Partie 2 - Chapitre 1 Bon - Droit Bancaire

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COURS DE DROIT ET RÈGLEMENTATION BANCAIRE

Master en Gouvernance Financière

Option : Gestion Bancaire et des Etablissements Financiers

Enseignante: Docteur Crescence Marie France

PARTIE 2

CHAPITRE 1 : L’OBLIGATION DE DISCRETION - LE RESPECT DU SECRET


BANCAIRE

Dans le cadre de sa relation avec la clientèle, l’établissement de crédit gère des


intérêts privés. A ce titre, il a accès à des informations confidentielles que les clients
n’ont pas forcément envie de partager avec leur entourage.

En vue de préserver la vie privée de la clientèle, il est interdit aux établissements


de crédit et à leur personnel de divulguer les informations dont ils ont connaissance
dans le cadre de l’exercice de leur profession.

Au-delà de cet intérêt privé, le secret bancaire est un outil indispensable pour
attirer la clientèle au sein des établissements de crédit. En effet, c’est la certitude que
l’établissement de crédit et son personnel garderont sous silence les informations qu’ils
collectent dans le cadre de leur activité qui conduit les consommateurs à leur faire
confiance.

La notion de secret bancaire n’a pas été consacrée par la convention de 1992
portantes harmonisations de la règlementation bancaire en Afrique centrale. Tout au
contraire, l’article 42 de la convention de 1992 se contente de disposer que tout membre
du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’un établissement de crédit
est tenu au secret professionnel. Il en est de même de toute personne qui à un
quelconque titre que ce soit, participe à la direction ou la gestion d’un établissement
de crédit ou est employée par celui-ci.

1
C’est la loi n°2003/4 du 21 avril 2003 relative au secret bancaire qui a défini la
notion de secret bancaire au Cameroun. La loi n°2022/006 du 27 avril 2022 régissant le
secret bancaire au Cameroun a abrogée cette loi. Si bien qu’aujourd’hui, c’est cette loi
nouvelle qui encadre la mise en œuvre de l’obligation de discrétion par les
établissements de crédit implantés au Cameroun.

Dans le cadre du présent chapitre, nous étudions la notion de secret bancaire


(section 1), l’identification des personnes assujetties au respect du secret bancaire
(section 2), ainsi que la sanction de la violation du secret bancaire (section 3).

Section 1 : La notion de secret bancaire

L’article 3 de la loi de 2003 disposait : « Le secret bancaire consiste en l'obligation


de confidentialité à laquelle sont tenus les établissements de crédit par rapport aux
actes, faits et informations concernant leurs clients, et dont ils ont connaissance dans
l’exercice de leur profession ».

La loi de 2022 a légèrement modifié cette définition, puisqu’elle dispose à l’article


3, que le secret bancaire consiste en l'obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les
établissements assujettis, quant aux actes, faits et informations concernant leurs clients, et
dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession.

Deux observations peuvent être faites ici. Les établissements de crédits ne sont
plus les seules entités soumises au respect du secret bancaire depuis l’entrée en
vigueur de la loi de 2022. Il est ainsi car la nouvelle loi précise à l’article 2 point 5 que
l’expression « établissements assujettis » désigne : les établissements de crédit, les
établissements de microfinance, les prestataires de service de paiement et tout
organisme dûment habilité à exercer les activités dédiées par des lois et des règlements
bancaires.

Par ailleurs, le secret bancaire ne protège les informations, les faits et les actes
connus dans un cadre précis, notamment à l’occasion de l’exercice de la profession
bancaire. Il s’agit donc d’une obligation qui empêche que les assujettis divulguent ce
dont ils ont été témoins (faits et actes), et ce qu’ils ont entendu ou lu (les informations).

2
Section 2 : l’identification des personnes assujetties au respect du secret
bancaire

Les établissements de crédits et plus globalement les personnes assujetties au


respect du secret bancaire sont des personnes morales, c’est-à-dire des entités dotées
de la personnalité juridique. Ils ne peuvent agir par eux-mêmes puisqu’ils ne sont pas
dotés de mains, de pieds, d’une bouche, etc.

Cela signifie que sur un plan concret, ce sont des individus qui vont violer
l’obligation de confidentialité. Qu’elles sont donc les personnes physiques qui doivent
respecter le secret bancaire ?

L’article 4 de la loi de 2022 dispose à son alinéa 1, que cette obligation pèse sur
toutes les personnes qui, à quelque titre que ce soit, et pour quelque durée ou modalité que
ce soit, participe à la direction, à la gestion, au contrôle ou à la liquidation d'un
établissement assujetti.

Il en est de même de toutes les personnes employées par ces établissements.

L’alinéa 2 de l’article 4 ajoute que la même obligation s'étend aux personnes qui,
sans faire partie du personnel, ont eu connaissance ou accès de manière indue ou
autorisée, aux informations d'un établissement assujetti de par leur qualité, leurs
aptitudes techniques et intellectuelles ou leur fonction.

Il importe de préciser que l’obligation de respecter le secret professionnelle est


une obligation dont le respect est illimité dans le temps, puisqu’elle ne cesse pas de
peser sur les détenteurs d’éléments confidentiels, même après qu’ils aient cessé
l’activité à l’occasion de laquelle ils ont pris connaissances des secrets de
l’établissement.

Section 3 : la sanction de la violation du secret bancaire

3
La violation du secret bancaire consiste pour un individu à divulguer les actes,
faits ou informations des clients d’un établissement assujetti sans avoir obtenu
l’autorisation du client concerné au préalable.

La notion d’autorisation est très importante car c’est le client qui peut permettre
à l’établissement assujetti de briser le secret bancaire.

A) Définition légale de la notion de violation du secret bancaire

L’article 5 de la loi de 2022 dispose à son alinéa 1 que constitue une violation du
secret bancaire :

a) la divulgation et la communication par quelque moyen que ce


soit des faits et informations sur les opérations bancaires, de microfinance ou
de paiement, connus dans l'exercice de leurs fonctions, par les employés, les
administrateurs, organes dirigeants ou de contrôle d'un établissement assujetti ;
b) La révélation, la divulgation, la communication par quelque moyen que ce soit
par les tiers, des renseignements reçus ou obtenus d'un établissement de
assujetti ;
c) l'exploitation à des fins personnelles, ainsi que la communication à des tiers
par un établissement assujetti ou par son personnel, des faits, études et autres
informations à lui confiés par un client ou un membre.

L’alinéa 2 du même article ajoute que les faits ci-dessous sont assimilés à la
violation du secret bancaire :

- Le fait de procéder, même par imprudence à un traitement


automatisé d'informations bancaires nominatives sans prendre toutes
précautions utiles pour préserver la sécurité des procédures et de nature à
entraîner des dénaturations, dommages ou communications à des tiers ;
- Le fait d'accéder ou de se maintenir frauduleusement dans tout
ou partie d'un système de traitement automatisé des données d'un
établissement assujetti ;

4
- Le fait d'introduire frauduleusement des données dans un
système de traitement automatisé des données d'un établissement de crédit
ou de supprimer, de modifier frauduleusement les données qu'il contient.

La loi de 2022 a également écarté du champ de la violation du secret bancaire


certains comportements. Ainsi, ne constituent pas des violations du secret bancaire,
les comportements ci-dessous, visés par l’article 6 de la loi de 2022 :

- La communication par quelque moyen que ce soit, d'informations à caractère


général, notamment tout renseignement qu'il est d'usage de fournir à des
tiers, clients ou non de l'établissement de crédit ;

- La communication par quelque moyen que ce soit, d'informations ou de


renseignements sur autorisation du client ou membres, de ses héritiers ou
ayants-droits ;
- L'échange informations à caractère confidentiel entre établissements de crédit
dans l’exercice de leur profession ;
- La communication d’informations bancaires par les institutions assujetties, au
procureur de la République, à l’autorité monétaire, aux organes de
supervision et à toutes autres entités auxquelles le secret bancaire ne peut être
opposé. L’établissement de crédit agit sur réquisition, sur demande ou par
obligation règlementaire.
- La déclaration faite à l’Agence nationale d’investigation financière
d’opérations ou d’informations portant sur des sommes d’argent qui sont
soupçonnées provenir notamment du trafic de stupéfiants, de l’activité
d’organisations criminelles, du blanchiment de capitaux ou du financement
du terrorisme, et de toutes les autres infractions sous-jacentes.
- La déclaration faite lors d’une procédure judiciaire ou celle faite devant un
officier de police judiciaire agissant sur réquisition du procureur de la
République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction par les
dirigeants d’un établissement assujetti.

5
- Le fait pour un établissement assujetti de laisser examiner ses livres et bases
de données sur injonction du tribunal, dans les conditions définies par l’Acte
Uniforme de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des
affaires (OHADA) relatif au droit commercial général.
- La communication, par quelque moyen que ce soit, d’informations à
l’administration fiscale dans le cadre du droit de communication tel que
prévu par le code Général des Impôts et les conventions internationales
conclues par le Cameroun en matière fiscale ;
- La communication, par quelque moyen que ce soit, d’informations à
l’administration douanière dans le cadre du droit de communication tel que
prévu par le code des Douanes de la CEMAC, ainsi que les conventions et
accords internationaux conclus par le Cameroun en matière douanière.

B) Sur la non-opposabilité du secret bancaire

Le secret bancaire n’est pas opposable à tout le monde. Certaines personnes


physiques ou morales sont habilitées par la loi de 2022 connaitre des informations qui
rentrent dans le champ du secret bancaire. Dans une telle hypothèse, le fait de
répondre favorablement à une demande émanant de ces personnes ne constitue pas
une violation du secret bancaire.

1) L’inopposabilité du secret bancaire aux personnes morales de droit public

Au terme de l’article 8 de la loi de 2022, le secret bancaire ne peut être opposé à


l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale et aux officiers de
police judiciaire agissant sur réquisition du Procureur de la République ou sur
commission rogatoire du juge d’instruction, par les dirigeants d’un établissement
assujetti.

Le secret bancaire ne peut toutefois être levé en matière civile, commerciale ou


sociale, que dans les cas prévus par les dispositions législatives et règlementaires
régissant cette matière.

6
Le secret bancaire est inopposable aux institutions supérieures de contrôle des
finances publiques (l’article 9 de loi de 2022), aux agents mandatés par
l’administration fiscale et assermentés, agissant dans le cadre d'une procédure de
communication écrite telle que prévue par le Code Général des Impôts, aux
fonctionnaires de la Douane assermentés agissant en matière de détermination de
l'assiette et de recouvrement des droits et taxes dans le cadre d'une procédure écrite
conformément au Code des Douanes, aux agents assermentés du Trésor Public, à
l'autorité monétaire, au Conseil National du Crédit, ainsi qu’à la Commission
Bancaire de l’Afrique Centrale et à la Banque des États de l'Afrique Centrale et à la
Commission des Marchés Financiers agissant dans le cadre des opérations boursières1.

Le secret bancaire est inopposable aux agents de poursuite de l’organisme


national chargé de la Prévoyance Sociale agissant dans le cadre du recouvrement des
cotisations dues par les employeurs, à la société de Recouvrement des Créances du
Cameroun (SRC) agissant dans le cadre du recouvrement des créances appartenant
aux personnes morales de droit public, ainsi qu’aux institutions en charge de la lutte
contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme,
agissant dans le cadre des opérations relevant de leurs compétences.

Enfin, le secret bancaire est inopposable enfin à l’institution publique chargée du


recouvrement des créances, lorsqu’elle agit dans le cadre d’activités relevant de sa
compétence.

2) Sur l’inopposabilité du secret bancaire aux personnes de droit privé

Les établissements assujettis au respect du secret bancaire ne peuvent refuser de


répondre aux demandes de certaines personnes privées sous prétexte que le secret
bancaire s’y oppose. C’est ce qui ressort des articles 17 à 25 de la loi de 2022.

En ce sens, l’article 17 dispose que le secret bancaire est inopposable au


mandataire d'un client ayant reçu le pouvoir de faire des opérations sur un ou

1
Articles 10 à 15 de la loi de 2022.

7
plusieurs comptes d'un établissement assujetti. Toutefois, le secret bancaire n’est levé
que dans la limite du mandat.

L’article 18 dispose pour sa part que le secret bancaire est inopposable :

- au conjoint muni des pouvoirs de représentation légale ou contractuelle ;

- au tuteur d'un mineur ou d'un majeur incapable ;

- au curateur voulant être renseigné sur les opérations bancaires effectuées sur
les biens dont il a la gestion.

Curateur : Personne chargée d'assister un majeur placé sous le régime de la curatelle en


raison de déficiences physiques ou de l'altération des facultés mentales.

Les établissements de crédit ne peuvent opposer le secret bancaire aux


successeurs universels de leurs clients. Le secret bancaire est toutefois maintenu à leur
égard pour des informations à caractère purement personnel dont l’établissement de
crédit a pu avoir connaissance.

A contrario, le secret bancaire s'applique au légataire à titre universel ou


particulier, ainsi qu'aux donataires.

Toutefois, si la libéralité porte sur des sommes ou titres détenus par


l'établissement de crédit, celui-ci est tenu de communiquer au bénéficiaire de la
libéralité un relevé de compte au moins pour la période postérieure au dernier relevé
de compte.

Également, le secret bancaire est inopposable aux héritiers, aux ayants- droits,
aux exécuteurs testamentaires, aux liquidateurs et administrateurs de la succession
(article 20 de la loi de 2022), ainsi qu’aux titulaires d'un compte joint (article 21 de la
loi de 2022).

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Le secret bancaire est inopposable à la caution dans le cadre de son information
sur la défaillance du débiteur principal et sur le montant dû par ce dernier, en
principal, intérêt et autres accessoires. Il en est de même pour l'usufruitier, le nu-
propriétaire et le créancier gagiste, en ce qui concerne leurs droits relatifs à l'usage, à
la jouissance, à la surveillance et à la réalisation éventuelle du gage. En effet, ces
personnes ont un droit direct d'être renseignés par l’établissement assujetti sur les
biens faisant l'objet de leurs droits réels (article 23 de la loi 2022).

Lorsque l'établissement assujetti et le client ou le membre ont stipulé pour un


tiers dans le cadre d'une opération, ce dernier est habilité à demander des informations
relatives à cette opération. Le secret bancaire ne lui est donc pas opposable (article 24
de la loi 2022).

Le secret bancaire est inopposable aux organes légaux de gestion ou de contrôle


d'une société, notamment aux commissaires aux comptes. En effet, Ceux-ci ont droit
aux informations nécessaires à l’accomplissement de leur mission (article 25 de la loi
2022).

Enfin, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation de biens, toutes les


personnes ou organes régulièrement habilités et intervenant dans ces procédures
peuvent se faire délivrer par l’établissement assujetti, tout document utile à
l’accomplissement de leur mission (article 26 de la loi 2022).

C) La sanction de la violation du secret bancaire


La violation du secret bancaire est une infraction pénale. Elle peut également être
un motif d’ouverture de procédure disciplinaire lorsqu'elle est le fait d'un employé ou
d'un établissement assujetti.

Dans le premier cas la procédure disciplinaire sera mise en œuvre par


l'établissement assujetti. Dans le second cas, c'est la commission bancaire qui
poursuivra l'établissement ayant violé le secret bancaire.

En cas de litige relatif à la violation bancaire, il n'est pas toujours aisé pour le
client de démontrer que l'information ou le fait divulgué était protégé par le secret

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bancaire. Pour pallier cette difficulté, l’article 7 de la loi de 2022 a maintenu la
présomption qui existait dans la loi de 2003. En ce sens, il dispose : Le caractère secret
des informations est présumé. Toutefois, cette présomption n'est pas irréfragable.

S'agissant de la sanction de la violation du secret bancaire, il ressort de l'article 27


de la loi de 2022 que la personne physique qui commet cette infraction encourt un
emprisonnement de trois mois à trois ans, et une amende d'un million de Fcfa à
cinquante millions de Fcfa. Le juge peut ne prononcer que l'une de ces peines.

Les peines susmentionnées sont doublées si l'infraction a été commise par voie
de presse écrite, de radio, de télévision, par voie de communication électronique, ou
par tout autre moyen destiné à atteindre le public.

Les personnes morales qui commettent ces infractions (violation du secret


bancaire et violation du secret bancaire aggravé) encourent également une sanction
pénale. En ce sens, l'alinéa 3 de l'article 27 de la loi de 2022 dispose que ces personnes
sont punies de la même peine d'amende que celle prévu pour les personnes physiques.
Toutefois, le montant maximum de ces amendes est le quintuple du montant de celle
prévue pour les personnes morales.

En outre, le tribunal peut prononcer des peines accessoires en plus des peines
principales prévues par les alinéas 1 à 3 de l'article 27 de la loi de 2022.

Lorsque c'est une personne physique qui est pénalement poursuivi, elle encourt
à titre de peines accessoires :

- L'interdiction d'exercer une fonction ou une activité dans un


établissement assujetti ;
- La publication de la décision prononcée et sa diffusion par voie de
média.

Lorsque le présumé auteur des faits est une personne morale (exemple : un
établissement de crédit), il encourt à titre de peines accessoires :

- La publication de la décision prononcée et sa diffusion par voie de média


;

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- La fermeture pour une durée déterminée de l'établissement ou des
succursales ayant servi à la commission des faits incriminés.

Enfin, il importe de préciser que contrairement au contentieux pénal de droit


commun où le ministère public est la seule autorité habilitée à intenter des poursuites,
en matière de violation du secret bancaire, l'initiative des poursuites appartient à la
fois au ministère public, à la victime et à l'autorité monétaire (article 28 de la loi de
2022).

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