Equilibre Pouvoir Executif Pouvoir Legislatif - Dissertation
Equilibre Pouvoir Executif Pouvoir Legislatif - Dissertation
Equilibre Pouvoir Executif Pouvoir Legislatif - Dissertation
INTRODUCTION
La Troisième République a été la première république véritablement parlementaire. Ses
détracteurs la qualifiaient même de parlementariste. La Quatrième République n’a pas eu besoin de
connaître de détracteurs : elle faisait à peu près l’unanimité contre elle, après avoir versé dans le
régime d’assemblée.
Ainsi, poser la question d’un équilibre éventuel entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif
revient à identifier une supériorité intervenant nécessairement dans le jeu du pouvoir. Derrière la
recherche d’un équilibre, se cache la recherche de la nature des relations entre les institutions. Or,
sous la Cinquième République, il n’a jamais été entendu, d’une part, qu’un tel équilibre devait exister
et, d’autre part, encore moins que le législatif put surpasser l’exécutif. Bien au contraire, l’Exécutif a
toujours dominé.
Cette domination a trouvé ses origines dans le texte de la Constitution (I), en tout cas, si ce
n’est dans sa lettre, dans son esprit et dans la pratique du pouvoir qui a été mise en place aux débuts
de la Cinquième République. Cette domination a par la suite connu des soubresauts dont l’objectif
était de revenir à un plus grand équilibre (II) à travers la procédure de la motion de censure, jusqu’aux
plus récentes évolutions constitutionnelles ou aux mécanismes traditionnels du régime parlementaire
tels l’engagement de responsabilité qui, pour autant, n’ont pas bouleversé la donne des grands
équilibres propres à la Cinquième République.
I - UN DESEQUILIBRE FAVORABLE A
L’EXECUTIF
Aucun équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif n’a existé sous la Cinquième
République. Il n’en a jamais été question tant en sondant la volonté des constituants (A) qu’à l’occasion
de l’observation de la pratique du pouvoir (B).
L’inspiration est très claire : il s’agit de renforcer les organes exécutifs et d’attribuer au
président de la République un rôle nouveau de gardien et de garant de l’Etat.
Les constituants - pour l’essentiel, Charles de Gaulle et Michel Debré, chargé de la rédaction
du projet - souhaitaient mettre en place un système institutionnel dans lequel l’autorité de l’Etat serait
affirmée à l’intérieur et son indépendance maintenue à l’extérieur. Il était dès lors à craindre que le
pouvoir législatif refluerait nécessairement face au pouvoir exécutif et qu’aucun équilibre ne serait
ainsi concevable. Il fallait tout autant préserver l’Etat des clans et autres factions, comme
précédemment, que des pressions de l’étranger. Cela impliquait un Etat fort par l’action des organes
exécutifs, rôle que le pouvoir législatif n’aurait pas su assurer.
Dans la foulée des deux précédentes républiques, les constituants souhaitaient par ailleurs
relever le pouvoir exécutif de la condition diminuée qui lui avait été faite alors. Ce renforcement des
organes exécutifs allait ainsi assurer la stabilité gouvernementale qui faisait défaut aux deux
républiques précédentes.
Ce même chef de l’Etat, placé au-dessus des partis, nouvel homme fort du régime, se voit
confier des pouvoirs propres importants qui lui permettent d’engager un dialogue direct avec le peuple
soit par l’usage du référendum (article 11 de la Constitution), soit par la dissolution de l’Assemblée
nationale (article 12), soit encore dans d’autres circonstances par le recours à une dictature à la
romaine (article 16). Si le référendum constituait bien une nouveauté et les pleins pouvoirs une
procédure ambigue et dont l’application s’avèrera douteuse, la dissolution prononcée par le chef de
l’Etat, la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, ainsi que l’irresponsabilité
politique du président de la République restituent bien les traits caractéristiques d’un régime
parlementaire.
En effet, la fidélité au régime parlementaire, la filiation même à celui-ci est réaffirmée dans le
corps de la Constitution et à travers les propos fameux, tenus par Michel Debré le 27 août 1958 devant
l’Assemblée générale du Conseil d’Etat : « Pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel, la
voie devant nous est étroite, c’est celle du régime parlementaire ». Il n’y aucun doute quant à cet
héritage.
Cependant, cette conception des institutions, pour relever d’une philosophie politique libérale
et républicaine, ne traduit que partiellement la nature du régime et ne reflète guère la réalité du
pouvoir, le rôle tenu par chacun des organes. Il ne s’agit que d’une inspiration et de la lettre de la
Constitution. L‘esprit et la pratique en seront tout différent. De manière plus pragmatique, la durée
initiale du mandat présidentiel, le rôle militaire et diplomatique du chef de l’Etat, l’usage du
référendum, le fait de pouvoir être à l’origine d’une révision de la Constitution, les nominations très
importantes auxquelles peut procéder le chef de l’Etat font du pouvoir exécutif, en général, et au sein
de ce pouvoir, le président de la République, l’organe dominant des institutions. Aucun équilibre
exécutif-législatif ne saurait être trouvé dans un tel régime.
Le pouvoir législatif se voit condamné, réduit et cantonné au bénéfice du pouvoir exécutif. Bien
malin qui, dans ces conditions, saurait trouver un équilibre exécutif-législatif, déséquilibre que la
pratique du pouvoir va renforcer et consolider. L’esprit de la Cinquième, à défaut de sa lettre, s’avère
favorable au déséquilibre institutionnel au profit du pouvoir exécutif et au détriment du pouvoir
législatif.
Ses compétences exécutives ne sont pas moindres puisqu’il promulgue les lois dans les quinze
jours suivant leur transmission au gouvernement, signe les ordonnances et décrets délibérés en
Conseil des ministres, nomme aux emplois civils et militaires (article 13). Au titre de ses compétences
diplomatiques et militaires, il négocie et ratifie les traités (articles 52 et 53), accrédite les ambassadeurs
(article 14), est chef des armées et préside les conseils et comités supérieurs de défense nationale
(article 15). Enfin, en matière constitutionnelle et judiciaire, il doit veiller au respect de la Constitution
(article 5), a l’initiative concurremment avec les membres du Parlement de sa révsion et peut intervenir
dans la procédure de révision pour réunir le Parlement en Congrès (article 89), dispose d’un doit de
grâce (article 17), peut demander des avis au C.S.M (article 64) et y nomme deux personnalités
qualifiées (article 65). On le voit, le recensement des compétences propres comme des pouvoirs
partagés du chef de l’Etat donne le tournis.
législations, règlements, directives, arrêts et autres). Autant d’éléments qui sonnent comme une
longue litanie et confirment le recul incessant du pouvoir législatif au bénéfice permanent du pouvoir
exécutif
Par ailleurs, certains articles, issus de cette révision constitutionnelle, tels le nouvel article 6,
révèlent l’aspect parfois « gadget » de celle-ci (pas plus de deux mandats consécutifs ce qui n’interdit
pas de se représenter par la suite), le faux référendum d’initiative populaire de l’article 11 qui n’est
qu’un référendum d’initiative partagé, un Défenseur des droits dans la main du chef de l’Etat du fait
de son mode de nomination, un C.E.S devenu en plus environnemental (la belle affaire !), les groupes
d’opposition et minoritaires du nouvel article 51-1 … Les exemples sont légion. Une fois encore, tout
cela s’est opéré à l’avantage du pouvoir exécutif et aucun équilibre n’est apparu pour poser le pouvoir
législatif comme un concurrent direct de l’Exécutif.
Néanmoins, cette domination exécutive ne s’est pas faite uniformément. Des reculs, des
retraits se sont opérés et le pouvoir législatif a parfois pu reprendre une place plus conforme à celle
qui devrait lui revenir, la dernière révision constitutionnelle en date ayant tenté d’opérer ce
rééquilibrage.
Le vote d’une motion de censure est un des procédés par lequel le régime parlementaire
s’exerce parfaitement et permet au Parlement de voir le gouvernement lui rendre des comptes par le
rejet de celui-ci.
Pour mémoire, la motion de censure, arme classique codifiée à l’article 49.2 de la Constitution,
demeure néanmoins favorable à l’exécutif dans le cadre d’un régime parlementaire rationalisé. Elle
doit être signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée et ce, par rapport au nombre
de sièges effectivement pourvus. Non seulement, un député ne peut signer plusieurs motions à la fois
mais en plus, aucune signature ne peut être ajoutée ou retirée, le tout seulement pendant les sessions
ordinaires et à l’exclusion de périodes pendant lesquelles intervient soit l’intérim présidentiel soit est
appliqué l’article 16. Le vote intervient seulement quarante-huit heures après le dépôt de la motion.
Enfin, le calcul de la majorité comprend seulement les votes favorables à la motion, adoptée à la
majorité des membres composant l’Assemblée. En cas d’adoption, seule la démission du
gouvernement peut intervenir et la signification politique d’un tel acte ne peut être interprété que
comme une mise en cause globale de la politique gouvernementale et de l’ensemble du pouvoir
exécutif. En effet, la motion de censure adoptée en 1962 était davantage dirigée contre le chef de
l’Etat que contre le Premier ministre, bien que cette dernière l’est en général contre celui-ci.
D’une part, on le voit bien, tout est fait dans la technique pour que le vote d’une motion de
censure soit le plus difficilement possible et le plus favorablement possible à l’exécutif. On peine à
trouver là un rééquilibrage institutionnel dont l’initiative reviendrait au pouvoir législatif.
D’autre part, d’un point de vue plus factuel, l’adoption de cette célèbre motion de censure le
5 octobre 1962 constitue l’exception plutôt que la règle.
Le cas, à ce jour, ne s’est produit qu’une seule fois et en l’espèce, cette crise intervenait à la
suite de l’annonce - sur fond de fin de crise algérienne qui avait justifié une intervention présidentielle
forte et qui devait, selon le sentiment parlementaire, laisser place désormais à une pratique du pouvoir
plus conforme aux rites parlementaires jugés normaux - par le général de Gaulle, de la soumission d’un
projet de loi prévoyant l’élection au suffrage universel direct du président de la République à
référendum sur la base de l’article 11 de la Constitution au lieu de l’article 89, procédure qui consistait
à court-circuiter le Parlement en faisant voter directement le peuple français, ce qui était pour le moins
iconoclaste .
Du fait que, pour son adoption, l’engagement de responsabilité nécessite un nombre plus
important de voix favorables qu’hostiles (votes pour, contre et abstentions étant dénombrés), cette
procédure apparaît comme plus délicate pour le gouvernement. De là à parler d’équilibre
institutionnel, il y a un pas qui ne saurait être franchi. D’autant que, pour avoir été pratiqué une
trentaine de fois environ depuis 1958, l’engagement de responsabilité s’est parfois vu substitué la
possibilité de communications donnant lieu à un débat organisé mais non suivi de vote ainsi que le
prévoit l’article 132 du règlement de l’Assemblée nationale.
La responsabilité peut aussi être engagée sur le vote d’un texte aux termes de l’article 49-3 de
la Constitution. Chacun connaît la procédure. Le sort du gouvernement est lié à l’adoption d’un texte
particulier. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a limité l’usage de cet article, très critiqué,
aux projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale ou d’un autre projet ou
proposition de loi par session.
De cette situation, trois cas se présentent : l’absence de dépôt de motion de censure, un dépôt
puis un rejet, un dépôt puis une adoption. Si le premier cas peut sembler logique, le deuxième est plus
douteux tant il est favorable au gouvernement. Il faut se prononcer explicitement contre le
gouvernement (les abstentions ne sont pas dénombrées) pour que soit adoptée la motion de censure,
à défaut de quoi, c’est « coup double » pour le gouvernement qui voit son texte adopté et peut, en
plus, se maintenir. Le comptage n’est pas si scandaleux qu’en apparence. Pour une affaire aussi
importante que l’existence d’un gouvernement, le moins que l’on puisse attendre des députés est
qu’ils sachent prendre parti et se prononcer.
Ce qui est plus choquant est la pression exercée par le gouvernement sur les députés en
recourant à une telle procédure et le fait que les amendements parlementaires passent à la trappe en
maintenant le texte dans la forme voulue par le gouvernement. Il y a là comme une négation des
principes de la démocratie représentative. Le célèbre « 4-3 », même « rationalisé » depuis 2008,
s’avère redoutable pour le Parlement et particulièrement efficace à l’endroit du gouvernement en liant
son sort à l’adoption d’un texte. On cherchera là vainement un quelconque rééquilibrage
institutionnel.
Enfin, le contrôle et l’évaluation des politiques publiques par le Parlement est sensé participer
à ce mouvement de valorisation du Parlement et de revalorisation par rapport au pouvoir exécutif. La
dernière révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a particulièrement œuvré en ce sens. C’est
l’affirmation explicite de cette mission à l’article 24 de la Constitution. Mais, cette valeur ajoutée
demeure faible. Le nouvel article 47-2 donne ainsi à la Cour des comptes la compétence nécessaire
pour assister le Parlement dans son contrôle de l’action gouvernementale par le biais de l’évaluation
des politiques publiques. Il faut y ajouter la création de commissions d’enquêtes, prévue à l’article 51-
2, renforçant le pluralisme de leur composition par une désignation à la proportionnelle des groupes
et l’attribution automatique des fonctions de président ou de rapporteur à un membre d’un groupe
d’opposition ou minoritaire. Enfin, le Comité d’évaluation et de contrôle parachève le système.
Mais, tout cela demeure marginal et sans une portée capable de bouleverser les grands
équilibres. Il faudrait y ajouter toute la procédure d’adoption de la loi pour souligner ce déséquilibre
et le fait qu’aucun remède opportun n’y ait été apporté.
Aucun équilibre originel entre les pouvoirs exécutif et législatif n’a existé sous la Cinquième
République. Ce déséquilibre s’est toujours renforcé, toujours au bénéfice de l’exécutif, toujours au
détriment du législatif. Aucune réforme ne l’a sérieusement écorné ni n’a pu améliorer la situation
jusqu’aux dernières évolutions institutionnelles. La Sixième République pourrait peut-être le faire ou
alors le déséquilibre institutionnel ne peut être que la règle, l’avantage à l’exécutif, la soumission au
législatif, comme a pu le démontrer avec brio Georges Vedel et c’est une impasse dont on ne saurait
sortir. Et, ce n’est pas la mandature actuelle, celle de 2017, qui infirmera ce constat : la confrontation
entre un Exécutif fort, notamment présidentiel, et des députés souvent novices et inexpérmentés à
qui l’on ne reconnaît comme seul rôle que celui d’avaliser les décisions du Gouvernement est de nature
à conforter cette prédominance du pouvoir exécutif.