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L’épreuve de l’accès à l’emploi

Les jeunes stigmatisés par le fonctionnement de l’emploi et les


politiques publiques d’insertion
Dominique Glaymann
Dans Agora débats/jeunesses 2020/2 (N° 85), pages 74 à 88
Éditions Presses de Sciences Po
ISSN 1268-5666
ISBN 9782724636260
DOI 10.3917/agora.085.0074
© Presses de Sciences Po | Téléchargé le 14/04/2024 sur www.cairn.info (IP: 88.138.252.249)

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Dossier

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L’épreuve de l’accès à l’emploi


Les jeunes stigmatisés par
le fonctionnement de l’emploi et les
politiques publiques d’insertion

Dominique Glaymann

E
n France, l’emploi des jeunes, ou plus exactement des débutants,
est marqué depuis le milieu des années 1970 par la problématique
de l’« insertion professionnelle » qui a émergé dans le contexte d’un
sous-emploi multiforme et massif désormais permanent : « Le fait de “devoir
s’insérer” en essayant de trouver du travail, à la sortie de l’école ou de l’uni-
versité est tout sauf un donné naturel qui aurait toujours existé. Au contraire,
c’est une exigence relativement récente, en France comme ailleurs. » (Dubar,
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2001, p. 23.) Les sortants de formation initiale cherchant un emploi sont
confrontés à des obstacles qui compliquent et prolongent leur parcours
de stabilisation professionnelle et leur intégration sociale ; ils subissent la
médiocre qualité, parfois persistante, de leurs premiers emplois (contrats
non durables alternant avec le chômage, déclassement caractérisé par l’oc-
cupation de postes en deçà de leurs acquis de formation et des niveaux de
rémunération attendus). Ces processus d’insertion chaotiques, qui peuvent
durer plusieurs années, sont marqués du sceau de la vive concurrence et de
la flexibilité dans un système d’emploi de plus en plus segmenté. Les jeunes1
peinent ainsi à obtenir une place sécurisée en rapport avec leurs espoirs et
les promesses implicites liées à des études de plus en plus longues et pro-
fessionnalisantes (Sulzer, 2010). Ils font l’objet de méfiance, voire de déni,
vis-à-vis de leurs compétences et de leur « employabilité ». Leur position
difficile ne conduit-elle pas à faire de la jeunesse un stigmate, « un attribut
qui jette un discrédit profond » (Goffman, 1975, p. 13) et ne finit-elle pas par
constituer les jeunes en quête d’emploi en une catégorie sociale fréquem-
ment stigmatisée ? Nous proposons d’analyser cette question à partir d’une
diversité d’enquêtes passées (sur l’intérim, les stages, les effets du bénévolat
sur la recherche d’emploi) ou en cours (sur une expérience d’insertion à par-
tir du passage par une école de théâtre, sur les modalités de sélection des

1. Nous reprenons les bornes d’âge habituelles des statistiques françaises, évidemment arbi­
traires. Si le seuil de 16 ans correspond logiquement à celui de l’obligation scolaire, le plafond de
25 ans est plus incertain depuis que la limite d’âge pour être apprenti a été repoussée à 30 ans.
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apprentis dans des cursus universitaires en alternance). Nous en tirons une


tentative de réflexion transversale sur les mutations du système d’emploi et
leurs effets sur la relation formation/emploi, et en particulier sur l’accès à
l’emploi des sortants de formation initiale.
Désormais, les 16-25 ans expérimentent un sur-chômage et une entrée dans
l’emploi difficile (Lefresne, 2003) même si des différences existent entre eux,
corrélées notamment aux niveaux de diplôme (Calmand, Epiphane, 2012), mais
aussi aux spécialités (Bernard et al., 2018). Les jeunes ont subi et continuent
de subir d’une façon particulièrement rude le passage du plein-emploi fordiste
(pendant une trentaine d’années avec un taux de chômage inférieur à 4 %) au
chômage massif structurel (depuis quarante-cinq ans, le taux de chômage est
demeuré supérieur à 8 %, après la montée très rapide des années 1974-1986).
Comme de nombreux travaux l’ont montré, le chômage, devenu une compo-
sante structurelle du système d’emploi, s’accompagne en outre d’un « halo »
constitué d’une masse d’emplois précaires, notamment sous forme de mis-
sions d’intérim, de contrats à durée déterminée (CDD), de contrats « aidés »
et d’emplois à temps partiel subi (surtout féminin). Parallèlement, le sous-
emploi invisible2 touche la partie des salariés contraints d’occuper des emplois
inférieurs à leur niveau de qualification (de productivité et de rémunération).
Les jeunes actifs, derniers arrivants dans le système d’emploi, paient le prix
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fort de ce fonctionnement de l’emploi en subissant à la fois du sur-chômage
(leur taux de chômage est de 2 à 2,5 fois supérieur à celui des actifs en général,
voir figure 1, p. 76), la précarité de l’emploi (Paugam, 2000), des « emplois de
médiocre qualité » (Moncel, 2010, p. 11) et différentes formes de sous-emploi
visible et invisible au sein de ce halo du chômage.
Comment une telle situation est-elle devenue « normale » ? Au temps du
plein-emploi fordiste3, les jeunes sortant de formation débutaient soit en
contrats à durée indéterminée (CDI) comme la majorité des autres sala-
riés, soit dans des statuts particuliers tels qu’apprentis ou aides familiaux
(Fourcade, 1992), donc souvent avec des salaires faibles, mais ils subissaient
très rarement l’épreuve du chômage. À partir des années 1980, l’insertion
professionnelle, le « processus par lequel des individus n’ayant jamais
appartenu à la population active accèdent à une position stabilisée dans le
système d’emploi » (Vernières, 1997, p. 12), est au cœur des transforma-
tions des normes d’emploi (Fondeur, Minni, 2004). Une nouvelle phase de la

2. Notion définie par le Bureau international du travail comme la situation d’actifs travaillant au-
dessous du niveau de qualification, de productivité et donc de rémunération au regard de leurs
potentialités et de leurs souhaits.
3. Loin de l’âge d’or que laisse supposer l’expression des « Trente Glorieuses », rappelons que ce
plein-emploi (essentiellement masculin) concernait, pour la majorité des salariés, des contextes
de travail aliénant (laissant peu de place à l’initiative et à l’autonomie), usant (par sa durée et sa
pénibilité), dangereux (avec un fort taux d’accidents) et très conflictuel. Il est prudent de ne pas
idéaliser cette période au nom de la stabilité des emplois et de l’élévation du niveau de vie qui ont
aidé le salariat à sortir de son indignité, comme l’a formulé Robert Castel.

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Figure 1. Évolution comparée des taux de chômage en France


selon l’âge (1975-2018)

30
Taux de chômage des actifs de moins de 25 ans. Taux de chômage de l’ensemble des actifs.
25

20

15

10

0
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Source : INSEE, enquêtes Emploi annuelles jusqu’en 2002,
enquête Emploi en continu à partir de 2003.

vie s’installe entre la fin des études et la stabilisation dans l’emploi (Eckert,
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Mora, 2008), période que l’on peut décrire comme une transition profes-
sionnelle ne bénéficiant d’aucune protection sociale. Comme le montrent
notamment les résultats des enquêtes Génération du Centre d’études et de
recherches sur les qualifications (CEREQ), plus que l’accès à un emploi (le
premier ou les suivants), la difficulté majeure porte sur l’obtention d’emplois
stables et de qualité dans un monde du travail qui s’est éloigné du modèle
fordiste et où le CDI à temps plein n’est plus qu’une modalité parmi d’autres,
tout en restant majoritaire, et où la sécurité dépend aussi de la capacité
à (re)trouver un emploi, les CDI étant eux-mêmes en partie déstabilisés.
C’est moins l’insertion des jeunes que la stabilisation des débutants (de 16 à
30 ans) qui pose problème et dont nous traiterons à propos de ces parcours
marqués par une forte vulnérabilité.
Dans un contexte où le chômage et le sous-emploi massifs aiguisent la
concurrence entre chercheurs d’emploi et où la baisse du coût du travail
est devenue un objectif récurrent, nombre d’employeurs traitent les jeunes
comme un public « à risque ». Ces jeunes, présumés peu productifs, sont en
outre souvent accusés, comme chaque nouvelle génération, de ne pas être
« comme il faut » (trop connectés, insuffisamment motivés par le travail,
zappeurs, etc.). Beaucoup intériorisent cet « étiquetage » (Becker, 1985) et
acceptent comme normales les épreuves qu’ils doivent surmonter avant de
pouvoir sécuriser leur situation (Mora, 2018) en accédant à un emploi stable
et durable qui demeure un objectif en tant que symbole et levier de normali-
sation et d’intégration sociale.
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Ce fait global ne doit pourtant pas masquer les différences de trajectoires,


les 16-25 ans n’étant pas plus homogènes socialement que le reste de la
population. « La jeunesse n’est qu’un mot. […] Il faudrait au moins analy-
ser les différences entre les jeunesses » (Bourdieu, 1984, p. 143-145) : cette
remarque de Pierre Bourdieu s’applique tout à fait à l’emploi. Si la stabi-
lisation dans le travail est compliquée pour de nombreux jeunes, le degré
des difficultés rencontrées est notablement différent. Le diplôme qui sert de
signal et de filtre est la principale distinction entre les aspirants à l’emploi.
Cette influence du diplôme, spécialement forte en France, traduit le poids de
la qualité des carrières scolaires, dont on sait qu’elle n’est pas aléatoirement
répartie parmi les enfants des différentes classes sociales. Les écarts entre
les actifs débutants sont importants en termes de risque de chômage, de
nature et de durée des parcours d’insertion, comme dans les statuts d’em-
ploi occupés en cours de route et une fois la stabilisation acquise.
La France peine à intégrer ses sortants de formation dans l’emploi et,
quand elle le fait, ce n’est pas toujours en lien avec les études suivies et les
diplômes obtenus (« L’accès à l’emploi stable n’est pas toujours synonyme de
réussite puisqu’il s’opère parfois au prix d’un déclassement », Batard et al.,
2012), en dépit des politiques mises en œuvre dont nous proposons d’in-
terroger les fondements, la nature et les effets en examinant les questions
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suivantes : comment cette situation est-elle analysée et diagnostiquée ?
Quelles mesures les pouvoirs publics ont-ils prises pour tenter d’améliorer
les modalités d’entrée des jeunes dans l’emploi ? Quels effets ces politiques
produisent-elles ?

DES ANALYSES ET DES DIAGNOSTICS DISCUTABLES


AU SUJET DE L’EMPLOI DES JEUNES
Depuis plus de quarante ans, les pouvoirs publics tentent d’améliorer l’inser-
tion des jeunes sans grand succès, si ce n’est la modification de leur ordre
dans la file d’attente. En dépit des fréquentes alternances, les décideurs
politiques ont largement retenu les mêmes causalités et recouru aux mêmes
types de dispositif, rendant au fil du temps les jeunes de plus en plus respon-
sables de leur situation, individuellement comme tout chômeur, et collecti-
vement en tant que catégorie spécifique.
Sans prétendre présenter une analyse exhaustive des diagnostics sur le
chômage des jeunes depuis quarante-cinq ans, il nous semble possible
d’en résumer l’essentiel autour de deux explications centrales. La première
postule un écart entre la productivité de cette main-d’œuvre et ses coûts
salariaux, la seconde retient une inadaptation des formations – et des for-
més – aux besoins de l’économie et des employeurs. Le point commun de ces
explications est la mise en avant de l’inexpérience comme obstacle majeur
au recrutement.

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Notons d’abord l’aspect tautologique de l’argument : qu’un débutant soit


inexpérimenté est vrai et l’a toujours été – c’est même ce qui le caracté-
rise –, pourtant, l’insertion des débutants n’a pas toujours posé problème.
Dans les années 1950-1975, les employeurs ayant besoin de renouveler et
d’accroître leur main-d’œuvre dans un contexte de croissance rapide et de
plein emploi les recrutaient « en l’état », comptant sur la mise au travail
pour améliorer leur productivité. Il conviendrait alors de s’interroger sur
ce qui a changé dans les modalités d’accès
à l’emploi et dans son fonctionnement. Ce
n’est pourtant pas cette piste qui a été la
Si le SMIC est devenu de nos jours
plus explorée comme nous allons le voir.
la rémunération d’un nombre élevé
de salariés du fait de la modération L’argument du coût salarial excessif maintes
salariale qui règne depuis le milieu des fois avancé par les économistes libéraux pour
années 1980, à sa création, il n’avait expliquer le chômage a été repris au sujet de
vocation qu’à rémunérer les moins l’emploi des jeunes par Pierre Gattaz, alors
qualifiés en début de vie active. président du Mouvement des entreprises de
France (MEDEF), affirmant lors d’un point de
presse tenu le 15 avril 2014 qu’« il faudrait
qu’on puisse entrer dans l’entreprise avec un
salaire adapté un peu moins élevé que le salaire minimum interprofession-
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nel de croissance (SMIC) de façon transitoire et temporaire ». Vingt ans plus
tôt, en 1993, le gouvernement Balladur avait proposé un contrat d’inser-
tion professionnelle (CIP) autorisant à rémunérer les moins de 25 ans à
80 % du SMIC. Or, si le SMIC est devenu de nos jours la rémunération d’un
nombre élevé de salariés du fait de la modération salariale qui règne depuis
le milieu des années 1980, à sa création, il n’avait vocation qu’à rémunérer
les moins qualifiés en début de vie active. Il semble assez curieux de vou-
loir payer moins que le SMIC les jeunes en général alors que beaucoup (et
beaucoup plus que dans les générations précédentes) sont diplômés – c’est
d’ailleurs ce qui a engendré un mouvement social conduisant à abandonner
ce projet. Les arguments qui sous-tendent cette analyse invoquent à la fois
la productivité limitée en début de carrière et les doutes sur l’évolution des
capacités d’un débutant. On retrouve ici l’inexpérience qui impose effective-
ment un laps de temps avant qu’un jeune, même bien formé, acquière une
qualification (fruit d’une combinaison des acquis de la formation et de ceux
de l’expérience), ce qui empêche de trouver des débutants immédiatement
et totalement opérationnels.
L’argument de l’inexpérience concerne aussi leurs compétences supposées
insuffisantes. On peut se demander pourquoi les générations successives
de débutants qui sont en moyenne de plus en plus longtemps formées et
qui travaillent plus souvent en parallèle de leurs études seraient moins bien
préparées que les générations antérieures à occuper un emploi. Pourquoi
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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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y aurait-il un écart systématique entre les apprentissages et les acquis des


études et les exigences de l’appareil de production ? Lors d’un colloque
sur ce sujet, le sénateur Jean-Paul Emorine formulait un diagnostic met-
tant en avant « une véritable inadéquation entre la formation initiale des
jeunes diplômés et les offres des entreprises sur le marché du travail. Si
elle porte parfois sur les savoirs et les compétences, cette inadéquation
concerne aussi les savoir-faire. Semblant résulter d’un fort cloisonnement
entre l’université et le monde du travail, elle explique la longue attente entre
l’acquisition du diplôme et l’insertion durable dans l’entreprise, ainsi que
la diversité des étapes, souvent laborieuses, de l’entrée sur le marché du
travail » (Emorine, 2006, p. 5). Les savoirs pratiques et comportementaux
étant jugés défaillants, cette explication a débouché sur un plaidoyer pour
une professionnalisation des formations et un recours accru à l’alternance
(stages, apprentissage), laquelle s’est largement déployée depuis une ving-
taine d’années sans que cela ait changé grand-chose aux difficultés d’inser-
tion, comme le montre la comparaison des enquêtes successives du CEREQ
(Formation emploi, 2017 et 2018 ; Couppié et al., 2018 ; Dupray, Quenson,
2018 ; Epiphane et al., 2019).
Si ces arguments peinent à expliquer pourquoi il est devenu si compliqué de
passer de la formation à la vie active, n’est-ce pas dû au fait qu’ils négligent
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l’impact des mutations de l’emploi depuis quarante-cinq ans alors que les
difficultés des 16-25 ans sont étroitement liées à l’essor du chômage et du
sous-emploi ainsi qu’à l’évolution des modes de recrutement et de gestion
de la main-d’œuvre dans le cadre des stratégies de flexibilisation de l’em-
ploi ? Ayant le choix entre une masse de candidats (salariés cherchant un
nouveau poste, chômeurs, sortants de formation) dotés de qualifications, de
diplômes et d’expériences variés, les recruteurs ont élevé leurs exigences et
choisi d’éviter, de limiter ou de repousser les embauches qu’ils croient les
plus risquées. Ils écartent ainsi fréquemment les jeunes, même diplômés
(Delès, 2013), au profit des plus expérimentés, ou les obligent à faire leurs
preuves dans des emplois non durables. Derniers venus dans le système
d’emploi, les débutants subissent son état et son fonctionnement. Cela tient
notamment à l’habitude prise par les employeurs de reporter le coût de
l’acquisition d’expérience en début de carrière soit sur l’État et les orga-
nismes de protection sociale (via des subventions ou des exonérations de
cotisation), soit sur les jeunes (et leurs familles) contraints d’accepter des
rémunérations faibles et/ou des situations de déclassement professionnel
au nom de leur manque d’expérience.
Face à l’emploi des jeunes devenu un « problème », les pouvoirs publics
ont développé des politiques retenant toutes sortes de mesures dont l’effi-
cacité limitée tient largement de notre point de vue à la qualité des expli-
cations causales dont nous avons essayé de montrer la faible pertinence.

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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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EFFICACITÉ LIMITÉE ET EFFETS DÉLÉTÈRES


DES POLITIQUES PUBLIQUES
Depuis le premier pacte national pour l’emploi adopté en 1977 par le gou-
vernement Barre, suivi par deux autres en 1978 et en 1979 (Pate et al.,
1980), le rapport Schwartz de 1982 et les divers rapports commandés par
les gouvernements successifs, les pouvoirs publics ont multiplié les plans,
programmes et dispositifs (Trindade-Chadeau, 2012) avec l’objectif affiché
de résorber le chômage des jeunes et de faciliter leur insertion en agissant
sur leurs emplois, la formation et la relation formation emploi (voir figure 2,
p. 81).
Du côté de l’emploi, les solutions ont essentiellement consisté à recourir à
deux modalités : des incitations financières pour les recruteurs et des dispo-
sitifs spécifiques autorisant à diversifier et à assouplir les contrats de travail.
Les subventions et les exonérations de cotisations sociales accordées en
échange de l’accueil de débutants ont alimenté différents effets pervers4 :
– un effet d’aubaine pour les employeurs ayant besoin de recruter qui pro-
cèdent aux embauches qu’ils auraient effectuées de toute façon en empo-
chant les ristournes proposées ;
– un effet de substitution en faveur des catégories de salariés donnant droit
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aux baisses de coût salarial et en défaveur des autres ;
– un effet de seuil défavorable aux (moins) jeunes qui dépassent l’âge ouvrant
droit aux aides ;
– un effet de déclassement pour une partie des jeunes diplômés recrutés
sur des postes sous-qualifiés, ce qui les dessert et nuit aux moins diplômés
concurrencés sur les emplois qui devraient leur revenir.
Loin d’apporter des solutions aux difficultés d’accès à des emplois de qualité
(Davoine, Erhel, 2007), ces mesures ont alimenté l’évolution d’un système
d’emploi où les jeunes forment de plus en plus une catégorie « à part », stig-
matisée et discriminée dans les processus de recrutement. Elles ont contri-
bué à faire croire aux employeurs « qu’ils courent un réel danger à recruter
un jeune ; elles ont stigmatisé toute une classe d’âge qui serait a priori moins
productive que les autres » (Askenazy, 2006).
Cet effet tient largement à la multiplication des contrats dérogatoires des-
tinés aux jeunes. En plus de pérenniser les exonérations de cotisations
sociales, les différents « contrats aidés » ont en effet permis de déroger de
plus en plus aisément aux CDI et à leur sécurité juridique. Les gouverne-
ments successifs ont imaginé divers contrats : SIVP, TUC, CES, CEF, CJE, CQ,

4. Sans parler de l’aggravation du déficit de la protection sociale.


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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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Figure 2. Principales mesures destinées à l’emploi des jeunes


entre 1975 et 2020
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Source : Données INSEE et DARES, mise à jour 2015-2020 INJEP (Julie Bene).
Note : seules les périodes d’entrée dans des dispositifs sont reportées ici ; les dispositifs peuvent
rester actifs au-delà de ces périodes en raison de la durée des contrats. Les exonérations men-
tionnées correspondent à des exonérations de cotisations sociales.
(1) En 2017, un recul de l’âge limite d’accès aux contrats d’apprentissage (30 ans au lieu de 25
ans) est expérimenté dans neuf régions. En 2019, cette extension est appliquée à l’ensemble du
territoire.
(2) En 2018, les emplois francs étaient expérimentés sur certains territoires, ils ont été généralisés
en janvier 2020. Une première expérimentation avait eu lieu en 2013 mais sans être concluante,
notamment à cause de conditions d’accès trop strictes. Les employeurs publics ne peuvent pas
recourir à ce type d’emploi, qui concernent seulement les entreprises et les associations.
(3) Les mesures d’accompagnement ne sont pas en elles-mêmes des contrats de travail ; elles
peuvent mobiliser les autres mesures existantes, dont les contrats d’aide à l’emploi.

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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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CA, CUI-CAE, PEC5, contrats jeunes, contrats de génération, emplois d’avenir


sans compter les projets avortés faute d’acceptabilité sociale (CIP du gouver-
nement Balladur ou CPE6 du gouvernement Villepin), même s’il ne faut pas
faire d’amalgame entre tous ces contrats et leurs effets. Ainsi, les contrats
jeunes du gouvernement Jospin avaient la triple particularité de durer
jusqu’à cinq années, d’ouvrir droit à des formations et de pouvoir déboucher
sur des emplois durables si les postes occupés étaient pérennisés, mais ils
sont loin d’avoir tous concrétisé leur potentiel (Gomel, Lopez, 2012). Si une
partie des dispositifs destinés aux jeunes ont bénéficié à certains d’entre eux,
pas forcément aux plus éloignés de l’emploi d’ailleurs, ils ont surtout conduit
à changer l’ordre dans la file d’attente sans modifier la quantité d’emplois
existants ni le fonctionnement du système d’emploi devenu très défavorable
aux débutants. Cette politique est aussi passée par l’assouplissement des
conditions de recours à l’intérim et aux CDD qui concernent les jeunes au
premier chef, et elle a conduit à une « flexi-précarité » bien plus qu’à la
« flexi-sécurité » souvent vantée.
Un autre axe des politiques publiques a consisté à cibler le système de for-
mation en rapprochant les modalités d’enseignement et les contenus des
programmes des attentes des employeurs pour « professionnaliser » les
cursus et les diplômes. Cette orientation a notamment conduit à multiplier
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les diplômes dits « professionnels » : la licence professionnelle (créée en
1999) a complété la panoplie comprenant le baccalauréat professionnel (créé
en 1985), le DESS7 (créé en 1974 et remplacé par le master professionnel en
2002), le DUT8 (créé en 1966), le BTS9 (créé en 1965) en plus des diplômes
des écoles spécialisées (commerce, management, marketing, ingénierie,
social, paramédical, etc.), diplômes destinés à des générations de plus en
plus nombreuses à obtenir le baccalauréat et à atteindre l’enseignement
supérieur.
Dans cette même logique, l’orientation et l’insertion professionnelle ont été
ajoutées aux missions de l’enseignement supérieur par la loi relative aux
libertés et responsabilités des universités (LRU) en 2007. Outre la création
de bureaux d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP) et la systématisa-
tion des enquêtes d’insertion, cette loi a poussé à « professionnaliser » les
maquettes d’enseignement, à multiplier les stages, tandis que de plus en

5. Stages d’insertion dans la vie professionnelle, travaux d’utilité collective, contrats emploi soli-
darité, contrats emploi formation, contrats jeunes en entreprise, contrats de qualification, contrats
d’adaptation, contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi, parcours
emploi compétences.
6. Contrat première embauche.
7. Diplôme d’études supérieures spécialisées (niveau bac + 5).
8. Diplôme universitaire de technologie (niveau bac + 2).
9. Brevet de technicien supérieur (niveau bac + 2).
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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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plus d’étudiants en venaient à donner la priorité aux filières incluant ces


stages, au risque de subir là aussi différents effets délétères liés à leur infla-
tion (Glaymann, 2015). Améliorer l’orientation et les formations, mieux pré-
parer les futurs diplômés à la vie active et suivre leurs parcours d’insertion
est certainement utile, mais cela ne résout pas le problème de la stabili-
sation dans l’emploi car « le sur-chômage des jeunes […] est avant tout un
problème de chômage et de mode de fonctionnement du marché du travail »
(Lichtenberger, 1996, p. 37). Si le système de formation ne peut se désinté-
resser du devenir de ceux qu’il forme, « il y a inévitablement un écart entre
les raisons d’être de l’école et celles de l’entreprise. Toute la question est
alors de tisser des relations entre les deux,
mais pas d’imaginer que l’une puisse s’adap-
ter à l’autre » (Rose, 2006, p. 131). Cette professionnalisation mécanique
L’actuelle professionnalisation des études et adéquationniste conduit trop souvent,
supérieures consiste pour l’essentiel à valori- au nom de l’objectif d’insertion, à enfermer
ser l’expérimentation pratique et les immer- les élèves et les étudiants dans
sions en situation de travail, avec l’illusion des orientations restrictives en postulant
que cela suffirait à rendre automatiquement à tort des rapports étroits entre
élèves et étudiants aptes à accéder à un les diplômes préparés, puis obtenus,
emploi et donc à améliorer leurs débuts de et les emplois ensuite occupés.
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carrière. Outre la grande incertitude quant
à son effet initial positif, la volonté d’adapter
les formations et les diplômes aux emplois présents pour faciliter l’inser-
tion des futurs diplômés risque de réduire leur capacité de mobilité future
dans un univers économique que l’on sait pourtant de plus en plus mouvant.
En modifiant le contenu des formations pour développer des compétences
« opérationnelles », une telle professionnalisation tend à limiter l’outillage
théorique des diplômés à venir et leurs capacités réflexives et analytiques
pourtant cruciales dans une économie marquée par l’innovation et l’accé-
lération technique et sociale : « Les professions et les emplois semblent
de moins en moins durer le temps d’une carrière professionnelle […], de
multiples changements de métier ou d’emploi au cours d’une vie (souvent
accompagnés de périodes de chômage plus ou moins longues), qui étaient
autrefois l’exception, tendent à devenir la règle » (Rosa, 2010, p. 142). En
donnant de plus en plus de place aux « professionnels » dans les cursus et
en externalisant de larges pans de la formation vers des tuteurs de stage,
elle tend à perpétuer les coupures entre théorie et pratique, académisme et
pragmatisme au lieu d’inciter les enseignants (eux aussi professionnels) à
rénover leurs enseignements pour mieux articuler ces différentes dimen-
sions, sans pour autant améliorer l’insertion des diplômés.
Cette professionnalisation mécanique et adéquationniste (Tanguy, 1986)
conduit trop souvent, au nom de l’objectif d’insertion, à enfermer les élèves

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et les étudiants dans des orientations restrictives en postulant à tort des


rapports étroits entre les diplômes préparés, puis obtenus, et les emplois
ensuite occupés : « Si un individu se forme, c’est-à-dire acquiert des compé-
tences spécifiées en vue d’occuper une profession déterminée, il est logique
de se demander s’il atteint son objectif. Mais le bon sens est un simplifica-
teur quelquefois redoutable […]. » (Vincens, 2005, p. 149), ce que confirme la
grande variété des carrières des sortants des mêmes formations initiales et
la forte diversité de profils des salariés travaillant dans les mêmes catégo-
ries d’emploi. Cette logique conduit surtout à accroître la responsabilité des
individus dans la construction et l’entretien de leur employabilité sans qu’ils
en aient bien souvent les moyens (Tiffon et al., 2017).
L’exemple des stages illustre ces risques. Un stage bien conçu et bien enca-
dré peut aider un jeune en formation à préparer sa vie professionnelle en
contribuant à enrichir son projet, à identifier
ce qu’il a envie de faire et de ne pas faire
comme travail, en lui permettant de se faire
Cette logique conduit surtout à accroître
connaître de professionnels et de se créer
la responsabilité des individus dans
un premier réseau de contacts qu’il pourra
la construction et l’entretien de leur
solliciter au moment de chercher un emploi
employabilité sans qu’ils en aient bien
(Briant, Glaymann, 2013). Certains stages
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souvent les moyens.
font même parfois office de périodes de pré-
recrutement, mais penser le stage comme un
tremplin direct vers l’emploi est une illusion
et une vision réductrice négligeant ses richesses potentielles en termes de
formation et de socialisation (Barbusse, Glaymann, 2012). Comme beaucoup
de dispositifs censés améliorer l’insertion, nombre de stages actuels ren-
forcent la stigmatisation des jeunes en quête d’emploi que l’on enferme dans
un sous-emploi durable, tout en installant dans les pratiques des employeurs
l’habitude de faire travailler des jeunes dans un statut dégradé et sans réelle
rémunération (outre son niveau très faible, une gratification de stage n’ouvre
aucun des droits sociaux attachés au salaire). Cela complique les parcours
en ajoutant de nouvelles formes de précarité et/ou de déclassement (Sarfati,
2015), d’autant que la multiplication des stages conduit dans le même temps
à supprimer des postes – donc des emplois – de débutants.
Enfin, les politiques ciblant la relation formation/emploi d’abord centrées
sur l’accompagnement, comme les missions locales créées dans la foulée
du rapport Schwartz, ont ensuite porté sur l’orientation avec les BAIP dans
la foulée de la loi LRU, participant à la responsabilisation des élèves et des
étudiants sommés de plus en plus tôt d’élaborer un projet professionnel, de
se doter d’un curriculum vitae (CV) étoffé par des stages ou du bénévolat pour
préparer leur future carrière. Là encore, les mieux armés tirent leur épingle
du jeu, mais il nous semble difficile d’y voir un cadre favorable pour des
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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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jeunes censés devenir des stratèges capables de profiter des opportunités


alors que la majorité des débutants sont plutôt fragilisés.
Si la panoplie des mesures supposées améliorer l’emploi et l’insertion
dans l’emploi des jeunes n’est guère efficace, elle contribue en revanche
à une socialisation dans et par des normes d’emploi salarié dégradées10
(Glaymann, 2017). Cette façon de faire vivre aux jeunes des débuts de car-
rières hachés, à les habituer à des emplois intermittents répétés, à norma-
liser la fragilité salariale, est-elle un effet pervers des politiques publiques
ou est-elle devenue un moyen peu avouable d’adapter les jeunes actifs aux
nouvelles réalités de l’emploi ? S’agit-il d’un échec des politiques publiques
à faire reculer le chômage et la précarité, notamment des débutants ? Ne
peut-on y voir une forme de fatalisme conduisant à faire avec ces risques tout
en affichant une volonté de les réduire ?

CONCLUSION
« L’insertion professionnelle “à la française” se trouve [donc] placée devant le
paradoxe suivant : non seulement les jeunes générations sont beaucoup plus
formées que leurs aînés mais en outre […] l’emploi n’a jamais été aussi fermé
aux jeunes » (Verdier, 1996, p. 51). Alors que la loi relative à la lutte contre les
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discriminations précise depuis 2001 que « personne ne peut être écarté d’une
procédure de recrutement en raison de son âge », la jeunesse est, dans les
faits, devenue une barrière, un stigmate, qui conduit l’économie française à se
priver parfois durablement de la partie la plus jeune de sa population active
et à priver celle-ci du droit d’accéder à un emploi de qualité. Il s’agit bien d’un
paradoxe dans la mesure où ces obstacles au recrutement et à la stabilisation
professionnelle des débutants conduisent à faire des jeunes générations nom-
breuses et longuement formées un « problème » plutôt qu’un atout, et à ne pas
voir l’avantage comparatif qu’elles pourraient constituer dans la construction
de « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du
monde », conformément à l’objectif de la stratégie de Lisbonne.
A-t-on vraiment « tout essayé » contre le chômage comme l’a dit le président
François Mitterrand vers la fin de son second mandat ? C’est ce que l’on est
conduit à penser si l’on considère que le chômage des jeunes ne peut s’expli-
quer que par un coût salarial excessif et une inadéquation entre formation
et emploi. Cette lecture, qui domine depuis plusieurs décennies, aboutit à
concevoir et à produire des solutions peu variées au-delà des formes et des
dénominations choisies, dont l’efficacité est très limitée et dont les effets de
stigmatisation et de découragement sont largement sous-estimés.

10. Nous n’avons pas ici la place pour démontrer que les emplois ubérisés sont une autre fausse
bonne idée, même si certains jeunes en manque d’insertion croient y trouver une solution, avant
en général d’en revenir.

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L’épreuve de l’accès à l’emploi

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Des formations pour quels emplois ?, Paris, La Découverte, p. 149-162.

n L’AUTEUR

Dominique Glaymann  [email protected]


Professeur des universités en sociologie à l’université d’Évry, Paris Saclay, chercheur
au Centre Pierre-Naville.
Thèmes de recherche : les mutations du système d’emploi ; l’intérim ; les stages ; les
relations formation/emploi.
A notamment publié
Briant V. de, Glaymann D. (dir.), 2013, Le stage. Formation ou exploitation ?, Rennes,
Presses universitaires de Rennes.
Glaymann D., 2005, La vie en intérim, Paris, Fayard.
Tiffon F., Moatty F., Glaymann D., Durand J.-P. (dir.), 2017, Le piège de l’employabilité.
Critique d’une notion au regard de ses usages sociaux, Rennes, Presses universitaires
de Rennes.

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