De La Découverte Des Bosons Vecteurs Intermédiaires W Etz: Prix Nobel de Physique 1984
De La Découverte Des Bosons Vecteurs Intermédiaires W Etz: Prix Nobel de Physique 1984
De La Découverte Des Bosons Vecteurs Intermédiaires W Etz: Prix Nobel de Physique 1984
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler quelques-unes des étapes qui ont conduit
à des résultats aussi impressionnants que la mesure de la masse du Z 0 avec une
précision de 1/100 000 ou la détermination du nombre de types de neutrinos. Ceci nous
aidera à apprécier pleinement le chemin parcouru depuis le temps de la découverte d
l’interaction faible dont l’interprétation semblait poser des problèmes conceptuels insurmon-
tables qui contraste avec la simplicité étonnante de la solution choisie par la Nature.
C’est dans les années 30, avec Enrico Fermi, que des physiciens ont fait les premières
tentatives sérieuses de construction d’une théorie qui décrive correctement l’interaction
faible. A l’époque, il s’agissait d’une théorie «ad hoc» : quatre particules étaient créées
simultanément en un même point par l’interaction. Ce qui est vraiment merveilleux, c’est
que la solution obtenue quelque cinquante ans plus tard, explique bien entendu l’interaction
faible, mais l’englobe dans le cadre d’une théorie unifiée de l’interaction électromagnétique
et de l’interaction faible. Un précédent fameux dans l’histoire de la physique est dû à
Maxwell, qui unifia la force électrique et la force magnétique. Aujourd’hui, nous ne parlons
plus que d’une seule force : la force électro-faible.
Figure 1a : Désintégration .
Il n’y avait pas unanimité sur l’existence des Bosons Vecteurs Intermédiaires,
même après la découverte, dans la chambre à bulles Gargamelle, en 1973, des courants
neutres (dont on sait aujourd’hui qu’ils sont effectivement dus aux interactions du Z 0).
Les premières recherches expérimentales, dans les années 60, n’étaient sensibles qu’à
des masses du W de l’ordre de la masse du proton (~ 1 GeV). Certains physiciens se
sont même demandés en 1974, si la particule J ⁄ Ψ qui venait d’être découverte, n’était
pas en fait le Z0 lui-même ! Même si toutes ces péripéties peuvent aujourd’hui prêter
à sourire, nous pouvons apprécier combien il fut difficile de construire ce qui nous
apparaît désormais comme une évidence : le Modèle Standard.
Un élément important du Modèle Standard est le fait qu’il prédisait les valeurs des
masses des Bosons Vecteurs Intermédiaires, de l’ordre de cent fois la masse du proton,
à une époque où la particule la plus lourde connue était le J ⁄ Ψ avec une masse de
3.1 GeV. Le J ⁄ Ψ pouvait encore être formé dans une expérience où un accélérateur (le
synchrotron à protons AGS de 30 GeV de Brookhaven) envoyait des protons sur une
cible fixe. Dans ces conditions, la plus grande partie de l’énergie cinétique est gaspillée
dans le recul de la cible et seule une faible partie (10 %) est utile pour former la
particule. La situation empire considérablement aux énergies supérieures, à cause de
la cinématique relativiste. Par contre dans un collisionneur, toute l’énergie est
disponible dans le centre de masse. Pour espérer atteindre les énergies nécessaires de
l’ordre de 100 GeV, il fallait donc à tout prix disposer d’un collisionneur de particules.
En 1976, dans une contribution à la Conférence Neutrino d’Aix-la-Chapelle, en
collaboration avec P. McIntyre et D. Cline, j’ai proposé de transformer, soit au
Laboratoire Fermi aux États-Unis, soit au CERN à Genève, un accélérateur existant en
un collisionneur proton-antiproton. C’était une époque où les collisionneurs e+e–
étaient à la mode et où le CERN pensait déjà au LEP (le grand collisionneur à électrons
et positons). Notre idée était d’opérer une rotation du diagramme de Feynman
représentant la désintégration (figure 1a), le W pouvant ainsi être produit dans
l’annihilation d’un quark avec un antiquark, et ensuite se désintégrer en un électron et
un neutrino (figure 1c).
Notre proposition ne fut pas accueillie avec grand enthousiasme. En fait, la revue
américaine Physical Review Letters, refusa de publier notre article. Beaucoup
pensaient que, même si l’accélérateur était construit et fonctionnait comme prévu, il
serait impossible d’extirper un signal d’un bruit de fond formidable provenant de
l’interaction forte. Le grand souci du CERN était aussi qu’il fallait consentir pour cela
un arrêt impératif de plus d’un an du SPS, alors que ce dernier venait juste d’être mis
en service. En fait, l’arrêt ne fut que de onze mois, et les physiciens qui y faisaient
leurs premières expériences furent tous contents de pouvoir bénéficier d’un peu de répit
afin d’analyser leurs données et d’améliorer leurs détecteurs.
Figure 2 : Exemple d’un événement W enregistré par le détecteur UA1. Le détail des traces enregistrées
par la chambre à fils, montre la trajectoire très rectiligne de l’électron de haute impulsion émis dans la
désintégration de ce W (Photo CERN, X 63576).
Figure 3 : Exemple d’un événement Z0 enregistré par le détecteur UA1. Cette photo montre à la fois la
reconstruction dans la chambre centrale et dans le calorimètre qui l’entoure, de la paire e+ e– créée dans
la désintégration de ce Z 0 (Photo CERN, X 168-4-87).