Modeled Ising
Modeled Ising
Modeled Ising
Yvan Velenik
3
TABLE DES MATIÈRES
4 Diagramme de phase 31
4.1 Non unicité à basse température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
4.1.1 Représentation basse température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
4.1.2 Preuve du Théorème 4.1.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
4.2 Unicité à haute température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.2.1 La représentation haute température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.2.2 Preuve du Théorème 4.2.1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
4.3 Unicité en champ magnétique non nul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
5 Dualité de Kramers-Wannier 39
5.1 Dualité haute température/basse température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
5.2 Détermination de βc (2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
6 La FK-percolation 43
6.1 Définition et propriétés élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
6.1.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
6.1.2 Propriétés de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
6.2 Relation avec les modèles d’Ising et de Potts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
6.3 Transition de phase et percolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
6.4 Inégalités de comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
6.5 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
6.6 Une application de la dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
9 Algorithmes de simulation 71
9.1 Méthode de Monte-Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
9.2 Simulation parfaite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
9.3 Algorithmes par amas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
9.3.1 Dynamique de Swendsen-Wang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
A Appendices techniques 79
A.1 Preuve des inégalités de corrélation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
A.1.1 Inégalités GKS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
A.1.2 Inégalités FKG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
A.2 Fonctions convexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
A.3 Interchange de limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
4
TABLE DES MATIÈRES
A.4 Sous-additivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
B Exercices 85
Bibliographie 90
5
TABLE DES MATIÈRES
6
Chapitre 1
Introduction au modèle d’Ising
Dans cette introduction, nous allons introduire le modèle d’Ising et discuter de façon informelle
certaines de ses propriétés. L’analyse rigoureuse des résultats décrits dans cette introduction nous
occupera une bonne partie du cours.
Le modèle d’Ising est certainement le plus célèbre modèle de Physique Statistique, et a été le sujet
de milliers d’articles de recherche depuis son introduction par Wilhelm Lenz en 1920. Le nom “modèle
d’Ising” (parfois, mais beaucoup plus rarement, appelé plus justement modèle de Lenz-Ising, comme
suggéré par Ising lui-même) a été créé par Rudolph Peierls en référence à la thèse de 1925 d’Ernst
Ising, effectuée sous la direction de Lenz, et consacrée à la version unidimensionnelle du modèle. Sa
simplicité et la richesse de son comportement ont rapidement fait de ce modèle le laboratoire de
prédilection pour tester les nouvelles idées et méthodes en Physique Statistique. En outre, de par ses
nombreuses interprétations, en Physique et dans beaucoup d’autres domaines, il est utilisé afin de
décrire qualitativement, et parfois quantitativement, une grande variété de situations.
Comme nous le verrons plus loin, le modèle d’Ising est également l’un des modèles les plus simples
présentant une transition de phase. Durant les premières décennies du XXème siècle, il était loin
d’être universellement admis que la Physique Statistique, une théorie encore jeune à l’époque, puisse
expliquer les transitions de phase. Cette question fut réglée par Lars Onsager en 1944, grâce à son
analyse détaillée du modèle d’Ising bidimensionnel prouvant l’existence d’une transition de phase dans
la limite thermodynamique ; ce travail amorça le développement de la théorie moderne des phénomènes
critiques. (Il est historiquement intéressant de noter que l’existence d’une transition de phase dans ce
modèle avait en fait été établie 7 ans plus tôt dans le travail de Peierls mentionné plus haut, mais
celui-ci semble être passé inaperçu à l’époque.)
7
1.2. TRANSITION DE PHASE
Fig. 1.1 – Ernst Ising (gauche), Wilhelm Lenz (milieu), et Lars Onsager (droite)
où le paramètre β ∈ R+ est appelé température inverse. On introduit alors la mesure de probabilité
suivante sur ΩN ,
déf 1
µN ;β (ω) = exp −HN (ω) .
ZN,β
La constante de normalisation X
déf
ZN ;β = exp −HN (ω)
ω∈ΩN
est appelée fonction de partition et jouera un rôle important dans les prochains chapitres. On voit que
cette mesure favorise les configurations ayant une énergie basse.
On voit de (1.1) que, lorsque β 6= P0, un spin va avoir tendance à prendre la même
P valeur que la
majorité de ses voisins (puisque si j∼i sj est maximal lorsque les signes de si et j∼i sj coı̈ncident).
On peut alors se demander si cette interaction entre spins voisins va conduire à un ordre dans tout le
système. Commençons par considérer deux cas limites.
8
CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU MODÈLE D’ISING
Fig. 1.3 – Configurations typiques du modèle d’Ising en dimension 1 avec condition au bord périodique pour
déf
N = 200, pour différentes valeurs du paramètre pβ = 1 − e−2β : (de haut en bas) 0, 0,5, 0,9, 0,95,
0,99.
1. β = 0. Dans ce cas, les spins forment une famille de variables aléatoires indépendantes suivant
chacune une loi de Bernoulli de paramètre 21 . La
P loi des grands nombres s’applique évidemment, et
implique que lorsque N est très grand, N −d i∈VN σi ≈ 0, et le théorème central limite montre
que cette dernière quantité est en fait de l’ordre de N −d/2 . En particulier, une configuration
typique aura approximativement la même densité de spins prenant valeur 1 et −1.
2. β = ∞. Dans ce cas, les spins sont très fortement dépendants : seules deux configurations ont
probabilité strictement positive (égale à 1/2 par symétrie), ω+ ≡ 1 et ω− ≡ −1. En effet, toute
autre configuration ω ′ a une énergie plus élevée, et donc limβ→∞ µN ;β (ω ′ )/µN ;β (ω+ ) = 0. En
particulier, la loi des grands nombres est violée dans cette P limite : l’espérance 1de chacune des
−d 1
variables aléatoires σi est égale à 0, mais la loi de N i∈ΛN σi converge vers 2 δ+1 + 2 δ−1 .
où h · iN ;β est une notation standard pour l’espérance sous la mesure µN ;β . Cette quantité mesure
bien la différence entre les densités des deux espèces de spins. (La raison pour laquelle on prend la
valeur absolue est que sinon l’espérance est nulle par symétrie.) La variable aléatoire mN,β est appelée
aimantation.
Ces graphes confirment l’analyse précédente : en dimension 1, il semble bien que la fonction limite,
que l’on notera m∗ (β), soit identiquement nulle, sauf en pβ = 1 (c’est-à-dire β = ∞) où elle vaut 1,
9
1.2. TRANSITION DE PHASE
pβ = 0 pβ = 0,4
pβ = 0,5 pβ = 0,58
pβ = 0,59 pβ = 0,7
Fig. 1.4 – Configurations typiques du modèle d’Ising en dimension 2 avec condition au bord périodique (N =
déf
500), pour différentes valeurs du paramètre pβ = 1 − e−2β .
10
CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU MODÈLE D’ISING
1 1
10 10
100 25
1000 100
10000 500
100000 ∞
1 pβ 1 pβ
Fig. 1.5 – Espérance de |mN ;β | en fonction de pβ pour le modèle d’Ising en dimension 1 (gauche) et 2 (droite)
avec condition au bord périodique, pour différentes valeurs de N .
alors qu’en dimension 2, la fonction limite semble non triviale, devenant strictement positive à partir
d’une valeur p ≈ 0,58 (la courbe limite est aussi représentée).
Nous verrons dans les chapitres suivants que tout ceci est effectivement correct. On appelle transition
de phase le phénomène abrupt observé en dimension 2 (et qui est en fait aussi présent en dimensions
supérieures) ; nous en verrons une définition précise plus tard. La perte de symétrie qui l’accompagne
est appelée brisure spontanée de symétrie. L’absence de transition de phase en dimension 1 est le résultat
principal de la thèse d’Ising [29], et est en fait très simple ; nous démontrerons un résultat plus général
dans la section 4.2 (et en verrons des preuves alternatives élémentaires en exercices). La preuve de
l’existence d’une transition de phase en dimension 2 et plus est due à un autre physicien, Rudolf
Peierls, qui introduisit en 1936 un argument qui a depuis lors été généralisé à une classe immense de
systèmes [41]. Nous l’étudierons dans la section 4.1. En dimension 2, il est en fait possible de calculer
explicitement la fonction limite m∗ (β) apparaissant dans le graphe de la figure 1.5 ; ce résultat est dû
au chimiste (prix Nobel de chimie, mais aussi physicien et mathématicien virtuose à ses heures) Lars
Onsager [40, 54]. On trouve qu’elle est donnée par la fonction
" 4 !#1/8
∗ déf 2(1 − p)
m (p) = max 1 − ,0 , (1.2)
p(2 − p)
ce qui implique en particulier que la valeur de β à laquelle la transition a lieu, appelée valeur critique
et notée βc , est
βc = 21 asinh(1) ∼= 0,440687,
√ √
ce qui correspond à pβc = 2/(1 + 2) ∼ = 0,585786. Nous ne verrons pas comment de telles for-
mules peuvent être dérivées, mais référons à [39] pour une description détaillée. Une dérivation semi-
heuristique, simple, de la valeur de βc sera également donnée dans la Section 5.2.
On voit que le phénomène de transition de phase est d’autant plus marqué que la taille du système
est importante. Il est donc mathématiquement raisonnable d’approximer les très grands systèmes par
des systèmes infinis (par la suite, il faudra bien sûr estimer les corrections dues aux effets de taille
finie). Au vu des exemples précédents, on constate que des systèmes de taille modérée sont déjà
raisonnablement approchés par le cas limite1 . Un tel passage à des systèmes infinis est appelé passage
à la limite thermodynamique. Dans cette limite, il va être possible de donner des définitions précises
des transitions de phases et d’autres concepts associés.
Le passage à la limite pose plusieurs problèmes. En particulier, celui de définir de façon précise le
modèle sur des graphes infinis. Une première méthode, particulièrement appropriée pour étudier les
1
Surtout si l’on pense que pour les applications à la physique, on a souvent N d de l’ordre de 1023 !
11
1.3. CHAMP MAGNÉTIQUE
propriétés générales de telles mesures, est de donner un sens à la propriété de Markov énoncée plus
haut : on peut montrer que, pour un graphe fini, la donnée d’un tel système de probabilités condition-
nelles (ceci sous-entend certaines propriétés de consistance) permet de reconstruire une unique mesure
de probabilité. L’extension de ce résultat à des graphes infinis n’est pas vraie : il existe en général
une infinité de mesures de probabilité compatibles avec un tel système de probabilités conditionnelles.
L’absence d’unicité correspondra précisément au régime où il y a transition de phase. Intuitivement,
dans le cas du modèle d’Ising, on obtiendra, par exemple, une mesure avec une densité supérieure à
1/2 de spin +1, et une autre avec une densité supérieure à 1/2 de spin −1, et également toutes les
combinaisons convexes de ces deux mesures (ainsi que d’autres, parfois).
La seconde approche, plus intuitive, est celle que nous suivrons ici : nous considérerons des suites
de mesures de probabilité sur des graphes de plus en plus grands, et définirons les mesures sur le
graphe limite comme étant l’ensemble des points d’accumulation de ces suites. Pour cela, il faudra
évidemment introduire une topologie appropriée sur l’espace des mesures de probabilité. L’ensemble
de mesures obtenu de cette façon est le même (modulo quelques subtilités que nous ignorerons) que
celui obtenu avec l’approche précédente. En particulier, l’existence de plusieurs points d’accumulation
correspondra à nouveau à la présence d’une transition de phase.
déf 1
µN ;β,h (ω) = exp −HN ;β,h (ω) .
ZN ;β,h
La figure 1.6 montre l’effet du paramètre h sur le comportement de la fonction limite m(β, h), définie
par X
déf
m(β, h) = lim hN −d σi iN ;β,h .
N →∞
i∈VN
Le graphe de gauche montre que l’asymétrie induite par la présence d’un champ magnétique non nul
fait disparaı̂tre la transition abrupte observée dans le cas h = 0 : m(β, h) dépend de manière lisse
de pβ . La dépendance de m(β, h) par rapport au paramètre h (graphe de droite) rend par contre
très manifeste la transition de phase : si m(β, h) est une fonction lisse de h lorsque pβ est inférieur
à la valeur critique, elle devient discontinue en h = 0 (où elle prend la valeur 0, alors que les limites
limh↓0 m(β, h) = − limh↑0 m(β, h) sont non nulles) lorsque pβ est supérieur à la valeur critique. En fait
cette dernière limite coı̈ncide avec la valeur obtenue pour m∗ (β) lorsque h = 0.
La présence de deux comportements typiques (aimantations positive et négative) lorsque h = 0
et pβ > pβc peut ainsi être vue comme une trace de la sensibilité à la perturbation par un champ
extérieur : pour pβ < pβc , l’introduction d’un petit champ magnétique h > 0 produit une aimantation
positive approximativement proportionelle (la “réponse” du système à la perturbation est linéaire
pour petit h), alors que pour pβ > pβc , l’introduction d’un champ magnétique infinitésimal h > 0
12
CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU MODÈLE D’ISING
hmN iN ;β
m(β, h)
1
1
0
0.2
0.5
1.0 h
−2 −1 1 2
1 pβ −1
Fig. 1.6 – Gauche : l’aimantation m(β, h) en fonction de pβ pour le modèle d’Ising en dimension 2 avec condi-
tion au bord périodique, pour diverses valeurs de h. Droite : l’aimantation m(β, h) en fonction du
champ magnétique h pour le modèle d’Ising en dimension 2 avec condition au bord périodique,
lorsque pβ = 0,2 (courbe bleue) et pβ = 0,6 (courbe rouge).
produit une aimantation d’ordre 1 ! Intuitivement, on peut dire, dans ce dernier cas, qu’en champ
magnétique nul le système “hésite” entre deux comportements différents, et que l’introduction d’un
champ magnétique non nul arbitraire suffit à faire pencher la balance dans la direction correspondante.
déf
X X
HV ;β,h (ω) = −β σi (ω)σj (ω) − h σi (ω),
{i,j}∩V 6=∅ i∈V
i∼j
où l’on a utilisé la notation i ∼ j pour indiquer que i et j sont voisins Remarquez que cette énergie
prend également en compte l’interaction entre les spins de V et ceux hors de V (grâce à la première
somme).
déf
Soit ω̄ ∈ Ω ; on définit Ωω̄V = {ω ∈ Ω : ωi = ω̄i , ∀i 6∈ V }. On introduit alors la mesure de probabilité
sur Ωω̄V ,
déf 1
µω̄V ;β,h (ω) = ω̄ exp −HV ;β,h (ω) .
ZV ;β,h
ω̄ est appelée la condition au bord. Cette dernière peut favoriser un type de spin au voisinage du bord
de V . La question est de déterminer si cette information peut se propager dans V tout entier. Il n’est
pas difficile à imaginer, et nous le démontrerons plus tard, que deux configurations jouent un rôle
extrémal (dans le sens qu’elles favorisent au maximum la valeur 1, resp. −1) : ω+ ≡ 1 et ω− ≡ −1.
−
On notera les mesures correspondantes simplement µ+ V ;β,h et µV ;β,h .
S
Soit V1 ⊆ V2 ⊆ · · · une suite croissante de sous-ensembles finis de Zd tels que N ≥1 VN = Zd , ce
13
1.5. QUELQUES INTERPRÉTATIONS
Nous verrons au chapitre 3 que m+ (β) = limh↓0 m(β, h) et m− (β) = limh↑0 m(β, h) = −m+ (β). En
particulier, m+ (β) = m− (β) si β < βc , alors que m+ (β) 6= m− (β) si β > βc .
1.5.1 Ferro-aimant
Il s’agit de l’interprétation originelle du modèle d’Ising. Le paramètre β correspond à l’inverse de
la température. Les sommets de Zd correspondent aux positions des atomes d’un réseau cristallin.
Chaque atome possède un moment magnétique (le spin) qui est supposé ne pouvoir prendre que
deux orientations, représentées par +1 ou −1. Ce modèle associe donc une énergie plus basse à des
spins alignés entre eux, et alignés avec le champ magnétique extérieur h. Le but est d’expliquer et de
décrire la transition entre les comportements paramagnétique et ferromagnétique du système lorsque
sa température est changée. Quelle que soit sa température, un matériau ferromagnétique (Fe, Co, Ni,
par exemple) placé dans un champ magnétique va développer une aimantation en réponse à ce dernier
(les spins s’alignant avec le champ magnétique). À haute température (au-dessus de la température
de Curie, qui est de 1043K pour le fer, par exemple), cette aimantation disparait lorsque le champ
magnétique est enlevé ; on parle de comportement paramagnétique. À basse température (c’est-à-dire
en-dessous de la température de Curie), l’aimantation développée en réponse au champ magnétique
extérieur ne disparait plus lorsque celui-ci est enlevé : il reste une aimantation résiduelle, appelée
aimantation spontanée ; on parle de comportement ferromagnétique.
14
CHAPITRE 1. INTRODUCTION AU MODÈLE D’ISING
où δi,j = 1{i=j} est la fonction de Kronecker. Il est aisé de vérifier que le modèle de Potts avec q = 2
se réduit au modèle d’Ising. Comme nous l’expliquerons par la suite, le passage de 2 à un nombre q
d’états suffisamment grand a parfois un impact majeur sur le comportement du système.
où ωi · ωj est le produit scalaire des vecteurs ωi et ωj . Le modèle correspondant est appelé modèle
O(N ). Dans le cas N = 2, on parle généralement de modèle XY (ou modèle des rotateurs), et lorsque
N = 3 de modèle de Heisenberg (classique, par opposition à sa variante quantique).
Il y a une différence majeure entre le cas N = 1 (Ising) et le cas N ≥ 2 : l’énergie H O(N ) est
invariante sous l’action du groupe de symétrie O(N ) (puisqu’elle ne dépend des spins qu’au travers
du produit scalaire entre spins voisins), or ce groupe est discret lorsque N = 1 (c’est le groupe a
deux éléments, correspondant à l’identité et à l’inversion de tous les spins), mais est un groupe de Lie
lorsque N ≥ 2. Dans ce dernier cas, on parle de symétrie continue. Les comportements de systèmes
possédant des symétries discrètes et continues peuvent être très différents, comme nous l’expliquerons
plus tard.
15
1.7. QUELQUES OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
où les poids (w(e))e sont des nombres réels positifs fixés.
Comme observé par Fisher [15], le modèle d’Ising bidimensionnel peut être transformé en un
modèle de dimères sur un certain graphe et avec des poids appropriés. Ceci fournit une des méthodes
permettant de calculer explicitement diverses quantités dans le cas bidimensionnel [31], comme par
exemple l’aimantation donnée en (1.2) (voir aussi le livre [39]).
16
Chapitre 2
Le modèle et quelques propriétés de base
Dans ce chapitre, nous allons définir plus précisément le modèle d’Ising, et présenter quelques-
unes de ses propriétés essentielles pour la suite. Nous introduirons également la notion de limite
thermodynamique.
déf
Mesure de Gibbs. Soient Λ ⋐ Zd et ω̄ ∈ Ω. On introduit Ωω̄Λ = {ω ∈ Ω : ωi = ω̄i , ∀i 6∈ Λ}.
On appelle ω̄ la condition au bord. Nous allons à présent introduire une mesure de probabilité sur
l’ensemble (fini) Ωω̄Λ . La mesure de Gibbs du modèle d’Ising avec interaction entre plus-proches-voisins,
paramètres β et h, et condition au bord ω̄, est la mesure de probabilité sur Ωω̄Λ définie par
déf 1
µω̄Λ;β,h (ω) = exp (−HΛ;β,h (ω)) .
Zω̄Λ;β,h
17
2.2. LES INÉGALITÉS DE CORRÉLATION
Nous suivrons la coutume en Physique Statistique et noterons l’espérance sous une mesure µ par
h · iµ , ou, lorsque la mesure est identifiée par des indices, en appliquant les mêmes indices aux crochets :
par exemple, l’espérance sous la mesure µω̄Λ;β,h sera notée h · iω̄Λ;β,h .
Exercice 2.1.1. Vérifier que, pour tout ∆ ⊆ Λ ⋐ Zd et toutes configurations ω̄ ∈ Ω et ω ′ ∈ Ωω̄Λ , on a
′ ′
µω̄Λ;β,h ( · | σ|Λ\∆ = ω|Λ\∆ ) = µω∆;β,h ( · ). (2.1)
Conditions au bord. Parmi les différentes conditions au bord, deux sont particulièrement inté-
ressantes : ω̄ ≡ 1, appelée condition au bord +, et ω̄ ≡ −1, appelée condition au bord −. Les mesures
− −
de Gibbs correspondantes sont notées simplement µ+ +
Λ;β,h et µΛ;β,h , et les ensembles ΩΛ et ΩΛ . Il sera
aussi parfois utile de considérer une condition au bord d’un autre type : la condition au bord libre,
qui modélise un système sans interaction avec l’extérieur. Il s’agit de la mesure de probabilité sur ΩΛ
définie par
1 X X
déf
µ∅Λ;β,h (ω) = ∅ exp β σi (ω)σj (ω) + h σi (ω) .
ZΛ;β,h
{i,j}⊆Λ i∈Λ
i∼j
hσA i+
Λ;β,h ≥ 0, (2.2)
hσA σB i+ + +
Λ;β,h ≥ hσA iΛ;β,h hσB iΛ;β,h . (2.3)
et d’observer que f (x) − f (x′ ) et g(x) − g(x′ ) ont nécessairement le même signe puisque f et g sont
toutes deux croissantes.
2
Faites bien attention à ne pas confondre σA et σ|A !
18
CHAPITRE 2. LE MODÈLE ET QUELQUES PROPRIÉTÉS DE BASE
L’ensemble {−1, 1} étant totalement ordonné, on peut définir un ordre partiel sur Ω : ω ≤ ω ′ si
et seulement si ωi ≤ ωi′ pour tout i ∈ Zd . Ceci permet de définir la notion de fonction croissante :
f : Ω → R est croissante si et seulement si ω ≤ ω ′ =⇒ f (ω) ≤ f (ω ′ ). Une classe importante de
déf déf Q
fonctions croissantes est formée des produits des variables d’occupation ni = 12 (1+σi ) : nA = i∈A ni .
Les inégalités FKG affirment que les fonctions croissantes sont positivement corrélées. Leur grand
avantage est d’être applicables quelle que soit la condition au bord, et pour toute valeur (pas seulement
positive) du champ magnétique.
Théorème 2.2.2 (Inégalités FKG). Soit Λ ⋐ Zd et ω̄ une condition au bord arbitraire. Alors, quels
que soient β ≥ 0 et h ∈ R, pour toute paire de fonctions croissantes f et g,
est compatible avec cette topologie. Ω muni de cette métrique est donc un espace métrique compact.
sup |f (ω) − f (ω ′ )| ≤ ǫ.
ω,ω ′ :
ω|Λ =ω|Λ ′
Soit C (Ω) l’ensemble des fonctions continues sur Ω ; (C (Ω), k · k∞ ) est un espace de Banach. Un
sous-ensemble dense de C (Ω) particulièrement utile est l’ensemble des fonctions locales : une fonction
f : Ω → R est dite locale s’il existe Λ ⋐ Zd tel que f (ω) est entièrement déterminée par ω|Λ ; en
d’autres termes, une fonction est locale si elle ne dépend que de l’état d’un nombre fini de spins. On
note supp(f ) le support de la fonction f , c’est-à-dire le plus petit ensemble de sommets dont les spins
déterminent la valeur de f . On vérifie aisément que les fonctions locales sont denses dans les fonctions
continues : si f ∈ C (Ω), alors, pour tout ǫ > 0, il existe Λ ⋐ Zd tel que, pour toute configuration
ω ′ ∈ Ω,
sup |f (ω|Λ ω ′ ) − f (ω)| ≤ ǫ,
ω
où la configuration ω|Λ coı̈ncide avec ω dans Λ et ω ′ hors de Λ. La conclusion suit puisque ω 7→
ω′
f (ω|Λ ω ′ ) est une fonction locale.
19
2.3. LIMITE THERMODYNAMIQUE
20
CHAPITRE 2. LE MODÈLE ET QUELQUES PROPRIÉTÉS DE BASE
Cette relation d’orthogonalité se Qdémontre très facilement. Supposons tout d’abord que ωi = ωei , pour
tout i ∈ B. Alors σA (e ω )σA (ω) = i∈A ω ei ωi = 1, puisque ωei ωi = 1 pour tout i ∈ B. Supposons donc à
présent qu’il existe i ∈ B tel que ωi 6= ω
ei (et donc ωi ωei = −1) ; on a alors
X X
σA (e
ω )σA (ω) = σA (e
ω )σA (ω) + σA∪{i} (e
ω )σA∪{i} (ω)
A⊆B A⊆B\{i}
X
= (σA (e
ω )σA (ω) + ωi ω
ei σA (e
ω )σA (ω))
A⊆B\{i}
X
= σA (e
ω )σA (ω) (1 + ωi ω
ei ) = 0.
A⊆B\{i}
Q
La seconde affirmation suit immédiatement en insérant σA = i∈A (2ni − 1) dans la première formule.
Théorème 2.3.2. Soit β ≥ 0 et h ∈ R. Pour toute suite Λn ↑ Zd , la suite de mesures (µ+ Λn ;β,h )n
converge vers une mesure µβ,h (indépendante de la suite (Λn )n≥1 ). De même, la suite (µ−
+
Λn ;β,h )n
−
converge vers une mesure µβ,h (indépendante de la suite (Λn )n≥1 ).
−
De plus, les mesures µ+ β,h et µβ,h sont invariantes sous l’action du groupe des translations de Z :
d
hf ◦ θt i+ +
β,h = hf iβ,h , pour toute fonction locale f , où (θt ω)i = ωi−t .
hf i+ +
Λn ;β,h ≥ hf iΛn+1 ;β,h . (2.5)
hf i+ +
Λn ;β,h = hf | σi = 1, ∀i ∈ Λn+1 \ Λn iΛn+1 ;β,h .
Comme l’indicatrice 1{σi =1, ∀i∈Λn+1 \Λn } est une fonction croissante, il suit bien des inégalités FKG que
21
2.3. LIMITE THERMODYNAMIQUE
Λn
supp(f )
θ−tΛn
t
supp(f ◦ θt)
puisque les fonctions nA sont locales et croissantes. Par conséquent, on a bien convergence de la suite
(µ+ +
Λn ;β,h )n vers une mesure µβ,h .
Vérifions à présent que la limite ne dépend pas de la suite Λn ↑ Zd considérée. Soit Λ1n ↑ Zd et
Λ2n ↑ Zd deux telles suites, et notons µ+,1 +,2
β,h et µβ,h les limites correspondantes. On construit une nouvelle
suite ∆n ↑ Zd de la façon suivante : ∆1 = Λ11 , et, pour k ≥ 1,
\
∆2k = Λ2n : Λ2n ⊇ ∆2k−1 ,
\
∆2k+1 = Λ1n : Λ1n ⊇ ∆2k .
+,1 +,2
La convergence de la suite (µ+∆n ;β,h )n≥1 implique donc que µβ,h = µβ,h , ces dernières correspondant,
respectivement, aux limites obtenues pour les sous-suites (µ+ +
∆2n+1 ;β,h )n≥1 et (µ∆2n ;β,h )n≥1 .
La preuve pour la suite (µ−
Λn ;β,h )n est identique.
L’invariance sous les translations est immédiate. Soit t ∈ Zd , f une fonction locale et Λn ↑ Zd .
déf
Alors f ◦ θt est également une fonction locale et θ−t Λn ↑ Zd (θ−t A = A − t, pour tout A ⊆ Zd ). On a
donc
hf i+ +
Λn ;β,h → hf iβ,h et hf ◦ θt i+ +
θ−t Λn ;β,h → hf ◦ θt iβ,h ,
22
Chapitre 3
Aimantation et énergie libre
Ce chapitre a deux buts. D’une part, introduire et discuter des propriétés de base de deux quantités
essentielles : l’aimantation et l’énergie libre. D’autre part, dériver deux critères caractérisant l’unicité
de la mesure de Gibbs en volume infini. Le premier fait le lien entre la définition mathématique de
transition de phase de premier ordre et le comportement de l’aimantation décrit dans l’introduction.
Le second relie les transitions de phase de premier ordre aux propriétés de différentiabilité de l’énergie
libre, reproduisant la caractérisation utilisée en Thermodynamique.
Démonstration. Une application des inégalités FKG montre que, pour toute fonction f locale et crois-
sante,
hf i− ω̄ +
Λn ;β,h ≤ hf iΛn ;β,h ≤ hf iΛn ;β,h , (3.1)
e ∈ Ω,
quelle que soit la condition au bord ω̄. En effet, en utilisant que, pour tout ω ∈ ΩΛn et ω̄, ω
X
HΛn ;β,h (ω ω̄) = HΛn ;β,h (ωe
ω) + β ωj − ω̄j ),
ωi (e
i∈Λn ,j6∈Λn
i∼j
on a par exemple P
heβ i∈Λn ,j6∈Λn ,i∼j (1−ω̄j )σi f iω̄Λn ;β,h
hf i+
Λn ;β,h = P ≥ hf iω̄Λn ;β,h ,
heβ i∈Λn ,j6∈Λn ,i∼j (1−ω̄j )σi iω̄Λn ;β,h
P
puisque la fonction exp β i∈Λn ,j6∈Λn ,i∼j (1 − ω̄j )σi est croissante.
On en déduit qu’il y a une unique mesure de Gibbs si et seulement si µ− +
β,h = µβ,h . Pour montrer
qu’il est suffisant de vérifier hσ0 i− +
β,h = hσ0 iβ,h , on utilise une fois de plus les inégalités FKG. On observe
23
3.2. QUELQUES PROPRIÉTÉS DE L’AIMANTATION
P
tout d’abord que pour tout A ⋐ Zd , la fonction i∈A ni − nA est croissante. Par conséquent, (3.1)
implique que X X
h ni − nA i− Λn ;β,h ≤ h ni − nA i+
Λn ;β,h ,
i∈A i∈A
Il suit de (3.1) que le membre de droite de cette dernière inégalité est positif. Par invariance sous les
translations, la condition hσ0 i− + − +
β,h = hσ0 iβ,h (et donc hn0 iβ,h = hn0 iβ,h ) implique que le membre de
−
gauche est nul. Il suit que hnA i+
β,h = hnA iβ,h pour tout A fini. Ceci conclut la démonstration grâce au
Lemme 2.3.1.
min hσi i+ +
Λn ;β,h ≥ hσ0 iΛ2n ;β,h ,
i∈Λn
et donc
1 X
lim inf hσi i+ lim hσ0 i+
Λn ;β,h ≥ n→∞
+
Λ2n ;β,h = hσ0 iβ,h .
n→∞ |Λn |
i∈Λn
D’autre part, soit R > 0 ; pour tout i ∈ ΛN se trouvant à distance au moins R du bord de ΛN ,
hσi i+ +
Λn ;β,h ≤ hσ0 iΛR ;β,h . On a donc
1 X
lim sup hσi i+ +
Λn ;β,h ≤ hσ0 iΛR ;β,h .
n→∞ |Λn |
i∈Λn
24
CHAPITRE 3. AIMANTATION ET ÉNERGIE LIBRE
Remarque 3.2.1. Évidemment, les propriétés de monotonie sont encore vérifiées dans la limite ther-
modynamique. Il est en fait possible de montrer que hσ0 i+β,h est concave (et en particulier continue)
pour h ≥ 0. Nous le ferons au chapitre 7, comme application d’une autre inégalité de corrélation,
l’inégalité GHS. Nous prouverons également plus loin (Théorème 4.3.2) que hσ0 i+
β,h est en fait une
fonction analytique de h pour h 6= 0. Par symétrie, on a des résultats analogues pour hσ0 i− β,h et h
négatif.
∂ X
hσ0 i+
Λ;β,h = hσ σ i+
0 i Λ;β,h − hσ + +
0 Λ;β,h i Λ;β,h ≥ 0.
i hσ i
∂h
i∈Λ
∂ X
hσ0 i+
Λ;β,h = hσ0 σi σj i+
Λ;β,h − hσ i+
hσ +
0 Λ;β,h i j Λ;β,h ≥ 0.
σ i
∂β
{i,j}∩Λ6=∅
i∼j
3. Soient (hm )m≥1 une suite telle que hm ↓ h, et (Λn )n≥1 une suite telle que Λn ↑ Zd . La
suite (hσ0 i+
Λn ;β,hm )m,n≥1 est décroissante et bornée, par le point 1 et (2.5). Par conséquent, il suit
du Lemme A.3.1 que
lim hσ0 i+ + + + +
β,hm = lim lim hσ0 iΛn ;β,hm = lim lim hσ0 iΛn ;β,hm = lim hσ0 iΛn ;β,h = hσ0 iβ,h ,
m→∞ m→∞ n→∞ n→∞ m→∞ n→∞
puisque hσ0 i+
Λn ;β,h est évidemment une fonction continue de h.
déf
f (β, h) = lim fΛω̄ (β, h)
Λ⇑Zd
La quantité f (β, h) joue un rôle essentiel dans la relation entre Physique Statistique et Thermo-
dynamique ; on l’appelle énergie libre1 . Nous verrons plus bas que les propriétés analytiques de cette
fonction sont profondément liées à la présence de transitions de phase.
25
3.3. L’ÉNERGIE LIBRE
Fig. 3.1 – Un cube Bn+1 et sa partition en 2d cubes Bn . Les interactions entre les différents sous-cubes sont
indiquées.
déf
Soit Bn = {1, . . . , 2n }d . L’énergie libre associée à la boı̂te Bn+1 peut aisément être comparée à
celle associée à la boı̂te Bn . En effet, si l’on décompose Bn+1 en 2d copies disjointes de Bn , notées
(1) (2d )
Bn , . . . , Bn (cf. Figure 3.1), alors l’énergie provenant de l’interaction entre les spins de deux sous-
boı̂tes différentes est bornée par β multiplié par le nombre de sites dans une face de Bn , soit 2n(d−1) .
Comme il y a précisément 21 d2d faces à considérer (chacune étant partagée entre deux cubes), on en
déduit que
X Y Y
Z∅Bn+1 ;β,h = eβωi ωj ehωi
ω∈ΩBn+1 {i,j}⊆Bn+1 i∈Bn+1
i∼j
2d
1
−β 2 d2d 2n(d−1)
X Y Y Y
≥e eβωi ωj ehωi
ω∈ΩBn+1 k=1 {i,j}⊆B (k) i∈Bn
(k)
n
i∼j
2 d
Y X Y Y
−βd2(n+1)(d−1)
=e eβωi ωj ehωi
k=1 ω∈Ω (k) {i,j}⊆Bn
(k) (k)
i∈Bn
Bn
i∼j
(n+1)(d−1)
2d
= e−βd2 Z∅Bn ;β,h ,
et donc que
En procèdant de la même façon pour obtenir une borne dans l’autre direction, on arrive à
L’existence de la limite le long de la suite de cubes Bn suit immédiatement ; on la note f (β, h).
Considérons à présent une suite Λn ⇑ Zd arbitraire. On recouvre Λn par des translatés disjoints
de Bk , k fixé (cf. Figure 3.2). On note Λext,k
n la partie de Zd ainsi obtenue. On vérifie facilement que
ext,k
Λn \ Λn contient au plus |∂Λn ||Bk | sites.
26
CHAPITRE 3. AIMANTATION ET ÉNERGIE LIBRE
En procédant comme ci-dessus par découpage de Λext,kn en ses sous-boı̂tes (exercice !), on voit que,
pour tout ǫ > 0, on peut trouver k0 (ǫ, β, d) tel que, pour tout k ≥ k0 ,
2d|Bk ||∂Λn |
|fΛ∅n (β, h) − f ∅ext,k (β, h)| ≤ C(β, h).
Λn |Λn |
Par conséquent, il suit de (3.2) qu’il existe n0 (ǫ, k) tel que, pour tout n > n0 ,
La conclusion suit.
Indépendance de la condition au bord. Le fait que la même limite est atteinte quelle que soit la
condition au bord se vérifie de façon élémentaire, puisque pour tout ω̄,
et donc
fΛω̄ (αβ1 + (1 − α)β2 , αh1 + (1 − α)h2 ) ≤ αfΛω̄ (β1 , h1 ) + (1 − α)fΛω̄ (β2 , h2 ).
27
3.4. UNE SECONDE CARACTÉRISATION DE L’UNICITÉ
hσ0 i+
β,h hσ0 i+
β,h
1 1
h h
−1 −1
Fig. 3.3 – Représentation schématique de hσ0 i+ β,h en fonction de h. Gauche : régime d’unicité. Droite : régime
de non-unicité. Le comportement est analogue pour toute autre condition au bord, la valeur prise
ne différant que lors de la transition. Voir également la Fig. 1.6 (droite).
En volume fini,
∂ + 1 X
fΛn (β, hk ) = hσi i+
Λn ,β,hk ,
∂h |Λn |
i∈Λn
et donc, par le point 6 du Théorème A.2.1,
∂ 1 X
f (β, hk ) = lim hσi i+ +
Λn ,β,hk = hσ0 iβ,hk ,
∂h n→∞ |Λn |
i∈Λn
2
La classification des transitions de phase en fonction du degré de régularité de l’énergie libre (transition d’ordre k si
celle-ci est C k−1 , mais pas C k ) est dûe à Ehrenfest. Elle est essentiellement abandonnée aujourd’hui, car à la fois trop
précise, et trop peu générale pour prendre en compte toute la richesse des comportements possibles. En particulier, on ne
parle plus, en général, que de transition de premier ordre, lorsque l’énergie libre n’est pas différentiable, et de transition
continue, lorsqu’elle l’est mais qu’un autre type de singularité a lieu.
28
CHAPITRE 3. AIMANTATION ET ÉNERGIE LIBRE
puisque que la dérivée existe. La dernière identité suit de la proposition 3.2.1. On en conclut que
∂
f (β, h) = lim hσ0 i+ +
β,hk = hσ0 iβ,h ,
∂h+ hk ↓h
Observez que le Théorème 3.4.1 fait le lien entre la notion mathématique de transition de phase de
premier ordre et la discontinuité de l’aimantation comme fonction de h observée dans l’introduction :
lors d’une transition de premier ordre, l’aimantation se comporte qualitativement comme représenté
sur la Fig. 3.3. En effet, étant égale à la dérivée de l’énergie libre partout sauf sur l’ensemble au plus
dénombrable A des points de discontinuité de cette dernière 3 , celle-ci est indépendante de la condition
au bord, partout, sauf sur A . Lorsqu’une transition de phase du premier ordre a lieu, l’aimantation
doit donc être discontinue, puisqu’elle doit coı̈ncider avec µ− +
β,h et µβ,h juste avant et juste après la
transition, et que ces deux quantités diffèrent à la transition.
3
Comme nous le verrons au chapitre suivant, cet ensemble est en fait soit vide, soit réduit au point {0}.
29
3.4. UNE SECONDE CARACTÉRISATION DE L’UNICITÉ
30
Chapitre 4
Diagramme de phase
Dans ce chapitre, nous allons analyser le diagramme de phase du modèle d’Ising, c’est-à-dire ca-
ractériser les valeurs des paramètres (β, h) pour lesquelles il y a unicité ou non de la mesure de Gibbs
en volume infini. Avant de procéder, il convient de faire une remarque.
− −
Tout d’abord, hσ0 i+ + +
β,0 = −hσ0 iβ,0 , et donc hσ0 iβ,0 6= hσ0 iβ,0 si et seulement si hσ0 iβ,0 > 0. Il suit
de la proposition 3.2.2 que hσ0 i+ β,0 est une fonction croissante de β. Par conséquent, la température
critique inverse βc (d) ∈ [0, ∞], définie par
déf
βc (d) = sup{β ≥ 0 : hσ0 i+
β,0 = 0},
31
4.1. NON UNICITÉ À BASSE TEMPÉRATURE
Fig. 4.1 – Les contours d’une configuration du modèle d’Ising bidimensionnel dans une boı̂te finie avec condi-
tion au bord +.
températures.
Remarque 4.1.1. Ce théorème montre qu’il n’y a pas unicité lorsque β est suffisamment grand et h = 0
(si d ≥ 2), mais ne décrit pas l’ensemble des mesures de Gibbs. En dimension 2, on peut en fait montrer
−
que toutes les mesures de Gibbs en volume infini sont de la forme αµ+ β,0 + (1 − α)µβ,0 , 1 ≥ α ≥ 0
(Théorème d’Aizenman-Higuchi [1, 25]). Ceci reste vrai en dimension 3 et plus si l’on se restreint aux
mesures invariantes sous les translations [7], mais est faux pour des mesures plus générales [11].
La preuve, donnée en Sous-Section 4.1.2, repose sur une représentation graphique des configurations
du modèle d’Ising : la représentation basse température.
À une configuration ω ∈ Ω+ d
Λ , on associe le sous-ensemble de R défini par
déf
[
M (ω) = Si .
i∈Λ : ωi =−1
Les composantes connexes maximales du bord de M (ω) sont appelées les contours de la configuration
ω, et sont notées Γ(ω) = (γ1 , . . . , γm(ω) ) (voir la figure 4.1). Il est évident qu’une telle configuration ω
est entièrement déterminée par l’ensemble de ses contours.
L’énergie d’une configuration ω s’exprime de manière particulièrement simple en termes de ses
contours : X
HΛ;β,0 (ω) = 2β |γ| − β|EΛ+ | ,
γ∈Γ(ω)
où |γ| représente l’“aire” du contour γ. En effet, il suffit de réécrire l’Hamiltonien sous la forme
X
HΛ;β,0 (ω) = −β (σi (ω)σj (ω) − 1) − β|EΛ+ |,
{i,j}∈EΛ+
32
CHAPITRE 4. DIAGRAMME DE PHASE
Soit γ ∗ un contour ; à chaque configuration ω telle que Γ(ω) ∋ γ ∗ , on peut associer la configuration
Eγ ∗ (ω) telle que Γ(Eγ ∗ (ω)) = Γ(ω) \ {γ ∗ } (la configuration Eγ ∗ (ω) est donc la configuration que l’on
obtient en partant de ω et en enlevant le contour γ ∗ ). L’introduction de l’ensemble
déf
C(γ ∗ ) = {Eγ ∗ (ω) : Γ(ω) ∋ γ ∗ }
de toutes les configurations que l’on peut obtenir en éliminant le contour γ ∗ d’une autre configuration
nous permet d’écrire
∗
µ+ +
Λn ;β,0 (σ0 = −1) ≤ µΛn ;β,0 (∃γ ∈ Γ, entourant 0)
P P Q −2β|γ|
γ ∗ entourant 0 ω:Γ(ω)∋γ ∗ γ∈Γ(ω) e
≤ P Q −2β|γ|
ω γ∈Γ(ω) e
P Q −2β|γ|
X ω∈C(γ ∗ ) γ∈Γ(ω) e
−2β|γ ∗ |
= e P Q −2β|γ|
γ ∗ entourant 0 ω γ∈Γ(ω) e
X ∗|
≤ e−2β|γ
γ ∗ entourant 0
X
≤ e−2βk #{γ ∗ entourant 0, |γ ∗ | = k}
k≥4
Xk
≤4 3k−1 e−2βk ,
2
k≥4
ce qui est strictement inférieur à 1/2, dès que β est suffisamment grand. La dernière inégalité provient
des observations suivantes :
– Le nombre total de contours de longueur k partant d’un point donné est au plus égal à 4 · 3k−1 .
En effet, on a 4 directions possibles pour le premier segment, puis au plus 3 pour chacun des
k − 1 segments suivants (puisque le contour ne traverse jamais deux fois la même arête).
1
L’argument donné ici repose de façon essentielle sur la symétrie du modèle d’Ising sous l’échange des spins + et −
(où utilise-t-on cette propriété ?). L’argument de Peierls peut cependant être étendu à des situations très générales, sans
symétrie : c’est le contenu de la théorie de Pirogov-Sina i [46, 55]
2
En fait, on peut utiliser l’inégalité (A.2) pour montrer que hσ0 i+ Λn ;β,0 est une fonction croissante de la dimension
(exercice !), et le résultat général suit donc de celui en dimension 2.
33
4.2. UNICITÉ À HAUTE TEMPÉRATURE
déf
On pose, pour tout i ∈ Λ et E ∈ E+ d
Λ , I(i, E) = # j ∈ Z : {i, j} ∈ E . On a alors
X Y X Y
σi (ω)σj (ω) = σi (ω)I(i,E)
ω∈Ω+
Λ
{i,j}∈E ω∈Ω+
Λ
i∈Λ
Y X I(i,E)
= ωi
i∈Λ ωi ∈{−1,1}
(
2|Λ| si I(i, E) est pair pour tout i ∈ Λ,
=
0 sinon.
34
CHAPITRE 4. DIAGRAMME DE PHASE
On en conclut que X
+
|Λ|
Z+
Λ;β,0 = 2 cosh(β)|EΛ | tanh(β)|E| , (4.4)
E∈E+;pair
Λ
où l’on a introduit E+;
Λ
pair déf
= E ∈ E+ Λ : I(i, E) est pair pour tout i ∈ Λ .
En procédant de la même façon, on montre également que
X
|Λ| |EΛ+ |
Z+Λ;β,0 hσ 0 i+
Λ;β,0 = 2 cosh(β) tanh(β)|E| ,
E∈E+;0
Λ
déf
où E+;0 +
Λ = E ∈ EΛ : I(i, E) est pair pour tout i ∈ Λ \ {0}, mais I(0, E) est impair .
Étant donné E ∈ E+ +
Λ , on note ∆(E) l’ensemble de toutes les arêtes de EΛ n’ayant aucune extrémité
en commun avec une arête de E. On peut alors décomposer toute configuration d’arêtes E ∈ E+;0 Λ
sous la forme E = E0 ∪ E ′ , où E0 est la composante connexe de E contenant 0 et E ′ ∈ E+; Λ
pair
satisfait
E ′ ⊆ ∆(E0 ).
On peut alors écrire
P ′
X E ′ ∈E+;pair : E ′ ⊆∆(E0 )
tanh(β)|E |
+ |E0 | Λ
hσ0 iΛ;β,0 = tanh(β) P |E|
. (4.5)
+;pair tanh(β)
+;0
E0 ∈EΛ E∈E Λ
E0 ∋0, connexe
Cette dernière somme peut être aisément bornée supérieurement en utilisant le lemme suivant.
Lemme 4.2.1. Soit G un graphe connexe possédant N arêtes. Il existe un chemin dans G traversant
toutes les arêtes de G exactement deux fois et partant d’un sommet arbitraire.
Démonstration. On procède par récurrence sur N , en observant qu’un graphe connexe quelconque
peut toujours être construit arête par arête de telle sorte que tous les graphes intermédiaires soient
également connexes. Lorsque N = 1, le résultat est trivial. Supposons le résultat vrai pour N = k, et
notons π = (π(1), . . . , π(2k)) un tel chemin. On ajoute au graphe une nouvelle arête, en le maintenant
connexe ; ceci implique qu’au moins une des extrémités, v, de cette arête appartienne au graphe de
départ. Le chemin désiré est obtenu en suivant π jusqu’à la première visite en v, puis en faisant un
aller-retour à travers la nouvelle arête, et finalement en poursuivant le chemin π.
35
4.3. UNICITÉ EN CHAMP MAGNÉTIQUE NON NUL
P
E0 connecte nécessairement 0 à Λcn : en effet, i∈Zd I(i, E0 ) = 2|E0 | est paire ; comme I(0, E0 ) est
impair, il doit y avoir au moins un sommet i 6= 0 avec I(i, E0 ) impair, et un tel sommet ne peut pas
appartenir Λn . On en conclut donc que |E0 | ≥ n, ce qui, avec tanh(β) ≤ β, nous donne
−c(d)n
hσ0 i+
Λn ;β,0 ≤ e ,
Théorème 4.3.1. Soit D ⊆ C un ouvert connexe contenant un segment de la droite réelle. Soit
Λn ⇑ Zd . Fixons β ∈ R+ et supposons que
36
CHAPITRE 4. DIAGRAMME DE PHASE
Afin de démontrer l’unicité de la mesure de Gibbs dès que h ∈ R \ {0}, il suffit donc de trouver un
ouvert connexe D ⊆ C contenant {h ∈ R : h > 0} (le cas h < 0 suivant alors par symétrie).
Théorème 4.3.2. La condition (4.7) est satisfaite pour D = {h ∈ C : |Re h| > |Im h|}. En particu-
lier, l’énergie libre f (β, · ) est analytique dans D.
Remarque 4.3.1. Il est en fait possible démontrer que f (β, · ) est analytique dans tout le domaine
{h ∈ C : Re h 6= 0} ; c’est le célèbre Théorème du cercle de Lee-Yang [36] (appelé ainsi parce qu’il
montre que les singularités de l’énergie libre, vue comme fonction de eh , ne peuvent se trouver que
sur le cercle unité). On peut également montrer que l’énergie libre possède une singularité essentielle
en h = 0 lorsque β est suffisamment grand 5 [28, 18].
Remarque 4.3.2. Il suit du théorème 3.4.1 que l’aimantation est également une fonction analytique de
h lorsque h ∈ R∗ .
déf déf
On fait le changement de variables suivant : cos θi = 12 (ωi + ωi′ ) et sin θi = 12 (ωi − ωi′ ) ; manifestement
θi ∈ {0, π/2, π, 3π/2}. On vérifie aisément que
3
Théorème de convergence de Vitali. [10, p. 154] Soit D un ouvert connexe de C, et (fn ) une suite de fonctions
analytiques dans D, localement uniformément bornées, convergeant sur un ensemble ayant un point d’accumulation dans
D. Alors fn converge localement uniformément dans D, la limite étant par conséquent une fonction analytique.
4
Théorème de Hurwitz.[10, Corollary 2.6] Soit D un ouvert de C et (fn ) une suite de fonction analytiques conver-
geant localement uniformément dans D vers une fonction analytique f . Si fn (z) 6= 0, pour tout z ∈ D et pour tout n,
alors f est soit identiquement nulle soit jamais nulle dans D.
5
Ce résultat implique qu’il est impossible de prolonger analytiquement l’énergie libre à travers 0, et donc que la
description classique de la métastabilité en thermodynamique n’est pas correcte, au moins pour les modèles avec forces
à courte portée.
6
L’argument présenté ici est inspiré de [13].
37
4.3. UNICITÉ EN CHAMP MAGNÉTIQUE NON NUL
38
Chapitre 5
Dualité de Kramers-Wannier
Dans ce chapitre, nous allons étudier une propriété spécifique au modèle d’Ising en champ nul sur
Z2 : la dualité de Kramers-Wannier. Cette dernière permet de relier certaines propriétés du modèle à
haute température à des propriétés à basse température. Elle constitue l’un des outils importants pour
l’analyse non-perturbative de ce modèle, et est une des raisons pour lesquelles le modèle bidimensionnel
est beaucoup mieux compris que le modèle en dimensions supérieures. Ici, nous nous contenterons de
voir une application élémentaire de cette dualité permettant d’exhiber une symétrie remarquable de
l’énergie libre. Nous expliquerons également comment cette symétrie permet de déterminer, sous une
hypothèse raisonnable (pouvant être justifiée rigoureusement), la valeur de βc (2) sans passer par le
calcul explicite de l’énergie libre.
Nous avons également dérivé en (4.4) la représentation haute température de cette fonction de par-
tition. Ce dont nous allons avoir besoin, cependant, c’est de la représentation haute température
pour Z∅Λ;β,h . Celle-ci s’obtient exactement de la même façon (exercice !), en remplaçant simplement
déf
l’ensemble EΛ+ par EΛ = {i, j} ∈ Zd × Zd : {i, j} ⊆ Λ, i ∼ j . On obtient ainsi
X
Z∅Λ;β,0 = 2|Λ| cosh(β)|EΛ | tanh(β)|E| , (5.2)
E∈Epair
Λ
déf
où l’on a naturellement posé EΛ = {E ⊆ EΛ } et similairement pour Epair
Λ .
Nous allons appliquer les représentations (5.1) et (5.2), respectivement, aux boı̂tes suivantes :
déf
Λn = {−n, . . . , n}2 et Λ⋆n = {−n − 21 , −n + 23 , . . . , n + 12 }2 . Dans la suite, nous identifierons toujours
une arête avec le segment de droite joignant ses deux extrémités.
Lemme 5.1.1. Soit E ⊆ EΛ⋆n . Alors E ∈ Epair Λ⋆n si et seulement si E coı̈ncide avec l’ensemble des arêtes
des contours associés à une configuration ω ∈ Ω+ Λn .
39
5.1. DUALITÉ HAUTE TEMPÉRATURE/BASSE TEMPÉRATURE
pair
Fig. 5.1 – Un ensemble d’arêtes appartenant à EΛ ⋆ (gauche) correspondant également aux contours associés
n
à une configuration de spins dans Λn (droite ; cf. Fig. 4.1).
Démonstration. Soit E l’ensemble des arêtes des contours associés à une configuration ω ∈ Ω+ Λn . Soit
⋆
√
x ∈ Λn et soient i, j, k, l les quatre sommets de Λn se trouvant à distance 1/ 2 de x, ordonnés de sorte
que i ∼ j, j ∼ k et k ∼ l. On a évidemment
(ωi ωj )(ωj ωk )(ωk ωl )(ωl ωi ) = ωi2 ωj2 ωk2 ωl2 = 1,
ce qui implique que le nombre de produits égaux à −1 dans le membre de gauche est pair. Or, un produit
est égal à −1 précisément lorsqu’un contour sépare les sommets correspondants. Par conséquent,
E ∈ Epair
Λ⋆n .
Réciproquement, étant donné un ensemble E ∈ Epair Λ⋆n , on peut construire une configuration de spins
ω dont l’ensemble des arêtes des contours est précisément donné par E. On procède comme suit :
à chaque sommet de Λ⋆n où se rencontrent 4 arêtes, on déforme les arêtes de façon à remplacer
par . Manifestement, après cette opération E donne lieu à une famille de courbes fermées simples
disjointes. On vérifie à présent facilement que la configuration
ωi = (−1)#boucles entourant i , i ∈ Zd ,
possède les propriétés recherchées.
Il suit du lemme précédent que
X X Y
tanh(β ⋆ )|E| = tanh(β ⋆ )|γ| .
E∈Epair ω∈Ω+ γ∈Γ(ω)
Λ⋆ n Λ
40
CHAPITRE 5. DUALITÉ DE KRAMERS-WANNIER
41
5.2. DÉTERMINATION DE βC (2)
42
Chapitre 6
La FK-percolation
43
6.1. DÉFINITION ET PROPRIÉTÉS ÉLÉMENTAIRES
Proposition 6.1.1. Soient E ⋐ E d , p ∈ [0, 1] et q ∈ [1, ∞). Si f et g sont deux fonctions croissantes
de ΩFK dans R, alors
hf giη̄E ;p,q ≥ hf iη̄E ;p,q hgiη̄E ;p,q ,
pour tout E ⋐ E d et toute configuration au bord η̄.
Démonstration. Notons π(η) = q NE (η) . On applique le Théorème A.1.2 avec µe (ηe = 1) = p, pour
tout e ∈ E , et les quatre fonctions f1 (η) = π(η)f (η), f2 (η) = π(η)g(η), f3 (η) = π(η) et f4 (η) =
π(η)f (η)g(η). La conclusion suit alors immédiatement une fois que l’on a vérifié que
NE (η) + NE (η ′ ) ≤ NE (η ∨ η ′ ) + NE (η ∧ η ′ ).
En effet, on a alors
puisque η ∨ (η ∧ η ′ ) = η.
Soit η ∈ ΩFK . On numérote les arêtes de E ouvertes dans la configuration η : e1 , . . . , en . On peut
E ,η̄W
ainsi écrire η = ni=1 η i , où la configuration η i ∈ ΩFK i
E ,η̄ satisfait ηe = 1{e=ei } , pour toute arête e ∈ E .
On a alors
NE (η ∨ η ′ ) − NE (η ′ ) = NE (η 1 ∨ · · · ∨ η n ∨ η ′ ) − NE (η ′ )
= NE (η 1 ∨ · · · ∨ η n ∨ η ′ ) − NE (η 1 ∨ · · · ∨ η n−1 ∨ η ′ )
+ NE (η 1 ∨ · · · ∨ η n−1 ∨ η ′ ) − NE (η 1 ∨ · · · ∨ η n−2 ∨ η ′ )
+ ...
+ NE (η 1 ∨ η ′ ) − NE (η ′ ).
η ∨ ηe′ ) − NE (e
NE (e η ′ ),
avec ηe ∈ ΩFK
E ,η̄ ne possédant qu’une unique arête ouverte dans E . Il suffit donc de démontrer (6.2) dans
ce cas particulier. Mais ceci est évident, car
(
′ ′ 0 si i ↔ j dans ηe′ ,
NE (eη ∨ ηe ) − NE (e
η)=
−1 sinon,
Deux conditions au bord jouent à nouveau un rôle extrémal pour l’ordre partiel introduit plus
haut : la condition au bord libre η̄ ≡ 0, et la condition au bord wired η̄ ≡ 1. On notera les mesures
correspondantes P∅E ;p,q et PwE ;p,q respectivement. Pour ces deux conditions au bord, on prouve facilement
l’existence de mesures limites en volume infini.
44
CHAPITRE 6. LA FK-PERCOLATION
déf
P∅p,q = lim P∅E ;p,q
E ↑E d
et
déf
Pwp,q = lim PwE ;p,q
E ↑E d
existent et sont indépendantes de la suite E ↑ E d choisie. De plus, les mesures limites sont invariantes
sous l’action du groupe des translations de Zd .
Démonstration. Ce théorème se démontrant comme le Théorème 2.3.2, la preuve est laissée en exercice.
Dans cette section, nous ne traiterons explicitement que le modèle d’Ising (q = 2), afin d’éviter de
devoir introduire trop de nouvelles notations, mais tout s’étend immédiatement aux autres valeurs de
q ∈ {2, 3, . . .} (exercice).
Il existe plusieurs moyens de faire le lien entre le modèle d’Ising et la FK-percolation. Le plus
profond est sans doute de construire un couplage de ces deux modèles [14]. Nous nous contenterons
de construire ce couplage entre les mesures avec condition au bord + (pour Ising) et wired (pour la
FK-percolation), mais les mêmes arguments s’appliquent plus généralement.
Soit Λ ⋐ Zd . La mesure d’Edwards-Sokal est la mesure de probabilité sur Ω+ FK
Λ × ΩE + ,w définie par
Λ
Y
QΛ;p (ω, η) ∝ (1 − p)δηe ,0 + p δηe ,1 δωi ,ωj .
e={i,j}∈EΛ+
déf
Théorème 6.2.1. Soient Λ ⋐ Zd , β ∈ [0, ∞] et pβ = 1 − e−2β ∈ [0, 1]. La mesure d’Edwards-Sokal
fournit un couplage de µ+ w
Λ;β,0 et PE + ;p ,2 , c’est-à-dire
Λ β
X
QΛ;pβ (ω, η) = µ+
Λ;β,0 (ω),
η∈ΩFK
+E ,w
Λ
45
6.2. RELATION AVEC LES MODÈLES D’ISING ET DE POTTS
puisque 1 − pβ + pβ δωi ,ωj = e−β eβωi ωj . La première affirmation suit. Passons à la seconde. On a
Y Y ηe
QΛ;pβ (ω, η) ∝ (1 − pβ )δηe ,0 + pβ δηe ,1 δωi ,ωj = pβ (1 − pβ )1−ηe 1{ωi =ωj , ∀i↔j} . (6.3)
e={i,j}∈E e∈E
Par conséquent,
X Y X
QΛ;pβ (ω, η) ∝ pηβe (1 − pβ )1−ηe 1{ωi =ωj , ∀i↔j} .
ω∈Ω+
Λ
e∈E ω∈Ω+
Λ
La somme sur ω est facilement évaluée : les spins sur chaque amas fini de η peuvent soit tous prendre
la valeur 1, soit tous la valeur −1. Par contre, les spins appartenant à l’amas infini ont leur valeur fixée
à 1 par la condition au bord. Il s’ensuit que la somme sur ω contient précisément 2NE (η)−1 termes, et
la seconde affirmation est démontrée.
L’intérêt du couplage d’Edwards-Sokal est qu’il permet de décrire très simplement les mesures
conditionnelles, comme le montre le théorème suivant.
46
CHAPITRE 6. LA FK-PERCOLATION
Par conséquent, restreinte aux arêtes de E , la mesure conditionnelle est la mesure produit avec
(
0 si ωi 6= ωj ,
ηe = 1 avec probabilité
pβ si ωi = ωj .
Une interprétation du résultat précédent est la suivante. On aimerait décrire de manière quanti-
tative la propagation de l’information due a l’interaction entre spins voisins dans le modèle d’Ising.
Clairement, si deux spins voisins prennent des valeurs différentes, aucune information n’a été transmise
de l’un vers l’autre. D’un autre côté, s’ils prennent la même valeur, cela peut être dû à un transfert
d’information, mais également au pur hasard. Le couplage précédent donne un sens précis à une telle
image : de l’information est échangée entre deux spins voisins s’ils sont reliés par une arête dans la
configuration FK correspondante. Ceci a lieu avec probabilité 0 si les valeurs des spins sont différentes,
et avec probabilité pβ sinon. Bien entendu, ce choix de la probabilité pβ peut sembler arbitraire. Nous
allons cependant voir, dans la section suivante, que c’est précisément la valeur nécessaire afin que la
présence d’ordre à longue distance dans le modèle d’Ising coı̈ncide avec la présence d’un amas infini
dans la configuration FK. On peut ainsi interpréter la présence de la transition de phase dans le modèle
d’Ising comme résultant de la transmission de l’information arbitrairement loin dans le système.
hσi i+ w
Λ;β,0 = PE + ;p (i ↔ Λc ), (6.4)
Λ β ,2
hσi σj i+
Λ;β,0 = P
w
EΛ+ ;pβ ,2
(i ↔ j), (6.5)
hσB i+ w
Λ;β,0 = P (|B ∩ C| pair pour tout amas fini C). (6.6)
puisque, sous QΛ;pβ ( · | η), ωi prendra valeur 1 et −1 avec même probabilité si l’amas contenant i est
fini, mais prendra toujours valeur 1 s’il est infini. Cela démontre (6.4).
Les identités (6.5) et (6.6) se démontrent similairement, et sont laissées en exercice.
47
6.4. INÉGALITÉS DE COMPARAISON
On dit qu’il y a percolation dans le modèle de FK-percolation aux valeurs p et q des paramètres si
Pwp,q (0 ↔ ∞) > 0, où l’on a noté {0 ↔ ∞} l’événement “0 appartient à un amas infini”.
Un coup d’œil à (6.4) montre qu’il devrait y avoir percolation précisément lorsque hσi i+
β,0 > 0, ce
qui montrerait qu’il y a non-unicité de la mesure de Gibbs en volume infini du modèle d’Ising si et
seulement s’il y a FK-percolation pour les paramètres correspondants, donnant ainsi une interprétation
précise à l’affirmation que la non-unicité provient de la transmission de l’information depuis l’infini.
Le résultat suivant justifie cette heuristique.
Pwpβ ,2 (i ↔ ∞) = hσi i+
β,0 .
En particulier, il y a percolation sous Pwpβ ,2 si et seulement s’il y a non-unicité dans le modèle d’Ising
à la température inverse β.
il suffit de vérifier que Pwpβ ,2 (0 ↔ ∞) = limΛ↑Zd PwE + ;p (0 ↔ Λc ). Pour cela on observe que, pour tout
Λ β ,2
0 ∈ ∆ ⊆ Λ ⋐ Zd ,
Pwpβ ,2 (0 ↔ Λc ) ≤ PwE + ;p (0 ↔ Λc ) ≤ PwE + ;p (0 ↔ ∆c ),
Λ β ,2 Λ β ,2
la première inégalité suivant des inégalités FKG (vérifiez-le !), et la seconde de l’inclusion {0 ↔ Λc } ⊆
{0 ↔ ∆c }. Le résultat désiré suit en prenant la limite Λ ↑ Zd , suivie de la limite ∆ ↑ Zd .
48
CHAPITRE 6. LA FK-PERCOLATION
6.5 Dualité
Dans cette section, nous allons voir qu’il existe un analogue de la dualité de Kramers-Wannier
dans la représentation FK sur E 2 . Ce dernier possède le grand avantage d’être valide configuration
par configuration, alors que la dualité de Kramers-Wannier n’est valide que dans un sens intégral (elle
porte sur les fonctions de partitions, les fonctions de corrélation, etc., mais n’a pas de sens au niveau
d’une configuration donnée).
déf
On note E⋆2 l’ensemble des arêtes joignant les sommets plus-proches-voisins du réseau dual Z2⋆ =
( 21 , 21 ) + Z2 . À chaque arête e ∈ E 2 est associée exactement une arête e⋆ ∈ E⋆2 : celle qui l’intersecte en
son milieu. On dira que e⋆ est l’arête duale à e. Étant donné un ensemble d’arêtes E ⋐ E 2 , on définit
son dual E ⋆ ⋐ E⋆2 par (cf. Fig. 6.1)
déf
E ⋆ = e⋆ ∈ E⋆2 : e ∈ E .
p⋆ q(1 − p)
⋆
= .
1−p p
49
6.5. DUALITÉ
Fig. 6.1 – Gauche : L’ensemble d’arêtes E ⊆ E 2 (en bleu) et son dual E ⋆ ⊆ E⋆2 (en rouge). Droite : Une
⋆
configuration η ∈ ΩFK E ,∅ et la configuration duale η ∈ ΩE ⋆ ,w . Les traits épais représentent les arêtes
FK
ouvertes, et les ronds les sommets isolés ; on a également représenté en pointillés les arêtes ouvertes
correspondant à la condition au bord wired du dual. Observez que le graphe planaire correspondant
à la configuration η possède 2 faces finies (grisées sur la figure) et une face infinie. À chacune de ces
3 faces est associé exactement un amas de η ⋆ (se souvenir que chaque sommet isolé compte comme
un amas, et faire attention à la condition au bord !).
Démonstration. La preuve repose sur la formule d’Euler : si G = (V, E) est un graphe fini planaire
(pas nécessairement connexe), on a [8]
|V | − |E| + L(G) = N (G), (6.7)
où L(G) et N (G) représentent respectivement le nombre de faces finies 1 et le nombre de composantes
connexes de G.
On identifie chaque configuration η ∈ ΩFKE ,∅ avec le graphe (V (E ), E(η)) où
V (E ) = i ∈ Z2 : i est l’extrémité d’au moins une arête e ∈ E
E(η) = {e ∈ E : ηe = 1} .
Similairement, on identifie chaque configuration duale η ⋆ ∈ ΩFK ⋆ ⋆
E ⋆ ,w avec le graphe (V (E ), E(η )) où
V (E ⋆ ) = i ∈ Z2⋆ : i est l’extrémité d’au moins une arête e⋆ ∈ E ⋆
E(η ⋆ ) = {e ∈ E ⋆ : ηe⋆ = 1} .
L’observation importante est l’identité élémentaire suivante (cf. Fig. 6.1) :
L(η) = NE ⋆ (η ⋆ ) − 1. (6.8)
On conclut de (6.7) de (6.8) que
NE (η) = N (η) = |V (E )| − |E(η)| + L(η) = |E(η ⋆ )| + NE ⋆ (η ⋆ ) + const, (6.9)
où la constante est indépendante de la configuration η (et donc de η ⋆ ). Nous pouvons donc à présent
aisément conclure, puisque
p |E(η)| NE (η) p −|E(η⋆ )| |E(η⋆ )| NE ⋆ (η⋆ )
P∅E ;p,q (η) ∝ q ∝ q q
1−p 1−p
q(1 − p) |E(η⋆ )| NE ⋆ (η⋆ )
∝ q ∝ PwE ⋆ ;p⋆ ,q (η ⋆ ).
p
1
On appelle faces finies d’un graphe planaire le nombre de composantes connexes bornées de R2 \ G (on identifie G à
un de ses plongements dans le plan). Les composantes connexes non-bornées sont naturellement appelées faces infinies.
50
CHAPITRE 6. LA FK-PERCOLATION
Remarque 6.5.1. Posons q = 2 (Ising). En utilisant pβ = 1 − e−2β , la relation de dualité montre que
la paramètre dual (pβ )⋆ est donné par
2(1 − pβ ) 2
(pβ )⋆ = = 2β .
pβ + 2(1 − pβ ) e +1
déf ⋆
Par conséquent, si l’on définit β ⋆ par (pβ )⋆ = 1 − e−2β , on obtient
⋆
e−2β = tanh β,
et on retrouve la relation (5.3). La dualité discutée ci-dessus est donc bien une autre manifestation
(plus profonde, car valide configuration par configuration) de la dualité de Kramers-Wannier.
Théorème 6.6.1. Si l’une des hypothèses Hp,q ou Hp⋆ ,q est vérifiée, alors il existe c′ = c′ (p, q) > 0
telle que
n0 ′
0 ≤ PwEn ;p,q (A) − Pwp,q (A) ≤ ′ e−c (n−n0 ) , ∀n ≥ n0 ,
c
pour tout événement local croissant A tel que supp(A) ⊆ Λn0 .
Ce résultat reste vrai pour l’événement croissant, mais non local,
avec B ⊆ Λ0 .
51
6.6. UNE APPLICATION DE LA DUALITÉ
Λn 0
Λn
Fig. 6.2 – Illustration correspondant au cas où l’événement G n’a pas lieu. Le système est alors contenu dans
une boı̂te aléatoire ∆ avec condition au bord libre (les arêtes, fermées, de ∂e ∆ sont indiquées en
rouge).
déf
D’autre part, 2lorsque G n’a pas lieu, il existe Λn0 ⊆ ∆ ⊆ Λn tel que toutes les arêtes de ∂e ∆ =
e = {i, j} ∈ E : i ∈ ∆, j 6∈ ∆ soient fermées, cf. Fig. 6.2 ; l’événement “G n’a pas lieu et ∆ est le
plus grand (pour l’inclusion) ensemble ayant les propriétés précédentes” est noté G∆c . Il suit alors des
inégalités FKG que
X X
PwEn ;p,q (A | G c ) = PwEn ;p,q (A | G∆c ) PwEn ;p,q (GEc | G c ) = P∅E∆ ;p,q (A) PwEn ;p,q (G∆c | G c )
∆: ∆:
Λn0 ⊆∆⊆Λn Λn0 ⊆∆⊆Λn
X
≤ P∅p,q (A) PwEn ;p,q (G∆c | G c ) = P∅p,q (A) ≤ Pwp,q (A), (6.10)
∆:
Λn0 ⊆∆⊆Λn
et la conclusion suit. Le cas de D = {|B ∩ C| est pair pour tout amas fini C}, avec B ⋐ Zd est
identique, le caractère non-local ne posant aucun problème, car D est tout de même déterminé par
l’état des arêtes de ∆ lorsque G n’a pas lieu.
Supposons à présent que Hp⋆ ,q soit vérifiée. On considère tout d’abord un événement A local et
croissant. L’idée est que sous Hp⋆ ,q il y a percolation pour les paramètres p, q, et donc, avec grande
probabilité sous Pwp,q , un chemin ouvert va séparer Λn0 de Λcn (cf. Fig. 6.3). Notons Ge l’événement
correspondant. On a
Pwp,q (A) ≥ Pwp,q (A | Ge) Pwp,q (Ge).
D’une part,
Pwp,q (Ge) = 1 − Pwp,q (Gec ),
et lorsque Gec a lieu, il doit y avoir un chemin ouvert dans la configuration duale reliant Λ⋆n0 à l’extérieur
de Λ⋆n . Par conséquent, il suit de l’hypothèse Hp⋆ ,q et des inégalités FKG que
X
Pwp,q (Gec ) ≤ P∅p⋆ ,q (i ↔ (Λ⋆n )c ) ≤ (8n0 + 8)n0 e−c(n−n0 ) .
i∈∂Λ⋆n0
D’autre part, lorsque Ge est réalisé, il existe Λn0 ⊆ ∆ ⊆ Λn et tel que toutes les arêtes de ∂e ∆ soient
ouvertes. Par conséquent, en raisonnant comme dans (6.10) (l’inégalité allant dans l’autre sens cette
fois, car la condition au bord est wired), on en déduit que
et la conclusion suit.
52
CHAPITRE 6. LA FK-PERCOLATION
Fig. 6.3 – Idée de la preuve sous l’hypothèse Hp⋆ ,q . Gauche : cas de l’événement local A ; avec grande probabilité
sous Pwp,q , il y aura un circuit d’arêtes ouvertes séparant Λn0 et l’extérieur de Λn (sinon il devrait y
avoir un long chemin d’arêtes ouvertes dans le dual reliant ces deux ensembles). Droite : la variante
pour l’événement D ; dans ce cas on exige que le circuit sépare Λn/2 de l’extérieur de Λn et qu’il
appartienne à l’amas infini (cela arrive avec grande probabilité sous Pp,q w
, sinon il faut soit un grand
chemin d’arêtes ouvertes dans le modèle dual empêchant la présence du circuit, soit un grand circuit
d’arêtes ouvertes dans le modèle dual entourant ce dernier afin de l’empêcher de se connecter à
l’amas infini).
Il reste à considérer le cas d’un événement D = {|B ∩ C| est pair pour tout amas fini C}, avec
B ⊆ Λn0 , sous Hp⋆ ,q . L’argument précédent ne suffit pas, car il est alors nécessaire de savoir si le
circuit d’arêtes ouvertes appartient à l’amas infini, D n’étant déterminé par l’état des arêtes de ∆
que lorsqu’on possède cette information. Il n’est pas difficile de remédier à cette difficulté : on va
simplement imposer au circuit entourant Λn0 d’être suffisamment grand ; de cette façon, la probabilité
qu’il ne fasse pas partie de l’amas infini sera très petite (cf. Fig. 6.3). Plus précisément, on introduit
l’événement “Λn/2 est séparé de Λcn par un circuit appartenant à l’amas infini”, que l’on notera Gb.
L’argument est alors identique au précédent, en observant simplement que si l’événement Gb n’est pas
réalisé, alors soit il y a un chemin composé d’arêtes ouvertes reliant Λ⋆n/2 à l’extérieur de la boı̂te dans
la configuration duale (ce qui empêche la présence du circuit d’arêtes ouvertes), soit il y a un circuit
d’arêtes ouvertes dans la configuration duale entourant Λ⋆n/2 (et empêchant ainsi de relier le circuit à
l’amas infini). Les deux contributions sont exponentiellement petites en n et la conclusion suit.
Corollaire 6.6.1. Soit Λn = {−n, . . . , n}2 . Pour tout β 6= βc , il existe c′′ = c′′ (β) telle que
n0 ′′
|hf i+ +
Λn ;β,0 − hf iβ,0 | ≤ ′′
kf k∞ e−c (n−n0 ) , ∀n ≥ n0 ,
c
pour toute fonction locale f telle que supp(f ) ⊆ Λn0 .
Démonstration. Par le Lemme 2.3.1, il suffit de démontrer le résultat pour la fonction σB , avec B ⊆
supp(f ). Or hσB i+ w
Λ;β,0 = P (|B ∩ C| est pair pour tout amas fini C), par le Lemme 6.3.1. On peut
donc conclure à l’aide de théorème précédent, la validité de l’hypothèse Hpβ ,q étant garantie dans le
modèle d’Ising, lorsque β < βc (cf. Remarque 6.6.1).
53
6.6. UNE APPLICATION DE LA DUALITÉ
54
Chapitre 7
Représentation en courants aléatoires
Dans ce chapitre, nous introduisons une autre représentation graphique, extrèmement puissante, du
modèle d’Ising : la représentation en courants aléatoires (dorénavant : représentation RC), introduite
par Aizenman dans [2]. Celle-ci donne accès à des informations très fines sur ce modèle, et a permis de
démontrer un certain nombre de résultats fondamentaux sur le modèle d’Ising, qui n’ont pas encore
pu être étendus à d’autres modèles.
7.1 La représentation
7.1.1 Champ magnétique nul
Nous commençons par dériver la représentation RC pour la fonction de partition en champ
magnétique nul et condition au bord libre. Soit Λ ⋐ Zd . On a
X Y
Z∅Λ;β,0 = eβωi ωj
ω∈ΩΛ {i,j}∈EΛ
X Y X βn
= (ωi ωj )n
n!
ω∈ΩΛ {i,j}∈EΛ n≥0
X X Y β ne
= (ωi ωj )ne
ne !
ω∈ΩΛ n e={i,j}∈EΛ
X X Y β ne Y #(n,i)
= eβ|EΛ | e−β ωi ,
ne !
ω∈ΩΛ n e∈EΛ i∈Λ
où la somme dans les deux dernières lignes est sur les familles de courants 1 n = (ne )e∈EΛ , avec ne ∈ N,
déf P
et on a introduit #(n, i) = e∈EΛ ,e∋i ne , pour chaque i ∈ Λ.
En procédant de façon similaire à ce que l’on a fait pour la représentation haute température, on
calcule explicitement à présent la somme sur les configurations ω :
X Y #(n,i) Y X
ωi = ω #(n,i) = 2|Λ| 1{#(n,i) est pair, ∀i∈Λ} .
ω∈ΩΛ i∈Λ i∈Λ ω∈{−1,1}
déf
Par conséquent, en notant ∂n = {i ∈ Λ : #(n, i) est impair}, on obtient
55
7.1. LA REPRÉSENTATION
Fig. 7.1 – Gauche : une configuration de courants n. La couleur associée à une arête e indiquent la valeur de
ne : ne = 1 pour le bleu, ne = 2 pour le rouge, ne = 3 pour le vert. Droite : Une décomposition
possible en “boucles” (certaines arêtes ont été légèrement décalées afin d’améliorer la lisibilité).
où l’on a réinterprété n = (ne )e∈EΛ comme une collection de variables aléatoires i.i.d. suivant chacune
une loi de Poisson de paramètre β : PΛ;β,0 (ne = k) = e−β β k /k!. Il peut être utile de visualiser une
configuration de courants n telle que ∂n = ∅ comme résultant de la superposition de boucles de
courants (c’est-à-dire de circuits fermés le long desquels le courant est égal à 1), cf. Fig. 7.1. Bien
entendu, une telle décomposition en boucles n’est pas unique en général.
La même procédure permet de dériver une représentation analogue pour les fonctions de
corrélations hσA i∅Λ;β,0 , A ⊆ Λ. En effet, si l’on développe le numérateur de hσA i∅Λ;β,0 de la même façon
que ci-dessus, la seule différence provient de l’évaluation de la somme sur les configurations ω : la
présence du terme supplémentaire ωA conduit à
X Y #(n,i)
Y X
ωA ωi = ω #(n,i)+1{i∈A} = 2|Λ| 1{∂n=A} .
ω∈ΩΛ i∈Λ i∈Λ ω∈{−1,1}
En d’autres termes, on a à présent des sources de courants aux sommets de A (le courant n’étant pas
“conservé” en ces sommets), cf. Fig. 7.2. En résumé, on obtient l’élégante formule
PΛ;β,0 (∂n = A)
hσA i∅Λ;β,0 = .
PΛ;β,0 (∂n = ∅)
P
Observez que l’on a bien hσA i∅Λ;β,0 = 0 lorsque |A| est impair, car i∈Λ #(n, i) est toujours pair et
il est donc impossible de trouver une configuration de courants telle qu’il y ait un nombre impair de
sommets où #(n, i) est impair.
Au sommet g, on place un spin ω̄g dont la valeur est fixée à +1 ; ce spin fantôme joue donc le rôle
56
CHAPITRE 7. REPRÉSENTATION EN COURANTS ALÉATOIRES
j j
i i
Fig. 7.2 – Gauche : une configuration de courants contribuant à la fonction à 2-point hσi σj iΛ;β,0 ; observez que
#(n, i) et #(n, j) sont impairs. Les codes de couleur sont les mêmes que sur la Fig. 7.1. Droite :
Une décomposition possible en “boucles”. Observez la présence d’un chemin ouvert reliant les deux
points i et j.
g
i
Fig. 7.3 – Chaque sommet i ∈ Λ est lié par une arête au sommet g ; ce dernier est représenté, pour des raisons
de lisibilité, par chacun des sommets en rouge. Un spin fantôme, dont la valeur est fixée à 1, est
placé au sommet g.
57
7.1. LA REPRÉSENTATION
i i
de “condition au bord”. L’énergie associée à une configuration ω ∈ ΩΛ peut alors être écrite sous la
forme X X
−β ωi ωj − h ωi ω̄g.
{i,j}∈EΛ i∈Λ
On peut à présent répéter les dérivations effectuées précédemment pour le cas h = 0. Le développement
est formellement identique, les configurations de courants étant à présent définies sur le graphe étendu,
n = (ne )e∈E¯Λ . La seule différence a à nouveau lieu lorsque l’on évalue la somme sur les configurations
de spins. Dans le cas de la fonction de partition, cette dernière devient
X Y #(n,i)
Y X
ωi = ω #(n,i) = 2|Λ| 1{#(n,i) est pair, ∀i∈Λ} .
ω∈ΩΛ i∈Λ i∈Λ ω∈{−1,1}
Observez qu’il n’y a pas de contraintes de parité explicite sur #(n, g), puisqu’on ne somme que sur
les valeurs des spins dans Λ (le spin fantôme a sa valeur fixée à +1). On définit la notion de bord
déf
d’une configuration de courants par la même formule qu’avant, ∂n = {i ∈ Λ : #(n, i) est impair}.
Similairement au cas h = 0, on réinterprète n = (ne )e∈E¯Λ comme une collection de variables aléatoires
indépendantes telles que ne suit une loi de Poisson de paramètre β si e ∈ EΛ et de paramètre h si
e ∈ EΛg ; on note P∅Λ;β,h la loi de n. On peut donc écrire
g
Z∅Λ;β,h = 2|Λ| eβ|EΛ |+h|EΛ | PΛ;β,h (∂n = ∅).
PΛ;β,h (∂n = A)
hσA i∅Λ;β,h = .
PΛ;β,h (∂n = ∅)
La possibilité d’avoir une source présente en g a pour conséquence que les fonctions de corrélation
hσA i∅Λ;β,h ne sont plus nécessairement nulles lorsque |A| est impair et h 6= 0, cf. Fig. 7.4.
58
CHAPITRE 7. REPRÉSENTATION EN COURANTS ALÉATOIRES
n ne prend que des valeurs strictement positives. Nous appellerons amas de i ∈ Λ dans la configuration
n l’ensemble Cn (i) défini par n o
déf n
Cn (i) = {i} ∪ j ∈ Λ : i ! j .
de tous les sommets connectés au spin fantôme via un courant strictement positif. Nous écrirons
n n
également i −→ g lorsque i ∈ Cng. Nous dirons que i et j sont g-connectés dans n, noté i ←→ j, si
n
i ! j ou si i, j ∈ Cng.
(2)
PΛ;β,h (∂n1 = A, ∂n2 = {i, j}, n1 + n2 ∈ I )
(2) n1 +n2
= PΛ;β,h (∂n1 = A △ {i, j}, ∂n2 = ∅, n1 + n2 ∈ I , i ←→ j). (7.1)
et
(2)
PΛ;β,h (∂n1 = A, ∂n2 = {i}, n1 + n2 ∈ I )
(2) n1 +n2
= PΛ;β,h (∂n1 = A △ {i}, ∂n2 = ∅, n1 + n2 ∈ I , i −→ g). (7.2)
2
Également appelées cumulants, ou semi-invariants.
3 déf
A△B = (A \ B) ∪ (B \ A).
59
7.3. APPLICATIONS
Nous allons passer du couple (n1 , n2 ) au couple (m, n) où m = n1 + n2 (l’addition étant comprise
arête par arête) et n = n2 . Comme ∂(n1 + n2 ) = ∂n1 △ ∂n2 , n ≤ m et
1
n + n2 m
w(n1 )w(n2 ) = w(n1
+ n2
) = w(m),
n2 n
on peut écrire
X X X m
1 2
w(n )w(n ) = w(m) . (7.3)
n
∂n1 =A ∂m=A△{i,j} n≤m
∂n2 ={i,j} m∈I ∂n={i,j}
n1 +n2 ∈I
m n
La première observation est que i ←→
6 j =⇒ i ←→
6 j, puisque n ≤ m. Par conséquent, pour de telles
configurations m, on a
X m
= 0. (7.4)
n
n≤m
∂n={i,j}
m
On peut donc supposer à présent que i ←→ j. Pour ces dernières, on peut appliquer le lemme suivant.
Lemme 7.2.2. Soit m une configuration de courants dans Λ ⋐ Zd , et C, D ⊆ Λ. S’il existe une
configuration de courants k telle que k ≤ m et ∂k = C, alors
X m X m
= . (7.5)
n n
n≤m n≤m
∂n=D ∂n=C△D
La preuve du lemme est donnée plus loin. Une application de ce dernier avec C = D = {i, j} donne
X m X m
= . (7.6)
n n
n≤m n≤m
∂n={i,j} ∂n=∅
7.3 Applications
Dans cette section, nous donnons deux exemple d’application de la représentation RC : d’une part,
nous montrerons la décroissance exponentielle de la fonction à 2-point tronquée lorsque h 6= 0, et
d’autre part nous dériverons l’inégalité GHS et en verrons une application.
60
CHAPITRE 7. REPRÉSENTATION EN COURANTS ALÉATOIRES
(2) n1 +n2
∅
PΛ;β,h (∂n1 = {i, j}, ∂n2 = ∅, i −→
6 g)
hσi ; σj iΛ;β,h = (2)
.
PΛ;β,h (∂n1 = ∅, ∂n2 = ∅)
Observez que cela implique immédiatement que hσi ; σj i∅Λ;β,h ≥ 0. C’est le fait de pouvoir dériver
ce type de représentation probabiliste des fonctions de corrélation tronquées qui fait la grande force
de la représentation RC.
Démonstration. On a
PΛ;β,h (∂n = {i, j}) PΛ;β,h (∂n = {i}) PΛ;β,h (∂n = {j})
hσi ; σj i∅Λ;β,h = −
PΛ;β,h (∂n = ∅) PΛ;β,h (∂n = ∅) PΛ;β,h (∂n = ∅)
(2) (2)
PΛ;β,h (∂n1 = {i, j}, ∂n2 = ∅) − PΛ;β,h (∂n1 = {i}, ∂n2 = {j})
= (2)
.
PΛ;β,h (∂n1 = ∅, ∂n2 = ∅)
Une application du Switching Lemma (7.2) au second terme du numérateur de cette dernière expression
permet d’obtenir les mêmes sources que pour le premier terme :
La conclusion suit.
Remarque 7.3.1. Le même résultat est évidemment vrai pour hσi ; σj i+β,h , puisqu’il y a unicité de la
mesure en volume infini lorsque h 6= 0. Lorsque h = 0 et β < βc , la décroissance de hσi ; σj i+ β,h est
toujours exponentielle [4], mais la preuve est beaucoup plus difficile. On pense que le même résultat
est également vrai lorsque h = 0 et β > βc , mais cela n’a été démontré que lorsque d = 2 [39], ou
lorsque β ≫ 1. La décroissance n’est par contre plus exponentielle lorsque β = βc (ce résultat est
démontré dans [39] pour la dimension 2, et [38] pour le cas d ≥ 3).
n1 +n2 n1
Démonstration. Comme {i −→
6 g} ⊆ {i 9 g}, on déduit de la représentation du Lemme 7.3.1 que
(2) n1 +n2 n
∅
PΛ;β,h (∂n1 = {i, j}, ∂n2 = ∅, i −→
6 g) PΛ;β,h (∂n = {i, j}, i 9 g)
hσi ; σj iΛ;β,h = (2)
≤ . (7.7)
PΛ;β,h (∂n1 = ∅, ∂n2 = ∅) PΛ;β,h (∂n = ∅)
61
7.3. APPLICATIONS
déf
Étant donné C ⊆ Λ, on note ∂E C = {e = {k, ℓ} ∈ EΛ : k ∈ C, ℓ 6∈ C}. On introduit également les
deux événements suivants
BC = {ne = 0, ∀e ∈ ∂E (C)},
n n n
GC = {∂n = {i, j}} ∩ {k ! i ∀k ∈ C} ∩ {k ! j ∀k ∈ C} ∩ {k 9 g ∀k ∈ C}.
Observez que l’événement BC découple les sous-systèmes C et Λ \ C. Avec ces notations, on peut
écrire le numérateur de (7.7)
n
X
PΛ;β,h (∂n = {i, j}, i 9 g) = PΛ\C;β,h (∂n = ∅) PC;β,h (GC )PΛ;β,h (BC ).
C⊆Λ
i,j∈C
Comme |C| ≥ kj − ik1 + 1, la conclusion suit alors immédiatement une fois que l’on aura montré qu’il
existe c = c(h) > 0 telle que
PC;β,h (GC )
≤ e−c|C| ,
PC;β,h (GeC )
pour tout C ⊆ Λ connexe et contenant i et j.
n
Soit n une configuration de courants sur C telle que ∂n = {i, j} et i 9 g. On peut lui associer la
famille de courants N(n) sur C donnée par
( )
X
N(n) = n e =n+ 2rk 1{e={k,g}} + 1{e={i,g}} + 1{e={j,g}} : rℓ ∈ N, ∀ℓ ∈ C .
k∈C
avec c > 0.
Le but de cette sous-section est de démontrer l’inégalité GHS (d’après Griffiths, Hurst et Sherman [22]).
62
CHAPITRE 7. REPRÉSENTATION EN COURANTS ALÉATOIRES
pour tout i, j, k ∈ Λ ⋐ Zd . En particulier, l’aimantation est une fonction concave du champ magnétique
pour h > 0,
∂2
hσi i∅β,h ≤ 0 ∀h > 0.
∂h2
Démonstration. On observe tout d’abord que
hσi ; σj ; σk i∅Λ;β,h = hσi ; σj σk i∅Λ;β,h − hσj i∅Λ;β,h hσi ; σk i∅Λ;β,h − hσk i∅Λ;β,h hσi ; σj i∅Λ;β,h . (7.9)
Considérons tout d’abord le cas de points i, j, k non tous distincts. Par symétrie de hσi ; σj ; σk i∅Λ;β,h en
i, j, k, il suffit de considérer le cas j = k. On a alors que hσi ; σj σk i∅Λ;β,h = 0 et donc la conclusion suit
de (7.9) et des inégalités GKS.
Supposons à présent i, j, k tous distincts. Le même argument que celui du Lemme 7.3.1 donne
(2) n1 +n2
PΛ;β,h (∂n1 = {i, j, k}, ∂n2 = ∅, i −→
6 g)
hσi ; σj σk i∅Λ;β,h = (2)
. (7.10)
PΛ;β,h (∂n1 = ∅, ∂n2 = ∅)
Dans une paire de configurations (n1 , n2 ) contribuant au numérateur de cette dernière expression,
l’amas de i contient toujours exactement un des deux sommets j ou k, l’autre devant nécessairement
être connecté à g. On considère le cas où Cn1 +n2 (i) ∋ j (et donc Cn1 +n2 (i) 6∋ k). On note GC
l’événement {Cn1 +n2 (i) = C}. En conditionnant sur une réalisation de cet amas, le bord de l’amas
(composé d’arêtes avec courant nul à la fois dans n1 et n2 ) découple l’intérieur de l’extérieur. On
obtient
X∗ (2) n1 +n2 (2)
PΛ;β,h ∂n1 = {i, j, k}, ∂n2 = ∅, i −→
6 g GC PΛ;β,h (GC ) =
C
X∗ (2) n1 +n2 (2) (2)
PC;β,h ∂n1 = {i, j}, ∂n2 = ∅, i −→
6 g GC PΛ\C;β,h ∂n1 = {k}, ∂n2 = ∅ PΛ;β,h (GC ),
C
X∗
la somme étant prise sur les sous-ensembles C ⊆ Λ connexes satisfaisant i, j ∈ C, mais k 6∈ C.
C
On observe à présent que
(2) (2)
PΛ\C;β,h ∂n1 = {k}, ∂n2 = ∅ = hσk i∅Λ\C;β,h PΛ\C;β,h ∂n1 = ∅, ∂n2 = ∅
(2)
≤ hσk i∅Λ;β,h PΛ\C;β,h ∂n1 = ∅, ∂n2 = ∅ ,
la dernière égalité suivant des inégalités GKS. En substituant cette borne dans la précédente, on voit
que
(2) n1 +n2
hσi ; σj σk i∅Λ;β,h ≤ hσk i∅Λ;β,h PΛ;β,h ∂n1 = {i, j}, ∂n2 = ∅, i −→
6 g + (j ⇔ k)
= hσk i∅Λ;β,h hσi ; σj i∅Λ;β,h + hσj i∅Λ;β,h hσi ; σk i∅Λ;β,h ,
∂2 X
2
hσi i∅Λ;β,h = hσi ; σj ; σk i∅Λ;β,h ≤ 0.
∂h
j,k∈Λ
63
7.3. APPLICATIONS
Remarque 7.3.2. Observez que, bien que l’on ait toujours supposé le champ magnétique homogène,
ceci n’a été utilisé nulle part dans ce chapitre. En particulier, l’inégalité précédente reste vraie lorsque
le champ magnétique agissant sur le sommet i est hi , pourvu que hi ≥ 0 pour tout i. Nous aurons
besoin de cette version ci-dessous.
L’inégalité GHS possède de nombreuses applications. En particulier, elle permet une preuve alter-
native de l’unicité de la mesure de Gibbs en volume infini lorsque h 6= 0 (exercice). Nous donnons
ci-dessous une application élémentaire, montrant que, dans le cas du modèle d’Ising, la décroissance
exponentielle de la fonction à 2-point en volume infini implique la relaxation exponentielle de l’aiman-
tation dans une boı̂te finie.
Théorème 7.3.3. Soit Λn = {−n, . . . , n}d . Supposons qu’il existe c > 0 telle que hσi σj i∅β,0 ≤ e−ckj−ik2 ,
∀i, j ∈ Zd . Alors, pour tout n ≥ 0,
d−1 −cn
0 ≤ hσ0 i+
Λn ;β,0 ≤ β (2n + 2) e .
Démonstration. La borne inférieure suit, par exemple, des inégalités GKS. On démontre la borne
supérieure. Par symétrie,
Z β
∂
hσ0 i+
Λn ;β,0 = hσ0 i+
Λn ;β,0
∅
− hσ0 iΛn ;β,0 = ds hσ0 isΛn ;β,0 ,
0 ∂s
où µsΛn ;β,0 est la mesure de Gibbs dans Λn avec condition au bord libre et Hamiltonien
X X
−β σ i σj − s # {j 6∈ Λn : j ∼ i} σi .
{i,j}∈EΛn i∈∂Λn
puisque la fonction tronquée est une fonction décroissante de s ≥ 0. La conclusion suit par symétrie
et les inégalités GKS : hσ0 ; σi i0Λn ;β,0 = hσ0 σi i∅Λn ;β,0 ≤ hσ0 σi i∅β,0 ≤ e−cn .
Remarque 7.3.3. Observez que cela implique en particulier que l’hypothèse Hpβ ,2 de la Section 6.6 est
vérifiée lorsque hσ0 σi i∅β,0 décroit exponentiellement, ce qui est vrai lorsque β < βc [4].
64
Chapitre 8
Retour sur la représentation haute température
déf
avec b(E) = {k ∈ Λ : I(k, E) est impair}, et où l’on a introduit, pour E ⋐ E d ,
déf
X
Ξβ (E ) = tanh(β)|E| .
E⊆E
b(E)=∅
Les degrés des sommets i, j étant impairs, et ceux des autres sommets pairs, il est possible de
décomposer chaque E tel que b(E) = {i, j} en un chemin λ joignant i à j, et un ensemble d’arêtes
E ′ ⊂ E avec b(E ′ ) = ∅. Nous emploierons l’algorithme suivant afin d’extraire le chemin λ (cf.
Fig. 8.1) :
déf
1. Notons Ik = {e ∈ EΛ : e ∋ k}. On fixe un ordre (arbitraire) sur l’ensemble Ik pour chaque
k ∈ Λ.
2. On initialise : m = 0, x0 = i, ∆0 = ∅.
3. On définit xm+1 de façon à ce que {xm , xm+1 } soit la première arête de (E ∩ Ixm ) \ ∆m . Si
xm+1 = j, on arête la procédure.
4. On pose ∆m+1 = ∆m ∪ {e ∈ Ixm : e ≤ {xm , xm+1 }}, et on incrémente m : m ← m + 1.
5. On retourne à l’étape 3.
65
8.2. QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POIDS
2
3 1
4
Fig. 8.1 – Gauche : Un ensemble d’arêtes E ⊆ EΛ avec b(E) = {i, j}. Droite : Le chemin λ : i → j, en bleu.
Les arêtes appartenant à ∆(λ) \ λ sont indiquées en rouge. L’ordre des arêtes incidentes en chaque
sommet est comme indiqué au milieu.
déf déf
Cet algorithme nous fournit un chemin λ = (x0 , x1 , . . . , xn ) et un ensemble d’arêtes ∆(λ) =
S n
m=1 {e ∈ Ixm : e ≤ {xm−1 , xm }}. Observons que la construction implique que x0 = i, xn = j,
xm 6= j, ∀m < n, et chaque arête {xm−1 , xm }, m = 1, . . . , n, est utilisée exactement une fois ; on
identifiera le chemin λ avec l’ensemble (e1 , . . . , en ) des arêtes em = {xm−1 , xm } lorsque cela sera utile.
Les chemins λ pouvant être extraits d’un ensemble E ⊆ EΛ avec b(E) = {i, j} par la procédure
précédente sont dits admissibles. On notera l’ensemble des chemins admissibles de i à j par {λ : i → j}.
Lemme 8.1.1. L’ensemble {E ⊆ EΛ : b(E) = {i, j}} se compose de toutes les collections d’arêtes de
la forme λ ∪ E ′ avec λ : i → j et E ′ ⊆ EΛ \ ∆(λ) avec b(E ′ ) = ∅.
Démonstration. Soit E ⊆ EΛ satisfaisant b(E) = {i, j}, et soit λ le chemin que l’on obtient en appli-
quant l’algorithme précédent à E, et E ′ = E \ λ. Supposons qu’il existe e ∈ ∆(λ) ∩ E ′ , et considérons
l’étape lors de laquelle l’arête e est ajoutée à ∆(λ), c’est-à-dire l’étape m de l’algorithme telle que
e ∈ ∆m+1 \ ∆m . Par construction de ∆m+1 , on a {xm , xm+1 } > e pour l’ordre fixé sur Ixm . Mais ceci
contredit le choix de xm+1 comme étant l’autre extrémité de la première arête de (E ∩ Ixm ) \ ∆m .
Soit à présent λ : i → j et E ′ ⊆ EΛ \ ∆(λ) satisfaisant b(E ′ ) = ∅. Alors, E = λ ∪ E ′ appartient
ij
EΛ . On vérifie très facilement que l’application de l’algorithme précédent à E génère le chemin λ.
66
CHAPITRE 8. RETOUR SUR LA REPRÉSENTATION HAUTE TEMPÉRATURE
Nous allons nous intéresser à la situation suivante : que peut-on dire de la somme sur tous les
chemins joignant i à j et contraints à visiter un sommet intermédiaire k ? Plus précisément, si i, j, k
sont trois sommets distincts de Λ, nous noterons λ : i → k → j lorsque λ : i → j et λ ∋ k. L’inégalité
suivante, très utile, est dûe à Pfister [42] ; elle peut être aisément étendue au cas où λ est contraint à
visiter plusieurs sommets intermédiaires.
Théorème 8.2.1. Soient i, j, k trois sommets distincts de Λ ⋐ Zd . Alors
X X X
qEΛ ;β (λ) ≤ qEΛ ;β (λ) qEΛ ;β (λ).
λ: λ: i→k λ: k→j
i→k→j
Démonstration. On considère λ comme une courbe dans Rd , partant de i. L’observation cruciale est
que
λ : i → j, λ ∋ k ⇐⇒ λ = λ1 ∪ λ2 avec λ1 : i → k, λ2 : k → j, λ2 ⊆ EΛ \ ∆(λ1 ).
En effet, si λ = (x1 , . . . , xn ) : i → j contient k, alors tous les chemins partiels (x1 , . . . , xm ), m ≤ n,
sont admissibles pour peu que xm 6= xm′ pour tout m′ < m. On peut donc extraire de λ un chemin
admissible λ1 : i → k en l’interrompant à sa première visite en k. Lors de l’extraction d’un chemin
admissible λ, la seule contrainte imposée par la partie de chemin déjà construite (x1 , . . . , xm ) aux
arêtes ajoutées par la suite est d’être disjointes des arêtes de ∆m . Par conséquent, étant donné λ1 , λ2
est un chemin admissible connectant k à j sans utiliser d’arêtes de ∆(λ1 ).
Réciproquement, on vérifie immédiatement que tout chemin de la forme λ = λ1 ∪λ2 avec λ1 : i → k,
λ2 : k → j, λ2 ⊆ EΛ \ ∆(λ1 ), est nécessairement un chemin admissible connectant i à j (et passant
par k).
Par conséquent, en observant que ∆(λ1 ∪ λ2 ) = ∆(λ1 ) ∪ ∆(λ2 ), on obtient
X X X
qEΛ ;β (λ) = qEΛ ;β (λ1 ∪ λ2 )
λ: λ1 : i→k λ2 : k→j
i→k→j λ2 ∩∆(λ1 )=∅
X Ξβ (EΛ \ ∆(λ1 )) X Ξβ ((EΛ \ ∆(λ1 )) \ ∆(λ2 ))
= tanh(β)|λ1 | tanh(β)|λ2 |
Ξβ (EΛ ) Ξβ (EΛ \ ∆(λ1 ))
λ1 : i→k λ2 : k→j
λ2 ⊆EΛ \∆(λ1 )
X X
= qEΛ ;β (λ1 ) qEΛ \∆(λ1 );β (λ2 ).
λ1 : i→k λ2 : k→j
où l’espérance h · i∅Λ;β,0,λ1 est prise sous la mesure de Gibbs dans Λ avec Hamiltonien
X
−β σi σj .
{i,j}∈EΛ \∆(λ1 )
Le corollaire suivant, originellement dû à Simon [51], possède de nombreuses conséquences remar-
quables. Nous en verrons une dans la Section 8.4.
Corollaire 8.2.1. Soit A ⊆ Λ ⋐ Zd tel que i ∈ A \ ∂A et j 6∈ A. Alors
X
hσi σj i∅Λ;β,0 ≤ hσi σk i∅Λ;β,0 hσk σj i∅Λ;β,0 . (8.3)
k∈∂A
67
8.3. EXISTENCE DE LA MASSE
Remarque 8.2.1. On peut en fait assez facilement améliorer cette inégalité sous la forme
X
hσi σj i∅Λ;β,0 ≤ hσi σk i∅A;β,0 hσk σj i∅Λ;β,0 .
k∈∂A
Cette amélioration (qui a des conséquences très intéressantes) est dûe à Lieb [37]. Elle peut se
démontrer en combinant la preuve précédente et l’inégalité qE1 (λ) ≤ qE2 (λ), valide pour tout λ ⊆
E2 ⊆ E1 [43, 44].
Démonstration. La stricte positivité est difficile et nous ne la ferons pas ici [4]. Passons à l’existence.
On traite tout d’abord le cas des vecteurs ~n = (n1 , . . . , nd ) tels que nk /n1 ∈ Q pour tout 2 ≤ k ≤ d ;
évidemment l’ensemble Sd−1r de ces vecteurs est dense dans la sphère. Soit ~n un tel vecteur. Il existe
d
donc 0 6= ℓ0 ∈ Z tel que ℓ0 = α~n pour un certain α > 0. Nous allons tout d’abord démontrer la
convergence le long de la suite km = mα, m ∈ N∗ . Il suffit pour cela d’observer que les inégalités GKS
et l’invariance sous les translations (cf. Exercice 8) impliquent que
hσ0 σkm1 +m2 ~n i∅β,0 = hσ0 σ(m1 +m2 )ℓ0 i∅β,0 ≥ hσ0 σm1 ℓ0 i∅β,0 hσm1 ℓ0 σ(m1 +m2 )ℓ0 i∅β,0
= hσ0 σm1 ℓ0 i∅β,0 hσ0 σm2 ℓ0 i∅β,0 = hσ0 σkm1 ~n i∅β,0 hσ0 σkm2 ~n i∅β,0 .
68
CHAPITRE 8. RETOUR SUR LA REPRÉSENTATION HAUTE TEMPÉRATURE
On en conclut que
am1 +m2 ≤ am1 + am2 , ∀m1 , m2 ∈ N∗ ,
où l’on a posé am = − loghσ0 σkm ~n i∅β,0 . Une application du Lemme A.4.1 montre donc que
1 1 am 1 am
lim loghσ0 σkm ~n i∅β,0 = lim = inf { }, (8.5)
m→∞ km α m→∞ m α m≥1 m
hσ0 σ⌊k~n⌋ i∅β,0 ≥ hσ0 σrk ℓ0 i∅β,0 hσ0 σwk i∅β,0 ≥ C hσ0 σrk ℓ0 i∅β,0 ,
1 1
lim loghσ0 σ⌊k~n⌋ i∅β,0 = lim loghσ0 σrk ℓ0 i∅β,0 ,
k→∞ k k→∞ k
−ckǫ
hσ0 σ⌊k~n⌋ i∅β,0
e ≤ ≤ eckǫ ,
hσ0 σ⌊k~n′ ⌋ i∅β,0
1 1
ξβ (~n′ ) − cǫ ≤ lim inf − loghσ0 σ⌊k~n⌋ i∅β,0 ≤ lim sup − loghσ0 σ⌊k~n⌋ i∅β,0 ≤ ξβ (~n′ ) + cǫ,
k→∞ k k→∞ k
et la conclusion suit.
Finalement, en partant de i ∈ Zd , on voit que ~ni ∈ Srd−1 et donc (8.4) suit de (8.5) (avec ℓ0 = i et
m = 1).
déf
La fonction ξβ peut ensuite être étendue à Rd par homogénéité positive : ξβ (x) = kxk2 ξβ (nx ).
Il n’est alors pas difficile, en utilisant les inégalités GKS, de montrer que ξβ est convexe et que, par
conséquent, c’est une norme sur Rd lorsque β < βc (exercice).
69
8.4. UNE APPLICATION DE L’INÉGALITÉ DE SIMON
déf P
Remarque 8.4.1. La quantité χβ = β i∈Zd hσ0 σi i∅β,0 joue un rôle très important en physique statistique
et en thermodynamique ; elle est appelée susceptibilité magnétique. Observez que ce théorème montre,
en particulier, que si la fonction à 2-point décroit comme kik2−α , avec α > d − 1, alors elle décroit
exponentiellement vite.
Démonstration. On note BR = j ∈ Zd : kjk∞ ≤ R . On choisit R tel que
X
hσ0 σk i∅β,0 ≤ e−c < 1.
k∈∂BR
P P
L’existence d’un tel R est assurée par le fait que la série R≥0 k∈∂BR hσ0 σk i∅β,0 converge. On applique
ensuite l’inégalité de Simon,
X
hσ0 σi i∅β,0 ≤ hσ0 σk i∅β,0 hσk σi i∅β,0 ≤ e−c sup hσk σi i∅β,0 .
k∈∂BR k∈∂BR
70
Chapitre 9
Algorithmes de simulation
En d’autres termes, après avoir choisi un sommet au hasard, on fixe la valeur de la configuration en i
à ±1 avec probabilité
µω̄Λ;β,h (σi = ±1 | σj = ωj , ∀j ∼ i).
Notons T(ω → ω ′ ) les probabilités de transition correspondantes.
Lemme 9.1.1. La chaı̂ne de Markov construite ci-dessus est ergodique, et sa distribution stationnaire
est µω̄Λ;β,h .
Par conséquent, la distribution stationnaire de la chaı̂ne (nécessairement unique) est bien µω̄Λ;β,h .
71
9.2. SIMULATION PARFAITE
Fig. 9.1 – Trois copies d’une chaı̂ne partant de trois états différents. Les (ici, deux) instants de coalescence
sont indiqués.
On est alors confronté à un problème d’ordre pratique : on ne peut évidemment laisser cet algo-
rithme tourner infiniment longtemps, et il faut donc l’interrompre après un nombre fini M d’itérations.
Comment doit-on choisir M si l’on veut être assuré d’être proche de la distribution stationnaire ? Une
approche possible est d’étudier la vitesse de convergence de la chaı̂ne. Malheureusement, une telle
approche ne fournit en général que des bornes trop grossières pour être réellement utiles en pratique,
même si elles peuvent donner des indications1 . Par chance, il existe une variante de l’algorithme ci-
dessus, ne nécessitant qu’un nombre fini (mais aléatoire !) de pas, et garantissant que la distribution
obtenue est exactement la distribution stationnaire : on parle alors de simulation parfaite.
72
CHAPITRE 9. ALGORITHMES DE SIMULATION
1/2 1/2
1/2 A B C
1/2 1
Fig. 9.2 – Un exemple montrant qu’à l’instant de coalescence, la chaı̂ne n’est pas nécessairement dans la
distribution stationnaire : l’état C ne pouvant être atteint qu’en venant de l’état B, il n’est pas
possible que les chaı̂nes soient dans l’état C au moment de la coalescence.
(n+1)K
est également strictement positive. Les événements {FnK+1 = const}, n ≥ 0, étant i.i.d., on peut
(n+1)K
trouver, avec Q-probabilité 1, un n tel que FnK+1
soit constante.
t2 ′
Soit t2 > t1 ≥ 0 ; observant que Ft1 = const implique F0t = const pour tout t′ > t2 , on en déduit
que F0t sera constante pour tout t suffisamment grand.
Manifestement, une fois que les |Ω| trajectoires ont coalescé, toute information sur l’état de départ
est perdue, et on pourrait donc penser que l’on obtient à cet instant un échantillon distribué selon
la loi stationnaire. Mais c’est faux, comme on peut le voir facilement sur l’exemple de la Figure 9.2 ;
le problème est que l’observation n’est pas faite en un temps déterministe, ce qui conduit à un biais.
Cette idée n’est cependant pas à rejeter complètement, et il se trouve qu’une modification très simple
permet de la faire fonctionner.
L’idée est de ne pas chercher à coupler “dans le futur” comme on vient de le faire, mais “depuis
le passé” : on va démarrer les |Ω| chaı̂nes à un temps suffisamment reculé dans le passé, et observer
0 = f
le résultat au temps 0. Plus précisément, on sait que F−t −1 ◦ f−2 ◦ · · · f−t+1 ◦ f−t est constante
pour tout t suffisamment grand (remarquez que l’on n’exige pas que le temps auquel la coalescence de
toutes les copies a lieu soit égal à 0, mais seulement que cela ait eu lieu avant 0 ; cette différence est
cruciale).
Lemme 9.2.2. Soit M une variable aléatoire telle que F−M 0 soit constante (M peut être choisie finie,
0
Q-presque sûrement). Alors la distribution de l’unique image de F−M est précisément P.
existe Q-presque sûrement, et est Q-presque sûrement indépendante de ω (voir la Figure 9.3). De plus,
on a l’égalité suivante (presque sûrement)
0 0
F−∞ = F−M .
0
La conclusion suit, puisque, par ergodicité de la chaı̂ne de markov, la loi de l’unique image de F−∞
est la distribution stationnaire P.
Remarque 9.2.1. Il peut être utile de réaliser ce qui ne marcherait pas si l’on avait procédé “vers le
futur” : dans ce cas, il n’est pas vrai que la limite
existe. En effet, F0T (ω) 6= F0T +1 (ω) en général ! Un coup d’oeil à la Figure 9.3 peut peut-être aider.
73
9.2. SIMULATION PARFAITE
0 0
F−T (ω) = F−T ′ (ω)
−T ′ −T 0
′
F0T (ω)
F0T (ω)
0 T T′
0
Fig. 9.3 – Représentation schématique de l’évolution. Haut : couplage depuis le passé ; F−T étant constante,
0
c’est également le cas de F−T ′ , et leur unique image est identique. Bas : évolution vers le futur ;
′
F0T étant constante, F0T l’est aussi, mais il n’est plus vrai en général que leur unique image est
identique.
En résumé : si FctAleatoire() est une routine qui retourne une fonction f distribuée selon Q, alors
l’algorithme
t←0
Ft0 ← identité
répéter
t←t−1
f ← FctAleatoire()
0 ◦f
Ft0 ← Ft+1
jusqu’à Ft0 est constante
retourner l’unique valeur dans l’image de Ft0
Temps d’échantillonage. Il n’est pas nécessaire (et pas désirable du tout !) d’appliquer l’algorithme
ci-dessus pour chaque t < 0. Il suffit bien sûr de choisir une suite décroissante de temps Tk < 0,
Tk ↓ −∞, et de vérifier successivement, pour k = 1, 2, . . ., si FT0k est constante. On peut montrer que
le choix Tk = −2k est proche du choix optimal.
La dynamique sous-jacente. Bien entendu, un pas de temps dans l’algorithme ci-dessus ne cor-
respond pas nécessairement à l’application d’un pas de la chaı̂ne de Markov sous-jacente. par exemple,
dans le cas de la dynamique du bain thermique, un pas de la chaı̂ne de Markov ne modifie qu’au plus
un spin, et ne favorise donc guère la coalescence des trajectoires. Il est beaucoup plus judicieux pour
chaque pas de l’algorithme ci-dessus, d’effectuer un nombre suffisant de pas de la chaı̂ne de Markov.
Il est aussi important de bien choisir cette dynamique sous-jacente. Plus elle converge rapidement,
plus l’algorithme de couplage depuis le passé s’arrêtera rapidement. Par exemple, appliquée au modèle
d’Ising, la dynamique de bain thermique introduite précédemment converge rapidement dans le régime
74
CHAPITRE 9. ALGORITHMES DE SIMULATION
d’unicité, mais sa convergence est catastrophique dans le régime de coexistence des phases, β > βc .
Heureusement, il en existe de meilleures, au moins dans certaines situations, cf. la section 9.3.
Couplage indépendant. Le couplage utilisé ci-dessus est tel que f0 (ω) est choisie comme étant
égale à ω ′ avec probabilité qω,ω′ indépendemment pour chaque ω ∈ Ω. Le choix d’un tel couplage
indépendant entre les différentes trajectoires jusqu’à leur rencontre n’est bien entendu pas le seul
possible. En fait, on peut en général faire beaucoup mieux, en choisissant un couplage qui favorise une
coalescence plus rapide du processus. On en verra un exemple ci-dessous.
Couplage monotone. Une faiblesse de l’approche esquissée ci-dessus devrait être évidente : la
nécessité de considérer des chaı̂nes partant de chaque état de Ω peut sembler rendre cette approche
impossible à appliquer au modèle d’Ising : après tout, dans une boı̂te carrée de 500 × 500 sommets (la
taille utilisée pour les simulations de la Figure 1.4), le nombre de configurations est déjà de 2250000 ≃
1075257 ! La solution à ce problème, dans le cas du modèle d’Ising, est d’utiliser les propriétés d’ordre.
Nous avons vu, dans la sous-section 2.2.2, que l’ensemble des configurations du modèle d’Ising peut être
muni d’un ordre partiel naturel. On introduit le couplage suivant : on tire un nombre u uniformément
dans [0, 1] et un sommet i uniformément dans Λ ⋐ Zd et on définit f0 (ω) comme dans (9.1), c’est-à-dire
qu’on pose f0 (ω) = ω ′ , où ωj′ = ωj pour tout j 6= i, et
−1
1 ω̄
P
si u ≤ µ (σ
Λ;β,h i = 1 | σ k = ω k , ∀k ∼ i) = 1 + exp(−2β ω
j∼i j − 2h)
ωi′ =
−1 sinon.
Remarquez que ce couplage n’est pas du tout indépendant, puisque l’on utilise les mêmes i et u pour
toute configuration initiale ω. En observant que
X −1
1 + exp(−2β ωj − 2h)
j∼i
est une fonction croissante de ω, on constate que ce couplage possède la propriété suivante : si ω1 ≤ ω2 ,
alors f0 (ω1 ) ≤ f0 (ω2 ). Un tel couplage est dit monotone.
L’intérêt de ce couplage est qu’il suffit de comparer deux trajectoires : celles partant des configu-
rations ω ≡ 1 et ω ≡ −1 dans Λ. En effet, comme toute trajectoire partant d’une autre configuration
va toujours être prise en sandwich entre ces deux trajectoires-ci, ce seront les dernières à coalescer.
En outre, ce couplage est plus efficace que le couplage indépendant, dans le sens qu’il couple plus
rapidement des trajectoires distinctes.
75
9.3. ALGORITHMES PAR AMAS
Soit µ+
Λ;β,0 la mesure de Gibbs en volume fini du modèle d’Ising dans la boı̂te Λ, avec condition au
bord +, et paramètres β et h = 0, et soit PwE + ;p ,2 la mesure FK associée.
Λ β
Considérons les algorithmes suivants :
Entrées : une configuration ω ∈ Ω+ +
Λ tirée selon la mesure µΛ;β,0
pour chaque arête e = {i, j} de EΛ+ faire
si ωi 6= ωj alors
ηe ← 0
sinon
u ← Uniforme([0, 1])
si u < pβ alors
ηe ← 1
sinon
ηe ← 0
fin
fin
fin
retourner la configuration η ∈ ΩFK
E + ,wΛ
Lemme 9.3.1. La configuration η retournée par le premier algorithme est distribuée selon PwE + ;p ,
Λ β ,2
et la configuration ω retournée par le second algorithme est distribuée selon µ+
Λ;β,0 .
Démonstration. Le lemme 9.3.1 montre que si la configuration ω est distribuée selon µ+ Λ;β,0 , alors
c’est encore le cas pour la configuration ω ′ , donc µ+ Λ;β,0 est bien une mesure stationnaire de la chaı̂ne.
′
Puisque n’importe quelle configuration ω (compatible avec la condition au bord) peut être atteinte
en une étape (ceci est possible, par exemple, si toutes les arêtes de la configuration intermédiaire η
sont fermées), la chaı̂ne est irréductible et apériodique, et donc ergodique.
Les grands avantages de cette dynamique par rapport à celle du bain thermique sont sa nature
non-locale, qui lui permet de se déplacer plus rapidement dans l’espace des configurations, et le fait
76
CHAPITRE 9. ALGORITHMES DE SIMULATION
qu’elle ne distingue pas les différentes phases d’équilibre et fonctionne ainsi très efficacement même
dans le régime de coexistence des phases, β > βc .
Remarque 9.3.1. Une limitation de cette approche est liée à la condition au bord. S’il est bien entendu
possible de traiter également les conditions au bord −, libre et périodique, il n’en est pas de même
pour des conditions au bord générales ω̄, car celles-ci induisent en général des contraintes sur les
connections autorisées à l’intérieur de Λ (si ω̄i 6= ω̄j , alors il ne peut pas y avoir d’amas connectant i
à j).
Remarque 9.3.2. Malgré le caractère non-monotone de cette dynamique, il est tout de même possible
de l’utiliser dans une approche “couplage depuis le passé”, en utilisant une technique dite de chaı̂ne
dominante (bounding chain, en anglais) afin de détecter le moment de la coalescence [26]. Nous ne discu-
terons pas de cette technique ici. C’est cette méthode qui a été utilisée pour obtenir les configurations
de la Fig. 1.4.
77
9.3. ALGORITHMES PAR AMAS
78
Annexe A
Appendices techniques
Dans cette section, nous démontrons les inégalités de corrélation utilisées dans les chapitres pré-
cédents.
Il est plus naturel de les énoncer dans un cadre un peu plus général que celui introduit précédem-
ment.
Soit Λ ⋐ Zd , et J = (JA )A⊆Λ , une famille de nombres réels. On considère la mesure de probabilité
suivante sur (ΩΛ , FΛ ) :
déf 1 X
νΛ;J (ω) = exp{ JC ωC } ,
ZΛ;J
C⊆Λ
Q
où l’on a utilisé la notation ωC = i∈C ωi .
per
Remarque A.1.1. Les mesures µ+ ∅
Λ;β,h , µΛ;β,h et µΛ;β,h peuvent être mises sous la forme ci-dessus, avec
JC ≥ 0, ∀C ⊆ Λ, si h ≥ 0. Par exemple, pour la condition au bord +, il suffit de prendre
h + β · # {j 6∈ Λ : j ∼ i} si C = {i} ⊆ Λ,
JC = β si C = {i, j} ⊆ Λ, i ∼ j
0 sinon.
Théorème A.1.1. Soient J = (JC )C⊆Λ et J′ = (JC′ )C⊆Λ tels que JC ≥ |JC′ | (en particulier JC ≥ 0),
pour tout C ⊆ Λ. Alors, pour tout A, B ⊆ Λ,
Démonstration. Manifestement la fonction de partition ZΛ;J est strictement positive. Il suffit donc de
79
A.1. PREUVE DES INÉGALITÉS DE CORRÉLATION
déf
En introduisant les variables ωi′′ = ωi ωi′ = ωi′ /ωi , on obtient
X Y ′
X Y ′′
′ ′′
ωA (ωB − ωB ) eJC (ωC +ωC ) = ωA ωB (1 − ωB ) eJC (1+ωC )ωC
ω,ω ′ C⊆Λ ω,ω ′′ C⊆Λ
X X Y ′′
′′
= (1 − ωB ) ωA ωB eJC (1+ωC )ωC .
ω ′′ ω C⊆Λ
80
ANNEXE A. APPENDICES TECHNIQUES
Théorème A.1.2. Soit µ = µ1 ⊗ . . . ⊗ µn une mesure produit sur B(Ξn ). Soient f1 , . . . , f4 des
fonctions µ-intégrables, positives, sur Ξn , telles que
Alors,
hf1 iµ hf2 iµ ≤ hf3 iµ hf4 iµ .
P
= ehs+β j6∈Λ,j∼i ω̄j s , s = ±1, pour
Pour le modèle d’Ising, Ξ = {−1, 1}. En choisissant µi (σi = s) N
ω̄
tout i ∈ Λ, et notant p la densité de µΛ;β,h par rapport à µ = i∈Λ µi , on voit que le théorème
précédent appliqué aux fonctions
f1 (ω) = p(ω)f (ω), f2 (ω) = p(ω)g(ω), f3 (ω) = p(ω), f4 (ω) = p(ω)f (ω)g(ω),
(f et g peuvent être supposées positives sans perte de généralité, sinon il suffit de leur ajouter une
constante, ce qui ne change pas leur covariance) implique (2.4) pourvu que
Or, puisque X
p(ω) ∝ exp β ωi ωj ,
i,j∈Λ
i∼j
ωi ωj + ωi′ ωj′ ≤ (ωi ∨ ωi′ )(ωj ∨ ωj′ ) + (ωi ∧ ωi′ )(ωj ∧ ωj′ ) ,
ce qui se voit immédiatement sur les 16 cas possibles (en fait, moins en utilisant les symétries présentes).
Il reste donc à démontrer le Théorème A.1.2.
Démonstration du Théorème A.1.2. L’idée est la suivante. Écrivons x = (X, u) et y = (Y, v), où
X = (x1 , . . . , xn−1 ) et Y = (y1 , . . . , yn−1 ). On va montrer que l’inégalité
implique l’inégalité
f˜1 (X)f˜2 (Y ) ≤ f˜3 (X ∧ Y )f˜4 (X ∨ Y ), (A.5)
où f˜i = hfi (X, · )iµn , la moyenne étant prise sur la dernière coordonnée. Par conséquent, en appliquant
cet argument n fois, on obtient l’inégalité recherchée.
Le membre de gauche de (A.5) peut s’écrire
hf1 (X, u)f2 (Y, v)iµn ⊗µn = h1{u=v} f1 (X, u)f2 (Y, v)iµn ⊗µn
+ h1{u<v} (f1 (X, u)f2 (Y, v) + f1 (X, v)f2 (Y, u))iµn ⊗µn .
1 déf déf
On utilise les notations standards a ∨ b = max(a, b) et a ∧ b = min(a, b).
81
A.2. FONCTIONS CONVEXES
On voit donc que lorsque u = v, l’inégalité (A.4) donne immédiatement le résultat désiré. Lorsque
déf déf déf déf
u < v, on pose A = f1 (X, u)f2 (Y, v), B = f1 (X, v)f2 (Y, u), C = f3 (X ∧ Y, u)f4 (X ∨ Y, v) et D =
f3 (X ∧ Y, v)f4 (X ∨ Y, u). Il suffit alors d’observer que (A.4) implique que A ≤ C, B ≤ C et
(A.5) sera donc établie si l’on peut montrer que A + B ≤ C + D. Mais ceci est évident puisque
et décroissante si (−am,n )m,n≥1 est croissante. La double suite est dite bornée supérieurement (resp.
inférieurement) s’il existe C < ∞ telle que am,n ≤ C (resp. am,n ≥ −C), pour tout m, n ≥ 1.
Lemme A.3.1. Soit am,n une double suite croissante et bornée supérieurement. Alors
lim lim am,n = lim lim am,n = lim am,n = sup {am,n : m, n ≥ 1} .
m→∞ n→∞ n→∞ m→∞ m,n→∞
Le même résultat est vrai lorsque la double suite est décroissante est bornée inférieurement.
82
ANNEXE A. APPENDICES TECHNIQUES
Démonstration. am,n étant bornée, le supremum s = supm,n am,n existe. Soit ǫ > 0. Il existe m0 , n0
tels que am0 ,n0 ≥ s − ǫ. (am,n ) étant croissante, on en déduit que
s ≥ am,n ≥ s − ǫ, ∀m ≥ m0 , n ≥ n0 .
|am,n − s| ≤ 2ǫ , ∀m ≥ m1 , n ≥ n1 .
|am,n − sm | ≤ 2ǫ , ∀n ≥ n2 (m).
Par conséquent,
|sm − s| ≤ ǫ, ∀m ≥ m1 ,
ce qui implique que limm→∞ sm = s. On a donc montré que
Lemme A.4.1. Soit (an )n≥1 une suite de réels positifs satisfaisant la condition suivante de sous-
additivité :
an+m ≤ an + am , ∀m, n ≥ 1.
Alors,
an an
lim = inf .
n→∞ n n≥1 n
Démonstration. Soit ℓ =inf n≥1 { ann } ≥ 0. On fixe ǫ > 0, et on choisit K tel que | aKK − ℓ| ≤ 21 ǫ.
En posant R = max aKn : n < K , et on choisissant M suffisamment grand pour que R/M ≤ 21 ǫ,
on garantit que ManK ≤ 12 ǫ, pour tout n < K.
On pose N = M K, et on considère un n ≥ N arbitraire. On décompose n = sK + r, avec
0 ≤ r < K. Alors
an saK ar aK ar
ℓ≤ ≤ + ≤ + ≤ (ℓ + 21 ǫ) + 12 ǫ.
n sK + r sK + r K MK
Par conséquent, | ann − ℓ| ≤ ǫ, pour tout n ≥ N , et l’affirmation suit.
Remarque A.4.1. Il existe de nombreuses extensions de ce résultat (autorisant, par exemple, à avoir
un terme supplémentaire dans le membre de droite de la condition de sous-additivité, dépendant de
m ou de m + n, pourvu qu’il ne croisse pas trop rapidement).
83
A.4. SOUS-ADDITIVITÉ
84
Annexe B
Exercices
Dans ce chapitre sont regroupés divers exercices complétant et (espérons-le) clarifiant les notions
données au cours.
♦ ♦ ♦
per
Exercice 1. On considère le modèle d’Ising en dimension 2 sur le graphe (VN , EN ), où VN =
2
{1, . . . , N } . Calculez
X X
lim hN −2 σi iN ;β=0,h , et lim hN −2 σi iN ;β=∞,h .
N →∞ N →∞
i∈VN i∈VN
♦ ♦ ♦
Exercice 2. On considère le modèle d’Ising en dimension 2 sur le graphe (V2 , E2per ), où V2 = {1, 2}2
Calculez explicitement X
h| 14 σi |i2;β,h .
i∈V2
1P P
Esquissez les graphe de h| 4 i∈V2 σi |i2;β,h=0 (comme fonction de β) et h| 41 i∈V2 σi |i2;β=1,h (comme
fonction de h).
♦ ♦ ♦
per
Exercice 3. i) On considère le modèle d’Ising sur le graphe (VN , EN ), où VN = {1, . . . , N }d . Montrez
que la propriété de Markov est satisfaite, c’est-à-dire que, pour tout s ∈ ΩN ,
P
exp si (h + β j∼i sj )
µN ;β (σi = si | σj = sj , ∀j 6= i) = P P .
exp h + β j∼i sj + exp −h − β j∼i sj
♦ ♦ ♦
P
Exercice 4. Montrer que les fonctions suivantes sont croissantes : ni , nA , i∈A ni − nA (i ∈ Zd ,
A ⋐ Zd ).
85
♦ ♦ ♦
per 1 per
fN (β, h) = log ZN ;β,h .
N
♦ ♦ ♦
Exercice 6. Le but de cet exercice est d’étudier le modèle d’Ising sur le graphe complet. Soit Ωn =
{−1, 1}n , et σi : Ω → {−1, 1}, σi (ω) = ωi l’ensemble des spins associés. L’Hamiltonien Hn : Ωn → R
est donné par
n n n
β XX X
Hn;β,h = − σi σj − h σi .
2n
i=1 j=1 i=1
86
ANNEXE B. EXERCICES
√ 1
iii) Utiliser la formule de Stirling : n! = 2πnn+ 2 e−n (1 + O( n1 )), pour montrer qu’il existe 0 <
c1 , c2 < ∞ telles que
−1/2 ns(xk ) n
c1 n e ≤ ≤ c2 n1/2 ens(xk ) , (B.1)
k
2k
uniformément en xk = −1 + n ∈ [−1, 1]. En déduire que
X nβ 2
c1 n−1/2 enf (xk ) ≤ e 2 mn (ω) +nhmn (ω) ≤ c2 n1/2 enf (xk ) . (B.2)
ω:mn (ω)=xk
En déduire que la loi des grands nombres pour l’aimantation est vérifiée lorsque h 6= 0, et lorsque
h = 0 et β ≤ 1, mais qu’elle est violée lorsque h = 0 et β > 1.
vii) Esquissez le graphe de l’aimantation du système infini comme fonction de h lorsque β ≤ 1 et
lorsque β > 1.
♦ ♦ ♦
♦ ♦ ♦
Exercice 8. Soit Λ un sous-ensemble fini de Zd , et J = (JA )A⊆Λ , une famille de nombres réels
positifs. On considère la mesure de probabilité suivante sur (ΩΛ , FΛ ) :
1 X
νΛ;J (ω) = exp{ JC ωC } ,
ZΛ;J
C⊆Λ
Q
où l’on a utilisé la notation ωC = i∈C ωi . Une version générale des inégalités GKS est valable pour
cette classe de mesures (cf. Théorème A.1.1). En particulier,
hσA iνΛ;J ≥ 0 , hσA σB iνΛ;J ≥ hσA iνΛ;J hσB iνΛ;J ,
pour tout A, B ⊆ Λ.
87
i) En déduire que hσA iνΛ;J est croissante en JB , pour tout A, B ⊆ Λ.
ii) Montrer que la mesure de Gibbs du modèle d’Ising avec conditions au bord + ou libre, et
paramètres β ≥ 0 et h ≥ 0, peut s’écrire sous cette forme pour des choix appropriés de J.
iii) Montrer que la suite de mesures µ∅Λ converge lorsque Λ ↑ Zd , et que la mesure limite est invariante
sous les translations.
iv) Soit h ≥ 0. Montrer que hσA i+
β,h est une fonction croissante de la dimension du réseau.
v) Soit h ≥ 0. Montrer que hσ0 i+ ∅
β,h est continue à droite comme fonction de β, et que hσ0 iβ,h est
continue à gauche comme fonction de β. (Indication : utiliser le Lemme A.3.1.)
♦ ♦ ♦
♦ ♦ ♦
♦ ♦ ♦
Exercice 11. Vérifier que les valeurs (complexes) du champ magnétique h pour lesquelles l’énergie
libre du modèle d’Ising unidimensionnel (calculée dans l’Exercice 5) est singulière sont toutes purement
imaginaires, et qu’elles tendent de 0 lorsque β → +∞.
♦ ♦ ♦
déf déf
Exercice 12. Montrer que les mesures limites P∅p,q = limΛ↑Zd P∅Λ;p,q et Pwp,q = limΛ↑Zd PwΛ;p,q existent,
sont indépendantes de la suite Λ ↑ Zd choisie, et sont invariantes sous l’action du groupe des transla-
tions de Zd .
♦ ♦ ♦
déf
Exercice 13. Soient β ∈ [0, ∞] et pβ = 1 − e−2β . Montrer que, pour tout i, j ∈ Λ,
hσi σj i+ w
Λ;β,0 = PE + ;p (i ↔ j).
Λ β ,2
hσB i+ w
Λ;β,0 = PE + ;p (|B ∩ C| est pair pour tout amas fini C).
Λ β ,2
♦ ♦ ♦
♦ ♦ ♦
88
ANNEXE B. EXERCICES
♦ ♦ ♦
♦ ♦ ♦
Exercice 17. Montrer qu’en dimension 2, pour tout β > βc , il existe K = K(β) tel que
lim µ+
Λn ;β,0 (il existe un contour de diamètre supérieur à K log n) = 0,
n→∞
où, Λn = {−n, . . . , n}2 . On admettra la validité de l’hypothèse Hpβ ,q (cf. p. 51) pour le modèle d’Ising
avec β < βc . (Idée : passer à la représentation FK et utiliser la dualité ; que peut-on dire de l’état des
arêtes d’un contour dans la configuration FK duale associée ?).
♦ ♦ ♦
Exercice 18. Donner une preuve alternative de l’unicité de la mesure de Gibbs du modèle d’Ising
en volume infini lorsque h 6= 0, en utilisant la concavité de l’aimantation pour h ≥ 0 qui suit de
l’inégalité GHS. (Idée : la concavité implique la continuité ; on conclut en utilisant les résultats établis
au chapitre 3.)
♦ ♦ ♦
Exercice 19. Démontrer que la masse ξβ du modèle d’Ising est une fonction convexe sur Rd . En
déduire qu’il s’agit d’une norme sur Rd lorsque β < βc .
89
90
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