Viete Guichard
Viete Guichard
Viete Guichard
Aux Marais des Iles de Monts, la seconde nière main à son texte fondateur de l’algè-
année du règne de notre très chrétien et bre littérale. Il a 51 ans. C’est un juriste,
très auguste roi, Henri IIII. Ainsi avocat à 21 ans, conseiller au parlement
s’achève la dédicace à Catherine de de Bretagne et conseiller privé du roi
Parthenay, qui précède l’Introduction à depuis 1574, puis maitre des requêtes
l’Art Analytique de Viète. C’est donc à (charge à vie, au service exclusif du roi) à
une soixantaine de kilomètres au sud- partir de 1580, mais aussi amateur de
ouest de Nantes, tout près de Beauvoir- mathématiques : Moi qui ne fais pas pro-
sur-Mer, où il possède une résidence fession de mathématicien, mais que
secondaire, que François Viète met la der- l’étude des Mathématiques charme,
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quand j’ai du temps libre. Du temps libre l’alphabet. Logistique est le mot savant,
il en eut quelques années auparavant, car d’origine grecque, pour dire calcul.
il fut éloigné de la cour du roi Henri III de C’est donc une nouvelle algèbre que Viète
1585 à 1589 sous la pression de la Ligue. met en place : une algèbre entièrement lit-
Il rejoint alors son Poitou natal et y rédige térale qui permet de calculer sur n’im-
son projet d’une Algèbre nouvelle : L’art porte quel type de grandeur, en particulier
que je produis aujourd’hui est un art nou- sur les grandeurs géométriques, permet-
veau. tant ainsi de résoudre par le calcul des
problèmes de géométrie.
L’Algèbre nouvelle de Viète
Voici sa démarche, telle qu’il la décrit.
L’ouvrage publié à Tours en 1591, en
latin, a pour titre Introduction à l’Art ana- - Écrire avec des lettres les relations entre
lytique. Mais en première page figure le les grandeurs du problème : les grandeurs
plan de l’ouvrage complet envisagé par cherchées avec la lettre A ou toute autre
Viète, dénommé Ouvrage d’analyse voyelle E, I, O, U, Y, les grandeurs don-
NDLR : Le terme zété-
mathématique restituée ou Algèbre nou- nées avec les lettres B, C, D ou d’autres tique fut introduit par
velle, en dix traités, dont l’Introduction en consonnes. Viète pour décrire l’art
Exemple : trouver deux nombres de modéliser un pro-
est le manifeste et le premier traité. Ces blème géométrique
dix traités de l’Algèbre nouvelle n’ont pas connaissant leur somme et leur diffé- sous forme algébrisée.
été édités dans l’ordre indiqué, certains rence (Zététiques I 1). Il resta peu utilisé par
Viète note A + E aequatur B et A – E la suite.
l’ont été après la mort de Viète ou pas du
tout. aequatur D ce que nous notons mainte-
En quoi cet Art analytique est-il novateur, nant, à la suite de Descartes, x + y = a
voire révolutionnaire ? Suivons ce qu’en et x – y = b.
dit Viète lui-même. - Respecter la loi des homogènes, c’est-à-
Quel est cet Art ? La science de bien trou- dire la dimension des grandeurs.
ver dans les mathématiques. Dimension 2 : A carré, B plan ; dimen-
Quel est son but ? L’Art analytique s’at- sion 3 : E cube, F solide…
tribue justement le magnifique problème Exemple : trouver les deux côtés d’un
des problèmes qui est : résoudre tout pro- rectangle connaissant son aire et la dif-
blème. férence des carrés des côtés (Zététiques
Quel est l’outil qui va permettre de mettre II 9).
en œuvre la méthode ? Une invention Viète note A in E aequatur B plano et
nouvelle : « la logistique spécieuse », A quadratum – E quadratum aequatur
c’est-à-dire un calcul sur des symboles, et D plano ce que nous notons maintenant
de fait un calcul littéral. La forme sous xy = a et x2 – y2 = b.
laquelle on doit aborder la recherche - Extraire les grandeurs inconnues des
exige les ressources d’un art spécial, qui grandeurs données : pour cela, on apprend
exerce sa logique non sur des nombres, à transformer les équations pour pouvoir
suivant l’erreur des analystes anciens, les résoudre grâce à des formules litté-
mais au moyen d’une logistique nou- rales préétablies.
velle […]. Logistique spécieuse est celle Exemple : résolution de l’équation x2 –
qui est exposée par des signes ou des 2ax = b.
figures, par exemple, par des lettres de Donnons-en l’idée générale.
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Il faudra une quarantaine d’années pour Quelques problèmes pour nos élèves
que les savants s’approprient ce nouveau
Établir les règles suivantes énoncées et
calcul, mais alors les progrès vont être
démontrées par Viète.
très rapides : création du calcul différen-
1. Le double du produit de deux nom-
tiel et intégral, développements en séries,
bres, ajouté à la somme de leurs carrés
résolution de problèmes d’optique, de
est égal au carré de leur somme ; si on
cinématique et de dynamique.
l’enlève à la somme de leurs carrés, on
Les autres travaux de Viète obtient le carré de leur différence.
Les œuvres de Viète, écrites en latin 2. Le carré de la somme de deux nom-
émaillé de grec, sont d’un accès difficile, bres, ajouté au carré de leur différence
et il y a peu de choses traduites en fran- est égal au double de la somme de leurs
çais. Viète est cependant connu : carrés.
- en astronomie pour son Canon mathé- 3. Le carré de la somme de deux nom-
matique, un recueil de tables trigonomé- bres, diminué du carré de leur différence
triques très précises, utilisant les nombres est égal à quatre fois leur produit.
décimaux, avec le mode de fabri- 4. Lorsqu’on divise la différence des car-
cation (ouvrage plusieurs fois réédité) rés de deux nombres par la différence
- en cryptographie, pour avoir déchiffré des nombres, on obtient leur somme.
des lettres secrètes entre les Espagnols et 5. Lorsqu’on divise la différence des car-
la Ligue qui menaçaient la royauté, lettres rés de deux nombres par la somme des
dont le code était réputé inviolable ; nombres, on obtient leur différence.
- dans l’histoire du nombre π, pour avoir Utiliser ces règles pour résoudre, comme
donné une approximation de π, pour la l’a fait Viète dans le livre 2 de ses
première fois, à partir d’un produit infini ; Recherches (Zététiques), les systèmes de
- en algorithmique, pour ses techniques de deux équations à deux inconnues sui-
résolution numérique des équations ; vants, en les ramenant à la recherche de
- en géométrie pour avoir reconstruit la la somme et du produit de deux nombres.
solution perdue d’un problème
1) xy = 20 et x2 + y2 = 104.
d’Apollonius : construire un cercle tan-
2) xy = 20 et x - y = 8.
gent à trois cercles donnés ;
3) x - y = 8 et x2 + y2 = 104.
- en algèbre pour avoir explicité les rela-
4) x + y = 12 et x2 + y2 = 104.
tions entre les coefficients d’une équation
5) x - y = 8 et x2 - y2 = 96.
polynôme et ses racines.
6) x + y = 12 et x2 - y2 = 96.
Par contre, on connaît moins ce qu’il
7) xy = 20 et x2 - y2 = 96.
considérait comme une de ses plus mer-
8) xy + x2 + y2 = 124 et x + y = 12.
veilleuses découvertes : le mystère des
9) x3 - y3 = 316 et x3 + y3 = 370.
sections angulaires, que personne jusqu’à
10) x3 - y3 = 316 et xy = 1.
présent n’a connu (les formules et les
11) x - y = 6 et x3 - y3 = 504
équations permettant de couper un angle
12) (x - y) (x2 - y2) = 32 et
en n parties égales).
(x + y) (x2 + y2) = 272.
xy
13) x 2 + y 2 = 20 et = 2.
( x − y )2
xy
14) x 2 + y 2 = 20 et = 1.
( x − y )2
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Bibliographie
François Viète, Introduction à l’Art Analytique, texte latin et traduction en français de François Ritter, Cahiers François Viète
n°7, Centre François Viète, Université de Nantes, 2004.
Évelyne Barbin & Anne Boyé (dir.), François Viète : un mathématicien sous la Renaissance, Paris, Vuibert, 2005.
Jean-Paul Guichard, D’un problème de Diophante aux identités remarquables, Repères-IREM, N°53, 2003, p. 5-19 (en ligne).
Voir aussi l’article François Viète sur le Portail des IREM (CII Epistémologie et Histoire des mathématiques, rubrique
Ressources, Les mathématiciens : les grands textes) et celui sur Wikipédia (très complet et de grande qualité).
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