These Mikponhoue 2016
These Mikponhoue 2016
These Mikponhoue 2016
TITRE DE LA THESE :
L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE
‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX
D’INTEGRATION DU DROIT DES AFFAIRES
2
« Une société n’est pas le temple des valeurs-idoles qui figurent au fronton de ses
monuments ou dans ses textes constitutionnels, elle vaut ce que valent en elle les
relations de l’homme à l’homme »
Marcel MERLEAU-PONTY
3
DEDICACES
Cette étude est dédiée à ma famille, pour tous les efforts consentis.
Ce que je vous dois se situe au-delà de toute ma gratitude.
A tous ceux qui œuvrent quotidiennement dans le but de renforcer la compétitivité des
activités économiques et financières dans un environnement juridique, rationalisé et
harmonisé.
A tous ceux qui œuvrent pour le développement africain, pour l’intégration africaine et
à cette élite africaine qui y croit encore.
4
REMERCIEMENTS
A mes frères et sœurs, Valérie, Bénéricio et Gertrude qui m’ont toujours exprimé leur
attachement de me voir aller de l’avant surtout dans mes moments de doute et à tous
mes amis qui se reconnaitront en souvenir des moments passés ensemble, je vous dis à
tous merci.
Ce travail n’est que le fruit de la contribution de plusieurs personnes qui ont permis de
le parfaire. Que toutes soient vivement remerciées pour leur participation utile et
indispensable.
MERCI.
5
SIGLES ET ABBREVIATIONS
Al : Alinéa
Art : Article
AU : Actes Uniformes
C/ : Contre
Cf : Confer
6
CIPRES : Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale
GP : Gazette du Palais
7
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique
PD : Pays Développés
PI : Pays Industrialisés
PR : Procureur de la République
RA : Règlement d’Arbitrage
Rev : Revue
TC : Tribunal de Commerce
TI : Tribunal d’Instance
8
UDEAC : Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale
UE : Union Européenne
V: Voir
9
L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX
D’INTEGRATION DU DROIT DES AFFAIRES – RESUME
Mais cela suffit t’il pour déduire que l’OHADA a installé un ordre juridique
communautaire en Afrique, à l’instar de l’exemple européen en la matière ?
10
THE COMMUNITY LEGAL ' OHADA ' ISSUES AND INTEGRATION OF
BUSINESS LAW – SUMMARY
Today, the Organization for the Harmonization of Business Law in Africa (OHADA),
created 1993 since in Port Louis works for business law harmonization in Africa. With
the adoption of its various uniform acts, it has managed to harmonize or standardize at
community level the essential areas of business law, including business law, corporation
law and reliability law. In its perspective of integration, it is also considering
consolidation sites in order to expand its community in other States which still reluctant
to a loss of sovereignty for the benefit of an instance of integration and harmonization
of business law.
Let us remember that this OHADA integration perspective still raises huge questions
regarding the purpose of the Organization's objectives, which fits more in a perspective
of standardization over harmonization as its name would suggest; added to this sensitive
issue of offenses criminalization in Business Law in Africa. Also, other important
points and various issues related to African integration, which do not portent a glorious
future for the Organization.
11
SOMMAIRE
Introduction
Partie I : L’avènement d’un ordre juridique communautaire OHADA
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
Table des matières
12
INTRODUCTION
Contexte général. La science n’est que le reflet et la preuve de la nécessité pour l’être
humain de parfaire son existence, son besoin de s’adapter aux réalités nouvelles, aux
mutations naturelles et sociales, à cette dynamique de règles qu’impose ce que
Rousseau appela « le contrat social ». Un contrat social qui n’est que la preuve que ce
que nous défendons comme étant l’une des exigences majeures de notre prédisposition
naturelle, l’obligation d’une vie commune, la nécessité d’une définition de ce qui
constitue l’intérêt commun, « l’intérêt général ».
Ces réalités de notre existence humaine et de nos prédispositions sociales naturelles ont
motivé cette volonté commune de quitter l’anarchie et d’insérer une société organisée,
dirigée, se fondant sur des principes, sur des valeurs juridiques, sur les normes édictées
pour reconnaitre à chacun ce que la philosophie appelle « les droits et les devoirs
sociaux ». Le législateur national, en grand artisan de cette organisation sera l’édicteur
des règles, des normes juridiques qui encadrent les rapports humains et les relations
privées. Des relations privées, qui présentèrent un grand intérêt dans ce qu’allait devenir
la société au fil des siècles, un vaste espace d’échanges et de commerce, de
marchandises, de biens, de services de tout genre. Une société qui peu à peu a compris
que l’économie et la richesse sont au cœur de sa survie et de la défense de sa
souveraineté.
Ces peuples ont aussi pris conscience qu’au-delà de leurs rapports internes, une société
internationale allait se construire progressivement et où il faudrait survivre et s’imposer,
plutôt que subir et disparaitre. Ce fut l’une des étapes les plus cruelles de l’histoire de
l’humanité mais tout aussi indispensable pour motiver la prise de conscience générale
des enjeux internationaux et de la nécessité d’une coopération internationale, de
1
Renouard M., Traité des faillites et des banqueroutes, Paris, 1842, I, 2002.
13
diverses sortes pour la survie de l’être humain et la reconnaissance de ses libertés et
droits fondamentaux.
Les sociétés ont donc évolué, se sont adaptées aux changements, aux mutations sociales,
aux réformes sociales et économiques, aux phénomènes mondiaux, qui aujourd’hui ont
pris les dénominations de « mondialisation » ou « globalisation », et de « capitalisme ».
14
mondiaux, serait constitutif d’un suicide économique. Les enjeux étaient devenus trop
nombreux et la concurrence économique de plus en plus forte.
La plus connue et d’une autre nature, celle qui nous intéresse ici, était la Ligue
Hanseatique au XIVe siècle qui comprenait environ soixante-dix villes, de la Baltique et
de ma Mer du Nord avec une Assemblée qui se réunissait à Lübeck et qui a survécu
jusqu’en 1669. Son objectif était de créer une communauté commerciale, une union
protectrice avec des règles communes. Les cantons suisses s’unissaient aussi à partir du
2
En exemple, au VIe siècle avant J-C, l’amphictyonie Delphes se réunissait deux fois par an et regroupait
douze peuples de la Grèce continentale. Chaque peuple était représenté par deux députés disposant
d’une voix chacun. Cette réunion était destinée à la gestion et à la protection du sanctuaire de Delphes
et s’est par la suite même transformer en tribunal arbitrale pour gérer les conflits.
3
Sainte Ligue fondée en 1495 entre le Pape et les rois catholiques contre le Roi de France Charles VIII.
Ligue de Cognac de 1526 contre Charles Quint.
4 e
Cf. David E., « Droit des organisations internationales », vol 1, PUB, Bruxelles, 14 éd., 2001 – 2002, p.
44.
5
Ibidem.
6
Dans le même sens, Platon décrit une forme d’organisation dans la mythique Atlantide qui réunissait
environ dix royaumes sous l’égide de POSEIDON. Même la mythologie Grecque connaissait aussi donc
des formes d’organisations internationales.
7
Sans qu’une barrière religieuse ne vienne cette fois-ci s’interposer.
15
XIVe siècle pour créer une défense commune 8. Les regroupements d’entités n’étaient
donc pas inconnus, même s’ils étaient souvent très précaires et moins bien organisés.
C’est avec l’apparition de l’Etat qu’est née logiquement l’idée de s’organiser entre les
entités semblables. La naissance de l’Etat a coïncidé avec l’émergence de multiples
projets tendant à garantir la paix, la coopération et les échanges au plan mondial, mais
aussi au plan de l’Europe. Ainsi les premières tentatives de « regroupements d’Etats »
embrassent les idées générales assez modernes qui préfigurent ce que sera l’ONU ;
même si c’est dans un but commercial ou défensif qu’apparaitront effectivement les
premières volontés d’unification entre entités politiques. Ces nouvelles organisations à
caractère communautaire ne seront pas seulement le lieu d’échanges et de coopération
entre les Etats mais aussi et surtout le siège d’importantes réglementations, l’essor d’une
intégration juridique et judiciaire marquée par divers accords et traités internationaux
fondateurs d’organisations d’intégration et créateurs d’ordre juridique communautaire.
8
Un premier pas vers la Confédération Helvétique.
9
Adoption de textes créateurs.
10
Forte implication politique des Etats par leurs dirigeants.
11
Le recours quelques fois au référendum pour exprimer la souveraineté du peuple.
16
ordre communautaire pour pallier ensemble les difficultés. Ceci se justifie, et n’est que
la résultante au plan international de l’équivalent du « contrat social » au plan interne.
A ce titre, l’Union Européenne appartient sans nul doute à la catégorie des organisations
internationales, dès lors qu’elle a été créée par les Etats sur la base d’un traité. Pourtant,
elle présente des caractéristiques que l’on ne retrouve dans aucune autre organisation
internationale. Avant tout, elle a la faculté d’unifier les peuples européens et pas
seulement les Etats. Pour Jupille et Carporoso16, la qualité d’acteur international se
mesure à l’aune de quatre éléments principaux : la reconnaissance par les tiers,
l’autorité découlant de la compétence de l’UE pour agir, l’autonomie des institutions
européennes par rapport aux Etats membres, la cohésion de l’UE ou sa capacité à
formuler des préférences politiques cohérentes.
12
Le XIXe siècle marque ainsi un tournant important pour l’éclosion des perspectives communautaristes
du droit.
13
En 1814, le Comte de Saint Simon Augustin Thierry propose une Europe pacifiée, Victor Hugo qui
présente sa vision des Etats-Unis d’Europe dans son célèbre discours de Paris, l’italien Mazzini qui cita ce
discours dans son appel aux communautés.
14
Cf. Revue européenne de droit, le processus d’intégration européenne, 2010.
15
Chose faite avec la présentation d’un plan ouvrant la voie à la communauté européenne du charbon
et de l’acier CECA.
16
Cf. Revue européenne de droit, le processus d’intégration européenne, 2010.
17
La naissance de l’Union Européenne. Le modèle européen d’intégration régionale a
été pensé avant les années 1950, a pris la dénomination de CECA en 1951 avant de se
matérialiser sous la forme des Communautés européennes17. Les traités de Rome signés
le 25 mars 1957 et entrés en vigueur le 1 er janvier 1958, ont respectueusement institué la
communauté économique européenne 18, devenue Union européenne19 depuis le Traité
de Maastricht, et la communauté européenne de l’énergie atomique 20. Ils généralisaient
ainsi, à l’échelle de l’économie dans son ensemble, les principes fondamentaux,
notamment la suppression des restrictions aux échanges, la réglementation de la
concurrence et aussi la politique économique commune. Trois organisations
d’intégration ont été dotées d’institutions communes par le Traité de Bruxelles du 8
avril 1965. A l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002, les compétences de la
CECA ont été transférées à la communauté européenne.
17
Il existe une tendance, dans la littérature sur la construction européenne, qui consiste à situer
l’origine des communautés et d l’Union dans les périodes lointaines de l’histoire, en invoquant soit la
civilisation européenne, soit un ensemble de projets de textes supposés être les précurseurs du droit
communautaire européen.
18
CEE.
19
CE.
20
CEEA ou Euratom.
21
Art. 8 CE.
18
textes ont été modifiés par les traités d’Amsterdam du 2 octobre 1997 et de Nice du 26
février 2001, respectivement entrés en vigueur le 1er mai 1999 et le 1er février 2003.
24
Dans les premières décennies qui ont suivi les indépendances, chaque Etat a légiféré dans les
domaines qu’il estime prioritaires, suivant maladroitement les adaptations et les modernisations
réalisées en France, avec, comme conséquence, l’accentuation de la « balkanisation juridique » du
continent.
25
Finalement, la législation appliquée dans les Etats nouvellement indépendants est devenue caduque
en raison de son inadaptation aux réalités socio-économiques actuelles et les investisseurs se heurtaient
dans « chaque pays à un droit disparate, confus et suranné ».
26
L’Organisation commune africaine et mauricienne a été créée en 1965 et dissoute en 1985.
27
En ce sens, Joseph Issa-Sayegh et Jacqueline Lohoues-Oble, OHADA, Harmonisation du droit des
affaires, Collection droit uniforme africain, Bruylant Bruxelles 2002, n° 91, p. 43 et 44.
28
L’Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle a été créée le 13 septembre 1962 par un accord
signé entre 12 chefs d’Etats Africains à Libreville au Gabon.
29
Droit social, droit bancaire et droit des assurances.
20
constitué pour l'essentiel d'une réglementation vétuste30 avec corrélativement une
jurisprudence méconnue et fluctuante. Cette espèce de « balkanisation juridique et
judiciaire »31, était a priori source potentielle d'incertitude et d'insécurité et n'était pas
de nature à favoriser les investissements, les échanges commerciaux, c'est-à-dire tout
simplement l’idée d’un développement économique en commun.
Dans le pire des cas, cette région risquait d'être délaissée si elle ne l'était déjà par les
investisseurs étrangers au profit d'autres régions plus attractives au plan de la sécurité
juridique et judiciaire. Ce tableau peu favorable a été confirmé par des experts qui ont
proposé la solution de l'intégration juridique dans le domaine du droit des affaires. Ce
30
Polo A., « Histoire, objectifs, structure », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique,
Bruxelles, Bruylant 2000, p. 10 / M. Kirsch, « Historique de l'Organisation pour l'harmonisation du droit
des affaires en Afrique (OHADA) » , Recueil Penant, n° 1O8, 1998, p. 129 et s.
31
In Issa-sayegh S., « Rapport sur la conférence de l’OHADA », Revue Ersuma, 2012.
32
Yaya Saar A., « L'intégration juridique dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) », thèse
Aix-Marseille III, p. 26.
21
qui aboutira à la naissance et au développement d’une instance communautaire du droit
des affaires, l’ « OHADA »33.
33
Me M’BAYE K. écrivait : « le droit se présente dans les quatorze (14) pays de la zone franc en habit
d’arlequin fait de pièces et de morceaux. Outre cette diversité des textes, l’on note également leur
inadaptation au contexte économique actuel » ; il ajoute aussi que « beaucoup d’investissements ne
sont concevables que sur un plan inter - étatique ».
34
Issa-Sayegh J., « L'intégration juridique des États africains de la Zone franc », Recueil Penant, n° 823, p.
5.
35
Issa-Sayegh J., op.cit. p.7.
36
Cet environnement international va s’imposer en Afrique qui tente de répondre aux nouveaux défis
en prônant l’intégration économique du continent à travers des Communautés Economiques Régionales
(CER) ; toutefois, l’intégration économique ne saurait se concevoir dans un espace caractérisé par la
diversité juridique. Pour faire face à ces défis les Etats africains tentent, avec des succès souvent mitigés,
des expériences d’harmonisation juridique.
22
lors de cette adoption. Ces Etats membres sont actuellement au nombre de 17 : ce sont
le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Congo, la Côte
d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le
Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo et la République Démocratique du Congo. Ce
nombre est bien évidement susceptible d'évoluer, les adhésions demeurant ouvertes aux
Etats membres ou non de l'OUA 37. Ils conviennent alors que l'aménagement d'un cadre
juridique et institutionnel favorable est une condition essentielle pour le succès de
l'entreprise d'intégration économique 38. En d'autres termes, il faut admettre comme
Monsieur Philippe Tiger qu' « un espace économique ne peut être pleinement efficace,
s'il n'est tramé dans un espace juridique cohérent »39.
Quant à l’article 2, il énumère un certain nombre de matières qui sont incluses dans le
champ d’application du traité et dont la réglementation doit faire l’objet d’une
harmonisation : « Pour l'application du présent traité, entrent dans le domaine du droit
des affaires l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des
commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au
régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de
37
Organisation de l’Union Africaine.
38
« Il n'existe que peu d'expériences d'harmonisation juridiques équivalentes à celle qui se déroule en
droit des affaires sur le continent africain depuis ces quinze dernières années. C'est une nouvelle
opportunité d'en faire l'écho après un premier numéro spécial du JCP E publié en 2004 sur le même
sujet » Pellet Alain.
39
Tiger P., Le Droit des Affaires en Afrique, OHADA, Que sais-je?, 1999, n° 3526, p. 13.
40
« De ce point de vue, la stratégie adoptée pour la promotion de l’intégration et de la coopération
régionale est en rupture totale avec les schémas qui ont jusque là eu cours40 et introduit, dans le débat
sur l’intégration, un jeu d’options originales portées par deux idées forces : un dessein de
communautarisation et une volonté de juridisation ».
23
l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports,
et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure,
conformément à l'objet du présent traité et aux dispositions de l'article 8 ».
C'est donc pour relever ces défis liés à l'environnement juridique et judiciaire des
activités économiques dans les États africains et pour rendre cette région suffisamment
attractive pour les investissements étrangers que le traité OHADA a été signé et adopté.
Fera suite à son adoption, une réelle matérialisation de ses objectifs et de son activité à
travers la mise en place au plan communautaire d’actes uniformes portant sur les
questions économiques et juridiques, offrant un cadre propice aux affaires au sein de
toute la communauté. L’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général 41,
l’acte uniforme OHADA sur les sociétés commerciales 42, l’acte uniforme OHADA sur
les sûretés43 et l’acte uniforme OHADA portant droit comptable44 paraissent
particulièrement propices à cette réalisation. Il est à noter que ce droit communautaire
est en changement permanent afin de répondre au mieux aux réalités et aux besoins du
domaine des affaires dans l’espace OHADA comme en témoignent l’acte uniforme
portant sur le droit commercial révisé 45, celui relatif au droit des sociétés coopératives46
et l’Acte uniforme sur les Sociétés Commerciales et Groupements d’Intérêt
Economique. L’ouverture des frontières aux échanges, la mise en place d’institutions
communautaires spécialisées et l’applicabilité des dispositions communautaires au plan
national sont aussi des acquis que l’OHADA peut compter à son actif.
Ceci pourrait porter à croire que la création et l’existence de l’OHADA n’est que
reluisante, ce qui n’est pas le cas car à l’heure actuelle, certains projets d’actes
uniformes n’ont jamais été adoptés47, des décisions prises au plan national ont ignoré le
droit communautaire par le passé, des actes uniformes sont restés quelques fois
obsolètes du fait de leur non-conformité aux réalités juridiques et économiques de
certains Etats. Les réformes du cadre économiques et les diverses mutations du monde
41
Adopté le 17 avril 1997 sous le sommet des Etats membres.
42 er
Adopté le 17 avril 1997 et paru au journal officiel OHADA n°2 du 1 octobre 1997.
43
Adopté le 15 décembre 2010 à Lomé au Togo.
44
Adopté le 22 Février 2000 et paru au Journal officiel OHADA n°10 du 20 Novembre 2000.
45
Adopté le 15 décembre 2010 à Lomé au Togo.
46
Adopté le 15 décembre2010 à Lomé au Togo.
47
Cf. projet d’acte uniforme relatif au droit du travail.
24
des affaires48 sont aussi des facteurs de cette ineffectivité. On se pose aussi la question
de l’absence de volonté de vulgarisation et de promotion des Etats membres au plan
interne, la mauvaise formation des auxiliaires de justices sur les questions et
dispositions d’ordre communautaire.
L’OHADA comme l’UE, dispose donc de prérogatives très particulières mais aussi
d’une personnalité juridique internationale. Celle-ci se définit comme la capacité à être
titulaire de droits et chargée d’obligations dans l’ordre juridique international, ce qui
emporte la reconnaissance en tant que sujet de droit international. Jusqu’au traité de
Lisbonne, la personnalité juridique de la communauté ne faisait pas de doute 49, alors
que la situation de l’Union était plus discutable. On pouvait considérer que l’UE était
dotée, implicitement, d’une personnalité juridique limitée. Le traité d’Amsterdam a
permit à l’Union de conclure des accords dans le domaine de la PESC du fait que la
communauté était intégré à l’UE, et non l’inverse. Le traité de Lisbonne a mis fin à cette
dualité en consacrant la personnalité juridique de l’Union, cette dernière succédant à la
communauté50.
Intérêts du sujet. Notre étude s’inscrit avant tout dans une perspective comparative des
avancées et de ce qui constituent à ce jour les limites de la réalisation de l’œuvre
d’intégration communautaire de l’OHADA, par comparaison avec celle de l’UE. Ceci
nous permettra de faire ressortir les nécessités actuelles de cette organisation pour être
plus compétitive sur un marché mondial très concurrentiel. Mais ceci passe avant tout
48
« En l'espace de quelques années, seize États membres ont adhéré au droit des affaires OHADA qui
couvre une grande partie du continent et une large part du droit des affaires pour créer un espace
juridique d'un genre unique source de développement économique » Rapport OHADA 1999.
49
CJCE 15 Juillet 1960, aff. 43-59.
50
La personnalité juridique internationale s’appuie sur les compétences externes consacrées par les
traités, auxquelles s’ajoutent les compétences implicites reconnues par la CJCE.
51
L’approche peut se vouloir différente, les enjeux économiques de l’espace d’intégration sont les
mêmes.
25
par la compréhension du fonctionnement de l’OHADA, des implications politiques de
son organisation, au fonctionnement institutionnel de ses organes, au regard des
objectifs qui ont été fixés au moment de sa création, une façon d’étudier l’effectivité et
l’efficacité des mesures et des actes de l’organisation régionale.
L’intérêt de cette étude réside aussi dans la nécessité de redynamiser le droit OHADA à
travers toutes ses composantes actuelles, d’où les diverses réformes d’actes uniformes
déjà entreprises mais aussi ses nouvelles perspectives, les projets d’actes uniformes à
venir. Cela implique une approche comparée des outils communautaires (les actes
uniformes), de leur effectivité d’application, des jurisprudences existantes au plan
communautaire de la Cour commune de justice et d’arbitrage, pour chacun des actes
uniformes et aussi et surtout des instances nationales de justice dans l’applicabilité et la
réelle place accordée à ces dispositions communautaires.
Aussi, dans cette même logique d’effectivité du droit OHADA, il serait très intéressant
d’examiner le processus de création et d’adoption des actes uniformes ainsi que leur
effectivité juridique au plan national et régional. Les actes uniformes OHADA étant la
preuve réelle et objective des avancées de cette communauté, de ses acquis, il semble
donc pertinent et opportun dans la logique d’une étude sur la vie et l’existence de
l’OHADA, d’examiner ceux adoptés jusque-là pour envisager les réels avantages
52
A l’instar de l’institution du droit européen des marques qui n’a pas supprimé les droits nationaux
dans le domaine.
26
apportés par ces actes pour les Etats membres et faire l’état des lieux de leur application
au niveau de l’instance communautaire 53 mais aussi des instances nationales.
Ceci nous permettra à l’issue de cette analyse d’évaluer avec justesse et certitude où en
est l’OHADA dans sa politique d’expansion, d’intégration et de réglementation du
domaine des affaires en Afrique, son effectivité, les diverses problématiques que
suscitent l’adoption et la mise en œuvre des actes uniformes et la jurisprudence
communautaire et nationale, et de façon générale l’étendue des acquis de cette instance
communautaire54. Ce qui nous amène donc à formuler diverses problématiques autour
des questions et interrogations soulevées par cette étude.
Notre étude portera sur les objectifs de l’OHADA à sa création et après vingt ans
d’existence : le corpus juridique, les résultats obtenus, les échecs, les réformes, une
nouvelle dynamique. A ceci s’ajouteront les difficultés liées à l’adoption et la mise en
53
La CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
54
« Il constitue une source d'études comparatives diverses tant cette organisation est synonyme de
satisfaction et d'espérance. Ce système d'intégration est par ailleurs actuellement en cours de révision
puisque son traité fondateur signé en 1993 a fait l'objet de modifications. Les huit Actes uniformes,
quant à eux, font actuellement l'objet d'études pour favoriser leur amélioration. Le droit OHADA est
donc un droit ancré dans la pratique mais aussi un droit vivant si l'on se réfère au nombre de décisions,
études et autres travaux dont il génère la création depuis son lancement » Djogbénou J.
27
œuvre des actes uniformes au regard des problèmes relatifs à la divergence des réalités
juridiques et économiques des Etats. Les litiges nés de la confrontation des décisions
entre juge interne et juge communautaire, l’interprétation au plan interne des
dispositions communautaires seront aussi inclus dans notre étude. L’analyse de la
jurisprudence OHADA, les problèmes liés aux conflits de juridiction et surtout à
l’exécution au plan interne des décisions rendues par l’instance communautaire,
l’analyse des objectifs et projets principaux de l’OHADA pour les dix prochaines
années seront aussi abordés, sans oublier une étude de faisabilité et de mise en place des
diverses solutions que nous proposerons.
En outre, les diverses difficultés que rencontre l’OHADA seraient dues en partie à son
déficit de crédibilité quant à sa capacité à rendre efficace et effectif son corpus
juridique. Le vide juridique que laisse la codification communautaire en donnant toute
liberté aux Etats sur l’élaboration des sanctions aux infractions pénales des affaires
seraient aussi au cœur des difficultés que rencontre l’organisation à s’imposer. A ceci
s’ajouterait le fait que l’organisation créerait une énorme ambigüité sur son objectif
d’harmonisation ou d’uniformisation. Les décisions du juge communautaire feraient-
elles l’unanimité au plan interne des Etats et dans leurs exécutions matérielles ?
l’OHADA serait-elle en mesure aujourd’hui de répondre aux attentes juridiques de la
grande masse d’Etats encore réticents à intégrer le cercle juridique de son droit des
affaires.
Annonce du plan. Notre étude vise donc à faire l’état des lieux, c’est-à-dire analyser
l’OHADA, dans une démarche comparative avec le droit européen, contrôler
l’effectivité de ces normes au niveau des instances judiciaires communautaires et
nationales et voir les enjeux de la politique d’intégration mise en place par l’OHADA
au plan africain afin d’y apporter de réelles solutions pour la redynamiser afin qu’elle
réponde autant aux attentes des Etats africains pris individuellement qu’à leurs attentes
communautaires ou communes.
28
engagement de l’organisation dans la coopération avec d’autres instances
communautaires et internationales : ses rapports privilégiés avec UNIDROIT, Union
Européenne, UEMOA55, OAPI, CIPRES et CEMAC ; il faudrait régler la question de
l’harmonisation et de l’uniformisation, résoudre les diverses questions relatives à la
responsabilité pénale en droit communautaire au regard de la vétusté des codes pénaux
des Etats membres et garantir des projets d’intégration viables et fiables pour les années
à venir afin d’accroître et de motiver l’intégration africaine à l’organisation OHADA.
L’objectif de notre étude est d’apporter des solutions réelles et efficaces qui seraient des
atouts majeurs de cette communauté dans sa perspective et sa volonté de se hisser au
sommet des instances communautaires à l’instar de l’Union Européenne par exemple ou
de bien d’autres.
Eu égard à tout ce qui précède, il nous est donc apparu opportun d’étudier dans une
première partie l’avènement d’un ordre juridique communautaire (Partie I), puis dans
une seconde partie les solutions pour une nouvelle dynamique de l’ordre juridique
harmonisé OHADA56 (Partie II).
55
« L’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (U.E.M.O.A.) créée par le Traité de Dakar du 10
janvier 1994 s’inscrit dans une perspective substantiellement différente des schémas d’intégration
l’ayant précédée en Afrique Occidentale. Les signes irrécusables de cette nouvelle perspective
s’affichent tant au niveau de la structure institutionnelle que du système juridique. Par l’architecture
institutionnelle qu’il met en place et l’ordre juridique qu’il assied, le système institutionnel de l’Union
s’inscrit dans une autre perspective que celle ayant tendu à réduire les systèmes d’intégration au
modèle ordinaire de l’organisation internationale, à savoir l’optique supranationale » Rapport de
l’UEMOA, 2007.
56
«L’examen de la question exige d’avoir présent à l’esprit le fait que le Traité de Dakar a entendu créer
une institution supranationale habilitée à sécréter un droit à la charnière du droit international et des
droits internes. L’ordre juridique supra-étatique qu’elle met en place se caractérise par un mode
particulier de production et de réalisation du droit ressortissant au schéma fédéral, schéma caractérisé
par “ la superposition de deux ordres organisés de façon que les sujets de chaque élément composant
l’ensemble soit simultanément soumis au droit de l’élément et à celui de l’ensemble et que ses organes
agissent simultanément comme organes propres de l’élément et comme organe commun de
l’ensemble » Commentaire sur les propos du Secrétaire Général de l’OHADA, Journal Jeune Afrique
2010.
29
PARTIE I
30
« Même les observateurs les plus critiques de l'Organisation pour l'harmonisation en
Afrique du droit des affaires (OHADA) l'admettent, le traité de Port-Louis qui l'institue,
a permis de donner un coup de jeune aux normes encadrant le droit des affaires dans les
États parties de la Convention »57. Ainsi, pour bien des observateurs et des analystes,
qui suivent depuis deux décennies cette organisation, il est évident qu’elle a constitué
un cadre juridique moderne58, plus fiable et stable, s’étant substitué à un droit
commercial dont certains mécanismes dataient parfois du XIX e siècle. Elle a créé ainsi
un espace de droit uniforme et moderne comptant 17 États membres et plus de 250
millions d'habitants, ce qui pour certains est déjà la consécration d’une perspective
d’intégration59 réussie.
Dans une analyse pourtant sévère de l'OHADA, réalisée en 2011 pour la Banque
mondiale, l'avocat français Renaud Beauchard le concède « en un laps de temps
remarquablement court, l'OHADA a créé une nouvelle organisation supranationale - une
réussite en soi - qui a largement rempli l'objectif qu'elle s'était fixé en matière de
production d'un droit uniforme »60.
Ce nouveau cadre juridique ainsi instauré et mis en place a considérablement marqué les
échanges et l’engouement autour du marché africain. Mais aussi, c’est un facteur crucial
de l’émergence d’un nouvel ordre juridique pour le développement économique en
Afrique grâce à l’OHADA (Titre I). Ce nouveau défi pour l’économie des Etats
membres est une motivation plus que suffisante pour que l’instrumentalisation juridique
et judiciaire soit très vite au cœur des enjeux communautaires de l’OHADA (Titre II).
57
Assoko J., « L’OHADA fête 20 ans de bouleversement de l’environnement des affaires », éditorial
Ersuma, 17 octobre 2013, p.1.
58
Répondant aux exigences du commerce international, de la globalisation économique et des nouvelles
dynamiques commerciales.
59
La perspective d’intégration ici abordée consiste pour l’organisation de réussir à sortir des clivages des
divers droits internes, à réussir à mettre en commun les diversités socio-économiques pour aboutir à un
cadre juridique et économique encadré et viable.
60
Beauchard R., in Joël ASSOKO, op.cit, p.1.
31
TITRE I
La création de l’OHADA est avant tout une réponse politique à la crise économique
dans laquelle sombraient les Etats africains, cette nouvelle idéologie qui allait changer
l’individualisme économique dans laquelle se noyait chacun de ces Etats pensant
résoudre seul ce qui est devenu les problèmes de tous. C’est aussi l’idée de comprendre
et d’accepter que le monde soit entré dans une nouvelle dynamique économique61, ou il
n’y a pas de place pour les économies faibles et en perte de croissance. La perspective
d’intégration62 trouve ici tout son intérêt dans la mesure où même les plus grandes
puissances mondiales ont compris tôt que c’était tout à leur intérêt d’intégrer un système
plus global à une échelle supranationale, un moyen certes plus contraignant
politiquement mais plus efficace de faire face aux dures réalités économiques insufflées
par un capitalisme en pleine effervescence.
Ainsi, l’OHADA n’est pas née de la seule initiative des Chefs d’Etat africains de la
Zone Franc, mais elle est aussi et surtout une idée, voire une exigence, des opérateurs
économiques64 africains qui revendiquaient l’amélioration de l’environnement juridique
61
La discipline budgétaire dans la zone euro quant à elle a été renforcée par l’adoption du two-pack.
62
Cf. Anoukaha F., « Retour sur une question occultée : la nationalité en droit OHADA », numéro 888, p
281.
63
Cf. dictionnaire permanent, droit européen des affaires, bulletin n.303, juillet 2013, p.1.
64
Selon l'article 1 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004
relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et
de services), le terme «opérateur économique» couvre à la fois les notions d'entrepreneur, fournisseur
et prestataire de services. Les termes "entrepreneur", "fournisseur" et "prestataire de services"
désignent toute personne physique ou morale ou entité publique ou groupement de ces personnes
et/ou organismes qui offre, respectivement, la réalisation de travaux et/ou d'ouvrages, des produits ou
32
des entreprises. En effet, devant le ralentissement des investissements, consécutif à la
récession économique et à l’insécurité juridique 65 et judiciaire66 qui sévissait dans cette
région à partir des années 1980, il s’agissait de redonner confiance aux investisseurs,
tant nationaux qu’étrangers, afin de favoriser le développement de l’esprit d’entreprise
et attirer les investissements extérieurs. Cette organisation va donc sortir ces divers
Etats de l’insécurité juridique qui gangrenait leurs économies et leur ouvrir les portes
d’un marché à une plus grande échelle, un système garantissant la fiabilité des moyens
juridiques et la sécurité des investissements.
La question cependant est restée posée de savoir si l’organisation dans son modèle
d’intégration est créatrice ou non d’un ordre juridique. Pour y répondre, il faut avant
tout comprendre l’origine et les fondements de la notion d’ordre juridique ainsi que les
diverses implications sur un système juridique communautaire comme celui de
l’OHADA.
Dans le but d’étudier ce cadre juridique uniforme et évolutif, notre intérêt se portera,
d’une part, sur les fondements de la théorie de l’ordre juridique communautaire
(Chapitre I) et d’autre part, sur la politique de développement économique et juridique
des affaires par la mise en place d’un système institutionnel et juridique d’actions
(Chapitre II).
des services sur le marché. Les opérateurs économiques sont sujets au respect des normes
communautaires en matière d'aides d'Etat.
65
Les Etats africains à cette époque n’apportaient aucune garantie en termes de dispositions légales qui
régissent concrètement le domaine des affaires. Les codes étaient vétustes et n’assuraient pas
juridiquement les investissements. Certaines dispositions essentielles pour le commerce international
comme nationale, les importations et la fixation des tarifs douaniers étaient jusqu’alors inexistant. Ce
qui logiquement ne rassurait en rien les divers investisseurs nationaux comme internationaux.
66
L’insécurité juridique est due à la forte présente de la corruption dans le domaine judiciaire au sein
des Etats membres. Les décisions judiciaires n’assuraient aucune équité et aucune justice. Les
motivations inexistantes et c’était plus un pouvoir de force qu’une justice équitable.
33
CHAPITRE I
En fait, c’est dans la réflexion sur les questions de droit en général et les principes
généraux du droit et la technicité du droit que l’on trouve à étudier et élucider les
notions relatives à l’ordre juridique. La preuve la plus simple en est fournie par les titres
des ouvrages de Kelsen et Hart, les deux auteurs majeurs du siècle, ayant intensifié leurs
travaux sur la question de l’ordre juridique ; sans compter Santi Romano, qui était aussi
très critique sur les questions relatives à l’appropriation de la théorie générale de l’ordre
juridique68.
Ainsi si l’on doit présenter une vue synthétique de la notion d’ordre juridique
communautaire, trois questions fondamentales méritent d’être élucidées : quelles sont
les origines et la nature exacte de cet ordre juridique ; quelles sont les caractères
fondamentaux qui s’attachent au phénomène juridique dénommé « ordre juridique » ;
enfin à quel moment peut-on donc logiquement et juridiquement prétendre être en
présence d’un ordre juridique ?
67
In PELLET A., op. Cit, p. 182
68
Cf. ROMANO S., l’ordre juridique, Dalloz, 2002, 174 pages
34
Ainsi, cette notion d’ordre juridique communautaire a une histoire et a évolué dans le
temps (Section 1) mais s’est aussi adaptée afin de répondre aux exigences de
l’intégration juridique (Section 2).
En droit européen, il est plus spécifiquement désigné comme « un ensemble des règles
de droit applicables au sein de l’Union Européenne »70, des règles s’appliquant dans
l’ensemble de l’espace européen71 sous le signe d’une perspective intégrationniste de
certaines matières du droit, au plan communautaire.
Selon les cas, ces dispositions viennent compléter le droit propre à chaque Etat, dans un
domaine spécifique ou une matière ciblée 72 ou alors le remplacer dans une perspective
plus complète d’intégration73. Ce mécanisme fut coordonné par divers principes 74, selon
lesquels la communauté n’intervient que si les objectifs et buts poursuivis par l’action
commune ne peuvent être réalisés de façon suffisante.
Mais il est très important de rappeler qu’il s’agit bien d’un concept juridique qui a
connu une évolution temporelle et s’est affirmé au fil des années comme un facteur de
mesure du niveau d’intégration juridique dans divers domaines. Il s’est aussi largement
séparé des considérations d’ordre internationaliste, pour affirmer une unité juridique
caractérisant à ce jour toute son essence et s’imposant comme un outil de
reconnaissance de l’effectivité et de l’aboutissement de toute perspective d’intégration
69
Cf. PELLET A., Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire, Editions Académie
européenne de droit, 1997, 271 pages
70
ibidem
71
Cf. LASSERE V., le nouvel ordre juridique, éditions LexisNexis, 2015, 369 pages
72
Pellet A., ibidem
73
LASSERRE V., ibidem
74
Que nous développerons plus spécifiquement dans la suite de notre étude
35
et de formation d’un ordre juridique communautaire. La reconnaissance mutuelle des
jugements75 constitue aussi une pierre angulaire de tout le système d’intégration dans ce
domaine76.
Etudier donc la notion d’ordre juridique dans son approche communautariste, donc dans
ses rapports avec le droit international, revient à comprendre d’une part le concept de
désinternationalisation du droit communautaire (Paragraphe 1) et d’autre part l’ordre
juridique communautaire comme un ordre juridique de droit international (Paragraphe
2).
75
Règlement CE n. 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité
parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000. Ce texte, qui reprend les dispositions du règlement
"Bruxelles II" en matière de reconnaissance et d'exécution, est entré en application le 1er mars 2005.
76
Le Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire,
la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit «Bruxelles ». Un
rectificatif a été publié le 24.11.2001 concernant des conventions auxquelles le Royaume Uni est Partie.
Les annexes I et II ont fait l'objet d'une modification en 2002. Une autre modification des annexes I à IV
est intervenue en novembre 2004 suite à l'élargissement.
77
Ibidem.
78
Ibidem.
36
A- Les fondements jurisprudentiels de l’ordre juridique
communautaire
Dans la première décennie de son existence, la Cour a exprimé diverses considérations
et appréciations relatives aux traités constitutifs.
Ce fut toute de suite très vif, notamment dans un arrêt en 1960, que l’on a qualifié
d'«obscur»79 et qui portait sur des questions très complexes de fiscalité applicable aux
fonctionnaires de la CECA. Il s’agissait de l’arrêt HUMBLET, affirmant l’obligation
faite à la Belgique de respecter l’immunité des fonctionnaires communautaires Belges.
La cour s’est alors fondée sur des dispositions découlant « du Traité et du protocole qui
ont force de loi dans les Etats membres à la suite de leur ratification et qui l'emportent
sur le droit interne »80. Les choses étaient ainsi donc très claires, et argumentées eu
regard au droit international : « les obligations des Etats membres trouvent leur source
et leur fondement dans les traités régulièrement ratifiés par les Etats et incorporés dans
leur ordre juridique interne. »81
Cependant, dans une formule plus concise, qui a fait autant sa fortune et rendit célèbre,
l’arrêt Van Gend en Loos du 5 Février 1963 ne précisa pas plus cette position, se
bornant d’une part à réitérer cette autonomie de l’ordre communautaire mais d’autre
part en affirmant que le Traité (CEE) « constitue plus qu'un accord qui ne créerait que
des obligations mutuelles entre les Etats contractants » 82, ce qui est indiscutablement
exact.
La cour de Luxembourg en conclura que « la Communauté constitue un nouvel ordre
juridique de droit international »83. Cette expression est évidemment décisive et sera
définitive au fil du temps et au fil de l’évolution du droit international et d cette notion
d’intégration qui va peu à peu s’y incorporer et s’y consolider.
Ce qui signifie assez clairement qu’à cette époque en 1963, la Cour n’éprouvait nul
doute sur l’ancrage de l'ordre juridique communautaire dans le droit international, tout
en mettant en lumière, à juste titre les évidentes particularités du droit communautaire.
79
De Witte, « Retour à Costa, la primauté du droit communautaire à la lumière du droit international »,
RTDE (1984).
80
In Pellet A., op. cit.
81
Dénis A., « De l’ordre juridique international », Revue française de théorie, de philosophie et de
culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 79.
82
Ibidem.
83
Boddio N., « Perelman et Kelsen », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques,
n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 165.
37
Toutefois, un an plus tard, dans le non moins célèbre arrêt Costa c. ENEL du 15 juillet
1964, considéré par une partie de la doctrine comme le point de départ de la
consécration et de la reconnaissance d’un ordre juridique « hors étatique », c'est-à-dire
en dehors du conventionnel ordre juridique créé par les Etats dans leur élan de
codification.
Dans cet arrêt la Cour donc, de façon évidemment délibérée, « rectifie le tir ». Il y est
dit cette fois qu'« à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE
a institué un ordre juridique propre intégré au droit des Etats membres ». Cette dernière
précision ne suscite pour l’instant pas notre intérêt mais plutôt, chose remarquable, la
disparition de la mention « de droit international » après « ordre juridique », qui allait
ainsi être proclamée. C’est dire qu’à un an d’intervalle, le « nouvel ordre juridique de
droit international » de 1963 devient « un ordre juridique propre » en 1964, alors même
qu’il ne s’était produit dans cet intervalle aucune mutation juridique majeure. Etait-ce
alors un nouvel élan donné à l’intégration, une nouvelle vision du droit internationale,
ou une ferme volonté de la jurisprudence de consacrer cette dynamique d’ordre
juridique nouveau ?
Il est, dans ces conditions totalement invraisemblable que l'« ordre juridique de droit
international »84 de 1963 ait pu perdre ce caractère en 1964 et, d'ailleurs, l'arrêt Costa ne
dit rien de tel. En posant le principe de la primauté du droit communautaire, il établissait
à l’occasion l’origine formelle de l’ordre juridique communautaire, qui découlait ainsi
du Traité, des termes et de l’Esprit du législateur communautaire. Celui-ci qui, malgré
les particularismes que représente ce texte par rapport à ce que la Cour appelle les
« traités ordinaires »85, n’en est pas moins un « accord international conclu par écrit
entre Etats et régi par le droit international »86.
Il est donc évident, malgré les nettes similitudes entre ces deux décisions que la Cour
n’avait nullement l’intention de reconnaitre donc, dans l’arrêt Costa, le fondement
international de la Communauté et de son droit, même si elle l'explicite moins
nettement. La doctrine en retiendra qu’ « après tout, la Cour a tendance à tenir pour
acquis les principes posés par elle et il n'était, en effet, pas indispensable de reprendre la
formule explicite qu'elle avait retenue dans l'affaire Van Gend en Loos »87.
84
Alland D., ibidem
85
Epron Q., « Le gallicanisme a-t-il connu l’idée d’un ordre juridique ? », Revue française de théorie, de
philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 3
86
Ibidem
87
In Pellet A., op.cit
38
Le « glissement terminologique »88 de 1964 n’était donc pas passé inaperçu pour la
doctrine. L’arrêt Costa est probablement l’un de ceux, pour ne pas dire celui-là qui a fait
couler énormément d’encres et fait l’objet de divers commentaires les plus critiques et
les plus abondants. Cependant, la cour, après ce retournement terminologique s’est
toujours tenu de reprendre la terminologie initiale de 1963, en retenant et ceux pour
l’avenir celle d 1964. Il ne fut donc plus jamais question d’un « nouvel ordre juridique
de droit international », alors même que, quelques mois après l'arrêt Costa, soit le 13
novembre 1964, dans l'affaire Commission contre Luxembourg, elle reprend la première
partie de la formule Van Gend en Loos « ordre juridique nouveau », mais en s'abstenant
soigneusement de préciser «de droit international »89.
Il s’agit donc clairement d’une tactique délibérée de la Cour dont M. Bruno Witte, dans
un remarquable article paru en 1984 a donné une explication des plus construites et des
plus soutenue, extrêmement convaincante que l’on ne peut qu’épouser et rallier. Ce
dernier est en effet convaincu que la Cour a entendu couper les ponts avec le droit
international et ceci dans une perspective qui apparait clairement avec le recul du temps.
Il s’agissait selon l’auteur de démarquer le droit communautaire du droit international
afin de lui absoudre sa vision d’intégration juridique et de mieux en assurer la primauté
et la subsidiarité, ce fameux dualisme proclamé. Il est donc question aussi donc de
faciliter la tâche aux juges de ces pays en effaçant le caractère international de l'ordre
communautaire.
Cependant, à y voir de plus près, notre analyse relève une manœuvre purement
psychologique dans la mesure où les juges de ces pays en direction desquels cette
entreprise de séduction avait été mise en œuvre ne s’y ont laissé prendre que parce
qu’ils l’ont bien voulu et d’ailleurs seulement de manière partielle. Le fait évident était
demeuré : « l'ordre juridique communautaire n'est pas, à la différence de l'ordre
juridique étatique, une donnée factuelle ; c'est un ordre créé ; et il l'est par une série de
traités. Il s'agit donc d'une création du droit international »90.
La cour de Luxembourg ne l’a d’ailleurs pas nié, en rappelant avec une certaine
constance, comme en témoigne les formules qu’elle a utilisé dans ses avis des 14
décembre 1991 et 10 avril 1992 à propos de l'EEE: « Le traité CEE, bien que conclu
sous la forme d'un accord international, n'en constitue pas moins la charte
88
L’arrêt Costa/ Enel
89
GRZEGORCZYK C., « L’ordre juridique comme réalité », Revue française de théorie, de philosophie et
de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 10
90
Ibidem
39
constitutionnelle d'une communauté de droit »91 ; ou encore « le Traité instituant l'EEE
ne dénature pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu'elles
sont conçues par le Traité »92.
Dans chacun de ces deux cas, le fondement juridique international de la construction
communautaire est donc reconnu même si l’accent est mis corrélativement sur les
particularités et les exigences juridiques du Traité originaire, qui ne sont certes pas
négligeables non plus mais demeurent soulevé certaines autres problématiques.
Malheureusement, la doctrine communautariste, pour sa part, et dans sa grande
majorité, ne veut rien retenir de cette approche jurisprudentielle, certes équilibrée,
préférant s’orienter vers une affirmation de la spécificité du droit communautaire.
91
Pellet A., op.cit.
92
Ibidem.
93
HALPERIN J., « L’apparition et la portée de la notion d’ordre juridique dans la doctrine internationale
du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre
juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 41.
94
Ibidem.
40
La seconde thèse a été relancée récemment, par le Professeur Charles LEBEN, dans un
célèbre article, et très controversé où l’on peut être tenté d’épouser son approche et ses
conclusions générales sans pour autant être convaincu et ainsi gardé une part de
scepticisme quant au bien fondé de l’approche kelsénienne, très abstraite, adoptée par
l’auteur.
Concernant cependant l’école fédéraliste, elle ne se prévaut plus pour autant de cette
étiquette, tant l’évolution des communautés a démenti de façon éclatante ses prévisions
intégrationnistes décidément trop optimistes 95. « Il n'en reste pas moins que cet échec
n'a guère entamé l'ardeur anti-internationaliste de la doctrine communautariste la plus
agissante »96 comme le rappelle Alain JELLET, prenant en exemple un cas très frappant
de cette attitude, donné par le juge Constantinos Kabouris 97 aux mélanges Pescatore98.
Ce dernier présente ses réflexions comme parfois peu conformistes, même si l’on
perçoit une grande part de conformisme communautaire. Il explique que le Traité de
Rome « est en vigueur par lui-même, de façon autonome, et constitue la source primaire
de tout l'ordre juridique communautaire »99. Il met aussi l'accent sur l'abandon par la
jurisprudence de l'expression « ordre juridique de droit international » pour conclure à la
nature fédérale de « la relation Communauté-Etats membres ».
D’une façon générale, la doctrine communautariste s’est aussi évertuée à donner une
appréciation de l’évolution de la position de la cour, une interprétation plutôt radicale
qui est aussi tactique que substantielle. Ainsi, pour nombre de ces auteurs, l’expression
retenue de « nouvel ordre juridique de droit international » ne serait qu'une « remarque
quelque peu malencontreuse »100 ou « une erreur »101.
Les communautaristes les plus virulents, se considérant comme les précurseurs et les
représentants du droit européen exposent un point de vue assez critique de ce même
droit international auquel la construction communautariste, à leur avis, ne doit rien.
Le juge Pescatore s’est quant à lui évertuer à retracer dans nombre de ces travaux
l’évolution des relations entre le droit communautaire et le droit international. Dans ses
écrits portant sur l’ordre juridique des communautés européennes, il s’emploie à relever
95
Quelles que soient les sympathies politiques que l'on peut nourrir pour elle.
96
In Pellet A., op.cit.
97
Ibidem.
98
In HALPERIN J., « L’apparition et la portée de la notion d’ordre juridique dans la doctrine
internationale du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n.
33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 41.
99
Ibidem.
100
Cf. LASSERE V., le nouvel ordre juridique, éditions LexisNexis, 2015, 369 pages.
101
Ibidem.
41
que « juridiquement, les communautés sont fermées sur elles-mêmes. La raison
profonde de l'inadaptation du droit international au droit communautaire résulte du fait
que le premier est fait pour régir des rapports de coexistence ou de coopération »102. Ce
qui amène ensuite l’auteur à poser en postulat que le droit international est « peu
évolué »103 et à honorer la « supériorité du droit communautaire »104. Plus encore, il
conclut heureusement et fort logiquement que « tout ce qui fait l'originalité et la force
du droit communautaire échappe aux catégories du droit international » 105.
Dès lors, et eu égard à ces diverses considérations doctrinales, l’on est réellement en
droit de porter un regard neuf et une once de scepticisme toutefois sur l’apport du droit
communautaire à une réforme et révision du concept de souveraineté constituante ainsi
un modèle de la pensée scientifique. Bien d’autres auteurs épousent ce postulat, M.
Jacot-Guillarmod qui dans son ouvrage très célèbre parut en 1979, Droit communautaire
et droit international public, n’hésite pas à écrire que « par ses faiblesses intrinsèques, le
droit international public diffère profondément du droit communautaire »106.
Ainsi, plusieurs aspects du droit international sont ainsi devenus, par contraste, d’utiles
repères pour apprécier et appréhender la spécificité du droit communautaire et, par la
même, pour mesurer l’écart qui s’est creusé entre les deux ordres juridiques.
Pour le même auteur, s’il devait y avoir un dialogue entre ces deux systèmes juridiques,
cela ne concernerait que les relations externes des Communautés dans lesquelles
concède-t-il, le droit international joue un rôle croissant et non négligeable. Une
conséquence évidente du rôle accru que jouent les Communautés elles-mêmes dans les
relations internationales107.
En résumé, si tout ceci est indéniable, l’on ne peut que convenir, avec Jacques
Bourgeois, l’ancien conseiller juridique principal à la Commission, que la Cour de
Luxembourg « soit soucieuse d'éviter d'introduire dans le droit communautaire le cheval
de Troie de certains modes de pensée du droit international » 108.
102
In Hummel J., « Etat et ordre juridique dans la doctrine publiciste allemande du XIXe siècle », Revue
française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf,
2002, p. 25.
103
Ibidem.
104
Ibidem.
105
Ibidem.
106
In Leben C., « De quelques doctrines de l’ordre juridique », Revue française de théorie, de
philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 19.
107
Ce dernier constat est au moins indéniable.
108
Troper M., « La constitution comme système juridique autonome », Revue française de théorie, de
philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 63.
42
Mais tout ceci n'est pas exact et repose sur deux pétitions de principe difficilement
acceptables. Ils posent en effet le résultat même de l'équation qu'il s'agit de résoudre.
Alors que la question qui reste toujours poser est de déterminer la place du droit
international dans la construction communautaire. A cet effet, les avis doctrinaux
s’articulent tous autour de ces considérations : « le droit communautaire ne doit rien au
droit international, donc le droit international est, par définition, tout ce qui n'est pas
communautaire et est purement interétatique, donc le droit international n'a aucune
place dans le droit communautaire ».
109
Ibidem.
110
Pellet A., op.cit, p. 187.
43
part son rapport avec le droit international et d’autre part cette autonomie assez relative
qu’elle a acquise.
L’historique juridique international voudrait bien que l’on relativise un tant soit peu.
Les Communautés ont été créées par des traités successifs ; pas seulement ceux de Paris
de 1951 et de Rome de 1957, mais aussi tous ceux qui ont réalisé des aménagements
institutionnels plus ou moins profonds depuis la Convention de Rome de 1957 relative à
certaines institutions communes jusqu'au traité de Maastricht sur l'Union européenne du
7 février 1992 entré en vigueur le 1er novembre 1993, en passant par le traité de fusion
de 1965, les deux traités sur le budget communautaire de 1970 et 1975, l'Acte annexé à
la décision du Conseil du 20 septembre 1976 relatif aux élections du Parlement
européen et l'Acte unique du 28 février 1986, sans oublier les traités successifs
d'adhésion de 1972, 1979, 1986 et ceux, encore en pointillés, de 1994. La complexité de
chacun de ces textes est une évidence prenant en compte l’instrument juridique
principal, accompagné d’une multitude d’annexes, protocoles et déclarations dont, dès
1956, la Cour d Justice a déclaré « qu’ils avaient la même force juridique impérative
que le traité »112. Tout en préservant ainsi l’autonomie de chaque traité, la Cour
111
Ibidem.
112
Mais, pour avoir des aspects constitutifs ou, si l'on veut, « constitutionnels », ils n'en répondent pas
moins, en tous points, à la définition des traités la plus communément reçue en droit international,
celle, par exemple, que l'on trouve dans l'article 2, paragraphe 1(a), de la Convention de Vienne sur le
droit des traités du 23 mai 1969: l'expression « traité » s'entend d'un accord conclu par écrit entre Etats
et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou
plusieurs instruments connexes.
44
considère la construction communautaire comme un tout unique, chacun des éléments
constituants étant appelé, le cas échéant, à éclairer l’interprétation donnée aux autres 113.
Cependant, il est un constat que certes un Etat peut, en apparence, être issu d’un traité et
l’on prend à ce sujet l’exemple de la Belgique en 1830. Toutefois, ce n’est jamais du
traité que l’Etat tire son existence juridique, donc la reconnaissance de l’ordre
juridique ; il est un sujet de droit parce qu’il existe de fait. La commission d’arbitrage de
la Yougoslavie114 l’a rappelé récemment dans son avis du 29 Novembre 1991 :
« l'existence ou la disparition de l'Etat est une question de fait »115.
Le constat de notre analyse est clair, alors que l’existence de l’Etat s’impose au droit
international, celle des communautés en découle. Elles procèdent de celui-ci, de la
volonté exprimée par les Etats aux traités originaires tels que le droit international
l’organise et en réglemente l’expression. Notre analyse nous permet aussi de conclure
que la Cour de justice s’est constamment montrée tout à fait consciente de ce caractère
fondamental du droit international. En premier dans ces arrêts fondateurs dont émanent
toute la construction de l’autonomie du droit communautaire, ceux de 1963 et 1964116.
De suite, dans toutes les situations juridiques où il est apparu nécessaire, elle n’a cessé
de se référer à l’importance de la ratification des traités par les Etats membres, leur
rappelant ainsi leurs obligations et le fondement conventionnel de celles-ci117.
113
C'est cet ensemble complexe de traités que la Cour de Luxembourg a qualifié, notamment dans l'avis
1/91 du 14 décembre 1991, de « charte constitutionnelle d'une communauté de droit ».
114
Commission Badinter.
115
Du moment qu'une entité répond à la définition de l'Etat, c'est un Etat; les conditions de sa création
n'importent pas.
116
Elle a insisté sur l'origine conventionnelle des Communautés, point que la doctrine communautariste
« militante » se garde de souligner.
117
Ainsi, dans son ordonnance du 22 juin 1965 rendue dans l'affaire des Aciéries San Michele, elle
rappelle à l'Italie qu'elle est engagée par le traité CECA qu'elle a régulièrement signé et ratifié ; de tels
rappels sont constants dans les arrêts rendus en matière de responsabilité pour manquements.
45
Le juge Pescatore en déduira que les traités ont, de ce fait, « amené la création des
rapports juridiques apparentés à ceux du droit international ». Un avis discutable selon
PELLET, qui retiendra que « ce ne sont pas des rapports « apparentés » à ceux du droit
international ; ce sont des rapports de droit international, pour une raison, encore une
fois, « toute bête » et sur laquelle il est superflu de gloser indéfiniment, parce que la
création des Communautés est la manifestation juridique et le résultat de l'expression de
la volonté des Etats parties aux traités de les créer sur le plan international »118.
Le « complexe du Jivaro »
118
Pellet A., ibidem.
46
nouveau, international, ne devrait en rien être lié à une quelconque considération de
droit international119.
A cette liberté, le droit international ne fixe qu'une borne, le fameux jus cogens, que
l'article 53 de la Convention de Vienne de 1969 définit comme les normes impératives
du droit international général, acceptées et reconnues par la communauté internationale
des Etats dans son ensemble en tant que normes auxquelles aucune dérogation n'est
permise. Mais, quoi qu'ait pu en dire jadis l'Union Soviétique les traités communautaires
ne contiennent à l'évidence aucune disposition contraire à une norme de ce type 120.
Toutefois, ces traits spécifiques encore une fois très originaux par rapport à ce dont le
droit international a l’habitude méritent d’être quelque peu relativisés, en ce sens qu’ils
ne sont pas tous de totales nouveautés. Ce sont en effet les innovations du droit
communautaire en elles-mêmes qui frappent l’internationaliste plutôt que la massivité
des particularités qui le caractérisent et leur réunion121. Mais c’est le second facteur qui
fait des Communautés un exemple assez extraordinaire d’intégration car aucune
institution internationale ne concentre comme elles le font, tous ces éléments
d’originalité et une telle autonomie juridique.
119
En d'autres termes, le traité est un moyen juridique à la disposition des Etats pour réaliser les
objectifs qu'ils se fixent, mais ces objectifs, et les moyens de les atteindre, peuvent être fixés à peu près
sans limites.
120
« Un rôle tout à fait extraordinaire par rapport aux juridictions internationales de type classique, que
joue la CJCE dans la vie du droit communautaire et qui se traduit, notamment, par l'importance,
exceptionnelle, du contentieux de la légalité et par ses rapports directs avec les juridictions nationales,
qui contraste avec le caractère embryonnaire et consensualiste du règlement obligatoire des différends
dans l'ordre international » Pellet.
121
« En guise d’exemple, les Communautés ne sont pas les seules organisations internationales à
disposer d'un pouvoir de décision obligatoire à l'égard de leurs Etats membres ; l'Organisation de
l'aviation civile internationale (OACI), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou, de façon plus
spectaculaire, le Conseil de sécurité dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en
disposent également mais seulement dans des domaines restreints ou, comme à l'OCDE, à des
conditions procédurales extrêmement strictes. » Pellet
47
construction juridique internationale ; le fondement de son existence, de l'équilibre entre
la Communauté et ses Etats membres réside dans le droit international »122.
122
Pellet A., op.cit.
123
Comme la Cour de Karlsruhe l'a rappelé dans son arrêt du 12 octobre 1993 relatif à la
constitutionnalité du Traité sur l'Union européenne, l'intégration européenne, pour originale qu'elle soit
est un fait du droit international.
48
originaires qui lui sont propres et qui n’ont besoin, pour affirmer leur validité, de se
mesurer à aucune autre norme supérieure. Ainsi l’ordre juridique étatique présente la
particularité de se former, d’acquérir toute sa légitimité et son autonomie en dehors du
droit international et de toute considération juridique internationale124, l’inverse n’étant
pas admis car le droit international quand à lui a besoin du droit interne pour son
fonctionnement.
La doctrine dualiste reconnait ce particularisme, comme l’écrivait notamment Anzilotti
« le droit international présuppose 1'Etat, c'est-à-dire le droit interne, parce que l'Etat,
tout en ne s'identifiant pas avec l'ordre juridique national, n'est pas concevable sans lui
»125. Il n’en est pas moins évident et important que le droit international n’est pas le fruit
du droit interne ; l’existence de celui-ci étant inhérente à une société composée de sujets
également souverains dont il assure la coexistence. Le droit communautaire ne peut le
prétendre quand à lui, car il ne s’agit pas d’une donnée de fait, inhérente à une société
particulière et présentant une quelconque spécificité. Il est bel et bien une création
juridique résultant d’un ensemble conventionnel complexe qui fait de lui un ordre
juridique sujet au droit international. Il est, à cet égard, pour le moins discutable
d'affirmer que le Traité (de Rome s'agissant de la Communauté européenne), « est en
vigueur par lui-même, de façon autonome »126 ; il l’est parce qu’il a été validement
conclu conformément aux règles du droit des traités127.
Mais il n’en résulte pas moins que la créature n’a pas échappé à son créateur. Une fois
créée, la Communauté s’est irriguée en ordre juridique en développant une logique
juridique propre à elle, en élaborant ses propres règles et le champ de leurs mises en
œuvre conformément aux mécanismes autonomes et spéciaux qu’elle a elle-même
établis et qui se distinguent assez particulièrement de ceux qui caractérisent le droit
interne que le droit international.
124
Convention internationale par exemple
125
Cf. Lasserre V., ibidem
126
Cf. Pellet A., ibidem
127
Sa source, son fondement, n'est pas autonome mais, au contraire, l'ancre dans le droit international
dont il est la création
49
l'association de représentants des peuples au processus d'élaboration, et la
capacité des Communautés de s'engager au plan international, au même titre que
des Etats mais dans des domaines limités et, pour ce qui concerne l'application
des normes l'importance prise par les « sources autoritaires », qui contraste avec
leur rareté en droit international ;
- la non-pertinence du principe de réciprocité, l'effectivité et l'efficacité de
procédures juridictionnelles de règlement des différends et de contrôle de
l'application du droit, qui excluent tout droit d'action unilatérale des Etats
membres ; et d'une manière générale, le développement d'une « logique de
l'appartenance » à une communauté ;
- la création et l’adoption, l’appartenance à une citoyenneté européenne, une sorte
de fédéralisme comme qualifier par certains auteurs ;
- C’est un système qui se suffit à lui-même en permettant à la communauté
d’élaborer et d’établir les normes jugées nécessaires par elle-même à son
développement, de leur conférer un caractère obligation et une force exécutoire
de mise en œuvre au plan de toute la communauté sans aucune restriction.
La CJCE est donc fondée à estimer à juste titre dans l’arrêt Costa c/ Enel qu’ « en
instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la
capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus
particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert
d'attributions des Etats à la Communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des
domaines restreints, leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à
leurs ressortissants et à eux-mêmes » et qu' il en résulte l'institution d'un « ordre
juridique propre »128. Cependant, il ne s’agit pas non plus d’un phénomène isolé ou
totalement détaché des règles et principes préétablis. Dans la même affaire Costa c/
Enel, la Cour aurait pu, à raison distinguer les traités communautaires des « traités
ordinaires ». Mais elle péchait par omission en se tenant de rappeler qu’en revanche, ils
ne se distinguaient pas à cet égard de l'acte constitutif de n'importe quelle autre
organisation internationale qui, en créant une institution dotée de la personnalité
juridique, tant en droit international qu'au regard des droits nationaux et de compétences
propres à lui conférées pour atteindre les buts et les objectifs communs fixés qui lui sont
128
CJCE, arrêt Costa c/ Enel, op.cit.
50
assignés. Etant ainsi à l'origine d'un « ordre juridique particulier » 129 fondé sur un traité
donc d'un « ordre juridique de droit international » mais autonome par rapport au droit
international général et aux droits nationaux des Etats parties ou non de l'Organisation.
Cette considération suscita énormément d’écrits sur le sujet, au point que la doctrine
internationaliste s’interrogeait sur le fait que ce droit propre des organisations
internationales présentait un degré d’autonomie suffisant par rapport au droit
international pour que l’on puisse y voir un véritable « ordre juridique »130 ?
Des réponses assez variées y ont été apportées, penchant dans une certaine mesure vers
diverses considérations internationalistes, renvoyant la paternité de cet ordre juridique
au droit international ainsi que celle de ses constituantes. Mais la plus convaincante de
ces réponses est sans aucun doute elle-même assez problématique parce que l’on peut
considérer que toute institution, par essence comporte un ordre juridique ; c’est dire
qu’il y avait autant d’ordre juridique qu’il n’y a d’institutions. La conséquence étant que
l’acte constitutif de toute organisation internationale serait non seulement un traité
constitutif mais aussi une constitution, formant ainsi le fondement de l’ordre juridique
nouveau créé par l’organisation et s’imposant autant à ses organes qu’aux Etats
membres. Cette conception de la chose voudrait donc, à plusieurs égards que l’on
considère l’OHADA en tant qu’organisation issue d’une convention internationale
créatrice d’obligations pour les Etats parties, soit considérée comme créatrice d’un ordre
juridique communautaire131.
En effet, et ceci dans divers cas, il s’agit bien d’ordre juridique mais partiel ;
l’organisation ainsi créée n’ayant que les compétences qui lui sont nécessaires pour
atteindre ses buts. Dans ces limites, on peut parler, sans craindre un excès de langage,
d'ordres juridiques au sens propre, au sein desquels le processus d'élaboration et
d'application des normes répond à une logique juridique particulière découlant de l'acte
constitutif et que l'institution qu'il crée peut mettre en œuvre 132.
De plus les traités en question réservent expressément le cadre juridique des accords
antérieurs à leur conclusion afin de s’approprier leurs propres espaces de compétences
129
Timsit G., « L’ordre juridique comme métaphore », Revue française de théorie, de philosophie et de
culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 3.
130
Ibidem.
131
Ibidem.
132
Les traités ont doté les Institutions de règles de fonctionnement qui leur permettent d'élaborer des
normes et de les faire respecter selon des mécanismes particuliers et en fonction des objectifs qu'ils
fixent, étant entendu qu'il s'agit d'un ordre juridique partiel limité aux « domaines restreints » assignés
aux Communautés et d'un ordre « de droit international » du fait que le traité lui-même tient sa validité
de celui-ci.
51
et d’actions. L’on doit ainsi considérer que les traités postérieurs contraires aux traités
constitutifs ne peuvent recevoir application dans l’ordre juridique communautaire 133,
ces traités constitutifs ayant valeur nous le rappelons, de constitution créant et
consacrant l’ordre juridique né 134.
Mais ce simple outil de mesure, cet unique facteur pris en considération ne reflète pas
réellement toutes les considérations et toutes autres constituantes utiles à l’effectivité et
à la reconnaissance d’un ordre juridique communautaire, surtout dans une perspective
d’intégration juridique. Et la suite de notre étude éclairera certainement sur ce sujet,
s’agissant là d’une question fondamentale au cœur de cette étude, celle de l’existence ou
non d’un ordre juridique communautaire OHADA dans la perspective de l’intégration
du droit des affaires en Afrique.
133
De même, et bien qu'ici non plus, le problème ne se soit pas posé directement 241 un traité conclu
par un Etat membre avec un ou plusieurs Etats tiers ne serait pas opposable à la Communauté et ne
saurait recevoir application dans l'ordre juridique communautaire s'il est contraire aux traités
constitutifs.
134
« Il en va de même s'agissant de la Communauté européenne ; ni plus, ni moins. Il est vrai que le
mécanisme de contrôle préventif de l'article 228, paragraphe 6, du traité CE limite les risques d’une telle
contrariété puisqu'un accord envisagé par la Communauté et déclaré contraire au Traité par la Cour de
Justice ne pourrait entrer en vigueur qu'après une révision de celui-ci Il n'en reste pas moins que ce «
filtre » peut très bien ne pas fonctionner puisque la saisine de la Cour sur la base de l'article 228 est
facultative » Pellet A.
52
n’échappent pas à certains principes généraux qui consacrent leurs existences et leurs
reconnaissances juridiques.
A cet effet, nous étudierons la question en abordant, d’une part, l’insertion des enjeux
d’intégration juridiques dans un ordre juridique communautaire (Paragraphe 1) et,
d’autre part, l’ordre juridique entre complétude et complexité de l’intégration juridique
(Paragraphe 2).
135
Cf. aussi Rabault H., « La nature et la fonction de la théorie du droit dans la sociologie de Niklas
Luhmann : vers une rénovation de l’épistémologie du droit ? », Revue française de théorie, de
philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 191.
136
Ibidem.
53
le but de lui rendre une quelconque noblesse mais du fait de la dureté et de la
complexité de la tache qui est la leur. Car l’existence d’un ordre juridique appelle à une
aspiration technique très importante, dans le souci majeur de rendre uniques et corrects
les concepts juridiques.
Valérie Lasserre écrivait dans son ouvrage Le nouvel ordre juridique, le droit de la
gouvernance, « l’ordre est le dessein du droit, c’est peut-être aussi sa misère »137, dans
ce sens où l’ordre juridique doit reposer sur un certain nombre de principes universels et
conventionnels surtout, sur des détails approuvés et reconnus de tous dont ni le bien-
fondé ni la légitimité ne font de doute. A cet effet, il est nécessaire que l’unité soit l’une
des mesures de reconnaissance d’un ordre juridique, surtout dans un contexte
communautaire et eu égard à la technicité du droit.
Il est donc évident que si l’on veut définir un ordre juridique dans son entier, il ne faut
pas avoir égard seulement à ce qu’on croit être ses différentes parties mais au résultat
obtenu dans la logique unique de ce tout, c'est-à-dire non pas les normes qui y sont
édictées pour dire que c’est un ensemble de tous mais partir du tout pour en découvrir
logiquement et justifier ces normes, une unité concrète et réelle.
Quelle que soit la façon dont ils considèrent la nature d’un ordre juridique, la plus
grande partie des auteurs s’accordent lorsqu’il s’agit de décrire les caractéristiques
principales que revêt un ordre de ce type même si des divergences existent sur des
137
Lasserre V., Ibidem.
54
points particuliers. C’est là une condition de son existence. Par unité, il faut entendre
aussi efficacité, il faut entendre aussi bien efficacité des règles primaires 138 que
l’efficacité des normes secondaires 139. C’est du fait de cette nécessaire unité du droit
que Kelsen140 distingue l’ordre juridique des autres ordres normatifs. Le droit est un
ordre de contrainte et les autres ordres juridiques prescrivent certaines conduites
humaines en attachant aux conduites opposées des actes de contraintes qui sont dirigés
contre ceux qui les adopteraient, d’où le rôle attribué à la sanction et la réécriture de
l’ensemble des normes d’un système en normes primaires de sanctions destinée aux
organes d’application du droit. Il n’est pas nécessaire, néanmoins, d’adopter cette
présentation pour accepter, comme l’écrit Bobbio, que l’ordre juridique « trouve son
fondement en dernière instance dans le pouvoir, entendu comme pouvoir coercitif c’est-
à-dire le pouvoir de faire respecter y compris en concourant à la force, les normes
édictées »141, autrement dit que le droit « est un ensemble de règles à l’efficacité
renforcée, ce qui signifie qu’un ordre juridique est impensable sans l’exercice de la
force.
On remarquera et tous les auteurs sont d’accord que l’unité doit s’attacher à l’ordre
juridique dans son ensemble. Celui-ci n’est pas atteint par le fait que certaines des
normes ne sont pas appliquées et tombent éventuellement en désuétude. Cependant il
reste à savoir ce que signifient exactement l’efficacité et l’unité de l’ordre juridique. La
problématique peut être poussée plus loin, c’est-à-dire quel pourcentage de normes doit
être respecté pour que l’ordre juridique garde sa validité ? Toutes les violations ont
t’elle la même importance par rapport au système de droit ? Des questions adressées
aussi bien à la sociologie du droit qu’à la théorie générale du droit.
En effet, pour qu’un ensemble de normes constitue un ordre juridique il est nécessaire
qu’il existe un principe unificateur qui ordonne ces normes et les fassent apparaître non
pas comme un simple agrégat disparate de préceptes, mais comme un système structuré
138
Les sujets de droit se conduisent effectivement en gros de la façon prescrite par ces règles.
139
Les organes application du droit agisse effectivement dans le respect des normes secondaires,
appliquer le droit de la même passion dans le cas similaires et sanctionne la violation du droit lorsqu’il se
produit.
140
Kelsen H., Théorie pure du droit, Neufchâtel, Thévenaz, 1953 et 1988, p. 185.
141
In MORET-BAILLY J., « Ambitions et ambigüités des pluralismes juridiques, Revue française de
théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2 », Editions Puf, 2002, p. 195.
55
où chaque norme trouve sa place vis-à-vis d’autres et vis-à-vis du système lui-même.
L’une des solutions les plus marquantes de ce problème a été fournie par Kelsen142.
En effet, Kelsen donne deux réponses. Dans le premier temps, il examine l’ordre
juridique en tant que celui-ci constituerait un ordre qu’il appelle statique. Dans ce cas,
une norme est dite valide c'est-à-dire existante dans l’ordre juridique si son contenu est
conforme à la norme supérieure 143. Celle-ci sera elle-même valide si son contenu est, à
son tour conforme à sa norme supérieure. Dans un second temps, Kelsen présente
l’ordre juridique en tant qu’il constitue un ordre dynamique. Dans cette optique, une
norme inférieure est valide si elle a été posée conformément aux conditions requises par
la norme supérieure. Il en va de même pour celle-ci jusqu’à ce que de palier en palier on
remonte jusqu’à la constitution, en l’occurrence l’acte constitutif pour l’ordre juridique
communautaire. On voit bien que dans cette présentation la norme fondamentale est le
point de départ des opérations de création du droit. Mais l’acte constitutif étant la norme
suprême dans l’ordre juridique, elle ne peut trouver son fondement dans une norme
supérieure posée par une autorité qui lui serait supérieure. La seule possibilité est donc
de supposer la norme fondement hypothétique 144.
Dans les deux cas, la structuration de l’ordre juridique, ce qui en fait un système, est la
possibilité de rapporter de façon ultime chaque norme à une même norme hypothétique
fondamentale, et d’organiser de façon hiérarchique la totalité des normes appartenant à
l’ordre que ce soit selon le mode statique ou le mode dynamique. Ainsi, il ne s’agira
plus une combinaison farfelue de concepts juridiques pour former un tout mais d’une
organisation structurée de normes, formant une cohérence juridique parfaite 145.
D’autre part, on avait remarqué que les deux visions de Kelsen examinant les ordres
juridiques pouvaient aboutir à des résultats différents s’agissant de la validité des
normes et de l’unité poursuivie. Si une norme est valide parce qu’elle a été posée
conformément aux procédures prévues par la norme supérieure146, il se peut bien que le
contenu de la norme inférieure ne soit pas conforme à celui de la norme supérieure.
C’est là l’une des plus grandes difficultés de la théorie kelsénienne. Quant à la théorie
de la norme fondamentale, on peut dire qu’aucune des thèses de Kelsen n’a rencontré
142
Kelsen, Ibidem.
143
Ibidem.
144
Ibidem.
145
Ibidem.
146
Ibidem.
56
des critiques aussi vives et aucune n’a fait l’objet d’autant de réfutation 147. Kelsen lui-
même donne des justifications qui ont évolué dans le temps : hypothèse nécessaire à la
science du droit, hypothèse logique transcendantale, fiction nécessaire pour comprendre
la façon dont la norme se constitue en ordre. Il n’en reste pas moins vrai que seule la
norme fondamentale permet de répondre à la question de l’appartenance d’une norme
un ordre juridique, et seule elle permet d’unifier les normes d’un système en donnant à
la fois à celle-ci et à l’ordre juridique qui en résulte une validité et une unité vitales.
L’auteur Hart ne diffère guère de Kelsen sur ce sujet sauf en ce qui concerne le
caractère de plus en plus hypothétique de la norme ultime. Celle –ci est appelée par lui
« la règle de reconnaissance » qui, comme on l’a vu est la norme fondamentale chez
Kelsen. Hart148 est parvenu à la conclusion que la règle de reconnaissance tout en
offrant le fondement de validité aux autres règles du système en bénéficie elle-même
puisqu’elle est la règle ultime. Dire d’une norme qu’elle est valide c’est se situer à
l’intérieur d’un ordre juridique et évaluer ces normes avec les outils fournis par celle-ci
et intimement par la règle de reconnaissance 149.
En résumé, l’une des problématiques les plus délicates de la théorie de l’ordre juridique
est la reconnaissance de l’unité comme l’une des conditions d’existence d’un ordre
juridique. En effet, si c’est l’efficacité la contrainte, l’unité confère à l’ordre juridique,
en fin de compte sa réalité. C’est la théorie réaliste défendue par Alf Ross. Une théorie
consacrée par la doctrine communautaire qui nous pousse à relativiser l’existence d’un
ordre juridique OHADA ; en ce sens, bien des auteurs de la doctrine reprochent à
l’organisation, créatrice d’un système juridique d’intégration du droit des affaires,
l’abstraction faite des concepts généraux de droit et d’une uniformisation des théories
communautaires de droit dans le processus de codification introduit par l’organisation.
C’est dire à quel point il est chose difficile à ce jour de concilier le modèle OHADA de
droit communautaire avec les attentes matérielles et la technicité de l’ordre juridique,
non seulement sur le plan de l’unité mais aussi sur divers autres plans comme nous le
verrons par la suite.
147
In Romano S., l’ordre juridique, Dalloz, 2002, 174 pages.
148
Ibidem.
149
Ibidem.
57
B. La nécessaire cohérence de l’ordre juridique d’intégration
La cohérence de l’ordre juridique d’intégration est une question fondamentale qui
soulève les problématiques liées à l’antinomie au sein des normes édictées dans un
même ordre juridique. Il est important, crucial, fondamental de déterminer clairement
les terminologies juridiques, les principes fondamentaux et les théories générales afin de
rendre le plus efficace possible l’ordre juridique créé150.
C'est-à-dire qu’un ordre juridique incohérent perd de son efficacité mais aussi de la
légitimité ; faisant ainsi de la cohérence une des conditions importantes dans la
reconnaissance d’un ordre juridique.
Imaginons qu’à la suite d’un essaimage une république nouvelle se crée sur quelques
terres autrefois déserte et qu’elle se donne une seule loi, avec en tout et pour tout trois
articles. Dans l’instant même, les juristes entreront en action 151. A partir de chaque
règle, ils déduiront ou induiront quelques dizaines d’autres, qu’ils combineront entre
elles selon un agencement de plus en plus complexe, qu’ils complèteront ensuite par le
jeu de l’analogie152.
Dans un système purement déductif, si l’on arrive à démontrer que deux propositions du
système sont incompatibles, c’est l’ensemble du système qui est ruiné. La contradiction
ainsi intervenue, eu égard à l’importance des principes et des normes concernés est
susceptible de remettre en cause toute la logique du système mais encore l’unité de
l’ordre juridique153. Ce genre de problème se pose lorsque l’élaboration des normes
communautaires est faite de façon progressive et qu’elle ne prend guère en compte au
fil des temps les dispositions anciennes contenues dans les textes précédents 154.
Le problème se pose dans le cas de l’OHADA à qui bien des auteurs de la doctrine
reprochent d’adopter des textes fragmentés, des actes uniformes donc, épars, qui au fil
de leur élaboration ignorent les dispositions antérieures, ce qui crée évidemment sur
diverses dispositions communautaires des antinomies, des incompréhensions voire des
150
In GRZEGORCZYK C., « L’ordre juridique comme réalité, Revue française de théorie, de philosophie et
de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2 », Editions Puf, 2002, p. 10.
151
Cf. HALPERIN J., « L’apparition et la portée de la notion d’ordre juridique dans la doctrine
internationale du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n.
33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 41.
152
Ibidem.
153
Ibidem.
154
Cf. Leben Charles, « De quelques doctrines de l’ordre juridique, Revue française de théorie, de
philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1 », Editions Puf, 2001, p. 19.
58
définitions absolument différentes pour le même concept. Nous le verrons bien dans la
suite que cet état de choses remet fortement en cause l’existence réelle ou non d’un
véritable ordre juridique OHADA.
Cependant, il est parfaitement concevable et cela existe dans tous les ordres juridiques
que l’on s’aperçoive que deux normes appartenant au système sont incompatibles. Il
existe alors une situation peu heureuse tant pour les justiciables que pour les organes
d’application du droit. Il appartient à ces organes de résoudre ces antinomies qui
apparaissent dans l’ordre juridique 155. Dans certains cas cela ne pose aucun problème
tout système connaissant des maximes qui ont pour fonction la résolution de ces
antinomies comme lex posteriorderogat priori, lex superior derogat inferiori, lex
specialis derogat generali 156.
Il peut arriver cependant qu’une antinomie ne puisse pas être résolue de cette façon, soit
que l’on se trouve devant deux normes de même date ou de même niveau hiérarchique,
soit parce que les résultats obtenus par application des maximes se contredisent :
opposition, par exemple entre le critère tiré de la spécialité 157 et celui tiré de la
chronologie ou encore le critère hiérarchique et le critère chronologique 158. Le juge
pourra alors avoir recours à des critères supplémentaires en opérant un choix selon par
exemple que l’une des normes est d’ordre public ou que l’une des normes comporte une
interdiction impérative et que l’autre ne prévoit qu’une permission. Cette situation est
fort dommageable cependant.
Il est souhaitable, que le législateur communautaire ne place pas les juges dans des
situations aussi délicates où ils pourraient être amenés à traiter de façon différentes des
cas semblables du fait de l’existence de normes incompatibles. C’est pourquoi le
principe de cohérence des ordres juridiques, en plus d’être une condition de validité de
ces ordres est une condition de leur justice et de leur effectivité consacrée.
Ce qui précise encore une fois notre scepticisme quant à l’ordre juridique
communautaire OHADA.
155
In Kelsen, op.cit.
156
Cf. Leben C., Ibidem.
157
Ibidem.
158
Ibidem.
59
Paragraphe II : L’ordre juridique : entre complétude et complexité
de l’intégration juridique
Les principes de théories générales du droit fondent l’ordre juridique et les divers
mécanismes de sa mise en œuvre mais aussi les divers facteurs de la vérification de son
existence effective. Dans le cadre de notre étude, l’intégration juridique communautaire
est d’une complexité absolue en ce qu’il s’agit de disposer de normes internationales
s’appliquant en primauté dans le système national des Etats membres 159. La difficulté
résultant en partie du fait qu’il soit primordial de convenir, de consentir à une même
approche et à une même définition des principes généraux du droit et des mécanismes
d’intégration, aussi du degré de cette intégration. C’est autant de conditions qui
justifieront à la fin du processus si un ordre juridique a été créé et quel est le degré
d’aboutissement de la perspective d’intégration élaborée. Il est donc primordial pour
cette étude de comprendre les nécessités de complétude de l’ordre juridique ainsi que la
complexité de l’intégration juridique.
C'est-à-dire que la complétude de l’ordre juridique suppose que les divers aspects liés à
la matière et au droit soient envisagés dans l’effort d’intégration juridique, afin d’éviter
tout silence du droit ou les imperfections juridiques du système.
159
Cf. Cours de Droit des communautés européennes.
160
Cf. sur la question MORET-BAILLY J., « Ambitions et ambigüités des pluralismes juridiques, Revue
française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2 », Editions Puf,
2002, p. 195.
161
Kelsen, op.cit.
60
pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice »162. Le refus de juger est donc
interdit. Le juge à condition qu’il soit compétent doit juger tous les litiges qui lui sont
soumis en application de la norme juridique. Cette présentation de complétude de
l’ordre juridique étatique ne vaut pas forcément pour l’ordre juridique communautaire
dans ces mêmes considérations. Elle est liée à une idéologie du positivisme juridique
étatique. Renoncer à cette présomption, c’est permettre aux juges d’aller chercher les
normes applicables ailleurs, dans le droit naturel autant le droit coutumier voire
l’autoriser à statuer en équité 163. Or la perspective d’une intégration juridique
communautaire suppose logiquement que sur les matières du droit uniformisées ou
harmonisées, il n’y a aucune zone d’ombre, aucun mal dit ou aucune insuffisance qui
soit reprochable, de peur que les juges, par exercice de cette liberté d’appréciation qui
leur est laissée, ne rendent des décisions différentes sur les mêmes faits juridiques. Par
exemple, le juge sénégalais saisi d’un cas similaire à celui dont est saisi le juge malien
devra, par application des principes généraux du droit rendre sa décision en équité ou
selon ses convictions juridiques. Or c’est un risque d’avoir deux solutions différentes
pour les mêmes faits dans un même système étant supposé d’intégration.
Le cas s’est présenté à diverses reprises en droit OHADA où il existe un énorme vide
juridique sur les questions de pénalisation des infractions définies au plan
communautaire. En effet, l’organisation se charge de déterminer les infractions en
matière de droit des affaires en laissant la latitude aux Etats membres de définir les
peines correspondantes. C’est un modèle très risqué d’intégration dans ce sens où la
complétude est totalement impossible. En effet, divers Etats membres n’ont à ce jour,
jamais défini les peines correspondantes dans leur corpus juridique interne. Or les juges
nationaux saisis sur ces chefs d’infractions communautaires, font ainsi face à un silence
total de leur système national concernant les peines à appliquer. Dans ce contexte soit
un déni de justice sera la solution, soit le juge suivra une certaine conviction. Mais dans
ce cas, étant en matière pénale, tout silence du droit crée un état d’impunité pour le mis
en cause.
162
Code civil français.
163
Théorie générale du droit, principes judiciaires d’application du droit.
61
donc logique de relativiser énormément l’existence d’un ordre juridique OHADA,
surtout quand l’on se permet, comme nous le ferons dans la suite de notre étude et tout
au long, de comparer le système d’intégration européen, considéré comme l’un des plus
abouti, à celui encore en construction et non sans critiques de l’OHADA. Lançant ainsi
les bases et le cadre de notre étude, la notion d’ordre juridique regroupe donc
énormément de considérations juridiques et de principes et est loin d’être un acquis,
surtout dans une optique d’intégration juridique communautaire.
Il est donc question, d’une part, de comprendre les approches théoriques, de définir les
concepts, afin de rendre plus correcte et plus solide l’intégration. Par exemple,
l’intégration régionale ou communautaire de la vente commerciale nécessiterait que l’on
détermine dans un premier temps une définition commune de tous les concepts et de
tous les principes qui concourent à la matière ; avant de s’intéresser dans un second
temps aux constituantes spécifiques soit la vente de marchandises, la vente de biens, les
services, …
164
Romano S., ibidem.
165
Ibidem.
166
Ibidem.
62
nombre de normes, de les regrouper dans des actes uniformes diversifiés et de les
adopter en toute méconnaissance des principes généraux du droit, abstraction faite de la
nécessité de définir les concepts fondamentaux avant d’aborder les spécificités du droit.
Ainsi dire que l’OHADA saute une étape importante dans le processus d’intégration en
s’abstenant dans cette perspective, de définir les principes généraux du droit et ainsi
d’uniformiser dans un premier temps une approche commune des définitions avant
d’uniformiser de façon plus précise les matières spécifiques du droit des affaires.
Voilà qui donne encore plus de sens et d’intérêts à notre étude, qui s’évertuera dans
l’analyse du communautarisme OHADA, eu égard aux divers mécanismes et
perspectives qui concourent à sa mise en œuvre, de rechercher s’il existe ou non un
ordre juridique OHADA. L’hypothèse de cette existence et les conditions de sa
validation sont aussi confuses et disparates dans les diverses approches doctrinales de la
notion. Il s’agira aussi, en cas de validation ou non, d’apporter des solutions concrètes
pour une nouvelle dynamique de l’organisation et de son droit.
Mais il n’y a nul doute qu’une telle étude, pour être la plus complète, la plus précise
possible, pour garder toute son objectivité et converger vers de réels résultats, doit partir
des prémisses de l’Organisation OHADA, des bases de la coopération initiée, les enjeux
réels de ce développement économique communautaire poursuivi. Il s’agira aussi de
déterminer assez clairement les acquis de l’organisation d’un point de vue juridique,
sans omettre de poursuivre cette étude dans une approche analytique comparative, eu
égard aux similitudes que partage l’OHADA avec la forme actuelle la plus aboutie
d’intégration juridique communautaire, l’Union Européenne.
63
CHAPITRE II
La seconde phase de cette perspective d’intégration fut pour l’OHADA la mise en place
de divers organes afin de rendre plus efficace, plus coordonné et plus dynamique son
action dans l’espace régional, militant ainsi pour une coopération accrue entre Etats
membres afin d’éviter au mieux les conflits en mettant en œuvre un plan d’action
institutionnel plutôt bien élaboré (Section II).
167
Cf. Lagrange E. et Jean-Marc Sorel, Traité de droit des organisations internationales, LGDJ, p. 4.
64
Paragraphe I : Une politique de coopération effective et un cadre
permanent de concertation
L’OHADA, afin de mettre toutes les chances de son côté dans sa perspective d’établir
un droit communautaire 168, a institué une certaine dynamique politique, le but était de
faciliter la coopération (A) et d’installer un cadre communautaire permanent, de
concertation sur les questions de développement économique (B).
168
Sur la question, voir aussi Alhousseini MOULOUL, Comprendre l’organisation pour l’harmonisation en
Afrique du droit des affaires, mémoire publié, 2008.
169
Cf. Vogel L., op. Cit, p 11, sur les objectifs de l’intégration de la communauté.
170
A l’opposé, cf. Dictionnaire permanent, droit européen des affaires, op. cit., p.12.
171
En rapport avec la présence très critiquée du droit français dans les dispositions d’ordre national
établies au lendemain des indépendances.
172
Moins de conflit d’intérêts et des obligations communes renforcées.
173
Cf. Dictionnaire permanent, droit européen des affaires, op. cit., p.12.
174
Ibidem.
175
Cf. Vogel L., op. Cit, p 11.
176
Ibidem.
177
In Bulletin permanent, droit européen des affaires, juin 2013, p.5.
178
Le 27 octobre 1970, les ministres des Affaires étrangères des Six adoptent à Luxembourg le rapport
Davignon qui vise à réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique par la voie de la
coopération en matière de politique étrangère.
65
était de développer la coopération intergouvernementale dans le domaine de la politique
internationale, en vue de parvenir à la définition puis l'adoption de positions communes.
C'etait un espace d'échange diplomatique entre les États appartenant à la communauté.
L’OHADA s’en est inspirée assez largement dans sa perspective quant à elle d’une
coopération plus axée sur des sujets de développement économique et de commerce
international.
Kéba M’BAYE avait exposé, à l’occasion du séminaire sur l’OHADA, tenu à Abidjan
(Côte d’Ivoire) les 19 et 20 avril 1993, plusieurs raisons militant en faveur d’une
coopération économique. Il déclara, entre autres, que l’émiettement du droit commun
africain est un facteur négatif du progrès qui ne peut être que commun, et qu’au plan
national des textes sont ouvertement promulgués alors que d’autres, dans le même
domaine, ne sont pas abrogés. Il en résultait des chevauchements et les opérateurs
économiques restent dans l’incertitude de la règle de droit applicable. Cette insécurité
juridique était un très sérieux handicap pour l’investissement. En sa qualité de Président
de la Mission ayant préparé l’avènement de l’OHADA, Kéba M’BAYE a effectué
plusieurs missions d’études dans les Etats membres ; à l’occasion du séminaire
d’Abidjan, il exposa son constat en ces termes : « Tout le monde est d’accord sur la
nécessité de procéder à l’harmonisation. En effet, tout le monde est d’accord que le
droit en vigueur n’est plus adapté, que les règles varient d’un pays à un autre, qu’il y a
une incertitude indéniable dans le corpus juridique de chaque Etat, qu’une insécurité
judiciaire, dut notamment à la formation insuffisamment spécialisée des magistrats, à
l’absence de système de formation continue, à des questions de déontologie, à
l’indigence de l’information juridique, à la totale insuffisance de moyens mis à la
disposition des services judiciaires et à bien d’autres causes » 180. Il exposait ainsi toutes
ces causes qui rendaient non compétitif le marché intérieur de ces Etats membres et
fragilisaient leur économie et leur développement. Analysant la réglementation
applicable au droit des sociétés dans les pays africains de la Zone Franc 181, Martin
KIRSCH écrivait à son tour que : « le constat unanime de la situation pouvait se
179
La Communauté économique européenne (CEE) était une organisation supranationale créée
en 1957 pour mener une intégration économique (dont le marché commun) entre l'Allemagne de
l'Ouest, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, et les Pays-Bas.
180
In synthèse des travaux du séminaire d’Abidjan, p. 18.
181
Dictionnaire permanent, op. Cit, p.2.
66
résumer par la formule suivante : insécurité juridique et judiciaire »182. Ignorer une telle
réalité aurait été un désastre pour ces Etats qui n’étaient plus dans un système mondial
où les marchés restaient fermés mais plutôt s’ouvraient à tous types d’investissements.
Maintenir le cap d’une action solitaire dans une telle jungle économique aurait été
désastreux pour chacun d’eux183, surtout avec l’ampleur prise par la mondialisation
économique. A l’image de celui instauré par la Commission Européenne après la crise
économique de 2008, par le « semestre européen »184 en 2010 (il s’agissait pour eux
d’établir un processus de coordination des politiques économiques des Etats membres
de l’UE)185.
Il est à rappeler aussi que le premier enjeu de la coopération dans le modèle européen
s’inscrit dans le cadre de la coopération judiciaire, pénale et policière 186. C’est un enjeu
de type plus opérationnel, s’agissant de garantir l’application correcte et la pleine
utilisation dans la pratique des instruments européens déjà adoptés mais reste toutefois
contestable187. Notamment par :
182
Kirsch M., « Historique de l’OHADA », Revue Penant n° spécial OHADA n° 827 mai – Août 1998 pp.
129.
183
Cf. Mouloul H., « Comprendre l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires »,
mémoire publié en 2008.
184
Règlement UE du parlement européen portant du 16 Novembre 2011 portant sur le six-pack
185
Dictionnaire permanent, op. cit., p.1.
186
Le mécanisme envisagé par le règlement de « Bruxelles I » n’est toutefois pas conforme à l’ambition
proclamée de reconnaissance mutuelle, « pierre angulaire » de la coopération judiciaire, qui implique de
rendre directement exécutoire dans un Etat membre, les décisions rendues par une juridiction d’un Etat
partenaire.
187
Cf. guide des politiques communes de l’union européenne, op. cit. p. 125.
188
Une idée forte intéressante que devrait copier le droit OHADA en ce qui concerne la problématique
de l’impartialité de la justice africaine que nous soulèverons dans notre seconde partie.
189
Marqué aussi par l’entrée en vigueur en janvier 2007 d’une agence européenne des droits
fondamentaux, ce qui a contribué à aplanir les difficultés à cet égard et le renforcement de la confiance
mutuelle entre les Etats membres.
190
Sur la question, voir aussi Ibrahima Khalil DIALLO, la problématique de l’intégration africaine :
l’équation de la méthode, Bulletin de transport multimodal, 2005.
191
Ibidem.
67
l’extension des pouvoirs de police transfrontaliers, la généralisation des actions
de formation192.
Toutefois, le contentieux antidumping 197 à l’initiative des pays tiers contre l’UE fit
couler énormément d’encre sur les véritables fondements du modèle européen de
coopération et sur cette forme de domination progressive qu’elle instaurait sur le
marché international198. Dans le rapport de synthèse des mesures de défense
commerciale des pays tiers, publié en 2012, 138 mesures 199 entraient en vigueur contre
146 en 2011, des voies de recours qu’ont largement utilisé le Brésil, l’Inde, la
Turquie200.
Les Etats africains ne pouvaient rester, eu égard à toutes ces considérations, en marge
de ce processus ; c’est pourquoi des organisations régionales ont été créées 204, avec
comme objectifs de réaliser d’abord la coopération et l’intégration économique, aux
niveaux sous-régional et régional, ensuite l’avènement de la Communauté Economique
Africaine (CEA) et l’Union Africaine (UA) 205.
Certaines de ces organisations ont eu une existence éphémère pour n’avoir pas disposé
de ressources humaines et financières suffisantes, d’autres survivent sous perfusion de
la communauté internationale, car les Etats membres sont souvent, eux-mêmes,
confrontés à des difficultés financières qui se traduisent par des appels aux institutions
202
Paillusseau J., « Le droit de l’OHADA. Un droit très important et original », La Semaine Juridique n° 44
du 28 octobre 2004, Supplément n. 5, pp 1 – 5.
203
ISSA-SAYEGH J., Jacqueline LOHOUES-OBLE, OHADA – Harmonisation du droit des affaires, Ed.
BRUYLANT – JURISCOPE, 2002, p. 5 et 6.
204
L’UMA ; la CEDEAO et l’UEMOA pour l’Afrique de l’Ouest ; la GEPGL et la CEMAC pour l’Afrique
Centrale.
205
Voir aussi Abdoullah CISSE, L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : L’expérience de
l’OHADA à l’épreuve de sa première décennie, Revue internationale de droit économique, 2004.
69
de Bretton Woods206. Les Communautés Economiques Régionales (CER) 207 sont les
socles sur lesquels devra reposer l’intégration économique du continent africain ; mais il
est apparu que dans la plupart des cas, les CER ne prévoient pas l’intégration juridique
des Etats membres alors que le droit est l’instrument par lequel doit se réaliser
l’intégration économique. Les Traités fondateurs de quelques rares CER ont prévu les
instruments de l’intégration juridique 208, mais dans la grande majorité des cas celle-ci
n’a pas connu les succès escomptés. Finalement, l’intégration juridique, qui devrait
permettre l’intégration économique du continent africain, ne saurait se réaliser à travers
lesdites CER. C’est dans ce contexte que l’expérience d’uniformisation du droit des
affaires des Etats africains a été lancée à travers l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Ses atouts sont un gage de réussite car une
intégration ne saurait réussir que si elle repose sur des fondements solides et si elle est
confortée par une réelle volonté politique de régler des problèmes communs. Evoquant
ces atouts, Kéba M’BAYE a écrit : « Il est certain que c’est dans des groupements où il
y a déjà des traditions juridiques communes, une monnaie commune et, dans une
certaine mesure, une histoire commune et une même manière de concevoir et de bâtir
l’avenir, qu’il est plus facile de réaliser l’intégration économique » 209.
C’est bien ce même facteur « mondialisation » qui poussa l’UE à adopter le projet de
mandat concernant la conclusion d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis210
appelé « partenariat transatlantique 211 de commerce et d’investissement »212. Voici à
quel point la mondialisation pousse les Etats mais aussi les organisations
communautaires du monde213 vers des compromis commerciaux mettant la coopération
et l’échange au cœur de leur politique économique et juridique.
206
Les accords de Bretton Woods sont des accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du
système financier international en 1944. Leur objectif principal fut de mettre en place une organisation
monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays
touchés par la guerre.
207
cf. Rideau J., op. cit, p.37.
208
Cf. CISSE A., ibidem.
209
In Revue PENANT n° 827, Mai – Août 1998, p. 126, N° Spécial OHADA.
210
Dictionnaire permanent, droit européen des affaires, avril 2013, p.3.
211
Ibidem.
212
L’accord en question pourrait se traduire par une hausse de 28% des exportations de l’UE vers les
USA, ce qui rapporteraient prêt de 187 milliards d’euros de lus chaque année aux exportateurs
européens de biens et de services, selon les chiffres de l’UE.
213
Sur la question il est à noté aussi la communautarisation partielle mise en place par le traité
d’Amsterdam, entré en vigueur en Mai 1999 en matière de politique commune d’immigration, de droit
d’asile, de protection des frontières surtout en Europe.
70
En outre, faut-il noter que ce projet, comme l’était encore à l’époque l’OHADA, devait
survivre dans un cadre permanent de concertation, indispensable à sa finalité
d’intégration214.
214
Sur la même question, cf. Guide des politiques communes de l’Union Européenne, reflexe Europe,
n.43, p. 120.
215
Cf. Rideau J., op. cit, p 37, sur l’émergence de la coopération politique européenne.
216
A l’instar des nombreux efforts européens allant dans le sens d’un assouplissement de souveraineté
et d’une innovation communautaire.
217
Cf. pour l’Europe, Guide des politiques communes de l’Union Européenne, ibid.
218
A l’image de l’UE dont les chefs d’Etats se sont réunis à Tampere en Octobre 1999 pour un conseil
européen consacré aux questions de justice et d’affaires intérieures. Les conclusions qui y sont retenues
forme un ensemble important de codifications diverses afin d’établir un marché unique commun et les
nouveaux du nouveau mécanisme de libre échange commercial.
219
Sur le sujet, voir aussi Jean-Jacques RAYNAL, Intégration et souveraineté : le problème de la
constitutionnalité du traité OHADA.
220
Cf. Guide des politiques communes de l’Union, op. Cit, p. 119.
221
Des questions qui seront développées dans la seconde partie de notre travail.
71
les Etats africains de la Zone Franc la quasi-totalité de ces conditions est réunie 222. Mais
elles ne sont pas suffisantes à elles seules car sans volonté politique, aucune
construction de ce type ne saurait être pérenne. Compte tenu de la célérité avec laquelle
le projet OHADA a été réalisé et l’enthousiasme qu’il a suscité, nous sommes en droit
de penser que la volonté politique est réelle.
En effet, il s’est passé moins de deux ans pour que le « Traité de Port Louis » soit signé,
moins de deux ans pour qu’il entre en vigueur et moins de cinq ans pour que les sept
premiers Actes Uniformes (A. U.) soient adoptés. Ce projet est également sous-tendu
par des programmes ambitieux d’intégration économique dans toutes les régions
africaines ; des organisations furent créées à cet effet (BAMREL, CEAO, CEDEAO, et
UEMOA).
Quand l'Union européenne fut créée le 1er novembre 1993, la CEE devint
la Communauté européenne (CE), un des trois piliers de l'Union européenne. Avec la
fin de la structure en piliers, les institutions de la CEE perdurent en tant qu'institutions
de l'Union européenne223 mais avec moins de prestige et d’autonomie qu’elles en
avaient. En comparant avec l’OHADA, celle-ci a le mérite de pallier certaines
insuffisances notamment sur la question de la coopération entre les Etats224 mais aussi
sur le statut de chaque Etat dans ce cercle de concertation 225, laissant dehors les égos226,
les influences politiques et le poids économique227 et privilégiant les difficultés
communes, le développement économique en commun228, une crédibilité229 dont ne
jouissent plus à ce jour les institutions d’intégration à l’européenne, accusées par bien
des observateurs et analystes d’être sous le joug de la puissance économique franco-
allemande230. Il faut rappeler aussi que le Conseil Européen a adopté le 4 novembre
2004231 un programme dit de La Haye qui vise à prolonger et compléter l’action
222
Cf. Salvatore MANCUSO, La Chine en Afrique et les mouvements d’intégration juridique africains,
Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, p 381.
223
Ibidem.
224
La question du principe d’égalité de traitement fiscal des dividendes mais aussi la charge de la preuve
incombant à la commission en la matière.
225
Cf. dictionnaire permanent, droit européen des affaires, janvier 2013, p.9.
226
Ibidem.
227
Ibidem.
228
Sur la question de la fiscalité des dividendes, la Finlande condamnée, l’Allemagne relaxée.
229
CCJE, 8 Novembre 2012, aff. Commission c/ Finlande.
230
CCJE, 22 Novembre 2012, aff. Commission C/ Allemagne.
231
Cf. guide des politiques communes de l’union européenne, op. Cit., p.125.
72
entreprise à Tampere232 pour la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de
justice233, grâce à un système de concertation et d’échanges permanents 234.
En premier lieu elle mettra les acteurs du droit au cœur des ambitions de l’organisation,
pour dynamiser le système, avec une action plus spécifique à l’endroit des magistrats et
personnels judiciaires car la garantie de la sécurité juridique et judiciaire passe par là.
« Si l’on veut que le droit harmonisé s’applique de façon effective et harmonieuse, il est
impératif que les juges nationaux en soient les premiers vecteurs. On conçoit donc que
la formation et en particulier celle des magistrats soit au cœur de la réponse que devra
recevoir le problème de l’insécurité judiciaire »237, et les auxiliaires de justice, les
juristes et universitaires devront aussi être des vecteurs. La qualité et la quantité de la
doctrine sur l’OHADA et son droit sont autant d’indicateurs de la connaissance de ce
droit. La mesure de l’application du droit OHADA dans ses Etats membres résultera de
l’observation des jurisprudences des tribunaux nationaux de commerce et de l’instance
communautaire notamment.
232
Ibidem.
233
Ibidem.
234
Ce document constitue la référence principale de l’union dans cette deuxième phase de son action
235
Sur le sujet, voir aussi Jean-Jacques RAYNAL, Intégration et souveraineté : le problème de la
constitutionnalité du traité OHADA.
236
MANCUSO S., « La chine en Afrique et les mouvements d’intégration juridique africains », Revue
trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, pages 381.
237 ème
Document de la 2 Conférence internationale sur la formation de la magistrature tenue à préparé
pour l’Institut National de la magistrature (Ottawa- Canada) du 31 octobre au 5 novembre 2004, préparé
par M. Mathias NIAMBEKOUDOUGOU, directeur général de l’ERSUMA, p.3.
238
Règlement UE, n. 1159/2012 de la commission, publié le 7 décembre 2012, JOUE n. L336.
73
marchandises239 qui auront fait l’objet d’un transport d’un point situé dans un pays
membre vers un autre point de cet Etat, avec emprunt du territoire d’un autre Etat
tiers240. Cela démontre à quel point le droit communautaire européen241 est avancé et ne
cesse d’innover sur les questions d’ordre communautaire 242.
239
In Dictionnaire permanent, op.cit. p.10.
240
Ibidem.
241
Le conseil d’Etat français dans son rapport annuel de 2006 parle d’institutions communautaires
présentant « l’avantage d’une réactivité plus rapide aux évolutions internationales et techniques,
doublée en général d’une meilleure écoute des milieux professionnels ».
242
Le règlement d’exécution de la commission a ainsi modifié l’article 314 du code des douanes
communautaire afin de prévoir la possibilité de ce caractère communautaire des marchandises.
243
Cf. Guide des politiques communes de l’union européenne, op. Cit, p. 123.
244
Cf. David E., op. cit, p. 189.
245
Cf. Cartron A., « La réforme de l’acte Uniforme sur le droit commercial général », Revue trimestrielle
e
de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 Année, Numéro 865, Octobre – Décembre
2008.
246
L’espace judiciaire sécurisé désigne ici un environnement juridictionnel communautaire, assaini et se
fondant sur l’impartialité et la lutte contre la corruption.
74
A. Un espace d’intégration juridique du monde des affaires 247
L’intégration juridique pensée et réalisée par l’OHADA vise la mise en place d’un
espace économique soumis aux mêmes règles de droit et aux mêmes contraintes et
libertés d’un pays à l’autre248. Une facilité de taille pour les professionnels du droit,
comme les avocats, mais aussi pour les investisseurs moins exposés ainsi aux aléas de
pratiques juridiques et judiciaires pouvant varier d’un Etat à l’autre. Comme en
témoigne Me Kanjo : « Une fois, j’avais à Dakar un dossier commercial que j’ai dû aller
défendre au Mali. Une fois sur place, je me suis rendu compte que dans ce pays, une
telle affaire pouvait être plaidée au pénal, ce qui était impossible au Sénégal, en plus
d’une caution extrêmement importante dont il fallait s’acquitter préalablement auprès
du greffe ». Bien entendu, l’expérience vécue par cet avocat d’affaires appartient
aujourd’hui au passé. L’image que renvoie virtuellement l’organisation aujourd’hui est
celle d’un vaste marché où il n’existe plus aucune frontière249, aucune limite douanière,
aucune limite juridique250 et où des personnes et des biens circulent en toute liberté et en
toute sécurité sans craindre d’être soumis à un corpus juridique inconnu ou inadapté. La
solution proposée par l’organisation à sa création fut l’harmonisation. Cependant, eu
égard aux faits251 et à sa mise en œuvre il est important de se demander si elle est restée
sur cette logique d’harmoniser plutôt que d’uniformiser (1) et de voir les implications de
la démarche (2).
247
Cf. Vogel L., op. Cit, p 11.
248
Sur le sujet, voir aussi MONEBOULOU MINKADA H., « L’expression de la souveraineté des Etats
membres de l’OHADA : une solution-problème à l’intégration juridique », Revue trimestrielle de droit
e
africain PENANT, édition Juris Africa, 125 Année, Numéro 890, Janvier – Mars 2015.
249
Cf. Vogel L., op. Cit, p 9.
250
Cf. David E., op. cit, p. 189.
251
Le climat des affaires en Afrique était marqué par des marchés internes non attractifs et soumis à des
règles ambigües ou inexistantes à la limite.
252
Cf. Jean Combacau et Serge Sur, Droit international public, 11e édition Domat droit public, 2010, sur
l’évolution du droit des traités.
75
matérialisation de sa politique visant une sécurité juridique se fondent plus sur une
uniformisation du droit des affaires qu’une harmonisation. La présente étude a pour
objet de démontrer que l’harmonisation et l’uniformisation expriment deux moyens
d’intégration juridiques différents. La définition de chacun de ces concepts permet de
souligner les caractéristiques qui les distinguent les uns des autres. Cette différenciation
tient tantôt au degré d’identité du contenu des normes que produit chacun de ces
moyens, tantôt à sa forme de mise en œuvre.
253
CORNU G., (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige / PUF, 2000, p. 423.
254
Cf. Combacau J. et Serge Sur, op. Cit. p 77.
255
Cf. David E., op. cit, p. 189.
256
Cf. Dictionnaire permanent – Droit européen des affaires, avril 2014, p.1.
257
LITTRÉ E., op. cit., note 24, p. 1450 et 1451.
258
Ibidem.
259
Ibidem.
260
Cf. harmonisation des dispositions sur le crédit immobilier en UE.
76
conséquences261. A cet effet, pour la préparation des instruments juridiques de la
nouvelle organisation, il a fallu choisir entre l’uniformisation et l’harmonisation. Le Pr.
Joseph ISSA-SAYEGH, quant à lui, définit ces deux méthodes en ces termes : «
l’harmonisation ou coordination est l’opération consistant à rapprocher les systèmes
juridiques d’origine et d’inspiration différentes (voire divergentes) pour les mettre en
cohérence entre eux en réduisant ou en supprimant leurs différences et leurs
contradictions de façon à atteindre des résultats compatibles entre eux et avec les
objectifs communautaires recherchés », tandis que « l’uniformisation ou l’unification du
droit est, a priori, une forme plus brutale mais aussi plus radicale d’intégration
juridique. Elle consiste à instaurer, dans une matière juridique donnée, une
réglementation unique, identique en tout point pour tous les Etats membres, dans
laquelle il n’y a pas de face, en principe, pour des différences » 262. Etienne CEREXHE
en parlant de l’intégration des économies des Etats de la CEE263, écrivait : «
l’intégration des économies des neuf (9) pays de la CEE par la réalisation de libertés
communautaires et le rapprochement des politiques économiques pourrait difficilement
sortir ses effets dans un ensemble dominé par une diversité, voire une divergence des
droits. Un minimum d’unité juridique s’imposait si l’on voulait garantir la fluidité du
marché et l’application uniforme des politiques communes 264. En d’autres termes,
l’intégration économique, et c’est le propre de toute intégration, suppose un
environnement juridique plus ou moins harmonisé »265
261
Magloire H. MONEBOULOU MINKADA, « L’expression de la souveraineté des Etats membres de
l’OHADA : une solution-problème à l’intégration juridique », Revue trimestrielle de droit africain
PENANT, édition Juris Africa, 125e Année, Numéro 890, Janvier – Mars 2015.
262
ISSA –SAYEGH J., « L’intégration juridique des Etats africains de la zone franc, » Revue. PENANT n°
823 janvier – avril 1997, p. 5.
263
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, op. cit., « Et si harmonisation rimait avec
régression ? », p. 1.
264
Cf. Carpano E., Loi relative à la consommation, la France en conformité avec le droit de l’Union,
éditions législatives, avril 2014, p. 5.
265
CEREXHE E., « Problématique de l’entreprise et de l’harmonisation du droit des sociétés », RJPIC.
1978 n°1, p. 15.
77
devenir des lois nationales et être aussi complètes que possible afin de ne pas donner
lieu à interprétations divergentes »266. La doctrine267 fut ainsi très critique sur cet aspect
du droit OHADA. Analysant le modèle d’intégration choisi, Gaston KENFACK
DOUAJNI allait jusqu’à dire que le Traité de l’OHADA vise à doter les Etats parties
d’un droit uniforme dans chacune des disciplines 268 énumérées par l’article 2 dudit
Traité. Cette appréciation est également celle de Georges TATY qui écrivait que les
269
auteurs du Traité mettaient le cap vers un droit unifié plutôt qu’un droit harmonisé
comme l’indiquait sa dénomination. Nonobstant la qualification donnée par ces
éminents jurisconsultes, l’article 1er du Traité dispose que le Traité a pour objet
l’harmonisation du droit des affaires des Etats parties 270. Enfin, Kéba MBAYE,
Responsable de la Mission d’expert puis du Directoire, écrivait : « Finalement, l’option
retenue a été l’harmonisation, bien que l’analyse du système actuellement en vigueur au
sein de l’OHADA, c’est-à-dire l’adoption par le Conseil des Ministres de la Justice et
des Ministres des Finances, d’actes uniformes qui sont immédiatement applicables sur
le territoire de chaque Etat partie, soit véritablement une œuvre d’unification » 271.
A l’examen du contenu des Actes Uniformes déjà adoptés, on est fondé à conclure qu’il
s’agit plutôt d’une uniformisation, d’où leur appellation « Actes Uniformes ». Cette
266
MBAYE K., in MIKPONHOUE H., « Les enjeux actuels de l’OHADA : le projet d’acte uniforme sur le
droit du travail », mémoire de master 2 recherche, 2013, p.25
267
Cf. Carpano E., ibidem
268
KENFACK DOUAJNI G., revue Ersuma, op. cit., n.3, Août 2013, p. 189
269
Ibidem
270
Article 1er du Traité de création de l’OHADA
271
Mbaye K., op. cit, p. 27
272
Elle se présente comme l’action de rendre semblables plusieurs éléments rassemblés pour former un
tout unique. De ce fait, l’unification consiste à instaurer, dans une matière juridique donnée, une
réglementation détaillée et identique en tous points pour tous les États membres tout en leur laissant le
choix de la modalité de mise en œuvre des normes communes. L’unification et l’uniformisation ne
laissent guère de pouvoir substantiel aux différents acteurs législatifs nationaux dans les domaines qu’ils
entendent encadrer. Contrairement à l’uniformisation qui suppose aussi bien un fond législatif ou
réglementaire commun qu’une forme unique erga omnes, l’harmonisation et l’unification aboutissent à
des normes dont le support et la procédure d’adoption sont choisis par les différentes parties
prenantes. Autrement dit, l’uniformisation participe d’une approche moniste qui, traditionnellement,
suppose qu’un texte international dûment ratifié par un État devienne une source directe de droit sans
qu’il soit nécessaire d’en reprendre les dispositions dans une loi interne. Par contre, l’harmonisation et
l’unification laissent libre cours à la doctrine dualiste en vertu de laquelle une règle internationale ne
peut avoir d’effet que si elle a été au préalable incorporée dans une législation nationale.
78
uniformisation est réalisée au moyen desdits Actes et par l’institution d’une Cour
Commune qui veille à l’application du droit unifié dans tous les Etats membres.
Il faut aussi noter qu’en l’état initial274 du droit des sociétés applicable dans les Etats
africains, il est quasiment impossible de transférer une société d’un Etat dans un autre
sans procéder à une dissolution suivie d’une reconstitution275, situation inconcevable
dans le cadre d’un espace économique intégré. Avec l’harmonisation ou
l’uniformisation juridique, l’existence de sociétés de droit communautaire permet de
273
Cf. David E., op. cit, p. 189.
274
Avant l’entrée en vigueur des Actes Uniformes.
275
Procédure qualifiée de lourde, encore en vigueur il y a quelques années dans divers Etats membres
de l’organisation communautaire.
79
remédier à ce handicap. En outre, comme l’écrivait Jean PAILLUSSEAU, « il est
évident que pour une entreprise qui exerce ses activités dans plusieurs pays, l’unité des
règles applicables facilite considérablement ses opérations, qu’il s’agisse de son
organisation juridique, de son fonctionnement ou de ses échanges commerciaux et
financiers »276.
Finalement, les régions intégrées sont plus attractives pour les investisseurs
internationaux et possèdent un éventail d’avantages en termes d’infrastructures et
d’institutions susceptibles de promouvoir un développement durable. Elles constituent
également une voie d’accès plus sûre à la concurrence 277 dans une économie globale.
Un droit africain des affaires à l’échelle continentale peut renforcer la voie vers la
crédibilité de l’Afrique, améliorer le flux d’investissement et l’accélération du
développement et avoir une influence sur la globalisation du droit des affaires dans son
ensemble.
L’OHADA ne représente pas qu’une réussite en termes de sécurité juridique, elle est
aussi un gage de sécurité judiciaire des affaires pour les entreprises et investisseurs.
276
PAILLUSSEAU J., « Le droit de l’OHADA – Un droit très important et original », op cit. p. 13.
277
Cf. DAVID E., op. cit, p. 201.
278
Cf. EDIKO W., « la protection des investisseurs étrangers par les codes des investissements en Afrique
francophone », Ersuma, numéro 888, pages 388.
279
Ibidem.
280
Ibidem.
80
juridictionnel (1) accompagné d’une forte promotion de l’arbitrage comme mode de
règlement des différends contractuels (2).
281
Pr. ISSA-SAYEGH J. « l’Intégration juridique des Etats Africains de la zone franc », Revue PENANT n°
823 Janvier – Avril 1997 p. 5.
282
Cf. Combacau J. et Serge Sur, op. cit, p 57.
81
2- La promotion de l’arbitrage comme mode de règlement des différends
contractuels283
L’arbitrage284 est un mode alternatif, amiable et juridictionnel de règlement d’un litige
par une autorité (arbitre ou tribunal arbitral) 285 qui tient son pouvoir de juger non d’une
déclaration permanente de l’État ou d’une institution internationale mais de la
convention des parties286. Il n’est pas rattaché à une justice étatique et a le mérite de
poursuivre une certaine équité 287 pour les parties. Le traité de l’OHADA accorde une
place importante à l’arbitrage contractuel. Il consacre un acte uniforme à l’arbitrage tout
en instituant un arbitrage spécifique au sein de la CCJA288. Il fait l’objet d’une réelle
promotion au sein de l’espace OHADA au point d’être étendu dernièrement aux
marchés publics289. Relativement à l’arbitrabilité de tels litiges, l’OHADA a opéré une
mutation importante par rapport aux législations nationales antérieures qui généralement
excluaient du domaine de l’arbitrage les causes qui concernent l’État, les collectivités
locales et les établissements publics, bref toutes les personnes publiques susceptibles
d’être parties prenantes dans les marchés publics 290. L’existence d’un tel régime
juridique unique de l’arbitrage applicable aussi bien à l’arbitrage interne qu’à l’arbitrage
international, combinée avec l’option de l’arbitrabilité de tous les litiges impliquant tant
les personnes privées que publiques, facilite le recours à l’arbitrage au sein de l’espace
communautaire, un objectif majeur du droit OHADA. Le règlement par l’arbitrage des
litiges relatifs aux marchés publics peut emprunter les mécanismes prévus par l’acte
uniforme relatif à l’arbitrage notamment l’arbitrage ad hoc291 et l’arbitrage
292
institutionnel traditionnel qui coexistent avec l’arbitrage sous l’égide de la CCJA. En
283
Cf MASAMBA R., « l’OHADA et le climat d’investissement en Afrique », Revue trimestrielle de droit
africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, p 137.
284
Sur la question, voir aussi Achille NGWANZA, L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-
saharienne : les apports de la CCJA, Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles,
numéro 3, Août 2013.
285
Ibidem.
286
BAYO BYBI B., « l’efficacité de la convention d’arbitrage en droit OHADA », Revue trimestrielle de
droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, p 361.
287
Ibidem.
288
Sur l’arbitrage dans le cadre de l’OHADA, voir plusieurs entrées de l’Encyclopédie du droit OHADA,
LAMY, Paris, décembre 2011.
289
Ibidem.
290
OUATTARA A., « De nouvelles tendances pour l’ordre public en droit international privé », Revue
trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011.
291
« L’arbitrage ad hoc est l’arbitrage qui se déroule en dehors de toute institution permanente
d’arbitrage. Il est organisé par les parties elles-mêmes qui choisissent librement les arbitres. ».
292
« L’arbitrage institutionnel est l’arbitrage dont les parties ont confié l’organisation à une institution
permanente d’arbitrage, et qui se déroule conformément au règlement d’arbitrage élaboré par cette
82
effet l’article 2 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage a procédé à un élargissement du
champ matériel de l’arbitrage relativement aux personnes publiques et aux marchés
dans lesquels elles sont impliquées en disposant sans équivoque que « Toute personne
physique ou morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre
disposition. Les États et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les
établissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir
invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un litige, leur capacité à
compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage »293.
Par ailleurs, l’on observe aussi un développement progressif de l’arbitrage dans l’espace
OHADA par la création de nombreux centres d’arbitrage institutionnel 294 : Douala,
Dakar, Abidjan, Cotonou, Lomé, Ouagadougou, Brazzaville. Une façon plus efficace
pour le législateur OHADA de rendre effectif ce mode de règlement de litiges
contractuels295.
institution. Les parties confient le soin à l’institution d’arbitrage d’organiser tout ou partie de la
procédure, et notamment de proposer des arbitres en les choisissant dans une liste de référence
déterminée par l’institution ».
293
Art. 2, acte uniforme portant sur l’arbitrage, OHADA.
294
Ibidem.
295
Ibidem.
296
Cf. NGWANZA A., « L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la
CCJA », Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013.
83
Section II : Le système institutionnel 297 et juridique d’actions
Au regard de leur dénomination, de leurs objectifs spécifiques et de leur champ
d’action, nous avons trouvé logique de séparer ces organes sous deux axes. Ceux
chargés d’une action à portée politique (Paragraphe 1) et ceux chargés d’une action plus
juridique au sein de l’espace communautaire (Paragraphe 2).
Le Conseil des Ministres de l’OHADA, comparé aux Conseils des Ministres des autres
organisations multinationales, se trouve être original tant par sa composition (1) que par
ses attributions(2).
297
Pour le droit européen, cf. Joël Rideau, Droit institutionnel de l’Union Européenne, 6e édition LGDJ, p.
46.
298
cf. Rideau J., op. cit, p 49.
84
part, l’idée du projet d’harmonisation est une idée des Ministres de la Justice qui a été
reprise par les Ministres des Finances. Ensuite, les domaines relevant du droit des
affaires ont surtout une prédominance économique et financière et enfin et surtout, à
notre sens, pour responsabiliser des Ministres des Finances quant au devenir de
l’OHADA. En effet, nombre d’organisations ont cessé d’exister par manque de crédits,
les Ministres des Finances étant souvent réticents pour effectuer des inscriptions
budgétaires et/ou débloquer des crédits pour des contributions aux organisations sous-
régionales ou régionales, alors même qu’il existe d’autres urgences ou priorités.
Réticence que l’on comprend aisément quand on sait les difficultés financières
auxquelles sont confrontés ces Etats299.
La présidence du Conseil est assurée, à tour de rôle et par ordre alphabétique, par
chaque Etat membre pour un mandat d’un an. Toutefois, « les Etats adhérents assurent
pour la première fois la présidence du Conseil des Ministres dans l’ordre de leur
adhésion, après le tour des pays signataires du Traité. Lorsqu’un Etat n’est pas en
mesure d’assurer la présidence, quand elle lui revient, il est remplacé par celui qui vient
immédiatement après lui suivant l’ordre alphabétique, lorsque la cause de
l’empêchement aura cessé, ledit Etat saisit en temps utile, le Secrétariat Permanent pour
décision à prendre par le Conseil des Ministres, relativement à son tour de présidence.
Le Traité OHADA ne mentionne pas lequel du Ministre des Finances ou de celui de la
Justice, d’un même Etat, assure la présidence du Conseil. Dans le silence dudit texte, il
convient de considérer que la présidence est assurée suivant la pratique dans chaque
Etat membre ; aussi, le Conseil sera sans doute présidé par l’un ou par l’autre suivant
que l’Etat qui en assure la présidence considère la prééminence des aspects juridiques
299
La plupart de ces Etats membres survivent sur des emprunts auprès de la Banque Mondiale ou du
FMI ou d’autres institutions internationales. Ils disposent pour la plupart de budget déficitaire dont le
déficit se creuse de plus en plus au fil des années. Sans compter les malversations financières, les
détournements qui gangrènent ces économies.
85
ou celle des aspects économiques ou financiers. Cependant, il faut admettre qu’il s’agit
là d’un débat théorique car nos travaux nous ont permis de nous rendre compte qu’en
règle générale, s’agissant surtout de questions judiciaires, le Conseil est présidé par le
Ministre de la Justice.
Le Conseil des Ministres se réunit au moins une fois par an sur convocation de son
Président à son initiative ou à l’initiative d’un tiers des Etats parties. L’ordre du jour de
la réunion est arrêté par le Président du conseil sur proposition du Secrétaire Permanent
de l’OHADA. Lorsqu’il est réuni le Conseil délibère valablement lorsque les deux tiers
(2/3) des Etats parties sont représentés. Chaque Etat dispose d’une voix et les décisions
sont valablement adoptées à la majorité absolue des Etats présents et votants. Toutefois,
les décisions relatives à l’adoption des Actes Uniformes sont prises à l’unanimité des
Etats présents et votants, ce qui constitue une innovation par rapport aux autres
organisations sous-régionales.
300
Le traité révisé apporte quelques aménagements aux dispositions existantes mais surtout renforce
les pouvoirs et les attributions des divers organes de l’espace harmonisé
301
Cotonou (Bénin), le 17 avril 1997 : Réunion du Conseil des Ministres de l’OHADA : adoption des
projets.
86
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette mission, le Conseil des Ministres de
l’OHADA a adopté, à ce jour, neuf (9) Actes Uniformes 302, plusieurs règlements
OHADA, plusieurs projets de rénovation du système de l’organisation 303. D’autres
Actes Uniformes sont en chantier et restent à ce jour d’adoption très difficile ne faisant
pas l’unanimité au sein du Conseil., l’un des handicaps que l’on reproche encore à
l’organisation, qui n’a trouvé pour l’instant aucune solution palliative. Nous y
reviendrons plus spécifiquement dans nos développements 304.
Au plan européen, deux institutions toutes aussi importantes lui sont assimilées tant
dans leurs attributions que dans leur fonctionnement à savoir le Conseil européen et le
Conseil de l’Union305. Le premier ayant pour vocation de veiller aux échanges entre les
Etats membres en termes de coopération politique, et le second qui a vocation à adopter
les actes législatifs, un pouvoir qu’il partage avec le parlement européen306.
B. Le secrétariat permanent
C’est l’organe exécutif de l’OHADA. Il est comme le qualifient certains observateurs le
noyau administratif de la bonne marche et de la poursuite des objectifs de
l’organisation. Le secrétariat permanent se trouve ainsi être le cœur et le garant d’une
bonne direction de l’organisation et de l’espace communautaire. Le 30 juillet 1997, le
gouvernement Camerounais et l’OHADA signèrent un accord de siège 307 en vertu
duquel le siège du Secrétariat Permanent est fixé à Yaoundé au Cameroun.
Le Secrétariat Permanent a été conçu comme une structure légère composée outre du
Secrétaire Permanent, d’un Secrétaire Adjoint et de deux cadres de formation
supérieurs, l’un qui s’occupe de questions administratives et financières, l’autre des
questions juridiques et judiciaires. Deux cadres de formation supérieurs assurent la
gestion administrative et financière. Il bénéficie par ailleurs, d’un juriste junior mis à sa
disposition par la France et s’apprête à recruter un autre assistant juriste depuis 2000. Le
Secrétaire Permanent nomme ses collaborateurs conformément aux critères de
recrutement définis par le Conseil des ministres et dans la limite des effectifs prévus au
budget. Cependant il rencontre bien des difficultés dans son fonctionnement.
Ainsi qu’il sera décrit dans le diagnostic des pays, tous les interlocuteurs rencontrés par
la mission n’ont exprimé qu’un seul et même besoin : un rôle de coordination du
Secrétariat Permanent. En effet, s’agissant du volet « sensibilisation/formation »309, un
besoin de promotion uniformisée s’est fait ressentir : des plaquettes d’informations
générales, des fiches pratiques établies sous l’égide du Secrétariat Permanent ne
suffisaient plus à cette cause. Ce même besoin a été exprimé par les praticiens,
s’agissant du volet « application ». Ces derniers se félicitent tous des formulaires
harmonisés du RCCM310 et déplorent le défaut de formulaires harmonisés de procédure
correspondant à l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d’exécution. Ils souhaitent tous pouvoir établir des forums de discussions avec
le Secrétariat Permanent, afin de lui faire part des difficultés d’application de la
pratique. C’est en effet lui qui prépare l’ordre du jour du Conseil des Ministres, les actes
uniformes et leurs éventuelles modifications. Ce rôle de coordination correspond
d’ailleurs aux attributions du Secrétariat Permanent. Or, il apparaît que ce dernier n’a
308
Dans les conditions prévues à l’article 40 alinéa 2 du Traité de l’OHADA.
309
Sur la question, voir aussi Didier LOUKAKOU, De la diversité des sources du droit et quelques
implications sur le processus d’intégration juridique dans l’espace OHADA, 2013.
310
Ibidem.
88
pas les moyens de fonctionner et de réaliser pleinement ses activités. Il n’a pas de local
et ne peut donc ni recruter du personnel ni établir un programme d’activités.
En effet, lors des attributions des sièges des institutions de l’OHADA, le Cameroun
s’est engagé à mettre à la disposition du Secrétariat Permanent, institution sise sur son
territoire, des locaux aménagés et équipés, pour lui permettre à son fonctionnement
effectif. Or, à ce jour, le Secrétariat Permanent est installé au domicile du secrétaire
permanent et les cadres sont installés dans des dépendances 311. Du fait de cette absence
de siège, le Secrétariat Permanent n’a pu embaucher le personnel dont il a besoin pour
gérer un programme d’action. L’assistant technique juridique mis à disposition par la
France ne peut donner sa pleine capacité, car il n’est pas installé au même endroit que le
Secrétariat Permanent. N’ayant pas de personnel, il ne peut établir un programme
d’activités qui nécessiteraient les moyens financiers pour la réalisation dudit
programme. Notamment, et à titre d’exemple, les moyens financiers pour organiser une
réunion de tous les huissiers de justice afin de confectionner les formulaires de
procédure de l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d’exécution. Nombre d’actions de promotions et de vulgarisation devraient relever
de sa supervision, notamment pour une plus grande efficacité et homogénéité des
informations diffusées.
311
Des locaux provisoires qui servent de siège ah doc aux activités de l’organe
89
publicité du traité, des actes uniformes312, ainsi que toutes communications
relatives aux institutions de l’OHADA.
- Enfin il doit assurer la promotion de l’OHADA.
En effet, les activités du Secrétariat Permanent se sont portées sur ses trois domaines
d’activités privilégiés : l’élaboration de la législation communautaire, la publication et
la diffusion des actes uniformes et la promotion de l’OHADA. En effet, le Secrétariat
Permanent depuis son installation, a assuré la coordination et le suivi des travaux du
Conseil des Ministres de l’OHADA. Il a tenu le programme d’harmonisation
conformément à l’article 2 du traité.
312
Cf. LOUKAKOU D., Ibidem
313
Cf. CARTRON A. et Boris MARTOR, Eclairage sur la révision du Traité de l’OHADA, Lexis Nexis, Janvier
2010
314
Ibidem
315
Voir bibliographie : questionnaire du Secrétariat Permanent et notes de synthèse des questionnaires
90
mieux adaptée et donc la plus efficace »316. Ainsi, le domaine du droit des affaires ayant
été circoncis, il appartient désormais au Secrétaire Permanent de proposer chaque année
un programme d’harmonisation317.
Les institutions de l’OHADA n’ont pas toutes une portée d’action administrative et
politique. Certaines que nous nous permettrons de qualifier de plus actives et plus
présentes sur les questions de la praticité du droit communautaire OHADA vont aussi
motiver notre étude.
316
KIRSCH M., Revue Penant n° 827, op. cit.
317
A l’instar d’un article très intéressant de Amadou DIOP, Intégrations régionales en Europe et en
Afrique : regards croisés.
318
Cf. NDAM I., « l’indépendance de la cour commune de justice et d’arbitrage : un nécessaire
affermissement », Ersuma, numéro 888, pages 303.
319
Sur la question, voir Joseph ISSA SAYEGH et Paul POGOUE, « L’OHADA : défis, problèmes, et
tentatives de solutions », Revue de droit uniforme, 2008.
91
l’uniformisation de la jurisprudence 320 des affaires d’une part, et, d’autre part, celle de
l’interprétation des Actes Uniformes321. A l’occasion du séminaire d’Abidjan, les 19 et
20 avril 1993, les travaux de l’atelier n°3 se sont focalisés sur la question de savoir s’il
n’est pas plus adéquat de créer deux juridictions distinctes : l’une pour la fonction
juridictionnelle et l’autre pour la fonction d’arbitrage. Les participants ont également
émis des inquiétudes quant au coût élevé pour les justiciables 322 et ont suggéré de
faciliter l’accès à la Cour en organisant des sessions foraines ou encore en déplaçant les
juges dans les Cours Suprêmes nationales. Finalement, face à ces préoccupations, le
législateur communautaire a trouvé les réponses adéquates.
En effet, il est plus conséquent de créer une seule juridiction eu égard aux problèmes
financiers auxquels sont confrontés les Etats membres et compte tenu de la rareté du
personnel qualifié. La Cour n’interviendrait qu’en lieu et place des Cours Suprêmes ou
Cours d’Etat, d’une part, et, d’autre part, la procédure peut être orale ou écrite.
C’est en considérant tout ce qui précède que le Conseil des Ministres réuni à
N’Djaména (Tchad)323 le 18 avril 1996, a adopté les textes suivants :
320
Ibidem.
321
Cf. NDAM I., ibidem.
322
Sur les dépens voir Art. 43 du Règlement de Procédure de la CCJA.
323
Cf. POGOUE Paul, « Rapport OHADA : Missions et organisations de l’OHADA », 2012.
92
- Les statuts de la CCJA ;
- Le Règlement de Procédure d’Arbitrage.
La Cour fut officiellement installée à Abidjan, lieu de situation de son siège, et devient
rapidement opérationnelle 324. Appréciant la pertinence de la création de la CCJA, le Pr
Gilles CISTAC écrit : « L’attractivité du système OHADA procède largement de la
confiance en une instance judiciaire supranationale, à l’abri de l’incompétence, de la
corruption, des pressions politiques et du trafic d’influence. Ainsi, la création d’une
juridiction supranationale contribue à promouvoir la sécurité judiciaire » 325.
Après 20 ans d’exercice, il est judicieux de se demander si ces objectifs qui ont fondé sa
création sont pour le moins atteints ou en bonne voie de l’être.
Une fois élus, les membres de la CCJA jouissent des privilèges et immunités
diplomatiques. Ils sont inamovibles et ne peuvent exercer aucune fonction politique ou
324
Ibidem.
325
CISTAC G., « l’intégration africaine dans l’espace OHADA, revue Ersuma », numéro spécial, Mars
2014, p.93.
326
Art. 31 al 1 du Traité révisé.
327
Art. 31 al 2 du Traité révisé.
328
Sur les conditions d’éligibilité : voir Etienne NSIE, « la CCJA », Penant n° 828, septembre-décembre
1998 p. 308 et suiv.
329
Art. 31 al. 1 du Traité révisé
93
administrative. Toutefois, ils peuvent exercer des activités rémunérées après en avoir été
autorisés par la Cour.
Les membres de la Cour élisent en leur sein un Président et deux (2) Vice - Présidents
pour un mandat de trois (3) ans et six (6) mois non renouvelables 330. Le Président de la
Cour nomme le Greffier en Chef de la Cour après avis de celle-ci, parmi des candidats
présentés par les Etats membres et ayant exercé leur fonction pendant au moins quinze
(15) ans. Le Greffier en Chef assure le Secrétariat de la Cour. Enfin, après avis de la
Cour, le Président nomme également le Secrétaire Général chargé d’assister celle-ci
dans l’exercice de ses attributions d’administration de l’arbitrage, selon les critères
définis par le règlement du Conseil des Ministres331. Le Greffier en Chef et le Secrétaire
Général, selon le cas, peuvent aussi proposer au Président les candidats aux autres
emplois de la Cour332.
Par contre, au plan européen, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Cour de
justice de l’Union Européenne 335 regroupe désormais la Cour de Justice336, le
330
Les élections se déroulent conformément aux articles 37 et 38 du Traité et 6, 7 et 8 du Règlement de
Procédure de la CCJA.
331
Art 39 al 2 du Traité révisé.
332
Sur les nominations et les fonctions du Greffier en Chef : voir article 39 du Traité et 10 à 18 du
Règlement de Procédure de la CCJA.
333
Art. 26 du Règlement de Procédure de la CCJA.
334
Sur ces deux procédures : voir articles 27 et suivants du Règlement de Procédure.
335
Traité de l’UE article 13 – 1.
336
Ancienne CJCE et constitué aujourd’hui de la cour de justice de l’UE entend qu’institution et la cour
de justice, organe.
94
Tribunal337, et le Tribunal de la fonction publique 338. Cette cour de justice est composée
de vingt-huit juges339, à raison d’un par Etat, et de neuf avocats généraux. Elle connait
de recours direct mais aussi de renvois préjudiciels en interprétation du droit de l’UE340.
L’examen des attributions dont la CCJA révèle qu’elle est investie de pouvoirs
juridictionnels et consultatifs et intervient dans les procédures d’arbitrage. Ces
attributions sont à la fois contentieuses et consultatives.
La CCJA, dans sa fonction contentieuse, est juge de cassation pour tout différend relatif
au droit uniforme. Les juridictions nationales connaissent, en première instance et en
appel, des différends relatifs à l’application des Actes Uniformes. La Cour est saisie par
voie de recours en cassation des arrêts d’appel des juridictions nationales « à l’exception
des décisions appliquant des sanctions pénales »342. Elle est saisie « soit directement par
une des parties à l’instance soit sur renvoi d’une juridiction nationale »343. Cette saisine
suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale à
l’exception des procédures d’exécution. Ce qui montre encore une fois la palette de
prérogatives exorbitantes dont jouit la CCJA. De plus, elle peut également être saisie
par le Gouvernement d’un Etat, partie ou par le Conseil des Ministres de l’OHADA.
S’agissant des modalités de la saisine de la CCJA, un auteur écrivait : « c’est par le
mécanisme de la question préjudicielle que les juridictions nationales devraient
interroger la Cour »344.
L’obligation faite aux parties de se pouvoir en cassation devant la CCJA, et non devant
une juridiction nationale, quand il s’agit des questions impliquant l’application des
337
Ancien tribunal de première instance.
338
La CJCE peut être assistée si nécessaire de tribunaux spécialisés qu’elle peut décider de créer, cf.
article 19-1 du Traité.
339 e
Guinchard S. et al., Procédure civile – Droit interne et droit de l’Union Européenne, 3 éditions Dalloz,
p.27.
340
Ibidem.
341
Les implications techniques de ces dispositions seront abordées dans la suite de notre étude.
342
Art. 14 al.3 du Traité.
343
Art. 15 du Traité.
344
Gervais T. de LAFOND, « Le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique », G. P. des
20 et 21/09/1995 p.2.
95
Actes Uniformes, entraîne un abandon partiel de souveraineté par les Etats parties au
profit de l’OHADA ; cette obligation entraîne aussi une conséquence heureuse à savoir
l’uniformisation de la jurisprudence. A cet égard T.G. de LAFOND écrivait : « un droit
uniforme appelle une jurisprudence uniforme »345.
L’article 14 al. 2 du Traité pose le principe du rôle consultatif de la Cour. A cet égard, la
CCJA est compétente pour donner un avis sur les projets d’Actes Uniformes avant leur
présentation au Conseil des Ministres, interpréter et veiller à l’application des Actes
Uniformes dans les Etats parties, interpréter le Traité, les Règlements pris pour son
application, et les Actes Uniformes et rendre des avis consultatifs à la demande des
Etats, du Conseil des Ministres ou des juridictions nationales.
345
T.G. de LAFOND, in Hervis MIKPONHOUE, op. cit, p. 76
346
TIGER P., op. cit. p. 40
347
Cette voie de recours ressemble à l'opposition puisque le tribunal entend le demandeur et rend un
jugement. Mais, son pouvoir est alors limité car il ne peut modifier sa décision que sur les demandes qui
sont préjudiciables au requérant. Si des personnes n'ont pas été parties ou représentées à l'instance
alors qu'elles avaient intérêt à intervenir (lato sensu et non au sens strict de l'intervention retenue en
procédure civile) pour s'y défendre, elles peuvent alors faire juger la ou les parties du jugement qui leur
font grief en exerçant une tierce opposition.
348
Pour ces procédures voir articles 47 et suivants du Règlement de Procédure de la CCJA
96
Uniformes. Elle peut également être consultée par les juridictions nationales saisies
d’un contentieux relatif à l’application du droit harmonisé. La demande est transmise,
par la juridiction concernée, à la CCJA, avec précision de la question sur laquelle l’avis
de la Cour est sollicité. Il doit être joint à cette demande tout document pouvant servir à
élucider la question.
Lorsque la Cour rend son avis, celui-ci contient les mentions ci-après : « l’indication
qu’il est rendu par la Cour, la date du prononcé, les noms des juges qui y ont pris part,
ainsi que celui du greffier, les motifs, la réponse à la question posée à la Cour »349. Cette
procédure permet une uniformisation de l’interprétation du droit harmonisé. Elle
présente aussi l’avantage d’impliquer non seulement les parties demanderesses mais
aussi les Etats. Ainsi, l’interprétation donnée, in fine, est le produit d’un consensus
résultant des avis donnés par tous les intervenants ; dès lors, son acceptation, par tous,
ne pose pas de difficultés majeures350.
349
Article 58 du Règlement de Procédure de la CCJA.
350
Dans l’exercice de ses activités contentieuses et consultatives, la CCJA a rendu, jusqu’à fin juin 2003,
40 décisions judiciaires et 14 avis consultatifs. De 1998 au 19 août 2003, elle a reçu cent soixante deux
(162) pourvois et sur l’ensemble des requêtes elle a rendu quarante quatre (44) arrêts et sept (7)
ordonnances ; elle a également rendu seize (16) avis suite à des consultations par les Gouvernements
des Etats parties.
97
prestations qu’elle offre dans l’espace communautaire. Dans le Traité de Port-Louis,
elle devait concourir à la formation et au perfectionnement des magistrats et des
auxiliaires de justice. Ses attributions furent modifiées par l’article 41 dans le Traité de
Québec portant révision du Traité de Port-Louis. Désormais, la vocation de l’ERSUMA
est plus largement comprise. C’est un établissement de formation, de perfectionnement
et de recherche en droit des affaires. L’article 41 prévoit même la possibilité d’un
changement de dénomination et d’orientation par un règlement du Conseil des
ministres.
Ainsi, pour remédier au faible niveau de spécialisation des magistrats, ainsi qu’à
l’absence de système de formation continue et à l’insuffisance de formation juridique,
entre autres motivations, les parties contractantes ont décidé de créer une école pour la
formation et le perfectionnement des magistrats et auxiliaires de justice.
C’est pour répondre à ces soucis que l’ERSUMA a été créée le 17 octobre 1993 et son
siège est fixé à Porto-Novo (Bénin) 351. L’article 41 al. 1er du Traité révisé dispose : « il
est institué un établissement de formation, de perfectionnement et de recherche en droit
des affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) ».
Cet article montre clairement les deux grands axes qui seront le champ d’exercice de
cette école : la branche formation (1) et la branche recherche (2).
351
ISSA-SAYEGH J., Jacqueline LOHOUES – OBLE, OHADA – Harmonisation du droit des affaires, op. cit,
no 492, p 198 et 199.
98
1- L’ERSUMA : lieu de formation au bilan impressionnant
le Directeur Général de l’ERSUMA déclarait à l’occasion du séminaire de
sensibilisation au droit harmonisé tenu à Niamey (Niger) les 9 et 10 juin 1998 : « On ne
peut pas réussir l’harmonisation du droit des affaires si l’on ne forme pas des hommes
capables de connaître ce droit, de le faire connaître, de le comprendre, et de l’appliquer
de manière efficace et uniforme dans l’ensemble de l’espace communautaire
OHADA ».
352
La date du début des formations et en février 1998 elle fut inaugurer à son siège à Porto-Novo.
99
Le programme de l’ERSUMA contient toutes les disciplines du droit des affaires
comme défini par le Traité. Actuellement, à l’examen, ces formations couvrent
principalement le droit OHADA, à savoir les neuf actes uniformes adoptés, les deux
actes révisés, le règlement de procédure de la CCJA, le règlement d’arbitrage CCJA, en
prenant en compte la jurisprudence de la CCJA et celle des juridictions nationales, sans
oublier les aspects institutionnels de l’OHADA. Les formations ont embrassé aussi
d’autres droits communautaires (UEMOA-BCEAO353, CEMAC-BEAC354, CIMA,
OAPI355, CIPRES356…) mais aussi le droit des affaires hors OHADA. Suivront ensuite
le droit de la vente aux consommateurs, le droit des sociétés coopératives et mutualistes,
le droit de la preuve, le droit de la concurrence, le droit de la propriété intellectuelle et
toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait d’y inclure.
A cet effet, des chiffres nous permettent d’en dire mieux sur la dynamique entretenue en
son sein. Du 10 mai 1999 au 30 septembre 2004, l’ERSUMA a formé deux mille cinq
cent quatre vingt onze (2591) stagiaires. Le Bénin est le pays qui a bénéficié du plus
grand nombre de stagiaires avec 196 stagiaires. Suivront le Togo (189), le Mali (188), le
Niger (178), le Congo (177), le Burkina Faso (174), le Sénégal (172), la Centrafrique
(165), le Tchad (165), la Côte d’Ivoire (162), le Cameroun (159), la Guinée Conakry
353
Portant sur les questions monétaires dans l’espace de l’Afrique de l’Ouest.
354
Sur des questions monétaires dans l’espace Afrique centrale.
355
Pour la propriété intellectuelle.
356
Pour le domaine des assurances.
357
Cf. AHO F., « Rapport OHADA : l’exercice de la coopération avec la communauté internationale »,
Table ronde OHADA et partenaires techniques et financiers de N’Djamena, 22 septembre 2009.
358
Ibidem.
359
Ibidem.
100
(152), le Gabon (148), la Guinée Bissau (146), la Guinée Equatoriale (144). Le
Comores occupe le dernier rang avec 76 stagiaires. En cinquante sessions de
formations, chaque Etat a donc bénéficié en moyenne de 162 stagiaires. Aucun pays n’a
donc été exclu et on peut dire que la connaissance du droit OHADA se diffuse quasi
harmonieusement, ce qui constitue un gage de réussite. Parmi ces stagiaires, certains
avaient pour vocation de redonner à leur tour des formations au plan interne de leur
Etat, ce sont les formateurs. Ils étaient sur la période du 10 mai 1999 au 30 septembre
2004, au nombre de 501 composés comme suit : 166 magistrats, 21 universitaires, 74
avocats, 58 notaires, 57 experts judiciaires, 61 greffiers, 64 huissiers de justice. Ces
formateurs, en 2002, 2003 et 2004 ont organisé quatre-vingt-quinze sessions de
restitution dans les 16 Etats membres au bénéfice de 2943 acteurs judiciaires. Il peut
être donc certain que sur le continent 5534 magistrats, auxiliaires de justice, juristes et
universitaires ont une connaissance appréciable du droit OHADA.
361
« Les informations fournies par le Chef du service de la documentation permet de noter que le fonds
documentaire de l’ERSUMA comprend la majeure partie des ouvrages parus en droit OHADA, des
ouvrages sur les autres droits communautaires africains (UEMOA, CEMAC, CEDEAO, CIMA, OAPI), des
ouvrages de référence (français) en droit des affaires (Lamy, Dalloz, Jurisclasseur, LexisNexis), des
ouvrages (français) correspondant aux différents thèmes du droit OHADA et du droit des affaires, les
actes des sessions de formation organisées par l’ERSUMA depuis mai 1999, des thèses et mémoires en
droit OHADA et en droits communautaires africains (UEMOA, CEMAC, OAPI, CIMA), la littérature grise
juridique collectée au niveau des formateurs et des participants lors des différentes activités de
l’ERSUMA (en technique documentaire, « la littérature grise désigne tout « document dactylographié ou
imprimé, produit en dehors des circuits commerciaux de l'édition et de la diffusion et en marge des
dispositifs de contrôle bibliographiques ». La littérature grise est tout produit sous un format papier ou
numérique, et qui n’est pas contrôlé par l’édition commerciale. Exemples de littérature grise : rapports
d'études ou de recherches, actes de congrès), des textes, lois et règlements des pays membres de
l’OHADA, quelques documents en anglais, etc. »
102
bibliographiques. On pourra aussi parler de la multiplicité des mémoires et thèses sur le
droit OHADA aussi bien dans les universités africaines que dans les universités
françaises, qui intéressent énormément l’organe dans sa perspective de constituer l’une
des plus grandes bases de données documentaires sur le droit communautaire.
A cet effet, le site OHADA.com, le portail du droit des affaires en Afrique362 contribue
énormément à la diffusion de cette doctrine. Nombre d’ouvrages peuvent être connus
grâce aux annonces qu’il passe à leur parution. De nombreux articles sur l’OHADA
peuvent y être consultés. Dans sa bibliographie, on dénombre près de 595 titres
disponibles classés par auteurs. C’est un site qui contribue aussi à faire connaître toutes
les thèses portant sur le droit communautaire africain des affaires soutenues dans les
universités.
On retient toutefois que les activités de recherche n’ont pris leur envol au cours des
dernières années qu’avec l’obtention des financements de l’Union européenne, la
création du Centre de recherche et de documentation de l’ERSUMA
(CREDERSUMA) 363 et la nomination d’un universitaire de haut niveau 364 pour en
assurer la direction. Enfin a aussi été décidée la publication par l’ERSUMA de l’«
Encyclopédie du droit OHADA »365 sous la direction du Professeur POUGOUE, avec
362
L’UNIDA, promoteur de ce site le nomme comme le portail du droit des affaires en Afrique.
363
Cf. MEYER P., la Sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, Revue trimestrielle de droit
africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 151.
364
Ibidem.
365
Ibidem.
103
qui un contrat de cession des droits a déjà été signé 366. Il faut mentionner aussi la mise
en place du système intégré d’information de l’OHADA (SII-OHADA)367.
366
L’ouvrage est paru en 2012 sous les références suivantes : Paul-Gérard Pougoué (sous la direction
de), Encyclopédie du droit OHADA, 2012, Paris, Lamy, 2174 p.
367
Ibidem.
368
Cf. Combacau J. et Serge Sur, op. cit, p 5 – 17.
369
Ce sont des Etats dont les réalités socio-économiques empêchent considérablement tout
développement juridique et économique. Des considérations plus pratiques que nous aborderons dans
la suite de nos travaux.
104
TITRE II
Le principe né de la création de l’OHADA est que ses Etats membres élaborent une
réglementation communautaire qui remplace de droit toutes les règles nationales jusque-
là existantes dans les domaines harmonisés. Neuf de ces domaines firent l’objet d’un
d’actes uniformes gouvernant ainsi une matière précise du droit communautaire.
Ce chantier normatif est d’autant plus important que l’œuvre d’unification des règles fût
accompagnée de la création d’une haute juridiction chargée d’assurer le contrôle de
l’application et de l’interprétation des actes uniformes comme nous l’avons vu, la
CCJA, car s’il n’y avait pas une grande défiance vis-à-vis des juridictions de différents
niveaux (première instance, appel cassation) des Etats parties, il était toutefois
nécessaire de veiller au contrôle de l’application des dispositions communautaires au
plan national. Un contrôle qui a certainement nécessité une coopération des plus actives
judiciairement entre la juridiction communautaire et les instances nationales.
Nous avons donc jugé opportun de voir à ce jour les réels acquis de la démarche
communautaire entreprise, d’en étudier les mécanismes de mise en place, les avantages
et les limites d’un tel ordre juridique autant pour le droit communautaire que pour les
Etats membres. Plus encore, une analyse de la cohabitation juridique et judiciaire que
soutient à ce jour l’organisation entre son droit et les droits nationaux nous permettra de
révéler énormément d’indicateurs d’une réussite ou non du modèle normatif de
l’OHADA.
A cet effet, le choix du terme « étendue » dans ce titre n’est pas un hasard étant donné
que nous analyserons d’une part la consécration d’un ordre juridique communautaire
(Chapitre I) et d’autre part les implications de l’abandon des souverainetés législatives
et judiciaires (C).
105
CHAPITRE I
L’activité normative est au cœur des missions de l’OHADA, à savoir adopter des règles
communes, simples, modernes et adaptées à la situation des économies des Etats
membres comme constituant la base de la sécurité juridique dont l’espace a besoin pour
promouvoir les investissements tant nationaux qu’étrangers et pour promouvoir le
développement économique et social. Ainsi, à l’heure actuelle, sur toutes les questions
qui ont fait l’objet d’un acte uniforme, les mêmes règles sont en vigueur au Gabon, au
Mali, au Tchad ou encore au Sénégal, entre autres Etats membres. Si par exemple le
Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal régissait de telle matière, la
plupart de ses dispositions, qui étaient le fruit de la législation interne sénégalaise, ont
cédé la place aux normes communautaires OHADA. Il en est ainsi, par exemple, du
droit des sociétés et des divers autres actes uniformes adoptés.
« Si les personnes interrogées sont unanimes à saluer l’avènement d’un tel espace
juridique harmonisé, il n’en demeure pas moins que quelques insuffisances, telles des
péchés de jeunesse, sont formulées à l’encontre des règles de l’OHADA »370. Ce que
nous verrons en abordant la consécration d’un ordre juridique communautaire européen
(Section I) ; puis celui du modèle de l’OHADA (Section II), afin de prendre la juste
mesure des avancées juridiques communautaires de ces deux systèmes.
370
Cf. David E., op. cit, p. 182.
371
Cf. Benkemoun L., « Sécurité juridique et investissements internationaux », Revue trimestrielle de
droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 193.
106
communautaire, avec des impulsions aussi fortes et une ferme détermination de
réglementer à long terme le domaine des affaires en Europe372.
L’édification du marché intérieur s’est réalisée plutôt en deux grandes étapes juridiques,
la première consistant à éliminer les cloisonnements, et la seconde à unifier les règles.
C’est à cet effet que nous analyserons d’une part l’étendue du droit européen des
affaires (Paragraphe I) et d’autre part les mesures juridiques d’uniformité du droit
européen des affaires (Paragraphe II).
372 ère
Cf. Vogel L., Droit européen des affaires, 1 édition Dalloz, 2012, p. 3.
373
Cf. Vogel L., op. Cit, p. 5.
374
La coopération Schengen qui débute en 1985 représente une avancée majeure, l’une des premières
pour le droit communautaire européen. L’objectif premier étant la suppression des contrôles aux
frontières intérieures de l’Europe.
375
Cf. Guide des politiques communes de l’Union européenne, op. cit, p. 119.
107
A. L’instauration d’un espace économique européen « EEE »376
En 1992, les Communautés européennes et les Etats membres de l’Association
européenne de libre échange « AELE » ont signé un accord sur l’espace économique
européen, qui prit force le 1er Janvier 1994377. Il avait notamment pour but de mettre en
place un système de libre circulation des personnes et des marchandises, des services et
des capitaux entre les parties signataires et mettre en place un régime de concurrence. A
la suite de l’entrée de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède à la communauté
européenne le 1er Janvier 1995, seul l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein sont
demeurés membres de l’EEE. La Suisse qui avait signé l’accord s’est finalement retirée
de l’espace économique européen en raison d’un référendum négatif. Les dispositions
de l’accord EEE ont repris en tout point celle du traité sur le fonctionnement de l’Union
Européenne relatif à la libre circulation et ont permis d’étendre l’ensemble des règles
européennes pour l’application des libertés aux Etats de l’AELE 378.
376
Cf. Daniel F., Droit pénal européen, les enjeux d’une justice pénale européenne, 2e édition Larcier
Europe, p. 31.
377
Ibidem.
378
Cf. Daniel F., op. cit, p 25.
379
Des lors que l’acte européen est incorporé à l’accord, il peut être transposé dans le droit interne de
trois Etats selon leurs normes nationales. Ces décisions d’incorporation ont un caractère purement
formel, les Etats ne disposant d’aucune marge d’appréciation eu égard aux textes européens à
incorporer.
380
Les objectifs principaux étaient surtout les échanges, la libre circulation des marchandises, services,
capitaux, personnes, une politique commune de concurrence qui évidemment allait avec et les diverses
protections pour équilibrer le marché notamment celle des consommateurs, des services publics, de la
propriété intellectuelle.
381
Intervenues en 1968, ces premières mesures étaient très révélatrices des futures ambitions de l’EEE.
108
Néanmoins, ces mesures se heurtèrent à la « frilosité »382 des Etats membres, qui face
aux difficultés économiques nationales en temps de crises 383, n’arrivaient donc pas à
atteindre l’unanimité quand il s’agissait de la mise en œuvre de ces mesures.
Finalement, ni l’objectif annoncé par le traité de Rome, ni le délai prévu pour
l’atteindre, ni l’établissement progressif du marché commun sur une période de douze
années ne seront respectés.
Le conseil avait cependant depuis 1961384 mis en place des programmes généraux
destinés à réduire et à éliminer les divers obstacles liés au libre établissement et à la
libre circulation et prestations de services. Les cadres généraux n’ont plus pas été
respectés par le conseil, qui a adopté les directives annoncées bien plus tardivement que
prévu. « Les premières directives de coordination notamment en matière bancaire ou
d’assurance ont été adoptés entre 1972 et 1979 »385.
Mais la machine juridique européenne fut relancée avec l’arrivée de nouveaux Etats
membres et l’adoption de l’Acte unique européen en 1986 386. L’avantage de ces
nouvelles mesures était la possibilité de prendre les décisions à la majorité, ce qui allait
débloquer bien des situations restées pendantes. Entre 1986 et 1992, L’Union adopte
280 textes387 sur l’ouverture des marchés nationaux388, dont certains se sont substitués
aux législateurs nationaux et d’autres ont mis en place le système de reconnaissance
mutuelle des normes et techniques nationales différentes389.
Le marché unique ne devint qu’une réalité qu’à partir de 1993 et l’intégration s’est
poursuivie de manière organisée et intense. Le nombre de directives en rapport avec le
marché intérieur est passé de 1291 en 1995 à 1475 en 2002 390, ce qui montre bien
l’énorme impulsion de codification et les diverses normes juridiques mises en place
pour rendre effectif et efficace l’ordre juridique communautaire européen qui émergeait.
382
VOGEL L., Traité de droit économique, Droit européen des affaires, Tome 4, Bruylant, p. 13.
383
Notamment au début des années 80, qui secouaient toutes l’Europe.
384
Cf. Daniel F., op. cit, p 21.
385
Vogel L., Ibidem.
386
Cf. Vogel L., op. Cit, p 34.
387
Cf. Vogel L., Ibidem.
388
Cf. David E., Cde de droit des organisations internationales, 1ère édition Bruylant, 2014, p. 237.
389
Ibidem.
390
Cf. document de la commission, le Marché intérieur – dix ans sans frontières.
109
Le passage à vingt-sept pays membres a aussi rendu nécessaires une évolution
institutionnelle et la fixation de nouveaux objectifs pour plus d’efficacité 391.
La commission adopta en octobre 2010 l’acte pour le marché unique 392 qui développa
les mesures et les normes destinées à relancer l’économie Européenne au lendemain de
la crise financière. Aussi, en raison de législation incomplète et d’une application
défectueuse des règles existantes, la direction générale du marché intérieur relance des
chantiers inaboutis tel que le brevet européen, et envisage aussi l’encadrement plus
stricte et plus spécifique de nouveaux domaines économiques notamment l’achat en
ligne, et renforce sa stratégie dans d’autre tel que la contrefaçon ; ainsi considéré
comme l’un des fléaux de l’ouverture du marché et des nouveaux rapports
concurrentiels. Le marché des services va être aussi tout particulièrement visé par cette
vague de codification européenne, en raison de son potentiel en matière de
développement économique.
391
Un véritable modèle d’intégration dont devrait plus s’inspirer l’OHADA dans une perspective
d’adaptions et de développement économique.
392
Cf. Vogel L., op. Cit, p 32.
393
Cf. Vogel L., op. Cit, p 26.
394
Cf. Vogel L., op. Cit, p 25.
110
- et créer un marché intégré du crédit à la consommation dans l’espace
européen395.
Cette évolution constante du droit européen des affaires vers des mécanismes plus
évolués et plus efficaces d’intégration se traduit par une modification de la structure et
de la portée des textes de droit dérivés396. Par conséquent, les directives qui, au départ
visaient une harmonisation minimale, tendent aujourd’hui à réaliser de plus en plus une
harmonisation maximale et devienne des directives d’unifications. De nouveaux textes
ont été mis en place aussi dans le but de supprimer toute différence contextuelle, même
dans un sens favorable, du niveau de la protection octroyé par les législations internes,
susceptibles de créer une charge supplémentaire pour les entreprises et de faire obstacle
au bon fonctionnement et à l’émergence du marché intérieur.
395
Sur la question, voir Bernard REMICHE, Expériences législatives européennes en droit
communautaire de la concurrence, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la
cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 3.
396
Sur la question, cf. aussi Ibrahima SAMBE, La cour de justice de l’union économique et monétaire
ouest africaine et le recours préjudiciel, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la
cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, p. 86.
397
Cf. Daniel Flore, op. cit, p 21
398
ibidem
399
Cf. David E., Cde de droit des organisations internationales, 1ère édition Bruylant, 2014
400
Cf. Vogel L., op. Cit, p 21
111
circulation, avant d’être utilisés pour harmoniser les législations des Etats parties 401. Les
seconds seront quant à eux employés pour unifier les règles juridiques au sein de
l’Union et servir à la défense du marché intérieur contre les attaques des opérateurs
extérieurs, en considérant l’ampleur et les diverses implications économiques du
phénomène de mondialisation et de la capitalisation de l’économie moniale 402.
« Des lors que les institutions européennes se donnaient pour objectif l’unification des
règles, leur champs d’intervention en devenait limité, d’autant que des considérations
extra économiques sont venues s’y ajoutés, au fur et à mesure de l’adoption des traités
successifs, aux préoccupations à l’origine exclusivement économique des rédacteurs du
traité de Rome »403. Comme l’exprime bien Louis Vogel, l’Union devait donc s’assurer
d’une délimitation plus exhaustive de son cadre d’affaires. D’autres normes 404, de
nature véritablement économique, ont été prises, soit en-deçà soit au delà des règles
examinées ici405.
De l’autre côté de la chaine des normes établies, on trouve des règles relatives à la
normalisation, l’étiquetage, la publicité et l’information. La normalisation, en
combinaison avec le principe de la reconnaissance mutuelle joue un rôle essentiel dans
le processus de stabilisation du marché intérieur, bien qu’elle soit accessoire au principe
de libre circulation. Elle présente aussi l’avantage d’accroître la compétitivité des
entreprises406, surtout lorsqu’elles sont de moyenne ou petite importance et contribue à
une meilleure protection du consommateur407.
401
Ibidem
402
Cf. Daniel F., op. cit, p 54
403
VOGEL L., op. Cit, p. 17
404
La directive 2003-87 du 13 octobre 2003 modifié par la directive 2009-29 du 23 Avril 2009, qui
accorde aux exploitants des installations qui émettent des gaz à effet de serres en rapport avec l’une
des activités citées en annexes du texte, l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serres à condition
qu’il soit en mesure de déclarer et de surveiller les émissions.
405
L’union a mis aussi un place un droit de l’environnement toujours dans le domaine du droit des
affaires et concernant les entreprises émettant du gaz à effet de serres, et conformément au protocole
de Kyoto du 11 Décembre 1997.
406
Cf. Ibrahima SAMBE, La cour de justice de l’union économique et monétaire ouest africaine et le
recours préjudiciel, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26
janvier 2011.
407
Depuis 1992, la Commission a adopté une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique
et d’utilisation de la normalisation qui consiste à établir des dispositions réglementaires générales
applicables à des secteurs ou familles de produits, ainsi qu’à des types de risques, plutôt qu’à régler
l’harmonisation technique produit par produit.
112
La nouvelle approche des directives prévoit des contrôles avant et après la
commercialisation des produits afin de garantir une meilleure sécurité 408 et une qualité
des produits409, une façon de créer un climat de confiance entre le consommateur ou le
pouvoir d’achat et le marché intérieur commun410.
Cependant, les Etats conservent une certaine marge de manœuvre. L’article 18 leur
ouvre la possibilité de déroger à l’interdiction d’empêcher le commerce des denrées
alimentaires, conformément à la directive, lorsque la législation en cause poursuit un
objectif de protection de la santé publique 411, de répression des tromperies 412, de
protection de la propriété industrielle et commerciale 413, d’indication de provenance414,
d’appellations d’origines415 et de répression de la concurrence déloyale 416.
Aussi, la directive 2001-83 du 6 Novembre 2001 417 mit en place un code européen des
médicaments à usage humain qui regroupe diverses règles européennes relatifs aux
médicaments et à la posologie à usage humain. Elle fixe les règles communes et
générales en matière de publicité pour les médicaments quel qu’en soit le destinataire et
interdit toute publicité pour des médicaments dont une autorisation de mise en vente sur
le marché européen, conforme aux normes européennes n’a pas été délivrée ou dont
certains éléments ne sont pas conformes aux renseignements fournis dans le résumé des
caractéristiques du produit418.
La directive 76-768 du 27 Juillet 1976419 sur les produits cosmétiques qui harmonisent
aussi les législations des Etats membres afin de supprimer les obstacles aux échanges et
à la libre commercialisation des produits cosmétiques, résultant des divergences
408
Sont concernés, les secteurs de jouets, de machines, des dispositifs médicaux, ou encore des
appareils électroménagers.
409
La directive 2000-13 du 20 Mars 2000 relative à l’étiquetage, à la présentation et à la publicité des
denrées alimentaires, texte général d’harmonisation horizontal poursuit une double finalité, dont
l’information et la protection des consommateurs.
410
Cf. Vogel L., op. Cit, p 17.
411
Nécessité d’ordre publique d’établir des normes en matière sanitaire.
412
Normes pénales.
413
A l’instar de la codification africaine en la matière.
414
Cf. Djogbénou J., Ibidem.
415
Ibidem.
416
Ibidem.
417
Cf. Davide E., op.cit, p. 211.
418
Cf. Daniel F., op.cit, p 15.
419
Cf. Vogel L., op. Cit, p 13.
113
antérieures de législations nationales 420. Il est remplacé depuis le 11 juillet 2013 par le
règlement 1223-2009 du 30 Novembre 2009 421 qui a pour objectif d’assurer la
protection de la santé et l’information des consommateurs, en prenant soin de contrôler
la composition et l’étiquetage des produits, tout en prévoyant un système d’évaluation
de la sécurité des produits et l’interdiction des expérimentations sur les animaux.
Enfin, l’Union a délimité un cadre stratégique pour mettre en œuvre un espace européen
unique d’informations et d’échanges qui tend notamment à l’effectivité d’une société de
l’information et des médias fondée sur l’inclusion 422. Pour y arriver, la commission a
défini un cadre de réglementation spécifique pour les services de communications et les
réseaux, qui couvre l’ensemble des réseaux et services de communication et
d’informations électroniques et prône l’indépendance des autorités de la réglementation
nationale, mais aussi, la mise en œuvre d’une obligation de prévoir un droit de recours
pour les utilisateurs, fournisseurs de réseaux ou services de communications
électroniques, devant un organisme indépendant 423.
420
Ceci obligeait les entreprises européennes à différencier leur production selon l’Etat membre de
destination.
421
Cf. David E., op.cit, p. 189.
422
Communication de la commission du 1er juin 2005, intitulée « i2010 – une société de l’information
pour la croissance et l’emploi ».
423
En cas de litige les opposant à une autorité de réglementation nationale.
424
Cf. Dubouis L.et Gueydan C., op. Cit, p 319 – 322.
425
Ibidem.
114
place par les traités ou toutes autres dispositions communautaires européennes ne
peuvent se voir judiciairement opposé à un texte interne de droit, quel qu’il soit, ceci
serait d’autant plus grave qu’il reviendrait à remettre en cause la base juridique de
l’Union elle-même426. Ainsi les règles de droit doivent dès leur entrée en vigueur, faire
l’objet d’une applicabilité uniforme dans tous les Etats membres et ceci durant toute
leur durée de validité. Cependant une des problématiques réside dans le fait que le bon
fonctionnement du système européen et la réalisation des buts du traité européen
suppose que tous les Etats membres établissent des règles nationales identiques, prises
en application des dispositions européennes. Ce qui n’est pas chose aisée et peut même
être apparenté à une aberration juridique. Car si le souci de l’Union est de veiller à ce
que les règles nationales établies par applications des dispositions communautaires, elle
aurait juste veillé à établir des règles générales et particulières transposables sans
modification et sans aucun de craindre des divergences d’un Etat à un autre427.
Le juge national, doit donc dans un souci de rendre à la norme européenne 428 sa
supériorité prononcée429, avoir la faculté d’écarter les dispositions internes qui font
obstacle à une pleine efficacité des normes européennes et à leur application
uniforme430.
426
CJCE du 15 Juillet 1964, du 13 Novembre 1964.
427
CJCE du 9 Mars 1978, aff 106-77.
428
CJCE du 21 Février 1991, aff C-143-88.
429
CJCE du 9 Mars 1978, aff. 106-77.
430
CJCE du 13 Février 1969, aff. 14-88 et CJCE du 13 Février 1969, aff 14-68.
431
CJCE du 9 Mars 1978, aff. 106-77 et CJCE du 24 Février 1988, aff. 260-86.
432
CJCE du 14 Décembre 1971, aff. 43-71.
433
CJCE du 7 Juillet 1981, aff. 158-80.
434
CJCE du 13 Novembre 1990, aff. C-130-78.
435
CJCE du 8 Mars 1979, aff. 130-78.
115
voir opposer l’application de toute mesure législative, même postérieure, incompatibles
avec leurs dispositions436 »437.
Diverses autres implications sont nées du fait de l’application de cette primauté du droit
européen notamment en matière de droits fondamentaux438, dont la sauvegarde, qui
s’inspire énormément des traditions constitutionnelles communes des Etats européens
membres doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de l’Union 439. En
effet, une éventuelle atteinte aux droits fondamentaux par un acte institutionnel de
l’Union ne peut être appréciée que dans le cadre du droit européen et non en considérant
les principes constitutionnels propres à l’Etat membre en cause, sous peine de nuire à la
cohésion et à la légitimité de l’Union440. Aussi, la Cour de justice est tenue de prendre
en compte les instruments internationaux de protection des droits fondamentaux de
l’Homme441 auxquels les Etats membres ont adhéré et coopéré ainsi que les traditions
communes à ces derniers dans toute décision s’y rapportant442. Mais ceci pose encore
une fois une grande interrogation dans la mesure où le juge national n’est pas tenu de
faire une étude générale des autres textes constitutionnels des autres Etats afin d’en
répertorier les similitudes, ce que porte à croire l’interprétation textuelle de ce principe.
Ce principe de primauté, au national, produit aussi divers effets. Les justiciables, les
entreprises ou les particuliers ont la faculté, sur le fondement du caractère absolu et
inconditionnel de la primauté du droit européen, de contester toute décision nationale,
acte législatif, administratif ou judiciaire qui iraient à l’encontre d’une efficacité
maximal du droit européen. Ainsi, la force exécutoire des dispositions européennes ne
peut varier d’un Etat à un autre ; ceci aurait pour conséquence de créer une sorte
d’inégalité juridique et voir une certaine instabilité du droit européen. C’est ainsi que la
primauté va être étendue même aux dispositions ou mesures de police, ou encore de
sûreté ou de protection de la sécurité publique, qui ne sont pas exclus de cette autorité
436
C’est aussi le cas des délibérations du Conseil de l’Europe, qui contrairement aux recommandations
de la commission, entrainent des effets juridiques déterminés dans les relations de l’Union avec les Etats
membres et entre les institutions, dont les Etats membres ne peuvent s’affranchir.
437
Vogel L., op.cit, p. 319.
438
CJCE DU 31 Mars 1971, aff. 22-70.
439
CJCE du 17 décembre 1970, aff. 11-70.
440
CJCE du 13 Décembre 1979, aff. 44-79.
441
Les Etats membres sont tenus de respecter aussi, lors de l’application du droit européen, les
prérogatives résultant de la protection des droits de l’Homme, dans l’ordre juridique européen.
442
CJCE du 13 juillet 1989, aff. 5-88.
116
juridique du droit européen443. Le juge national est habilité donc à les supprimer,
qu’elles soient postérieures ou antérieures aux dispositions européennes qu’elles
contredisent. Cependant, de simples pratiques administratives, par nature modifiables au
gré de l’Administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne constituent donc pas
une exécution valable des obligations du traité, susceptibles de remédier à
l’incompatibilité d’une législation nationale avec le droit européen444.
La mise en œuvre de ce principe de primauté est aussi le fruit une coopération effective
et efficace entre la Cour Européenne et les juridictions nationales. Le juge national saisi,
a en effet pour prérogative d’assurer la protection des droits conférés aux justiciables
par le droit européen. La portée procédurale du principe ainsi présenté permet aux
juridictions nationales d’appliquer, parmi les différents procédés offerts par leur ordre
juridique interne, ceux qui sont les mieux à même de sauvegarder les droits des
personnes, conférés aux justiciables par le droit européen. « Le système de protection
mis en place par le Traité du droit européen implique cependant que tout type d’action
prévu par le droit national puisse être utilisé pour assurer le respect des règles
européennes d’effet direct, dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure
que s’il s’agissait d’assurer le respect du droit national »445.
Toutefois, la sécurité juridique que tend fortement à instaurer l’Union pourrait s’en
trouvé fragilisé, dans la mesure où l’une des constituantes de ce principe est la
reconnaissance d’une autorité de la chose jugée. Or la primauté du droit européen
suppose que toutes les décisions rendues antérieurement sur la page de normes
juridiques nationales rendues caduques par l’avènement de normes européennes
nouvelles, supérieures et imposées entendent que ces décisions antérieures rendues
soient considérées comme contraire au droit existant et en vigueur, ce qui constitue une
sorte de contradiction. Le droit européen règle la question en donnant primauté à la
Cour de justice de l’Union, de rendre nul toute décision rendue qui irait à l’encontre de
normes établies par le droit européen446. Cette solution nous parait inappropriée dans la
mesure où un défaut dans la décision antérieure ou une simple contradiction dans
l’interprétation du juge serait à l’origine de l’annulation d’une décision rendue
443
CJCE du 23 Novembre 1999, aff. C-285-98.
444
CJCE du 7 mars 2002, aff. 145-99.
445
Vogel L., op. Cit, p. 325.
446
CJCE du 13 Janvier 2004, aff. C-453-00.
117
conformément au droit 447. La sécurité juridique si tant prisée, n’en serait pas moins
qu’un mythe ou plus ou moins relative.
C’est ainsi que le principe de coopération posé à l’article 4 du TUE n’oblige pas non
plus les juridictions nationales à « écarter les règles de procédures internes, qui
attribuent force de chose jugée448 à une décision judiciaire 449 ou confèrent à une
sentence arbitrale intermédiaire 450 le caractère d’une sentence finale 451 même si elles
sont contraires au droit européen452 ».
Plusieurs principes dérivés vont être aussi élaborés et mis en œuvre par le législateur
européen afin d’assurer la primauté et l’applicabilité du droit européen :
Le juge national qui est seul à avoir la connaissance des modalités procédurales de
son droit national doit cependant vérifier la similitude de ces dernières avec les
règles procédurales établies par le droit européen453. Il faudra ainsi que la règle
concernée s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit
national qu’à ceux fondés sur la violation du droit européen
Selon un principe général de droit présent dans les traditions constitutionnelles des
Etats membres et dans la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’Homme454, toute personne a droit à un recours effectif contre toute décision d’un »
autorité nationale devant une juridiction compétente455. Ainsi, « aucune règle de
procédure ne peut être invoqué pour faire échec à l’action d’un justiciable fondée
sur le droit européen456 ».
447
CJCE du 12 Février 2008, aff. C-2-06.
448 er
CJCE du 1 juin 1999, aff. C-126-97.
449
CJCE du 16 mars 2006, aff. C-234-04.
450
Cf. L. Dubouis et C. Gueydan, les grands textes du droit de l’Union Européenne, Traité-droit dérivé-
e
jurisprudence, 8 édition Dalloz, p. 327.
451
Ibidem.
452
CJCE du 22 décembre 2010, aff. C-507-08.
453
CJUE du 20 Octobre 2011, aff. C-94-10.
454
Articles 6 et 13.
455
CJCE du 15 mai 1986, aff. 222-84.
456
Arrêt CEDH n. 36677-97 du 16 juillet 2002, Dangeville.
118
Le principe de non-discrimination inscrit à l’article 18 TFUE 457 exige la parfaite
égalité de traitement des personnes se trouvant dans une situation régie par le droit
européen, avec les ressortissants de l’Etat membre. Ainsi un droit d’accès égal doit
être accordé aux justiciables du pays membre, et aussi aux ressortissants d’un autre
pays membre.
C’est l’un des principes les plus protecteurs et les innovants, assurant une certaine
faculté aux justiciables de demander réparation lorsque l’application ou
l’interprétation du droit européen lui cause un préjudice. Ce préjudice peut être
imputable à l’Etat, dans le cas d’une violation de normes européennes, ou à une
juridiction statuant en dernier ressort et nonobstant le droit européen dans son
dispositif. Ainsi la pleine applicabilité et efficacité du droit européen exige que les
justiciables en soient les bénéficiaires en première ligne et soient en mesure de
demander réparation d’un préjudice subi du fait d’un droit à eux octroyé par le droit
européen, et violé par l’application ou l’interprétation faite par le juge national ou
l’Etat membre lui-même461. C’est l’une des problématiques les plus profondes du
droit OHADA, qui font qu’à ce jour il reste très peu populaire auprès des peuples
africains462.
A ses diverses règles établies par le droit européen pour s’assurer une certaine légitimité
et une supériorité juridique, il faut ajouter la non-application du droit national non
457
Cf. Dubouis L. et Gueydan C., op.cit, p 326.
458
CJCE du 19 juin 1990, aff. C-213-89.
459
CJCE du 21 février 1991, aff. C-143-88.
460
Cf. David E., op.cit, p. 211.
461
CJCE du 9 novembre 1995, aff. C-334-95.
462
Analyse développée dans la suite de notre étude.
119
conforme463 et le réexamen du droit national non conforme par les autorités
nationales464.
Dans sa portée judiciaire, « il incombe aux juridictions des Etats membres d’assurer la
protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct des dispositions du
droit communautaire »467. L’applicabilité direct signifie donc que les règles européennes
produisent leurs effets de façon identique et uniforme dans tous les Etats membres et
sans aucune nécessité d’avoir recours à un mode alternatif quel qu’il soit de
transposition de normes internationales au plan interne des Etats.
463
CJCE des 9 Septembre 2003, aff. C-198-01 et 25 novembre 2008, aff. C-455-06.
464
CJCE des 11 Juillet 2008, aff. C-207-08 et 28 Février 2012, aff. C-41-11.
465
Cf. Dubouis L. et Gueydan C., op. cit, p 322 – 325.
466
Vogel L., op. cit, p. 341.
467
CJCE du 27 Février 1980, aff. 68-79.
120
Le juge national, considéré ici comme juge européen de droit commun, a ainsi
l’obligation d’assurer le plein effet des normes européennes en laissant au besoin
inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire contenue dans la
législation nationale, qu’elle soit antérieure ou postérieure, sans qu’il n’y ait à attendre
l’élimination par celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé
468
constitutionnel .
Selon la matière, il est à rappeler que la Cour a retenu l’existence d’un effet direct
partiel ou complet, sans compter qu’il ne fait pas toujours l’objet d’une application
automatique. En effet, diverses conditions essentielles doivent être réunies pour
reconnaître un effet direct à une règle européenne : le texte en question doit être clair,
précis et inconditionnel. Par conséquent, l’appréciation de l’effet direct se fera
disposition par disposition, ce qui suppose que certaines dispositions d’un même texte
peuvent être d’effet direct alors que d’autres non.
La règle européenne doit être suffisamment opérationnelle pour faire l’objet d’une
application du juge national et susceptible de régir la situation juridique des
particuliers469. De plus l’obligation posée par le texte, dans ses dispositions, doit être
claire et inconditionnelle 470.
L’accent ne sera pas mis sur le fait que la disposition soit assortie ou non de réserves ou
d’exceptions, mais il suffit qu’elle soit bien délimitée et que ses constituantes juridiques
précisent de façon claire les diverses règles qu’elle entend mettre en vigueur. En guise
d’exemple, nous évoquerons les dispositions d’une directive qui excluent toute
discrimination fondée sur le sexe d’une manière générale et dont les termes non
équivoques sont suffisamment précis pour être invoqués devant le juge national par un
468
CJCE du 9 mars 1978, aff. 106-77.
469
CJCE du 4 mai 1999, aff. C-262-96.
470
Article 90 CE, et CJCE du 16 juin 1966, aff.57-65.
121
justiciable et produire donc l’effet direct 471. De plus, l’article d’une directive peut bien
revêtir l’expression « à condition que », qui dans son contexte textuel vise à établir une
exception ou une condition, sans pour autant perdre son caractère inconditionnel 472. A
l’opposé, le texte qui ne détermine, ni le montant de la rémunération en cause 473, ni le
débiteur de l’obligation, ou qui précise les bénéficiaires d’une garantie et son contenu
mais en ignorant de déterminer l’identité de son débiteur 474 est considéré comme
équivoque.
Cependant, il est à préciser que « la règle ne doit être subordonnée, dans son exécution
ou ses effets, à l’intervention d’aucun acte, soit des institutions de l’Union, soit des
Etats membres475 » ce qui n’est guère le cas lorsque son application comporte une
évaluation des exigences incombant à l’aboutissement des objectifs et de la mission
impartie aux entreprises et à la sauvegarde des intérêts majeurs de l’Union.
De même, l’effet direct est exclu lorsque les dispositions en cause revêtent une portée
essentiellement programmatique 476, ou qu’elles ne constituent qu’une délimitation plus
ou moins exhaustive du cadre d’activité des Etats membres, dans la matière concernée
sans imposer l’adoption de mesures concrètes477 ou d’une méthode d’action478.
471
CJCE du 26 Février 1986, aff. 152-84
472
CJUE du 24 novembre 2011, aff. C-468-10
473
CJCE du 25 février 1999, aff. C-131-97
474
CJCE du 19 Novembre 1991, aff. C-6-90
475
CJCE du 4 avril 1968, aff. 27-67
476
CJCE du 17 mars 1993, aff. C-72-91 et CJCE du 26 mai 2011, aff. C-165-09
477
Les dispositions du traité qui posent une obligation de faire sans préciser les méthodes applicables
laissent aux Etats membres une marge d’appréciation qui exclut la reconnaissance de leur effet direct. Il
en est de même de celle qui impose une ligne directrice générale sans indiquer aucune méthode
concrète pour s’assurer une codification uniforme pour tous les Etats membres
478
CJCE du 23 février 2004, aff. C-236-92
479
Cf. David E., op. cit, p. 174.
122
d’application directe depuis l’expiration de la période de transition, que les directives
aient été ou non adoptées.
Selon l’article 288 TFUE480, les règlements sont obligatoires et dans tous leurs éléments
et directement applicables dans tout Etat membre, alors que les directives quant à elles,
lient les Etats membres au résultat à atteindre, en laissant aux instances nationales les
compétences quant à la forme et aux moyens de mise en œuvre. Ainsi, une directive
produit, selon l’article 297 TFUE 481, des effets juridiques à l’égard de l’Etat membre
destinataire dès qu’elle est notifiée 482. « L’adoption de dispositions contraires au texte
européen, avant sa transposition expose l’Etat membre qui s’en est rendu coupable à
une action en manquement 483 ». Il en est de même pour la période transitoire si la
directive en prévoit une à l’expiration du délai de transposition 484.
Les dispositions du droit primaire, selon leurs caractéristiques, entrainent soit un effet
direct vertical, soit un effet direct complet 485. La cour de justice a reconnu, à cet effet,
un effet vertical à certains articles du Traité :
480
Cf. David E., op. cit, p. 166.
481
Cf. David E., op. cit, p. 189.
482
CJCE, 14 juin 2007, aff. C-422-05.
483
CJCE, 8 Octobre 1987, aff. 80-86 et CJCE du 17 janvier 2008, aff. C-246-06.
484
CJUE, 26 mai 2011, aff. C-165-09.
485
L’effet direct complet permet de se prévaloir d’une norme européenne dans un litige entre
particuliers grâce à la combinaison d’un effet vertical et d’un effet horizontal.
486
CJCE, 20 Octobre 1993, aff. C-92-92.
487
CJCE, 17 décembre 1970, aff. 18-71.
488
CJCE 5 février 1963, aff. 26-62.
489
CJCE 29 novembre 1978, aff. 83-78.
490
CJCE 15 juillet 1964, aff. 6-64.
491
CJCE 14 décembre 1995, aff. C-163-94.
123
Produisent par contre un effet direct complet :
Par contre, le juge européen renie tout effet direct à un certain nombre de dispositions
du traité, qui sont, soit trop générales ou programmatiques, soit nécessitent l’adoption
de mesures européennes ou nationales pour leur entrée en vigueur 497.
En résumé, il faut retenir que les règlements sont les seuls textes européens auxquels le
Traite reconnait expressément un effet direct. L’article 288 TFUE, alinéa 2, dispose : «
le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est
directement applicable dans tout Etat membre ». Le même article se contente par contre
de préciser pour les directives qu’elles « lient tout Etat membre destinataire quant au
résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la
forme et aux moyens ».
492
CJCE 16 juin 1966, aff. 57-65
493
CJCE 4 novembre 1974, aff. 167-73
494
CJCE 9 juin 1977, aff. 90-76
495
CJCE 9 juin 1977, aff. 90-76
496
CJCE 8 avril 1976, aff. 43-75
497
Notamment les articles 106 et 107 TFUE
124
SECTION II : La consécration d’une réglementation OHADA du
droit des affaires
Il faut aussi souligner que l’OHADA a le mérite non seulement d’adopter d’une façon
très originale ses actes uniformes mais aussi de repenser sa politique juridique dans le
but de les rendre plus compétitifs et plus en mesure de répondre aux attentes juridiques
des Etats membres498 mais aussi des acteurs du marché international. Dans cette
dynamique d’innovation, une procédure de révision d’acte uniforme est existante et
effective et a déjà été utilisée notamment concernant l’acte uniforme sur le droit
commercial où des aménagements très louables ont été apportés. Dès lors, il nous parait
nécessaire d’étudier l’adoption et la rénovation des actes uniformes OHADA
(Paragraphe 1).
Etudier l’impact des actes uniformes OHADA revient aussi à soulever diverses
questions et interrogations. Les diverses constatations pratiques font qu’à ce jour, les
mesures normatives entreprises sous l’égide des actes uniformes souffrent encore à
s’imposer totalement dans l’espace harmonisé. Nos travaux au sein de certains organes
de l’OHADA nous ont permis de comprendre et de retenir que tout cela est dû à
certaines difficultés nuisant à la mise en œuvre des actes uniformes et à divers obstacles
ayant réduit l’impact positif de ces actes uniformes (Paragraphe 2).
498
Cf. David E., ibidem.
499
Cf. textes constitutifs et actes de créations des organisations internationales africaines.
500
Ibidem.
125
A. La procédure d’adoption des Actes uniformes
Il faut rappeler avant tout que ce nouveau droit s’inspire en général du droit français en
vigueur. Mais celui-ci a été influencé par le droit européen (traités, règlements,
directives). On note aussi la prise en compte du droit comparé, notamment de la
Common Law. Selon un auteur, « le domaine du droit des affaires se prête fort bien à
l’importation de règles de droit étranger, particulièrement de droit international, la
mondialisation y étant plus forte sous la poussée de nombreux facteurs dont l’absence
de référents internes en ce qui concerne les Etats d’Afrique. Pour ces raisons,
évidemment presque aucune règle n’est reprise des coutumes africaines »501.
Ainsi, s’agissant des actes uniformes adoptés, ceux-ci ont fait l’objet de publications
diverses dont la quasi-totalité est répertoriée dans la bibliographie du Pr Joseph Issa-
Sayegh, régulièrement mise à jour et publiée sur le site ohada.com. Certains juristes et
praticiens relèvent que cette procédure est efficace mais comporte toutefois des
insuffisances notables. La chronologie de l’adoption des actes uniformes est la
suivante :
- le projet d’acte uniforme est préparé par le Secrétariat permanent (SP), qui a
toujours eu recours aux services d’experts ;
- le projet élaboré par le SP est soumis aux Gouvernements des Etats parties qui
disposent d’un délai de 90 jours pour faire parvenir au SP leurs observations
écrites. Ce délai, suite à la révision du Traité, peut être prorogé pour la même
durée. Chaque Etat fait appel à sa Commission nationale pour l’harmonisation
du droit des affaires (CONAHADA)502 ;
- l’intervention de la CCJA se situe à la fin du processus : cette cour dispose
depuis la révision du Traité, de 60 jours et non plus de 30 jours pour ses
observations503 ;
- le texte définitif du projet d’acte uniforme mis au point par le S.P. fait l’objet
d’une inscription à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres (CM) 504 ;
501
Onana F., La prise en compte du droit comparé dans l’œuvre d’unification de l’Organisation pour
l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), Revue de droit international et de droit
comparé, Bruylant, 2008, n°s 2 et 34, p. 347.
502
Ces sont des commissions installées dans les pays membres pour relayer les actions de l’organisation.
Mais ils ont aussi montré leurs limites.
503
Cf. Règlement de la CCJA.
504
Une des limites aussi que nous développerons dans la suite de cette étude.
126
- les actes uniformes sont adoptés par le Conseil des ministres à l’unanimité mais
l’abstention d’un Etat n’empêche pas l’adoption d’un acte uniforme.
C’est cette dernière condition qui est jusqu’à ce jour très problématique ainsi que la
grande place qu’occupent des considérations politiques dans des questions juridiques
communautaires. Les nécessités du marché ne sont pas nécessairement celles des Etats
membres, étant eux au centre du vote et de l’adoption des actes uniformes. Nous irons
jusqu’à dire dans une analyse personnelle que les projets d’actes uniformes ne survivent
que s’ils font, dès l’initiative de leur adoption, l’unanimité au sein des divers acteurs et
intervenants. A ce jour, dès que cette procédure dès qu’elle devient un tant soit peu
contradictoire, ou que l’acte lui-même en question ne répond pas aux attentes formulées
par tous les Etats membres, il est presque impossible qu’il voit le jour. Diverses
problématiques restent aussi liées à la place des actes uniformes dans leur mise en
application505
Concernant la place des actes uniformes de l’OHADA dans la hiérarchie des normes
juridiques, on peut d’emblée affirmer que ceux-ci ont un caractère supranational. La
conséquence est qu’ils se situent au-dessus des normes internes et entrainent
l’abrogation des dispositions contraires et l’interdiction d’adoption de dispositions
internes postérieures contraires. Il résulte, en effet, de l’article 10 du Traité, qui n’a fait
l’objet d’aucune révision, que « les actes uniformes sont directement applicables et
obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne,
antérieure ou postérieure »506.
A ce jour, neuf actes uniformes ont été adoptés à raison de huit entre 1997 et 2003 et le
dernier en 2010. Ils sont tous en vigueur. Ce sont d’abord :
- trois actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme relatif au
droit commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC) et l’Acte
uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ;
505
Que nous évoquerons dans la seconde partie.
506
Onana Etoundi F., OHADA : Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour commune de justice et
d’arbitrage en matière d’interprétation et d’application du droit OHADA (1997-2010), Collection
Pratique et contentieux des affaires, près de 300 décisions et avis annotés et commentés par thème),
Edition spéciale octobre 2011, p. 258 et s.
127
- ensuite, deux actes adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d’exécution (AUPSRVE) et l’Acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) ;
- puis, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) adopté le 11 mars
1999 à Ouagadougou, également, l’Acte uniforme portant organisation et
harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats parties au
Traité (AUOHC) adopté à Yaoundé le 24 mars 2000 ;
- l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route
(AUCTMR) adopté le 22 mars 2003 à Yaoundé ;
- en dernier lieu, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives
(AUDSCOOP) adopté le 15 décembre 2010 à Lomé.
Il est indéniable que le nombre des actes uniformes adoptés et surtout de leurs
dispositions est appréciable 507. Ce bilan est quelque peu assombri par le nombre de
projets abandonnés ou non aboutis après de nombreuses années, comme le droit des
contrats et le droit du travail.
507
Les 8 premiers actes uniformes font 2135 articles, soit : AUDCG : 289 articles ; AUSCGIE : 920 articles ;
AUS : 151 articles ; AUPSRVE : 338 articles ; AUPCAP : 258 articles ; AUA : 36 articles ; AUDCompt. : 113
articles ; AUCTMR : 30 articles, et le professeur Issa-Sayegh relève avec précision un total de 2290
articles pour les actes uniformes.
508
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, bulletin de Février 2015, p 1 – 3.
509
Cf. Carpano E., le contentieux privé de la concurrence à l’honneur, éditions législatives, Février 2015,
p.2.
510
Ibidem.
511
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, ibidem.
512
Ibidem.
128
de veiller à leur efficacité et à être confiant sur les pistes de solutions qu’elles apportent.
A ce sujet, la jurisprudence européenne joue un rôle très actif513.
Le besoin d’une rénovation de certains de ces actes uniformes se fait de plus en plus
sentir eu égard aux divers mécanismes d’échanges qui naissent sur le marché
international.
513
CJUE, 14 Juin 2011, aff. C-360/09 et CJUE, 6 Novembre 2012, aff. C-199/11.
514
Pedro Santos A., « Commentaires de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15
décembre 2010 », in J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué et F.M. Sawadogo (sous la direction de), OHADA :
« Traité et Actes uniformes commentés et annotés », Juriscope, 4e édition, 2012, p. 231 à 363.
129
au nombre de neuf contre six antérieurement ; il est à noter une légère
modification de son appellation515 ;
- l’introduction du statut de l’entreprenant (art. 30 à 33), qui constitue l’une des
plus grosses innovations de l’AUDCG révisé, ainsi que des règles de calcul de la
prescription (art. 16 à 29) ;
- la modification en profondeur des règles régissant le registre du commerce et du
crédit mobilier (RCCM) ; au lieu du livre unique de l’AUDCG originaire, quatre
livres lui sont consacrés, directement ou indirectement, à savoir le livre II sur le
RCCM (art. 66 à 72), le livre III sur le fichier national (art. 73 à 75), le livre IV
sur le fichier régional (art. 76 à 78) et le livre V sur l’informatisation du RCCM,
du fichier national et du fichier régional (79 à 100) ; tous ces livres auraient pu
constituer un seul livre en raison des liens qui les unissent, lequel serait
subdivisé en quatre titres ;
- le remplacement du bail commercial par le bail à usage professionnel, ce qui
était déjà le cas en pratique dans les anciens textes, même avant l’harmonisation,
sauf l’appellation, et l’abandon de la notion confuse de fonds commercial ;
- le quasi maintien des règles sur les intermédiaires ;
- la refonte de la réglementation de la vente (art. 234 à 302).
Ces divers aménagements apportés dénotent d’une nécessité commune de rendre plus
moderne le corpus de règles juridiques régissant le droit commercial. A ce jour,
l’OHADA peut raisonnablement se vanter de la réussite d’une telle entreprise juridique,
car son aboutissement ne fut pas quant à lui chose facile, au vu des diverses tractations
et de tout l’intérêt que peut susciter la codification du commerce pour les divers acteurs
économiques en jeu.
515
Ce n’est plus l’Acte uniforme « relatif au droit commercial général » mais « portant sur le droit
commercial général ».
130
sûretés d’autrui516 et qui constitue une innovation fondamentale du nouvel acte
uniforme (art. 5 à 11) ;
- les autres titres sont les mêmes que ceux de l’Acte non révisé : ils abordent les
sûretés personnelles, les sûretés mobilières, les hypothèques, la distribution et le
classement des sûretés et, enfin, les dispositions finales.
Il est à noter que lors de leur adoption, deux autres actes étaient en cours de révision, en
l’occurrence l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique (AUDSC) 519 et l’Acte uniforme portant organisation
des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) 520.
La révision de ces divers actes uniformes ne fut pas chose aisée pour l’Organisation
d’intégration. La méthodologie utilisée est scientifiquement correcte : un bilan critique a
été établi de manière contradictoire avec une expertise et une contre-expertise. Mais le
temps et les moyens investis ont été importants et on peut se demander s’il est
envisageable de réunir à nouveau de tels moyens.
516
L’article 5 de l’AUS révisé y relatif est ainsi libellé : « Toute sûreté ou autre garantie de l'exécution
d'une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un
établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d'agent des sûretés, au
profit des créanciers de la ou des obligations garanties l'ayant désigné à cette fin ».
517
« Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un
patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit
la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou
déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant » (AUS
révisé, art. 1).
518
Pedro Santos A., « Commentaires de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des
sûretés, in OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés », op. cit., p. 847 à 973.
519
Adopté le 30/01/2014 à Ouagadougou (BURKINA FASO), entré en vigueur le 05/05/2014, publié dans
le Journal Officiel n° Spécial du 04/02/2014.
520
Adopté le 10/04/1998 à Libreville (GABON), entré en vigueur : 01/01/1999, publié dans le Journal
Officiel n° 7.
131
Tout ceci a certes abouti à des textes généralement améliorés sur la forme et sur le fond.
Sur un plan d’ensemble, l’approche actuelle de la révision, telle qu’elle a été appliquée
à l’AUDCG et à l’AUS, ne constitue pas seulement un nettoyage des points flous, une
correction des erreurs ou incorrections, un complément là où il y a des lacunes, ou une
révision portant sur quelques points. Elle confine à une réorientation, ce qui peut
désorienter toute personne de bonne foi qui a suivi l’évolution de l’OHADA, surtout
lorsque l’on abandonne l’ancienne numérotation des articles, que l’on crée de nouveaux
statuts comme celui de l’entreprenant dont on peut discuter de la viabilité 521, et que l’on
multiplie les registres ou les livres relatifs aux registres et qu’on change d’acte uniforme
pour les recevoir. On peut aussi émettre des critiques sur les amendements de pure
forme relatifs à des dispositions qui substantiellement demeurent les mêmes. Autrement
dit, des dispositions ont été modifiées alors qu’il n’y avait pas de nécessité et que leur
rédaction ancienne ne posait pas de problème. On a l’impression qu’il fallait modifier
pour modifier.
« On a surtout l’impression aux vues de tout ceci, qu’il y a deux camps : celui de ceux
qui ont élaboré ou adopté les actes uniformes, qui n’a pas de défenseur, et le camp des
« réviseurs » qui se rattrapent en déstructurant le travail réalisé »522. Ce point de vue du
professeur Sawadogo est certes discutable mais n’est pas moins négligeable, étant
donné qu’à ce jour il reste à prouver les effets positifs de ces révisions surtout sur le
marché économique, pour ne parler que de cela. L’impact négatif de cette révision
pourrait être plus important que ce qu’on pense a priori dans la mesure où il s’agit pour
l’essentiel d’un nouveau départ, d’un nouvel acte uniforme. D’autres auteurs
s’interrogent encore sur le fait qu’il soit reproché à ses projets de révision d’être
521
A priori, « l’entreprenant ne risque pas de se tailler une place au soleil, spécialement au plan fiscal où
beaucoup d’Etats ont créé un impôt global unique pour le secteur informel (par exemple, le Burkina
Faso a créé la Contribution du secteur informe, en abrégé CSI)) et ne semblent prêts à créer un impôt
plus faible pour l’entreprenant, ce qui paraît être l’une des conditions de son succès » Rapport OHADA
2013.
522
Sawadogo F., « L’ACTION DE L’OHADA : La gouvernance du processus et l’harmonisation proprement
dite », Rapport sur l’effectivité du droit OHADA, p. 27.
132
l’initiative de l’ex puissance coloniale plutôt qu’un besoin opportun pour le marché
communautaire. D’autres, pour confirmer cette thèse, soutiennent que les
aménagements apportés tiennent en rien compte des réalités socio-économiques des
Etats membres mais plutôt de la volonté des organisations européennes de maintenir un
contrôle sur l’économie des Etats membres. Diverses positions qui sont aussi
soutenables que discutables.
Autant d’interrogations qui rendent tout à fait logique et opportun que l’on s’interroge
réellement sur l’impact des actes uniformes sur le climat des affaires dans l’espace
harmonisé.
La sécurité juridique est un principe de droit qui vise à protéger les citoyens des effets
secondaires négatifs du droit, en particulier des incohérences ou de la complexité des
lois. Dans l’espace OHADA, ce principe n’est pas encore totalement effectif. La
523
Préambule du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
524
Sur la question, cf. Jean Alain PENDA, Les systèmes de Common Law en Afrique sub-saharienne : le
cas du Ghana, du Nigéria, du Kenya, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, Revue spécial ERSUMA, Droit des
Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial, Mars 2014, pages 99.
133
collaboration des Etats-partie est limitée du fait de bien des phénomènes internes
publics.
525
Le Sénégal, le Cameroun et la république Centrafricaine ont respectivement en 1998,2003 et 2010
mis sur pied une loi fixant les peines applicables aux infractions contenues dans l’acte uniforme.
526
Penda J., ibidem.
527
Ibidem.
528
Ibidem.
134
encourager la recherche universitaire dans une perspective de développement, le cas de
la Guinée reste le plus inquiétant.
Tout ceci crée une insécurité réelle pour les dirigeants d’entreprises et leurs partenaires
internes (les employés) et externes (investisseurs étrangers)qui ne sont pas souvent
rassurés sur l’étendue du droit applicable en cas de conflit ou d’insuffisance relevée.
529
Sur ces questions, voir Abarchi D., « Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux », Revue
spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p.
22.
530
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, op. Cit.
531
Cf. les clauses abusives, le client d’un avocat considéré comme un consommateur comme un autre ?,
op. Cit.
532
Ibidem.
135
droit du travail, notamment les conventions collectives 534, où il est pris grand compte de
la jurisprudence existante535 et des diverses positions soutenues.
L’ERSUMA reste encore une fois, à ce jour la seule institution la plus active dans la
formation, la vulgarisation et la promotion des actes uniformes, ce qui, l’on se le
demande, va durer combien de temps alors qu’on sait que l’appui des Etats et leur
collaboration active est indispensable à cette fin et qu’à ce jour ils ne sont pas encore
tout à fait effectifs. Il s’agit donc une faiblesse majeure qu’il serait opportun de corriger
pour renforcer l’efficacité du droit des affaires OHADA, dans la perspective du
développement des entreprises, et ainsi éradiquer certains obstacles à un impact positif
des actes uniformes.
Dans la plupart des pays membres de l’OHADA, les recettes budgétaires sont à 80%
d’origine fiscale. C'est-à-dire que l’économie de ces Etats et leur survie, comme entité
organisée, dépendent des impôts et taxes perçues. C’est notamment le cas du Bénin, qui
ne dispose d’aucune ressource minière conséquente et encore moins exploitée et qui
doit faire avec les recettes fiscales. Ce genre d’Etat, et bon nombre d’Etats de
l’organisation sont dans ce cas, présente peu d’attraction pour les investisseurs étant
donné que leur fiscalité est perçue par l’environnement des affaires comme étant très
répressive. C’est une fiscalité des recettes avec des taux d’impôts très élevés. Il s’ensuit
une répression fiscale caractérisée par des contrôles intempestifs, des sanctions
démesurées et une brimade quasi permanente des contribuables. On peut enregistrer à ce
jour dans le cas du Bénin sur lequel nous avons fondé cette étude que plus de trois
533
Cf. Bridier S., « Saisie des comptes bancaires : des créanciers mieux armés contre le défaut de
paiement », éditions législatives, Septembre 2014, p.2.
534
Cf. Carpano E., « la CJUE revient sur l’application du droit de la concurrence aux conventions
collectives », éditions législatives, février 2015, p.5.
535
CJUE, 4 décembre 2014, Aff. C-413/13 et le célèbre arrêt ALBANY entre autres exemples.
136
grandes entreprises ont fermé pour des raisons de redressement fiscal intempestifs et
tout aussi hasardeux. Le dernier cas en date est celle de l’entreprise CAJAF COMMON,
grand pourvoyeur d’emplois et de recettes à l’Etat qui a dû fermer ses portes après un
redressement de plus de 3 milliards de francs CFA.
Pour ne pas subir les agressions fiscales de l’administration des impôts, le secteur
informel s’est donc renforcé par la non-identification des entreprises. Ce secteur est
resté jusque-là en marge de la réglementation OHADA parce que les entrepreneurs ne
veulent pas subir la répression fiscale. Or, ce secteur informel constitue un véritable
manque à gagner et est extrêmement vaste dans tous les Etats membres de l’OHADA.
Une fiscalité de développement fondée sur les taux d’impositions raisonnables, aurait
permis d’identifier un grand nombre d’entreprises rentrant dans le périmètre de la
réglementation OHADA.
536
L’UE est très à cheval sur les considérations visant à garantir la sécurité aux investissements
étrangers, contrairement au droit fiscal interne des Etats africains.
537
Cf. deuxième partie.
538
Cf. deuxième partie.
539
Cf. en droit européen, Règlement UE, n. 912/2014 du parlement européen et du Conseil, 23 Juillet
2014, JOUE n. L257 du 28 Août 2014.
540
Cf. Carpano E., « L’UE renforce la protection des investissements étrangers », éditions législatives,
septembre 2014, p.4.
137
la législation OHADA541 évolue très positivement, on peut néanmoins regretter que
certains secteurs primordiaux de l’économie ne soient pas encore dans le champ de
l’harmonisation542. Il s’agit notamment du secteur agricole, de la législation sur la
concurrence et d’une législation spécifique pour les toutes petites entreprises. Le
législateur OHADA ne semble pas avoir prévu un processus de vigie ou de surveillance,
permettant de s’assurer que les actes uniformes qu’il produit, soient très bien compris
dans les Etats parties ou encore qu’ils fassent l’objet d’une application cohérente. Si ce
processus avait été prévu, il aurait permis à l’OHADA d’identifier les insuffisances de
leur mise en œuvre et d’y apporter en temps opportun des corrections nécessaires. La
faiblesse du processus provient du fait que le législateur OHADA n’a conservé que son
statut normal de législateur qui ne s’assure pas que les lois promulguées soient
appliquées convenablement.
541
Cf. en droit européen, dictionnaire permanent – droit européen des affaires, juillet 2014, p.1.
542
Cf. en droit européen, La banque et la finance vont devoir composer avec quatre nouvelles réformes,
Dictionnaire permanent - droit européen des affaires, op.cit. , p. 2.
138
CHAPITRE II
On a coutume de parler d’un « espace », car l’OHADA n’est ni une union politique ni
une communauté économique. Il est au service des Etats parties et à cet effet son action
profite aux Etats parties. En sondant en profondeur les caractéristiques de cet
« espace », l’on se rend compte que l’OHADA est sur la voie de la constitution d’un
véritable ordre juridique qui coexiste avec les ordres juridiques internes des différents
Etats membres de l’OHADA. Cependant, il est déjà survenu des cas de conflits
juridiques et judiciaires entre les dispositions prises par le législateur OHADA et celles
des législateurs nationaux, ignorant certaines fois la suprématie accordée aux
dispositions communautaires par les textes de l’organisation.
Ce pluralisme pose ainsi inévitablement le problème de rapport entre les deux ordres.
L’on perçoit mieux les diverses possibilités de conflits entre l’ordre juridique OHADA
et les ordres juridiques internes étant donné que l’ampleur du domaine des actes
uniformes et les prérogatives exorbitantes de l’instance juridictionnelle communautaire
sont des limites au libre exercice de leurs souverainetés pour ces Etats membres.
Nous abordons cette question étant donné qu’elle est à ce jour une des grandes
problématiques qui freinent l’éclosion et l’extension du droit OHADA. A cet effet, il
sera question de l’ambigüité de la cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux
(Section I) d’une part et d’autre part, des implications de la cohabitation judiciaire dans
l’espace OHADA (Section II).
139
Section I : L’ambigüité de la cohabitation du droit OHADA et des
droits nationaux543
En énonçant que: « Les actes uniformes sont directement applicables nonobstant toute
disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure », l’article 10 du
traité OHADA pose le principe de base de la cohabitation entre le droit uniforme tel
qu’il est établi par les actes uniformes et les textes de droit interne des Etats parties au
traité. A cela il faut ajouter que certains actes uniformes comportent eux-mêmes des
dispositions spécifiques, qui peuvent entrainer plusieurs conséquences, quant à leur
champ d’application. Cependant, la suprématie544 des actes uniformes sur le droit
interne ainsi affirmée, ne fait pas obstacle à la survie, dans les limites fixées par le traité
et les actes uniformes, des textes de droit interne. Ces limites accordent une marge de
compétence aux législateurs nationaux en matière pénale, c’est l’une des autres
problématiques que soulève cette question de cohabitation car un véritable boulevard,
un immense vide juridique découle de ces dispositions au plan interne des Etats.
Dès lors, parler de la cohabitation entre les deux catégories de normes revient à cerner
les contours de la portée abrogatoire des actes uniformes 545 (Paragraphe 1). Cependant,
dans sa mise en œuvre, le système implique la coexistence des normes de droit interne
et des règles du droit harmonisé et soulève ainsi certaines limites pratiques qu’il
convient également d’aborder (Paragraphe 2).
543
Sur la même question au plan européen, Cf. Combacau J. et Sur S., op. cit, p 22.
544
Cf. Combacau J. et Sur S., op. cit, p 24.
545
La question de la portée abrogatoire des actes uniformes avait donné lieu à des clarifications très tôt.
Les avis de référence restent certainement l’avis N°002/99/EP du 13 octobre 1999 rendu à la requête du
Mali par la CCJA.
140
prévue par l’article 10 du Traité de l’OHADA. La CCJA a eu l’occasion de conforter la
position des concepteurs du Traité (avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001). Le principe
énoncé par l’article 10 du traité OHADA emporte deux conséquences : en premier lieu,
les dispositions de droit interne, préexistantes à l’entrée en vigueur du droit
communautaire, doivent disparaître de l’ordre juridique interne et en second lieu, il
n’est pas interdit aux législateurs nationaux de continuer à légiférer dans les matières du
droit harmonisé. Toutefois les dispositions qui viendront à être prises ne sauraient aller
à l’encontre d’un acte uniforme.
546
Cf. OHADA, textes révisés 2014
141
l’avis, est d’application générale et concerne les seules dispositions législatives ou
réglementaires contraires ou identiques.
Dans tous les cas de figure, il y a lieu de prendre en compte le caractère supplétif ou
impératif de la prescription communautaire pour déduire qu’il y a contrariété, emportant
anéantissement implicite de la règle de droit interne. La certitude sur ce principe de
solution s’effrite lorsque le droit interne comporte une institution non prévue par le droit
OHADA, dans une matière tombant sous le champ d’application d’un acte uniforme. Il
revient donc se demander si l’on doit considérer que nonobstant l’absence de similitude
tant dans les règles de constitution que dans les effets, cette sûreté qui s’apparente au
gage sans s’y confondre, doit être considérée comme incompatible avec le droit
communautaire et disparaître de l’ordre juridique. Divers auteurs pensent et soutiennent
que la contrariété doit se limiter aux institutions qui sont dans les prévisions du
législateur OHADA, à moins que l’institution inconnue du droit uniforme ne perturbe
l’économie générale de l’institution du droit communautaire.
547
Avis N°002/99/EP de la CCJA donné à propos du projet de loi malien, il a été jugé que le fait de
restreindre les droits ou d’accorder plus de droit que ne l’accordait l’acte uniforme devrait être
considéré comme une incompatibilité avec le droit harmonisé.
548
Cf. seconde partie de notre analyse.
142
B. Des compétences partagées en matière pénale
Il faut rappeler en effet que dans le système OHADA, la détermination des
incriminations est de la compétence du législateur OHADA, pendant que la
détermination des sanctions applicables est laissée à la compétence des Etats parties.
Parfois, l’ordre juridique OHADA renvoie explicitement à l’ordre juridique interne. Le
Traité de I'OHADA s'est déclaré incompétent dans certains domaines complémentaires
indispensables à l’application du droit OHADA. Il en est ainsi de l’organisation
judiciaire549 et des sanctions pénales pour assurer la répression des incriminations
pénales prises par le législateur OHADA (articles 5 et 13 du Traité de I'OHADA). Les
Actes uniformes renvoient aussi régulièrement au droit interne pour compléter et rendre
opératoires leurs dispositions. On peut notamment citer l’article 253 de I'AUPSVE qui
renvoie au droit foncier national pour la réglementation de l’immatriculation des terres
ou l’article 51 du même Acte uniforme qui renvoie aux droits nationaux pour la
détermination des biens et droits insaisissables. De façon générale, les législations
nationales non contraires ou même compatibles 550 aux dispositions des Actes uniformes
restent en vigueur. Ceci met en exergue l'importance d'une concertation entretenue entre
I'OHADA et l’ordre juridique interne.
549
Sur la question, voir Djibril ABARCHI, Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux, Revue
spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p.
22.
550
Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 25.
551
Ibidem.
143
sort de l’infraction d’ « abus de bien sociaux »552 nouvellement introduite dans le droit
nigérien à la faveur du droit OHADA, et de l’infraction d’ « abus de pouvoirs »,
contenue antérieurement dans le nouveau code de commerce et qui vise avec beaucoup
de similitude, les faits incriminés. Dans cette matière précise, la sécurité juridique
commande que les législateurs nationaux revisitent systématiquement leurs codes
pénaux et abrogent expressément les incriminations présentant des similitudes pour les
remplacer par les incriminations contenues dans les actes uniformes.
Cette solution ne règle pas pour autant la question des infractions non prévues par le
droit communautaire et contenues dans les codes pénaux nationaux, dans le domaine du
droit des affaires. La question à leur sujet est de savoir si le silence du législateur
OHADA vaut intention de dépénalisation. L’on peut légitimement se poser cette
question surtout lorsque l’acte uniforme, comme c’est parfois le cas, prévoit dans ses
dispositions finales, qu’il abroge toutes dispositions contraires relatives à la même
matière qu’il régit 553. La question fut donc de savoir si le texte de droit interne devait
disparaître totalement ou partiellement dès qu’est relevée une incompatibilité entre l’un
de ses articles, l’une de ses sections, l’un de ses chapitres et le droit uniforme.
552
Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 27, sur la régulation juridique internationale.
553
Exemple de l’article 336 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution.
554
Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 30.
144
L’exemple le plus marquant est celui de l’acte uniforme sur le droit des sociétés
commerciales et Groupements d’Intérêt Economique. Sans nous attarder sur les
dispositions transitoires dont l’analyse ne présente plus d’intérêt compte tenu de
l’expiration de la période transitoire 555, on peut insister sur la portée de l’article 916 qui
laisse une place importante à la cohabitation des normes, en ce qu’il laisse à la
compétence du législateur national le soin de réglementer les sociétés soumises à un
statut particulier 556.
Il faut toutefois rappeler, avant de clôturer cet aspect, que la cohabitation peut aussi être
sollicitée par l’ordre juridique OHADA lui-même. Il en est ainsi chaque fois que celui-
ci utilise des concepts, des notions ou des règles provenant de l'ordre juridique interne.
On trouve de nombreux exemples dans les Actes uniformes : la solidarité 557 (article 270
AUSCGIE), la prescription558 (articles 16 et 301 à 302 AUDCG), la compensation559
(article 30 AUVE), AUVE et 67 AUPC),la dation en paiement 560 (article 25 AUS),
l’incapacité juridique, l'émancipation, les interdictions et les incompatibilités (articles 7
à10 et 170 alinéa 2 AUDCG et7 et 8 AUSCGIE), la définition des parents et alliées
555
Dans le même esprit on mettra de côté la question de la cohabitation résultant de l’application des
textes antérieurs aux procédures en cours ou situations nées avant l’entrée en vigueur des certains
actes uniformes.
556
L’article 916 de cet acte dispose que « Le présent acte uniforme n’abroge pas les dispositions
législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un statut particulier.
557
La "solidarité" est le rapport juridique obligatoire qui lie entre eux, deux ou plusieurs créanciers
(solidarité active) à deux ou plusieurs débiteurs (solidarité passive) ayant pour effet, dans le premier cas,
de donner à chacun des créanciers le droit d'exiger le paiement entre ses mains et sans la présence des
autres, de la totalité de la créance et, dans le second cas, de permettre à chacun des créanciers d'exiger
de n'importe lequel des débiteurs solidaires qu'il se libère de la totalité de la dette entre ses mains.
558
En France, le délai de prescription est fixé à 5ans en matière commercial.
559
La compensation est l'extinction simultanée de deux obligations de la même espèce existant
réciproquement entre deux personnes. Le plus souvent, la compensation concerne des obligations qui
portent sur des sommes d'argent. Si les deux obligations ont le même montant, l'extinction sera totale,
sinon l'extinction sera partielle. La compensation apparaît à la fois comme un paiement abrégé et
comme un paiement par préférence. Le créancier débiteur d'un insolvable a intérêt à compenser. La
compensation est d'abord un mécanisme légal, mais elle peut être conventionnelle ou judiciaire.
560
La "dation en paiement" est une opération juridique par laquelle, en paiement de tout ou partie du
montant de sa dette, un débiteur cède la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens lui
appartenant.
145
(article 44 AUVE), les immeubles et les droits réels immobiliers (article 192-2è AUS),
les meubles corporels ou incorporels561 (article 94 AUS), le mandat562 (article 175
AUDCG), etc. La définition de ces concepts, notions ou règles fut recherchée dans le
droit interne stricto sensu.
Les nombreux renvois au droit interne, comme dans le système européen 563, permettent
également d’élargir le champ de la cohabitation564. Il est vrai, qu’il s’agit là non pas de
véritable cohabitation, puisqu’il n’y a pas d’existence parallèle de normes. Il s’agit
plutôt de confier au législateur national le soin de compléter, à l’interne, le droit
communautaire pour permettre son application. Si la technique est acceptable dans son
principe, il est certain qu’elle concourt également à rendre moins lisible l’uniformité du
droit harmonisé.
561
Relève des innovations inspirées du droit français.
562
Désigne un document par lequel des pouvoirs sont transmis, un ordre de faire, ou une autorisation à
exécuter.
563
CJUE, 21 Février 2013, aff. Banif plus Bank.
564
Examen d’une clause abusive, et des orientations procédurales à l’attention du juge national.
565
Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 28 sur la régulation juridique internationale.
566
Termes utilisés en Afrique pour désigner un lieu de détente, ou règne une ambiance peu sérieuse.
567
Cf. COMBACAU J.et Sur S., op. cit, p 29 sur la dimension juridique de l’intégration juridique.
146
Nous savons que dans la hiérarchie des normes, les traités et accords internationaux
occupent une place spécifique. Habituellement, on les situe au-dessous de la
constitution mais au-dessus des lois, sous réserve de réciprocité. Mais, on peut se
demander si une telle analyse est parfaitement ajustée à une œuvre d’unification qui, par
définition, bouleverse considérablement l’environnement juridique et judiciaire des
affaires et ouvre la voie à un véritable ordre juridique OHADA.
Le conseil constitutionnel du Sénégal a été très tôt saisi du problème. Dans sa décision
n° 3/C/93 du 16 décembre 1993, il donne une réponse qui ne laisse pas de doute sur
l’OHADA conçu comme instrument de l’intégration juridique. Il estime que la
constitution n’instaure de monopole juridictionnel que dans l’ordre national et non dans
l’ordre international. Si il est vrai que les articles 14, 15 et 16 du Traité de l’OHADA
confèrent certaines compétences à la CCJA568 réduisant d’autant les attributions de la
Cour de cassation, « il n’en résulte cependant, ni changement du statut international du
Sénégal en tant qu’Etat souverain et indépendant, ni modification de son organisation
institutionnelle ; le dessaisissement de certaines de ses institutions, Cour de cassation,
mais aussi Assemblée nationale, ni total ni unilatéral, mais d’une limitation de
compétences qu’implique tout engagement international et qui, en tant que telle, ne
saurait constituer une violation de Constitution, dans la mesure où celle-ci, prévoyant la
possibilité de conclure des traités, autorise, par cela même, une telle limitation de
compétence »569. Il en a profité pour esquisser un raisonnement sur la force de
l’OHADA. En effet, selon la même décision, « même si les articles soumis à l’examen
du Conseil constitutionnel avaient prescrit un véritable abandon de souveraineté, ils ne
seraient pas inconstitutionnels » pour la raison que le paragraphe 3 du préambule de la
constitution dispose que : « Le peuple sénégalais soucieux de préparer l’unité des Etats
de l’Afrique et d’assurer les perspectives que compte cette unité ; conscient de la
nécessité d’une unité politique, culturelle, économique et sociale, indispensable à
l’affirmation de la personnalité africaine ; Conscient des impératifs historiques, moraux
et matériels qui unissent les Etats de l’Ouest africain. Décide : Que la République du
Sénégal ne ménagera aucun effort pour la réalisation de l’ « unité africaine ».
568
Sur la question, voir aussi Djibril ABARCHI, Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux,
Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011,
Cotonou, p. 22.
569
Conseil constitutionnel sénégalais, 16 décembre 1993, Penant, numéro spécial OHADA, 1998, n° 827
p. 225 note Alioune Sall.
147
Le Conseil constitutionnel sénégalais fait ainsi de l’aspiration à l’unité africaine, un
principe général de droit constitutionnel. Il s’ensuit que l’OHADA, engagement
international en vue de l’unité africaine 570, serait conforme à la Constitution. Il faut bien
comprendre la portée de cette force juridique OHADA par rapport à l’ordre
constitutionnel. L’ordre juridique OHADA a ainsi une primauté matérielle sur l’ordre
constitutionnel : aucun Etat partie ne pourrait invoquer les dispositions même
constitutionnelles de son droit interne pour justifier la non-exécution des actes
uniformes.
Cette décision a un double mérite. Elle adopte, fort heureusement, une conception
souple et moderne de la souveraineté. Surtout elle approuve et conforte l’OHADA dans
la voie de l’intégration tout court. La question peut même être plus générale dans
l’hypothèse d’une contradiction entre l’évolution du droit OHADA et les prescriptions
constitutionnelles. En se fondant sur l’applicabilité immédiate et directe des normes
OHADA, l’absence des réserves, l’absence de ratification, d’approbation et de
transcription dans l’ordre interne, on s’aperçoit que l’OHADA porte en réalité les
germes d’une supra constitutionnalité. Cette dernière fournit la meilleure explication
aux moyens et méthodes de l’intégration qu’elle préconise. D’un point de vue théorique,
cette conséquence trouve une explication dans le monisme juridique dans le cadre
duquel s’inscrivent les constitutions des pays 571 concernés. Mais elle suppose au
préalable la ratification du Traité OHADA or la Constitution reste seule juge de
l’opportunité et des conditions de la ratification.
570
Cf. Abdulqawi Y. et Ouguergouz F., l’Union africaine, cadre juridique et institutionnel, éditions A.
PEDONE, manuel sur l’organisation panafricaine, 2013.
571
Par exemple, l’article 45 de la constitution camerounaise, Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
572
Kelsen H., Théorie pure du droit, Introduction à la science du droit, Neuchâtel, Ed. de la Baconnière,
1937, p. 123.
573
Tchakaloff M.F., et Cohin, la constitution est-elle encore la norme fondamentale de la République ?,
Dalloz, 1999, pp. 120 et s.
148
souple et moderne de la souveraineté et en élaguant les obstacles juridiques qui
pourraient se dresser »574.
Malgré la hiérarchie de l’ordre juridique OHADA, il est un constat que ce dernier aura
souvent besoin de l'ordre juridique interne pour s'appliquer, apparait ainsi l’une des
difficultés de ce processus eu égard aux lacunes dont fait preuve le droit interne.
Pour une meilleure lecture du droit applicable, certains ont en effet procédé à
l’opération dite de « mise en harmonie du droit interne avec les actes uniformes ». Il
s’agit, selon une analyse doctrinale assez récente, d’une opération consistant à
déterminer les dispositions du droit interne qui doivent subsister après l’entrée en
vigueur des actes uniformes, ou qui doivent au contraire disparaître de l’ordre juridique
en raison de leur contrariété aux actes uniformes. L’opération à première vue paraît
facile. Elle appelle pourtant à une démarche très fastidieuse dont l’issue reste incertaine.
La substance du droit interne et sa structure sont telles que le tissu juridique apparaît
comme une étoffe toile. Les principales difficultés à surmonter tiennent d’abord à
l’identification des dispositions contraires. Il faudra ensuite se prononcer sur plusieurs
questions dont les réponses sont encore incertaines. En fin de compte, la question
pratique est de savoir s’il faut, pour une meilleure lisibilité du cadre juridique interne,
abroger expressément l’ensemble des textes touchant aux matières harmonisées ou s’il
faut entreprendre un simple « toilettage des textes »577 sur la base de l’abrogation
implicite découlant de la contrariété avec les actes uniformes et après identification des
574
Sall A., « Note sous Conseil constitutionnel sénégalais », 16 décembre 1993, Penant spécial OHADA,
1988, p. 234.
575
Cf. Abdulqawi Y. et Ouguergouz F., op. cit.
576
La guinée, le Niger, le Sénégal entre autres.
577
Cf. Abarchi D., op. cit, p 9.
149
dispositions contraires. L’une ou l’autre des formules comporte des avantages et des
inconvénients.
578
Ibidem.
579
Ibidem.
150
Section II : Les implications de la cohabitation judiciaire dans
l’espace OHADA
Il faut rappeler au préalable que le droit OHADA ne touche pas, pour l'instant au moins,
à l’organisation judiciaire des Etats et aux règles de procédure en général. Les Etats
conservent leur organisation judiciaire antérieure, mais ils seraient tout aussi libres,
malgré l’avènement de l'OHADA mais probablement en tenant compte de cela, de la
modifier. Si, pour des raisons historiques, cette organisation judiciaire est quasiment
identique pour la plupart des pays membres, quelques disparités persistent malgré tout.
C'est pour tenir compte de ces disparités que le législateur communautaire, chaque fois
qu'il était nécessaire de s'y référer, a choisi d'utiliser des termes très généraux comme
celui de juridiction compétente dans l’Etat partie.
Ce rapport entre le droit OHADA et les règles internes d’organisation judiciaire connaît
une dimension particulière de compétence matérielle entre la CCJA et les instances
juridictionnelles internes. D’où il est judicieux d’étudier la coordination de la
souveraineté judiciaire (Paragraphe 1) et la consécration qui va survenir, de l’organe
juridictionnel communautaire en juridiction de dernier ressort (Paragraphe 2).
151
A. La répartition des compétences entre la CCJA et les
juridictions nationales
La coordination de la souveraineté judiciaire a été notamment rendue possible dans le
but d'instituer la sécurité judiciaire car elle était nécessaire pour fonder une relation de
supériorité de la CCJA sur les juridictions nationales afin de permettre à cette dernière
de contrôler l'activité jurisprudentielle des autres et d'asseoir, par conséquent, une
jurisprudence uniforme580.
La décision d'instituer une communauté entre les Etats membres de l'OHADA aurait
conduit le législateur à déployer dans ces derniers un corps de fonctionnaires
spécifiques, dont les juges, pour assurer l'exécution des missions communautaires. En
revanche, les fondateurs de la communauté ont choisi de s'appuyer sur les institutions
locales, notamment les institutions judiciaires, dont les membres sont désormais chargés
de dire le droit supranational sous le contrôle d'une Cour suprême régionale. Ce choix a
imposé une coordination de souveraineté judiciaire entre les différentes juridictions de
l'espace qui s'est traduite par une répartition explicite de compétence entre la CCJA et
les juridictions nationales de fond et un partage implicite de compétences entre la CCJA
et les juridictions nationales suprêmes. Cependant, pour mieux rendre compte de la
répartition, il convient de distinguer la matière arbitrale de la matière judiciaire.
580
Sur la question, voir Abarchi D., « Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux », Revue
spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation, 24 au 26 janvier 2011.
581
Cf. GATSI J., « la jurisprudence, source du droit OHADA », Juriscope 2012.
582
Art.25 de l'AUA.
152
juge compétent dans l'Etat partie 583. L'Acte uniforme ajoute que la décision du juge
compétent saisi par un recours en annulation de la sentence arbitrale ne peut faire l'objet
que d'un pourvoi en cassation devant la CCJA584.
583
Ce recours suivrait ainsi la procédure de saisine du juge national et non la procédure communautaire.
584
Sur la question, voir GATSI J., ibidem.
585
Articles 2 à 23 du règlement d'arbitrage de la CCJA.
586
Articles 29 à 33 du règlement.
587
GATSI J., ibidem.
153
Le juge national de fond est un rouage essentiel dans la garantie de l'effectivité du
mécanisme d'intégration588. En recevant le pouvoir de dire le droit communautaire en
plus de ses missions anciennes d'ordre étatique, il se retrouve en situation de
dédoublement fonctionnel589 : sans quitter son assise nationale, il accède à la posture
communautaire et devient le juge communautaire de droit commun590. Cette position est
tout autant consacrée par le droit européen en la matière 591 et surtout par une
jurisprudence européenne592 très active.
En effet, tel est aussi le cas du juge national européen mais avec certaines
considérations procédurales spécifiques au droit communautaire européen. En guise
d’exemple, le droit communautaire européen accorde une attention particulière et une
certaine exclusivité au juge national en matière d’orientations procédurales portant sur
l’examen des clauses abusives593. Sur ce, la question préjudicielle adressée à la CJCE
n’est pas de savoir si une telle clause est abusive, cette appréciation étant du ressort du
juge national, ce qui place ainsi l’affaire sur le plan procédural594. Dans un arrêt rendu,
la CCJE estime que le juge national, qui a constaté d’office le caractère abusif d’une
clause contractuelle, n’est pas tenu d’attendre que le consommateur 595 demande
l’annulation de cette clause afin de pouvoir tirer les conséquences de cette
constatation596. La cour fut aussi saisie d’une demande préjudicielle, dans trois autres
affaires sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993,
concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Les
questions posées avaient toujours trait à l’office du juge national597.
588
Cf. Dictionnaire permanent du droit – droit européen des affaires, janvier 2014, p.8.
589
Ibidem.
590
Cf. CARPANO E., « Entente : la CJUE constate la durée excessive de la procédure menée par le
tribunal », éditions législatives, janvier 2014, p.9.
591
Ibidem.
592
Cf. CJUE, 26 Novembre 2013, aff. C-40/12P ; CJUE, 26 Novembre 2013, aff. C-50/12P et CJUE 26
Novembre 2013, aff. C-58/12P.
593
Cf. Mathieu D., in Dictionnaire permanent – Droit européen des affaires, éditions législatives, Mars
2013, p.5.
594
Ibidem.
595
Ibidem.
596
CJCE, 21 février 2013, aff. C- 472/11, Banif Plus Bank.
597
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, éditions législatives, juillet 2013, p.6.
154
fait du droit communautaire 598 une véritable source de la procédure civile 599, en donnant
pleine portée juridique à l’article 5 du traité CE 600 qui énonçait que « les Etats membres
prennent toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des
obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la
communauté »601. La doctrine602 voit en cet article non pas un simple appel à la
coopération communautaire ou encore un simple article introductif au traité mais surtout
une véritable garantie de voie juridictionnelle accordée au justiciable 603, le droit à un
recours juridictionnel effectif, pour faire respecter les droits qui résultent des
dispositions communautaires de l’UE604.
Par ailleurs, la cour de justice avait reconnu l’existence de principes généraux du droit
communautaire résultant des traditions constitutionnelles des Etats membres et ayant
inspiré la Convention EDH 605. Le conseil d’Etat français a d’ailleurs reconnu, le 3
décembre 2001, la valeur supra-législative de ce recours juridictionnel
606
communautaire .
598
Devenu droit de l’union européenne.
599
Sur le rôle joué par la Cour de justice, cf. Rapport du conseil d’Etat 1992, p. 44 ; aussi rapport de la
CJCE, Gazette du palais, du 12 Décembre 1995.
600
Devenu article 10 du nouveau traité.
601
Article 10 traité de Lisbonne.
602 e
Guinchard S., et al, Procédure civile – Droit interne et droit de l’Union Européenne, 3 éditions Dalloz,
p.26.
603
Ibidem.
604
Ibidem.
605
In Simon D., Y a-t-il des principes généraux du droit communautaire ?, Droits 1991, P.14 – 73.
606
Cf. Rapport du conseil d’Etat, 2001.
607
Article 12, traité CE, aujourd’hui article 18 TFUE.
608
Guinchard S. et al, op. cit., p. 29.
609
CCJE, 1er juillet 1993, hubbard, aff C 20/92, DIP 1994.
610
Devenu article 293 TFUE.
155
d’exécution réciproque des décisions judicaires et des sentences arbitrales, ce que
réalisait auparavant la convention de Bruxelles 611.
Le constat, au niveau de la CCJA, reste que de cette répartition de compétence entre les
juridictions nationales de fond et la Cour régionale, découle la prééminence de la
dernière sur les premières. Avec l'avènement de la juridiction communautaire, l'on n'a
donc pas assisté à la fin du règne des juridictions nationales. Le législateur
communautaire a renforcé encore plus cette la coordination de souveraineté en instituant
une coopération judicaire entre la CCJA et les juridictions nationales.
En assurant ainsi une collaboration judiciaire entre les juges du fond et la CCJA, le
législateur communautaire jette les bases du respect de la légalité communautaire car
cette collaboration permet aux juridictions nationales d'être éclairées par l'interprétation
de la Cour commune. A cet effet, le recours consultatif est vu comme un facteur de
respect de la légalité et un instrument de coopération judiciaire.
611
Par conséquent, les dispositions de cette convention ainsi que les dispositions nationales auxquelles
elle renvoie sont liées au traité CE, c'est-à-dire entre dans son champ d’application au sens de son article
12, devenu article 18 du TFUE.
156
L’autre type de coopération se fera à travers une procédure de renvoi devant la CCJA.
Le renvoi est donc un instrument de coopération judiciaire entre la Cour de cassation
nationale et la Cour commune car il entraine le dessaisissement immédiat de la première
juridiction qui saisit indirectement la seconde d'un pourvoi en cassation avec
l'obligation de transmission de « l'ensemble du dossier de l'affaire, avec une copie de la
décision de renvoi » à la Cour supranationale 612.
Il faut préciser toutefois que le renvoi et le recours consultatif sus évoqués ne sont pas
les seuls facteurs de coopération judiciaire dans l'espace OHADA. Il en va de même de
l'assistance judiciaire à l'arbitrage.
En effet, il en ressort par exemple que la sentence dessaisit l'arbitre du litige, ce dernier
ayant néanmoins le pouvoir de l'interpréter ou de réparer les erreurs et omissions
matérielles qui l'affectent. Lorsque l'arbitre a omis de statuer sur un chef de demande, il
peut le faire par une sentence additionnelle. Dans l'un ou l'autre cas susvisé, la requête
doit être formulée dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la sentence.
Le tribunal dispose d'un délai de 45 jours pour statuer. Si le tribunal arbitral ne peut à
nouveau être réuni, ce pouvoir appartient au juge compétent dans l'Etat partie 613.
De même, l'article 14 de cet Acte uniforme prévoit que « Si l'aide des autorités
judiciaires est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral peut d'office
ou sur requête requérir le concours du juge compétent dans l'Etat-partie ».
En résumé, il est donc évident que cette collaboration est indispensable pour garantir la
sécurité judiciaire car elle concourt au respect de la légalité en permettant, par exemple,
aux juridictions inférieures de consulter la juridiction suprême avant de trancher un
612
Article 51 du règlement de procédure de la CCJA.
613
Article 22 de l'AUA.
157
point de droit qui nécessite une certaine interprétation et à la juridiction suprême de
contrôler l'action des juridictions inférieures. Cependant, de nombreuses critiques
relativisaient très concrètement la place de la CCJA par rapport aux cours suprêmes des
Etats membres. Qualifiant le processus de faillible, il est question surtout d’appréhender
le fait pour le droit communautaire d’avoir érigé une instance juridictionnelle
communautaire en juridiction de dernier ressort.
614 er
1 décembre 2009.
615
Visas, asile, immigration, autres politiques destinées à la libre circulation des personnes.
616
Guinchard S., op. Cit. , p.30.
617
Ancien article 234 du traité CE.
618
Ibidem.
619
Ibidem.
158
une autorité de la CCJA sur les instances suprêmes internes (A), malgré certaines
limites pratiques (B).
Toutefois, cela suppose, d'une part, que l'on soit sensible à un minimum de courtoisie à
l'égard de la CCJA découlant du caractère supranational du droit OHADA et de la
nature quasi - fédérale de cette haute juridiction, d'autre part qu’il, y ait une parfaite
collaboration entre les cours suprêmes nationales et la CCJA. L'enjeu supérieur de
l'harmonie du droit uniforme et de la sécurité des justiciables l'y invite.
621
Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution.
622
De même, l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, en
son article 257, prévoit l'abrogation de toutes les dispositions nationales antérieures et précise qu'il «
n'est applicable qu'aux procédures collectives ouvertes après son entrée en vigueur ».
160
Des consultations faites, il résulte que certains pensent même qu’il faut reconsidérer la
compétence de la CCJA, soit lui reconnaître le seul recours préjudiciel, soit un rôle de
juge de renvoi après cassation qui serait de la compétence des juridictions suprêmes
nationales.
Une autre difficulté est relative au sursis à exécution en cas de pourvoi en cassation
dans le cadre du contentieux du droit OHADA. Normalement, le pourvoi en cassation
ne suspend pas l'exécution. Mais, un sursis à exécution peut être accordé, il suppose
nécessairement une appréciation d’opportunité. Seul le juge appelé à connaître du
pourvoi pourrait porter un tel jugement. Dans l’hypothèse qui nous intéresse, la CCJA
est le seul juge de cassation. Logiquement, il lui revient d’apprécier et de prononcer le
sursis à exécution à l’exclusion des Cours Suprêmes des Etats parties à l’OHADA.
Malheureusement, les textes actuels de l’OHADA ne consacrent pas ce pouvoir. Mais,
en tout état de cause, un texte interne qui accorderait un tel pouvoir à une juridiction
nationale violerait le Traité de l’OHADA dans ses articles 13 et 16 relatifs à la
compétence exclusive de la CCJA, une compétence exclusive qui confère logiquement à
ses décisions l’autorité de chose jugée.
Il faut aussi ajouter que les juridictions communautaires, européennes et africaines, ont
le mérite d’être une véritable source du droit communautaire sur certaines questions
fondamentales623 qu’elles tranchent. L’exemple le plus récent est celui de la CJUE qui
s’est inscrite en guide de la codification des investissements dans l’espace judiciaire
européen624, retenant la possibilité d’une action en responsabilité délictuelle 625 ou quasi-
délictuelle626 en la matière627.
Cependant, certaines limites pratiques constitueraient encore une fois une entrave à son
effectivité.
623
In Masmi-Dazi F., « la CJUE guide les investissements lésées dans l’espace judiciaire européen,
éditions législatives », éditions revue législative, Mars 2015, p.3.
624
Ibidem.
625
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, Mars 2015, p.2.
626
Ibidem.
627
Ibidem.
161
B. Les limites pratiques 628
A titre définitif, il existe un partage tacite de compétence judiciaire entre la CCJA et les
juridictions nationales suprêmes. En effet, d'après l'article 14 du traité, la Cour
commune assure l'interprétation et l'application commune du traité, des règlements pris
pour son application et des Actes uniformes 629. S'agissant du droit substantiel, elle est
compétente pour connaître des matières qui ont fait ou feront l'objet d'Actes uniformes.
Si la compétence de la CCJA est ainsi établie en ce qui concerne le droit des affaires
unifié ou à unifier, il y a lieu de noter que les juridictions nationales demeurent
compétentes pour les autres matières, en l'occurrence le droit civil des personnes, des
biens et des incapacités630.
L’autre point essentiel à ce jour est celui de l’exequatur des décisions rendues par la
juridiction communautaire, devant s’appliquer au plan interne d’un Etat. C’est à ce jour
une difficulté pratique étant donné que la volonté politique est très présente surtout
lorsqu’il s’agit de la condamnation de bailleurs de fonds importants qui exercent
d’énormes pressions sur les Etats. La sentence peut aussi toucher l’Etat et dans ce
contexte, son autorité de chose jugée reste encore une fois très relative, ce fut
dernièrement le cas de la condamnation du Bénin dans une affaire qui l’opposait à un
628
Sur la question des limites, voir aussi MOMO J., « Rapport OHADA : L’efficacité des actes uniformes
sur le climat des affaires dans les Etats membres de l’OHADA », publié en 2012.
629
Les juridictions nationales suprêmes ont donc encore des compétences propres, notamment les
compétences sociales, coutumières, criminelles, correctionnelles, administratives et en matière des
comptes
630
La CCJA entérine ce partage de compétence dans son arrêt n° 010/2005 du 29 juin 2006, RJCCJA n' 7,
janvier-juin 2006, p. 16 et s.
631
La doctrine communautaire est très divisée sur la question. Certains la présente plus comme une
faiblesse qu’un compromis entre instances suprêmes internes et communautaire.
162
homme d’affaires béninois. La CCJA a condamné l’Etat à plusieurs milliards de FCFA
en règlement du préjudice subi. A ce jour, cette décision n’a toujours pas été exécutée.
L’Etat menace même de quitter l’organisation en cas de mesures de contraintes plus
lourdes.
163
Conclusion de la Partie I
Aux termes de cette première partie de notre étude, nous avons fait le tour de tout ce qui
peut être considéré à ce jour comme les acquis d’une réussite du système d’intégration
de l’OHADA. Nous avons aussi et surtout soulevé diverses limites qui ralentissent son
action et rendent très problématiques l’extension de l’organisation à ce jour et la mise
en œuvre de ses projets et perspectives d’intégration632.
Les actes uniformes nés du Traité de Port-Louis n’ont pas, comme le reconnaît le Pr
Sakho, véritablement été un big-bang pour le corpus du droit des affaires. Ils n’ont pas
véritablement été une avancée notable pour certains Etats déjà très évolués
juridiquement. Dans ce domaine, le Sénégal et le Bénin avaient une longueur d’avance
sur bon nombre de pays fondateurs tels que le Tchad et le Niger par exemple, qui
appliquaient encore les dispositions du Code napoléonien de 1867 dans diverses
matières du droit des affaires. Mais une chose est de mettre en place un nouveau droit,
moderne en l’occurrence, grâce aux actes uniformes afin de stimuler l’investissement,
assurer la sécurité juridique des affaires, assainir le marché communautaire et une autre
est d’avoir une justice crédible pour l’appliquer dans les Etats membres 634.
Tout récemment, un reportage diffusé sur Tv5 faisait part de la justice populaire
expéditive à laquelle les malfrats étaient soumis dans les rues de Douala et Yaoundé.
“C’est parce que la justice est corrompue et que les citoyens ne lui font pas confiance”,
expliquait, sans détours, un avocat interrogé par le reporter. Qu’aurait-il répondu s’il
s’agissait de juger le contentieux commercial ? De surcroît, la lecture du classement
établi par l’indice de perception de la pauvreté publié récemment par Transparency
international montre que parmi les quatre pays membres de l’OHADA pris en compte
632
Cf. Apollinaire A. de SABA, « Le recouvrement de la dette publique intérieure dans les Etats de
l’OHADA », Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013, pages
216.
633
Ibidem.
634
Ibidem.
164
par l’enquête, aucun n’a vraiment la cote : le Sénégal est le mieux classé avec 3,2 points
sur 10 qui lui confèrent la 76ème place. Le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Mali sont
classés respectivement 124ème, 118ème et 76ème. Sur 133 Etats auxquels l’enquête s’est
intéressée, il est donc fort probant que la sécurité juridique tend prônée par
l’Organisation est plus une utopie, un mythe, qu’une réalité effective.
Ceci ne jette pas pour autant une absence de crédibilité sur l’avancée de l’ordre
juridique communautaire. Des dispositions uniformes garantissent au moins à ce jour
une certaine crédibilité de l’espace économique, sans compter le travail actif effectué
par les divers organes et institutions de l’OHADA.
Cependant, compte tenu des transformations que subit le marché international et avec
le développement institutionnel et les actions entreprises, se pose la question du
maintien du système OHADA mis en place qui pourrait, si rien n’est fait, si des
solutions adéquates ne sont pas trouvées, voir ses efforts de ses vingt (20) dernières
années tomber à l’eau, et se retrouver totalement impuissant sur un marché qui n’a de
place, ni pour l’incompétence, ni pour les systèmes nonchalants635.
D’où l’intérêt d’aborder dans la suite de ce travail, notre seconde partie consacrée à la
nouvelle dynamique du droit communautaire OHADA636, où des solutions637 seront
apportées pour redonner à cet ordre juridique toute sa noblesse et son efficacité
maximale.
635
Cf. NDAM I., « la coordination de souveraineté dans l’espace OHADA », Revue togolaise de droit des
affaires et d’arbitrage Les Mercuriales, Trimestrielle numéro 4, Décembre 2011.
636
Sur la question, voir SAWADOGO F., « Rapport de l’OHADA : la gouvernance du processus et
l’harmonisation proprement dite », publié en 2012.
637
Ibidem.
165
SECONDE PARTIE
166
L'OHADA constitue un progrès certain pour la sécurisation des affaires en Afrique. Elle
a permis à ses États membres de se doter d'une législation moderne et attractive pour un
large pan du droit des affaires. Ce succès rend nécessaire une évaluation constante 638 de
son fonctionnement et du contenu de son droit afin de le préserver.
A cette étape de notre étude, il n’est plus seulement question de présenter l’OHADA
comme un modèle régional de communautarisme 639 mais plutôt de relever très
objectivement les faiblesses et les limites à son ascension. Il est surtout nécessaire de
proposer des solutions et des recommandations pratiques et efficaces afin de faire de ce
modèle d’organisation, non seulement une référence africaine en terme d’ordre
juridique communautaire abouti mais aussi et surtout une organisation incluant toutes
les variantes nécessaires à sa nouvelle perspective d’intégration 640 et d’extension641.
Les objectifs fondamentaux assignés à l’OHADA dans le Traité 642, tels la sécurité
juridique et judiciaire ou encore l’unification643 générale des législations en droit des
affaires, ne se révéleraient-ils pas utopiques si persistent des incohérences et diverses
sources d’hétérogénéité normative et de dissonances ? La survenance du risque de
conflit normatif peut-elle être exclue dans un contexte de disparité 644 et d’incohérence645
des sources de la réglementation des affaires au sein de l’espace OHADA 646 ?
Autant d’interrogations qui montrent tout l’intérêt de cette analyse. En effet, l’OHADA,
comme l’illustre notre première partie, a enregistré d’importantes innovations qui sont
des acquis, des innovations en termes de coopération, d’organisation institutionnelle, de
dispositions juridiques communautaires, d’organisation juridictionnelle et de règlements
de conflits. Elle a aussi annoncé lors de son 20 e anniversaire son intention de s’étendre
638
C’est une condition fondamentale dans la mesure où le droit entend que la science est en perpétuelle
évolution.
639
Nous sommes passé des acquis et du fonctionnement aux diverses mesures nécessaire pour la rendre
plus attractive.
640
Sécurité juridique et ordre juridique étendu.
641
Mise en place d’un système de perspective visant à intégrer d’autres Etats africains
642
Traité créant l’organisation, signé à Port-Louis.
643
C’est une question encore très problématique eu égard à la dénomination et aux actes uniformes
OHADA
644
Les Etats membres de l’organisation viennent de divers clivages culturels et de réalités économiques
et sociales diverses, ce qui constitue l’une des problématiques du droit de l’OHADA dans son élan de
codification
645
Des dispositions contradictoires d’un Etat à l’autre.
646
L’une des nombreuses illustrations de cette primauté de l’OHADA par rapport aux dispositions de
droit national est consacrée à l’article 20 du Traité, qui pose le principe de l’autorité de la chose jugée et
de la force obligatoire des décisions de la Cour Commune et d’Arbitrage de l’OHADA par rapport aux
décisions juridiques nationales.
167
vers des Etats africains francophones 647, mais aussi et surtout vers des Etats
anglophones et arabes648, ce qui justifie des travaux visant à traduire divers textes
importants pour les rendre plus accessibles.
Notre étude trouve aussi son intérêt dans le besoin, voire le devoir, que nous avons en
tant que scientifique africain, en tant que cadre ou élite africaine, de réfléchir aux divers
mécanismes et aux solutions à apporter afin de redynamiser 649 juridiquement le droit
communautaire mais surtout d’œuvrer dans cette logique d’un développement
économique650 de nos Etats membres651. Le monde des affaires aujourd’hui, avec l’essor
de la mondialisation, n’est plus un champ de bataille qui verra surgir un héro sauveur de
l’Afrique. Le développement est l’affaire de tous, et surtout constitue un enjeu commun
auquel nos Etats devront faire face ensemble. Il y va de l’intérêt de tous652.
A cet effet, voici dans la suite de ces développements notre pierre à l’édifice africain,
notre participation à l’éclosion d’un modèle panafricain de développement juridique et
surtout économique, notre apport à la refondation de l’ordre juridique OHADA.
Il y sera ainsi question, d’une part, de l’analyse critique des acquis du droit uniforme
OHADA (Titre I) et d’autre part, de la présentation de nos recommandations pour la
réussite des nouveaux enjeux et de la nouvelle vision d’intégration africaine de
l’OHADA (Titre II).
647
Constituant plus de 95% des Etats membres actuels.
648
L’adhésion de la République Démocratique du Congo, dont le processus est engagé depuis plusieurs
années, porte à dix-sept (17) les États parties et, surtout, compte tenu du poids et de la situation
particulière de ce pays situé au carrefour de plusieurs espaces d’intégration régionale, doit renforcer
notablement l’influence de l’organisation.
649
Un ordre juridique non exempt de critique et nécessitant des aménagements importants.
650
Ce développement économique qui est la raison numéro 1 de l’existence de l’OHADA.
651
La volonté politique est très forte dans toute œuvre de coopération internationale et juridique aussi
élargie
652
C’est plus un appel au conscience et à l’intellect africain afin que nos travaux ne soient vains et
apporte un plus essentiel au développement du continent Africain.
168
TITRE I
C’est la base de toute approche de solutions. Dans l’intention de rendre plus efficace
l’ordre juridique communautaire, il est important d’en soulever les insuffisances, à
travers une analyse critique des acquis autant juridiques que judiciaires afin de répondre
au mieux aux attentes de l’organisation653.
Ces derniers, dans la portée juridique des acquis de l’OHADA, s’attardent un peu plus
sur le règlement des litiges économiques 658 et sur l’efficacité judiciaire 659 du droit
uniforme au plan interne des Etats.
Des considérations et une analyse très objective nous permettent déjà de soutenir que
l’OHADA, sur ces questions, n’est pas indemne de critiques. Des faiblesses et limites
existent auxquelles nous tenterons de répondre objectivement et efficacement à travers
nos essais de solutions et nos recommandations.
A cet effet, nous examinerons, d’une part, les insuffisances des mécanismes
communautaires d’intégration juridique et judiciaire (Chapitre I) et, d’autre part, les
insuffisances matérielles du modèle juridique OHADA, dans sa perspective
d’uniformisation (Chapitre II).
653
Faire le tour des diverses problématiques qui limitent l’action des divers organes et des actes
uniformes
654
Adoption des actes uniformes et implications.
655
Les compétences de la CCJA en tant que juridiction communautaire et son rapport avec les
juridictions nationales.
656
C’est aussi des questions très importantes qui ruinent à ce jour les œuvres de l’organisation étant
donné la place importante qu’occupe la volonté politique dans une telle œuvre d’intégration.
657
Des auteurs militent en effet pour une sorte de séparation des pouvoirs juridiques et politiques au
sein de l’organisation car la procédure d’adoption des actes uniformes à ce jour est conditionnée par le
conseil des Ministres de l’organisation, qui reste encore un organe très politique.
658
Partage de compétences entre CCJA et juridictions nationales.
659
Exécution des décisions communautaires au plan national.
169
CHAPITRE I
Les mécanismes communautaires661 dont il est question ici sont essentiellement ceux
dont l’objectif est l’uniformisation du droit OHADA, et les mesures judiciaires prises
par la création de la CCJA662, en tant qu’organe communautaire de règlement des
différends et l’ERSUMA en tant qu’organe de formation et de recherche663 sur l’ordre
juridique communautaire.
Si l’œuvre d’intégration juridique engagée est très largement saluée et encouragée, son
aboutissement commande néanmoins, l’adoption d’une démarche cohérente, ainsi
qu’une appréhension globale et homogène du cadre normatif, dans un souci d’effectivité
et d’efficacité. A défaut, ce sont les objectifs du Traité 664 qui seraient compromis. Il
convient à cette fin de relever les insuffisances de ces mécanismes communautaires mis
en place, notamment pour les problématiques juridictionnelles (Section I) et sur le plan
de la coopération juridique (Section II).
660
In Issa S., op. cit. p. 15.
661
Il s’agit des organes mis en place et des diverses politiques de réglementations.
662
Cf. DIALLO B., « Réflexion sur le pouvoir d’invocation de la CCJA dans le cadre du traité de l’OHADA »,
Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 117e Année, Numéro 858, Janvier – Mars 2007, pages 40.
663
La double fonction de l’ERSUMA, article MIKPONHOUE H., 2014.
664
Des objectifs qui seront la base de notre analyse, au regard du droit communautaire comparé.
170
importants d’un pays à l’autre »665. Ces propos du professeur Issa-Sayegh illustrent bien
toutes les difficultés qui résulteraient de quelques incompréhensions ou lacunes que
susciterait le droit OHADA. La création d'une juridiction internationale 666, dans cette
optique fut la réponse de l’organisation aux soucis évoqués.
Cependant, diverses incertitudes sur la CCJA seront relevées (Paragraphe 1), dans son
rapport avec les juridictions nationales afin de nous permettre de proposer des solutions
pour rendre plus efficace cette institution judiciaire communautaire (Paragraphe 2).
665
In ISSA-SAYEGH J., « Congrès 2008 de Lomé : Le rôle du droit dans le développement économique, Le
bilan jurisprudentiel du droit uniforme OHADA », 2008.
666
Cf. David E., op. cit, p. 174.
667
Cf. DIALLO B., op. cit, p 42.
668
Entre juridictions nationales et communautaires.
669
Sur le sujet, voir aussi MAIDAGI M., « l’organisation et fonctionnement de la CCJA et perspectives
d’évolution », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année,
Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.
171
tel ou tel acte uniforme, n’est pas différente d’un pays à un autre, du moins sur le plan
fonctionnel670.
La CCJA est déclarée compétente pour toutes les affaires relevant des questions
relatives à l’application des actes uniformes et des règlements671 prévus au traité
instituant l’organisation. L’article 15 du traité, relatif aux seuls pourvois en cassation ne
fait référence qu’aux seuls actes uniformes. Il va de soi que la CCJA se doit de veiller
au respect des dispositions, des règlements relatifs à la procédure suivie devant elle en
matière de cassation672 et en matière d’arbitrage. Elle s’est même reconnue compétente
pour trancher un litige opposant le directeur des études de l’ERSUMA à son employeur
en application du règlement portant statut des personnels de l’OHADA 673.
670
Partant du principe que ces Etats membres disposent tous d’une même organisation judiciaire. ce
qui, si ce n’était le cas, serait une problématique importante qui viendrait conforter la question des
diversités.
671
Les règlements sont des dispositions communautaires qui régissent l’organisation et le
fonctionnement structurel des organes de l’OHADA.
672
Cf. DIALLO B., op. cit, p 45.
673
Cf. annexes.
674
Simplicité de la procédure pour la rendre plus ouverte aux justiciables.
675
Rapidité de la procédure pour la rendre plus efficace et plus crédible.
676
Voir sur cette question les articles sur : « La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des
biens des entreprises publiques en droit OHADA (A propos de l’arrêt de la CCJA du 7 juillet 2005, affaire
Aziablévi YOVO et autres contre Société TOGO TELECOM) », Revue (belge) de droit international et de
droit comparé, n° 2007/4, p. 512-554 ; L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public,
Actes du colloque tenu à Yaoundé les 14 et 15 janvier 2008, Revue camerounaise de l’arbitrage, février
2010, p. 136 à 159.
677
Etoundi Onana F., OHADA : Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour commune de justice et
d’arbitrage. J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué, F. M. Sawadogo (sous la coordination scientifique de),
OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 4e édition, 2012, 1460 p.,
particulièrement les commentaires du Pr Ndiaw Diouf concernant l’AUPSRVE.
172
« Qui trop embrasse, mal étreint ». Cet adage de la sagesse populaire va-t-il se vérifier
avec la CCJA de l’OHADA ? On ne saurait répondre de manière définitive à cette
interrogation qui traduit une préoccupation permanente, relative à l’efficacité de la
Cour.
S’agissant tout d’abord de son rôle de Cour suprême internationale, nul doute que si les
différentes Cours suprêmes nationales souffrent déjà d’un certain engorgement, la
situation ne serait que plus grave au niveau de la CCJA. Connaître des pourvois en
cassation contre les arrêts des cours d’appel de l’ensemble des Etats-Parties n’est en rien
une chose simple ou une pratique des plus aisées 678.
Quant à savoir quels sont le ou les domaines de prédilection du contentieux connu par la
CCJA, autrement dit les actes uniformes qui ont le plus fait l’objet de plus de recours
« devant la CCJA, au moins jusqu’en 2010, l’activité juridictionnelle de la CCJA a
intéressé en grande partie l’AUPSRVE 679, peut-être à hauteur de 2/3, voire de ¾, des
saisines contentieuses »680, du moins pour les décisions qui concernent explicitement
des actes uniformes. « Cela est inquiétant puisque traduisant pour l’essentiel la volonté
des débiteurs de ne pas exécuter les engagements souscrits par tout moyen, y compris
l’usage abusif des voies de droit, dont les voies de recours, et sans que cela soit
sanctionné »681. Il est vrai que des arrêts en nombre significatif sont rendus sur le motif
que les recours ne sont fondés sur aucun Acte uniforme ou règlement prévu par le Traité
instituant l’OHADA682 ou sur le fait que le recours n’est pas recevable du fait que la
partie requérante n’a pas soulevé l’incompétence de la cour 683 ou juridiction de
678
Une problématique en matière de procédure pour laquelle certains auteurs préconisent un acte
uniforme harmonisant la procédure judiciaire interne et communautaire.
679
Cf. DIALLO B., op. cit, p 47.
680
Le recueil semestriel de jurisprudence de la CCJA : N° spécial janvier 2003, N° 1 janvier 2003 ; N° 2
juillet - décembre 2003 ; N°3 janvier - juin 2004, N° 4 Juillet - décembre 2004, N° 5 janvier- juin 2005
(vol. 1) ; N° 5 janvier - juin 2005 (vol. 2) ; N° 6 juillet - décembre 2005 ; n ° 7 janvier - juin 2006 ainsi que
les numéros ultérieurs.
681
Par exemple, en guise d’illustration l’arrêt de la CCJA n° 044/2005 du 7 juillet 2005, Société de
Transport Aérien Middle East Airlines Liban dite MEA contre Madame Kamagate Mangnale. Les faits de
l’espèce semblent traduire la mauvaise foi du défendeur à l’injonction de payer, lequel se plaint de ce
que le demandeur réclame le paiement du capital sans réclamer aussi celui des intérêts. Pour la CCJA,
« en tout état de cause, elle [l’intimée] est en droit de ne demander que le principal » s’agissant
certainement de droits dont elle a la libre disposition.
682
Exemples : Arrêts n° 045/2005 du 7 juillet 2005, Etablissements Soules &Cie contre Société Négoce &
Distribution dite N & D et Continental Bank Benin ; n° 046 du 7 juillet 2005 avec les mêmes parties que
l’arrêt précédent ; n° 047 du 7 juillet 2005 Société Kindy-Mali SARL contre Banque internationale pour le
Mali dite BIMA ; n° 051/2005 du 21 juillet 2005, Société TEXACO Côte d’Ivoire contre la Société Groupe
Fregate.
683
Soulevé le fait que la cour n’est pas droit à statuer sur la question.
173
cassation nationale devant celle-ci et s’est contentée d’attendre que la juridiction de
cassation rende sa décision pour saisir la CCJA684.
Si l’on veut rentrer dans les détails relatif aux données d’ensemble, on note depuis
« l’installation de la CCJA au 30 juin 2012 685 :
- Jonctions de procédures : 21 ;
- Ordonnances : 78 ;
Il en résulte que près de 50% des saisines n’ont pas encore traitées, ce qui fait penser, au
regard du nombre moyen de saisines annuelles, que certaines datent de plus de trois ans.
Le faible nombre des assistants juristes, trois au total, accroit les lenteurs : les dossiers
non encore traités sont répartis entre eux en commençant par les plus anciens ; il semble
qu’on en est pas encore aux dossiers de 2014 et de 2015, ce qui confirme l’existence de
délais importants pour que les dossiers soient vidés ».
Tout cela a pour effet de faire perdre tout sens aux procédures simplifiées de
recouvrement686 dès lors qu’un pourvoi en cassation687 est introduit auprès de la
684
Cf. FOKO A., « La rationalisation du domaine de l’arbitrage », Revue trimestrielle de droit africain
e
PENANT, 124 Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 425 – 465.
685
Nous n’avons pu obtenir des chiffres s’étendant jusqu’en 2015, vu la rareté des travaux statistiques
sur l’efficacité des réformes OHADA.
686
Les procédures simplifiées de recouvrement de créances sont des voies par lesquelles un créancier
peut rapidement obtenir un titre exécutoire, une décision judiciaire de condamnation de son débiteur
au paiement de la créance due. Ces procédures sont désormais au nombre de deux: L'injonction de
payer et l'injonction de délivrer ou de restituer.
687
Appellation du recours introduit devant la cour de cassation contre un arrêt rendu en appel.
174
CCJA688. Les personnes soucieuses d’une évolution heureuse de l’OHADA ne peuvent
pas rester indifférentes devant de telles données quantitatives.
Certains arrêts689 rendus ont fait coulé beaucoup d’encres, comme l’arrêt Epoux Karnib
c/ SGBCI du 11 octobre 2001 par lequel la CCJA déclare solennellement qu’« en
matière mobilière, l’exécution forcée690 pouvant être poursuivie jusqu’à son terme aux
risques et périls du créancier691 en vertu d’un titre exécutoire par provision, la
juridiction supérieure saisie ne peut, se référant au droit national qui organise les
défenses à exécution, en ordonner la suspension sans se mettre en contradiction avec les
dispositions en vigueur du droit uniforme »692. Le professeur Sayegh pousse son analyse
personnelle plus loin en affirmant dans une étude jurisprudentielle qu’ « A y regarder de
près, la plupart des cas où la CCJA a eu à faire une telle incursion, c’était pour régler le
sort d’une exception mise en travers d’une action en justice. C’est ainsi qu’elle est
conduite à vérifier la validité d’un acte de procédure ou d’un contrat ; la pertinence des
fins de non recevoir d’une action ; de la prescription soulevée ; de l’inopposabilité
d’une convention invoquée par des tiers »693. Il poursuit en retenant qu’ « une telle
incursion de la CCJA dans le domaine du droit interne risque de façonner ce droit d’une
façon différente de celle pratiquée par les juridictions internes »694.
En effet, aussi bien dans le Traité que dans le Règlement de procédure de la CCJA695,
rien n’est prévu pour la détermination des cas d’ouverture à cassation. Devant une telle
discrétion, on peut être tenté de dire qu’il n’en est pas besoin et que « la CCJA est
érigée en juge du droit et du fait comme un troisième degré de juridiction (une super
688
Des inquiétudes demeurent encore sur cette super compétence de la CCJA qui défie celle des
juridictions nationales de cassation.
689
Cf aussi en droit européen, CJCE, 26 Mars 2009, SELEX SISTEMI INTEGRATI SPA / Commission et
organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne.
690
Ensemble des procédures permettant l’exécution d’une obligation résultant d’un contrat, d’une
décision de justice ou de la loi. Le créancier doit obtenir la prestation qui lui est due. A défaut
d’exécution spontanée, il peut contraindre le débiteur à exécuter, en principe en nature. C’est une
procédure ayant pour objet d’assurer l’exécution d’un engagement ou d’une décision de justice et
conduisant à la saisie de biens du débiteur.
691
Personne contre laquelle est due une somme d’argent ou créance.
692
Cf. annexes.
693
Issa S., Bilan jurisprudentiel de la CCJA et des juridictions nationales, revue africaine de droit, p. 15.
694
Ibidem.
695
Cf. FOKO A., « La rationalisation du domaine de l’arbitrage », Revue trimestrielle de droit africain
PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 425 – 465.
175
Cour d’appel, en quelque sorte) et ce, d’autant plus qu’elle peut évoquer l’affaire et
statuer au fond sans renvoi (article 14, alinéa 5) »696.
Le recours en cassation697 étant une voie extraordinaire, seul un texte peut en déterminer
les conditions d’exercice. On ne peut que se rabattre sur la seconde possibilité, en
l’absence d’un tel texte spécifique du droit uniforme, qui est plus logique et
respectueuse des principes fondamentaux du droit procédural.
Le droit de l’UE quant à lui ne s’oppose pas au fait que le tribunal saisi, appelé à se
prononcer sur le recours700 visant l’invalidité d’un contrat de crédit 701, se dessaisisse en
696
Ibidem.
697
Cf. Chahira Boutayeb B., les grands arrêts du droit de l’Union Européenne, LGDJ, p.882.
698
A ce sujet, Kenfack Douajni G. a émis l’opinion suivante, dans une communication lors du Conseil des
Ministres consacré au 10e anniversaire de l’OHADA les 16 et 17 octobre 2003 à Libreville : « Par un arrêt
en date du 19 juin 2003, la CCJA a tranché l’une des questions que l’avènement du droit OHADA a fait
naître et qui a longtemps divisé les praticiens du droit. Il s’agit de savoir si les dispositions relatives à
l’exécution des décisions de justice et contenues dans le droit interne des Etats parties ont ou non été
abrogées par le droit OHADA ». Commentant les faits, il avance que « le risque serait grand pour les
banques et plus généralement pour les opérateurs économiques de se voir dépouillés de leur fortune si,
sur la base de décisions de justice non définitives, ils ne peuvent pas obtenir la suspension de
l’exécution forcée desdites décisions, au motif que le droit OHADA a abrogé les dispositions nationales
réglementant l’exécution provisoire des décisions de justice ».
698
Compétente au dessus des Etats en termes plus simples.
699
CCJA, arrêt n° 014/2003 du 19 juin 2003, Affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques au
Cameroun (SGBC) et Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), Recueil de Jurisprudence CCJA, n° 1
janvier-juin 2003, p. 19 à 21. Arrêt n° 013/2003, affaire SOCOM SARL contre Société générale de
Banques au Cameroun dite SGBC.
700
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, mars 2015, p.4.
701
Cf. Guillou F., « la constatation de clauses abusives peut faire l’objet d’un renvoi juridictionnel »,
éditions législatives, Mars 2015, p.5.
176
faveur d’une autre juridiction compétente702 pour constater le caractère abusif du
contrat703.
Les diverses constatations donnent aussi toutefois lieu à des controverses pratiques non
négligeables.
Malgré le travail positif accompli par la CCJA et la place qu’elle occupe dans les efforts
d’instauration de la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace de l’OHADA, une
réflexion doit être menée sur la situation de la CCJA et des juridictions de cassation
nationales. Ce qui incite à ériger les griefs retenus par les différentes législations, en
principes généraux du droit, pour autoriser les recours en cassation 706.
702
Ibidem.
703
CJCE, 12 février 2015, aff. C-567/13.
704
Cf. chahira Boutayeb B., op.cit., p.880.
705
Au dessus des dispositions nationales en vigueur, en termes simples.
706
Contrariété de jugements ; défaut de base légale ; défaut de motifs ; dénaturation de l’écrit ;
dénaturation des faits ; excès de pouvoir ; incompétence ; omission de statuer ; perte de fondement
juridique ; ultra petita ; violation de la règle de droit ; violation des formes de procédure.
177
l’arbitrage justement, la CCJA a rendu de nombreuses sentences arbitrales 707. L’on
pouvait craindre que la haute Cour soit asphyxiée par ses multiples casquettes, celle de
juridiction et celle du mode non juridictionnel de règlement des différends dans l’espace
OHADA. L’on ne peut non plus ignorer le rôle de l’arbitrage dans l’émergence du droit
de l’OHADA, en raison de ce que les décisions rendues, après exequatur, acquièrent
une portée juridictionnelle et font donc jurisprudence. Les domaines de production du
droit OHADA par la jurisprudence ont ainsi pu être explorés au moyen de divers canaux
juridictionnels et conventionnels.
Toutefois, on ne peut pas non plus fermer les yeux sur les saisines de la CCJA, qui se
limitent, pour la majeure partie, à quelques trois ou quatre Etats sur les 17 708 qui
composent l’organisation, près de la moitié des saisines émanant du pays qui abrite le
siège de la Cour. Ainsi, au 30 septembre 2011, sur 1057 saisines contentieuses, 523
émanent de la république de Côte d’Ivoire, soit 49,47%. Au 30 juin 2012, sur 1172
saisines contentieuses, 588 émanent de la république de Côte d’Ivoire, soit 50,17%.
C’est sûr que tous les recours ou simplement la majorité des recours en cassation de la
plupart des Etats parties ne sont pas portés devant elle, à moins que sa création ait eu
pour effet de tarir ce genre de recours.
Rappelons-le, le droit des affaires, socle matériel des normes de l’ordre juridique
OHADA, ne répond à aucune définition d’ensemble. Il constitue cependant le champ
d’action à la fois minimal et maximal de l’OHADA des matières qui doivent être
considérées comme celles qui constituent le plus petit domaine matériel de l’OHADA.
707
Consultable sur le site de l’organisation www.ohada.com.
708
Le 17e Etat, la République Démocratique du Congo, a adhéré seulement le 13 juillet 2012. Le Traité et
les actes uniformes y sont entrés en vigueur le 12 septembre 2012.
178
S’agissant ensuite de la compétence quant au fond, le Traité OHADA a fait de la CCJA
un troisième degré de juridiction, ce qui constitue une cause supplémentaire
d’encombrement et de difficultés. La perspective du coût élevé d’un nouveau procès à
l’étranger, pour les justiciables ne résidant pas en Côte-d’Ivoire, ne sera pas très
dissuasive (même si elle l’est pour certains contribuables 709), eu égard aux montants
importants de certains litiges. On peut donc légitimement s’attendre à un
développement croissant du contentieux devant la Cour.
C’est sûr aussi qu’avec le nombre actuel des juges, elle aura et avait déjà des difficultés
pour trancher les recours dans des délais raisonnables, surtout si toutes les affaires lui
sont portées alors que les Etats ne semblent pas prêts à accroître sensiblement le nombre
des juges, ce qui signifierait un accroissement important du budget qui est alloué à la
Cour710. Des auteurs notent que l’ « on ne peut, ne pas tenir compte des critiques plus ou
moins voilées que la Cour suscite parfois, qu’il s’agisse de son encombrement et de son
fonctionnement, de son éloignement ou de la mise à l’écart des juridictions suprêmes
nationales »711. Le risque ne concerne pas que l’encombrement et les lenteurs. Il y a
aussi la baisse de la qualité des décisions rendues. On cite à cet égard certains arrêts où
la position adoptée parait juridiquement difficile à soutenir. Une réflexion courageuse et
réaliste s’impose tendant à explorer les différentes pistes de réformes possibles. Mais
probablement, l’on sera limité dans les choix de solution tant que les juridictions
internes ne seront pas réformées de manière à donner davantage confiance 712 aux
justiciables, particulièrement ceux du monde des affaires. A ce sujet, un observateur
note que « les juridictions nationales des premiers et deuxièmes degrés, qui tranchent
les litiges relatifs au droit uniforme, n’inspirent guère confiance, ce qui est d’autant plus
grave qu’elles connaissent du plus gros volume de contentieux. En effet, la part des
709
Compte tenu du niveau de pauvreté et surtout de l’absence de foi en la justice africaine.
710
Le Traité révisé à Québec le 17 octobre 2008 a seulement prévu l’augmentation du nombre de juges
de deux, ce qui donne un total de neuf, et la possibilité de relever ce nombre sans passer par une
modification du Traité, ce qui devrait faciliter les choses. Ainsi, l’alinéa 2 nouveau de l’article 31 dispose
que « le Conseil des Ministres peut, compte tenu des nécessités de service et des possibilités
financières, fixer un nombre de juges supérieur à celui prévu à l’alinéa précédent [c’est-à-dire au
nombre de neuf] ». Mais on aura noté la référence ‘‘limitante’’ faite aux possibilités financières.
711
Bourgeois C., Ben Kemoun L., Thouvenot S., « Pérenniser le succès de l’OHADA : Pistes de réflexion »,
Revue de droit des affaires internationales (RDAI), n° 2, 2006, p. 235.
712
Cf. titre 2, Seconde partie de nos travaux.
179
litiges qui cheminent jusqu’à la cassation est relativement faible. Cette situation ne
garantit pas la sécurité juridique et judiciaire »713.
713
Masamba R., in Bourgeois C., op. cit., p. 9.
714
Sur le sujet, voir aussi MAIDAGI M., « l’organisation et fonctionnement de la CCJA et perspectives
d’évolution », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 e Année,
Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.
715
Une fois encore la forte présence du politique dans la mise en place d’un ordre juridique.
180
Les circonstances qui avaient commandé l’adoption d’un tel règlement dit « les
arrangements de NDJAMENA » sont telles qu’à ce jour, ils ne peuvent plus continuer à
être appliqués en l’état, d’où l’intérêt de leur révision.
716
Sur la question, voir aussi NGWANZA A., « L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-
saharienne : les apports de la CCJA », Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles,
numéro 3, Août 2013.
717
Ibidem.
181
façon globale, faut-il le réitérer, seulement douze (12) Etats étaient présents aux
arrangements de Ndjamena, alors qu’aujourd’hui, dix sept (17) Etats sont membres de
l’organisation. Avec la répartition inégalitaire des postes de direction et des sièges des
institutions, les arrangements, si on ose l’avouer, violent le traité lui-même. La révision
a donc toute son importance.
Les Arrangements de Ndjamena 718 sont des mesures initiées par consensus dans le but
d’asseoir rapidement et avec une capacité opérationnelle immédiate les institutions de
l’OHADA. Cependant, quelle crédibilité peuvent avoir les institutions de l’organisation
qui sont supposées appliquer le droit si elles ne sont pas conformes aux dispositions du
traité719 ?
A ce jour, lesdits arrangements, forts critiquables méritent d’être révisés pour plusieurs
raisons :
- La principale raison de ce réexamen est que ces arrangements violent le droit qui
émane du traité de l’OHADA. Or celui-ci est non seulement l’accord conclu
entre les parties souveraines qui ont convenu des règles obligatoires aux
718
Cf. TOE J., « la problématique actuelle de l’harmonisation du droit des affaires OHADA », Revue de
droit Uniforme, 2008.
719
Ibidem.
720
Ibidem.
721
Déclaration de Québec du 17 Octobre 2008 sur « les Arrangements de NDJAMENA ».
182
institutions qu’elles soumettent à leur compétence, mais également, il est relatif
au droit722 ;
- Ensuite, la C.C.J.A., en tant que gardienne de la bonne application du traité et
des actes uniformes, devait dénoncer toute pratique qui serait en contradiction
avec la lettre et l’esprit de ces textes, dont la conséquence serait de fragiliser
l’institution723, ce qu’elle n’a pas fait ;
- Par ailleurs, la contribution à l’OHADA étant fonction du Produit Intérieur Brut
(PIB), les Etats absents au consensus de Ndjamena et donc n’ayant pas de
pouvoir de décision, sont ceux qui contribuent énormément eu égard à leur PIB.
Ils sont donc fondés aujourd’hui à demander que soit remis en cause ledit
consensus724 ;
- Enfin, ces arrangements qui instituent une répartition inégalitaire des postes et
engendrent des frustrations font courir un risque majeur de blocage de
l’OHADA et appellent par conséquent une révision725. Les chefs d’Etats réunis à
Québec au Canada le 17 octobre 2008, ont décidé que soient mis à candidature
les postes de l’OHADA. Ainsi, le Conseil des Ministres, organe normatif de
l’organisation, doit à cet égard adopter des règles appropriées prenant en compte
les critères prévalant en matière de Droit International pour l’ensemble des
Organisations Internationales726 mettant particulièrement en valeur le critère de
compétence et d’intégrité attendu des responsables des institutions.
Aussi, fort du principe de siège qui primera sans doute avec le réexamen des
engagements de Ndjamena où chaque Etat membre sera représenté à la Cour et vu que
c’est parmi les juges représentants les Etats que seront élus les responsables, la R.C.A. a
de quoi rester optimiste pour les candidatures futures ; étant aussi aujourd’hui certes
nouveau mais acteur important de la politique de l’organisation. Ces diverses
considérations permettront d’entreprendre et d’analyser au mieux une réforme
structurelle de la CCJA.
722
L’OHADA y puise toute sa légitimité.
723
Cf. « Les institutions de l’OHADA » de DJAH S., discours du Président du Club OHADA de Côte d’Ivoire
724
Dans un élan souverain, certains de ses Etats ont déjà fait part d’une telle intention.
725
L’OHADA est encore sous forte influence politique et le moindre conflit entre les Etats parties ne
seraient qu’un frein à son effectivité.
726
Cf Titre 2, Deuxième partie.
183
B. La réforme structurelle de la CCJA
La CCJA fait en effet l’objet d’une remise en cause sur deux plans : celui de sa
composition et celui de sa compétence. La majorité de la doctrine semble être en faveur
de cette solution. Les conditions pour ce faire sont : plus de juges, voire même un juge
par Etat partie (ce qui aurait l’avantage de faciliter la connaissance par la CCJA des
différents droits nationaux en cas d’évocation727 et l’inconvénient de donner
l’impression que chaque juge représente l’Etat dont il est ressortissant et est là pour
défendre les intérêts de celui-ci), mais des juges compétents, travailleurs et de bonne
moralité ; plus de chambres pour traiter plus d’affaires ; de manière générale728, un
rythme soutenu de travail, une coordination au sein de la juridiction pour que les
chambres n’adoptent pas des solutions contradictoires qui contrarieraient la sécurité
juridique et judiciaire recherchées. L’OHADA et les Etats parties doivent veiller au
respect de ces critères dans le choix des juges. Cette solution est toutefois discutable et à
juste titre. Elle aurait tendance à dénaturer la CCJA en la transformant en un organe de
représentation des intérêts des Etats. De plus, dans la perspective d’un élargissement de
l’OHADA, cette Haute juridiction se transformerait en une assemblée pléthorique.
Certes, l’alinéa 2 prévoit la possibilité de fixer un nombre de juges inférieur à celui des
Etats parties ; mais cette précaution n’est nullement une garantie d’adéquation du
nombre de juges aux besoins réels de la Cour dans la mesure où les Etats ne renonceront
probablement pas au principe de l’alinéa 1er qui leur garantit un siège 729. Seule une
augmentation raisonnable du nombre des juges et une rotation effective entre les Etats
parties permettrait de faire face aux besoins accrus de la CCJA en lui laissant bien
entendu un statut juridique.
C’est presque sûr que l’incidence financière que cela va entraîner amènera les Etats à
être réticents. Mais tout le monde convient que le succès de l’OHADA, autrement dit
l’atteinte des objectifs poursuivis par sa création, dépend de l’efficacité de la CCJA à
727
Mesure prise par les cours d’appel.
728
La création d’une chambre pénale des affaires, que nous aborderons plus en détail par la suite.
729
Ce qui montre bien que certaines ambigüités sont à relever dans le Traité.
184
accomplir sa mission. Tout est une question de volonté politique et des ambitions que
l’on a pour cette organisation730.
- Faire connaître des recours en cassation intéressant des litiges d’un montant
faible ou moyen aux juridictions nationales de cassation, tel est d’ailleurs le cas
actuellement, à moins que les parties ne renoncent à tout recours ; mais l’on
pourra rétorquer que l’importance juridique d’une question n’est pas liée au
montant financier en jeu. Dans le même sens, permettre la saisine de la
juridiction nationale de cassation lorsque les parties décident librement de lui
soumettre leur pourvoi. Il est probable qu’un tel accord concernera en grande
partie les litiges de faible montant ;
- Faire en sorte que, dans la plupart des cas, la saisine de la CCJA soit à titre
préjudiciel, comme c’est le cas de la Cour de Justice de l’UEMOA731 ou celle de
l’Union européenne732 ;
- Situer le recours en cassation auprès de la CCJA après que la juridiction
nationale de cassation se sera prononcée, même si cela déroge aux règles
classiques de procédure733 ; en droit comparé, l’on sait que certains recours ne
sont ouverts qu’après épuisement des voies de recours internes 734 ;
Par ailleurs, surtout dans le cas de maintien de la situation actuelle, il urge de clarifier
les cas dans lesquels, lorsque le pourvoi concerne le droit OHADA et le droit interne
d’un Etat partie, la CCJA ou la juridiction nationale de cassation est compétente et, en
cas de compétence concurrente, l’ordre dans lequel elles devront être saisies et le rôle de
chacune d’elles. Actuellement, la CCJA reconnait sa compétence quasi exclusive dans
ce cas mais la situation n’est pas satisfaisante en termes de maîtrise du droit applicable
730
Sur la question, voir ISSA SAYEGH J., « Le bilan jurisprudentiel du droit uniforme OHADA, Congrès de
Lomé : le rôle du droit dans le développement économique », 2008.
731
Cf. Titre 2, Deuxième partie.
732
L’Union européenne qui, pourrait intervenir un peu plus dans le domaine de la procédure civile
interne afin de rapprocher les législations par la voie de directives en utilisant les possibilités ouvertes
par les articles 114 et 115 du TFE, ancien articles 94 et 95 du traité CE.
733
Sur le sujet, voir aussi DJOGBENOU J., « A la recherche des principes directeurs spécifiques au procès
devant la cour commune de justice et d’arbitrage », Revue trimestrielle de droit africain PENANT,
édition Juris Africa, 125e Année, Numéro 890, Janvier – Mars 2015.
734
Cf. Titre 2, Deuxième partie.
185
et de célérité735. La solution adoptée par la Cour suprême du Niger paraît à priori
recommandable. Elle « préconise de reconnaître la compétence de la juridiction
nationale de cassation lorsque le pourvoi est fondé à titre principal sur des moyens tirés
du droit national et la compétence de la CCJA lorsque le pourvoi est fondé titre
principal sur le droit OHADA736 ».
Fort de ces raisons, il est aujourd’hui indéniable que la relecture du traité et des
règlements737 qui le complètent dans le sens du démembrement de la CCJA, avec les
conséquences inhérentes, est nécessaire. Ainsi, pour une justice de proximité 738
souhaitée par toute la communauté internationale en général et en particulier par la
R.C.A. et pour minimiser les coûts de procédure souvent très élevés, il est important que
les membres de la C.C.J.A. puissent se déplacer à intervalle régulier fixé par la cour
dans chaque Etat membre739.
Rappelons aussi qu’actuellement, la CCJA remplit le rôle d’une cour de cassation, avec
le pouvoir d’évocation du fond qui dispense d’un renvoi, en cas de cassation, à une
juridiction nationale de dernier ressort dans toutes les affaires mettant en cause les
dispositions du droit uniforme OHADA. Cette compétence juridictionnelle
supranationale dépouille ainsi d’autant les juridictions nationales d’appel et de cassation
qui, dans le cadre de l’Association africaine des Hautes juridictions francophones (AA-
HJF) ont fait onze recommandations portant, de façon quasi exclusive, sur les rôles
respectifs de la CCJA et des juridictions suprêmes nationales des Etats parties.
L’essentiel de ces recommandations consiste dans la rétrocession des compétences aux
juridictions nationales de cassation en matière de droit OHADA, assortie, toutefois
d’une précaution ainsi exprimée : « La formule envisagée est celle de la rétrocession de
la compétence avec précision d’un délai “raisonnable” dans lequel les juridictions
nationales auront à rendre leurs décisions ». En référence aux statistiques de la CCJA, il
est proposé « un délai de douze (12) mois au bout duquel la juridiction nationale
pourrait être dessaisie par pourvoi du justiciable. Cette formule qui paraît
735
Cf. Guinchard S., op. cit., p.26.
736
Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, 16 août 2001, arrêt n°01-158/C du 16/08/01 : SNAR
Leyma et Groupe HIMA Souley Oumarou.
737
Une révision qui constitue une nécessité aujourd’hui pour l’efficacité de toute organisation
communautaire, chose qu’a su bien comprendre et mettre en œuvre opportunément l’UE.
738
Cf. la question de l’efficacité des directives européennes telle que abordée par Guinchard S., Ibidem.
739
Un concept très novateur de « justice vers le justiciable » et non plus l’inverse, que nous défendrons
dans nos futurs travaux scientifiques avec grand intérêt.
186
manifestement idoine permettrait en même temps la célérité des affaires, la réduction
des coûts liés aux procédures et offrirait au justiciable la possibilité de se faire rendre
justice dans un délai acceptable. »
Cette formule, non seulement ne supprime pas les inconvénients de la formule actuelle
dénoncés par l’AA-HJF, mais en comporte elle-même de très graves740. En premier lieu,
elle consacrerait le retour pur et simple aux systèmes judiciaires nationaux antérieurs et
aux maux auxquels les créateurs de l’OHADA et de la CCJA voulaient remédier 741 :
absence de publication des décisions, contrariété des décisions et opacité de la
jurisprudence, lenteur des procédures de cassation par le système du renvoi à une
juridiction nationale. Ces inconvénients d’opacité et de diversité de la jurisprudence
selon les Etats se manifestent actuellement de façon dommageable pour la sécurité
juridique dans tous les domaines du droit uniformisé non soumis à la compétence de la
CCJA : droit de la propriété intellectuelle (droit uniforme porté par les annexes de
l’OAPI), droit des assurances et des entreprises d’assurances du Code CIMA, droits
uniformes résultant des Règlements de l’UEMOA et de la CEMAC sur les instruments
de paiement, les établissements bancaires et financiers. Nous aborderons plus
précisément cet aspect dans la suite de nos développements.
- les décisions rendues par les Cours suprêmes nationales ne seraient exécutoires
qu’une fois validées par la CCJA ;
740
Cf. DJOGBENOU J., ibidem.
741
Les maux qui ruinent la justice des Etats, cf. Titre 2, Deuxième partie.
742
Des propositions jugées trop contraignantes et surréalistes par la doctrine.
187
- en cas de non validation par la CCJA, celle-ci révoquerait l’affaire ;
- tout pourvoi en cassation devant une Cour suprême nationale, non vidé dans le
délai de douze mois, serait déféré à la CCJA.
Cette question du choix entre le maintien ou non des compétences de la CCJA ou leur
rétrocession aux juridictions nationales de cassation est éminemment politique.
Toutefois, il nous paraît indispensable de rappeler que l’unification de la jurisprudence
est la raison d’être de l’OHADA et de la CCJA743 parce qu’elle conditionne la sécurité
juridique et judiciaire qu’elles sont chargées de garantir.
Ainsi, cette garantie nécessite tout autant l’entretien d’un espace communautaire
d’échanges juridiques et de recherche dans le sens de l’amélioration des acquis de
l’ordre juridique communautaire 744. Dans cette logique, l’idée d’un cadre de
coopération juridique est possible et bien réelle dans l’espace harmonisé, toutefois avec
certaines difficultés745.
Cependant, la même réussite est conditionnée par l’aboutissement des objectifs réels de
l’organisation. Ce qui à ce jour est loin de faire l’unanimité. En effet, les divers pays
743
Cf. ONANA ETOUNDI F., « L’état de la jurisprudence de la CCJA de l’OHADA », Revue trimestrielle de
e
droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.
744
Cf. Guide des politiques communes de l’union européenne, op. Cit, p. 122.
745
Ibidem.
746
Par la vulgarisation et la promotion des dispositions communautaires.
747
Cf. ISSA SAYEGH J., « Le bilan jurisprudentiel du droit uniforme OHADA, Congrès de Lomé : le rôle du
droit dans le développement économique », 2008.
188
membres de l’organisation ont opté pour un ordre juridique communautaire dans un
souci de croissance et de développement économique. Un développement qui devrait
normalement se sentir au niveau interne, au niveau des peuples africains de l’espace
harmonisé. Cela est-il effectif ? l’OHADA jouit-elle d’une telle popularité et est-elle
venue sauver et sortir ces peuples de la pauvreté ? Ce sont des questions dont la
résolution ne saurait que consolider la coopération et conforter la place de l’OHADA et
l’effectivité de son droit.
Au vue de ces problématiques et pour y apporter des solutions efficaces, il sera question
d’envisager une réforme de l’ERSUMA (Paragraphe 1) qui est à ce jour cet organe
facilitateur de la coopération juridique et ensuite d’étudier les autres facteurs qui
limitent l’étendue de cette coopération (Paragraphe 2).
748
Sur le sujet, voir aussi MODI KOKO BEBEY H. D., « L’harmonisation du droit des Affaires en Afrique :
regard sous l’angle de la théorie générale du droit », Revue ERSUMA, 2007.
189
place par l’organe dans sa mission de formation749, de documentation et de recherche.
Ainsi les Rapports AMADY BA de Mars 1999 et de LOHOUES-OBLE, d’Octobre
2002 soulignaient le caractère souple et évolutif des divers programmes entrepris par
l’organe communautaire.
Cependant, le rapport d’évaluation entrepris par l’Union Européenne, faisait état d’une
autre déficience dans l’action de l’ERSUMA, à savoir, l’inefficacité de l’activité de
recherche et l’insuffisance des mécanismes de vulgarisation du droit communautaire750,
qui ensemble constituaient un frein à la politique de formation de l’organe.
La recherche est l’une des composantes les plus importantes de l’œuvre communautaire,
dans le souci de nourrir la connaissance et les réflexions sur le droit des affaires
africain. Malheureusement, l’on a plus tendance à penser, eu égard à l’analyse faite des
priorités de l’ERSUMA, que la formation est au cœur de sa mission. Comme le
soulignait l’excellente « Etude diagnostique de l’ERSUMA » 751 réalisée en 2008, à la
demande de l’Union Européenne, par le Professeur Jean Jacques Raynal, « l’orientation
donnée à l’École lors de sa mise en place et les moyens humains qui lui avaient été
affectés depuis son ouverture ne permettaient pas qu’une telle activité s’y développe
»752.
Pour permettre à l’ERSUMA d’y remédier, l’UE concluait, dans le cadre du Programme
Indicatif Régional (PIR), une convention de financement dans le but de mettre en œuvre
l’action intitulée « Soutien technique et pédagogique à l’ERSUMA et appui
institutionnel à l’OHADA ». Ce projet permit la mise en place d’un centre de recherche
et de documentation, doté d’un personnel et de la logistique nécessaire et l’édition d’une
revue communautaire de droit des affaires. A cet effet, un comité d’experts fut réuni en
Juin 2011 à Cotonou afin de tracer la ligne éditoriale, le contenu juridique et les
diverses perspectives pour la pérennisation de la dite revue. Lors de ces travaux, furent
prise d’importantes décisions notamment celle de faire de cette revue communautaire le
relai des travaux scientifiques sur le droit africain, et de l’ouvrir aux universitaires,
praticiens, professionnels des secteurs d’affaires, afin qu’elle soit une référence
juridique en Afrique.
749
Ibidem.
750
Ibidem.
751
Cf. Annexes.
752
Cf. Annexes.
190
L’accent fut aussi mis sur la formation, dans le souci de rendre légitime et effectif
l’application du droit communautaire au plan national des Etats parties.
Cependant, divers facteurs ruinent encore la réussite effective et durable des diverses
mesures et initiatives prises dans le but de réussir ces missions communautaires.
En effet, l’un des objectifs de l’école est de former les magistrats et praticiens du droit
des affaires dans l’espace harmonisé. Une première mission qui s’étend au plan interne
des Etats, dans le souci d’une bonne promotion et de la vulgarisation des actes
uniformes OHADA. Le nombre de ces acteurs étant impressionnant, il fut institué que
l’école forme des formateurs qui, une fois dans leurs pays d’origine transmettent leur
savoir à leurs homologues. Cependant, force est de constater que cette perspective
souffre, du fait de l’insuffisance matérielle et des ressources limitées de l’organe pour
remplir au mieux cette mission de formation, l’école ne disposant que d’un budget de
fonctionnement n’incluant pas la documentation nécessaire à cet effet. Cette mission
dépendra donc essentiellement des bailleurs de fonds, notamment le PNUD, qui finança
entre autres la première session de formation. Malgré ces divers soutiens, l’ERSUMA
continue toujours de souffrir d’un manque cruel de financement pour ses diverses
missions754.
Il faut ajouter à cela le fait que les professionnels du droit n’ont aucun accès à la
formation, ni aux textes annotés et commentés. De ce fait, le traité offre des solutions
dans le cadre de procédures totalement ignorées, du coup, des divergences apparaissent
dans l’interprétation des textes, qui semblent ne pas trouver d’issue. Il n’est même pas
prévu des mesures de contrôle ni d’évaluation de la restitution des enseignements reçus
par les formateurs. Le gouvernement Centrafricain, par exemple, a envoyé quatre
formateurs à l’ERSUMA en 1999. Suite à quoi il organisa un premier séminaire 758 de
sensibilisation les 18 et 20 Octobre 1999 qui rassemblait 40 magistrats. Il est impossible
à ce jour, en 2015, de dire avec précision si cette première initiative et encore moins
celles qui l’ont suivie ont véritablement impacté sur les instances centrafricaines eu
égard à l’application du droit OHADA. Et plusieurs autres Etats membres se trouvent
être dans la même situation.
En résumé, les véritables contraintes aujourd’hui qui réduisent l’efficacité des actions
de l’ERSUMA relèvent d’un manque de ressources pour ses diverses missions, d’un
756
En guise d’exemple, la cour de Cassation n’étant plus juge de droit dans les contentieux relatifs au
droit harmonisé à l’exception de ceux qui appellent des sanctions pénales selon les termes de l’article 14
du traité, elle doit rendre systématiquement des arrêts d’incompétence lorsqu’il est évident que sa
compétence ne peut être retenue.
757
Article 1, AUDSCGIE, www.ohada.org.
758
Les séminaires de formation sont des groupes de travail au cours desquels des séries de conférences
sont organisées avec des thèmes différents sur le traité, ses objectifs, ses institutions, les règles issues
du traité, leur protée, les difficultés liées à leur application, les solutions plausibles à leur bonne
application.
192
manque d’infrastructures structurelles, d’un manque d’organisation interne d’actions et
surtout d’une absence de modules de contrôle de l’efficacité des acquis. Des problèmes
assez importants auxquels il urge de proposer des solutions.
En l’analysant de plus prêt les détails pratiques, cette solution a le mérite de résoudre
deux problèmes importants : celui du financement des activités de l’ERSUMA, qui alors
bénéficierait de l’appui de ces diverses autres organisations communautaires mais aussi
celui de la coopération plus accrue avec ses organisations. Une façon plus pratique de
rendre plus légitime et plus populaire l’œuvre communautaire de l’OHADA.
Cependant, cette solution implique la couverture d’une plus grande zone
communautaire, donc que le nombre de magistrats, de praticiens ou d’acteurs
économiques à former soit multiplié. Certes un avantage mais aussi une contrainte
supplémentaire pour un organe qui a déjà énormément de mal dans sa gestion et doit
faire avec le personnel réduit qui lui est attribué.
759
Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances créée en 1962.
760
Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle créée le 02 mars 1977 par l’Accord de Bangui
pour prendre la suite de l’Office Africain et Malgache de Propriété Industrielle (OAMPI) qui fût créée par
l’Accord de Libreville le 13 septembre 1962.
761
Créée en 2000.
762
Créée à Dakar au Sénégal le 10 Janvier 1994.
763
Créée le 16 Mars 1994.
193
Cette proposition fut tout de même mise en œuvre mais cependant sous l’aspect de la
recherche et de la documentation et non celui de la formation, faisant ainsi de
l’ERSUMA, une institution sans pareille dans l’espace harmonisé mais aussi au plan
africain, qui intègre l’idée d’une étude sur des modèles d’intégration autres que le sien.
Cela n’a cependant pas résolu tous ces problèmes. C’est ainsi qu’un projet de réforme
de l’ERSUMA est à l’ordre du jour et fait l’objet d’importantes discussions sur le
nouveau visage et les nouvelles attributions et prérogatives à donner à cette institution
de l’OHADA.
En effet, il nous semble primordial que l’ERSUMA élargisse ses propositions en terme
de formation. Un élargissement ratione personae qui implique que les cycles de
formation prennent en compte tous les corps, tous les personnels judiciaires et
parajudiciaires dont il faut assurer la spécialisation et l’information. Pour ce, sa mission
de formation doit toucher : les personnes du secteur privé qui se trouvent confrontées
aux droits uniformes des affaires (chefs d’entreprise; cadres ; membres d’organismes
professionnels) 764 et les fonctionnaires chargés d’œuvrer dans les organisations
internationales.
Par conséquent, elle devrait agir en collaboration avec les écoles nationales
d’administration, les écoles nationales de magistratures, l’ordre des avocats et les écoles
de formations des métiers juridiques765. Evidemment il faut préciser que le contenu de
ces cycles de formation divergera pour le personnel judiciaire et le parajudiciaire.
« Aussi, un élargissement ratione materiae, étant donné que le droit OHADA n’est pas
le seul en matière de droit uniforme des affaires. Il faudra ainsi envisager, comme nous
l’avons souligné plus haut la coopération avec les autres organisations qui produisent
des normes ayant des connexions avec le droit OHADA telles que l’OAPI (Annexes au
Traité), CIMA (Code CIMA annexé au Traité), UEMOA et CEMAC (Règlements) ».
Ainsi, l’ERSUMA veillerait à ce que les divers acteurs aient une connaissance plus
approfondie non pas que du droit uniforme OHADA mais aussi de l’ensemble des
dispositions du paysage juridique harmonisé.
764
Ce sont ces personnes qui sont le plus touchées par l’œuvre communautaire.
765
C’est ce que recommande, à juste titre, l’article 4, paragraphes 2 et 4 du projet de Règlement.
194
Concernant sa mission d’information, et toujours dans la même logique, l’ERSUMA, en
tant qu’institution autonome, devrait rendre disponible sur son site internet
www.ohada.org, toutes les parutions, les informations diverses sur la tenue des
colloques, des cycles de formation, des opérations et travaux scientifiques en son sein,
des actualités sur le droit communautaire, de l’évolution de la doctrine communautaire.
Cette mission est déjà assez bien remplie mais peut encore être améliorée et rendue plus
effective. Elle doit aussi veiller à la publication continue de l’autre source du droit
communautaire qu’est la jurisprudence. L’ERSUMA doit être au centre de la
communication et veiller à la mise en place d’une véritable base de données
jurisprudentielles, ce qui constitue à ce jour une véritable carence pour les travaux
scientifiques sur les questions communautaires, du fait de l’accès encore très
problématique à ces décisions. Par sa position, l’ERSUMA est toute proche de la
CCJA766 et des Centres nationaux de formation judiciaire (CFJ). Il lui est donc possible
et facile de collecter les décisions des juridictions nationales en s’alliant aux CFJ qui les
collecteront pour elles, les trieront, voire en élaboreront les abstracts et les sommaires
de façon à assurer une information jurisprudentielle régulière et massive, constituant la
seule base de mesure de l’incidence et de l’impact du droit communautaire, et ainsi en
relèverait les difficultés d’interprétation. L’intérêt d’une telle démarche est de faire la
promotion du droit uniforme mais aussi de lever les équivoques pour d’autres juges
soumis à des conditions déjà relatées antérieurement devant une autre juridiction ou
dans une autre affaire. C’est dire, et c’est important, qu’une telle mesure a le mérite de
participer aussi à la formation des magistrats, des avocats et des autres acteurs
judiciaires, via l’accès à cette jurisprudence communautaire.
766
Cf. ONANA ETOUNDI F., « L’état de la jurisprudence de la CCJA de l’OHADA », Revue trimestrielle de
droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.
195
vocations et actions ? »767. Dans cette perspective, le professeur Sawadogo propose que
l’école organise des conférences, des rencontres scientifiques, des colloques et des
séminaires, pour voir accueillir des chercheurs et des universitaires, mais aussi des
étudiants afin de favoriser plus spécialement l’engouement autour du droit OHADA et
promouvoir la recherche. L’ERSUMA dans la logique de cette coopération évoquée
plus haut, avec la CCJA et les CFJ, pourrait donc établir chaque année des rapports de
contrôle et de remise à niveau de son action au plan interne des Etats mais aussi au plan
communautaire, notamment par l’étude des résultats relatifs à la formation des acteurs
judiciaires, les résultats sur les apports de la doctrine communautaire et sur les impacts
de ses travaux sur l’amélioration des avancées de l’OHADA. Une façon indirecte de
s’attribuer le rôle de diffuseur et de contrôleur du droit uniforme.
- de procéder à un contrôle et une réduction des coûts (mêmes les Etats parties y
sont astreints) : faire le maximum avec les maigres ressources disponibles,
bannir tout gaspillage769 ;
767
In SAWADOGO, Rapport sur le droit OHADA, 2012, Revue ERSUMA.
768
Conférence des forces vives de l’OHADA, Cotonou, Bénin, 2013.
769
Ibidem.
770
Ibidem.
771
Sur le sujet, voir aussi TIGER P. et KEMOUN B., « Les rapports entre les juridictions de cassation
e
nationales et la CCJA de l’OHADA : Aspects conceptuels et évaluation – 8 assises statutaires de l’AA-HJK
à Lomé du 6 au 9 Juin 2006 », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa,
117e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007.
772
Ibidem.
196
- de rendre électronique la documentation disponible et les mettre en ligne pour
les usages de la science773.
En résumé, les diverses solutions évoquées œuvrent dans le sens d’une réforme de
l’ERSUMA, afin d’atteindre les objectifs fixés par l’organisation. Cependant, cet organe
n’est certainement pas le seul vecteur de la réussite de la coopération juridique et de la
consécration des acquis de l’OHADA.
773
Ibidem.
774
Sur un plan purement juridique par contre et exclusivement au plan communautaire, l’une des
limites à son action comme nous l’expliqueront dans cette partie.
775
Qui ont eux aussi montré leurs limites en matière d’efficacité au plan national.
776
Les divers échanges de tout ordre entre Etats membres.
777
La future célèbre question de la séparation des pouvoirs au plan communautaire car à ce jour,
aucune législation communautaire ne survie dans l’emprunte du politique. Une problématique que nous
développement dans nos futurs articles et travaux de recherches.
778
Une politique d’extension qui nécessite aujourd’hui d’être redynamiser eu égard à tous ces facteurs.
197
à quoi riment ces diverses politiques ? A quoi servirait réellement l’OHADA ? C’est
aussi dire, qui est censé être le dernier bénéficiaire ou le principal bénéficiaire 779 de
l’œuvre OHADA ? Et à ce jour, quel bilan retenir de l’action communautaire eu égard à
cette considération780 ?
Il n’y a nul doute qu’aucun chef d’Etat, aucune organisation communautaire, aucune
institution communautaire, aucun acteur de la vie communautaire ne prétendra un jour
que l’OHADA est l’œuvre d’un tel ou tel ou d’un groupe de tel dans le souci de garantir
une prospérité personnelle ou de satisfaire une envie ou un idéal personnel 783. C'est dire
que l’œuvre de l’organisation communautaire vise le développement non pas des
dirigeants africains ou d’un groupement spécifique mais des peuples africains784. Le but
étant de les sortir de la pauvreté, en leur garantissant un espace économique plus
favorable et plus viable, en leur assurant une prospérité et surtout des possibilités
communautaires d’échanges, censées surpasser le cadre de la mauvaise gouvernance
interne785 souvent remarquée. Les options juridiques et judiciaires qu’il urge à ce jour
d’étudier afin d’évaluer en quoi l’œuvre communautaire de l’OHADA a pu ou non
changer la vie de ces honnêtes populations. Et à l’heure d’établir ce bilan, il est assez
mitigé.
779
Tout porte à croire que l’œuvre de l’organisation communautaire est destiné aux entreprises et aux
acteurs économiques mais en ignorant bien entendu diverses implications internes que nous avons jugé
nécessaire de soulever.
780
Cf. Bérenger Y, MEUKE B., « observations sur les démembrements des droits sociaux dans l’espace
e
OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 117 Année, Numéro 858, Janvier – Mars 2007,
pages 97 – 104.
781
Rapport public annuel du Conseil d’Etat, « De la sécurité juridique », la documentation française,
1991.
782
In Rapport public annuel du Conseil d’Etat, op. Cit, p. 25.
783
Cf. Bérenger Y et MEUKE B., op. cit, p 100.
784
Victimes des fléaux de la pauvreté.
785
Une mal gouvernance qui ronge encore l’économie de ses Etats africains.
198
Notre approche dans cette partie est assez critique, nous tenons à le souligner, car nous
reconnaissons certes les acquis de l’ordre juridique OHADA mais nous ne sommes pas
partisans de la logique de réglementer pour réglementer ou d’organiser pour
organiser786. A cet effet, c’est l’impact de la mission de l’OHADA au plan interne qui
nous intéresse. C’est le succès auprès du citoyen lambda qu’il soit localisé aux
Comores, à Dakar, à Yaoundé, au fond de la forêt du Congo, ou encore au sein d’une
famille de pêcheurs ou d’agriculteurs, de simples commerçants 787 à une petite échelle
économique dans l’une ou l’autre des régions de ces 17 Etats conquis par l’œuvre
communautaire.
A cet effet, notre approche touche dans un premier lieu la vulgarisation788 non
seulement des actions de l’OHADA mais aussi du bien fondé et des avantages de
l’organisation pour les peuples africains.
A ce jour, ce bilan est des plus critiques car l’OHADA reste une grande ignorance dans
l’esprit de ces honnêtes citoyens, qui croupissent sous le poids de la pauvreté et de la
misère et n’ont de temps ni d’interlocuteurs pour leur expliquer l’intérêt encore moins
l’impact d’une telle organisation sur leurs quotidiens 789. C’est dire que l’OHADA à ce
jour n’a aucune politique efficace qui vise à garantir la vulgarisation de ses œuvres et
des avantages, aux populations. Quant on compare sur ce point l’organisation africaine
OHADA à l’Union Européenne par exemple, l’on se rend nettement compte de la
grande différence et du grand pas qu’il y a à faire.
En effet, les populations européennes, même dans les régions les plus reculées des
centres de prises de décisions790, connaissent toutes, l’existence et la prérogative de
l’UE. Elles en connaissent les attributions, les organes décidant et mieux encore suivent
régulièrement l’évolution des débats et l’actualité européenne 791. Certes ce n’est pas le
même type d’intégration mais l’UE a le mérite en tant qu’ordre juridique
communautaire, d’avoir veillé et avec la participation active des Etats, à s’accorder une
786
Toute démarche d’instauration d’un ordre juridique communautaire doit être une œuvre utile,
justifiée mais surtout réaliste et à cet effet, vecteur de résultats conséquents.
787
De l’informel.
788
Cf. Bérenger Y etMEUKE B., op. cit, p 102.
789
Des personnes aujourd’hui en Afrique, après 20 ans ne savent toujours pas ce qu’est l’OHADA alors
qu’en Europe par exemple, l’UE n’est plus une ignorance pour personne.
790
Bruxelles, Luxembourg, Strasbourg pour ne citer que ces quelques sièges des organes de l’UE.
791
Diverses chaines de télévisions Européennes sont très portées sur les débats communautaires et
permettent ainsi la vulgarisation des échanges au plan communautaire de l’UE.
199
certaine légitimité dans ses actions et surtout de la crédibilité à ses institutions. Ce qui
n’est certainement pas le cas de l’OHADA qui souffre encore de telles insuffisances.
S’il était question à ce jour d’organiser une élection nationale au sein de chaque Etat, un
référendum afin de juger de la nécessité ou non de rester dans cette organisation
communautaire africaine, le taux d’abstention serait extraordinaire 792.
Il faut le dire, et insister sur ce, lorsque l’on a pour ambition en tant que organisation
communautaire de se développer, de s’étendre à d’autre Etats, les meilleurs
ambassadeurs pour une telle cause sont les bénéficiaires des actions mises en œuvre,
c'est-à-dire les populations. Et pour ce, il urge de repenser la politique de vulgarisation
et de promotion de l’OHADA au plan interne des Etats.
Il faut aussi souligner dans notre analyse que si l’organisation en est encore à ce taux
négligeable de popularité au plan national des Etats, c’est aussi la faute des dirigeants
qui limitent leurs actions à la prise de décisions au plan communautaire. C'est-à-dire
qu’à ce jour, très peu de colloques, de séminaires ou d’ateliers de vulgarisation ou
d’information sur le droit communautaire, ses avantages et sa politique sont organisés
au plan national ou véritablement médiatisés. L’on nous dira, dans diverses enquêtes 793
que nous avons réalisé au sein de l’ERSUMA à cet effet, en Juin 2014, que la raison
principale est le manque de ressources financières pour de tels projets. Mais nous avons
déduit une autre raison. La source même de ce problème provient de la mauvaise foi des
politiques africains 794 en matière d’alphabétisation et d’émancipation des populations
pauvres et les plus reculées. C’est dire, et admettre avec regret certes mais il faut le dire
et insister là dessus, que le politique africain, le gouvernement tire plus de profits d’une
population ignorante et indigène, qui se révélerait ainsi plus facile à manipuler que
d’une population émancipée et souveraine, maître de son destin et de ses choix
économiques et politiques795. Car il sert absolument à rien de financer des projets
d’informations et de sensibilisation pour des populations qui savent déjà rien de ce
qu’est un acte uniforme, ni des attributions de la CCJA, ni des avantages qu’apporte
l’OHADA, ni d’un quelconque ordre juridique communautaire. Pire, des populations
792
Eu égard à l’incroyable impopularité auprès des peuples africains.
793
Cf. Annexes : détails sur l’enquête, les critères d’évaluation, les résultats obtenus.
794
Cf. NDAM I., « l’invocation en matière judiciaire : obligation ou simple faculté pour la cour commune
de justice et d’arbitrage », Revue Ersuma numéro 886, page 89.
795
Un facteur crucial du recul économique africain, comme nous le présenterons dans nos prochains
travaux.
200
que cela n’intéresse certainement pas, vu que l’impact sur leur vie est presque
inexistant796.
Ces chiffres sont inexistants tellement le résultat est mitigé. C'est-à-dire qu’à ce jour, les
seuls qui ont déjà bénéficié des voies de recours ou des mécanismes mis en place par le
législateur communautaire sont des entreprises soit internationales soit nationales mais
avec des ressources financières et un capital assez conséquent. Comparativement à
l’UE, dont la juridiction n’a certes pas les mêmes attributions et prérogatives que la
CCJA mais qui à ce jour a enregistré des milliers de cas de saisine de divers Etats et de
diverses populations, le gage du bon fonctionnement de l’institution et de la crédibilité
et de la légitimité dont elle jouit auprès des populations de ses Etats membres 797, c’est
aussi le gage d’une certaine organisation juridique et judiciaire que cet ordre
juridique798 a su mettre en place pour s’assurer la réussite de ses missions dans l’espace
européen. Par contre, seuls les grosses pointures du commerce africain, les acteurs
économiques majeurs, sont les utilisateurs les plus aguerris du droit OHADA 799. Alors
que l’on sait que l’un des soucis majeurs manifesté par les Etats membres de
l’organisation était de pouvoir sortir divers petits commerces de l’informel 800. Des petits
investisseurs qui ensemble, constituent une véritable puissance économique et surtout
un manque à gagner important pour les Etats, étant donné qu’il échappe à toute
imposition. Il faut reconnaitre avec tristesse que toutes les mesures prises et envisagées
par l’OHADA ne semblent pas porter encore leur fruit sur le plan pratique et que ses
Etats souffrent encore de ce phénomène africain.
C’est dire et reconnaitre aujourd’hui que quelque part, l’OHADA dans sa perspective
d’intégration, souffre d’un véritable problème de proximité avec les populations dont
796
Des populations qui ont des soucis de survie plus importants que de s’informer et de s’instruire sur le
droit des affaires communautaire.
797
L’accès du justiciable à la justice est très importante dans toute œuvre de sécurité judiciaire.
798
L’UE.
799
Il est très incertain à ce jour pour un justiciable africain lahnda d’avoir recours à un avocat n’ayant
pas les moyens pour faire valoir ses droits.
800
La vraie raison n’étant pas de leur assurer des droits mais juste de les rendre imposable et constituer
de nouvelles recettes pour l’Etat.
201
elle est censée défendre et garantir les intérêts dans l’espace harmonisé. C’est surtout
reconnaitre qu’il est impossible pour l’organisation de s’étendre à d’autres Etats, et pour
cela même, d’intéresser d’autres Etats si elle ne fait pas l’unanimité et ne gagne pas la
légitimité nécessaire auprès de ces peuples en soif et en quête d’idées novatrices pour
sortir de la pauvreté.
Il est donc question de sensibiliser le plus grand nombre sur le bien fondé de l’action
communautaire mais aussi et surtout de ressortir les intérêts de cette action pour eux,
pour leur développement personnel, pour leurs besoins économiques et la sécurité de
leurs investissements quel qu’en soit la teneur803.
L’OHADA doit réussir à sortir ces peuples de leur clivage traditionnaliste et leur faire
comprendre l’urgence de nouer avec le modernisme et les nouvelles réalités socio-
économiques.
801
IBRIGA L., « spécial thème : Régional Economic Intégration in Africa Part I », Revue Ersuma, 2012,
P.163.
802
SALEY SIDIBE H., « la durée des sociétés commerciales en droit OHADA », numéro 888, pages 335.
803
De nouveaux enjeux pour l’OHADA dans sa perspective d’intégration.
202
Le professeur Dieunedort NZOUABETH, nous racontait durant un cours, en Master 1,
droit comparé portant sur le Droit communautaire 804, que lors d’une mission de
sensibilisation effectuée dans une zone reculée en Afrique, que l’une des intervenantes
leur répondait sur la question des droits de la femme, « qu’il est bien beau de leur dire
qu’elles ont des droits mais quitte à s’en servir où ? Devant qui ? Ou face à qui ? Qu’il
leur est déjà très difficile voir impossible de tenir tête à leur mari ou même de songer à
se plaindre, même battue. »805 Ceci montre clairement les dures réalités auxquelles font
face ces femmes, mais aussi ces populations, qui vivent encore dans une sorte de
tradition, qui n’admet de place à la justice, à l’équité ou encore moins au droit des
affaires. C’est dire et surtout comprendre quel lourd travail attend l’OHADA dans un
souci de vulgariser son action.
Les solutions que nous proposerons se veulent aussi être un appel à la conscience et à
relativiser aujourd’hui les vraies raisons de l’harmonisation 806. D’abord pour l’OHADA,
il sera question de repenser les objectifs pour qu’ils soient bien clairs qu’il n’est pas
seulement question d’édicter des actes uniformes, de créer des juridictions mais qu’il est
avant tout question de trouver des solutions juridiques, pour une sortie de la pauvreté,
par les garanties du droit des affaires, c'est-à-dire qu’a ce jour, l’OHADA doit
certainement reconsidérer sa politique 807.
Sur un plan plus pratique, il serait nécessaire et comme le proposent certains auteurs que
soit créé un parlement régional OHADA afin d’impliquer au mieux les populations aux
prises de décisions communautaires. Ce parlement aurait ainsi la particularité de
représenter toutes les classes sociales concernées par les actions du droit harmonisé
mais aussi toutes les populations de l’espace harmonisé afin, non seulement que les
questions communautaires soient débattues en considération des réalités de tous mais
aussi que les décisions prises soient répercutées sur tous, afin de garantir une certaine
publicité. L’autre avantage d’une telle mise en place est d’assurer à l’OHADA une
certaine popularité, de la crédibilité et une légitimité auprès de ces populations, des
choses qui lui manquent cruellement. L’Organisation va ainsi s’assurer une certaine
prospérité et surtout une attractivité pour les autres Etats n’y étant pas encore.
804
Cf. EYANGO DJOMBI D., « la nouvelle définition du commerçant dans l’acte uniforme OHADA au
regard de la théorie juridique de l’acte de commerce », Revue Ersuma numéro 888, pages 372.
805
Dieunedort M., Cours de droit communautaire, Cotonou, 2011.
806
Ibidem.
807
Cf. Titre 2, Deuxième partie.
203
L’autre solution à préconiser serait d’assurer, auprès de chaque Etat des délégations
communautaires pour assurer la communication sur les questions qui touchent ou
intéressent le droit communautaire, une façon non seulement de recueillir les avis, les
opinions, les difficultés de ces populations mais de les impliquer plus spécifiquement
dans le processus décisionnel, ce qui constituerait un atout majeur.
Diverses réflexions devraient aussi être menées dans le sens de garantir une accessibilité
facile aux instances judiciaires sur les questions touchant à l’ordre juridique harmonisé,
ce qui constitue à ce jour un luxe pour une certaine tranche de la population africaine 810.
Des justiciables qui, en grande partie, ignorent encore tout ou presque des voies de
recours, des textes communautaires existants, aussi et surtout, nourrissent encore
d’énormes suspicions sur l’impartialité de nos juridictions nationales et sur leur
efficacités. Des inquiétudes qui, nous le verrons par la suite, sont tout à fait fondées
dans la pratique. Des inquiétudes qui ruinent encore l’éclosion de l’OHADA et sa
perspective d’extension.
Mais l’éclosion de l’OHADA n’est certainement pas due qu’à des facteurs d’ordre
national. Son modèle d’intégration souffre encore de bien des insuffisances au plan
matériel.
808
Question que nous aborderons plus spécifiquement dans la suite.
809
Le travailleur est le citoyen par excellence, le plus proche de la société, du peuple mais aussi le plus
proche du politique et des décisions sociales et économiques mis en œuvre. Un atout majeur pour toute
politique d’extension, comme nous l’expliquerons.
810
Eu égard au coût très élevé de la procédure.
204
CHAPITRE II
Il urge de se demander si, les actes uniformes adoptés ont toujours été les meilleurs ou
les plus nécessaires, si les divers projets d’actes uniformes n’ayant jamais connu le jour
ne justifiaient pas d’un besoin et d’une opportunité de codification de ces domaines, si
l’OHADA dispose réellement d’une bonne politique dans le choix et la mise en place
des matières à harmoniser (Section I).
Ces diverses interrogations, une fois résolues ne seraient qu’un atout certain à la
perspective d’un droit OHADA plus efficace mais aussi d’un espace harmonisé plus
sécurisé et plus fiable pour les divers acteurs économiques.
Cette sécurité juridique, il en est bien question dans toute l’œuvre communautaire de
l’OHADA. Sur la question, l’on n’ignore pas que les mesures répressives ont le mérite
d’avoir un caractère dissuasif. Cependant, la répression des incriminations prévues au
plan communautaire est encore un réel casse-tête pour l’intégration813. Sur ce, il urge
aussi d’entreprendre des démarches dans ce sens afin de promouvoir et d’envisager
l’opportunité d’un acte uniforme spécifiquement porté sur la répression des infractions
prévues par le législateur OHADA (Section II).
811
Exemple de l’UE dans la réglementation et la sanction des clauses pénales abusives : CCJE, 30 Mai
2013 aff. C-397/11
812
Exemple du droit du travail et du droit pénal que nous aborderons dans cette partie
813
Cf. Mathieu D., in Dictionnaire permanent-droit européen des affaires, juillet 2013, p.7
205
Section I : Les insuffisances des mécanismes d’adoption des actes
uniformes
La question de l’élaboration des actes uniformes intervient dans le contexte précité,
comme une réponse aux besoins non seulement du marché, du droit des affaires, à une
nécessité de sécuriser tel ou tel autre domaine, mais surtout de répondre à un besoin
commun. Vu de la sorte, notre analyse personnelle nous laisse penser que certains actes
uniformes méritent un plus que d’autres de voir le jour. Quand on raisonne en termes de
besoins, on ne comprend pas en effet le fait que le projet d’acte uniforme sur le droit du
travail, souffre de difficultés et le fait que son adoption pose encore des problèmes.
Surtout quand on sait que des milliers de travailleurs en Afrique, dans l’espace
harmonisé, travaillent sans être protégés par aucune législation, dans une totale
ignorance de leurs droits et libertés syndicales et en toute impunité des éventuels
employeurs adeptes de pratiques d’influences et de pression visant à maintenir ces
personnes sous le joug d’une forme d’esclavage, ayant pour cheval de bataille le
chômage sévissant en Afrique. C’est aussi se demander quel politique effectif
l’OHADA propose pour sortir toutes ces entreprises enfouies dans l’informel, afin de
les rendre imposable et en règle juridiquement dans ces Etats. C’est autant de chantiers
aussi importants que ceux déjà élaborés, qui nous poussent à ne poser la question de
savoir comment l’OHADA choisit-elle ces matières du droit uniforme.
Elle nous laisse aussi nous demander si la solution aux problèmes de l’organisation
réside vraiment dans la diffusion d’autant d’actes uniformes que possible ! Est-ce
qu’éventuellement un corpus juridique plus important et plus imposant est la solution à
tous les maux dont souffre non seulement l’OHADA mais l’économie de ses Etats
membres ?
Ces diverses problématiques sont ici au centre de notre analyse et nous les aborderons
en voyant d’une part la problématique de l’élaboration des actes uniformes (Paragraphe
1) afin d’en envisager d’autre part les solutions pour l’efficacité des dispositions
matérielles uniformisées (Paragraphe 2).
206
Paragraphe I : La problématique de l’élaboration des actes
uniformes
Cette problématique se situe sur deux plans, celui du choix des matières à harmoniser 814
et celui des limites de la procédure d’élaboration.
Mais cette question étant d’un grand intérêt pour nos travaux, nous y reviendrons plus
spécifiquement dans la suite.
La question se pose comme nous l’avons souligné, du fait de la largesse dont fait preuve
l’article 2 en question. En donnant la liberté au conseil des ministres d’inclure toute
autre matière du droit, le traité donne donc la possibilité au législateur communautaire
d’entrer dans tous les domaines du droit qu’il jugerait nécessaire, notamment le droit
civil816, puisqu’il n’indique aucun critère d’inclusion. A cet effet, ne nous étonnons pas
de voir un jour surgir un projet d’acte uniforme sur le droit de la famille ou portant code
814
Comme évoquer plus haut, plutôt uniformiser.
815
Ces matières font partie du domaine juridique uniformisable par l’OHADA ; en dehors d’elles, il
appartient au Conseil des ministres de choisir celles qui subiront le même sort. Actes du Colloque sur
l’harmonisation du droit OHADA des contrats – Ouagadougou 2007 468 Unif. L. Rev. 2008.
816
Cf. Mathieu D., ibidem.
207
des personnes, les successions, les libéralités, malgré que cela n’est aucun rapport avec
le droit des Affaires OHADA. Ceci serait toutefois contraire, logiquement au traité.
Il n’est donc pas exagéré de relever que la rédaction de cet article 2, in fine, constitue
une imprudence de la part des signataires du traité puisque, en principe, sa mise en
œuvre peut conduire, aux dépens des parlements nationaux, à un abandon total de
souveraineté dans le domaine du droit privé 817. Ce qui en la forme serait non seulement
désastreux mais aussi aurait le risque de causer à la longue une implosion de l’OHADA.
De plus, l’on a pris l’habitude de voir le droit communautaire envisager des projets
d’actes uniformes soient trop vastes, soient trop retrayants ne prenant en compte tous les
aspects juridiques et les besoins du droit des affaires et du domaine concerné818. Pour le
droit du travail communautaire par exemple, il n’était pas nécessaire d’élaborer un
véritable code du travail uniforme de plusieurs centaines d’articles alors qu’il était juste
question d’uniformiser uniquement les règles indispensables au fonctionnement de
l’entreprise819, à travers les contours820 du contrat de travail821.
Il a été ainsi reproché à l’OHADA, de ne pas tenir compte des réalités socio-
économiques et culturelles des marchés économiques de ses Etats membres. Ce qui
constitue le siège, le centre de l’application de ces actes uniformes, devraient être pris
en compte pour assurer une certaine unanimité sur le contenu des projets éventuels. A
cet effet, la question de la participation des acteurs économiques et civils des Etats
membres à l’élaboration des projets d’actes uniformes trouvent tout son sens et sa
pertinence. En effet, qui, mieux que ces personnes connaissent les besoins du marché,
connaissent les réalités de chaque marché, connaissent l’état des mécanismes déjà en
place et les besoins nouveaux. C’est aussi l’un des aspects qui ruinent considérablement
l’effectivité des actes uniformes.
817
Cf. Mathieu D., Ibidem
818
Voir ISSA SAYEGH J. et LOHOUES-OBLE J., Harmonisation du droit des affaires, éd. Bruylant (2002), n°
93 et s.
819
Envisagée comme acteur économique
820
Signalons d’ailleurs que dans les années 1990, la plupart des Etats parties avaient (sans concertation
apparente mais sous la férule bienveillante du BIT) harmonisé leurs codes du travail sur ces points.
821
Formation, exécution, fixation des indemnités de licenciement, clarification des droits du travailleur
208
B. Les limites de la procédure d’élaboration des actes
uniformes
La procédure d’élaboration des actes uniformes est très insuffisante et critiquable à ce
jour. En effet, telle qu’elle est décrite par le traité, cette procédure souffre de certaines
carences notamment, le besoin et l’importance qu’elle accorde à la notion d’unanimité
dans l’adoption des actes uniformes. Ainsi, comme en témoigne la fâcheuse expérience
de l’élaboration des actes uniformes sur le droit du travail et celui des contrats, il est
évident que des conclusions soient tirées et que la question de l’efficacité des
mécanismes de vote et d’adoption des actes uniformes soit d’actualité822.
En effet, dans le processus d’élaboration des projets d’actes uniformes, il n’est apporté
aucune information assez précise sur l’étendue juridique de la réforme à envisager. Ce
qui a donné dans la plupart des cas d’actes uniformes non adoptés, des dispositions très
éparses et très étendues, ne rassurant pas vraiment sur la prise en compte des réalités
socio-économiques des Etats parties.
La doctrine relevait dans ce sens, que « même si le choix de la matière à uniformiser est
déterminé (droit du travail, par exemple), il faut que le Conseil des ministres (à
l’instigation du Secrétariat permanent, nous semble-t-il) indique à l’expert, dans un
document portant les termes de référence, le périmètre et la profondeur du domaine
juridique à uniformiser. »823
Si cette mesure avait été envisagée et prise en compte pour les deux actes uniformes
précités824, il nous semble que l’OHADA aurait évité une impasse sur cette question.
822
Sur la question, voir aussi ISSA SAYEGH J., La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur
le droit interne des Etats-parties, Revue Burkinabé de droit, numéro spécial, 2002.
823
FOKO A., La négociation collective en droit du travail : contribution à l’analyse prospective des
normes applicables à la veille de l’adoption d’un nouvel acte uniforme OHADA, revue Penant, numéro
858, Janvier-Mars 2007, P. 28.
824
Ibidem.
825
Ibidem.
826
Cf. FOKO A., op. cit, p. 30.
209
n’est pas facile de répondre, voir même inutile d’ailleurs étant donné que certains
d’entre eux ne verront peut-être jamais le jour, ou alors ne seront en aucune mesure
porteur de l’idéal et de la sécurité juridique qu’ils étaient censé garantir 827.
A ce titre et eu égard à tout ceci, il urge d’envisager des solutions pour garantir la
pérennité du droit OHADA mais surtout de l’efficacité de ses mesures, d’où il tire toute
sa légitimité, comme il peut être noté une telle avancée 828 en droit européen829.
827
Cf. Issa S., ibidem.
828
CJCE, 30 mai 2013, aff. C-488/11.
829
Cf. Dictionnaire permanent - droit européen des affaires, op. cit., p.7.
830
Carbonnier J., Essais sur les lois, Répertoire du notariat latin, 2ème édition, Paris, 1995, p. 225.
831
Il s’agit de recenser les personnes physiques et morales susceptibles de constituer des acteurs
économiques de premier plan et incontournables tels que les commerçants personnes physiques, les
sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique ainsi que les intermédiaires du
commerce dont le statut uniforme a déjà été élaboré par l’OHADA.
210
- Les magistrats et acteurs de la justice, dans le souci de connaître les difficultés
que ceux-ci rencontrent dans l’application du droit communautaire afin de
mieux rendre les décisions et consacrer l’application des actes uniformes.
- La société civile 832, en tant qu’acteur aussi de la vie sociale et économique 833 et
vecteur de développement de l’économie des Etats. L’opinion de la société
civile est importante dans le souci de comprendre au mieux les réalités
socioculturelles et économiques et d’en tenir compte dans la mise en place du
corpus juridique OHADA ;
- les actes économiques834 ; les biens économiques835 ; les procédures
économiques836 dans le but de respecter la spécificité du droit des affaires 837 qui,
d’une part, ne doit pas empiéter sur la théorie générale du droit ou du droit
commun et, d’autre part, son utilité ou sa pertinence eu égard à l’importance de
la matière à uniformiser pour faciliter les échanges ;
832
« En effet, il faut regretter qu’aient été omises, jusqu’à présent, les sociétés civiles qui ont une
activité économique lucrative aussi importante que les sociétés commerciales. On s’étonne qu’à
l’inverse, les associations, les coopératives et les mutuelles, qui n’ont aucune activité lucrative aient été
l’objet d’une attention particulière de l’OHADA ».
833
Les sociétés civiles avec toutes leurs déclinaisons (sociétés civiles immobilières, sociétés
professionnelles).
834
« Hormis la théorie de l’acte de commerce, acte économique générique par excellence, l’OHADA s’est
préoccupée d’actes économiques spécifiques tels que le contrat de vente entre professionnels, le bail
commercial, le courtage, la commission, le contrat de transport. Mais il en est bien d’autres à
réglementer pour en harmoniser le régime juridique dans l’espace OHADA. Ainsi en est-il du crédit-bail,
du franchising, du factoring, du contrat de concession exclusive, de tous les contrats de distribution. Ils
n’ont fait l’objet d’aucune manifestation d’intérêt de la part de l’OHADA jusqu’à présent ».
835
« Le fonds de commerce, déjà traité dans l’acte uniforme sur le droit commercial général, est le bien
économique prépondérant du monde des affaires ; mais il en existe d’autres tels que ceux qui
constituent la propriété intellectuelle. Certes, celle-ci est déjà réglementée par un texte de droit
uniforme (OAPI) ».
836
Outre l’arbitrage, il existe d’autres modes de règlement des litiges que le recours aux juges étatiques
ou à l’arbitrage, qui mériteraient une uniformisation. Il en est ainsi de la médiation et de la conciliation
837
« L’OHADA peut s’intéresser à elle à deux égards : en déterminant le régime du gage des éléments de
la propriété intellectuelle qui est simplement annoncé par les annexes du Traité OAPI mais non défini et
cela, par une adjonction de cette garantie à l’acte uniforme et sur les sûretés en s’appropriant le
contrôle de l’application du droit uniforme de la propriété intellectuelle par la CCJA, une telle opération
ne pouvant se faire que par modification du Traité OHADA (il en serait de même pour le droit uniforme
des assurances du code CIMA) ; une telle appropriation aurait le mérite de rendre transparente
l’application de ces deux importantes législations uniformes, transparence nécessaire à la sécurité
juridique et judiciaire ».
211
Par exemple, en matière d’activité bancaire de réglementations sur les établissements
financiers838 où l’OHADA doit faire avec les mécanismes de réglementations de la
CEMAC en la matière ou encore de l’UEMOA.
De plus, il est important de résoudre la question du vide juridique que laisse l’article 2
du Traité, évoqué. Sur ce, il faut préciser que le droit des affaires n’est pas un droit
spécifiques et qu’à cet effet, il peut t’intervenir des interférences avec des régimes du
droit commun et des règles de la théorie générale du droit 839. Il en est ainsi du statut du
commerçant ou de l’entreprenariat et le droit des personnes, ou encore le droit des biens
ou du droit des contrats et la notion de faits et actes juridiques.
Un acte uniforme portant théorie générale des contrats concernera aussi bien les contrats
civils que commerciaux. La doctrine souligne qu’il en résulte que : « la CCJA sera
compétente pour connaître, en cassation, de tous les contrats civils y compris ceux qui
n’ont rien à voir avec le droit des affaires tels que le bail à usage d’habitation, un contrat
de régime matrimonial, un prêt ou une location entre voisins, un mandat entre un père et
ses enfants »840. Cette omni-compétence de la CCJA841 en ce domaine de droit général
conduira à son engorgement et au dépouillement, voire au dénuement des cours de
cassation nationales842.
La doctrine souligne aussi quelques suggestions, que nous épousons, auxquelles doivent
répondre les nouveaux actes uniformes :
838
Etablissement de crédit.
839
Gatsi J., la jurisprudence source du droit OHADA, Juriscope, 2012, p. 15.
840
Issa S., op cit.
841
Cf. Guinchard S., op. cit., p.27.
842
Si des techniques (harmonisation souple) ou une organisation soulevant moins de difficultés, c’est-à-
dire qui n’encombrerait pas la CCJA, sont trouvées, cela pourra ouvrir largement la voie à des actions
d’harmonisation de grande envergure.
212
- être conformes à l’évolution du droit des affaires dans le monde, notamment
dans les principaux Etats avec lesquels les Etats parties au Traité de l’OHADA
entretiennent des relations d’affaires ;
- être adaptés à la situation économique des Etats parties ; il ne doit pas s’agir de
règles trop sophistiquées qu’il serait difficile de mettre en œuvre au sein des
Etats ;
- tenir compte de l’impact recherché, à savoir le développement économique et
social ; l’on sait par exemple qu’une société au capital ridicule (un euro) aura un
impact économique équivalent, c’est-dérisoire ou inexistant ;
- prendre en compte les actes uniformes déjà adoptés pour ne pas entrainer des
contradictions ; toutefois, si des contradictions venaient à naître, elles pourraient
être résolues en recourant aux principes d’interprétation classique en droit
interne comme : la supériorité de la loi nouvelle ; le fait que la loi spéciale
subsiste malgré l’adoption d’une nouvelle loi ;
- reconnaître un rôle central aux commissions nationales d’harmonisation du droit
des affaires conformément au « Texte d’orientation relatif à la création, aux
attributions, à l’organisation et au fonctionnement des commissions nationales
de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires
(OHADA) » adopté à Brazzaville et, éventuellement, des recommandations de la
réunion de Dakar des 29 et 30 mai 2008 « sur la redynamisation des
commissions nationales ».
En conclusion, il faut retenir que le choix d’une matière à uniformiser doit être envisagé
avec prudence et après mûre réflexion et débats sérieux entre tous les organes de
l’OHADA, échanges nombreux entre les Etats et l’OHADA, et entre cette dernière et
les autres organisations internationales. Ceci dans le but de prendre une décision
largement acceptée, nécessaire, efficace et légitime.
213
spécifiques au type de domaine à uniformiser et aux attentes définies non seulement par
l’organisation communautaire mais par les divers acteurs économiques 843.
Aussi, une attention particulière doit être portée sur la délimitation du champ de l’acte
uniforme à adopter844. C'est-à-dire l’étendue de la codification uniforme, dans le souci
de veiller à ne pas prendre en compte des considérations inutiles qui rendraient plus
lourds et plus longs la procédure d’adoption mais aussi le contenu du texte à adopter.
On peut d’ailleurs suggérer, si ce n’est déjà fait, de cadrer l’acte relatif au droit du
travail sur le contrat de travail et le régim e des conventions collectives845 et non
s’aventurer dans des domaines de politique sociale (hygiène, sécurité, économats,
représentation du personnel ou du syndicat dans l’entreprise). A supposer que cette
mesure de délimitation soit prise en compte, il faudra veiller à ce que l’expert chargé de
la rédaction de l’acte uniforme se soit conformer au cahier des charges, ce qui conforte
encore une fois notre proposition de mise en place de commission ah doc pour un
contrôle tout au long du processus. La doctrine retient qu’ « Il ne suffit pas de donner
mandat à un expert pour conduire la rédaction d’un avant-projet d’acte uniforme. Il faut
également donner un contenu précis à sa mission. Dans la pratique, cette précision est
donnée dans les termes de référence que doit élaborer celui qui commande l’étude et qui
indique ainsi à l’expert non seulement l’objet de sa mission, mais aussi les contours
précis du travail attendu. L’OHADA doit se soumettre à cette procédure si elle veut
gagner en efficacité dans l’élaboration des actes uniformes. »846
843
Cf. ISSA SAYEGH J., « La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des
Etats-parties », Revue Burkinabé de droit, numéro spécial, 2002.
844
Des mesures importantes pour toutes les futures démarches de codification communautaire.
845
Notamment les conventions collectives d’entreprise et les conventions collectives nationales
interprofessionnelles.
846
Propos du professeur Issa S. lors d’une conférence régionale sur le droit OHADA, 2012.
847
Cela serait profitable pour tous les pays qui en sont restés au Code Civil de 1804 et au Code de
Commerce de 1807. On peut même songer à renouveler l’expérience pour d’autres domaines du droit
214
certaines règles uniformes a été mis en exergue par un auteur848 qui cite notamment les
articles 28849, 29850, 30851, 32852 et 49853 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Il mentionne
également les règles uniformes sur l’exéquatur 854, le sursis à l’exécution855, la nullité
des actes de procédure856. C’est un appel à la relecture et au perfectionnement des Actes
uniformes : « Le droit OHADA se réduirait-il finalement à une réforme qui pose plus
de problèmes qu’il n’entendrait en résoudre ? », s’interroge le juge Maïnassara
Maïdagi857.
général afin de moderniser l’arsenal juridique de ces Etats. C’est ainsi que procédait le BAMREL (Bureau
africain et malgache de recherches et d’études législatives).
848
Maïnassara M., « Le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA », Penant, 2006, n°
855, p. 176 et s.
849
Qui subordonne l’exécution forcée et les mesures conservatoires au défaut d’exécution volontaire,
sans préciser si une mise en demeure est requise et quelle est la sanction de l’absence de cette mise en
demeure.
850
Qui oblige l’Etat à concourir à l’exécution des décisions de justice et des autres titres exécutoires sous
peine d’engager sa responsabilité, sans que pareil prescrit n’effraie les parquets et policiers qui
interfèrent parfois indument dans le processus d’exécution.
851
Sur l’immunité d’exécution dont jouissent les personnes morales de droit public et entreprises
publiques, sans définition de ces concepts.
852
Sur l’exécution forcée d’un titre exécutoire par provision, sans régler le sort des défenses à exécution
provisoire organisées par certains droits nationaux.
853
Sur la notion générique de « président de la juridiction statuant en matière d’urgence », alimentant
la controverse sur le point de savoir s’il s’agit du juge des référés ou d’un juge de l’exécution autonome.
854
Les arrêts de la CCJA sont dispensés de l’exéquatur. L’exéquatur des sentences arbitrales rendues
sous l’égide de la CCJA est accordé par le président de la Cour et est valable dans l’espace OHADA. Le
silence règne encore au sujet de l’exécution dans l’espace OHADA des décisions rendues par les
juridictions des premier et deuxième degrés d’un Etat partie en matière de droit uniforme.
855
« Il peut être sursis à l’exécution de la décision contre laquelle le pourvoi en cassation est porté devant
la juridiction de cassation nationale alors qu’il ne peut en être de même si le pourvoi est porté devant la
CCJA », ce qui peut pousser à préférer saisir la juridiction de cassation nationale même si elle n’est pas
légalement compétente pour connaître du recours.
856
Au régime « pas de nullité sans grief » connu pour sa simplicité, le droit OHADA introduit un système
plus complexe : la preuve d’un grief est requise dans les cas de nullité expressément visés par l’article
297 de l’AUPSRVE. Dans les autres cas, l’inobservation des formalités prescrites à peine de nullité est de
plein droit.
857
Masamba R., op. cit., p. 10.
858
SAWADOGO P., « Rapport sur l’état du droit OHADA », Ersuma 2014, p. 18 – 20.
215
« Il ne faut pas que l’OHADA éprouve un sentiment de désœuvrement ou d’inutilité
parce qu’à un moment donné elle n’aurait pas de projets d’actes uniformes en chantier.
L’harmonisation tous azimuts pourrait transformer les systèmes juridiques nationaux en
un écheveau juridique difficile à démêler. »859.
Il est encore plus important de rappeler cela, eu égard à l’énorme vide juridique que
laisse à ce jour l’OHADA en matière de droit pénal et de répression des infractions
prévues au plan communautaire. Une problématique des plus importantes à ce jour,
auquel il urge de répondre efficacement.
859
Le ralentissement ou le stop et non l’arrêt semblent a priori souhaitable. Cela va dans le sens de la
décision n° 005/2009/CM/OHADA du 22 mai 2009 portant orientation stratégique quinquennale pour
l’harmonisation du droit des affaires. On verra qu’il se peut qu’il y ait des matières qui auraient dû être
touchées par les premiers mouvements d’harmonisation et qui demeurent hors de la sphère du droit
uniforme.
860
VIRALLY M., Cours général de droit international public, RCADI, 1983, t.183, p. 124, cité par Michel
MAHOUVE, « le système pénal OHADA ou l’uniformisation à mi-chemin », Penant, n° 846, 2004, p. 87.
861
TCHANTCHOU H., « Etat du droit pénal dans l’espace Ohada », revue spéciale Ersuma, 2011, p.23
862
Sur le sujet, voir aussi TCHANTCHOU H., « La supranationalité judiciaire dans le cadre de l’OHADA,
études à la lumières du système des communautés européennes », Revue Ersuma, 2012
863
Ibidem
864
Ibidem
216
Cependant en droit pénal, l’ordre international fait bien en avançant avec énormément
de précautions. Le pouvoir de répression est reconnu comme le reflet de l’identité
nationale et la législation en la matière reste fortement marquée de l’empreinte de
l’exercice interne de la souveraineté étatique.
Pourtant, il urge aux regards des chantiers et des attentes de l’OHADA qu’il soit mis en
place un cadre tout aussi uniforme en matière de responsabilité pénale en droit des
affaires. D’où la l’importance de notre étude sur la question afin d’en envisager la
faisabilité. A cet effet, il sera question de la mise en place d’un système pénal général
OHADA (Paragraphe 1) et d’un système plus spécifique pour les infractions prévues
dans les actes uniformes OHADA (Paragraphe 2).
865
Cf. Daniel F., Droit Pénal européen, les enjeux d’une justice pénale européenne, 2e édition Larcier
Europe, p 15 – 30.
866
Cf. Bedel J. et TCHOUAMBIA T., « la poursuite des infractions pénales OHADA devant les juridictions
d’instances camerounaises : où est passé le Ministère public ? », Revue trimestrielle de droit africain
PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 531 – 560.
217
La Cour de Justice des Etats membres de l’Union Européenne a eu l’occasion
d’approuver cette option en décidant à plusieurs reprises que cette législation relève de
la compétence des Etats membres867. La décision d’harmoniser le droit des affaires en
Afrique rendait inévitable cette délicate rencontre entre le droit pénal et le droit
communautaire868. L’enjeu d’une protection pénale uniforme ouvrait le choix entre
l’élaboration du droit pénal OHADA dans l’ordre supranational, en conjurant la
souveraineté des Etats parties, et la sauvegarde de l’entièreté de ladite souveraineté, en
éloignant le droit pénal du champ du droit communautaire. Ce choix était difficile :
d’une part, parce que l’OHADA n’est qu’un instrument juridique dont la vocation
avouée n’est pas l’intégration politique ou économique ; mais aussi, d’autre part, parce
que le droit pénal est un complément nécessaire à l’efficacité des normes uniformes, ce
que l’on pourrait traduire en disant que « la loi OHADA ne vaut que la mesure de la
sanction pénale »869. L’option était pourtant obligatoire870.
867
CJCE, 2 février 1977, Amsterdam Buld, Rec., p. 137 ; 11 novembre 1981, aff. Casati, Rec., p. 2595.
868
NDIAW D., « Actes uniformes et Droit pénal des Etats signataires du Traité de l’OHADA : La difficile
émergence d’un droit pénal Communautaire des Affaires dans l’espace OHADA », Revue Burkinabé de
Droit, 2001.
869
Tchantchou H., op.cit, p. 25.
870
Cf. Daniel F., op. cit, p 21.
871
Sur le sujet, voir aussi ONANA ETOUNDJI F., « La révision du traité OHADA de Port-Louis », Revue
trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 e Année, Numéro 865, Octobre –
Décembre 2008.
872
Ibidem.
218
L’immixtion du droit de l’OHADA dans l’articulation du droit pénal des affaires, dans
les Etats nationaux, a été négociée. Une voie de compromis fut trouvée et présentée
sous l’article 5 du traité de l’OHADA. Ce texte consacre un principe de compétence
supranationale dans la définition des infractions communes et, en conséquence, apporte
une limitation systémique du pouvoir de législation pénale des Etats parties.
La règle est simple : les Etats membres de l’OHADA sont engagés à déterminer les
sanctions pénales applicables aux incriminations que peuvent prévoir les Actes
uniformes délivrés par les instances communautaires873. La notion d’incrimination ainsi
distinguée de la sanction pénale doit être entendue dans un sens strict. Elle n’est pas, ici,
« le fait d’ériger un comportement en infraction en l’assortissant d’une sanction pénale
»874 mais tout simplement la définition des agissements constitutifs d’infractions
communautaires. Les Actes uniformes qualifient les attitudes sujettes à répression et les
textes nationaux indiquent le régime de ladite répression. C’est dans ce cadrage que la
troisième partie de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique est consacrée à la qualification des infractions
pénales. Il en est de même de nombreuses dispositions d’Actes uniformes dont celui
portant sur le droit commercial général, ceux organisant les procédures collectives
d’apurement du passif875, la comptabilité des entreprises, les sûretés, les sociétés
coopératives.
Cependant, ce régime clairement établi ne s’est pas traduit par une pratique aisée. Il
s’est posé notamment la question des contours de cette délimitation. Sur un autre plan,
l’incompétence des Etats parties dans la définition des infractions pénales fut aussi une
problématique importante876.
873
Cf. MAÎDAGI M., « le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA », Revue
e
trimestrielle de droit africain PENANT, 116 Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 176.
874
CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 3è édition, 2012.
875
KANGANBEGA E.L., « Observations sur les aspects pénaux de l’OHADA », revue Ersuma, p. 308.
876
Cf. Bedel J. P. TCHOUAMBIA T., « la poursuite des infractions pénales OHADA devant les juridictions
d’instances camerounaises : où est passé le Ministère public ? », Revue trimestrielle de droit africain
PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 531 – 560.
219
punissabilité »877 d’un Etat peut être incriminé car, dit-il, « dans la sphère nationale, le
droit interne bouche les trous d’impunité laissés par le droit communautaire »878.
« Cette approche est difficilement compréhensible dans l’espace OHADA ainsi que l’a
relevé l’auteur lui-même. L’orientation ainsi donnée à la subsidiarité 879, concevable
dans le cadre de l’Union européenne où le droit pénal est essentiellement directif880,
l’est moins dans le contexte de l’OHADA où le Traité originaire 881 a pris la peine de
procéder à une répartition matérielle de compétences entre le droit communautaire
institutionnel et le droit pénal national complémentaire ». Ce concours de compétence,
douloureux et inconfortable, ne devrait pas être violé. Le droit pénal national ne supplée
point le droit de l’OHADA, qu’il a mission d’exécuter ou de compléter. Il ne lui est pas
subsidiaire mais complémentaire. Un Etat ne pourrait par conséquent se substituer au
législateur OHADA pour incriminer une action ou omission communautaire sans violer
le principe de l’uniformisation des incriminations acquis et inscrit dans l’article 5 du
Traité. Il le ferait que la norme produite ne serait pas introduite dans l’ordre juridique
communautaire882.
Bien plus, l’Etat national n’est pas autorisé à reprendre dans « sa loi » interne la norme
de comportement incriminée par les actes communautaires, ainsi que le postule la règle
du monisme communautaire. C’est donc en violation de la délimitation des
compétences de l’article 5 du Traité et en déphasage avec le principe de l’effet direct et
immédiat de la norme OHADA que les législateurs camerounais et centrafricain, à la
différence de leur homologue sénégalais883, ont cru devoir « recopier » les termes des
877
Cf. Daniel F., op. cit, p 23.
878
MAHOUVE M., « Le système pénal de l’OHADA… », revue Ersuma 2011, p. 92.
879
Selon le Professeur Fernand BOULOUIS J., le principe de subsidiarité en droit communautaire signifie
que « La communauté (et l’Union) n’est justifiée d’agir que si, et dans la mesure où, les objectifs de
l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par une action des Etats membres,
partant être mieux réalisés par une action de la Communauté (ou de l’Union) » : Droit institutionnel de
l’Union européenne, Paris, Montchrestien, 6ème édition, n° 205, p. 141.
880
BOULOC B., « L’influence du droit communautaire sur le droit pénal interne », Mélanges Georges
LEVASSEUR, Litec, 1992 ; ROBERT (J-H.), « L’incrimination par renvoi du législateur national à des
règlements communautaires futurs », GRASS (R.) et SOULARD (Chr.), « Droit communautaire et matière
pénale », Jurisclasseur 1, livre1, n° 8, 2005, pp 1- 20.
881
Cf. MAÎDAGI M., « le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA », Revue
e
trimestrielle de droit africain PENANT, 116 Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 176.
882
Cf. Daniel F., op.cit, p 27.
883
Le législateur Sénégalais de la loi n° 98-22 du 22 mars 1998 s’est limité à fixer les sanctions pénales
sans reprendre les incriminations.
220
incriminations contenus dans les Actes uniformes, avant de les assortir de pénalités 884.
En outre, il faudra reconnaître que la question dominante, dans pareilles lois étatiques
concernent les normes de sanctions pénales et que celles d’incriminations ne constituent
tout au plus qu’un droit national d’accompagnement du droit communautaire 885.
Une question récurrente retient toutefois notre attention. Eu égard à son importance, il
est tout de même surprenant de se rendre compte du silence de la doctrine sur cette
question de pénalisation des infractions communautaires. En effet, sur les 17 Etats
membres de l’organisation, plus de la moitié de ces Etats appliquent encore dans leur
corpus juridique le code napoléonien de 1807, en dispositions pénales. C'est-à-dire qu’à
ce jour, certains de ces Etats n’ont introduit aucune réforme visant à actualiser les
peines et les infractions existantes depuis leur accession à l’indépendance et
l’acquisition de leur statut d’Etat indépendant. Cette constatation à l’effet d’une grande
frayeur juridique, quand l’on sait que les infractions prévues par le droit communautaire
sont très actualisées et en conformité avec les exigences actuelles du marché
international et de la mondialisation économique. Alors la question qui reste dans les
esprits serait de savoir quel serait le sors d’une telle infraction prévue dans un Etat
n’ayant prévu aucune peine équivalente ou encore, ne l’ayant même pas prévu
juridiquement.
884
Loi Camerounaise n° 2003/008 du 10 juillet 2003, chapitres I, II, III et IV, juridis périodique, n° 55,
2003, p. 5.
885
Sur la distinction droit national d’accomplissement et droit national d’accompagnement du droit
communautaire, voir TCHANTCHOU H., « La supranationalité judiciaire dans le cadre de l’OHADA »,
Thèse, Poitiers, 2006, p. 266 et s, éditée par L’Harmattan, 2009, p. 203-205.
221
B. La détermination nationale des infractions communautaires
Rappelons-le, en se reconnaissant une compétence de législation en matière pénale,
l’OHADA n’est pas allée bien loin pour s’attribuer à la fois le pouvoir de définition des
infractions et celui de fixation du quantum des peines y afférentes. Elle ne s’est
reconnue compétente que dans la description des éléments matériels et moraux de
l’infraction, en laissant aux Etats parties, qui s’y sont engagés, le soin d’annoncer les
doses de sanctions conséquentes. Cette réserve dans l’élaboration des normes de
sanctions répressives apparaît de plus en plus comme porteuse de doute ; la mise en
œuvre pratique de cette concession révèle un malaise occasionné par l’action ou,
davantage, l’inaction des Etats membres 886.
En effet, presque tous les Actes uniformes adoptés à ce jour contiennent, même
implicitement, des dispositions d’incriminations pénales. Certains, tels l’Acte uniforme
sur le droit commercial général ou celui organisant les procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution sont en vigueur depuis une dizaine d’années.
Pourtant trois pays seulement, le Sénégal, le Cameroun et la République
Centrafricaine887, ont élaboré et publié des lois portant répression des infractions
contenues dans lesdits Actes uniformes. Les autres Etats888 ne se sont pas encore
exécutés quant à la fixation des peines applicables aux incriminations définies par le
législateur OHADA.
886
Cf. Daniel F., op. cit, p 30.
887
Loi sénégalaise n° 98-22 du 22 mars 1998, op cit. ; Loi Camerounaise n° 2003/008 du 10 juillet 2003,
op cit. ; Loi n°10.001 du 06 janvier 2010 portant code penal centrafricain, JORCA,n° spécial, 2010.
888
Les 16 autres Etats sauf le Bénin qui envisage dans un projet de réforme du code Pénal la répression
des incriminations prévues au plan communautaire.
222
Ces hésitations ou retards d’exécution ont la conséquence de créer implicitement des
dysfonctionnements dans l’administration de la justice communautaire 889. En effet, les
textes nouveaux sont inapplicables parce qu’ils sont incomplets et ceux anciens ne le
sont plus parce qu’ils ont été abrogés. Ce qui judiciairement risque d’être un souci
permanent pour les juges internes, en crainte de déni de justice 890. Elle a aussi le
fâcheux avantage de créer des sortes de « paradis pénal »891 au sein de certains Etats où
des individus commettent ces infractions sans aucunes inquiétudes et dans une totale
impunité. Un point sur lequel il est évident que l’OHADA n’a guère réussi.
Cette léthargie ravive les critiques sur la fragmentation du pouvoir d’édification des
infractions pénales considérée comme menace pour l’unification des Droits, donnée
fondamentale à l’institution de l’OHADA.
Elle se double d’une autre lacune d’importance, tenant au défaut de cohésion entre les
politiques nationales quant aux sanctions adoptées. Le danger se situe à deux niveaux :
la diversité des techniques de réception interne de l’initiative supranationale de
pénalisation et la disparité des quanta de peines applicables.
D’une part, les Etats qui ont légiféré révèlent la diversité de techniques nationales de
traduction du choix communautaire. On peut par exemple relever que l’article 6 de la loi
Sénégalaise du 26 Mars 1998 892 sur l’abus des biens et du crédit de la société dispose
que « l’infraction prévue par l’article 891 de l’Acte uniforme relatif au Droit des
sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique est puni d’un
emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 500.000 Francs CFA,
les deux peines étant obligatoirement prononcées l’une et l’autre ». De manière
distincte, l’article 9 de la loi Camerounaise 893 n°2003/008 du 10 Juillet 2003 prévoit que
: « en application de l’article 891 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au Droit
des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, sont punis d’un
emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 2.000.000 à 20.000.000 de franc
889
SOCKENG R., « Droit pénal des affaires OHADA », ouvrage précité, p. 39. Cet auteur parle de « chaos
judiciaire » ; et FOKO A., « Analyse critique de quelques aspects du droit pénal OHADA », Penant, 2007,
n° 859, p. 195 et s.
890
Justifié par le silence de la loi sur certaine question du droit soumis au juge.
891
Espace totalement dépourvu de mesures répressives ou d’infractions punies, du célèbre adage
« nullum crimen nulla poena sine lege ».
892
Cf. ONANA ETOUNDJI F., « La révision du traité OHADA de Port-Louis », Revue trimestrielle de droit
africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.
893
Ibidem.
223
CFA, le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président
directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, de
mauvaise foi, ont fait des biens ou crédits de la société un usage qu’ils savaient
contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles, morales, ou pour
favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou
indirectement ». De la même façon, l’article 215 du Code pénal centrafricain dispose : «
encourt une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et/ou d’une amende de 1.000.000
à 5.000.000 de francs, tout gérant de la SARL, l’administrateur, le président directeur
général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint
qui, de mauvaise foi, aura fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’ il savait
contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles matérielles ou morales ou pour
favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé, directement ou
indirectement ».
A voir juste, les législateurs Camerounais et centrafricain, comme tout autre qui
viendrait à suivre cette voie, n’auraient pas dû transposer dans « leur loi », les termes
d’incriminations contenues dans les Actes uniformes qui avaient déjà rejoint l’ordre
juridique interne et n’attendaient plus que leurs compléments étatiques. La technique
nationale d’accomplissement du droit pénal communautaire de l’OHADA se doit d’être
celle de fixation de la sanction pénale en renvoyant à la norme conventionnelle pour ce
qui est de l’incrimination. De manière systématique et simplifiée, la loi nationale
décidera qu’ « est punie de telle peine celui qui se sera rendue coupable d’infraction aux
dispositions de tel article de tel Acte uniforme. »894.
894
Rédaction type prévue et envisagée par la doctrine.
224
A la disparité des techniques d’accueil des normes d’incrimination peut donc se greffer
le danger de la variété des systèmes, chiffres et politiques pénaux nationaux 895. Un fait
déclaré délictueux par la norme communautaire peut être puni des peines criminelles
graves dans un Etat et de sanctions délictuelles vénielles dans un autre. Au Cameroun,
déjà, la qualification délictuelle ou criminelle d’une incrimination peut être influencée
par la qualité de la victime ou la nature des biens objet de l’infraction 896. L’Organisation
court ainsi le risque de construire, dans le même « territoire pénal », des « paradis
pénaux » comme nous l’avons évoqué mais aussi des « enfers pénaux » 897, selon que
l’Etat prenant l’acte complémentaire sera plus ou moins répressif.
C’est dans ce sens que certains ont proposé la construction d’un espace judiciaire pénal
africain complet899, qui dépasse le simple « minimum commun »900 constitué en
incriminations. Cette approche de codification limitera les risques de constitution de ce
que M. DELMAS-MARTY a appelé « pays refuge » ou « forum shopping »901. Ce
rapprochement rendra plus aisément compte du droit pénal spécial de l’OHADA.
Par conte, les jalons de l’émergence du droit pénal européen ont été posés depuis le
traité de Rome, courant 1958 et 1985. Il a connu une évolution très conséquente dans la
mesure où l’Union a été très présente et très active dans sa perspective de sécurisation et
de stabilisation de son marché unique de libre échange. Ensuite, de 1985 à 1993, le
concept va évoluer et être réaffirmé dans l’Acte unique européen qui constitue un
895
Cf. Daniel F., op. cit, p 30.
896
Ainsi, par exemple, l’abus de biens sociaux puni de peines délictuelles de la loi 2003/008 du 10 juillet
2003 devient criminel pouvant être condamné de peine perpétuelle de l’article 184 du Code pénal,
lorsque les biens distraits appartenaient en tout ou en partie à l’Etat.
897
ANOUKAHA F. et al., OHADA, Société Commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 237.
898
MAHOUVE M., article précité, p. 96.
899
FOMCHIGBOU MBANCHOUT J. J., « De quelques réflexions sur la codification pénale communautaire
du législateur OHADA », in L’effectivité du droit de l’OHADA, ouvrage collectif, Presses Universitaires
d’Afrique, Yaoundé, 2006, p. 63 ; DE GOUTTES (R.), « Variation sur l’espace judiciaire européen »,
Recueil Dalloz Sirey, 1990, 33ème cahier, p. 245.
900
POUGOUE P. G. et al., OHADA, Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 225.
901
DELMAS M., Droit pénal des affaires, t.1, partie générale : Responsabilité, Procédure, Sanction, Paris,
PUF, 3ème édition, 1990.
225
moment charnière du développement de l’Europe, dans tous les domaines et a joué un
rôle fondamental dans la perspective de l’émergence d’un droit pénal européen, a un
double titre. D’une part, ce fut le fruit des réflexions sur les implications et les
conséquences en termes de sécurité publique de l’ouverture des frontières au commerce
européen et d’autre part, la nouvelle architecture institutionnelle créée par par l’Acte
unique européen a donné un ancrage institutionnel aux réflexions des Etats en matière
de coopération judiciaire et de textes réglementant le droit pénal au plan
communautaire902.
En retrouvant et identifiant les incriminations ainsi dispersées dans les Actes uniformes,
on peut dire que le fil directeur de la pénalisation OHADA reste l’exigence d’honnêteté
et de liberté dans l’exercice des activités économiques mais surtout la garantie d’un
droit uniforme « pour tous et partout » au sein de l’espace harmonisé. Avant les
développements proprement dits, exposons quelques tableaux indicatifs de cette grille
de lecture.
907
L’Acte uniforme relatif aux Sociétés coopératives, adopté à Lomé le 15 décembre 2010 et publié au
Journal Officiel de l’OHADA le 15 février 2011 est entré en vigueur le 17 mai 2011
908
Cf. DEBRE J., Abus de marché : la législation européenne est refondue, éditions législatives, juillet
2014, p.11
227
Inscriptions frauduleuses de sûretés mobilières art. 65
AUS
228
fonctionnement Informations mensongères et non révélation
Abaissement de capital
229
art. 902 (2) AUPC
Infractions de créanciers909
Infractions de tiers
On s’aperçoit bien que le cadre de la présente étude ne permet pas des développements
sur l’ensemble du droit pénal spécial de l’OHADA. En choisissant de nous focaliser sur
l’entreprise en activité, il est apparu nécessaire d’insister sur un champ de pénalisation
délicat910 et opportunément mis en relief par le législateur OHADA 911. Un choix surtout
motivé par le fait que l’entreprise soit le principal acteur de la vie économique et ainsi le
premier destinataire des mesures répressives ou non prises au plan nationale que
communautaire.
Il nous revient cependant d’examiner les incidences pratiques des limites ainsi
soulevées plus haut afin d’en déduire tout le bien fondé de la solution recommandée.
909
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, septembre 2014, p. 2
910
Cf. règlement UE, n.596/2014, du parlement européen et du Conseil, 16 Avril 2014, JOUE n. L173, 12
Juin 2014
911
Ibidem
230
l’uniformisation. Des mesures urgent d’être prises912. Si elles ne sont pas vite
envisagées, les juridictions nationales en pâtiraient.
En effet, selon une terminologie chère au doyen Jean Carbonnier, le législateur doit
faire œuvre de pédagogie913. Evidemment, les législateurs contemporains essaient,
autant que faire se peu, d’apporter des définitions aux concepts contenus dans les lois 914.
Mais, il demeure évident que la loi, dans son abstraction, ne peut pas tout prévoir si elle
ne prévoit pas plutôt, « des normes dont le contenu lui échappe »915. C’est dans ce
contexte, suivant l’article 4 du Code civil Napoléon, qui punit le déni de justice, que les
juges interviennent pour faire parler la loi silencieuse, en exposer la lumière en cas
d’obscurité, ou les compléments en cas d’insuffisance916. Ces réflexes animent les
magistrats dans tout système juridique. Dans le cadre de l’OHADA, ils sont notamment
intervenus pour préciser certains concepts et même en créer d’autres afin de pallier aux
insuffisances des codes nationaux en matière de répression.
Aux titres de ces incidences pratiques, l’idée de paradis pénaux, encore appelé « pays
refuge » ou « forum shopping » a souvent été avancée pour traduire la disparité entre les
différentes législations et les conséquences qui en résultent, notamment les divergences
de solutions auxquelles elles aboutissent. Ces divergences conduisent à retenir un
comportement comme constituant une infraction grave en certains lieux, alors que le
même comportement est considéré comme licite ou comme une infraction bénigne dans
d’autres. En guise d’exemple, pour que tous les délinquants d’affaires soient soumis aux
mêmes sanctions pénales, il faut que tous les Etats adoptent les mêmes gammes de
sanctions. Ce point intéresse la nature des peines prévues dans les deux pays différentes.
Alors que le droit sénégalais considère toutes les infractions commises par les dirigeants
sociaux comme étant des délits, le droit camerounais soumet certains actes commis par
912
A l’image de la directive 2014/57/UE du parlement européen et du conseil, Avril 2014, JOUE Avril
2014.
913
Œuvre de professionnalisme et recherché la meilleure approche possible.
914
Cf. Annexes.
915
La problématique de l’interprétation des normes juridiques.
916
Le principe de la légalité des normes juridiques.
231
les dirigeants des sociétés publiques ou parapubliques non seulement à des textes
spéciaux (la loi de 2003), mais aussi l’article 184 du code pénal relatif au détournement.
Si la loi de 2003 punit des peines correctionnelles, l’article 184 du code pénal
sanctionne des peines criminelles, les abus commis par les dirigeants de certaines
sociétés commerciales.
Toutefois, les difficultés relatives au fait que certains Etats de l’OHADA n’aient pas
édicté des sanctions aux incriminations, ressuscitent des conflits de lois. Une
appréciation du conflit de lois est plausible au regard de l’exigence de la double
incrimination et de la règle non bis in idem. Relativement à l’exigence de la double
incrimination, elle intervient lorsque l’infraction poursuivie présente un élément
d’extranéité. La poursuite d’une telle infraction exige la réciprocité des incriminations.
Cette condition ne devrait pas poser de problème au sein de l’OHADA, car ces
incriminations existent dans tous les Etats parties. Cependant, le principe de la double
incrimination n’a de sens en droit pénal international que lorsqu’il est apprécié en même
temps que les sanctions. Ainsi, la loi camerounaise traitant des conditions d’extradition
exige un minimum de deux ans d’emprisonnement (article 642 CPP). Cela amène à
parler de la double répression et non de double incrimination. Dans ces conditions, seuls
le Cameroun et le Sénégal pourront faire jouer le principe de la double incrimination.
Jusque là, la solution est fragile car, par exemple, si les peines au Sénégal sont
majoritairement pécuniaires (peines correctionnelles), le Cameroun a adopté des peines
d’emprisonnement (peines criminelles). Ce qui ruine la réciprocité des incriminations.
Quant à la règle non bis in idem, elle est invoquée pour designer l’autorité de la chose
jugée au pénal sur le pénal917. Elle désigne le principe selon lequel l’individu ayant fait
l’objet d’une décision répressive irrévocable ne peut plus être poursuivi en raison des
mêmes faits. Etant donné que deux seulement des dix sept pays ont institué des peines,
il n’est pas exclu qu’un fait soit poursuivi comme délit dans un de ces pays et que le
même fait soit poursuivi comme contravention dans un des Etats n’ayant pas encore
prévu de sanction aux incriminations OHADA. Le reflexe des délinquants sera d’aller
commettre des infractions dans les « pays refuges »918. On se demande si le Cameroun
917
Eloi K. YAO, « Uniformisation et droit pénal : esquisse d’un droit pénal des affaires dans l’espace
OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre
2011, pages 292.
918
Ibidem.
232
qui considère certaines infractions d’affaires 919 comme des crimes pourra engager des
poursuites contre une personne condamnée à des peines correctionnelles ou
contraventionnelles dans un autre Etat. De telles poursuites sont interdites par la règle
non bis in idem. De ce fait, certaines législations nationales paralyseront le droit pénal
OHADA.
Dans un autre type d’hypothèse, un conflit de lois pénales dans le temps supposerait
l’existence de deux normes pénales : une ancienne et l’autre récente. La solution
classique est le recours au principe de la non rétroactivité, suivi de sa dérogation 920 : la
rétroactivité in mitius. Ces principes s’appliqueraient facilement si les Actes uniformes
portant incriminations étaient assorties de sanctions. De la sorte, on procéderait à une
comparaison entre les sanctions anciennes et celles récentes pour déterminer la loi
pénale la plus douce. En l’état actuel, le principe de non rétroactivité 921 est inopérant
pour les Etats qui ont accompagné les incriminations communautaires des lois pénales
nationales. La raison repose sur la substitution de la loi nouvelle communautaire par la
loi nationale ancienne ou postérieure contraire. Pour les Etats qui n’ont pas encore
complété les incriminations communautaires par les sanctions pénales nationales, on
observe un vide juridique. Ce vide crée une zone de non droit, car les textes répressifs
nationaux anciens sont inopérants. Qui plus est, l’absence de nouvelles sanctions
nationales prolonge indéfiniment la période transitoire vers un droit pénal
communautaire multiple. Cette configuration n’est pas de nature à servir
l’uniformisation répressive.
Cependant, il faut retenir en résumé que le conflit de lois dans l’espace OHADA est
perceptible par le biais de l’exigence de la double incrimination d’une part et de la règle
non bis in idem922 d’autre part. Ce conflit de lois n’est pas détachable de la crise
d’uniformisation de l’OHADA et donc de l’intégration juridique. Des interrogations
auxquelles il urge de proposer des solutions communautaires.
919
Ibidem.
920
Ibidem.
921
La loi nouvelle ne peut rétroagir si elle prévoit des mesures nouvelles plus répressives ou plus
contrayantes.
922
La règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem ») est un principe classique de la procédure pénale,
déjà connu du droit romain, d'après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des
mêmes faits. C’est donc l'autorité de la chose jugée au pénal sur une matière pénale qui interdit toute
nouvelle poursuite contre la même personne pour les mêmes faits déjà antérieurement jugé.
233
A ce sujet, nous n’avons pas la prétention d’être les premiers à proposer, comme ce fut
le cas un peu plus haut, une uniformisation de la répression dans l’espace OHADA.
Certains ont proposé l’harmonisation d’un droit pénal de fond et de forme OHADA.
Sans exclure ces considérables propositions, on adopte une approche plus simple. C’est
dans cette veine qu’une uniformisation répressive dans l’espace OHADA impose une
uniformisation normative et judiciaire.
- Les solutions923 :
Il importe de saluer l’effort consenti par les Etats membres de l’OHADA, qui ont
surmonté leurs égoïsmes nationaux en faveur des incriminations communautaires.
Cependant, la technique consistant à séparer les éléments de l’infraction de la sanction,
a plombé l’intégration juridique. Il convient donc d’achever l’œuvre commencée par la
communautarisation des sanctions uniformes. Qui plus est, le pouvoir de prévoir les
sanctions est inhérent à celui de fixer les règles et ne peut pas en être dissocié. Si les
disparités dans l’appréciation du quantum de la sanction sont effectives, il n’est pas
impossible de trouver une moyenne commune à tous les Etats de l’OHADA ou de créer
les sanctions communautaires au prorata de l’ordre public des affaires à protéger. Un
recours aux experts en pénologie n’est pas exclu pour éclairer le législateur OHADA sur
l’adéquation entre la typologie des sanctions pénales et la réduction de la délinquance
d’affaires. A l’instar des sanctions pénales nationales, les sanctions OHADA devraient
avoir un minimum et un maximum communs à tous les Etats membres. Des lors qu’un
droit pénal communautaire sera mis sur pied, restera l’épineuse question de
l’uniformisation judiciaire. Il s’agit maintenant de se demander s’il est nécessaire de
créer une juridiction communautaire pénale ou d’en adjoindre aux compétences de la
CCJA, cette matière pénale.
Dans la même lancée que celle proposée d’un démembrement de la CCJA en des
chambres et selon les matières où elle est compétente, on peut adjoindre à cette lancée,
la création d’une chambre pénale au sein de l’instance communautaire. Sa composition
sera, comme dans nos précédentes recommandations, laissée aux magistrats les plus
923
MBARGA A., « Pour la généralisation des tribunaux de commerce dans la zone OHADA et l’adoption
d’un acte uniforme portant organisation des juridictions et de la procédure commerciales », Revue
trimestrielle de droit africain PENANT, 123e Année, Numéro 882, janvier – Mars 2013, pages 28.
234
expérimentés des pays membres, sans but représentatif bien sûr mais dans une
perspective d’intégration judiciaire pénale 924.
924
Moyen L., « Les nouvelles conventions franco-africaines relatives à la circulation des personnes :
évolution ou statu quo ? », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849,
Octobre – Décembre 2004, pages 501.
925
Fometeu J., « Le clair-obscur de la répartition des compétences entre la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’OHADA et les juridictions nationales de cassation », in Les mutations juridiques dans le
Système OHADA, revue Ersuma 2007.
235
Jean Carbonnier a écrit : « N’accepte de faire de loi que si tu y crois, non pas à la loi,
mais à la nécessité d’en faire une »926. Et il urge d’en faire sur la répression des
infractions communautaires.
En conclusion, il est à retenir que l’OHADA avant d’aller plus loin dans son œuvre
législative, pourrait marquer une pause afin d’évaluer ses acquis et se réaffirmer ses
objectifs et sa vision de l’ordre juridique communautaire. Ceci reviendrait à évaluer le
travail accompli et apporter des correctifs et des compléments nécessaires. En effet,
c’est un constat général que les actes uniformes déjà adoptés ne sont pas exemptes de
critiques dans leur contenus.
En outre, l’OHADA n’a jusque-là uniformisé que les règles matérielles du droit des
affaires, sans s’être pratiquement jamais préoccupée de la question des conflits de lois,
pourtant essentielle dans la mesure où les actes uniformes laissent subsister les
dispositions du droit national, mais aussi touchent à certains domaines du droit qui sont
partagés avec d’autres organisation communautaires. Dans sa perspective d’extension et
du fait de la nécessité pour elle de s’imposer au plan régional, il urge d’élucider ces
questions afin de mieux entrevoir les nouvelles perspectives d’intégrations de
l’OHADA et leurs implications théoriques comme pratiques 927.
926
Carbonnier J., in Rapport du Professeur POGOUE sur l’OHADA, op.cit, 2013, p 26.
927
Moyen L. S., « Les nouvelles conventions franco-africaines relatives à la circulation des personnes :
évolution ou statu quo ? », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849,
Octobre – Décembre 2004, pages 501.
236
TITRE II
Ainsi, pour abonder dans ce sens, les pays africains, nous le rappelons ont opté pour la
mise en place de plusieurs organisations d’intégrations dont les plus efficaces, à l’heure
actuelle sont l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA),
l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires (OHADA), la Communauté
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté
Economique des Etats de l’Afrique Ouest (CEDEAO), la Communauté Economique
Africaine (CEA).
Il va donc être question pour l’OHADA, dans les prochaines années à venir, si ce n’est
déjà le cas pour certaines problématiques urgentes, de s’adapter et d’améliorer ses
infrastructures institutionnelles mais aussi sa vision du futur régional africain afin de
928
La Banque mondiale et le FMI jouent un rôle prépondérant dans la gestion des économies.
929
In Pougoué, Ibidem.
237
rester dans la course et de s’imposer comme un acteur des relations économiques
mondiales.
Par conséquent, il sera question dans cette partie de notre étude d’aborder la question de
l’intégration africaine et la persistance des conflits communautaires (Chapitre I).
Ensuite, d’examiner les besoins et les réformes nécessaires à l’OHADA pour
l’aboutissement du projet d’intégration panafricaine (Chapitre II).
238
CHAPITRE I
« Les Organisations d’intégration coexistent les unes par rapport aux autres dans les
espaces économiques des Etats membres de manière apparente, mais on peut en déduire
qu’elles fonctionnent de manière correcte »930.
Dans leur fonctionnement, ces organisations sont amenées à adopter des normes plus ou
moins liées au droit des affaires et au droit économique. Si chaque organisation légifère
à partir des compétences explicites, qui lui sont reconnues par ses textes constitutifs et
fixant ainsi ses objectifs, les dispositions mises en place en matière de droit des affaires
et droit économique931, qu’elles soient de nature public ou privé viennent quelque fois
s’embraser, d’autant plus que les Etats sont membres de plusieurs organisations
régionales en même temps. « En effet, l’apparente cohérence dans le fonctionnement
cache une autre réalité relative aux conflits potentiels qu’engendrent les normes édictées
par celle-ci »932.
930
Cf. SAWADOGO F., Ibidem.
931
Cf. SOH FOGNO R., « L’assainissement de la profession commercial dans l’espace de l’OHADA »,
e
Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 Année, Numéro 862,
2008.
932
Cf. SOH FOGNO R., Ibidem.
933
Ibidem.
934
Cf. GNIMPIEBA TONNANG E., « Recherches sur le nouvel encadrement communautaire des ententes
anticoncurrentielles des entreprises en Afrique centrale », Revue trimestrielle de droit africain PENANT,
édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 862, 2008.
239
Nous avons donc jugé nécessaire d’établir de nouvelles bases à la cohabitation, non
seulement entre l’OHADA et les Etats membres mais aussi entre elle et les
organisations communautaires l’entourant935.
A cet effet, celle avec laquelle l’OHADA a le plus de similitudes et donc de difficultés
de délimitation des champs d’actions et de codification, reste l’UEMOA. Il est donc
important d’aller au fond de la question et de découvrir les réelles implications de ce
mécanisme de cohabitation et surtout les causes des conflits existants936, des mesures
doivent être prises pour permettre à ces organisations d’atteindre leurs objectifs dans un
espace communautaire de partages de compétences et d’autonomie institutionnelle.
935
Ibidem.
936
Sur le sujet, voir aussi PRISO-ESSAWE S., « L’inamovibilité de l’exécutif dans les communautés
économiques d’Afrique francophone : de la maîtrise politique au respect du droit », Revue trimestrielle
de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 864, 2008.
937
D. SIMON, in Colloque Ohada, 2012, p. 30.
240
Notre analyse in fine nous permettra d’en venir à envisager et examiner les implications
d’une complémentarité ou d’une coexistence entre ces organisations communautaires de
droit privé, ce qui à première vue peut sembler impossible au regard de toutes les
problèmes que soulève la question de la concurrence des Organisations
communautaires938.
Nous constaterons donc, que dans une certaine mesure, ces organisations peuvent être
complémentaires dans leur fonctionnement, car chacune peut apporter son concours à
l’autre. Mais peuvent surtout mettre à mal l’ordre juridique communautaire qui se met
en place progressivement. Pour mieux la comprendre, nous examinerons les sources du
conflit communautaire (Paragraphe I) et les implications d’une cohabitation entre les
organisations régionales (Paragraphe II).
938
Cf. PRISO-ESSAWE S., Ibidem.
241
de compétences et de leurs outils de travail à un « cadre de politiques communes,
harmonisées et cohabitant »939.
C’est à ce niveau que surgit la problématique des risques de conflits car ces deux
organisations n’ont procédé à aucun partage de compétences 943. Car il est évident que
ces deux organisations entreront en conflit soit sur leurs domaines matériels ou encore
au niveau juridictionnel rapporté ainsi aux compétences des deux cours de justice. Ces
conflits sont donc perçus, soit au plan du droit matériel, qu’il soit originaire ou dérivé,
soit au niveau des compétences des deux juridictions communautaires sur les matières
communautaires944.
939
Cette problématique apparait bien aussi bien dans le préambule de Dakar que dans celui de Port-
Louis.
940
David F., ibidem.
941
Sortie du colonialisme et indépendance des Etats africains.
942
Une autre problématique que soulève la question de l’extension de l’OHAD A, prenant compte de la
diversité monétaire de certains Etats.
943
Chacune, en fonction des objectifs qu’elle veut atteindre, envahit son champ dans des domaines
variés soit du coté du droit des affaires soit de celui du droit économique. Chacune des organisations
vise la compétitivité et le développement des entreprises africaines.
944
Cf. DAVID E., op. cit, p. 167.
242
A. La similitude des domaines de compétences et les risques de
conflits normatifs
L’identité d’objectifs entre les deux organisations est une source réelle de conflits, étant
donné que les deux organisations sont orientées vers l’uniformisation des règles de droit
applicables aux activités et opérations économiques. Il y a donc une confusion de
domaines matériels et normatifs945 entre les deux organisations communautaires 946.
Le traité OHADA en son article 2 en a fait une priorité assez ambigüe. Ses rédacteurs se
sont chargés non pas de définir le droit des affaires afin d’en délimiter le cadre mais ont
énuméré des matières à insérer renvoyant au concept. Le choix s’explique notamment
par la réelle difficulté que l’on rencontre à définir avec précision une catégorie juridique
de façon précise et explicite. Quant au traité de l’UEMOA, en son article 4, il dispose :
« sans préjudice des objectifs définis par le traité de l’UEMOA, l’Union poursuit dans
les conditions établies par le présent traité, la réalisation des objectifs ci-après :
945
La conséquence qui en découle, c’est la difficulté de répartir leur domaine matériel ; ce qui
entraînera des risques de conflits de compétences tant au niveau choix des matières à harmoniser ou
uniformiser qu’à celui des risques de conflits au niveau de l’insertion de ces normes dans les ordres
internes.
946
Ces compétences exclusives sont jurisprudentielles et reconnues par la CJCE dans un arrêt du 08
décembre, Deutschetche BAKELS / Rec. 1001, sur les compétences exclusives de la CEE en matière
douanière. Dans le cadre de l’UEMOA, la Cour de justice de l’UEMOA a rendu un avis dans le même sens
relatif à l’interprétation de l’article 84 du traité UEMOA portant sur les compétences en matière
d’accord commercial et l’interprétation des articles 88, 89 et 90 du traité portant sur les compétences
en matière de règles de concurrence.
243
- assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats
membres par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;
- créer entre les Etats membres, un marché commun basé sur la libre circulation des
personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes
exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi qu’un tarif extérieur commun et
une politique commerciale commune ;
- instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre
d’actions communes et éventuellement de politiques communes, notamment dans les
domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transport et
télécommunication, environnement, agricultures, énergie, industrie et mine ;
947
Cf. DAVID E., op. cit, p. 189.
948
Ibidem.
244
La dénomination qui fut donnée à l’outil de réglementation prévu aux articles 1 er et 2 du
traité OHADA est « Actes uniformes ». « Les Actes uniformes peuvent inclure des
dispositions d’incrimination pénale. Les Etats membres s’engagent à déterminer donc
les sanctions pénales encourues ». Quant à l’article 42 du traité UEMOA il dispose «
pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues, par le présent
traité, la Conférence prend des Actes additionnels conformément aux dispositions de
l’article 19 ».
Ainsi, les dispositions prévues dans le cadre de l’OHADA ou de l’UEMOA visent les
mêmes objectifs et couvrent le même domaine qui se traduit par le droit des affaires ou
par le droit économique ou le droit des entreprises, d’autant plus que la frontière entre
ces concepts est très difficile à établir ce qui crée une véritable confusion juridique, très
difficile à cerner. Plusieurs auteurs ont d’ailleurs théorisé ces conceptions sans qu’une
unanimité ne soit trouvée et dégagée. « L’analyse des dispositions de ces deux traités
permet d’affirmer que l’UEMOA comme l’OHADA, peuvent intervenir chacun que ce
soit dans le domaine du droit des affaires, du droit économique, ou du droit des
entreprises. Ainsi, à l’instar du droit des communautés européennes »949.
Ces deux ordres juridiques communautaires ainsi créés sont constitués de normes
intégrant un système normatif, qui est la source du conflit 951. Il en résulte que le
développement des deux processus d’intégration comporte un risque sérieux de conflits,
d’une émergence de règles contradictoires.
La doctrine sera unanime sur le fait que « L’Acte juridique communautaire qu’il
s’agisse de celui de l’UEMOA ou de l’OHADA outre leur source d’élaboration par un
exécutif délibérant présente une nature juridique, mieux une même force de pénétration
dans le droit interne des Etats membres respectifs des deux organisations, même
949
GAVALDA G. et PARLEANI G., Traité de droit communautaire des affaires, 2e édition, Litec, p. 3.
950
Cf. DAVID E., op. cit, p. 169.
951
Chacune des deux organisations a la liberté d’éditer des normes juridiques dans les domaines qu’elle
choisit d’investir.
245
l’organisation d’intégration économique présente un parapluie d’instruments juridiques
plus variés, qui va de l’Acte additionnel pris par la Conférence des Chefs d’Etat, aux
règlements, directives, décisions, là où l’OHADA ne connaît que l’Acte uniforme
communautaire »952.
Il est ainsi une remarque pertinente, que l’étude de ces deux organisations dans leur
conception et leur fonctionnement montrent bien que les premières difficultés sont nées
des chevauchements de compétences de leurs organes institutionnels, avec comme
illustration, la même force d’intégration et les mêmes règles de transposition dans le
droit interne des Etats membres, qui leurs sont communs, des normes communautaires
respectivement élaborées et mises en vigueur indépendamment les unes des autres.
C’est notamment le cas des dispositions concernant l’Acte uniforme OHADA portant
organisation des procédures simplifiées, de recouvrement de créances et les voies
d’exécution, qui autorise la compensation d’office entre les dettes publiques, avec les
créances détenues par tout particulier, contre l’Etat et les entreprises publiques 953 et les
dispositions de la directive n° 06/97/CM/UEMOA qui interdit la compensation d’office
entre les dettes réciproques de l’Etat et les particuliers 954. Il se pose ainsi un problème
de conflit de loi communautaire qui n’est pas évident à résoudre, en considérant l’article
10 du traité OHADA955 qui dispose que « les Actes uniformes sont directement
applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire
de droit interne antérieure ou postérieure », alors que l’article 6 du traité UEMOA
prévoit quant à lui que « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation
des objectifs du présent traité et conformément aux règles et procédures instituées par
celui-ci sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale
contraire, antérieure ou postérieure ».
Quelque part, cette situation est aussi regrettable qu’incompréhensible, surtout quand on
sait que ce sont les mêmes conseils des Ministres dans le cadre de l’UEMOA qui
participent à l’élaboration de la directive, et le même, constitué des mêmes ministres de
952
In Colloque sur «De la concurrence à la cohabitation des droits communautaires », Septembre 2012,
p. 42.
953
Traité OHADA, Acte uniforme sur le recouvrement des créances et voies d’exécution, art. 30.
954
Traité UEMOA, Directive n° 06/97/CM/UEMOA.
955
Cf. DAVID E., op. cit, p. 171.
246
gouvernement des Etats membres qui siègent et décident dans les instances de
l’OHADA956.
C’est dire que le droit de la concurrence, tel que visé par le traité, ne peut normalement,
en aucune façon coexister avec le droit de la concurrence de l’UEMOA, cette situation
étant inenvisageable quant on sait que le droit de la concurrence est une intégrante du
domaine du droit des affaires, reconnu à l’OHADA.
« Il ne serait pas justifié, du fait de l’autonomie des deux ordres juridiques, et leur
vocation à insister sur leurs domaines respectifs, en vue d’atteindre leur objectif,
d’empêcher l’OHADA de prendre des Actes uniformes sur la matière du droit de la
concurrence. Et si cet Acte uniforme était pris, car rien n’interdit au Conseil des
Ministres de prendre un tel Acte uniforme s’il le juge nécessaire, un risque de conflit
pourrait naître entre les deux systèmes normatifs958 »959. A cet effet, et comme le
souligne si bien la doctrine, l’OHADA est aujourd’hui tout autant en droit d’uniformiser
le droit de la concurrence compte tenu de l’importance de cette matière dans le domaine
des affaires et la réglementation du cadre des entreprises960.
956
Ce qui rejoint notre théorie d’une inconscience africaine, dépourvu de toute logique et de tout esprit
de critique ou d’idée constructive.
957
Dans le cadre communautaire, il est imposé aux Etats membres d’une organisation de tout faire pour
mettre en œuvre les actions communautaires.
958
L’imprécision des domaines matériels aura comme conséquence les risques de conflits dans les
systèmes normatifs.
959
In Colloque OHADA, op. cit. , p. 42.
960
D’ailleurs, le conseil des ministres de l’OHADA réunie les 11 et 12 mars 1999 à Ouagadougou, dans le
cadre du programme annuel d’harmonisation du droit des affaires a décidé d’inclure parmi les matières
à harmoniser, le droit de la concurrence.
247
En plus du droit de la concurrence, d’autres matières peuvent aussi être source de
conflits entre les deux ordres juridiques. En effet, en matière de liquidation des
établissements bancaires, il faut noter l’existence d’une dualité de procédures. L’une des
procédures est prévue par l’Acte uniforme de l’OHADA sur le redressement judiciaire,
l’autre est prévue par la loi portant convention bancaire. Bien que les deux textes soient
complémentaires, sur autant de points, ils cachent aussi des réelles sources de conflit,
car l’article 63 de la loi bancaire dispose « l’administrateur provisoire ou le liquidateur
nommé par le Ministre des Finances peut saisir la juridiction compétente afin de faire
déclarer la banque ou l’établissement financier en état de cessation de paiement. Les
fonctions de l’administrateur provisoire prennent fin dès la nomination d’un syndic ou
d’un administrateur judiciaire ». Il pose un problème juridique entre l’UEMOA et
l’Acte uniforme OHADA car dans le cadre de l’OHADA, il est possible qu’il nomme
un syndic. En cas de redressement judiciaire, le problème peut donc se poser. On note
ainsi une contrariété de textes pouvant conduire à un conflit de normes. Ce conflit est
d’ailleurs inévitable, car les deux organisations ont mis en place ces textes961. Il
appartiendra aux juridictions de régler ce conflit 962.
C’est aussi le cas du conflit né de l’acte uniforme relatif au droit commercial général,
qui a réglementé la vente commerciale et a fixé les obligations du vendeur dans
certaines de ses dispositions963. Il peut entrer en conflit avec les dispositions de l’article
11 du code communautaire des investissements de l’UEMOA. Cet article fixe les règles
de production devant être observées par les entreprises en soumettant celles-ci à
l’obligation de se conformer aux règles et normes exigées pour les produits identiques
dans leur pays d’origine. Il est évident que le contentieux qui naîtra de l’application de
ces dispositions pose le problème du droit applicable car la vente est régie par l’Acte
uniforme sur le droit commercial général.
La doctrine soutient cet état de chose en retenant que « les autres obligations qu’impose
l’article 11 du code des investissements relatif à « l’investisseur producteur » et d’une
manière générale, toutes celles qui pourraient être exigées par l’UEMOA dans le cadre
961
L’Acte uniforme sur les entreprises en difficulté est entré en vigueur. Il en va de même de la loi
portant sur la réglementation bancaire. Ainsi, les risques de conflits ne sont plus potentiels mais réels.
962
La Cour de justice de l’UEMOA et la cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA peuvent
chacune se déclarer compétence régissent du conflit et relatif à a liquidation d’une entreprise.
963
Traité OHADA, acte uniforme sur le droit commercial général, art. 202 et 288.
248
d’une politique de normalisation des produits et services sont susceptibles de créer ou
de favoriser un conflit de normes entre les deux ordres juridiques 964 »965.
Ces conflits de normes peuvent aussi naitre en matière de fiscalité. En effet, l’alinéa 1 er
de l’article 4 du traité UEMOA dispose : « harmoniser dans la mesure nécessaire au bon
fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et
particulièrement le régime de la fiscalité ». L’UEMOA a donné une importance capitale
à la réglementation de la fiscalité 966, qui est au cœur du droit des affaires et présente
surtout un avantage certain pour les Etats membres967. Il en est de même pour le droit
OHADA car l’harmonisation du droit fiscal des affaires dans le cadre de l’OHADA est
une impérieuse nécessité car laisser aux Etats la lassitude de déterminer leur propre
régime de fiscalité directe pourrait constituer une entrave au développement des affaires
et à l’intégration juridique968. Ainsi, dans le cadre de son programme d’harmonisation,
l’OHADA comme d’ailleurs l’UEMOA, procédera à l’harmonisation du droit fiscal des
affaires. Cette matière ne saurait être exclue du domaine de l’harmonisation 969.
Il est à préciser à cet effet que le Conseil des Ministres de l’OHADA, lors d’échanges à
Bangui les 22 et 23 mai 2012, a décidé d’inclure dans le domaine du droit des affaires à
harmoniser, voir uniformiser les matières suivantes : le droit de la concurrence, le droit
bancaire, le droit de propriété intellectuel, le droit des sociétés civiles, le droit des
sociétés coopératives et mutualistes, le droit des contrats et de la preuve.
En décidant ainsi d’harmoniser toutes ces matières 970, l’on remarque bien que le
domaine du droit des matières à harmoniser s’étend de plus en plus, ce qui risque
d’entrer en conflit avec les matières que l’UEMOA décidera d’harmoniser. L’autre
risque de conflit est relatif à l’intégration de leurs normes juridiques dans ceux des Etats
964
Il sera inévitable que les Hautes juridictions soient en conflit pour trancher les litiges qui pourraient
naître dans ces situations.
965
In Colloque OHADA, op. Cit., p. 44.
966
« La fiscalité des affaires est une matière fondamentale dans le cadre du droit des affaires. L’UEMOA
a procédé par une directive à l’harmonisation de la TVA. Cette directive est appliquée dans l’espace
UEMOA. Le projet d’harmonisation de la fiscalité directe est très avancé, son application ne saurait
tarder ».
967
L’importance du régime de la fiscalité pour les entreprises est capitale. La fiscalité peut même
orienter la forme de la société que le chef d’entreprise souhaite mettre en place.
968
C’est dire à l’uniformisation des règles.
969
L’importance de la fiscalité dans la vie de l’entreprise justifie celle accordée à cette matière.
970
Il est évident que toutes ces matières sont au cœur du droit des affaires.
249
membres, eu égard à la primauté que se sont attribués les traités créateurs de ses deux
organisations d’intégration du droit privé.
Le premier est celui de la primauté du droit communautaire sur le droit national des
Etats parties971. C’est une caractéristique fondamentale du droit communautaire positif
de l’UEMOA et de l’OHADA, de nature générale et absolue, malgré que le droit
communautaire reconnaisse une certaine autonomie tant institutionnelle que procédurale
aux Etats972. Ce principe de primauté relève d’une jurisprudence européenne 973 célèbre.
971
Art. 10 traité OHADA et art. 6 du traité UEMOA.
972
« Il se réserve cependant un droit d’encadrement de cette autonomie afin de préserver de façon
égale et effective le processus de primauté du droit communautaire, lequel relève fondamentalement
d’une plus haute mission confiée aux institutions communautaires ».
973
CJCE, arrêt SIMENTHAL ,09 mars 1978/106/77/, Rec. 629.
250
question, une problématique importante dans l’extension et l’effectivité du droit
d’intégration africaine. Les normes UEMOA et OHADA ont en effet la même
hiérarchie, aucune n’étant supérieure à l’autre ; chacune jouissant de la même
reconnaissance dans le droit interne des Etats974. Leurs cours respectives auront à ce
sujet énormément de contentieux à régler sur la question975, à l’instar des juridictions
européennes976.
En effet, l’un des fondements de l’ordre juridique communautaire est son autonomie et
sa spécificité, une autonomie qui fait que chaque ordre juridique à ses caractéristiques et
pouvoirs, et implique que leur coexistence est tout aussi problématique au plan interne
des Etats membres que supra étatique. Elle est due à la dualité de leur source juridique
et à celle de leurs organes institutionnels.
Ce conflit prendra ensuite l’allure d’un conflit juridictionnelle car chacune des
juridictions saisies auront possiblement une approche différente, favorisant à tort ou à
raison son organisation, et faisant ainsi face au refus de l’autre organisation de céder.
Lors du colloque de 2012 sur la cohabitation des deux ordres juridiques
communautaires, les organisateurs retenaient à cet effet qu’« Il appartient aux juges des
deux Hautes juridictions de trouver des solutions. Il en ressortira que chaque juge
donnera sa position et en fonction des attributs qui lui sont dévolus. A ce titre, des
problèmes insolubles pourront apparaître car les deux ordres juridiques, du fait de leur
974
L’autonomie des ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA est une caractéristique fondamentale
de ces deux organes.
975
Des virtualités conflictuelles commencent à se faire voir et prennent la forme de réalité au niveau de
l’élaboration de certaines normes communautaires avant que la justice communautaire n’en connaisse
les premières manifestations.
976
La jurisprudence des deux hautes juridictions tranchera en faveur de l’un ou l’autre des deux ordres
juridiques.
251
autonomie, ne feront pas de concession, d’où la relativité de cette notion dans l’espace
communautaire UEMOA, OHADA »977.
Ce principe qui a permis aux particuliers de se prévaloir d’un droit communautaire pose
toute la problématique des risques de conflits entre le droit communautaire de
l’UEMOA et celui de l’OHADA dans le cadre de leur intégration dans les ordres
juridiques nationaux. Devant cette situation, un conflit de normes se posera et les
solutions dépendront de l’interprétation des juges qui pourront interpréter en leur
faveur, en fonction de la lecture du texte, car il peut arriver qu’une matière soit
réglementée et par l’UEMOA et par l’OHADA et que les dispositions soient
concurrentes en fonction des objectifs visés pour les deux organisations, ce qui ramène
aussi à la question de l’immédiateté du droit communautaire, dans son caractère
obligatoire devant les juridictions 982. « Les normes communautaires, sont
automatiquement valables dans les ordres juridiques nationaux, il est non seulement
inutile mais également prohibé de recourir à une quelconque procédure de
977
In Colloque OHADA, op. Cit., p. 46.
978
CJCE du 19 décembre 1991, Rec. 1. 60. 79.
979
Les traités communautaires ont institué un nouvel ordre juridique au profit duquel, les Etats ont
limité dans les domaines les plus étendus, leur droit souverain et dont les sujets sont non seulement des
Etats membres, mais également, leurs ressortissants.
980
Ce sont ces principes d’effet direct et de primauté qui ont été consacrés par l’ articles 43 qui
énumère les actes juridiques que peuvent prendre les organes de l’Union et l’article 9 du traité de Port
Louis qui qualifie les actes juridiques et fixe leurs conditions d’entrée en vigueur une fois remplies les
formalités de publication et de délai.
981
Le principe de l’effet direct impose aux juridictions nationales, l’application du droit communautaire.
982
L’ordre juridique communautaire comme tout ordre juridique a pour objectif de réglementer des
situations juridiques.
252
transformation ou de réception. C’est le noyau dur de l’immédiateté du droit
communautaire »983.
Il s’agira ainsi d’une véritable révolution dans les relations entre ordres juridiques. Pour
la communauté européenne, la Cour de justice a condamné toute récemment ce
dualisme. Dans les relations entre normes communautaires et ordre juridique interne les
Etats demeureront totalement libres quant à la nature de leurs rapports avec l’ordre
international984.
En résumé, les traités UEMOA et OHADA occupent un même degré de hiérarchie par
rapport au droit interne des Etats qu’au droit international985. Ce principe hiérarchique
définit la position que ces deux ordres juridiques occupent par rapport à
l’ordonnancement juridique et présente également des conséquences, dans l’application
de ces normes. Ayant la même position l’une par rapport à l’autre et face à un problème
que ce soit dans le cadre interne ou international, les risques de conflits sont
perceptibles, car les deux normes UEMOA, OHADA, si elles couvrent une même
matière, que ce soit dans le cadre du droit fiscal, du droit de la concurrence ou de toute
autre matière qui s’applique directement, le risque de conflit sera réel et permanent tant
que ces deux organisations réglementeront des matières qui s’interpénètrent, soit par des
similitudes ou surtout des antinomies. Comme le rappelle la doctrine, « celui-ci se
réalisera toutes les fois où, en vue de régler une situation relevant de leur large domaine
d’action commune, le droit communautaire de l’UEMOA et le droit uniforme de
l’OHADA, proposent des solutions radicalement différentes dont les ultimes effets ne
s’harmonisent pas ».
Cependant, nous pouvons heureusement relativiser un peu la question car les risques de
conflits, au sens large, existeront dès lors qu’il subsiste une divergence dans la solution
retenue par l’un ou l’autre des deux ordres juridiques 986.
983
In Colloque OHADA, op. Cit., p. 46.
984
Le principe de l’immédiateté postule des conflits entre le droit communautaire et les droits nationaux
mais également des conflits entre l’ordre juridique de l’UEMOA et celui de l’OHADA car les normes
juridiques s’appliquent immédiatement sur les ordres juridiques nationaux.
985
La hiérarchie du droit communautaire peut s’analyser autant au niveau des ordres juridiques
nationaux qu’au niveau des ordres juridiques internationaux.
986
Ce qui rend encore plus importante et opportune la solution que nous proposerons par la suite, qui
consistera à la création d’une super organisation communautaire, qui coifferait les organisations déjà
existantes et favoriserait ainsi plus de cohésion, une cohabitation plus facile et une organisation plus
253
Paragraphe II : les implications d’une cohabitation entre les
organisations régionales 987
L’impact négatif que cause la coexistence de ces deux ordres juridiques dans les
différents Etats membres justifie largement la nécessité de trouver des solutions et des
atténuations à ces divers conflits nés de cette situation988. Ce qui justifie que des
solutions rapides et pertinentes aient été envisagées pour résoudre la question. Mais
quand à la suffisance et l’efficacité de ces solutions, les problématiques existent encore.
claires des domaines de compétences de chacune d’elle. Une solution aussi efficace aux risques de
conflits communautaires.
987
Sur la question, voir aussi YAYA SARR A., « Conflits entre normes communautaires : aspects négatifs,
aspects positifs et solutions », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation »,
24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 29.
988
Ibidem.
989
Ibidem.
990
Ibidem.
991
Afin d’éviter les risques de conflits, il est utile de les prévenir.
992
La favorisation des échanges et la collaboration dans la phase de préparation des règles juridiques.
254
En effet, afin d’aplanir les risques de conflits entre les deux ordres juridiques, les
organes des deux organisations doivent collaborer et se concerter dans le processus
d’élaboration de leurs corpus juridiques. Dans le cadre de l’UEMOA, l’article 42 du
traité indique « pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues
par le présent traité :
Afin d’éviter des risques de conflits et du fait que les deux organisations évoluent dans
un même espace économique994, la concertation est un moyen sûr d’éviter les risques de
conflits. A ce titre, nos développements précédents, en faveur d’une complémentarité
entre les deux ordres juridiques peuvent illustrer que les normes déjà élaborées par les
deux organisations peuvent constituer une base de solutions.
Ainsi, il est vérifié que le droit uniforme OHADA, dans la mise en place et la mise en
œuvre de ses actes uniformes constitue un apport certain pour le droit des entreprises au
993
Traité OHADA, articles 29 et 40.
994
Il faut noter que les états membres de l’UEMOA sont également membres de l’OHADA.
255
sein de l’UEMOA. Il en va de même pour le droit de la concurrence, des normes
relatives au marché commun et au marché financier par exemple pour l’UEMOA qui
sont un apport certain pour la sécurité juridique entreprise sous l’empire de l’OHADA.
A ce niveau, la solution qui est retenue, dans ce contexte de cohabitation est le modèle
d’une concertation permanente entre les diverses organisations impliquées afin de
répondre au mieux aux attentes et aux insuffisances les une des autres.
C’est à ce titre, que la proposition est faite lors du Colloque sur la Cohabitation entre les
ordres juridiques de préconiser995 « la création d’un cadre de concertation entre la
CEMAC et l’UEMOA, en vue de faire du droit uniforme de l’OHADA une base de
régulation et permettre aux organes de la CEMAC également de se concerter avec les
organes de l’OHADA, du fait que dans la même région, les deux organisations CEMAC
et OHADA coexistent de la même manière que l’UEMOA et l’OHADA. Ainsi, le
principe de complémentarité entre l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA, permettra
d’éviter les risques de conflits, car que ce soit le traité de Dakar ou celui de Port Louis,
certaines de leurs dispositions permettent d’éviter les risques de conflits » 996.
995
Sur la question, voir aussi BANGOURA O., « Interfaces institutionnelles et réglementaires de l’arrec :
risques de chevauchement et de conflits de compétences avec les institutions de la région ayan des
domaines de compétences similaires », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la
cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
996
Colloque OHADA, op. Cit., p. 76.
997
Traité OHADA, art. 60.
998
Dans la mise en œuvre donc de l’article 60 du traité de Dakar, la Conférence des Chefs d’Etats doit
tenir compte des Actes uniformes adoptés par l’OHADA. Ainsi, elle doit dans le cadre de sa politique
256
Etant donné que le droit uniforme OHADA constitue un complément indispensable aux
entreprises, créées dans le cadre de la CEMAC ou de l’UEMOA, le conseil des
Ministres, la Commission en application des dispositions de l’article 42 éviteront donc
de prendre des actes additionnels, des règlements, des directives ou encore des avis et
recommandations qui entreront en conflit avec ce droit uniforme OHADA 999.
Dans le même ordre d’idées, en coordonnant leur position dans la procédure d’adoption
des actes uniformes, les Etats membres de l’UEMOA et de la CEMAC pourront
contribuer à réduire les risques d’incompatibilités, dans la mesure ou une telle ouverture
et un droit de parole sur le droit uniforme de l’OHADA leur donne une sorte de pouvoir
pour faire échec à l’entrée en vigueur d’un acte uniforme qu’il jugera contraire à leur
attentes ou source potentielle de conflit communautaire 1000. Soit en votant contre, du fait
de l’exigence de l’unanimité, soit en pratiquant la politique de la « chaise vide » 1001, leur
absence ne permettant pas d’atteindre le quorum qui requiert les deux tiers.
En outre, les dispositions de l’article 13 du traité de l’UEMOA 1002 nous confortent dans
cette position, en prévoyant une coopération entre l’UEMOA et les autres organisations.
d’orientation, tenir compte des progrès déjà réalisés par l’OHADA afin d’éviter des risques de conflits
entre les deux ordres juridiques.
999
Dans ce cadre, le référentiel sera pour l’UEMOA et la CEMAC de s’abstenir d’adopter des normes
juridiques contraires aux normes édictées par l’OHADA. La Conférence des Chefs d’Etat devra également
avoir un égard par rapport à l’OHADA, d’autant que l’article 14 du traité de Dakar suggère au Conseil des
Ministres, l’opportunité d’éliminer les incompatibilités et les doubles emplois dans les dispositions
communautaires d’intégration.
1000
Cf. BANGOURA O., « Interfaces institutionnelles et réglementaires de l’arrec : risques de
chevauchement et de conflits de compétences avec les institutions de la région ayan des domaines de
compétences similaires », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24
au 26 janvier 2011.
1001
Consiste à être absent au moment des votes important et des décisions pour les boycotter.
1002
Cet article 13 constitue un fondement important pour les organes de l’UEMOA, pour des
concertations avec les organes de l’OHADA. Elles doivent être mises en œuvre afin de permettre aux
257
Ainsi, cette disposition prévoit : « l’Union établit toute coopération utile avec les
organisations régionales ou sous régionales existantes. Elle peut faire appel à l’aide
technique ou financière de tout Etat qui l’accepte ou d’organisations internationales,
dans la mesure où cette aide est compatible avec les objectifs définis par le présent
traité. Des accords de coopération et d’assistance peuvent être conclus avec des Etats
tiers ou organisations internationales, dans la mesure où cette aide est compatible avec
les objectifs définis par le présent traité. Des accords de coopération et d’assistance
peuvent être conclus avec des Etats tiers ou organisations internationales selon les
modalités prévues à l’article 84 du présent traité »1003.
Cette coopération a été illustrée dans le cadre du statut que le gouverneur de la BCEAO
a obtenu des Chefs d’Etat qui souhaitent une étroite collaboration dans la conduite des
chantiers entre son institution et le directoire de l’OHADA. C’est ainsi qu’aux termes
des consultations, la Banque Centrale est admise comme Commission nationale au sein
des structures de l’OHADA pour l’examen des projets d’Actes uniformes qui
constituent après leur adoption, le socle du droit applicable dans ce domaine. « La
Banque Centrale peut aussi s’assurer que les orientations et les prescriptions arrêtées,
concordent avec les objectifs, qu’elle entend poursuivre de façon générale, et plus
spécifiquement dans le cadre des chantiers ayant trait à la centrale des bilans et au
marché financier »1004.
1005
Dans la recherche de solutions préventives à la problématique des risques de conflits, les articles 6,
7 et 8 du traité de l’OHADA déterminent la procédure d’élaboration et d’adoption des Actes uniformes.
Elles se déroulent en plusieurs étapes et permettent aux différents organes d’effectuer leurs
attributions en la matière. Ainsi, selon l’article 6 « les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat
Permanent en concertation avec les gouvernements des Etats membres. Ils sont délibérés et adoptés par
le Conseil des Ministres après avis de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage». Cette disposition
permet aux Etats membres de l’OHADA qui regroupent en leur sein huit, 8 Etats membres de l’UEMOA
de mettre en place le principe de la concertation dans le cadre de l’élaboration des Actes uniformes afin
qu’ils n’entrent pas en conflit avec les normes UEMOA pris dans la même matière.
1006
Cf. BANGOURA O., ibidem.
259
L’article 11 permet au Conseil des Ministres d’approuver sur proposition du Secrétariat
Permanent, le programme annuel d’harmonisation du droit des affaires. Cette
disposition permet à ces organes, dans le cadre de leur collaboration et de la
concertation, de tenir compte dans le programme annuel des matières qui sont déjà
uniformisées dans le cadre de l’UEMOA1007. Ceci entend donc, non plus une
collaboration ou des concertations au sens simple mais une comparaison des textes, un
examen plus approfondi des dispositions souveraines sur la base de textes extérieurs,
étrangers, c’est dire une limite à la supériorité et à l’autonomie des dispositions
communautaires. L’on s’imagine bien alors que les textes adoptés ne sont plus le fruit
d’une seule organisation ou la matérialisation de ses missions personnelles ou de ses
objectifs, ayant été aussi le fruit de l’avis et de l’opinion d’autres organisations. Il
n’existe plus dans ce contexte une quelconque autonomie des organisations
internationales.
C’est dire que si l’OHADA aujourd’hui doit voir bloquée l’adoption d’un acte uniforme
parce que l’UEMOA ou la CEMAC pense qu’elle entre dans son champ d’actions, dans
sa mission, c’est admettre que l’on est plus sur un registre de souveraineté
internationale, de légitimité des actes communautaires entreprises et encore moins
d’autonomie des organisations régionales. Cette première problématique trouve tout son
sens lorsque l’on sait surtout qu’une telle implication, si elle n’est pas limitée et
encadrée constitue une violation des traités constitutifs de chacune de ces organisations.
De plus, les implications néfastes sont diverses et de divers ordres. En effet, l’on sait
déjà que l’OHADA, en tant qu’organisation unique, jouissant de prérogatives et
d’institutions fonctionnelles1008, éprouve déjà énormément de mal dans la procédure
1007
Ibidem.
1008
Le transfert de compétences au Conseil des Ministres résulte de la volonté des Etats de confier leur
souveraineté à un organe supranational au nom du principe tendant à la réalisation de l’unité et de
l’intégration africaine.
260
d’adoption interne de ses actes uniformes. L’adoption des Actes uniformes se fait
conformément aux dispositions des articles 2 et 8 du traité. Ainsi, selon l’article 8 «
l’adoption des actes uniformes par le Conseil des Ministres requiert l’unanimité des
représentants des Etats parties présents ou votants. L’adoption des Actes uniformes
n’est valable que si les deux tiers au moins des Etats parties sont représentés.
L’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption des Actes uniformes ». Alors imaginons
que l’UEMOA ou encore la CEMAC ou tout autre organisation communautaire ait un
droit de regard et une opposition à faire valoir lors des débats d’adoption1009. D’une part
cela entend des procédures plus longues et voire inabouties, des débats interminables et,
d’autre part, des projets ou avant projets d’actes uniformes sans cesse remis en cause et
modifiés, et donc jamais adoptés puisque dans ces considérations, le consensus et
l’unanimité sur les objectifs du texte et sur son contenu deviennent de mise 1010.
Cela entend aussi que les organisations impliquées dans le processus feront intervenir
leurs organes fonctionnels, c'est-à-dire donc un chevauchement entre les diverses
institutions communautaires et tout un mélange de décisions et de discussions, qui
pourraient s’avérer infructueuses et sans aucun aboutissement. En effet, les processus
d’élaboration des règles dans cet espace, prévoient le droit de consultation des Etats
membres et des institutions auprès des juridictions communautaires 1011, sur la validité et
l’applicabilité potentielle entre les divers ordres juridiques. Les dysfonctionnements
relevés dans les législations respectives des communautés ne peuvent provenir que d’un
manque de vigilance des Etats membres.
Le régime juridique des Actes uniformes pourra être ainsi rapproché de celui des
accords liant la communauté européenne au titre de l’accord 228 du traité CE ou de
celui des traités multilatéraux conclus antérieurement par les Etats membres avec des
Etats tiers.
Il est aussi un constat que la procédure et les diverses démarches d’adoption des actes
uniformes ont un coût considérable pour l’organisation. S’il est question d’envisager
une coopération dans ce cadre avec d’autres institutions, d’autres organes, d’autres
organisations régionales, il est ainsi question d’augmenter les dépenses, une chose
1009
Sur la question, voir aussi Marius IBRAGA L., « Etats des lieux de la problématique de la cohabitation
des droits communautaires : cas de l’Afrique », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à
la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
1010
Ibidem.
1011
Ibidem.
261
qu’aucune organisation communautaire africaine ne peut se permettre à ce jour, surtout
lorsque l’on sait déjà que le financement de leurs activités et travaux est encore à ce jour
une problématique des plus importantes pour leur survie.
Envisager une coopération et une concertation1012 aussi poussées entre les Etats
reviendrait à les traiter alors comme une seule et même ou des démembrements d’une
même et unique. Etant donné que chacune d’elles poursuit des objectifs
communautaires déjà similaires à ceux des autres et que pour l’OHADA par exemple,
pour qui faire de l’uniformisation juridique des législations est essentiel, toute
participation à ce processus très sensible relève d’une appartenance à cette organisation.
Il est inenvisageable du point de vue de l’autonomie, de la souveraineté et de la
légitimité que doit maintenir chacune de ces organisations par rapport à ses missions et
ses objectifs d’intégration1013.
Il est donc important de relativiser l’opportunité des solutions apportées jusqu’à présent
et de songer à des solutions plus efficaces et plus respectueuses des prérogatives de
chacune de ces organisations communautaires d’intégration juridique et économique 1014.
1012
Il faut noter que l’illustration de la politique de concertation et de collaboration a été consacrée à
l’occasion de l’élaboration de l’Acte uniforme sur le droit comptable. En effet, pendant l’élaboration de
cet Acte uniforme toutes les dispositions ont été prises pour que ses dispositions n’entrent pas en
contradiction avec le règlement SYSCOA. Ainsi, certaines dispositions du règlement ont été abrogées
pour tenir compte des préoccupations de l’Acte uniforme.
1013
La doctrine préconise à cet effet, pour mieux mettre en pratique cette politique de collaboration et
de concertation, il serait opportun d’attribuer expressément à l’OHADA la fonction du centre principal
de législation en matière de droit des affaires et de mettre en place, en son sein, une structure même.
Cette institution Ad Hoc de liaison entre l’organisation et les autres organes d’intégrations économiques
régionales notamment l’UEMOA et la CEMAC, aura pour mission de prévenir les risques de conflits entre
les deux organisations.
1014
Une répartition rationnelle de compétences normatives voire judiciaire est parfaitement concevable
au sein de cette organisation d’intégration juridique. Il suffira au préalable, que ces deux organisations
d’intégration économique instituent une coopération bilatérale en vue d’harmoniser leurs droits
communautaires respectifs, et que des accords de coopération soient conclus en ce sens entre
l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA.
262
Section II : Les solutions pour une nouvelle dynamique
communautaire d’intégration juridique
Notre étude n’a pas vocation qu’à soulever les insuffisances des mécanismes
communautaires mis en place et fonctionnels, mais aussi d’apporter des solutions plus
efficaces et plus adaptées aux réalités socioculturelles et au modèle institutionnel de ces
divers ordres juridiques communautaires africains 1015.
Au-delà des organisations régionales, ce que nous cherchons donc à appréhender ce sont
les processus à l’œuvre. En effet, à l’instar de l’intégration européenne qui a subi
plusieurs changements liés au processus intégrationniste, l’UEMOA, l’OHADA et la
CEMAC du fait de leur réussite, la portée économique de la Zone Franc n’est plus à
démontrer. Ainsi, l’UEMOA, la CEMAC, et l’OHADA doivent coexister de la plus
belle manière, afin de permettre à leurs Etats parties ou membre de tirer le meilleur
profit qui soit.
Ces solutions tourneront donc autour de l’opportunité d’une réadaptation des deux
organisations (Paragraphe I) et la nécessité d’une réadaptation de l’espace
communautaire (Paragraphe II).
1015
Sur la question, voir KALIEU ELONGO Y., « L’expérience législative du droit communautaire de la
concurrence en Afrique centrale », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la
cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
263
Paragraphe I : L’opportunité d’une réadaptation des deux
organisations
« L’harmonisation du droit ne doit pas être forcément limitée à la solidarité inter
communautaire ou intra communautaire. La tendance actuelle à la globalisation et à la
mondialisation recommande une connexion des espaces intégrés sous régionaux ou
régionaux entre eux d’abord, puis avec les systèmes planétaires intégrés d’où l’intérêt
des Etats membres ou même des communautés d’intégration à adhérer aux Conventions
internationales à vocation universelle et à caractère économique, surtout lorsqu’elles
prennent en compte les intérêts des pays en voie de développement »1016.
Cette évolution présentera un double avantage. Elle permettra d’intégrer les normes
juridiques mises en place dans les sources du droit communautaire, ce qui est de nature
à réduire les conséquences néfastes de l’autonomie dont semble jouir les deux corps de
règles l’un à l’égard de l’autre1017.
En effet, les mouvements d’intégration sont conduits de façon à apporter une certaine
visibilité aux organisations régionales. L’idée d’intégration régionale est associée à la
fois à de nombreux enjeux mais aussi à une dimension de transformations et de
réorganisation de l’existant juridique. Ainsi, le caractère statique d’une simple
description à travers des objectifs, des institutions et des résultats ne rendrait compte
que très imparfaitement des évolutions en cours1018.
1016
La Convention de VIENNE du 11 août 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises
et son protocole d’application, la Convention de GENEVE de 1978 sur le transport international de
marchandises par Mer communément appelée règles de Hambourg, la Convention de GENEVE de 1980
sur le transport multimodal international de marchandises, la Convention de New York 1988 des nations
unies sur les lettres de change internationales et les billets à ordre internationaux, la Convention des
Nations Unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce
international.
1017
Cf. KALIEU ELONGO Y., « L’expérience législative du droit communautaire de la concurrence en
Afrique centrale », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26
janvier 2011
1018
Dans le contexte actuel, les intégrations régionales peuvent constituer des compléments importants
au processus de mondialisation.
264
A. La réadaptation institutionnelle 1019
Selon les termes de son préambule, le traité de l’UEMOA s’inscrit dans un vaste
mouvement d’intégration régionale : fidélité aux objectifs de la communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) créée en 1975, appel aux
autres Etats de l’Afrique de l’Ouest et aux signataires, évocation de la Communauté
Economique Africaine vers les horizons 2005 conformément aux stipulations du traité
d’Abuja de 1991. Quant à l’OHADA, c’est une organisation régionale sans précédent
dans l’histoire des mouvements d’intégration1020. Elle consacre une intégration juridique
d’un vaste territoire composé de dix sept (17) Etats qui ont accepté d’harmoniser leur
droit des affaires, et de s’unir autour d’un traité fondateur. Ce même traité qui nécessite
à ce jour une réadaptation pour répondre à la cohabitation communautaire.
La relecture de ces traités ira dans un premier temps, dans le sens d’une création ou
d’une réadaptation du système institutionnel existant.
1019
Sur la question, cf. KOUMBA MESMIN E., « Libre propos sur la commission de surveillance du marché
financier de l’Afrique centrale : COSUMAF », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123e Année,
Numéro 882, janvier – Mars 2013, p 120.
1020
C’est la première fois à travers le monde qu’une organisation de ce type a été consacrée.
1021
Évolution des traités :
- 1950 – 1951, Création de la CECA ;
- 1957, Signature des traités CEE et Eurofom ;
- 1982, Traité de Maastricht et de l’Union européenne ;
- 1986, Acte unique européen ;
1022
Sur la question, voir aussi NGOM M., « Concurrence des droits communautaires UEMOA/CEDEOA »,
Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
1023
Ibidem.
265
A ce titre et en plus des organes qu’elle a institué pour élaborer les Actes uniformes,
l’OHADA doit également prévoir la création d’un Parlement en son sein à l’instar de
l’UEOMA1024. Il en est de même pour la CEMAC, à l’instar de celui de l’Union
européenne, dont les Parlements jouissent d’un rôle fondamental en matière de
régulation des conflits. Ainsi, une intégration régionale n’a de chances de succès que si
elle s’appuie non seulement sur les institutions mais également sur les acteurs
économiques et sociaux auxquels elle donne vie. Dans le cadre de l’OHADA, le fait de
confier la fonction législative à un Conseil des Ministres sans l’intervention des
Parlements nationaux a été critiqué par une bonne partie de la doctrine 1025. Celle-ci
considère ainsi que les Parlements nationaux ont été dépouillés de leur attribution
originelle, créant ainsi une sorte de fragilisation de la théorie de la séparation des
pouvoirs et une prise de puissance évidente dé l’exécutif sur le législatif, surtout au plan
communautaire des décisions1026.
Le Parlement de l’OHADA serait ainsi, à notre sens, une instance de régulation, chargée
à cet effet de contrôler au même titre que le Parlement de l’UEMOA, les organes
chargés d’élaborer les Actes uniformes. Dés lors, il sera utile de créer une Commission
ad hoc qui regroupera les membres des Parlements de l’UEMOA, de la CEMAC et de
l’OHADA afin de vérifier le contenu des normes communautaires et leur portée sur les
législations des autres organisations en vue de pallier tout risque de conflits1027, ce qui
constitue déjà une solution à l’épineuse question de la souveraineté1028, de
l’autonomie1029 et de la légitimité des organisations communautaires dans l’élaboration
de leurs dispositifs1030.
L’idée de restructuration une fois retenue, se pose donc la question des voies et moyens
de sa matérialisation. A ce propos, le professeur Rousseau nous invite à la prudence
1024
Qui l’a fait bien que disposant d’un Conseil des Ministre, d’une Commission et d’une Conférence des
Chefs d’Etat chargés d’élaborer soient des règlements, soient des directives ou encore des
recommandations ou des avis.
1025
Sur la question, cf. Mbissane NGOM, ibidem.
1026
Ibidem.
1027
L’intérêt de la création de cette institution est de permettre une passerelle entre les organisations
qui pourront alors prévenir les risques de conflits en leur sein afin de s‘armer pour affronter la
mondialisation, qui frappe à la porte de leurs Etats.
1028
Sur ces questions, voir BOY L., « Etat des lieux de la problématique de la cohabitation des droits
communautaires : cas de l’Europe », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la
cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
1029
Ibidem.
1030
Ibidem.
266
quand il écrit « à beaucoup d’égard, le problème de contrariété des règles
conventionnelles est encore largement dominée par des facteurs d’ordres politiques et
son règlement est fonction du progrès, du sentiment, du droit des Etats contractants
»1031. La réadaptation institutionnelle doit également intéresser les organes chargés
d’appliquer ce droit en matière de contentieux communautaire, en plus des organes
chargés d’élaborer le droit communautaire. En effet, les organisations telles que
l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA ont chacune mis en place des Cours de justice
pour l’application du droit communautaire. Ces Cours, dans leur compétence
d’attribution, sont chargées d’interpréter et d’appliquer le droit communautaire qui est
soumis par chacune des organisations.
1031
ROUSSEAU C., Droit international public, 11e édition Dalloz 1987, p. 55.
1032
Colloque, op. Cit. , p. 84.
1033
Sur la question, voir SAKHO A., « le règlement du contentieux communautaire par la méthode du
recours préjudiciel dans l’espace CEMAC », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la
cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
1034
Ibidem.
267
organisations d’intégration juridique qui n’ont pas de juridiction supranationale dans
leur système institutionnel1035.
L’idée est à première vue bonne et semble résoudre le problème de conflit judiciaire,
surtout qu’elle serait un peu à l’image de la Cour des communautés européennes 1037 qui
est une institution chargée d’appliquer le droit issu de plusieurs organisations qui
constitue la communauté1038. Mais à y voir de plus près, ce serait aussi une source de
diverses autres problématiques. En effet, une certaine suspicion pourrait pousser à
relativiser sur l’impartialité des décisions de cette cour, nouvelle version, étant
consciente qu’elle est sous le contrôle de l’OHADA et donc potentiellement plus acte à
lui donné raisons surtout en matière d’interprétation du droit communautaire. Aussi, les
autres organisations, d’un point de vue stratégique, pourraient bien s’y opposer. Sans
compter aussi la question de la composition de cette nouvelle cour suprême, entre les
Etats membres des trois organisations, chose qu’il serait difficile à mettre en œuvre.
Aussi, cette extension pour être efficace devrait toucher aussi la composition des
membres de la Cour et son statut, car le contentieux futur qui doit lui être soumis exige
la refonte de cette institution1039. Dans notre proposition, il serait judicieux que le
nombre soit augmenté de sorte qu’a l’instar de l’UEMOA et de l’UE chaque Etat soit
représenté au sein de la Cour afin que les ressortissants de ces Etats puissent faire
confiance à cette institution chargée de la cassation et que la jurisprudence ainsi rendue
1035
Ibidem.
1036
C’est là une idée qui ne doit pas poser de problèmes majeurs, car il suffit simplement d’une volonté
politique de tous les Etats membres de l’OHADA qui sont soit membres de l’UEMOA, soit membres de la
CEMAC, mais ce à quelques considérations prêts.
1037
Ainsi d’une manière harmonieuse, cette cour applique le droit communautaire issu de ces
organisations sans trop de difficultés.
1038
CECA, CEE, UE.
1039
L’article 31 du traité fixe à sept (7) le nombre de juges composant la CCJA, alors que le volume du
contentieux a augmenté.
268
soit acceptée par tous.1040 Un prix fort à payer, entre la légitimité et l’impartialité car
une représentation de tous les Etats membres des organisations réunies autour de cette
refondation de la CCJA est déjà très abusée et absurde pour une juridiction et pire, ne
constitue en rien une garantie d’impartialité 1041.
Il faut noter que certains Etats qui ont signé l’Accord de Bangui ne sont pas membres de
l’OHADA. Toutefois, du fait du caractère ouvert de l’organisation 1043, ces Etats peuvent
adhérer à l’OHADA car le contexte de la mondialisation devrait les contraindre à être
membre de l’OHADA. Cependant, pour réaliser l’extension des compétences de la
CCJA il faudrait modifier certains articles 1044 des traités de la CIMA et de l’OAPI qui
ne contiennent aucune disposition spéciale concernant le contentieux relatif à leur
législation unique. Ainsi, ces traités pourraient édicter une disposition leur permettant
de réguler les contentieux relatif à l’interprétation et à l’application de leur législation
tout en les soumettant aux dispositions des articles 13 à 20 du traité OHADA.
1040
Une solution qui soulève aussi d’autres problématiques déjà relevées sur l’organisation de la CCJA et
le fait de donner une représentation pour chaque Etat, qui en ferait plus un parlement qu’une juridiction
impartiale.
1041
Les décisions de la Cour étant prises à la majorité des juges, selon l’article 19 alinéa 4.
1042
Maître NDOYE D., EDJA n° 22, juillet – Août - Septembre 1994, p. 16.
1043
Une autre problématique que nous éluciderons dans la suite de nos développements.
1044
Articles 13 à 20 du traité OHADA.
269
de 19581045, relatif à l’exécution des sentences. Ainsi, ceci constituerait une garantie car
les Etats membres de l’UEMOA, de la CEMAC et de l’OHADA doivent également
consacrer la reconnaissance pour chaque organisation, des sentences rendues par leur
Cour de justice respectives.
1051
Ibidem.
1052
Cf. DAVID E, op. cit, p. 189.
1053
La méthode de rédaction d'un texte communautaire voire d'une loi nationale n'obéit pas aux
mêmes critères et exigences que ceux d'une Convention internationale.
1054
Les Conventions internationales comportent de façon pertinente des dispositions relatives à la
compétence juridictionnelle pour le règlement des contentieux entre parties. Exemples: articles 26 et 27
de la Convention internationale du 24 Mai 1980 précitée ; articles 31 ; 33 et 39 de la Convention dite
271
En guise d’exemples :
CMR précitée ; Articles 21 et 22 de la Convention sur le transport international de marchandises par mer
signée à Hambourg le 31 Mars 1978. Il se trouve que la reproduction de telles règles dans un texte de
droit communautaire est simplement superfétatoire. C'est ce qui s'est pourtant produit dans beaucoup
de textes actuels.
1055
Les articles 26 et 27 de la Convention inter-états de transport mu1timodal de marchandises en
UDEAC a repris les articles 26 et 27 relatifs à la compétence juridictionnelle et à l'arbitrage de la
Convention des Nations Unies du 24 Mai 1980.
1056
Avec d'ailleurs beaucoup de formulations malheureuses.
1057
Cf. art. 395 et suivants.
1058
Les articles 26 et 27 de 1'Acte uniforme sur 1e transport routier de marchand1ses dans l'OHADA ont
reproduit les articles 33 et 31 de la CMR de 1956.
1059
Cf. DAVID E., ibidem.
1060
Encore que ce texte définitif de l'Acte uniforme est largement amélioré par rapport à l'avant-projet
qui, lui, était identique à tout point de vue à la CMR.
1061
Les préoccupations des plénipotentiaires élaborant une Convention internationale ne sont pas les
mêmes que celles qui doivent habiter un expert commis pour concevoir un texte de droit
communautaire.
272
1999 suffit largement » et rend ainsi superfétatoires les dispositions correspondantes
prévues dans un quelconque autre texte de droit communautaire OHADA.
Par ailleurs, s'il n'existe pas encore un acte uniforme sur la compétence de droit
commun des juridictions étatiques, il se trouve que les dispositions actuelles susvisées et
reprenant les Conventions sur ce sujet sont également inutiles dès lors que ces textes ont
adopté la primauté de l’autonomie de la volonté du demandeur à l'action. Cela donne à
ce dernier la liberté entière de saisir la juridiction de son choix. C’est ainsi que d’autres
dispositions contenues dans les textes sont simplement incompatibles avec le droit
communautaire1062.
A titre illustratif et pour une bonne compréhension du lecteur, il ne serait pas superflu
de reproduire, ici, in extenso, les différentes formules utilisées dans le Traité et les
Actes uniformes.
1062
S'agissant de l'OHADA, l'article 18 actuel de l'Acte Uniforme sur le transport routier de marchandises
a finalement retenu le FCFA car tous les Etats membres de l'OHADA exceptée la République de Guinée
Conakry sont en zone franc et de ce point, cette monnaie (FCFA) devrait être la seule référence. Ensuite,
cela est encore davantage plus vrai dans l'UEMOA qui est d'abord une Union Monétaire. Le DTS étant
une monnaie internationale constituée fictivement à partir d'un panier de monnaies servant de
référence ne peut valoir qu'entre Etats ne partageant pas la même monnaie. Ainsi, aucun texte de
l'Union Européenne ne viendrait à se référer au DTS en lieu et place de l'Euro.
1063
Sur la question, voir Maurice BATANGA, Le droit de l’OAPI : accord de Bangui du 24 Février 1999,
Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
1064
Cf. BATANGA M., « Le droit de l’OAPI : accord de Bangui du 24 Février 1999 », Revue spécial
ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.
1065
Du moins dans la lettre du texte et par voie de conséquence dans sa compréhension.
273
- article 10 (Traité de 1'OHADA) : « Les Actes uniformes sont directement applicables
et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit
interne, antérieure ou postérieure ».
- article 1er Acte uniforme sur le droit commercial général : « Tout commerçant
physique ou morale y compris toutes sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou
une personne de droit public est associé, ainsi que tout groupement d'intérêt
économique, dont l'établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l'un des
Etats-parties au Traité relatif à l'harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (ci-
après dénommés Etats-parties), est soumis aux dispositions du présent Acte uniforme.
En outre, tout commerçant demeure soumis aux lois non contraires au présent Acte
uniforme, qui lui sont applicables dans l'Etat-partie où se situe son établissement ou son
siège social ».
- article 919 (Acte Uniforme sur les Sociétés commerciales et les GIE) : « Sont
abrogées, toutes les dispositions légales contraires aux dispositions du présent Acte
uniforme ».
- article 150 (Acte Uniforme portant organisation des sûretés) : « Sont abrogées toutes
les dispositions antérieures contraires à ce11e du présent Acte Uniforme ».
- article 257 (Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement
du passif) cf. article 150 Acte uniforme relatif aux sûretés (supra).
- article 35 (Acte uniforme sur le Droit de l'arbitrage) : « Le présent Acte uniforme tient
lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats-parties ».
274
s'applique quels que soient le domicile et la nationalité des parties au contrat de
transport ».
1066 er er
cf. article 1 AUDCG, articles 1 et 30 AUTMR.
1067
cf. Rousseau C., De la compatibilité des normes juridiques contradictoires dans l'ordre international,
RGDIP 1932.177 et Paul Lescot, L’interprétation judiciaire des règles de droit uniforme, JCP 1963, doct.,
1756 ; aussi, Lagarde P., « Les interprétations divergentes d'une loi uniforme donnent-elles lieu à un
conflit de lois : à propos de l'arrêt HOCKE (com. 4 Mars 1963) », in RCDIP 1964.235.
1068
Cf. BIKECK MBANG A., « La saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières de la législation
OHADA : une réforme inadaptée au droit des sociétés commerciale »s, Revue trimestrielle de droit
africain PENANT, 123e Année, Numéro 882, janvier – Mars 2013, pages 5.
1069
Sur la question, voir KOUADIO K., « Conflits de normes et application du droit communautaire dans
l’espace OHADA », Revue Ersuma, 2012, p 21.
275
est au centre de l’opportunité ou non de la mise en place 1070 d’une nouvelle norme
communautaire. Il est à noter que l’UEMOA et l’OHADA partagent un même domaine
matériel, et doivent mettre en place un système qui puisse permettre à leurs dispositions
d’être complémentaires plutôt que contradictoires.
Notre approche ira au-delà, préconisant une délimitation plus stricte du champ d’actions
de chacune des organisations sur l’échiquier communautaire et une stricte application
des traités existants par les organes compétents1073. « L’application stricte des traités ou
autres textes communautaires en vigueur est d’autant plus justifiée que dans la plupart
des cas, des dispositions prévoient la conclusion d’accords de coopération avec d’autres
organisations communautaires ou internationales »1074 et donc une réorganisation plus
structuré de l’espace communautaire africain. Ces accords doivent donc porter sur les
1070
KOUMBA MESMIN E., « Libre propos sur la commission de surveillance du marché financier de
e
l’Afrique centrale : COSUMAF », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123 Année, Numéro 882,
janvier – Mars 2013, pages 120.
1071
BOUMAKANI B., « La coexistence de la Cour commune de justice de l’OHADA et de la Cour de justice
de la CEMAC : bilan et perspectives », Revue de droit des affaires internationales 2005, pp. 86-98.
1072
SAWADOGO F., « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs,
communication à la 2e Rencontre Inter-juridictionnelle entre les Cours communautaires de la CEDEAO,
de l’OHADA, de la CEMAC et de l’UEMOA », Bamako, Mali, février 2009, p. 20.
1073
Cf. SAWADOGO F., op. cit., p. 15.
1074
Art. 12 du Règlement du Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale n°06/03-
CEMAC-UMAC du 12 novembre 2003. Cette disposition autorise la COSUMAF à conclure de tels accords
de coopération ; Art. 27 de l’Annexe à la Convention portant création du Conseil Régional de l’Epargne
Publique et de Marchés Financiers autorisant ledit Conseil à conclure de tels accords.
276
questions judiciaires1075, la concertation permanente, la coordination des compétences,
le dialogue entre organisations d’intégration1076, et le dialogue des juges1077.
Dans la forme préventive de nos solutions, la priorité devrait être accordée à celles
instaurant une spécialisation des organisations 1078. Elle parait d’une part assainir le droit
communautaire, l’espace régional, en éliminant d’une part les risques d’incertitudes sur
les textes applicables en présence de dispositions concurrentes sur le même point et
d’autre part, de réduire le risque d’insécurité juridique.
En guise d’exemple, l’appel public à l’épargne est l’une de ces matières, source
conflictuelle, que ces diverses réformes proposées pourront résoudre valablement. En
effet, l’appel public à l’épargne était traditionnellement considéré, en France, comme
une notion de droit des sociétés et sa définition, contenue dans la loi du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales1079. Il apparaît cependant, dorénavant, que l’établissement
d’une situation d’appel public à l’épargne suppose, en règle générale, l’intervention de
l’autorité de régulation du marché financier. Or les critères de la notion, comme ils sont
énoncés aux articles 81 de l’Acte uniforme et dans les réglementations des zones
UEMOA et CEMAC1080, supposent l’existence d’un marché financier et d’une autorité
de régulation et de contrôle dudit marché.
1075
COSSI SOSSA D., « Les concurrences de compétence entre les hautes juridictions communautaires de
l’Afrique de l’ouest et du centre : réalités et approches de solutions », communication OHADA 2014, p.
16.
1076
Cf. PRISO-ESSAWE P., « L’hypothèse d’un dialogue préjudiciel entre juridictions régionales africaines,
communication au Colloque organisé par la Cour de Justice de la CEMAC sur la vulgarisation des textes
communautaires de la CEMAC », actes du colloque, N’Djamena, 7-12 février 2011.
1077
Cf. TATY G., « Pluralité des juridictions régionales dans l’espace francophone et unité de l’ordre
juridique communautaire : problématique et enjeux », communication précitée, p. 6 et suivantes.
1078
Cf. FELIHO G. S., « La coexistence textuelle dans l’espace UEMOA : cas de l’appel public à l’épargne »,
Actes du Séminaire de sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, oct. 2003, p. 8, publiés
ensuite aux éd. Giraf, 2005 ; et cf. SAWADOGO F., op.cit., p. 17.
1079
Cf. GRANIER T., « La notion d’appel public à l’épargne », Revue des sociétés, 1992, p. 687.
1080
Notamment inscription des titres à la cote de la bourse et diffusion de titres dans le public au moyen
de procédés de sollicitation faisant un large recours à la publicité.
277
essentiellement par la mise en place d’obligations d’information à la charge des
différents acteurs »1081.
C’est la réussite quelques peu controversées mais plus ou moins effectives de cet ordre
juridique communautaire qui conduira à envisager l’idée de cette extension à d’autres
Etats africains, afin de consacrer et d’étendre au mieux et de la meilleure des manières
« l’œuvre d’intégration juridique à portée économique ». Mais cependant ceci ne se
ferait pas sans incidence et encore moins sans certaines contraintes spécifiques pour les
divers acteurs du modèle communautaire dont se veut être le promoteur et le principale
instigateur l’OHADA.
1081
COURET A., Le NABASQUE H. et al., Droit financier, coll. Précis Dalloz, 2008, n° 268, p. 144.
1082
Ce changement de régime devrait permettre d’entrevoir davantage de lisibilité dans la
réglementation applicable et de renforcer la sécurité juridique des opérations.
278
CHAPITRE II
C’est autant d’interrogations, d’inquiétudes qui nous ont donc poussé à réfléchir plus
sérieusement sur l’avenir de l’intégration africaine 1083, l’avenir de l’OHADA dans sa
perspective d’intégration, les besoins actuels de l’espace juridique et économique
africain mais aussi et surtout ses aspects, ses fléaux qui ralentissent considérablement le
développement africain et pire, ont l’air de passer inaperçu et de n’interpeller aucune
conscience.
1083
Aujourd’hui énormément de difficultés dans sa perspective d’intégration juridique mais aussi et
surtout dans sa volonté de sortir ses pays de la pauvreté, ces peuples de la misère et de guerre.
279
Section I : Les solutions aux problématiques liées à l’extension de
l’OHADA
Le meilleur moyen, de réussir est de s’unir tous autour de valeurs communes, de
besoins et d’intérêts communs dans un cadre institutionnel régional approprié où
l’économique, la création de richesses, sont les maîtres mots. A cet effet, l’OHADA
doit définir une véritable politique d’extension et de coopération.
1084
Cf. BOYE M., « la formalisation de l’informel : des systèmes financiers décentralisés à
l’entreprenant », numéro 886, pages 58.
1085
En partant de cet élément formel qu’est l’appartenance à l’OIF, les concepteurs de l’OHADA ont
considéré que le français pouvait être la seule langue de travail.
1086
La question des langues a été ignorée dès le départ, certainement en partie du fait de la
constatation que tous les Etats parties au Traité de l’OHADA sont membres de l’Organisation
internationale de la Francophonie (OIF) qui regroupe au son sein les Etats ayant en partage la langue
française. Le Traité de l’OHADA a d’ailleurs été signé en marge du Sommet des chefs d’Etat et de
gouvernement de l’OIF.
1087
Lusophone.
1088
Hispanophone.
1089
Bilingue français-anglais.
280
qu’au titre de la deuxième, voire de la troisième, langue parlée. Malheureusement,
personne n’a eu le courage de soulever cette question en son temps. D’ailleurs, les Etats
non francophones réels, c’est-à-dire n’ayant pas le français comme langue officielle, ont
rejoint l’organisation en cours de route, sauf le Cameroun, Etat bilingue français-
anglais »1090.
C’est bien plus tard que des considérations pratiques ont soulevé la question. Il
s’agissait alors de l’application des textes écrits en français dans un pays où la langue
officielle ou de travail est autre que le français. Aussi, fallait-il juger, plaider, appliquer,
rendre exécutoire, suivre les formations sur le droit communautaire, dans une langue
que l’on ne comprend pas. Une importante problématique à laquelle l’OHADA a trainé
à répondre.
Ce que certains appelleraient un « bon projet de communication » serait dans ce cas une
bonne politique de vulgarisation de ses actes uniformes, des textes et de toute la
documentation portant sur le droit communautaire. Une façon d’atteindre et de susciter
l’intérêt non plus que des Etats francophones d’Afrique, mais aussi anglophones et
lusophones. Il est évident que l’adhésion d’un pays comme le Nigéria 1091, à cette
organisation ne serait que bénéfique quand on connait le poids économique et
l’influence d’un tel Etat1092 sur le marché africain. Mais ceci ne se fera qu’en instituant
d’autres langues de travail, en plus du français.
1090
BOYE M., ibidem.
1091
Considéré comme deuxième plus grande puissance économique après l’Afrique du sud.
1092
La forte place de la puissance économique dans des considérations juridiques.
281
l’on peut ainsi comprendre que c’est une mesure qui vise à ouvrir les portes de
l’OHADA à d’autres Etats, on doit cependant soulever que la plupart des
communautaires ne retiennent pas pour langues de travail, la totalité des langues
officielles de leur Etats membres ou de leur potentiels futurs adhérents. C’est dire que la
question de la variété des langues de travail est tout aussi importante qu’elle ne devrait
pas non plus être un facteur important d’adhésion à l’organisation 1093.
De plus, sans remettre en cause le bien-fondé de cette réforme, il faut relever que
l’instauration de quatre langues de travail serait un véritable facteur de ralentissement
des travaux communautaires, d’augmentation des coûts de fonctionnement. Elle ferait
aussi apparaitre d’importantes problématiques relatives à l’interprétation du droit
communautaire, la mise en œuvre des actes uniformes, l’effectivité du droit
communautaire et naitre des conflits juridiques complexes.
On est ainsi en face d’une bonne politique d’extension, mais impliquant d’énormes
contraintes. C’est pourquoi il urge de proposer des solutions pour garantir au mieux les
effets positifs de cette mesure et résoudre les difficultés juridiques susceptibles d’en
résulter.
La doctrine1094 retient quant à elle, qu’il serait donc souhaitable de compléter cette
réforme en posant deux conditions : avant traduction dans les autres langues, les
documents publiés en français produisent tous leurs effets et en cas de divergence entre
les différentes traductions, seule fait foi la version publiée dans la langue originelle de
l’OHADA.
1093
Le droit communautaire y perdrait tout son sens si la motivation n’est plus de cadre l’espace
harmonisé plus sure et plus réglementé mais de laisser place à des caprices politiques visant à imposer
telle ou telle autre langue nationale.
1094
Cf. TOE S., ibidem.
282
Ces conditions semblent totalement logiques et avérées. Elles résolvent ainsi la question
de l’interprétation du droit communautaire mais aussi celle des conflits éventuels qui
pourraient en résulter.
La question linguistique a été discutée lors des concertations sur la révision du Traité et
a été prise en compte, apparemment de manière satisfaisante par la révision du Traité
opérée à Québec en 2008. C’est ainsi que la nouvelle formulation de l’article 42, dans le
traité révisé dispose : « les langues de travail de l'OHADA sont : le français, l'anglais,
l'espagnol et le portugais. Avant traduction dans les autres langues, les documents déjà
publiés en français produisent tous leurs effets. En cas de divergence entre les
différentes traductions, la version française fait foi » ; laissant une prééminence au
français en cas de désaccord entre les différentes versions.
Cette réforme est à saluer mais à ce jour, au delà des nouvelles publications et des
travaux récents qui ont fait l’objet d’une publication dans plus de deux langues, les
textes anciens n’ont pas encore été officiellement traduits. Cette nouvelle disposition
n’a aussi pas pris en compte les problématiques soulevées quant à la lourdeur que cela
engendrerait et encore moins aux implications financières d’un tel changement.
D’autres problématiques plus pratiques furent aussi soulevées, notamment les échanges
dans l’espace harmonisé, les formations communautaires ou par vidéoconférences, les
audiences de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA).
Aussi, sur ce point les efforts de l’OHADA, comparés à ceux de l’Union Européen
paraissent clairement très limités et peu coordonnés. Il est en effet à saluer la réussite de
l’intégration linguistique par l’UE avec la reconnaissance des 23 langues officielles
constituant l’Union1095. Mais ceci fit soulever d’autres problématiques. Il était en effet
reproché à l’UE, le fait de publier exclusivement en allemand, en anglais et en
français1096 les avis de concours sur la fonction publique européenne et les épreuves de
sélection1097, ce qui était constitutif d’une discrimination1098. L’Italie avait d’ailleurs
1095
In Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, éditions législatives, janvier 2013, p.4.
1096
Ibidem.
1097
L’EPSO, chargé de l’organisation des concours de recrutement des fonctionnaires de l’Union, a
publié un avis de concours au JOUE en langues allemande, anglaise et française. Une connaissance
satisfaisante de l’une de ces langues était également exigée en tant que deuxième langue. Il était aussi
prévu que les communications entre l’EPSO et les candidats et les tests d’accès, se déroulent dans l’une
de ses trois langues, de même pour les épreuves écrites du concours.
1098
Carpano E., Ibidem.
283
contesté cet état de chose devant le tribunal, qui rejeta ses prétentions 1099. La Cour1100
annula, saisie par la suite, annula l’arrêt du tribunal et l’avis de concours mais sans
remettre en cause les résultats afin de préserver la légitimité des candidats
sélectionnés1101.
La Cour considérait en effet que le tribunal avait commis une erreur en ne tirant pas les
conséquences logiques de la combinaison des règles établies en la matière, qui imposent
effectivement de publier au journal officiel de l’Union Européenne, les avis de concours
dans toutes les langues officielles de l’UE. Il y a donc bien eu discrimination en raison
de la langue selon la Cour1102.
Ce n’est certes pas les mêmes réalités sociopolitiques mais l’avancée est grande et
considérable et tout aussi impossible à l’heure actuel pour l’OHADA, au regard des
problématiques déjà pendantes, juste pour trois langues de travail.
Actuellement, la solution adoptée à cet effet fut de recruter trois spécialistes des langues
de travail de l’OHADA, autres que le français, siégeant à l’ERSUMA, mais également à
la CCJA et auprès du Secrétariat permanent. Il est cependant évident qu’un si petit
nombre de traducteurs-interprètes ne peut assumer l’ensemble de la tache
communautaire. Et l’augmentation des ressources humaines de l’organisation
appellerait aussi à des efforts budgétaires que l’organisation ne peut à ce jour se
permettre.
Voilà ainsi de nouvelles langues de travail adoptées, un traité réformé pour ouvrir les
portes de l’espace harmonisé à d’autres Etats et une telle perspective d’extension est
importante pour toute œuvre communautaire mais non pas sans implication. L’adhésion
de nouveaux membres est certes une bonne chose et un élan très positif pour la
consécration de l’OHADA au plan du continent entier mais soulèvent néanmoins autant
de problématiques néfastes.
1099
Cf. Carpano E, Ibidem.
1100
CJCE, 27 novembre 2012, aff. C-566/10 P, Italie c/ Commission Européenne.
1101
Une position justifiée qui cependant laisse subsisté certains doutes sur la valeur de la décision
rendue, par rapport à la discrimination reprochée car si les résultats sont maintenues, cela confirme
toujours que les candidats des divers pays de l’UNION n’ont pas eu les mêmes chances de réussite, donc
que la discrimination est restée impunie.
1102
Cette combinaison peut être résumée au syllogisme suivant : les 23 langues actuelles de l’UE sont
toutes des langues officielles et de travail de l’Union, sans aucune primauté ni aucune autorité d’une sur
les autres ; le JOUE doit paraitre dans toutes les langues officielles de l’UE ; un avis de concours général
doit être publié dans toutes les langues officielles de l’UE
284
B. L’impact de nouvelles adhésions à l’OHADA1103
L’uniformisation du droit communautaire s’est faite jusque là sans trop de difficultés,
étant donné que les divers acteurs ont en partage certains fondements non seulement
juridiques mais aussi socio-économiques1104.
En effet, jusque là, les Etats francophones, représentant la grande part de l’OHADA, ont
en commun un même tronc législatif hérité de la France, sous impulsion du système
romano-germanique1106. Cette communauté de concepts juridiques a considérablement
facilité la préparation et l’adoption des actes uniformes jusque là. Mais ils se perdent à
coup sûr avec l’extension de l’organisation à des pays de tradition juridique différente,
en raison de la diversité des réalités et de la démarche juridique mais aussi des
antinomies qui peuvent exister d’une famille juridique à l’autre. Ainsi, voyons ce qu’il
en serait si l’OHADA faisait l’objet d’une adhésion massive d’autres Etats, à tradition
juridique anglo-saxons par exemple1107. Ceci impliquerait deux risques majeurs pour
l’organisation : l’alourdissement du fonctionnement de l’OHADA et une fracture du
droit uniforme.
1103
Cf. COFFY M. J. de BOISDEFFRE, « le rapprochement des normes de l’OHADA avec la législation des
pays africains anglophones à la lumière de l’expérience de l’harmonisation du droit des Affaires des pays
e
de l’Union Européenne », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114 Année, Numéro 849,
Octobre – Décembre 2004, pages 42
1104
Ibidem
1105
Ibidem.
1106
Ibidem.
1107
Cas du Nigéria, du Ghana, de l’Afrique du sud.
285
massive et que chaque nouvel Etat ait ce genre d’exigence, la CCJA ne serait plus une
cour mais un « parlement juridique »1108, ce qui serait tout à fait nuisible et suicidaire
pour une juridiction impartiale. Il n’est pas non plus possible d’accorder un privilège de
représentation à des Etats au détriment d’autres Etats.
Le coût du fonctionnement s’en trouverait tout aussi affecté, car si l’organisation peine
encore à ce jour à s’assurer une présence dans les 17 Etats membres et à répondre
financièrement aux besoins pratiques de son fonctionnement, le coût de tout ceci ne
ferait que grimper avec de nouvelles adhésions. La mise en œuvre du multilinguisme
nous l’avons souligné représente déjà une augmentation très conséquente du coût de
fonctionnement. Et c’est sans compter qu’une nouvelle réforme du traité, dans le futur,
y joigne l’Arabe comme cinquième langue officiel, en fonction de l’adhésion de pays
arabes. La traduction des textes et des documents officiels en quatre déjà puis cinq
langues, a un coût peu négligeable.
1108
La question d’une représentation limite politique au sein d’un organe judiciaire soulève l’inquiétude
quand à la séparation des pouvoirs au plan communautaire. Une problématique que nous aborderons.
1109
Français, anglais, portugais, espagnol.
286
interminables au sein de l’organe décidant, des procédures d’adoptions donc
interminables.
L’autre conséquence d’une telle adhésion massive serait de revoir en substance les
actes uniformes déjà adoptés, ainsi plus de 3000 articles seraient revus, réexaminés voir
modifiés si nécessaire afin de répondre aux attentes et aux exigences juridiques de
tous1110. C’est limite de l’ordre de l’impossible car ceci reviendrait à réécrire tout le
droit OHADA. Au-delà de cela, il n’est même pas évident que sur certains concepts du
droit uniforme1111, ces Etats en viennent à un consensus. Au-delà de quoi, certains Etats
imposeront leurs poids économiques ou leur participation financière pour faire pencher
les décisions en leur faveur. Une autre problématique que rencontre à ce jour toutes les
formes d’organisations communautaires 1112.
Tout en œuvrant à la promotion de son droit, l’OHADA doit être réceptive à l’apport
des autres familles juridiques. On comprend, dans ces conditions, tout l’intérêt que
présente l’enseignement du droit comparé1115 et les avantages qui résulteraient d’une
étude des avancées dans le domaine 1116. Cependant, toutes ces réformes institutionnelles
ont pour ambition de donner plus d’efficacité à l’OHADA dans la conduite de ses
actions, dont la principale est bien évidemment l’harmonisation du droit des affaires 1117.
1110
Cf. en droit européen, les incidences des nouvelles adhésions.
1111
Ibidem.
1112
Cf. Carpano E., « L’adhésion de la Croatie à l’UE ouvre-t-elle la voie aux Balkans ? », éditions
législatives, Novembre 2013, p. 4.
1113
Ibidem.
1114
Cf. BOYE M., « la formalisation de l’informel : des systèmes financiers décentralisés à
l’entreprenant », numéro 886, pages 58.
1115
Cf. Dictionnaire permanent – Droit européen des affaires, Novembre 2013, p. 5.
1116
Ibidem.
1117
Le droit européen sur la question des adhésions a connu d’importantes tractations politiques
notamment avec les négociations d’adhésion de la Serbie en juin 2013, du Monténégro en 2012, portant
sur un accord de stabilisation et d’association entre l’UE et le KOSSOVO.
287
« Nous n’entendons nullement soutenir que l’OHADA doit vivre replier sur elle-même.
Elle le voudrait que la nécessité des échanges économiques l’obligerait à s’ouvrir au
reste de l’Afrique. Pour cette raison, elle doit plutôt définir et mener une politique
dynamique de promotion de son droit qui semble exercer tant d’attrait sur les Etats non
parties au Traité et de fascination au-delà du continent africain »1118.
Ceci nous amène à conclure qu’au-delà de toutes ambitions et aussi fortes que soient les
motivations, tout œuvre communautaire tel que l’OHADA, nécessite énormément de
ressources, pour aboutir. Mais plus important encore, l’OHADA a aujourd’hui besoin
d’une prise de conscience africaine générale, dans tous les domaines, toutes les couches
sociales, tous les acteurs impliqués de prêt ou de loin dans l’œuvre communautaire.
Une œuvre communautaire panafricaine qui alors pourrait être envisagée à une échelle
plus grande.
1118
Cf. KENFACK DOUAJNI G., « les Etats parties de l’OHADA et la convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens », Revue trimestrielle de droit africain PENANT,
116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, p. 198.
1119
NGUEMEGNE J., « Du multipartisme vers le « one party democracy », Revue trimestrielle de droit
africain PENANT, 114e Année, Numéro 849, Octobre – Décembre 2004, pages 488.
288
A. La conception d’une super organisation communautaire
L’Afrique aujourd’hui compte plusieurs organisations communautaires qui
interviennent dans divers domaines du droit et réalisent des codifications
communautaires. L’OHADA et l’UEMOA 1120 en sont les exemples les plus aboutis.
Cependant, envisageons un instant une organisation communautaire qui engloberait
toutes ces organisations indépendantes. C'est-à-dire quitter le cadre régional des actions
individuelles et l’étendre au cadre africain globalement. C’est aussi la possibilité de
pallier à divers conflits de compétences et de textes au sein de l’espace
communautaire1121.
Elle aurait ainsi vocation à abriter toutes les organisations régionales impliquées dans le
développement africain sous un même toit et avec une même politique 1122 d’intégration
en leur laissant bien-sûr toute leur autonomie et leur indépendance dans le cadre de
leurs actions mais en veillant cependant à une cohésion et un partage légal des
compétences et aussi en veillant à une coopération plus accrus entre ceux qui consistent
à ce jour les vrais acteurs du développement africain.
D’un point de vue plus pratique, elle s’inspirerait d’organisation comme les NATIONS
UNIES, qui se présente comme une super organisation, plus générale et incluant des
organisations internes, c'est-à-dire des démembrements qui ont chacun leurs champs
d’actions, leur politique d’intervention, leurs objectifs et leurs modèles de coopération.
Mais tout ceci sous l’égide de l’ONU.
Sur le plan judiciaire, la solution sera de créer une unique juridiction communautaire,
intégrant en son sein les juridictions communautaires déjà existantes comme la CCJA,
la cour de justice de l’UEMOA, et créant aussi d’autres matières judiciaires. Ces cours
existantes abandonneraient leur statut pour intégrer des matières du droit au sein de la
juridiction commune. Nous mettons aussi l’accent sur le fait que cette cour puisse
1123
Par rapport aux matière retenues par la décision n°011/2011/CM/OHADA du 17 juin 2011 autorisant
une étude sur la faisabilité et la possibilité d'extension du domaine du droit des affaires de l'OHADA à de
nouvelles matières (crédit-bail, affacturage, sous-traitance, franchise, contrats de Built Operate and
Transfer ou Partenariats Public Privé, médiation commerciale, règlement des conflits de lois et
circulation des actes publics), on peut dire que, pour la plupart, elles correspondent à des
préoccupations des Etats parties ou à des lacunes relevées dans l’œuvre d’harmonisation. Des projets
de textes de qualité élaborés en ces matières, avec la participation active des organisations intéressées
comme les banques centrales, pourront être adoptés soit par lesdites organisations, soit par l’OHADA,
soit par les Etats parties intéressés.
290
garantir aux justiciables africains un accès facile à ses juridictions et aussi innoverait en
étant compétente pour des plaintes sur des cas de malversations financières et de
corruption au sein des Etats membres, même si cela s’avérait être l’œuvre des
dirigeants. Nous mettons l’accent sur ce dernier point car non seulement il aurait le
mérite de garantir une certaine prise de conscience des politiques africains mais aussi ne
laisseraient plus impunis les fautes graves dont ils se rendent coupables chaque jour
dans l’exercice de leurs fonctions. Ce serait aussi une façon de garantir la sécurité
juridique si tant désiré surtout par rapport aux capitaux étrangers. Car en effet, de
nombreux Etats ont pour intention d’aider au développement africain mais reste une
véritable crainte que les fonds alloués à certains projets disparaissent de façon régulière
et dans une totale impunité.
Toujours sur le plan judiciaire, elle aurait le mérite de résoudre une question importante,
celle de l’exéquatur des décisions internes rendues sur le droit communautaire devant
être exécutée dans un autre Etat membre. Une reconnaissance et une exécution des
décisions judiciaires rendues dans les Etats parties qui nous semblent constituer des
questions d’intérêt. Il parait raisonnablement urgent que soit instauré dans un espace
juridique plus étendu communautairement, des règles uniformes favorisant la
reconnaissance et l’exécution1124 des décisions judiciaires rendues dans les Etats
parties1125. D’ailleurs, de nombreux Etats de l’espace OHADA n’ont aucune législation
sur l’efficacité des jugements étrangers. Comme le constate aussi la doctrine OHADA,
« l’absence de législation et de jurisprudence publiée et connue rend incertain et
quasiment divinatoire le sort susceptible d’être réservé aux décisions judiciaires
étrangères dans ces pays »1126. On note cependant que quelques Etats, comme le
Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal, disposent d’une législation
organisant la reconnaissance et l’exequatur des actes judiciaires étrangers 1127.
1124
Les sentences arbitrales rendues sous l’égide de la CCJA reçoivent un traitement dont ne bénéficie
aucune décision d’une juridiction des Etats parties alors que ce sont avant tout des décisions de
personnes privées.
1125
Il est curieux et presque anormal que l’on soit plus avancé en ce qui concerne la reconnaissance et
l’exécution des sentences arbitrales avec l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
alors que les jugements rendus par les juridictions étatiques peuvent également concerner les litiges qui
naissent dans les relations d’affaires.
1126
Meyer P., « La circulation des jugements en Afrique de l’Ouest francophone », Revue Burkinabè de
droit, numéro spécial 20e Anniversaire, 2e semestre 2001, p. 110.
1127
Meyer P., op. cit., p. 111.
291
Diverses considérations plus pratiques, qu’elles soient financières ou organisationnelles
entrent en cause dans l’aboutissement d’une telle initiative communautaire. Mais cela
ne rend pas pour autant cette vision de l’ordre juridique communautaire trop idéaliste ou
trop surréaliste. Il est opportun, eu égard aux maux dont souffre l’espace africain d’y
songer au plus vite.
B. Les contraintes
Cependant, notre regard critique sur ce modèle d’intégration soulève bien quelques
réticences.
Ainsi, la mise en place d’un tel système demande avant tout énormément de volonté
politique, c'est-à-dire une perte de souveraineté des Etats africains au profit de systèmes
de plus en plus régionaux et communautaires. Ce qui n’est pas tout à fait évident ou ne
saurait avoir un écho favorable auprès de tous.
L’autre risque est de voir des Etats puissants comme le Nigéria ou l’Afrique du sud en
cas d’adhésion, chercher à imposer leurs politiques, leur poids économiques, leurs
visions communautaires à de petits Etats qui dépendent pour la plupart économiquement
d’eux. Le risque serait encore plus grand dans les procédures d’adoptions de textes, de
vote de lois communautaires, de décisions politiques importantes. Tout ce que l’on
reproche par exemple à ce jour à la France et à l’Allemagne au sein de l’Union
Européenne.
La problématique d’une adhésion massive est aussi présente. Une solution-problème car
le but est d’impliquer le maximum d’Etats dans le développement communautaire mais
aussi avec mêmes risques déjà évoqués plus haut dans le cas de l’OHADA. Les
questions internes de transpositions du droit communautaire général, ou d’exécution ou
de mise en œuvre des décisions communautaires. Il reviendrait tout aussi cher à
l’organisation communautaire de mettre en place des moyens de contrôle de l’impact
292
des décisions au plan interne. Car il est très important d’effectuer une telle évaluation
pour être sûr d’être sur la bonne voie avec les bons moyens d’actions.
Tous nos arguments finissent toujours par le mot : « développement africain » car il est
évident à ce jour que le plus gros enjeu de tous les systèmes communautaires, la
motivation première de tous les Etats, le besoin de tous les peuples africains, la raison
de vivre du droit communautaire, c’est la poursuite de ce développement économique
africain.
Ce qui justifie le fait que la suite et fin de cette étude soit un appel à la prise de
conscience collective, à un réveil général de la conscience africaine sur ce qui est
aujourd’hui les enjeux de développements économiques et juridiques.
293
Section II : L’émergence d’un véritable développement
communautaire africain
Le continent africain peine énormément sous divers fléaux, diverses questions d’ordre
juridique, sociale, qui ruinent l’existence et le développement de ce continent 1128.
C’est aussi le fruit de convictions personnelles, de valeurs qui nous tiennent à cœur de
défendre, de besoins « primordiaux » du continent africain, selon notre analyse. Aussi
dans un souci d’optimiser conséquemment l’efficacité de l’OHADA et de toute l’œuvre
communautaire. Des besoins qui tournent autour de la nécessité de la sortie d’ « une
1128
NGUEMEGNE J., « Du multipartisme vers le « one party democracy », Revue trimestrielle de droit
africain PENANT, 114e Année, Numéro 849, Octobre – Décembre 2004, p. 488.
1129
Ibidem.
1130
D’importants conflits armés qui ruinent l’Afrique.
1131
Ibidem.
1132
« il n’y a jamais eu de bonne guerre ou de mauvaise paix » disait Benjamin Franklin.
1133
Eric David, principes de droit des conflits armés, quatrième édition bruylant, Bruxelles, 2008, p.1.
1134
« Les guerres prenant naissance dans l’esprit des homes, c’est dans l’esprit des homes que doivent
er
être élevées les défenses de la paix » Al. 1 , constitution de l’UNESCO.
1135
« Il n’est pas de paix aussi désavantageuse soit-elle qui ne soit preferable à la guèrre, même la plus
juste » Erasme.
1136
Malraux A., in Eric David, op. cit., p.2.
294
indigénisation de la justice africaine » (Paragraphe I) et surtout qui entourent le
concept de « limite consciente de l’inconscience africaine » (Paragraphe II).
En effet, c’est ici toute une chaine d’impacts qui est concernée par la question car la
réussite de l’organisation communautaire entend une confiance et une totale foi des
justiciables en la justice de leur pays mais aussi en la justice communautaire. Ceci aura
pour effet de rendre véritablement effectif non seulement l’application du droit
harmonisé mais plus l’effectivité de sa mise en œuvre à travers les décisions rendues.
Mais malheureusement, sur la question, la justice africaine n’est pas encore prête à un
tel enjeu, elle n’a pas encore le potentiel et les aptitudes pour conduire une si grande
politique communautaire. Au vue de l’ampleur du problème, nous approuvons l’avis du
professeur Le Roy1140 qui parle d’une justice africaine encore indigène.
1137
Cf. LE ROY E., « Contribution à la refondation de la politique judiciaire en Afrique francophone »,
Africa Spectrum, 1997.
1138
Cf. CUNIBERTI G., « Les caractéristiques prêtées classiquement à la tradition juridique
continentale », Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial,
Mars 2014, pages 7
1139
Cf. David E., op. cit., p.1041.
1140
Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1, Directeur du Laboratoire d’Anthropologie
Juridique de Paris (LAJP), il est à l’origine d’importants travaux sur les perspectives d’intégration du droit
et la notion de justice dans le droit.
1141
Cf. Le Roy E., Ibidem.
1142
Ibidem.
295
véritable mal et un dysfonctionnement profond dans ce qui constitue les fondements
mais aussi la mise en œuvre de cette justice africaine.
Pourtant des esprits forts, des intellectuels africains essayaient d’en sortir, de
promouvoir la séparation des pouvoirs de Montesquieu et de veiller à l’impartialité de
cette justice africaine1143. Des efforts de coopération fut entrepris avec la France et des
pays d’autres régions d’Afrique pour une meilleure formation des magistrats, des
salaires furent augmentés, des mesures furent prise par les nouvelles procédures
judiciaires pour redonner à la justice ses lettres de noblesse. Par exemple, le Mali a
initié le 10 novembre 1997, avec un certain courage, des concertations régionales
devant aboutir à un « forum de la justice ». Le journal Cauris hebdo1144 qui a rendu
compte de cette initiative sous la plume d’Aliou Maiga, présente ainsi les objectifs
immédiats : « l’identification et la correction des dysfonctionnements de la justice et la
définition d’un plan d’action, cette rencontre tentera de trouver quelques solutions à la
crise profonde que traverse la justice de notre pays, crise qui selon le Ministre garde des
sceaux s’est installée entre la justice et les justiciables tant en milieu rural qu’en milieu
urbain avec des effets pernicieux et imprévisibles »1145. Les propos du ministre d’entre
1143
Sur le sujet, voir aussi SAWADOGO F., « la question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des
biens des entreprises publiques en droit OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition
spéciale Juris Africa, 117e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007.
1144
Ibidem.
1145
Le Roy E., ibidem.
296
temps, Me Hamidou Diabaté, dans son allocution d’ouverture mettent l’accent sur les
problèmes rapportés de la manière suivante :
« Les maux sont assez graves : ils vont de l’incompréhension par le justiciable des
décisions rendues (dont il conteste très souvent les exécutions et qui a recours à la
justice privée comme mode d’expression) en passant par des problèmes rencontrés par
les opérateurs économiques du fait de décisions contradictoires émanant souvent de la
même juridiction. Toutes choses, qui apportent de l’eau au moulin des investisseurs
privés étrangers et de nos partenaires au développement qui n’hésitent pas de plus en
plus à se détourner de notre pays, arguant de l’absence de fiabilité des décisions de
justice »1146.
Mais c’était sans compter sut les origines traditionnalistes et les pratiques corruptibles
de certains acteurs, sur le désengagement du politique africain, qui lui-même n’avait
intérêt à perdre son influence sur le judiciaire. Même le Sénégal et le Bénin, réputés
pour l’intégrité de leurs juges sont aussi l’objet de tentatives de corruption, la plupart du
temps abouties.
Il faut croire que de ces pays d’Afrique, deux groupes se distinguent : ceux qui ont
choisi de se plaire dans un état de chose, d’y prendre goût et d’en tirer profit,
malheureusement au détriment de ses peuples marginalisés. Et ceux qui ont choisi la
voix des réformes, portant sur le droit pénal, les procédures judiciaires, les mesures
disciplinaires contre les magistrats, la lutte contre la corruption. Mais nous regrettons
aussi que la plupart de ces nobles initiatives ne portent pas leur fruit sur le terrain.
Serait-ce la preuve encore une fois que le problème n’est pas traité à la bonne échelle,
c'est-à-dire à la source1147 ?
A y voir de plus près, on se rend bien compte que le problème se situe à divers
échelons, voir à tous les échelons du système judiciaire et crée une sorte de spirale
cyclique avec des répercutions. C'est-à-dire qu’avant tous, les écoles de formation et de
préparation des magistrats souffrent d’un véritable manque de professionnalisme et
rencontrent d’énormes difficultés liées à la formation des magistrats et auxiliaires de
justice. Ce qui a pour effet de rendre les décisions quelques fois peu fiables et même
pire dépourvues de fondements juridiques. Ce qui à son tour a pour effet de faire naitre
1146
Ibidem.
1147
Cf. paragraphe 2 de la section.
297
un sentiment d’injustice chez le justiciable. Ce sentiment qui fait que même quand par
un miracle quelconque un juge est surpris à rendre droit, de façon impartial et correct,
l’on préfère se dire encore une fois que la justice à mal tourné, surtout du côté du
perdant.
Preuve en ai qu’à ce jour, il existe très rarement des recueils de décisions judiciaires
nationales rendues, que ce soient sur le droit national que le droit communautaire. Les
décisions n’étant pas dignes de présenter une argumentation juridique solide et encore
moins d’être exempte de critique. Même auprès des juridictions, nos travaux et nos
déplacements à la cour d’appel de certains Etats de l’espace harmonisé nous ont permis
de nous rendre compte de tout le scepticisme dont font preuve ces acteurs de la justice
quand il s’agit de mettre à disposition des décisions rendues par leurs juridictions. Nous
nous sommes heurtés soit à des refus catégoriques, soit à des procédures de mise à
disposition, interminables juste dans le but de décourager les curieux et les critiques. Le
professeur Le Roy confirme en relevant qu’« on peut s'étonner que les décisions ne
1148
Ibidem.
1149
Ibidem.
298
soient pas publiées, que la jurisprudence et la doctrine, sources secondes du Droit
positif, soient cherchées dans les ouvrages de Droit publiés à Paris à Montréal ou à
Liège et qu'ainsi l'internationalisation du Droit précède son unification nationale »1150.
Une autre difficulté réside dans la lenteur administrative de la justice africaine. En effet,
tout ordre juridique communautaire pour être efficace et rapide doit s’appuyer sur une
justice tout aussi rapide et efficace. Avec des procédures simplifiées et rapides pour
désengorger la justice et soulager au plus vite non seulement les juges mais aussi les
justiciables1151. Force est de constater cependant que dans la plupart de ces Etats, des
personnes accusés pour des délits ou des crimes passent des mois d’incarcération sans
être présenter à un juge ni même eu droit à l’assistance d’un avocat 1152. Ce qui est
logique quand on sait que des codes de procédures pénales datant de plus d’un demi-
siècle, existent encore et sont en vigueur de surcroit, dans certains pays d’Afrique. Il
n’existe aucune forme de développement économique et encore moins juridique
communautaire qui puissent exister sous de telles pratiques archaïques. Le journaliste
Diabaté affirmait dans son article avec une once de mépris : « Peut-on véritablement
prétendre à une justice crédible lorsqu’elle est rendue dans des palais décrépis et
lézardés avec un matériel de travail inexistant ou obsolète ? Doit-on encore se complaire
à contempler les anciens premiers présidents de cour suprême réduits à arpenter les
couloirs du tribunal et des bureaux à la quête de leur pitance quotidienne? Si les juges et
les applicateurs du droit doivent s’attendre à une réhabilitation de leur cadre de vie et à
l’amélioration de leur condition de travail ils doivent en retour avoir à l’esprit le
sacerdoce que requièrent leur charge et l’existence d’impartialité et d’équité qui doit
sous-tendre leur décision »1153. Des propos aussi crus qu’avérés qui démontrent bien
l’énormité des problèmes qui ruinent la prospérité de cette justice africaine 1154.
L’auteur soulève ainsi les nombreux heurtes et l’égarement de cette justice africaine
dans le grand champ de la normalisation communautaire mais aussi sous l’influence
d’autant de pratiques encrées dans les esprits et présent dans ce que nous qualifierons de
1150
Ibidem.
1151
Sur le sujet, voir aussi AQUEREBURU A. C., « L’état justiciable de droit commun dans le traité de
e
l’OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 Année,
Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.
1152
Ibidem.
1153
In Le Roy E., op.cit, p 24.
1154
Sur la question, cf. CUNIBERTI G., « Les caractéristiques prêtées classiquement à la tradition
juridique continentale », Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro
spécial, Mars 2014, pages 7.
299
« quotidien de la justice africaine ». Plus loin dans l’analyse, on se rend bien compte
que la justice africaine1155 est un moteur de développement et qu’à ce jour elle ralentit
plus ce développement qu’elle ne la booste. Il urge à cet effet de réfléchir sur la
démarche à adopter pour la sortir de cette paralysie et de cette suffisance nocive pour les
justiciables, la justice elle-même, le développement, l’Etat et surtout pour les nouveaux
courants d’intégration communautaire qui apparaissent en Afrique et sont en quête
d’extension et de légitimité.
1155
Cf. MANCUSO S., « la coexistence du droit civil et du Common Law en Afrique », Revue spécial
ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial, Mars 2014, pages 169.
1156
Sur le sujet, voir aussi COUSIN B., « OHADA, un correctif au fonctionnement de la justice », Revue
trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118 e Année, Numéro 865, Octobre –
Décembre 2008.
1157
Ibidem.
1158
Ibidem.
1159
Voir Le Roy et Kuyu 1997.
300
tentative de confiscation. De là est née une association forte entre l'autoritarisme et le
Droit, association qui pose de vrais problèmes de crédibilité en phase de
démocratisation »1160. Cette illustration est fort intéressante faisant l’état des origines du
droit africain mais surtout ciblant par la suite les difficultés de la justice africaine à cet
emprunt du Droit au colon.
A cet effet, le professeur Le Roy milite pour que la justice africaine retrouve ses réalités
socioculturelles, épouse le traditionalisme des anciennes sociétés africaines et fasse
ressortir de ce mélange, une justice certes indigène mais plus réflectrice des
considérations sociales africaines, plus crédible, plus souveraine et plus légitime. Il
émet en guise d’hypothèse-proposition : « Ne doit-on pas opérer un renversement de
tendance et opter pour une voie, certes plus difficile, mais autrement opératoire,
remettant en question le fétichisme du texte codifié et la schizophrénie des acteurs niant
cet abîme entre les discours juridiques et les comportements au quotidien ? Ne doit-on
donc pas faire coller les dispositifs aux pratiques des agents et non imposer une
conversion à "l'empire du Droit", un Droit si étranger aux citoyens qu'ils en deviennent
“ gauches ”, comme s'ils étaient tenus à l'écart de leur propre histoire, donc de leur
propre devenir ? »1161.
1160
Le Roy E., ibidem.
1161
Ibidem.
1162
Ibidem.
301
l’essor économique, revenir à une justice indigène ou un droit ancestral est constitutif
d’un retour dans le passé. C’est un risque trop grand à prendre et pire sans aucune
garantie réelle de réussite et de prospérité. L’Afrique doit être à l’heure, non pas une
heure africaine, non pas se refermer sur elle-même mais à l’heure du monde. A l’heure
de l’essor du droit international, à l’heure du communautarisme et de l’intégration
internationale, à l’heure de la compétitivité et de la guerre économique 1163. Aujourd’hui,
il n’est plus question pour un Etat d’envisager une forme de développement possible
seul et sans aucune coopération communautaire ni internationale.
L’autre incidence d’une telle manœuvre serait de ramener les Etats africains vers une
codification nationale et non plus communautaire. Car comme le soutient le professeur
Le Roy, si les Etats aujourd’hui devraient réformer leur justice en considérations de
facteurs traditionnelles et de pratiques africaines, il est évident que la chose est d’or et
déjà vouée à l’échec. Car un seul Etat africain, c’est plus de 50 ethnies différentes, donc
autant de pratiques, autant de modes de gestion des conflits, autant de cultures et de
richesses. L’on se doit donc de faire le tour pour en examiner les bonnes et les moins
bonnes pratiques, ce qui s’avère déjà être un travail impossible. Ensuite l’envisager, si
l’on reste dans une politique de communautarisme, à une échelle régionale serait tout
aussi impossible et hasardeux.
Tout ceci justifie le fait que nous n’options point pour cette première solution.
La seconde nous parait cependant plus judicieuse mais appelle à une forte implication et
une prise de conscience générale 1164.
Nous transposons ici, des travaux à l’échelle de la justice africaine, des débats ayant
trait à l’Etat africain sur l’ensemble du continent à partir d’un programme de recherche
associant les chercheurs du CODESRIA (Dakar) à ceux du GEMDEV (Paris) et de
l’Association Canadienne des Etudes Africaines (Montréal) et cherchant à faire la part
de l’indigénité et de la modernité dans la formation de l’Etat contemporain. , ainsi que
les divers arguments soutenus par le professeur Le Roy dans l’introduction de son
1163
Ibidem.
1164
Ibidem.
302
ouvrage qui en présente les résultats ; où il prononce un « adieu à la notion
d’indigénisation »1165.
La refondation du droit africain comme elle fut déjà mise en œuvre par le traité
OHADA appelle nécessairement à une refondation de la justice africaine. La justice
africaine doit aujourd’hui pallier modernité et compétitivité. Elle doit satisfaire les
attentes du contribuable national, du justiciable étranger, de l’investisseur ou de
l’entreprise, des divers acteurs économiques pour résumer. C’est dire que la garantie
d’une sécurité judiciaire dont pourrait se vanter des organisations d’intégrations comme
l’OHADA n’a de valeur si elle n’est accompagnée d’une sécurité judiciaire. Celle-ci ne
peut se faire que par cette refondation et cette réforme de la justice africaine.
Ainsi, certains auteurs parlent déjà de l’opportunité d’un acte uniforme portant code de
procédure communautaire, qui serait en vigueur dans tous les Etats parties et viendrait
ainsi pallier aux insuffisances des codes nationaux en la matière. L’idée est noble et
intéressante mais sa mise en œuvre parait assez problématique et ambigüe quand on sait
que les réalités sociales sont différentes 1166 et que les Etats ont énormément de mal à
l’abandon d’une part de souveraineté. Mais cette solution nous parait être la plus
plausible, ayant le mérite de résoudre la question une fois pour de bon, au plan
communautaire et sans laisser de place aux lacunes internes quand il s’agit de réformes
législatives et éviter ainsi la forte impulsion du politique. L’idée se soutient encore plus
quand on songe à la conception d’une organisation communautaire générale, comme
nous l’avons proposé dans nos précédents développements.
Notre esprit critique nous impose cependant de relativiser, de remettre en cause les
fondements de cette approche et de ce point de vue, faisant ainsi notre les inquiétudes
1165
Ibidem.
1166
Tribunal de prud’hommes y trouve leur sens.
1167
Cf. CARPANO E., « La CJCE valide une inspection sur une entente à la portée « probablement
mondiale », Editions législatives, Septembre 2014, p. 5
1168
Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, septembre 2014, p. 3 - 6
1169
A l’image d’une Europe qui donne libre accès à certains documents de négociations internationales,
dans un souci de clarté et de légalité, chose louable
303
du professeur Le Roy en ces mots : « Il est donc concevable d’accepter de se plier aux
pratiques du plus grand nombre. Mais ne risque-t-on pas, par la négation du mot de
dénier une certaine réalité et, selon une image familière, de ‘’jeter le bébé avec l’eau du
bain’’? La bonne raison de récuser un passé honni doit-elle conduire à récuser toute
référence au passé ? »1170.
Mais en conclusion, l’Afrique doit répondre aux besoins et aux exigences du fait
d’appartenir au monde, à un espace internationalisé très attractif et changeant, à un
marché international en permanentes mutations, qui n’a de place pour les faibles ; mais
aussi et surtout elle se doit de répondre à ses propres besoins, aux besoins de son
peuple, aux besoins de développement de ses pays, aux besoins d’une population
pauvre, affamée et décimée par les guerres et les conflits. C’est ainsi que le dernier
développement de ce travail scientifique se veut être un appel à la conscience, un coup
de gueule à l’élite africaine et aux politiques africains, une doléance et une exhortation à
la remise en cause, à la critique personnelle, au déclenchement urgent de ce que nous
avons nommé « la limite consciente de l’inconscience africaine ».
Avant toute chose, il est important de préciser que notre étude ici cible véritablement les
réalités africaines, qu’elle n’est que la résultante d’expériences personnelles, de
connaissances de faits réels et déplorables qui ruinent non seulement l’économie
1170
Cf. DAVID E., op. cit, p. 189
1171
Rapport public annuel du Conseil d’Etat, « De la sécurité juridique », la documentation française,
1991.
1172
Ibidem.
304
africaine, l’aboutissement de toute œuvre de développement et surtout la mise en œuvre
et l’efficacité de toutes les formes de solutions entreprises jusque là.
Ainsi, avant de développer ce concept, d’en présenter tout l’intérêt et les raisons qui ont
motivé une telle conception, représentons les difficultés et les raisons des échecs, non
seulement de toute tentative communautaire de développement, de toute œuvre de
codification abouti et de toute noble initiative de développement dans le contexte
africain.
1173
Descartes R., introduction au Discours de la Méthode, version électronique, 2014.
1174
Ibidem.
305
personnelle de l’individu en un temps T. voisin de sa commission, sans pour autant y
introduire, dans ce raisonnement les conséquences futurs ou les évaluer à juste titre.
Restons néanmoins dans ce contexte ou l’individu est bien conscient des effets négatifs
de sa démarche. Nous soutenons l’idée, pas totalement objective certes mais tout aussi
fondée, que l’être humain, à un moment ou à un autre dans sa chaine de décisions, est
rattrapé par cette conscience. Ceci va se déclencher sous la forme d’une remise en cause
personnelle où sa conscience, à un moment ou l’autre relèvera tout le mal de l’acte posé.
En termes plus clair, c’est ce moment où l’individu se pose intérieurement la question :
« mais qu’est ce que je viens de faire ? Ou qu’est ce que j’ai fait, je n’aurais pas dû ? Ou
encore est ce que c’est bien ce que je viens de faire ? ». Ces diverses questions
surviennent au moment où la conscience humaine reprend enfin le dessus, délivre l’être
de toute emprise négative. Ce que nous avons appelé la « limite consciente de
l’inconscience ».
Ce moment peut intervenir la minute d’après, l’heure qui suit ou même des jours après,
quand l’individu prend réellement la mesure des implications de son acte. Le but de
notre analyse ici est d’interpeller cette limite consciente, de la déclencher non pas après
la commission de l’acte mais bien avant, dans le but de l’éviter.
En droit pénal, ceci reviendrait à parler non plus de répression mais de prévention des
actes pénaux, sous la forme d’un appel à la conscience collective, un processus qui
déclencherait le raisonnement humain. En droit des affaires et en droit communautaire,
c’est plutôt un appel adressé aux acteurs juridiques et politiques de l’espace harmonisé
afin qu’ils prennent conscience des enjeux, des besoins et des défis du développement
africain. Ce qui, au regard des réalités socio-économiques et culturelles et des
mentalités, n’est pas encore le cas.
306
B. Le contexte africain et les fondements du concept
« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »1175, Montesquieu.
« Les hommes sont très rarement dignes de se gouverner eux-mêmes »1176, Voltaire.
Notre étude nous a permis de parcourir énormément de travaux de recherche sur le droit
africain, sur le droit communautaire, sur les implications juridiques du développement
africain qui ont été le cadre de diverses propositions, de solutions de développement et
de diverses mesures et approches pour rendre plus attractifs et plus efficace le marché
économique africain. De ces constatations, nous tirons une première conclusion : le
continent africain dispose à ce jour de toutes les ressources humaines et financières, de
tout le savoir et de tout l’intellect pour être elle-même acteur de son développement et
de son éclosion au plan international.
Alors la question que l’on se pose est de savoir à ce jour où se situe le problème, qu’est
ce qui maintient encore ce continent, ces peuples africains dans un tel état de pauvreté ?
C’est avant tout une question de prise de conscience, une question de sensibilisation des
africains. Il est évident qu’à ce jour, les divers acteurs nationaux comme communautaire
ignore presque tout de l’importance et de la portée de la notion de l’ « intérêt général ».
Car il est regrettable de se rendre compte à ce jour que des politiques africains, des
hommes d’affaires, des chefs de gouvernements, des acteurs décisionnaires auprès des
instances communautaires, des représentants politiques, privilégient encore des intérêts
personnels dans les décisions qui engagent tout un Etat, tout un peuple et des centaines
de millions de vies, de foyers, d’enfants, l’élite africaine de demain.
Notre but est donc de déclencher dans l’esprit de toutes ces personnes une petite
conscience, une petite lueur d’espoir pour l’Afrique. Il est tant que nous nous remettions
en cause, que nos décisions, nos actions nous interpellent personnellement, que nous
nous demandons si ce sont les bonnes décisions, les meilleures pour l’intérêt général.
1175
In Rapport public annuel du Conseil d’Etat, op. Cit, p. 25.
1176
Voltaire, Dictionnaire philosophique, in YACOUB J., Les Minorités dans le monde, faits et analyses,
Desclée de Brouwer, 2006.
307
démunis et visant à réduire la pauvreté. Il y a moins d’un mois encore au Bénin, la
presse nationale et internationale faisait état d’un détournement de prêt de 3 millions
d’euros pour un projet d’accès à l’eau financé par les Pays-Bas. Une somme détournée
par certains membres du gouvernement à des fins personnelles. C’est le sort
d’énormément de ressources et de projets de financement à l’endroit des plus pauvres
qui finissent dans des comptes personnels des dirigeants. Ceci a fait de l’Afrique à ce
jour le siège de toutes les incertitudes et de l’incompétence, le lieu de toutes les
malversations financières et des détournements, de la corruption et d’autant de pratiques
qui ruinent le développement et appauvrit les peuples.
C’est évident que tout œuvre de communautarisme, toute instauration d’un ordre
juridique communautaire soit disant dans un souci de rendre plus sécurisé l’espace
économique et de garantir le développement soit voué à l’échec et ne connaisse aucune
fin heureuse. A ce jour, ni l’OHADA, ni les organisations communautaires régionales
ne peuvent se vanter d’avoir réussi le moindre essor économique africain. C’est
conclure en constatant que l’extension et la réussite des objectifs du droit
communautaire, l’aboutissement des ambitions juridiques, économiques dépendent à ce
jour d’une prise de conscience, d’un déclenchement de cette limite consciente de
l’inconscience.
Car oui, nous voulons bien croire que ces politiques, qui ruinent l’économie africain
sont inconscients des implications de leurs actes sur des familles et des familles. Qu’ils
ignorent qu’ils réduisent ainsi les rêves de milliers de jeunes prometteurs, en soif de
savoir et pleins d’idées novatrices pour le continent 1177, d’enfants à scolariser 1178, de
populations à sortir de la misère1179 ; qu’ils ruinent l’avenir de ces peuples. Il est temps
que l’Afrique soit un acteur, l’acteur de son développement. Il est temps que l’on cesse
de servir des ambitions personnelles, pour laisser lieu à l’intérêt général. Il est important
que le continent sorte ses fils et filles et leur donne les moyens de leurs rêves.
1177
Des bourses d’études sont détournées ou accorder non plus en fonctions de critères d’excellence
mais d’affinité avec le politique.
1178
La scolarisation des filles qui est encore un mythe dans certaines régions d’Afrique.
1179
Des familles vivent encore en Afrique avec moins d’un euro au quotidien.
308
même vision, de rechercher les mêmes résultats, de partager la même conviction et la
même motivation.
Aussi, cette démarche se veut être un appel à l’intellectuel africain, à la doctrine, aux
chercheurs qui écrivent énormément, mais se contentent de proposer des solutions, étant
conscient que la plupart ne verront jamais le jour. Il est important à ce jour que
l’intellect africain prenne la mesure de ses responsabilités et s’irriguent en acteur du
développement juridique et économique.
Nous devons aujourd’hui avoir à l’esprit, dans tout œuvre de réflexion, dans tout travail
scientifique, dans toute prise de décisions, dans toute démarche impliquant un intérêt
général ces quelques mots : « Le réel développement de l’Afrique doit commencer
aujourd’hui et ce sera par moi ».
Nous conclurons notre étude en disant que la première réforme pour l’efficacité, la
consécration, le développement et l’extension du droit communautaire est une réforme
générale mais surtout personnelle de la « conscience africaine ».
309
Conclusion de la seconde partie
Le bilan de cette partie de notre étude est aussi positif que négatif dans la mesure où
l’OHADA fait toujours l’unanimité au niveau des Etats membres et est toujours un
acteur très influent dans le processus d’uniformisation juridique du droit des affaires en
Afrique. « Le premier indice tendant à prouver que les Etats membres de cette
organisation ont conscience du potentiel qu’offre l’OHADA à leurs citoyens, réside
dans le paiement par la moitié de ces Etats, de l’intégralité de leurs cotisations. A
l’exception du Congo (qui vient de ratifier le traité) et des Comores, les six autres ont
versé une partie de leur contribution. Quand on sait les difficultés financières auxquelles
ces Etats sont confrontés, on ne peut que noter leurs gestes ». Le démontre aussi la forte
implication de ces Etats dans le processus de formation des magistrats chargés
d’appliquer le nouveau droit uniformisé.
Nombre de ces derniers ont été formés à l’ERSUMA1180 et disposent non seulement des
textes, mais également des codes annotés. Ces magistrats restituent l’enseignement dont
ils ont bénéficié dans leurs écoles nationales d’administration et de la magistrature1181.
Les auxiliaires de justice (avocats, huissiers de justice, notaires) disposent des textes.
Les grandes entreprises, les banques, les organisations professionnelles ont mis leurs
conditions d’exercice en conformité à l’OHADA. Le RCCM a été mis en place au Togo
sur support papier. C’est dire et reconnaitre les efforts et la qualité du dispositif mis en
place pour atteindre les objectifs fixés.
1180
La priorité du programme de formation de l’école est donnée à la celle des formateurs qui devront
restituer dans leur pays, l’enseignement qu’ils auront acquis à Porto Novo. Ainsi, la Commission
européenne sera assurée d’atteindre ces objectifs : la formation de tous les acteurs concernés.
1181
« Les personnels des ministères ne sont pas sensibilisés et ne peuvent répercuter les nouvelles
dispositions à leurs interlocuteurs. Les PME sont peu informées. Un grand nombre de magistrats reste à
être formé. De même que les auxiliaires de justice. De cette carence de formation, apparaissent des
divergences dans l’interprétation des textes ».
310
procédurale1182 suscite de grosses inquiétudes aux sociétés et banques supposées y
accomplir des formalités1183.
Les conclusions d’une étude récente organisée retenaient qu’ « Aux termes de cette
enquête qui fait apparaître l’état d’avancement ainsi que les contraintes de la réforme à
travers le diagnostic des institutions et des Etats, la mission pense avoir fourni à la
Commission européenne des éléments objectifs sur lesquels elle pourra fonder sa
décision d’apporter un soutien financier à l’OHADA. La mission a tenu compte des
exigences de la Commission européenne et des priorités de l’OHADA pour lui proposer
d’apporter un appui financier à la formation ». Nous ne devons pas avoir peur
d’enfoncer des portes déjà ouvertes disait le Professeur MEYER.
1182
Doivent également y être inscrites certaines sûretés constituées depuis le 1er janvier 1998. Les
banques sont dans l’impossibilité matérielle de respecter ces dispositions qui sont pourtant d’ordre
public.
1183
« En effet, bien que les formulaires du registre aient été adoptés par l’OHADA, les ministères de la
justice ne les ont pas encore mis à la disposition des greffiers. Or au 31 décembre 1999, les
modifications statutaires imposées par l’OHADA (augmentation de capital par exemple), doivent y être
enregistrées. A défaut, les sociétés sont susceptibles d’être dissoutes de plein droit ».
311
CONCLUSION GENERALE
Un droit des affaires, qui se veut protecteur des intérêts des investisseurs mais
aussi de l’équilibre des rapports contractuels 1187, progressiste, évolutif. De ce fait,
chaque Etat est tenu par ces dispositions supra législatives et adopte une politique
nationale en tenant grand compte des contingences économiques 1188 communautaire.
L’exemple de cette politique visant à une réglementation des secteurs du droit du travail
qui est parti d’une conception totalement nationale, prenant en compte les réalités
économiques de chaque Etat pour entrer, avec le phénomène de la mondialisation,
l’ouverture des frontières et le libre-échange dans une perspective d’intégration
régionale1189. D’ailleurs, selon le Professeur Joseph Issa-Sayegh, « Si l'on raisonne par
analogie avec l'intégration économique qui consiste en une unification des politiques
conjoncturelles, sectorielles et structurelles sous l'égide d'une autorité supranationale, on
1184
Élargissement du champ d'activité des agents économiques (entreprises, banques, Bourses) du
cadre national à la dimension mondiale.
1185
Affaire agricole, commerciale ou industrielle, dirigée par une personne morale ou physique privée
en vue de produire des biens ou services pour le marché ; unité économique de production ; firme.
1186
Accord relatif aux conditions d'emploi et de travail ainsi qu'aux garanties sociales, conclu entre un
employeur ou un groupement d'employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales
représentatives des travailleurs.
1187
Le caractère protecteur se justifie par la protection que le législateur OHADA accorde au salarié
économiquement faible par rapport à l’employeur économiquement puissant.
1188
Les réalités économiques, son pouvoir d’achats, la conjoncture économique nationale sont des
facteurs qui entrent en jeu dans l’élaboration de ces normes au sein des Etats.
1189
L’établissement de dispositions qui ne régissent pas qu’un Etat mais toute une communauté
internationale.
312
est incité à dire que l'intégration juridique doit tendre à une unification des politiques
législatives dans les matières juridiques en relation avec l'intégration économique » 1190.
Ainsi, au nombre de toutes ces institutions ayant vue le jour dans ce concept
d’intégration juridique et économique, chacune apporta, à sa façon sa pierre à la
construction d’un ordre juridique communautaire, supprimant les frontières, instaurant
un marché unique ou une monnaie unique, des dispositions, des règles communes, un
cadre institutionnel et un système judiciaire commun. Ainsi, autant l’Union Européenne,
la CEDEAO1191, la CEMAC1192, UEMOA1193, l’OHADA, ont été de véritables acteurs
du droit communautaires.
A l’issue de cette étude menée, en considérant les acquis, les difficultés, les
réaménagements, les autres difficultés nouvelles ou persistantes, on peut valablement
reconnaître qu’il est un mérite que l’OHADA ait réussi l’intégration juridique du droit
des affaires. des textes très importants ont été adoptés, la doctrine a été des plus active
et diverses réformes sont venues consolidées la nouvelle construction du droit des
affaires OHADA.
1190
Issa-Sayegh J., « L'intégration juridique des États africains de la Zone franc », Recueil Penant,
n° 823, p. 5.
1191
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest créée le 28 Mai 1975. C'est la principale
structure destinée à coordonner les actions des pays de l’Afrique de l'Ouest. Son but principal est de
promouvoir la coopération et l'intégration avec pour objectif de créer une union économique et
monétaire ouest-africaine.
1192
Communauté Economique Monétaire de l’Afrique Centrale. Le Traité instituant la CEMAC a été signé
le 16 mars 1994 à Ndjamena (Tchad). Il est à ce jour ratifié par Décrets Présidentiels par le Cameroun, la
Guinée Équatoriale et le Tchad. Ces décrets concernent également l'additif au traité relatif au régime
juridique et institutionnel de la CEMAC, ainsi que la convention régissant l'Union économique de
l'Afrique centrale (UEAC) et la convention régissant la Cour de justice de la CEMAC, signés le 5 juillet
1996 à Libreville.
1193
L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a été créée par le Traité signé à Dakar
le 10 janvier 1994 par les Chefs d’Etat et de Gouvernement des sept pays de l’Afrique de l’Ouest ayant
en commun l’usage d’une monnaie commune, le F CFA.
1194
« Cette vitalité protéiforme qui s’exprime principalement dans une nouvelle culture relationnelle, où
les innovations sont remarquablement rapides a cette particularité de se situer, à cette phase de
l’histoire, entre les divers éléments ou facteurs qui se sont confrontés sur le continent depuis plusieurs
siècles. »
313
guette la vie économique ». Comme le relève Ph. Engelhard, « L’Afrique, en dépit des
séismes subis, produit en certaines de ses parties le seul bien rare de l’avenir, dont elle
constitue une sorte de laboratoire : la capacité relationnelle. Les civilisations
occidentales et asiatiques vont peut-être finir dans l’autisme (...) Le continent africain en
fabrique l’antidote sous nos yeux, mais nous ne le voyons pas. Ce qu’on a appelé l’afro-
pessimisme est sans doute une des plus grandes fautes de jugement de ces vingt
dernières années. La vitalité protéiforme du continent noir pourrait bien produire, en
quelque jour, le miracle africain. Ce n’est pas une certitude, seulement un pari et un
espoir. Ils ne sont pas dénués de raisons ».
Le monde des affaires aujourd’hui s’est inscrit dans une politique de dynamisation des
modes d’échanges ce qui à pour conséquence d’obliger les Etats à prendre en compte
les divers flux économique mais aussi ces diverses réalités nouvelles des marchés. Sur
la question, la doctrine s’accorde à reconnaître que le droit OHADA est un droit
uniforme. Selon le Professeur Santos et Souleymane Toe : « le procédé utilisé pour cette
harmonisation est celui de l'uniformisation des règles matérielles »1195. Les divers
instruments installés par l’OHADA vont donc consacrer cette intégration juridique. Ce
qu’ont repris F. Anoukaha1196, F. M. Sawadogo1197 et P.G. Pougoué1198.
Tirant les leçons des échecs du passé, les Etats africains aux économies
particulièrement fragiles, n’ont guère d’autres choix que de se rassembler pour relever
1195
Cf. Santos A. P. et Toe J., OHADA, Droit commercial général, coll. Droit uniforme africain, Bruylant,
2002, n°7, p.5.
1196
In Anoukaha F. et autres, OHADA, Sociétés commerciales et G.I.E., coll. Droit uniforme africain,
Bruylant, 2002, p. 25.
1197
Sawadogo F., OHADA, Droit des entreprises en difficulté, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002
p. 16
1198
Cf. Pougoué P. « OHADA, Instrument d'Intégration Juridique » Revue Africaine des sciences
juridiques, vol. 2, n° 2, 2001, p. 11 et s.
1199
In Issa Sayegh J. et Lohoues-Oble J., Harmonisation du droit des affaires, coll. Droit uniforme africain
Bruylant 2002, n° 198, p. 98.
1200
Cf. Droit international privé, Paris, Domat Montchrestien, 9e édition, 2007, n° 93, p. 71.
314
le défi du développement économique tant aspiré par leurs peuples 1201. Pour y parvenir,
ils doivent s’atteler à l’instar des autres régions du monde à construire et consolider des
grands espaces économiques. Le défi du développement étant à la foi difficile et
impossible, cependant, ceux qui le relèvent ont une vie rude mais épanouissante et
restent inscrits dans les mémoires. L’Afrique restera dans l’histoire si elle relève le défi
du développement qui se présente plus comme un obstacle à ce jour.
Somme toute, cette étude retiendra essentiellement que l’OHADA est un modèle
d’ordre juridique d’intégration juridique qui mérite encore de connaitre des jours plus
glorieux Il conviendra pour ce faire d’aménager son système institutionnel, et le
fonctionnement de ses organes de sorte à éloigner et à séparer de façon clair les
questions politiques, les attentes des Etats, des nécessités d’ordre juridique et
juridictionnelle de l’espace communautaire.
Il sera aussi nécessaire de redynamiser ses organes en prenant bien le soin de redéfinir
les nécessités, les besoins des peuples africains, les besoins des acteurs économiques et
du marché commun, afin de faire correspondre les actions de l’organisation aux
nécessités du droit des affaires africain.
L’autre question épineuse à résoudre est celle de la sécurité judiciaire que doit aussi
garantir l’organisation, à travers son organe juridictionnel, la CCJA, mais aussi via la
mise en place de diverses réformes importantes afin de redynamiser la procédure
judiciaire devant cette cour communautaire mais aussi songer à une réglementation des
dispositions nationales des Etats membres, en termes de mesures juridictionnelles et
procédurales1202. La justice africaine doit retrouver, ou plutôt trouver, son impartialité,
son indépendance et une pleine possession de son pouvoir de décisions judiciaires et la
force exécutoire qui leur est due1203.
1201
Un tel contrôle permettrait d’enjoindre aux Etats parties ou à un Etat partie de prendre certaines
mesures en vue de l’application des prescriptions des textes de l’OHADA. Il permettrait également de
sanctionner les actes pris par un Etat partie ou une institution de l’OHADA en violation d’une disposition
obligatoire des textes de l’OHADA.
1202
Puisqu’il est question d’un espace judiciaire, il paraît judicieux de favoriser le plus possible la
circulation des décisions de justice. L’on saisit du coup l’urgence et l’opportunité d’un acte uniforme sur
cette question.
1203
Une autre idée, proposée par la doctrine serait d’organiser, dans le cadre de l’OHADA, des avis à
effet obligatoire en plus des avis actuels purement consultatifs. On pense alors à l’instauration dans les
textes du recours préjudiciel à la CCJA pouvant être déclenché en instance comme en appel. Le recours
préjudiciel permet à la CCJA de donner un avis pour orienter le procès sur une question de droit dont est
saisi le tribunal ou la cour d’appel. Il ne s’agit pas, comme certains le pensent, de réduire la CCJA à cette
315
Aussi, et surtout, les africains, les peuples, doivent prendre conscience des enjeux de
l’intégration et de l’énorme atout qu’il constitue pour la richesse africaine et la sortie de
la pauvreté. L’exemple européen doit leur servir et nous faire comprendre assez
clairement que le développement, passe par l’abandon de certaines vieilles et nocives
pratiques, notamment la corruption, la mauvaise gestion des ressources, le
détournement, la lenteur de l’administration, l’inégalité sociale, autant de maux qui
ruinent l’économie africaine et tous ses élans de développement. Il est temps que les
dirigeants, la société civile, les entreprises et les acteurs économiques, les diverses
couches sociales, prennent véritablement conscience des enjeux du monde actuel.
C’est dans cette prise de conscience que notre concept de « limite consciente de
l’inconscience » trouvera son sens et aussi toute son utilité. Il est primordial que l’œuvre
d’intégration se poursuive dans d’autres conditions et avec des acteurs convaincus de
son importance et sa véritable destination.
La coopération est aussi une condition très importante pour la réussite de l’intégration et
elle entoure autant les échanges entre les Etats, mais aussi la cohabitation des
institutions communautaires d’intégration.
Le monde aujourd’hui doit être perçu comme un géant lieu de partages et d’échanges de
valeurs culturelles, sociales, économiques mais aussi religieuses. Des valeurs qui nous
inculquent le respect de l’autre, la tolérance, l’acceptation de vivre avec nos diversités
mais aussi nos points communs, l’amour et le partage communautaire. Aujourd’hui
nous devons nourrir et défendre des convictions nobles rimant avec justice, égalité,
paix, dialogue, cohésion sociale, communautarisme, intégration. Nous sommes les
vecteurs et les acteurs de ce que sera le monde de demain donc nous avons le choix, la
liberté de prendre le bon chemin pour nos générations futures. Ce chemin qui n’est non
pas celui de la guerre, des conquêtes économiques, du capitalisme aveugle, de pratiques
douteuses et dangereuses, du terrorisme mais celui d’un communautarisme international
emprunt à définir les bases d’une paix et d’une sécurité universelle, à définir un ordre
juridique équitable et stable qui gouvernerait les échanges et surtout, à apporter des
solutions à des problèmes que certes nous affrontons seul en tant qu’entité souveraine,
en tant que citoyen lambda mais qui reste des problématiques communes. Laissons le
compétence préjudicielle. Celle-ci doit se combiner avec la compétence contentieuse de la CCJA. Le but
est de dispenser dans de nombreux cas le plaignant de devoir se pourvoir devant la CCJA
ultérieurement, puisque certains points de droit pourraient être tranchés par la CCJA préalablement.
316
droit, ses valeurs sociales, sa portée codificatrice et son pouvoir de stabilisation essayer
là où les autres ont échoué. Elle réussira sans nul doute si notre limite consciente nous
interpelle et suscite en nous la ferme volonté de changer les choses, de changer le
monde.
C’est loin d’être un discours idéaliste, c’est plus une exhortation à la prise de conscience
collective et une volonté de participer, de servir, et de sauver une communauté humaine
qui court, pour le plus d’avis, à sa propre perte1204.
Aujourd’hui nous devons nourrir et défendre des convictions nobles rimant avec justice,
égalité, paix, dialogue, cohésion sociale, communautarisme, intégration. Nous sommes
les vecteurs et les acteurs de ce que sera le monde de demain. Ce chemin qui est celui
d’un communautarisme international emprunt à définir les bases d’une paix et d’une
sécurité universelle, d’un ordre juridique équitable et stable qui gouvernerait les
échanges et surtout, apporterait des solutions à des problèmes que certes nous affrontons
seuls en tant qu’entité souveraine, en tant que citoyen lambda mais qui reste des
problématiques communes.
1204
Le mot de fin peut sembler être une conclusion négative à l’issue de cette étude mais bien au
contraire, c’est notre façon d’exhorter à aller plus de l’avant, d’interpeller les consciences pour œuvrer
ensemble à une amélioration des acquis actuels du droit communautaire mais aussi du développement
économique africain.
317
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Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121 e Année, Numéro 876, juillet –
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352
Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif
Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de
leurs biens
353
Statut de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature, adopté par le Conseil
des Ministres le 3 Octobre 1995
Traité CEMAC
Traité UEMOA
354
ANNEXES
Nos travaux de recherche effectués au cours de cette année ont apporté en effet diverses
modifications substantielles et importantes non seulement sur notre démarche de
recherche mais aussi sur le contenu et la qualité de travail. Il s’est agi surtout de la
récupération d’une importante documentation, au siège de la Commission Européenne à
Bruxelles, d’une analyse de toute cette documentation afin de redéfinir au mieux les
divers contours du plan de travail et notre approche juridique des questions et des
diverses problématiques élaborées. Une importante bibliographie fut ainsi mise à notre
disposition et exploité conséquemment, ce qui justifie assez bien le fait qu’à cette heure,
notre rédaction soit plus ou moins achevée, sous réserve des corrections et remarques de
nos directeurs et des divers enseignants ( dont l’avis et les remarques nous sont
nécessaires et nous importent au plus haut point), qui suivent ce travail. Ce qui ne que
parfaire et améliorer la qualité du travail déjà abattu.
Ces travaux ont été encore plus bénéfiques dans notre perspective de comparaison
juridique, dans la mesure où la redéfinition de la notion d’ordre juridique
communautaire nous a laissé envisager la démarche européenne sur la question, qui est
totalement différente de l’approche africaine OHADA.
Aussi et surtout, une fois ces diverses modifications apportées, les recherches, les acquis
de nos travaux, la consistance et les approches doctrinales nous ont aussi permis de
réaménager le cadre juridique de notre recherche doctorale et ainsi de reformuler notre
thématique de recherche.
Nous débuterons par ce dernier point.
Notre approche initiale tournait essentiellement autour d’une étude du corpus juridique
communautaire OHADA, donc des actes uniformes déjà en vigueur afin d’en estimer
scientifiquement la qualité, l’effectivité et l’efficacité au plan national des Etats
membres. Cette démarche n’a pas pour autant changé mais notre étude n’est plus
recentrée sur cette question. Nous avons choisi de l’étendre sur diverses autres
355
considérations juridiques, notamment les fondements de la notion d’ordre juridique
communautaire, les avancées apportées par le droit communautaire européen sur cette
question afin de mieux la comparer à celle africaine.
Ainsi, notre ancienne thématique, formulée en ces mots : « LES ENJEUX ACTUELS
DE L’OHADA : REFLEXION SUR LES DIFFERENTS ACTES UNIFORMES
ET LES PERSPECTIVES D’INTEGRATION », fut remplacée et améliorée, en
considération des nouveaux apports de nos recherche et d’une intention de recadrage du
cadre juridique de travail.
Ainsi, notre nouvelle thématique de recherche s’intitule : « L’ORDRE JURIDIQUE
COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX D’INTEGRATION DU
DROIT DES AFFAIRES ».
Il était aussi question pour nous et ceci pour des considérations véritablement
personnelles, d’apporter des solutions nécessaires à l’éclosion de cet idéal que défend
l’OHADA mais aussi à favoriser et rendre réel le développement économique africain.
L’œuvre communautaire, dont l’OHADA se veut aujourd’hui être l’un des acteurs les
plus privilégiés n’est que le fruit d’une ferme volonté mais surtout d’une nécessité des
peuples africains à faire face à la pauvreté, aux guerres, à la corruption, à la partialité de
la justice, à tous ces fléaux qui ruinent le développement africain. Il est donc question
pour nous, entend qu’africain, entend que scientifique et une élite africaine, que notre
travail de recherche, au-delà de ses apports juridiques, soit aussi le cadre de propositions
concrètes pour ce continent africain.
Nous sommes au plus près des réalités socio-économiques que vivent ces populations
africaines et d’importantes problématiques d’ordre juridique qui touchent au
développement économique par l’intégration juridique africaine. Le commerce et ces
divers démembrements sont véritablement la source de l’économie africaine, mais il est
important de résoudre avant tout, certaines difficultés d’ordre social, juridictionnel et
éventuellement politique. Notamment la mauvaise gouvernance, l’indigénisation de la
justice, le non-respect des textes nationaux et pire, communautaire, la corruption, les
détournements de fonds de soutien internationaux dédiés aux peuples les plus démunis,
356
la matérialisation d’une poursuite de l’intérêt personnel plutôt qu’un intérêt général et
commun1205.
Notre démarche juridique garde ainsi donc une part d’humanisme et de compassion
pour ses peuples, à qui l’on laisse croire qu’unir les forces dans une perspective
d’intégration juridique communautaire est la solution aux difficultés économiques qu’ils
combattent au quotidien1206. D’ailleurs, le Professeur Joseph Issa-Sayegh, le souligne
assez bien : « Si l'on raisonne par analogie avec l'intégration économique qui consiste
en une unification des politiques conjoncturelles, sectorielles et structurelles sous
l'égide d'une autorité supranationale, on est incité à dire que l'intégration juridique doit
tendre à une unification des politiques législatives dans les matières juridiques en
relation avec l'intégration économique »1207.
C’est aussi le fruit de nos convictions personnelles et des valeurs que nous jugeons
louables de défendre que nous avons choisi cette dernière approche, étant plus dans un
souci de produire des solutions pour œuvrer au développement juridique et économique
africain mais aussi veiller, être responsable et prendre conscience des enjeux qui sont
notre afin d’être fier, à l’issue de ce noble et humble travail scientifique d’avoir apporté
une pierre à l’édifice du droit, du droit communautaire mais aussi et surtout au
développement panafricain.
Rabelais disait que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », et René
Descartes dans le discours de la méthode, tout au début de son analyse soutenait que
« la raison est la chose du monde la mieux partagée »1208.
Il est donc tant que ces citations, source véritable inspiration, soient notre et nous
accompagne dans notre vie sociale et intellectuelle.
Le monde aujourd’hui doit être perçu comme un géant lieu de partages et d’échanges de
valeurs culturelles, sociales, juridiques, économiques mais aussi religieuses. Des valeurs
qui nous inculquent le respect de l’autre, la tolérance, l’acceptation de vivre avec nos
diversités mais aussi nos points communs, l’amour et le partage communautaire.
Aujourd’hui nous devons nourrir et défendre des convictions nobles rimant avec justice,
1205
« Les hommes sont très rarement dignes de se gouverner eux-mêmes »1205, Voltaire.
1206 1206
« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » , Montesquieu.
1207
Issa-Sayegh J., « L'intégration juridique des États africains de la Zone franc », Recueil Penant,
n° 823, p. 5.
1208
ibidem
357
égalité, paix, dialogue, cohésion sociale, communautarisme, intégration. Nous sommes
les vecteurs et les acteurs de ce que sera le monde de demain donc nous avons le choix,
la liberté de prendre le bon chemin pour nos générations futures. Ce chemin qui n’est
non pas celui de la guerre, des conquêtes économiques, du capitalisme aveugle, de
pratiques douteuses et dangereuses, du terrorisme mais celui d’un communautarisme
international emprunt à définir les bases d’une paix et d’une sécurité juridique
universelle, à définir un ordre juridique équitable et stable qui gouvernerait les échanges
et surtout, à apporter des solutions à des problèmes que certes nous affrontons seul
entend qu’entité souveraine, entend que citoyen lahnda mais qui reste des
problématiques communes. Laissons le droit, ses valeurs sociales, sa portée
codificatrice et son pouvoir de stabilisation essayer là où les autres ont échoué. Elle
réussira sans nul doute si notre limite consciente nous interpelle et suscite en nous la
ferme volonté de changer les choses, de changer le monde.
C’est loin d’être un discours idéaliste, c’est plus une exhortation à la prise de conscience
collective et une volonté de participer, de servir, et de changer et de sauver notre
communauté humaine.
Comme le relève Ph. Engelhard, « L’Afrique, en dépit des séismes subis, produit en
certaines de ses parties le seul bien rare de l’avenir, dont elle constitue une sorte de
laboratoire : la capacité relationnelle. Les civilisations occidentales et asiatiques vont
peut-être finir dans l’autisme (...) Le continent africain en fabrique l’antidote sous nos
yeux, mais nous ne le voyons pas. Ce qu’on a appelé l’afro-pessimisme est sans doute
une des plus grandes fautes de jugement de ces vingt dernières années. La vitalité
protéiforme du continent noir pourrait bien produire, quelque jour, le miracle africain.
Ce n’est pas une certitude, seulement un pari et un espoir. Ils ne sont pas dénués de
raisons ».
358
Rapport sur les travaux effectués au sein de la Commission Européenne (pour
l’UE) / et de l’ERSUMA (pour l’OHADA)
Au mois de Juillet 2015, nous avons effectué une mission de recherche au sein de la
Commission Européenne, Direction Générale Education et Culture, Bibliothèque et
centre de ressources électroniques.
Nous sommes de ceux qui pensons avec grande fermeté qu’au-delà de la considération
théorique des sciences juridiques, il est un apport majeur et des moins négligeables que
des travaux soient effectués sur le terrain, afin de prendre au mieux la mesure des
réalités et d’être ainsi au plus près des réelles problématiques que pose la mise en œuvre
du droit en général, et du droit communautaire en particulier, dans le cadre spécifique
de cette étude.
Notre approche est encore plus justifiée par notre mission de recherche sur le terrain,
effectuée lors de notre première année de thèse au sein de l’ERSUMA, organe
important de l’OHADA, dans la recherche, la documentation, la production de la
doctrine sur le droit communautaire. Ce fut à l’époque l’occasion pour nous de toucher
du doigt diverses réalités et difficultés que rencontre le droit OHADA notamment sa
perspective de vulgarisation, de promotion et de formation des acteurs du droit des
affaires. Des questions qui furent soulevées lors de notre précédant Comité de suivi de
thèse.
Cette année donc, notre choix fut porté sur une instance communautaire voisine, la plus
proche disons, qu’est l’Union européenne. Et sa direction de recherche et de
documentation, assez voisine de celle de l’OHADA n’a pas non plus été choisi au
hasard mais aussi en tenant grands comptes des considérations soulignées au-dessus.
Ces travaux ont consisté pour nous à recueillir une importante documentation, et une
étude plus spécifique des divers démembrements de la CE, des objectifs et des
politiques communes des Etats membres et une étude très fructueuse sur l’évolution de
l’intégration européenne et la mise en place de l’ordre juridique communautaire
européen.
Ce fut aussi l’occasion pour nous de nous entretenir avec diverses personnes-ressources
notamment Monsieur Jean Herdies, chef de l’Unité de recherche et divers de ses
359
collaborateurs sur les perspectives futures et la promotion de la recherche scientifique
au sein de l’Union. Des politiques très élaborées et structurées qui devraient constituer
une source d’inspiration pour l’OHADA, comme nous en avons fait état et vivement
développer dans notre travail.
En résumé, les vecteurs d’une intégration réussie sont avant tout l’organisation juridique
et structurelle qui entoure les objectifs, et les fondements de sa mise en place. Dans ce
sens, les efforts et les acquis de l’Union Européenne sont assez révélateurs de la qualité
de la réflexion sur les contours de son intégration mais aussi la matérialité d’un droit
européen en pleine et permanente effort d’extension et d’efficacité. Des mots dont
devraient sérieusement s’allier l’OHADA pour la réussite de son œuvre communautaire.
360
Annexe 1 :
Nombre
Administration Ministère 140 Publication du Les mesures Formation des
de la magistrats traité et des d’accompagnement magistrats,
Justice 250 AU au JO (activités) sont en greffiers et autres
greffiers national ; cours. personnels
Réécriture des Non installation du Continuité de
certaines RCCM – non l’institution OHADA
dispositions évaluation Evaluation
des AU technique des technique des
Organisation besoins du greffe – besoins du greffe
du RCCM ; non réception des (locaux, supports
Recensement formulaires du papier,
des RCCM informatique, ...)
dispositions
nationales
renvoyant à
une disposition
nationale ;
Fixation des
sanctions
pénales
correspondant
aux infractions
de l’OHADA
Ministère 15 Information Manque de Formation ciblée
de des PME PMI sensibilisation des Distribution de
l’industrie en fonctionnaires supports
collaboration concernés (plaquettes, fiches
avec la CCIB Peu d’impact des pratiques)
et la CAT informations sur les
PME/PMI
Auxiliaires de Ordre des 102 Conseil de leur Formation par la Restitution des
Justice avocats (stagiaires clientèle relatif pratique mesures
inclus) à l’application Interprétation des d’accompagnement
AU du MJ
Formation ciblée
Distribution de
codes annotés
Chambre 13 notaires Conseil de leur Formation par la Restitution des
des 10 clientèle relatif pratique mesures
notaires stagiaires à l’application Interprétation des d’accompagnement
AU Formation ciblée
Monopole de la distribution des
création des codes annotés
sociétés
Secteur Privé Chambre 3.500 Conseil des Faible information Mise en place d’un
de membres PME /PMI des PME/PMI dispositif
Commerce (affiliation relatif à Faible assistance au d’assistance
et obligatoire) l’application niveau de OHADA pour les
d’industrie l’application opérateurs
Monopole des économiques
361
Interlocuteurs Activités Problèmes Besoins
362
Etats des lieux Bénin
Application et Mise en Place du Droit OHADA
Tableau 1
363
Interlocuteurs Sensibilis Format Activités Problème Besoins
ation ion accomplies s
documentatio on
n médiatique
364
Interlocuteurs Sensibilis Format Activités Problème Besoins
ation ion accomplies s
commercial)
Coopératio Formation de
n française 60 magistrats
+ greffier
RCCM
Distribution
de 300 codes
annotés
PNUD Campagne Absence de Formation
nationale de connaissan des
vulgarisation ce du traité personnels
des AU de 4 et des AU ciblés des
semaines de par les administra
la CCIB en ministères tions
collaboration
avec l’USAID
USAID Campagne
nationale de
vulgarisation
des AU de 4
semaines de
la CCIB en
collaboration
avec le PNUD
365
Etats des lieux CAMEROUN
Nombre
concerné
Administration Ministère 700 Publication du Les mesures Formation des
de la magistrats traité et des AU d’accompagnement magistrats,
Justice 2000 au JO national sont en cours (non greffiers et autres
greffiers Réécriture des installation du personnels
certaines RCCM, common law) Distribution des
dispositions des textes an anglais et
AU en français (traité,
Organisation du AU et
RCCM commentaires)
Recensement
des dispositions
nationales
renvoyant à une
disposition
nationale
Fixation des
sanctions
pénales
correspondant
aux infractions
de l’OHADA
Auxiliaires de Ordre 1300 Conseil de leur Formation par la Restitution des
Justice des clientèle relatif à pratique mesures
avocats l’application Interprétation des d’accompagnement
AUs du MJ
Formation ciblée
en anglais et en
français
Distribution des
textes en anglais et
en français (traité,
AU et
commentaires)
Chambre 250 Exécution des Formation par la Restitution des
des décisions de pratique mesures
huissiers justice de leur Interprétation des d’accompagnement
clientèle AU du MJ
Formation ciblée
en anglais et en
français
Distribution des
textes en anglais et
en français (traité,
AU et
commentaires)
Chambre 48 Conseil de leur Formation par la Restitution des
des clientèle relatif à pratique mesures d’
notaires l’application Interprétation des accompagnement
366
Interlocuteurs Activités Problèmes Besoins
AU du MJ
Formation ciblée
en anglais et en
français
Distribution des
textes en anglais et
en français (traité,
AU, …)
Secteur CCIM 120 membres Conseil des PME Faible information Restitution des
Privé élus (18 000 /PMI relatif à des PME/PMI mesures
entreprises) l’application Aucune assistance d’accompagnement
au niveau de du MJ
l’application Distribution de
supports en anglais
et en français
(plaquettes, fiches
pratiques)
GICAM 191 Conseil de ses Distribution de
membres supports en anglais
et en français
(plaquettes, fiches
pratiques)
ONECCA 57 experts Conseil de leur Formation ciblée
comptables clientèle relatif à Restitution des
40 agréés l’application mesures
d’accompagnement
du MJ
Distribution de
supports en anglais
et en français
(plaquettes, fiches
pratiques)
APPECAM 8 Conseil de ses Coût élevé Restitution des
établissements membres d’information de la mesures
de crédit caution d’accompagnement
Enregistrement des du MJ
sûretés sous l’ancien Installation du
régime RCCM
PME Pas d’information Distribution de
Activités en support en français
contradiction avec et en anglais
l’OHADA (plaquettes, fiches
pratiques)
Appui technique
pour la mise en
conformité à
l’OHADA
Divers FAECAC 50 Conseil de ses Coût élevé Restitution des
établissements membres d’information de la mesures
de crédit caution d’accompagnement
Enregistrement des dans chaque Etat
sûretés sous l’ancien Installation du
régime RCCM
367
Etats des lieux CAMEROUN
368
Interlocuteurs Sensibilisa Format Activités Problème Besoins
tion ion accompli s
es
GIECAM 191 Oui Non Séminaire Supports de
vulgarisation
(plaquettes,
…) en anglais
et en français
Ordre 57 experts Oui Oui Sensibilisa Supports de
national comptable tion des vulgarisation
des s membres Textes (traité,
experts 40 agréés Mise en AU et
comptab conformit commentaires)
les é des en anglais et
conditions en français
d’exercice
des
membres
APECCA 8 Oui Oui Formation Absence Rallonge du
M établissem du de RCCM délai pour
ents de personnel l’installation du
crédit juridique RCCM par
des l’OHADA
banques Supports de
Sensibilisa vulgarisation
tion de la en anglais et
clientèle en français
PME Faible Non Pas ou peu Larges actions
de de
connaissan sensibilisation
ce de par mass
l’OHADA media
Bailleurs Coopéra Formation
de fonds tion greffier
français RCCM
e Evaluation
des
besoins
technique
s du
RCCM
Divers FAECAC 50 Formation Rallonge du
établissem du délai pour
ents de personnel l’installation du
crédit juridique RCCM par
des l’OHADA
banques Supports de
Sensibilisa vulgarisation
tion de la
clientèle
369
Etats des lieux CENTRAFRIQUE
Nombre
concerné
Administration Ministère 200 Publication du Aucune mesure Mesures
de la magistrats traité et des AU d’accompagnement d’accompagnement
Justice 22 au JO national Toit du Tribunal Formation des
greffiers Réécriture des non étanche magistrats,
5 certaines greffiers, agents
agents dispositions des d’exécution et
d’exécution AU autres personnels
Organisation du Distribution des
RCCM textes (traité, AU
Recensement et commentaires)
des dispositions Réparation du toit
nationales du Tribunal
renvoyant à Evaluation
une disposition technique des
nationale besoins du greffe
Fixation des (support
sanctions informatique)
pénales
correspondant
aux infractions
de l’OHADA
Ministère / Transfert vers Manque de Formation ciblée
du les PME des sensibilisation des Distribution de
Commerce informations les fonctionnaires supports (AU,
concernant concernés plaquettes et fiches
Aucune mesure pratiques)
d’accompagnement
Aucun transfert
vers les PME
Ministère / Transfert vers Manque de Formation ciblée
de les justiciables sensibilisation des Distribution de
l’Economie des fonctionnaires supports (AU,
et des informations les concernés plaquettes et fiches
Finances concernant Aucune mesure pratiques)
d’accompagnement
Aucun transfert
vers les justiciables
Auxiliaires de Ordre des 60 Conseil de leur Formation par la Restitution des
Justice avocats clientèle relatif pratique mesures
à l’application Interprétation des d’accompagnement
AU du MJ
Formation ciblée
Distribution de
supports (traité,
AU et
commentaires)
Réparation du toit
370
Interlocuteurs Activités Problèmes Besoins
du Tribunal
Chambre 4 Conseil de leur Formation par la Restitution des
des clientèle relatif pratique mesures
notaires à l’application Interprétation des d’accompagnement
AU du MJ
Formation ciblée
Distribution de
supports (traité,
AU et
commentaires)
Réparation du toit
du Tribunal
Secteur Privé PME PMI / Aucune Distribution de
information support
Activités en (plaquettes, fiches
contradiction avec pratiques)
l’OHADA Appui technique
pour la mise en
conformité à
l’OHADA
371
Etats des lieux CENTRAFRIQUE
373
Etats des lieux CÔTE D’IVOIRE
Nombre
concerné
Administration Ministère 368 Publication du traité et Aucune mesure Formation des
de la magistrats des AU au JO national d’accompagnement (non magistrats, greffiers et
Justice Réécriture des certaines installation du RCCM ) autres personnels
dispositions des AU Mesures
Organisation du RCCM d’accompagnement
Recensement des Installation du RCCM
dispositions nationales support papier puis
renvoyant à une informatique
disposition nationale
Fixation des sanctions
pénales correspondant
aux infractions de
l’OHADA
Ministère Information des PME PMI Manque de sensibilisation Formation ciblée
de des fonctionnaires Distribution de supports
l’économie concernés (plaquettes, fiches
et des Peu d’impact des pratiques)
finances informations vers les
contribuables concernés
Commission 9 Examen des avants Absence d’indemnités Indemnités forfaitaires
nationale membres projets d’AU, pour avis et forfaitaires Distribution de supports
recommandation (plaquettes, fiches
Elaboration des projets pratiques)
d’actes réglementaires
nécessaires à l’application
des AU
Proposition de lois et
actes réglementaires
dans les domaines du
droit des affaires non
couverts par l’OHADA
Diffusion auprès des
opérateurs économiques
et de tous les acteurs du
monde juridique et
judiciaire de l’OHADA
Auxiliaires de Ordre des 337 Conseil de leur clientèle Formation par la pratique Restitution des mesures
Justice avocats (stagiaires relatif à l’application Interprétation des AU d’accompagnement du
inclus) MJ
Formation ciblée
Distribution de supports
(traité, AU,
commentaires)
Chambre 500 Exécution des décisions Formation par la pratique Restitution des mesures
des de leurs clients Formulaire de procédure d’accompagnement du
huissiers Interprétation des AU MJ
Formulaires de
procédure par le SP
Formation ciblée
Distribution de supports
(traité, AU,
commentaires)
Chambre 62 Conseil de leur clientèle Formation par la pratique Restitution des mesures
des relatif à l’application Interprétation des AU d’accompagnement
notaires Formation ciblée
Distribution de supports
(traité, AU,
commentaires)
Secteur Privé Chambre 90 Conseil des PME /PMI Faible information des Vulgarisation des 3
de membres relatif à l’application PME/PMI premiers AU de l’OHADA
374
Interlocuteurs Activités Problèmes Besoins
375
Etats des lieux CÔTE D’IVOIRE
376
Interlocuteurs Sensibilisatio Formatio Activités Problème Besoins
n n accomplie s
s
des Interprétation ciblée
notaires Supports
(traité, AU,
commentaires
)
Secteur Privé Chambre 90 Oui Non Séminaires de Moyens Organisation
de membres sensibilisation d’organiser d’un e série
Commerce / 8000 de 120 des de séminaires
et sociétés entreprises en séminaires spécifiques
d’Industrie 1998 pour les pour les
(CI) Revue RIDA cadres et cadres et
dirigeants dirigeants
d’entreprises
PME Faible Non Aucune en Pas ou peu de Larges actions
dehors de la connaissance de
faible de l’OHADA sensibilisation
participation par mass
aux séminaires media
CCICI
Enseigneme Etudiants Oui Non manque Ouvrages et
nt d’ouvrages et matériels
de matériels d’enseigneme
d’enseigneme nt
nt pédagogique
pédagogique formation,
séminaires
etc.
Bailleurs de Banque Appui au
fonds Mondiale développement
du secteur
privé, projet
d’appui au
renforcement
des capacités
Coopératio Evaluation
n française technique du
RCCM +
greffier RCCM
Distribution de
codes annotés
Divers Chambre Aucune Vademecum
Consulaire OHADA
Régionale
de
l’UEMOA
377
Etats des lieux TOGO
Nombre
concerné
Administration Ministère 123 Publication du traité et Mesures Formation des greffiers
de la magistrats des AU au JO national d’accompagnement et autres personnels
Justice 30 Réécriture des certaines Mesures
greffiers dispositions des AU d’accompagnement
Organisation du RCCM Installation du RCCM
Recensement des support informatique
dispositions nationales
renvoyant à une
disposition nationale
Fixation des sanctions
pénales correspondant
aux infractions de
l’OHADA
Commission 23 Examen des avants
nationale membres projets d’AU, pour avis et
recommandation
Auxiliaires de Ordre des 100 Conseil de leur clientèle Formation par la pratique Restitution des mesures
Justice avocats relatif à l’application Interprétation des AU d’accompagnement du
MJ
Formation ciblée
Distribution de supports
(traité, AU,
commentaires)
Chambre 101 Exécution des décisions Formation par la pratique Restitution des mesures
des de leurs clients Formulaire de procédure d’accompagnement du
huissiers Interprétation des AU MJ
Formulaires de
procédure par le SP
Formation ciblée
Distribution de supports
(traité, AU,
commentaires)
Chambre 60 Conseil de leur clientèle Formation par la pratique Restitution des mesures
des relatif à l’application Interprétation des AU d’accompagnement
notaires Formation ciblée
Distribution de supports
(traité, AU,
commentaires)
Secteur Privé Chambre Conseil des PME /PMI Aucune information des Sensibilisation
de relatif à l’application PME/PMI Distribution de supports
Commerce Aucune assistance au (plaquettes, fiches
et niveau de l’application pratiques)
d’Industrie
PME Pas d’information Sensibilisation
Activités en contradiction Distribution de support
avec l’OHADA (plaquettes, fiches
pratiques)
Appui technique pour la
mise en conformité à
l’OHADA
378
Etats des lieux TOGO
379
Interlocuteurs Sensibilisatio Formatio Activités Problème Besoins
n n accomplie s
s
à la
restructuration
et à la
privatisation
des entreprises
publiques
Coopératio
n française
380
Annexe 2
Tableau de synthèse
Institutions de l’OHADA
381
Ecole Régionale de la Magistrature
Insuffisance Mise en place d’un Fiche
d’équipement centre proposée à la
du centre de documentaire Table Ronde Equipement bureautique
documentation fonctionnel Canada et informatique + fonds
et de documentaire + logiciel et
recherche formation CFA 82 422 700
France - Fonds documentaire E 125 652
Fonctionnement
+ besoins
immédiats et futurs
Francophonie
Photocopieuse + 2
portables
Activités Appui aux La France se Fiche projet Programme de formation CFA3 403 533
réduites de programmes de propose proposée à la de l’ERSUMA sur 3 ans 600
formation formation d’assurer la Table Ronde formation de formateurs Pour 3 ans
formation des Union magistrats/auxiliaires de E 5 188 653
greffiers (CFA européenne justice
49 000 000 / E formation continue des CFA 3 337 533
74 700) et des magistrats/auxiliaires de 600
acteurs non justice E 5 088 037
judiciaires (CFA formation (déduction faite
17 000 000 / E complémentaire des des formations
25 916), pour auditeurs de justice assurées par la
un an formation des acteurs non France)
judiciaires
Absence du Appui à la Union Fonds d’appui à la Coût à définir
suivi national restitution de la européenne restitution de la formation
de la formation au niveau financement des
formation des des pays intervenants dans les
formateurs pays
distribution de support
Activités
pédagogique
382
Secrétariat Permanent
Absence de Siège : locaux Livraison des locaux
siège opérationnels Cameroun opérationnels :
Cameroun Bâtiment
Cameroun Mobilier + splits (CFA 32 M /
Francophonie Installation téléphonique E 48 784)
Equipement informatique (CFA 3 500
Magnétophone
000 / E 5
Relieur
336)
CFA 15 000
000 / E 22
867
CFA 500
000 / E
Fonctionnement
763
CFA 450
000 / E
687
Promotion Appui à la logo OHADA CFA 40 000
insuffisante sensibilisation et à UNIDA mise en place d’un site
000 / E 60
de l’OHADA la vulgarisation de internet
l’OHADA Appui aux campagnes 980
régionales et nationales
d’information (déplacements
du SP, campagne
CFA 204 225
médiatique, préparation et
diffusion de plaquettes 000 / E 311
générales et de plaquettes 339
spécialisées, publication des
France JO et généralisation des
dépôts vente)
Assistant technique
gestionnaire du programme Coût à définir
d’activité
383
Total 3 : CFA 361 257
000
Euro 545 145
Total
1,2,3 : CFA 4 252
238 200
Euro 6 482
494
Pays Institutions
Manque de Activer le rôle X Renforcer les capacités
sensibilisation des ministères humaines et financières
des ministères dans des ministères impliqués
concernés l’information et par une politique
l’appui aux nationale cohérente
opérateurs
économiques
Manque de Assurer leur X X Appui aux programmes
formation ciblée formation de formations à
des auxiliaires l’ERSUMA (PM)
de justice et Appui à la distribution
des magistrats des textes commentés
de l’OHADA
Manque de Mieux informer X X Campagne d’information
connaissance les PME et de vulgarisation
ou (diffusion de Distribution de
connaissance l’information) plaquettes préparées
incorrecte sur par le SP (PM)
Information, vulgarisation et formation
l’OHADA des
PME
Ignorance de la Sensibiliser les X X Actions spécifiques de
procédure opérateurs à sensibilisation à
d’arbitrage l’arbitrage l’arbitrage (distribution
des clauses types
d’arbitrage)
Manque de Support X Mise à disposition des
support pédagogique manuels
pédagogique d’enseignement et
pour les ouvrages spécialisés
enseignants dans les bibliothèques
Absence du Etre en X Etablissement du RCCM
RCCM conformité avec sur support papier puis
la législation sur support
OHADA informatique
Mauvaise Interprétation X X Activités de formation
interprétation cohérente des Saisine de la CCJA pour
Application de l’OHADA
384
TABLEAU RECAPITULATIF
385
Etat des dossiers de la CCJA en matière contentieuse : de
l’installation de la CCJA au 30 juin 2012
Années Nbre total Nbre Nbre Total des Nbre des % des
des d’arrêts d’ordonnances affaires affaires affaires non
saisines rendus rendues vidées non tranchées
tranchées par rapport
au nbre des
saisines
2012* 72 65 11 77 -5 0
386
Sites Partenaires
d’intervention impliqués
CNUDCI,
UNIDROIT,
FRANCOPHONIE,
UNESCO, Japon,
Au niveau des Suisse, UNIDA,
institutions Belgique, France,
USAID, Banque
Au niveau des
Mondiale, PNUD,
États parties
France
Partenaires
CNUDCI, JURISCOPE
Activités financées
Forces
Faiblesses
387
ƒ Absence de coordination entre les PTF d’une part et l’OHADA d’autre part,
se traduisant par une absence de plan d’action commun des partenaires
ƒ Non appropriation de l’expérience dans la rédaction des actes uniformes
ƒ Absence d’un cadre juridique d’intervention
ƒ Absence d’évaluation financière des appuis techniques
Faiblesses
ƒ Absence de coordination entre les PTF d’une part et l’OHADA d’autre part,
se traduisant par une absence de plan d’action commun des partenaires
ƒ Non appropriation de l’expérience dans la rédaction des actes uniformes
ƒ Absence d’un cadre juridique d’intervention
ƒ Absence d’évaluation financière des appuis techniques
Partenaires
Activités financées
Forces
388
Au niveau de la mise en place des institutions et du centre documentaire et
d’arbitrage :
équipement en matériels de bureau et informatique
Au niveau de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique :
prise en charge du consultant chargé de rédiger l’avant-projet d’Acte
Uniforme sur le droit du contrat
Au niveau de l’application, la vulgarisation et la promotion du droit des
affaires :
financement des formations, des réunions, des campagnes de sensibilisation,
etc.
Faiblesses
Partenaire
BAD
Activité financée
Forces
Faiblesses
389
ƒ Absence de coordination interne à l’OHADA
ƒ Inefficience dans l’utilisation des fonds
ƒ Lourdeur administrative
ƒ Absence de transparence
ƒ Procédures contraignantes du bailleur
Partenaires
Activités financées
• Renforcement de la communication
• Edition des JO
• Promotion de l’OHADA
• Évaluation et amélioration des Actes Uniformes
Forces
Au niveau de la communication :
réhabilitation du site officiel de l’OHADA
Faiblesses
390
ƒ Absence de transfert de compétence
ƒ Forte dépendance au financement des bailleurs
ƒ Mauvaise évaluation des budgets des activités à financer
ƒ Absence de pertinence
ƒ Relative passivité au niveau de l’OHADA se traduisant par une adoption
sans contre-étude des accords de partenariat
Partenaire
Canada
Activités financées
Forces
Faiblesses
391
Annexe 3
392
393
394
395
396
DROIT DES AFFAIRES
PAR
JOËL ASSOKO
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Mots clés:
CCJA,
Droit Des Affaires,
Evelyne Mandessi Bell,
Jacques Alexandre Genet,
Ohada
- Acte uniforme relatif au droit commercial général, adopté le 17 avril 1997 - révisé en
2010
- Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique, adopté le 17 avril 1997
- Acte uniforme portant organisation des sûretés, adopté le 17 avril 1997 et révisé en
2010
- Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d'exécution, adopté le 10 avril 1998
- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif,
adopté le 10 avril 1998
- Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, adopté le 11 mars 1999
- Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises,
adopté le 23 mars 2000
- Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives, adopté le 15 décembre 2010
Uniformisation
Dans cet espace et pour la plupart des questions relatives au droit des affaires*, une
seule institution, le Conseil des ministres de la Justice et des Finances possède le
pouvoir de légiférer et d'adopter des dispositions légales (les Actes uniformes)
directement applicables dans l'ensemble de la zone Ohada.
Aussi, une seule instance, la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA), basée à
Abidjan, sert à la fois de Cour de cassation et de Cour suprême pour les questions
relatives au droit des affaires: elle intervient en dernier recours pour les décisions de
justice (sauf en matières pénales) rendues dans la zone Ohada. Comme l'indique l'avocat
Jacques-Jonathan Nyemb : "Les arrêts de la CCJA sont finaux. Ils sont directement
exécutoires, s'imposent aux juridictions internes des pays membres et ne sont
susceptibles, pratiquement, d'aucun recours."
398
La CCJA joue aussi le rôle de centre d'arbitrage [voir l'interview de Benoît Le Bars ci-
contre]
Architecture institutionnelle
Dans une analyse pourtant sévère de l'Ohada, réalisée en 2011 pour la Banque
mondiale, l'avocat français Renaud Beauchard le concède "en un laps de temps
remarquablement court, l'Ohada a créé une nouvelle organisation supranationale - une
réussite en soi - (…) qui a largement rempli l'objectif qu'elle s'était fixé en matière de
production d'un droit uniforme. L'Ohada a produit neuf Actes uniformes [voir encadré]
couvrant, à l'exception du droit du travail, l'ensemble des sujets énumérés dans l'article
2 du traité l'instituant."
En plus de fixer ce cadre juridique uniforme et évolutif, d'avoir établi des institutions
fonctionnelles et respectées, il convient d'ajouter à l'actif de l'Ohada de véritables
innovations comme le statut de "l'entrepreunant", introduit par l'Acte Uniforme révisé
portant sur le Droit commercial général de 2010, ou l'informatisation du registre du
commerce et du crédit mobilier. Pourtant, en vingt ans, des failles notables ont été mises
en évidence dans l'édifice de l'Ohada.
Fragilités
L'avocat Jacques-Alexandre Genet résume d'une formule ironique l'une des faiblesses
majeures du droit uniforme : "il est important de localiser le droit de l'Ohada." En effet,
malgré les efforts entrepris par l'Organisation, l'intégration des normes de l'Ohada dans
les juridictions nationales a du mal à se faire. Jacques-Alexandre Genet se souvient : "Il
y a cinq ans encore, il était possible de se retrouver face à des magistrats qui n'étaient
pas nécessairement informés du fait que certaines dispositions des codes commerciaux
nationaux avaient été supplantées par des normes Ohada".
Benoît Le Bars : "Les hommes d'affaires africains doivent être respectés"
399
Benoît Le Bars. DR
Dans cette interview l'avocat revient, entre autres, sur le fonctionnement de la CCJA et
la place de l'arbitrage dans le cadre Ohada. Extrait :
Il faut bien comprendre ce que fait la CCJA. Elle sert de Cour de cassation et de Cour
suprême pour toutes les juridictions des différents pays, comme cela existe dans tous les
systèmes de droit uniforme. Elle interprète les lois et peut aussi délivrer des avis et des
recommandations. Elle est aussi un centre d'arbitrage. Mais ce n'est pas la cour qui rend
les sentences, elle administre des procédures arbitrales qui sont jugées par des arbitres
nommés par les parties au litige ou par la Cour elle-même, quand les parties ne
désignent pas d'arbitre.
Lire la suite...
Même écho chez l'avocate camerounaise Evelyne Mandessi Bell, curatrice du site
internet ohadalegis.com : "Malgré les efforts de diffusion, les acteurs locaux ont du mal
à 's'imprégner' du droit Ohada". Elle ajoute : "il ne s'agit pas seulement des avocats et
des magistrats, mais le droit commercial concerne aussi les huissiers, les notaires. Cela
va au delà de l'application des décisions de justice. La rédaction des contrats, la qualité
des conseils donnés aux clients, la sûreté des bails commerciaux, tout cela dépend de la
maîtrise que les acteurs locaux ont des innovations introduites par l'Ohada"
La lenteur "d'ingestion" du droit de l'Ohada est liée, aux yeux d'un avocat africain
familier de la procédure Ohada, "aux origines mêmes du traité de Saint-Louis". Son
diagnostic est sec : "À écouter les promoteurs du droit Ohada, on croirait qu'il ne vise
qu'à attirer les investissements étrangers. Pourquoi pas? Mais dans ce cas des traités
400
bilatéraux d'investissement auraient pu suffire. Bousculer toute l'architecture de ces
pays dans ce seul but, était-ce nécessaire?".
Sur la même veine il élargit l'analyse à d'autres ensembles régionaux africains : "La
SADC a connu des échanges commerciaux intenses et fructueux sans avoir eu besoin
d'harmoniser le moindre aspect de son droit des affaires". Il est vrai que le cadre Ohada
s'étend de plus en plus vers des sphères qui concernent d'autres aspects du droit.
Ainsi, en ce qui concerne l'appel public à l'épargne, "il existe le risque que les
dispositions prises dans le cadre de l'Ohada soient en opposition avec celles dictées par
une autre organisation régionale, l'UEMOA par exemple", relève un juriste africain qui
s'empresse néanmoins d'insister sur l'adaptabilité du droit de l'Ohada. Cette question des
conflits de juridiction supranationale est également levée dans l'étude de Beauchard de
2011.
Evelyne Mandessi Bell se veut, en revanche, plus optimiste : "Bien sûr qu'il y a encore
du chemin à faire. Si on prend l'exemple de l'Acte uniforme sur les sûretés, évidemment
qu'en l'absence de cadastre, il est difficile de protéger la propriété commerciale. Mais si
l'Acte uniforme est de qualité et si les notaires y sont formés, il est clair qu'avec le
temps la formalisation se fera".
401
Le test ultime du droit de l'Ohada reste néanmoins celui-ci : aura-t-il permis de favoriser
l'activité économique en Afrique ? À cette question il n'existe pas encore de réponse. Le
secrétariat de l'Ohada a commandé en 2013 une étude sur l'impact du droit uniforme sur
les investissements. Quels qu'en soient les résultats, ce rapport laisse ouverte la question
de l'appropriation par les Africains de ce droit qui, après tout, est le leur.
403
Les activités de la célébration tourneront autour d’un forum et d’un colloque
international. Le forum sera une occasion véritable de présenter l’OHADA et
l’opportunité qu’elle représente pour le renforcement de la compétitivité
économique dans son espace d’intervention. Le deuxième jour du Forum apportera
des réponses à la contribution de l’OHADA. Le Colloque organisé par la suite aura
un objectif similaire. Il reste cependant difficile d’évaluer le niveau d’impact que
l’OHADA aura sur des entreprises notamment camerounaises. Par essence les
activités économiques au-delà du Droit écrit développent ses propres pratiques pour
s’adapter. Au-delà de ce caractère des activités commerciales, les dispositions de
l’OHADA comme l’ensemble de l’arsenal juridique au Cameroun souffrent d’une
participation de ses bénéficiaires. Pour remotiver les destinataires des textes
OHADA, l’organisation partagera avec les participants les résultats de ses
différentes recherches et des efforts de travail réalisés avec la contribution des
universités des pays membres.
404
«Il s’agit de travailler à relever avec succès les nombreux défis imposés à notre
continent par la désorganisation du tissu économique de nos pays, consécutive à la crise
économique mondiale dont la persistance affecte l’élan de développement, mais
également de créer les conditions pour des investissements encore plus intenses et
sécurisés, en renforçant la confiance des acteurs économiques vis-à-vis de nos systèmes
juridiques», a-t-il poursuivi.
«Nous sommes contents du progrès réalisé par notre organisation ces 2O dernières
années. Cependant, l’organe demeure avant tout un projet et d’autres pays pourront, par
notre travail, intégrer l’espace », a-t-il ajouté.
«L’OHADA est une institution importante pour le droit des affaires. Il y a des progrès
considérables en Afrique et nous en sommes très heureux. (…) nous devons voir si nous
devons renforcer notre engagement dans ce domaine», a soutenu le président ivoirien
Alassane Dramane Ouattara.
Selon le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, les pays africains sont en plein
boom économique, et il est nécessaire de mettre, de commun accord, l’accent sur
l’harmonisation du climat des affaires.
«L’OHADA nous a permis de réinventer le droit pour faire avancer nos économies et
tenir notre place dans la marche aux forceps du monde contemporain», s’est-il réjouit.
405
Pour M. Compaoré, président de la conférence des chefs d’Etat de l’OHADA, deux
décennies après la création de cette institution, «le constat est encourageant en termes
de promotion de la croissance économique et de l’emploi, d’amélioration de
l’environnement juridique pour la création des entreprises, d’accroissement de
l’accessibilité au crédit, de sécurisation des investissements étrangers directs et
d’impulsion du progrès social dans nos pays».
Portée sur les fonts baptismaux et sur la base du Traité de Port-Louis du 17 octobre
1993, l’OHADA s’était fixée pour ambition de faciliter les échanges commerciaux et les
investissements sur le continent en Afrique et au-delà.
407
Il invité les participants à cette cérémonie et au colloque à
poser un regard sans complaisance sur le chemin parcouru. C'est même le sens du
colloque qui s'est ouvert à la suite de cette cérémonie de lancement autour du thème :
L'OHADA 20 ans déjà : bilan et perspectives.
Il a également salué avec « force et sincérité » les Etats et les institutions qui n'ont
jamais marchandé leur soutien à l'OHADA : L'UEMOA, la France, la BAD, le PNUD,
l'OIF, le groupe de la Banque Mondiale, la BCEAO, la Banque Ouest africaine de
développement, l'UNIDA, Juriscope, Jusrisafrica. Il a salué la présence des anciens
chefs d'institutions de l'OHADA à cette cérémonie.
408
Il a assuré, au nom du Président du Faso et du Gouvernement
de son pays, que le Faso ne ménagera aucun effort pour accompagner l'OHADA dans
l'accomplissement de sa mission. A la fin de son allocution, il a lancé officiellement
l'ouverture des activités de commémoration des 20 ans de l'OHADA.
L'association UNIDA et le site www.ohada.com salue le travail abattu par les autorités
du Burkina Faso et les institutions de l'OHADA pour permettre que ces activités
d'anniversaire officiel se déroulent dans de bonnes conditions.
Joseph KAMGA.
409
Table des matières
AVERTISSEMENT.................................................................................................................................... 2
DEDICACES ........................................................................................................................................ 4
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................. 5
SIGLES ET ABBREVIATIONS .................................................................................................................... 6
SOMMAIRE.......................................................................................................................................... 12
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 13
PARTIE I ........................................................................................................................................... 30
L’AVENEMENT D’UN ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ............................................................. 30
TITRE I ......................................................................................................................................... 32
L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE JURIDIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE EN
AFRIQUE PAR L’OHADA ................................................................................................................ 32
CHAPITRE I ............................................................................................................................................. 34
LE CONCEPT D’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE DANS LA PERSPECTIVE D’INTEGRATION JURIDIQUE
.............................................................................................................................................................. 34
Section I : Les fondements de la théorie de l’ordre juridique communautaire .................................... 35
Paragraphe I : Le concept de « désinternationalisation » du droit communautaire ....................... 36
A- Les fondements jurisprudentiels de l’ordre juridique communautaire ............................. 37
B- L’apport de la doctrine communautariste........................................................................ 40
Paragraphe II : L’ordre juridique communautaire : un ordre juridique de droit international......... 43
A. Le droit international, fondement du droit communautaire ............................................ 44
B. Le rapport relatif de l’ordre juridique communautaire et de l’ordre juridique interne au
regard du droit international .................................................................................................... 48
Section II : L’ordre juridique communautaire dans les mécanismes d’intégration juridique ............... 52
Paragraphe I : L’insertion des enjeux d’intégration juridique dans un ordre juridique
communautaire ............................................................................................................................ 53
A. La théorie générale de l’ordre juridique : L’unité de l’ordre juridique .............................. 53
B. La nécessaire cohérence de l’ordre juridique d’intégration .............................................. 58
Paragraphe II : L’ordre juridique : entre complétude et complexité de l’intégration juridique ....... 60
A. La complétude de l’ordre juridique.................................................................................. 60
B. La complexité de l’intégration juridique communautaire ................................................ 62
CHAPITRE II ............................................................................................................................................ 64
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE VIA UN SYSTEME JURIDIQUE INSTITUTIONNEL OHADA
.............................................................................................................................................................. 64
SECTION I : La politique communautaire OHADA au service de la performance des entreprises ......... 64
Paragraphe I : Une politique de coopération effective et un cadre permanent de concertation ..... 65
A. La politique de coopération............................................................................................. 65
1. Les enjeux de développement économique .................................................................. 65
2. La mondialisation ou la globalisation de l’économie ..................................................... 68
B. Un cadre permanent de concertation .............................................................................. 71
1. La forte volonté politique des Etats membres .............................................................. 71
2. Une dynamique permanente du système institutionnel ............................................... 73
Paragraphe II : Le droit OHADA : un instrument au service de la performance des entreprises ...... 74
A. Un espace d’intégration juridique du monde des affaires ................................................ 75
1- Les concepts d’uniformisation et d’harmonisation ....................................................... 75
2- L’étendue des implications pratiques ........................................................................... 79
B. Un espace d’intégration judiciaire renforçant une sécurité juridique ............................... 80
1- La mise en place d’un cadre régional juridictionnel ...................................................... 81
2- La promotion de l’arbitrage comme mode de règlement des différends contractuels ... 82
410
Section II : Le système institutionnel et juridique d’actions ...................................................... 84
Paragraphe I : L’action des institutions politiques de l’organisation .............................................. 84
A. Le conseil des Ministres de la Justice et des Finances ...................................................... 84
1- Composition et fonctionnement du conseil des Ministres ............................................ 84
2- Les attributions du Conseil des Ministres ..................................................................... 86
B. Le secrétariat permanent ................................................................................................ 87
1- L’organisation et fonctionnement du secrétariat permanent ........................................ 87
2- Les attributions du Secrétariat Permanent ................................................................... 89
Paragraphe II : L’action des institutions juridiques de l’organisation ............................................. 91
A. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage .................................................................... 91
1- La composition et le fonctionnement de la CCJA .......................................................... 93
2- Les compétences et attributions de la CCJA .................................................................. 95
B. L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature ............................................................. 97
1- L’ERSUMA : lieu de formation au bilan impressionnant ................................................ 99
2- L’ERSUMA : centre de recherche et de documentation ............................................... 101
TITRE II ...................................................................................................................................... 105
L’ETENDUE DES ACQUIS DU COMMUNAUTARISME « OHADA » .................................................. 105
CHAPITRE I ........................................................................................................................................... 106
LA CONSECRATION D’UN ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ......................................................... 106
Section I : L’ordre juridique européen dans la réglementation du droit des affaires ......................... 106
Paragraphe I : L’étendue du droit européen des affaires ............................................................. 107
A. L’instauration d’un espace économique européen « EEE » ............................................ 108
B. La délimitation du domaine du droit européen des affaires ........................................ 111
Paragraphe II : les mesures juridiques d’uniformité du droit européen des affaires..................... 114
A. Le principe de primauté des normes européennes ........................................................ 114
B. L’applicabilité directe du droit européen des Affaires.................................................... 120
SECTION II : La consécration d’une réglementation OHADA du droit des affaires ............................. 125
Paragraphe I : L’adoption et la rénovation des actes uniformes OHADA ...................................... 125
A. La procédure d’adoption des Actes uniformes ............................................................... 126
B. Les rénovations juridiques à travers la révision des actes uniformes OHADA ................. 129
Paragraphe II : L’impact des actes uniformes sur le droit des affaires OHADA ............................. 133
A. Les difficultés de mise en œuvre des actes uniformes.................................................... 133
B. Les obstacles à l’impact positif des actes uniformes ...................................................... 136
CHAPITRE II .......................................................................................................................................... 139
LES IMPLICATIONS DE L’ABANDON DES SOUVERAINETES LEGISLATIVES ET JUDICIAIRES ....................... 139
Section I : L’ambigüité de la cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux ............. 140
Paragraphe I : Les contours de la portée abrogatoire des actes uniformes .................................. 140
A. Des compétences fermes pour le législateur OHADA ..................................................... 141
B. Des compétences partagées en matière pénale............................................................. 143
Paragraphe II : Les contours de la cohabitation juridique ............................................................ 146
A. Les implications constitutionnelles ................................................................................ 146
B. Une lisibilité incertaine du droit interne en vigueur ....................................................... 149
Section II : Les implications de la cohabitation judiciaire dans l’espace OHADA ............................... 151
Paragraphe I : La coordination de la souveraineté judiciaire........................................................ 151
A. La répartition des compétences entre la CCJA et les juridictions nationales ................... 152
B. L’institution de moyens de coopération judiciaire ......................................................... 156
Paragraphe II : La consécration de l’organe juridictionnel communautaire en juridiction de dernier
ressort ........................................................................................................................................ 158
A. L’autorité de la CCJA sur les Instances suprêmes internes.............................................. 159
B. Les limites pratiques ..................................................................................................... 162
411
TITRE I ....................................................................................................................................... 169
L’ANALYSE CRITIQUE DES ACQUIS DU DROIT UNIFORME OHADA ................................................ 169
CHAPITRE I ........................................................................................................................................... 170
LES INSUFFISANCES DES MECANISMES COMMUNAUTAIRES D’INTEGRATION JURIDIQUE ET JUDICIAIRE
............................................................................................................................................................ 170
Section I : Les problématiques juridictionnelles ............................................................................... 170
Paragraphe I : Les incertitudes sur la CCJA................................................................................... 171
A. La divergence des textes attributifs de compétences et les cas d’ouverture de cassation
171
B. Les incidences pratiques................................................................................................ 177
Paragraphe II : Une reforme recommandée du domaine de compétences et de l’action de la CCJA
................................................................................................................................................... 180
A. La révision des arrangements de N’Djamena ................................................................. 180
B. La réforme structurelle de la CCJA ................................................................................. 184
Section II : L’étendue de la coopération juridique dans l’espace harmonisé ..................................... 188
Paragraphe I : La réforme de l’ERSUMA....................................................................................... 189
A. Les contraintes à la mission de l’ERSUMA...................................................................... 189
B. Les solutions de renforcement pour l’ERSUMA .............................................................. 193
Paragraphe II : Les facteurs internes limitant la réussite de l’intégration communautaire ........... 197
A. Les peuples africains bénéficiaires de l’œuvre communautaire ..................................... 198
B. Des solutions pour la vulgarisation de l’intégration OHADA vers les peuples africains ... 202
CHAPITRE II .......................................................................................................................................... 205
LES INSUFFISANCES MATERIELLES DU MODELE JURIDIQUE OHADA ...................................................... 205
Section I : Les insuffisances des mécanismes d’adoption des actes uniformes .................................. 206
Paragraphe I : La problématique de l’élaboration des actes uniformes ........................................ 207
A. Le choix des matières à harmoniser............................................................................... 207
B. Les limites de la procédure d’élaboration des actes uniformes ...................................... 209
Paragraphe II : Les solutions pour l’efficacité des dispositions matérielles uniformisées ............. 210
A. L’efficacité des actes uniformes..................................................................................... 210
B. Les solutions procédurales ............................................................................................ 213
Section II : L’intégration juridique en matière pénale ....................................................................... 216
Paragraphe I : La mise en place d’un système pénal général OHADA ........................................... 217
A. La part de l’OHADA : l’harmonisation des qualifications pénales ................................... 218
B. La détermination nationale des infractions communautaires ........................................ 222
Paragraphe II : Un système plus spécifique pour les infractions prévues dans les actes uniformes
OHADA ....................................................................................................................................... 226
A. Tableaux indicatifs des grilles des infractions communautaires ..................................... 227
B. Les incidences pratiques et recommandations .............................................................. 230
TITRE II ...................................................................................................................................... 237
L’OHADA FACE A SES NOUVEAUX ENJEUX ET SA VISION D’INTEGRATION AFRICAINE ................... 237
CHAPITRE I ........................................................................................................................................... 239
L’INTEGRATION AFRICAINE ET LA PERSISTANCE DES CONFLITS COMMUNAUTAIRES............................. 239
Section I : L’ambigüité de la cohabitation régionale ......................................................................... 240
Paragraphe I : Les sources du conflit communautaire .................................................................. 241
A. La similitude des domaines de compétences et les risques de conflits normatifs ........... 243
B. Les conflits liés à l’intégration des normes juridiques dans le droit interne des Etats ..... 250
Paragraphe II : les implications d’une cohabitation entre les organisations régionales ................ 254
A. Des solutions apportées en faveur d’une collaboration et d’une concertation............... 254
B. Les limites du modèle de coopération envisagé entre les organisations communautaires
259
Section II : Les solutions pour une nouvelle dynamique communautaire d’intégration juridique ..... 263
Paragraphe I : L’opportunité d’une réadaptation des deux organisations .................................... 264
A. La réadaptation institutionnelle .................................................................................... 265
B. La nécessité d’une réadaptation judiciaire..................................................................... 267
Paragraphe II : La réadaptation de l’espace communautaire ....................................................... 270
412
A. Les incidences de la transposition des dispositions européennes .................................. 271
B. Les mesures de réadaptation de l’espace communautaire............................................. 275
CHAPITRE II .......................................................................................................................................... 279
L’ABOUTISSEMENT DU PROJET D’INTEGRATION PANAFRICAINE .......................................................... 279
Section I : Les solutions aux problématiques liées à l’extension de l’OHADA .................................... 280
Paragraphe I : les nouveaux facteurs de l’extension de l’OHADA ................................................. 280
A. L’extension linguistique du droit communautaire.......................................................... 280
B. L’impact de nouvelles adhésions à l’OHADA .................................................................. 285
Paragraphe II : La rénovation générale de l’espace communautaire ............................................ 288
A. La conception d’une super organisation communautaire .............................................. 289
B. Les contraintes .............................................................................................................. 292
Section II : L’émergence d’un véritable développement communautaire africain............................. 294
Paragraphe I : La sortie d’ « une indigénisation de la justice africaine »....................................... 295
A. L’indigénisation de la justice africaine ........................................................................... 295
B. La renaissance de la justice africaine ............................................................................. 300
Paragraphe II : Le concept de « limite consciente de l’inconscience africaine »............................ 304
A. Les fondements du concept de limite consciente de l’inconscience ............................... 305
B. Le contexte africain et les fondements du concept ........................................................ 307
413