ont plus de deux mille ans ; on ne peut guère déterminer et la tête tournée du côté du nord. On bâtissait ensuite des-
depuis combien de temps elles se conservent, mais nous sus un monument en pierre sèche, en forme pyramidale et
verrons par la suite qu'il y avait certainement plus de souvent assez élevé. On connaît plusieurs catacombes à Té-
deux mille ans que les Guanches embaumaient. nérifïe ; la plus célèbre est celle du Baranco de Herque,
« Je croiraisvolontiers,quedansla composition corrosive entre Arico et Guimar, au pays à'Albona; elle fut
qu'on employait clans la seconde espèce de préparation, découverte dans le temps que Clavijo écrivait ses Noticias.
et peut-être même dans tous les embaumements, les Il rapporte qu'on y rencontra plus de mille momies,
Guanches se servaient du suc d'euphorbe : ils employaient tandis que dans les autres on n'en avait guère trouvé
sans doute celui de l'espèce propre à leur climat, qui plus de trois à quatre cents à la fois ».
est âcre et laiteuse ; j'en ai reconnu des morceaux entiers L'intérieur de la grotte est spacieux avec quelques ni-
dans la poitrine d'une momie, à laquelle il n'y avait ches dans les parois ; son entrée est encaissée et d'un
cependant pas eu d'incision. On m'a assuré qu'on en avait difficile accès. Il y en a une autre à une lieue et demi ou
aussi tiré des feuilles très bien conservées et qu'on avait deux lieues de Laguna ; on y conduit ordinairement les
reconnues pour être de laurier. voyageurs. Elle est située sur le flanc d'une montagne
« Pendant qu'on exposait les corps au soleil, l'on éten- presque à pic ; on ne peut y monter sans beaucoup de
dait les bras des hommes le long du tronc et on croisait plus peine et sans le secours de plusieurs échelles.
communément les mains des femmes devant la partie in- L'ordre dans lequel on trouve toutes les momies, quand
férieure du ventre. On découvre de temps en temps de elles n'ont pas été dérangées, est invariable : elles sont
nouvelles catacombes aux Canaries. En 1758, on en trouva situées sur des espèces de tréteaux; la première est cousue
une à Palme, mais soit que les momies en fussent très par les peaux qui lui enveloppent les pieds aux peaux qui
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enveloppent la tête de la suivante et ainsi de suité, jus- Il était réservé aux chefs, (et par conséquent chez tous
qu'à cinq ou six liées ensembles. Les madriers et les plan- les peuples, ce n'était pas un usage général).
ches qui les supportent ne paraissent avoir éprouvé jus- « En Floride, le corps était séché devant un grand feu,
qu'à ce jour aucune altération sensible, mais il est faux, revêtu de riches étoffes, et placé dans une niche pratiquée
comme l'avance Sprats, que le bois n'en ait pas été en- dans le mur. De temps en temps, les parents venaient
dommagé, parce que les Guanches avaient le secret de le converser avec ces momies. Dans la Virginie, la momi-
rendre aussi dur que le fer et semblable à ce métal. fication se pratiquait, d'après M. Reverdy, de la manière
M. Jouannet, savant modeste et laborieux, dit Gannal, suivante. L'embaumeur faisait à la peau du dos une inci-
a constaté que deux momies des Guanches qu'il a eu en sion qui s'étendait des pieds à la tête, puis écorchait le
sa possession avaient les yeux, le nez, remplis de bitume mort. La peau graissée et huilée, pour l'empêcher de
comme quelques-unes des Egyptiens. devenir cassante, se desséchait au soleil. Toutes les
On le voit, l'embaumement des Guanches, à part parties molles étaient enlevées du mort ainsi équarri, à
les bandelettes qui sont remplacées par des peaux de chè- l'exception des ligaments qui devaient conserver les rap-
vres, la position horizontale on sont placées les momies, ports des pièces du squelette.
au lieu d'être dressées verticalement dans des niches ou Les os étaient, dans cet état, soumis à l'action dessé-
le long des parois des murs, ressemble point par point chante du soleil.
à l'embaumement égyptien. Nous aurions donc ici à « La dessication obtenue, l'embaumeur replaçait le sque-
faire les mêmes remarques, à formuler les mêmes criti- lette debout dans sa peau, et recousait celle ci, après
ques que pour l'embaumement de ces derniers. Pour ne avoir rempli les vides de sable très fin. Le cadavre était
pas nous répéter, nous nous en abstenons et nous passons si bien préparé, qu'il semblait impossible de s'apercevoir
immédiatement à l'embaumement des Incas. de l'enlèvement des chairs. Après la momification, les
cadavres enveloppés de peaux ou de nattes, étaient cachés
dans le sol, dans des grottes ou des huttes à ossements.
ARTICLE III Le corps reposait sur des bâtons et avait près de lui ses
plus précieux effets (Daville). Nombre de momies sont
L''embaumement chez les Incas. couchées ainsi dans lès grottes deKentucky. (Néanmoins
l'embaumement semble ici réservé aux chefs et aux
L'embaumement, dit le Dr Is. Bauwens, s'est rencontré
guerriers de renom).
chez quelques tribus de la Virginie, de la Caroline du
« Les habitants des Côtes de Darien, en Colombie,
Nord, chez les Congarée de la Caroline du Sud, chez les
extrayaient les viscères, remplissaient les cavités de
Indiens de la côte Nord-Ouest, dans les îles Aléontiennes
résines, enfumaient les corps, et les conservaient dans
et dans la Floride,
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leurs habitations, couchés dans des hamacs on disposés Aussi, celui-ci devait-il être conservé et devait-il rester
dans des cercueils en bois. en possession de tous ses biens. Ces droits lui étaient
« Les Muiscas enfouissaient les gens du peuple sans garantis par la loi. C'est pourquoi on trouve, dans le haut
cérémonie ; mais ils momifiaient les cadavres des souve- Pérou, au pays occupé autrefois par les Aymaras, des
rains, des nobles, des prêtres, et les déposaient secrètement monuments funèbres appelés Chûllpas et contenant par
dans des voûtes souterraines. milliers les cadavres embaumés des anciens Péruviens.
« Les Aléoutiens vident le corps humain, colorent les « Les Chûllpas, nous dit M. Paul de Marcoy, (voyage
tissus en rouge, avec un extrait du bois et des feuilles de de l'Océan Atlantique à l'Océan Pacifique à travers
l'alnus incana, qui les rend imputrescibles, les gardent l'Amérique du Sud, 1862) avaient la figure d'une pyra-
ainsi une quinzaine de jours dans leurs cabanes, et les mide tronquée de vingt à trente pieds d'élévation. Cette
enterrent finalement, dans des cavernes ou dans de petites pyramide construite en briques non cuites (tapias), avait
constructions peintes. plusieurs assises en retrait et rappelaient par leur confi-
« Les naturels d'Yucatan et de Chiapa embaumaient le guration générale les trocallis mexicains, dont l'idée pre-
cadavre de leurs rois, et déposaient ensuite pour toujours mière paraît empruntée au temps de Bel.
le cadavre dans des palais funéraires, situés sous le sol « Quelquefois les tombeaux des Aymaras étaient de
des Mitlancalco ». D'Is. Bauwens, Inhumation et cré- simples monuments bâtis dans l'appareil cyclopéen et
mation, p. 424-426. recouverts d'un plafond monolithe. Ils se composaient à
Mais de tous les anciens peuples d'Amérique, les l'intérieur d'une chambre carrée, avec une porte basse au
Incas sont ceux qui nous intéressent le plus au point de couchant et une petite fenêtre orientée au levant.
vue de la question que nous traitons. « Parfois encore ces tombeaux avaient la forme d'un
Les Incas ont brillé du plus vif éclat par leur génie obélisque, de l'élévation de 8 à 10 mètres, étant 2 fois la
artistique et le développement de leur industrie. Ce peuple largeur de la base. Ces derniers étaient couverts d'un toit
de dix à quatorze millions d'habitants possédait un vaste incliné et bâtis en simple torchis.
empire, à l'époque de sa plus grande puissance. Il com- « Chaque tombeau était affecté à une douzaine d'indi-
mandait au Pérou, à la Bolivie, à l'Equateur, à une vidus, dont le corps était revêtu de leurs habits ou affublé
partie du Chili et de la République Argentine. Les Incas d'un sac tissé avec des feuilles de tatora, et échancré à
pratiquaient l'embaumement sur une vaste échelle et l'endroit du visage. Ils étaient assis en cercle, se tou-
d'une manière plus ou moins générale. Cet usage était chaient par les pieds, figurant ainsi les jantes d'une
basé chez eux sur un sentiment religieux. Ils croyaient roue. Chaque mort avait près de lui, à titre de provisions
que les âmes, après leur séjour dans l'empire des morts, et d'ustensiles de ménage, des épis de maïs, un pot de
reviendraient habiter le corps qu'elles avaient quitté. chicha, une gamelle et une cuillère. Si c'était un homme
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on ajoutait à ces objets une fronde, une macanaou massue, Les huacas de Quéchuas, qui ont à peine quatre pieds
des engins de chasse ou de pêche et un rouleau de tissu de profondeur, sont de figure elliptique et revêtus à l'in-
de laine. térieur de pierres plates. Le cadavre y est placé comme
« Si c'était une femme, on plaçait près d'elle une petite l'enfant dans le sein de sa mère, c'est-à-dire accroupi sur
corbeille façonnée avec des tiges de jarava, des pelotons les talons, les genoux ramenés au niveau du menton, les
de laine de lama, des navettes, des aiguilles à tricoter 'coudes posés sur les cuisses, et les poings fermés emboîtés
fournies par les longues épines noires du cactus quisco. dans les yeux.
Une fois ce tombeau en possession du nombre d'hôtes qu'il Les vêtements et les tissus de laine qui enveloppent
devait contenir, on murait la porte. La fenêtre seule restait les momies se ressemblent et sont généralement gros-
ouverte, probablement pour que les passants à qui l'idée siers » (1). Ces momies pour la plupart sont aussi bien
viendrait d'y appliquer l'œil, puissent puiser un enseigne- conservées que celles d'Egypte ou des Canaries ; malheu-
ment et une consolation, dans le calme respectable de ces reusement le procédé qui a amené cette belle conservation
morts assis côte à côte, et se regardant avec leur orbites est peu connu. On croit cependant qu'ils étaient embaumés,
creuses. Chaque matin, le soleil levant dardant un rayon avec le chenopodium ambrosioïdes des vallées voisines ;
d'or dans l'intérieur de ces sépulcres, et réchauffant un mais on ignore absolument de quelle manière.
moment, mais sans les ranimer, ces parchemins jaunis Il y a quelques années MM. Vidal Senèze et Jean
qui autrefois avaient été des hommes. » Noctzli découvraient, dans le Haut-Pérou, sur la pente
Les collines de Cocotea, deTambo et de Méjillones, les d'une montagne appelée Pudra-Grande, province de Cha-
alentours d'Iquique, le morro d'Arica, offrent en maints chapayas, au milieu d'habitations en ruine, et à une alti-
endroits des huacas ou sépultures d'Indiens Changos, tude de plus de 2000 mètres, un certain nombre de
Aymaras, Quechuas d'une époque antérieure à la con- monuments funéraires excessivement remarquables.
quête espagnole,et dans lesquelles on retrouve des objets Les ruines des habitations, comme aussi les tombeaux,
de même nature. se trouvent dans des entailles faites dans le flanc de la
La nationalité des momies se dénonce en première vue, montagne. Les tombeaux étaient de la forme d'une calotte
tant par la construction des huacas qui les renferment, que ou d'une ruche d'abeilles, et mesuraient 2 mètres de tour
par la position donnée aux individus dans les tombeaux. et 1 m. 50 de hauteur. Ces tombeaux sont faits avec des
Ainsi, les huacas des Changos ont juste 8 pieds de pierres que cimente une sorte de terre glaise unie à des
profond et le mort y est couché sur le dos. poils d'animaux et à des débris de plantes.
Celles des Aymaras sont des cavités circulaires, au
fond desquelles, l'individu enveloppé d'une mante de laine, (1) Voyages de l'Océan Atlantique à l'Océan Pacifique à tra-
d'une natte ou d'un sac de jonc, est simplement assis. vers l'Amérique du Sud, par Paul Marcoy.
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Ils sont ou isolés, mais les uns à la suite des autres abdominales ; elle était en général bien conservée et
comme des ruches d'abeilles, ou par groupes reliés entre paraissait, par ses caractères ethnographiques, très-
eux se touchant et communiquant par de petites ouver- ancienne.
tures de 10 à 20 centimètres de haut sur autant de large. On ne sait absolument rien, écrit M. L. P. Gusman (1),
Chaque tombeau renfermait une ou plusieurs momies sur le procédé suivi pour l'embaumement des cadavres,
de la plus belle conservation. Les plus petites mesureraient par les anciens Boliviens. Ce qui est certain, c'est qu'il
encore 1 m. 80 de haut, si l'individu était étendu dans sa était très efficace et amenait une conservation indéfinie.
longueur. Employaient-ils des sels, le carbonate de soude, le borax,
Les momies sont repliées, les cuisses contre le sternum, le salpêtre qui abonde dans le pays seul ou avec certaines
les genoux sous le menton, les bras en dedans, le bout substances tannantes bien connues en Bolivie? Nous
du pied droit couvrant le gauche, la tête appuyée sur les pensons qu'ils faisaient usage des gousses de taro qui
doigts, sous la mâchoire inférieure. Les cheveux sont contiennent 25 pour 100 de tannin, bel arbre cultivé ici
châtain ordinairement, la peau de couleur très claire. pour l'usage de la tannerie, à laquelle il permet de faire
Presque toutes montrent au front ou à l'occiput un cercle, des cuirs excellents, et de la plus éclatante blancheur.
composé de petits trous faits dans la boîte crânienne, (Mais ce n'est là qu'une hypothèse et rien de plus).
avec un instrument voisin du trépan actuel. La trépana- Quoiqu'il en soit, cette momie est accroupie dans la
tion aurait eu lieu pour évacuer l'encéphale ou plutôt mélancolique attitude de la prière et est un des plus beaux
pour y introduire des substances antiputrides. Voilà tout exemples de dolichocéphale qu'on ait jamais rencontré.
ce que l'on sait sur la méthode d'embaumement de ces Dans la bolivie, les Chûllpas sont généralement au
momies; comme on le voit, c'est bien peu de chose. milieu des plaines. Les uns réunis ont l'aspect d'un
En janvier 1889, M. Collin présentait à la Société monument. Ils ont plusieurs entrées, jusqu'à trois sur
d'Anthropologie de Paris, une momie provenant des chacune de leurs deux façades, et sont entourés de bornes
tombeaux Huacas qu'on avait découverts par hasard, dans tout autour. Quelquefois ils sont dissiminés et distancés
la vallée septentrionale de la Cordillère des Andes, entre les uns des autres, comme ceux d'Ancacata, et ont
le territoire des Ayapaya et des Inquisidi, centre de la l'aspect de huttes en plâtre. Ils affectent la forme des
Bolivie. cabanes africaines, avec une petite entrée, par laquelle on
Dans cet endroit, la Cordillère s'élève à plus de ne pénètre qu'en rampant. Ils sont contruits de terre
4000 mètres, au-dessus du niveau de la mer et se rap- argileuse d'une couleur blanchâtre, qui tranche avec les
proche des pics neigeux du Tumari qui atteignent de
6000 à 7000 mètres d'élévation. Cette momie conservait
(1) M. Gusmann est l'archéologue qui avait envoyé à Paris la
les trous de l'embaumement et le contour des parois momie dont il est ici question.
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touffes de tola qui pousse dans la Pampa. Il est donc très
difficile de savoir par quel procédé les anciens habitants
du Pérou et de la Bolivie préservaient le corps de leurs CHAPITRE II.

défunts de la putréfaction. Le procédé qu'employaient les


Indiens modernes, pour conserver et momifier la tête de Embaumement à durée temporaire ou limitée.
leurs ennemis, ne jette pas beaucoup de lumière sur cette Trois peuples, dans l'antiquité, ont surtout pratiqué
question des plus obscures. Voici comment les Indiens ce genre d'embaumement. Les Juifs, les Grecs et les
Jibaros s'y prennent actuellement pour obtenir ce curieux Romains.
résultat :
Ils commencent par faire une boule, avec des feuilles ARTICLE I.
dont nous ignorons le nom. Ils chauffent ensuite cette
boule à petit feu, jusqu'à ce qu'elle ait une température L'embaumement chez les Juifs.
élevée, et que la surface externe présente un aspect La nation juive fait la transition entre les peuples qui
presque incandescent. ont pratiqué l'embaumement à durée indéfinie et ceux
On introduit ensuite cette boule incandescente dans les qui s'en sont servi pour une conservation seulement tem-
parties molles de la tête déjà séparées des os du crâne. Les poraire. En effet, les Israélites, pendant leur séjour plu-
parties molles se ratatinent et reçoivent peut-être des feuil- sieurs fois séculaire dans le pays des Pharaons, durent
les brûlées, des principes antiseptiques et conservateurs des connaître l'embaumement des Egyptiens et le pratiquer
tissus animaux. Ce sont ces parties molles, disséquées et ra- pour les leurs d'une manière plus ou moins générale.
tatinées, que les Indiens appellent chaucha. Dans les jours Nous savons, en effet, d'après la Genèse, que Joseph fit
de fête, ils portent les chaucha pendus au bout de leur embaumer magnifiquement le corps de Jacob, son père,
lance. A la guerre, ils racontent l'histoire de la victime par les médecins qu'il avait à son service ; on y consacra
dont la tête se balance à l'extrémité de leur arme. 40 jours.
Le 22 octobre 1867, le secrétaire général offrit, au nom « Prœcipitque (Joseph) servis suis medicis ut aroma-
du docteur Destruges de Guayâquil, à la Société d'anthro- tibus condirent patrem, quïbus jussa explentïbus,
pologie de Paris, une tête humaine ainsi momifiée. Elle transierunt quadraginta dies. Iste quippe mos erat
était encore ornée de sa magnifique chevelure noire et cadaverum conditorum. » (Genèse, ch. L, v. 2 et 3).
était réduite au volume d'une tête de petit singe. Nous Puis après 70 jours de deuil, il transporta, en compagnie
n'en dirons pas davantage à propos des embaumements de ses frères, des principaux officiers de la maison de
des Incas. Espérons que dans un avenir prochain quel- Pharaon, des plus grands personnages de l'Egypte, suivi
ques nouvelles découvertes viendront éclairer d'une vraie d'une multitude de charriots et de cavaliers, la înomie de
lumière une question d'un aussi vif intérêt.
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Jacob au pays de Chanaan, dans la grotte de Makpelah, corps. Voici comment les Juifs pratiquaient cet embau-
qu'Abraham avait achetée d'Ephron l'hethéen, pour en mement. Les parents embrassaient leur défunt (1), lui
faire le lieu de sépulture de Sara, son épouse, et de lui- fermaient les yeux (2) et la bouche, lni coupaient géné-
même. Plus tard Salomon fit entourer d'un mur construit ralement les cheveux et la barbe, puis, après avoir cou-
en blocs énormes, de 65 mètres de long, de 35 de large ché le corps sur une planche, les pieds tournés vers la
et de 15 de haut, le caveau sépulcral d'Abraham. Cette porte, le lavaient à l'eau chaude (3). Ces ablutions se pra-
enceinte, de forme rectangulaire, porte actuellement le tiquaient pour les hommes et les femmes par des person-
nom de Haram el Khalil (enceinte de l'ami de Dieu). nes de leur sexe. Puis on oignait le corps avec des par-
Sainte Hélène y bâtit depuis une basilique magnifique. fums et on l'enveloppait dans un linceuil (4) formé de
Les croisés y établirent un chapître de chanoines. C'est toile ou de laine très fine et fixé par des bandelettes.
maintenant la grande mosquée de la ville d'Hébron. C'est ainsi que le Christ faisant allusion aux parfums
C'est là que le père des Croyants dort à côté de Sara qui devaient embaumer son corps, à propos de ceux que
et près de son fils Isaac (1) ; c'est là que Jacob repose Madeleine avait répandus sur ses pieds, disait : « Elle a
près de Lia et de Rébecca. Actuellement des Imans fa- fait une bonne action, elle a voulu ainsi prévenir mon en-
natiques défendent à tout ce qui n'est pas musulman l'en- terrement. » (5)
trée du caveau mystérieux. Tout ce qu'on peut en voir, En effet, après la mort de Jésus, Nicodème apporta
c'est l'aspect extérieur du Haram el Khalil. Espérons cent livres de myrrhe et d'aloès pour embaumer le corps
qu'un jour,il sera donné à la science d'en franchir le seuil (6), et le dimanche, à la chute du jour, de pieuses femmes
et d'y trouver les corps des patriarches, peut-être conser- se dirigeaient vers le tombeau, munies de substance odo-
vés intacts par la sécheresse de l'air de Judée, ainsi que rantes, pour achever l'embaumement qu'il avait fallu pré-
la momie de Jacob, dans toute la beauté d'une conserva- cipiter la veille du sabbat (7) (Dr Bauwers). Ces prépara-
tion parfaite. tifs terminés, les Hébreux étendaient le corps sur le lit
Cependant le peuple d'Israël revenu sur les rives du
(1) Gen., 50.
Jourdain, n'apporta pas avec lui la méthode de l'embau- (2) Gen„46, 4. Tab- 14,15.
mement égyptien et, dans ses funérailles, il se contenta (3) Act. 9,37.
d'un procédé tout extérieur et absolument incapable (4) Matt., 27, 59; Marc, 15, 46; Luc, 23, 53; Job, 11, 14.
(5) Marc, 14, 68, ef ; Matt., 26, 10,12; Jean, 12. 7.
d'assurer, pendant longtemps, la conservation du
(6) Venit autem et Nieodemus ferens mixturam myrrhee et aloes
quasi libras centum. Acceperunt ergo corpus Jesu et ligaverunt
(1) Et sepelierunt (Abraham) Isaac et Ismaël, filii sui, in spe- illud linteis cum aromatibus sicut mos est Judaeis sepelire (19,
lunca duplici, quae statin agro Ephron quem emerata filiis Heth; 39,40joan.)
ibi sepultus est ipse et Sara uxor ejus (Gen., 15, 9 et 10. V. aussi (7) TJna autem sabbati, valde diluculo venerunt ad monumentum
Gen., 35, 28 et 29), portantes quse paraverant aromata (Lue, 24 1).
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mortuaire, les pieds serrés l'un contre l'autre, les pouces C'est là tout ce qui reste ou à peu près, dans les rites
repliés dans la paume de la main, de manière à figurer funéraires actuels de ce peuple, de la pratique de ses an-
la première lettre du nom de Jéhovah; on plaçait près de ciens embaumements.
la tête du cadavre une lampe allumée en attendant qu'on
le mît dans le sépulcre. ARTICLE II.
Cornélius Jansénius prétend que la myrrhe et l'aloès
que les Juifs employaient, dans leurs embaumements, L'embaumement chez les Grecs.
avaient la vertu de résister puissamment à la putréfaction, C'est à peine si les Grecs connurent la manière d'em-
la myrrhe par son onctuosité, et l'aloès par son excessive baumer les corps et leurs opérations n'étaient que des ten-
amertume. Il est inutile de dire que cette opinion est tatives imparfaites,pour arrrêter la putréfaction jusqu'au
sans fondement. Car comme le fait très bien remarquer jour des funérailles. Homère, nous apprend, en effet,
Penicher {Traitédes embaumements selon les anciens qu'on versa, plusieurs fois, du nectar et de l'ambroisie
et les modernes), la grande quantité d'aromates qui se dans les narines de Patrocle, afin de conserver son corps.
consommait, en cette occasion, était plutôt pour la pompe Les Grecs préservaient temporairement de la décomposi-
et pour en faire comme une pâte ou un onguent dont on tion certains de leurs morts, en employant la cire et le miel.
enveloppait le corps, que pour conserver longtemps le Les dépouilles d'Agésilas furent ainsi rapportées à Sparte.
sujet; car, comme ce n'était pas la méthode parmi eux de Voici ce qu'en dit Emilius Probus : « Agésilas,' ra-
dessécher le corps et de le vider de ses entrailles, il est conte cet historien, étant tombé malade mourut, et, afin
certain que, malgré toutes ces drogues odorantes et aro- que ses amis le portassent plus commodément à Sparte, à
matiques, la pourriture devait bientôt s'y développer; c'est défaut de miel, ils environnèrent son corps de cire, et le
du reste ce qui arriva à Lazare qui,malgré cette forme d'em- reportèrent ainsi en son pays. » Cornélius Nepos et Plu-
baumement, au bout de quatre jours seulement, était déjà tarque, dans la vie du même Agésilas,rapportent exacte-
en plein état de putréfaction, ainsi que sa sœur Marthe ment le même fait.
le faisait remarquer au Christ, lorsquelle s'écriait tout en Le corps d'Alexandre le Grand fut, d'après sesdernières
pleurs : « Domine jam fœtet; quatriduanus est enim » volontés, embaumé et frotté de miel ainsi que Stace nous
(Joan II, 39). l'apprend dans les deux vers suivants :
De nos jours, d'après le D' Favrot, les Juifs lavent en-
Duo et ad yEmatios mânes ubi belliger urbis,
core le corps de leurs défunts, avec l'eau la plus pure Conditor Hiblœ perfusus nectare durât.
qu'ils peuvent se procurer, et dans laquelle ils font préa- (3 silv. in prêtre ph. Met. Celer).
lablement infuser des plantes odorantes et aromatiques,
Il fut ensuite placé dans un cercueil d'or et conduit par
telles que camomille, thym, sauge, etc.
Ptolémée, sur un char funèbre monumental, de Babylone
9
à Memphis, puis à Alexandrie, dans le quartier de Bru- les corps. Corippus, dans l'oraison funèbre de l'empereur
chium ou l'on substitua un cercueil de verre à l'ancien. Justinien, s'exprime ainsi sur son embaumement :
Le corps du conquérant de l'Asie se serait bien conservé;
Thura sabvsea cremant, flagrantia mille locatis
car les historiens nous affirment, que César et Auguste Infundunt pateris et odorato balsama succo
de leur temps purent voir son visage et contempler ses Centum alicœ speeies unguentiaque mira feruntur
Tempus in aaternum sacrum servantia corpus,
traits. Le tombeau existait, paraît-il, encore sous le
règne d'Alexandre Sévère.
« On fait brûler l'encens de l'Arabie, les baumes et les
D'après Gabriel Clauder, l'embaumement aurait été si
parfums de toute espèce remplissent mille coupes, et le
efficace,qu'au temps de Saint-Augustin, on voyait encore
corps est à jamais préservé de la corruption, par les es-
dans son tombeau, le corps d'Alexandre-le-Grand,avec sa
sences d'une propriété admirable. »
peau et ses membres.
Cette conservation à longue échéance a été, en effet,
Malheureusement,les merveilles que les auteurs anciens
réalisée dans un certainnombred'embaumementsromains,
racontent, sur la nature du miel qui ferait vivre les
non au moyen de parfums, mais au moyen de sel. Cœlius
abeilles plus de cinquante ans et les hommes plus de
Rodiginus rapporte dans son livre des antiquités, ainsi
cent, (1) ainsi que sur la nature spéciale du corps
que le remarque Pénicher, que sous le pontificat de
d'Alexandre, qui, selon Plutarque et Quinte-Curce, était
Sixte IV, on trouva dans la voie Appienne le corps d'une
d'une composition si rare et si admirable,que sa peau, sa
jeune fille, ayant encore toute la beauté de son visage,
bouche et toute sa personne exhalaient une odeur très
les cheveux blonds et noués avec des bandes dorées, il
agréable et parfumaient ses habits, rendent leur témoi-
s'était ainsi conservé dans une saumure, dans laquelle il
gnage suspect et font douter de l'exactitude de leur récit.
trempait entièrement et l'on a cru que c'était le corps de
Aussi nous abstiendrons-nous de toute discussion scienti-
Tulliola, fille de Cicéron.
fique au sujet de ces divers procédés de conservation, que
Et Valaterran prétend que le corps d'une autre femme,
les Grecs auraient autrefois employés, pour passer immé-
également conservé grâce à une préparation inconnue,
diatement à l'étude de l'embaumement chez les Romains.
fut trouvé dans un mausolée, près d'Albano, du temps du
pape Alexandre VI. Ce pape donna ordre qu'on le jetât
ARTICLE III
secrètement clans le Tibre, afin d'empêcher la superstition
L''embaumement chez les Romains. du peuple, qui y accourait de toutes parts, parce que le
A Rome, on pratiquait l'embaumement dans certaines corps était encore très beau, quoiqu'il y eût treize siècles
circonstances, bien que la coutume générale fût de brûler qu'il y fût déposé. (Pénicher, Zoc cit.) En admettant ce qui
est bien difficile, dit le Dr Sucquet, l'entière véracité de.
(1) V. Pénicher, Traité des embaumements p. 111,
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ces auteurs, des faits de cette nature étaient d'une ex- ment enveloppé durant tout ce temps, dans la nuit plus
trême rareté et personne ne peut soupçonner la cause ou moins profonde d'une longue éclipse.
artificielle à laquelle est due leur production. En effet, la puissance des Grecs a été anéantie par
Quoiqu'il en soit, il est bien certain qu'en fait d'embau- l'empire romain et l'édit de Théodose, en enlevant à
mement, les Romains en général n'y regardaient pas de l'Egypte ses institutions, a fait disparaître pour toujours
si près. Ils lavaient le cadavre, le frottaient de quelques ses coutumes nationales et son embaumement.
parfums : Puis l'empire romain est tombé à son tour, sous les
« Tarquinii corpus bona femina lavit et unxit ». coups répétés des barbares du Nord. La nation juive elle
Et c'était tout. a été dispersée aux quatre vents du ciel.
A Rome, l'individu comptait pour trop peu dans la fa- Des peuples nouveaux ont surgi, sur les ruines des
mille et dans l'état, tyrannique l'un et l'autre, pour qu'on anciens et l'un d'eux, les Espagnols, sous prétexte de les
fît autre chose en son honneur. Rome ne s'occupa et ne civiliser, ont exterminé les Guanches et ies Incas. Aussi
s'éprit que des grandes personnalités publiques et n'eut pendant plusieurs siècles, nous ne trouvons presque plus
pour les honorer qu'un moyen public et impersonnel. Elle rien, dans le monde entier, en fait d'embaumement. Il
en fit des demi-dieux et même des dieux au besoin. faut arriver aux seizième et dix-septième siècles, pour
En cela, elle se glorifiait elle-même, plutôt qu'elle ne pleu- découvrir de nouvelles aspirations de la science vers cet
rait ses morts. Le sentiment de l'humanité fit défaut à art. Encore ne sera-ce qu'en Europe, que ce réveil aura
toute l'antiquité romaine. Aussi les tentatives d'embau- lieu. L'Afrique et l'Asie soumises aux lois du Prophète
mement y furent-elles informes et sans esprit de suite ne connaîtront plus désormais cette pratique.
(Dr Sucquet). Les éléments moraux de l'embaumement, en effet, font
défaut dans les harems de l'Islam. Quels sentiments
pourrait-on avoir pour les restes de ceux qu'on a eus en
DEUXIÈME SECTION médiocre estime pendant la vie? Aussi le Coran ordonne-
t-il de rendre simplement à la terre et sans aucun soin de
L'embaumement durant Vêpoque du moyen-âge. conservation ce qui est sorti de la terre.
« Dans l'Europe chrétienne, au contraire, dit le Dr Suc-
Cette époque commence en 475, à la chute de l'empire quet, le mouvement d'une longue assimilation barbare
romain et se termine vers l'an 1453 au moment de la était terminé, la féodalité s'était adoucie, l'esprit de
prise de Constantinople par les Turcs. Mais l'art qui l'Evangile se retrouvait. Le christianisme qui tient en deux
nous occupe n'a fleuri que très imparfaitement, durant mots : paternité divine et fraternité humaine avait fait
toute cette époque et il a été, pour ainsi dire, continuelle- pour le respect de l'individu, pour la constitution de la
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famille et des sociétés, plus que le froid et dur génie de La nature conserve les corps parles propriétés de l'air
la Rome antique, plus que le sabre fanatique d'Omar. Il et par les qualités du sol.
avait déjà rapproché les hommes et développé ces senti- L'air est chaud ou froid, or, dans chacun de ces deux
ments de bienveillance générale et de tendresse particu- états de l'atmosphère nous avons des exemples de con-
lière, qui sont l'honneur et le charme des moeurs publiques servation. Parlons d'abord des souterrains des Jacobins
et privées. Ce sont eux, qui inspirèrent alors la pratique à Toulouse. Voici ce que nous en raconte le Père Labat,
des embaumements. Ce sont eux qui la soutiendront encore dans ses voyages. « Le sacristain des Jacobins de Tou-
désormais. La société moderne européenne malgré des louse nous conduisit dans un espèce de cellier, autour
retours cruels, se fondera, de plus en plus, sur le respect duquel il y avait un grand nombre de corps de nos
de l'homme; civiliser, ce sera conquérir contre une nature religieux, rangés à côté les uns des autres, très légers
inconsciente et cruelle, tout ce qui pourra grandir sa et si peu défigurés que ceux qui les avaient connus vivants
dignité physique, préparer sa dignité morale, et répandre les reconnaissaient et les nommaient.
dans tous les rangs, un grand idéal de l'humanité. » J'en pris quelques-uns, entre autres, celui d'un jeune
Les procédés qui surgissent à cette époque en Europe, religieux, mort à 18 ans. La jeunesse était encore peinte
furent, comme autrefois en Egypte, une utilisation plus dans les traits de son visage, et, excepté la couleur, rien
ou moins perfectionnée des phénomènes de conservation ne lui manquait pour le faire croire vivant. Rien de plus
naturelle et tout l'art consiste à aider celle-ci à mieux léger que ces corps. Le sacristain nous dit que, suivant
accomplir son rôle. Le chapitre suivant nous montrera la disposition du temps, ils étaient droits ou courbés. 11
avec évidence cette vérité. nous dit aussi que, suivant ses registres, il y avait des
corps qui étaient depuis plus de cent ans dans ce lieu ».
Or, Julia Fontenelle regarde la chaleur élevée du
CHAPITRE I caveau des Jacobins comme la cause principale de
cette conservation. Les tombeaux de pierre, où les morts
Utilisation et perfectionnement des phénomènes
étaient séparés, s'échauffaient comme le milieu dans
naturels de conservation.
lequel ils se trouvaient, et si ces tombes étaient de pierre
Ce serait une erreur de croire qu'il n'y a que les vents poreuse, comme la topographie de Toulouse peut le faire
chauds et les sables secs d'Egypte qui jouissent de la supposer, les corps des religieux devaient y perdre faci-
propriété de conserver les corps, il y a dans notre climat lement leurs liquides, et s'y momifier petit à petit.
d'Europe, malgré sa température basse et son humidité Du reste, les phénomènes de conservation naturelle des
relative, iin grand nombre d'endroits demeurés.célèbres à caveaux des Jacobins, n'est pas un fait isolé. Tout près
ce point de vue. Nous ne citerons que les plus remar- de Lyon, à Snint-Bonnet-le-Château (Loire), dans la
quables.
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chapelle des morts, on trouve un fait de conservation qui mous de ces corps ont disparu. Enveloppés encore de linceuls
fins ou grossiers, ils ont opposé en général à la main du
semble identique à celui que nous venons de citer. C'est
temps une rare force de résistance. Rangés méthodiquement,
en 1837, à l'occasion de réparations faites à l'église, qu'on autour des deux parois de la muraille, les bras ballants,
découvrit tout à coup et absolument par hasard, les et la figure grimaçante, ils produisent d'ordinaire une
trente et quelques momies de Saint-Bonnet-le-Château. impression pénible sur le voyageur qui les voit pour la
première fois. »
Les corps étaient alors, disent des témoins oculaires, à
peu près intacts et très bien conservés. Les auteurs de
l'histoire de Saint-Bonnet-le-Château s'expriment ainsi à Curieux de nous rendre compte des faits relatés parles
leur sujet : historiens de Saint-Bonnet-le-Château et désireux de
rechercher la cause exacte de cette conservation, nous
« Ce n'est pas chose facile d'expliquer leur présence, dans nous sommes rendu, le 3 octobre 1890, à Saint-Bonnet et
ce lieu, non plus que de préciser la cause scientifique de voici ce que nous avons pu y observer.
leur conservation. Ont-ils été entassés là, pendant une des
phases de la (maladie contagieuse)? L'église où se trouve le caveau à momies est située à
« Sont-ce quelques unes des victimes de la guerre, au environ 987 mètres d'altitude. Elle est bâtie sur une
moment où les huguenots, causèrent des ravages à la espèce déterrasse granulitique qui domine tout le village.
cité?
Elle est orientée du levant au couchant, et c'est du côté
« Ou encore, avons-nous simplement affaire à des gens
morts de leur bonne mort naturelle, et ensevelis dans cet du midi qu'est placé le caveau en question. On arrive à
endroit, comme ils auraient pu l'être, dans n'importe quel l'intérieur de l'église, en gravissant quinze à vingt
autre caveau de l'Eglise? marches d'un escalier assez bien construit. En se diri-
« Toutes ces hypothèses sont possibles. L'hypothèse la plus
geant vers la nef latérale droite, on se trouve bientôt
probable est celle des victimes de la guerre des Huguenots,
lorsqu'ils s'emparèrent de la ville en 1562, car plusieurs des devant la chapelle des morts, au-dessous de laquelle, est
corps, conservés dans le caveau, portent des traces d'une situé le caveau. On y descend par une échelle comptant
mort violente. Un de ces corps même, garde encore les une quinzaine d'échelons, au moyen d'une ouverture
marques indéniables de gros plombs qui l'ont atteint du
presque carrée et pratiquée au centre de la voûte, laquelle
côté gauche , au-dessous de l'épaule, et qui se sont enfoncés
dans ses chairs en faisant de gros trous, qui subsistent est en berceau et formée de gros moellons de granulite qui
encore à fleur de peau. semblent se toucher.
« Et pour ce qui est de la cause de la conservation de ces Le caveau est rectangulaire; il a environ huit mètres
corps, faut-il l'attribuer à quelques propriétés inconnues du
sol? A la sécheresse de l'air? A l'exposition du caveau ? de long sur six de large et au moins quatre mètres de
hauteur en prenant le milieu de la voûte. Le rectangle
qu'il forme est parallèle au vaisseau de l'église. Les parois
« Ce qu'il y a de sûr, c'est que, bien qu'ils n'aient certaine-
ment subi aucune sorte d'embaumement, seuls les organes sont formées de gros moellons taillés en cubes et soigneu-
10
sèment joints les uns sur les autres. Le côté situé au midi, bois de pin qui, autrefois, devaient être des vitrines, mais
n'est séparé de l'extérieur, que par un mur dont il est qui actuellement n'ont plus ni vitres ni portes. Ils sont
difficile de savoir l'épaisseur. retenus dans la position verticale au moyen de cordes.
Mais un fait qui nous semble hors de doute, en tenant Ces 23 momies comprennent, autant qu'on peut en juger
compte du chemin parcouru pour monter dans l'église, et par la simple mesure du bassin et du thorax, des cadavres
de celui accompli pour descendre dans le caveau, c'est que d'hommes et de femmes adultes ; ils sont dans des attitudes
le fond de ce caveau est situé au-dessus du niveau des les plus variées; mais qui toutes semblent exprimer la
rues qui entourent cette espèce de terrasse, sur laquelle douleur ou l'effroi.
l'église est bâtie, de telle sorte que ce caveau est pour Les unes ont la tête retournée sur l'épaule, de telle
ainsi dire à la manière d'un placard comme appliqué sorte que le nez est situé perpendiculairement au-dessus
contre le rocher qui supporte le monument religieux. de celle-ci. Une momie de femme, fortement cambrée sur
Ce fait, selon nous, a une grande importance, comme elle-même, a la tête placée presque entre les cuisses,
nous le montrerons dans un instant. repliées elle-mêmes à angle droit, avec les deux talons
Le sacristain qui nous accompagnait nous raconta que, très voisins des deux fesses. Elle a été trouvée couchée
lorsqu'on découvrit le caveau à momies, il y avait plus de sur le côté, comme il est facile de s'en convaincre encore
159 cadavres, entassés un peu pêle-mêle, au fond du aujourd'hui. Une autre a Tune des jambes fortement
caveau ; que beaucoup n'étaient plus représentés, déjà à repliée sous la cuisse, en forme d'angle très aigu. Les
ce moment, que par leur squelette plus ou moins détérioré, bras et les mains de ces momies sont dans toutes sortes
mais qu'il y avait une trentaine de corps qui étaient très de positions, chez l'une d'elles la main droite est forte-
bien conservés et momifiés; que plusieurs avaient été ment appliquée sur le sein gauche, la main gauche est
donnés à des Musées d'histoire naturelle et en particulier pendante lelongdu corps; la tête est renversée en arrière,
à celui de Montbrison, où l'on verrait encore actuellement et le visage regarde en haut, la bouche est largement
deux de ces momies. Il ne sut pas nous indiquer si ces ouverte, comme pour appeler au secours.
corps avaient été ou non enfermés dans des cercueils. Une autre a les bras ballants et les deux mains appli-
D'après la position et l'attitude de plusieurs, la négative quées sur la face antérieure des deux cuisses.
semble plus vraisemblable. Quoiqu'il en soit, le caveau ■ Mais les phalangines et les phalangettes sont nettement
contient encore, présentement, 23 cadavres momifiés. La repliées à angle droit sur les phalanges, de telle sorte
plupart sont en très mauvais état, et c'est à peine si une que les ongles des doigts semblent pénétrer dans les
dizaine sont assez bien conservés. chairs. En général, le visage de toutes ces momies est
Ils sont tous hissés le long des parois Sud et Ouest du toujours plus ou moins grimaçant et sur aucun, on ne
caveau. Ils sont placés dans des espèces de placards en retrouve le calme d'une mort naturelle. Au milieu de ces
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vingt- trois momies, il en est une qui domine toutes les paquet de feuilles sèches. Les organes abdominaux sont à
autres. Le sacristain me la nomma un peu pompeusement: peu près complètement disparus, et le bassin ordinaire-
le géant de Saint-Bonnet-le-Château, titre que la ment ouvert contient dans son fond une poussière noirâtre
momie que nous avons vue justifie assez bien. Selon composée de débris organiques, de cadavres d'insectes et de
lui, ce serait le corps d'un prêtre, ancien curé de la leurs déjections, ainsi que nous l'avons constaté en étudiant
paroisse. Je ne sais pas sur quels documents ce brave ces détritus au microscope. Il semble donc qu'il y a eu
homme appuie son hypothèse ! tout d'abord après la mort, un commencement de putré-
Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que ce personnage qui faction, qui s'est ensuite arrêté sous l'influence d'une
est un brachycéphale, avait une taille bien au-dessus de cause que nous allons essayer de préciser. En premier lieu,
l'ordinaire. il est certain que ces corps n'ont pas été embaumés. Ils
Nous l'avons déjà dit, l'état de conservation de ces ne portent, en effet, aucune trace d'embaumement quel-
momies laisse beaucoup à désirer, et sur plusieurs d'entre conque. Il faut donc admettre un fait de conservation
elles, on voit en certaines régions du corps le squelette à naturelle. Mais à quelle cause doit être attribuée leur
nu. Le sacristain nous affirma que, lors de leur décou- conservation? D'abord, le sous-sol du caveau, qui est
verte, elles étaient toutes en excellent état, ce qu'elles granitique, ne contient pas de fer d'une manière appré-
avaient commencé à se décomposer depuis qu'on avait ciable. Nous en avons analysé quelques poignées, que nous
voulu les enfermer dans des vitrines, et que c'était même avons soumises à l'action de l'acide hydrochlorique
la raison pour laquelle on en avait enlevé les portes. étendu et bouillant, le liquide filtré et traité par le cyanure
Sept ou huit pourtant sont encore en assez bon état. La jaune de potassium, n'a pas donné de précipité bleu, par
peau y est à peu près intacte, elle est parcheminée et conséquent pas de fer. Il ne semble pas non plus contenir
brune, et fortement collée sur les parties sous-jacentes; en d'autres substances conservatrices; il n'y a ni filtration de
certains points, elle est recouverte par des lambeaux de liquide, ni émanations de substances gazeuses, de quelque
chemises ou de linceuls en toile assez fine; chez plusieurs manière, appréciables.
les ongles existent, aux mains et aux pieds; deux ont De plus,, des morceaux de peau recueilli sur ces momies
encore leurs cheveux qui sont roux. Les muscles des bras et analysés n'ont rien fourni d'anormal.
et des jambes sont absolument séchés et ratatinés comme Il faut donc chercher une autre cause que la pénétra-
de l'amadou, leur ensemble représente, aux cuisses par tion de substances chimiques conservatrices, comme agent
exemple, un paquet de cordes serrées les unes contre les momificateur de ces corps.
autres. Les organes thoraciques sont aussi desséchés et Nous croyons qu'on doit l'attribuer à la température
en introduisant la main dans la poitrine, on trouve les relativement constante, à la sécheresse assez grande de
poumons qui donnent, au toucher, la sensation d'un. l'air et à l'occlusion parfaite du caveau,
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Voici, en effet,les indications que nous ont fournies les levant au couchant. Celui-ci, pendant les beaux jours
instruments dont nous nous étions munis. s'échauffe, petit à petit, et communique au caveau une
En plein air et à l'ombre, le thermomètre marquait 13* douce température qui, dans la saison très chaude, doit
et l'hygromètre 31°. Dans la chapelle des morts, au- s'élever, un peu au-dessus de 17°. Quand l'époque des
dessus du caveau, le thermomètre donnait 17° et l'hygro- frimas survient, le caveau parfaitement abrité contre les
mètre 35°. vents froids, s'échauffe encore de temps en temps, quand
Dans le caveau, après une heure de séjour, le thermo- le ciel est serein et que le soleil paraît, et ne perd que peu
mètre indiquait 17° et l'hygromètre 40°. de chaleur par le rayonnement qui doit se faire à travers
La température du caveau, malgré sa profondeur, le mur en question, ce qui est sans doute relativement
était donc la même'que celle de l'Eglise située au-dessus, épais. L'humidité y est faible, parce qu'en réalité, il est
etde4°supérieurà celle del'air ambiant, ce qui n'apaslieu creusé dans la roche granitique, où il n'y a pas d'infil-
ordinairement. D'autre part, le degré hygrométrique était tration d'eau, et qu'à mesure que la température s'élève,
de 4° supérieur à celui de l'Eglise et de 9° à celui de l'air l'air ne peut pas, faute de liquide, se saturer. Le cadavre
extérieur. Mais bien que plus humide, néanmoins, l'air humain, placé dans des conditions semblables, doit donc
du caveau était cependant relativement sec, puisqu'il perdre rapidement ses liquides et en se desséchant rendre
n'atteignait pas une demi saturation. impossible la marche en avant de la putréfaction.
Tandis que nous examinions nos instruments, le sacris- Du reste,l'occlusion du caveau qui était si parfaite que,
tain nous fit remarquer, que la température actuelle du pendant bien longtemps, on n'en a pas connu l'entrée, a
caveau était à peu près celle de toute l'année, et que le dû produire sur les microbes de la putréfaction, en favori-
caveau, selon son expression, n'était pas chaud en été et sant la disparition de l'oxygène et l'augmentation de
pas froid en hiver. l'acide carbonique, le même phénomène dont nous avons
Donc température relativement élevée, dans le caveau déjà parlé.
et probablement constante, avec air assez sec pour le lieu, Du reste, le même phénomène a encore lieu de nos
Comment expliquer ce double phénomène? Simplement jours, et le sacristain nous a montré de petits mammifères
par la situation et l'exposition du caveau. qu'il avait, depuis quelque mois, déposés dans le cerveau,
Nous savons déjà qu'il est tourné au midi, n'est pour voir, comme il nous a dit, ce qu'ils deviendraient. Or,
séparé de l'extérieur que par un simple mur, et que son ces animaux étaient parfaitement desséchés et momifiés.
sol est très probablement situé au-dessus du niveau de la Les cadavres, une fois séchés, ont dû se conserver dans cet
rue qui longe l'Eglise de ce côté-là. Or, le soleil, depuis état jusqu'en 1837, où l'ouverture du caveau a permis à
son lever jusqu'à son coucher, darde en tous temps ses l'humidité du dehors d'y pénétrer, et aux insectes des-
rayons sur ce mur, orienté comme on le sait déjà, du tructeurs des cadavres momifiés d'y faire irruption. C'est
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en effet, à partir de ce moment, que les momies ont com- Quoiqu'il en soit, il nous semble que nous avons là deux
mencé à s'émietter et à se désagréger. Telle est, croyons- facteurs de conservation : la température assez élevée et
nous, la cause de la conservation des cadavres de Saint- la.siccité suffisamment grande de l'air du caveau. On
Bonnet. pourrait peut-être ajouter un troisième facteur aux deux
Quant à la question de savoir comment ils se trouvent que nous venons d'énumérer.
là réunis dans ce caveau, outre qu'elle n'appartient pas à Ce serait ce que l'on pourrait appeler la confination
notre sujet, il nous semble très-difficile, en l'absence de de l'air ambiant aux cadavres, produite par les parois
tout document historique, de pouvoir la résoudre. Les de la demeure sépulcrale.
historiens de Saint-Bonnet parlent bien de victimes pos- Nous savons, en effet, que le corps, dans les conditions
sibles de la guerre des Huguenots, mais les blessures dont nous venons de parler, subit un commencement de
qu'ils ont cru voir, surtout sur deux des momies, ne sem- putréfaction. Il y a dégagement considérable d'acide carbo-
blent pas réelles. Elles paraissent tout simplement dues nique à l'extérieur, puis la putréfaction est suspendue, et
aux ravages des insectes et des souris. Et, ce qui le le corps se momifie. Voici comment on pourrait peut-être
prouve, c'est que : 1° les os sous-jacents qui devraient, expliquer le phénomène d'arrêt, dans l'acte de la putré-
sous le fait de semblables blessures être gravement en- faction.
dommagés, paraissent n'avoir subi aucune avarie; 2" que Nous savons, d'après les expériences de Kolbe, {Jour-
les bords de ces prétendues blessures, surtout celle qui est nal fur practische chimie, vol. XXVI), que l'acide
censée représenter un coup d'épée, ne ressemblent en rien carbonique empêche, pendant assez longtemps, la putré-
à une blessure faite sur le vif et ensuite desséchée, comme faction de la viande, et que sa présence dans l'air est
on en voit sur les momies d'Egypte à incisions. nuisible, au moins aux espèces aérobies.
Il faudrait peut-être, pour expliquer la présence de ces D'autre part, comme il'reste encore trop d'oxygène
cadavres dans ce lieu, avec leur attitude de douleur et pour que les anaérobies qui sont empoisonnées par ce gaz
d'effroi, émettre une autre hypothèse. Et, si nous n'avions puissent végéter et se développer, il s'ensuit, que la
pas peur d'en grossir sans utilité le nombre, nous préfé- putréfaction s'arrête, par disparition des microbes aéro-
rerions supposer, que c'est là un lieu représentant d'an- bies, et par impossibilité de l'apparition des microbes
ciennes oubliettes. La configuration du caveau avec sa anaréobies.
voûte en berceau, percée d'un seul trou carré à son centre, En un mot, il y a trop d'acide carbonique pour per-
ressemble, en effet, à s'y méprendre, aux oubliettes des mettre la vie des premiers ; il n'y en a pas assez pour
anciens châteaux-forts de l'époque féodale, qu'il nous a celle des seconds. Et comme pendant ce temps, à cause
été donné plusieurs fois de visiter. Ce n'est là toutfeois, de la température relativement élevée et sèche, l'éva-
qu'une simple manière de voir. C'est pourquoi, nous n'y poration marche rapidement, le corps perd bien vite la
insisterons pas davantage. il
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quantité d'eau nécessaire à toute vie et devient impropre


Voici un autre fait :
à la végétation des infiniment petits. A partir de ce
moment, le corps continue à se dessécher et à se momifier, Le 26 janvier 1883, on trouvait à Paris, dans une
complètement à l'abri de nouvelles attaques. maison du faubourg du Temple, enfermé au fond d'un
C'est un phénomène semblable de momification qui a placard, un enfant nouveau-né. Le cadavre, dit l'auteur
dû se passer, à propos du cadavre d'un enfant trouvé le de l'instruction judiciaire, avait les téguments et les
22 mars 1850, au domicile de Mme Saillard; rue du organes sous-jacents à peu près intacts, mais presque
Citoyen, 4, à Arbois. complètement desséchés. Il est évident que là encore, la
Voici comment le Dr Bergeret, médecin à l'hôpital conservation naturelle ne pouvait être attribuée qu'à la
civil de cette localité, raconte le fait : température sèche et assez élevée du milieu ambiant
Un ouvrier plâtrier, en réparant une cheminée à la jointe à l'influence de l'air confiné.
Rumfort, découvrit, au fond de cet espacé triangulaire Enfin au mois de septembre 1890, le Dr Tebaldo Marini
qui est compris entre le jambage de briques de la Rum- médecin-chirurgien à Volterra (Italie), nous faisait con-
fort, la partie latérale du manteau de la cheminée, et le naître le cas de deux momifications de fœtus, opérées à
mur contre lequel celle-ci est appliquée, le cadavre d'un peu près dans les mêmes circonstances et qui furent
enfant qu'on y avait introduit par une ouverture, pratiquée trouvés le 23 octobre 1886, en parfait état de conservation,
au moyen de l'enlèvement de deux briques, formant le (v. Lo sperimentaïe, settembre, anno XLIV, tomo
couronnement du jambage. LXVI).
Ce cadavre était desséché, momifié, mais son état de On ne saurait dire, que ces faits ne se passent que sur de
dessication n'avait point été provoqué par la chaleur du très jeunes cadavres ; car le Dr Audouard, en août 1885,
foyer, attendu qu'on n'y faisait plus de feu depuis un a observé un phénomène semblable, sur le corps d'une
grand nombre d'années, et que durant l'hiver la chambre fille de 21 ans, assassinée à coups de hâche, dans un
était chauffée par un poêle. Le corps de cet enfant s'était caveau de la maison du docteur, médecin de V. (Loire-
momifié parce que (avec une température moyenne) il Inférieure). Ce caveau était obscur. Il mesurait 2 m. 80
était placé dans un milieu privé de toute humidité, dans de large, 2 m. 20 de haut et 5 m. 6 de long. Après le
un espace réduit dont l'air ne se renouvelait pas. L'oc- crime il avait été refermé sur la pauvre fille et les choses
clusion, en effet, était complète, par le remplacement très étaient demeurées ainsi, pendant huit mois consécutifs.
exact des deux briques de jambage, qu'on avait enlevées Or, au moment où le cadavre séché de Louise D... fut
pour y introduire l'enfant. Dans cette espèce de caveau découvert, il était en si parfait état de conservation,
hermétiquement fermé, il se trouvait donc dans des condi- qu'un instant, la justice crut à l'intervention de la science,
tions analogues à celles de certains caveaux mortuaires dans ce fait singulier. Cependant, comme il fut démontré
et en particulier de celui de Saint-Bonnet-le-Château.
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depuis, il n'en était rien, et la nature seule avait accom- en effet, la découverte que firent,' il y quelques années,
pli cette magnifique momification. (V. la note du docteur dans les glaces du nord, des chasseurs de bêtes fauves
Audouard). d'un mammouth datant des âges géologiques, alors que la
Les capucins de Trapani, ville située à l'extrémité chaleur était considérable au pôle, et qui était dans un
occidentale de la Sicile, et où Virgile fait mourir le vieil état parfait de conservation. On sait aussi, que la nature
Anchise lorsqu'il dit, au livre III de l'Enéide : couvre d'un peu de neige le voyageur qui gravit les hauts
sommets des montagnes, puis, après des siècles, nous
Hinc Drepani me portus et illatabilis ova
rend un corps sans altération.
Accepit hic,pelagi tôt iewpestatibus œtas
Heu ! Genitorem, omnis curce casusque levamen Du reste personne n'ignore, que la congélation est un
Amitto Anchisen moyen, dont on se sert actuellement dans l'industrie pour
conserver les poissons frais et les autres viandes comesti-
ont utilisé autrefois le phénomène de dessication par la bles. On sait pareillement, que plusieurs peuples des ré-
chaleur pour dessécher les corps et les conserver indéfi- gions glaciales de l'Europe et de l'Asie mettent à contri-
niment. bution la basse température qui règne en hiver dans leur
« Un frère, dit M. Félix Baurquelot, (Voyage autour pays, pour conserver le corps de leurs enfants défunts à
du monde, année 1869), me conduisit dans une salle l'abri de toute putréfaction, quelquefois pendant plusieurs
où se distinguait, aux derniers rayons du soleil couchant, mois, jusqu'au moment où la fonte des neiges etladiminu-
toute une population immobile et muette d'hommes et de tion du froid, leur permettent de les inhumer en terre libre.
femmes, diversement vêtus, dont les mains crispées, le Les religieux de l'hospice du mont Saint-Bernard ont
visage desséché et grimaçant porte l'empreinte horrible aussi mis à profit cette propriété du froid pour conserver
de la mort et inspire le dégoût. Au-dessus de chaque et momifier lès corps des voyageurs perdus dans les nei-
personnage, une inscription de papier indique le nom ges des Alpes. La température du couvent, situé à 7200
qu'il a porté pendant la vie.... » pieds au-dessus du niveau de la mer, est rarement au-
Mais la nature ne conserve pas seulement le cadavre dessus de zéro, même en été. Dans la salle de la morgue,
humain, au moyen de la chaleur, relativement élevée, deux fenêtres directement opposées et toujours ouvertes
constante et sèche; 'dans les pays septentrionaux, elle le y entretiennent un courant continuel d'air froid et les
préserve de la corruption, par un froid rigoureux et per- corps dressés le long des murailles s'y momifient lente-
manent. Ceux qui ont voyagé dans le Groenland, dit ment (Sucquet).
Penicher, nous assurent que le froid extraordinaire de ce Les momies dues à l'action du froid retiennent la fraî-
pays polaire,conserve les cadavres sans putréfaction,trente cheur et la plénitude des tissus pendant des années et
ou quarante années et même davantage. On se rappelle, même des siècles, si les conditions de milieu restent les
— 86 - - st -

mêmes, dit Gannal, mais dans ces circonstances, l'action « La route qui monte vers Montréal traverse un long
du froid n'a d'autre influence, que de suspendre le mou- faubourg où, malgré la poussière et les ordures, l'odeur
vement de décomposition ; car à l'instant même où elle dominante est celle des orangers de la plaine. Au pied de
cesse, les tissus obéissent rapidement aux lois de la chi- la colline, on laisse à droite le fameux monastère des ca-
mie organique. pucins où tous les moines trépassés sont séchés, puis ran-
« Ces corps glacés et conservés par le froid, dit Péni- gés comme des figures de cire dans les niches des galeries
cher (loc. cit), ne sont pas plutôt approchés du feu ou souterraines. Leurs frères encore en vie parfument d'eau
exposés aux rayons d'un soleil ardent, qu'ils se fondent de senteur et décorent de bouquets, de rubans, pendant
incontinent et tombent en pourriture. » C'est qu'en effet, les jours de fêtes, cette terrible collection de cadavres.
ainsi que Macé le fait remarquer dans son traité de bacté- Les femmes n'ont pas le droit d'entrer dans ces nécro-
riologie, les recherches de Frankel et de Prudden, sur poles ».
les bactéries de la glace, ont prouvé qu'une congélation Enfin la nature conserve le cadavre par certaine qualité .
même prolongée ne tuait pas les microbes, mais ne faisait du sol.
qu'enrayer leur développement, qu'ils reprenaient aussi- Le sol sableux ou graveleux amène parfois dans nos
tôt que le froid avait disparu (Macé, p. 69). pays aussi bien qu'en Orient la conservation des corps.
• Les capucins de Palerme utilisaient autrefois le froid Nous citerons tout d'abord à l'appui de cette assertion
et la chaleur pour conserver les corps et les préserver de le fait que Penicher rapporte dans son livre des embaume-
la corruption. Voici comment ils procédaient pour arriver ments.
à ce résultat. « Il existait, dit le Dp Sucquet [loc. cit., Vers 1660, dit-il, M. de la Visée et son domestique
p. 218), dans le couvent, un canal souterrain dans lequel ayant été assassinés à Paris et enterrés dans le sable sur
coulait un ruisseau. Sur ce canal les religieux avaient le lieu même du crime, leurs corps furent trouvés après un
établi une grille, sur laquelle ils déposaient leurs corps à an entier, et fort reconnaissables, sans qu'un manteau,
nu. L'épiderme se décollait bientôt et le derme laissait qui était doublé de panne eût souffert la moindre alté-
transpirer et tomber dans l'eau les liquides profonds du ration.
corps, sans subir de décomposition, à cause de la basse En 1876, en fouillant dans les ruines du couvent de
température du lieu. » San-Isidro à Mexico, on a trouvé à deux mètres depro;
Vers la fin de l'opération, les sujets étaient exposés à fondeur, dans un sol formé de graviers, le cadavre d'un
l'air libre, en plein soleil, ou placés dans des fours pour homme et d'une petite fille, qui d'après un vieux manus-
compléter leur dessication, puis ils étaient ensuite rangés crit du couvent, appartenait à la famille de l'empereur
méthodiquement dans une-chapelle. M. Félix Baurquelot Montézuma et avaient été suppliciés par l'Inquisition.
a visité cette chapelle et voici ce qu'il en dit dans le Tous deux étaient très bien conservés. Ils furent achetés
Voyage autour du monde, année 1869 :
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par un barnum et à l'heure qu'il est celui-ci les exhibe. était devenue presque noire mais aucune déformation né
Ils courent le monde dans deux cercueils de cristal. s'était produite. Au toucher, le corps était comme de la
pierre. Quant au poids, il était relativement très minime.
C'est évidemment aux propriétés particulières du terrain
Voici un autre fait :
qu'est due cette conservation extraordinaire.
On guillotinait à Chartres, le 3 octobre 1874, un assas- C'est qu'en effet dans l'état de sécheresse et de peu de
sin du nom de Poirier. C'était un gredin de la pire espèce cohésion où se trouvent ces sables, ils sont tout à fait
qui avait assassiné quatre ou cinq personnes et dont le propres à produire l'absorption des liquides cadavériques
procès avait fait grand bruit. Poirier était un homme et à favoriser l'évaporation de leurs vapeurs plus légères
d'une cinquantaine d'années, fortement charpenté et que l'air. Tandis qu'ils retiennent assez facilement et
d'apparence très vigoureuse. Il marcha à la mort avec un assez fidèlement les gaz lourds tels que l'acide carbonique
certain courage et son exécution ne présenta pas d'inci- qu'un commencement de putréfaction dû à l'action hâtive
des microbes aérobies a tout d'abord produit. Ces microbes
dent.
La tête tranchée, le fourgon prit le chemin du cimetière qui ont besoin pour vivre de la présence de l'oxygène se
qui était tout voisin. L'inhumation eut lieu dans une fosse trouvent dans des conditions d'existence de plus en plus
toute prête et creusée d'environ cinq pieds. Cette fosse difficiles, à mesure que la quantité d'acide cerbonique
présentait cette particularité qu'elle était pratiquée non augmente de plus en plus autour d'eux, par le fait de leur
pas dans la terre, mais dans un lit de petits cailloux. Le expiration ; enfin il arrive un moment où la vie de ces infi-
corps fut couché sans bière au fond du trou avec sa tête niment petits est absolument interrompue et à plus forte
entre les jambes. On fît pleuvoir dessus les minuscules raison celle d'êtres plus élevéts en organisation. Et
graviers et quand il fut recouvert tout le monde s'en alla. comme, d'autre part, les microbes ânaérobies, ainsi que
En sortant du cimetière le bourreau, M. Roch, dit spiri- nous l'avons déjà montré à props des caveaux mortuaires,
tuellement ceci : « Je n'ai jamais vu un patient saigner ne sauraient non plus végéter, la putréfaction est sus-
pendue.
comme ce gaillard-là, aussi est-il certain qu'il se conser-
vera longtemps frais comme l'œil. » Le cadavre plongé ainsi dans une atmosphère composée
Les prévisions de l'exécuteur des hautes-œuvres se ou fortement saturée de gaz irrespirables se trouve donc,
sont réalisées mais dans des proportions qu'il ne pré- comme entouré d'une enveloppe protectrice et conser-
er vatrice, que ni les microbes ni les insectes ne peuvent
Toyait pas lui-même. Le 1 octobre 1883, en effet, en
faisant des travaux de terrassement dans le cimetière, on désormais franchir. Il pourra donc se sécher et se mo-
mit à jour le cadavre de Poirier dont rien n'indiquait plus mifier petit à petit. • .
la place et on l'a trouvé complètement momifié. La peau Mais bien mieux encore que le sable et les graviers,:
12
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certains minéraux, contenus dans le sol, assurent la
« Les cadavres qu'on montre à Bordeaux dans le caveau
conservation du corps humain. En général, le phénomène situé sous la tour Saint-Michel, y ont été déposés en 1793,
peut se passer de deux manières bien différentes. à peu près dans l'état où nous les retrouvons aujourd'hui.
Tantôt la substance minérale est seulement déposée à la Ils proviennent des sépultures de l'église et du cimetière qui
surface du corps par précipitation des liquides qui la était à sa porte. Une grande quantité d'os et de débris de
parties molles desséchées et conservées, comme les cadavres
contiennent; c'est de la silice comme dans les Geysers de entiers forment une couche de dix sept à dix-huit pieds, sur
l'Islande ou bien un carbonate de chaux comme dans la laquelle sont appuyées les extrémités inférieures de soixante-
Fontaine de Saint-Allyre, près Clermont-Ferrand. Dans dix sujets; dressés en cercle le long du mur et maintenus
dans la position verticale par des cordes qui les retiennent.
ce cas, le corps est simplement recouvert d'une couche
Les uns, dit-on, reposaient dans la terre depuis plusieurs
plus ou moins épaisse, mais l'intimité de la substance siècles, d'autres depuis soixante et quatre-vingts ans au
n'est pas pénétré par la matière minérale. C'est ce pro- plus.
cédé que M. le Dr Variot a voulu reproduire l'an dernier à « Lors de notre visite, le 23 du mois d'août 1837, nous vou-
lions constater avec soin l'état de ces corps, celui du milieu
l'aide de la galvanoplastie. Nous verrons plus tard ce
où ils se.conservaient depuis plus de 40 ans, et, surtout,
qu'il faut en penser. nous procurer des lambeaux de la peau et des muscles
Tantôt, au contraire, la substance minérale, quelle pour les examiner à loisir et les soumettre à quelques réac-
tifs chimiques, qui puissent nous révéler la présence de
qu'elle soit, pénètre intimement les différents éléments
l'élément conservateur.
anatomiques qui, par leur ensemble, constitue le corps. « Nous ne pouvions espérer recueillir de la terre qui les
La substance animale, dans ce cas, est plus ou moins avait recouverts, parce qu'ils étaient superposés à des
parfaitement minéralisée. Ce phénomène, qui est une vraie débris jetés dans ce lieu, à l'époque où ils y avaient été ren-
fermés. Après nous être munis d'un thermomètre qui don-
réaction chimique, est souvent réalisé pour les végétaux,
nait 24' R et d'un hygromètre à 34° (à l'air libre) l'un et
c'est la fossilisation ; mais on la rencontre aussi parfois, l'autre, nous avons descendu 30 à 40 marches qui condui-
dans la substance animale et en particulier pour le corps sent au caveau. La fraîcheur ne nous a pas paru saisissante,
humain. comme elle l'est, pour l'ordinaire à cette profondeur pen-
dant les ardeurs de la canicule. Nos deux instruments dé-
Un des plus beaux exemples que l'on puisse citer de ce posés sur le sol, nous avons procédé à l'examen des
genre de conservation est celui que nous fournissent les cadavres.
caveaux de Saint-Michel à Bordeaux. L'analyse que « C'est un étrange aspect à la lueur des flambeaux que celui
MM. Boucherie, Bermont, Gaubert et Preissac, dit le de cet espace circulaire dont les parois sonttapissées de morts
tous debout. L'œil va de l'un à l'autre involontairement et
Dr Sucquet, firent de quelques restes humains bien con- parcourt l'ensemble avant de se fixer aux détails.
servés et recueillis dans ce lieu ne laisse point de doute « Quoique la plupart soient dans l'attitude des morts ense-
à cet égard. Voici ce que ces docteurs racontent des velis, quelques différences dans la taille, dans la pose et dans
l'expression de la physionomie produisent une impression
momies de Saint-Michel à Bordeaux, qu'ils visitèrent
étrange, mais confuse encore. Pourtant, il est un point où le
en août 1837.
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cœur frissonne et s'émeut d'une émotion profonde, en ce point paraît étonnant que ces corps, extraits depuis.plus de-40ans
s'offre une malheureuse créature dans une position violem- du milieu où ils se sont desséchés, n'aient éprouvé aucune
ment contractée ; sa bouche horriblement ouverte et con- altération sensible dans un caveau situé profondément sous
tournée, ses membres inférieurs fortement rapprochés du terre et surmonté d'une construction telle que la tour Saint-
corps, ses bras, l'un torturé par la convulsion et jeté au- Michel.
dessus de la tête l'autre replié sous le tronc et fixé à la . « Revenons à nos instruments : peut-être nous aideront-
cuisse par les ongles qui s'enfoncent dans les chairs, l'in- ils à expliquer ce fait. Après une heure de séjour dans cette
flexion forcée du torse, tout donne l'expression d'une dou- atmosphère, le thermomètre a passé de 24° à 18" et l'hygro-
leur ineffable, tout annonce une mort violente. Le malheu- mètre de 34 à 42°, ce qui donne une différence pour le
reux a-t-il succombé dans cet état, ou bien enterré vivant premier de 6°, pour le second de 8', différence bien faible,
a-t-il conservé cette position dans les angoises horribles de si on la compare à celle des caves et autres lieux dans la
son réveil ?. .. même position apparente. Cet état thermométrique et hygro-
« La peau de toutes ces momies d'un gris plus ou moins métrique de l'air toujours invariable, est, nous n'en doutons
foncé, desséchée et assez douce au toucher, fait éprouver la pas, une des circonstances les plus puissantes pour main-
sensation d'un parchemin faiblement tendu sur des organes tenir ces momies. A quoi, d'ailleurs, pouvons-nous attribuer
desséchés et de consistance d'amadou. ce double état de l'air dans le souterrain? Une fermentation
a Les articulations sont raides et inflexibles, la poitrine, le lente, des mouvements de décomposition latente dans la
ventre et le crâne, examinés avec soin, ne laissent observer masse énorme de débris d'animaux qui forment le sol de ce
aucune incision, aucune ouverture régulière qui indique réduit, n'en sont-ils pas la cause probable? Nous le pensons
quelque trace d'embaumement, même des plus imparfaits. et nous livrons nos idées à la méditation des savants.
Les différents organes du visage, encore distincts chez quel- « Notre but était atteint, nous avions constaté les faits et
ques-uns, donnent de la variété à ces physionomies, deux recueilli quelques parcelles de ces débris pour les soumettre
ou trois portent les poils de la barbe assez bien conservés, à l'analyse. Après différentes épreuves sans résultat,
les dents saines et recouvertes d'un émail brillant. Les ex- quelques morceaux delà peau et du tissu musculaire placés
trémités supérieures et inférieures, exactement desséchées dans l'acide hydrochlorique étendu d'eau et traités par
et entières chez beaucoup de sujets sont pourvues de toutes l'ébullition, ont été dissous en totalité dans le liquidé
les phalanges ; la dernière pourtant est dépouillée de l'ongle. auquel ils ont donné une teinte d'un brun foncé. Cette
La peau soulevée, et considérée à sa partie interne est liqueur filtrée et traitée par le cyanure jaune de potassium
tannée comme à l'extérieur ; toute trace de tissu cellulaire a fourni un précipité bleu très abondant et la preuve du fer
a disparu. Les muscles séparés de la peau, ont la couleur, la a été ainsi démontrée.
consistance et presque la structure intérieure de l'amadou. « Dès lors, nous avons pensé que la conservation de ces
Lâ main introduite dans la poitrine y trouve quelques débris corps était due à la présence d'un composé de fer, dans les
des poumons d'un réseau assez semblable à celui des feuilles terres où ils avaient été déposés. Mais le sang humain en
des arbres, dépouillées de la partie charnue, on dirait une renferme aussi, était-ce la portion de cet élément de nos
masse de feuilles disséquées par les chenilles et rendues tissus que l'expérience mettait à nu?
adhér'entes parles fils et la liqueur visqueuse que ces insec- Une suite d'expérimentations comparées sur certains
tes y déposent. Les intestins, desséchés aussi, sont dans le tissus des momies, d'une part, et sur les mêmes tissus
même état. desséchés au soleil, de sujets morts depuis peu de jours,
« Tels sont les principaux détails qui se sont présentés à d'autre part, nous ont prouvé jusqu'à l'évidence l'excès du
nous, dans le cours de notre examen : au premier aperçu il fer dans les premiers ».
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conservation des sujets et les préparations anato-
M. le Dr Sucquet, pour expliquer la pénétration du fer miques), pourquoi l'artde l'embaumement est tombé dans
dans la substance animale, admet l'hypothèse de mou-
un oubli profond, pendant une longue suite de siècles ».
vements endosmo-anasmotiques entre le cadavre et le C'est à peine, en effet, si durant tout le moyen-âge, ainsi
milieu ambiant qui contiendrait des liquides chargés de que nous l'avons vu dans les détails qui précèdent, nous
fer. M. le Dr Sucquet a vérifié son hypothèse à l'aide du rencontrons en Europe quelques faits de conservation du
bi-sulfate de soude marquant 20° à l'aéromètre de Baumé corps humain, conservation que l'on obtient presque
mélangé avec une solution de gélatine et placé dans un exclusivement en usant des phénomènes naturels de mo-
cercueil de plomb avec le corps d'un enfant de cinq à six mification. C'est seulement vers la fin du xvie siècle et
ans. Après une expérience qui a duré treize mois, le corps pendant le XVII0, au moment où le réveil et le dévelop-
fut trouvé en parfait était de conservation et tous les pement des sciences naturelles et anatomiques ont
tissus avec leur couleur normale et leur beauté. Les fait naître le besoin de conserver des collections, qu'un
phénomènes endosmo-exosmatiques ont donc eu lieu, mouvement très vif d'investigation des moyens en l'apport
c'est donc un fait à peu près semblable qui se passe dans avec les exigences de ces sciences récentes s'est de_ nou-
le sol. veau manifesté.
Il y a quelques années, des essais ont été tentés, en Les anatomistes de ces tristes temps, persécutés,
Italie, pour amener, au moyen de l'art, la minéralisation gênés dans leurs études, dit le Dr Laskowski, obligés
du cadavre. Le silence s'étant fait depuis sur la question, de chercher dans les endroits retirés et obscurs un asile
il est probable que le succès n'a pas couronné les efforts. pour n'être pas tourmentés dans leurs recherches,
Il y aurait peut-être quelque chose à l'avenir à tenter dans
trouvant des difficultés considérables à se procurer des
cette voie. cadavres, cherchaient le moyen de les conserver le plus
longtemps possible.
Malheureusement leur mode d'investigation était
§ II. — LA PÉRIODE THÉORIQUE ou MÉTAPHYSIQUE
défectueux et la méthode métaphysique qui régnait alors
en souveraine, avec ses idées préconçues et ses théories
Cette période n'est, en réalité, qu'une imitation plus ou abstraites, ne devait leur permettre d'arriver qu'à de bien
moins grossière de l'embaumement des anciens Egyptiens. maigres résultats.
L'art est presque éteint et tout est à refaire. Pénicher, dans son traité des embaumements nous fait
« L'indifférence profonde des Romains et des Arabes connaître le but qu'on se proposait d'atteindre alors.
pour la dépouille mortelle et les croyances religieuses Langage et théories, dit le Dr Sucquet,. tout nous
qui prescrivaient la crémation des corps, nous expliquent paraît étrange aujourd'hui dans cette science sortant
suffisamment, ditle Dr Laskowski (VEmbaumement, la
encore des ombres du Moyen-Age.
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On composa des baumes. Le baume est alors formé « de bientôt altérés, puisqu'on n'ôtait pas les viscères qui
différentes matières, tant solides que liquides, propres à causent la corruption.
empêcher la pourriture, soit par la vertu aromatique des « La seconde est celle où l'on se contente de vider et
soufres et des sels volatils des médicaments qui entrent de nettoyer seulement les cavités qui contiennent les
dans sa composition,soit par une amertume considérable, entrailles, le cerveau et les autres parties molles, les rem-
qui consiste en des particules très pénétrantes dont la plissant ensuite de poudres aromatiques avec des étoupes
propriété est de conserver et d'atténuer les parties crues et du coton.
qui disposent et précipitent le cadavre à la corruption, « La plus usitée et la plus parfaite qui se pratique est la
soit par les remèdes qui dissipent et absorbent toutes les troisième, qui consiste à faire des incisions à toutes les
humidités putréfiantes, soit par leur viscosité, qui parties du corps (comme nous le verrons dans la suite.)
agglutine les parties qui se fermenteraient et se cari- « On pourrait en ajouter une quatrième qui n'a pas
fieraient trop facilement, soit enfin par leur astriction
lieu à l'égard des corps maigres et décharnés. Elle ordonne
qui, fixant les mêmes parties, empêche la résolution du d'ôter les graisses et les chairs, en sorte qu'il ne reste que
tout ». la peau et les os.
On comprend que, pour remplir des indications aussi
« Enfin, il y a une dernière méthode d'embaumer les
variées, aussi subtiles et aussi délicates, il fallait avoir
corps, laquelle s'exécute en faisant de petites ouvertures
recours à un grand nombre de moyens. Aussi ne pour-
à certaines parties, sous les aisselles, aux mains, aux
rait-on jamais imaginer aujourd'hui la réunion bizarre aines et à l'anus. »
des substances qui furent appelées à l'honneur d'entrer
Voilà ce que nous dit Pénicher. Mais examinons de
dans les formules des baumes. Un thé, demeuré célèbre
plus près et avec quelques détails les principales méthodes
à la scène comique, ne pourrait en donner encore une
de la période métaphysique.
idée. Tous les règnes de la nature étaient mis à contri-
Au xne siècle, l'art d'embaumer consistait à faire de
bution, ainsi que nous allons le voir dans les développe-
larges incisions au corps, à le saupoudrer de drogues et
ments qui vont suivre où nous examinerons les divers pro-
à l'envelopper dans une peau de bœuf tannée. C'est ainsi,
cédés qui eurent cours à cette époque.
que fut préparé Henri I, roi d'Angleterre, à Rouen,
Ils furent assez nombreux, car chaque anatomiste
en 1135. L'odeur qui se dégagea fut tellement infecte,
prétendait posséder à lui seul un moyen spécial et
qu'elle emporta, dii-on, l'artiste opérateur (DrF. Martin).
infaillible d'arrêter la putréfaction Mais c'est seulement vers la fin du xvie siècle que l'illus-
Pénicher rapporte qu'il y avait alors cinqmanières d'em-
tre anatomiste hollandais Ruysch fit les premières tenta-
baumer les corps « La première, dit-il, qui est tirée de la
tives sérieuses d'embaumement. Il prétendait connaître
Sainte Ecriture, n'empêchait pas que les corps ne fussent
les moyens de conserver le corps humain dans une inté-
13
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grité complète, avec sa forme, sa couleur, son volume, — 99'-

et même la mollesse de sa chair. Mais on peut affirmer, Voici comment il s'exprime :


que c'est là une chose impossible, attendu que rien ne
peut empêcher l'évaporation naturelle de l'eau contenue « Je vais publier, dit Strader, tel qu'il m'a été commu-
niqué le procédé admirable auquel a bien voulu m'initier
dans le corps. M. Sucquet qu'on peut considérer, comme autrefois le Dr Swammerdam, qu'on ne saurait trop louer.
un maître dans l'art des embaumements, a fait un grand Or, il faut qu'on prépare un vase d'étain d'une grandeur
nombre de recherches, pour arriver à un résultat satis- suffisante pour contenir le corps qu'on veut embaumer,
qu'on y mette, à une distance d'environ de deux doigts du
faisant. Il n'y est point parvenu. Cependant, il est certain
fond, une petite claie de bois percée de petites ouvertures;
queRuysch était arrivé à conserver pour un temps au que sur cette claie on place le cadavre et qu'ensuite qu'on
moins, un grand nombre de pièces anatomiques d'une verse de l'huile de térébenthine à une hauteur de trois
beauté remarquable. Sa fameuse collection, ainsi que le doigts ; qu'on tienne en repos le vase, légèrement et de
moins en moins hermétiquement couvert pendant un espace
manuscrit dans lequel il faisait connaître la composition
de temps" déterminé"; de cette manière, cette huile d'une
de la liqueur conservatrice dont il se servait, furent nature pénétrante s'infiltrera peu à peu dans les pores du
achetés par Pierre le Grand, 30.000 florins. D'après cadavre sur lequel on l'a jetée; et expulsera la partie
Burggrave il ne reste rien aujourd'hui des pièces qu'il aqueuse, cause principale de la fermentation qui tend à
corrompre. Cette partie aqueuse, descendant par la pro-
avait préparées, et Geoffroy qui fut chargé en 1773 de priété de gravité, et se distillant à travers la chair, occu-
faire des expériences, d'après le manuscrit de Ruysch, pera, avec le temps, l'espace entre celle-ci et le fond, et
n'est arrivé à aucun résultat satisfaisant. On croit savoir pendant ce temps, la partie la plus subtile du baume s'exha-
lera, à cause de l'herméticité moins grande du vase ; plus
actuellement que la Materies Ceracea de Ruysch était
elle s'évaporera, plus le corps s'endurcira et s'imbibera du
du suif additionné de cire blanche et de cinabre, et que le marc épais de l'huile, dont l'effet pourrait se comparer à
liquide dans lequel il conservait ses pièces, était l'alcool celui d'une moelle gommeuse ; il pourra, par conséquent,
de grain additionné de poivre noir (V. Hyrst, Handbuch, demeurer hors du liquide et en plein air sans se cor-
rompre, sans qu'on ait à craindre la putréfaction ni les vers.
der prakt-zergliederungskunst).
— Quant au temps qu'il faut conserver le cadavre dans le
« Pour l'honneur de la mémoire de Ruysch, dit Sucquet, baume, il varie selon la différence des choses à conserver ;
il vaut mieux conclure à l'illusion qu'à l'improbité du tel est l'espace plus ou moins long qu'on doit observer.
savant. » « L'embaumement d'un embryon de six mois s'accomplit
presque en autant de mois ;
Swaminerdam, naturaliste de mérite, compatriote de « Le squelette de ce même embryon n'a besoin que de
Ruysch prétendait aussi posséder un moyen de préserver deux mois environ ;
le corps humain de toute altération après la mort. Tout « Les membranes du cœur, trois mois ;
« Les vaisseaux du foie et du placenta, dégagés de leur
ce qu'on sait de ses procédés se trouve dans une note de
chair, Un mois ;
Strader son traducteur,dans l'édition des œuvres d'Harvey. « Les vaisseaux de la rate, dix jours ;
« Les intestins, un mois.
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« On assignera, ainsi de suite, pour les autres vaisseaux, exemple, on étend les toiles des vaisseaux capillaires sur
un certain temps, qu'il ne sera pas difficile de trouver ni de des bâtons enduits de suif, d'où on les retire facilement à
déterminer par l'expérience. l'aide d'un peu de feu qu'on place au-dessous, et qui fait
» Il faut, toutefois, faire attention à ce que, pendant cette ainsi fondre le suif.
opération, les parties soient un peu serrées et comprimées « Mais j'en ai assez dit pour cette fois ; peut-être, plus
dans une proportion égale et convenable ; la coction du tard, aurai-je une occasion plus favorable de rapporter
corps empêche que la peau ne contracte des rides, soit d'autres faits semblables et même plus admirables ; car
qu'on la fasse avant la déposition dans l'huile, soit après j'ai vu chez Swammerdam, dont j'ai parlé plus haut, diverses
que le cadavre y esl resté plongé pendant deux mois. Pour pièces embaumées avec tant de talent, qu'ouire toutes leurs
que le sujet conserve toute sa beauté et sa blancheur natu- propriétés naturelles, elles avaient aussi celle d'être conti-
relle, il le macère dans une préparation d'alun, pendant nuellement molles et flexibles ; je dois m'en tenir à la trans-
quelques jours avant qu'on ne l'embaume. Pour que les mission de ce procédé, pour ne point diminuer l'éclat de
membres conservent une forme et un état convenables, on la belle œuvre que je viens de décrire, en en introduisant
doit les plonger dans le baume au commencement de l'hiver, une encore plus belle sur la scène, etc.
vers le mois de novembre, pour les exposer ensuite à la
rigueur du froid, non pour les geler, mais pour les endurcir Strader nous affirme que, cette méthode endurcit telle-
légèrement.
ment les cadavres et leurs parties, qu'ils ne perdent rien
« En suivant ce procédé avec soin, on détruit entièrement
tous les germes de putréfaction cachés dans le corps, à tel de leur substance, qu'ils ne changent ni de couleur ni de
point que les entrailles se pénètrent profondément de ce forme, qu'ils laissent à l'anatomiste tout le loisir désirable
baume, et qu'elles peuvent résister aux atteintes éternelles d'examen .sans présenter ni l'effusion du sang, ni la mal-
de l'air.
« Que si l'on veut conserver une partie sans le procédé propreté dégoûtante qui répugne aux praticiens trop
délicats. 1
ci-dessus mentionné, il faut, d'abord, en extraire le sang
par une saumure, en tirer le sel au moyen d'eau pluviale, Malheureusement Gannal nous dit que, séduit par la
et, après l'avoir mis dans l'ombre pour qu'elle ne se pour-
précision des détails fournis par Strader, il expérimenta
risse pas, l'enduire d'un mélange composé de trois quarts
d'huile de térébenthine et d'un quart de mastic, de manière les procédés de Swammerdam et il ne fut pas plus heureux
qu'elle acquerra une brillante apparence,et même une sorte avec lui, que Geoffroy ne l'avait été avec Ruysch un
de croûte légère, surtout si l'on introduit dans la prépara- siècle auparavant.
tion une plus grande quantité de mastic.
De son côté, le Dr Sucquet nous avertit que, malgré le
« Quant à la préparation des membres et de toutes les
parties qui en dépendent, on doit observer un procédé par- lyrisme de Strader, il ne croit pas aux corps endurcis par
ticulier ; il faut bien sécher les vases, quelle que soit leur Swammerdam, avec leurs formes et leurs couleurs natu-
matière, et y placer ensuite des bagues bien appropriées à relles. D'autant qu'aucun témoignage matériel de ces ré-
la cavité, et préalablement enduites de suif, qu'on retire
sultats tant admirés autrefois n'est parvenu jusqu'à nous.
avec soin quelques jours après. Ainsi, les membres, grands
et petits, doivent être placés dans du coton bien imbibé de On trouve dans le tome LUI de l'ancien Journal de
suif, être étendus dans toute leur longueur, comme, par médecine, de chirurgie et de pharmacie, le procédé
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autres jours ; alors il est beaucoup plus ferme; on peut le
manier plus facilement, peigner les cheveux, etc. Après
d'un autre Hollandais, de Bils, qui prétendait également avoir lavé la peau avec une éponge douce, on peut l'exposer
posséder un moyen de conserver toutes les parties du à l'air plusieurs jours et l'habiller, si on le désire.
corps humain. « Après que l'on a bien nettoyé la première caisse, y on
verse la même quantité de vinaigre et d'eau-de-vie avec :
tt IyauteUr conseille d'avoir une caisse d'étain sans cou-
Aloès . . ) .
vercle, ayant huit pieds de longueur, deux de largeur et Myrrhe \ de
chaque, 44 livres.
trois de hauteur; cette caisse est renfermée dans une autre Mastic . . .
de bois de chêne très sain, dont les jointures sont main- Noix muscades
de chaque, 20 livres.
tenues solidement par des bandes de fer ; elle doit fermer Girofle . . .
Cannelle . .
exactement et être munie d'un fort couvercle. On met dans
Le tout en poudre.
la caisse d'étain soixante livres d'alun de Rome, autant de
poivre, et cent livres de sel gemme. On verse sur ce
mélange seize cents livres d'excellente eau-de-vie, avec « Le corps reste en macération dans ce mélange pendant
environ huit cents livres de bon vinaigre. Après avoir bien deux mois. Au bout de ce temps, on le lave avec la partie
agité ce mélange avec une spatule en bois, on le laisse liquide de cette teinture alcoolique ; on replace dans le
macérer pendant une ou deux heures. Pendant ce temps, ventre tout ce qui a pu en sortir et on le fait sécher. Au
on fait l'incision cruciale assez grande pour que la liqueur moyen d'un feu doux on fait sécher les matières du bain;
puisse imprégner toutes les cavités. On pratique une autre, on les fait servir de première couche pour le cercueil où le
incision cruciale à l'occiput et l'on en enlève une pièce de mort doit être conservé. Si l'on veut obtenir une momie
l'os, sans rien enlever de l'intérieur du crâne. Pour aug- incorruptible, on le fait sécher dans un petit local bien
menter l'effet antiseptique de la liqueur, on peut injecter de fermé, qu'on chauffe fortement. Dans cette sorte d'étuve, on
l'eau-de-vie dans les intestins et les nettoyer ainsi. Après brûle aussi tous les jours deux livres d'encens et de mastic ;
cela, on enveloppe le corps dans une toile fine qu'on lie avec de temps en temps on doit retourner le corps et en essuyer
un cordon de soie, au-dessus de la tête et des pieds. Alors l'humidité. La dessiccation, qui ne fait que rendre la momie
on le suspend dans la liqueur au moyen d'un cordon de plus parfaite, étant terminée, on la frotte avec un Uniment
soie, des pieds et de la tête, qu'on fixe sur un cadre de bois, composé de :
de manière que le corps soit recouvert d'environ deux pieds Ambre gris . 6 onces.
de liqueur. Baume du Pérou 8 onces.
« On étend ensuite sur la caisse d'étain des couvertures Huile de cannelle 4 onces.
de laine bien épaisses, on y baisse le couvercle de bois et
on lute les jointures avec de la cire. Le troisième jour de « On la place alors dans une caisse d'étain, renfermée
l'immersion, l'on en sort le mort et on l'y remet pendant dans une autre de plomb. »
vingt-sept autres jours. On le renverse alors sur le ventre
pour en faire couler la liqueur, et on lave les cavités, avec
de l'eau-de-vie. Après avoir remué le mélange, on y replace Voici ce que M. le Dr Sucquet nous dit du procédé de
le corps, en ayant soin de n'en point détacher les cheveux, de Bils.
l'épiderme ni les ongles, qui tiennent alors fort peu. Après Le procédé de de Bils dit*il devait certainement être
les trente jours, on le place dans une autre caisse remplie
de la même composition, et on l'y laisse pendant trente
- ioi — — ioè —

efficace. Mais que nous faut-il penser de la science qui le plus longtemps que faire se pourra. Ce qu'il a fait en
s'honorait d'avoir à sa disposition des moyens aussi longs ce traité d'aussi bonne volonté, comme il a voué son ser-
vice au public. Il décrira la façon de vider les trois ven-
qu'ils étaient difficiles, ingrats et répulsifs?
De telles méthodes ne pouvaient jamais entrer dans la tres et faire les incisions sur les parties musculaires, puis
pratique de tous les jours. Il fallut instituer une opéra- il traitera du vinaigre composé, des baumes, enfin du
Uniment pour frotter tout le corps, après qu'il est em-
tion plus simple, plus rapide, plus en rapport avec les
baumé.
mœurs publiques.
Nous terminons l'énumération des procédés de cette Il supplie ensuite le chirurgien de ne pas faire payer
époque par le suivant que nous fait connaître Philibert trop cher. « Mais je supplie le chirurgien, dit-il, qui
Guibert, escuyer, docteur régent de la Faculté de Méde- fera le baume et l'embaumement de ne se rendre rigou-
cine de Paris en 1633, dans son traité d'embaumement reux au payement des drogues qu'il fournit pour faire le
intitulé : Le médecin charitable enseignant la manière dit baume et de son salaire et qu'il s'en fasse payer rai-
d'embaumer les corps morts. sonnablement, car la médecine dont la chirurgie fait partie
Guibert commence son travail par le quatrain suivant: est un art libéral qui doit être exercé honorablement. »
C'est après ce préambule à son ami le lecteur, que
Guibert par cy devant en dépit de l'envie,
A donné les moyens de conserver la vie, Guibert commence la description de son procédé, de la
Embaumer les corps morts, il montre maintenant manière suivante :
Pour sans corruption les garder longuement.
« 1' Faire une incision depuis le bas du menton allant sur
Puis il donne là raison pour laquelle il a écrit son traité le bas du sternum, suivant la ligne blanche et descendant
jusqu'à l'os pubis.
d'embaumement.
« Celle qui est sur la poitrine et le sternum sera profonde
« Je me suis souvent émerveillé, dit-il, de ce que main- jusqu'à l'os et celle qui est au ventre inférieur pénétrera
tenant on embaume si mal les corps deffuncts qu'un peu jusque dans la cavité. Puis il séparera ensemble le cuir
de temps après ils se corrompent tellement qu'en quelque et les muscles situés sur la poitrine et ce joignant les
côtes, tant du côté dextre que senestre jusqu'à l'endroit des
lieu qu'ils soient posés, on ne peut souffrir leur odeur; de aisselles.
sorte qu'il les faut aussitôt mettre en terre bien profondé-
ment, dont s'en suit la plainte des parens contre les chi- « 2° Cela fait, les cartilages du sternum seront coupés de
part et d'autre, puis le sternum sera enlevé en coupant le
rurgiens, quoy que ce ne soit leur faute ». médiastin.
C'est pourquoi il se rendra au désir de quelques gens
« 3* Ensuite tout en haut et au commencement de l'incision
d'honneur et de qualité qui l'ont prié d'écrire la manière
qui est à la gorge, il coupera de travers le haut de la trachée
d'embaumer les corps morts, faire les baumes et autre artère et l'œsophage et tout de suite après, il abaissera et
chose concernant l'embaumement, afin de les conserver
14
— loc — - 107 —
tirera contre-bas le fagaië, les poumons et le cœur avec son qui s'y rencontrent, qu'afin que le dit vinaigre y puisse
péricarde jusqu'au diaphragme. pénétrer, ainsi fera-t on au ventre inférieur. On remplira
« Faut ensuite couper tout le tour du diaphragme, le sépa- les trous des oreilles comme aussi les narines et la bouche
rant le plus proche que l'on pourra de son tour où il est des disctes estouppes en coton mouillez du dit vinaigre et
attaché en rond, et tout à coup on tirera contre le bas, tout remply de baume.
ce qui est dans la poitrine et le ventre inférieur, plus « Le pénis et les bourses seront ainsi embaumés. Ayant
nettement que faire se pourra et mettez toutes les dites fait une incision depuis le bout du gland, au-dessous
entrailles dans un grand bassin. On nettoie avec une grande passant droit par les lignes du scrotum, coupant l'urethère
éponge le sang écoulé des artères et des veines. et partissant à moitié le dict scrotum profondément jusques
au périnéum. Toutes les dites parties seront étuvées du
« 4° La tête et le crâne sera sciée tout à l'entour propre- dit vinaigre et remplies de baume et recousues proprement.
ment, comme, l'on fait à l'anatomie, ayant premièrement Les susdites parties ainsi bien embaumées, faudra faire des
incisé le cuir et râclé fort le péricràne, au droit de l'incision incisions profondes et longues ès bras, dos, fémur, cuisses,
et l'ayant ouvert on considérera le cerveau. » jambes, et principalement à l'endroit des grandes veines et
Guibert dit ensuite, qu'après l'avoir enlevé on le mettra artères afin d'en faire sortir et tirer le sang avec les dites
dans le bassin avec les entrailles, on placera ensuite le tout éponges, lequel le corromprait et pareillement aussi pour
dans uu petit baril avec le sang et les graisses pour être après les estuver du dit vinaigre et plonger le baume
déposé en terre. faisant ainsi. Premièrement on fera une incision pour les
Il indique le procédé pour embaumer le cœur si la famille bras qui commencera depuis le haut, sous l'aisselle laquelle
le désire et revient ensuite à l'embaumement du corps pro- se continuera jusques au poignet, de profondeur jusqu'aux
prement dit. os et par le même moyen en couper les dites veines et
La tête, poitrine et ventre inférieur étant ainsi videz et artères auxiliaires et autres : puis avec le gros poinçon ou
nettoyez on commencera à les embaumer. lardoire on percera profondément les muscles et chairs de
Commençant à la teste tout le dedans de laquelle ayant tous côtés (sans percer le cuir comme dit est, après on
été bien lavé et estuvée, avec l'un des dicts baumes ou avec les étuvera du dit vinaigre et empira les incisions avec
de bonnes étouppes de coton dont on fera lit, que l'on arran- étouppe et coton trempés dans le dit vinaigre et remply
gera l'un sur l'autre, lesquels estans mouillez du dict vinai- de baume, les recousant proprement avec la suture du
gre composé et rempli de baume seront posez ainsi que le pèlletier. Au dedans des cuisses, on fera le même que
dict est, jusqu'à ce que le crâne soit remply. l'on a fait au bras, commençant l'incision depuis les aisnes
Ce qu'estant l'autre partie dudit test qui le couvrira, et la continuant jusqu'aux genoux, coupant les veines
ayant esté étuvée du dict vinaigre et sinapisée de baume, crurales poplitées, etc., perçant les muscles et chairs
sera tout autour proprement recousu avec la suture du profondément de tous costez et les estuvant du dit vinaigre
pelletier. et remplissant les incisions d'étouppes en cotton trempez
On fera le semblable à la poitrine, dedans et dehors du dit vinaigre bien remply de baume le recousant comme
comme l'on a faict à la teste ayant (auparavant qu'estuver dit est.
les dites parties avec le dit vinaigre), percé profondément « Cela ainsi fait, on retournera le corps sur le ventre et on
de trois endroits avec un gros poinçon ou grosse lardoire fera une incision sur le dos de chaque côté, depuis l'émonc-
propre à cela, les muscles et chairs jusqu'au crâne sans toire au-dessous de l'oreille continuant sur l'omoplate, cou-
toutefois le percer tant pour faire écouler le sang des veines pant en passant les internes et externes 'jugulaires et les
— 108 — — 109
artères carotides qui sont au col, faisant bien écouler le
sang et conduisant la dite section le long du dos aux fesses, Baume de quatre sortes pour saupoudrer et plonger
cuisses, gras des jambes jusques aux os ayant escoulé le dans les parties.
sang, percé les chairs, estuvé et remply de baume les inci-
sions comme dict est bien et décemment. « 1* Prenez sel commun sec et alun de Rome ou de glace
« Aux paumes des mains, on fera une profonde incision par de chacun une livre en faire poudre, laquelle sera mise à
part.
le milieu depuis le poignet en dedans jusque à l'entredeux
du doigt médius et médicus, comme aussi aux plantes des « Puis prenez herbe à baume (dit meuta hortensis), absin-
pieds, puis le talon jusques au mitan des doigts de chaque the, menthe d'eau, sauge, rosmarin, origan calament, sa-
pied, perçant les muscles de tout cela profondément, sans riette pouliot, thim, coq (dit costus hortensis) centaurée
percer le cuir et les estuvant et emplissant de baume, les majeure et mineure, scordium, de chacun six poignées,
recousant proprement, pour le regard des doigts des mains séchez, pilez et passez au tamis de crin. On mélangera cette
et des pieds on fera à chaque doigt une longue incision en poudre avec la précédente, qui fera le baume duquel on
dedans, laquelle on estuvera du lit du vinaigre et emplira usera.
de baume et recoudra de quelque poinct d'esguille. Description du second baume.
« Le corps ainsi embaumé, sera oinct extérieurement de « Prenez hysope, thim, sauge lavande, rosmarin, absinthe,
toutes parts de térébenthine commune ou de résine dissoulte marjolaine,rue, matricaire, scordium, de chaque 8 poignées.
en huile commune au rosat ou d'aspic, puis couvert d'un Iris de Florence, gingembre, poivre commun, pirettre, roses
linceuil de toile cirée, mis dans un cercueil de plomb et y rouges sèches de chaque 1/2 livre, sel commun 1/2 livre.
estant posé le vuide du dict cercueil sera remply d'huiles « On pulvérisera toutes ces plantes, on les passera au
aromatiques sèches comme de l'absynthe thim, scordium, tamis et on mélangera le sel pulvérisé.
marjolaine, et autres, des actes ci-après aux baumes puis
sera fermé et bien soudé. Description du troisième baume.
« Prenez souchei, i.ris de Florence, gentiane, escorce de
citron et d'oranges, gingembre, bayes de genièvre, noix de
cyprès, benzoin, encens, aloès, myrthe, canelle, clous de
Description du vinaigre composé pour estuver tiède les
girofle, de chacun 1/2 livre. Rosmarin, sauge, lavande,
parties avant que d'y appliquer un des bâtîmes suivants.
aneth, origan, cyprès, absinthe, mélino, thim, scordium, de
chacun 8 poignées. On triturera le tout dans un mortier, on
« Prenez absinthe sèche ou verte, cinq ou six poignées que passera la poudre et on l'emploiera avec le baume consti-
tué.
couperez par morceaux, avec gros ciseaux ou couteau, trente
pommes de coloquinte, que couperez en quatre sans jeter Description du quatrième baume.
semence, alun de Rome et sel commun, de chaque une (Dit de nécessité ne pouvant pas faire l'un des précédents).
livre, faites le tout bouillir dans 14 pintes de bon vinaigre « Lavez incisions avec du vinaigre composé. A son défaut
qui reviennent à 11 ou 12 pintes coulées et exprimées et avec de l'eau de mer ou salée. Prenez cendres de serment
sera ledict vinaigre faict, duquel on se servira comme ou bois de chêne, passez par le tamis, plâtre aussi tamisé-,
dict est. mêlez ensemble, et sera le baume duquel on usera.
« Si on ajoute 2 pintes de bonne eau-de-vie, il aura encore On peut remplacer le plâtre par la chaux éteinte et sèchée
plus d'efficacité et sera excellent. par le tan pulvérisé.
- ili -
- 110 —
« Dans ce cas, après avoir vidé le cerveau par un large
Description des liniments pour frotter tout le corps après
trépan, fait au derrière de la tête, dit-il, avoir ôté les viscères,
avoir esté embaumé. le gésier, les membranes, sacrifié les parties charnues et les
avoirpurgées du sangetdes autres sérosités, on doit mettre le
« Prenez huile d'olive ou d'aspic ou autre une partie,téré- cadavre dans des lotions ou dans des saumures dont on choi-
benthine de Venise du commerce deux parties ferez ainsi sira les matières selon le lieu et la saison où l'on se trouvera
ledit Uniment. Faites chauffer l'huile sur un peu de feu, et au bout de quelques jours de macération, le sujet étant bien
puis y ajoutez la térébenthine laquelle se dissoudra avec égoutté, on insinuera dans le vide du crâne de la cire neuve
l'huile, en les remuant ensemble doucement avec l'espatule fonndue ; aprèsquoi, on remettra la pièce du crâne enlevée, on
et sera le liniment fait, duquel on oindra tiède tout le corps ». recoudra la peau, on emplira pareillement la poitrine et le
bas ventre de cire fondue, et on les recoudra, ensuite on
Il est impossible d'entrer dans des détails sur la des- appliquera dans les scarifications des poudres, des aromates
cription des baumes, des recettes, des mixtures, les plus ou des herbes que le pays pourra fournir; on bandera le
corps exactement avec des bandes de toile imbibées dans
bizarres qui ont été employés pour la conservation des
un des liniments sus-dits, et, à leur défaut, dans de la térében-
cadavres et dans lesquels on rencontre les substances les thine ou dans une teinture de myrthe ou d'aloès dont on
plus variées que l'imagination la plus prolixe a pu inven- le frottera avec des grosses brosses, ensuite de quoi, on pla-
ter. C'est une poly-pharmacie complète, sans aucune base cera le cadavre (ainsi qu'on la fait à ceux d'Alexandre et
d'Agésilans) dans un cercueil rempli de bon miel, de sorte
sérieuse et dépourvue de valeur scientifique. Nous indi-
qu'il en soit partout pénétré et environné, tant par dedans
querons seulement par exemple, les substances qui ont que par dehors, et après qu'on aura mis ce cercueil bien
été employées, pour l'embaumement du corps du pape soudé dans un autre de bois bien poissé, on le transpor-
Alexandre VI. La formule en est relativement simple, tera au lieu destiné. Là on le lavera avec de l'esprit de vin
avant de le montrer au public ».
elle ne contient que 14 substances prises à partie égale,
tandis que celle faite pour l'embaumement de M. le Dau-
<( Que pourrais-je dire de semblables opérations, se
phin en contenait 56 et dans les proportions les plus
récrie le Dr Sucquet? La lecture seule de leurs détails fait
diverses. C'est la myrthe, l'aloès socotrin, le santal, le
frémir et je n'ose pas croire qu'aucune d'elles pût être pra-
bois d'aloès, l'aloès caballis, le suc d'acacia, le suc de
tiquée maintenant devant ceux qu'un sentiment affectueux
macis, le suc de noix de galle, le musc, le cumin, l'alun
porte à désirer un embaumement, mais ce n'était pas assez
calciné, le sang de dragon, le bol d'Arménie, la terre
pour ces méthodes d'être irrespectueuses et barbares, elles
sigillée.
étaient encore ordinairement sans valeur.
Pénicher, ancien garde de marchands apoticaires de
« Les tombes de cette époque n'ont rendu le plus souvent
Paris, découvrit un peu plus tard, en 1699, un procédé
que des amalgames informes d'os et de poudres noires
d'embaumement semblable à celui du Dr Guibert, il ajoute
plus ou moins altérées elles-mêmes. Comme toute cette
seulement des manœuvres spéciales, lorsque le corps em-
lourde science était loin de la simplicité et de la vérité de
baumé doit être transporté plus ou moins loin.
- 112 -
— 113' —
l'embaumement égyptien qu'elle voulait imiter pompeu-
Opposé à celui où elle avait été appliquée, on découvre le
sement.
corps excessivement chargé de poils à la partie antérieure
« Les Egyptiaques européens ne s'inquiétaient même
des jambes, des cuisses et do la poitrine. Ils sont noirs et
pas de la dessication. Ils concentraient sous leurs vernis
ont jusqu'à 3 centimètres de longueur. La peau est
et sous leur sparadrap imperméable les liquides que les
noirâtre, sèche et donne à la percussion un son de cuir
tissus retenaient encore et qui devaient être la condition
tanné. On trouve des dépôts de poussière, des poudres
d'une fermentation prochaine. »
aromatiques dans les vides laissés au défaut des hanches,
Cependant cette méthode malgré tous ses défauts
à la ceinture, en arrière du tronc et sur les côtés. Au
amenait parfois, il faut bien le reconnaître, des conser-
moment de l'embaumement, ces poudres aromatiques
vations réellement remarquables. Les deux faits que
devaient recouvrir tout le corps. L'épiderme constitue
nous citons en terminant cette première partie suffisent à
des plaques qu'on peut enlever par parties. Il existe,
établir cette vérité.
depuis le cou jusqu'au creux épigastrique, et de là
Le 16 février 1885, on découvrait en creusant sur
jusqu'au bas du ventre, une suture dont les fils sont encore
l'emplacement de l'ancienne chapelle des Jacobins, à
apparents et rapprochant les parois cutanées. Des sutures
Reims, un cercueil en plomb uni, sans parures exté-
semblables se prolongent le long des bras èt à la partie
rieures ni inscription, ayant la forme décrite par l'abbé
interne des cuisses et des jambes. Le crâne a été scié
Cochet, de Rouen, à la page 77 de son mémoire sur les
horizontalement à 3 centimètres à peu près au-dessus de
cercueils de plomb dans l'Antiquité et le Moyen-Age,
l'arcade orbitaire; le cerveau a été enlevé et la boîte
qu'il rapporte au xvr3 siècle.
osseuse remplie de la même poudre. La peau du crâne
Ce cercueil de plomb avait été entouré d'un cercueil de
après la section des parties osseuses a été rapprochée et
bois dont on voyait encore des débris.
suturée, Outre la poudre aromatique, il existe une sorte
Ce cercueil fut ouvert à l'école de médecine de Reims
de feutrage en poils qui paraît, en premier lieu être de
en présence des D" Brébant, Langlet et d'un certain
l'étoupe, dans la cavité crânienne. Les yeux paraissent
nombre d'étudiants en médecine.
avoir été enlevés. Les cavités buccale et nasale semblent
Le corps contenu à l'intérieur était enveloppé d'une
avoir été bourrées de la même façon que le crâne.
toile retenue autour du corps au moyen d'une ficelle de
Après avoir ouvert le corps, on constate que les parties
4 millimètres de diamètre. Cette bande de toile, qui paraît
molles ont été partout enlevées. Les viscères thoraciques
avoir été tissée et non coupée, commence en arrière sous
et abdominaux, après une section du cartillage costal,
les pieds, se prolonge sous le corps, se rabat sur la tête
tout à fait semblable à celle que l'on pratique dans les
et. couvre le corps à sa partie antérieure. Elle semble
autopsies, avaient été enlevés. Les muscles eux-mêmes,
avoir été goudronnée. En soulevant cette toile dans le sens
partout où ils étaient un peu abondants, au cou, le long des
15
— 114 - — 115 —
membres inférieurs et supérieurs, avaient été aussi enlevés. pli de l'aine gauche rapproché du pubis. Le membre droit
Il ne restait, en réalité du corps, que la peau et les os. Les était beaucoup plus sur le côté du corps et la main venait
cavités formées par cet évidement qui a dû être laborieux, à l'épine antérieure et supérieure de la hanche. »
avaient été bourrées, on pourrait presque dire empaillées (Extrait de Y Union médicale et scientifique du Nord-
avec de l'étoupe et des poudres aromatiques semblables à Est, numéro de décembre 1886).
celles qui entourent le corps. Les formesdu corps avaient été Il est évident que nous sommes ici en présence d'un
notablement altérées par ce rembourrage surtout au embaumement fait d'après la méthode décrite par Guibert,
niveau de l'abdomen et du cou. Il est probable qu'une de Paris, et cependant le corps dont l'embaumement
couche de résine à l'état de fusion a été mise en contact remontait au XVIe siècle était bien conservé.
du corps, reste à savoir par quel procédé. Cette couche de Voici, en effet, ce qu'ajoute le Dr Brebant dans l'article
résine de nature indéterminée, mais où on trouve le ben- que nous venons de citer.
join est très adhérente à la partie intérieure du corps... « Le corps à toutes ses dents, sauf les dents de sagesse.
Le corps ainsi enduit a été placé sur une couche de Il a lm60 de long et semble avoir été très gros. Il avait
poudres aromatiques. Les mêmes poudres aromatiques de 30 à 40 ans ; car la branche montante de la mâchoire
ont été jetées sur la couche résineuse à la partie antérieure inférieure est à angle droit avec la branche horizontale.
du corps et ont servi à emplir tous les vides et les creux. Le corps était entièrement velu, mais les cheveux avaient
Pour l'application de Ces poudres, on avait d'abord été coupés ras et la barbe n'était plus visible qu'aux deux
étendu sur lui la toile préalablement imbibée d'un brai lèvres. Les extrémités sont déliées et délicates. Les mains
inconnu. et les doigts sont secs et très bien conservées. (Il y avait
Cette toile dépassait les pieds de 40 centimètres, était cependant quelques points que la putréfaction avait
plus large que le corps et s'étendait au-delà de la tête de moins bien respectés). Une perte de substance delà peau
presque toute la longueur du corps. Elle avait été ensuite se voyait à la région interne du genou gauche. Le pied
repliée en bas sur les pieds, latéralement le long du corps gauche était brisé au niveau des cunéiformes et les orteils
et enfin en haut sur le visage, sur la poitrine et sur le avaient été altérés. Le pied droit était à peu près intact,
reste du corps. mais violemment fléchi sur l'axe de la jambe ».
Le tout avait été fixé avec les tours de corde dont nous
avons déjà parlé. Voici un autre fait.
Les membres inférieurs étaient symétriquement rap-
prochés, mais non les membres supérieurs. Le 8 octobre 1890, on découvrait dans la ville de Rennes
Le membre gauche descendait sur la poitrine et le sous le plancher de la cantine à la caserne du Colombier,
ventre dans la direction naturelle et la main était dans le ancien emplacement du chœur delà chapelle des Visitan-
- 116 -

dines un cerceuil de plomb renfermant le corps embaumé


bien conservé et revêtu des habits monastiques de Dame
Anne Marie de Bude, fondatrice de l'ordre des filles de la
Retraite, décédée en 1671.
On le voit, les méthodes des temps modernes n'étaient DEUXIEME PARTIE
donc pas toujours aussi inéflcaces et aussi nulles que cer-
tains auteurs, peut-être un peu trop exclusifs, voudraient
le donner à entendre. L'embaumement dans le présent (1).

La période métaphysique ou théorique touche à son


déclin; encore quelques années et l'art de l'embaume-
ment verra commencer pour lui la période positive ou
scientifique. La vérité concrète remplacera l'abstraction,
l'expérience, la théorie. On observera les faits, on les
discutera, on en déduira des conclusions certaines.
Cependant ce ne sera que petit à petit, que s'opérera
cette transformation.
Dès le commencement du xix" siècle, en effet, « la chimie
inorganique a déjà accompli de grands progrès, et les faits
qui la constituent ont été assez exactement étudiés et
connus, dit Gannal (loc. cit.), pour qu'elle ait pu s'élever
au rang des sciences exactes. De nombreuses applications
sont déjà faites, avec un immense avantage aux arts et à
l'industrie; mais les vives lumières qu'elle jette, dans un
si grand nombre de directions, n'éclaire tout d'abord, que
bien faiblement l'art qui nous occupe. « On a de la peine à

(1) Par temps présent nous euteodous la partie déjà écoulée du


xixe siècle.
— 119 —
- 118 -

se débarrasser d'une méthode qui a régné en souveraine


durant tant de siècles. On admet les découvertes contem-
CHAPITRE I.
poraines et on tâche de les utiliser, mais on emploie les
nouvelles substances selon la méthode ancienne. Les pro-
cédés qui ne sont calqués sur les descriptions d'Hérodote, Méthodes pour conservation indéfinie.
que pour les points évidemment défectueux, sont encore
appliqués, pendant quelques années, sans esprit de « Dans les premières années de notre siècle, dit le
discernement, sans analyse sérieuse, en un mot, d'une Dr Sucquet (De l'embaumement chez les anciens et les
façon toute routinière. Ce ne sera trop que vers le milieu modernes), le professeur Chaussier, de l'Ecole de médecine
de notre siècle que la méthode scientifique triomphera de Paris, reconnut les propriétés antiseptiques du deuto-
définitivement. chlorure de mercure. Une dissolution dans l'eau ou dans
l'alcool de cette substance, conservait parfaitement les
Tous les procédés contemporains peuvent se ramener parties du corps plongés dans son sein.
aux suivants : Ce résultat est obtenu par la combinaison du sel métal-
lique avec la substance animale. Le composé nouveau se
1° Conservation des cadavres par l'imprégnation au desséchait rapidement à l'air libre et se trouvait dé-
moyen de l'éviscération et des grandes incisions. sormais a l'abri de toute putréfaction, des attaques des
2° Conservation des cadavres par soustraction d'eau insectes et de l'action de l'humidité atmosphérique.
des tissus par dessiccation. « La découverte de Chaussier fut promptement intro-
duite dans les embaumements. Elle constituait un prin-
3" Conservation des cadavres par injection de solutions cipe nouveau sur lequel l'art tentera plus tard de s'établir.
antiseptiques. En effet, jusqu'à ce jour l'embaumement du corps humain
4° Conservation du cadavre par le moyen de milieux avait reposé sur la dessiccation des tissus, bientôt il aura
protecteurs solides. pour fondement leur combinaison avec telle ou telle sub-
stance chimique, qui les rendra incorruptibles, sans des-
Pour plus de clarté dans les détails qui vont suivre, siccation préalable. Cette nouvelle direction pouvait se
nous grouperons tous les procédés en deux catégories. plier heureusement aux convenances et à la délicatesse des
Nous examinerons dans un premier chapitre les méthodes moeurs contemporaines. Il n'en fut rien pourtant, dès son
d'embaumement qui visent à une conservation indéfinie ; apparition. »
et dans un second les procédés qui ne cherchent qu'une Le manuel de sa mise en pratique était à trouver. On
conservation temporaire. employa quelque peu la nouvelle substance mais aumoyen
— 121 —
— iào —
alcoolique de sublimé dans toutes les incisions; il se
de l'ancienne méthode dont nous avons précédemment produit beaucoup de chaleur, les muscles blanchissent, et
parlé : la surface est promptement sèche. Cela fait, on applique
Voici en effet, comment Boudet pharmacien à Paris une couche de vernis dans toutes les incisions internes, et
on les remplit avec la poudre; on vernit aussi toute la face
embaumait officiellement, selon ce procédé bâtard, lès sé-
interne des cavités, et on applique une couche de poudre
nateurs et les grands du premier empire français. qui adhère au vernis; on replace alors chaque viscère dans
Nous le transcrivons tel que le rapporte Gannal dans son lieu, en ajoutant autant de poudre qu'il en faut pour
son Histoire des embaumements, p. 208. combler les vides, et l'on recoud les téguments avec la pré-
caution de vernir et de saupoudrer le face interne de ceux
qui se réappliquent sur les os. Toutes les cavités étant
On prépare pour cette opération : refermées, on vernit les incisions extérieures et on les rem-
« r Une poudre composée de tan, de sel décrépité, de kina, plit de poudre; on vernit aussi toute la surface de la peau,
de cannelle et autres substances astringentes et aromatiques, et on applique une touche de poudre qui adhère générale-
de bitume de Judée, de benjoin, etc. ; le tout, mêlé et réduit ment. Le cadavre ainsi embaumé, on appose sur chaque
en poudre fine, est arrosé d'huile essentielle : le tan forme partie, en y comprenant le visage, des bandages métho-
la moitié du poids et le sel le quart. diques qui compriment généralement et recouvrent tous les
points; on vernit le premier bandage, on applique une
2' De l'alcool saturé de camphre.
couche de poudre, et enfin un second bandage que l'on
3° Du vinaigre camphré, avec de l'alcool de camphre.
vernit aussi; quand le corps est déposé dans un cercueil de
4' Un vernis que l'on peut composer avec le baume du plomb, et tous les vides remplis par la poudre composée,
Pérou et celui du copahu, le styrax liquide, les huiles de on soude le couvercle, et l'opération est achevée ».
muscade, de lavande et du thym, etc. M. Pelleton fait remarquer que, dans cette méthode, on
5° De l'alcool saturé de muriate sur-oxygéné de mercure. s'oppose, autant que possible, à l'accès de l'air; mais cette
précaution est illusoire, puisqu'on est loin d'avoir desséché
« Tout étant préparé, on ouvre les cavités par de grandes
le corps, et qu'on l'a même rempli de poudres qui sont de
r
incisions et on en extrait les viscères ; on incise cruciale-
véritables hygromètres, et qui n'absorbent les humidités
ment les téguments du crâne, on en scie les os circulaire-
que pour s'en charger elles-mêmes ; on manque donc à cette
ment, et on enlève le cerveau ; on ouvre le tube intestinal
condition indispensable de toute conservation parfaite,
dans toute sa longueur, et on pratique aux viscères des
dessécher complètement le corps, sauf à le préserver ensuite
incisions profondes et multipliées; on lave le tout à grande
de toute humidité et de l'accès de l'air: ajoutez que plusieurs
eau; on exprime, puis on lave encore avec le vinaigre
des substances se neutralisent.
camphré, et entin avec l'alcool camphré. Toutes les parties
internes, ainsi préparées et roulées dans la poudre com-
posée, sont prêtes à remettre en place. — On pratique alors « De plus, ajoute le Dr Sucquet (loc. cit.), le deuto-
des incisions multipliées aux surfaces internes des grandes
cavités, et suivant la longueur de tous les muscles; on lave
chlorure de mercure était mis en contact avec les tissus
toutes les parties et on les exprime avec soin; on fait suc- d'une manière grossière et certainement insuffisante. Ceux
céder aux lotions simples celles de vinaigre et d'alcool qu'ils n'avaient pas touchés se trouvaient emprisonnés à
camphré ; on applique alors avec un pinceau la dissolution
16
— 122 —
— 123 —
leur état ordinaire sous des couches de vernis ou sous premier mois, il a paru offrir quelques signes de putréfac-
des bandelettes imperméables, pour y subir une fermen- tion; on a cru alors devoir introduire dans l'abdomen un
tation certaine. » instrument à l'aide duquel on a incisé le péritoine en diffé-
rents points. M. Béclard ayant déjà remarqué que les parties
Néanmoins, malgré toutes ces imperfections, ce fut
situées sous les membranes séreuses échappaient à l'action
encore cette méthode qu'employèrent, en 1824, les méde- du sublimé, le corps a été retourné; on a fait quelques sca-
cins chargés d'embaumer le corps du roi Louis XVIII. rifications sur des points de la peau qui paraissaient ver-
dàtres; l'épiderme de la plante des pieds protégeait aussi
les parties sous-jacentes; il a été enlevé; enfin, après deux
« Cependant, dit le Dr Sucquet, les manœuvres de l'em-
mois de séjour dans le bain de sublimé, le corps en ayant
baumement blessaient de plus en plus la sollicitude des
été tiré par un temps sec et chaud, s'est desséché en peu de
familles et maintenaient sa pratique dans des limites
jours; il se conserve depuis un an enfermé dans une boîte,
étroites, où les traditions officielles l'imposaient beaucoup
sans exhaler aucune odeur et sans aucun signe d'altération.
plus que le sentiment. On demandait de toutes parts des
La peau est d'un gris plombé, et les traits de la face sont
embaumements sans incisions, sans autopsies, sans ex-
déformés par l'amincissement des lèvres et des joues. »
traction d'organes, et d'habiles anatomistes durent tenter
L'embaumement suivant, opéré sans les nombreuses
d'obtenir un résultat plus conforme au désir public. Un
incisions musculaires dont il a fété question plus haut,
d'entre eux, qui honorait déjà l'Ecole de médecine de Paris
donnera un nouvel exemple des efforts tentés pour éviter les
et qui occupa bientôt la chaire d'anatomie générale, Bé-
graves mutilations que l'emploi de la méthode Chaussier
clard, fut chargé de l'embaumement du corps d'un jeune
entraînait encore.
homme de trente ans, et, pour remplir les intentions des
Dans une des campagnes d'Allemagne, sous le premier
parents, apporta les modifications suivantes aux procédés
empire, le baron Larrey, chirurgien en chef des armées, se
en usage : '
chargea de diriger la conservation du corps du brave
« M. Béclard, chef des travaux anatomiques de l'Ecole colonel Morland, atteint d'un coup mortel dans une charge
de médecine, a été chargé de la conservation du corps d'un des plus brillantes. Ribes, également chirurgien des armées,
jeune homme de trente ans, mort d'une fièvre hectique. Les l'aida dans cette opération.
parents désiraient le placer dans une cage de verre et On enleva d'abord tous les viscères par une incision
demandaient qu'il ne fût point ouvert. Malgré le désavan- pratiquée le long de la crête iliaque droite, et en coupant
tage de cette dernière circonstance, M. Béclard a réussi les attaches du diaphragme et les canaux qui passent dans
dans cette opération par le procédé suivant : Les intestins l'ouverture supérieure de la poitrine. Une couronne de
ont été tirés, ouverts et nettoyés, dans une partie de leur trépan, appliquée à la partie postérieure du crâne, permit
longueur, par une petite ouverture pratiquée à l'abdomen. de vider le cerveau par des injections réitérées. On vida
On a pénétré dans la poitrine par deux incisions sous les également le globe de l'œil ; après avoir introduit du sublimé
aisselles, et l'on y a infecté de l'eau; on a fait aussi une en nature dans toutes les cavités, on tamponna celles de la
petite ouverture au crâne ; on a exprimé autant que possible face pour en éviter l'affaissement, et l'on protégea les traits
le sang des veines abdominales et cutanées, on a injecté de la figure par des compresses graduées et des bandages
une solution mercurielle dans la trachée-artère et introduit méthodiques; tout le corps fut lui-même enveloppé dans
du sel en substance dans toutes les cavités; le cadavre a été plusieurs draps et placé dans une tonne remplie d'une dis-
ensuite plongé dans un bain saturé de sublimé. Dans le solution avec un excès de sublimé corrosif; en cet état, le
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tout fut expédié pour Paris. Au bout de quelques mois, on d'injecter des liquides conservateurs dans les vaisseaux
ouvrit le tonneau et l'on trouva le corps bien conservé : on
sanguins, et quoique, quelques-uns prétendent que
l'exposa à l'air, et il se dessécha promptement. On eut le
soin de remplir d'étoupes toutes les cavités. Les membranes Ruysch. si célèbre par les préparations anatomiques qu'il
de l'œil retirées au fond de l'orbite, firent place à des yeux obtenait par injections, aurait, par le même procédé,
«l'émail. Les cheveux, les sourcils et les moustaches étaient conservé des cadavres humains, il est certain qu'il ne
conservés, les traits étaient reconnaissables, et le corps,
verni avec soin et revêtu de ses habits, faisait une illusion parle dans aucun de ses ouvrages des procédés qu'il aurait
douce et pénible pour ceux qui avaient connu cet excellent employés, et que c'est Hunter qui, le premier, s'est livré
militaire. Maintenant encore, que plusieurs années se sont couramment à cette pratique, et a, en réalité, inauguré
écoulées, le corps du colonel Morland, placé dans une
la méthode scientifique dans toute sa pureté.
armoire vitrée de la bibliothèque de M. Larrey, n'offre
aucun signe d'altération et n'exhale aucune odeur. Voici le procédé qui lui servait : il commençait par
« Gannal, qui rapporte ces faits remarquables comme con- injecter dans les artères fémorales une solution forte
servation par la méthode Chaussier, les critique cependant d'essence de térébenthine ordinaire,, de térébenthine de
à cause du changement de coloration de la peau devenue
Venise, d'huile de lavande, d'huile de camomille et de
brune, comme tannée, et offrant l'aspect général d'une
membrane collée sur des os et sur des muscles desséchés. vermillon, il poussait avec force cette solution dans les
Ces remarques ne sauraient infirmer la valeur du procédé vaisseaux, jusqu'à ce qu'elle se fût répandue par tout le
au deuto-chlorure de mercure. Si le corps du colonel Mor- corps et que toute la surface cutanée eût pris la coloration
land avait été inhumé avant sa dessiccation à l'air libre, il
n'eût point contracté dans le sol humide la couleur que rouge. On laissait le corps dans cet état pendant plusieurs
Gannal trouve défectueuse. Les embaumements de cet opé- heures, puis on l'ouvrait comme pour une autopsie. Les
rateur auraient eux-mêmes pris un semblable caractère s'ils viscères thoraciques et abdominaux extraits et comprimés
avaient été desséchés.
pour en faire écouler les humeurs qu'ils renfermaient,
« Ce n'est donc pas de ce côté que la méthode de Ghaussier
fait défaut. Elle laisse à désirer par son manuel, coupable étaient injectés ensuite avec la même solution et placés
toujours de mutilations nombreuses et d'une lenteur d'exé- dans l'eau-de-vie camphrée.
cution impraticable dans le plus grand nombre des cas. On injectait alors la nouvelle quantité de la solution
Quand une opération exécutée par des mains aussi habiles
conservatrice par l'aorte, et on lavait les cavités thora-
offre des difficultés aussi sérieuses et demande des délais et
un traitement aussi incompatible avec les usages publics, cique et abdominale avec de l'eau-de-vie camphrée.
elle est condamnée à l'abandon malgré l'efficacité de ses Enfin, on remettait les viscères en place et on comblait
moyens d'action. les intervalles avec de la poudre de camphre, de nitre et
résine. On introduisait la même poudre dans la bouche,
C'est William Hunter (1) qui, le premier, eut l'idée
dans l'ombilic et dans les autres cavités accessibles.
(1) Nous empruntons les détails, qui vont suivre, à l'excellent Enfin, on frictionnait tout le corps avec de l'essence
article de MM. G. Hahn et G.Thomas, Dict, des sciences médicales de lavande et de romarin. Après quoi, il était placé dans
au mot embaumement.
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intactes. Ces expériences passèrent plus ou moins
un cerceuil sur un lit de stuc sec, qui avait pour effet inaperçues. (L. Hahn et L. Thomas, dict. se med.).
d'enlever toute l'humidité du corps. Au bout de quatre On accorda plus de crédit aux procédés de Tranchina
ans, on ouvrait le cercueil, et si la dessiccation n'était pas de Naples. Celui-ci eut du reste l'idée, alors nouvelle, de
complète, on renouvelait le lit de stuc. pratiquer des injections avec une substance, fluide à chaud,
Par ce procédé, dans lequel la dessiccation joue un rôle et se solidifiant dans les vaisseaux par refroidissement.
prépondérant, les corps embaumés arrivaient à ressem- Il renonça du reste à ce procédé pour l'embaumement et
bler à une momie cuanche ou péruvienne plutôt qu'à une proposa en même temps que Lauth de Strasbourg une so-
momie égyptienne. Le procédé de Hunter resta en lution alcoolique d'arsenic à la dose de 5 0/Q et coloré par
honneur, en Angleterre, pendant plusieurs années. Jeshua du cinabre (1835).
Brookes l'a mis en pratique couramment. Mathew Baillie « Ce procédé, dit Laskowski, a eu un immense succès;
injectait la solution conservatrice dans l'estomac, le car il constituait un grand progrès, et actuellement encore,
rectum et les poumons, après l'avoir injecté dans les cette solution est employée dans les amphithéâtres avec
vaisseaux ; le chirurgien (1) Sheldon usait d'un procédé quelques modifications insignifiantes. En effet ce liquide
analogue, mais se servant d'alcool camphré (2) comme conserve assez bien pendant, un mois et plus, sans altérer
liquide préservateur. très sensiblement les tissus ; mais il a des inconvénients
Plus tard, Monge Schotz et Berzélius ayant reconnu les graves, car il est très toxique et comme ['acide arsénieux
propriétés antiseptiques du vinaigre de bois, ce dernier est peu soluble dans l'eau froide, il faut faire une solution
conseilla les injections d'acide pyroligneux, dans les à chaud; mais il cristallise après le refroidissement, dur-
vaisseaux du cadavre d'un homme très musculeux. Au cit les tissus et détériore rapidement les instruments.
bout de deux jours, on enleva la peau, on vida les cavités, D'autre part les manipulations prolongées des pièces im-
et on prépara les muscles, le cadavre sécha à l'ombre sans bibées de ce liquide sont réellement dangereuses; on
qu'il se manifestât le moindre indice de putréfaction. souffre beaucoup de douleurs lancinantes aux extrémités
Celle-ci fut arrêtée et les préparations furent conservées des doigts et particulièrement à la matrice de l'ongle,
quelquefois même c'est la cause d'une paralysie des flé-
(1) Voici la formule de Hunter : chisseurs .
Térébenthine de Venise, 470 centilitres ; Gannal, continuent L. Hahn et L. Thomas, préconisait
Essence de Lavande. • • • l a^ gn alors une solution destinée au même usage; mais dont il
Essence de Romarin.... (
Essence de térébenthine, 3 265 : conserva la préparation secrète. Cependant on ne tarda
(2) Voici maintenant la formule de Scheldon : pas à découvrir qu'elle renfermait de l'arsenic.
Camphre, 1 partie ; La pratique des embaumements avec des solutions arse-
Esprit de vin, 6 parties. nicales était devenue assez commune à cette époque.
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Le gouvernement de Louis Phillippe publia en 1846, cédé pour conserver indéfiniment les sujets destinés
un décret interdisant la vente de l'arsenic et de toutes les aux travaux d'anatomie. La solution renfermait par-
préparations en renfermant, destinées à mouiller les grains, ties égales de chlorure de sodium et de sulfate acide
détruire les insectes et embaumer les corps. Plus tard, en d'alumine et de potasse. Les cadavres étaient traités
1848 un autre décret interdit l'application du sublimé par immersion. Les expériences réussirent bien, comme
corrosif et des autres substances toxiques aux mêmes usa- en fait foi un rapport de l'Académie des sciences en
ges. Ces interdictions, en ce qui concerne l'embaumement, 1835.
ont leur raison d'être, non clans les dangers que le manie- Dans ce cas, la solution ne renfermait peut-être pas
ment des substances toxiques pouvait avoir, pour les opé- d'arsenic, mais elle ne pouvait servir à l'embaumement
rateurs, mais dans l'impossibilité qui en résultait de ordinaire. En 1846, Gannal présenta son procédé modi-
pratiquer l'examen médico-légal en cas d'empoisonne- fié, à l'Académie de médecine ; le liquide conservateur
ment par ces substances . Le crime était favorisé et pou- consistait en une solution saturée de parties égales de
vait se cacher derrière les apparences de la piété pour sulfate d'alumine et de chlorure d'aluminium. A la même
les morts. (1) époque, le Dr Sucquet présenta une solution de chlorure
Gannal se défendit toujours d'employer l'arsenic dans de zinc. Une commission fut nommée pour assister à des
les solutions conservatrices. En 1834, il présenta à l'Aca- expériences comparatives avec les deux solutions. Deux
démie des sciences et à l'Académie de médecine un pro- cadavres furent inhumés simultanément, l'un après une
injection pratiquée avec la solution alumineuse de Gannal,
(1) L'article 77 du Code civil en interdisant de procéder à l'in- l'autre après une injection de chlorure de zinc faite par
humation avant qu'il se soit écoulé 24 heures depuis le décès, le Dr Sucquet.
défend implicitement de procéder à l'ensevelissement, à la mise
en bière et à plus forte raison à toute autre opération sur le
« L'exhumation eut lieu au bout de 14 mois. Le cadavre
cadavre. injecté par Gannal était en pleine putréfaction ; celui
Les règlements relatifs à l'embaumement sont les mêmes que embaumé par Sucquet était en parfait état de conserva-
pour l'autopsie.
D'après l'ordonnance du Préfet de police du département de la tion. Ce dernier, exposé à l'air, sécha sans présenter de
Seine, 6 septembre 1839, coneernant le moulage, l'autopsie, l'em- trace de décomposition et acquit une consistance très
baumement et la momification des cadavres, il est défendu à Paris
et autres communes du ressort de la Préfecture de police de pro-
ferme, une dureté comparable à celle du bois ou de la
céder à ces opérations avant qu'il se soit écoulé un délai de pierre. Poiseuille, rapporteur de la commission, concluait
24 heures, depuis la déclaration du décès à la mairie et sans qu'il que les sels d'alumine employés par Gannal ne pouvaient
en ait été adressé une déclaration préalable au commissaire de
police de Paris ou au maire dans les communes rurales. 11 doit préserver les cadavres de la putréfaction qu'à la condi^
être remis un échantillon du liquide qui doit servir à l'embaume- tion d'être associés à une préparation arsenicale, tandis
ment. que le procédé Sucquet était exempt de reproches. Bien
(L, KAHN et L. THOMAS).

17
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entendu, ces conclusions n'étaient pas absolues et ne vi-
bien filtrée, dont la puissance conservatrice soit indiscu-
saient que la durée limitée de l'expérience.
table et dont la composition chimique ne soit pas con-
« Mais le procédé de Gannal était condamné à fortio?n
traire à la loi et aux règlements de police;
et sans retour. » (1)
Du reste, comme le fait remarquer Laskowski, d'après 2° L'opération elle-même doit être pratiquée, par une
des expériences personnelles, outre que la conservation personne parfaitement qualifiée et expérimentée, pour
par le sulfate d'alumine est illusoire, sous l'influence pouvoir vaincre toutes les difficultés, qui peuvent se pré-
de cette substance les tissus se décolorent, durcissent et senter et elle doit être secondée, par des aides dont
se dessèchent rapidement, ce qui n'est pas favorable aux l'apprentissage ne soit pas à faire :
travaux d'anatomie. De plus il détériore les instruments. 3° Procéder à l'embaumement, dans le délai le plus
Quant aux procédés du Dr Sucquet, il a été depuis court possible à partir de la mort ;
beaucoup employé en Europe et en Amérique. C'est encore
l'un des meilleurs que l'on connaisse aujourd'hui. Cepen- 4° Enfin, isoler le corps embaumé, dans une atmos-
phère restreinte, à l'abri d'une humidité excessive.
dant il n'est pas sans défaut. Il exige la mutilation du
cadavre; les injections intra-vasculaires très souvent ne
passant pas, la conservation n'est ensuite qu'imparfaite. A. — Liquide conservateur
De plus, ce sel cristallise et modifie profondément la
couleur et le volume du cadavre (2). M. le Dr Laskowski fait ensuite remarquer que c'est
la glycérine, qui constitue le véhicule de la solution dans
Voici maintenant le procédé de M. le Dr Laskowski, laquelle entre comme agents anti-putrides l'acide phé-
de Genève, tel qu'il l'indique lui-même dans son ouvrage nique cristallisé et le bichlorure de mercure ; comme agent
sur l'embaumement, de 1886. coagulable de l'albumine, le chlorure de zinc; et comme
substances aromatiques, des substances et des teintures
Le savant professeur commence par poser les condi-
variables, comme les essences de citron, de lavande.de ber-
tions auxquelles il faut satisfaire pour que l'embaume- gamote, de girofle et les teintures de musc, de myrrhe, de
ment soit efficace et la conservation durable ; ces condi- benjoin, etc.
tions sont les suivantes : Il est nécessaire que ces substances soient très pures,
particulièrement le chlorure de zinc qui ne doit pas contenir
1* Avoir à sa disposition une solution parfaitement même des traces d'arsenic prohibé par la loi (1).
On prépare la solution de la manière suivante :
On verse 7 litres de glycérine blonde officinale mar-
(1) Diction, des scien. méd., mot. embaum. quant 30 degrés à l'aéromètre de Baumé dans un grand vase
(2) Formule du Dr Sucquet : en verre pouvant contenir 12 à 13 litres de liquide, ensuite
Solution de chlorure de zine, densité 1,38, 40 B* étendue du 1/3
de son poids d'eau. (11 Décrets de 1846 et 1848, (v. ci-devant).
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on fait fondre au bain-marie 250 grammes d'acide phénique poulie de suspension, et une série complète de canules
cristallisé dans une capsule de porcelaine et on le verse, droites et courbées de différents calibres, des cordonnets en
petit à petit, dans la glycérine en remuant le liquide avec soie blanche cirés pour les ligatures et les sutures, une
une baguette en verre. pompe aspirante et foulante pour des injections partielles,
On fait bouillir au bain-marie 2 kilogrammes d'alcool s'il y a lieu d'en faire, du linge, des éponges, des épingles,
absolu dans lequel on fait dissoudre 500 grammes de chlo- des aiguilles courbées en quantité suffisante, en outre, une
rure de zinc finement pulvérisé et parfaitement pur, ensuite certaine quantité de ouate et une centaine de mètres de
on verse cette solution à travers un filtre en toile fine, dans flanelle de 0,05 de largeur et une grande toile cirée, une
la glycérine phéniquée, toujours en brassant bien le liquide. grande cuvette et un gobelet de verre.
Puis on chauffe de la même manière 1 kilogramme d'alcool
absolu et on y fait dissoudre 250 grammes de bichlorure de
mercure pulvérisé que l'on verse dans le liquide précédent C. — Manuel opératoire
à travers le même filtre. Les parcelles de chlorure de zinc
et de sublimé corrosif qui ne sont pas dissoutes dans L'opérateur, aussitôt avisé, se rendra au domicile du
l'alcool, finissent par se dissoudre dans la glycérine phé- défunt, examinera l'état du corps, la cause de la mort, et
niquée. les conditions du local dans lequel il doit procéder à l'em-
Le liquide ainsi obtenu est parfaitement incolore et lim- baumement. On déshabille le corps, on le place dans un lit
pide, il possède des propriétés anti-putrides merveilleuses. sur la toile cirée, on enveloppe la tête, le tronc et l'abdomen
On ajoute alors à ce mélange les quantités voulues des dans des serviettes trempées dans la glycérine phéniquée
essences et des teintures citées plus haut, pour donner à la et exprimées, puis on couvre le corps avec le drap du lit et
solution l'arome que l'on désire. on ouvre les fenêtres pour l'aération. Puis on fait les
La solution est transvasée dans deux grands flacons démarches nécessaires pour obtenir l'autorisation d'embau-
bouchés à l'émeri et peut être conservée indéfiniment, toute mer. On fera si l'on peut l'opération le matin. On procédera
prête à être employée. avec beaucoup de propreté et avec une sage lenteur. L'opé-
ration dure généralement de cinq à six heures.
Le corps déshabillé sera placé au milieu de la chambre,
B. — Instruments nécessaires.
la tête tournée vers la fenêtre, sur une table recouverte d'un
Il faut une boîte complète d'autopsie, au cas où elle serait drap et d'une toile cirée, généralement l'injection est faite
demandée, un trousse de chirurgien pour faire les ligatures, par une des carotides primitives, elle peut être suffisante
un appareil d'injection à pression continue (1), avec la pour des individus jennes, maigres, dont le système vascu-
laire présente une élasticité normale. Il en est autrement
(1) Il se compose d'un récipient en fer étamé qui peut être levé pour des personnes d'un certain embonpoint, dont le sys-
ou abaissé à l'aide d'un corde qui passe sur une poulie fixée au tème veineux est gorgé de sang, et plein de caillots qui
plafond. Sa capacité est variable et son fond s'allonge sous forme empêchent la pénétration régulière du liquide. La cause de
d'entonnoir terminé par une ou deux tubulures de 5 centimètres la mort aussi doit être prise sérieusement en considéra-
de longueur, auxquelles sont fixés des tubes en caoutchouc de tion.
2 m, 25 de longueur, terminés par un robinet à frottement avec
les canules. Afin qu'il soit possible d'observer l'écoulement du Dans ces derniers cas, il est constant que, les membres
liquide, ces tubes sont interrompus dans un endroit et remplacés
par un tube en verre, ' inférieurs ne s'injectant pas complètement, la conservation
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blanche uniforme. Après avoir ainsi injecté deux ou trois
sera incomplète. Vite ils commenceront à se décomposer
litres de la solution, on ferme le robinet et on interrompt
et exhaleront bientôt l'odeur désagréable de faisandage. l'injection pendant une heure. Dans cet intervalle, les aides
Il faut donc faire l'injection des membres inférieurs sépa- frictionnent continuellement tout le corps avec des éponges
rément. trempées dans la solution conservatrice (1), on couvre
l'abdomen et les organes génitaux d'une couche d'ouate
On pratique d'abord la ligature de la carotide primi- mouilléedansla même solution et on recommence l'injection.
tive et après avoir lié son extrémité crânienne on fixe solide- Cette fois le liquide descend plus doucement, les veines se
ment la canule dans son calibre, en laissant dans la plaie le gonflent davantage et une certaine quantité de liquide reflue
fil qui doit servir à la ligature définitive du vaisseau, par la bouche et les narines. On dénude alors légèrement
lorsque l'injection est terminée. Ensuite, le Dr Laskowski la jugulaire interne dans la plaie et, après avoir passé avec
fait la ligature des deux fémorales, à trois centimètres au- une aiguille de Deschamps sous le vaisseau deux fils à
dessous de l'arcade crurale et il place dans les bouts péri- ligature, on pique cette veine avec la pointe d'un scalpel.
phériques des canules courbées solidement fixées. 11 s'écoule par cette piqûre une grande quantité de sang
Les choses ainsi disposées on commence l'injection. noir qu'il importe beaucoup d'éliminer, car c'est un agent
L'appareil fixé au plafond et rempli de la solution est élevé puissant de fermentation putride, grâce à la masse énorme
à un mètre au-dessus de la table. La tête légèrement sou- de bactéries qu'il contient. Dès qu'on s'aperçoit que le
levée et tournée du côté opposé à la ligature, on introduit liquide sortant de la veine est à peine coloré, on fait la liga-
le robinet dans la canule à frottement et on attend un ins- ture au-dessous et au-dessus de la piqûre et on arrête ainsi
tant, pour que la descente du liquide chasse l'air contenu l'écoulement.
dans le tube, on ouvre le robinet au quart et l'on observe le Lorsque le liquide commence à ne pénétrer que très dif-
passage du liquide à travers la partie transparente du tube. ficilement, phénomène ordinaire après l'injection de cinq à
Le liquide se précipite d'abord rapidement, puis, quand il six litres de liquide, selon les sujets, on lie solidement
a envahi les artères et les veines qu'il gonfle considérable- l'artère, on ferme le robinet de l'appareil et on enlève la
ment, sa marche se ralentit. Si tout va bien, s'il n'y a pas Canule. On place dans la plaie un peu d'ouate et on la ferme
de fuite, on élève l'appareil encore d'un mètre et on ouvre par une bonne suture.
le robinet de moitié. On voit alors sur la face, sur le tronc L'injection des membres inférieurs s'opère identique-
et les membres supérieurs les capillaires cutanés injectés, ment de la même manière,mais,vu que la capacité vasculaire
sous forme de plaques blanches arborescentes qui tranchent est plus restreinte, elle est beaucoup plus lente et exige
vivement avec la couleur de la peau, preuve de la bonne une plus forte pression. Il faut à peu près deux litres de
marche de l'opération. Ces plaques, d'abord disséminées, liquide pour produire la réplétion d'un membre inférieur.
deviennent confluentes et la peau prend une coloration Après avoir injecté un litre de liquide, on s'arrête pen-
dant une demi-heure, on recommence ensuite l'injection,
(1) M. leDr Laskowski n'emploie pas la seringue, qu'il dit être puis on pique de même la veine fémorale, seulement lors-
peu pratique pour les injections. En effet, la densité du liquida
étant assez, considération, il faut déployer une certaine force; (1) Cette manipulation a pour but d'égaliser la pénétration et
mais alors, les artères se déchirent, surtout chez les vieillards, la répartition du liquide dans les capillaires et surtout de faire
dont les artères sont souvent athèromateuses, le liquide s'épanche pénétrer dans la peau par une sorte de macération une certaine
dans les tissus, s'absorbe difficilement et la conservation en quantité du liquide conservateur en ramollissant la couche cassée
souffre. de l'èpiderme.
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qu'on a fait la ligature du bout supérieur. Le sang exprimé
vateur sans l'essuyer, on procède à son enveloppement,
et la veine ainsi lavée, on la lie et on continue l'injection.
général, avec des bandelettes en flanelle méthodiquement
Quand elle est terminée, on lie l'artère et on ferme la plaie
enroulées. On trempe les rouleaux de bandes dans la solu-
par la suture (1).
tion conservatrice, on les exprime suffisamment et on les
Les effets immédiats d'une bonne injection se manifestent
roule très exactement avec une certaine force pour produire
par plusieurs phénomènes faciles à observer. Le corps a
la compression autour du corps et des membres en laissant
gagné de l'ampleur, l'amaigrissement cadavérique de la
seulement à découvert la tête et les mains. On fixe les
figure a disparu, les traits deviennent plus animés et plus
bandes avec un grand nombre d'épingles pour éviter leur
réguliers par suite de l'effacement presque complet des
déplacement. Les organes génitaux, recouverts d'une couche
rides qui sillonnaient le visage. Le globe de l'œil se durcit
de ouate, seront compris dans le tour des bandes qui
considérablement, il devient légèrement proéminent, la
s'entrecroisent au niveau du périnée. Cela fait, on habille
cornée parfaitement transparente, les paupières un peu
le corps selon la volonté et les convenances de la famille
entr'ouvertes, donnent au visage l'expression de la vie,
pour l'exposer ensuite publiquement ou l'enfermer dans le
expression très singulière et dont les personnes qui ont
cercueil définitif. Ce cercueil sera en bois dur et doublé
connu le défunt avant sa mort sont vivement frappées. Si
d'une lame de plomb ; car le corps embaumé doit être
les yeux ne s'injectent pas convenablement, on peut taire la
enfermé dans une atmosphère restreinte et à l'abri de
réplétion du globe de l'oeil avec la même solution, à l'aide
l'humidité. On disposera uniformément sur le fond du cer-
d'une seringue de Pravaz. A. mon avis l'introduction, sous
cueil une couche de myrrhe en poudre fine de deux ou trois
les paupières, de coquilles en cire ou en émail doit être
centimètres d'épaisseur que l'on couvre d'un tulle.
abandonné comme absolument inutile. La peau, en général,
La poudre de myrrhe a l'avantage d'absorber l'humidité
et particulièrement sur la figure, se décolore et devient par-
et l'excès du liquide qui peut se produire, et, en même
faitement blanche. Cette blancheur s'accentue de plus en
temps, elle jouit de- propriétés désinfectantes non équi-
plus et au bout de quelques jouis elle est mate comme du
voques. Puis, pour satisfaire aux règlements de police, on
marbre.
place dans le cercueil un flacon contenant du liquide, qui a
Les tissus acquièrent de la fermeté élastique, les articula-
servi à l'embaumement et qui est scellé par l'autorité com-
tions conservent leur mobilité, on peut plier les membre» pétente. (1)
avec une entière facilité.
Enfin, on place le corps dans le cercueil avec précaution,
Cette première partie de l'opération, la plus importante,
on le couvre de tulle et d'une mince couche de ouate, on
sans contredit, une fois achevée, on procède à la toilette du
soude le couvercle en plomb et on scelle celui en bois, sur
cadavre.
lequel est fixée une plaque de cuivre gravé, indiquant le
Puis, après l'avoir badigeonné avec le liquide conser- nom et les qualités du défunt.
(1) Quand on se trouve en présence d'un corps dont un commen-
cement de putréfaction a ballonné énormément la cavité abdo- Tel est le manuel opératoire que le professeur Las-
minale et les intestins, les ponctions à travers la paroi abdominale kowski nous trace dans son ouvrage de l'embaumement.
ne serviront à rien, il faut alors, pratiquer une incision sur la
ligne blanche au-dessous de l'ombilic et ponctionner les anses Comme il peut s'appliquer à toutes les méthodes
intestinales séparément. Après la sortie des gaz, l'abdomen
s'affaisse, on place dans la cavité de la ouate trempée dans le
(1) En ville, c'est par le commissaire de police du quartier qui
liquide conservateur et on fait la suture hermétique de l'incision. a dû assister à l'opération d'embaumement.

18
— 138 — - 139 -

d'embaumement par injections, nous avons pensé « En 1854, Richardson faisait des expériences avec l'ammo-
bien faire en le reproduisant ici à peu près dans- niaque liquide ; mais il reconnut que celle-ei se diffusait dans les
tissus et s'échappait ou transformait les graisses en savon, de
toute son étendue. sorte que le tissu musculaire prenait un aspect gélatineux, per-
M. Laskowski nous affirme que son procédé amène une dait sa couleur naturelle et ses connexions avec les organes voi-
sins.
conservation durable, que des pièces d'anatomie traitées
En 1867, on avait essayé à Paris de conserver les cadavres
par sa méthode et exposées continuellement à l'air libre avec toute leur souplesse en injectant dans les vaisseaux de l'acide
sulfurique.
et cela depuis 20 ans, sont en très bel état de conser-
>< Enfin, aussi en 1867, Brunetti communiquait au congrès médi-
vation, que des corps qu'il avait lui-même embaumés, cal international de Paris un procédé donnant d'excellents résul-
visités après 18 mois d'enfouissement, à part les globes tats pour la conservation des pièces anatomiques et très avan-
tageux pour l'embaumement ; malheureusement il est d'une exé-
oculaires qui avaient complètement disparu au fond des cution très lente et fort compliquée. Il comporte cinq opérations
orbites, étaient admirablement conservés. Le procédé successives.
Laskowski nous semble, en effet, supérieur à ceux qui
1° Lavage des vaisseaux par injection d'eau froide dans la
l'ont précédé. Mais nous le trouvons un peu compliqué carotide; l'injection doit être continuée jusqu'à ce que ce liquide
et comportant encore fatalement une partie des inconvé- s'ècoulant par le bout libre de l'artère soit incolore. Cette opéra-
tion préliminaire demande de deux à quinze heures.
nients des méthodes à injections intravasculaires. Et puis
2° Injection d'alcool pour chasser l'eau. Elle se fait par la caro-
nous nous demandons si, à la longue, la glycérine ne
tide comme les' injections suivantes. Elle n'exige 'pas plus d'un
suintera pas à travers les tissus et ne fera pas irruption quart d'heure.
à l'extérieur. 3° Injection d'éther sulfurique du commerce pour dégraisser
entièrement le cadavre. Le résultat est remarquable; l'opération
A propos des découvertes des Hunter, des Gannal, des Sucquet, exige de deux à dix heures.
des Laskowski nous ferons remarquer que ces savants n'étaient
4° Injection d'une solution de tannin dans l'eau tiède. Le titre
pas les seuls, pendant la période scientifique, à étudier la question
de la solution n'est pas indiqué: Jeannel suppose qu'il contient
de l'embaumement, plusieurs autres multipliaient eux aussi les
de 15 à 20 pour 100 de tannin. L'imbibition complète demande de
expériences et tâchaient de réaliser de nouveaux procédés.
2 à 5 heures.
En effet, déjà en 1842, Straus Durkheim recommandait une so-
lution saturée de sulfate de zinc pour la conservation des cadavres. 5° Enfin dessiccation par l'air sec et chaud dans une étuve en
Filhol et Falconi préconisaient les solutions simplement con- fer blanc chauffée à l'eau bouillante et recevant un courant d'air
centrées de ce môme sel à un sur deux; et Falconi en 1853 faisait sec chauffé à 50 degrés. L'air chasse l'excès de la solution de
une communication à l'Académie des Sciences en faveur de ces tannin contenue dans les vaisseaux puis entraîne la totalité de
solutions contre le chlorure de zinc; mais ses efforts n'aboutis- l'eau dont les tissus se trouvent imbibés. Le courant est réglé. La
saient pas et avec juste raison. dessiccation complète exige une heure et demie à cinq heures.
« Dupré a conseillé l'injection dans les vaisseaux des acides Les préparations obtenues sont légères et inaltérables et donnent
sulfureux et carbonique gazeux, produits rapidement par l'action le sujet dans son volume et son aspect normal (Dict. des Sciences
de l'acide sulfurique sur le charbon de bois. C'était une idée de Mcd. au mot embaumement).
chimiste ingénieuse : malheureusement les résultats ne furent Mais outre les inconvénients signalés ci-devant, cette méthode
pas favorables. a encore tous ceux des procécés à injections intravasculaires.
- MO - - 141 -

pébrale, des conduits auditifs pour empêcher par elle le


*** dégagement des gaz et l'écoulement des liquides.
Badigeonnage de la peau avec une solution concentrée
Enfin nous terminerons ce chapitre en disant quelques de nitrate d'argent, ou plus avantageusement pulvérisation
mots d'une méthode nouvelle, l'anthropoplastie galva- de la même substance sur la surface cutanée. Le sel
nique que le Dr Variot, médecin des hôpitaux de Paris, d'argent pénètre ainsi après avoir imprégné l'épiderme,
a, en octobre 1890, fait connaître au monde savant. jusque clans le derme. Avec les vapeurs de phosphore
M. le Dr
Variot marchant sur les traces de Soyer ei blanc dissout dans du sulfure de carbone, on réduit la
d'Oré a essayé, Tan dernier, d'employer la galvanoplastie couche de nitrate d'argent étalée sur la surface de la peau.
pour conserverie corps humain et substituer à la peau si, La peau d'un noir opaque prend sous l'influence de ces
altérable par la putréfaction, une écorce métallique qui se vapeurs des reflets brillants argentés indiquant que la
moulerait exactement sur toutes les parties sous-jacentes. pièce est devenue bonne conductrice.
Voici d'après une communication faite, l'an dernier au Fixation du corps au moyen d'une tige cannelée en fer,
mois d'octobre, à la Société médicale des hôpitaux, la introduite par l'anus et poussée jusqu'à sa rencontre avec
marche qu'il suit pour atteindre un tel but. les os du crâne. Les cauneleurs de cette tige ménagent
D'abord lavage de l'estomac, avec une sonde introduite des ouvertures pour laisser libre issue aux gaz intestinaux.
par l'œsophage et remplacement du liquide retiré par une Enfin, immersion de tout le corps clans un bain gal-
solution forte d'acide phénique. Nettoyage du gros intes- vanique de sulfate de cuivre, dont la source électrique est
tion par des irrigations répétées, avec un liquide antisep- alimentée par une batterie formée de quelques piles.
tique. Si c'est en été, évacuation complète selon la méthode La rapidité d'exécution est la condition sine quâ non
ancienne, de tous les viscères abdominaux, au moyen du succès. La galvanisation doit se faire en cinq ou six
d'une incision faite sur la ligne médiane. jours et la couche déposée sera de 1/2 à 3/4 de millim.
Injection dans le système vasculaire d'un mélange de d'épaisseur pour l'enveloppe métallique du visage et de
chlorure de zinc, d'acide phénique et de glycérine, pour 1 à 1/2 millimètre pour le reste du corps : différence que
empêcher la putréfaction, dont les produits gazeux en se l'on obtient, en couvrant pendant quelques temps le visage
dégageant, produiraient bien vite, clans la mince pellicule avec un vernis isolant.
métallique en formation, des fissures et des fêlures nom- L'opération terminée le cadavre sort du bain recouvert
breuses. d'une couche de cuivre et pour le rendre tout à fait impu-
Injection dans le globe de l'œil, avec de la paraffine, trescible M. Variot propose de le dessécher ou même de le
pour le remplir et l'empêcher de s'affaisser. Fermeture crêmer complètement clans une étuve à haute température.
avec des mastics conducteurs, des fentes buccale et pal- M. Variot se fait fort que la couche restera intacte.
— 1 12 — — 143 -

Le cadavre n'est plus dès lors qu'une statue transportable,


propre à décorer un appartement. Comme les anciens gar- CHAPITRE II.
daient les cendres de leur parents enfermées dans des
urnes, il serait loisible d'avoir constamment devant soi Méthode pour conservation temporaire. ■
en chair, en os et en cuivre les personnes qu'on aimait.
Les sculpteurs et les peintres y perdi-aient beaucoup, car Les substances dont on se sert pour amener une con-
ce ne serait plus la peine d'avoir des bustes ou des portraits servation plus ou moins longue du corps humain, mais
de famille, puisque au lieu de ces fictions du mort, on en limitée à un temps qui ne doit guère être dépassé, se pré-
aurait la réalité. sentent sous deux états différents : les unes sont liquides,
Toutefois que les artistes se rassurent. Nous sommes les autres sont pulvérulentes.
tout à fait du sentiment de Gannal, qui d'après le Progrès
de Lyon du 24 octobre 1890, ne croit pas au succès de la A. — SUBSTANCES LIQUIDES.

nouvelle méthode. Nous ne pensons pas non plus, que le Elles sont très nombreuses. Nous ne citerons ici que les
procédé du Dr Variot puisse jamais se vulgariser. Car en principales et les meilleures à notre point de vue. Toutes
supposant, que les lois permettent cette opération, il n'y ces substances s'introduisent dans l'organisme par injec-
aurait guère que quelques originaux riches qui en profite- tions ou par badigeonnage.
raient, puisqu'elle ne coûterait pas moins de trois à quatre A Londres, on emploie pour la conservation courante
mille francspour une couche de cuivre,de trente à quarante des sujets :
mille, si elle était d'argent et de deux à trois cent mille,
Sel gris ....... 1000 grammes.
si elle était d'or.
Alun 480 —
Que dire aussi des manipulations qu'elle comporte?
Bichlorure de mercure 80 —
Empalage du sujet, évacuation répugnante, crémation
Eau 8000 —
dangereuse du cadavre au sein de sa carapace métallique,
ouverture des artères pour injection intra-vasculaire, etc. C'est le liquide de Goadby, qui donne de bons résultats.
Cette méthode de conservation espèce de synthèse de Van Vetter, chef des travaux anatomiques de l'Uni-
toutes les autres, semble réunir aussi toutes les difficultés, versité de Gand, employait la glycérine à 22°, 7 parties ;
toutes les complications de chacune d'elles. Il n'est donc la cassonade, 1 partie, et le nitrate de potasse 1/2 partie.
pas probable, lors même que la pellicule formée résiste- « Les pièces conservées par ce liquide, dit Laskowski,
rait parfaitement aux chocs et à la tension des gaz inté- gardent la souplesse et le volume grâce à la glycérine,
rieurs ce qui n'est peut-être pas encore bien établi, que mais deviennent poisseuses, gluantes et se couvrent rapi-
i'anthropoplastie puisse jamais passer sérieusement dans dement de moisissures.
la pratique.
- 144 -
— 145 —
Le professeur Langer à Vienne se sert d'un mélange de
Ce liquide opère très bien surtout sur les sujets maigres.
glycérine 100, acide phénique 15, alcool 11.
Le liquide conservateur, type du Dr Laskowski se com-
Il y a quelques années, on a beaucoup parlé en Alle- pose simplement de glycérine et d'acide phénique à la
magne, d'un liquide conservateur inventé par Wickers-
dose de 5 d'acide pour 100 de glycérine.
heim, en voici la composition : 3,000 d'eau bouillante à
La Gazette médicale de Strasbourg donne la formule
laquelle on ajoute 109 d'alun, 25 de chlorure de sodium,
d'une solution qui est destinée à retarder de quelques
12 de salpêtre, 60 de carbonate de potasse, 10 d'acide
jours la putréfaction des cadavres pendant la saison
arsénieux. On laisse refroidir, on filtre, et à la partie du
chaude :
liquide ainsi obtenu, on ajoute une partie d'alcool méthy-
lique en 4 parties de glycérine. Bichlorure de mercure 4 grammes
Chlorure de sodium 10 —
M. Laskowskidit qu'il a expérimenté ce liquide dès que
Acide phénique 100 —
sa formule a été connue, et il avoue, que son espérance de Alcool 500 —
trouver quelque chose de nouveau a été trompée, car ce Eau 2 litres
qui conserve dans ce liquide, c'est la glycérine, l'alcool et
l'acide arsénieux, et qu'il ne fallait pas beaucoup de frais Dès que la réalité de la mort est attestée, on ponctionne
d'imagination, pour inventer une chose trouvée depuis la cavité abdominale avec un trocart et on injecte environ
longtemps. un demi litre de la solution ci-dessus. On procède de la
En 1874, M. Personne pharmacien en chef de l'hôpital même manière,pour chacune des deux cavités thoraciques,
de la Pitié, préconisait pour les injections, le mélange puis on lave le corps avec le même liquide, dont on se
suivant : Hydrate de chloral 500 grammes, glycérine sert encore pour imbiber des tampons de ouate destinés a
2 litres et demi, eau distillée 2 litres et demi. clore toutes les ouvertures naturelles. Deux ou trois fois
Mais l'hydrate de chloral est trop cher et du reste il est par jour, on renouvelle les lavages sur les parties du corps
moins antiseptique que l'acide phénique, le sublimé et exposées à l'air, et toute décomposition est ainsi évitée,
même l'acide arsénieux. pendant plusieurs jours. C'est là un procédé facile, peu
Voici le liquide conservateur du D Laskowski. Glycé- coûteux et d'une efficacité éprouvée.
rine 100, acide phénique 10, eau ordinaire 20, acide
A Strasbourg et à Nancy.M.Tourdes emploie pour les
borique 10, sublimé corrosif 0,50.
besoin de la médecine légale les liquides suivants :
Les corps se conservent bien dans ce liquide.
Il préconise encore cet autre : glycérine ambrée 100 kil.,
1° Pour conserver le corps en totalité pour une autopsie
alcool à 95° 20 kil.; acide phénique 5 kil.; acide borique
ultérieure:
cristallisé 5 kil.
Glycérine plus ou moins additionnée d'alcool et des prin-
19
— 146 - — 147 -

cipaux désinfectants, acide phénique, borique, borate de c) . Chloral 10, eau 100.
soude, savoir : d) . Alcool pur, alcool de consommation à 70 ou 90 ou
mélangé à moitié d'eau.
a). Pour injection phéniquée.
Glycérine 1000, acide phénique 50 en hiver, et 100 en Quand on veut faire sécher les pièces on fait tremper
été. huit jours dans le liquide suivant :
ô). Pour injection boratée. Glycérine un litre, nitrate de potasse 20, cassonnade20,
Glycérine 100, acide borique 50, alcool 100. On peut puis laisser sécher.
substituer à l'acide borique, 100 grammes de borate de Pour le cerveau on fait une immersion préalable de
soude ou 50 grammes d'acide borique et 50 grammes de 24 heures dans une solution de chlorure de zinc 100 gr.
borate de soude. pour 1000 gr. eau. On le place ensuite dans la glycérine
La formule de M. Bouchard de Bordeaux donne une boratée et après quelques jours, on le fait sécher.
conservation remarquable elle comprend : [Cours de mèd. légale, Tourdes, 1888.)
Glycérine à 30° de l'aréomètre Baumé, 17 volumes, A Lyon, les liquides conservateurs qu'on emploie sont
borate de soude hydraté à 10 équivalents d'eau, al- les suivants :
cool Q. S. 1° A l'amphithéâtre d'anatomie où j'ai vu des corps
Pour la préparer, on réduit le borax en poudre fine, très bien conservés, après un temps assez long écoulé
puis on verse peu à peu la glycérine, on chauffe ensuite depuis la mort, on se sert de cette formule :
à 30° jusqu'à dissolution, enfin on passe à l'étamine, on Acide phénique liquide 2,50
termine en ajoutant d'alcool Q. S, pour obtenir la fluidité Acide arsénieux 2,50
voulue. On injecte par la carotide et la conservation Glycérine 100,00
Alcool méthylique. 200
soit interne, soit externe est tout à fait remarquable. Eau 650

2° Pour conserver seulement une partie (pièces à con- 2* Les formules de l'amphithéâtre de médecine opéra-
viction), membres en totalité supérieurs, inférieurs, tête, toire sont celles qui suivent :
onfaitune injection artérielle du liquide glycériné, ou bien a). Pour l'injection du sujet :
on plonge les pièces dans le liquide glycériné, boraté, al-
Glycérine 1 k. 200 gr.
coolisé. Voici des formules : Acide arsénieux 100
Acide phénique 300
a). Glycérine 1000, borax 100 ou acide borique 50,
Alcool 25
alcool 100. Camphre 5
6). Glycérine 1000, acide borique 50. Eau 4 litres
— 148 — — 149 ~
b) . Pour la conservation des pièces anatomiques : eh chêne, les deux cadavres, dont les cavités viscé-
Glycérine \ \\ rales, ainsi que tous les -interstices laissés entre eux et
Alcool i les parois des cercueils, avaient été saupoudrés abondam-
Sublimés grammes ) ... ment, d'un mélange pulvérulent de tan, de sciure et de
nui
Chlorure A
de ■
zinc n en
0,50... C> PSr lltre
charbon de bois. On avait ensuite badigeonné à plusieurs
c) . Pour les embaumements en ville, le liquide conser- reprises toute la surface du corps avec un liquide ayant
vateur est le suivant pour un seul cadavre : la composition suivante :
Sel ammoniacal 300
Sublimé 200
Sublimé 600
Alcool 300
Alcool 1000 à 90'
Camphre 30
Eau 500
Sulfure de zinc 20
Glycérine 500
Acide phénique cristal 100
Glycérine blanche 7 litres. On avait enfin fermé hermétiquement les cercueils et
Il y a huit ans, deux malheureuses femmes, Marie l'inhumation avait eu lieu le lendemain.
Rigottier et sa bonne, Jeanne Pavy, furent assassinées,
rue Jean-Baptiste Say, à Lyon, la première pendant son
B. — SUBSTANCES PULVÉRULENTES.
sommeil, la seconde en se débattant contre son meurtrier.
En prévision des confrontations qui pouvaient survenir, « Dans la pratique, on se contente d'antiseptiques
MM. Ferrand, Lacassagne et Coutagne, experts, eurent pulvérulents, dont on recouvre le cadavre placé dans le
l'idée d'employer des substances antiseptiques pour cercueil. Falconi prépara, en 1853, un mélange de : sciure
en assurer la conservation. Le 25 novembre 1890, de bois 50 parties, sulfate de zinc pulvérisé 20 parties,
M. Ferrand qui se livrait alors à des études de recherches essence de lavande 1 partie. Le conseil de salubrité
sur la récupération du sol des cimetières, fit exhumer les autorisa l'emploi de ce mélange. Cependant le sulfate de
deux cadavres. zinc du commerce renferme toujours un peu d'arsenic.
Le corps de Marie Rigottier était étonnemment con- On y a renoncé pour ne pas contrevenir à l'ordonnance
servé : la figure, presque fraîche, avait gardé la même de 1846, et on a recours, soit au mélange préparé par
expression des traits qui avait été remarquée lors de la Vaflard en 1869, qui comprend 4 kilos d'acide phénique
découverte du crime. impur et 16 kilogram. de sciure de bois, (Le formulaire
Or, voici les opérations d'embaumement qui avaient des hôpitaux militaires de 1868 a remplacé la sciure de
eu lieu. bois par le charbon pulvérisé), soit simplement au mélange
D'abord, on avait déposé dans deux forts cercueils indiqué par Mayet et Adrian et qui se compose de résidus
- 150 —

de goudron de bois 5 kilogram. et de sciure de bois


25 kilog. Ce mélange a l'avantage de coûter très peu cher
et de ne pas empêcher, comme la poudre de Vaflard, la
décomposition des cadavres sous le sol.
Comme le dit Jeannel,le coaltar mêlé dans la proportion TROISIÈME PARTIE
de 20 pour 100 à la sciure de bois ou au plâtre pulvérisé,
produirait le même effet que le goudron de bois. »
(Dict. encyclopédique des sciences médicales art.
L'embaumement dans l'avenir
embaum. p. 592).
Tourdes emploie l'acétate de soude pulvérisé à la dose
de 1 /4 du poids.
Le Dr Sucquet répand sur le fond du cercueil un lit de
25 centim. environ de myrrhe. Puis le mort y est enseveli Depuis environ un demi-siècle l'embaumement est enfin
comme à l'ordinaire et le cercueil est ensuite rempli de entré dans la période positive ou scientifique, l'avenir
myrrhe et soudé définitivement. Cet ensevelissement du nous réserve, sans aucun doute, son complet épanouisse-
corps dans la myrrhe demande pour un adulte, 1 hectolitre ment. Les procédés empiriques ont vécu, et les théories
1/2 de cette substance, la dépense n'est donc pas abstraites ne sont plus de mise, dans l'art qui nous occupe.
considérable. Les immenses progrès que la chimie a réalisés, dans
De plus son manuel opératoire, d'une simplicité rare, ces derniers temps, nous ont fait connaître, d'une manière
évite tout ce qui blesse les familles, c'est donc un bon plus exacte, la nature des corps et leurs diverses proprié-
procédé. Mais on ne peut l'appliquer, que lorsque le mort tés. Les découvertes de Pasteur, de Toussaint, de Koch,
est dans le cercueil il ne saurait donc être employé dans de Duclaux et de Brieger nous ont montré l'existence, le
les cas d'exposition publique ou privée du corps du défunt. mode d'activité des microorganismes, dans le phénomène
des fermentations putrides. En nous dévoilant l'agent pro-
vocateur des décompositions, elles nous ont indiqué, en
même temps, les moyens efficaces pour les combattre et
les détruire.
MM. Mégnin et Yovanovitch nous ont fait connaître
dans leurs écrits on ne peut plus intéressants, les travail-
leurs de la dernière heure, dans l'acte destructeur du ca-
davre humain.
— 152' — — 153 -

Grâce aux efforts de ces savants, il nous est donné de R. Dubois, de la Faculté des sciences de Lyon, s'est ap-
connaître actuellement, quelles sont les moeurs, quelles pliqué, depuis plusieurs années, ainsi qu'il leditlui-même,
sont les substances redoutées par la faune des tombeaux. dans la note où il a consigné sa découverte, et qui a été
Il était donc temps, en effet, de faire bénéficier, dans une adressée il y a quelques mois, à l'Académie de Médecine
large mesure, l'art des embaumements de tous ces pro- de Paris.
grès que l'esprit humain a déjà réalisés. Il était temps, Ce que le savant professeur avait surtout en vue dans
de chercher pour l'avenir, une méthode basée sur des ses recherches, « c'était, nous dit-il (loc. cit.), de suppri-
données véritablement scientifiques et nouvelles, qui mer toute mutilation du cadavre, toute manoeuvre déli-
pût se rendre recommandable auprès du public, par cate, et principalement l'emploi des injections intra-
la simplicité et la délicatesse de son manuel opératoire, vasculaires, trop souvent impraticables, à cause des désor-
par la sûreté et la perfection de ses résultats ; car, ainsi que dres survenus dans l'organisme, soit avant la mort,
nous l'indiquions au commencement de cette thèse, ainsi (ruptures vasculaires spontanées, sclérose ou occlusions,
que nous avons tâché de le démontrer, dans les dévelop- perforation des vaisseaux, fragmentation du corps), soit
pements qui ont suivi, tous les procédés actuels, malgré après la mort, par suite de la décomposition cadavérique,
les progrès réalisés récemment par d'excellents esprits, sont la formation de caillots, etc., etc. »
encore plus ou moins imparfaits par plus d'un côté. Les Il a enfin cherché un procédé économique pouvant
savants de notre époque dans l'art d'embaumer les corps, s'appliquer d'une manière très générale et qui, loin de
ont tous reconnu cette imperfection. Gannal la proclamait s'opposer à la dessiccation du corps, la favorisât au con-
en 1841. Le Dr Sucquet s'en plaignait en 1872, et l'au- traire pour assurer une destruction plus facile lorsque
teur d'un des plus récents mémoires sur l'embaumement, le temps de la conservation a été jugé suffisant. Or, les
le Dr Laskowski de Genève, en l'année 1886, n'était pas pièces préparées depuis deux ans par M. le professeur
d'un autre avis. Dubois et déposées au laboratoire de médecine légale de
Le savant professeur, en effet, dans un travail couronné la Faculté de Lyon, celles que nous avons préparées
par l'Académie des sciences de Caen, de Genève, de Bâle nous-même dans le même local, sous la haute direction
et de Lyon, après avoir fait la critique des divers procé- de M. le professeur Lacassagne, prouvent solidement que
dés d'embaumement employés jusqu'alors, reconnaissait les succès ont pleinement couronné les efforts de l'inven-
hautement les imperfections et les lacunes de sa propre teur du nouveau procédé d'embaumement. C'est pourquoi,
méthode, et souhaitait vivement que, dans un avenir pro- clans la troisième partie de notre travail, nous allons
chain, de nouveaux perfectionnements fussent réalisés nous occuper de cette nouvelle méthode.
dans cet art important. Trois chapitres se partageront la matière de cette
C'est à atteindre ce but désiré, que M. le professeur étude.
20
- 154 — — 155 —
Dans un premier nous examinerons les principes géné- conservation et momification du corps humain est celui
raux sur lesquels repose la méthode. que la nature emploie dans la momification naturelle.
Dans le second, nous verrons le manuel opératoire et C'est la dessiccation rapide des tissus. »
les résultats que l'on obtient par son emploi. | Nous pourrions ajouter que c'est encore la méthode la
Dans le troisième, nous parlerons des applications que | plus sûre : en effet nous savons que la putréfaction de la
peut avoir la méthode R. Dubois, dans la famille, dans I matière animale est le fait d'êtres vivants. Nous savons
les armées, dans l'hygiène publique, dans la médecine 1 pareillement que, pour quelques-uns de ces infiniment
légale. j petits, on n'a pas encore trouvé d'agent antiseptique
absolument efficace.
| La chaleur elle-même, surtout si elle est sèche, doit
CHAPITRE I.
être très élevée, pour arrêter le développement de certains
I microbes.
Principes généraux sur lesquels repose la nouvelle
| Beaucoup peuvent se passer d'oxygène et sont même
méthode d'embaumement et de conservation du
| gênés dans leur fonction par la présence de ce gaz. Mais
corps humain.
\ aucun être vivant, depuis le plus grand jusqu'au plus
petits, ne peut se passer d'eau.
Nous allons dans tout ce chapitre laisser la parole à
« Combien de fois, dit le professeur Laskowski, ai-je
M. le professeur R. Dubois lui-même en reproduisant à
été surpris de voir que les petits organismes : souris
peu près textuellement la note par laquelle il a fait con-
oiseaux, etc., en état de putréfaction à peine commencée,
naître au monde savant sa découverte et qu'il a bien voulu,
quej'enfermais dans des vases privés d'air sur une cuve
dans son extrême obligeance, nous communiquer.
de mercure, continuaient à se putréfiér presque aussi rapi-
« Les recherches expérimentales, dit M. le professeur
dement que s'ils avaient été abandonnés à l'air libre ;
R. Dubois, qui nous ont conduit à la découverte du pro-
tandis que les mêmes petits cadavres rapidement déssé-
cédé dont nous exposons plus loin le manuel opératoire,
chés à l'étuve pouvaient se conserver presque indéfiniment
ont été consignées, en détail, dans les comptes rendus de
intacts à l'air libre à l'état de dessiccation complète. Je
l'Académie des Sciences 1886, et dans le bulletin de la
pensais donc qu'un des agents les plus puissants de la
Société biologique 1880, 1884. 1885. Nous nous bornons
putréfaction est l'eau, non pas par une action spéciale sur
à exposer ici les résultats généraux dont la connaissance
; les tissus et les substances organiques ; mais en prépa-
est nécessaire pour comprendre le principe même de la
i rant le milieu propre au développement des spores de
méthode.
cryptogames que l'on trouve en grandes masses sur la
« Le procédé le plus simple et le plus économique pour la
matière organique en décomposition et des microorga-
— 156 — - 157 —

nismes inférieurs que je comparais alors aux cellules de ditions favorables ne se rencontrent pas toujours spon-
la levure de bière. Tantqueles tissus sont vivants ils peu- tanément, non seulement la grande quantité d'eau que
vent lutter victorieusement contre les envahisseurs et renferme le corps humain, dont la superficie est relative-
établir l'équilibre momentanément rompu ; mais, frappé ment restreinte, s'oppose souvent au dessèchement spon-
de mort, l'équilibre est détruit et le champ de bataille tané, mais encore il faut tenir compte, en dehors des
reste livré, sans défense, aux infiniments petits. Priver proportions relatives des matières solides et de l'eau, de
la matière organique de la totalité ou de la -presque tota- Vaffinité de cette eau pour ces matières solides.
lité de l'eau, soit à l'état libre, soit à l'état de combinai- « Les matières solides qui constituent en partie nos
son chimique, c'est rendre le terrain impropre au déve- tissus ne sont pas dans celles-ci à l'état de dissolution ou
loppement des bactéries putrides (1). de simple mélange avec l'eau, mais bien en combinaison
Lorsque l'eau vient à faire défaut, les animaux ou les moléculaire. Ces deux données, la richesse en eau et la
végétaux de grande taille périssent, et les tout petits résistance à la dessiccation doivent être rigoureusement
meurent aussi, ou passent à l'état dé vie latente dans les distinguées.
mêmes conditions. En effet, d'après Claude Bernard, la « Les tissus des animaux ou des végétaux lorsqu'ils
disparition de l'eau supprime non seulement les propriétés sont jeunes contiennent plus d'eau que lorsqu'ils sont
physiques des tissus, mais aussi les phénomènes chi- vieux. Avec l'âge, les tissus perdent de plus en plus la
miques qui s'y passent. Or, ces phénomènes qui caracté- faculté de fixer de grandes quantités d'eau, et la vieillesse
risent la destruction vitale étant empêchés, la création n'est en définitive qu'un déssèchement et l'on peut le dire
organique s'interrompt à son tour. L'organisme perd les un racornissement de nos organes.
caractères de la vie (Cl. Bern. Leçons sur les phéno- « Mais en même temps que la teneur en eau diminue
mènes de la vie, 1868). La dessiccation rapide et com- pendant la vieillesse, l'affinité de l'eau pour les tissus qui
plète est donc le plus sûr moyen d'empêcher le développe- la contiennent, diminue dé telle façon que sous l'influence
ment des microbes de la putréfaction et, par conséquent, des mêmes agents déshydratants un tissu vieux perd tou-
de conserver indéfiniment le corps humain à l'abri des jours une proportion d'eau plus grande dans le même
ravages de la mort. temps qu'un tissu jeune.
« Mais ce n'est que dans les pays très chauds, continue « Un des principaux effets de la fécondation est, ainsi
M. Dubois, où l'air est sec et pur, où le sol est perméable et que nous l'avons démontré par nos expériences sur les œufs
avide d'humidité que le phénomène de dessiccation natu- fécondés et non fécondés soumis à la dessiccation, non seu-
relle est toujours réalisable. Dans nos climats, oùles con- lement de permettre aux premiers éléments de l'organisme
de fixer de l'eau, mais encore de retenir celle-ci avec une
(1) Dr Laskowski, l'embaumement et la conservation des sujets,
etc., 1886. grande énergie.
— 159 —
— 158 —
« On la voit s'échapper des organismes par différentes
« La tendance que l'eau peut avoir à se séparer des voies sous l'influence des agents physiques extérieurs ou
tissus, auxquels elle est combinée est donc plus ou moins des poisons introduits dans l'économie, soit fabriqués par
faible ou plus ou moins forte, en présence des agents des- elle, et dans bien des cas, c'est à tort que l'on incrimine
séchants, selon les conditions particulières dans lesquelles les organes dont la suractivité ne prouve qu'une chose,
se trouvent les tissus, au moment où on les soumet à l'in- c'est qu'ils ont à éliminer plus d'eau libre, c'est-à-dire à
fluence de l'agent desséchant. la dégager de ses combinaisons protoplasmiques, qu'à
« C'est cette tendance à la séparation de l'eau de cons- l'état normal.
titution des tissus que nous avons appelée, par analogie « Ce n'est pas seulement, en effet, à l'état de vapeur,
avec celle que l'on observe dans les mêmes conditions dans une atmosphère desséchante, que l'eau peut se sé-
dans les composés chimiques hydratés, tension de dessic- parer des tissus sous l'influence des agents chimiques.
cation. Nous avons, par de nombreuses expériences (loc. cit.),
«Denombreux agents physiques, mécaniques, chimiques montré, par exemple, que les vapeurs de beaucoup de
ou biologiques peuvent accroître la tension de dessiccation liquides organiques neutres, à chaleur spécifique peu éle-
physiologique ou normale de l'eau et des tissus. vée et particulièrement les vapeurs anesthésiques,d'éther,
« Les modifications de la nutrition qui surviennent au de chloroforme, de benzine, agissant sur les tissus, sous
moment de la mort de l'individu et les altérations cadavé- leur propre tension, à la température ordinaire, pénétrent
riques qui en résultent sont de ce nombre et nous avons le protoplasma et en chassent l'eau, nonà l'état de vapeur
souvent observé ce fait en apparence paradoxal qu'un mais à l'état de liquide. L'expérience est particulièrement
animal mort, une grenouille, une chenille, une chrysalide facile à réaliser avec des tissus végétaux peu vasculaires,
par exemple, mise en présence d'une atmosphère déssé- peu lacuneux et riches en tissu aquifère (crassulacées) (1)
chante à côté d'un être semblable, mais vivant, se déssô- ou même avec des tissus animaux suspendus dans des
chera plus vite que celui-ci dont le sang est sans cesse vases fermés, au-dessus des liquides en question. Ces va-
amené au contact soit de la surface respiratoire, soit de la peurs peuvent pénétrer avec assez de force la substance
surface cutanée. Qui ne sait que les botanistes pour des- contenue dans un œuf de poule, par exemple, pour forcer
sécher certaines plantes dans leurs herbiers sont obligés l'eau de constitution que retiendraient les matières colloï-
de les tuer préalablement soit par la chaleur, soit par le dales qu'il contient à sourdre à sa surface sous forme de
poison. gouttelettes, et la diffusibilité de ces corps dans le milieu
« Mais il n'est pas nécessaire que la chaleur, le froid ou de l'œuf est telle que l'albumine de l'œuf est rapidement
le poison agissent sur les individus jusqu'à produire la
mort, pour que cette tension de dessiccation soit exagérée (1) Par exemple avec une Echèvèiïa.
au point que l'eau se sépare en partie des protoplasmas
où elle était fixée à l'état normal.
— 161 —
- Jfio —
cadavre qui, alors momifié, ne se prêtera plus à leur évo-
traversée et que le jaune s'imprègne des vapeurs en ques-
lution et à leur multiplication.
tion et les condense en partie.
« La physiologie générale nous apprend, en effet, que,
« J'ai insisté sur les relations qui existaient entre les
pour qu'une graine, une spore, un germe quelconque se
résultats expérimentaux, que je viens de rappeler briève-
développe, il doit avant même que l'absorption de l'oxy-
ment et les expériences faites par Graham sur les ma-
gène s'établisse ou s'active, fixer une certaine quantité
tières colloïdales minérales, que le physicien anglais
d'eau. Or, nous avons montré que les corps en question,
désignait sous le nom de collogéle. Entre autres faits
loin de permettre l'imbibition étaient au contraire des
intéressants, Graham montrait que l'eau d'un hydrogèle
agents de déshydratation très-actifs.
(il appelait ainsi la gelée minérale obtenue au moyen de
« L'expérience ayant démontré en outre, leur grande
l'alumine hydratée) pourrait être déplacée par une plus
diffusibilité, au sein des matières en apparence les plus
petite quantité d'alcool, sans que l'état gélatineux soit
imperméables, ils pourront se répandre assez vite dans
détruit et il obtenait ainsi un « alcoogêle. »
l'organisme de proche en proche, rompant les liens
« L'alcool de l'alcoogèle, par un phénomène de substi-
et brisant l'affinité qui retient Veau fixée dans les
tution de même ordre, pouvait être remplacé par une
plus faible quantité encore d'éther et l'on obtenait ainsi tissus et paralysant sur leur passage les germes qui
s'apprêtaient à les envahir et à les peupler par leur
un éthérogèle etc.
« On pourra sur les matières celloïdales qui constituent multiplication, que n'entrave plus la résistance phy-
siologique des éléments anatomiques.
en définitive la masse putrescible des tissus du cadavre
« Voj'ons maintenant comment, dans la pratique, les
humain, obtenir des résultats analogues, et chasser en
conditions théoriques que nous venonsd'énumérer pourront
grande partie, l'eau de constitution de ces tissus, ou tout
être remplies.
au moins diminuer considérablement l'affinité de l'eau
pour ceux-ci, en introduisant dans le cadavre les liquides CHAPITRE II
organiques neutres volatils à chaleur spécifique peu
Manuel opératoire du nouveau procédé d'embaume-
élevée, dont nous avons parlé.
ment et transformations opérées par les liquides
« Non seulement ces liquides favorisent considérable-
conservateurs.
ment la tension de dessiccation de l'eau et des tissus, et
par là la momification de ces derniers, mais ils agiraient ARTICLE PREMIER

encore comme des agents antiseptiques assez puissants, Manuel opératoire du nouveau procédé
pour empêcher le développement des germes (comme cela d'embaumement.
arrive pour la levure de bière dans la fermentation alcoo- Nous ne saurions mieux faire, dans cet article, que de
lique dès que le liquide atteint une certaine proportion), au continuer à laisser parler M. le professeur Dubois.
moins pendant le temps nécessaire au dessèchement du 21
— 162 —
- 163 -
« Les liquides organiques neutres volatils à chaleur
spécifique peu élevée, dont nous savons le mode d'action par les vaisseaux ou par des mutilations plus ou moins
comme agents déshydratants des tissus et comme anti- étendues du cadavre ?
septiques, sont nombreux, mais tous ne sont pas égale- « Nous avions pensé, tout d'abord, qu'il serait suffisant
ment diff usibles et capables au même degré de provoquer d'introduire dans l'organisme les liquides en question,
la disparition de l'eau et la dessiccation des tissus. au moyen du tube digestif, pour imprégner tout le corps
« Tout le monde connaît l'usage que l'on fait de d'une manière suffisante.
l'alcool éthylique, pour la conservation des pièces anato- « Nous avons, en effet, obtenu par ce moyen, pendant un
miques ; mais c'est plutôt un agent coagulant, et sa diffu- temps assez prolongé, la conservation de cadavre d'ani-
sibilité est aussi faible que son pouvoir déshydratant est maux, que nous avons présentés à la Société de biologie.
peu considérable, par rapport à d'autres agents dont les Mais l'imprégnation était imparfaite et certaines parties
propriétés physico-chimiques sont analogues. L'alcool éloignées, telles que le cerveau et les membres ne tar-
méthylique a également été préconisé pour la conser- daient pas à subir les effets destructeurs de la putré-
vation des pièces anatomiques. Il aurait même été employé faction.
en injections vasculaires, soit pur soit mélangé à d'autres « De plus, il n'est pas toujours aisé sur des sujets
substances (Laskowski, loc. cit., p. 144-145), mais atteints de rigidité cadavérique d'introduire une sonde
outre qu'on peut lui adresser le même reproche qu'à dans l'œsophage. Les fosses nasalos, il est vrai, peuvent
l'alcool éthylique ; nous avons, au début, de ce mémoire à la rigueur servir de voie d'introduction, mais les expé-
indiqué sommairement les raisons pour lesquelles les riences ayant démontré l'insuffisance du procédé, nous
injections intra-vasculaires ne pouvaient servir facile- n'insisterons pas davantage sur ce point.
ment à un procédé pratique, non compliqué et susceptible « Pour remédier aux inconvénients ci-dessus signalés,
de généralisation. j'ai alors pensé à employer l'injection poussée directement
« Nous ne nous attarderons pas non plus à démontrer dans les diverses cavités du corps, et dans la masse même
les inconvénients multiples qui résulteraient de l'immer- des différents organes, au moyen d'un trocart capillaire
sion totale du cadavre dans les liquides, cette pratique et d'une seringue à hydrocèle.
n'étant guère applicable qu'à des fœtus ou à de très jeunes « Le trocart explorateur de trousse est celui qui con-
enfants. vient le mieux en raison de sa longueur, de sa résistance
« Maintenant, si nous supposons connu un agent suffi- et de la forme de la pointe du mandrin.
samment diffusible, antiseptique et déshydratant, pour « On ne peut se servir que difficilement d'une canule
atteindre le but que nous nous proposons, comment le aiguillée, parce que souvent l'orifice se bouche.
mettrons-nous en contact avec les tissus autrement que ' « Le liquide doit être poussé lentement avec la seringue,
et en quantité variable suivant les régions.
— 164 — - '165 -

« Pour un enfant de 3 ans et demi, nous avons intro- « Une égale quantité sera réservée pour imbiber, la.sur-
duitde cette façon environ un demi-litre de liquide con- face du corps ou verser dans les cavités naturelles de temps
servateur. à autre (cavités orbitaires, narines, bouche) pendant le
« Le tableau suivant donne les points d'élection pour dessèchement, qui marche d'ailleurs assez rapidement à
l'injection et la quantité de liqueur que nous avons l'air libre et sec .
employée pour l'enfant qui a servi à nos expériences : « Sur quelques points, la déshydratation peut être assez
rapide pour qu'une certaine quantité d'eau déplacée cher-
Plante des pieds; che à s'échapper du cadavre, à l'état liquide soulevant par
Masses musculaires des mollets ; place 1'épiderme qu'il faut, dans ce cas, perforer avec une
Pli du genou (creux poplité) ; épingle.
Cuisse face antérieure, partie moyenne ; «. Le dessèchement commence à l'air libre et doit
» face postérieure, partie moyenne ; ensuite être achevé dans une atmosphère desséchante et
Creux de l'aine, origine de la cuisse ; confinée surtout quand la saison est humide et froide.
Cavité abdominale, région de la vessie ; « Pour cela, on dépose autour du cadavre, placé sur des; ■
Hypocondre droit ; copeaux de bois dans la bière, des vases renfermant du;
» gauche ; chlorure de calcium que l'on renouvelle de temps en temps.
Région du foie, de l'estomac; « Pendant tout le temps que dure le dessèchement, on ne
Poumon droit et poumon gauche ; constate aucune trace de décomposition et les tissus pren-
Médias tin, région du cœur, région du cou, régions nent peu à peu, en durcissant, une teinte jambon fumé.
latérales et masses musculaires de la nuque, face, base a Des divers liquides que nous avons essayés sur les
de la langue, joues, tète et cuir chevelu ; animaux, ceux qui ont donné les meilleurs résultats sont
Cavité céphalique en pénétrant par le côté externe de Valcool amylique et Yêther nitrique ».
la cavité orbitaire pour ne pas blesser l'œil; Voici, au point de vue chimique, ce que sont ces deux
Masses lombaires et fessières. . liquides : . .
1° L'alcool amylique a pour formule : -:,
- « Dans la pratiquera direction dans laquelle l'injection
IQ .O (H3O2) ;
interstitielle ou cavitaire doit être donnée, le lieu d'élec- C H

tion et la profondeur, peuvent être indiqués par un exa- Sa chaleur de formation est la suivante :
men très simple du corps humain. \ (gazeux) + 82,3 calories.
« Cette opération nécessite pour un enfant de 3 ans et C'° + H« + 0» = C" H" O* [ (liquide)+ P3 - i .
) (dissous) + 95,8 —. -
demi environ, un litre du liquide conservateur. -
Sa Chai. spéc. molêcul. est de 61 calories entre 10 ai 170° ;o
— 167 —
— 166 — L'éther nitrique est un liquide d'une odeur douce et
' ' Cet alcool qui existe en petite quantité dansleséaux-de- agréable, sa saveur est sucrée avec un arrière-goût
vie de grains et de pommes de terre, a été d'abord signalé amer. Il est insoluble dans Veau; mais se mélange en
par Scheele, puis étudié par Dumas, Cahours et Balard. toute proportion avec l'alcool et l'éther. Il brûle avec une
On le prépare en agitant avec de l'eau l'huile de flamme blanche, sa densité est égale à 1,132, il bout
pomme de terre, que l'on sépare pendant la rectification à 86° et se décompose avec explosion à 140° environ.
de ces eaux-de-vie; on écarte le liquide surnageant et on (Traité de chimie générale analytique et appliquée,
le soumet à des distillations fractionnées; en recueillant p. R. Jagnaux, 1887).
les produits qui passent entre 120 et 135°, on obtient Telles sont les principales propriétés physiques et chi-
l'alcool amylique brut. On le lave, on le sèche sur du miques de l'alcool amylique et de l'éther nitrique.
bichlorure de calcium, on le fait digérer avec de la Pour préserver efficacement le corps desséché contre
potasse, on le rectifie de nouveau et on recueille les pro- l'humidité et les attaques des insectes, il n'est pas néces-
duits qui distillent à 132°. C'est un liquide exhalant une saire de l'envelopper de nombreuses bandelettes plus ou
odeur forte et pénétrante; sa consistance est oléagineuse, moins bien bituminées, comme faisaient les anciens
il cristallise à 20°; sa densité est égale à 0,8184; il Egyptiens. Il suffit d'y passer une ou deux couches de
bout à 102°. Il est insoluble dans l'eau et soluble dans vernis, ainsi que M. Dubois l'a pratiqué sur la momie
l'alcool et l'éther; il brûle avec une flamme éclairante et qui se trouve dans le musée de médecine légale de
fuligineuse. Son prix de revient est peu élevé. Lyon.

2° L'éther nitrique a pour formule : La composition de ce vernis est la suivante :


C4H*(Az05HO)
Ether sulfùrique un litre
Sa chaleur de formation est la suivante : Baume de Tolu
â à 100 grammes
Benjoin
G*+ HS + Az + 06 = G* H4 (Az 0=HO ! "*nide + 49 3 calories
>
) dissous + 50,3 —
Cette préparation a l'avantage de dégager une odeur
L'éther nitrique s'obtient en faisant chauffer dans une
très agréable et remplace très avantageusement les
cornue un volume d'acide azotique concentré avec deux
nombreuses substances aromatiques entrant dans la com-
volumes d'alcool anhydre, auquel on ajoute de l'azotate
position des formules préconisées par les anciens em-
d'urée, afin d'éviter la formation d'acide nitreux, puis on
baumeurs.
distille; on ajoute de l'eau au produit distillé; l'éther se
On peut même à la rigueur se servir d'un vernis à
sépare; on le lave avec une solution alcaline, étendue; on
l'alcool quelconque.
le sèche avec du nitrate de chaux anhydre et on le distille
de nouveau avec précaution.
— i68 — -r- 169 —

Nous lui avons injecté comme ici dessus 40 grammes


d'éther nitrique.
ARTICLE II.
L'enfant numéro 3 est un garçon, il pesait 2 k. 675 gr.
et avait 59 centimètres de longueur; il était maigre,
Transformations opérées par le liquide
émacié et probablement mort de phtisie. Quatre-vingts
conservateur.
grammes d'alcool amylique ont été employés à son em-
Ces transformations sont de deux sortes, elles sont baumement.
macroscopiques ou microscopiques. Enfin, l'enfant numéro 4, aussi un garçon, pesait
3 kilog 860 grammes, il avait 55 centimètres de long;
1° Transformations macroscopiques.
il était gros, bien musclé, il exhalait une odeur cadavé-
Nous rappelant comme le dit Montesquieu « qu'un fait rique insupportable, nous avons employé pour lui 320 gr.
vaut mieux qu'un raisonnement, car un fait est un raison- d'ëther nitrique.
nement plus sa preuve. » nous avons le 13 juin 1891, Le corps de chacun de ces sujets a été ensuite badi-
entrepris sous la haute et sympathique direction de M. le geonné, avec le liquide qui avait servi aux injections cavi-
professeur Lacassagne et dans son laboratoire un certain taires et musculaires. On lui en a versé une petite quantité
nombre d'expériences, afin de nous rendre compte par dans la bouche.
nous-même de ces transformations. Puis les quatre cadavres ont été placés dans une vitrine
Nous avons opéré d'abord sur quatre sujets : deux fœtus du laboratoire de médecine légale sur des linges de toile
morts-nés de six à sept mois et deux enfants nés à terme, étendus dans des plateaux en zinc.
morts quelques temps après leur naissance. La température moyenne était de 25° degrés et l'hygro-
Le fœtus numéro 1 est de sexe masculin il pesait mètre à cheveux marquait 85°.
870 grammes. Il avait 36 centimètres de longueur. La Le 15, je visitais les corps embaumés. Je les trouvais
putréfaction était déjà avancée et les parois abdominales tout transformés.
étaient fortement colorées en vert. Les stigmates de la mort avaient pour ainsi dire dis-
Nous avons employé à son embaumement 40 grammes paru. Les couleurs suspectes s'étaient dissipées.
d'alcool amylique, injecté suivant le manuel opératoire On ne sentait plus ni l'odeur de faisandage qu'exha-
que nous venons d'exposer, dans les grandes cavités et les laient si fort l'avant veille les numéros 1 et 2, ni le fumet
principaux muscles. repoussant de la putréfaction que répandaient les numéros
Le fœtus numéro 2 est aussi de sexe masculin; il 3 et 4.
pesait 760 grammes. Il avait 35 centimètres de longueur, - Le teint était devenu frais et même coloré en rose sur
il était aussi déjà à l'état de putréfaction commençante. le visage. Tout le corps était recouvert d'une abondante
22
— 170 — — 171 -
transudation d'un liquide aqueux. Nous avons laissé le Le 19 juillet nous avons recueilli les données sui-r
phénomène se continuer pendant dix jours, sans rien vantes :
ajouter à la première manipulation.
La momie n9 1 ne pesait plus que 130 grammes et
Le 2 juillet, nous nous sommes aperçu que la dessic-
n'avait plus que 35 cent, de long.
cation continuait sa marche, mais que des mouches étaient
venues pondre leurs œufs à la surface de nos sujets et Le n° 2 pesait 260 grammes et avait 35 cent, de long.
qu'en certains points du corps, surtout sur le cou et Le n° 3 pesait 1 kil. 800 et avait 58 cent, de long.
sous les aisselles, il y avait des larves qui se prome- Le n* 4 pesait 2 kil. 870 et avait 55 cent, de long.
naient.
Nous avons alors procédé à un second badigeonnage, Une conclusion se dégage tout naturellement de la
au moyen d'une éponge imprégné des liquides conser- comparaison entre les nombres que nous avons recueillis
vateurs. au commencement de notre expérience et ceux que nous
avons relevés le 19 : à savoir que ce sont les sujets em-
Nous avons de plus ajouté quelques petites ponctions
baumés avec l'alcool amylique qui ont le plus perdu en
accessoires dans les endroits qui nous paraissaient un peu
poids, c'est-à-dire les numéros 1 et 3. Aussi ce sont ces
suspects de putréfaction. Le lendemain, toutes les larves
derniers qui sont les plus avancés en dessiccation.L'alcool
avaient disparu, les points suspects avaient repris la
amylique semblerait donc être un meilleur déshydratant
couleur normale et la dessiccation marchait son train.
que l'éther nitrique. Mais nous sommes incapables d'indi-
Les bras et les jambes des numéros 1 et 3 commençaient
quer la raison, de cette différence.
à se dessécher.
C'est aussi, à cause de l'odeur forte qu'il dégage, un
C'est alors que nous avons jugé à propos, pour mettre insectifuge plus énergique.Enfin, d'après les expériences
désormais nos sujets à l'abri des attaques des insectes, faites sur les larves des mouches carnassières qui s'étaient,
de les placer dans une caisse en bois, dont le couvercle à un moment donné, développées sur nos sujets, nous
était formé d'un cadre sur lequel on avait fixé un gril- croyons pouvoir conclure que, comme insecticide, l'alcool
lage en laiton à mailles très fines. Nous léur faisions est supérieur à l'éther.
alors un dernier badigeon nage, encore quelques ponctions Mais d'un autre côté, nous avons constaté que l'éther
cavitaires, puis à l'aide de crochets nous les suspendions nitrique était plus efficace que l'alcool pour faire dispa-
par les pieds au plafond de notre caisse. C'est dans cette raître rapidement l'odeur de faisandage et de putréfac-
situation qu'ils se sont plus ou moins désséchés et qu'ils tion. Ces deux liquides dans leurs effets semblent donc
ont atteint le degré de momification relativement avancé se compléter l'un par l'autre. C'est pourquoi nous avons
dans lequel ils se trouvent actuellement. voulu essayer de les mélanger dans certaines préparations
— 173 — - 17*3 —

et de pratiquer avec ce liquide mixte l'embaumement d'un enfants'. Mais M." le professeur Dubois avait, dès l'an
cadavre. L'expérience a été faite le 15 juillet par le gar- dernier comblé cette lacune en réussissant à momifier dé
çon du laboratoire de M. Lacassagne sur le cadavre d'une la même manière un enfant de 3 ans 1/2, grasset et- bien
petite fille de 5 à 6 mois. Le sujet, quand l'embaumement musclé. Une des momies qu'il a ainsi préparée et qu'il
fut pratiqué, était en voie de putréfaction et exhalait une a ensuite enduite d'un vernis pour la préserver de l'humi-
odeur nauséabonde. L'expérience a parfaitement réussi, dité et des attaques des insectes se voit actuellement dans
toute odeur cadavérique a disparu comme par enchante- le musée du laboratoire de médecine légale, où elle est en
ment, et actuellement le sujet qui a été placé dans les parfait état de conservation depuis un an. Ce fait prouve
sous-sol de la Faculté, entouré d'une gaze fine pour le que la méthode Dubois réussit aussi bien sur les sujets
préserver des .attaques des insectes, est en pleine voie plus âgés que sur de tout jeunes enfants.
de dessiccation.Depuis,deux nouveaux sujets ont été em-
2° Transformation histologique et par conséquent
baumés au moyen de ces deux liquides mélangés, mais à
microscopique. Nous avons voulu nous rendre compte
part la disparition de l'odeur cadavérique et la réappari-
des transformations que subissent les tissus sous l'influence
tion des couleurs normales dans les tissus cutanés, la
de la méthode d'embaumement qui nous occupe, et nous
date récente de l'expérience ne nous permet pas de con-
avons fait quelques préparations microscopiques avec les
signer ici d'autres résultats.
tissus desséchés de la momie préparée, l'an dernier, par
Revenons donc aux sujets de notre première expé- M. Dubois.
rience : Nous avons suivi une double méthode : la méthode
par coupe et la méthode par dilacération des tissus.
Les numéros 1 et 2 sont à peu près momifiés. Les mus-
Dans le premier cas, nous nous sommes conformés au
cles et les autres tissus sous-cutanées sont séchés et rata-
manuel opératoire suivant :
tinés. La peau est devenue noirâtre, tout le corps à con-
sidérablement diminué de volume et les membres semblent Nous avons commencé par faire tremper les tissus
complètement momifiés. dans l'alcool absolu, puis dans le toluène ; ensuite nous
Le numéro 3 est actuellement très avancé en dessicca- les avons inclus à la paraffine et débités en coupe minces,
tion et, dans quelques jours, celle-ci sera parfaite. partie à main levée partie avec le microtome Dumaige.
Quant au n° 4, il n'a aucun signe de putréfaction, mais Les coupes ont été placées sur des lames de verre en-
la momification marche plus lentement. Tels sont, très en duites de collodium et d'essence de girofle, collées, lavées
abrégé, les résultats de mes expériences. Il est vrai que au toluène pour enlever la paraffine, puis à l'alcool absolu,
n'ayant pas pu me procurer de cadavre d'adulte elles ont puis à l'alcool au 1/3, enfin à l'eau.
porté exclusivement sur des corps de fœtus ou. de jeunes Nous les avons ensuite colorées au picro-carmin, la-
— 174 - — 175 —

vées à l'eau, à l'alcool aqueux, à l'alcool absolu, au nettement, c'est que les fibres nerveuses sont devenues
toluène. Nous les avons ensuite montées dans le baume variqueuses. On entrevoit aussi quelques noyaux répré-
du Canada. sentés par des points plus colorés que le reste de l'élé-
Dans le second cas au lieu de trancher les tissus au ment. La fibre nerveuse est un peu granuleuse. La gaîne
microtome nous les avons dilacéré à l'aide d'aiguilles de Schwann semble exister. Le cylinder aoois est petit et
ânes. Nous avons tâché d'isoler les différents éléments, ratatiné.
puis nous avons déshydraté comme ci-dessus, coloré au Les circonstances ne nous ont pas permis d'étudier les
picro-carmin et monté la préparation dans le baume du autres tissus ; mais nous y aurions certainement trouvé
Canada. les mêmes transformations que nous venons de voir opérées
Or voici, ce que le microscope nous a montré a pro- par la dessiccation dans les autres, c'est-à-dire déshydra-
pos de ces diverses préparations. Nous avons vu que tation plus ou moins complète.
pour le tissu cutané la couche de Malpighi est conservée Nous le voyons, le procédé Dubois n'est pas un des-
et reconnaissable. Le derme est ratatiné, plus mince tructeur ou un carbonisateur des tissus. Les éléments
qu'à l'état normal, mais à structure parfaitement nette. anatomiques sont au contraire peu modifiés. Toute la
Le tissu adipeux sous-cutané semble conservé à peu près transformation qu'ils ont subie a été de perdre leur eau
intact. Du reste la graisse n'a disparu complètement de constitution de se déshydrater à peu près complète-
nulle part. On reconnaît encore facilement les follicules ment; mais nous avons vu que la dessiccation était préci-
pileux, les canalicules contournés des glandes sudori- sément le meilleur moyen d'empêcher ou d'arrêter la
pales. Les poils des sourcils et les cheveux sont restés putréfaction en privant les infiniment petits qui la
en places et bien adhérents. produisent de la condition absolument nécessaire, si non
Le tissu musculaire est absolument désséché.les fibres pour exister, du moins pour végéter et pulluler. Il répond
sont réduites en diamètre, mais parfaitement reconnais- donc parfaitement à la première condition d'un bon pro-
sablés. En certains endroits la striation trahversale est cédé de conservation que nous demandions dans notre
aussi très nette. Il n'y a pas de trace de dégénérescence préface. Dû reste la couche de vernis, dont on enduira la
graisseuse. momie desséchée, la préserve efficacement contre les moi-
Le tissu conjonctif est bien conservé et à peu près sissures et les insectes. Il répond donc aussi à la seconde
semblable au type normal. Mais il est fortement séché de nos conditions. Le procédé R. Dubois est appelé
et les divers éléments sont tassés et comme revenus les à rendre de vrais services dans l'avenir, ainsi que le cha-
uns sur les autres, mais aucun d'eux ne semble avoir pitre suivant va nous le montrer.
disparu.
Pour le tissu nerveux tout ce que l'on remarque très
— 177 -

toutes parts du corps du défunt. C'est l'odeur caractéris-


tique de la putréfaction qui oblige même les plus coura-
CHAPITRE III.
geux et les plus dévoués à fuir loin du cadavre. On a beau
faire brûler de l'encens, des aromates, répandre des
Applications possibles du nouveau procède d'embau- parfums et des poudres odorantes, rien n'y fait. L'odeur
mement.
de la chair qui se pourrit, se propage et pénètre partout.
Il nous semble que le procédé d'embaumement dont Les voisins eux-mêmes en sont parfois incommodés (1).
nous nous occupons ici peut avoir à l'avenir d'importantes Or, nous avons vu à propos des expériences que nous
èt nombreuses applications au point dé vue hygiénique, avons entreprises que l'alcool amylique et surtout
militaire, médico-légal, social. l'éther nitrique jouissaient delà propriété d'empêcher le
développement et de faire disparaître presque immédiate-
P Au point de vue hygiénique : Quand une famille,
ment l'odeur de faisandage et l'odeur de la putréfaction
a le malheur de perdre l'un de ses membres on sait ce qu'il
si elles existaient déjà. Il suffira donc de pratiquer l'em-
arrive. Après l'immobilité, le froidissement graduel du ca-
baumement, surtout avec ce dernier liquide, pour que sans
davre, la rigidité cadavérique, il se passe dans les tissus
mutilation, sans que le mort perde une goutte de sang,
des réactions physiques et chimiques des liquides et des
tout rentre immédiatement dans l'ordre. On pourra ensuite
solides agissant les uns sur les autres, en dehors et en
conserver le corps aussi longtemps que la nécessité l'exi-
l'absence de phénomènes normaux de sa nutrition. Le
gera et cela sans fatigue, ainsi que sans dégoût et sans
résultat de cette modification qui n'est pas encore la pu-
péril.
tréfaction, puisque les microbes n'y ont aucune part, mais
qui en est comme le prodrome et le signe avant coureur, 2° Au point de vue militaire, la conservation facile
est le dégagement d'une odeur désagréable, l'odeur pro- et sûre d'un cadavre pourrait rendre des services dans
pre du cadavre, qui se faisande. Cette odeur, qui n'est certaines circonstances.
pas toujours sans dangers, prend à la gorge les personnes La fable raconte en effet, qu'Hercule, l'incomparable
obligées de rester près du corps du défunt et surtout, héros étant en guerre contre Laomédon demanda à son
à l'époque dés grandes chaleurs de l'été, les fatigue ami Licinius de lui donner son fils comme compagnon
beaucoup. d'armes.
Mais ce n'est pas tout. Bientôt, en effet, surtout si on Le père consentit à condition que le héros s'engageât
est obligé pour dès raisons spéciales de retarder, de quel-
ques jours, l'inhumation,"une'ôdèur bien plus affreuse (1) On sait qu'autrefois la mauvaise odeur qui se dégageait des
amphithéâtres de dissection faisait assez souvent naître, dans le
encore que celle dont nous venons de parler se dégage de
personnel, des indispositions plus ou moins graves.
23
- 179 -
- 178: —

à ramener Argius dans sa patrie. Mais hélas! le jeune 3a Au point de vue médico-légal.
guerrier succomba sous les murs de Troie. Dans cette
position critique, Hercule dut recourir à un expédient. Il En médecine légale le nouveau procédé d'embaume-
fît brûler Argius et envoya au malheureux père les cen- ment pourrait avoir d'heureuses applications. Il se pré-
dres de son fils enfermées dans une urne précieuse. C'était sente assez souvent, en effet, des cas où il y a intérêt capi-
peu de chose. Malgré ses vertus Hercule, s'il eût vécu de tal à conserver un cadavre plus ou moins longtemps.-
nos jours, n'eût pu rendre la vie que le sort des armes Ces faits se présentent surtout lorsqu'il faut constater
l'identité, pour pouvoir mettre à un moment donné le
avait enlevé au corps, mais il eût envoyé au moins, au
corps sous les yeux du public ou en présence de l'assassin
malheureux père, la forme sensible de ce fils bien aimé :
Hercule ainsi gardait mieux son serment en conservant pour une confrontation, ou bien dans les cas d'expertise
au père au moins l'image de son enfant. pour avoir le temps de l'examiner avec plus de soin.
Mais combien de fois, dans nos temps modernes, nos Autrefois, en Bretagne, dans la province de Cor-
nouailles et de Léon, les médecins au rapport devaient,
expéditions lointaines mettent l'Etat dans le cas d'Hercule.
dans certaines circonstances prévues par la loi, conserver
L'Etat, en effet a demandé au père son enfant et lui a pro-
mis, implicitement du moins, de le lui rendre un jour, mais le corps en le salant.
Aujourd'hui, à la Morgue de Paris, on est très bien
la mort frappe le jeune homme loin de sa patrie et des siens.
installé, pour conserver les corps tout entier dans un but
Pourquoi dans certains cas spéciaux, grâce au perfec-
médico-légal. On emploie pour cela des cellules à congé-
tionnement de nos méthodes de conservation, ne serait-il
lation ; on place de la glace et du sel marin autour du
pas permis de ramener dans la patrie, comme firent au-
corps, on plonge tout le corps dans l'eau alcoolisée, on
trefois les Grecs pour Agésilas, le jeune héros mort au
l'irrigue continuellement avec une solution phéniquée,
champ de l'honneur et du devoir, pour qu'il lui fût donné
on fait des injections conservatrices, etc.
de reposer à jamais dans le tombeau de la famille?
L'embaumement Dubois pourrait aussi être employé
Car s'il est vrai que la généralité serait encombrante,
avec avantage dans un grand nombre de Morgues, où la
l'exception ne soulèverait pas les mêmes difficultés.
luxueuse et très dispendieuse installation parisienne ne
N'est-ce pas honorer la patrie que vouloir faire reposer
peut être facilement établie, car, en même temps qu'il
en son sein ceux qui sont morts pour elle sur un sol étran-
assurerait la conservation il serait même dans quelques
ger. Et n'est-ce pas amoindrir l'hommage public rendu à
cas susceptible de rendre au faciès quelques-unes de ses
leur mémoire, que de choisir une futaille de rhum ou d'eau-
qualités naturelles. De plus, comme ces liquides ne sont pas
de -vie pour ensevelir ces augustes morts et les ramener
à proprement parler des poisons, sans gêner en rien les
sur la terre natale (1).
recherches toxicologiques ils rendraient de grands services
(1) Paul Bert et l'amiral Courbet ont été ainsi ramenés en France.
18.1. —
— 180 —
sonnes .enterrées vivantes, quatre ouvertes avant leur
en empêchant la destruction des substances nuisibles mort, cent trots revenues spontanément à la vie après
introduites dans l'organisme dans un but criminel. avoir été renfermées dans le cercueil, soixante-douze
Enfin, il est très probable qu'en empêchant les phé- réputées mortes sans l'être. (Tourdes, art. Mort. Dict.
nomènes putréfactoires des tissus, il s'opposerait aussi à encycl. ).Cest ce qui faisait dire à Winslow : « Rien de si
la formation des ptomaïnes végétales ou animales dont certain que la mort, puisqu'elle est inévitable et aussi
la production spontanée rend hésitantes les recherches naturelle que la naissance, et rien quelquefois de si incer-
de toxicologie criminelle.
tain, puisque les personnes réputées mortes et que l'on
Bien plus et il convient d'insister sur ce point important avait ensevelies sont sorties de leur cercueil et même de
à savoir que, dans beaucoup de cas le médecin légiste nê
leur tombeau. »
peut employer les procédés d'embaumement connus jus- Eu effet, on peut se trouver en présence d'un corps
qu'à présent. Comment, en effet,pratiquer une injection par froid et inerte. Il n'y a plus de phénomènes apparents de
l'aorte ou la carotide sur une victime dont le corps a été circulation et de respiration ; mais la rigidité cadavé-
mis en lambeaux par l'assassin ? D'ailleurs la découverte rique et la putrélaction ne se montrent pas encore. Que
tardive d'un corps ou les lésions qu'il présente à la suite penser alors de la réalité de la mort et quelle décision
d'un attentat criminel rendent le plus souvent aussi prendre ?
impossible l'injection générale, alors que la conservation Les Romains maintenaient le visage du défunt décou-
pourra être assurée par la méthode de Dubois, susceptible vert. Ceux qui le veillaient étaient tenus de l'appeler par
d'être appliquée, d'ailleurs, par l'aide le moins expéri- son nom plusieurs fois, à grands cris . On jouait dans la
menté en l'absence de tout spécialiste. chambre mortuaire d'instruments bruyants, tels que des
En dernier lieu, la pratique de l'embaumement Dubois trompettes. Enfin, une période de sept jours étant écoulée,
rendrait impossible les inhumations prématurées. Car s'il on appelait le mort une dernière fois, et s'il ne répondait
est vrai qu'en général il est assez facile, au bout de pas on l'inhumait ou on le brûlait après lui avoir coupé
quelque temps du moins de constater la réalité de la mort un doigt.
et que bien vite l'odeur nauséabonde qui se dégage des , Au moyen âge, en pareille occasion, on .pratiquait
tissus vient informer officiellement les personnes qui des onctions pour réveiller, disait-on, des esprits animaux
entourent le défunt que tout est bien fini et que déjà la qu'on soupçonnait de n'être qu'assoupis.
putréfaction a commencé son oeuvre, il est certainement Mais Pénicher reconnaît que ces moyens étaient peu
des circonstances où la chose n'est pas aussi facile, et il efficaces, quant à lui, il conseille de taillader à coups de
est arrivé parfois que des erreurs lamentables ont été bistouri la plante des pieds, afin de s'assurer de la réa-
commises à ce point de vue. On connaît en effet la ter- lité de la mort. D'autres demandaient la section d'artères
rible statistique de Bruhier : « cinquante-deux per-
- 1821 — — 183 —

importantes. Ces moyens nous paraissent un peu violents! leur grande mission, il sera du moins donné à leur dé-
Le nouveau procédé d'embaumement, mettrait bien vite pouille mortelle embaumée, de pouvoir rentrer dans la
en face de la réalité, en dissipant tous les doutes. terre de la patrie, pour y reposer à jamais!
On sait en effet la propriété dont jouit i'éther, de rappe- Le nouveau procédé d'embaumement, qui fait en partie
ler à la vie les personnes qui sont en syncope. Dans le l'objet de cette étude, correspond à ces légitimes désirs.
cas qui nous occupe, il suffirait de commencer l'em- En tout cas, il y a certainement une voie ouverte de ce
baumement par les pieds, en faisant là les premières injec- côté-là, aujourd'hui surtout que les progrès de la vapeur
tions avec de I'éther avant d'en arriver aux grandes et de l'électricité ont, pour ainsi dire, rapproché les dis-
cavités et d'employer l'alcool amylique, qui d'ailleurs doit tances et fait des frères des peuples les plus éloignés.
jouir à peu près des mêmes propriétés que I'éther.
Dans ces conditions, la léthargie serait très vraisem-
blablement interrompue, ou tout au moins verrait-on
sous l'influence de ces injections extraordinairement
excitantes et cependant inoffensives, quelque réaction
physiologique révélatrice se produire.
En agissant ainsi, on ferait disparaître cette espèce de
cauchemar, qui de tout temps, a hanté certains esprits :
la frayeur d'être enterré vivant. On ne verrait plus dans
la suite une veuve Rosny ordonner par testament à son
médecin de lui trancher la tête quand il la croirait morte,
et un médecin israélite, charger un de ses confrères des
lui ouvrir une carotide et une fémurale pour constater la
réalité de son trépas.

4e Enfin, au point de vue social. Nous ne sommes


pas, comme les Chinois, un peuple fermé. Nous allons,
partout au loin, porter les trésors de notre commerce, l'in-
fluence de notre civilisation, les dogmes de notre reli-
gion. Ne serait-il pas consolant pour ces pionniers
de la religion, de l'industrie ou de la science, de savoir
que, si la mort les surprend dans l'accomplissement de
— 185 —

3° Les procédés de la période scientifique sont certaine-


ment supérieurs à ceux des siècles passés. Mais aucun ne
semble parfait. Tous pèchent plus ou moins par certains
côtés.
CONCLUSIONS 4° Le procédé nouveau semble offrir des avantages réels
sur ceux qui l'ont précédé, car :

a) Le manuel opératoire ne nécessite aucune opération


délicate et l'on est toujours certain de pouvoir faire péné-
Je me proposais en commençant ce travail de faire trer le liquide dans le point indiqué quelque soit l'état du
rhistoire critique des embaumements, depuis les temps cadavre. Ce qui permet au procédé de pouvoir se vulga-
les plus reculés jusqu'à nos jours en montrant, à propos des riser rapidement étant rendu applicable par les mains les
divers systèmes qui se sont succédés, durant le cours des moins expérimentées.
âges, les avantages et les défauts de chacun d'eux. J'ai
b) Le prix du liquide employé et des instruments néces-
tâché d'atteindre ce but dans les deux premières parties
saires à cette fin étant peu élevé, on pourra appliquer le
de cette thèse. Je désirais ensuite étudier avec quelques
procédé à un grand nombre de cadavres.
détails le nouveau procédé d'embaumement dont M. le
professeur R. Dubois avait, il y a quelques mois, fait c) Les liquides conservateurs jouissant du privilège
connaître la découverte au monde savant. C'est ce que je d'empêcher de se développer ou de faire disparaître, si
me suis efforcé de réaliser dans la troisième partie. Il ne elles existent déjà, les odeurs dufaisandage et delà putré-
me reste donc plus qu'à résumer le tout sous forme de faction, trouveront de nombreuses applications dans
quelques propositions claires et précises, de la manière l'hygiène privée et publique.
suivante : d) La simplicité, la sûreté du procédé le recommandent
pour les inhumations de militaires et de marins dans cer-
1* Tous les procédés d'embaumement qui ont eu cours
taines circonstances, dans le cas surtout où l'on voudrait
durant la période empirique ne sont plus applicables de
conserver le corps de personnages importants. Il rendra
nos jours. Ils ne sauraient, en effet, s'adapter à nos
désormais le rapatriement des cadavres possible.
mœurs et à notre civilisation.
e) Les liquides conservateurs ne renfermant aucune
2" Les procédés de la période métaphysique, soit à
matière essentiellement nuisible capable de produire un
cause du peu de sûreté qu'ils présentaient', soit à cause
empoisonnement et empêchant même la destruction des
des mutilations répugnantes qu'ils exigeaient, ne sont
substances toxiques introduites dans l'organisme dans un
plus de mise aujourd'hui.
24
— 186 -

but criminel, et très vraisemblablement la formation de


ptomaïnes par la fermentation cadavérique et par la fer-
mentation putride, ils ne gêneront en rien les recherches
toxicologiques, mais au contraire les rendront possibles
TABLE DES MATIÈRES
pour un temps indéterminé.
f) Aucune lésion artificielle n'étant produite, on pourra
toujours ainsi en médecine légale conserver le cadavre
portant des traumatismes pour établir l'identité ou le
Pagei
meurtre et le montrer comme pièce à conviction. De même PRÉFACE. Deux actes président à la décomposition du corps
dans les cas de dépeçage criminel. humain :
§ I. — Putréfaction du cadavre humain 3
g) Le nouveau procédé d'embaumement rendra proba-
§ II. — Disparition du cadavre 11
blement le fait d'inhumations prématuréesimpossible dans
le cas de mort apparente, à cause des propriétés stimu-
lantes dont jouissent les substances éthérées et la manière PREMIÈRE PARTIE
dont on pratiquera l'embaumement.
Les embaumements dans le passé. 18
h) Enfin la famille et les amis des défunts, n'ayant plus
§ I. — Période fictive ou empirique 19
à redouter les opérations et les mutilations qui.sont iné-
vitables avec les procédés anciens et que beaucoup consi-
Première section
dèrent comme une profanation du cadavre, pourront
souvent recourir à l'embaumement pour conserver plus ou L'embaumement durant l'époque ancienne 19
moins longtemps le corps des personnes qui leur sont
chères. CHAPITRE PREMIER

Embaumement à durée permanente ou indéfinie 19


ARTICLE PREMIER. — L'embaumement chez les Egyptiens.. 20
ARTICLE II. — L'embaumement chez les Guanches 45
ARTICLE III. — L'embaumement chez les Incas 52

CHAPITRE II

Embaumement à durée temporaire ou limitée 61


ARTICLE PREMIER. — L'embaumement chez les Juifs. •..... 61
ARTICLE II. — L'embaumement chez les Grecs -65
ARTICLE III. — L'embaumement chez les Romains 66
- 188 — - 189 -

Deuxième section CHAPITRE PREMIER


PagM
L'embaumement durant l'époque du moyen-âge 68 Principes généraux sur lesquels repose la nouvelle méthode
d'embaumement et de conservation du corps humain 154
CHAPITRE PREMIER

Utilisation et perfectionnement des phénomènes naturels de CHAPITRE II


conservation • ' 70
§ II. — La période théorique ou métaphysique 1*4 Manuel opératoire du nouveau procédé d'embaumement et
Pénicher et ses cinq manières d'embaumer 96 transformation opérée par les liquides conservateurs 161
Embaumement de Ruysch 97 ARTICLE PREMIER. — Manuel opératoire du nouveau pro-
Embaumement de Swammerdam 98 cédé d'embaumement 161
Embaumement de De Bils 103 ARTICLE IL — Transformations opérées par le liquide con-
Embaumement de Guibert de Paris, 1633 104 servateur 168
La momie de Reims (1885). La momie de Rennes (1886) .... 115 1* Transformations microscopiques 168
2° Transformations histologiques et macroscopiques 173

DEUXIÈME PARTIE CHAPITRE III


L'embaumement dans le présent 117
Applications possibles du nouveau procédé d'embaumement 176
1° Au point de vue hygiénique 176
CHAPITRE PREMIER 2° Au point de vue militaire 178
3" Au point de vue médico-légal 179
Méthodes pour conservation indéfinie 119
4" Au point de vue social 182
Chaussier et sa découverte; méthode de Boudet, pharmacien
CONCLUSIONS 185
et embaumeur des sénateurs du premier empire ; embau-
mement de William Hunter, de Garinal, du Dr Sucquet, de
Laskowski, de Brunetti, du D'Variot 120

CHAPITRE II

Méthode pour conservation temporaire ,, 142


A. — Substances liquides 142
B. — Substances pulvérulentes 149

TROISIÈME PARTIE

L'embaumement dans l'avenir 152


Période positive 'ou scientifique
L'embaumement R. Dubois ■ 1SÎ
ERRATA

e 35 lisez Privées et non Rivées.


43 » Aussi et non Ainsi.
45 » Czermak et non Ezermak.
47 » Par un but et non parmi leur.
48 » Graisses et non graines.
50 » Ces peuples et non les peuples.
56 » Dardait, réchauffait et non dardant, réchauffant.
60 D Emploient et non employaient.
65 » Hiblœo et non hiblœ.
77 » Et qu'elles èt non ce qu'elles.
84 » Illatœbilis ora et non illataebilis ova.
94 » Exosmotiques et non anasmotiques.
96 )> Raréfieraient et non caréfieraient.
107 II On coupera et non en couper.
110 » Comme exemples et non par exemple.
» >> M"* la Dauphine et non M. le Dauphin.
» » Décrivit et non découvrit.
111 Agisilas et non Agesilans.
» » S'écrie et non se récrie.
114 0 A la partie inférieure du corps et non à la partie
intérieure du corps.
121 » Pelletan et non Pelleton.
126 1 A une momie guanche et non à une momie
cuanche.
131 )) Isoler le corps et non isoder le corps.
* \

JBIB LIOTHÈQUE
'DE L'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE ET DES SCIENCES PÉNALES

iAoMBNA. (D.-B.)i Professeur à l'Université de JS'aples. — Le projet du


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» — La législation comparée dans ses rapports avec
; l'anthropologie, l'ethnographie et l'Vjstoire 1 fr. »
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D'PAUL AOBRY, — De l'homicide commis parles femmes 1 fr. 50
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! criminalité à Lyon et dans les départements circonvoisins 1 fr. »
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i> Les grands criminels de Vienne. — Hugo Schenk. Dessins et pl. 1 fr. 50
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Police. — Les signalements anthropométriques 1 fr. » •
» — L'Anthropométrie judic:.aue à Paris en 1889 (4 planches) ... 1 fr. 50
X. BODIO, Direct. Gén. de la Statistique du Royaume d'Italie. Statistique
Criminelle en Italie 1 fr. &
IALBBRT BOUHNICT.— Une mission en Corse, notes d'Anthropologie criminelle. 1 fr. »
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droit de Lyon) 3 fr 50
FERIU (Enrico), —: Variations tliermométriques et criminalité 1 rr. »
FOCHIEII, Prof es. à la Faculté de Méd. de Lyon, et HISNHY COUTAGNIS, Chef
des trav. de méd. lèg. à la Fox. — Avortement criminel démontré au
bout de plusieurs mois par le diagnostic rétrospectif de la grossesse.. 1 fr.'»
FaiGffiRio (Dr h.), Directeur de l'Asile d'aliénés d'Alexandrie (Italie). —
L'oreille externe, étude d'anthropologie criminelle (18 figures) 2 fr. »
R. GARRAUD Pro fesseur à la Faculté de Droit de Lyon, et Dr PAUI, BEHNARD.
— Des atlentals à la pudeur et des viois sur les enfants. 1 vol. in-8,
44 pages (Avec Graphiques en couleur) 2 fr. ».
VON HOU'MANN, Profes. de Méd. Légale à l'Univ. de Vienne — Etude
Médico-légale sur les fractures du larynx 1 fr.
'■ » Affaire de Tisza-Eslar 1 fr.
.HUQOUNENQ (Dr L.), Agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon. —La
putréfaction sur le cadavre et sur le vivant 1 fr. 35
HENRI JOLY. — Le IV Congrès pénitentiaire intern., St-Pétersboui-g 1890...
8
1 fr. »
;
JOLY (H.). — Les lectures dans les prisons de la Seine 1 fr. »
;A. LACASSAGNE (Dr), Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon. — De
., la submersion expérimentale. Kôle de l'estomac comme réservoir d'air
chez les plongeurs i fr. »
» —L'affaire du Père Bèrard (avec une planche) i fr. 50
» — Des effets de la baïonnette du fusil Lehel 1 fr.
» — Des ruptures de la matrice consécutives à des manœuvres
abortives 1 fr. »
LACASSAGNE(A.), et HUGOUNENQ, Du Cyanurede Potassium au point de vue mé-
dico-légal et toxicologique 1 fr. »
r
LADAMK (D ), Privat-docent à l'Univ. de Genève. Affaire Lombardi.
Suicide combiné d'assassinats commis par une mère sur ses enfants ... 2 fr. »
r » —L'hypnotisme et la médecine légale 2 fr. 50
:M. LANNOIS (D'). — Agrégé à la Faculté de médecine de Lyon, médecin des
: hôpitaux. — La surdi-mutité et les sourds-muets devant la loi 1 fr. 50
r
'LAURENT (D ).—s Les dégénérés dans les prisons 1 fr. »
G. LINOSSIER, Agrégé à la Faculté de Médecine de Lyon. —Les'Ptomaïnes
et les Leucomaïnes au point de vue de la médecine légale 1 fr. 25
B-OLLET, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon. — De la trans-
mission de la Syphilis entre nourrissons et nourrices 1 fr. »
Î'T.TARDB. — Positivisme et pénalité t fr.
DOCUMENTS
de Criminologie et de Médecine légale

1
L. ALAMARTINIS (D'). — Etude clinique et inédit-légale sur les .troubles ,
nerveux consécutifs aux traumatismes. 1 voi: 'in-S, 100 pages 3 li . » , .-,
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la baïonnette • 3 li. »
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avec graphique 3 II. 50 J|É,
r
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1 vol. in-8, 100 pages 3 (i »
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1 vol. in-8, 88 pages 3 fr. » -; ,}
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S. GHARRIN (Dr). — Des blessures du cœur au point de vue médico-judiciaire.
1 vol. in-8 • ■ • 2 fr. » ;>
HENRI GHARTIER (Dr). — Examen médico-légal et autopsie des enfants
nouveau-nés. 1 vol. in-8 de 100 pages 6 3 fr. » -#
Y.-F. CLAIR (Dr). — Les lésions de l'oreille chez les aliénés "î li » 1
1
ANDRÉ FKIÏOON. (Drj. — Des empreintes en général et de leur application \-
dans la pratique de la médecine judiciaire. 1 vol. in-8, 112 pages (14 f4j:
figures dans le te->;te) 3 l'i »
GRAND-GI.ÉMENT (Dr). — Les blessures de l'œil au double, point de vue des
expertises judiciaires et de la pratique médicale. 1 vol. in 8, 40 pages
(Planche en couleurs) 3 fr. »
ÛUILLEMA UD (Dr). — Les accidents de chemin de fer et leurs conséquences ,
médico-judiciaires. 1 vol. in-8, 150 pages 3 fr. »
JULIA (Drj. — De l'oreille au point de vue anthrop.- et médico-légal. 1 vol. 4
in-8, 120pages (12 f'ff.) 3 fr. » 1
KEIM ("O').— De la fatigue et du surmenage au point de vue de l'hygiène et
de la médecine légale. 1 vol. in-8 100 pages 3 fr. »
P. LK MÈHAUTË (Dr). Médecin de Marine. — De l'empoissonnement par la
strychnine en médecine judiciaire. 1 vol. in-8, ilîpages 3 fr. »
L. LoHiON (Dr), Médecin de Marine.— Criminalité et Médecine judiciaire
en Cochinchine. 1vol. in-8, de 140 pages 3 fr. »
G. MARSAIS (DR), Médecin de l'armée. — Des blessures de la matrice dans
les manœuvras criminelles abortives. 1 vol in-8, 96 pages 3 fr. »
A. MATHIEU (D') — Essais sur les indications sèméiologiqnes qu'on peut tirer *
de la forme des écrits des épileptiques. 1vol. in-8, (avec 11 pl. hors texte) 3 fr. 50 "■',,\
GEORG. MAUDUIT (D'). — Du Cyanure de potassium eu médecine judiciaire. V*.
v
1 vol ... 3 fr. »;. |
M. MERCIOLLE. — Appréciation de l'examen médico-légal de la dentition . |
dans les questions d'identité, un vol. in-8, 3 fr. ».
PARCULLY (Dr).— Des embaumements..Etude historique et critique avec des-
cription d'une nouvelle méthode. 1 vol. in-8, 200 pages 3 fr. 50 ''
Louis PERCHERON (Dr), Médecin de Marine. — Contribution à l'élude
clinique et médico-légale des contusions et ruptures du foie. 1 vol. iu-8, 2 fr. 50
Louis RAVOUX (Dr), — Du dépeçage criminel au noint de vue anthropologique
et médico-légal. Notes de M. le Prof. Lacas^agne. 1 vol. iu-8, 210 pages ■■-;
(4 plane, etiphototypie.) 5 fr.
Etienne rtO'.LKT (DO-.— De la Mensuration des os longs des membres dans v-j
ses rapports avec l'ànthropologiev"la cliirque. «t la médecine judiciaire - -i
1 vol., 128 pages .V'.'7" 3 fi 50
DR SENDRAL. —Etude critique sur la crémation 2 fr. »
MAX SIMON (Dr), Médecin en chef de l'Asile de Bron. — Les écrits et dessius
des aliénés (27 fac-sim.) 3. fr. »
DR CH. TEISSIER. — Du duel au point de vue médico-légal et en particulier :-\
' dans l'armée 2 r. 50
VIALETTE /Dr A.). — Des cicatrices au point de vue médjco-légal. 1 vol.
in-8, 80 pages , 3 fr. » *\ •

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