8.LEHMANN - Pour Une Approche Culturelle - Aula 8
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1.1. Nécessités et difficultés
d'une intégration didactique
Pour une approche
Au-delà de l'acceptation des différences, c'est-à-dire ici du
culturelle de la principe selon lequel des différences existent et font obstacle
à la cornrnunication, se pose la question de la connaissance
COD1.D1.unication concr-et.e de celles-ci; une pr'erniê re étape consisterait
évidernrnent à fournir aux enseignants, plutôt qu'une
connaissance directe qui est sans doute rnoins affaire de
spécialisée savoir livresque sur une société donnée que de fréquentation
de cette derrriere, les outils d'analyse des faits de culture
[...] l'acquieition. d'une autre langue [...] ne constitue que L'un. lesquels outils présentent en outre l'avantage de pouvoir:
des facteurs de communication et de coopératíon auec des mutatis mutandis, s'appliquer à la diversité des contextes.
« étrangers .», Car il y a de» I'étrange »clanele concept d'étranger. Deux constats perrnettent de penser que, sur ce point, de
C'est-à-dire non seulement quelqu'uri qui est d'urie autre nation ; sensibles progrês ont été réalisés depuis rnoins de dix ans
mais aussi comme le dit le La.roueee, quelqu'un qui par la didactique; restera à étendre ces avancées au
« n'appartie/tt pas à la chose dont on parle »» ••• qui peut ag~rde dornaine de la cornrnunication spécialisée.
, façon» contraíre à l'usage, ~ L'ordre, au ?on sens » ! TL!;p;alller~
,~ communiquf!T_Lcréer_a_u._ekd'sLutres .impâique-doauz.que st_o-!l!_T_es D'une part et pour ne prendre d'abord, sous réserve
conâTtLonssoient réunies que la se-ulepossession d'urudangll_e__ d'inventaire pe ce qui. peut se passer ailleurs, qu'un exemple
commune. [...] La premiêre conçl.i1tQl1 çQ1}sisteà fa.ire l~eff()rtde_ emprunté a la situation française, les programmes
connaUre et de cornprendre, a min.irna, les fondements et le_s_ universitaires de formation au français (que l'on nomme
déterminants de la culture.de-l'autre. [...]C'est donc un uéritable « langue étrangêre ») comportenté aujourd'hui en France des
trauail de reconnaissance et de décodage qtc'iis'agit de conduire enseignements dits d« anthropologie culturelle» dont
pour sentir ce qui détermi1!e les raisons d'~tre et de se c0r:tporter l'objectif - pas toujours respecté iI est vrai - consiste préci-
dans les échanges techriiquee, cornrnercuxu.xou relatzonnels.
Car ii faudra sans cesse y réintégrer des relacione,p~u~-êtretre,! sément à foumir les outils de «lecture» des sociétés dont iI
différentes, aux hommes et aux fernrnes, au ternpe, a 1argent, a est question ici ; pas seulement, cela est à noter, la lecture de
la « face », à l'autorité, d'autres « logiques de L'hon.neur »» [. •• ]. la société française, mais celle des sociétés en général.
Ces réflexions de P. Casparl, tout à fait inconcevables iI D'autre part, rernarque qui là ne s'applique pas qu'au
ya seulernent quelques dix an~, ,illustrent excellern~ent la seul contexte français, l'enseignernent de la «civilisation
profonde évolution des rnentahtes concemant la part de la française» a fait l'objet d'évolutions que chacun peut
cornposante culturelle dans l'apprentissage des langues observer: iI y a quelques années déjà que se sont
étrangeres. rnultipliées les publications3 prônant une approche
sociologique et ethnologique qui, dans les faits (c'est-à- dire
Peut-on surrnonter l'ethnocentrisrne, inhérent à tout dans les rnanuels et dans les cours), vient supplanter la
individu et qui le pousse à faire cornrne si tout se rnesurait quincaillerie de cartes postales et de stéréotypes qui a bien
à l'aune de ses propres cornporternents? Un ethno- longternps tenu lieu d'enseignernent de la civilisation,
centrisrne sans doute aggravé dans les sociétés occi-
dentales, tout particulierernent dans celles ou, à l'irnage de
la société française, chacun sernble considérer, depuis des 2. Dans le cadre de la maitrise, donc au programme de la quatrieme année
siecles, cornrne tout sirnplernent naturel que les autres uni versi taire.
apprennent sa langue et s'impregnent de sa culture. 3.Voir, parmi les plus notables, L. Porcher (coord.), La ciuilisation CLE
international (coI!.DLE), ~985 ; G. Zarate, Enseigner uneculture étrangere,
Hachette (co1l.F), 1986 ; Etudes de linguistique appliquées 69, « Observer
II 1. Préface à P. Carré, Organiser l'apprentissage des langues étrangeres, et décrire les faits culturels » (coordonné par G. Zarate), 1988.
II Les éditions d'organisation, 1991, p. 13.
ii
.' '1"L'é~t de la question
..:'12 , Pour une approche culturelle de la cOUlIl1unication
spécialisée
L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOUlIl1unication
spécialisée
I 13
instruments didactiques permettant 1'intégration de ceux-ci dout~ avisé de multiplier les outils de 'formation des
eriaergrrarrta destioés à la favoriser.
dans les programmes d'apprentissage. C'est donc dire que
là comme ailleurs - sinon même plus encore qu'ailleurs -la . S'agissant des ~ifférences de comportements profes-
prise en compte de la composante culturelle ne saurait se aiormels comme de bien d'autres spécificités de type culturel
comprendre comme une juxtaposition à la composante les fron~ier~s ne son,~en effet pas seulement celles des pays ~
Iangagiere, vague cerise sur le sommet du gâteau, et que en partlCuh,er, ce q~ 11est c?nvenu. de nommer aujourd'hui la
son intégration pleine et errtiere au sein du programme «culture d entrepnse» faít. partIe de ces savoirs sur les
d'apprentissage représente un impératif en même temps comporternents dans le travail susceptibles d'intéresser la
que le moyen de résolution du paradoxe exposé plus haut. conceptlOn de programmes d'enseignement des langues.
Mais tentons d'abord, à partir de quelques exemples, de
cerner les caracteres propres de la dimension culturelle
dans le cas des publics spécifiques. 1.2.1.Le monde des affaires
et les relations internationales
. , Peut-être est-on là en train d'évoquer un inatteignable
4.Voirl'exemplebanal des différencesimportantes dans la chronologiedes Ideal, dans la mesure ou les études interculturelles sur les
repas (pour ne pas parler de leur composition)chez ces proches voisins que
sont les Allemands, Anglais, Espagnols, Français et Italiens. comportements dans le travail ne sont pas légion. S'ajoute
,:14
'I',
, j'
i:')é~atde la question
Pour une approche culturelle de la cOIIllI1unication
spécialisée L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOIIllI1unication
spécialisée
Les autres menerrt de front plusieurs activités et ne 1.2.2.« Culture d'entreprise »11
voient aucun inconvénient à s'interrompre momenta-
nément et à enchâsser les tâches les unes dans les autres. Mais on s'accorder-a sans peine à considérer que les
frorrtier-es des Etats, pas plus que les limites des territoires
Ces différences dans la conception et la gestion du ethniques ou linguistiques, ne suffisent à tracer la carte
temps représentent elles-aussi des obstacles .à la des différences et des difficultés à cornrnuniquer. Et
cornmunication professionnelle, et l'ouvrage en forrrrrit; un puisque la cornrnunication spécialisée est avant_tout une
exemple tout à fait éclairant : _ªff~i:re__ill:l....çornrn~~~at~ dan~_le tr-ªyail, on cornplétera
La filiale mexicaine d'une grande entreprise américaine est m airrterrarrt ce qui preceaeen faisant référence à des
dirigée par un mexicain. La direction générale vient à l'.!exico recherches consacrées à la connaissance des lieux de
pour definir les objectifs de ~'ann~esuiva,nte.. La réu_n.wn_ se travail et des rnentalités qui s'y façonnent.
déroulesuivant leprogramme établipar la direction.amertcatne.
Qui a tout préuu, sauf de laisser à la direction mexicaine la Le travail cornrneobjet d'analyse
possibilité de s'exprirner sur cer~ains p'roblem~s locaux, ~ont
pourrait bien dépendre la. su_rvzede l ent:epnse. M__algre se_s La chose est désormais possible par la notable évolution
efforte, la direction rnextcacne ne PC!rment pas a obtenir des travaux en sociologie et en ethnologie qui, les uns
L'in.scripciori de son projet à l'ordre du four: [. ..] cornrne les autres corraidê rerrt aujourd'hui l'entreprise
Bien sür, on peut décréter qu/il e'agit:Ià, tout simpl~'!';ent, d'uri cornme un objet d'étude, aboutissant ainsi à se pencher sur
mauvais management. Mais la faute est am.plifiée par la la notion de!« culb.lre-a""entréj?riSey)Cpourn'évoquer ici que
distance entre deux cultures, l'une monochronique (USA) et l'aspect de ces recherches qui conceme plus particulie-
l'autre polychronique (un pays d'Arnérique latine).IO rernent notre propos). Que cache, ou que révele, cette
expression aujourd'hui t.res à la rnode ? Ernanant de deux
sources distinctes - c rnanagers » d'un côté, chercheurs
Agrégats ethnologues ~t sociologues de l'autreI2 - elle pourrait donc
On notera enfin que Edward T. Hall et Mildred Reed bien représenter I'erublêrne de deux croisades différentes
Hall établissent une relation rnéthodologique entre ce qui n'exclut évidernrnent ni qu'elles se cornbattent ni qu~
l'ensemble de ces données. Outre le rôle des interfaces dans la seconde armée vienne à l'occasion prêter rnain forte à la
la régulation des différences interculturelles, ces der-niê.res prerrriere.
s'appréhendent par le truchernent d'agrégats de concepts
tels que ceux que l'on a pris ici en exernples. C'e~t arnsr que Mais avant d'évoquer ces deux sources distinctes de la
les civilisations « haut coritexte » seront en rnerne ternps notion de culture d'entreprise, tentons de préciser quelque
« polychrones », alors que les civil~sations « bas contexte» peu la notion, sans que pour autant la citation qui suitI3
se caractériseront par une gesbon « monochrone» du doive être considérée cornrne une véritable définition :
ternps. II va sans dire que tout n'est p~s aussi tranché et Telle qu'elle est aujourd'hui comprise, la culture d'entreprise
que les diverses nuances - et les dIverses cultures consiste en principes plus ou moins clairement exprimés, en
peuvent se répartir le long d'un axe bo;rné p~r l~s ,deux
extrêrnes. Des individus ou groupes socIaux sItues a ces 11. J e remercie vivement François Faraut, Conseiller régional à l'ethnologie
au Ministere de la culture, pour les éclairages qu'il m'a obligeamment
deux extrêmes seraient évidernrnent ceux pour qui les fournis sur cette questiono
difficultés à communiquer et à travailler en commun 12. <?ommunauté réduite ici, comme dans ce qui suit, de maniere
seraient les plus importantes, ceux pour qui le travail de abuslvement réductrice et excessivement territoriale aux sociologues et
mise en place des interfaces serait le plus nécessaire ; ce aux ethnologues. Psychologues sociaux, économistes historiens
pourrait donc bien être dans ces contextes d'apprentissage sociolinguistes et ethnographes de la communication y ont également leu;
place.
des langues que la part du culturel s'avererait la plus
13. Ph.-J. Bernard, « Culture, structures et innovation. Questions au
déterminante. colloque », Introduction à Culture, structures et innovation École
Polytechnique, 29-30 octobre 1990, sous le haut patronage du Ministre de
la Recherche et de la Technologie. Multigraphie, p. 4. Ce colloque réunissait,
comme beaucoup d'autres sur la question, des chercheurs et des cadres ou
dirigeants d'entreprises.
10. Op. cit., pp. 45-46.
20
'I', L'ét.at de la question
PoUr une approche culturelle de la cODlD1unication
spécialisée
L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cODlD1unicationspécialisée
conduite du métier, accomplissement de la vocation, rêgles de les fondements des rapports sociaux de la grande société
conduite, normes de comportemênt, attitudes en réponse à des industrielleconvalescentede deuxguerreset tirant desesstructures
situations données.Elle estfaite de valeurs idéologiques,morales de production la source même de ses liens sociaux.14
et professionnelles, de conceptions de base, croyances
fondamentales plus ou moins bien perçues qui constituent le Aujourd'hui, accompagnant (?) la «réhabilitation» de
cc subconscient » de la firme. l'entreprise dans les médias, l'opinion publique et la spbêr-e
politique, la sociologie française l'érige en «catégorie
pertinente »15.TI semble en aller de même pour l'ethnologie,
Enjeux de la recherche et enjeux du m-arohô quelque peu en peine de terrain (Ie temps n'est plus aux
«bons sauvages» quand Guayaquis et Trobriandais
D'un côté des «managers» que l'on peut classer comme roulent en Mitsubishi), mais surtout en chantier de
modemistes, convaincus qu'aujourd'hui l'amélioration des remembrement épistémologique (ce n'est pas le terrain,
performances passe par la responsabi_lisation d~s agents de donc l'objet de la recherche, qui définit une science),
tous niveaux . qu'en somme le tayloTIsme a fait son temps
et qu'une ent;eprise qui =r=ro~<;lest b!en moins c~~le.ou
prédomine le sentiment d une hierarchie toute mifit.arre
renouvelant sa légitimité en se tou'rriarrt de plus en plus
vers les sociétés dites développées, les sociétés
industrielles, vers l'entreprise elle-même, pour en faire un
que celle ou se partage celui d'une ~ppartenance fort~ ~ objet de recherche ; avec autant que possible quelque
une communauté tendue vers un meme but. De ce cote, prudence, comme Ie souIigne Gérard Althabe16 :
l'expression «culture d'entreprise» représente donc
l'étiquette d'une tentative visant à. associer d'une ~art Il est d'abord nécessaire de désacraliser (dans nos esprits)
modification industrielle des techrriques de p'rod.uct.iorr, I'erüreprise, la considérer comme un terrain d'investigation
comme les autres, un terrain banal en quelque sorte. En effet,
introduction d'innovations technologiques, modification pendant des décades on a fait du travail industriel et des
concomitante des modes d'organisation impliquant la ouvriers les porteurs de l'historicité ; depuis 1980 les positions
disparition plus ou moins prononcée de modeles ont été invlfrsées et les entrepreneurs se sont transformés en
étroitement hiérarchiques et pyramidaux, et d'autre part héros de la construction de la modernité : l'entreprise est ainsi
un changement dans les modes de relations au travail, aux présentée comme le lieu ou se fabrique le destin du monde, la
personnes, et plus généralement à l'entreprise ; ceei ét~n~ caverne ou se dissimule le secret de l'engendrement de notre
bien entendu supposé favoriser cela. En ce sens, pa.rverrrr a société.Cefaisant, toute approche de l'entrepriseest transformée
ce que se forge une forte culture d'entreprise est donc, pour en une rencontre avec le sacré, ce qui entre autres encrcüne la
certains « managers » modernistes, un moyen parmi soumission à une logique d'u n. fonctionnement présenté comme
intouchable. Nous devons nous Libérer de cet enchantement.
d'autres d'améliorer les performances de l'entreprise. Et
c'est de ce côté que la formule est aujourd'hui t.res en vogue. Du point de vue des chercheurs en sciences humaines, iI
y aurait en somme des cultures d'entreprise comme iI y a
D'un autre côté la communauté scientifique des des cultures nationales ; on a déjà vu, avec E.T. Hall- et on
chercheurs en sciences humaines. Et en premier lieu les le on verra plus encore avec d'autres travaux - ce qui lie
sociologues, pour qui l'entreprise et son u~:livers ?e étroitement ces deux types de culture.
représentaient guere, avant la fin des années soixarrte-díx,
un objet de recherche : On remarquera néanmoins que, d'une source à l'autre,
si Ies projets sont différents, les discours eux-mêmes ne
[' ..J l'objetscientifique de recherchen'était pas l'e_11;t,;eprise
en.soi, sont pas nécessairement antagonistes; que l'on en juge -
mais bien plutõt le destin de la grande société induetrielle
d'apres-guerre, qui se jouait profondément dans les efr.ets
structurants d'uri travail industriei en constante progresston.
dans les villes, elles-mêmes alimentées par L'exode "_ural. 14. R. Sainsaulieu, «Changer l'entreprise, une affaire de société »,
Comprendre l'aliénation et la division sociale du trcusail, les Introduction à L'entreprise, une affaire de société, R. Sainsaulieu (dir.),
greveset le militantisme syndical, lesl?hé,,!-omenes relation'!l~lset Presses de la Fondation Nationale des SciencesPolitiques, 1990,pp. 13-14.
conflictuels de la vie dans les organieattone, la.complexzte des 15. Pour paraphraser le titre d'un colloque et d'un ouvrage collectif :
jeux decommunication et dedécision,leseffetssoctau.xinattendue L'eritreprise, catégoriepertinente de la sociologie ?, PUL, 1987.
du changement technique liés à l'autor:z-ationet aux débuts_de 16. «Désacraliser l'entreprise : un terrain ethnologiquebanal ", Entretien
l'informatique ...était l'objectifdecessocwlogues.Ilsy cherchalent avecMoniqueSelim,Journal des anthropologues43-44,juin1991,pp. 17-21.
22 I L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOJDJDunication
spécialisée L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOJDJDunication
spécialisée 123
trop hâtivement sans nul doute ;- au seul titre de l'ouvrage
intemationales, non plus cette fois dans la négociation
dirigé par R. Sainsaulieu 17, ou encore à travers les propos
mais dans la gestion des entreprises, dans ce qu'il nomme
d'un ethnologue18 : les <rruxn.iê ree spécifiques de gérer et de travailler
Le point d'ancrage spécifique de I'eth.nologue dans l'entreprise, et ensemble »22. .
même le clou sur lequel ii tape, e'affirme en effet de la considérer
d'abord (pasau déni du reste,production, financement, technologie ~es comparaisons, menées sur trois pays, France, États-
etc., mais comme préalable) comme une communauté de travail Um~ et. Pays-Bas, permettent de dégager des principes
(non homogêne) organisée culturellement dans un projet, une exphcatIfs des comportements au travail respectifs, l'accent
attitude vis à vis de son environnement (publics, parte naires, étant partãculierernerrt mis sur les relations hiérarchiques
concurrence, etc.). Communauté signifie immédiatement pour et la conception que l'on se fait, dans chacun de ces pays, de
un ethnologue que la finalité de l'interoentiori est d'éch.apper à la ses devoirs vis-à-vis des tâches à accomplir et, plus
dualité dirigeant-agent, si souvent source de pusillanimité ou de g~néraleIl_lent,de l'entreprise à laquelle on appartient. On
conscience malheureuse du chercheur sociologue, Car pour dispose la de quelques excellents exemples des déficits
l'ethriologue, le discours identitaire constitutif en ceuure -
explicitement ou irnplicitement, dans l'ouuerture ou l'injonction, potentiels de communication entre professionnels
sclérosé ou vivant - travaille L'eneernble de la communauté qui a~pa~enant à de~ cultures différentes, le tout méritant que
elle-rnême le forge. IUlsoierrt consacrees quelques lignes.
Une logique du consensus les aspects les plus évidents et Ies plus probants en
Les Pays-Bas représentent le t.roi aiê me et ~e;nier privilégiant l'évoeation de travaux eonsacrés à des
exemple. Par opposition aux affrontements codifiés de comparaisons internationales. Ceci n'était cependant
l'entreprise nord-amé.ricain:a et aux. rapp~rts de fo!ce de qu'une cornrnodité d'exposition et ne devrait pas laisser
l'entreprise fr-a n a ise , I errtz-e pr-íse n ée r l a rrda ise se
ç
croire que la réalité des eultures d'entreprise ne serait
caractériserait principalement par la recherche du isolable qu'à travers des eomparaisons de pays à pays. Si,
consensus, seul moyen de régulation possible dês lors que eomme on l'a dit, la culture d'entreprise est aujourd'hui une
ni les procédures t.res étroitement régleme~tées _propresau arme mise au serviee de la produetivité, eette arme
systeme américain ni l~s incess~tes presslOn~ i?forme~les n'intéresse pas que les entreprises installées sur les
caractérisant l'en~r~pnse française n~ sont lC! de :~rlll?e; marchés internationaux. En la rn a t i r-e, de fortes
ê
Mais rapporter l'ldee de consensus a celle d unanlmlte différenciations peuvent s'observer panni les entreprises
représenterait un total contresens, alors que e'est d'un seul et même pays. Ce qui est d'ailleurs dans la nature
justement le ferrne attaehe:tpen,~d~ <:hacu.nà ses ~dées, et des choses : quel rapport y a-t-il en effet entre la vie d'une
done une forme t.res marquee d irrdi vidtralisrne, qUIle rend irnrnense multinationale et eelle d'une entreprise de einq
néeessaire; et ce pàr'art d'ailleurs être là le paradoxe personnes? Outre la taille, vont peser toutes sortes de
essentiel de l'entreprise néerlandaise pour l'observateur parametres: l'histoire (entreprise familiale ou non,
étranger. La recherehe de consensus aneienneté du métier et de la société) ; le statut (privé ou
ne désigne pas aux Pays-Bas une contrain,te rigide exercéepar nationalisé) ; les relations à l'environnement professionnel
le groupe sur des indiuidus sournie, mass un pr?c;s~US par (type de clients et de foumisseurs) et au rnilieu (métropole,
lequelles conuictions des uns et des autres tendent a s 'ajueter et petite ville ou campagne) ; le degré de syndicalisation et le
à conuerger.28 type de légitimité que s'est forgée la direction ; le « métier»
lui-même (eonfection, bâtiment, électronique, ...) et ses
De sorte qu'il n'y a g'uêr'e de décision possible .sans éventuelles t;raditions (formes de eompagnonnage), le
diseussion préalable, et que cette de~ere ne peut joue'r niveau de formation requis et les filieres de formation
son rôle de régulation dans les relahons entre persom?-es dominantes au sein de l'entreprise ; les modes de
que du fait de l'attaehement de chacun aux donnees production (artisanal ou fortement automatisé, fractionné
factuelles et à l'objectivité. ou globalisé, « taylorisé » ou « responsabilisé »), etc.
II est sans doute superflu de multiplier les exemples
montrant que la culture d'entreprise se forme dans
1.2.3.lncidences l'entreprise elle-même, avant d'être façonnée par - et
éventuellement pour - le marché international. On lit
Au terrne de cette réflexion concemant quelques aspects fréquemment dans la presse française que les eonflits
eulturels des comportements dans l'activité professionne~le, sociaux affectant des entreprises telles que la SNCF ou la
il est probablement souhaitable d'insister sur cer-t.aán.s RATp29 ne tiendraient pas plus à des revendications
enseignements d'ordre général. concemant les conditions de travail ou de rémunération
qu'à de profondes divergenees sur la nature des métiers ou
la coneeption de l'entreprise et la philosophie de son
Comparaisons internationales fonetionnement30.
et variantes nationales
Afin de ne pas alourdir une présent~tion déjà, lo:r;t~~
des incidences culturelles dans la pratIque de. I actrvité
professionnelle, iI a semblé opportun de ne souhgner que 29.Respectivement SociétéNationale des Chemins de fer Français etRégie
Autonome des Transports Parisiens (autobus et métro) ; deux entreprises
qui ne sont donc que marginalement concernées par le marché intemational.
30. On pourra lire R. Sainsaulieu, L'identité au travail. Les effets culturels
28, Ibidem, p. 211.
de l'organisation, T'roiaiêrne édition, Presses de la Fondation N ationale des
Sciences Politiques, 1988.
28 I L'état de la question
Pour une approche culturelle de la COInlllunicationspécialisée
L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOInlllunicationspécialisée
I 29
31. R. Jaulin,« Analyse formelle de la géomancie », dansAnthropologie et 34. « La science, du texte au contexte », Ibidem, pp. 30-34.
calcul, UGE -10/18 (Série 7), 1971.
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'
",
3~
'
L'état de la question
'Pour une approche culturelle de la cOIIUllunicationspécialisée L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOIIUllunicationspécialisée
l'histoire mondiale de la physique, que cette science ne se serait moins lisible puisque non linéaire. Ceci d'autant plus
pratiquait pas et ne se « diaait'» pas de la même marriere en que les évolutions ainsi observées ne seraient pas que le
Allemagne, en Grande-Bretagne, en France ou ailleurs, et fruit d'une recherche sans cesse inaboutie de la vérité mais
rapportait ces différences à l'histoire générale de la pensée subiraient aussi, toujours selon Kuhn, et d'autres avec lui, le
et à ses évolutions par-ticufiêr'es dans les divers pays. En poids de surdéterrninations extra-scientifiques telles que les
d'autres termes, iI soulignait enjeux de pouvoir au sein de la discipline, toutes choses
l'irnportancedécisive des cadres culturels et linguistiques da_ns particuliêrernent délicates à démêler pour un observateur
les rnariiêresde pense r, de réfléch.ir, d'innooer dans le dornaine étranger.
scien.tifique, i'irnportance décisive des cadres culturels et
linguistiques dans lesquels sont éduqués et vivent les hommes Au bout du compte, aux difficultés culturelles dues aux
de science, cadres qui modêlent, souvent à leur insu, leurs spécificités des comportements viennent donc s'en ajouter
structures mentales. r,..] la science, ou plutôt l'activité d'autres, liées cette fois aux modes d'organisation des
scientifique, n'est pas le déploiement d'urie raison universell.e disciplines ainsi qu'à leurs modes d'exposition. Ces de'rrriêr-es
qui ne ferait que dire un vrai désincarné, et qui avanc~ratt difficultés ne sont pas moins redoutables, puisqu'elles
linéairement, mais [...] l'actiuité scientifique est cahotique, affectent aussi bien la forme des publications spécialisées
toujours partiouliére, [...] elle est à jamais imbriquée dans les que la forme de l'enseignement des sciences dans leur
cadres propres qui la voient e'épan.ouir: r,..] con.trairemerüà ce ensemble. En d'autres termes, la forme de la discipline
qu'une rhétorique facile dit parfois, la Nature neparle pa.s,elle
n'a rien à dire, et ce sont les hommes qui s'exprirnerit et nous pourrait être la même, que la rnarriere de l'enseigner n'en
racontent cequ/iis tiennent pour sa voix. Et ces hommes parlent serait pas pour autant analogue à tout coup. C'est ainsi que
dans une langue, et avec tout ce que celle-ci véhicule de propre. pour l'enseignement des sciences économiques par exemple,
s'agissant d'une même théorie, l'accent sera mis avec
insistance sur ses aspects mathématiques (économétriques)
dans tel pays, alors que dans tel autre la tradition
1.3.2.Matrices scientifiques universitaire Iportera à les négliger pour privilégier plutôt
les attendus philosophiques ou les incidences socio-
Outre des différenciations culturelles proprement politiques.
nationales, D. Pestre évoque, seulement en passant, un
caractere de l'évolution générale des sciences qui peut à Bien évidemment, ces divers types de difficultés
l'occasion venir renforcer le sentiment d'étrangeté culturelles se rencontreront diversement dosées selon les
qu'éprouverait un scientifique étranger introduit, par le publics d'apprenants; polairement, selon qu'il s'agit de
biais de l'apprentissage du français, aux réalités publics apprenant le français afin d'accéder à des contenus
scientifiques françaises: le fait que cette évolution soit scientifiques qui (ne) se trouvent forrnulés (qu')en français,
«cahotique». On peut sans doute voir là une référence aux qu'il s'agisse là d'étudiants (ou d'éleves) aussi bien que de
theses aujourd'hui largement répandues de Th.S. Kuhn35, praticiens de la discipline, pour qui primera le repérage des
pour qui une nouvelle théorie scientifique ne vient pas se spécificités épistémologiques et discursives ; ou de publics
construire par opposition à une théorie antérieure tout en se dont l'objectif est d'exercer une profession impliquant
marquant comme progres de la vérité par rapport à celle-ci, l'usage du français, pour qui les aspects comportementaux
mais bien plutôt dans un acte de rupture, à l'occasion d'une seront d'une plus grande importance.
période de crise dans la discipline, par la mise en place de ce
qu'il nomme une nouvelle « matrice » scientifique, tentant de
se substituer purement et simplement à une autre. Cet 1.3.3.La culture scientifique et technique
émiettement rendrait sans doute plus malaisé encore le
repérage des différences de pratiques scientifiques à l'reuvre Nous n'avons, dans ce qui pr'écêde, évoqué que la face
dans divers pays, dês lors que l'histoire de leurs relations en traditionnelle, noble pourrait-on dire, de la science : celle
qui concerne «les scientifiques », professionnels,
enseignants, étudiants. De ce point de vue, on peut parler
35. Th.S. Kuhn, La structure des révolutions scienrifiquee, Flammarion, d'une culture scientifique, comme on a parlé plus haut
1972, pour la traduction française. d'une culture d'entreprise, c'est-à-dire de l'ensemble des
.'
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L'état de la question
Pour une approche culturelle de la COID.JDunication
spéclahsee
. . , L'état de la question
Pour une approche culturelle de la cOID.JDunication
spécialisée
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comportements au travail, des modes d'organisation, des inventions techniques »38, a.lors la diffusion de la littérature
méthodes de travail et des références que se donnent ~es de vulgarisation scientifique aurait tout à gagner d'une
diverses communautés scientifiques nationales. Un dosaier diffusion intemationale. L'enseignement du français sur
de la revue La recherche, rendant compte d'une enquê~e objectifs spécifiques et néanmoins culturels tient Ià une
menée à l'initiative de la Commission des communautés autre perspective et un autre public qui, pas plus que les
européennes il y a quelques années, donnait, bieI?-que ce.ne discours de vul,ªarisation ne se confondent avec les discours
füt pas Ià l'objectif premier de l'enquête,. un,e rns'tr-uctive scientifiques3 , ne se confond pas avec les publics
illustration des points communs aUSSI bie n que des scientifiques professionnels.
différences observables en Europe36.
I
maItr~ gu id arrt et b r ida n t de ses mains, jusqu'à la
Représentations lnétalinguistiques perfection, les gestes de I'éléve enfant, tout en ne recourant
Ces représentations ont été mises en évidence par de à la verbalisation que tres exceptionnellement. Cas
t rês nombreux travaux portant sur l'acquisition des extrêmes sans do~te de distance culturelle, mais qui nous
langues. Elles portent non plus sur la valeur symbolique et alertent sur les risques encourus à l'occasion de ce Que
les espérances pratiques placées dans l'acquisition d'une Francis Debyser nommait des «transferts de didactique ,,45 :
langue éta-arigê re mais sur les mécanismes psychologiques La didacti9ue des langues a tour à tour proposé une approche
et cognitifs de cette acquisition. Sont alors en jeu l'image struc!uralzste p0l}-rla descriptio,,!-
et l'enseignement des langues,
que l'on se fait du systerne de cette langue rapporté au ens~ute un '!L0deleplus abetrait de compétence linguistique,
syatê.me de la langue source, ainsi que la g'estâon des enfiri depl!'zs 9uelc!ues a,:,-néesun modele pragmatique ou
interactions Iarigagferes avec des locuteurs de la langue cc communzcatzf» da fonctionnel-notionnel. D'oü sont uenus ces
Des principes analogues expliquent l'attention Faux débat, politique, idéologique aussi bien que
didactique : dês lors que la dimension culturelle est au
grandissante portée aujourd'hui à des aspects des
coeur de toute activité humaine, elle pese sur les
comportements d'apprentissage qui s'appréhendent cette
comportements au travail et dans les relations d'affaires
fois de façon plus individuelle, et dont la prise en compte
comme sur tout autre comportement; elle modele le
implique une plus grande individualisation des procédures
développement des disciplines scientifiques comme de tous
d'enseignement; on conçoit tous les obstacles auxquels on
les modes de pensée ; elle influe sur les attitudes vis-à-vis
s'affronte alors: poids économique de cette individuali-
de l'apprentissage et à 1'endroit des langues ét.rangêres
sation et des matériaux, matériels et outils technologiques
comme vis-à-vis de toute réalité étr-arigêr'e. C'est en tout cas
qui la permettent, mais également rupture avec .des
ce que t.en t.a.i eri t de montrer les quelques exemples
habitudes collectives qui sont aussi des représentatlOns
contenus dans ce chapitre
parfois séculairement ancrées dans 1'esprit des enseig_nants
aussi bien que des app re n.arrt.s+". On pense ICI aux Sortir de ce débat pour s'attacher à fournir une réponse
nombreux travaux visant à la connaissance de la diversité pédagogique adaptée aux demandes de ceux qui
des attitudes, comportements, démarches, opérations apprennent le français, c'est d'abord cesser de voir des
cognitives adoptés et développés par chacun dans le cours oppositions là ou iI n'y en a pas ; c'est ensuite, lorsque les
des apprentissages: travaux inspirés ou non par les demandes apparaissent comme désignant des objectifs
neurosciences48, visant à définir des «frofils pédago- spécifiques, se donner les moyens méthodologiques
giques »49 ou des « styles d'apprentissage »5 • d'intégrer la composante culturelle dans un apprentissage
dont elle n'auraitjamais dü être absente.