Droit Administratif
Droit Administratif
Droit Administratif
UCAD 2021/2022
Le droit administratif constitue une branche du droit public. Il désigne l’ensemble des règles
qui s’appliquent à l’administration dans le cadre de son fonctionnement et dans ses rapports
avec les particuliers. Ces règles tiennent leur originalité de leur caractère dérogatoire du droit
privé. Le droit administratif se caractérise donc principalement par son objet et par les règles
particulières qui le constituent. C’est dire que toute analyse du droit administratif passe au
préalable par la définition de l’administration.
La notion d’administration peut désigner deux choses. Il s’agit d’une part de l’action
d’administrer et on parle alors d’administration-fonction. Il s’agit d’autre part des organes
chargés d’administrer et on se réfère alors à l’administration en tant que système d’organes.
I- LA DÉFINITION ORGANIQUE
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l’administration. Aujourd’hui, la notion d’administration renvoie à des activités exercées dans
un but d’intérêt général qui peuvent le cas échéant être prises en charge par des personnes
privées.
Elle s’intéresse à l’activité et non à ceux qui l’exercent. Cette activité a naturellement évolué
avec la transformation de l’État-gendarme en État-providence.
I- L’ADMINISTRATION CENTRALE
1- LE PRÉSIDENT:
Il assure les fonctions supérieures de direction et de contrôle. Pour son action, le Président de
la République s’appuie sur le gouvernement, le cabinet, le secrétariat général et les autres
services et organismes de la présidence de la République.
2- LES MINISTRES:
Le ministre a deux fonctions. D’abord c’est une fonction politique, c’est un collaborateur du
président. Ensuite une fonction administrative, il est le chef du département ministériel
c’est-à-dire d’un ensemble de services administratifs.
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III- L’ADMINISTRATION DÉCENTRALISÉE
Le droit administratif est né d’un principe (le principe de la séparation des pouvoirs) et
d’une œuvre jurisprudentielle (celle du tribunal des conflits et du conseil d’État).
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I- LES POSITIONS EN PRÉSENCE
Pour l’école du service public qui a pour tête de file le doyen de la faculté de droit de
Bordeaux (Léon Duguit), le droit administratif s’applique aux services publics. En fait, cette
école s’appuyait sur l’arrêt Blanco (Tribunal des conflits, 8 février 1873) qui est à juste
titre considéré comme l’arrêt fondateur du droit administratif.
L’école de la puissance publique qu’animait le doyen de la faculté de droit de Toulouse
(Maurice Hauriou) estime qu’on ne peut définir le droit administratif qu’à partir des
procédés typiques utilisés par l’administration.
Les limites de la définition de l’école de Toulouse ont été révélées par l’apparition des
services de l’administration dont l’objet est économique.
Les limites de la définition de l’école de Bordeaux ont été révélées par la crise de la notion de
service public perceptible à travers la rupture de la double relation entre service public et
droit administratif et entre service public et personne publique.
L’autonomie du droit administratif consacrée par l’arrêt Blanco est justifiée par le fait que
l’administration a une activité dédiée à l’intérêt général. Elle ne doit donc pas être soumise
aux mêmes lois que les particuliers. Elle doit pouvoir utiliser des procédés qui ne sont pas
convenables dans les rapports de particuliers à particuliers (pouvoir modifier unilatéralement
les clauses d’un contrat, pouvoir procéder à des réquisitions ou même exproprier un
particulier).
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Ces juridictions ont progressivement forgé un corps de règles applicables à l’administration.
C’est dire que l’origine jurisprudentielle résulte de circonstances historiques propres à la
France.
Le droit administratif est avant tout le droit de l’action administrative. Il est destiné à
permettre à l’administration qui a pour raison d’être la satisfaction d’intérêt général, d’agir.
Pour mener à bien sa mission, à savoir assurer un bon fonctionnement des services publics et
exercer la police administrative (titre 2), l’administration dispose des outils juridiques que
sont l’acte administratif unilatéral et le contrat (titre 3). Son activité est cependant limitée par
le principe de légalité (titre 1).
Les règles de droit encadrant l’activité de l’administration que l’on qualifie souvent de
sources de légalité administrative sont nombreuses et ont des origines variées. Par ordre
décroissant dans la hiérarchie des normes, il s’agit des sources à valeurs constitutionnelles,
des sources internationales, des lois, des principes généraux du droit, des décisions
juridictionnelles et les actes administratifs (actes administratifs unilatéraux et contrat de
l’administration).
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PARAGRAPHE 1: LA CONSTITUTION
La constitution est dans l’ordre interne la norme suprême. Ainsi tout l’ordre inférieur doit
respecter la norme supérieure. Le respect de la constitution s’impose à tous les organes de
l’Etat et notamment à toutes autorités administratives. La Cour suprême l’a constamment
rappelé (voir Cour suprême, 6 février 1974, Abdourahmane Cissé; Cour suprême, 10
avril 2014, Gilbert Khayat).
C’est la constitution dans son ensemble qui s’impose à l’administration. Ce qui implique le
préambule (Conseil d’État, 12 février 1960, EKY et décision du conseil constitutionnel du
23 juin 1993, rabat d’arrêt et du 16 décembre 1993, OHADA) et les textes anciens
auxquels il fait référence (déclaration de 1789 et de 1948, les conventions de 1979 et de
1989...)
L’ordre juridique communautaire comprend les traités constitutifs qui forment le droit
communautaire originaire ainsi que les actes des organes créés par ces traités qui constituent
le droit communautaire dérivé. Ce dernier est constitué:
- des règlements qui ont une portée générale et obligatoire dans tous leurs élément,
- des directives qui doivent être transposées en droit interne dans un délai bien
déterminé,
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- des décisions qui ne valent que pour les destinataires qu’elles désignent.
La loi occupe le troisième rang dans la hiérarchie des normes. Historiquement, c’est la
première source de la légalité administrative. La méconnaissance de la loi par un acte
administratif entraîne son annulation.
L’administration est également tenue de se soumettre aux règles qu’elle édicte. Celles-ci
peuvent revêtir diverses formes: décrets, arrêtés, délibérations…
L’administration est enfin tenue de respecter les contrats qu’elle signe.
Elles sont constituées des principes généraux du droit et des décisions de justice.
Les principes généraux du droit sont des principes non écrits, dégagés par le juge. Leur
respect s’impose à l’administration. C’est à travers Aramu du 26 octobre 1945 que le
conseil d’État a pour la première fois fait expressément référence aux P.G.D « applicables
même en l'absence de texte ».
Cependant, bien avant, le juge s’est à plusieurs reprises inspiré de cette notion. Il en fut ainsi
dans les arrêts Couitéas, conseil d’État du 30 novembre 1923 (principe d’égalité des
citoyens devant les charges publiques); Veuve Trompier - Gravier, conseil d’État du 5 mai
1944 (principe du respect des droits de la Défense).
Aujourd’hui, il existe même des principes généraux du droit à valeur constitutionnelle.
Elle s’exprime par le biais des arrêts et jugements rendus par les différentes juridictions.
Les décisions de justice sont revêtues de l’autorité de la chose jugée lorsqu’elles ont acquis
un caractère définitif du fait par exemple de l’épuisement ou du non usage de voies de
recours.
L’administration est tenue d’exécuter les décisions de justice. Les juges, en règle générale,
n’appliquent que les textes existant.
Toutefois, en cas d’inexistence ou d’obscurité des textes, le juge fait œuvre constructive car il
est dans l’obligation de juger s’il ne veut pas se rendre coupable de déni de justice. La
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légitimité des règles jurisprudentielles comme source de droit découle de cet état de faits
(conseil d’État, 25 novembre 1999, LD-MPT).
Par limite de principe, il fait entendre des hypothèses dans lesquelles l’administration peut ne
pas respecter la légalité et n’en encourir aucune sanction du juge. Ces limites peuvent être
dues à l’existence de périodes de crise ou par la nature intrinsèque de l’acte.
Il peut arriver que l’autorité administrative soit confrontée à des circonstances anormalement
graves. Elle doit disposer de la faculté de se soustraire au respect de règles ordinaires qui
entraverait son action. Dans deux arrêts Heyries, conseil d’État du 28 juin 1918 et Dames
Dol et Laurent, conseil d’État du 28 février 1919, le conseil d’Etat a conservé l’idée selon
laquelle le respect du principe de légalité n’a pas les mêmes contenus dans les périodes de
crise (par exemple période de guerre) et dans les périodes normales.
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Toutefois, cet assourdissement du principe de légalité ne s’opère pas en dehors du droit bien
au contraire, les mesures prises par l’administration sont contrôlées par le juge qui met en
place une sorte de légalité de crise.
Le juge contrôle d’une part, si la situation est réellement exceptionnelle, d’autre part, si
l’administration était réellement dans l’impossibilité d’agir dans le respect des règles
normalement applicables et enfin si les mesures de crise adoptées sont proportionnelles à la
gravité de la menace encourue.
A côté de la théorie des circonstances exceptionnelles dégagées par le juge, il existe aussi des
textes régissant des situations de crise particulièrement difficiles.
Les régimes de l’état d’urgence et de l’état de siège sont fixés au Sénégal par l’article 69 de
la constitution et la loi n° 69-29 du 29 avril 1969.
Le régime de l’état d’urgence concerne des hypothèses d’atteinte grave à l’ordre public ou de
calamités publiques. Prononcé par décret pour une durée de douze (12) jours (avec une
prolongation possible par le parlement), l’état d’urgence se traduit par un renforcement des
pouvoirs de police des autorités dépendant du ministre de l’intérieur.
NB: La loi 2021-18 du 19 janvier 2021 a élargi aux situations de catastrophes naturelles et
sanitaires, la loi du 29 avril 1968.
Cette loi institue le régime de « catastrophe sanitaire » qui permet de prendre des mesures de
restrictions sans passer par l’état d’urgence.
L’état du siège entendu est destiné à transférer l’autorité civile à l’autorité militaire pour faire
face à un péril imminent résultant par exemple d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à
main armée. Ce transfert est opéré par décret pour une durée de douze (12) jours avec
possibilité de prolongation autorisée par le parlement.
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procéder à une révision constitutionnelle, il ne peut non plus dissoudre l’assemblée
nationale.
Le principe de légalité selon lequel l’administration doit agir en vertu et dans le respect du
droit justifie le fait que les décisions administratives puissent faire l'objet d’un recours pour
excès de pouvoir.
En principe, l’administration ne peut déroger aux règles de droit auxquelles elle est soumise.
Il existe cependant des exceptions qui tiennent à la nécessité pour l’administration d’agir en
toutes circonstances.
Il existe des actes insusceptibles de recours pour excès de pouvoir.
Un acte de gouvernement est un acte pris par les pouvoirs publics et qui est insusceptible
d’être discuté devant le juge. Il bénéficie d’une immunité juridictionnelle absolue. Cela
signifie qu’il n’est pas possible d’intenter contre eux une action pour contester leur légalité ou
pour engager la responsabilité de l’administration. Le juge saisi se déclare incompétent.
Quelques exemples d’actes de gouvernement: la décision de convoquer l’assemblée
nationale en vue de la déclaration de politique générale du premier ministre (Cour suprême,
10 janvier 2013, Modou Diagne), la décision de recourir au référendum (conseil d’État, 4
janvier 2001, Parti Socialiste et URD), la nomination d’un membre du conseil
constitutionnel, la décision de dissoudre l’assemblée nationale, de promulguer la loi.
Par mesures d’ordre intérieur, on entend des actes administratifs qui n’ont pas un caractère
décisoire. Il ne font pas grief puisque ces mesures ne portent pas atteinte à l’ordonnancement
juridique, le recours pour excès de pouvoir est irrecevable à leur encontre. Ces mesures sont
nombreuses et variées. On distingue:
- les circulaires: il s’agit des circulaires non impératives. En effet, depuis sa décision
du 18 décembre 2002, Duvignères, le conseil d’État a abandonné la distinction
traditionnelle (circulaires réglementaires et circulaires interprétatives) en opposant
aujourd’hui la circulaire impérative de celle qui ne l’est pas. En droit sénégalais, le
juge se réfère au caractère décisoire ou non de la mesure. Ainsi, dans l’affaire Djibril
Ndiaye, (conseil d’État, 21 décembre 2000), le juge a rappelé « qu’une circulaire
du sous préfet invitant les membres d’une association à renouveler ces instances…
n’est pas un acte décisoire susceptible d’un recours pour excès de pouvoir »
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- les directives, les mesures préparatoires ou indicatives sont aussi des mesures
d’ordre intérieur quand elles ne modifient pas la situation juridique des intéressés.
L’action de l’administration a pour raison d’être de satisfaire les besoins du public. C’est cette
raison d’être qui explique les deux missions fondamentales qui lui sont confiées: d’une part,
assurer les prestations de bien et services (cette mission renvoie à la notion de service public);
d’autre part, veiller au maintien de l’ordre public (il s’agit de la police administrative)
Le service public a été la notion centrale fondatrice du droit administratif puisque dans son
arrêt Blanco, le tribunal des conflits en faisait le critère de la compétence du juge
administratif.
Il demeure aujourd’hui la justification première de toutes activités administratives ainsi que le
moyens exceptionnels dont dispose l’administration pour mettre en œuvre ses activités.
Selon sa définition classique (forgée au cours du XIXe siècle), le service public est une
activité d’intérêt général assurée par une personne publique au moyen de procédés
exorbitants du droit commun.
Cette définition se caractérise par la prééminence de critères organiques. La qualification de
service public dépend en effet essentiellement de la nature juridique de l’organe qui gère
l’activité: cet organe doit être une personne publique. On parle d’âge d’or parce qu’en ce
moment, le service public est le critère de la compétence du juge administratif et le droit
administratif ne s’applique qu’aux services publics.
Cette interdiction de principe faite aux personnes privées de gérer le service public ne pouvait
pas résister au besoin de service public qui a cru en des proportions telles que les personnes
publiques se sont senties incapables d’y répondre seules. L’Etat a été dans l’obligation de
confier la gestion de certaines activités d’intérêt général à des personnes privées.
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Dans un premier temps, le conseil d’état va admettre que des personnes privées puissent être
investies de prérogatives de puissance publique en l’occurrence le droit d’expropriation
(conseil d’État, 20 décembre, 1935, Société des Établissements Vézia). Il finit par admettre
quelques années plus tard qu’une personne privée puisse en dehors de tout contrat de
concession, par la simple soumission partielle à un régime de droit public, gérer un service
public administratif (conseil d’État, 13 mai 1938, Caisse Primaire Aide et Protection).
D'autres arrêts confirment cette jurisprudence: Montpeurt (conseil d'État, 31 Juillet 1942),
Bouguen (conseil d'État, 2 Avril 1943), Magnier (conseil d'État, 13 Janvier 1961), Narcy
(conseil d'État, 28 juin 1963)
SECTION II: LES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT COMMUN À TOUS LES SERVICES PUBLICS
I- LE PRINCIPE DE CONTINUITÉ
Parce qu’il est créé pour répondre à un besoin reconnu et permanent du public, le service
public ne peut pas fonctionner avec des interruptions.
Ce principe a justifié jusqu’en 1946, l’interdiction en France du droit de grève dans les
services publics (conseil d’État 7 août 1909, Winkell).
Il justifie aujourd’hui les multiples restrictions possibles du droit de grève (conseil d'État 7
juillet 1950, Dehaene)
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II- LE PRINCIPE DE MUTABILITÉ
Il est également appelé principe d’adaptation du service public. Ce principe repose sur l’idée
que le service public doit être capable de s’adapter à l’évolution des besoins du public mais
aussi aux changements des techniques qui permettent de réaliser le service.
Ce principe signifie que toute personne a un droit égal à l’accès au service. Elle doit être
traitée de la même façon que tout autre usager du service.
Le principe de neutralité découle de ce principe d’égalité. Il implique que le service public ne
favorise pas une personne ou une catégorie de personne ou ne fonctionne pas de façon
différenciée en fonction par exemple de conviction politique ou religieuse de ses agents ou de
ses usagers.
Les modes de gestion des services publics sont divers. On peut les regrouper en deux grandes
catégories: la gestion publique des services publics et la gestion privée des services publics.
Parmi les modes de gestion publique, on distingue la gestion en régie et la gestion par une
personne publique spécialisée.
La gestion en régie d’un service public consiste en la prise en charge directe de son
fonctionnement par la personne publique qui l’a créé avec ses propres moyens matériels,
humains et financiers.
La régie (simple) par opposition à la régie intéressée suppose que le personnel soit constitué
de fonctionnaires stricto sensu ainsi que d’agents qui bénéficient du régime de droit public
sans avoir la qualité de fonctionnaires tels que les agents contractuels.
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a- ) NOTION D’ÉTABLISSEMENT PUBLIC
Un établissement public est une personne publique spécialement créée pour gérer un service
public. Il dispose d'un patrimoine et d'un budget propre. Il peut passer des contrats et agir en
justice.
Il jouit de la capacité de recevoir des dons et des legs
Les établissements publics sont chargés d’exécuter à la place de l'État certaines activités.
Ils sont soumis à une tutelle technique (ministère technique) et à une tutelle financière
(ministère chargé des finances).
Dire qu’un organisme est un établissement public n’épuise pas le champ de recherche de sa
nature juridique. Il existe en effet plusieurs catégories d’établissements publics. Si
traditionnellement on ne distinguait que les principaux types d’établissements publics à
caractère administratif et les établissements publics à caractère commercial. On trouve
aujourd’hui au Sénégal plusieurs autres: les Établissements publics à caractère
professionnel, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les
établissements publics de santé…
Le droit applicable aux établissements publics est variable suivant la nature juridique de
l’établissement.
L’agence d’exécution est une personne morale de droit public doté d’un patrimoine et d’un
moyen de gestion propre. C’est une entité administrative autonome investie d’une mission de
service public. Les agences sont créées par décret pour une durée déterminée ou indéterminée
pour mener une mission bien précise (voir exposé des motifs de la loi n°2009-20 du 4 mai
2009).
Quelques exemples d’agences créés au Sénégal: l’ANACIM, l’ANAQ SUP,
L’Etat peut décider de ne pas assurer lui-même l’exécution d’un service public mais la
confier à une personne privée.
Au terme de l’article nouveau du C.O.A (Code des Obligations Administratives), la
participation d’un cocontractant à un service public est réalisée par voie de délégation de
service public ou sur la base de contrat de partenariat.
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A- LA DÉLÉGATION DE SERVICE PUBLIC
Le contrat de concession de service public se présente comme une convention par laquelle
une personne publique (le concédant) charge une personne privée (le concessionnaire) de
faire fonctionner un service public à ses frais, risque et péril en se rémunérant sur les
redevances perçues sur les usagers.
Le concessionnaire exploite le service public en percevant des rémunérations des
bénéficiaires du service concédé.
2- LA RÉGIE INTÉRESSÉE
La régie intéressée est un mode de gestion mixte des services publics qui s’appuie sur le
concours extérieur de professionnels privés contractuellement chargés de faire fonctionner le
service public moyennant le versement d’une redevance déterminée par la personne publique
qui a réalisé les investissements initiaux.
B- LE CONTRAT DE PARTENARIAT
Il s’agit d’un contrat par lequel une personne publique confie à un tiers pour une période
déterminée une mission globale comprenant le financement et la réalisation (y compris la
construction, la réhabilitation ou la transformation) d’investissements matériels ou
immatériels ainsi que leur entretien, leur exploitation ou leur gestion. Le cocontractant est
rémunéré à partir d’objectifs de performance déterminés par la puissance publique.
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CHAPITRE II: LA POLICE ADMINISTRATIVE
La police est une activité administrative qui a pour objet de protéger l’ordre public. La police
administrative a un but préventif en ce sens qu’elle cherche à empêcher l’installation du
désordre (tribunal des conflits 7 juin 1951 Dame Noualek).
Elle est distincte de la police judiciaire qui a un but répressif (conseil d’Etat, 11 mai 1951,
Consorts Beaud).
Il n’est pas aisé de distinguer clairement les deux types de police. D’abord parce qu’une
opération peut se décomposer en plusieurs phases rattachables aux deux types de police (la
mise en fourrière des véhicules avec l’enlèvement du véhicule, acte de police judiciaire qui a
pour but de réprimer la violation d’une interdiction de stationnement).
Ensuite parce qu’une même opération (exemple: saisie de journaux, contrôle d’identité sur
les passants) peut revêtir selon les cas un caractère administratif ou judiciaire (conseil d’Etat
assemblée du 24 juin 1960, société FRAMPAR)
Pour définir l’ordre public, on recourt classiquement à une trilogie: sûreté, tranquillité et
salubrité publiques. Cette trilogie classique a aujourd’hui été élargie.
A- LA TRILOGIE CLASSIQUE
Par sûreté publique, il faut entendre la sécurité dans la rue pour les personnes qui y
circulent, la sécurité routière mais aussi la sécurité des immeubles ou la sécurité des produits
que l’on consomme.
La tranquillité publique est une notion proche puisqu’il s’agit ici d’assurer une vie paisible
à tous, donc à prévenir les agressions et les nuisances multiples. La lutte contre le bruit par
exemple, relève de cet objectif.
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La salubrité publique correspond à la notion d’hygiène publique. À ce titre, sont prises des
mesures d’assainissement, des mesures nécessaires à la préservation de la qualité de l’air et
de l’eau.
Comme la police administrative générale, les polices administratives spéciales sont les
activités de surveillance qui visent à maintenir la paix sociale. Mais alors que la première
remplit cette mission en protégeant l’ordre public en général, les secondes la remplissent en
régissant certaines activités (exemple: affichage) certaines catégories d’administrés
(exemple: les étrangers) ou un aspect déterminé de l’ordre public (les édifices menaçant
ruine).
Puisque les mesures de police sont potentiellement dangereuses pour les libertés publiques,
l’obligation de les motiver est forte. Elle est imposée en France par le législateur et par le
juge au Sénégal.
Le juge sénégalais a élargi le domaine d’application de la motivation obligatoire (voir affaire
LD/MPT).
Les mesures de police sont encadrées assez strictement et sont contrôlées par le juge
Le juge veille à ce que les autorités aux polices administratives ne portent pas atteinte à
l’exercice d’une liberté publique au-delà de ce qui est nécessaire.
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Pour le juge français (conseil d’État, 19 mai 1933, Benjamin) toute disproportion même
légère entraîne la censure de la mesure.
Dans bon nombres d’affaires au Sénégal, Aliou Tine (Cour suprême, 13 octobre 2011),
Sidya Bayo (Cour suprême 13 janvier 2015) Amnesty international Sénégal (Cour
suprême 9 juin 2016) Assane Ba (Cour suprême 23 mai 2019), le juge sénégalais
considère que s’il incombe à l’autorité administrative compétente de prendre les mesures
qu’exige le maintien de l’ordre, elle doit concilier l’exercice de ce pouvoir avec le respect des
libertés garanties par la constitution.
Le juge rappelle très souvent à l’autorité administrative que « la loi n° 78-02 du 29 janvier
1978 relative aux réunions lui permet en son article 14 d’interdire toute réunion publique
(mais que ) cette interdiction ne peut être intervenue que s’il existe une menace réelle de
trouble à l’ordre public et si elle ne dispose pas de force de sécurité nécessaire pour assurer
la sécurité des citoyens. ».
L’exercice du pouvoir de police est soumis à un contrôle étendu de légalité. Celle-ci est
étroitement liée à la nécessité des mesures.
Dans l’affaire Daudignac (conseil d’État 22 juin 1951), le juge rappelle que les interdictions
générales et absolues sont illégales. Il rappelle ainsi les termes de l’arrêt action française
(conseil d’État 8 août 1935).
Il faut noter que les mesures de police ont une rigueur variable en fonction de circonstances
de temps ou de lieu.
En effet, les pouvoirs de police sont plus étendus en cas de crise (état d’urgence par exemple)
ou en période de circonstances exceptionnelles (épidémies ou calamités naturelles) qu’en
période normale. De même, ils sont plus étendus s’il s’agit de la voie publique que s’il s’agit
d’un domicile privé non ouvert au public (veiller à la tranquillité ou à la salubrité publique)
ou un lieu ouvert au public.
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CHAPITRE I: L’ACTE ADMINISTRATIF UNILATÉRAL
Une classification des actes administratifs unilatéraux peut être fondée sur la distinction acte
règlementaire et acte non réglementaire. Elle peut aussi partir de la forme de l’acte et
permettre de distinguer décret, arrêté, décision…
Elle peut encore se fonder sur la distinction entre les actes administratifs décisoires et les
actes administratifs non décisoires.
L’acte individuel est relativement aisé à identifier. C’est un acte qui s’adresse à une personne.
Il faut noter cependant que l’acte individuel peut s’adresser à plusieurs personnes.
Exemple: la liste des candidats reçus à un concours. On considère dans ce cas, qu’il s’agit
d’un acte individuel pris dans un acte collectif. La cour suprême l’a réaffirmé dans son arrêt
du 23 septembre 2014 (affaire Bouré Diouf et autres communément appelée affaire des 690
élèves-maîtres). Le juge considère « que la décision attaquée n’est pas un acte
règlementaire (...mais) plutôt une décision individuelle prise dans un acte collectif en ce
qu’elle concerne plusieurs personnes nommément désignées ».
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Selon une approche classique seuls les actes présentant un caractère décisoire peuvent être
attaqués devant le juge administratif sauf s’ils présentent le caractère d’acte de
gouvernement. Pour les actes administratifs non décisoires, (voir supra), (déjà écrit).
Par régime juridique, il fait entendre les règles qui s’appliquent à l’élaboration de l’acte, à son
exécution ainsi qu’à sa disparition.
Les actes administratifs unilatéraux sont élaborés par les autorités administratives suivant un
certain nombre de règles décrites par les textes et les principes généraux du droit. Celles-ci
englobent les règles de compétence et la procédure administrative non contentieuse.
La compétence c’est l’aptitude juridique conférée à une autorité par un titre juridique pour
prendre un acte. Elle est appréciée en fonction de trois éléments: l’élément matériel,
l’élément temporel et l’élément territorial.
Les règles normales de compétence peuvent être aménagées par le recours à la technique des
délégations.
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2- LES AMÉNAGEMENTS AUX RÈGLES NORMALES DE LA COMPÉTENCE:
L’acte administratif pour être valable doit, en vertu du principe de légalité respecter certaines
règles de forme et de procédure.
Elles sont variées et ne présentent pas la même importance. Certaines sont qualifiées de
substantielles. Ce sont les règles dont la violation entraîne l’illégalité de l’acte (exemple:
signature contre seing). D’autres sont dites accessoires parce qu’au contraire leur violation
n’entraîne pas l'illégalité de l’acte (exemple: les visas). D’autres enfin sont tantôt
substantielles tantôt accessoires (exemple: l’écrit ou la motivation qui ne sont obligatoires
que si un texte l’exige).
La motivation c’est l’inscription des motifs dans la décision même. On dit d’un acte qu’il
est motivé lorsque la simple lecture de la décision renseigne sur les raisons de droit et de fait
qui ont amené l’autorité administrative à prendre cette décision.
A- LA PROCÉDURE CONSULTATIVE
L’acte administratif avant d’être pris peut être précédé de la consultation d’un organisme
appelé à émettre un avis sur la décision à prendre.
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La demande d’avis peut être soit facultative soit obligatoire.
Quand la demande d’avis est facultative, l’administration n’est pas obligée de le solliciter
encore moins de le suivre.
L’avis obligatoire demandé peut être soit conforme, soit non conforme.
Quand l’avis est conforme, l’administration est non seulement tenue de le prendre mais est
également tenue de suivre l’avis de l’organe consulté. L’organisme appelé à émettre un avis
doit être régulièrement constitué (Cour suprême 22 Mars 2012, Mame Thierno Dieng).
B- LA PROCÉDURE CONTRADICTOIRE
Elle permet à la personne préalablement à la décision de présenter ses observations. Dans son
arrêt du 23 septembre 2014, la cour suprême considère que la décision du ministre de
l’éducation nationale « ne pouvait, sans violation du principe général des droits de La
Défense être prise sans que les élèves-maîtres incriminés aient été mis à même de se
défendre ». Le juge estime que le droit a été violé.
Si l’acte administratif existe dès sa signature, il n’est opposable aux administrés qu’après
l’accomplissement des formalités de la publicité. Il y a deux modalités de publicité: la
notification utilisée pour les actes administratifs individuels et la publication au Journal
Officiel ou sur support électronique utilisée pour les actes réglementaires.
NB: voir article 3 et suivants de la loi 2021-21.
Il y a des actes administratifs qui doivent faire l’objet à la fois d’une notification aux
intéressés mais aussi d’une publication pour les tiers.
Il en est ainsi de l’affectation ou la désaffectation d’une terre du domaine national.
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1- LE PRIVILÈGE DU PRÉALABLE
Le privilège du préalable signifie que les décisions administratives sont présumées régulières
et produisent leurs effets tant qu’elles n’ont pas été déclarées nulles par le juge.
Autrement dit, l’introduction d’un recours pour excès de pouvoir ne fait pas obstacle à
l’exécution d’une d’une décision administrative. C’est ce que le juge a confirmé dans l’affaire
ayant opposé Thierno Momadou Kane et neuf (9) autres à l’État du Sénégal (voir cour
suprême 12 avril 2021).
Ce privilège peut être remis en cause en cas de recours contre une déclaration d’utilité
publique, une expulsion d’étrangers, une extradition ou un recours portant sur l’élection au
conseil municipal ou au conseil départemental ou en cas de suspension de l’exécution d’une
décision ou de certains de ses effets ordonnés par le juge des référés.
Il existe aujourd’hui dans le droit sénégalais en plus du référé suspension, le référé liberté
(article 85 de la loi n°2017-09 sur la cour suprême), le référé mesure utile (article 86).
Pour que le juge ordonne une suspension de l’exécution d’une mesure administrative, il faut
que l’urgence le justifie et qu’un doute sérieux existe quant à la légalité de la décision.
2- L’EXÉCUTION FORCÉE
La disparition de l’acte administratif peut résulter de son annulation pour illégalité par le juge
l’excès de pouvoir, de la survenance d’un terme exprimé dans l’acte, du décès du
destinataire…
Elle peut aussi résulter de la volonté de l’administration qui peut provoquer la disparition
d’un acte de l’ordre juridique par deux moyens: l’abrogation qui ne fait disparaître les effets
de l’acte que pour l’avenir; le retrait qui entraîne la disparition rétroactive des effets de
l’acte.
A- L’ABROGATION
23
Il y a des distinctions à faire pour apprécier la possibilité ou l’impossibilité pour
l’administration d’abroger des actes administratifs.
- L’abrogation des actes réguliers: il y a lieu de faire une distinction entre les
décisions réglementaires et les décisions individuelles. L’abrogation d’une décision
réglementaire est toujours possible. C’est là une conséquence du principe de
mutabilité. Pour les actes individuels, il faut voir si l’acte a créé ou n’a pas créé de
droit.
● Si l’acte a créé des droits, l’abrogation est en principe impossible. Elle n’est
envisageable que dans deux hypothèses identifiées par le juge: soit lorsque le
titulaire des droits en fait la demande (conseil d’État, 30 juin 2006, société 9
téléphone), soit dans les cas et aux conditions prévues par les textes, (conseil d’État,
6 novembre 2002, madame Soulier). Par exemple: la nomination régulière d’un
fonctionnaire ne peut être abrogée que dans des hypothèses et selon des procédures
précises prévues par le statut général des fonctionnaires.
● Si l’acte n’a pas créé de droit, l’abrogation est une faculté que l’administration peut
utiliser en tout moment et en tout état de cause. Le juge français estime depuis 2009,
dans un souci de sécurité juridique que « l’administration ne peut… abroger une
décision expresse, individuelle, créatrice de droits que dans le délai de quatre (4)
mois suivant l’intervention de cette décision et si elle est illégale » (conseil d’État, 6
Mars 2009, Koulibaly)
- L’abrogation des actes irréguliers: qu’ils soient créateurs de droit ou non,
l’administration à l’obligation d’abroger les actes devenus illégaux du fait d’un
changement de droit ou de circonstance (conseil d’État 10 janvier 1930, Despujol)
B- LE RETRAIT
l’administration peut s’être trompée. Elle doit alors être en mesure de mettre fin elle-même à
la situation ainsi créée. En même temps, cette volonté de rétablir la légalité ne doit pas se
faire au détriment des droits acquis par les administrés. Il faut distinguer selon que l’acte est
régulier ou irrégulier.
- Le retrait des actes réguliers: lorsque l’acte est régulier, mais n’a créé aucun droit, le
retrait est possible à tout moment sans condition. C’est le cas des actes obtenus par
fraude de l’administré (voir Conseil d’État, 17 juin 1955, Silberstein, Conseil
d’État, 29 novembre 2002, Assistance Publique des Hôpitaux de Marché).
Lorsque l’acte est régulier et a créé des droits, le retrait est impossible. Cependant, l’acte
régulier créateur au profit de son destinataire (autorisation, nomination…) ou même des
tiers, peut être retiré sur le fondement d’une disposition législative ou réglementaire, en
application d’une décision de justice ou lorsque le retrait est demandé par l’intéressé
lui-même.
- Le retrait des actes irréguliers: l’acte irrégulier non créateur de droit peut être retiré
à tout moment sans condition. Pour les actes individuels irréguliers créateurs de droit,
24
la règle traditionnelle peut provenir de l’arrêt Dame Cachet, Conseil d’État, 3
novembre 1922, selon lequel l’administration pouvait retirer l’acte illégal tant que le
juge de l’excès de pouvoir était compétent pour l’annuler (c’est-à-dire dans les deux
mois à partir de la publicité de l’acte).
Depuis l’arrêt Terlon (Conseil d’État, Assemblée, 26 octobre 2001), le retrait est possible
dans le délai de quatre mois à partir de la date d’édiction de la décision.
Au Sénégal, il n’y a pas de dissociation entre les délais du recours et du retrait (Cour
suprême, 19 avril 1967, Samba Cor Sarr).
Contrairement aux contrats de droit privé fondés sur le principe de l’égalité des parties
contractantes, les contrats administratifs mettent en œuvre un but d’intérêt général et sont
soumis à un régime exorbitant du droit commun. Se pose alors la question de savoir: à quels
signes reconnaît-on qu’un contrat est administratif ? Autrement dit, quels sont les critères du
contrat administratif ?
Dans certains cas, les textes tranchent expressément la question de savoir: est-ce un contrat
administratif ? En effet, la loi ou le règlement peut à tout moment attribuer la qualité de
contrat administratif à une catégorie de conventions auxquelles une personne morale de droit
public est partie.
En dehors de ces contrats appelés “contrats administratifs” par détermination de la loi, c’est
la jurisprudence qui, en France, a dû s'efforcer de résoudre le problème et de définir les
critères des contrats administratifs par nature. C’est cette jurisprudence qui a été codifiée au
Sénégal.
25
PARAGRAPHE 2: LES CONTRATS ADMINISTRATIFS PAR NATURE
La présence d’une personne morale de droit public ne suffit pas à elle seule pour imprimer au
contrat un caractère administratif.
Il faut ensuite pouvoir déceler l’un des critères suivants.
- Le critère du service public qui se dédouble en deux branches: première branche,
que le contrat de par son objet assure la participation du cocontractant à l’exécution
d’une mission de service public (Conseil d’État, 20 avril 1956, époux Bertin).
Deuxième branche, que le contrat constitue une modalité d’exécution du service
public. Le service n’est plus à la différence de l’hypothèse précédente exécutée par le
cocontractant mais par la personne publique elle-même qui recourt au contrat pour
assurer sa mission de service public (Conseil d’État, 20 avril 1956, Consorts
Grimoiard).
- Le critère de l’exorbitance: ce critère s’est aussi dédoublé lui aussi en deux
branches. Selon la première, un contrat est administratif lorsqu’il comporte une ou
plusieurs clauses exorbitantes du droit commun (Conseil d’État, 31 juillet 1912,
26
Société des Granites Porphyroïdes des Vosges). Selon la seconde branche, un
contrat est administratif même s’il ne contient de clause exorbitante lorsqu’il est
soumis à un régime juridique exorbitant du droit commun, lorsqu’il a été conclu dans
une ambiance de droit public (Conseil d’État, 19 janvier 1973, Société
d’Exploitation Électrique de la Rivière du Sald).
Elle résulte d’un bouleversement de l’économie du contrat. C’est une situation imprévisible
(exemple: dépréciation monétaire, ou inflation généralisée ) entraînant un déficit quasi
insurmontable (Conseil d’État, 30 Mars 1916, Gaz de Bordeaux).
Constitue une sujétion imprévue un fait matériel extérieur qui ne pouvait pas être
raisonnablement envisagé au moment de la conclusion du contrat.
27
La sujétion imprévue entraîne une difficulté anormale d’exécution.
Quelque soit l’invisibilité des cas énumérés, le cocontractant est ténu d’exécuter ses
obligations contractuelles sur le fondement du principe de la continuité du service public.
Toutefois, le cocontractant a des droits qui se ramènent à l’équilibre financier du contrat qu’il
faudra rétablir.
En cas d’exercice du pouvoir de modification unilatérale, il est prévu une réparation intégrale
au profit du cocontractant. L’indemnité couvre aussi bien le préjudice subi que le manque à
gagner.
En cas d’imprévision, la réparation est partielle. En cas de sujétions imprévues, il y a
réparation intégrale pour le cocontractant.
1- Le contrat prend fin lorsque les obligations ont été exécutées: on parle de réalisation de
l’objet du contrat
3- Les parties peuvent mettre fin à tout moment à un contrat en cours d’exécution: c’est une
résiliation conventionnelle
Compte tenu de la nature du litige, le contentieux des contrats administratifs peut être scindé
en deux sous-ensembles.
28
1- LE CONTENTIEUX SUBJECTIF
Le principe étant que les effets du contrat sont limités aux parties, ces dernières ont de tout
temps été les seules admises au contentieux contractuel. C’est ainsi que sur saisine du
cocontractant de l’administration, le juge peut annuler un contrat sur le fondement d’une
force majeure, d’une modification excessive de l’objet du contrat ou d’une faute grave de
l’administration.
Depuis 2007, le conseil d’État français reconnaît aux concurrents évincés le droit de
former un recours de plein contentieux contre les marchés publics dans un délai de deux
(2) mois à compter de la publicité de leur signature (Conseil d'État, 16 juillet 2007, Société
Tropic Travaux Signalisation).
Dans un arrêt d’Assemblée du 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, le Conseil
d'Etat va plus loin et reconnaît à tout tiers susceptible d’être lésé par le contrat la possibilité
d’agir devant devant le juge.
2- LE CONTENTIEUX OBJECTIF
Il existe une règle traditionnelle selon laquelle, en matière de contrat administratif, il n’est
possible d’attaquer en recours pour excès de pouvoir (r.e.p) que les actes détachables du
contrat. Ces derniers sont les actes fortement individualisés dont l’appréciation de la légalité
peut se faire en dehors du contrat dans sa globalité (Conseil d’État, 4 août 1905, Martin);
(Conseil d’État (Sénégal) 29 octobre 1997, Société Sud Communication).
Le droit sénégalais, l’article 140 nouveau du C.O.A donne une liste des actes détachables
qui peuvent faire l’objet du recours pour excès de pouvoir devant la cour suprême.
Il s’agit de l’autorisation de contracter, de la décision de contracter ou de ne pas contracter,
de l’opération, d’attribution et de l’approbation du contrat.
L’on a fini par admettre en France qu’un recours pour excès de pouvoir puisse être dirigé en
dehors des actes détachables contre les clauses réglementaires du contrat (Conseil d’État,
Assemblée, 10 juillet 1996, Cayzeele).
À ces actes, il faut ajouter aujourd’hui le recours susceptible d’être formé par un tiers contre
le recrutement d’un agent territorial (Conseil d’État, 30 octobre 1998, Ville de Lisieux).
Le Conseil d’État après avoir considéré dans sa décision du 26 juillet 1991, (Commune de
Sainte Marie) que le déféré préfectoral peut être assimilé à un recours pour excès de pouvoir
et revenir sur sa jurisprudence en jugeant dans ses décisions du 23 décembre 2011 (ministre
de l’intérieur de l’outre-mer des collectivités territoriales et de l’imigration) que le déféré
préfectoral n’est plus un recours pour excès de pouvoir mais un recours de plein contentieux.
29
DEUXIÈME PARTIE: LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DE L’ADMINISTRATION
L’administration exerce des missions d’intérêt général qui lui permettent d’utiliser des
procédés exorbitants du droit commun.
Le principe de légalité impose cependant à l’administration de se conformer à la loi.
Un droit de regard s’exerce sur elle. L’administration est en effet surveillée à la fois par des
juridictions, des autorités politiques ou administratives et, de plus en plus, par des autorités
administratives indépendantes.
Le contentieux administratif se définit comme l’ensemble des recours ouverts aux
administrés pour soumettre à un juge les litiges qui les opposent à l’administration. On
distingue le contentieux de l’excès de pouvoir et le contentieux de pleine juridiction.
Le Recours pour Excès de Pouvoir est un recours contentieux par lequel tout intéressé peut
demander au juge compétent d’annuler un acte administratif pour violation de la légalité.
Au Sénégal, le recours pour excès de pouvoir est consacré par la loi organique n°2017-09
du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n°2008-35 du 8 août 2008.
Avant la saisine du juge de l’excès de pouvoir (ou au même moment), il existe des recours à
la disposition du requérant. Certains sont facultatifs mais d’autres sont obligatoires.
Le requérant peut avant d’introduire son recours pour excès de pouvoir, présenter dans le
délai des recours contentieux, un recours administratif ou hiérarchique.
Le recours gracieux est adressé à l’auteur de la décision. Le recours hiérarchique s’adresse au
supérieur de l’auteur de la décision ayant pouvoir de réformer ou d’annuler ladite décision.
En attendant la décision du juge, une procédure en référé peut être utilisée afin que des
mesures provisoires soient prises pour éviter qu’il soit porté une atteinte irréversible aux
droits ou aux biens du demandeur.
Il existe trois (3) grandes catégories de procédures de référés devant les juridictions
administratives: les référés d’urgence de droit commun (référé suspension, référé liberté,
référé mesure utile), les référés de droit commun non conditionnés par l’urgence (référé
constat ou inscription), les référés spéciaux (référé provision, en matière fiscale…)
30
La loi de 2017 sur la Cour suprême traite les principaux référés d’urgence de droit commun
en ses articles 84, 85 et 86.
Dans certains cas, le demandeur ne peut introduire un recours pour excès de pouvoir qu’après
avoir exercé au préalable un recours administratif. C’est le cas dans le contentieux des
délégués du personnel devant la Cour suprême.
Le recours hiérarchique auprès du ministre en charge du travail est obligatoire pour toute
décision de l’inspecteur du travail accordant ou refusant l’autorisation d’un licenciement
d’un délégué du personnel. Le requérant est tenu d’exercer le recours administratif faute de
quoi son recours direct contre la décision de l’inspecteur du travail est déclaré irrecevable.
Les conditions sont relativement nombreuses et variées. Il importe de les regrouper en trois
(3) rubriques: les conditions de recevabilité tenant à la personne du requérant, les
conditions tenant à la nature de l’acte attaqué et les conditions tenant à la requête
elle-même.
Pour être recevable, il faut que le requérant aie la capacité d’agir et un intérêt à agir.
La capacité d’agir est appréciée dans les termes de droit commun. La condition relative à
l’intérêt à agir soulève plus de difficultés. La jurisprudence distingue l’intérêt à agir des
personnes physiques et l’intérêt à agir des personnes morales.
En ce qui concerne les personnes physiques, l’acte doit avoir lésé moralement ou
matériellement les intérêts du requérant.
Entre le requérant et l’acte, doit exister un lien évident (Conseil d’Etat Sénégal, 25 août
1993, Professeur Iba Der Thiam).
Pour justifier d’un intérêt à agir au sens du juge français, l’auteur d’un recours pour excès de
pouvoir doit montrer que l’acte attaqué lui fait grief.
Le grief doit exister peu importe qu’il soit matériel ou moral et il doit être certain et non
éventuel.
31
Dans l’affaire Ahmed Khalifa Niass, le juge après avoir rappelé que le recours pour excès de
pouvoir n’est recevable que si son auteur justifie d’un intérêt à agir, déclare irrecevable le
recours de monsieur Niass en se fondant sur le fait que ce dernier « n’établit ni es nom ni es
qualité de dirigeant de parti de parti politique l’existence d’un intérêt direct suffisant et
certain au maintien de la taxation des communications téléphoniques internationales
entrant en République du Sénégal.»
Voir aussi, les affaires Habré (Cour suprême 23 janvier 2015) et Mermoz-Sacré Cœur
(Cour suprême 24 Mars 2016).
En principe, les personnes morales ne doivent normalement agir que pour la défense des
intérêts collectifs de leurs membres.
A défaut de mandat express, le groupement ne peut pas avoir intérêt à agir (voir affaire
Association Nationale des Handicapés Moteurs du Sénégal contre État du Sénégal
(affaire Fadiya))
Le recours pour excès de pouvoir n’est en principe recevable que si l’acte contre lequel il est
dirigé est un acte administratif unilatéral.
En plus, il faut qu’il s’agisse d’une décision administrative c’est-à-dire un acte susceptible de
modifier l’ordonnancement juridique. Cela signifie que les recours pour excès de pouvoir
portés contre un acte juridictionnel, une mesure d’ordre intérieur, un acte préparatoire,
un acte comminatoire sont irrecevables. Dans l’affaire Alioune Badara Mané, la Cour
suprême a considéré que la lettre du 22 janvier 2007 par laquelle le ministre de l’intérieur
donnant suite au recours gracieux du requérant lui a répondu « qu’il avait instruit ses
services compétents de prendre les dispositions nécessaires en vue de règlement de l’affaire
» n’est pas une décision.
En ce qui concerne les contrats administratifs l’on a fini par admettre qu’un recours pour
excès de pouvoir puisse être dirigé en dehors des actes détachables (Conseil d’État, 4 août
1905, Martin) contre les clauses réglementaires du contrat (Conseil d’Etat Assemblée, 10
juillet 1996, Cayzeele).
En outre, dans le cadre de la décentralisation, le processus du déféré permet au représentant
de l’Etat de saisir le juge d’un recours dirigé contre un contrat administratif (encore valable
au Sénégal).
32
PARAGRAPHE 3: LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ TENANT À LA REQUÊTE
La requête doit être présentée sous une certaine forme, être accompagnée de la décision
contestée, comporter certaines mentions et être introduite dans un délai bien déterminé.
La requête doit être écrite, signée et signifiée à la partie adverse. La requête doit comporter
certaines mentions relatives au nom, domicile du requérant et contenir un exposé sommaire
des faits et des moyens c’est-à-dire des circonstances qui sont à l’origine du recours.
Le juge déclare irrecevable une requête dans laquelle il n’y a pas un exposé des moyens
(Cour suprême, 27 mai 1981, Aboubacar Sylla).
La requête doit être accompagnée de la décision contestée.
b- LE DÉLAI DU RECOURS
La requête doit être introduite dans le délai de deux (2) mois à partir de la notification de
l’acte ou de la publication.
Le délai de recours, aux termes de l’article 74-1 de la loi organique de 2017 sur la Cour
suprême, court de la date de publication de la décision attaquée à moins qu’elle ne doive être
notifiée au tel cas du délai de la date de la notification.
En ce qui concerne les actes individuels intéressant les tiers, le point de départ du délai est la
publication pour les intéressés et la notification pour les destinataires.
Le juge peut appliquer la théorie de la connaissance acquise. Au regard de cette théorie, le
point de départ du délai est déterminé à partir de la date à laquelle le requérant en posant
certains actes révèle qu’il a eu connaissance de la décision. C’est ce que le juge a affirmé
dans son arrêt du 8 Mars 2012 dans l’affaire Bineta Sarr. Voir aussi Cour suprême, 11
février 2016, 27 Mars 2014, société Matforce.
Lorsque l’administration ne répond pas à un recours gracieux ou hiérarchique formé par une
personne morale ou physique, le silence vaut au bout d’un certain temps, décision implicite
de rejet du recours.
Si l’administration ne répond pas à une réclamation de l’administré, son silence vaut décision
de rejet au bout de deux (2) mois. Exemple: Cour suprême, 22 Mars 2012, Mame Thierno
Dieng.
Le délai de recours peut être prolongé pour plusieurs raisons. Par exemple, quand une
décision explicite intervient au-delà de la période des quatre (4) mois. Dans ce cas, aux
33
termes des dispositions de l’article 74-1, alinéa 6 de la loi de 2017 sur la Cour suprême,
« La décision explicite intervenue postérieurement à l’expiration de la période de quatre
mois fait courir un nouveau délai de deux (2) mois.»
On appelle cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir ou encore moyen d’annulation
les cinq (5) éléments suivants du principe de la légalité dont le non-respect est sanctionné par
l’annulation: l’irrégularité quant à l’auteur (l’incompétence), l’irrégularité quant à la forme
(le vice de forme ou de procédure), l’irrégularité quant à l’objet (violation de la loi),
l’irrégularité quant au but (détournement de pouvoir), l’irrégularité quant aux motifs
(l’illégalité ou l’inexistence des motifs).
C’est cinq (5) éléments sont regroupés sous les deux catégories d’illégalités externes et
illégalités internes.
Les moyens invocables concernant la légalité externe se ramènent aux vices d’incompétence,
de forme et de procédure.
A- L’INCOMPÉTENCE
On dit qu’il y a vice d’incompétence lorsque l’auteur de l’acte administratif n’avait pas
pouvoir légal de le prendre. Dans son arrêt du 23 septembre 2014 (affaire communément
appelée des élèves-maîtres), la Cour suprême considère que « Le jury étant seul habilité à
tirer les conséquences de l’erreur ou de la fraude commise… le ministre de l’éducation
nationale ne peut, sans excéder ses pouvoirs, annuler l’admission de de six cent
quatre-vingt-dix (690) sur les deux mille cinq cent quarante-cinq (2545) initialement
déclarés admis.»
Le vice d’incompétence est d’ordre public parce qu’il peut être relevé spontanément par le
juge.
Dans sa décision du 23 février 2012, Ahmadou Lamine BA, deux moyens tirés de la
violation de la loi avaient été soulevés, précisément, le manque de base légale et l’erreur
manifeste d’appréciation. Le juge s’est fondé sur le moyen tiré de l’incompétence, relevé
d’office pour annuler la décision litigieuse.
B- LE VICE DE FORME
34
On peut citer la signature de l’acte par son auteur, la motivation de l’acte et les contre
seing. Toute violation de règles de forme par un acte n’entraîne pas son annulation. La
jurisprudence distingue les formalités substantielles dont la violation entraîne l’annulation
de l’acte et les formalités non substantielles dont la violation peut être sans effet sur la
légalité. Il en est ainsi de l’omission de la date d’une décision administrative (Conseil d’Etat
1952, Société Balenciaga).
C- LE VICE DE PROCÉDURE
Il y a vice de procédure quand l’irrégularité concerne les règles qui jalonnent le processus
d’élaboration. Elles sont de différentes types. Certaines visent à garantir les libertés
fondamentales des administrés comme le respect des droits de la défense. Dans son arrêt du
23 février 2012, Sérigne Babacar Seck contre Conseil régional de Kaolack, la Cour
suprême dit clairement qu’une décision procédant au retrait d’un avantage acquis sans que le
bénéficiaire n’ait été mis à même de présenter ses moyens de défense méconnaît le principe
du contradictoire et par conséquent celui du respect du droit de la défense. D’autres
prévoient la consultation obligatoire d’organes devant donner un avis avant la prise de la
décision. Ainsi, il y aura vice de procédure soit en cas d’omission d’une consultation
obligatoire (Cour suprême, 22 mars 1975 Souleymane Sidibé) soit lorsqu’il y a une
irrégularité dans la consultation (Cour suprême, 22 Mars 2012, Mame Thierno Dieng). Il
faut noter qu’en 2011 dans l’arrêt Danthony, le Conseil d’Etat a considéré que le non
respect de l’obligation de consultation ne doit être sanctionné que « si l’irrégularité a eu une
influence sur le sens de la décision prise ou a eu pour effet de priver l’intéressé d’une
garantie.» Conseil d’État assemblée, 21 décembre 2011.
L’illégalité est relative à l’objet, au but et au motif de l’acte. Ces éléments peuvent être
entachés des vices suivants: violation de la loi, détournement de pouvoir et irrégularité des
motifs.
A- LA VIOLATION DE LA LOI
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B- LE DÉTOURNEMENT DE POUVOIR
Les motifs sont les raisons de fait et de droit qui ont justifié la décision. Dans la mesure où ils
n’apparaissent pas toujours clairement, il appartient au juge de les rechercher avant
d’examiner leur légalité. Plusieurs illégalités peuvent être détectées :
1- L’erreur de droit
L’erreur de droit peut prendre la forme d’un défaut de base légale. Il en est ainsi lorsque
l’autorité a fondé son acte sur une règle juridique inapplicable. Une règle juridique peut être
inapplicable pour quatre (4) raisons:
1. parce qu’elle n’est pas encore en vigueur;
2. parce qu’elle n’est plus en vigueur;
3. parce qu’elle n’existe pas;
4. parce qu’elle est illégale.
L’erreur de droit peut aussi tenir d’une erreur d’interprétation d’un texte. Il en est ainsi
lorsque l’autorité a fondé son acte sur une règle juridique applicable mais elle s’est trompée
sur ce que celle-ci permettait ou imposait de faire.
36
2- L’erreur de fait
Elle peut consister d’abord en une inexactitude matérielle des faits. Le juge a constaté que les
faits qui ont justifié la prise de la décision n’existent pas. Conseil d’Etat, 14 janvier 1916,
Camino; Conseil d’Etat, 20 janvier 1922, Trépont; Cour suprême, 20 mars 1963,
Amadou Alpha Kane.
Elle peut consister également en une mauvaise ou une erreur dans la qualification juridique
des faits. Cela se produit lorsque les faits invoqués par l’administration ne correspondent pas
à ceux pour lesquels l’autorité administrative a reçu compétence. Conseil d'État, 04 avril
1914, Gomel.
La soumission à la loi si elle est absolue dans son principe connaît nécessairement une
certaine flexibilité dans son application et la jurisprudence afin de préciser l’étendue du
contrôle exercé par le juge a établi une distinction capitale entre le pouvoir discrétionnaire et
la compétence liée.
On dit qu’il y a compétence liée lorsque l’administration est d’une part tenue d’agir, d’autre
part tenue d’agir dans un sens déterminé par une règle de droit sans possibilité d’appréciation
ou de choix.
L’administration n’a ni le choix de la décision ni celui du moment où la décision doit être
prise. Lorsque le fonctionnaire a atteint la limite d’âge, l’administration doit le faire quitter
son service le premier (1er) jour suivant son anniversaire.
Dans le cas d’un avancement à l’ancienneté, l’autorité compétente doit agir lorsque les
conditions légales sont remplies.
Il y a pouvoir discrétionnaire lorsque l’administration dispose d’une certaine liberté
d’action (agir ou ne pas agir) et de décision (choix entre plusieurs solutions légales).
L’administration agit librement sans que la conduite à tenir lui soit dictée à l’avance par une
règle de droit.
Il noter cependant que sa marge de liberté ne lui ouvre le choix qu’entre des mesures et des
comportements légaux. Exemple: sanction disciplinaire (l’autorité administrative dispose
d’un pouvoir d’appréciation par rapport à la gravité des fautes commises par un agent et la
liberté de choix de la sanction).
37
II- LES EFFETS DE LA DISTINCTION SUR LE CONTROLE DU JUGE
A- LE CONTRÔLE NORMAL
En cas de compétence liée, le juge de l’excès de pouvoir contrôle l’intégralité des moyens
d’ouverture du recours pour excès de pouvoir.
B- LE CONTRÔLE MINIMUM
Dans le contrôle minimum, l’examen du juge va porter sur le pouvoir discrétionnaire. Le juge
va vérifier tous les éléments de la légalité externe et une partie des éléments de la légalité
interne. Il n’existe aucun contrôle sur la qualification juridique des faits. C’est en cela que le
contrôle est dit restreint. Cette lacune va motiver l’introduction de la théorie de l’Erreur
Manifeste d’Appréciation (E.M.A). Il y a E.M.A lorsque l’erreur commise par
l’administration est grave, grossière et si évidente qu’elle pourrait être décelée par n’importe
quel profane (Conseil d’Etat,15 février 1961, Lagrange).
Au Sénégal, le Conseil d’Etat a consacré la technique de l’E.M.A dans son arrêt du 27
octobre 1993, C.I.C.R).
Se démarquant ainsi de la position de l’ancienne cour suprême qui a toujours rejeté la théorie
de l’E.M.A. Dans sa décision, le conseil d’état définit l’E.M.A comme « une erreur à la fois
apparente et grave rendant la décision inadaptée aux motifs qui l’ont provoquée.»
Le contrôle peut conduire le juge à dresser un bilan entre les avantages et les inconvénients
d’une décision administrative. S’il estime que les inconvénients sont excessifs par rapport
aux avantages, il peut alors censurer la décision. Cette théorie a été posée à l’occasion de
l’arrêt de principe Ville Nouvelle Est (Conseil d’Etat assemblée, 28 mai 1971).
38
III- LES SUITES POSSIBLES DU RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR
En dehors de la décision de non lieu qu’il peut rendre (parce que par exemple le requérant est
décédé, l’acte a été entre-temps retiré ou que son objet a disparu), le juge de l’excès de
pouvoir peut prendre soit une décision de rejet, soit une décision d’annulation.
A- LA DÉCISION DE REJET
Une décision de rejet peut être prononcée si le juge estime que le recours est irrecevable
(confère les conditions de recevabilité du recours); parce qu’il y a une déchéance ou parce
que l’acte attaqué est légal. La différence entre l’irrecevabilité et la déchéance tient au fait
qu’avec l’irrecevabilité , le requérant qui a régularisé son recours peut saisir à nouveau le
juge alors que la déchéance entraîne la perte définitive du droit d’agir du fait que la
formalité non observée cause de la déchéance est enfermée dans un délai précis.
- Une requête dans laquelle le domicile réel n’a pas été indiqué (Conseil d’Etat, 31
mai 1995, Ndiogou Touré)
- Une requête dans laquelle les noms, domicile des parties l’exposé des faits et
moyens ne sont pas mentionnés (Cour suprême, 27 mai 1981, Aboubacar Sylla)
B- LA DÉCISION D’ANNULATION
L’annulation a un effet erga omnes dans l’espace et dans le temps. Elle est rétroactive
c’est-à-dire que l’acte annulé est considéré comme n’ayant jamais existé (Conseil d’Etat, 26
décembre 1925, Rodière).
Cela signifie que les décisions du juge administratif nécessitent des remises en état par
l’administration.
De sérieuses difficultés peuvent survenir pour l’exécution de certaines décisions
d’annulation. Pour éviter ces difficultés, le juge a développé un certain nombre de techniques
39
visant parfois à moduler dans le temps les effets de l’annulation parfois même à éviter
l’annulation de la décision administrative.
Le Conseil d’Etat considère aujourd’hui que lorsque les conséquences d’une annulation
rétroactive seraient manifestement excessives pour les intérêts publics et privés en présence,
le juge de l’excès de pouvoir doit disposer de la prérogative de moduler dans le temps les
effets de l’annulation qu’il prononce (Conseil d’Etat assemblée, 11 mai 2004, AC et
autres).
Afin de moduler sa décision, le juge dresse un bilan avec d’un côté l’illégalité et la situation
qu’elle engendre, de l’autre l’annulation et les conséquences qu’elle engendrerait.
Suivant le résultat révélé par l’analyse du bilan, le juge décide s’il vaut mieux annuler ou
laisser subsister des situations qui ont peut être illégales. Dans son arrêt en date du 26
septembre 2013, Cheikh Tidiane Sy, la Cour suprême a fait usage de cette technique. Elle
a prononcé l’annulation du décret 2012-679 du 6 juillet 2012 portant nomination de Antoine
Félix Abdoulaye Diome, substitut du procureur spécial près la Cour de Répression de
l’Enrichissement Illicite (C.R.E.I) mais a dit que « l’annulation prend effet à compter de
l’expiration d’un délai d’un (1) mois à compter de la date de la présente décision ».
Le juge a mis en place la technique de l’annulation différée.
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Les tribunaux de grande instance sont juges de droit commun en première instance en
toute matière sous réserve de certaines compétences d’attribution.
Le choix de l’unité de juridiction présente des avantages liés au fait que le requérant est
dispensé de la difficile question de la détermination du juge compétent. Il laisse subsister le
problème de droit applicable qui conditionne la procédure administrative.
Selon cette conception, la matière administrative regroupe l’ensemble des litiges dont la
solution doit être trouvée dans l’application des règles du droit administratif.
Elle correspond à une conception restrictive de la matière administrative et reste le
premier critère utilisé par le juge du tribunal de première instance de Dakar, le 23 mai 1970
dans l’affaire Abdourahmane Ndoye.
Le juge a fait application du critère matériel dans plusieurs autres affaires: Tribunal de
Première Instance (TPI), 4 mai 1977 et Cour d’Appel de Dakar 20 mai 1977, Mor Tall,
TPI, 11 mai 1982 et Cour d’Appel, 18 février 1983, héritiers Abdou Lô…
Le critère matériel contient un certain nombre de contraintes:
- pour le requérant, la recherche du droit applicable constitue une difficulté majeure
avec les risques d’erreurs sources d’irrecevabilité
- pour le juge, la contrainte se situe au niveau de la nécessaire recherche du droit
applicable avant la décision de la recevabilité.
Cette contrainte explique certainement les difficultés du juge dans certaines affaires: TPI du
4 mai 1977, Mor Tall, 11 mai 1982, héritiers Abdou Lô
Selon cette conception, on est dans la matière administrative chaque fois qu’il y a présence
dans le litige d’une personne morale de droit public. La conception organique comporte un
certain nombre de limites. La principale est l’exclusion des personnes morales de droit
privé chargées d’une mission de service public.
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La cour d’appel de Dakar a été la première juridiction à privilégier le critère organique (voir
Cour d’Appel, 14 juillet 1978, Abdoulaye Diack contre municipalité du Nioro du Rip)
Dans l’affaire Dieynaba Diallo, Tribunal régional de Dakar, 17 octobre 1986, dans
l’affaire TDI Cassala, Cour d’Appel, 29 avril 1993, le juge a fait application de la
conception organique.
Dans l’affaire Abdourahmane Ndoye, le requérant avait été dégoûté pour non-respect de la
procédure spéciale. Un an auparavant, dans l’affaire Sékou Badio, 1er mars 1969, le juge
après avoir reconnu que le litige en question devait être résolu sur la base de droit public
n’avait pas exigé le respect de la procédure spéciale. Dans l’affaire héritiers Abdou Lô
(Cour d’Appel, 18 février 1983), le juge consacre le caractère d’ordre public de la procédure
spéciale mais la Cour suprême dans son arrêt du 18 avril 2018, considère que la règle
édictée par l’article 729 n’est pas d’ordre public.
Il ressort de l’article 729 que la demande préalable doit être adressée à l’autorité désignée à
l’article 39 du Code de procédure civile. Aux termes de cette disposition sont assignés soit
l’Etat en la personne judiciaire de l’Etat soit les établissements publics en la personne de leur
représentant légal, soit les communes en la personne du maire…
A la question de savoir si une demande préalable peut être adressée à une autorité distincte de
celle citée à l’article 39, le juge sénégalais a une position inconstante.
Dans l’affaire Fatou Kiné Sall (Tribunal régional de Dakar 5 janvier 2012), le juge estime
« que le fait de n’avoir pas assigné l’agent judiciaire de l’Etat rend irrecevable l’action
introduite » par la Dame. Cette stricte application de la loi avait été également faite par le
juge en 1986 dans l’affaire Samba Yacine Cissé (Tribunal régional de Dakar, 30 juillet
1986).
Dans les affaires Bayero Diallo (Tribunal régional de Dakar, 6 février 1985) et Mamadou
Seck (17 mai 1986), le juge n’a pas observé cette stricte lecture de l’article 39.
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Les requérants ayant subi des préjudices du fait d’une activité de l’Etat avaient
respectivement saisi le ministre des affaires étrangères et celui de l’intérieur. Le juge dans
ces deux espèces a pourtant déclaré leurs requêtes recevables.
- Est-il nécessaire qu’une faute soit commise par l’administration pour qu’il y ait
réparation?
- La puissance publique peut-elle être amenée à réparer les dommages causés le ses
agents?
La responsabilité administrative peut être engagée sous deux conditions: soit une faute est
commise: c’est la responsabilité pour faute soit aucune faute n’a été commise: c’est la
responsabilité sans faute.
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A- LA FAUTE DE SERVICE
La faute de service peut être le résultat soit d’agissement matériel soit d’agissement
juridique soit d’une carence de l’autorité administrative.
La faute de service est imputable à la mauvaise organisation ou au fonctionnement
défectueux du service.
Aux termes de l’article 142 du C.O.A, ce fonctionnement défectueux s’apprécie « en tenant
compte de la nature du service, des difficultés qu’il rencontre et des moyens dont il
dispose...»
Le juge dans l’arrêt Mor Diaw (Cour d’Appel de Dakar, 9 janvier 1970), définit la faute
de service comme « un fonctionnement défectueux du service public par rapport à son
fonctionnement normal ».
Pour le juge s’il y a chute d’un véhicule dans un trou de la chaussée c’est parce que
l’administration a fait preuve de carence. (Tribunal de première instance de Dakar, 29
mai 1971, Bassirou Niang)
Dans l’affaire Mamadou Camara, Tribunal de grande instance de Dakar, 7 juillet 2015,
le juge pour déclarer l’Etat du Sénégal entièrement responsable a estimé « qu’il découle des
faits… une faute de service résultant d’agissement matériel dès lors qu’il n’a pas été établi
l’existence d’une difficulté éprouvée par le service public de la police pour accomplir sa
mission.»
Dans cette affaire, Mamadou Camara a assigné l’Etat devant le tribunal en responsabilité
et en indemnisation pour avoir reçu lors des manifestations du 1er février 2012, une grenade
lacrymogène en pleine figure alors qu’il se reposait tranquillement dans son domicile.
B- LA FAUTE PERSONNELLE
Dans le premier cas, la faute est dépourvue de tout lien avec le service (Cour d’Appel, 9
avril 1971, Société Bernabé; Cour d’Appel, 5 février 1973, Gorgui Ndiaye). La faute
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personnelle peut être commise en dehors du service sans pour autant être non dépourvue de
tout lien avec celui-ci.
Pour savoir si la faute personnelle est non dépourvue de tout lien avec le service, trois critères
sont utilisés.
- Le critère matériel:
L’instrument ayant servi à commettre la faute a été remis à l’agent par le service même
(Conseil d’Etat, 26 octobre 1973, Sadoudi)
- Le critère temporel:
La faute a été commise pendant les heures de services (Cour suprême, 8 juin 1968,
Abdoulaye Gueye)
- Le critère géographique:
La faute a été commise à l’intérieur du service (Conseil d’Etat, 23 juin 1954, Dame veuve
Litzler)
C- LE CUMUL DE FAUTE
La théorie du cumul de faute a été introduite par l’arrêt Anguet en 1911 et suppose que deux
fautes distinctes aient été commises, une faute personnelle et une faute de service.
Elle a été développée pour faciliter l’indemnisation des victimes qui risquaient de s’adresser à
des fonctionnaires insolvables.
La théorie est utilisée lorsqu’une faute de service a donné à l’agent l’occasion de
commettre une faute personnelle.
Dans ce cas, la victime peut demander la réparation de la totalité de son préjudice à
l’administration à raison de ce cumul de faute.
Dans le cadre de la responsabilité sans faute, la victime n’a pas à prouver l’existence d’une
faute de l’administration pour être indemnisée, il lui suffit simplement de démontrer un
lien de causalité entre le dommage et une activité imputable à l’administration.
Le juge dans l’affaire Mamadou Birame Wane, 4 février 2014, affirme que le dommage
découle de l’exécution d’une mission de service public. L’administration dans le cas d’une
responsabilité sans faute, ne peut pas s’exonérer en prouvant qu’elle n’a pas commis de faute.
Elle ne peut s’exonérer qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime. La
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responsabilité sans faute est d’ordre public, le juge peut le soulever d’office lors d’un
procès. Elle se décline en deux grandes catégories: la responsabilité pour risque et la
responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques.
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particuliers car ils dérogent au régime général de la responsabilité par leur soumission
notamment au droit privé. Ces régimes sont inspirés des lois françaises du 5 avril 1937 et
du 31 décembre 1957.
Ces dommages peuvent avoir été subis par les élèves du fait d’autres élèves (Cour suprême,
28 mai 1980, Demba Baïdy Gaye), de l’enseignant (Tribunal de première instance, 28
novembre 1970, Babacar Gueye), de la victime elle-même ou de l’action des tiers.
Il est nécessaire que le dommage ait été subi ou causé par les élèves pendant que ces
derniers se trouvaient sous la surveillance d’un membre de l’enseignement public. Il
ressort de la jurisprudence Abdourahmane Ndoye que les périodes où aucune surveillance
n’est organisée ne sont pas pas concernées
B- LA RÉPARATION
Aux termes de l’article 146 du C.O.A, la réparation ne peut être demandée qu’à l'État selon
la procédure civile pour l’application du droit privé.
Aux termes de l’article 146 du C.O.A « le droit à réparation des dommages causés par un
véhicule ou moyen de transport utilisé par l’administration est régi par le droit commun...»
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A- LES CONDITIONS D’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PUBLIQUE
Le fait que le législateur ait évoqué « véhicule ou moyen de transport utilisé par
l’administration » a ouvert la voie à l’adoption d’une conception extensive de la notion de
véhicule. C’est ainsi que pour le juge sénégalais, il peut s’agir d’automobile, de
motocyclette, d’un avion (Tribunal de première instance de Dakar, 12 février 1977,
Cheikhou Dieng) ou même d’un cheval de la garde présidentielle (Tribunal de première
instance de Dakar, 8 décembre 1980, Dame Niama Cissé).
Le juge a refusé à qualifier le back comme un véhicule administratif (Tribunal de première
instance de Dakar, 6 mai 1965, Druon-Ferron)
Aux termes de l’article 147 du C.O.A alinéa 2 et 3, l’action est dirigée contre l’auteur du
dommage mais la responsabilité de l’administration est substituée à l’égard des tiers, à
celle de l’agent qui agit à l’occasion de l’exercice des fonctions.
B- LA RÉPARATION DU DOMMAGE
L’action est dirigée contre l’acteur du dommage en tant que préposé de l’administration mais
c’est l’Etat qui prend en charge la réparation avec possibilité de se faire rembourser par
l’agent par le biais d’une action récursoire. Les actions récursoires permettent à
l’administration ou l’agent public qui a été condamné à réparer intégralement un préjudice
de se retourner contre l’autre pour lui demander le remboursement des sommes versées à la
victime correspondant à sa part de responsabilité dans la réalisation du préjudice. C’est à
travers l’arrêt Laruelle Conseil d’Etat assemblée, 28 juillet 1951 que le juge est revenu sur
la jurisprudence Poursines (28 Mars 1924)
Au Sénégal, les possibilités d’action récursoire de l’Etat contre l’auteur des dommages dans
le cadre des régimes particuliers sont prévues aux articles 146 alinéa 2 et 147 alinéa 3 du
C.O.A.
FIN
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