DDFC - Femme Reveille Toi

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16 Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

XVI

Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas


assurée, ni la séparation des pouvoirs1 déterminée, n’a point de
Constitution ; la Constitution est nulle2, si la majorité des indi-
vidus qui composent la nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.

XVII

95 Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés ;


elles ont pour chacun un droit inviolable3 et sacré ; nul ne
peut en être privé comme vrai patrimoine de la nature, si
ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée,
l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préa-
100 lable indemnité4.

Postambule

Femme, réveille-toi ; le tocsin5 de la raison se fait entendre


dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire
de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de
superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dis-
105 sipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme
esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux
tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste
envers sa compagne. Ô femmes ! femmes, quand cesserez-
vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous
110 avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué,
un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous
n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire

1. Séparation des pouvoirs : séparation des trois pouvoirs politiques (le légis-
latif, l’exécutif et le judiciaire). Ce principe est formulé par Montesquieu dans
L’Esprit des lois.
2. Nul : inexistant, sans valeur légale.
3. Inviolable : qui est protégé par la loi.
4. Indemnité : somme d’argent accordée en compensation d’un dommage subi.
5. Tocsin : sonnerie de cloche (coups répétés) destinée à donner l’alarme pour
avertir ou pour mobiliser.
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne 17

est détruit ; que vous reste-t-il donc ? la conviction des injus-


tices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée
115 sur les sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redou-
ter pour une si belle entreprise ? le bon mot du législateur
des noces de Cana1 ? Craignez-vous que nos législateurs
français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée
aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne
120 vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et
nous ? Tout, auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans
leur faiblesse, à mettre cette inconséquence2 en contradiction
avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la
raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous
125 sous les étendards3 de la philosophie ; déployez toute l’éner-
gie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux,
nos serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de
partager avec vous les trésors de l’Être suprême. Quelles que
soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pou-
130 voir de les affranchir4 ; vous n’avez qu’à le vouloir. Passons
maintenant à l’effroyable tableau de ce que vous avez été dans
la société ; et puisqu’il est question, en ce moment, d’une édu-
cation nationale, voyons si nos sages législateurs penseront
sainement sur l’éducation des femmes.
135 Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte
et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur
avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes
les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne
leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles
140 commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement
français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l’adminis-
tration nocturne des femmes ; le cabinet n’avait point de secret
pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère,
présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise

1. Le bon mot du législateur des noces de Cana : lors d’un mariage à Cana
(Galilée), Jésus (parfois appelé le législateur des chrétiens) rabroue sa mère,
qui craint que les invités ne manquent de vin, en lui disant : « Femme, que
me veux-tu ? ». Peu après, il accomplit son premier miracle : transformer l’eau
en vin.
2. Inconséquence : manque de logique et de suite dans les idées.
3. Étendard : drapeau servant de signe de ralliement.
4. Affranchir : franchir, sauter par-dessus.

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