Cours-Socilinguistique-Khattala 2024 S5

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Département de langue française

Semestre 5
Module : « Sociolinguistique »

Professeur : Ismail KHATTALA

2023/2024
Objectif du cours :
L’étudiant doit être ne mesure de comprendre et d’analyser :
• Le rapport langue/société : approche linguistique
• Le rapport langue/société : approche sociolinguistique
Contenu du cours :
• La sociolinguistique : définitions et genèse
• La place de la sociolinguistique parmi les sciences du langage
• Le champ d’étude et les tâches de la sociolinguistique
• Définition de concepts clés de la sociolinguistique
• Analyse de la situation sociolinguistique du Maroc
• Exemple de méthodologie de recherche en sociolinguistique : modèle de
Fishman
Introduction

L’analyse du langage a attiré, depuis l’antiquité, l’attention des hommes


cherchant à comprendre son fonctionnement ainsi que les processus de son
acquisition. Cependant, la linguistique comme science qui étudie le langage ne
va connaître son essor qu’avec la publication en 1916 du « cours de linguistique
générale » de Ferdinand De Saussure.

La linguistique s’est développée en isolant dans la totalité du langage un objet


censé être homogène : c’est la langue en l’étudiant indépendamment de ses
réalisations et en l’isolant de sa réalité extralinguistique.

Cependant, l’évolution de la linguistique a atteint un stade où on ne pouvait plus


évacuer de la linguistique cette réalité. On ressentit le besoin d’étudier selon une
nouvelle approche les différentes manifestations de la langue au sein de la
société.

En effet, plusieurs questions liées à cette problématique ont émergé :

• Comment déterminer le statut d’une langue, d’un parler dans un pays donné ?

• Comment expliquer le recours d’un individu ou d’une communauté à


plusieurs langues dans leurs usages quotidiens ? Et comment déterminer les
statuts de ces différents parlers ?

Pour étudier les problématiques liées à ces questions, une nouvelle discipline a
vu le jour au début des années 1960. La sociolinguistique qui « a émergé de la
critique salutaire d’une certaine linguistique structurale enfermée dans une
interprétation doctrinaire du Cours de linguistique générale de Ferdinand de
Saussure » (Boyer, 2001, p.7),

La sociolinguistique a été inaugurée par un groupe de chercheurs tels que Dell


Hymes, Fishman, Gumperz, Labov, Ferguson, et d’autres. Leur approche
consiste selon (Fishman, 1971) à « Etudier qui parle quoi, comment où et à
qui».

La sociolinguistique a été initiée par un groupe de chercheurs tels que Dell


Hymes, Fishman, Gumperz, Labov, Ferguson, et d'autres. Selon Fishman
(1971), son approche consiste à « étudier qui parle quoi, comment, où et à qui ».
Ainsi, la sociolinguistique élargit l'étude du langage en intégrant la dimension
sociale, culturelle et contextuelle dans son analyse.

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1 Définitions de la sociolinguistique

Les domaines et les travaux que recouvre la sociolinguistique sont nombreux et


divers. Entre autres, La standardisation des langues, le bilinguisme, la
stratification sociale de la langue. Quelle définition peut – on donner à la
sociolinguique ?

Dans le Dictionnaire de Linguistique de Jean Dubois et ses collaborateurs


(1973, p.435):

« La sociolinguistique est une partie de la linguistique dont le domaine se


recoupe avec ceux de l’ethnolinguistique, de la sociologie du langage, de la
géographie linguistique et de la dialectologie. La sociolinguistique se fixe
comme tâche de faire apparaître dans la mesure du possible la covariance des
phénomènes linguistiques et sociaux et, éventuellement, d’établir une relation de
cause à effet ».

Selon le dictionnaire le Petit Robert (2013), la sociolinguistique est une « partie


de la linguistique qui traite des relations entre langue, culture et société »

William Labov (1976, p.36 ), l’un des pères fondateurs de la sociolinguistique,


déclare « qu’il s’agit là tout simplement de linguistique ».

Il ajoute que (1976, p.37) « pendant des années, je me suis refusé à parler de la
sociolinguistique, car ce terme implique qu’il pourrait exister une théorie ou
une pratique linguistique fructueuse qui ne serait pas sociale »

Cette définition, s’oppose explicitement au structuralisme saussurien et aux


enseignements du Cours de linguistique générale.

Labov reproche aux structuralistes de s’obstiner « à rendre compte des faits


linguistiques par d’autres faits linguistiques, et refusent toute explication fondée
sur des données extérieures tirées du comportement social » (LABOV, 1976, p.
259).

Avec Boyer H. (1996) : « La sociolinguistique prend en compte tous les


phénomènes liés à l’homme parlant au sein d’une société ».

« La sociolinguistique entend décrire la langue dans ses emplois, ses usages.


Cet usage manifeste des variations : le locuteur opère un choix parmi les
variétés – les sous-codes – de la langue qu’il maîtrise, notamment en fonction
de son statut social, du « style » et de la situation qui peut être plus au moins
formelle » (Baylon, 2008, p. 88)

On peut considérer que l’émergence du territoire de recherche de cette discipline


s’est produite d’abord sur la base d’une critique des orientations théoriques et
méthodologiques de la linguistique structurale.
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Synthèse :

Les définitions de la sociolinguistique que nous venons de présenter mettent en


avant son caractère interdisciplinaire et son objectif d'étudier les liens entre la
langue et la société. Nous pouvons en déduire que la sociolinguistique est une
discipline qui englobe l'étude des relations entre langue et société. Elle se
présente comme une approche scientifique et sociologique du langage. Son
objectif est d'analyser la langue telle qu'elle est réellement utilisée dans la vie
quotidienne, plutôt que de se concentrer sur la manière dont elle devrait être
utilisée. En d'autres termes, la sociolinguistique se penche sur la langue en tant
qu'elle est parlée et échangée au sein de la société. Elle exploite les
connaissances des grammairiens et des linguistes, tout en intégrant les méthodes
d'enquête propres aux sociologues.

La sociolinguistique se positionne ainsi comme une discipline interdisciplinaire,


chevauchant les domaines linguistique et sociologique. Sa méthodologie
spécifique lui confère une autonomie d'investigation, notamment par
l'enregistrement des locuteurs dans des contextes ordinaires. En somme, la
sociolinguistique cherche à décrire la relation entre la langue et la société en
s'appuyant sur une approche à la fois linguistique et sociologique.

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2 La genèse de la sociolinguistique

2.1La position d’Antoine Meillet

Antoine Meillet (1866-1936) a souligné dans de nombreux textes une


contradiction qu’il reconnaît chez Saussure. Ce dernier reconnaît le caractère
social de la langue, mais il l’écarte comme objet d’étude de la linguistique. Par
cette position, Meillet, qu'on a souvent présenté comme disciple de Ferdinand de
Saussure, rejoint les propos du sociologue Émile Durkheim. Il explique que :

« Le langage est donc éminemment un fait social. En effet, il entre exactement


dans la définition qu’a proposée Durkheim ; une langue existe indépendamment
de chacun des individus qui la parlent, et, bien qu’elle n’ait aucune réalité en
dehors de la somme de ces individus, elle est cependant, de par sa généralité,
extérieure à lui » (Meillet, 1921, p. 230).

Il ajoute encore qu’ « en séparant le changement linguistique des conditions


extérieures dont il dépend, Ferdinand de Saussure le prive de réalité ; il le réduit
à une abstraction qui est nécessairement inexplicable ».

Pour lui, Saussure pose le caractère social de la langue et passe à autre chose, à
une linguistique formelle, « la langue en elle-même et pour elle-même ». Sans
pour autant que cette affirmation ait d’implications méthodologiques sur l’étude
du langage alors que la langue est à la fois « un fait social » et « un système où
tout se tient ».

Bernstein, sociologue de l’éducation anglais, est le premier à prendre en


considération à la fois les productions linguistiques réelles des élèves et leurs
situations sociologiques. Ses études ont porté sur le code restreint des élèves
issus des milieux défavorisés et le code élaboré dominé par les élèves des classes
aisées qui dominent aussi le précédent.

2.1La conférence sur la sociolinguistique (1964)

William Bright a donné naissance à une conférence sur la sociolinguistique qui a


eu lieu entre le 11 et le 13 mai 1964 à l’UCLA (Université de Californie à Los
Angeles) et a réuni 25 chercheurs dont 8 venaient de l’UCLA, 15 autres
américains et 2 de la Yougoslavie.

Ce sociolinguiste, qui a publié les actes de cette conférence, explique dans son
introduction que l'une des tâches majeures de la sociolinguistique est de montrer
que la variation ou la diversité n’est pas libre, mais qu’elle est corrélée avec les
différences sociales systématiques (William Bright (éd.), 1966, p.11).

Cette conférence marque la naissance de la sociolinguistique.


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En effet, Bright concevait la sociolinguistique comme « une approche annexe
des faits de langue qui vient en complément de la linguistique, de la sociologie et
de l’anthropologie » (Calvet, 1993, p. 13).

D’autre part, William Labov affirme que : « Meillet, contemporain de Saussure,


pensait que le 20ème siècle verrait s’élaborer une procédure d’explication
historique fondée sur l’examen du changement linguistique en tant qu’il s’insère
dans les transformations sociales (1921). Mais les disciples de Saussure, tels
que Martinet (1961), se sont attachés à rejeter cette conception, insistant sans
relâche pour que l’explication linguistique se limitât aux interrelations des
facteurs structuraux internes » (Labov, 1976, p.259).

Pour Labov, la sociolinguistique est « l’étude de la langue dans son contexte


social » (Labov, 1976, p. 258).

7
3 La place de la sociolinguistique dans les sciences du langage

3.1La sociolinguistique et le structuralisme

Le structuralisme considère la langue comme un système clos et homogène, où


les éléments entretiennent des relations spécifiques. En tant que fait social, la
langue existe dans la collectivité, formant un système commun pour tous les
individus. Cependant, ce système n'est pas complet chez chacun d'eux ; la
langue qu'un individu possède est celle qu'il enregistre, pas nécessairement celle
qu'il parle.

La parole, en revanche, est perçue comme un acte individuel. Étant un


phénomène non homogène, la parole est exclue de l'étude structurelle, et elle ne
sera jamais examinée au même niveau que la langue.

Les structuralistes, en raison de cette approche, écartent de leur analyse les


différentes variations de la langue susceptibles de perturber le système. Ils se
concentrent plutôt sur l'usage le plus fréquemment utilisé et généralisé,
privilégiant ce qui est commun et stable, tout en ignorant les variantes qui ne
suivent aucune règle d'un groupe.

3.2La sociolinguistique et la grammaire générative et transformationnelle

La distance entre ces deux disciplines est assez grande dans la mesure où elles
n’ont pas le même objet d’étude ni les mêmes approches : Chomsky fait
correspondre le rapport langue / parole à compétence / performance, dont la
langue est la compétence individuelle intériorisée par le sujet parlé qui est un
locuteur / auditeur idéal appartenant à une communauté linguistique
parfaitement homogène.

La performance est la production et la réalisation de la compétence. Cette


performance ou les données observables de la parole sont considérées comme
dégradées et ne peuvent pas donc constituer un objet d’étude valable. On les
considère comme les erreurs de production. Cet objet d’étude qui est la
compétence oppose la grammaire générative à la sociolinguistique.

Cette dernière (la sociolinguistique) est née pour étudier la ou les performances
des locuteurs. Les sociolinguistes estiment que la langue n’est pas seulement
porteuse d’un contenu mais elle est le contenu.

En résumé, alors que Chomsky se concentre sur la compétence linguistique


individuelle et la rejette en grande partie dans l'étude de la performance, la
sociolinguistique met l'accent sur l'étude des performances des locuteurs dans
des contextes sociaux spécifiques et cherche à comprendre les aspects sociaux et
culturels de la langue.
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3.3La sociologie du langage

Le postulat d’étude établi par la sociologie du langage porte sur les fonctions
sociales des différentes variétés d’une langue. Ces variétés peuvent être
reconnues dans certains cas et certaines communautés comme des langues.
Fishman parle dans ce cas pour qualifier cette approche de sociologie du
langage en tant que "sociolinguistique interactionnelle". Il précise que cette
discipline se concentre sur l'étude des relations interpersonnelles et des
changements de comportement des acteurs en fonction des différences sociales.
En conclusion, la sociologie du langage est l’étude des faits de langue comme
indice de clivages sociaux. Elle privilégie la composante non linguistique.

Ralph Fasold explique dans ces deux livres : The Sociolinguistics of society
(1984) et The Sociolinguistics of Language (1990) que:

« L’une de ces subdivisions prend la société comme point de départ et la langue


comme problème social et comme corpus […]. L’autre grande division part de
la langue comme problème social et comme corpus […]. Une autre façon de
voir ces subdivisions est de considérer ce volume consacré à une forme spécial
de sociologie et le second comme consacré à la linguistique d’un point de vue
particulier. »

En conclusion, la sociologie du langage se définit comme l'étude des faits


linguistiques en tant qu'indicateurs de clivages sociaux. Elle accorde une
importance particulière à la composante non linguistique, cherchant à
comprendre les implications sociales et culturelles des variations linguistiques.

3.4La géographie linguistique ou la dialectologie

La géographie linguistique et la dialectologie constituent deux disciplines qui


partagent le même objet d'étude en suivant des démarches et des méthodes
communes.

Elles se basent généralement sur la comparaison des systèmes phonétiques,


syntaxiques et lexicaux de différentes variétés de langues.

En plus, ces deux disciplines peuvent avoir pour objectif de délimiter les
frontières régionales et, par conséquent, les frontières linguistiques qui sont
appelées « isoglosses » (la ligne droite séparant deux aires dialectales). Ces
isoglosses permettent de cartographier les variations linguistiques et de
déterminer les caractéristiques linguistiques spécifiques à chaque région.

En bref, la géographie linguistique et la dialectologie examinent comment les


langues et les variétés se manifestent dans l’espace et comment elles sont
influencées par des facteurs sociaux, culturels ou historiques.

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4 Les tâches de la sociolinguistique

Avant de préciser les tâches de la sociolinguistique, nous avons jugé utile


d’énumérer les différents domaines et secteurs liés à cette discipline scientifique.
A ce propos, Jean-Baptiste Marcellesi rappelle les propos de Michael Halliday
établissant 15 secteurs dans la sociolinguistique :

« Aussi comprend-on que Halliday ait pu définir au XIe congrès des linguistes (1972)
15 secteurs dans la sociolinguistique :
1- Macrosociologie du langage et démographie linguistique ;
2- Diglossie, multilinguisme, multidialectalisme ;
3- Planification, développement et standardisation linguistiques ;
4- Phénomènes de pidginisation et de créolisation ;
5- Dialectologie sociale et description des variétés non standard;
6- sociolinguistique et éducation ;
7- éthnographie de la parole ;
8- Registres et répertoires verbaux, passage d'un code à l'autre;
9- Facteurs sociaux du changement phonologique et grammatical;
10- Langage, socialisation et transmission culturelle ;
11- Approches sociolinguistiques du développement linguistique de l'enfant ;
12- Théories fonctionnelles du système linguistique ;
13- relativité linguistique;
14- linguistique ethnométhodologique ;
15- théorie du texte. »

Bright Bright (1966) souligne l'importance de la sociolinguistique dans la


description systématique de la diversité linguistique. La tâche majeure de cette
discipline réside dans la description méthodique de la covariance entre la
structure linguistique et la structure sociale.

Il s’agit d’étudier comment la variation dans la structure linguistique est liée aux
structures sociales au sein d’une communauté donnée. Ce qui a pour
conséquence immédiate de reconnaitre la diversité linguistique liée aux
différents usages linguistiques dans sa relation avec les interactions complexes
entre le langage et la société.

A ce propos, Antoine Meillet en 1906 ajoute que : « Il faudra déterminer à


quelle structure sociale répond une structure linguistique donnée et comment
d’une manière générale les changements des structures sociales se traduisent
par des changements de structures linguistiques ».

Baylon pour sa part explique que « La sociolinguistique a affaire à des


phénomènes très variés : les fonctions et les usages du langage dans la société,
la maîtrise de la langue, l’analyse du discours, les jugements que les
communautés linguistiques portent sur leur(s) langue(s), la planification et la
10
standardisation linguistiques… Elle s’est donné primitivement pour tâche de
décrire les différentes variétés qui coexistent au sein d’une communauté
linguistique en les mettant en rapport avec les structures sociales; aujourd’hui,
elle englobe pratiquement tout ce qui est étude du langage dans son contexte
socioculturel. » (2008, p.35)

On en déduit donc que l’étude et l’explication des phénomènes linguistiques doit


prendre en considération des données extralinguistiques à savoir les facteurs
politiques, sociaux et culturels.

Fishman (p.20) explique à ce propos que « La SL est l’étude des caractéristiques


des variétés (1), des caractéristiques de leurs fonctions (2) et des
caractéristiques de leurs locuteurs (3), en considérant que ces trois facteurs
agissent sans cesse l’un sur l’autre et se modifient au sein d’une même
communauté linguistique ».

On déduit de cette citation que la sociolinguistique décrit les langues de trois


points de vue, à savoir :

• Point de vue linguistique

• Point de vue fonctionnel

• Point de vue symbolique

Ces trois points de vue doivent être considérés dans leur relation dialectique.
Une situation linguistique est nécessairement changeante sous la pression des
phénomènes extra-linguistiques, à savoir politique, idéologique, socio –
économique…

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5 Concepts clés de la sociolinguistique

Toute discipline repose sur un système de concepts qui permet de comprendre


ses principes de base ainsi que les approches d’analyse et de réflexion qu’elle
adopte.

L’examen de ce système conceptuel explique et justifie comment cette


discipline ou cette théorie rend compte des phénomènes qu’elle étudie.

5.1« Communauté linguistique »

Le dictionnaire de linguistique : « On appelle communauté linguistique un


groupe d’êtres humains utilisant la même langue ou le même dialecte à un
moment donné et pouvant communiquer entre eux ».

Pour Labov, « La communauté linguistique se définit moins par un accord


explicite quant à l’emploi des éléments du langage que par une participation
conjointe à un ensemble de normes ». (1976, p.187).

Les études de Labov ont conduit selon Christien BAYLON à disjoindre le lien
entre système et homogénéité, et à définir la communauté linguistique « non
plus comme l’ensemble des locuteurs qui parlent de la même manière, mais
comme l’ensemble de ceux qui, malgré la diversité de leurs pratiques, partagent
les mêmes normes et les mêmes jugements » (Baylon, p. 37)

Chevillet (1991, p. 18) propose une nouvelle définition du concept de


communauté linguistique (CL) : « La communauté linguistique est dominée par
ce que nous appellerons la règle des trois unités (spatiale, culturelle et
temporelle). L'unité spatiale est impérative : c'est pourquoi nous refusons de
considérer une seule communauté anglophone. L'unité temporelle est
absolument nécessaire, et la communauté ne peut s'appréhender que
synchroniquement. Quant à l'unité culturelle, il faut qu'elle soit respectée : les
membres d'une communauté doivent partager les mêmes valeurs et un
patrimoine culturel commun. »

Montgomery (1986, p.134) de son côté propose la définition suivante :

« Le terme de communauté linguistique réfère au groupe de gens qui partage:


(1) une langue en commun ; (2) une manière commune d‘utiliser la langue ; (3)
des réactions et des attitudes communes envers la langue ; (4) des liens sociaux
communs (i.e. ils tendent d‘interagir avec l’autre ou tendent d’être liés au
minimum par quelques formes d‘organisation sociale) ».
Selon cette conception, plusieurs critères doivent être vérifiés pour pouvoir
parler d’une communauté linguistique à savoir :

- Une langue commune


- Les mêmes positions envers cette langue

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- Les membre de cette communauté doivent être liés socialement les uns aux
autres.

Toutefois, La portée de cette définition peut être critiquée pour la simple raison
qu’en pratique, il est difficile de trouver des cas où toutes ces conditions sont
simultanément réunies.

J-A. Fishman (1971, p.43) fournit la définition suivante : « Une communauté


linguistique existe dès l’instant où tous ses membres ont au moins en commun
une seule variété linguistique ainsi que les normes de son emploi correct. Ainsi
une communauté linguistique peut se réduire à un groupe de personnes refermé
sur lui, dont tous les membres sont bien d’accord ensemble, ayant besoin les uns
des autres dans des circonstances bien déterminées. »

On en déduit qu’à l’intérieur d’une communauté linguistique donnée, on peut


identifier plusieurs communautés linguistiques plus petites et plus restreintes
liées à plusieurs paramètres, à savoir : l’« âge », le « sexe », la « parenté » ou
encore le « pouvoir symbolique » .

Synthèse

À partir des définitions proposées, nous pouvons déduire que le concept «


Communauté linguistique» renvoie dans un premier sens à un groupe d’êtres
humains utilisant la même langue ou le même dialecte à un moment donné et
pouvant communiquer entre eux.

Toutefois, et dans le souci de contextualiser la signification de ce terme et de


refléter la réalité du terrain, on peut considérer que dans toute communauté
linguistique étendue on peut identifier un ensemble de communautés
linguistiques intérieures, plus petites, caractérisées par un certain nombre de
variétés correspondant à l‘âge, au sexe, à la profession, à l‘affiliation régionale
et à l‘origine ethnique.

5.2« Variation » , « Variété »

La variation se situe au cœur de l’étude sociolinguistique, c’est le point de départ


qui définit le caractère social de la langue considérée comme étant hétérogène et
plurinormes.

Le principe de base étant qu’« il n’est pas de langue que ses locuteurs ne
manient sous des formes diversifiées », les sociolinguistes « saisissent cette
différenciation en parlant de variétés pour désigner différentes façons de parler,
de variation pour les phénomènes diversifiés en synchronie, et de changement
pour la dynamique en diachronie » (Gadet, 2003, p. 7).

Baylon (2008) ajoute que « La sociolinguistique entend décrire la langue dans


ses emplois, ses usages. Cet usage manifeste des variations : le locuteur opère
13
des choix parmi les variétés – les sous-codes – de la langue qu’il maîtrise,
notamment en fonction de son statut social, du « style » et de la situation qui
peut être plus ou moins formelle » (p. 88).

De plus, « La sociolinguistique envisage les langues non seulement du côté du


système, mais aussi du côté de l'usage qu'en ont les locuteurs, traversé par la
diversité et la variation : variation historique, variation géographique, variation
sociale, variation situationnelle ». (Josiane Boutet, Françoise, 2003, p. 17).

Le terme "variation" fait donc référence à des différences régionales, sociales ou


contextuelles dans l’utilisation d’une langue donnée.

Ainsi, nous pouvons distinguer plusieurs types de variation :

- « La variation diachronique est liée au temps ; elle permet de contraster les


traits selon qu'ils sont perçus comme plus ou moins anciens ou récents. »

- « La variation diatopique joue sur l'axe géographique ; la différenciation


d'une langue suivant les régions relève de cette variation. Pour désigner les
usages qui en résultent, on parle de régiolectes, de topolectes ou de géolectes »

- « La variation diastratique explique les différences entre les usages


pratiquées par les diverses classes sociales. Il est question en ce cas de
sociolectes »

- « On parle de variation diaphasique lorsqu'on observe une différenciation des


usages selon les situations de discours ; ainsi la production langagière est-elle
influencée par le caractère plus ou moins formel du contexte d'énonciation et se
coule-t-elle en des registres ou des styles différents » (Moreau, 1997, p.284).

A partir des différentes définitions que nous venons d’exposer, nous pouvons
déduire que le terme « variété » désigne toujours néanmoins un sous–système
linguistique, un code particulier d’un code général, en dépit des considérations
sur lesquelles il repose (considérations strictement géographiques,
considérations à prépondérance idéologique, considérations purement
stylistiques).

5.3 « Norme »

5.3.1 Définitions

Si le concept de variation est au cœur de la problématisation sociolinguistique,


la norme y serait donc centrale.

Généralement, la norme est considérée comme une « forme de langue basée sur
des critères subjectifs, esthétiques et sociaux ».

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De plus, « Une norme linguistique est un trait unificateur d’une société : tout le
monde la connaît et sa connaissance permet de distinguer les autochtones des
étrangers » (Baylon, 2008, p.93)

Legendre (2006), définit ce concept comme étant « un ensemble de


recommandations déterminées par une partie de la société et précisant ce qui
doit être reconnu parmi les usages d’une langue afin d’obtenir un certain idéal
esthétique ou socioculturel ».

« Il s’agit donc d’un ensemble de principes, de codes, de règles, de procédures


servant de référence (standards, règles, principes et assises). Il s’agit en fait des
attentes linguistiques » (Préfontaine et coll., 1998).

Nous pouvons en déduire donc que ce qui caractérise la norme par rapport aux
autres langues ou variétés en usage dans une communauté linguistique est le fait
qu’elle constitue pour les membres de cette communauté la référence dotée au
niveau de la forme par de règles strictes qui régissent son fonctionnement
internes.

Sur le plan socioculturel et esthétique, cette norme est reconnue d’être l’idéal et
l’emporte ainsi sur les autres variétés linguistiques qui coexistent avec elle au
sein de la même communauté linguistique.

Par exemple, et concernant langue française c’est l’Académie Française, qui a


vu le jour en 1635, à l’initiative de Richelieu qui joue le rôle de garant de la
norme prescriptive de cette langue. Son objectif initial était de formuler des
normes visant à rendre la langue pure, éloquente, et capable de décrire les arts
ainsi que les sciences nobles. Pour ce faire, elle s’est chargée de l’élaboration
d’une grammaire de référence et de trier, sur le plan lexical, les néologismes en
éliminant ceux qui ne respectaient pas les normes établies.

5.3.2 Les types de normes

Selon le modèle proposé par Marie-Louise Moreau (1997), il existe cinq types
de normes qui sont distingués en fonction de la pratique perçue par le locuteur
ou autrui, en termes de prescription, de contrôle et de conformité linguistique.
Ces normes jouent un rôle dans la capacité des locuteurs à produire des attitudes
langagières et des jugements évaluatifs dans des contextes spécifiques. Les cinq
types de normes sont les suivants :

- Les normes objectives regroupent les habitudes et coutumes linguistiques


partagées, reflétant ce qui est utilisé le plus fréquemment et partagé par
l'ensemble des locuteurs.

- Les normes descriptives enregistrent les faits constatés sans hiérarchisation ni


jugement de valeur

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- Les normes prescriptives proposent un ensemble de normes objectives
comme modèle à suivre, soulignant le "bon usage" de la langue.

- Les normes subjectives attribuent des valeurs esthétiques, affectives ou


morales aux formes linguistiques

- Les normes fantasmées sont un ensemble abstrait et inaccessible de


prescriptions et d'interdits.

En somme, la norme, en tant que concept sociolinguistique, sert de référence


pour évaluer les pratiques linguistiques au sein d'une communauté, influençant
ainsi les représentations sociales et les jugements sur la langue.

5.3.3 Les caractéristiques de la norme prescriptive

Généralement, la norme comme règle se caractérise par ses deux aspects :

a- Arbitraire

Socialement parlant, la « norme » est choisie parmi tous les usages de la langue
qui sont connus corrects. D’après le sociologue Pierre Bourdieu, on s’efforce
toujours de se tenir à distance du commun des locuteurs en adoptant une façon
de parler conforme à celle de la classe sociale qui détient le pouvoir
économique, social et culturelle, c’est- à – dire le respect du « bon usage »
fonctionne comme un marqueur de distinction au sens où l’entend.

b- Stable
Puisque la norme est recommandée par une instance gouvernementale, à
l’exemple de l’Académie française en France, elle est à l’abri de tout
changement, et assure, par conséquent, l’intercompréhension entre les
interlocuteurs.

Pour certains sociolinguistes, on ne parle pas de norme mais de « variété


légitime » ou de « langue standard », qui se caractérise formellement par un
certain nombre de règles en matière de phonologie, de lexique, de syntaxe et de
style. Elle est en général associée au code écrit.

5.4 « Dialecte »

À l’origine, les variétés à caractère régional sont connues sous le nom de


« dialecte ». C’est ce qui justifie les dénominations telles que géographie
dialectale ou tout simplement dialectologie, qui désignent les disciplines dont le
but est de délimiter, à l’intérieur d’une zone géographique donnée, des espaces
auxquels correspondent des systèmes linguistiques spécifiques, système
linguistique spécifique ne veut dire autre chose que l’existence d’un certain
nombre de traits linguistiques communs à un espace géographique et

16
discriminant par rapport à une autre aire géographique (ville, département, île,
oasis, nord, sud…).

Il est à signaler que le dialecte accepte deux sens :

- Le premier désigne un sous-système linguistique circonscrit


géographiquement d’un système global référentiel.

- Le deuxième ne le considère pas comme un sous-système linguistique


particulier d’une langue X, mais bien par rapport à cette langue X d’une autre
langue Y. Cette langue Y soit ou non apparentée génétiquement à la langue X
n’est pas important tant qu’elle se maintient en tant que système particulier.
Dans ce deuxième sens, on n’oppose plus deux réalités différentes d’un même
objet, mais deux objets différents.

La sociolinguistique s’est saisie et comparée du terme « dialecte » pour lui


donner une définition précise : « Dialecte » est utilisé au sens de variété
linguistique indicatrice d’une position sociale inférieure à une autre position
sociale, donc à une langue. Dans certains cas, les sociolinguistes utilisent plutôt
le terme de « « dialecte social » ou « sociolecte ».

Pour toutes les situations qu’il peut caractériser (région, société, ethnie, région,
politique…), le terme de dialecte est toujours chargé idéologiquement.

Exemples :

• Idéologie coloniale – les Français considèrent, dans l’espace francophone,


toutes les autres langues comme des dialectes.

• Idéologie du centre par rapport à la périphérie.

• Idéologie de la classe supérieure (dichotomie apprentissage / acquisition) – la


langue de la classe sociale dominante est une arme fatale dans l’ascension
sociale.

Synthèse

Joshua Fishman a adopté le concept de "variété" par opposition à celui de


"dialecte" en raison de sa charge idéologique neutre. Le terme "variété" est
choisi pour sa neutralité, car il ne désigne pas une position linguistique
particulière, mais plutôt des caractéristiques linguistiques qui s'opposent à
d'autres.

En d'autres termes, une "variété" ne représente qu'un système autonome ou un


sous-système linguistique, sans connotation de supériorité ou d'infériorité
intrinsèque. Toute hiérarchisation entre les variétés est alors basée sur des
considérations sociales. Selon cette perspective, toutes les variétés linguistiques
sont considérées comme égales, et la différenciation, la distinction et la

17
hiérarchisation entre elles sont le résultat de considérations sociales et
d'idéologies sous-jacentes.

En résumé, le choix du terme "variété" permet d'éviter des connotations de


valeur intrinsèque entre les différentes formes linguistiques, laissant la place aux
facteurs sociaux et idéologiques pour déterminer leur fonction et leur place dans
la société.

5.5Traits définitoires d’une variété

Fishman propose de définir un système linguistique (variété d’une langue) par


quatre traits fondamentaux étroitement liés les uns aux autres : « normalisation»,
« autonomie », « historicité » et « vitalité ». Ces traits ne sont pas immanents,
transcendants, ils sont tous d’ordre externe.

5.5.1 Normalisation

La normalisation d’une langue en contact avec d’autres langues concurrentes


ou la normalisation de l’une des autres variétés d’une langue.

La normalisation n’est pas un fait de structure linguistique, mais un fait


d’organisation politique ou de formation sociale. Elle n’est pas une propriété de
la langue en soi. Il n’existe pas de langue naturellement normalisée. Aucune des
langues L1, L2, L3 d’une communauté linguistique (CL) ne peut prétendre à des
dispositions linguistiques particulières inhérentes qui les prédestinaient à la
normalisation.

Baylon définit la normalisation comme étant « la codification et


l’acceptation, par une communauté de locuteurs, d’un système formel de normes
qui définissent l’usage correct » (Baylon, 2008, p.165)

Il explique que « La normalisation consiste surtout dans l’élaboration et la


mise en vigueur de systèmes de normes d’usage linguistique. Or, cela suppose
nécessairement que la normalisation est toujours consciente. En réalité, du
moment qu’elle prospective par définition, elle est aussi prévoyante. Elle
implique, en effet, non seulement une attitude favorable envers la langue qu’il
s’agit de normaliser, mais aussi […] un espoir et confiance dans l’efficacité de
l’action sociale éveillé et concertée […] la normalisation montre comment les
deux fonctions linguistiques fondamentales – la conscience et le contrôle-
opèrent concomitamment et complémentairement » (BAYLON, 2008, p. 177).

La normalisation est donc un fait social et un choix idéologique et politique


conscient. Ce sont les états qui normalisent (à travers les académies, les mass –
médias, les décrets…) : si l’état n’est pas à l’origine de l’entreprise de
normalisation (d’officialisation), il intervient pour promouvoir et imposer une
langue déjà formellement normalisée (standardisation).

18
Une fois codifiée, une langue se trouve matériellement associée à toute
institution sociale, juridique, politique, culturelle et en devient le véhicule le
plus souvent utilisé. Normalisation et pouvoir sont étroitement et intimement
liés : la normalisation dépend objectivement de la nature du pouvoir, de ses
options en matière de politique linguistique. Ces options peuvent être
développées comme suit :

- Faut- il normaliser une langue ou plusieurs langues ?

- Quelle langue peut-on normaliser ?

- Sur quels critères on se base pour normaliser ?

Normalisation / standardisation
D’autre part, il est impératif de faire distinction entre la normalisation et la
standardisation puisque la "normalisation" est définit comme étant le processus
par lequel, au sein d'un espace dialectal, une variété régionale, sociale ou autre
émerge comme un modèle prestigieux auquel les autres pratiques linguistiques
ont tendance à se conformer. En revanche, la "standardisation" serait le
processus méthodique d'imposition d'une variété stabilisée et "grammatisée"
(généralement une variété écrite et formellement décrite) sur un territoire
spécifique, unifié par le biais d'institutions, notamment culturelles et
linguistiques.

A ce propos, Baggioni Daniel (1995, pp. 73-86) explique que la « normalisation


» est le processus par lequel, dans un espace dialectal, une variété régionale,
sociale ou autre s'impose comme modèle prestigieux sur lequel les autres
pratiques tendent à se « régler », Alors que la « standardisation » serait le
processus rationnel d'imposition d'une variété stabilisée et « grammatisée » (une
variété écrite et décrite évidemment) sur un territoire donné, unifié par des
institutions entre autres culturelles-linguistiques »

5.5.2 Autonomie

Au sein de toutes les communautés linguistiques (CL), les langues et les


différentes variétés linguistiques ont une tendance naturelle à chercher leur
autonomie, souvent encouragée par la volonté des locuteurs. La puissance d'un
système linguistique, qu'il s'agisse d'une langue ou d'une variété, réside
essentiellement dans sa singularité en tant que système distinct et indépendant.

Dans les CL où les langues sont déjà clairement distinctes, la question de


l'autonomie ne se pose généralement pas, souvent en raison de la distance
géographique ou linguistique. En revanche, au sein d'une même CL où
coexistent deux ou plusieurs langues étroitement apparentées (présentant un
faible degré de différenciation synchronique), chaque langue, afin d'éviter

19
l'assimilation, l'absorption et la domination, cherche à affirmer sa spécificité et
son autonomie.

La normalisation et l'autonomie sont intrinsèquement liées à travers un


processus politique commun. Dans les luttes entre les différentes variétés d'une
même langue (qui sont nécessairement apparentées) ou entre différentes langues
apparentées, l'enjeu est l'autonomie. Cela découle du fait que chaque variété ou
langue aspire fondamentalement à la normalisation. En effet, aucune variété,
aucune langue ne peut revendiquer la normalisation sans être préalablement
perçue comme un système autonome. Il n'est pas fortuit que la reconnaissance
de l'autonomie soit généralement accordée aux variétés ou aux langues déjà
normalisées ou en voie de normalisation.

5.5.3 Historicité

Une langue ou une variété récemment normalisée ou nouvellement promue


cherche à établir une légitimité historique, concept que Joshua Fishman qualifie
d' « historicité ». Les élites au pouvoir, qui imposent leur langue (ou une langue
de leur choix) tout en reléguant d'autres langues plus anciennes et
historiquement établies, s'efforcent de justifier leur choix linguistique et
d'expliquer la nouvelle distribution des positions et des statuts des langues
présentes.

Afin de s'affirmer et de gagner l'acceptation, une langue doit non seulement être
normalisée et autonome, mais aussi bénéficier d'une justification historique.
Parmi toutes les langues en concurrence au sein d'une communauté linguistique,
celle qui est objectivement prédisposée et candidate à la normalisation est
souvent la langue liée à la tradition nationale historique, plutôt que celle
associée à l'arrivée au pouvoir d'une classe ou d'une alliance de classes.

Pour légitimer la promotion d'une langue et atténuer son caractère récent, le


pouvoir peut recourir à la création de mythes, à l'invention de fausses
généalogies, et à l'argumentation sur des aspects tels que la position
internationale de la langue, son rôle en tant que langue scientifique, la puissance
de sa culture, et l'étendue de son influence. Ainsi, une langue peut acquérir son
historicité simplement par son association et son identification à une idéologie
importante.

5.5.4 Vitalité

Une langue est considérée comme vitale quand elle est spontanément employée
par des groupes de locuteurs pour une ou plusieurs fonctions fondamentales.

En principe et théoriquement, plus le nombre des locuteurs d’une langue, plus


elle a des chances de s’affirmer en tant que langue autonome, normalisée et

20
historiquement légitime. Au contraire, si les usagers d’une langue ou d’une
variété sont en nombre restreint, si leur position sociale est surcroît faible, leur
langue ou leur variété ne peut être considérée comme vitale, même si elle l’est
effectivement dans les limites du groupe linguistique qu’ils constituent.

Une telle variété est généralement perçue comme un système incomplet,


imparfait, voire défectueux, en tout cas incapable de servir pour des fonctions
importantes. Mais, une langue peut ainsi être vitale, c’est-à-dire massivement
parlée, sans pouvoir s’imposer comme langue normalisée (Arabe dialectal, par
exemple).

21
5.6Pidjins / Pidjinisation

Dans certaines circonstances, la société peut devenir le terrain propice à


l'émergence et à la structuration d'une langue. C'est notamment le cas des
langues communément désignées sous les termes de pidgins, sabirs et créoles.
Ces langues revêtent une grande importance tant pour le sociolinguiste que pour
le linguiste.

Ces langues se développent dans des situations de contact de langues en


empruntant certains traits à une langue et certains aux autres.

« Un pidgin est une langue composite et véhiculaire, un amalgame d’éléments


linguistiques de deux langues, née de besoin généralement limités (commerciaux
par exemple) entre au moins deux groupes parlant des langues différentes, par
un processus de réduction ou de simplification d’une langue de ces groupes,
généralement celle qui occupent une position sociale supérieure. Ce processus
est appelé pidginisation » (Baylon, 2008, p.123).

Selon Claude Hagège, « les pidgins compensent l’interruption de


communication due à un multilinguisme circonstanciel (jargons de commerce
entre usagers de langues différentes) ou imposé (création d’une langue après
perte) chez des travailleurs amenés autrefois , surtout comme des esclaves, sur
des plantations par des employeurs qui amalgamaient sciemment des tribus. (C.
Hagège , la structure des langues , p.119-120)

Un pidgin est donc une forme simplifiée de langue qui se développe comme
moyen de communication entre des groupes de personnes ayant des langues
maternelles différentes. Il émerge généralement dans des situations de contact
linguistique intense, telles que le commerce ou la colonisation. Les pidgins ont
souvent une grammaire simplifiée, un vocabulaire limité et peuvent être utilisés
comme langage de communication entre des groupes linguistiques variés. Un
exemple classique est le "pidgin anglais" qui s'est développé dans le commerce
maritime entre des populations aux langues différentes.

Le processus par lequel une langue pidgin se forme s’appelle pidginisation

Les pidgins, sont souvent liés à des réalités économiques et sociales


particulières.

Ils émergent souvent pour répondre à des besoins communicatifs dans des
contextes particuliers (liés à des raisons économiques ou de travail ) où des
personnes de différentes langues se trouvent dans l’obligation de communiquer
ce qui donne naissance à un code simplifié pour assurer les échanges
linguistiques entres ces regroupes ayant des langues maternelles différentes.

22
D’autre part, les membres des groupes sociaux issus des classes défavorisées et
dominés sont souvent confrontés à des barrières linguistiques qui les empêchent
d’accéder à la langue du groupe dominant ce qui favorise l’émergence des
pidgins comme langue simplifiée qui assure la communication entre ces deux
classes sociales différentes.

En résumé, les pidgins se forment en réponse à des besoins pratiques de


communication dans des contextes économiques et sociaux spécifiques, reflétant
les dynamiques complexes entre les groupes dominants et dominés.

Ces langues simplifiées deviennent des moyens essentiels de communication là


où les langues des groupes en contact ne peuvent pas facilement remplir ce rôle
en raison de barrières linguistiques et sociales.

5.7Créole / Créolisation

« Par définition, un pidgin idiome accessoire et de contact, n’est la langue


maternelle d’aucun de ses locuteurs : il ne remplace pas d’origine de ceux qui le
parlent, mais s’y substitue pour certains types d’échanges. Un créole apparait
lorsque ce pidgin devient la langue maternelle d’une partie ou de l’ensemble
de la communauté linguistique où il est en usage » (Baylon, 2008, p. 123).

On en déduit que la créolisation renvoie au processus par lequel un pidgin


évolue pour devenir langue maternelle d’une partie ou de l’ensemble de la
communauté où il est utilisé. À la différence des pidgins, les créoles ont des
locuteurs natifs qui les transmettent de génération en génération.

C’est un processus qui implique généralement une expansion et une


complexification de la structure interne du pidjin, souvent initialement
rudimentaire. La créolisation s'accompagne également d'un phénomène de
convergence linguistique, et son déroulement est favorisé par un contexte de
multilinguisme préalable.
Un élément crucial de la créolisation réside dans l'extension de l'utilisation de
l'idiome en question à différents domaines de la vie quotidienne. Cependant, la
création d'une langue créole n'est considérée comme achevée que lorsque cette
nouvelle variété linguistique atteint son autonomie en tant que norme établie. En
d'autres termes, la créolisation atteint son aboutissement lorsqu'un idiome
transformé devient une entité linguistique autonome et normativement reconnue
au sein d'une communauté linguistique spécifique. Ce processus complexe
reflète les dynamiques sociolinguistiques et culturelles des groupes en contact.

Les termes « créole » et « pidjin » sont souvent utilisés dans le domaine de la


linguistique pour décrire des phénomènes de contact des langues.

23
5.8Multilinguisme /plurilinguisme

« Le mot (ainsi que) décrit le fait qu’une personne ou une communauté soit
multilingue (ou plurilingue), c’est-à-dire qu’elle soit capable de s’exprimer dans
plusieurs langues. […] Comme le montre cette définition, il existe un
multilinguisme individuel et un multilinguisme collectif. Ce dernier peut être
institutionnalisé pour devenir un multilinguisme étatique ». (Olga Anokhina,
p.5).

Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues précise que:

« On distingue le plurilinguisme du multilinguisme qui est la connaissance d’un


certain nombre de langues ou la coexistence de langues différentes dans une
société donnée. On peut arriver au multilinguisme simplement en diversifiant
l’offre de langues dans une école ou un système éducatif donné, ou en
encourageant les élèves à étudier plus d’une langue étrangère, ou en réduisant
la place dominante de l’anglais dans la communication internationale ».
(CECRL, 2001, p.11)

Le plurilinguisme revêt une dimension individuelle, c’est-à-dire il relève du sujet


parlant. Ce dernier, en plus de son système linguistique maternel, peut
s’exprimer en d’autres langues. En revanche, le multilinguisme renvoie à une
société caractérisée par la cohabitation de plusieurs codes linguistiques.

5.9Bilinguisme et diglossie

La distinction entre les différentes situations linguistiques se fait sur la base de


deux concepts : bilinguisme et diglossie. Ces deux concepts décrivent la
situation générale où deux ou plusieurs langues sont en contact. Ce sont les
modalités de ces concepts qui introduisent la distinction entre bilinguisme et
diglossie.

5.9.1 Bilinguisme

« La situation bilingue caractérise les communautés linguistiques et les


individus installés dans des régions, des pays ou deux langues (bilinguisme) et
plus (multilinguisme/plurilinguisme) sont utilisées concurremment » (Robert
GALISSON et Daniel COSTE,1976, p. 69).

« Le terme de bilinguisme recouvre des définitions multiples, et décrit à la fois


l’individu en tant que locuteur d’au moins deux langues et les institutions et
sociétés qui encadrent cet individu dans un espace géopolitique plus large».
(Daniel COSTE, Danièle MOORE et Genevière ZARATE, 1998,p. 20).

24
Les nombreuses typologies qui ont été proposées jusqu’à présent pour classer les
différents cas de plurilinguisme ne reposent pas toujours sur des critères
strictement scientifiques. Les chercheurs modifient souvent le terme «
bilinguisme » par une épithète qui renvoie en réalité au point de vue adopté par
les chercheurs. On rencontre ainsi des dénominations telles que « bilinguisme
régional », « bilinguisme culturel », « bilinguisme horizontal » (vs « bilinguisme
vertical »), « bilinguisme symétrique » (vs « bilinguisme asymétrique »).

La définition du bilinguisme repose sur des critères hétérogènes :

L’analyse psychologique du bi / pluri ou multilinguisme considère comme un


comportement (ou attitude) qui conduit à dégager deux séries ou grands groupes
de factures :

a- Le 1er groupe de facteurs

Concerne la formation (la genèse) de l’état individuel du bi / pluri ou


multilinguisme

- Première distinction : précoce vs tardif

Deux cas se présentent: l’enfant qui a appris à parler dans deux langues en même
temps (simultanément) dès sa naissance on parle alors de bilingue précoce. Le
bilinguisme précoce est soit simultanée par opposition ou bilinguisme précoce
consécutif c’est-à-dire le cas où l’enfant a acquis deux langues mais de façon
consécutive (suite par exemple à un déménagement dans un pays où une autre
langue domine). s’oppose au bilinguisme tardif où la seconde langue est
apprise après un certain âge (6 ans et plus).

- Deuxième distinction : équilibré vs non équilibré

L’enfant acquiert d’abord en immersion (en milieu naturel) sa seconde langue.


Dans le contexte de bilinguisme précoce, il est généralement admis que le
bilingue est capable de s’exprimer couramment dans chacune des deux langues.
On parle dans ce cas de bilinguisme équilibré (dans ce cas on parle aussi de
bilinguisme additif).

Dans le second cas le bilinguisme a une compétence supérieure dans sa langue


maternelle et ce bilinguisme est généralement non équilibré ou (dans le cas où
l’enfant acquiert la seconde langue au détriment de la première on parle de
bilinguisme soustractif).

- Une troisième distinction : coordonné vs composite

25
Si chacune des deux langues se réfère à une situation culturelle différente, il sera
question de bilinguisme coordonné (deux langues qui renvoient à un univers
culturel distinct, c’est-à-dire deux univers culturels). = (bilinguisme étanche).

Dans le cas du bilinguisme composé ou composite (vs coordonné), l’individu


ou le bilinguisme ne disposerait que d’un seul système de signifiés, c’est-à-dire
de deux langues mais d’un univers culturel unique (bilinguisme perméable).

b- Le 2ème groupe de facteurs

Concerne l’importance respective des langues dans la pratique du bilingue dans


les conduites sociales. Cette importance est de deux ordres : elle est à la fois
quantitative et qualitative:

- Elle est qualitative quand il s’agit de valoriser effectivement les langues


engagées dans le bilinguisme /

- Elle est quantitative, quand on peut situer la connaissance qu’a un bilingue


des différentes langues qu’il pratique.

Si un bilingue a la même compétence dans les deux langues qu’il pratique, on


parle de bilinguisme symétrique, auquel s’oppose le bilinguisme asymétrique,
qui souligne l’inégalité des compétences. Plusieurs cas de bilinguismes
asymétriques se présentent :

- Bilinguisme réceptif / teur (ou passif) : la langue la moins connue est


comprise sans être parlée ou écrite;

- Bilinguisme non récepteur : la langue est parlée, mais très imparfaitement


comprise ;

- Bilinguisme écrit : la langue la moins connue est comprise à la lecture. Le


locuteur peut à la limite l’écrire, mais il n’arrive pas à la percevoir ;

- Bilinguisme technique : la compétence de la deuxième langue est limitée


aux besoins professionnels et techniques ;

- Bilinguisme social : masse des locuteurs (bilinguisme massif)

- Bilinguisme individuel : nombre restreint.

Conclusion

Le bilinguisme c’est pratiquer deux langues. Par exemple, une personne qui
parle aussi bien le français que l’anglais dans sa vie quotidienne.

Le multilinguisme c’est lorsqu’au sein d’une société coexistent plusieurs


langues.

26
Le plurilinguisme regroupe les individus qui communiquent dans des langues
différentes pour différentes activités.

5.10 La diglossie

« La diglossie est une situation linguistique relativement stable où nous avons


deux variétés superposées : une variété hautement codifiée (standardisée),
véhicule de la production littéraire, scientifique, etc., objet d’apprentissage
(enseignée), qui n’est la langue maternelle d’aucun locuteur ; et une variété qui
lui est fortement apparentée, qui, elle, sert à la communication quotidienne. »
(Charles Ferguson, « Diglossie », Word, 1959)

R. GALISSON et D. COSTE envisagent la diglossie comme «[…] une situation


qui caractérise les individus ; les groupes d’individus où les communautés qui
utilisent concurremment deux parlers ou deux variétés d’une même langue».
(1976, p.153).

5.10.1 La diglossie pour Ferguson

La diglossie selon Ferguson désigne donc la situation où deux variétés d’une


même langue (ou deux langues pour Fishman) sont en usage dans une société, et
ce, en remplissant des fonctions socioculturelles certes différentes mais
parfaitement complémentaires. L’une de ces variétés (de ces deux langues) est
considérée « haute » (high), donc valorisée, l’autre, considérée comme « basse »
(low), est celle de la communication ordinaire.

Contrairement à la notion du bilinguisme, la diglossie privilégie le prestige


d’une langue au détriment des autres.

5.10.2 Les critères sociolinguistiques de la diglossie (Ferguson)

Pour caractériser une situation diglossique, Ferguson part de l’observation de


quatre situations sociolinguistiques, à savoir la Suisse Alémanique, la Grèce,
Haïti et les pays arabes. Il en propose les six critères sociolinguistiques suivants:

a. Les domaines d’emploi des langues, ou la répartition des fonctions : Dans


certaines situations de la vie sociale, on emploie régulièrement la variété haute,
alors que dans d’autres, c’est la variété basse qui est sollicitée. Les domaines
d’emploi de ces variétés devant être complémentaires.

b. Le prestige : La variété haute (H) est considérée comme la variété


supérieure, alors que la variété basse (B) est perçue comme une variété de rang
inférieur

27
c. L’héritage littéraire : la production littéraire est le plus souvent rédigée en
variété haute. Cette dernière est généralement le support d’une littérature
ancienne et abondante.

d. L’acquisition : Ferguson observe, dans les quatre situations étudiées, que les
enfants acquièrent naturellement la variété basse dans des situations informelles,
notamment au sein de la famille. Cependant, la variété haute n’est apprise que
dans un contexte scolaire à partir de la première année de scolarisation.

e. La standardisation : la variété haute se distingue par des normes fixées et


relativement rigides pour la prononciation, la grammaire, le vocabulaire et
l’orthographe. Cependant, les études sur les variétés basses sont presque
inexistantes car il n’y a pas d’orthographe fixée (quand B est écrite et transcrite).
B n’est pas codifiée et connue par ses nombreuses variations au niveau de la
prononciation, de la grammaire et du vocabulaire, liées aux différentes variétés
géographiques et/ou sociales.

f. La stabilité : selon Ferguson, les situations diglossiques sont relativement


stables et dépendent sensiblement des facteurs socioéconomiques et/ou
socioculturels (alphabétisation, scolarisation de masse, urbanisation, etc.).

5.10.3 La diglossie pour Fishman

La conception Fergusonnienne a été élargie par le sociolinguiste américain


Joshua A. Fishman qui en propose cette fois-ci une extension à des situations
sociolinguistiques où deux langues, et non pas seulement deux variétés de la
même langue, sont en distribution fonctionnelle complémentaire, sans avoir,
forcément, une parenté génétique.(Fishman, 1971).

La définition de la diglossie reposait pour Ferguson sur les deux critères déjà
cités (apparentement génétique et complémentarité fonctionnelle). Fishman
n’ont retient que le second critère: Il s’agit uniquement de langue haute « HIGH
» et de variété (langue) basse « LOW ». Il considère la diglossie comme un fait
social de nature purement sociolinguistique. Fishman précise que nous avons
quatre possibilités:

5.10.4 Les possibilités liées à la diglossie selon Fishman

Hicham Radi (2021) explique dans sa thèse de doctorat les différentes


possibilités liées au bilinguisme et à la diglossie :

a. Diglossie et bilinguisme : cette situation renvoie à l’usage de deux langues


partagées par la totalité (ou presque) de la population selon leur distribution
fonctionnelle.

28
b. Bilinguisme sans diglossie : ce serait le cas dans les situations de migration
(comme aux Etats- Unis). Les migrants vivent un état de transition : ils doivent
s’intégrer dans la communauté d’accueil avec la langue d’accueil même s’ils
conservent la connaissance et une certaine pratique de la langue d’origine.

c. Diglossie sans bilinguisme : C’est un cas de figure qu’on rencontrerait dans


les pays en développement comme les pays africains où les populations rurales
sont essentiellement monolingues, même si sur le plan macro-sociétal, il y a
diglossie (avec l’une des langues de la colonisation comme langue officielle, le
plus souvent) ;

d. Ni diglossie ni bilinguisme : le dernier cas de figure envisagé par Fishman


est plutôt théorique. Il ne pourrait concerner que de petites communautés
linguistiques, restées isolées ; car d’une manière générale, dans la réalité, toute
communauté tend à diversifier ses usages linguistiques.

Conclusion

Dans la littérature sociolinguistique américaine, bilinguisme est opposé à la


diglossie : le bilinguisme désigne l’usage indistinct de l’une ou l’autre langue et
le passage à l’une ou le passage à l’une ou l’autre quels que soient les
circonstances et les thèmes abordés; le deuxième terme – la diglossie – désigne
la répartition des usages dans chacune des langues selon des circonstances et des
thèmes particuliers.

Pour Fishman le bilinguisme renvoie à « la capacité d’un individu à utiliser


plusieurs langues » et qu’il considère comme fait individuel relevant, par
conséquent, de la psycholinguistique. En revanche, il considère que la diglossie
est un fait social de nature purement sociolinguistique.

En effet, une étude de la diglossie et du bilinguisme va permettre de mieux


comprendre les choix linguistiques qui sont à l’origine de la hiérarchisation
sociale des langues et des variétés de langue, d’élucider l’effet d’équilibre et de
régulation en même temps que les phénomènes de déséquilibre et de conflit qui
dynamisent le marché linguistique.

29
La description des modalités des contacts linguistiques entre les langues et les
variétés en compétition constitue une voie d’accès au marché linguistique
marocain.

30
6 Situation sociolinguistique au Maroc

La présence de plusieurs idiomes au Maroc génère une ambiance


sociolinguistique marquée par une interaction dynamique des langues dont les
usages et les fonctions se distinguent, et ce, par rapport à leurs statuts, à leurs
domaines d’usage, à la valeur que les locuteurs leur attribuent selon les
situations et les contextes.

Nous pouvons regrouper les langues qui constituent le paysage linguistique au


Maroc dans deux grands ensembles : les langues nationales (l’amazighe à travers
ses trois grandes variétés, à savoir le tarifit, le tachelhit et le tamazight, et l’arabe
sous ses deux variétés, notamment l’arabe standard (AS) et l’arabe marocain
(AM). Et les langues étrangères (le français, l’anglais et l’espagnol) .

Cette situation de multilinguisme a « des effets divers dans des domaines aussi
importants que l’éducation, la formation, l’administration, la culture et
l’économie » et suppose comme enjeu majeur « la gestion rationnelle,
fonctionnelle et équitable de la pluralité des langues ».(Boukous, 2012).

L. Messaoudi propose une autre classification basée essentiellement sur la


distinction entre les langues selon qu’elles bénéficient d’un statut de droit (statut
de jure) ou d’un statut de fait. Elle précise que :

- Celles bénéficiant du statut de droit sont mentionnées dans le texte de la


Constitution. Il : « la langue arabe » est qualifiée de « la langue officielle » et
constitue le médium de scolarisation dans le fondamental et dans le cycle
secondaire, l’amazighe (le berbère) est enseigné dans le primaire dans un certain
nombre d’écoles et est doté depuis juillet 2011 du statut d’«une langue
officielle» ;

- Celles relevant du statut de fait sont :

▪ Le français qui oscille entre celui de langue étrangère et celui de langue


seconde notamment dans le système éducatif et le secteur socio-économique;

▪ Les variétés dialectales arabes dont une koinè est en émergence, «la darija»
qui sert à la communication à l’échelle du pays […].

▪ Les dialectes amazighs qui sont à vocation locale ;

▪ L’espagnol qui est peu utilisé et dont des traces subsistent dans le nord et
dans les provinces du sud du pays.

▪ L’anglais n’a pas une grande présence dans le paysage linguistique mais il
commence à être utilisé dans les entreprises multinationales et dans certaines
écoles privées.

31
« La langue arabe » sans adjectif renvoie, de fait, selon Leila Messaoudi, au
niveau codifié appelé communément « arabe classique » et qu’elle désigne par

« arabe standard »

6.1Les langues officielles au Maroc

La nouvelle constitution (premier juillet 2011) a instauré un changement


considérable dans la situation linguistique, pour accorder l’officialité à la langue
amazighe. Ainsi, le statut officiel de l’arabe, étant toujours conservé, se trouve
cette fois-ci partagé avec l’amazighe :

« L’arabe demeure la langue officielle de l’Etat. L’Etat œuvre à la protection et


au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation.
De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’Etat, en tant que
patrimoine commun à tous les Marocains sans exception » (ROYAUME DU
MAROC. La Constitution. Secrétariat Général du Gouvernement. Rabat :
Direction de l'Imprimerie Officielle, [Article 5].2011).

6.2Les langues non officielles et étrangères

L’article 5 de la nouvelle constitution révèle la propension de l’Etat marocain à


la protection des parlers et des expressions culturelles en u‫ؤىبتفث‬

sage au Maroc ainsi qu’à l’apprentissage et la maîtrise des langues les plus
utilisées dans le monde. Ainsi se révèle une nouvelle orientation du Maroc vers
le plurilinguisme.

« L’Etat œuvre à la préservation du Hassani, en tant que partie intégrante de


l’identité culturelle marocaine unie, ainsi qu’à la protection des expressions
culturelles et des parlers pratiqués au Maroc. De même, il veille à la cohérence
de la politique linguistique et culturelle nationale et à l’apprentissage et la
maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde en tant qu’outils
de communication, d’intégration et d’interaction avec la société du savoir et
d’ouverture sur différentes cultures et sur les civilisations contemporaines
[article 5].

6.3La diglossie dans le paysage linguistique marocain

c- Arabe classique (AC) /Arabe marocain (AM) :

Selon les critères de Ferguson, la situation de l’arabe classique (l’arabe


standard) et l’arabe marocain renvoie conformément à la diglossie dans la
mesure où chaque variété de l’arabe remplit une fonction sociolinguistique et
occupe un statut distinct.

32
- l’AC (et l’AS): Codifiée, prestigieuse, exclusivement apprise (jamais
acquise) et limitée aux contacts et aux usages (domaines) les plus formels, l’AC
a toutes les caractéristiques d’une variété supérieure ou « HIGH », d’une langue

- l’AD: langue maternelle, naturellement acquise, sans normes prescriptives,


destinée à la communication informelle, quotidienne, confirme aux usages
domestiques, correspond parfaitement au sein de la relation diglossique à la
variété subalterne ou « LOW » par rapport à l’AC, est dénommée couramment
dialecte.

Cependant, certains auteurs dont, entre autres (Fishman, Calvet et Boukous) ont
dépassé le seul critère de la parenté génétique en étendant la situation
diglossique à toutes les situations de contact de langues où deux langues, et non
pas deux variétés d’une langue, remplissent des fonctions complémentaires.

Selon cette conception, le pouvoir religieux permet à l’AC d’occuper le statut de


variété « haut » par rapport à l’AS qui, à son tour, jouit d’une « officialité »
constitutionnelle qui lui accorde un statut de variété « haute » par rapport à
l’AM.

La diglossie peut également s’étendre aux variétés régionales et sociolectales de


l’AM. Ainsi, l’AM urbanisé constitue une variété « haute » de par la fonction
véhiculaire qu’il remplit à travers les médias et les discours quotidiens.

d- Arabe standard (AS)/ Français

Quant à l’arabe standard et le français, les deux langues ayant partagé plusieurs
domaines de la vie des marocains, notamment le domaine éducatif, ont contribué
au développement d’un bilinguisme plus ou moins équilibré chez les locuteurs
marocains.

L’arabe standard et le français sont plus valorisés comparativement à l’amazighe


et l’arabe marocain.

e- Arabe marocain / Amazighe

Le partage des mêmes propriétés sociolinguistiques n’empêchera point ces deux


idiomes de vivre en situation de diglossie. Certes, les deux langues sont « faibles
» ou « dominées » et leurs usages sociaux sont quasiment similaires (langues
d’intimité et de communication ordinaire quotidienne) et sont liées tout de même
aux mêmes fonctions expressives (à l’affect, au maternel, au vécu, à la culture
populaire), mais elles se distinguent chacune par sa fonction sociolinguistique :
l’amazighe est une langue vernaculaire à usage local limité aux amazighophones
alors que l’arabe marocain est une langue véhiculaire qui constitue, de ce fait, la
franca lingua permettant la communication entre tous les arabophones et les

33
amazighophones. Par conséquent, les deux langues vivent naturellement en
situation de diglossie.

f- Arabe classique / Amazighe

Les positions respectives de l’AC et de l’A sont telles qu’il n’y a pratiquement
pas de contact entre les deux codes. Se situant par leurs statuts respectifs aux
deux externes de la hiérarchie et exerçant des fonctions liées pour l’une (AC) au
plus haut degré de formalité et pour l’autre (A) aux usages les plus communs, ils
constituent pour les locuteurs deux pôles non seulement tout à fait distincts, mais
complètement étrangers l’un à l’autre.

L’AC n’en fait appris par les enfants amazighophones de base (les unilingues
(monolingues) ou déjà bilingues à leur scolarisation) dans des conditions assez /
très similaires à celles ou est apprise la langue française, c’est – à - dire comme
une langue seconde (sur les bancs de l’école) et non pas comme une seconde
langue (en milieu naturel, en immersion).

Si pour les citadins arabophones de base et amazighophones bilingues (A-AD),


l’AC, sous la pression des discours médiatiques et grâce au relais d’une zone
interlectale (arabe intermédiaire ou continuum de discours), peut dans le
meilleur des cas participer à un bilinguisme réceptif, pour tous les autres il reste
peu ou pas compris.

En tout cas, la situation actuelle semble marquée par une répartition


fonctionnelle qui donne au français le monopole ou la priorité sur les services
dite modernes, techniques et scientifiques, et réserve à l’AC les domaines où
l’emploi d’une langue officielle est une nécessité plus politique que pratique ou
un bilinguisme institutionnel de maintien du type négatif.

Le plus important des enjeux de la compétition linguistique sera encore pour


longtemps au Maroc lié au monopole de l’expression de la modernité largement
prise en charge, par le français et de plus en plus convoitée par l’AC.

Une chose est certaine : le Maroc a maintenu depuis l’indépendance une option
pratique en faveur du bilinguisme, et la décision prise ces dernières années en
matière d’arabisation ont eu au niveau des compétences et de la formation
scolaire, des conséquences telles qu’elles autorisent une révision totale.

34
7 Proposition méthodologique pour une analyse sociolinguistique :
Fishman

Fishman a mis l’accent sur l’existence d’une diversité linguistique aux Etas-Unis
due aux vagues d’immigrations successives qu’avaient connues le pays. Il a
dressé en 1966 un tableau de la situation linguistique américaine qui comporte
plusieurs langues :

- Les langues indiennes

- Les langues de colonisation: l’anglais, l’espagnol, le français, l’allemand, le


russe, le hollandais et le suédois

- Les langues des immigrés arrivés en Amérique entre 1880 et 1920 comme
l’italien

Pour l’étude de la variation linguistique, Fishman propose une méthodologie


d’étude à deux niveaux:

- Le premier rattaché à la microsociolinguistique : comportant des actes de


paroles, des relations de rôles (RR) et des situations

- Le deuxième rattaché à la macrosociolinguistique: la situation « qui joue le


rôle de maillon » participe à ce niveau d’analyse par « les règles de conduite
qu’elle impose » (langage et communications sociales, p. 101)

Fishman regroupe ces situations en domaines : (l’école , le travail , la famille,


etc) chaque domaine dicte ses normes et sa langue.

Il propose une méthodologie d’analyse basée sur l’exploration de tous les


niveaux de la réalité sociale, il s’agit d’une construction des domaines d’analyse
à plusieurs niveaux :

A- Le niveau le plus élevé concerne la communauté linguistique : c’est le


niveau le plus élevé marqué la diversité linguistique où chacune des langues qui
y coexistent repose sur un système de valeurs et ensemble de normes de
comportement liées à son utilisation.

B- Le second niveau concerne les domaines linguistiques, il s’agit des contextes


institutionnels où se nouent les relations linguistiques (la famille, les amis, la
religion, l’école, le travail…). Il s’agit des contextes institutionnels où se nouent
les relations linguistiques .

« Le critère de délimitation d’un domaine est celui de congruence des situations


de paroles qui s’y déroulent » selon trois facteurs : les rôles de interlocuteurs, les
lieux et les moments où se déroulent les interactions. Fishman énumère cinq
domaines : la famille, les amis, la religion, l’école et le travail.

35
C- Le troisième niveau concerne les réseaux de relations entre individus qui
peuvent être soit fermés (une seule variété ou une seule langue est admise) ou
ouverts (plusieurs variétés linguistiques coexistent).

D- En dernier lieu on retrouve les types d’interactions qui peuvent être soit
personnels soit transactionnels si les relations entre les interlocuteurs ne sont pas
entièrement ritualisées du point de vue social.

Le schéma théorique de Fishman propose une analyse qui va du général en


particuler « de haut en bas ». Il s’agit d’une hiérarchie des déterminations qui
pèse sur chacun des actes de parole. On ce qui va suivre, nous allons essayer de
développer les différents constituants de ce schéma tel qu’il figure dans
l’ouvrage « Langage et communications sociales » :

7.1L’acte de parole

Pour Fishman, il faut partir de l’acte de parole, qui est, selon lui, la base de toute
analyse sociolinguistique. Cet acte est défini comme l’unité de base (ou l’unité
minimale) du discours qui peut avoir des dimensions variées, celles d’un énoncé
simple (« il fait beau aujourd’hui ») ou de plusieurs énoncés constituant un
fragment de discours. Les actes de parole (les énoncés ou les dits) et les
événements qu’ils constituent forment la base et le bien de la saisie de la
variation linguistique.

Ces énoncés doivent être ordonnés et analysés dans le cadre de la CL en rapport


avec leur propre producteur / récepteur et selon les fonctions qu’ils y présentent.

Mais comment atteindre la pratique linguistique pour saisir la variation ?

Cette analyse doit reposer, comme explique le même auteur, sur des
enregistrements et des observations directement personnels, et, en dernière
instance, soumettre leurs réactions, leurs commentaires et réflexions pour
vérifier les résultats obtenus.

Fishman conseille de multiplier les méthodes d’investigation (enregistrements


pirates…), d’exploiter les résultats, de les vérifier et les valider pour étendre
l’enquête à des locuteurs de plus en plus nombreux et donc à des actes de parole
non encore répertoriés.

7.2 Analyse sociolinguistique au micro-niveau

Elle s’applique à des discours particuliers et à des fragments de discours. Cette


analyse s’exerce donc sur des corpus limités: c’est une analyse à petite échelle.
Elle aboutit à la spécification et à l’emploi des actes et événement linguistiques.
Ce que la linguistique proprement dite, qui se situe à un niveau inférieur, ne peut

36
pas faire. La linguistique descriptive n’étudie pas la langue en contexte, mais la
langue abstraite, hors contexte.

Cependant, l’analyse au micro – niveau est encore trop orientée linguistiquement


et, à cause de cette dimension même, elle ne fournit qu’un nombre restreint de
corrélation sociales. Son importance sociolinguistique se trouve ainsi limitée
même si elle permet d’observer que :

- La VL (variation linguistique) n’est pas un fait isolé, mais général, c’est-à-


dire que la variation en langue parlée n’est pas l’exception, mais la règle ;

- La VL est systématique et non anarchique, c’est-à-dire qu’elle obéit à des


règles linguistiques précises ; mais aussi à des normes sociales. Autrement dit, la
VL est répartie sur les locuteurs (les sujets linguistiques et sociaux) d’une
certaine manière et non pas de n’importe quelle façon : elle est plus répandue, et
elle se réalise différemment d’un groupe de locuteurs à un autre ;

- La VL dépend ainsi des positions sociales des locuteurs / auditeurs. Elle est
fonction de ce que Fishman appelle les « relations de rôles » (RR).

7.2.1 Le concept de relations de rôles (RR)

Le concept de RR peut être traduit par la question « qui parle à qui ? ».

Chaque acte de parole produit par un locuteur (X) s’accompagne nécessairement


de la conscience de sa relation sociale à un interlocuteur.

EXEMPLE le père à son fils, la femme à son mari.

Les RR sont déterminées par les droits et les devoirs réciproques entre les
membres d’un même système sociolinguistique et socioculturel (ensemble de
normes et de valeurs qui engendre des comportements codifiés, y compris le
comportement linguistique). La RR impose au locuteur de choisir parmi toutes
les variétés disponibles de son répertoire verbal, la variété opportune, et la
variété choisie permet inversement de préciser la RR entre locuteurs / auditeurs
(variété –RR) À une RR donnée peut correspondre le silence (qui peut être dû à
la peur, à la crainte…). Toute RR est fondée sur l’ensemble des droits et
obligations, qui fonde la RR entre locuteur et auditeur, et qui est issu d’un
système socioculturel.

Le passage d’une variété (A) à une variété (B) peut concerner plusieurs RR à la
fois.

D’autre part, entre deux protagonistes donnés, plusieurs RR sont possibles, alors
qu’entre deux autres n’est possible qu’une seule RR déterminée. C’est donc là

37
un argument sûr en faveur de la RÉGULARITÉ et de la SYSTÉMATICITÉ de
la VL au sein d’une CL.

EXEMPLE (1) : Deux protagonistes ------ plusieurs RR

Un professeur et un(e) étudiant(e) : ces deux protagonistes peuvent entretenir, en


plus de leur relation étudiant / prof, d’autres relations, à savoir une relation
d’amitié, de voisinage, de parenté, de militantisme (même parti politique)…

Ces relations les rapprochent au point où les rôles respectifs de prof et


d’étudiant seraient effacés et oubliés → la première relation est appelée
TRANSACTIONNELLE (dominée par des critères strictes), c’est une relation
fondée sur l’intérêt réciproque; et les autres relations sont des RR
PERSONNELLES.

EXEMPLE (2) : Deux protagonistes ------ Unique et seule RR

Cette seconde situation où la RR est unique peut être illustrée par la relation du
roi à des sujets : c’est une RR unique et déterminée de façon stricte. C’est une
RR exclusivement TRANSACTIONNELLE parce qu’elle est régie par des lois
protocolaires strictes.

Dans toute CL, les actes de parole et les événements qui les accompagnent sont
répartis sur les RR personnelles et transactionnelles définies dans le cadre
socioculturel de la CL en question.

L’analyse sociolinguistique au micro – niveau s’intéresse précisément à la mise


en valeur de ces relations à partir des données fournies par l’interaction verbale :

DONNEES LINGUISTIQUES → TYPES DE RR.

La relation dialectique entre niveau linguistique et niveau social est ainsi posée :
tout comportement linguistique de tout locuteur est aussi un comportement
social.

La RR constitue donc un cadre important pour l’analyse de l’acte de parole et


permet, à travers l’acte de parole, de saisir la VL. Mais ce cadre serait trop étroit
sans l’intervention de la situation sociale (SS), autre concept proposé par
Fishman.

7.2.2 Le concept de situation sociale (SS)

La langue est investie dans un acte de parole, qui est déterminé par un type de
contact transactionnel et / ou personnel qui, lui, est déterminé par une RR.

Tels sont les premiers éléments du schéma théorique de Fishman (acte de parole
et RR trans. ou / et pers.) et telle est leur articulation.

38
Fishman, pour compléter ce schéma théorique, introduit un autre concept, celui
de la situation sociale (SS). Une SS, selon Fishman, est comportée de :

a. Une constante représentée par les comportements (sociaux et linguistiques)


respectifs des deux protagonistes de l’acte de parole qui découlent directement
de la RR qui les unit: Qui parle à qui ?

b. Un endroit (critère spatial) --- Où ?

c. Un moment (critère temporel) ----- Quand ?

→ SS = RR (constante) + Tps (variable) + Lieu (variable)

c-à-d SS = constante + 2 variables

La RR est le rapport socialisé qui domine et prépare les questions : Qui parle à
qui ? Quand ? Où ?

Si la RR est décisive pour l’analyse d’un acte de parole (qui parle à qui ?), si elle
définit les autres termes (temps et espace), elle se trouve elle-même définie,
précisée par eux. C’est ce qui explique les interférences entre concepts.

La RR est un indice déterminant mais général, elle a besoin pour s’accomplir de


se convertir En SS. Une SS est dite OPPORTUNE quand les trois éléments qui
la composent (constante, lieu et temps) se combinent de façon attendue
(naturelle, normale).

Quand l’un de ces trois éléments fait défaut, la SS devient INOPPORTUNE et la


RR de base s’en trouve en principe modifiée, mais jamais dans ce qu’elle a
d’essentiel. L’acte de parole n’obéira cependant plus à toutes les exigences de la
RR initiale. Il est d’ailleurs frappant de remarquer que, dans la plupart des cas,
une SS INOPPORTUNE soit rapidement et progressivement réinterprétée par
l’un des deux protagonistes ou par les deux à la fois qui recréent ainsi, à partir de
la SS INOPPORTUNE, une situation opportune, qui rétablit la situation
inopportune.

EXEMPLES

• SSO : un prof et un étudiant en salle de cours à une heure prévue par l’emploi
du temps.

• SSINO : un prof et un étudiant se rencontrent dans la rue à un moment


indéterminé, dans un café, dans une fête…Ici, chacun des deux protagonistes
s’efforce de garder un comportement dicté par son statut social, mais l’espace et
le temps étant inadéquats, les actes de parole risquent à leur tour de l’être
(recours à une langue ou à une variété de langue inattendue, moment de silence
ou tentative de changement).

39
Les SSO sont les plus courantes, les SSINO sont exceptionnelles.

Mais, les SSO peuvent être :

- Les SSO courantes

- Les SSO éminemment culturelles et exceptionnelles, qui sont soumises et


régies par des règles strictes (rites, cérémonies, danses…).

Comme nous l’avons déjà signalé dans une brève remarque, SS et RR risquent
d’interférer et de créer une certaine confusion.

Précisons ces concepts : si la SS permet de compléter le dispositif théorique de


Fishman, elle n’en est pas le « constituant central ».

Parmi les éléments qui comportent la SS, le temps et l’espace ont sûrement un
rôle important quant à l’analyse de l’acte de parole, quant à son degré
d’adéquation au réel social, mais ils sont non seulement variables, mais surtout
gouvernés et dominés par les comportements des locuteurs / auditeurs
directement issus des RR. C’est donc la RR, élément premier et constant, qui
constitue l’élément central.

EXEMPLE DE FISHMAN :

Si le temps et l’espace peuvent agir sur la RR juge / accusé (SSINO), ils ne le


font que de façon momentanée (le contraire de la façon durable). Au contraire, la
RR juge / accusé (SSO) agit sur le temps et l’espace au point de les effacer ou de
les interdire complètement.

7.3Analyse sociolinguistique au macro-niveau

Quel est l’objectif de la sociolinguistique à large échelle ?

La sociolinguistique au macro-niveau vise l’analyse des données linguistique à


l’échelle de toute la CL. Il faut pour cela dégager des situations générales
auxquelles correspond le concept de « DOMAINE ».

À la variabilité (la particularité) et à la multiplicité des situations sociales de


l’analyse au micro-niveau correspond la généralité des domaines sociaux (voir
l’article d’Akouaou : « Les variétés linguistiques au Maroc »).

Un domaine social, selon Fishman, est un ensemble homogène de SSO, un


ensemble d’activités humaines liées à une variété déterminée → L’ensemble des
RR et des SSO possibles réservées à un champ ou à un espace.

EXEMPLE : RR et SSO à l’espace « faculté » :

Doyen → professeur(s)s ; Professeurs(s) → étudiant(s) ; Professeur(s)

40
→ Professeur(s) ; Doyen → étudiant(s)

À chaque domaine se trouvent en principe associés une langue ou une variété de


langue. Mais à plusieurs domaines peut correspondre une seule variété.

Seul le domaine religieux, dans ce qu’il a de formel, utilise une seule langue
(l’AC).

41
Bibliographie

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publiquement en 2021.

42
Table des matières
Introduction ..................................................................................................................................... 3

1 Définitions de la sociolinguistique ................................................................................................ 4

Synthèse : ......................................................................................................................................... 5

2 La genèse de la sociolinguistique .................................................................................................. 6

2.1 La position d’Antoine Meillet ................................................................................................ 6

2.1 La conférence sur la sociolinguistique (1964) ....................................................................... 6

3 La place de la sociolinguistique dans les sciences du langage ...................................................... 8

3.1 La sociolinguistique et le structuralisme ............................................................................... 8

3.2 La sociolinguistique et la grammaire générative et transformationnelle ............................. 8

3.3 La sociologie du langage........................................................................................................ 9

3.4 La géographie linguistique ou la dialectologie ...................................................................... 9

4 Les tâches de la sociolinguistique ............................................................................................... 10

5 Concepts clés de la sociolinguistique .......................................................................................... 12

5.1 « Communauté linguistique » ............................................................................................. 12

5.2 « Variation » , « Variété ».................................................................................................... 13

5.3 « Norme » ............................................................................................................................ 14

5.3.1 Définitions ................................................................................................................... 14

5.3.2 Les types de normes .................................................................................................... 15

5.3.3 Les caractéristiques de la norme prescriptive............................................................. 16

5.4 « Dialecte » .......................................................................................................................... 16

Synthèse ......................................................................................................................................... 17

5.5 Traits définitoires d’une variété .......................................................................................... 18

5.5.1 Normalisation .............................................................................................................. 18

5.5.2 Autonomie ................................................................................................................... 19

5.5.3 Historicité .................................................................................................................... 20

5.5.4 Vitalité ......................................................................................................................... 20

5.6 Pidjins / Pidjinisation ........................................................................................................... 22

5.7 Créole / Créolisation............................................................................................................ 23

5.8 Multilinguisme /plurilinguisme ........................................................................................... 24

5.9 Bilinguisme et diglossie ....................................................................................................... 24

5.9.1 Bilinguisme .................................................................................................................. 24

5.10 La diglossie .......................................................................................................................... 27

5.10.1 La diglossie pour Ferguson .......................................................................................... 27

5.10.2 Les critères sociolinguistiques de la diglossie (Ferguson) ........................................... 27

43
5.10.3 La diglossie pour Fishman ........................................................................................... 28

5.10.4 Les possibilités liées à la diglossie selon Fishman ....................................................... 28

6 Situation sociolinguistique au Maroc .......................................................................................... 31

6.1 Les langues officielles au Maroc.......................................................................................... 32

6.2 Les langues non officielles et étrangères ............................................................................ 32

6.3 La diglossie dans le paysage linguistique marocain ............................................................ 32

7 Proposition méthodologique pour une analyse sociolinguistique : Fishman ............................. 35

7.1 L’acte de parole ................................................................................................................... 36

7.2 Analyse sociolinguistique au micro-niveau ......................................................................... 36

7.2.1 Le concept de relations de rôles (RR) .......................................................................... 37

7.2.2 Le concept de situation sociale (SS) ............................................................................ 38

7.3 Analyse sociolinguistique au macro-niveau ........................................................................ 40

Bibliographie .................................................................................................................................. 42

44

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