Ess 025 0083
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Vincent Clavurier
Dans Essaim 2010/2 (n° 25), pages 83 à 96
Éditions Érès
ISSN 1287-258X
ISBN 9782749213163
DOI 10.3917/ess.025.0083
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Vincent Clavurier
borroméen qui va finalement les tenir ensemble, il affirme que le lien entre
les trois registres est « énigmatique 6 ».
Cette question de l’articulation entre les registres ne surgit pas expli-
citement dans la conférence de 1953, mais Lacan en donne tout de même
à l’époque une figuration : il représente SIR sous forme d’un triangle dont
chaque registre est un sommet. Cette figuration lui sert pour illustrer une
circulation de l’analysant entre ces termes au cours de son analyse, pour
repérer le trajet du sujet dans la cure. R, S et I servent alors de balises, de
repères pour identifier les moments du trajet. En ce sens, puisqu’il s’agit de
moments de la cure, les « jonctions entre les trois dimensions ne sont pas à
concevoir seulement sur un plan spatial mais aussi temporel, en particulier
en fonction du maniement du transfert 7 ». On le voit, qu’il soit spatial ou
temporel, RSI sert d’emblée à effectuer un repérage, une façon de situer
un phénomène, d’en donner les coordonnées. RSI semble fonctionner ici
comme un repère pour la clinique.
6. Cf. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, séance du 18.11.1975, cité par E. Porge, « Du
déplacement au symptôme phobique », Littoral, n° 1, juin 1981, p. 35.
7. E. Porge, op. cit., p. 124.
8. J. Lacan, Conférence donnée à la faculté universitaire Saint-Louis, à Bruxelles, le 10 mars 1960.
Disponible sur le CD Pas-tout Lacan. Cité par M. Viltard, « L’autopunition : une solution à l’im-
passe imaginaire du transfert chez Dora », Littoral, n° 30, octobre 1990, p. 65-66.
9. Cf. par exemple la quatrième règle des Regulae, l’article 45 des Principes de la philosophie, la troi-
sième des Méditations métaphysiques et le Discours de la méthode.
10. En 1637, Descartes publie un gros livre de 527 pages dont le titre complet est : Discours de la
Méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Plus la Dioptrique, les
Météores et la Géométrie, qui sont les Essais de cette méthode. À l’époque, le Discours est donc la
préface de trois traités scientifiques d’importance. Paradoxalement, on étudie aujourd’hui encore
cette préface mais plus les Essais qui la suivaient, parce qu’ils sont « dépassés, vieillis, périmés »
(cf. A. Koyré, Introduction à la lecture de Platon, suivi de Entretiens sur Descartes, Paris, Gallimard,
1991, p. 166-167).
11. Cf. J.-C. Milner, L’œuvre claire, Paris, Le Seuil, 1995, p. 92 et 94-95.
12. Cf. J. Lacan, Le Séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychana-
lyse, Paris, Le Seuil, 1978. Séances du 9, 16 et 30 mars 1955. Sur la constituante réelle du rêve, voir
en particulier p. 186, 196 et 209 ; sur la constituante imaginaire, voir p. 187-188 et 197-199 ; sur la
constituante symbolique, voir p. 190-192 et 200-203.
Le nœud borroméen
18. Le Robert.
19. Cf. Guy Le Gaufey, Le pas-tout de Lacan, Paris, EPEL, 2006, p. 155 et suivantes.
20. Par exemple, lors de la séance du 11.02.75 du séminaire RSI : « Homogénéiser [R, S et I], c’est
les ramener à la valeur de ce qui communément enfin est considéré comme le plus bas – on se
demande au nom de quoi – c’est leur donner une consistance pour tout dire de l’imaginaire.
C’est bien en ça qu’il y a quelque chose à redresser : la consistance de l’imaginaire est strictement
équivalente à celle du symbolique comme à celle du réel. C’est même en raison du fait qu’ils sont
noués de cette façon, c’est-à-dire d’une façon qui les met strictement l’un par rapport à l’autre,
l’un par rapport aux deux autres, dans le même rapport. »
21. Cf. Guy Le Gaufey, op. cit., p. 158.
22. J.-C. Milner, op. cit., p. 142.
23. J. Lacan, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, op. cit., p. 184-185.
24. D’ailleurs, selon le Dictionnaire international des termes littéraires, le chantre de l’anagramme, Apol-
linaire, était féru d’écriture chinoise.
25. Il s’agit d’une calligraphie de Ma Dezhao (XIXe siècle, conservée à la Forêt des Stèles, Xi’an),
présentée par Erik Porge lors de son séminaire en 2004 et publiée avec les explications de Rainier
Lanselle dans Essaim, n° 13.
yeux mis à part, ce “corps” n’est […] pas formé d’autre chose que d’un
amas de caractères d’écriture : en l’occurrence des huit caractères compo-
sant les deux formules et , caractères traités ici sous des
formes cursives ». « Cet holographe qu’est la calligraphie s’organise alors
en rébus. » Avec cette référence au rébus, on retrouve le rêve, désigné par
Lacan comme une opération iS. Le réel dont parle Rainier Lanselle est celui
de l’œuvre même, de la réalité de l’œuvre peinte. On peut opposer ce réel
au caractère imaginaire, non réalisé, du rêve. Le processus calligraphique
présenté ici pourrait donc s’écrire « rS », au sens où il réalise le symbo-
lique (Lanselle écrit : « Le dessin […] réalise le signifiant graphique ») ; et
la lecture de la calligraphie faite et permise par Lanselle s’écrirait alors
« sR », soit symboliser le réel. Toutefois, je pense que le réel ici indiqué a
affaire à l’image peinte, soit à l’imaginaire (quand bien même il se réalise
en peinture) plutôt qu’à la catégorie du réel comme impossible.
Je disais que le nœud à trois ronds ne permet pas de présenter ces
nuances entre les recoupements de registres, or ces nuances renvoient fina-
lement à la « triplicité » de chaque registre qui se décompose lui-même en
trois éléments RSI : dans le nœud borroméen à trois consistances, il y a selon
Lacan « une identité entre les trois termes du symbolique, de l’imaginaire
et du réel au point qu’il nous semble exigible de retrouver dans chacun
cette triplice, cette trinité du symbolique, de l’imaginaire et du réel 26 ». RSI
se retrouve ainsi en chacun de ses éléments. Je propose de figurer cette
triplicité de chaque consistance, et donc cette distinction entre des champs
laissés indistincts par le nœud à trois ronds, à l’aide d’un nœud borroméen
à neuf ronds (cf. dessin n° 2, p. 95). On peut aussi choisir une figuration
qui inclut la fonction du sinthome, soit un nœud borroméen à dix ronds
(neuf ronds « mal » noués plus le rond du sinthome qui assure le caractère
borroméen de la chaîne, voir dessin n° 3, p. 96). Ces deux figures résolvent
le problème évoqué qu’on peut nommer « problème du type de recoupe-
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26. RSI, séance du 13 mars 1975, cité par Erik Porge, op. cit., p. 167.
27. Selon le mot de Guy Le Gaufey, op. cit., p. 158.
Dessin n° 1
Calligraphie chinoise
Dessin n° 2
Repère borroméen à 9 consistances
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Dessin n° 3
Repère borroméen à 10 consistances
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