La Dynamique Des Pouvoirs Locaux Dans Le Yatenga

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UNIVERSITE DE PROVENCE

AIX MARSEILLE 1

LA DYNAMlQUE DES POUVOIRS LOCAUX


AU YATENCA (BURKINA FASO)
FORMATION ET EVOLUTIOK
DE AMENE

MEMORE DE MAfTRfSE
en Sociologie du Développement

Présenté par :
Moussa OUEDRAOW

Sous la Direction de :
TRINH VAN TA0
Juin 1990 B MARTINELU
I
I REMERCIEMENTS

T Mes remerciements a mon pere Hamidou OUEDRAOGO a qui je dois

I tout ce que jlentreprends,

Mes remerciements vont aussi


i a 1'ORSTOM (Institut de Recherche Scientifique pour le

I Développement en Coopération), a Monsieur J.C. GAUTUN,


Directeur du Centre de Ouagadougou qui mla beaucoup soutenu
pour la réalisation de ce mémoire,
I à Mme Doris BONNET, et Pascale MAIZI

o aux Professeurs Jacky Bouju, R. WARIN, TRINH Van TAO

I a Monsieur Bruno MARTINELLI qui a été le conducteur de ce


mémoire de maîtrise

I Aux amis, Melle Chantal RAYNARD, Mamadou


OUEDRAOGO Adama pour leurs précieux conseils,
SANKARA et

1 aux Paysans et h l'ensemble de la population de Amene qui

I m'ont beaucoup appris de leur milieu

A Mme SORGHO Aoua pour l'effort qu'elle a déployé pour la

I finition de ce mémoire.

I
I
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1
1
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I 1

I
S O M M A I R E
Pages
Présentation du thème 7

Méthodologie 12

lere partie - L'Histoire du peuplement et de la fondation de


Améné

Chapitre I - Peuplement et societe 16

1.1. Histoire du peuplement : données générales

1.2. Implantation des quartiers et occupation du terroir 20

1.3. Arrivee et installation a Amene Dabere des Peul


, Foynankobè et leurs captifs Rimaïbé 21

1.4. Arrivee et installation a Amené Dabere des agriculteurs


Mossi et Fulse 22

1.5 L'implantation du quartier Bissighin ou Zoinyiri 24

1.6. L'implantation du quartier Baogoporé 25

1.7. L'implantation du quartier Moengo 27

1.8. L'implantation du quartier Saadogo 28

1.9. L'implantation du quartier Saadbilin 30

1.10. L'implantation du quartier Senosorin 30

1.11. L'implantation du quartier Ipala 32

1.12. Le village de Amene et les découpages administratifs 32

2
I Pages

i Chapitre II -
Le conflit territorial entre Peul Diallube et
Peul Foynankobe pour llappropriation de l'espace et la mise en
place des peuplements 38
1
Histoire du conflit
I 2.1. 38

I 2.2. Traité de protectorat de Thiou (Mai Juin 1985) 39

I 2.3. Conséquences des conflits entre les fils de Tuguri et


Naaba Baogo 52

I 2ème partie - Organisation sociale et politique 54

1 Chapitre III - Stratification sociale et religieuse des

1 groupes sociaux

3.1. L'organisation politique du village


54

54

1 3.2. Les Peul Foynankobe Barry et les Rimalbé 54

1 Les Peul Foynankobè

3.3. L'organisation sociale chez les Peul Foynankobe 55


I Les Rimalbé Foynankobe Barry 57

1 3.4. Les Fulnakombsé Porgo venus de Koumbri 59

I Le lignage (Buudu)

3.5. L'autel de fondation du village (le Tenga) 62


I Le Tenga village

1 3.6. Les Fulnakombsé Porgo venus de Soulou 65

I 3.7. La genèse de l'Islam au Burkina et au Yatenga


a) Introduction de l'Islam en Afrique au Sud du Sahara
67

1 et au Burkina 67

b) Les confréries islamiques au Burkina 69

8 3.8. Le Hamallisme et les Foyers de l'Islam au Yatenga 70

I 3

I
Pages
3.9. Les Mossi Forgerons et les Mossi 71

3.10. Les Mossi Forgerons Zorome et Zallé 71

a) La caste des Forgerons au Yatenga 72

b) Rôle et fonction des Mossi Forgerons 73

3.11. Les Mossi 74

Chapitre IV - Le pouvoir administratif moderne et les


regulations des échanges matrimoniaux

4.1. Les structures du pouvoir administratif moderne 76

4.2. L'organisation administrative 76

4.3. Les aires de mariages 77

4.4. Les alliances matrimoniales 79

4.5. Les Fulnakombsé Porgo 79

4.6. Les Rimalbé Foynankobe Barry 80

4.7. Les Mossi Ouédraogo 81

4.8. Les Mossi Forgerons Zoromé et Zallé 82

Troisième Partie : Formation du terroir et appropriation de


1 I espace

4
Pages
Chapitre V -
L'appropriation de l'espace et l'exploitation
du terroir villageois par les différents groupes sociaux

5.1. Histoire du terroir villageois 84

5.2. Rupture et saturation de l'espace 85

5.3. Les maîtrises de terre 86

a) La conception mossi du terroir


b) La conception Peul du terroir

5.4. Organisation pastorale du Peul 87

a) Mouvements pastoraux
b) Les ressources de l'élevage 89
1) L'eau
2) Les terres
c) Les éléments d'une dynamique agro-pastorale 92

5.5. Gestion du terroir agricole des Fulsé et Mossi 93

a) Les cultures
b). Les superficies cultivées et les différentes
méthodes
c) La gestion des ressources

Chapitre VI -
L'organisation du parcellaire
autour du bas-fond

6.1. Description et evolution 98

6.2. Les exploitations et propriétaires fonciers 99

6.3. L'introduction des nouvelles cultures dans les


bas-fonds 100

6.4. Origine de projet de barrage 103

6.5. Histoire des aménagements 103

5
1
Pages

1 6.6. Les aspects economiques du barrage 104

1 puatrieme partie - Les conflits de pouvoirs

1 Chapitre VI1 - Les conflits des pouvoirs traditionnels

1 religieux et modernes

1 7.1. Les enjeux et mobiles des conflits 109

I 7.2. Les conflits des pouvoirs locaux 111

I 7.3. Les conséquences sociales de l'aménagement du barrage 113

1 7.4. L'évolution des rapports statutaires : redéfinition des


fonctions sociales des forgerons d'Am&é 116

I Conclusion générale 119

I N O T E S 122

I BIBLIOGRAPHIE 128

1
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1
I
I
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t 6

1
Présentation du thème

Un travail de recherche en sciences sociales est par


définition axé sur l'acteur social et tient par ailleurs
toujours compte du contexte historique du milieu donné.

Cette étude s'ajoute aux nombreux travaux de recherche


réalisés en Afrique de l'ouest et porte sur l'articulation des
pouvoirs traditionnels et modernes (nés de la colonisation) en
milieu rural. Ces deux types de pouvoirs qui pendant la
colonisation ont plus ou moins été complémentaires ont fini par
s'opposer dans certaines régions depuis les indépendances.
Cette idée de complémentarité nous renvoie à celle de relais :
le pouvoir traditionnel était le relai de l'administration
coloniale, par l'intermédiaire du chef de village.

Quant à l'opposition, elle voit le jour lorsque


l'Administration arrivant dans les villages a voulu investir,
mais pas forcément au profit des anciens "collaborateurs"
traditionnels : l'Administration Burkinabè ne considère plus le
pouvoir traditionnel comme un relais de sa politique.

Or les détenteurs du pouvoir moderne sont en général, dans


le contexte social africain, les fils des détenteurs du pouvoir
traditionnel. Ils ont du mal h promouvoir le développement :
conflits politiques et conflits de génération se mêlent et
s'accumulent en même temps... ces oppositions entre anciens et
nouveaux pouvoirs nés de references et de normes culturelles
différentes se confrontent dès lors en permanence.

Tous ces phénomènes d'oppositions se rencontrent énormement


au Yatenga où le pouvoir traditionnel est encore puissant d'une
longue et tumultueuse histoire : cette province de la partie
Nord du Burkina Faso correspond en effet à l'ancien royaume
mossi fondé au cours du 16ème siècle.

Dans les pays du tiers monde, le problème du développement a


eté souvent la principale préoccupation des autorités
administratives et politiques et fait l'objet de plusieurs
mesures gouvernementales. Ces mesures visent à la création
d'infrastructures nouvelles en milieu rural, telles que
barrages, écoles, dispensaires. Mais ces implantations ne

7
tiennent pas toujours compte de certaines réalités sociales du
milieu : elles peuvent provoquer des conflits des pouvoirs,
allant jusqu'à paralyser toute évolution des actions engagées
par les intervenants.

De plus, toute activité de développement, de fait, induit


des pratiques et des comportements qui renvoient a tout un
système culturel nouveau, étranger : cette pratique liée au
développement engendre donc une confrontation entre normes
traditionnelles et normes modernes.

Originaire du Yatenga, ma vie dans ce milieu, ma


participation à plusieurs travaux de recherche, m'ont permis
diverses observations et analyses sur les acteurs sociaux. Dans
un premier temps, jlai participe aux travaux menés par Doris
BONNET (Sociologue ORSTOM) de 1976 a 1978, avec Dominique AVRON
(Enseignant chercheur à l'Université de Ouagadougou) de 1975 à
1978.

Par la suite, je suis rentre au Centre ORSTOM de Ouagadougou


comme Technicien. Là, jlai participé à plusieurs programmes de
recherche et notamment au programme "Mare dlOursiflréalisé dans
la Province de 1'Oudalan de 1979 a 1981. Depuis, je participe
aux travaux de recherche du programme "Dynamique des Systèmes
Agro-Pastorauxtl.Dans cette équipe, j 'ai participe a plusieurs
enquêtes sociologiques sur le terrain et au dépouillement des
données de certains chercheurs. Cette participation sur le
terrain et les multiples fréquentations du milieu m'ont amené à
réfléchir sur certains problèmes liés aux actions de
développement.

J'ai bénéficié enfin d'un stage de formation ORSTOM de deux


ans h l'Institut d'Etudes Sociales de Lyon (IESL). J'en ai
profité pour approfondir l'analyse des difficultés que
rencontrent les intervenants pour le développement et les
problèmes que certaines réalisations posent dans un milieu
rural africain.

Le thème de mon travail de recherche fut : IlLa place de


l'aménagement antiérosif dans une dynamique de développement en
zone soudano-sahélienne : Le cas du Yatenga au Burkina Faso".

8
Mon travail actuel s'intègre dans le programme de recherche
ORSTOM : "dynamique des systèmes agropastoraux en zone
soudano-sahélienne1'dont le terrain d'étude est le Nord Yatenga
au Burkina Faso.

Ce programme essaie d'appréhender sous différents points de


vue scientifiques, l'évolution des rapports entre une société
agraire composite et un milieu marqué par d'importants
changements (dégradation des sols et de la végétation,
diminution pluviométrique, actions de développement). Ce
programme est donc par nécessité interdisciplinaire et, se
déroule autour d'un site : Bidi, village du département de
Koumbri situé à 200 km environ de Ouagadougou dans la Province
du Yatenga.

Le présent travail s'organisera de la manière suivante :

Dans la première partie "Peuplement et société1'

Cette première partie nous donne l'histoire de la fondation


de Améné à travers d'une part, ce que la mémoire orale exprime
et d'autre part à travers les bibliographies que nous avons sur
la région. Ainsi, nous aurons l'ordre d'arrivée des différents
groupes ethniques, les groupes constitutifs de l'actuel village
et les motifs de départ et leur lieu d'origine.

La deuxième partie "Organisation politique et sociale"

Cette deuxième partie nous montre ''l'organisation socio-


politique des différents groupes et lignages". Elle constituera
une description des structures sociales Peul Foynankobè, Fulsé
et Mossi à travers les chefs de famille (Buudu Kasma) Mossi,
les chefs Peul et Rimalbé, le Tengsoba et les Fulnakombsé. Nous
avons également les différents types de pouvoirs : les pouvoirs
politiques, religieux et fonctionnels. Enfin toujours dans
cette partie, nous avons les régulations et échanges
matrimoniaux entre lignages et quartiers du village et entre
village.

La troisième partie "Formation du terroir et appropriation


de 1 espace"

9
Dans la troisième partie, nous aborderons l'installation et
l'occupation du terroir villageois ainsi que l'appropriation de
l'espace par les différents groupes ethniques. Nous verrons
aussi les différentes activités pratiquées dans le milieu :
activités pastorales comme agricoles. L'ensemle de ces éléments
nous montre les enjeux économique et politique sur lesquels les
différents types de pouvoirs s'appuient pour manifester leur
autorité et leur légitimité.

La quatrième partie "Les conflits de pouvoirs"

Cette partie nous relate la dynamique de l'ensemble des


pouvoirs locaux à Améné. Et cela à travers l'histoire du
peuplement, l'organisation politique et sociale ainsi que la
formation et l'appropriation de l'espace.

On abordera de même ici les interactions entre les


différents groupes définis, et par là les problèmes de partage
du pouvoir : à ce niveau les concepts de segmentarité et
solidarité sont les plus pertinents pour expliquer ces
interactions.

C'est dans cette partie qu'apparaîtront les nouvelles normes


et valeurs véhiculées, ainsi que les manières de les
appréhender et de se les approprier de la population.

Les actions de développement constituent finalement un


terrain propice à l'émergence (et pour nous ethnologues, à
l'observation) de conflits ouverts,qui sont souvent le fruit de
conflits latents, entre pouvoirs traditionnels (chefferies
décrites dans la première partie) et pouvoirs modernes.

Nous avons pu identifier, lors de nos enquêtes, différents


types de conflits :

- des conflits individuels,


- des conflits familiaux (entre frères),
- des conflits inter-ethniques (ex : entre Peul et Mossi),
- des conflits entre groupe, statut social, caste, (Mossi,
Forgerons)
- enfin des conflits de génération, qui opposent les
chefferies traditionnelles aux jeunes administrateurs ou relais
officiels du pouvoir étatique.

10
1
1 Nous décrirons ces différents conflits, leurs origines,
leurs modalités de règlement ou de non règlement, ...

1 A partir de là, il s'agira finalement de conclure, au moins


sous la forme d'hypothèses, sur l'impact des différents

I investissements dans le milieu, compte tenu de tous ces


conflits qui entraînent d'importants phénomènes d'exclusion ou

I de blocage (dans des activités collectives), limitant ainsi


clairement l'efficacité des actions de développement, fort
nombreuses a Améné.
I Nous arrivons donc au terme de cette étude à poser le

I problème d'une rentabilité de l'action de développement. Ce


n'est certes pas au sociologue h débattre de la question, mais

1 c'est peut-être à lui de la suggérer, si tant est qu'elle soit


pertinente ...

i
I
I
8
I
I
m
1
I
1
1
I 11

1
I
I Méthodoloqie

Le pouvoir est un concept trop complexe pour être défini en


i lui-même. Nous allons dans ce cas définir les formes de pouvoir
qui existent dans le milieu d'étude et leurs modalités
i d'exercices, (comment les formes s'expriment, s'organisent ou
se confrontent).
1 Les définitions générales que nous rencontrons par exemple
dans divers dictionnaires, montrent que le concept de pouvoir
i englobe différents champs de la réalité sociale :

1 Le politique
Le juridique

1 Le religieux
Le symbolique
L'ordre du discours
I On doit donc toujours référer la notion à un champ précis du

1 social. En ce qui nous concerne, il s'agira des champs du


politique et du symbolique essentiellement, sans exclusion
totale des autres champs bien sûr, puisqu'ils sont d'une
1 manière plus ou moins exprimés, en relation les uns avec les
autres.
I De nombreux ouvrages parlent du pouvoir chez les Mossi. Nous

I nous référerons aux travaux et documents de Michel Izard, Jean


Yves Marchal, Coulibaly, Yemba Tiendrébéogo etc ...

I Mais Améné est un terrain particulier avec des individus qui


ont un discours, une histoire et une organisation spécifiques.

I Nous ne devons pas oublier que nos entretiens avec eux


interviennent donc à un moment précis de leur histoire.

1 Nous aurons toujours en mémoire ce principe essentiel de la


sociologie : "Chercheurs et Développeurs doivent garder à
I l'esprit que lorsque les acteurs sociaux livrent des
informations sur leurs pratiques ils le font toujours en

1 fonction de reconstitutions relatives. Le risque de


survalorisation ou d'oublis volontaires infléchit le discours

1
I 12

I
I
1 en fonction de
croire".
ce que les enquêtés ont intérêt h faire

1 Nos observations et nos recherches bibliographiques nous


permettent de prendre du recul par rapport aux discours des

1 acteurs et donc de relativiser leurs énoncés. On pourra d'une


certaine façon mesurer le degré de fidélité à la réalité de ces

1 discours. Ainsi, comme l'explique A. Polony "Tout en prenant le


discours des acteurs sociaux au sérieux il reste que la vérité
ou la non-vérité a moins d'importance que le fait de sa
I production".

I Dans un premier temps nous avons pendant un séjour de 60


jours, à une enquête par entretiens directs auprès de toutes
les familles d'Améné!,et a un recensement général de tous les
1 individus afin de pouvoir faire la reconstitution de l'histoire
du village (filiation, origine et premiers occupants). Grâce
R aux entretiens avec les chefs de famille au niveau de chaque
quartier nous avons établi l'arbre généalogique de chaque
I grande famille. Et cela, en suivant les liens de parenté h
travers l'ancêtre, le grand-père et les pères dans le même

I village et dans d'autres villages oÙ la famille a eu 8


s'installer auparavant.

I Nous avons aussi pris en compte l'eclatement des cellules


familiales soit pour des raisons de conflits internes

1 (chefferie, religion, sorcellerie) soit pour cause de


saturation des surfaces cultivables. Ces dernières années de

I sécheresse ont aussi causé des migrations vers les zones


humides du Burkina Faso et même en Côte-d'Ivoire, de nombreuses
familles. Nous avons observé également les signes exprimant le
8 pouvoir, (hiérarchie, autel rituel, lieu de culte).

I Le chef de famille a un rôle déterminé au sein du quartier


et du village. La hiérarchie familiale lui confère un certain

I pouvoir de faire tel ou tel sacrifice selon sa caste et le rôle


de sa famille dans le village. Les Tengbiisé ou chefs de terre
ont un certain type de pouvoir par rapport aux autres, les
1 forgerons aussi. Chaque famille a un rôle bien déterminé à
jouer ; s'il se trouve que dans le village la famille
i compétente est absente on fait appel aux familles d'autres

-
a 1. (Arlette Polony) Les mirages du Réel. Janvier 1989. Page 1-17.

13

1
I
villages. A partir de là nous voyons comment se fait le partage
I du pouvoir et ltimportance de chaque groupe dans la vie du
village. Plus ses liens avec la terre sont importantes plus il
I joue un rôle important et détient une autorité et une influence
capitales.

1 Nos observations ont porté également sur les pratiques liées


a l'exercice du pouvoir et h la gestion socio-économique du
8 milieu (et là je me suis référé aux enquêtes sur les
aménagements) .

U
1
I
1
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1
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1
1
I
8 14

I
Fig. 1 : CARTES DE SITUATION

'I 15
1
I lere partie - L'Histoire du peuplement et de la fondation de
Améné

1 I - Peuplement et Société

i 1.1) Histoire du peuplement : données qénérales

I Situé h une cinquantaine de kilomètres au Nord de Ouahigouya


dans le département de Koumbri,(Province du Yatenga), Amene est
8 un des villages créé h la suite de la colonisation pionnière du
début du siècle ; et cela suite au mouvement général

I d'occupation de cette région, intermédiaire entre le Yatenga et


le Seno, une dizaine d'années après la mise en place de

I l'administration coloniale en 1895.

Ce mouvement commence aux environs de 1905 : il se très vite


I développe et il n'est pas impossible que l'administration
coloniale en soit la cause.

I Les impôts locaux, les recrutements massifs de main d'oeuvre

u pour les chantiers coloniaux, ou pour le service militaire


étaient des contraintes h l'époque pour bon nombre de familles.
Pour leur échapper, de nombreuses fuites sont organisées vers

I cette zone alors dépeuplée, qui sert de cachette. Les


territoires des Peul Foynânkobe et Diallube servent de refuge

I pour les populations récalcitrantes du Centre Yatenga.

Plus anciennement, cette région intermédiaire entre le


1 Yatenga central et le Seno était peuplée par les populations
Kibse (Dogon).

I Selon la tradition orale et la littérature ethnologique,


cette occupation kibga remonte probablement aux environs du XVè
i et XVIe siècle. Nous retrouvons les vestiges de cet ancien
peuplement dans le village de Amene sur des sites dénommés
I "Rabodè'I2 et "Besum Tampwilt3.

Ces vestiges se manifestent par des buttes groupées sur


I lesquelles on observe des débris de poteries, des jarres

I 2. Rabodè - Rabogo :Ruines, reste de concession.


3. Besum Tampwi : Besum - n m propre d'un des premiers occupants R i m a ï 6 - Tampwi - Tas d'ordure de

1 concession

16

i
I
I enterrées : a proximité de ces buttes, nous observons des bois
sacrés et des mares.

I Selon les dires, les Kibsé auraient quitté la region suite h


des sécheresses, ou des famines successives qui ont eu lieu à

I cette époque, mais aussi du fait des attaques guerrières et des


actes de pillage organises par des Nakombsé Mossi venus du Sud

i (de Gambaga) ou par des Peul Fouta venus du Macima.

Une bonne partie du peuplement Kibga fut assimilée aux


1 populations Fulse qui bénéficiaient de la protection du Yatenga
Naaba. Ces anciens peuplements se retrouvent à Desse, Koumbri

I et Ronga, sous les sondre(a) patronymes -


Warma oÙ Sigue, et -
sont pour la plupart Berba. Certaines de ces populations sont
revenues s'installer sur leur ancien site : l'exemple des Kib&
1 de Doré.

I Dans un recueil d'une version orale retraçant la dynastie de


la cour royale de Ouahigouya, M. Izard4 nous donne une idée

I partielle de ce dépeuplement.

"La tradition mossi ou moaga dit que les Nakombsé pénétrant


U dans le bassin amont de la Volta Blanche ont rencontré des
H b s é et des Kurumba.

I Ces derniers ont fait allégeance aux chefs mossi, tandis que
les Kibsé (sing. Kibga) ont eté expulsés de leur village par

I Naaba Rawa fondateur du royaume de Zandoma. Rawa les a refoulés


peut être jusque vers Bankas et jusqulau pied de la falaise de
Bandiagara, soit déportés dans les villages mossi du sud".
1 Du XIIè au XIVè siècle, le Nord et le Nord-Est de l'actuelle

I province du Yatenga sont progressivement occupés par trois


groupes Peul nomadisant autour de leurs commandements : Tiou

I pour les Diallubé, Ban pour les Foynânkobé (Fittobe) et Todiam


pour les Torobe (assimilés aux peul Toucouleurs).

I Les chefferies Peul Diallube situées au Nord Ouest de


Ouahigouya et les Foynânkobe de Ban au Nord résistent bien aux

I razzias des guerriers Nakomse et Fouta, et finissent même par


faire allégeance à ces derniers. Ainsi les deux chefferies Peul

I 4. Izard (M) 1970 :La logique du vivant :une histoire de llhkrédité, Gallimard, Paris, coll. llTel.ll 345
p., p. 277.

I 17
I
I et Fulsé (Kurumba), de Roanga : une des trois plus importantes
chefferies restent les seules autorités dans la région.

I L'appropriation de l'espace par les éleveurs semi-nomades


(Diallubé, Foynânkobé), les agriculteurs (Fulse, Mossi) et les
I forgerons se développe très vite. Ils n'ont pas de véritable
droit de propriété sur les terres mais de leur pouvoir émane,

1 un droit éminent sur l'exploitation des terres.

M. Izard5 nous donne un aperçu de la situation géographique


I et du rôle politique que ces groupes peul ont joué dans
l'histoire de la région.

I "Le Nord du Yatenga vide d'habitants est une zone d'élevage


qui fait partie géographiquement de la plaine du Gondo, de
I nombreux peul y vivent entourés de leurs captifs Rimaïbé. Les
Peul du Yatenga sont organisés en cinq commandements,
I Bossoumnoré et Dyuma, Ban, Todyam et Tiou.

U Bossoumnoré et Dyuma sont deux grosses localités peul


indépendantes tandis que les trois autres villages cités sont
des centres politiques et religieux à partir desquels s'exerce
l l'autorité des chefs importants commandant de nombreux
établissements généralement de petite taille. Ces commandements
I sont installes a l'intérieur des frontières du Royaume, et sont
politiquement indépendants.

I Les Peul du Yatenga, ont toujours entretenu avec les Mossi


de bons rapports, fondés sur le respect de l'autorité du
1 Yatenga naaba et une sorte de pacte tacite d'assistance
mutuelle. C'est ainsi que lors des guerres conduites par les
1 Mossi contre les Peul de l'empire du Macina et leurs alliés du
Djelgoji les Peul du Yatenga sont restés loyaux. Les Peul ont

i parfois joué un rôle important dans les affaires intérieures du


Yatenga comme au temps de la lutte des fils de Tuguri contre
Naaba Baogo" .
I Les différentes chefferies Peul et Fulsé ont des droits

I qu'elles exercent par extension territoriale réelle : de


Koumbri (village des chefferies Fulsé, à une vingtaine de

I kilomètres de Roanga) vers des zones périphériques dépeuplées.

5. M. IZARD (M.)llRoyaume du Yatenga" Elements dlethnotogie, 1975, Paris, Armand Colin, 318 pages, page

1 223.

18

I
Zone d'habitat

Çampomeni peul
/zz R e tenue d'eau

1-3
Piste
Escarpement

-
O

Fig. 6 : CARTE DES CAMPEMENTS ET QUARTIERS D U VILLAGE DE A M E N E


ET TOPONIMIES DES TERROIRS AGRICOLES DE QUARTIER
600 1200 m
I
I Les Peul Foyndnkobe de Ban et les Diallube de Tiou procèdent
de la même manière. Mais sur la base d'une structure

I d'appropriation spatiale différente puisque de type pastorale


itinérante : d'une zone de pâturage à l'autre avec des
itinéraires, des chemins, des bois et des déplacements
I saisonniers, ils s'approprient progressivement l'espace au Sud
de Bahn, dans la zone dtAméne vers 1905-1910.
I Par ces deux mouvements, Amene est un peu le centre de
rencontre des deux populations. Ces dernières "créent" Amene en
1 se partageant le terroir. Elles ont donc des droits éminents.
Un peu plus tard, ce sont cette fois des populations venues du
I Yatenga Central (Bougounam , Rega, Ziga) qui arrivent dans la
zone, a la recherche de nouvelles terres. Pour y avoir accès
I elles demandent une autorisation à la fois aux Peul et aux
agriculteurs Fulse déjà présents.

I 1.2) Implantation des quartiers et occupation du terroir

I La creation du terroir villageois de Amene est récente


historiquement. Le village est établi aux abords sableux du

I cours d'eau AOTO dont le lit constitue un important bas-fond


pour le village.

I Amene est compose de huit quartiers implantes de part et


d'autre du bas-fond. Nous avons les quartiers de : Amene

I Dabéré, Amene Baogopore, Amene Moengo, Amene Saadogo, Ipala


Senosorin, Bissiguin ou Zouinyiri, Saadbilin et Silmissin.

I Dabéré est le premier quartier du village fondé par les


Rimaïbé et les Peul Foynankobe Barry dont Amadou Saliou Barry
I était le doyen. Ils sont originaires de Bahn.

A l'origine Dabére est un campement d'hivernage Peul puis


I une aire de stockage de grains des agriculteurs Fulse de Kumbri
résidant à Bidi. Les Rimalbe sont agriculteurs et sont les
I premiers à défricher les champs sur le terroir, sur les abords
et notamment du bas-fonds. Ils implantent leurs habitations sur

I le site de l'actuel quartier Dabére. Le nom Dabere veut dire


"habitat des Rimalbel' en Fulfulde. C'est vers 1908 que Daberé

1 devient un quartier à part entière avec la sédentarisation sur


place de ces diverses populations.

I 20

I
I
1 Après leur installation, les Fulnakombse60u Kurumba
originaires de Ronga, Yirvouya et Redo Porgo se joignent a eux.

1 Plus tard, les Mossi Payondiba et Noaga originaires de


Bogounam (Tikaré) et Ouahigouya (Bingo) arrivent a leur tour de
I Lossa. Dabéré est aussi le point de transit des différentes
populations qui s'installent a Amene. Ainsi, c'est a Dabére que

a les nouveaux arrivants s'installent avant de choisir le lieu


d'implantation de leur futur quartier.

o 1.3Arrivée et installation a Amene


Foynankobe et de leurs captifs Rimalbé
Daberé des Peul

I Amadou Saliou Barry, Peul Foynankobè de la chefferie de


Bahn, est le premier Peul a installer son campement a Amené.
I Lors de nos entretiens à Améné, Aliou Saliou et Idrissa Saliou
tous les deux fils de Amadou Saliou Barry, ont raconte que leur
I père s'est installé à Amene quatre années avant la famine de
Naaba Kobga soit vers 1908 selon les references sur la

I chronologie des rois du Yatenga de Michel Izard.7

On raconte que s'étant brouillé avec son frère pour accéder


I a la chefferie de Bahn, il préféra se consacrer a l'élevage
avec certains de ses demi-frères et leurs captifs Rimalbé à
I l'kart de la chefferie.

I Bahn est aussi le théatre de plusieurs affrontements


guerriers avant la colonisation en 1895. Selon notre
informateur Idrissa Saliou Barry a Amene, les Peul Foynankobe
I doivent se battre avec les Fulse et les Korunam pour
s'installer à Bahn. Ils sont l'objet de plusieurs attaques
I guerrières par les Peul de Sékou Amadou venus du Macina.

Les Peul Foynankobe se battent aussi avec les Dogons de


I Dinangourou. Cette guerre organisée avec la collaboration des
Fulse et les Mossi du Yatenga connait une grande victoire dont
I le chef peul de Bahn fut le principal artisan.

I Ainsi Bahn est exposé au pillage et aux multiples attaques


guerrières, nous dit Saliou. "Nos parents sont venus

I 6. Fulnakombsé : fulsé : nom des Kurunba en More langue des Mossi. Nakombsé : prince issu de la famille
de la chefferie.

7. Michel Izard, Le famine de Naaba Kobga a c o m e n c é pendant le regne de Naaba Kpbga qui a régné

I pendant ......de tel

21

I
s'installer ici pour fuir les exactions des ennemis. I1 y avait
beaucoup de monde à Bahn et les animaux n'avaient plus rien h
manger ; ainsi ils ont décidé de se déplacer par là. Ils ont
trouve aussi, que dans cette brousse, l'élevage réussirait''.

Amadou Saliou Barry est accompagne de ces demi-frères :


Abdou Boubou, Abdramane Nouhoun, Ousmane Atiékou, et leurs
captifs Rimalbé Arzouma Sieny Gu'inégui, Nompiré, Billali et
Wéogo. Ils s'installent tous a Dabéré sur des terres salées
"Sellego" qui se trouvent a l'Est de l'actuel quartier Dabéré.
Les abords du bas-fond constituent d'abondants pâturages en
saison des pluies. En saison sèche on y creuse des puisards,
permettant d'abreuver le bétail.

1.4) Arrivée et Installation des Agriculteurs Fulse et Mossi


a Daberé

Après l'installation des Peul Foynankobè et de leurs captifs


Rimalbé a Dabéré au début du siècle, ce sont les Fulnakombse
Yirvouya et Redo Porgo de la chefferie Kurumba de Ronga,
résidant a Kumbri, qui s'installent avec eux a Améné Dabéré.

Ils s'installent en même temps que les Mossi Payondiba et


Noaga quatre années après les Peul et les Rimaïbé, selon nos
informateurs, soit vers 1912-1913.

Payanguéba, Yirvouya et Redo sont les fils de Naaba Korga de


Ninigui et originaires de Ronga. Payanguéba réside a Bidi,
village voisin de Améné, situé a 6 km au Sud-Est. Ce sont les
Fulnakombsé de la famille Porgo qui détiennent la maîtrise des
terres de Ronga. Cette grande famille Porgo, s'est éparpillée
sur tout le territoire de Ronga et principalement dans les
villages de Soulou et Saya dont ils sont fondateurs. Le Naaba
Korga, père de Yirvouya, Redo et Payanguéba a résidé à Soulou
et Bogoya avant d'être n o m e chef de Ninigui par le Ronga
Naaba, après consultation du Yatenga Naaba. Payanguéba et
Yirvouya, ont vécu chez leur oncle, le chef de terre Warma de
Kumbri qui porte le titre de Gombré Naaba. Le terroir du Gombre
Naaba, est inclus dans le territoire de Ronga.

Ainsi Pagnaguéba et Yirvouya, se joignent à Yempam, frère


cadet du Gombre Naaba de Koumbri pour défricher des champs de
culture dans' la brousse située au Nord-Ouest de Kumbri, entre

22
I
I les villages de Dessi?, Bahn et Dore. Dans la même zone de
brousse, s'installent des RimaTbé originaires de bosomnoré qui

I sont les fils adoptifs de Naaba Korga de Ninigui. Ces deux


groupes d'agriculteurs sédentaires fondent Bidi et occupent
tout le terroir jusqu'a Amene i oÙ ils rencontrent les Peul
I Foynankobè. Yirvouya et Yempam défrichent la partie Nord du
bas-fond qui se situe à la limite du territoire de Koumbri et
I de celui des Peul Foynankobe de Bahn.

Yirvouya rencontre Saliou, avec lequel il lie des relations


I d'amitié. Saliou lui attribue des terres sur son territoire et
l'autorise h construire des greniers à mil dans son campement à
I Daberé. Yirvouya cultive donc dans le bas-fond de Bidi,
territoire de Koumbri dont la grande maîtrise de terre est
U Ronga et, dans le bas-fond de Améné, territoire de Bahn dont
les grandes maîtrises de terres sont Dore et Boroni. I1 laisse

1 ses récoltes dans les greniers chez Saliou à Dabere et rentre


en saison sèche a Bidi. Bidi est le village de transit des
Porgo venus de Kumbri et des Forgerons Zoromé.
I Ce n'est que cinq ans après l'installation des Foynankobè

I (soit vers 1912) que Redo le frère cadet de Yirvouya qui


s'était installé h Gok0 le rejoint a Bidi et persuade son grand

e frère d'aller s'installer a Amene Dabéré avec Saliou et ses


Rimalbé. Selon Redo, Bidi était déjà surpeuplé.

I Yirvouya et Redo se sont installes a Améné Dabére en même


temps que Payandiba et Noaga. Payondiba est Mossi et originaire

I de Bingo, un quartier de Ouahigouya. I1 s'était déjà installe a


Ninigui, oÙ il avait connu Yirvouya et Redo. De Ninigui il
s'est installé a Lossa c'est de Lossa qu'il est venu h Amene
I avec Noaga.

I Noaga, lui, est originaire de Bougounam dans la région de


Seguenéga. I1 est guérisseur de profession et va de village en

I village soigner les malades. Ainsi de passage h Lossa, il est


logé par Payandiba. Pendant son séjour il rencontre la
ttDevineresse" (ou Bagbougda) du village et en est amoureux.
I Mais comme elle est déjà mariée la solution est de s'entendre
avec elle et de s'en aller ailleurs s'installer en cachette
1 dans un endroit peu fréquenté. Noaga fait connaître ses
intentions a son logeur. Ce dernier l'approuve et l'accompagne

I 23

1
I
I voir Bobo le chasseur de Desse, un des amis de Payandiba. Bobo
connaît bien la brousse : il fait savoir h Payandiba et h Noaga
I que dans la brousse de Amene, h Améné Dabéré il existe un
campement Peul, celui de Saliou. Bobo leur apprend que cet

1 endroit est très peu fréquenté et peut donc leur servir de


cachette. I1 accepte et s'enfuit avec la devineresse jusqu'à
Améné Dabere. C'est en début de saison sèche (octobre
1 novembre). Les Peul sont déjà partis à Bahn avec les Rimalbé.
Seul le Rimaïbé Bediguiam reste à Améné avec sa femme.
1 Payondiba, Noaga et la Devineresse sont accueillis par

1 Bediguiam. Et c'est ainsi, que Yirvouya et Redo les retrouvent


h Améné Daberé. Saliou leur donne l'autorisation de défricher
des champs de culture. Les Rimalbé et les deux groupes
1 d'agriculteurs exploitent les brousses de : Solgom Bissighin,
Yoloré Toessindin, Salgael ou Doudourin, Bessum Tampwi et Aoto
I aux environs du site de l'actuel barrage. Les deux groupes ont
défriché de nouveaux champs de culture et ont reçu également

I des Rimaïbe des parcelles déjà mises en culture. A partir de ce


moment, Dabere devient habité en permanence et c'est aussi le

I début de la création du village. Depuis l'installation des


agriculteurs sédentaires, les Rimalbé aussi se sont
sédentarisés et ont cesse de repartir en saison sèche h Bahn
I avec les Peul. C'est ainsi que le village est créé et se
développe progressivement avec les arrivées d'autres
I agriculteurs et éleveurs. I1 y en a qui viennent de Soulou,
Tavousse, de Ziga et Rega.

1 1.5) L'implantation du quartier Bissiqhin ou Zoinyiri

I Après l'installation des deux groupes d'agriculteurs


sédentaires, viennent ensuite les Porgo de Soulou : ils sont

I nombreux : six h sept chefs de ménages. Ces derniers sont


accueillis par les Rimaïbé et les deux groupes en présence.
Parmi ceux qui sont venus de Soulou, Tenguinso s'installe avec
1 sa famille h Dabéré Yirvouya. Les autres implantent leur
quartier derrière le bas-fonds. Zoin, un des fils de Tenguinso,
1 quitte Amene Dabere et s'installe sur un champ de son père a
Bissighin ou Zoinyiri. Zoin était eleveur et, avec son bétail
I il préférait s'installer un peu à l'écart pour avoir plus
d'espace. Et c'est ainsi que ce quartier d'une concession a eté

a créé. De nos jours les fils 'de Zoin y habitent. A Dabere nous

24
I
I
1 avons également deux grandes familles Ouédraogo venu de Ziga
(Gourcy) et Rega (ouahigouya). Les Ouédraogo venus de Ziga ont
résidé a Koumbri et Bidi avant de s'installer h Améné Dabéré.
i 1.6) L'implantation du quartier Baoqoporé

I Arrivée et installation des Porgo venus de Soulou

I Une dizaine d'années plus tard, après l'installation de


Améne Dabéré, le groupe d'agriculteurs Fulnankombsé de Soulou

I arrive h Amené. Ces Fulnankombsé sont de la même famille Porgo


que Yirvouya et Redo et aussi originaires de Ronga.

I Le Naaba Korga Père de Yirvouya et Redo, a résidé a Soulou


avec ces derniers avant d'aller à Bogoya et ensuite Ninigui oÙ

1 il a été nommé chef de village. Cet extrait de Nongodo Porgo,


le Tengsoba du village de Améné Mossi nous donne une idée de

1 leur lien de parenté. Nous sommes de la même famille que ceux


e
de Soulou. Notre grand pere le Naaba Korga de Ninigui est parti
de Soulou pour Bogoya. De Bogoya il a été envoyé a Ninigui par
I le Ronga Naaba. Nous sommes de la même famille Porgo de Ronga.
"Tondo faar yââ kimsrooga yembré". "NOUS tous nous sommes de la
1 même maison ancestralet1ainsi que ceux de Saya. De nos jours,
seuls les Porgo de Soulou peuvent accéder a la chefferie. Ceux

1 de Saya ayant perdu le droit. Etant l'aîné de la famille


l'ancêtre fondateur de Saya n'a pas répondu à temps à l'appel

I lancé par les Berba de Ronga pour les funérailles et la


succession de leur père a la chefferie de Ronga. I1 s'est donc
vu ecarté du pouvoir ainsi que toute sa descendance au profit
I de ceux de Soulou dont l'ancêtre fondateur est le frère cadet
et a vite répondu a l'appel des Berba de Ronga pour la
I chefferie.

L'arrivée de ceux de Soulou a Améné n'a pas été du goût de


1 Saliou chef Peul de Amené a l'époque. I1 n'a pas manqué de
manifester ouvertement son mécontentement à Yirvouya en lui
1 disant qu'il n'aime pas les gens de Soulou. Nongodo Porgo nous
confie ce témoignage dans cet extrait :
1 "Après notre installation ici, ceux de Baogoporé et Moengo
sont venus ici nous rejoindre h la recherche de terres
I cultivables. Et Saliou nous a dit qu'il n'aime pas les gens de
Soulou et cela pour la mauvaise renommée qu'ils se sont fait
I 25

I
I
1 dans la
Soulou.
region. Nous savons pourquoi il n'aime pas les gens de
C'est depuis leur participation aux côtés de Naaba

I Baogo a
etaient
la bataille de Sim contre Naaba Bulli dont les Diallube
des allies. Yaa Naaba Baogo Ne Naaba Bulli Zââbran
Tyouan, Ne Souli Reemba guandaalouma"
I I1 y a longtemps que cela c'est passé, peut-on parler de ces

1 problèmes de nos jours ? Nous avons dit au Peul de les laisser


s'installer comme ils sont venus jusqu'ici. On ne peut plus

I leur dire de repartir. Sinon, le peul ne voulait pas qu'ils


s'installent a Amene ici.

I A cette epoque les gens de Soulou avaient une mauvaise


reputation de voleurs et pilleurs. Ils n'étaient pas aimés dans

C la région.

I
I
I
1
I
I
I
I
I
1
I
I 26

1
llSoulouRemba yaa gandado M'baa zoudamé ba zaldamé''.

Mais Saliou finit par les accepter, compte tenu des liens
d'amitié qu'il entretient avec Yirvouya et Redo. Ils
s'installent h Améné Dabéré avant de construire leur concession
dans leur futur quartier sur le champ d'un de leur ami Rimalbé
derrière le bas-fond. Ils dénomment leur quartier Baogopore
"derrière le bas-fond"

Saliou leur attribue une partie de son terroir situé entre


Mougounougoboko et Amene. Et quand ils veulent s'installer dans
cette zone de brousse, les Peul Diallubé de Gomboro Tiu dont la
limite du territoire se situe a Mougounougoboko protestent et
les refoulent. Ils reviennent sur Amene et Saliou leur attribue
les zones de brousse de Bassi au Nord entre Madougou et Améné
et Bessum Tampwi a l'Est. Ils implantent leur deuxième quartier
Moengo sur la rive droite du bas-fond. Ils obtiennent du
Tengsoba de Dessé des zones de brousse à Sabga Bango et a
Saabéré, terroir de Desse village, voisin a l'Est.

Parmi les chefs de ménages de la famille Porgo venus de


Soulou, nous avons Tenguinso, Yirmean, Boulio Bobodo, Hamidou,
Meba, Payaguin, Lalle Warm et Kaogo. Tenguinso s'est installé a
Dabéré avec Yirvouya. Le reste des membres de la famille Porgo
venus de Soulou s'installent en deux groupes dans deux
concessions séparées a Baogopore. Avant de venir à Amene,
certains du groupe se sont convertis a l'Islam a Tavousse. Ces
derniers s'installent ensemble dans la dernière concession.

1.7 L'implantation du quartier Moenqo

L'expansion de l'Islam dans le villaqe

Le groupe converti h l'Islam s'installe dans la deuxième


concession a Baogopore et juge difficile de cohabiter avec les
païens. Ils construisent de nouveaux habitats dans leurs champs
au Nord Ouest de Baogopore sur la rive droite du bas-fond. Ils
déménagent dans le nouveau quartier qu'ils dénomment Moengo ou
"chez les Musulmans".

Parmi ceux qui se sont convertis à l'Islam, nous avons


Bobodo, Hamidou et leurs fils Issaka, Issoufou et Idrissa qui
ont étudié le coran à Tavousse. Les musulmans de Tavoussé, sont

27
des Hamallistes. Ils se réfèrent a un grand maître de l'Islam
dans la region, le Cheik Hamallah du Mali.

Après le retour de Cheick Aboubacar Malga a Ramatoulaye, ils


se joignent tous à lui. Le Cheick Aboubacar Malga est aussi
Hamalliste et prie avec le chapelet à Onze grains au lieu de
douze que l'on a l'habitude de rencontrer.

Issaka et ses frères entreprennent d'étendre l'Islam dans


tous les villages pour la conversion des populations.
Progressivement ils étendent la religion dans les villages
voisins et sont reconnus dans toute la région. Ils créent une
école coranique "Karimboko" oh ils recrutent les jeunes h qui
ils enseignent le coran. Les Peul et les Rimalbé etaient
islamises avant l'arrivée des Porgo et avaient un Imam El Hadj
Abdramane Barry. I1 eut des successeurs.

Au décès du dernier de ces successeurs c'est le grand


marabout Issaka Porgo qui prend la relève. A Moengo se greffe
une famille de Marabout, les Cisse. Mais ces derniers sont en
train de migrer de nos jours vers les zones humides de l'ouest
du Burkina (Kouka).

1.8) L'implantation du quartier Sââdogo

L'arrivée des forqerons Zorome a Amene

Après l'installation des Porgo venus de Soulou, ce fut au


tour des Forgerons Zorome de s'installer a Amene. Les Zorome
sont originaires de Ronga comme les Porgo de Soulou ainsi que
Yirvouya et Redo. Ils sont a la recherche de terres cultivables
et d'un espace oh ils pourraient exercer leur activité de
forge.

Mouri et ses frères Amade Sambo, Filga et Maringa ont résidé


a Tavousse avant de venir a Amene. De Tavousse, ils sont alles
h Bidi chez Kouliga, un membre de leur famille originaire de
Ronga. Kouliga leur conseilla d'aller solliciter un bout de
terroir chez les Rimalbé de Bidi, installés dans leur campement
d'hivernage à Samni.

Bidi, selon Kouliga est très peuplé et a Samni ils ont plus
de chance de pouvoir s'installer. Arrivés à Samni chez les

28
Rimaibé, ils rencontrent Saliou qui les invite à s'installer
dans leur village à Amené. I1 leur dit qu'ils n'ont pas de
forgerons dans leur village.

Par rapport aux Porgo venus de Soulou, les Zoromé ont été
bien acceptés par Saliou et l'ensemble de la population. Les
agriculteurs Mossi et Fulse surtout sont contents d'avoir les
travailleurs du fer sur place dans leur village.

Saliou leur attribue des zones de brousse de culture : ils


reçoivent également d'autres agriculteurs déjà installés, des
parcelles de culture. Mouri et ses frères séjournent quelques
mois a Dabéré avant de déménager vers l'Ouest du quartier
Dabéré sur le côté gauche du bas-fond traversant le village du
Sud au Nord-Ouest. Ils créent vite leur quartier à l'écart pour
pouvoir exercer leur activité, et surtout éviter les risques
d'incendie que le feu des forges pourrait provoquer, s'ils
restaient à Dabéré entre les toits des cases et greniers et les
cases peul entièrement faites de pailles. Les Zoromé restent
quelques années dans leur nouveau quartier, avant de
s'installer sur le site de l'actuel quartier Sââdogo - "ou
concession des Forgerons" Saab Yiri. Ils doivent quitter le
premier site près de Yoloré par suite de plusieurs malheurs
(maladies, accidents, décès) .

Les Zoromé partagent avec les Porgo et les Rimalbé, les


zones de brousse de Toessidin, Keringowéogo, Aoto le long du
bas-fond sur la rive gauche et la brousse de Sénossin.
L'arrivée des Zoromé a donné une autre image au village qui est
devenu à l'époque l'un des rares villages de la région à
abriter les forgerons.

Le travail du fer a toujours été à la base de nombreuses


activités dans la société. Cet extrait de l'entretien réalisé
avec El Hadj Harouna Zoromé (le Saaba Naaba) ou responsable
coutumier du village de Améné Sââba nous le confirme : La forge
est le noeud de toute vie dans la société. C'est d'elle que
dépend l'homme : dès sa naissance on lui coupe le cordon
ombilical avec la lame fabriquée a la forge. Et durant son
existence sur terre, pour gagner, sa vie il est obligé de se
servir des outils en fer, fabriques a la forge.

29
I
1 Dans la vie de l'homme, le forgeron est toujours présent. Si
vous les aimez tant mieux, si vous ne les aimez pas tant pis.

1 C'est ainsi que Dieu a fait les choses et on ne peut se dérober


au fait de Dieu". Cet extrait "Yaa Weenam N'Tumdin'' nous
montre, la façon dont un forgeron, représente l'importance de
I son groupe dans la societe Moaga.

I Après l'installation des Zorome a Sââdogo, Boukary Bagagna


un des amis de la famille originaire de Youba aux environs de
Ouahigouya les rejoint et s'installe a Sââdogo avec eux.
I Les Bagagnan, sont des Yarse ; les Yarse sont commerçants,

I les Maranse sont des artisans (teinturiers, tisserands) et


artistes. Ils sont venus du Mande, de l'Ouest de Manago ou

I Hombori au Mali et au cours des siècles, ils ont petit a petit


migré vers le Sud et l'Est. C'est ainsi qu'on les retrouve en
pays Mossi.
I 1.9) L'implantation du quartier de Saadbilin

I Après l'installation du premier groupe de forgerons Zoromé,


d'autres forgerons arrivent plus tard quinze ou vingt ans
I après, ce sont les forgerons Zallé originaires de Saye dans le
département de Bassi (Gourcy). Ces forgerons se sont divisés en

U deux groupes : le premier groupe s'installe dans les environs


de Moengo et fonde le quartier Sâddbilin qui veut dire petit

I SBddogo.

1.10) L'implantation du quartier de Sénosore


1 A la même époque le deuxième groupe de Zallé se joint au

I Zoromé, pour s'installer au Nord de Sââdogo, sur un site proche


de Mougounougoboko toujours sur le terroir de Amene.

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1 1.11) L'implantation du quartier Ipala

u A Amene le mouvement de colonisation pionnière qui a


commencé depuis le début du siècle, se poursuit jusqu'aux

u environs de 1960, ailleurs ça se poursuit toujours. C'est ainsi


que les derniers venus h Amene sont des agriculteurs Mossi des
environs de Ouahigouya. Parmi eux nous en avons qui sont

I originaires de Yabonsgo, Sodin et Wédrancin. Ils sont eux aussi


a la recherche de nouvelles terres cultivables. Mais

I malheureusement, ils n'ont pratiquement bénéficié que des zones


défrichées et cultivées. Ces zones sont pour la plupart
appauvries et érodées suite aux nombreuses années de mise en
I culture. Le terroir est saturé : les bonnes terres exploitées
par les premiers venus. Cette situation fait que ce quartier
i n'a eté peuplé qu'à un moment donne. La plupart de ceux qui se
sont installés sont repartis dans leur village d'origine oÙ la

1 situation est plus avantageuse qu'a Amené, ou sur des nouvelles


zones pionnières comme Mougounougouboko et Aurébanguéle.

1 De nos jours, le quartier est peu peuplé il n'y a que deux


concessions, des Porgo de la grande famille Porgo de Rongo
I venus de Tyu et des Mossi Ouédraogo de Yabonsgo. Les Porgo
dependent du village Améné Mossi et les Ouédraogo de Amene

1 Sââba.

L'ensemble de ces mouvements de migrations créent Amene.


I Historiquement, Améné ne constitue qu'un seul village mais sa
situation particulière aux frontières des grandes maîtrises de

I terre du Yatenga, aux frontières aussi des grandes chefferies


coutumières est devenue source de clivage de la population.

I Cette source de clivage s'est amplifiée et cristallisée de


manière conflictuelle, entraînant ainsi des découpages
administratifs successifs.
I 1.12. L'éclatement du découpage administratif

I La partie du terroir de Amene qui est située sur le


territoire de la chefferie Foynankobè de Bahn relève de trois
I maftrises de terre : Doré a l'Ouest, Sim au Sud, Boroni au Nord
et au Nord Est.
8
I 32

1
1
I Ceci explique cela a savoir la volonté farouche des Peul et
Rimalbé du quartier Dabéré fondateurs d'Améne, d'être rattachés

I administrativement à Bahn.

Tandis que les autres habitants d'Améné venus de Koumbri,


1 Ronga et Soulou, les Porgo qui ont pris la chefferie et le
Tengsobendo h Ronga et installés sur une brousse dépendant du

I Tempeelem de Koumbri ont préféré être rattachés à cette


dernière préfecture avec les Zoromé.

I Améné est aussi aux frontières des territoires des grandes


chefferies de la région. Ces chefferies dépendent toutes du
i Yatenga Naaba. Nous avons les chefferies Peul Diallube de
Gomboro dont la chefferie réside a Thiou, la chefferie peul

I Foynankobè résidant à Sagara Ban et la chefferie Kurumba des


Porgo de Ronga.

I L'éclatement du terroir de Amene entre quatre grandes


maîtrises de terre et sa localisation géographique aux

1 frontières de plusieurs grandes chefferies est à l'origine de


l'eclatement du découpage administratif.

I Amené est divise en trois villages administratifs dépendant


de deux départements. Les villages Amené Mossi et Amené Saaba
8 dépendent du departement de Koumbri. Le village de Améné
Rimalbé dépend de Bahn.

I a) AMENE-MOSSI

I SITUATION ADMINISTRATIVE

Village administratif dépendant du Lipartement de Koumbri


l Population résidente :
Recensement de 1975 : 573 personnes
I Recensement de 1985 : 152 personnes (sans precision sur les
villages administratifs recensés)

I
I
I
1 33

I
I
I LIMITES GEOGRAPHIQUES

- Est : Desse et Bidi au Sud-Est


I - Ouest
- Nord
: Mougounougoboko et péténangué
: Biré et Madougou
I - Sud : Samni et Niorko

I Les limites de la chefferie coutumière sont les mêmes que


celles du terroir villageois. I1 en est de même pour la
maîtrise de terre.
I STRUCTURE ETHNO-SOCIOLOGIQUE DES QUARTIERS DU VILLAGE

I Nom des
quartiers
Patronyme Ethnie Statut dépend de La dépend de la dépend de la
social chefferie de maitr./terre préfecture de

I Dabéré Porgo Fulsé Nakombsé chefferie


dépend de
Kounbri et
Ronga
Kounbr i

I Ouédraogo Moosé Zemba Bidi-Mossi


Ronga
Dabére
Na-yiri
Koumbr i

I Bawgporé

Moingo
Porgo

Porgo
FuLsé

Fulsé
Nakombsé

Nakomtsé
Dabéré

//
//

(musu [mans)
//

//

I Bissiguin Porgo FuLsé Nakombsé // Dabéré //

1 b) AMENE-SAABA

SITUATION ADMINISTRATIVE
I Village administratif du département de Koumbri.

I Population résidente :
Recensement de 1975 : 275 personnes

u Recensement de 1985 : le recensement présente un total de


175
personnes sans préciser quel Amene a été recensé.
I LIMITE ADMINISTRATIVE

I n'a
- Est : Le terroir de ce nouveau village administratif

I -
pas été limité.
Ouest : Coutumièrement les champs d'Amené-saaba sont
-
I -
Nord : imbriqués dans le terroir d'Améné-mossi. La
Sud : question mériterait une étude précise du
parcellaire villageois.
I 34

I
i
I N o m des
STRUCTURE ETHNO-SOCIOLOGIQUE DES QUARTIERS

Patronymes Ethnie Statut dépend de la dépend de la dépend de La

I quartiers

Saadogo Zord Moose


social

Saaba
chefferie de maitr./terre préfecture de

chefferie Boroni et Koumbr i

I dépendant de Doré
Ronga et Bahn

I Zallé

Bagaya
Moose

Moose
Saaba

Yarse
Saadogo

//
//

//
//

//

I Yipala
yabonsgo
Ouédraogo Moose Zemba // // //

U Yipala Porgo Fulsé Nakombsé


(Daberé)
Améné-mossi //

I Saadbili Zallé

Sénosorin Zoromé
Zal lé
Moose

Moose
Moose
Saaba

Saaba
Saadogo

//
//

//
//

//
Saaba

I
C) AMENE-RIMAIBE
i SITUATION ADMINISTRATIVE

I Village administratif du departement de Bahn. Sa mention


dans ce chapitre est justifiée par le fait que le terroir de
I ce village fait partie intégrante d'Améné d'une part et que
d'autre part Améné-rimalbé est le noyau d'origine du quartier

I Dabéré d'Amené-mossi : c'est le même quartier.

Population résidente
i Recensement de 1975
Recensement de 1985

l LIMITES GEOGRAPHIQUES

1 Mêmes limites que celles du village d'Amené-mossi.

I
I
I
i 35

1
I
I N o m des
STRUCTURES ETHNO-SOCIOLOGIQUES DES QUARTIERS DU VILLAGE
Patronymes Ethnie Statut dépend de la dépend de la dépend de la

I quart i ers social chefferie de maitr./terre préfecture de

I Dabéré Barry

Barry
Peul
(Foynankobè)
Peul
R i m a ï M Bahn

Rirnaïbé //
Bahn-Korire Bahn
et Dore
// //

U Silmissin Barry Peut RimaïM // // //

I A partir de ces divisions fondamentales se sont


greffes d'autres problèmes et de nouvelles propositions
I des conflits entre Peul, des conflits entre Peul/Moose,
des conflits animistes/musulmans, des conflits pouvoir

8 moderne/pouvoir coutumier et des conflits entre pouvoirs


modernes.

1 Nous reviendrons sur l'ensemble de ces conflits dans


le dernier chapitre. Tandis que nous verrons dans le

D chapitre suivant le conflit entre Peul.

I
l
II
I
I
I
I
I
I
I 36

I
I C A R T E DE MOUVEMENTS DES POPULATIONS VERS A M E N E
Fig.3
I
U
U
U
I
1
I
I
I

b Point de départ ou d e transit

-
I. Itinéraire du g r o u p e Mossi
I!¡n;rairr
Por go
d u groupe Fulnakobs;

1
--
ttingrairc groupe Mossi
Forgeron
Itinéraire du groupe PCUI

I fogn ank ob;


I
I Chapitre II - Le conflit territorial entre Peul
Diallube et Peul Foynankobe pour l'appropriation de

I l'espace et la mise en place des peuplements

I 2.1.

Les
L'histoire du conflit

conquêtes pacifiques d'appropriation et


I d'occupation de la région intermédiaire entre le Yatenga
et le Seno jadis depeuplé, n'ont pas toujours été comme

I cela a été le cas jusqu'h présent. L'occupation et la


mise en place de certaines zones ont entraîné des grands

I conflits entre groupes. Le cas du conflit territorial


entre Peul Foynankobè de Bahn et Peul Diallubé de Thiou
est pertinent. Ce conflit est un conflit latent, il est
I né d'un vieux conflit plus important h l'échelle du
Yatenga. Le conflit opposait les descendants de Naaba
I Yadéga, les fils de Naaba Saaga, Naaba Baogo en tête et
les fils de Naaba Tuguri, Bakaré en tête. C'est de ce

I vieux conflit devenu de l'histoire, que les deux groupes


Peul se sont basés pour se disputer pour un bout de

I territoire situé aux frontières des deux territoires


respectifs.

I Amene est situé aussi dans la region intermédiaire


entre le Yatenga et le Seno, dans la zone d'intersection

I des deux grands territoires Peul Diallubé et Foynankobè.


Et cette region, est constituée par des vastes
territoires pastoraux contrôlés par les commandements des
1 Peul Diallubé de Thiou au Nord dont le territoire s'étend
de l'Ouest au sud de Amene, et celui des Peul Foynankobè
I de Bahn qui englobe Amene et s'étend du Nord h l'Est. Le
Sud est un bout du territoire de Koumbri. Ces territoires

I ont été jusqu'à présent préservés de la mise en culture


et sont ouverts à la libre pâture. Les pasteurs ont

I d'ailleurs la maîtrise politique de cet espace. Ils


l'organisent selon leurs visées propres et cela fait

I l'objet d'un concensus admis depuis longtemps par les


habitants des villages. Une grande partie des terres est
réservée a la pâture et le reste a l'élevage J.Y. Marcha1
I
I 38

I
I
I Ces deux groupes Peul avaient signé pendant les
conquêtes des Nakombsé Mossi une sorte de pacte tacite

I d'assistance mutuelle avec le Yatenga Naaba. Malgré cela


chacun a pris parti des différends qui opposaient les
fils de Tuguri a Naaba Baogo (1822 1895)'
I Les Diallubé de Thiou ont joué un rôle important au

1 côté des fils de Tuguri dans ce conflits. Thiou a éte la


principale cible de Naaba Baogo. Malgré la défaite de

I Baogo, les Diallubé ont toujours gardé une haine contre


les alliés de Naaba Baogo.

I Cet extrait de Michel Izard (1985, page 136), nous


donne une idée de l'importance du conflit royal entre les

I fils de Tuguri et Naaba Baogo. Ce paragraphe, nous montre


également les différends enjeux de ce conflit et le début
de la colonisation au Yatenga et en pays Mossi.
i 2.2. Le traité de protectorat et la bataille de Tyu

I (mai-juin 1895)

Tandis qu'en cette saison sèche 1894-1895, la


I situation intérieure dans le Yatenga continue de se
dégrader, Destenave reçoit en février 1895 les
I instructions qu'il attendait pour se mettre en campagne.
Depuis l'ambassade de décembre 1894, la position de Naaba

I Baogo et des fils de Saaga s'est sensiblement améliorée :


pour la première fois depuis le début du règne, le temps
ne semble plus jouer exclusivement en faveur des
1 rebelles. Pour des raisons mal connues, Mamadu a
récemment pris ses distances par rapport a Bagare et
I s'est retiré dans une localité contrôlée
l'administration d'Agibu. Voici comment, le 12 avril
par

1 1895, Destenave analyse la situation : IlLe roi est prêt a


accepter toutes les conditions que nous lui imposerons

I pourvu que nous l'aidions h rétablir la paix au Yatenga,


en agissant auprès de son neveu (Sic) Bakharé (Bagare)

I qui, a la tête des gens du village de Gomboré (Gomboro),


ne cesse de l'inquiéter par ses attaques continuelles.
Bakharé a déjà envoyé un homme de confiance h Bandiagara
I pour rechercher notre amitié et il se trouve actuellement

I 8. Michel Izard - Le Yatenga precolonial un ancien royaume du Burkina Karthala Paris 1985

39
I
assez isolé par suite de sa rupture avec Mamadou Aladji
(Mamadu) et du départ de ce dernier ; il est donc a
présumer qu'il me sera possible de faire entendre raison
à ce prétendant trop impatient de prendre la place de son
oncle (Sic) qui est d'ailleurs tres âgé et assez
impotent, tout en ne perdant pas de vue que, d'après la
loi du Mossi (Moogo), Bakharé sera Naba du Yatenga a la
mort du Naba actuel".

Le 28 avril 1895, une colonne militaire française


commandée par le capitaine Destenave quittait Bandiagara
et prend la route du Yatenga. Elle se compose de deux
officiers français, les lieutenants Margaine et Voulet,
de 36 tirailleurs et de 60 auxiliaires. Widi Sidibe ardo
de Barani, est du voyage. Par Dimbolo, Kani-Kombole,
Bankas, Kor0 et Kiri, la colonne Destenave parvient a
Tyu, oÙ Mamadu est de retour et a renoue avec Bagare.
Mamadu reçoit l'officier français, qui s'emploie a
persuader le chef des Dyallube de ne pas gêner sa mission
: on peut imaginer que Widi fut associé aux pourparlers.
Destenave rencontre aussi à Tyu des représentants de
Bagare, qui ne se déplacent pas pour l'occasion. Le parti
des fils de Tuguri, suite aux contacts établis a
Bandiagara avec Destenave, est persuadé que l'arrivée des
Français va lui permettre de l'emporter sur Naaba Baogo,
aussi les villages favorables a Bagare font-ils un
accueil chaleureux à la colonne. Compte tenu que les
villages acquis aux fils de Saaga n'ont aucune raison
d'entraver la marche de Destenave, qui se rend h Waiguyo
pour prêter main forte au roi, la colonne arrive sans
encombre dans le natenga, oÙ les officiers français sont
reçus avec les plus grands égards. Naaba Baogo laisse h
Destenave toute liberté pour choisir l'emplacement de son
cantonnement. Avant d'entamer les pourpalers, il faut
régler une question de protocole : le roi ne veut pas se
rendre dans le camp français, le résident ne veut pas que
les discussions aient lieu dans l'enceinte du nayiri : on
convient d'un lieu de rencontre situé approximativement a
mi-distance du camp militaire et du palais royal. Le 19
mai, dans une lettre adressée au gouverneur Grodet,
Destenave trace le portrait suivant du Yatenga Naaba :

40
IlLe Naaba est un vieillard h barbe blanche mais ayant
conservé une certaine vivac té d'allure : il para t âgé
d'environ 70 ans : malheureusement il fait un usage
inconsidéré du dolo. I1 n'a qu'une idée fixe : tuer
Bakharé ; il a été battu par lui a l'attaque a Komboro
(Gomboro) et ses gens ne veulent former une nouvelle
colonne que s'ils sont certains de notre appui. Le Naaba
de Wagadougou n'a pu venir h son aide, c'est pour cela
qu'il est venu nous trouver a Bandiagara. I1 me demande
de lui livrer Bakharé. Je lui fait entendre que jlai éte
envoyé là pour étudier la situation de son pays et lui
venir en aide en employant d'abord tous les moyens
pacifiques qui m'ont réussi au Macina. A l'égard de
Bakharé c'est son affaire s'il le prend de lui couper la
tête : que nous autres Français n'employons pas ces
procédés-là. I1 se plaint alors de ce que je ne sois pas
venu avec assez de tirailleurs. Je lui réponds que si
j'en avais amené un plus grand nombre il ne m'aurait pas
reçu et aurait eu raison parce qu'il aurait eu le droit
de suspecter mes intentions".

Cette correspondance de Destenave nous livre deux


informations importantes. La première est celle qui
concerne d'éventuels contacts établis entre le Yatenga
Naaba et le Moogo Naaba. I1 est possible que Naaba Baogo
ait demandé l'aide du Moogo Naaba Wobgo dans sa lutte
contre les fils de Tuguri, mais c'est très peu probable :
il semble bien, par contre, que Naaba Baogo ait reçu,
très peu de temps avant l'arrivée de Destenave, des
émissaires de Naaba Wobgo mettant en garde le roi du
Yatenga contre une attitude trop conciliante à l'égard
des Français. La seconde information est celle qui fait
état d'un certain découragement du parti des fils de
Saaga, qui, hors les plus déterminés d'entre eux,
désespèrent de venir à bout de la rébellion sans l'aide
des Français.

Destenave, conformément aux instructions reçues,


entend monnayer son aide. Les Français sont arrivés h
Waiguyo le 12 mai : les pourparlers en vue de la
ratification du traité de protectorat commencent le 14 au

41
1
1 soir. Ce n'est pas ce que souhaitait Naaba Baogo. Lors
des discussions préliminaires, le roi et ses conseillers

E font d'une opération conjointe de la colonne française et


de l'armée royale contre les fils de Tuguri un préalable
a tout accord entre les deux parties, a quoi Destenave a
I répondu par un argument de droit : la France n'aiderait
le Yatenga que si un traité liant les deux pays faisait
I obligation d'assistance militaire.

I Les pourparlers se déroulent durant la nuit du 14 au


15, puis pendant les journées du 15 et du 16. Du côte
français, ils sont conduits par Destenave, assiste par
l Margaine et Voulet : Naaba Baogo assiste aux réunions, se
fait longuement expliquer les clauses du futur traité et
I se montre plutôt conciliant, au contraire des membres de
son entourage présents aux négociations, qui sont tous

I tres méfiants à l'égard des intentions françaises, en


particulier Ge, le neveu du roi. Les plus longues

I discussions concernent les clauses, décisives pour


Destenave, relatives à l'installation d'un résident
permanent auprès du Yatenga Naaba et a la présence d'une
1 garnison dans la capitale du royaume. Le 16 au soir,
Naaba Baogo demanda un délai de réflexion. Le 18, le roi
1 fit savoir a Destenave qu'il était prêt a signer le
traité. Le jour même fut ratifié le traité suivant, dans

I lequel le Yatenga Naaba Baogo est désigné non sous son


yure, mais sous son yupelle, transcrit Patougou

I (Naaba Baogo s'appelait Patuduba) :

"Au nom de la République française,


R Entre M. Albert Grodet, Officier de la Legion
d'honneur, Gouverneur du Soudan, représenté pour M.
1 Destenave, capitaine hors cadre, d'une part, et Patougou
Naba, roi du Yatenga, d'autre part,
1 A été conclu le traité suivant :

I Article premier - Le roi du Yatenga place son


royaume sous le protectorat de la France en son nom et au
I nom de ses successeurs.

I 42

1
Article 2 -
Le roi du Yatenga accepte un résident
avec une escorte dont l'effectif sera laissé à notre
appréciation.

Article 3 - Le roi du Yatenga ne pourra désormais


conclure d autre traité qu après avoir reçu
l'autorisation du Gouvernement de la République française
par l'intermédaire de ses représentants.

Article 4 -Le roi du Yatenga s'engage a proteger


tous les Français ou sujets français qui viendront
commercer dans le Yatenga ; aucun droit ne sera perçu sur
leurs marchandises.

Aricle 5 -
La République française promet aide et
protection au roi du Yatenga contre les entreprises des
pays voisins.

Article 6 -
Comme marque effective de notre
protection, le roi du Yatenga a reçu un pavillon français
qu'il s'engage à conserver.

Fait à Wahigouya le dix-huit mai mil huit cent


quatre-vingt-quinze en quadruple expéditions. Les n o 1 et
2 adressés a M. le Gouverneur du Soudan, le n o 3 remis au
roi du Yatenga, le n o 4 conservé aux archives de la
mission.

Du côte français, le traite fut signé par Destenave,


Margaine, Voulet et l'interprète de la mission, Bala
Konare ; pour le Yatenga, apposèrent leur signature sur
le document : le neveu du roi, Gè, l'interprète du
palais, Bedari, et deux marabouts, Alfa Roha et Idrissa
Sanon.

Après trois siècles et demi d'existence, le Yatenga


indépendant avait vécu.

Qu'il vient de faire de son royaume une nation


captive, Naaba Baogo, l'ignorait ; uniquement hanté par
l'idée que le traité passé avec les Français va lui
permettre d'anéantir la rébellion et d'obtenir la tête de
son ennemi mortel, son cousin Bagare, le roi, en dépit de

43
l'anxiété de son entourage, croit avoir acquis sur son
adversaire un avantage décisif : la victoire est
désormais a sa portée. Des Français, Naaba Baogo ne
soupçonnait pas le double jeu ; ils viennent de signer un
traité avec le Yatenga Naaba engageant celui-ci "et ses
successeurs", et ils ont négocié avec le principal ennemi
du roi, qu'ils savent être son plus probable successeur.
Et si les Français ont explicitement marqué leur souci de
faire passer pacifiquement le royaume sous leur
protectorat, Destenave donnant pour preuve de sa bonne
foi à cet égard les modestes effectifs de sa colonne, les
Moose ne peuvent encore se douter, comme la suite des
événements du Moogo va le montrer, qu'ils sont prêts a
opposer la force à la résistance ou aux réticences de
leurs partenaires. La notion même de llprotectorattt est
fort vague. En fait, la France annexe purement et
simplement le Yatenga par le moyen d'une fiction
juridique : la réponse positive de la France à la demande
d'assistance formulée par Naaba Baogo. Le régime de
protectorat ne se traduira dans les faits que par le
maintien en place de la hiérarchie mooga, qui sera mise
autoritairement au service de l'administration coloniale.

Destenave a prévu de quitter Waiguyo le 21 mai pour


prendre la route de Wogodogo mais, comme il l'explique
dans une correspondance au Gouverneur du Soudan en date
du 27, il doit renoncer h son projet pour deux raisons :
La première est que Naaba Baogo l'a informé de l'état
d'esprit qui règne à la Cour du Moogo Naaba et a
conseillé à l'officier français d'envoyer des émissaires
auprès de Naaba Wobgo pour le rassurer sur ses intentions
avant de se mettre en marche avec sa colonne.

"Le deuxième motif, écrit Destenave, est personnel


au Naaba du Yatenga ; depuis mon arrivee chez lui, il a
vu cesser immédiatement les attaques de Bakharé et de ses
partisans contre ses villages : tous les chefs du pays
viennent journellement lui apporter des cadeaux et
attester de leur dévouement ; il est évident que le Naaba
se sert de ma présence pour battre monnaie ; pour me
donner le change, il m'affirme que si j'étais parti si

44
tôt, je lui aurait fait un grand affront ; on n'aurait
pas manqué de dire partout que nous n'étions pas
d accord".

Les fils de Tuguri et et les Dyallube de Tyu


observent donc une trêve, tandis que ceux des chefs du
Yatenga qui sont demeurés h l'écart du conflit entre
Naaba Baogo et Bagare multiplient les manifestations de
loyalisme h l'égard du roi et des Français. Naaba Baogo,
de son côté, n'entend pas renoncer à la lutte, bien au
contraire : n'est-il pas sûr de l'appui de la colonne
française ? 11 laisse ses partisans mettre à profit
l'attentisme de Bagare pour exercer des représailles
contre des villages favorables aux fils de Tuguri :
certain, maintenant, de sortir vainqueur de la guerre
civile, il prépare la mise sur pied d'une puissante
armée, a laquelle ne vont pas manquer de se joindre les
soldats de Destenave.

Grande fut la déception de Naaba Baogo quand il


apprend que la colonne française se préparait a quitter
Waiguyo, ce qu'elle fait le 8 juin. Entre le roi et
Destenave, les relations se sont détériorées. Le Yatenga
Naaba reçoit une ambassade du Moogo Naaba l'invitant a se
méfier de l'Officier français, qui ne fait pas tirer de
coups de fusils mais prend les chefs "avec la langue"
(cf. la lettre de Destenave écrite a Tyu, le 9 juin).
Surtout, Naaba Baogo peut se rendre compte que les
Français laissaient la situation pourrir et n'ont
nullement l'intention de l'aider militairement contre
Bagare. Après les contacts de la fin de 1894 et ceux
établis lors du passage de la colonne par Tyu, avant
l'arrivée à Waiguyo, nous ne savons plus rien des
relations que continuent d'entretenir le capitaine
français et les adversaires du roi. Ce qui est certain,
c'est que Destenave, quoi qu'il écrive au Gouverneur du
Soudan, ne croit pas Naaba Baogo capable de vaincre
Bagare ; en quittant Waiguyo, Destenave abandonne un
présumé vaincu. En fait, Destenave en sait sans doute
plus qu'il n'en dit dans sa correspondance officie1,le : à
cet égard, l'itinéraire qu'il choisit au départ de

45
1
I Waiguyo et la chronologie des événements des jours
suivants méritent réflexion. La prochaine grande étape de

I la colonne française doit être Yako, or, en quittant


Waiguyo, Destenave prend la route de Tyu, oÙ il passera
la journée du 9. Tyu est devenue la capitale de la
1 rébellion ; les hommes de Mamadu y sont sur le pied de
guerre, le village de Tyu et des localités voisines
I abritent les partisans de Bagare. A tyu, Destenave est
une nouvelle fois accueilli par Mamadu, et s'il ne
8 rencontre pas Bagare, on peut penser qu'il peut
s'entretenir avec ceux de ses partisans qui se tiennent

I aux côtés du chef des Dyallube. Que se passe-t-il alors ?


Nous sommes a quelques jours d'un affrontement dont, a
Waiguyo comme a Tyu, les préparatifs ne peuvent échapper
1 à l'attention de Destenave, qui dispose d'un reseau
d'informateurs fulbe ; en outre, pour poursuivre sa route
I en direction de Luta, Kasum, Dyurum et Lanfira, la
colonne française doit traverser l'extrême nord-ouest du
1 Yatenga, que les fils de Tuguri tiennent depuis le début
de la rébellion armée. En clair, Destenave sait que le

I conflit entre Naaba Baogo et Bagare entre dans une phase


décisive. Au mieux, malgré sa visite à Tyu, a-t-il mal

I évalué le rapport des forces entre les deux parties


adverses, mais sa bonne connaissance des moyens
militaires de Naaba Baogo ne peut le persuader que le roi
l'emporte. En hypothese faible, Destenave a tllâchéll le
Yatenga Naaba en laissant aux seules armes des
I protagonistes moose et silmiise le soin de décider de
l'issue du conflit ; en hypothèse forte, il aurait joué

1 Bagaré contre Naaba Baogo apres avoir utilisé le


souverain régnant pour lui imposer un traité liant son
successeur.
1 La colonne française se dirige donc vers la vallée
1 du Sourou ; le 18 juin, elle est accueillie par Ahmed
Baba Sanogo, h Lanfiera. La veille, a Kasum, Destenave a

I appris la mort de Naaba Baogo : il n'en a pas moins


poursuivi sa route...

I La départ des Français avait donné le signal de la


reprise de la lutte entre fils de Saaga et fils de

1 46

I
Tuguri, Naaba Baogo, malgré la déception causée par le
départ de Destenave, mais sans doute aussi Bagare, se
sentant tous deux forts de l'appui des Français. A Tyu, a
partir du 10, Bagare et Mamadu regroupent leurs guerriers
; a Waiguyo, Naaba Baogo fait de même, mais l'unanimité
des fils de Saaga se fait moins aisément derrière lui que
celle des fils de Tuguri derrière leur chef ; quant aux
dignitaires du royaume qui ne sont pas directement
impliqués dans le conflit, ils ne répondent pas à l'appel
du roi. Naaba Baogo est doublement abandonné, par les
Français et par une grande partie de l'aristocratie et
des dignitaires du royaume.

Le 12 juin, depuis Waiguyo, une modeste armée de


cavaliers se met en marche et se dirige vers Sulu, à mi-
chemin de Tyu. Elle est conduite par Naaba Baogo en
personne, qu'entourent ses plus fidèles partisans : les
nayiridemba de Sisamba, conduits par leur toqo naaba, les
chefs de Roba, Sulu, Pogoro, Mogom, Sim, Uro, Zogore, et
bien d'autres, un fort contingent de membres de la
descendance de Naaba Koom, qui a très tôt et très
fermement pris le parti des fils de Saaga, des parents,
des serviteurs, des compagnons d'armes du roi. Mais ce
n'est pas une armée royale qui fait mouvement vers Tyu,
en tout cas pas celle que Naaba Baogo avait souhaité
reunir, avec ou sans le concours des Français ; ce sont
les plus déterminés d'entre les fils de Saaga qui vont à
la mort, animés d'une haine absolue à l'égard de leurs
frères, les fils de Tuguri, et surtout de leur chef,
Bagare. Jamais, depuis le début de la rébellion, il n'est
apparut plus nettement que sur ce vieux théatre d'une
histoire qui va s'achever bientôt, la lutte sans merci
qui se déroule est devenue l'affaire de deux hommes.

Le soir, les hommes de Naaba Baogo campent h Sulu et


dans les villages voisins, fidèles au roi. Le lendemain
matin, 13 juin, par Sim, autre village loyaliste, la
troupe des fils de Saaga s'approche de Tyu.

Bagare est avec Mamadu. Les fils de Saaga


approchent. Sur la colline que l'on appelle depuis zabre
tanga, "la colline de la bataille", les fils de Tuguri et

47
les cavaliers silmiise se regroupent. Les archers de
Gomboro se mettent en ligne, ainsi que les rabese :
certains sont armés d'arcs, d'autres de fusils. Les plus
fameux guerriers de Tyu sont la : Zugu, Wendolle, Allaso,
Beidi, Tontole, Dyawalemasum, Teeda, Gidohoware. Un a un,
Mamadu les appelle et les présente a Bagare : "Si ces
gens-là sont à nos côtés, nous vaincrons, mais si tu
apprends qu'ils sont morts, ne reste pas ici, pars".
Quand vient le tour d'Allaso, le rabenga salue son chef
et le prince moaga : il tient à la main deux plats, l'un
en bois, l'autre en terre, il dit à son chef : Ilje
mourrai au combat", puis l'un après l'autre, il casse des
deux plats. Les fils de Tuguri et les guerriers de Mamadu
sont en place : leurs chefs les passent en revue. Le
soleil est déjà haut quand dans un énorme nuage de
poussière apparaissent les guerriers du roi. A peu de
distance de la colline où se tiennent leurs adversaires,
les archers royaux se mettent en ligne et les cavaliers
se déploient sur une petite éminence. Le roi est au
milieu de ses hommes, légèrement en retrait, entouré de
ses plus fidèles serviteurs. Les deux descendants de
Naaba Yadega sont face h face ; ils sont à portée de
voix, ils peuvent s'aperçevoir ; chez les fils de Saaga,
on se désigne Bagare, l'aîné des fils de Naaba Tuguri, et
le Silmiiga, traître au roi ; de l'autre côté, on cherche
a voir le roi, le fils aîné de Naaba Yemde.

Le silence se fait, malgré le cliquetis des armes,


le bruit des sabots des chevaux, les ordres brefs lancés
a voix sourde. Auprès du roi se tient Konsekedo, frère
cadet du chef du Sulu. Konsekedo s'avance, il apostrophe
Mamadu et l'injurie : Zugu, qui se tient auprès de
Mamadu, s'avance à son tour et observe Konsekedo. Mamadu
lance un ordre à son seta, Bisana, qui commence h chanter
les hauts faits de son maître et h réciter la liste de
ses ancêtres : Alluhaki, Kabakwoy, Pate, Pate Sambo,
Sambo Yidi, Yidi Birgi, Birgi Dyam, Dyam Saidu, Saidu
Hamane. Konsekedo défie Zugu : "regardez le petit
Silmiiga, sa fin est venuel' : Zugu défie Konsekedo :
"regardez le petit Moaga qui s'approche, sa dernière
heure est arrivéell. Konsekedo dit au roi : Ifje vais tuer

48
le Silmi naaba et je vais mourir avec lui" ; il salue
Naaba Baogo, il salue son frère le chef de Sulu et lui
dit qu'ils ne se reverront sans doute pas, puis il
s'avance, la lance haute, faisant caracoler son cheval.
Mamadu s'avance aussi, la lance au poing, mais Zugu le
devance et blesse le cheval de Konsekedo. La nakombqa est
désarçonné, Zugu est sur lui, Mamadu s'approche.
Regardant le chef silmiiga, Konsekedo éclate de rire :
Irtu n'es bon à rien, tu n'es même pas capable de me
tuer". Konsekedo veut mourir, mais déjà les guerriers de
Mamadu l'entourent, le désarment et l'emmènent. Bagare
donne l'ordre de tuer le héros de Naaba Baogo. Des rabese
s'en saisissent et le frappent sur la tête à coups de
longe ; mourant, Konsekedo trouve encore la force de dire
que son roi est perdu.

Cette mort ignominieuse de 1 'un des meilleurs


d'entre eux introduit dans l'âme de ceux qui viennent
d'assister au poignant spectacle un sombre pressentiment.
Un guerrier se détache de l'entourage du roi, il est tué
; un autre encore part au combat et succombe. Un
balumbilo part, h son tour et meurt. Les archers ninise
de Bagare et les fusiliers rabese de Mamadu interviennent
; ils tirent dans les pattes des chevaux de l'ennemi ;
les bêtes s'affolent, hennissent, tombent. Bientôt la
mêlee est générale. Bagare observe le champ de bataille
mais n'intervient pas ; Mamadu aussi se tient maintenant
h l'écart du combat. Les fils de Saaga sont entourés par
les guerriers ennemis, beaucoup sont tues. Naaba Baogo et
ses serviteurs se tiennent en retrait. On presse le roi
de partir. I1 s'apprête à faire demi-tour, protégé par un
dernier carré de cavaliers et de piétons, quand les
ennemis se rapprochent. Soudain, il reçoit une flèche en
pleine poitrine. Tout le monde a vu : le roi est blessé.
Un serviteur saute en croupe derrière Naaba Baogo et le
maintient en selle des deux bras. Les fils de Tuguri
s'arrêtent, frappés de stupeur, et rejoignent Bagare, qui
n'a pas bougé ; les tirs des mousquets cessent, les jets
de flèches aussi ; le sang du rima a coulé. Les fils de
Saaga n'emportent pas leurs morts, ils ne le peuvent pas.

49
Dans le silence d'une trêve sacrée, le roi quitte le
champ de bataille avec ceux des siens qui ont survécu.

Le pitoyable cortège royal arrive à Sim sans que


l'ennemi se soit manifesté. On se rend chez les
forgerons. Avec d'infinies précautions, on fait descendre
le roi a terre, on l'allonge, on retire la flèche de sa
poitrine. C'est le milieu du jour. Le roi demande à
boire. On lui apporte de l'eau. Apaisé un instant, il
rit, puis dit : 'Ijlai été trompé". Le rima va mourir. I1
murmure en expirant : nyaka raogo pa zabre juga puge, Itla
gazelle est restée 6 la chasse du soir", puis ses yeux se
ferment.

Le Yatenga Naaba est mort, tout le monde le sait,


mais personne ne le dit. Le Yatenga Naaba est vivant. I1
est sur son cheval, maintenu droit sur sa monture par son
balum naaba, qui a fait attacher le corps du roi au sein.
Le cortège royal prend le chemin du Sulu. Le roi et en
tête. Derriere son cheval, les benba jouent, annonçant
que le Yatenga Naaba passe. On ne s'arrête pas à Sulu, on
ne s'arrête pas non plus à Sode. A Waiguyo, le Yatenga
Naaba entre dans son palais devant une foule silencieuse.
Ordre est donné d'éteindre le feu : la rumde n'aura plus
à préparer à manger pour le roi.

Cette opposition latente resurgit encore de nos


jours h chaque fois qu'apparaît un différend entre les
deux groupes. Ainsi, par exemple lors des mouvements
d'occupations pionnières du début du siècle, un conflit a
éclaté entre deux groupes concernant la destinée de la
zone frontière entre les territoires Diallubé et
Foynankobe. Chacun des deux groupes revendiquait pour son
territoire le village de Mougounougouboko exactement
situé a cinq kilomètres au Nord Ouest de Amené.

50
51
1
8 2.3. Les conséquences des conflits entre les fils de
Tuquri et Naaba
Baoqo
I Les Peul Foynankobè ont accueilli les agriculteurs

1 fulsé de Soulou sur une partie très proche de


Mougounougouboko ; l'installation de ces agriculteurs
irrite les Peul Diallubé qui les chassent alors de ces
1 lieux. Ils les considéraient en fait comme des ennemis,
depuis le conflit qui opposa les fils de Tuguri (leurs
1 allies) à Naaba Baogo les troupes guerrières de Naaba
Baogo etaient constituées surtout de gens de Soulou :
1 (Sulu). Et comme nous l'avons constaté dans l'extrait,
Soulou était la principale base de replis de Naaba Baogo.

i L'irritation des Diallube fut à l'origine d'un long


conflit qui finit par être "réglé'' par 1'administration
I coloniale : celle-ci matérialisa par un tracé au sol, la
limite de chaque territoire pour chaque groupe.
1 En dehors des territoires peul Diallubé situé à
l'Ouest du village de Amene, les Peul Foynankobè sont
I alors officiellement possesseurs d'une bonne partie du
territoire de Améné et notamment du bas-fond longeant le
I village jusqu'h Mougounougouboko. Une partie
territoire, la partie Sud du village reste détenue par
du

l les agriculteurs fulsé de Koumbri. Ces derniers l'on


cédée à d'autres groupes d'agriculteurs mossi venus du

1 Yatenga central, résidant a Bidi, village voisin situé h


cinq kilomètres au Sud de Amene.

I Le village de Bidi a lui même une histoire liée a


celle de Amené. Et cela est dÛ au fait que les premiers

1 agriculteurs Fulsé qui se sont installés à Améné,


sletaient d'abord installés à Bidi. Les différents

1 mouvements de population, les conquêtes et stratégies


d'occupation de l'espace, les migrations forcées de
certaines populations vers cette zone de colonisation
1 pionnière, du début du siècle n'ont pas entrainé de
profonds bouleversements dans les familles au sein des
I différents groupes, présents à Amené. Le chapitre sur
l'organisation villageoise et les régulations

I 52

I
1
1 matrimoniales nous donnent un aspect des réalités du
milieu.

I Conclusion

u Dans cette premiere partie : Histoire du peuplement

I et de la fondation de Améné, nous avons dans le chapitre


I : la présentation chronologique du peuplement et

u l'histoire de la fondation du village.

Le deuxième chapitre, nous donne l'histoire d'un


I conflit territorial entre les groupes Peul Diallube et
Foynankobè lors de la mise en place des peuplements dans

I la région. Cette première partie, nous a permis de


comprendre comment s'est faite la mise en place du
peuplement, l'histoire du village et de la région.
1 Dans la deuxième partie, nous verrons l'organisation
1 sociale et politique des différents groupes qui se sont
installés a Améné.

I
u
1
I
1
o
1
1
I
I 53

I
I
1 2ème partie - Organisation sociale et politique

I Chapitre III - Stratification sociale et religieuse des


groupes sociaux

i 3.1. L'organisation politique du village

i Dans la region, terroir et territoire sont soumis egalement


h un pouvoir politique des chefferies coutumières. A Amene, vu

I la situation géographique du village h l'intersection de


plusieurs chefferies coutumières et de plusieurs maîtrises de

I terre, nous avons quatre chefs politiques suite au découpage


administratif : le chef Peul Foynankobè, représente de nos
jours par Idrissa Saliou Barry, le chef des Rimalbé Amadou
I Oumarou Barry : la chefferie rimaïbé est très liée a celle des
Peul Foynankobè dont ils dépendaient à l'époque précoloniale.
I Nous avons egalement le chef du village de Amene Mossi, les
Fulnakombsé Porgo dont Feu Nongodo Porgo cumulait les fonctions

I de chef de village et maître de la terre Tengsoba : et le chef


du village de Amene Saaba represente par El Adj Zorome Harouna.

I Tous ces chefs politiques et religieux sont les


représentants des chefferies, et commandements de la région.

l Ils sont tous sous l'autorité du Yatenga Naaba avec lequel ils
ont de bons rapports, basés sur le respect de l'autorité du

1 Yatenga Naaba et sur une sorte de pacte tacite d'assistance


mutuelle.

1 Malgré le découpage administratif et la diversité des


groupes ethniques, Amene constitue selon les traditions un seul

u village. Un village dans lequel chaque groupe a un rôle précis


et une fonction bien déterminée, selon ses compétences et ses

1 origines. Nous verrons ainsi l'organisation et la


stratification sociale des différents groupes sociaux présents
a Amene.
1 3.2. Les Peul Foynankobè Barry et les Rimalbé

1 Les Peul Foynankobè

I Les Peul Foynankobè ou (Fittobe) Barry sont originaires de


Sagara Ban (Bahn) et fondateurs de Amené. Les Foynankobè sont

I' 54

I
I
I venus du Fouta Toro et constituent un des groupes Peul du Nord.
Ils se sont installés au milieu du XVIIIè siècle, Bahn est leur
chefferie, a 60 km au Nord de Ouahigouya. Marchal 1 9 8 3 page 96l
I La plus grande partie du terroir de Amene se trouve sur le

I territoire de la chefferie Foynankobè Barry qui se trouve


egalement a Sagara Ban. Le territoire Foynankobè lui-même
releve du Tempelem des Ganamé de Boroni dont les frontières
i passent par Borio.

I Les Fulbé (Peul) relèvent de trois groupes présents dans la


boucle du Niger : les Diallubé, les Torobé et les (Fittobe) ou

4 Foynankobè.

3.3. Organisation sociale chez les Peul Foynankobè


U Les Fulbe Foynankobè vivent dans le Nord du Yatenga, dans la
même region que les Diallubé de Thiou avec lesquels ils
1 partagent la region. Ainsi, ils ont la même organisation
sociale que les Diallubé. Nous nous referons a J.Y. Marchal
I 1 9 8 3 page 2 8 3 2qui nous décrit le type d'organisation sociale
rencontre chez les Peul. A Ban, nous avons le même type
II d'organisation sociale chez les Peul Foynankobè.

l'Les Fulbé rattachés h une chefferie (Thiou, Todiam ou


I Bossoumnore) se considèrent descendant en ligne paternelle d'un
même ancêtre : le fondateur de la chefferie : ils sont des
1 mêmes Lenyol (lignage), de la même façon que (les Moose font
référence à Wédraogo où à ces proches descendants). Tous ces
I Fulbé sont parents plus ou moins eloignes de l'un des trois
groupes "maison*' de chef et chaque maître de campement est a

1 son tour, un chef de segment lignager dont relèvent tous ceux


qui se considèrent appartenant a ce segment oÙ qu'il soient.
Oans chaque campement, le segment de lignage le plus important
I est celui du chef, auquel se rattachent des fractions de
lignages alliés, ou bien encore des invidivus isoles, relevant
I de lignages dont la majorité des membres vit ailleurs. Mis h
part "les gens du chef" les autres habitants d'un campement
1 demeurent sur place d'une façon plus intermittente ce qui

I 1. J.Y. Marchal 1983 Dynamique d'un espace rural soudano-sahélienne coll. Travaux et Docunents. ORSTOM
Paris 873 p.

2. Marchal I bis page 283


II 55

I
I
I entraíne de nombreux va-et-vient entre les petits
Fulbé" .
groupes

I La stratification sociale, au sein des Peul Foynankobè, est


faite de la manière suivante i nous avons :

I - les Tângaou. Le5 Tângaou constituent la famille royale. La


succession à la tête du commandement Peul Foynankobè se fait au
I sein de cette famille. Et la succession se fait de pere en fils
ou de père h frère ou de frère à frère comme chez les Mossi.
I Dans les villages du commandement Peul Foynankobè les chefs
sont souvent de la famille (lignage) Tângaou. Les Tângaou

1 habitent le quartier Kaka. Les Peul Foynankobè de Amene sont de


cette famille.

1 - les Tân Bania et les Tân Boubou. Ces deux familles sont
très islamisées ; ils constituent les familles de marabouts.
I Ces familles ont été les premières à islamiser les populations
de la région. Après ces deux groupes de chefferie et de

B marabout nous avons les Tân Guillé et les Tirinkobe. Ces deux
lignages sont les Bergers (indigents) des Tângaou des Tan Bania

I et des Tân Boubou. C'est le groupe des Zemba chez les Mossi.
Nous avons enfin au sein des Foynankobè, les Gounankobè et les
Salloubè. Ces deux groupes constituent le groupe des
I sacrificateurs ; ils s'occupent des sacrifices du marigot de
Ban et habitent le quartier Bangoro.
I A Améné, les Peul Foynankobè ont toujours joué un rôle tres
important dans la vie du village. C'est à eux que revient le
I droit d'attribuer les terres de cultures aux nouveaux arrivants
Fulsé et Mossi. Selon les dires, pour toute nouvelle
U installation dans le village, ils sont toujours consultés. Et
c'est au chef de famille mossi ou fulsé présent dans le village

t et qui a reçu l'étranger, de le présenter au chef Peul


Foynankobè.

I Ils ont accueilli successivement tous les agriculteurs Mossi


et Fulsé qui se sont installés a Améné. Les Peul Foynankobè de
1 Améné en tant que responsables du terroir de Amene qui est
aussi une partie du grand territoire des Foynankobè reçoivent

I par délégation le pouvoir de veiller sur ce bien commun. Ainsi


ils sont chargés de veiller à la gestion des terres du terroir

I 56

I
I
I et de régler les différents conflits et litiges entre
agriculteurs et éleveurs dans le milieu. Ils sont aidés dans

I cette tâche des différents chefs de groupe du village.

De religion musulmane, les Peul Foynankobè jouent un rôle de

I première importance dans le village. Ils dirigent les grandes


prières de Ramadan et Tabaski et contribuent h la conversion

I des populations h l'Islam. C'est ainsi, qu'un des leurs a été


l'Imam du village pendant plusieurs années, avant d'être
remplacé par un membre de la famille Porgo venu de Soulou.
I Certains membres de cette famille ont étudié le coran à
Tavoussé avant de migrer vers Améné h la recherche de nouvelles
i terres cultivables.

I Les Peul Foynankobè entretiennent des relations socio-


économiques avec les agriculteurs Fulse et Mossi. Ils vivent au
centre du village dans un grand campement dénommé Silmissin.
I Ils sont endogames et l'élevage reste leur principale activité.

I Les Rimalbé Foynankobè Barry

Les Rimalbé de Améné Dabéré, étaient les captifs des Peul


I Foynankobè de Bahn. Ils s'appellent Barry du nom de leur ancien
maître. Ils ont été libérés depuis la colonisation vers 1896 et

I sont autonomes de nos jours, mais gardent toujours de bons


rapports avec leurs anciens maîtres. Les Rimaïbé sont des

I grands agriculteurs et éleveurs sédentaires. Ils ont été les


premiers a défricher les champs de culture dans le bas-fond de
Améné. Avec les arrivées successives des autres agriculteurs
I Mossi et Fulsé, ils ont eté obligés de céder certaines de ces
superficies. Mais, ils détiennent malgré tout de grands champs
I le long du bas-fond sur lesquels ils ont planté des vergers de
manguiers. Les Rimalbé sont de religion musulmane, et ont un

1 chef Rimalbé qui les représente au sein de la communauté.


L'actuel chef Rimalbé de Amené Dabére s'appelle Amadou Oumarou

I Barry. Ils sont eux aussi endogames comme leur maître peul.

I
I
1 57

I
58
I
I 3.4. Les Fulnakombsé Porgo venus de Koumbri

Le liqnaqe ou Buudu
I Les Fulnakombsé Porgo constituent le groupe lignager le plus

I important du village de Améné Mossi. Ils habitent les quartiers


de Améné Dabére, Baogopore, Moengo, Ipala et Bissighin. Les
Porgo sont des Kurumba, appelés Fulse (sing. Fulga) par les
I Mossi, et sont originaires de Ronga. Les Kurumba font partie
des grandes familles autochtones du Yatenga avec les Dogon ou
I Kibsé (sing.: Kibga) et les Ninissi (sing. : Niniga).

I Au Yatenga, nous rencontrons quatre grandes familles de


Kurumba qui se répartissent sur l'ensemble du territoire Nord,
Est et Sud-Est du Yatenga. Parmi ces familles, nous avons les
I Porgo, les Ganamé, les Konfé et les Belem. A l'origine, les
Kurumba etaient originaires de Tera dans le (Mandé de l'Est au
I Niger) et ont migré progressivement vers l'ouest et le Nord,
vers le 14e et 15e siècle, selon nos informateurs.

I De nos jours les Kurumba sont tres assimiles aux Mossi et


leur langue disparaît petit h petit au profit du Moore (la
I langue des Mossi) , sauf quelques vieux dans certains villages
du Nord et de l'Est du Yatenga qui peuvent toujours s'exprimer
I en akorumfé . A Améné, c'est h Dabéré que s'installe la
première vague de Porgo venue de Bidi et Koumbri. Yirvouya et

I Redo sont les premiers agriculteurs (Kurumba) (Fulse) a Amene


apres les Peul Foynankobè.

I Yirvouya et Redo, sont les fils de Naaba Korga de Ninigui et


descendants de la chefferie Kurumba de Ronga. Yirvouya, est

I l'aîné du premier groupe Porgo installe a Amene Dabere et est


désigné chef de village "Teng Naaba" et maître de la terre -
"Tengsoba" .
1 Ces deux fonctions assignées aux Porgo, sont reconnues par
I le Ronga Naaba, et le Yatenga Naaba. En ce qui concerne le
pouvoir politique, ils sont sous le commandement direct du Bidi

1 Naaba qui est lui même un fils du Yatenga Naaba et résidant a


Bidi village voisin.

I Après l'installation de la premiere vague des Porgo, arrive


le deuxième groupe des Porgo venu de Soulou. Ils sont aussi
I 59

I
I
I originaires de Ronga mais ayant transité par Soulou. L'arrivée
des Porgo de Soulou accroît le pouvoir de Yirvouya qui se

I retrouve à la tête du plus important groupe du village. Ainsi


il cumule trois fonctions : chef de village, Tenqnaaba, maître
de la terre, Tenqsoba, et chef du lignage Budu Kasma.
I Les Fulsé en général dans le Nord Yatenga, cumulent souvent

I les fonctions de chef politique et maître de la terre. C'est ce


qu'on appelle Fulnam et c'est du Fulnam que vient le mot
"Fulnakombga" (sing., Fulnakombsé pluriel). Cette forme de
1 chefferie est différente de celle des Mossi mais elle s'en
apparente beaucoup. La succession se fait plus ou moins de la
I même manière que chez les Mossi de père en fils ou de frère en
frère. Le Fulnam est très lié aux maîtrises de terre. Nongodo

I Porgo le Fulnaaba de Améné nous parle de sa fonction : "Le


Fulnam est la chefferie de la nourriture de l'eau et de la

I pluie . Notre chefferie n'est pas une chefferie de la lance et


de la force". Le reste de l'organisation sociale Fulsé est la
même que chez les Mossi.
I Dans l'extrait qui suit Michel Izard (1975) nous décrit les

I différentes formes d'organisations lignagères de la société


mossi et assimilées dans le Yatenga central, que nous

I retrouvons à Améné.

"TOUS les groupes constituant la société l'mossi'' du Yatenga


I (nous ne parlons pas des Peul) sont organisés en un lignage ou
buudu pratilinéaire exogames de profondeur et de taille

1 variables. Chaque buudu a un doyen (kasma), le buudu kasma, et


sauf chez les musulmans, a un sanctuaire familial le "kims
roogull, "la maison des ancêtres".
I Un buudu est divisé en un certain nombre de segments

I localisés qui sont autant de quartiers (Saksé, sing. saka) de


village. C'est dans le quartier souche du buudu correspondant

I au segment aîné que se trouve le kims roogo et que réside,


même, s'il n'en est pas originaire, le buudu kasma.

I A l'intérieur d'un quartier, le yiri et le saka sont


subdivisions lignagères (on a yir kasma et sak kasma) liés à

I l'appropriation de la terre et a l'organisation de la

I 60

I
I
I production : la régulation des échanges matrimoniaux s'effectue
au niveau du buudu.

I Le Tenqa (village).

Le village traditionnel est formé de plusieurs quartiers


1 dont un seul est responsable coutumier et politique. Mais pour
le cas de ces nouvelles localités de la région il y a des
I exeptions.

I "11 n'est pas aisé de parler Ifduvillage'', moins encore d'en


évoquer la physionomie. Le terme tenga désigne d'abord la
terre, au sens religieux ; un tênga est aussi un petit
I territoire dépendant de l'autorité coutumière d'un tengsoba
dont l'autel s'appelle également tenga : ce terme désigne
I encore l'ensemble des segments de lignage localisé installés
sur le tênga : on traduit en ce sens tênga par tlvillagell d'où

I l'équivalent "quartier'1 que nous avons donné pour saka. Le


village mossi, ensemble de quartiers homogènes nettement

-m séparés les uns des autres, est avant tout une unité de
commandement : en général, chaque village a un chef et un
prêtre de la terre (quand le prête de la terre ne joue pas le
I rôle de chef), mais il y a des exceptions h la règle, et c'est
alors en références au chef, et non au prêtre, que le village
1 est défini comme communauté. L'auteur distingue plusieurs
catégories de villages selon le statut de son chef : il y a le

I "Teng sob tense, bugub tense, Tansob tensé, Nakom tense, Nayiri
tensé et Naab tênsé".

1 Améné par contre, ne répond pas à l'ensemble des


classifications que nous donne M. Izard. I1 y a trois chefs
I politiques. Le chef du village de Amené Mossi, Amene Sãâba, et
le chef Peul Rimaïbe. Le chef Peul Rimaïbé dépend de l'autorité

I du chef Peul Foynankobè de Ban, celui de Améné Mossi est un


Fulnakombga, il est en même temps Buudu Kasma et Tengsoba. Son

I rôle politique et coutumier, a eté reconnu par le Yatenga Naaba


et notamment par son fils installé a Bidi aux environs de 1930.
Le chef du village de Améné Sââba ou le saab naaba est reconnu
I par l'administration et par les deux autorités coutumières le
Yatenga Naaba et le chef peul de Bahn.
I
1 61

I
I
I 3.5. L'autel de fondation du villaqe (le Tenqal

Le Budu Kasma, est chargé de représenter le lignage auprès


I des autres lignages dans le village et dans les autres
villages. I1 doit régler et gérer les conflits au sein du
I lignage et veiller a ce que toutes les règles édictées par les
ancêtres soient respectées. C'est lui également qui est chargé

I d'accepter ou de refuser les excuses de ceux qui ont enfrein


aux règlements du lignage.

I La famille Porgo a comme interdit : de manger le calman, et


de se marier aux forgerons. En plus de ces fonctions de Budu

1 Kasma, Yirvouya est Tengsoba, maître de la terre de tout Amené.


Ces fonctions de Tengsoba ou maître de la terre sont les plus

1 importantes et reconnues dans tout le village.

Les Porgo relèvent de la grande maîtrise de terre de Ronga


I oÙ ils ont pris le Tengkugri Kurumba de Ronga pour la fondation
du village. Le Tengsoba de Améné dépend aussi du Koumbri Gombre

u Naaba qui est un relais de la maîtrise de terre de Ronga dans


la zone.

I A Amené depuis la création du village, six Tengsoba se sont


succédés, il s'agit de : Yirvouya Porgo, Redo Porgo, Rabanniga

I Porgo, Zabré Porgo, Bonga Porgo et Nongodo Porgo. C'est avec


Nongodo Porgo, que nous avons recueilli une partie de

I l'histoire du village.

Le Tengsoba : ou propriétaire de la terre est le maître


U religieux ou plus encore le prêtre de la terre. C'est lui qui
est chargé de mettre en contact l'ensemble de sa communauté

I avec Dieu par l'intermédiaire des ancêtres. Ainsi il est chargé


de faire les sacrifices sur les différents autels sacrés du

I village. Améné dispose sur son territoire de deux types


d'autels : les Autels Tengkuga que les Porgo ont trouvé sur
place en arrivant qui ne peuvent être que des autels Dogon
I (lewe) et le Améné Tenkugri Kurumba que les Porgo ont amené de
Ronga pour la fondation du village, le Améné Tenqa.
I Le Améné Tenga autel est reconnu dans la région comme lieu

I sacré où on peut se guérir de la maladie du ver de Guinee. Le


Amené Tenga est situé aux environs de Dabéré tandis que les

I 62

I
m
I Tenkuga Dogon (léwé) se situent sur les anciens sites Dogon a
Rabodè et Bessum Tampwy.

1 Chaque année, le Tengsoba est chargé de faire deux


sacrifices importants pour le village. Le premier pour demander
I la bonne saison aux ancêtres (le Tengana). Pour ce sacrifice
tout le village cotise, musulmans comme païens, même les Peul

I qui aiment se mettre à 1 écart des religions


traditionnelleS.ces cotisations en argent ou en nature sont
converties en offrandes demandées par le Tenkugri. Ce sacrifice
1 annuel est toujours fait jusqu'à nos jours. Avec
l'Islamisation de la population il est transformé en Aumône.
1 Le deuxième sacrifice est le Filga. Le Filga est la fête du

1 nouvel an. Fil Kiougou, Lune de remerciement. C'est le mois de


la nouvelle année en pays Mossi. Et c'est l'occasion de
préparer le Dolo du mil' de l'année pour remercier Dieu et les
I ancêtres pour les récoltes de nouvelle année. Cette fête a lieu
tous les ans et par rapport a un calendrier lunaire du Yatenga
I Naaba.

I En plus de ces sacrifices annuels, il revient au Tengsoba de


veiller sur la santé de la population de son terroir
(Tempelem). C'est ainsi qu'il fait des sacrifices en cas
1 d'épidémie ou d'autres fléaux dans le village. Pour toute
nouvelle installation dans le village, c'est le Tengsoba qui
I pose la première pierre. Le Tengsoba intervient dans d'autres
domaines sociaux dans le village tels que les conciliations

H entre lignage, et autres problèmes comme les grossesses hors


mariage.

I Ainsi dit, le Tengsoba Porgo occupe une place importante au


sein de la communauté villageoise et de son lignage. Le

I Tengsoba a Améné est aussi, en tant que chef politique le


répondant direct du Yatenga Naaba dans le village avec le chef

I Peul Foynankobè. Son rôle consiste à veiller à la sécurité du


village, a récolter les impôts et les dons destinés au Yatenga

I Naaba (mil, animaux etc ...) il a été le répondant aussi de


l'administration coloniale et post-coloniale. De nos jours avec
les découpages administratifs successifs du village en trois,
I nous rencontrons beaucoup de clivages au sein de la population.
Depuis l'avènement de la révolution en 1983 au Burkina Faso,
1 63
1
1 Fig. 4 : C A R T E DU TERROIR DE A M E N E ET L E 5 LIMITES DES:

I - -
Debartemenk Chefferiestraditionnelles MaÎtrises de terre- Territoires

I 2.130' /
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/
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Chefferie Foynankobe

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Ma?trisc
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I
I
A

I
I
I
I
I PETNANGUE

C
I KEKE ..

I O
Llll
1 2 3Km

I :
# Zone d'habitat
Limite des d e p a r t e m e n t s et
Limite d e s rhefleri.s traditionnelle%

1 --
A%
...22;-
-J
......
Campement

Cours d'tau
peut 1k-d L¡m.itc des m a iht r i s e s d e terfe

I * Escarpement
c
.....
Limite d e s territoires

Terroir d e AMENE

I piste C !

64 Cor tog r a p h ¡c. O R STOM-O U A G A

I
1
I l'administration a changé le répondant, les Delegues CDR ont
remplacé les chefs de village qui sont appelés maintenant des

l responsables coutumiers.

Des différents groupes qui se sont installes a Amene, la


I famille Porgo est la plus importante et regroupe à elle seule
trois quartiers Dabéré qui sont habités par d'autres groupes,

I Baogopore et Moengo. Ces trois quartiers ont chacun un chef de


quartier le "Sak Kasma" et tous ces quartiers ont pour chef de

I famille "Buudu kasma" le doyen, l'aîné de la famille Porgo de


Dabéré. Ce dernier est en même temps le chef du village de
Améné Mossi et Tengsoba. De nos jours Nongodo a eté le dernier
I buudu kasma, Teng Naaba et Tengsoba de la famille Porgo. Dans
les autres groupes et notamment chez les Mossi l'organisation
I est la même et conforme à l'ensemble de la société moaga. A
Améné, en plus des trois chefs de village et les chefs de

I quartiers, nous avons le notable Malik Zoromé et l'Imam du


village qui ont un rôle eminent dans le village. A Améne, il

I nous est difficile de parler de village tel que nous le définit


Michel Izard. Vu la situation géographique du village, son
histoire et les découpages administratifs.
I 3.6. Les Fulnakombsé Porgo venus de Soulou

I Le deuxième groupe de Fulnakombsé qui s'installe à Améné est


venu de Soulou. Les Porgo de Soulou sont eux aussi originaires
I de Ronga. A Amené, ils s'installent en deux groupes à
Baogoporé. Le premier groupe garde la religion traditionnelle

I et il a comme activité secondaire la cordonnerie, au sein du


village. Ils sont reconnus comme meilleurs travailleurs du cuir

I dans la région. Au niveau des fonctions religieuses, ils se


joignent au Tengsoba Nongodo de Dabéré. Tandis que ceux qui se
sont convertis a l'Islam sont devenus célèbres et occupent une
I place religieuse importante dans la région.

I Ces derniers de Baogopore, s'installent a Moengo. Dans le


village, l'Islam est propage par les Porgo de Moengo. Ceux-ci

I se sont convertis a Tavousse pres de Ronga où certains d'entre


eux ont appris le Coran. Les Peul et les Rimalbé de Améné sont
déjà Islamisés a l'arrivée des Porgo et ont un Imam. Au décès
1 du dernier Imam Peul, c'est le grand Marabout Issaka Porgo un
saint homme très prosélyte qui entreprend d'islamiser toute la
II 65
I
population du village : ce qu'il réussit progressivement. La
notoriété de l'Imam grandit quand il réussit à islamiser tous
les Forgerons Zoromé, avec lesquels il forme une grande
communauté musulmane. Chez les Zoromé leurs amis Bagagnan venus
de Youba s'étaient islamisés avant leur installation à Amene
Sâdba.

A Améné, il ne reste plus que la famille du Tengsoba Porgo


qui pratique la religion traditionnelle. La conversion de la
totalité des habitants de son village, la grande notoriété de
l'Imam Issaka Porgo ont fini par le déposséder complètement de
son pouvoir. En effet, mariage, baptême et funérailles se
déroulent selon les règles musulmanes, et l'Imam en est
l'ordonnateur. De même, c'est à Moengo dans sa cour que se
négocient les conciliations et se règlent les conflits. Les
sacrifices agraires et autres transformes en Aumône au moment
des semailles et récoltes, et les récoltes sont drainées sous
formes de dîme par l'Imam.

L'Imam Issaka Porgo, aidé de ses frères Issoufou Porgo et


Idrissa Porgo, passent des nuits entières à lire le coran à le
traduire et 1 'expliquer vlKandiguiréll.

I1 faut convaincre les gens, les païens à venir à l'islam à


se convertir. L'Imam et ses frères, ont créé une école
coranique où ils enseignent le coran aux jeunes, et aux enfants
qu'ils recrutent dans le village et dans les environs. Dans la
région plusieurs maîtres d'école coranique sont issus de
Moengo.

Progressivement l'Imam Issaka Porgo réussit à islamiser tout


le village et même la famille du Tengsoba et chef de village,
sauf lui même. Mais plus tard sous de fortes pressions sociales
de son entourage et de peur de ne pas être enterré s'il meurt,
il se converti à l'Islam. Les Porgo de Moengo sont Hamallistes
comme la plupart des musulmans de la région. Les musulmans de
Tavoussé, dépendent du Cheick Hamallah de Nioro au Mali, avant
de se rallier à celui de Ramatoulaye. Youba et Tavousse ont eté
les principaux relais de Ramatoulaye dans la région de Amene.
Les Porgo de Moengo ont été les principaux propagateurs de
l'Islam a Amene et dans les environs.

66
I
1 Au Yatenga, l'Islam constitue de nos jours la principale
religion et près de 80 % de la population est islamisée ce qui
a entraîné de profonds bouleversements dans les moeurs et
1 coutumes du milieu. De nos jours, tout est fait selon les
règles islamiques (les lois du coran). Cette religion d'origine
I arabe est très expansionniste et populaire dans la région. A
travers quelques bibliographies, nous allons tenter de retracer
I l'histoire de l'Islam en Afrique au Sud du Sahara, au Burkina
et au Yatenga. De nos jours au Yatenga, l'Islam constitue une

1 force, un pouvoir énorme et les représentants de l'Islam, le


Cheick et l'Imam sont en train de supplanter petit à petit les
chefs traditionnels, avec lesquels ils s'affrontent dans les
1 villages.

1 3.7. La genese de l'Islam au Burkina et au Yatenga

a) L'introduction de l'Islam en Afrique au Sud du Sahara et


I au Burkina

b Au Burkina et dans le Nord Yatenga, l'Islam a joue un rôle


important dans la transformation des mentalités et l'évolution
culturelle des différentes sociétés du milieu. Et cette
i citation de Samuel Kiendrébeogo3 nous donne une idée de
l'importance de cette religion dans la société. "Par
1 l'éducation qu'elles donnent h leurs adeptes, les religions
jouent un rôle dans la formation des valeurs morales,
1 auxquelles se refère la société où elles se développent. Elles
influent de ce fait sur le comportement social, politique et

1 économique dans le sens du progrès ou de l'arriérationtt.

Religion d'origine arabe, l'Islam fut connue en Afrique


1 noire vers les XIVème et XVIème siècles. Son introduction en
Afrique au Sud du Sahara fut l'oeuvre des marchands arabes qui

1 par 1 intermédiaire des commerçants Dioula et Yarsé le


diffusent dans toute la région.

I Dans cet extrait du livre l'Islam en Haute-Volta à l'époque


coloniale, J. Audin et R. Denie14, page 12, nous explique
I comment s'est faite la pénétration de l'Islam en Afrique au Sud

1 3. Samuel Kiendrébeogo Islam -


Le poids du nombre le choc des discordes Siduaya Magazine N o 007 008 Mars
Avril 1989 mensuel burkinabè de culture et loisirs.

4. J. Audin, R. Deniel 1978 -


L'Islam en Haute-Volta a l'6poque coloniale INADES Formation Editions

1 L'Harmattan BP 8008 Abidjan 51, 12 Rue des quatre vents Paris 75006.

67
I
I
I du Sahara et en Haute-Volta (Burkina Faso). "Entre le XIVème et
le XVIème siècle, les foyers religieux subsistent cependant
dans certains centres urbains et dans les milieux commerçants
l disséminés sur la route de l'or, de la cola et des esclaves.
C'est a l'activité de ces foyers qu'est due la diffusion lente
IC mais populaire de l'Islam dans la boucle du Niger. En effet ces
commerçants, qui sont d'origine Mandé, se détachent

I progressivement des modes de vie agraire et de la religion


traditionnelle de leur ancêtres pour devenir ces colporteurs

i itinérants qui vont implanter dans les centres et le long des


grands axes routiers l'Islam transmis par les marchands
arabes".
1 b) L'expansion de l'Islam et la résistance des chefferies

I traditionnelles

Au Burkina Faso, l'expansion de l'Islam ne s'est pas faite


B sans heurts. Les chefferies traditionnelles voyaient en
l'Islam, un concurrent. Pour les chefs traditionnels, ces
I religieux voulaient s'emparer de leur pouvoir et pour cela il
fallait les empêcher d'islamiser les populations animistes.

I Ainsi plusieurs guerres furent menées par les chefs


traditionnels mossi contre les Songhaï islamisés. Nous

I reprenons toujours les passages du livre l'islam en Haute-Volta


dans lesquels, J. Audin et R. Deniel page 14 nous signalent
l'opposition ouverte entre Etats musulmans du Nord et l'Empire
1 Mossi : ''Une opposition ouverte clairement exprimée dans la
déclaration du Roi Mossi h l'envoyé de 1'Askia Mohamed
I souverain de Gao (Mali). Entre lui et nous, il ne saurait y
avoir que luttes et combats. La destruction de Tombouctou en

I 1333 ou 1 3 3 7 constitue l'attaque la plus célèbre des Mossi


contre les Songhaï. Pendant un siècle, ils vont poursuivre leur
politique d'expansion en direction du fleuve Niger.5
I A la fin du XVème siècle c'est au tour des Songhaï de s'en

I prendre au Mossi. Ceux-ci sont battus par la troupe de Sonni


Ali en 1464-1477. En 1497, 1'Askia Mohamed a son retour de la

I Mecque décide de convertir h l'Islam les païens c'est-à-dire


les Mossi et mène contre eux une véritable guerre saintetf.

i ~~

5. F. DUBOIS, Tombouctou la mystérieuse cité, page 251 - cite par A.


i 68

1
I
I D'autre part, nous avons l'autorité coloniale. L'autorité
coloniale était plus ou moins méfiante dans la mesure oÙ elle

I était obligée de mener une politique à géométrie variable i


tantôt elle fit preuve de méfiance à son égard en raison de
l'influence mystique exercée sur les populations converties,
I tantôt elle le considère avec estime comme un stade
intermédiaire d'évolution h mi chemin entre le primitivisme et
I le mode de vie occidental cette cohabitation ambigue n'a pas
éte exempte de fiction nous dit Samuel KIENDREBEOGO '
.
I Les agissements des chefferies traditionnelles et le
comportement de l'administration coloniale vis-à-vis de
I l'Islam, nous montrent comment cette religion peut être
expansionniste et menaçante pour les pouvoirs traditionnels et
I l'autorité administrative. Pour l'ensemble du Burkina, le 19eme
siècle est considéré par les historiens comme point de départ

I d'un important mouvement d'islamisation.

c) Les confréries islamiques au Burkina


I L'Islam compte près de 60 % d'adeptes au sein de la

I population burkinabè. Et parmi les confréries présentes au


Burkina Faso, trois dominent : le quadriya, les sunnites
(wahabites) et la Tidjania ; au sein de la Tidjania il y a des
I subdivisions, les chapelets de onze grains et les chapelets de
douze grains. Ces derniers sont appelés Hamallistes et sont les
I plus nombreux au Yatenga. Nous revenons toujours sur les
extraits du livre l'Islam en Haute-Volta page 51 qui nous

I explique ces divisions parmi les Tidjanes.

"Des 1923 le capitaine André signale l'existence de


I divisions parmi les Tidjanes des territoires français. Elles
reposent apparemment sur une base rituelle. La prière
I I1Djabourat el kemal" , recitée douze fois dans 1 I ancien rituel
du Soudan, l'est seulement onze fois par certains musulmans.

I Ces discussions d'ordre rituel sur les onze ou douze grains


peuvent sembler futiles. Pour le capitaine, elles masquent une

I orientation nouvelle, une évolution politique de l'Islam. La


formule dite de l'des onze grains" signifie en réalité le reveil
du "Mahdisme xénophobe et du fanatisme religieux" tant redoutés
I nous llavons vu, des administrateurs coloniaux. C'est une sorte

I 6. Samuel kiendré : cité page 51.

69

I
I
I de drapeau ou le mot d'ordre pour cette ''nouvelle societe
secrète islamiquet1dont les ramifications occultes en partant

I du Nigeria paraissent nous conduire au Soudan égyptien et chez


nous vers Nioro et la Mauritanie.

I Le Cheik Hamallah de Nioro (ville du Mali actuel) prie


précisément avec les chapelets de onze grains, signale Andre.

I Sans prétendre être un nouvel El Hadj Omar, il cherche a


jouer auprès des Tidjanes le rôle qu'exerça Amadou Bamba auprès
I des quadriya en recueillant l'aumône dans les pays voisins et
en prophétisant : '!Que le véritable règne de l'Islam libre
c allait bientôt venir''.

3.8. Le Hamallisme et les Foyers de l'Islam au Yatenga


C Les Hamallistes vont se répandre dans diverses regions du

I Sahel. Au Burkina Faso on les rencontre chez les Peul de Djibo


et de Dori dans le Liptako, chez les Mossi du Yatenga. Dans

I cette region ils se rattachent a Boukary Bellem et a Raguimia


Boubacar Savadogo que Cheick Hamallah a gagné a sa cause. Au
Yatenga, nous avons un important foyer islamique h Todiam chez
I les Peul Torobe.

I Au Yatenga, les Cheick Boukary Bellem et Raguimia Boubakar


Savadogo créent d'importants foyers religieux vers 1940-1942.

I Ces foyers sont Taslima oÙ le grand cheick est Boukary Bellem


et Ramatoulaye ou Boukary Raguimia Savadogo est le cheick. Le
cheick Raguimia Boukary Savadogo est poursuivi plusieurs fois
I par l'autorité coloniale suite h des troubles religieux
constatés a Ramatoulaye. I1 est plusieurs fois emprisonne (au
I Mali). Et c'est h la suite de ces emprisonnements qu'il change
de nom de famille. De Savadogo, sa descendance aujourd'hui est

I Maïga.

Plus tard, vers 1950, le cheick Assane Moctar Zoromé crée le


I foyer de Hamdallaye aux environs de Tikaré toujours au Yatenga.
Pour le Cheick Assane Moctar de hamdallaye, la prière
I "Djabouret Al Kemal" est récitée douze fois au lieu de onze
comme cela est le cas de Ramatoulaye et Tasllima. A son retour

I de la Mecque après sa formation de cheick, en Egypte et au


Soudan, le cheick Assane Moctar Zoromé tente de se joindre au

I cheick de Ramatoulaye mais il apparaît plusieurs points de

70
I
U
I désaccord au niveau de certaines conceptions religieuses. Dans
le coran le phénomène de caste n'existe pas, or ceux de

I Ramatoulaye l'ont pris en compte en voulant minimiser son titre


de cheick. Ce dernier se replie et crée son foyer Hamdallaye
près de Tikaré et comme tous les autres cheick il a des
I difficultés avec les chefs traditionnels et l'administration.

I A Amené aussi, l'Islam supplante la religion traditionnelle,


réduisant ainsi les fonctions du chef de village et maître de

u la terre a des titres. Ces faits ont été l'objet d'un conflit
de pouvoir. Nous reviendrons sur ces conflits dans les
chapitres suivants.
I A Amene, en plus des fonctions exercées par les Peuls, les

c Rimalbé Foynankobè et les Fulnakombsé que nous venons de voir,


la grande famille Mossi occupe aussi d'importantes fonctions et
joue un rôle important au sein du village.
1 3.9. Les Mossi Forgerons et les Mossi

I a) Les Mossi Forgeron Zorome et Zallé

I Dans la société, le forgeron a toujours joue le rôle le plus


important et a toujours été à la base de tout dans la vie de

a l'homme. Nous reprenons ici l'excellent recueil de El Hadj


Harouna Zoromé le SâSb-Naaba7 de Amené. Ce recueil nous montre
la façon dont un forgeron se représente l'importance de son
I groupe dans la société : "La forge est le noeud de toute vie
dans la société. C'est d'elle que dépend l'homme : dès sa
I naissance on lui coupe le cordon ombilical avec la lame
fabriquée a la forge. Et durant son existence sur terre pour

I gagner sa vie il est obligé de se servir des outils en fer


fabriqués h la forge. Dans la vie de l'homme le forgeron est

I toujours présent. Si vous les aimez tant mieux, si vous ne les


aimez pas tant pis. C'est ainsi que Dieu a fait les choses et
on ne peut pas se dérober des faits de Dieu".
I "Yââ woto la Wenam mané yeela
c'est comme ça que Dieu a fait les choses
I Nésala met patouin yid wenam sein mané yé
L'homme aussi ne peut défaire ce qu'il a fait"

I
7. SdBbba-Naaba
I :le chef des Forgerons.

71

I
I
I Les forgerons Zoromé sont originaires de Ronga et transitent
par Tavoussé près de Ronga avant de migrer à Amene a la

I recherche de terre cultivables et pour exercer le métier de


forge. Plus tard vers les années 1960-62, les Zoromé sont
rejoints par d'autres forgerons les Zallé qui sont originaires
I de Saye près de Gourcy. Les Zallé se divisent en deux groupes,
le premier groupe habite Saadbilin, le deuxième groupe
1 s'installe a Senosorin aux environs de Mougoumougouboko avec
les Zoromé.

It Les Zallé sont forgerons comme les Zoromé et sont aussi à la


recherche de nouvelles terres cultivables. Les forgerons
8 habitent les quartiers Saadogo, Saadibilin et Sénosorin près de
Mougounougouboko.
I L'arrivée des forgerons à Amene, suscite beaucoup
d'enthousiasme dans le village. Les agriculteurs sont contents
1 d'avoir les spécialistes du fer à côté d'eux. Ce qui leur
permet de se ravitailler facilement en outils et matériaux
I agricoles. Les femmes forgerons sont des potières et fabriquent
pots, canaris, marmites et tous les ustensiles de cuisine. Ce

I rôle social est tres apprécié dans le milieu. Tous ces outils
et matériaux fabriqués sont vendus par les forgerons ou

I échangés contre d'autres produits en nature (vivres). En plus


de leur métier qu'ils exercent dans le village, les forgerons

c sont commerçants et colporteurs : llToonduball.

Auparavant ils vont a Bolga et a Kumassi (Ghana) acheter de

I la cola et du fer. Ils utilisent une partie du fer et revendent


le reste aux autres forgerons. Tandis que la cola ils la

I revendent dans la region et même h Mopti au Mali, oÙ ils


rachetent le sel qu'ils revendaient a Bolga ou a Koumassi ou au
Mali. Dans cette activité commerciale ils utilisent les ânes
I comme moyen de transport.

I b) La caste des Forgerons au Yatenqa

A Amene comme un peu partout au Yatenga les statuts sociaux,


I les castes ont joué un rôle important dans l'équilibre des
relations entre différents groupes du milieu. De nos jours, les

I vieilles conceptions des castes sont interprétées et utilisées

I 72

I
I
U autrement. Et ces faits nuisent aux populations dans les
villages et leur créent beaucoup de conflits.

I Dans le milieu mossi du Yatenga, les forgerons sont castes,


endogames et ne se marient qu'entre forgerons, du même village

I de lignages différents et avec les autres lignages différents


des villages voisins.

I Notre enquête sur les aires de mariage h Amene, nous a


permis de nous rendre compte que les forgerons Zoromé et Zallé
I du village sont castés. Ils se marient entre eux : Zoromé et
Zallé et se marient également avec les forgerons des villages

o voisins.

Quelle est l'origine du Systeme de caste ?


li Selon la tradition orale et nos informateurs, h l'origine,
les forgerons maîtrisent la technologie de la métallurgie et
1 avec ce savoir, ils sont h la base de toute activité sociale
dans la vie de l'homme. Pour les autres groupes, les forgerons
1 incarnent beaucoup de mythes (mythe de puissance surnaturelle,
et de justice). Et pour conserver son identité, son savoir
I faire, il lui faut beaucoup de conditions et l'une des
conditions est de se mélanger moins aux autres groupes afin de

I mieux faire le transfert de ce savoir de père h fils et de mère


a fille. Avec l'évolution, ces nobles considérations ont fini

I. par être interprétées autrement et pour d'autres mobiles.

Rôle et fonctions des Forgerons

U A l'époque précoloniale, le forgeron joue un rôle important


dans la vie des hommes et occupe d'importantes fonctions au
1 sein de la société. Toujours au niveau des fonctions qu'il
exerce, c'est le forgeron qui détient le secret de la
I fabrication des armes pour combattre l'ennemi dans le royaume.
Et c'est lui également, qui h chaque intronisation d'un Yatenga

I Naaba offre les dernières sandales après son périple sur les
différents autels du royaume, pour qu'il rentre dans la

I concession royale. C'est aussi au forgeron, que revient en


dernier recours le droit de trancher les litiges entre deux
lignages, entre deux villages et même entre les royaumes. C'est
I lui le maître du Pardon. C'est lui le grand conciliateur. Homme
du feu, homme du .fer, c'est le forgeron qui fait des
8
73
i
I
1 sacrifices, une offrande sur les lieux où la foudre vient de
s'abattre avant que quiconque aille sur ces lieux. Le forgeron

I doit étre pur et honnête, cette pureté est surtout liée a sa


fonction. Quand un forgeron n'est pas pur et honnête, ils
n'obtient rien lors de l'extraction du fer dans les hauts
1 fourneaux.

I Toutes ses fonctions, tous ces rôles qu'il exerce exigent de


lui une certaine pureté. Et pour cette pureté il faut qu'il
soit sincere, honnête et propre. Et pour être tout ça, il faut
8 qu'il se fasse beaucoup de conctraintes B savoir être endogame,
et refuse d'être chef.
B "Pour étre propre il faut qu'on évite de se mélanger aux

1 autres à savoir ne pas se marier aux autres groupes du milieu.


Si nous nous mélangeons nous ne pourrons plus trancher, nous
risquons de prendre partie et quand on prend partie la vérité
1 disparaît. Pour étre pur on doit éviter d'être chef et quand on
est chef on est parfois obligé de mentir ou de tuer et quand on
U fait cela on est pas pur" nous dit M. Z. notable du village.
C'est toutes ces contraintes qui constituent la caste.

8 d) Les interprétations traditionnelles des castes

a Les forgerons sont forts et cette force réside dans leur


sang. Les autres groupes sont tres dépendants d'eux et pour

I cette raison il ne faut pas les laisser accroître leur force en


accédant 8 la chefferie et autre forme de pouvoir. I1 faut les
contenir se disent les Mossi et surtout les Nakombsé qui sont
I les premiers h être dépendant des forgerons. Avec l'évolution,
beaucoup d'interprétations ont été faites, tant au niveau
I politique que religieux au Yatenga.

I Les Mossi venus du Yatenga central

Le plus grand nombre des Mossi installés a Améné, est


I originaire du Yatenga central et s'est installé récemment h
Amene aux environs des années 1950. Seuls Payondiba et Noaga

I arrivent en même temps que Yirvouya et Redo au début du siècle.


De nos jours, nous n'avons que les descendants de Payondiba a

I Dabéré. Les descendants du guérisseur Noaga sont repartis dans


leur village d'origine h Bougounam pres de Séguénéga).

1 74

I
Après ces derniers, d'autres petits groupes de Mossi
s'installent à Amené. Nous avons les Ouédraogo venus de Ziga,
les Ouédraogo de Rega qui habitent Dabéré. Nous avons également
les Ouédraogo de Yabonsgo qui habitent Yipala. D'autres groupes
de Mossi venus de Sodin et Wédransin s'installent à Ipala ;
mais ils repartent soit vers des nouveaux villages de
colonisation pionnière comme Aurébanguéla, Nougdoum, Madougou,
soit retournent dans leurs villages d'origines par manque de
terre.

Les Mossi n'occupent aucune fonction, ni politique ni


religieuse dans le village. Ils sont arrivés dernièrement dans
le village et ont comme activité principale l'agriculture.
Certains d'entres eux ont eu h jouer le rôle de guérisseurs
traditionnels. C'est le cas de Noaga et sa femme qui sont venus
de Lossa, d'autres comme Harouna Gombgo Ouédraogo qui est
rebouteux et très célèbre dans la région. I1 dit avoir hérité
sa fonction de son père. Harouna est originaire de Ziga et a de
la famille h Bidi oÙ il a transité avant de s'installer à Amené
Dabéré.

75
I
I Chapitre IV - Le Pouvoir administratif moderne et les
requlations des échanges matrimoniaux

I 4.1. Les structures du pouvoir administratif moderne

I Depuis la colonisation en 1895, l'Administration moderne est


devenue le premier pouvoir avec lequel les chefs traditionnels
t doivent collaborer. Ainsi, les chefs traditionnels sont les
représentants de l'administration moderne jusqu'en Août 1983. A

I l'avènement de la révolution en Août 1983, les chefs


traditionnels ne sont plus les représentants de

I l'administration. Ils sont remplacés par les Délégués C.D.R.


(Comité pour la Défense de la Revolution) : ensuite ces
derniers ont été remplacés par les C.R. (Comité
I Révolutionnaire) à l'avènement du front populaire à la tête du
pays*
I Chaque village est représenté par un comité de sept délégués
(C.R.) composé comme suit : un délégué général ou délégué de
1 village, qui est le premier responsable du village : ensuite
nous avons le sécrétaire h l'organisation et son adjoint, le
8 trésorier, le délégué chargé h l'information et h la
propagande, le délégué chargé à la formation politique, et le
I délégué chargé des affaires socio-économiques. Ils sont tous
élus pour un an.

1 4.2. L'organisation administrative

I Le Burkina Faso est divisé en trente provinces, chaque


province correspondant a une préfecture en France ; le Haut

I Commissaire est le ler responsable de la province. Les


provinces sont divisées en départements (ou sous-préfectures),
chaque département ayant à sa tête un préfet. Le département h
I son tour est divisé en villages dont le délégué (C.R.)
villageois est le premier responsable. Au sein du village c'est
I le délégué villageois et ses collègues qui sont chargés de
veiller a l'application des lois administratives. C'est eux qui

I règlent les petits conflits et prélèvent les cotisations,


impôts et taxes diverses pour le préfet. Les délégués sont en

I quelque sorte les relais entre le préfet et les populations


villageoises.

I 76

I
Le village de Amene est peuplé de 971 habitants et divisé en
trois villages administratifs dépendants de deux départements.
Nous avons le village de Amené Mossi, et le village de Amené
Saaba qui dépendent de Koumbri et le village de Améné Rimalbé
qui dépend de Ban. Ban et Koumbri dépendent tous de la province
du Yatenga.

Le Préfet est le ler responsable officiel de


l'administration moderne dans le village. I1 est secondé par le
délégué de village et les six autres délégués C.R. Les chefs
traditionnels ne sont plus officiellement que des responsables
coutumiers et ne détiennent plus le pouvoir sous quelque forme
que ce soit.

A Améné, ce sont les Préfets de Ban et Koumbri qui règlent


les conflits villageois avec les délégués C.R.; c'est eux qui
prélèvent les taxes et impôts, c'est par eux également que
passent les différents projets et actions de développement du
village. A Améné, nous avons une école de trois classes en
service, un dispensaire et une maternité non mis en service par
manque de personnel. Toutes ces infrastructures modernes sont
implantées à Amene Saaba.

Avec le découpage administratif et les conflits de pouvoirs


entre les personnalités du village, il est difficile de réunir
les populations dans un village donné pour une information ou
même pour une vaccination. Les rencontres se tiennent à
l'intersection des villages en pleine brousse sous un baobab
appelé "Ram Toegal'. Ces conflits de pouvoirs durent depuis 1974
lors de la construction du barrage et jusqu'à nos jours,
l'administration n'est pas arrivée à reconcilier les
populations.

4.3. Les réqulations des échanqes matrimoniaux

Les aires de mariages

La régulation des échanges matrimoniaux à Amene s'effectue


au niveau des Buudu (lignage). Les alliances matrimoniales en
milieu mossi, ne nécessitent pas d'énormes dettes comme cela
est le cas dans les sociétés voisines de l'Ouest Burkina. Le
mariage dans ce milieu, est un symbole d'amitié et de

77
I
1 reconnaissance, qu'un lignage témoigne à un autre soit du même
village ou d'un village différent.

I Ainsi le mariage, n'est pas le problème de deux individus,


mais un problème de famille, de lignage. Par les alliances

I matrimoniales, les membres d'un lignage peuvent témoigner leur


satisfaction d'un bienfait aux membres d'un autre lignage.

I Comme exemple, en arrivant a Amene pendant les mouvements de


colonisation pionnière, les membres du lignage Ouédraogo
reçoivent des terres de cultures que leur cèdent les membres du
I lignage Porgo. Pour marquer leur reconnaissance, ils peuvent
proposer une fille de leur lignage aux membres du lignage
I Porgo. Et, de la maniëre dont les alliances sont faites à
Amené, et en milieu Mossi en général, les membres du lignage
1 exercent de fortes pressions sociales sur le couple,
l'obligeant a bien cohabiter pour mieux consolider les liens

I d'amitiés entre les lignages. Pour les alliances matrimoniales


a Amené et dans la région, la première étape est le Puugsiuré.

U Le Puugsiuré est la cérémonie pendant laquelle tous les


membres d'un lignage se regroupent pour proposer aux autres

I lignages amis, les filles de leurs lignages en âge de se


marier.

1 Lors de la cérémonie, les autres lignages amis doivent être


représentés par un ou deux membres. C'est aux représentants
I d'informer le reste des membres de leurs lignages respectifs
pour que les jeunes garçons qui désirent se marier fassent leur

I choix et effectuent les démarches nécessaires pour le mariage.

A Amené, nous avons mené une enquête sur les aires de


1 mariages. Et, après le dépouillement nous nous sommes rendus
compte qu'à travers les alliances matrimoniales, les

I populations de Amene entretiennent de bonnes relations


d'alliance et d'amitié entre lignages dans les quartiers du

1 village et entre lignages des villages voisins. Nous avons


également observé qu'à travers les alliances matrimoniales
s'effectuent d'importants échanges et dons en nature : céréales
I (mil, mals etc ...) et animaux. Dans certains lignages nous
avons des dons de terre aux enfants mâles de la fille issue du
I lignage. A travers nos enquêtes, nous avons vu aussi qu'à Améné
tous les groupes sont patrilinéaires et qu'il y a interdiction
1 78

I
d'alliance matrimoniale avec certains groupes de statut social
différent, comme c'est le cas des forgerons (Sââba) chez les
Mossi, et les griots (Seetba) chez les Peul.

4.4. Les alliances matrimoniales

Dans la region de Améné, les alliances matrimoniales


constituent un important régulateur de tensions sociales entre
les différents groupes en présence. L'absence d'alliance entre
deux groupes signifie qu'il y a conflit et sa fréquence montre
de meilleurs rapports.

A Améné, nous avons sept lignages ou Buudu : Les Fulnakombsé


Porgo, les Peul Foynankobè Barry, les Rimalbé Foynankobè, les
Mossi Ouédraogo originaires de Rega, de Ziga, Yabonsgo, les
Mossi Forgerons, Zoromé et Zallé, ayant chacun un chef de
lignage ou Buudu Kasma

4.5. Les Fulnakombsé Porgo

Ils constituent le groupe le plus important du village. Ils


sont pratrilinéaires et exogames. A travers le tableau
d'endogamie de localité, alliance entre quartiers, nous
remarquerons un très faible pourcentage d'alliance avec les
autres lignages des quartiers de Améné : 1 % avec les Rimalbé,
5 % avec les Ouédraogo des 3 origines.

0 % Fulnakombsé Porgo
0 % Peul Foynankobè Barry
1 % Rimalbé Foynankobè Barry
Fulnakombsé Porqo 2 % Mossi Ouédraogo de Rega
1 % Mossi Ouédraogo de Ziga
2 % Mossi Ouédraogo de Yabonsgo
0 % Mossi Forgerons Zoromé
0 % Mossi Forgerons Zallé

Tandis que pour l'endogamie de localité, alliance entre


lignages et quartiers des autres localités, le pourcentage est
très élevé en génération une et deux soit 94 %, le reste des
alliances se passe en dehors du village.

4.6. Les Peul Foynankobe Barry

79
I
I Les Peul Foynankobè Barry sont patrilinéaires et pratiquent
l'endogamie ethnique. Le mariage se fait entre cousins et les

1 autres membres des ethnies peul à Amené comme dans les autres
villages. Leur nomadisme ne nous permet pas de bien situer les
rapports d'alliance entre village. Mais ce qui est sûr, c'est que
I les alliances entre Peul et autres lignages des quartiers de
Amene est nul.
S
O % Fulnakombsé Porgo
I 100 %
O %
Peul Foynankobè Barry
Rimalbé Foynankobè Barry
1 Peul Foynankobè Barry O % Mossi Ouédraogo de Rega
O % Mossi Ouédraogo de Ziga

I O %
Yabonsgo
Mossi Ouédraogo de

I O %
O %
Mossi Forgerons Zoromé
Mossi Forgerons Zalle

I Chez les Peul les alliances matrimoniales sont ethniques


mais du fait des enjeux économiques (héritage de boeufs) il y a

8 des tendances d'alliance très rapprochées (entre cousins). Ce


qui exclut toute alliance avec les autres groupes ethniques de
la région. Les autres groupes aussi ne se marient pas aux
I femmes peul pourtant il n'existe pas des interdictions. Ils
trouvent que les femmes peul, n'ont pas d'endurance. Les Peul
I Foynankobè ne se marient pas aux Rimalbé et ne leur donnent pas
non plus leurs filles en mariage à cause de leur statut social

I d'esclave.

4.7. Les Rimalbé Foynankobè Barry


I Les Rimalbé Foynankobè sont aussi patrilinéaires et

I endogames. Chez les Rimalbé l'endogamie est plus ou moins une


obligation pour eux du fait de leur statut social d'esclave.
Ils ne peuvent que se marier entre eux. Mais par contre leurs
i filles sont épousées par les autres groupes. La famille Porgo
de Dabéré est un cas exemplaire. Les Rimalbé de Améné ne disent
I pas que leurs maîtres peul, peuvent épouser leurs filles mais
eux Rimalbes, ils ne peuvent pas épouser la fille de leurs
I maîtres peul. Ainsi les Rimalbé se marient entre eux a Améné et
dans les autres villages voisins comme Bine, Madougou et Ban.

8 80

I
1 % Fulnakombsé Porgo
0 % Peul Foynankobè Barry
0 % Rimalbé Foynankobè Barry
Rimalbé Foynankobè 0 % Mossi Ouédraogo de Rega
0 % Mossi Ouédraogo de Ziga
0 % Mossi Ouédraogo de Yabonsgo
0 % Mossi Forgerons Zorome
0 % Mossi Forgerons Zalle

Ce tableau nous montre que les Rimaïbé se marient très peu a


Amené et pres de 90 % des mariages se font avec des Rimalbé
d'autres villages voisins.

4.8. Les Mossi Ouédraoqo

Les Mossi Ouédraogo de Amene, sont d'origines diverses mais


ne sont pas tous des Nakombsé. Seuls ceux du lignage originaire
de Rega sont des Nakombsé ; les deux autres sont d'origine
esclave. Malgré le fait qu'ils soient d'origines diverses ils
ne se marient pas entre eux. Ils ne se marient pas non plus aux
Forgerons, ni aux Peul ni aux Rimalbé.

1 % Fulnakombsé Porgo
0 % Peul Foynankobè Porgo
0 % Rimalbé Foynankobè
Mossi Ouédraoqo 0 % Mossi Ouédraogo orig. de Rega
0 % Mossi Ouédraogo orig. de Ziga
0 % Mossi Ouédraogo orig. de Yabonsgo
0 % Mossi Forgerons Zorome
0 % Mossi Forgerons Zallé

Ce tableau nous montre un fort pourcentage de mariages


extérieurs, au village de la localité voisine.

81
4.9. Les Mossi Forqerons Zoromé et Zallé

Au Yatenga, les Forgerons sont castés en milieu mossi. Ce


fait de statut social est établi traditionnellement pour garder
une pureté au sein du groupe, vu le rôle et les différentes
fonctions qu'ils exercent dans le milieu. De nos jours, ces
faits jadis nobles connaissent d'autres connotations. Et cela
pour divers mobiles sociaux. Nous avons lu ces faits dans le
chapitre précédent sur les castes qui nous donne plus
d'éclaircissement.

Les Forgerons Zoromé et Zallé sont de lignage différent,


leur statut social les unit, ils sont patrilinéaires et se
marient entre eux a Améné et entre forgerons d'autres
localités. Par contre, il n'existe aucun lien d'alliance
matrimoniale avec les autres groupes en présence.

O % Fulnakombsé Porgo
O % Peul Foynankobe Porgo
O % Rimalbé Foynankobe
Forqerons Zoromé et Zallé O % Mossi Ouédraogo orig. de Rega
O % Mossi Ouédraogo orig. de Ziga
O % Mossi Ouédraogo orig. de
Yabonsgo
4 % Mossi Forgerons Zorome
4 % Mossi Forgerons Zallé

Après les analyses et les observations des différents


tableaux sur les aires de mariages h Améné, il ressort : que
l'endogamie ethnique et l'endogamie de caste sont dominants.
Dans l'ensemble nous avons un très faible pourcentage
d'endogamie de localité.

Ce faible taux d'endogamie de localité crée des longs


déplacements pour l'établissement des liens matrimoniaux, mais
a permis au village de Amene de garder de bons rapports avec
les villages voisins et de bénéficier d'une assistance
spontanée de ces villages lorsqu'il entreprend des activités de
développement. Ex. construction de barrage, construction
d'éCole, de dispensaire et maternité.

a2
Cette deuxième partie, Organisation sociale et politique
nous a permis de mettre en évidence, dans le chapitre III la
stratification sociale et religieuse des différents groupes
sociaux du village. Le chapitre IV nous montre l'organisation
du pouvoir administratif moderne et les régulations des
échanges matrimoniaux. Cette deuxième partie, nous a permis de
conprendre llorganisation sociale du village, les différents
types de pouvoirs que détient chaque groupe, le rôle de
l'administration et le rôle des échanges matrimoniaux. Dans la
troisième partie, nous aborderons, la formation du terroir et
l'appropriation de l'espace.

83
Troisième Partie : Formation du terroir et appropriation de
1 I espace

Chapitre V - Llappropriation de l'espace et l*exploitation


du terroir villageois par les différents groupes sociaux

5.1. Histoire du terroir villageois

Le village de Améné, est situé dans la région intermédiaire


entre le Yatenga et le Seno. I1 fait partie de l'ensemble des
villages créés lors de la colonisation pionnière au début du
siècle, suite au mouvement général d'occupation de la région en
1905. Le village est de nos jours habité par plusieurs groupes
ethniques d'origines diverses. Cette région, jadis habitée par
les Kibsé fut dépeuplée progressivement vers le XIVème siècle
suite aux calamités naturelles et aux nombreuses guerres qui
ont eu lieu à cette époque.

L'appropriation de l'espace par les éleveurs Peul semi-


nomades et les agriculteurs Fulsé et Mossi plus tard, s'est
faite sur des espaces dépeuplés. Elle n'a pas eté faite par
conquête, non plus en repoussant les gens à partir de leur
terroir, mais devant une situation objective de dépeuplement.

C'est ainsi que se fait la mise en place de la localité de


Amené. Les nouveaux occupants du terroir ont seulement a
demander la permission aux gens qui détiennent des droits
eminents sur ces espaces des Peuls Foynankobè. Ainsi, avant que
ne s'installent les premiers groupes sédentaires du peuplement
actuel, le terroir est occupé de façon temporaire : les Peul y
restent durant toute la période d'hivernage et se dispersent
ensuite vers les points d'eau facilement accessibles en saison
sèche. Les premiers Mossi quant à eux viennent de Koumbri et de
Bidi pour cultiver dans le bas-fond en saison des pluies. Les
récoltes restaient sur place en saison sèche dans les greniers
construits près des campements Peul. Et petit à petit les
différents groupes se sédentarisent progressivement et le
village est créé. Mais avec les arrivees successives et les
installations qui se sont poursuivies, le terroir villageois a
fini par se saturer.

5.2. Rupture dléquilibre et saturation de l'espace

84
Après l'occupation des zones de brousses environnantes par
les habitants de gros quartiers tels que : Dabéré Baogopore,
Moengo et Saadogo, l'équilibre semble être établi. Les paysans
ont assez de terres et les exploitations fonctionnent bien.

Mais avec les arrivées continuelles ils sont obligés de se


défaire de certaines superficies au profit des nouveaux venus.
Ce qui a, petit à petit, rompu l'équilibre et le processus de
manque de terre s'est engagé. Les sécheresses, le déboisement
et le surpeuplement ont entraîné l'émigration des populations
de Améné vers d'autres zones moins peuplées comme Aurébanguéle,
Madougou et Nogdoum, ou plus loin vers des zones pionnières
d'occupation traditionnelles (Kouka, Sourou, vallée du Kou a
l'Ouest du Burkina). D'autres enfin sont partis en Côte-
d'Ivoire travailler dans les plantations.

C'est par cette série d'arrivées successives de groupes et


de familles, par ces mouvements de va-et-vient des populations
suite aux différents événements historiques et géoclimatiques,
que se crée le village de Améné.

Tous ces flux irréguliers d'individus, de groupes ont


engendré un partage inégal et complexe du terroir disponible.
Ce qui explique que les différents groupes interrogés lors de
nos entretiens ont une conception particulière du terroir
villageois. Ainsi pour les Mossi et Peul, Amené est situé à
l'intersection de plusieurs territoires et maîtrises de terre.
Cette situation est différemment interprétée par chacun des
groupes présents.

Dans la région, l'espace, (terroir et territoire villageois)


est régis par deux pouvoirs de maîtrise. Un pouvoir de maîtrise
politique de l'espace, régi par le chef coutumier, le Teng
Naaba et le pouvoir de maîtrise de terre, régi par le chef de
terre le Tenqsoba.

Le Teng Naaba est le chef politique d'un village, d'un


commandement, d'une région et même d'un royaume. Le Tengsoba a
le pouvoir de maîtrise de terre, d'un terroir, d'un territoire
ou de plusieurs territoires : le Tempeelem.

5.3. Les maîtrises de terre

85
I
a)Selon la conception Mossi, la chefferie de terre est une
I fonction religieuse liée aux autels rituels et aux lieux de
culte : le Tenqkuqri, couramment appelé tenga dans le milieu.
I Le Tenga a une zone d'action autour de lui, qui s'étend sur
plusieurs hectares et même parfois des kilomètres carrés. Et
I cette zone d'action est le Tempeelem. Ainsi sur un Tempeelem on
peut subir des mauvais sorts si l'on s'adonne à des pratiques
I qui vont à l'encontre des interdits de la population vivant sur
ce tempeelem : exemple d'interdits : cueillir des quantités de

I fruits verts ou avoir des rapports sexuels à même le sol en


brousse. Les sanctions dans ces cas sont soit directes (la

I foudre) soit indirectes (une longue maladie). Ainsi dans la


region, le terroir de Amené est en partie sur le tempeelem de
Koumbri dont le Tengkugri est le "koumbri gombré" appellation
I fulsé, le Tempeelem de Sim dont le Tengkugri est le Sim Tenga,
sur celui de Déssé dont le Tengkugri est "le Desse Tenga". Le
I reste du terroir est sur le Tempeelem de Boroni, ou "Baroni
tenga" et sur celui de Doré ou "Dore Tenga" en More et le Doré

1 lewe en Dogon sur le territoire Foynankobè.

Selon les Mossi, en effet le Sud et le Sud Est du terroir


1 villageois s'intègrent au Tempeelem de Koumbri prolongement du
terroir de Bidi dont le Tengsoba est le Gombre Naaba de Koumbri
I qui relève lui même du grand territoire de Ronga au plan
sacrificiel (Ronga est la maîtrise de terre suprême). L'Est du

1 terroir de Amene est une partie du territoire de Desse. Le


Tempeelem de Desse depend d'une part de la maîtrise de terre de
Boroni et d'autre part de celui de Ronga. Tandis que le Sud
1 Ouest fait partie de la grande maîtrise de terre de Sim.
L'Ouest constitue la maîtrise de Dore. Le Nord et le Nord Est
I du terroir de Amene, se trouvent sur le territoire de la
chefferie Foynankobè Barry qui se trouve à Sagara Ban (Bahn)
I qui relève elle même du Tempeelem des Ganame de Boroni dont la
limite passe par Borio.

I b) La conception peul du terroir

I Selon la conception peul, compte tenu de la nature de leur


activité pastorale il y a deux terroirs dans leur environnement

l : celui des Peul Foynankobè dont la chefferie est Bahn qui

I 86

I
I
I s'étend de l'Est au Nord Ouest et celui des Diallubé qui
s'étend du Sud-Est à l'Ouest.

li La gestion de l'espace et l'exploitation du milieu sont


liées aux conceptions des deux groupes Mossi et Peul. La
I conception des Mossi est celle d'une société agricultrice de
religion animiste. La chefferie traditionnelle mossi reconnaît

I que les Fulse (Kurumba) les Kibse (Dogon) ; et les Ninisse sont
les prêtres et gardiens religieux du territoire.

I Avant l'arrivée des Mossi au Yatenga, vers le XVIe siècle


ces différentes populations occupaient en effet l'ensemble du

I territoire, et on reconnaît en eux le pouvoir de maîtrise des


éléments de la nature.

B La conception Peul est celle d'un groupe pastoral


nomadisant, de religion musulmane. Ces deux conceptions, qui se
I complètent et se recoupent nous montrent bien que la définition
des limites d'un terroir est en grande partie déterminée par

I l'histoire des différents


d'appropriation d'un espace.
groupes et leur modalités

I Une fois installé, agriculteurs et pasteurs éleveurs se


retrouvent, s'organisent et exploitent rationnellement l'espace
I territorial villageois, selon leurs visées propres. Ainsi, nous
verrons comment vivent les Peul semi-nomades à travers leur

I activité principale. Il en sera de même pour les agriculteurs


Fulsé et Mossi chez lesquels nous essayerons de voir comment

I ils gèrent leur exploitation agricole.

5.4. Organisation pastorale des Peul

I a) Mouvements pastoraux

I Les Peul Foynânkobé de Amene ont toujours vécu de l'élevage


et de l'agriculture mais l'élevage constituait encore leur

I principale activité : chaque ménage avait un troupeau composé


généralement de bovins, ovins et caprins.

1 Cet élevage était et reste extensif, de type pastoraliste,


caractérisé par des mouvements saisonniers. Saliou et ses
I frères, une fois installé leur campement, restèrent là tout
l'hivernage : ils repartirent h Bahn pendant la saison sèche

I' 87

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Fig. 6 : CARTE DES C A M P E M E N T S ET QUARTIERS D U VILLAGE DE A M E N E


ET TOPONIMIES DES TERROIRS AGRICOLES DE QUARTIER
I
I pour abreuver les animaux
beaucoup plus fournis.
dans les puisards du bas-fond

I Les Peul Foynânkobé partageaient très peu les pâturages de


leurs voisins Diallubé, situés tout juste aux environs de

I Améné. Par contre ces derniers venaient sur les terres salées
de Amene avec leurs troupeaux et campaient pendant un certain
temps, une fois l'an. Ils n'entretenaient pas de bonnes
I relations les uns avec les autres dans la mesure oÙ chacun des
deux groupes tenait 8 agrandir son territoire.
I En plus des mouvements saisonniers qu'ils pratiquaient sur

I leur territoire, les Peul Foynânkobé transhumaient vers


d'autres régions : sur les terres salées de Baraboule
(Djelgoli) ; vers le Séno sur les grandes terres salées au pied
I du massif de Gandamya au Nord du Senomango. Ces grandes
transhumances se pratiquaient en hivernage, pendant plusieurs
I mois. Les bergers et les troupeaux revenaient après la période
des récoltes.

I b) Ressources de l'élevaqe

I Les transhumances se pratiquent encore de nos jours, mais


seulement en cas de pénuries de fourrage dans la région. La

I pratique des mouvements saisonniers et des grandes


transhumances a pour objet la recherche d 'un équilibre hommes-
bétail-ressources. Le fourrage n'est traditionnellement pas
I stocké chez les Peul. Ce fourrage reste dans la nature et seuls
les choix saisonniers de parcours sur divers sites de pâturages
I permettent de donner satisfaction au bétail.

I M. Benoît nous présente les différents parcours que l'on


rencontre au Yatenga dans cette region d'élevage. I1 distingue
: la
trois types de parcours qui correspondent à trois llplagesll
I premiere plage "représente les pâturages sahéliens constitues
de graminées annuelles tendres. Leurs qualités nutritives et
I leur appétence en toute saison (sauf parfois au moment de
l'épiaison car l'arête des graines est souvent dangereuse pour

I l'animal) font qu'elles constituent les meilleurs pâturages de


llHaute-Voltatl.La deuxième plage est représentée par des

I 8. M. Benoît "Situation du Yatenga" Nature Peul du Yatenga, remarque sur te pastoralisme en pays Mossi,
1982 ORSTOM, Paris, 176 p. Page 23.

I 89

I
I
I "formations du domaine nord-soudanien. Ici c'est l'alternance
des sols gravillonnaires sur cuirasse et des sols de
colluvionnement qui a l'incidence la plus nette sur la nature
1 du pâturage. Sur les plateaux et les glacis gravillonnaires
(qui représentent 70 à 80 % des superficies), les parcours sont
1 essentiellement composés d'espèces annuelles relativement
coriaces peu appetées à l'état sec".
1 A côté de ces parcours, nous avons des dépressions avec des
sols argileux. l'Ces pâturages de bas-fonds sont plus
I intéressants que ceux des plateaux ou des glacis et assez bien
répartis dans l'ensemble du domaine nord-soudanien mais ils ne
I représentent qu'un stock d'herbes assez limité"

1 Enfin il distingue une troisième plage l'qui représente des


pâturages ayant les mêmes caractéristiques que les précédents,
l'occupation agricole des superficies et les jachères limitent
I l'espace disponibleI1.l0 ''Une autre caractéristique de ce type
de milieu est l'importance des chaumes (mil, sorgho, riz)
1 utilisables grâce à la vaine pâture. Leur présence est un
moindre mal compte tenu de la disparition du pâturage naturel

1 par la mise en culture, mais elle ne la compense pas". "La


situation de Amene correspond à ce dernier cas. La saturation

1 de l'espace a rendu la vie difficile dans le village, ce qui a


entraîné des départs vers d'autres horizons.

I 1) L'eau

L'eau est une ressource essentielle pour l'élevage. Sur le


R territoire de Foynânkobé il n'existe pas de points d'eau
permanents. Pendant la saison pluvieuse les animaux s'abreuvent
I dans les mares naturelles tandis qu'en saison sèche, ils se
trouvent soit autour des puits qu'ils partagent avec les

I agriculteurs sédentaires, soit dans les puisards des bas-fonds


dont celui de Bahn. La construction du barrage de Améné en

I 1975, a fait qu'aujourd'hui le terroir accueille l'ensemble des


troupeaux de la région. Les puisards dans le lit du barrage en
saison sèche donnent accès par ailleurs à des nappes alluviales
I non négligeables.
- ~~ ~

1 9. M. Benoit ibid p. 26.

10. M. Benoît ibid p. 26.

I 11. M. Benoit ibid, p. 26.

90

1
I
I 2) Les terres salées

M. Benoît l2 définit ainsi cette ressource : "Avec l'herbe


I et l'eau, la terre salée" constitue l'ensemble des matières
premières de l'économie pastorale. Le problème posé par les

I cures de terres effectuées annuellement par le bétail d'Afrique


occidentale sahélienne et sub-sahélienne est très mal résolu.

1 D'ailleurs, peu de spécialistes se sont intéressés h la


question. Que recherche le bétail lors de sa cure ? Quels sont
I les elements assimiles par l'organisme ? Quelle est la fonction
de cette assimilation sur l'état des animaux et leur croissance

1 ? Autant de questions auxquelles une littérature limitée et


dispersée ne permet pas de répondre avec précision. Une chose
est certaine. si le terme "salét1doit être réservé aux terres
I riches en sels de sodium, il faut admettre que les terres ainsi
désignées ne méritent leur nom que rarement. Plus que le sel,
I ce sont les sulfates et les carbonates de calcium qui
constituent l'originalité des sols intégrés par le bétail".
I L'auteur constate que dans sa zone d'étude aucun troupeau ne
quitte la région pour aller faire une cure annuelle dans les
I zones plus septentrionales, au Nord du Djelgoji, oÙ il existe
des terres salées de très grande réputation. Au contraire il
I ressort de nos entretiens que les Peul Foynânkobé de la région
de Améné parcourent ces terres et vont même plus loin, sur les

I terres salées du Nord Seno, dans la plaine du Gondo. Cet


extrait de l'entretien avec Idrissa Saliou a Amene en est un

1 témoignage : "Dans la région il n'y a pas de terres salées pour


tous les animaux. Nous allons souvent a Baraboulé dans le
Djelgoji oÙ il y a de bonnes terres salées. Nous sommes allés
I souvent aussi sur les terres salées au pied du massif de
Gandamya au Nord du Sénomango (@'KÔng$n Zougou Sellog$ntl). I1 y
1 a eu sept années successives où j'y suis allé moi même ; je ne
cultivais pas ; c'était mes frères qui cultivaient. Mais pour y

1 aller il faut faire plusieurs jours, cinq jours. Pour y aller


il faut passer par Bani au nord de Amené, Bessoum, TÔ, Wagal,

I Yé et de Yé une longue marche d'un jour et on n'y arrive que


vers la nuit. Les animaux mangent les terres salées et on les
conduit dans les pâturages voisins ; au bout de cinq yours ils
I
12. H. Benoît "les terres salées" in Nature Peul du Yatenga op cit. page84.

I 91

I
I
ont assez. Après les cures nous restons quatre mois là-bas dans
I les pâturages des environs : nous revenons après les récoltes".

1 De nos jours certaines de ces terres salées sont


inaccessibles au bétail (par envahissement des cultures).
Auparavant ces terres salées étaient utilisées en Septembre
I alors que de nos jours avec les cultures, les récoltes ne sont
pas faites en Septembre. Les Pasteurs sont contraints de plus
I en plus a acheter les plaques de sel qui viennent du désert
(Taoudenit), ou des pierres h lécher du Service de 1'Elevage.
I La plupart des terres salées sont envahies par les cultures et
d'autres se sont épuisées : c'est le cas de celles de Améné.

I c) Les éléments d'une dynamique Agro-Pastorale

I Les Peul Foynânkobe pratiquent llagriculture mais cette


activité comble juste une partie des besoins alimentaires

I annuels. Pour les Peul 'les travaux champêtres constituent une


besogne imposée par la simple nécessité de se nourrir. D'un
autre c8té l'activité principale qui est l'élevage rencontre
I d'énormes difficultés : sécheresse, mise en culture des
anciennes terres de pâturage, inaccessibilité des terres
I salées, affranchissement des anciens captifs au moment de la
colonisation.

I Par ailleurs, au contact des agriculteurs sédentaires, ils


ont développé une pratique, presque généralisée de nos jours :
1 les contrats de fumure et de confiage :

- le contrat de confiage
I : l'agriculteur confie au berger le
soin d'élever soit des bovins soit des petits ruminants. Ce
contrat accorde toujours a l'éleveur la propriété du lait : cet
1 aliment rare et insuffisant de nos jours ne peut rémunérer
équitablement le travail de l'intéressé : une commission lui
I est donc versée quand le propriétaire vend une de ses bêtes
confiées. L'agriculteur lui attribue en plus une certaine

I quantité de mil à chaque récolte ou de l'argent. Dans certains


cas, l'agriculteur préfère sarcler les champs du berger en lieu

I et place de la dotation de mil.

- le contrat de fumure : le berger peul s'engage à faire


1 séjourner le troupeau sur les terres que lui indique
l'agriculteur ; celui-ci accorde au berger un certain nombre de

I 92

I
I
I jours pour la fumure de ses champs, lui fournit du mil, lui
construit sa hutte dans le champ désigné et lui fournit du sel

I pour les animaux. Le pasteur est libre ensuite de passer des


contrats de fumure avec d'autres agriculteurs. Ces dernières
années avec les sécheresses de 1983-1984, les agriculteurs
I n'ont pas suffisamment de mil pour proposer des contrats de
fumure aux Peuls.

1 5.4. Gestion du terroir agricole des Fulsé et Mossi

I a) Les cultures

Les différents groupes d'agriculteurs (Fulse, Mossi et


I Forgerons) qui se sont installés à Amene, vivent de
l'agriculture, du petit élevage, de l'artisanat et du commerce.
I L'agriculture constitue leur principale activité. Les céréales
cultivées sont le mil, le sorgho et le maïs. Les cultures
I secondaires sont l'arachide, le pois de terre, le sesame et le
fonio. Les céréales sont souvent associées, à l'oseille, au

I llniébéll (haricot). Le mil (petit mil) "Kazuyal' et le sorgho


tlKyendallconstituent la base de l'alimentation.

I Le mil (kazuya) occupe donc la plus grande partie du


terroir. I1 est cultivé sur les plateaux et les bas de pentes

1 sableux ou sablo-argileux pourvus d'une assez bonne capacité de


retention. Le sorgho (kyenda) est cultivé dans les bas-fonds

1 sablo-argileux et argileux, dans des bas-fonds régulièrement


inondées lors des crues. Le sorgho constitue une culture de
sécurité. Ces dernières années de sécheresses (1983-1984) ont
1 entraîné des rendements médiocres en mil sur les plateaux et
les bas de pentes ce qui fait que chaque exploitation cherche
I a avoir un champ de bas-fond afin de pouvoir constituer des
stocks de sécurité. C'est dans les bas-fonds que les cultures

I de rentes telles que le coton étaient cultivées au profit de la


métropole ; depuis 1960 cette culture de rente a petit à petit

1 disparu h Améné, faisant place au sorgho. Les bas-fonds sont


aussi les zones favorables à la plantation de vergers
(manguier, goyavier, citronnier etc...).
I
1
I 93

I
I
Le mais (Kamaana) est une culture accessoire comme le sorgho
I blanc (kavadi). Le maïs est une culture hâtive que l'on récolte
a la fin du mois d'août et dans la première quinzaine de
8 septembre. C'est donc une culture destinée (comme le "kavadi"
et le fonio) h donner une première récolte pour la soudure ;

I elle permet d'attendre les grandes récoltes d'octobre et


novembre. Le maïs (kamaana) et le sorgho blanc (kavadi) sont

1 semés dans les champs de concession (champs-jardins) fumés avec


les déchets des petits ruminants et les ordures ménagères,juste
après les semis de mil, vers le 13 et 14 juillet.
I Le riz ou (moui kyenda) est très peu cultivé dans la région

I mais a Améné il occupe toutefois une place importante dans


l'alimentation : il est cultivé dans le lit du marigot.

I L'aménagement récent du barrage a beaucoup encouragé la culture


du riz ces dernières années.

1 Le haricot (benga) et le sésame (süni) sont très importants


aussi dans l'alimentation. Ils sont souvent associés aux

1 cultures de mil et sorgho. L'arachide (sûmkam) et le pois de


terre (sum moaga) sont cultivés à côté des champs de mil, en
brousse ; l'arachide est très utilisé dans la sauce tandis que
I le pois de terre (sum moaga) se mange seul, bouilli h l'eau ou
grillé dans le sable.
I A Améné, on cultive aussi la patate douce et le manioc. Ces

I tubercules ont été introduites vers les années 1950 lors des
premieres campagnes de vulgarisation agricole. On les cultive
dans le bas-fond, sous les arbres des vergers. Le manioc et la
I patate douce sont commercialisés et consommés. Parmi les
cultures non vivrières, la plus importante fut longtemps le
I coton, cultivé pour l'habillement et pour payer les impôts, et
surtout pour les industries de la métropole (France) pendant la

I colonisation.

b) Les superficies cultivées et les différentes méthodes


1 Toutes ces cultures sont pratiquées sur deux types de

I champs, en rotation : puqo (ou putto au pluriel) ou champ de


brousse, loin des habitations ; et champs de concession,
champ-jardin : kaogo (pluriel kaato). Ces derniers sont fumés
1
I 94

I
1
1 régulièrement avec les déchets de petits ruminants et les
ordures de concession.

I Sur le terroir villageois de Améné, le partage des terres de


cultures entre les quartiers (Saksé) puis entre les concessions

1 (yiya) et enfin entre les exploitations (zaksé)13, s'est fait


selon l'ordre d'ancienneté des installations, puis, des

I segmentations internes qui se sont produites par la suite.

Les premiers groupes d'agriculteurs (Fulsé et Rimailbe)


U installés à Dabéré disposent d'un terroir de village et de
bas-fond tres important, adapté à leurs besoins en sorgho

I (culture de sécurité) et autrefois en coton (culture de rente).


De nos jours les mêmes groupes disposent de grands vergers le

I long du bas-fond qui leur procurent mangues, goyaves, citrons,


manioc et patates douces.

I En dehors de ce groupe des premiers venus, quelques familles


des groupes précédents a Saadogo, à Baogoporé et Moengo

I possèdent des champs de bas-fond exploités de la même manière.

Le reste des agriculteurs s'organise dans un système de


I culture : une auréole de champs collectifs de
concessions (kaogo) fumés par les ordures ménagères, les

1 déchets de petits ruminants et les animaux issus des contrats


de fumure conclus avec les Peul. Un peu plus loin, il y a les
champs de village et les champs de brousse situés sur les
1 plateaux, les bas de pente et dans les bas-fonds. Ces champs
bien surveillés sont parfois fumés ou plus récemment traités a
I l'engrais chimique (engrais coton NPK) . Ils sont
traditionnellement soumis à la jachère aussi pendant 4 à 5 ans.
I Ces champs assurent le llgrosll de la récolte des champs
collectifs. Les femmes et les cadets ont des champs individuels

I qui leur fournissent des revenus qu'ils gardent pour leur petit
besoin. Les champs de brousse ont pour but l'obtention d'une
sécurité plus étendue et d'un surplus vivrier parfois
8 commercialisé. Auparavant les travaux n'y sont pas
prioritaires, et le type de culture y est très extensif.
I De nos jours, les agriculteurs des quartiers "Saadogo et

I Moengol'sont les plus entreprenants, et les plus gros


~~ ~

13. la zaka.(pl. :zakse) est le concept qui se rapproche le plus de celui de 88ménage88
en français.

I 95

i
I
I producteurs de mil. Ils disposent d'argent liquide et font
couramment appel a la main d'oeuvre rémunérée des groupements
villageois. Ils utilisent des animaux de trait pour les
1 cultures attelées. Les labours attelés augmentent les
superficies (plus de 1,5 hectare par actif)14. Les agriculteurs
I de ces deux quartiers sont attentifs aux innovations, et
suivent les conseils des agents d'encadrement. Ils suivent de
I près les différents thèmes de vulgarisation (construction de
diguettes, travail du sol, transport attelé, maraîchage).

I A l'inverse, les autres agriculteurs des quartiers 'Ipala et


Saadbilin" ont dÛ se tourner en priorité vers la brousse par
I saturation de l'espace villageois cultivable, et leurs champs
de concessions sont exigüs. I1 est difficile d'aménager les

I terres prêtées ou de les reboiser.

Avec toutes les contraintes les agriculteurs ont vu le


I rendement de leurs champs fondre rapidement. Ils ne subsistent
que grâce à l'appui des migrations de travail, du petit
I commerce de saison sèche, du petit élevage et de l'aide
extérieure. Ils misent aussi sur l'orpaillage en saison sèche,

I quelques sites aurifères ayant éte découverts récemment :


travail de saison sèche exténuant pour un résultat aléat~ire'~.

I L'agriculture est avant tout basée sur la sécurité ce qui


les pousse à cultiver le maximum de surfaces en rejetant de
1 nombreuses innovations. Ils montrent pourtant une volonté
évidente d'améliorer par eux-même ce système : en témoignent

i les nombreuses réalisations spontanées entreprises durant la


dernière saison sèche ou même plus anciennement. (citernes,

I l'bouli'', radier, diguettes, Zal, réparation du barrage).

1 c) Gestion des ressources

Les agriculteurs fulsé et mossi, ont des méthodes


I d'exploitation fondée sur la reconnaissance implicite d'une
complémentarité avec les groupes Peul Foynânkobè et les

I 14. L'observation agronomique sur l'agriculture, s'appuie sur les travaux de recherche ORSTOM réalisés
dans le milieu nous nous s o m e s référés surtout aux travaux de Georges Serpantié Dynamique des

I systèmes agro-pastoraux en zone soudano-sahélienne Bidi, Yatenga, Burkina Faso, '#Résultats dlEtape"
Novembre 1988.

15. cf. H. Ouédraogo - La place de l'aménagement antiérosif dans une dynamique de développement en zone
-
I soudano-sahélienne. (Le cas du Yatenga Burkina Faso) Juin 1988.

96
1
1
I Rimalbé!, Ils exploitent les plus grandes superficies de terre
et leur bétail (bovins, ovins et caprins) permettait les
transferts de fertilité indispensables des pâturages vers les
U champs pérennes. Les Peul Foynankobé prennent en charge
l'aspect contraignant de la conduite des animaux.
I Le fonctionnement du système est donc basé au départ sur des

I rapports contractuels entre groupes spécialisés : contrat de


confiage (garde des animaux avec contrepartie en nature et de
plus en plus en espèce). Contrat de fumure des champs (fumure
I des champs de village par stabulation en échange de mil, d'un
droit d'accès aux résidus de récoltes et aux puits) contrat de
1 cession de terres.

Cette complémentarité dans la gestion des ressources (selon


1 SERPANTIE et al. 1988) se double d'une forme d'intégration
élémentaire au sein même de l'exploitation mossi : un petit
I troupeau d'épargne, facile h monnayer, valoriserait les résidus
de légumineuses alimentaires. Le fumier produit en saison sèche
I est épandu sur les champs proches des habitations. On peut
penser que dans la région cette fumure et le parcage peul

I palliait l'absence d'un parc d'Acacia albida, fréquent dans les


vieilles régions agricoles du Yatenga mais absent dans une zone
récemment colonisée.
1 Dans la région de Améné et environs, l'organisation d'une
exploitation agricole, et les stratégies de gestion des
1 terroirs agricoles nécessitent une certaine emprise sur
l'espace. Cela permet aux paysans de mieux réguler et surtout
I de bien mixer selon les saisons.

Pour le bon fonctionnement de l'exploitation familiale il


U faut : un champ de concession, un champ de brousse, un espace
de réserve, un morceau de brousse pour les jachères et un champ
I de bas-fond.
L'absence d'un de ces elements est contraignant et affecte

I tout l'équilibre. Les derniers groupes venus h Améné ne


bénéficient pas de toutes ces conditions du fait du manque de

U terres ; ils ont été, alors, soit obligés de partir ailleurs


sur de nouvelles zones colonisées, où ils auront peut-être la
chance de réunir toutes les conditions, soit de repartir dans
I leurs villages d'origine : l'exemple des agriculteurs
originaires de Sodin et Wédransin.
U 97

i
I
I Chapitre VI
fond
- L'organisation du parcellaire autour du bas-

I 6.1) Description et évolution

I Les bas-fonds dans la région nord Yatenga ont toujours joué


un rôle tres important, dans les systèmes d'exploitations
agricoles et pastoraux. Ils fournissent les productions de
I sécurité, en mil et en sorgho les années de sécheresse. Les
bas-fonds fournissent également d'abondants pâturages de
I soudure. C'est dans le lit des bas-fonds que sont abreuvés les
animaux en hivernage. En saison sèche c'est toujours dans le

1 lit du bas-fond que les bergers creusent des puisards pour


pouvoir abreuver leurs animaux.

I I1 est donc logique qu'au moment de l'occupation des zones


dépeuplées que nous avons évoqué au début de ce travail, les

1 bas-fonds aient été les points stratégiques d'occupation. Dans


toute la région la plupart des villages se situent aux abords

I des bas-fonds ; c'est le cas de Améné.

De tout temps, l'installation en bordure des bas-fonds était


U recherchée. Nous remarquons que les sites d'anciens peuplements
sont localisés non loin des habitats actuels proches des bas-

I fonds dans plusieurs villages. Nous avons comme exemple, le


village de Bidi, de Mougounougouboko. A Amene, les sites des

I anciens peuplements Dogon, Rabodê et Besum Tampoê sont situés


de part et d'autre du bas-fond.

I Et pendant la periode d'occupation du terroir villageois de


Améné, les différents groupes cherchaient chacun h s'approprier

I des terrains de bas-fonds. Les éleveurs Peul Foynankobe,


premiers a s'installer dans le village, ont choisi leur site

I pour les terres salées, mais aussi pour le bas-fond dont les
abords constituaient d'abondants pâturages. Les Rimalbé et les
autres groupes d'agriculteurs recherchaient des terres autour
I du bas-fond pour défricher afin de mieux équilibrer leur
exploitation en période de soudure.
I
I
I 98

1
I
'I 6.2. Les exploitants et propriétaires fonciers

Ainsi, les bas-fonds représentent un enjeu très important


I dans toutes les exploitations agricoles ou pastorales dans la
région. Les premiers occupants du terroir, s'en sont bien
I appropriés. A travers une enquête -
bas-fond menée lors de nos
entretiens, il s'est révélé que de nos jours, le bas-fond est

I détenu par trois catégories de propriétaires, à des degrés


différents. Nous avons les possesseurs éminents que sont les

I Peul Foynankobè détenant plus de la moitié du bas-fond qui


longe le village du sud au nord-ouest. Comme possesseurs
éminents nous avons également les Porgo qui détiennent la
I partie sud qui fait suite au bas-fond détenu par les
agriculteurs Fulsé de Koumbri.
1 Nous avons dans la deuxième catégorie de propriétaire, les
Rimalbé qui ont été les captifs des Peul Foynankobe et qui
1 exploitent le bas-fond depuis leur installation. Dans un
premier temps pour le maître Peul ; après leur affranchissement
I (colonisation), ils l'exploitent pour eux-mêmes et deviennent
possesseurs. Ils peuvent prêter ou échanger des parcelles avec
I d'autres exploitants. La plupart des grands vergers
appartiennent aux Rimalbé. De nos jours ils sont propriétaires

1 par l'attribution du maître peul qui se consacre plus à


l'élevage qu'à l'agriculture.

I Enfin nous avons la troisième catégorie de propriétaire que


sont les autres agriculteurs Mossi et Fulsé venus après a

I Améné. Ils ont bénéficié des parcelles cédées ou prêtées par


les Rimalbé et les Porgo. Ces derniers ont en général des

I vergers dans lesquels les arbres sont jeunes encore et le plus


souvent ils ne sont propriétaires que du verger ; les terres
autour du verger peuvent être attribuées à d'autres personnes.
I Jusqu'à nos jours seuls les possesseurs éminents gardent le
droit d'attribution ou de gestion des parcelles de bas-fond et
i les zones de brousse.

I Dans la troisième catégorie nous avons plusieurs familles de


Sâadogo et Moengo et généralement leurs parcelles ont été
attribuées par les possesseurs eminents, Foynankobè Barry et
I Porgo. Cette enquête-bas-fond nous a permis de connaître les
premiers occupants du terroir à travers l'organisation du
I
99
i
I
I parcellaire autour du bas-fond. I1 ressort que les Peul
Foynankobè et les Porgo Fulsé sont propriétaires fonciers, ce
qui est juste et vérifié par d'autres enquêtes effectuées dans
I les villages. Cette enquête nous a aussi permis de recenser les
cultures pratiquées dans le bas-fond, et de voir les
I différentes transactions menées par la population. Nous
remarquons que certains nouveaux arrivants échangent des champs

I de brousse contre un bout de parcelle dans le bas-fond : pour


l'échange nous avons environ quatre hectares de champs de

I brousse sur les plateaux contre un champ d'un demi hectare ou


d'une dizaine d'ares dans le bas-fond ce qui nous montre que
les bas-fonds sont très recherchés. Dans le bas-fond également
i plusieurs vergers ont été vendus pendant les années de
sécheresse 1983-1984. Les propriétaires voulaient de quoi faire
I leur transport pour migrer vers les zones humides de l'ouest
burkina. Tous ceux qui ont vendu leur verger ont quitté le

I village. Ces transactions se sont faites en nature (verger


contre des petits ruminants ou verger contre des greniers de

I mil). I1 y a eu très peu de vente en argent liquide.

Les bas-fonds étaient anciennement réservés à la culture de


I sorgho, du riz et a l'arboriculture. Mais à l'époque coloniale,
de nouvelles cultures sont introduites. Parmi ces nouvelles

I cultures nous avons le coton et l'arachide qui sont des


cultures de rente, les manguiers, les goyaviers et les

I citronniers et orangers qui constituent les nouveaux plants en


arboriculture et les tubercules et racines comme le manioc et
la patate douce en vivrier.
i 6.3. L'introduction de nouvelles cultures dans les bas-fonds

I Les cultures d'exportations promues sinon imposées par


l'autorité coloniale sont alors principalement le coton de 1925
I a 1959, et l'arachide de 1935 a 194716. Ces cultures sont
pratiquées principalement dans les bas-fonds : elles ont ainsi
I grandement contribué à l'accroissement de l'exploitation des
terres de bas-fonds.

I C'est surtout avec la colonisation, qu'apparaissent certains


arbres fruitiers aujourd'hui tres répandus dont les milieux de
I 16. M. WEDRAOCO : La place de l'aménagement antierosif dans une dynamique de développement en zone
- Juin 1988 - Mémoire IESL -
I soudano-sahélienne. Le cas du Yatenga Burkina Faso

100

I
I
I prédilection sont aussi les terres riches et humides des bas-
fonds. L'apprentissage de l'arboriculture fruitière intensive,

I a commencé dès cette époque avec la création des vergers : de


manguiers, goyaviers et citronniers. L'intensification de la

I culture de coton, l'introduction des nouvelles plantes dans la


région, n'ont donc fait qu'accélérer l'extension des
superficies cultivées, dans les bas-fonds. Selon SERPANTIE et
I "le bas-fond est devenu dans le système agraire actuel,
un maillon indispensable 8 la sécurité vivrière. C'est
I l'endroit où se concentre l'eau, et les éléments fertilisants.
C'est le lieu aussi de reconstitution des nappes d'eau

I permettant l'abreuvement des animaux en hivernage comme en


saison sèche et d'autres activités de contre-saison

I nouvellement introduites dans le milieu, le maraîchage". Les


bas-fonds sont devenus un enjeu foncier très important, ils se
composent de trois zones, selon SERPANTIE et al. 1988.
I 1 - Le glacis de Raccord ou nchanfreinll
I 2 - Les terrains de bordure
I 3 - le lit du bas-fond.
Anciennement, il semble que la majorité des bas-fonds aient
I éte cultivés sans jachère. Avec l'introduction des nouvelles
cultures, l'exploitation de ces terres s'est accrue ; de ce

I fait, depuis les sécheresses le bas-fond a changé de fonction :


produire du sorgho de sécurité, ou du mil si le sol est très

I sableux. Les anciens pâturages de soudure sont devenus des


zones de pâture contrôlées (animaux au piquet) ; la culture de
riz se fait rare alors qu'elle était assez répandue. Les
I producteurs de fruits (manguiers, goyaviers, citronniers) et de
tubercules et racines (manioc et patates douces), ont vu leurs
I revenus baisser considérablement avec la succession des
sécheresses : le débit et la durée des nappes ont diminué, le
1 coton a disparu avec la concurrence de sorgho et la divagation
des animaux.

I A travers les observations de SERPANTIE G., sur Bidi et


Améné les terres du bas-fond régulièrement cultivées depuis
I 17. SERPANTIE et al. Novembre "Aménagement des Petits Bas-fonds Soudano-SahélienstlDynamique de recherche
: Dynamique des Systemes agropastoraux en zone soudano-sahélienne Bidi, Yatenga. Burkina Faso.
I Resuitats dlétape. ORSTOM 1988.

101
I
I
I longtemps voient leur qualité remise en cause par une pratique
qui est apparue avec la sécheresse et l'accroissement de

I l'élevage sédentaire : l'enlèvement total des résidus de


cereales pour l'affouragement de saison sèche appauvrit le sol.
Dans les bas-fonds l'augmentation des crues a entraîné la
I dégradation de l'état de surface des bassins versants. Le
sorgho voit son rendement chuter lorsqu'en début de croissance
I il est gêné par ces crues violentes. Les nappes accusent un
abaissement tres important depuis les sécheresses, des puits

I tarissent plus tôt pendant la saison sèche.

A Améné, ces phénomènes ont eu des conséquences graves comme


I dans la plupart des villages voisins : pénibilité accrue du
transport de l'eau à usage domestique, difficulté d'abreuvement
I du bétail. Face à toutes ces difficultés, les populations du
village se sont découragées. Et certains ont commencé a migrer

I vers l'Ouest du Burkina. Dans de telles situations, seuls les


aménagements de types digues filtrantes, retenue d'eau ou
barrages peuvent résoudre la crise. Mais ces types
I d'aménagement nécessitent d'une part d'importants moyens
financiers et logistiques, et d'autre part une analyse
I sociologique approfondie du milieu. La non prise en compte de
ce dernier aspect, a engendré un peu partout au Burkina de

I grands conflits entre lignages, entraînant ainsi la non


exploitation de plusieurs aménagements. A Améné la realisation

I du barrage et l'éCole sans une étude sociologique au préalable,


a entraîné d'énormes conflits que connaît jusqu'à nos jours le
village. Toutefois une fois réalisés, ils permettent de
I revaloriser les terrains des environs à travers d'autres
activités : tels que le maraîchage, la riziculture pluviale, et
I l'arboriculture fruitière (mangues, goyaves, citrons, papaye
etc.. .)
I La population de Améné a manifesté le désir de réaliser un
aménagement de type barrage. M. Zoromé originaire du village et
I ministre à l'époque, leur apporte son soutien par ses
relations, les financements sont acquis pour la réalisation
I d'un barrage et la construction d'une école à trois classes.
C'est, pendant les travaux de construction du barrage et de

I l'éCole, que vont se révéler les conflits entre groupes.


Certains de ces conflits, étaient des conflits latents qui

I 102

I
I
I attendaient une occasion pour éclater : le regroupement de
toute la population pour la réalisation de ses infrastructures,
en a été une.
I 6.4. Oriqine du projet de barrage a Améné

I Les populations du village de Amene se sont mobilisees


autour de leurs groupements villageois pour demander un
I concours a M. Zoromé notable du village. M. Zorome est
originaire de Amene et a occupé d'importantes fonctions

I ministerielles au sein des gouvernements, de la 2ème et 3eme


république de Haute-Volta. Ce notable sollicite à son tour

I l'assistance de 1'USAID un organisme de financement américain.


L'USAID examine la demande et accepte de financer la
construction de l'éCole et du barrage de Amene. Comme clause,
I il a demandé la participation de la population en
investissement humain. LIUSAID a accepté également de prendre
I en charge les rémunérations des techniciens et encadreurs,
ainsi que la fourniture de l'ensemble du matériel nécessaire

I pour la realisation de ces ouvrages. Après plusieurs travaux


d'études sur le bas-fond, les techniciens choisissent le site

I et les financements sont acquis.

Une fois les financements acquis, les travaux débutent en


I 1974 pour finir en 1977. Les travaux d'aménagement du barrage,
ont coïncidé avec la construction de l'école du village.

I 6.5. Histoire des aménagements

I Dans cet extrait, les responsables coutumiers du village


nous racontent l'histoire de l'aménagement du barrage et les

I travaux de la construction de l'éCole. Ce témoignage a été


recueilli a Amené Dabére et a Amene Saaba et nous pensons qu'il
regroupe l'essentiel de l'histoire du barrage avant les
I conflits.

I "Lorsque M. Zoromé a décidé de nous aider à construire une


ecole dans le village, il est venu nous informer. Et nous avons

I dit que le village est sans eau (Koobul-tenga), et qu'il est


difficile d'avoir de l'eau pour boire : à plus forte raison
pour construire une maison, une école. Alors si tu peux
I intervenir pour qu'il nous aide a avoir de l'eau, ce serait
mieux ; avec l'eau nous pourrons construire l'éCole. I1 nous
I 103

I
I
I dit que cela est bien vrai mais le blanc ne met pas l'eau h la
disposition de la brousse : si vous vous débrouillez pour
construire l'ecole, il trouvera de l'eau pour ses élèves.
I Et nous avons trouvé que cela est une vérité et nous avons

I commencé 6 construire l'éCole. Nous avons d'abord réuni le


sable, ils ont amené le ciment et les matériaux et nous avons

I commencé a enlever les briques. C'était en hivernage, il y


avait moins de problèmes d'eau. Les travaux se faisaient les
jours de repos (Arzouma, KoondÔ, Tenin, KoondÔ). C'était a tour
I de rÓ1e par quartier. Six personnes par quartier, chaque jour
de repos. Et avant la période du mals (septembre) il y avait
I suffisamment de briques et les techniciens (maçons et ouvriers
qualifiés) nous ont dit d'arrêter la fabrication des briques.

I En saison sèche, nous avons commencé la construction de


l'éCole. Quand nous étions a la hauteur de la sixième brique,

I le responsable des travaux de construction du barrage,


Barthélémy Ganamé, est arrivé sur le chantier de l'éCole et
nous a informés du projet de construction du barrage. Nous
I l'avons acclamé avec joie : "Dabarin kaala rin a guinné baalé
laad raatal' (c'est ça seulement que nous voulons). Aussitôt une
I discussion éclate. Certains disent, que pour l'école il a fallu
demander aux villages voisins de nous aider, les villages de :

I Petnangué, Mougounougoboko, Madougou, Biré, Déssé, Bidi et


Samni. Et qu''il faut retarder la construction du barrage, et ne

I pas cumuler les travaux. D'autres par contre veulent qu'on le


commence tout de suite de peur que le projet n'ait pas lieu.

u "Tondo yaa zemba, zema kaa daré yé a siin yiki ntoen kiémé daré
laadare" : Le pauvre n'a pas de jours, le jour qu'il est sur
pied c'est çà son jour.
I Ainsi, nous avons opté pour faire les travaux en même temps

I que l'éCole et c'est comme cela que nous sommes tous partis sur
le chantier du barrage et six personnes seulement restent sur
le chantier de l'école avec les maçons. C'est comme cela que
I les travaux du barrage et l'école se sont réalisés".

U 6.6. Les aspects économiques du barrage

Les aspects économiques du barrage sont nombreux. Le barrage


I permet, tout en inondant complètement le bas-fond, de conserver
une réserve d'eau pendant une partie de la saison sèche, de

I 104

I
I
I pratiquer sur les abords des cultures de contre-saison et
d'alimenter les nappes phréatiques.

I Selon la population, depuis la construction du barrage, Ils


n'ont plus souffert de problèmes d'eau de boisson ou
I d'abreuvement du bétail dans le village. La plupart des animaux
de la région sont abreuvés a Améné en hivernage comme en saison

I sèche. Les travaux d'aménagement du barrage, ont mobilisé toute


la population de Améné et celle des villages voisins. A cette
époque dans les villages de la région les populations ne
I connaissaient pas les travaux d'intérêts communs. Et, au début
des travaux, les populations pensaient être remunérées en
I argent ; mais les responsables des groupements villageois leur
ont fait comprendre tout de suite que cet ouvrage était le leur

I et qu'il fallait donc leur participation pour sa réalisation.


En compensation de leur travail ils recevaient des vivres

I offerts du Cathwel ou du P.A.M.


Mondial).
(Programme Alimentaire

I Les travaux une fois terminés, ce barrage est devenu un


outil indispensable h la population de Améné et de toute la

I région. Les zones exondées du barrage ont tout de suite été


colonisées par les cultures de riz en hivernage et le

I maraîchage en saison sèche. Le maraîchage, est pratiqué par les


gens de Amené comme ceux des villages voisins qui bénéficient
des parcelles octroyées par les anciens occupants de ces
I terres. Parmi les bénéficiaires nous avons recensé des gens de
Samni, Biré, Bidi et Mougounougoboko. Sur ces parcelles sont
I cultivés des tubercules de manioc, du koumba (aubergine), du
piment, des oignons, des choux, des pommes de terre etc. .. Le

I maraîchage procure un revenu de 50 O00 Frs/CFA/an environ (nous


dit un paysan de Moengo) permettant aux paysans de se procurer

I du mil et d'autres produits manufacturés (sucre, pile pour


radio et lampe torche, pétrole, etc...). Ces revenus encore
modestes encouragent certains paysans à rester sur place et à
I aménager leurs champs en saison sèche pour l'hivernage. Le
barrage de Améné a permis aux villageois de s'investir
1 davantage dans la riziculture pluviale jadis réservée aux
femmes, et qui s'étend de nos jours à l'ensemble des individus.

I La célèbre variété "Amené Mouï" commence h être connue a


l'intérieur du village et surtout par les agents de

I 105

I
I
I développement qui nous la testent sans arrêt dans les bas-fonds
nouvellement aménagés : (exemple du bas-fond de Bidi Gourga).

I "Le riz est consommé lors des fêtes ; il reste encore un


produit de luxe en milieu rural et coûte trois fois plus cher
que le mil. Ce qui permet aux producteurs de le vendre pour
I racheter du mil". (Marion Vissers 1987)18.

1 L'arboriculture fruitière : les revenus de cette activité


ont considérablement diminué avec la baisse des nappes
phréatiques et suite aux sécheresses. Mais de nos jours, a
I Améné l'arboriculture ne fait que se développer, avec
l'aménagement du barrage. En Juillet 1989, l'animateur agricole
I de la zone a vendu plus de 100 pieds de manguiers aux
agriculteurs de Améné. Ces vergers, longeant le bas-fond,
I fournissent d'importants revenus annuels. Nous
l'exemple du verger de H.Z. a Saâdogo qui lui a rapporte
prenons

I environ 80 O00 Frs en 1989. Dans la région, seul le village de


Améné, en saison sèche, fournit quelques légumes et des
mangues. La culture du manioc aussi procure d'importants
1 revenus ; un agriculteur de Moengo, nous a fourni des
informations à ce sujet : il gagne en moyenne 50 O00 Frs/an
I depuis quatre ans. L'aménagement du bas-fond a donc permis de
développer les activités rénumératrices des agriculteurs.

I Les activités rémunératrices ont accru le rôle du bas-fond


et ne l'on plus valorisé. Avec la croissance démographique, la
1 région s'est saturée, jadis l'espace existait et on pouvait
aller ailleurs si on avait plus de place là oÙ on était. De nos
I jours il n'y a plus de place. Les Peul avaient des esclaves à
l'époque précoloniale qui travaillaient pour eux et vivaient

I dans la misere. Aujourd'hui chacun travaille pour soi. Avec la


sécheresse les pâturages sont vides et les nomades ont fini par

I se sédentariser. Et avec le développement des activités


rénumératrices dans le bas-fond toute la population s'y
intéresse. Les Peul qui ne s'intéressaient au bas-fond que pour
I l'abreuvement et quelques jours de pâture revendiquent le droit
de propriété. Les Rimaïbe qui ont toujours travaillé dans les
I bas-fonds revendiquent le droit de propriété. Les Mossi h qui
les Peul et les Rimalbé ont prêté des parcelles dans les bas-

I 18. Marion Vissers 1987, Mémoire de stage, rble des bas-fonds et la riziculture dans les systèmes de
production- -
cas du Yatenga - -
Dynamique ORSTOM Université de Uageningen Proposition de Recherche

I Developpement.

106
1
I
I fonds revendiquent le droit de propriété. Cet intérêt que ces
différents groupes porte sur cette portion de terre engendre la

I concurrence et un esprit de compétition pour l'appropriation.


Cette situation a favorisé les conflits.

I Cette troisième partie formation du terroir et appropriation


de l'espace, dans le chapitre VI nous donne dans un premier

I temps l'histoire du terroir villageois, l'organisation du


terroir villageois et les modes d'appropriations. Dans un 2ème

I temps ce chapitre nous montre l'exploitation du milieu à


travers l'organisation pastorale des Peul et la gestion du
terroir agricole des Fulsé et Mossi.
I Dans le chapitre V nous avons étudié l'exploitation et

I l'organisation du parcellaire autour du bas-fond. Les champs de


bas-fond qui auparavant étaient considérés comme des
exploitations de sécurité, ont un rôle plus important dans
I l'économie du village, de nos jours. Ainsi chacun des groupes
revendique la propriété et les droits d'exploitation et ces
I faits ont engendré de grands conflits.

I Cette troisième partie nous a permis de comprendre


l'organisation du terroir, les différents modes d'appropriation
de l'espace par les groupes. Elle nous a permis egalement de
I voir que le rôle du bas-fond dans le village s'est accru avec
les sécheresses et l'accroissement démographique. L'ensemble de
I ces observations nous permet de comprendre le pourquoi des
nombreux conflits constatés a Améné. Dans cette dernière

I partie, nous allons nous atteler à étudier ces conflits sous


ses différents aspects.

1
1
I
I
I
I 107

I
12
5!
3O’

t-
O
00

13‘
5 9‘

ELI
Zone d’hobitaf
C a m p e m e n t peut
RetenUe d’eau
C o u r s d’cou

Fig. 7
F7
Escarpement
Piste
Peul Fognonkob:
Fulnolrombe Porgo
Borry
E
(
.
.
3
.
.
..
.
I

1\71LI
Zougrona
Ovcdroogo
E Limite entre /

C h a m p d e culture
/
A m e o c el Bidi

CARTE DE L‘ORGANISATION DU PARCELLAIRE A U T O U R DU B A S - F O N D DE A M E N E


-
O 600 1200 m

--..
I
I 4eme partie - les Conflits de pouvoirs

i Chapitre VI1 -
Les conflits entre pouvoirs traditionnels,
religieux et modernes

I 7.1. Les enjeux et mobiles des conflits

I Améné est un village relativement récent historiquement.


Dans ce mémoire, il fait l'objet d'une analyse globale tant sa
situation est exemplaire : une imbrication de conflits liés a
I sa localisation géographique et h son peuplement.

I Les Peul et les Rimalbé, sont les premiers a s'installer


dans cette brousse qui depend directement de la maîtrise de

i terre de Borio sur le territoire des Peul Foynankobè dont la


chefferie réside a Bahn. La partie Sud de cette brousse dépend
de la maîtrise de terre de Koumbri et indirectement la maîtrise
I de terre de Ronga. Les autres groupes qui sont venus par la
suite s'installer a Améné ont dÛ passer par leurs
I intermédiaires pour avoir des champs h cultiver.

I Historiquement donc, Améné ne constitue qu'un seul village


mais son implantation particulière aux frontières des grandes
maîtrises de terre du Nord Yatenga et aux frontières des
1 grandes chefferies coutumières est devenue une source de
conflit pour la population. Ces conflits, dont certains sont
I latents, ont trouvé des situations propices pour se révéler,
s'amplifier et se cristalliser h la suite des découpages

I administratifs successifs.

Améné était, a l'époque coloniale, divisé en deux villages.


I Amene Mossi qui dépendait du canton de Rissi, cercle de
Ouahigouya, et Améné Rimalbé, canton de Ban cercle de Titao.
i Aujourd'hui Améné est éclaté en trois villages
administratifs indépendants, dont deux, Améné Mossi et Améné
I Saaba, relèvent du département de Koumbri et le troisième,
Améne Rimalbé, du département de Bahn. Ce découpage qui semble
I aberrant du point de vue géographique local trouve son
explication dans l'histoire des pouvoirs locaux. En effet Améné

I Rimaïbe est localise dans le quartier Dabéré qui est le


quartier fondateur et releve du département de Bahn i cependant

I 109

I
I
I ce même quartier est habité par les Fulsé Porgo qui détiennent
la chefferie de la maîtrise de terre du village de Amene Mossi

I et qui releve du département de Koumbri.

Autrement dit, nous avons ici un quartier de village

I homogène du point de vue de l'espace habité et cultivé dont la


population composite releve de deux villages administratifs

I rattachés à des départements différents : Koumbri et Bahn. On


imagine, aisément les divisions conflictuelles que peut
engendrer une telle situation et les problèmes que peut
1 soulever toute intervention de développement sur le terroir de
ce quartier.
i Amene Saaba constitue un troisième village administratif,

I dont l'emancipation par rapport h Amené Mossi s'est faite grâce


au dynamisme et à l'influence d'un de ses ressortissants
prestigieux, M. Zorome, qui fut Ministre de la Haute-Volta.
I Cette connection directe avec le pouvoir d'Etat, a bien sûr

I profite au quartier devenu village d'Amene Saaba qui a drainé a


son profit un ensemble important d'infrastructures telles
l'ecole, le barrage, le dispensaire, la maternité. Les
I réalisations de ces infrastructures ont été l'objet de
plusieurs conflits que nous observerons au fur et à mesure dans
1 ce chapitre.

1 En plus de la premiere situation difficile, Amene se trouve


situé aux frontières des grandes maîtrises de terre de la
region. La plus grande partie du terroir d'Am&é se trouve sur
I le territoire de la chefferie Foynankobè Barry qui se trouve a
Sagara Ban (Bahn) qui relève elle même du Tempelem des Ganamé
I de Boroni et dont la limite passe par Borio. Une partie du
terroir d'Amené se trouve sur le Tempelem de Koumbri dont le

I Tengsoba est le Gombre Naaba de Koumbri qui relève lui-même du


grand territoire de Ronga : au plan sacrificiel Ronga est la

I maîtrise de terre suprême. L'autre partie du territoire


Foynankobè relève de la maitrise de terre de Dore à l'ouest, et
de Sim au Sud.
I Le fait que la plus grande partie du terroir de Amene est

I situé sur le territoire de la chefferie Foynankobè, explique la

I 110

I
I
I volonté farouche des Rimaïbé Foynankobè du quartier Dabéré
fondateur d'Am&é d'être rattachés à Bahn.

I Tandis que les autres habitants d'Amene originaires de


Koumbri (les seconds venus, Porgo qui ont pris la chefferie et

I le Tengsobendo à Ronga) et installés sur une brousse dépendant


du Tempelem de Koumbri, ont préféré être rattachés à cette
dernière préfecture.
I C'est cet eclatement du terroir dlAméne entre quatre grandes

I maîtrises de
Bahn, Ronga
terre entre les grandes chefferies de la région de
et le Yatenga Naaba qui est a l'origine de

I l'éclatement du découpage administratif.

A partir de ces divisions fondamentales se sont greffés


I dlautres problèmes et de nouvelles oppositions : des conflits
entre Peul, des conflits Peul/Mossi, des conflits

1 animistes/musulmans, des conflits pouvoir moderne/pouvoir


coutumier, des conflits entre pouvoirs modernes.

I Ainsi, nous allons évoquer les grands conflits en nous


referant 8 certains paragraphes dans les différents chapitres

I de ce mémoire. Ces conflits ont dans l'histoire récente opposé


des quartiers et des villages d'Améné.

I 7.2. Les conflits entre pouvoirs locaux

I Ces conflits ont laissé des traces en critallisant des


clivages entre groupes/quartiers/villages qui déterminent des

I oppositions de principes entre les groupes sociaux, ce qui rend


très difficile toute négociation collective.

1 Comme conflit dans l'histoire de Améné, nous avons dans un


premier temps celui qui a opposé les Peul Foynankobè de Améné

1 Rimaibé relevant de Bahn et les Diallubé de Gomboro relevant de


Thiou.

I Ce conflit trouve son origine ancienne dans l'histoire de la


region, en particulier dans les événements liés h la bataille

I de Sim consécutive à un conflit de succession à la royauté du


Yatenga (cf. les études de M. Izard). Les Peul Diallubé de

1 Thiou avaient fait alliance avec Naaba Bulli tandis que les
Foynankobè et les Porgo s'étaient rangés du côté de Naaba Baogo

I 111

I
I
qui fut défait. Les gens de Naaba Bulli alliés aux français
I reprimerent durement les alliés de Baogo ce qui engendra des
haines tenaces qui devaient se manifester par la suite. Ainsi
I quand, dans les années cinquante les Foynankobè autorisèrent
des Fulse de Soulou a s'installer à Mougounougoboko au Nord-

N Ouest de Améné, le long du bas-fond, les Diallube revandiquant


cette zone, chassèrent les Fulsé et le conflit éclata. Les

I commandants de cercle de Titao, Thiou et Ouahigouya se


rencontrèrent sur les lieux du litige pour matérialiser les
limites des territoires Foynankobè et Diallube par un marquage
I sur les arbres et par des blocs de pierre. Cette limite existe
encore aujourd'hui. Cela se passait sous le règne de Naaba
I Siguiri.

I Après ce conflit entre les deux groupes Peul revendiquant


chacun une zone de brousse sur leurs frontières territoriales,
nous analyserons le deuxième conflit opposant deux
I responsables. Ce conflit est religieux et oppose deux
personnalités du même lignage N. Porgo chef de village et
I Tengsoba de Amene Mossi, et I. Porgo Imam de Amene. Ce conflit
est lié a l'affrontement de l'Islam prosélyte avec la religion

B traditionnelle.

A Améné la religion musulmane a eté propagée par des Porgo


I originaires de Soulou. Ceux-ci ont été convertis à Tanvousse
(près de Ronga) oh certains d'entre eux apprirent le coran. Les

U Peul et les Rimalbé d'Am&é etaient déjà islamisés a l'arrivée


des Porgo et avaient un imam. A son décès c'est le grand

1 marabout Issaka Porgo qui prit la relève. Installés d'abord h


Baogoporé (quartier de Amene-mossi) a côte des Porgo animistes,
les musulmans trouvèrent la cohabitation difficile et
U préférèrent déménager pour s'installer dans leurs champs et
creer ce qui allait devenir l'actuel quartier Moingo. Le
I marabout, un saint homme très proselyte, entreprit d'islamiser
toute la population du village, ce qu'il réussit h faire
1 progressivement. La notoriété de l'imam Issaka Porgo grandit
encore quand il réussit à islamiser les forgerons Zoromé qui

I venaient d'arriver dans le village (Améné-Saaba). I1 ne restait


que la famille de Nongodo Porgo, chef du village et maître de

I la terre (quartier Amene-mossi Dabéré) qui pratiquait la


religion tradionnelle.

I 112

I
B
I La conversion de la totalité des habitants de son village,
la grande notoriété de l'imam Issaka Porgo avaient fini par

I complètement déposséder N. Porgo de son pouvoir. En effet,


mariages, baptêmes et funérailles se déroulaient selon les
coutumes musulmanes et l'imam en était l'ordonnateur. De même
1 c'est a Moengo, dans sa cour que se négociaient les
conciliations et se réglaient les conflits. Les sacrifices
1 agraires transformés en aumônes au moment des semailles et des
récoltes etaient tous drainés par l'imam. La chefferie de

I Nongodo était devenue purement nominale : le chef ne contrôlait


plus rien. Plus grave encore, il ne trouverait personne pour

1 l'enterrer quand son heure serait venue. Aussi décida-t-il de


se convertir afin de recouvrer son pouvoir en tant que doyen du
lignage Porgo. Ce qu'il réussit en partie car l'imam jouit
I toujours d'une autorité charismatique. I1 y aura une tension
entre les deux llleadersllvillageois jusqu'au décès d'I. Porgo
1 (il y a six ans environ).

I Après ce conflit avec son frère de lignage I. Porgo, Nongodo


Porgo entre ensuite en conflit avec M. Zoromé du quartier Améné
Saaba. Ce dernier du fait des responsabilités ministérielles
I qu'il a assumées et des contacts internationaux qu'il a su
conserver, obtient la construction d'une école et d'un barrage.
I N. Porgo, toujours en quête de recouvrer et d'affirmer son
pouvoir prend d'autorité la direction des chantiers et finit

1 par se heurter aux frères de M. Zoromé qui doivent intervenir.


Nous évoquerons dans cette partie les grands traits de ce

I conflit qui sont en fait les conséquences sociales de


l'aménagement du barrage de Améné.

I 7.3. Les conséquences sociales de l'aménagement du barrage

Le projet de réalisation de l'écale et du barrage, a suscité


I beaucoup d'enthousiasme au sein de la population à Amene et
dans les villages voisins ; le projet a été très bien
I accueilli. Sa réalisation par contre a posé d'autres problèmes
comme dans la plupart des actions de développement. A Améné, le

I problème de la redistribution foncière ne s'est pas posé après


la construction du barrage comme cela est le cas dans pas mal

I de régions. Chaque groupe a continué à exploiter les terres


qu'il occupait tout en cédant des bouts de parcelles aux

I nouveaux venus des villages voisins. Tandis que sur le chantier

113
I
I
lors des travaux d'aménagement, il y eut des palabres pour le
I choix des différents responsables de sections. Ce qui est
fréquent pour ce genre de chantier.
I Sur le chantier, N. Porgo n'hésitait pas a prendre des
décisions, déplaçant tel groupe de travailleurs d'un endroit a
I un autre, tout en attribuant des activités (ramassage de
cailloux, ramassage de sable et autres).
I En quelque sorte il se comportait comme un chef de chantier,
a la place du vrai chef de chantier, technicien venu de
1 Ouahigouya. Ces agissements perturbaient les travaux et
l'organisation du chantier prévu par les techniciens. D'autre
1 part il était prévu de remunérer en vivres les participants aux
travaux (céréales et boites de conserve) offert par les ONG
1 (PAM et le CATHWEL). Quand ces céréales sont arrivés de
Ouagadougou N. Porgo ordonne de décharger les vivres chez lui,

1 chez le chef de village, au lieu de le décharger sur les


chantiers ob ont lieu des travaux pour la distribution.

I Ces agissements, n'ont pas été du goût des techniciens


(venus de Ouahigouya) et de toutes les populations qui
1 participaient aux chantiers. M. Zoromé organise une réunion de
chantier et dénonce publiquement les actions de N.Porgo en lui

I demandant de laisser les techniciens organiser le chantier. N.


Porgo et certains membres de son entourage n'apprécient pas ce
que le notable vient de dire en public et manifestent leur
U mécontentement en se retirant des chantiers. Ils accusent les
forgerons Zoromé, les frères de M. Zoromé et ceux de Moengo
I notamment l'Imam Issaka qui avait de bonnes relations avec les
Zoromé, de vouloir par l'Islam le supplanter dans ses fonctions
1 dans le village. Des lors un conflit se déclenche entre les
différents groupes. Le camp de N. Porgo Tengsoba et chef de

1 village de Améné Mossi et le camp des Zoromé et frères avec


l'Imam. Les Zoromé et les Porgo de Moengo, famille de l'Imam

I ont créé une communauté musulmane. Ils sont solidaires dans la


religion et dans d'autres domaines de la vie sociale.

I Ce conflit se fait ressentir sur le chantier jusqu'à la fin


des travaux. Plus grave quelques années après la réalisation du

I barrage, une importante crue a emporté une partie de la digue,


nécessitant des réparations : mais jusqu'à nos jours elles

I 114

I
I
I n'ont pas été effectuées du fait de cette opposition entre les
grandes personnalités du village. La tension grandit entre les
deux quartiers et l'inimitié de N. Porgo se tourne vers les
I forgerons.

1 Ce conflit dure, et rejaillit dans le village a chaque


opération de développement ; il a même engendré d'autres

I affrontements plus graves que vivent la population de nos


jours. Ces conflits de pouvoir, sont nés de la notoriété que
veut se faire chacune des personnalités du village.
I 7.4. Le conflit entre pouvoirs modernes

I Récemment avec les elections C.R. (Comité Révolutionnaire)


N. Porgo et ses hommes refusent qu'il y ait un délégué C.R. a
1 Améné Saaba prétendant qu'il n'est qu'un quartier d'Amené et
voulant ainsi ignorer que ce quartier est devenu un village

I administratif légal. Le Préfet intervient à son tour pour


soutenir la position de N. Porgo et refuse qu'Amené Saaba

1 obtienne gain de cause. Le Préfet est muté et N. Porgo débouté


suite à l'intervention du ministère de Tutelle.

I Ce conflit, nous montre l'affrontement entre les pouvoirs


modernes. Après cet echec dans ce troisième conflit, N. Porgo

I revient une fois de plus à l'attaque mais cette fois en


s'associant avec l'Imam M. Porgo, successeur de l'Imam I.

I Porgo. Ils érigent ce conflit en conflit de classes sociales,


et au nom du lignage Porgo ils attaquent le lignage des
Forgerons 2oromé.Avant d'évoquer les conflits, nous verrons qui
I est M. Zorome et comment il a reussi a être ce qu'il est
aujourd hui.
1
U
1
I
1
1 115

I
7.5. L'évolution des rapports statutaires : redéfinition des
fonctions sociales des Forgerons d'Améné

Depuis la colonisation en 1895, l'éCole a été un important


facteur de changement et de transformation de mentalités au
Yatenga.

L'éCole était considérée comme un moyen d'acculturation pour


les populations traditionnelles. Et il fallait a tout prix
éviter d'envoyer les enfants à l'éCole. Les parents usaient de
tous les moyens. Ils cachaient les enfants dans les jarres,
dans les bosquets sacrés ou parfois même en brousse sur les
arbres. Certains parents payaient des fortunes aux chefs de
village pour que leurs enfants soient éparqnés. Les autres
moins riches ne pouvaient rien. Et c'est, à cette époque que M.
Zoromé du village de Amené a été à l'école.

Plus tard, petit à petit, avec l'interprète du Commandant de


cercle, avec le commis du cercle les populations se rendent
compte de l'utilité de l'école. Ce phénomène est accentué avec
le retour des anciens combattants. Et brusquement tout le monde
veut envoyer son enfant a l'éCole. Mais les chefs de villages
s'empressent de mettre leurs enfants afin qu'ils deviennent les
interlocuteurs directs de l'administration.

M. Zoromé est notable du village de Amene. I1 est né en 1935


à Améné, province du Yatenga. Après avoir poursuivi ses études
primaires a l'éCole primaire regionale de Ouahigouya, en 1943
il poursuivit ses études secondaires au Lycée Vollenhoven de
Dakar et au Lycée Terrason de Fougères a Bamako. Ensuite, il
effectue ses études supérieures a l'université de Dakar de 1957
h 1960, puis 6 l'Université de Paris de 1960 h 1963.

M. Zoromé a diplôme d'Etudes Supérieures de Doctorat en


Science Politique de la Faculté de Droit de Paris en 1963 et
diplômé de 1'Ecole Nationale d'Administration (ENA) de Paris en
(1965).

I1 est administrateur civil principal de classe


exceptionnelle et homme politique . I1 a occupé d'importantes
fonctions ministérielles dans les 2ème et 3ème gouvernement de
Haute-Volta. De nos jours, il est vice président de la
Communauté Musulmane du Burkina. Et comme nous l'avons vu tout

116
au long du mémoire, il est une des personnalités du village de
Amene. Nous evoquerons maintenant le conflit de classe sociale.
Ce conflit est le plus important du village. I1 oppose le
lignage Porgo au lignage des Forgerons Zoromé à propos de la
construction du dispensaire et de la maternité. M. Zoromé
obtient qu'une O.N.G. Canadienne construise ces infrastructures
pour le groupement villageois d'Améné Sâaba. N. Porgo en est
informé et demande qu'au moins le dispensaire soit construit a
Améné Dabére. H. Zoromé le chef de Amené Sâaba, retorque que
l'aide est accordée à son village et qu'il est difficile de
changer cela, d'autre part qu'il est préférable de regrouper
les bâtiments administratifs. N. Porgo n'accepte pas cela et
refuse que les gens de son quartier participent à la
construction. Par contre ceux de Moengo collaborent avec Améné
Sâaba. N. Porgo furieux, convoque une réunion de famille avec
le quartier Moengo pour dire que les forgerons ont refusé de
faire construire le dispensaire à Améné Dabéré et affirment
qu'ils sont indépendants, qu'ils ne dépendent pas des Mossi.
Puisque c'est ainsi, lui N. Porgo et l'Imam des Porgo
interdisent aux Zoromé de se joindre à eux pour les prières de
Ramadan et Tabaski.

L'Imam de Améné Moengo accompagné des délégués C.R. partent


donc informer les forgerons Zoromé qu'ils ne doivent plus se
joindre à eux pour la prière et d'autre part qu'eux-mêmes ne
mettent plus pieds au village d'Am&é Sâaba. Les forgerons
retorquent à leur tour qu'eux-mêmes ainsi que les forgerons des
villages voisins refuseront de réparer et de vendre les outils
aux Porgo. C'est ce que les Mossi appellent "Lwet Koudougou" ou
"Attache le fer'' et c'est la sanction la plus extrême que les
forgerons infligent à un ennemi.

A la suite de cette rupture, les délégués C.R. du


département de Koumbri effectueront plusieurs tentatives de
reconciliation. Et l'on s'accorde que cela serait possible a la
condition que le lignage Porgo aille demander pardon à la
souche dans la grande famille des Forgerons Zoromé de Ronga.
Jusqu'au décès de N. Porgo le 11/01/90 cette démarche n'a pas
été effectuée.

A la suite de ces évenements, un autre conflit a surgi,


cette fois entre les Diallube et les Porgo du quartier Amene

117
I
1 Bissighin que les premiers avaient rejeté de leur territoire a
Mougounougoboko dépendant du Tempelem de Sim et Dore. Or la

I frontiere avec le commandement de Bahn, Tempelem de Boroni


passe au Sud du marigot (CF. Carte) oÙ les Porgo sont
maintenant installés. Les Diallubé revendiquent l'accès au
1 marigot pour abreuver leur bétail alors que les Porgo refusent
aux Diallubé qui les ont chassés dans le passé que leur bétail
I traverse leurs champs pour s'abreuver à leur marigot.

1 Nous pensons que le cas de Améné, illustre bien la


complexité d'une situation locale où le contrôle de l'espace,
ses modalités de découpage, d'attribution et d'occupation
i ancienne et moderne constitue un enjeu de pouvoir pour les
différents quartiers.
1 Dans certains cas il s'agit de maintenir une prééminence

1 héritée du passé, dans d'autres, il s'agit de maintenir


l'autonomie ou de conquérir l'indépendance par rapport à la
chefferie. Dans tous les cas, les stratégies paysannes
I manipulent simultanément les règles du droit coutumier et les
opportunités légales offertes, les nouveaux découpages
1 administratifs issus de la réforme territoriale, quels que
soient les champs d'actualisations des conflits. Oppositions

1 Diallubé/Foynankobè,
musulmans, chefferies
Rimaïbé/Fulsé, Fulse
coutumieres/autorité
animiste/Fulsé
moderne des

1 Forgerons, tous se ramènent à une stratégie de conquête ou de


maintien d'un pouvoir autonome s'appuyant d'une manière ou
d'une autre sur un contrôle de l'espace. Ce sont ces stratégies
1 paysannes qui permettent de comprendre l'éclatement de Améné en
trois villages administratifs rattachés à deux départements
I différents. Ce sont ces stratégies également qui permettent de
comprendre les différents blocages des actions de

I développement.

I
I
I
I 118

I
Conclusion générale

Au terme de ce mémoire, le village de Amene n'apparaît pas


si différent des autres villages du Yatenga. Notre projet a la
fois modeste et ambitieux était d'analyser les strategies
paysannes de conquêtes ou de maintien d'un pouvoir autonome,
s'appuyant d'une manière ou d'une autre sur un contrôle de
l'espace. Ainsi, nous avons voulu analyser le cas de Amene,
dans le cadre du programme de recherche ORSTOM. Dynamique des
systèmes agropastoraux en zone soudano-sahélienne dont le
terrain d'études est le Nord Yatenga au Burkina Faso. Amene est
un des villages étudiés du programme et où la situation est
exemplaire d'une intrication de problèmes liés a sa
localisation géographique et à son peuplement. En effet, Amene
est a l'intersection de plusieurs maîtrises de terres et de
plusieurs chefferies coutumières. Le village est également
peuple de plusieurs groupes ethniques d'origines diverses. Par
ces faits, l'articulation des différentes structures du pouvoir
moderne et pouvoir traditionnel se fait difficilement. A
travers l'exposé, plusieurs stratégies sont utilisées. Les
premières sont utilisées par les personnalités comme N. Porgo.
N. Porgo, chef de village et Tengsoba utilise les règles
sociales et les structures du pouvoir traditionnel.

N. Porgo, dont les pouvoirs sont reconnus par la population


et les autorités locales de la région, n'entend pas partager
ses pouvoirs ou les céder à autrui. C'est ainsi qu'il est
rentré en conflit avec l'Imam du village. Le rôle religieux de
l'Imam dans le village lui confère d'énormes pouvoirs auxquels
s'oppose N. Porgo (Tengsoba responsable religieux des animistes
qui se voit ainsi dépossédé de ces mêmes pouvoirs. Pour N.
Porgo selon les règles traditionnelles du Buudu (lignage Porgo)
seul lui Doyen a tous les pouvoirs et droits de régler les
conflits et se charger de résoudre les problèmes de régulations
matrimoniales au sein du Buudu.

L'Imam a enfrein aux règles ancêtrales. N. Porgo toujours en


quête d'autorité rentre en conflit avec les forgerons Zoromé à
deux reprises. I1 leur signifie dans un premier temps qu'ils
sont sous sa tutelle de chef de village et Tengsoba de Amene,
ignorant que Amene Saaba est un village autonome. Dans un
deuxième temps il revient a l'attaque pour leur dire qu'il ne

119
sont que des forgerons castés et ne peuvent prétendre à un
pouvoir dans le village. La deuxième stratégie est celle de M.
Zorome, M. Zoromé ministre et homme politique utilise et
manipule les structures modernes. C'est ainsi qu'il réussit a
eriger le quartier d'Am&é Saaba en village autonome. I1
réussit également à réaliser des infrastructures modernes
telles que : école, dispensaire et maternité à Amene Saaba.

Pour N. Porgo, il s'agit de maintenir une preeminence


héritée du passe, tandis que pour M. Zoromé, il faut conquérir
l'indépendance par rapport à la chefferie. Ces conflits de
pouvoirs, politique et religieux et les conflits de génération
se sont manifestes sous divers aspects. Ils se sont mêlés et se
sont cumulés. Depuis ces oppositions entre anciens et nouveaux
pouvoirs, nés de références et de normes culturelles
différentes s'opposent et se confrontent.

Dans tous les cas, les stratégies paysannes manipulent


simultanément les règles du droit coutumier et les opportunités
légales offertes par le découpage administratif issus de la
reforme administrative territoriale. Dans le sens de la
manipulation des règles sociales, nous avons l'exemple de N.
Porgo qui refuse de reconnaître l'ascension au pouvoir moderne
(pouvoir dont dépendent les pouvoirs traditionnels) d'hommes
issus d'un milieu casté et n'ayant pas droit au pouvoir jadis.
Toujours dans ce sens, les forgerons à leur tour le rejettent
devant cette situation et lui infligent avec son lignage, la
sanction extrême des forgerons : qui est le refus de tous les
forgerons de la région, de réparer un outil de la famille Porgo
de Amene ou de leur en vendre. Aussi il est également interdit
à tous les forgerons de la region d'intervenir selon leur
compétence dans les problèmes de malheurs du lignage Porgo :
c'est ce qu'on appelle "attaché le fer'' lllouetkoudougou".

Dans le sens des opportunités légales offertes par les


découpages administratifs issus de la reforme territoriale,
nous avons la division du village unique en trois villages
administratifs dépendant de deux départements. L'ensemble de
ces stratégies sont utilisées, quels que soient les champs
d'actualisations des conflits. Toutes ces oppositions entre
Diallule/Foynankobè Fulse Animistes/Fulse musulmans, chefferies
coutumières autorité moderne des Forgerons nous ont montre une

120
I
fois de plus comment les différents groupes d'un milieu
i s'organisent a la conquête au maintien d'un pouvoir autonome
s'appuyant sur le contrôle de l'espace.
I Dans les situations que nous avons observées h Amene, nous

I ne pouvons pas dire qu'il y a conflit entre pouvoirs


traditionnels et pouvoirs modernes, mais qu'il y a conflit de
stratégies dans la manipulation des règles du droit coutumier
1 et les opportunités légales existantes. Chacune des
personnalités impliquées dans le rapport de force utilise et
I manipule judicieusement les structures et règles sociales qui
lui sont favorables.

1 Cette analyse des conflits de pouvoirs à Amene, contribue-


t-elle à la compréhension de l'évolution des rapports entre une
U société agraire composite et un milieu marqué par d'importants
changements (dégradation des sols et de la végétation,
I diminution pluviométrique, actions de développement) ?

Après ce long parcours, il nous semble encore plus qu'avant,


II que ce qui est décisif, c'est la prise en compte de tous les
aspects sociologiques d'un milieu, avant toute action de
1 développement. Après ce long parcours, la prise en compte de
tous les aspects sociologiques d'un milieu nous semble une

I nécessité absolue avant toute action se développement.

I
I
I
i
I
I
1
1 12 1

I
1
I N O T E S

PRESENTATION DU THEME ET METHODOLOGIE


I Peul Foynankobé : Les Peul Foynankobé seraient originaires

I du Fouta et auraient séjourné pres de Kayes. De la un certain


ILA YALADI serait venu s'installer sur la rive gauche du Diaka
oÙ il serait mort. Son fils Dana resta sur place. Un second Gao
I se rendi avec les siens a Gomnewel a l'Ouest de Sarafere puis
dans le Fittouga au Nord-Est de cette agglomération. On les
I appellera désormais les gens du Fittouga. Les Fittogabé Fittobe
par contraction. L'homme amenera les siens à Ahmuisa, entre

I Soféré et Bandiagara ob il mourait. Son fils Diadie lui


succèdera et viendra s'installer à Sari à 50 km au Nord de

I Bahn. C'est donc au cours de la 3ème génération que la


migration emmenera les Fittogé qui se disent foynankobé venant
du Foy en vue du Yatenga -
M. Benoft 1982 page 50.
1 Fulsé, Kurumba : Les Kurumba sont appelés par les Mossi

I Fulse. Ils constituent un important groupe ethnique dans le


Nord Yatenga. Toute cette zone ob ils habitent est appelé
Fulgo. Les fulsé ou kurumba sont avec les dogon et les ninissi.
I Les nakombsi des fulsé sont appelés fulnakombya fulna kombssé.

I Les Dogon ou Kibsi (pluriel) Kibgo (singulier) Kibsin (chez


les Kibsi)

I Les Dogon constituent avec les fulsé et les ninissi les


populations autochtones du Yatenga.
I Rimaïbe : Rabéssé (plur.) Dabega (mmmmj) (More) Dabéré
habitat des Rimalbé en fulfuldé.
I
I Tengsoba -
lere PARTIE : PEUPLEMENT ET SOCIETE

Tenga : Tenga (sing) (plur.) Tese désigne la


I terre commune territoire et comme divinité (Napaga Tenga Napaga
épouse du chef) unité territoriale de maîtrise de la terre

I marquée par la présence d'un autel de la terre appelé également


Tenga. Tengkugri et par entension ensemble des habitants d'une
telle unité d'où son emploi pour désigner le village :
1 Tengsobendem-ba (sing) Tingnédéba (non us) gens de la terre,
autochtones dans la perspective Moaga évivalent a Tengbusé
I 122

I
I
I (sing) de tengbiga fils de la terre sur tenga village en
fonction du statut de son natenga, résidence royale avec

I na pour nouba : voir kiistenga "village des ancêtres" ancienne


Résidence royale Tbsoltenga, nakombtenga, nayitenga, zemtenga,
tengsobtenga, bugubtenga.
I Kosma : pluriel kasemdemba, doyen dans un groupe de

I descendance agnatique de profondeur quelconque. Homme le plus


âgé de la plus ancienne génération de l'ensemble du groupe de
descendance ou de la seule lignée aînée.
I
I Saka : pluriel Saksé la plus large subdivision localisée du
Buudu, ce terme désignant ici le pratrilignage exogame ;
pratiquement quartier de village, subdivision Yiru pluriel,
I Yiya, Zaka, Zaksé.

I Yatenga : Pour Yadega Tenga, pays de Yadega, nom du


fondateur de la dynastie régnante Naaba Yadéga. Naaba signifie
i "cheftt.Tous les ethnonymes cités ci-dessous ont leur sing. en
ga leur pluriel en se ou si leur lacatif en go pays, lieu ou en

I se lieu, soit par exemple la série : Moaga sing. Moose ou Mossi


pluriel, Moogo/localité pays) Moosé (loc, lieu) Moré, langue.

i Buudu : (invar.), alexandre, réunion de plusieurs choses

U ayant un caractère commun. Buudu semble désigné premièrement


l'ensemble des frères agnatiques réels. (de même père babüsé)
ou classification, d'où son emploi désigne tout groupe de
I descendance patrilinéaire, du patrilignage minimal (le buudu
intervenant dans les échanges matrimoniaux) jusqu'à la totalité
I des Mossé (le Moss buudu)

I Les noms désignant les localités (Bahu, Thiou, Ouahigouya,


Koumbri Améné sont écrits dans les langues locales d'une autre
I manière (Bam, Tyu ou Tiou, Wayguyo ou Wayiqouya, Kumbri et
Amne). Dans ce mémoire l'un ou l'autre désigne la même localité

I selon le contexte historique de son utilisation.

I
I 123

I
I
I Fouta : Nom designant les Peul guerriers venus du (Madina ou
Mali)

1 Nakombsé : sing. Nakobga, descendant d'un chef ou d'un roi a

I partir de la seconde génération descendant d'un chef ou d'un


roi qui n'a pas accédé au pouvoir.

I Baloum-Naaba : Balengo, balembilo : Le balum naaba est un


des ministres du Moogo-Naaba ou du Yatenga Naaba, balengo est
I le lieu de résidence de balum naaba balenbilo issu de ce
quartier.
I
Togo Naaba : toguin : le Togo Naaba aussi est un des
E ministres de ces deux roi pour le Moogo Naaba on a le Gougha
Naaba qui est Tabsoba comme les Togo Namamsé.
I Ipala : nom d'un quartier de Amené, Yiri subdivision de Saka
I quartier, pala vient ('de palé) paalé : neuf, nouveau,
concessions ou quartier des nouveaux venus.

I Saadogo : ou Saaba : forgeron, Yiiru : concession, habitat


1 des forgerons, quartiers forgerons. C'est de la que vient saa
bihir qui veut dire petit saadogo.

I Silmissin : Silmiga terme moré désignant le Peul fulsé en

I langue Peul, langue fulfuldé Silmissin veut dire quartier.

Rouga : Sim, Bovini, Doré noms de localités oÙ se trouve les


I grandes maîtrises de la terre du Nord Yatenga.

I Chacune de ces maîtrises h une zone d'action qui regroupe


des terroirs, des territoires ou même des régions entières.
1 Maîtrise de terre ou tempeelem tenga, Autel -
village.

I Tampuy : Tampoure : tas d'ordures, fosse fumière. Ce terme


est beaucoup utilisé dans les proverbes.

1
I 124

I
I
I Delgodji : Royaume Peul au Nord du Yatenga Delgo - Delgobse
: habitant du Delgodji.

U Kurunam : Kur : groupe ethnique Dogon s'occupant du marigot

I de Ban. I1 habite les localités de Koro, Bankao et Dinaguru, en


pays Ribgo.

I Zabré : guerre, bagarre - Tenga : montagne, colline ; Zabré


tanga : colline de guerre ou montagne de guerre.
I
Rima : Rim, Ringo, Rimbilo. Rima chef, rim chefferie, Ringo
1 passée a la chefferie. Rimbilo individus issus de la famille
royale, de la chefferie.
I
Hamalliste : Confrérie musulmane rencontrée dans le Yatenga
I et l'ensemble du Nord du Burkina.

1 Iman : représentant religieux musulmane au niveau du village


ou d'un quartier ou encore le marabout qui dirige la prière.
I Cheik : Representant religieux de plusieurs foyers religieux
I musulmans au Yatenga nous avons le cheick de Ramatolaye
(Ramatoulaye).

U Bagbugda : Devin, devinneresse quelqu'un qui consulte les


I Kinskirsi, les génis, le devin soigne ou tue.

I 2ème PARTIE : ORGANISATION SOCIALE ET POLITIQUE

I EL ADJ : titre religieux musulman qu'obtiennent tous ceux


-
I qui vont a la Mecque, en Arabie-Saoudite
dires.
"Etranger" selon les

I Fouta Toro : Nom d'une région en Guinée. Nous avons Fouta


toro, Fouta Djallon.
I
I 125

I
I
I Fulbé : Nom Peul désignant les Peul

I Lenyol : Lignage, groupe familiale

U Les fulbé ou Peul se caractérisent par plusieurs groupes :


nous avons les Peul Diallobé, les Peul Tovobé, les Peul

I Foynankobé ou Fittobé.

I Les fulse ou Kurumba aussi sont scindés en plusieurs groupes


: nous avons les fulse ganamé, les Porgo, les Belem et les

I Komfe dans le Nord Yatenga.

I Lewé : nom de tenga ou Autel de fondation en Dogon

I Améné Tenga : autel de fondation de Améné

I Puugsiouré : Première
avant le mariage
cérémonie d'alliance matrimoniale

I Au sein des Peul Foynankobé de Bahu, nous avons cette

I stratification sociale au sein des groupes.

I Thgarou
T8n Bania
famille Royale
famille Marabout

I Tân boubou
Tinruikobé
famille Marabout
berger
Tân Guilé berger
I Gounakobé
Saloubé
berger
berger
I Zalle, Zoromé : nom de famille forgerons a Amene.
I
Mandé de l'Est : constitue la region de Terra au environ du
I fleuve Niger (au Niger)

I Seta : Settba pluriel - griot peul


U 126

I
I
I Ramatoulaye, Tasllima, Hamdalaye sont les grands centres
religieux du Nord (Yatenga Bam)

1 "Djabouret a Kemal" : Sourat du Coran (musulman

1 Tengana : fête religieuse animiste nous avons comme fête :

1 filga, Tito.

I llKandiguirell : prophétiser, lire le Coran et l'expliquer


selon les dires du Prophète (Mahomed)

1 Tonduba : commerçant ambulant, vendeurs, Tonda, sing.

I Prefecture : Province responsable : Haut commissaire

I Département : Sous préfecture responsable : le prefet

I 3ème PARTIE : FORMATION DU TERROIR, APPROPRIATION DE

I L E SPACE

I Terre salée : "sellogoflzone ou les terres sont riches en


sel et sodium et ou les animaux y vont annuellement pour la
purge.
I
I Taoudenit : (ville du Mali) où on extrait les barres de sel

I Kaogo, Kanto : pluriel champ, jardin ou champ de concession

I Pugo : puto, pluriel, champ de brousse

1 citerne ou réservoir d'eau creuser dans le sol


tlbulill:

I
I
I 12 7

I
1
U lème PARTIE : LES CONFLITS DE POUVOIR

1 Commandant de Cercle : sous-préfet au Burkina

I (PAM) : Programme Alimentaire Mondial

I Cathwelle : World Relief Service. Organisme non


gouvernemental qui octroie des dotations de vivre pour les
I investissements humains.

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