FR 200102 02
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De
Neil R. Lightfoot
Leçon 2
LA NAISSANCE DE
LA BIBLE
Il nous est impossible de déterminer avec exactitude les circonstances des origines de la Bible. De
même que certaines œuvres littéraires anciennes prenaient forme pendant des siècles et dans des
configurations différentes, ainsi de siècle en siècle les nombreux livres de la Bible se mettaient en place,
chacun séparément et dans des circonstances distinctes. La Bible est en effet une collection de livres,
de par le nom même qu’elle porte, qui vient de biblia (les livres). Cependant, plus qu’une simple
collection, elle constitue un trésor de textes sacrés développé à travers les siècles, pour devenir ce
qu’elle est aujourd’hui. Tout chrétien croit fermement que la Bible est à honorer du fait que, dans le
passé, son développement s’est fait sous la direction et l’influence favorable de celui qui est l’auteur
de toutes choses.
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consulter les écrits de leurs illustres ancêtres (cf. Bible est celle d’un Dieu ayant traité deux alli-
Dn 9.2 ; Né 8.1). C’est ainsi que les Ecritures de ances majeures avec son peuple, et dont la
l’Ancien Testament se développèrent et furent deuxième a remplacé la première. L’ancienne
finalement rassemblées, à l’époque d’Esdras, en alliance paraît ainsi dans nos Bibles françaises :
une collection acceptée et vénérée (env. 400 av. 1) cinq livres de loi appelés le Pentateuch
J.-C.). Flavius Josèphe, éminent historien juif (Genèse à Deutéronome) ; 2) douze livres d’his-
du 1er siècle, dit qu’aucun livre ne fut ajouté toire (Josué à Esther) ; 3) cinq livres de poésie
aux Ecritures hébraïques après l’époque de (Job à Cantique des cantiques) ; et dix-sept livres
Malachie. de prophétie (Esaïe à Malachie), que l’on divise
Le Nouveau Testament se forma également en cinq prophètes majeurs (ou grands
progressivement, bien que les textes eux-mêmes prophètes) et douze prophètes mineurs (ou petits
aient été rédigés sur une période de temps prophètes). Cet arrangement vient de la traduc-
relativement courte (50-100 ap. J.-C.). Il s’agit tion en latin, la Vulgate, qui suivit la traduc-
tout simplement de lettres écrites par des tion de la Septante (LXX), version grecque des
hommes inspirés et adressées à différentes Ecritures.
assemblées et individus. Cependant, ces Les livres de la Bible hébraïque sont toute-
lettres étaient considérées, dès le début, comme fois ordonnés différemment. On y trouve l’ar-
possédant une autorité particulière ; on les rangement suivant :
recevait donc avec respect et on les lisait dans les
assemblées publiques, partout où les chrétiens 1. Loi : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres,
adoraient (1 Th 5.27). Ces lettres étaient ensuite Deutéronome.
échangées entre les assemblées (cf. Col 4.16), ce 2. Prophètes :
qui permettait aux Eglises locales de profiter des a. Prophètes antérieurs : Josué, Juges,
instructions des apôtres. La prochaine étape fut 1 Samuel, 2 Samuel, 1 Rois, 2 Rois.
de mettre par écrit les principaux événements de b. Prophètes postérieurs : Esaïe, Jéré-
la vie de Jésus. Au départ, les récits oraux des mie, Ezéchiel, les petits pro-
témoins oculaires suffirent à combler les besoins phètes.
de la jeune Eglise ; mais avec les années, ces récits 3. Hagiographes (Ecrits) : Psaumes, Pro-
devinrent moins nombreux, donc insuffisants. verbes, Job, Cantique des cantiques,
Pour satisfaire la demande de narrations écrites Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther,
et de bonnes sources, Matthieu, Marc, Luc et Daniel, Esdras, Néhémie, 1 Chroniques,
Jean firent connaître leurs témoignages de Jésus 2 Chroniques.
(cf. Lc 1.1–4 ; Jn 20.30–31). Le livre des Actes était
la suite logique aux quatre Evangiles, car il Si nous comparons cet arrangement à celui de
raconta l’histoire de l’Eglise primitive. Le livre notre Bible française, nous observons que
de l’Apocalypse, avec sa promesse d’un Christ la Bible hébraïque ne comporte que trois
triomphant, vint couronner le tout. Le résultat divisions majeures : la loi, les prophètes et les
de tout ceci était l’avènement d’un nouveau écrits (cf. Lc 24.44). Non seulement la structure
peuple, comme ceux de l’ancienne alliance, avec est-elle différente, mais les noms des livres le
un précieux trésor, ses propres écrits appelés sont également. Les douze prophètes mineurs,
“Ecriture”. par exemple, sont considérés comme un
seul livre appelé “les Douze.” Le fait de con-
LA FORME DE NOTRE sidérer Josué, Juges et les livres de Samuel
BIBLE MODERNE comme des “premiers prophètes” constitue une
La Bible que nous connaissons, comme tout autre différence majeure. Ces livres que nous
le monde le sait, est divisée en deux parties considérons comme historiques furent écrits
connues comme l’Ancien Testament et le Nou- par des hommes prophètes, ce qui explique
veau Testament. Le terme “testament” est une cette appellation. Quelles que soient les dif-
traduction malheureuse du grec diatheke férences d’arrangement, nous devons com-
qu’on aurait mieux fait de traduire “contrat”, ou prendre que les livres trouvés dans la Bible
“alliance”. Ainsi, la structure de base de la hébraïque sont exactement les mêmes que ceux
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de la Bible française. d’étapes. Nous devons à présent tourner
Les livres de la nouvelle alliance sont groupés notre attention vers les langues dans les-
en trois parties : 1) cinq livres d’histoire (Matthieu quelles les livres de la Bible furent écrits. Nos
à Actes des Apôtres) ; 2) vingt et un livres de traductions françaises sont en elles-mêmes
doctrine (Romains à Jude) ; et un livre de de magnifiques œuvres littéraires ; mais
prophétie (Apocalypse). l’étudiant de la Bible profitera énormément
1) Les cinq livres d’histoire sont les quatre d’une connaissance des langues bibliques, qui
Evangiles et les Actes des Apôtres. Les Evangiles font partie de l’histoire de la Bible.
sont ainsi nommés parce qu’ils présentent le La Bible fut écrite en trois langues : 1) hébreu,
message de la bonne nouvelle de Dieu révélée en 2) araméen, et 3) grec. Contrairement à ce que
Jésus-Christ. Dans un sens plus large, on peut les pensent beaucoup de gens, il ne s’agit pas de
appeler des vies de Jésus. Cependant, ce ne sont langues mortes. L’hébreu est la langue officielle
pas strictement des biographies, mais plutôt de l’état d’Israël ; l’araméen est toujours parlé
des esquisses de certains enseignements et à Damas en Syrie et dans plusieurs autres
accomplissements de la vie magnifique du Christ. endroits ; et le grec est bien entendu la langue de
Les trois premiers Evangiles sont connus sous le millions de personnes de nos jours.
nom de “synoptiques”, en raison de leur contenu 1) L’hébreu. Presque tous les trente-neuf
semblable. L’Evangile de Jean, rédigé à une date livres de l’Ancien Testament sont écrits en hébreu.
bien ultérieure, laisse supposer une certaine Cette langue, qui appartient à une grande famille
connaissance de nombreux événements de la vie de langues appelées sémitiques, ressemble à
de Jésus. Le livre des Actes des Apôtres forme l’araméen, au syriaque, à l’akkadien (assyro-
une sorte de suite à l’Evangile de Luc. Puisque babylonien) et à l’arabe. Pour les occidentaux,
ces deux œuvres sont de la main de Luc, et l’hébreu est une langue étrange, écrite à l’envers
qu’elles sont si intimement liées, on les appelle (de droite à gauche) et caractérisée par des sons
parfois Luc-Actes. et un vocabulaire particuliers. Les formes des
2) Les vingt et un livres de doctrine sont lettres de l’alphabet hébreu présentent égale-
des lettres écrites par différents hommes ment des problèmes, parfois même pour les
inspirés. Les treize premières portent le nom de yeux les plus habitués. (Le lecteur est invité à
Paul. Les épîtres pauliniennes sont organisées consulter la Bible Chouraqui au Psaume 119,
en deux groupes : celles écrites avant les deux dont les sections sont arrangées alpha-
années de son emprisonnement à Rome (cf. Actes bétiquement, pour se faire une idée des lettres
28.30) et celles écrites plus tard (1 et 2 Timothée hébraïques.) De plus, l’alphabet hébreu ne
et Tite), parfois appelées les épîtres pastorales. comporte aucune voyelle. S’il est vrai que l’on y
L’épître aux Hébreux est parfois incluse dans la a ajouté un système de points-voyelles qui rend
liste paulinienne, bien que son auteur soit bien service à celui qui étudie la langue, il est
inconnu. également vrai que ce système représente, pour
Les lettres de Jacques, de Pierre, de Jean et la personne qui maîtrise l’hébreu, autant une
de Jude constituent les épîtres générales ou difficulté qu’une aide. Les livres et les maga-
catholiques (“universelles”). Dans les premiers zines modernes en hébreu ne contiennent nor-
manuscrits grecs, ces livres se situent immé- malement pas de voyelles ; et c’est exactement
diatement après le livre des Actes, avant la col- ainsi que parut à l’origine le texte de l’Ancien
lection des lettres de Paul. Testament.
3) L’unique livre de prophétie, l’Apo- 2) L’araméen. Il s’agit d’une langue proche
calypse, se trouve, avec raison, à la fin de la de l’hébreu, devenue après l’exil (env. 500 av. J.-
Bible, où il résume en langage prophétique les C.) la langue de l’homme de la rue en Palestine.
principes révélés dans les livres précédents, tout (Le passage de Néhémie 8.8 signifie sans doute
en annonçant les choses à venir. que le peuple ne connaissait plus l’hébreu pur et
avait besoin d’une traduction en araméen, la
LES LANGUES DE LA BIBLE langue qu’il connaissait le mieux.) Puisque
Nous avons vu que la Bible a pris sa l’araméen était parlé par les Juifs plusieurs
forme actuelle en passant par une série siècles avant Jésus-Christ, il n’est pas étonnant
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de voir que plusieurs sections de l’Ancien montrent clairement que notre Seigneur et ses
Testament sont écrites dans cette langue plutôt disciples parlaient l’araméen.
qu’en hébreu. Les sections en question sont : le 3) Le grec. Bien que Jésus ait parlé
nom composé (Yegar-Sahadouta) d’un lieu en l’araméen, les livres qui constituent notre Nou-
Genèse 31.47 ; un verset en Jérémie 10.11 ; six veau Testament furent rédigés en grec. On ne
chapitres environ dans le livre de Daniel (Dn conteste pas ce point de nos jours, bien que
2.4b–7.28) ; et plusieurs chapitres dans le livre quelques érudits aient maintenu que certaines
d’Esdras (Esd 4.8–6.18 ; 7.12–26). Pour qui regarde parties du Nouveau Testament furent d’abord
une copie de la Bible en hébreu, ces sections écrites en araméen. C’est la providence de
ressemblent à toutes les autres dans l’Ancien Dieu qui a fait écrire ce texte en grec :
Testament, car les lettres araméennes ressemblent puisque l’Evangile devait être annoncé à toute
à celles de la langue hébraïques. Plus exactement, créature sous le soleil, les auteurs employèrent
les lettres carrées de la langue hébraïque sont une langue connue partout. Au premier siècle, le
empruntées à la langue araméenne. Ces deux grec était la langue universelle, comme l’anglais
langues sont distinctes, bien que leurs lettres à notre époque.
soient identiques. Le grec du Nouveau Testament comporte
La section la plus longue de l’Ancien Testa- plusieurs caractéristiques linguistiques parti-
ment écrite en araméen commence en Daniel culières. Pendant longtemps, on disait
2.4. La première partie de ce verset est en pouvoir expliquer ces caractéristiques sur
hébreu ; la partie araméenne commence avec la aucune autre base que l’existence de ce qu’on
réponse des Chaldéens : “O Roi, vis à jamais !” appelait un “grec du Saint-Esprit”. Cependant,
On a trouvé récemment une confirmation des découvertes et des recherches plus
intéressante de ce changement linguistique. Dans récentes ont montré l’erreur de cette supposi-
les étonnants manuscrits de la Mer Morte a été tion ; le langage du Nouveau Testament
découvert un petit fragment de cette section en est actuellement — et correctement — appelé
Daniel. Au milieu de Daniel 2.4, l’hébreu est un grec hellénistique ou koiné (commun). Ce
interrompu et l’araméen le remplace, exacte- sont en grande partie les papyri grecs
ment comme dans le texte que nous lisons deux qui nous ont conduits vers cette conclusion
mille ans plus tard. Le texte en hébreu reprend inéluctable. Il est impossible de surestimer
à la fin du chapitre sept de Daniel. Cette transi- l’importance de ces papyri, récemment dé-
tion entre langues est confirmée une deuxième couverts. Nous regarderons plus loin leur im-
fois par les manuscrits de la Mer Morte, car les pact sur le texte et le vocabulaire grecs du
deux manuscrits qui contiennent ce passage de Nouveau Testament.
Daniel font le même changement, d’abord vers
l’araméen, avant de revenir l’hébreu, exactement EN RÉSUMÉ
au même endroit. Notre Bible est une collection de livres
L’araméen était pendant des siècles la extraordinaires, écrits pendant une période
langue de la rue en Palestine. Le Nouveau d’environ quinze siècles. Cette collection grandit
Testament préserve pour nous certaines progressivement, jusqu’à être complète vers la
expressions araméennes de Jésus, telles que talitha fin du premier siècle après Jésus-Christ. En tant
cumi (“Petite fille, lève-toi”) en Marc 5.41 ; que collection, la Bible a été arrangée de manière
ephphata (“Ouvre-toi”) en Marc 7.34 ; Eli, Eli, diverse à des époques différentes. L’ordre
lama sabachthani ? (“Mon Dieu, mon Dieu, pour- des livres dans notre Ancien Testament
quoi m’as-tu abandonné ?”) en Matthieu français remonte à la version grecque, largement
27.46, cf. Marc 15.34. Jésus s’adressait à Dieu répandue et utilisée dans l’Eglise primitive.
habituellement par le nom Abba (“Père” en Nos livres du Nouveau Testament sont arrangés
araméen), ce qui ne manqua pas de marquer selon un plan logique, bien que l’on trouve
l’Eglise primitive (Rm 8.15 ; Ga 4.6). Une autre d’autres ordres utilisés dans certains manuscrits
phrase communément reprise par les anciens. La Bible a été rédigée en trois langues
premiers chrétiens était Maranatha (“Viens, notre principales : l’hébreu, l’araméen, et le grec.
Seigneur !” - 1 Co 16.22). Ces expressions dé- L’Ancien Testament fut écrit en hébreu, avec
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quelques passages en araméen. Au premier siècle, Nouveau Testament fut naturellement écrit dans
le grec étant devenu la langue mondiale, le cette langue.
QUESTIONS
1. Qui est le premier auteur mentionné dans la Bible ? Qu’est-ce qui nous montre qu’il
est l’auteur du Pentateuch ?
2. A quelle époque les livres du Nouveau Testament furent-ils écrits ? Comparez ceci au
laps de temps nécessaire pour la rédaction des livres de l’Ancien Testament.
4. Quelles sont les trois divisions principales du Nouveau Testament ? A quel auteur est
attribué le plus grand nombre d’écrits ?
6. Citez les noms des trois langues utilisées pour écrire la Bible. Est-il permis de les
appeler des langues “mortes” ?
7. En quelle langue les livres du Nouveau Testament furent-ils écrits ? Etait-ce la langue
maternelle de Jésus ? Sinon, quelle langue parlait-il habituellement ? Comment
savons-nous ceci ?