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LA POESIE ET SES PRINCIPALES FONCTIONS

INTRODUCTION
On distingue trois grands genres littéraires : le roman, le théâtre et la poésie.
Ce dernier nommé est un art du langage permettant de suggérer, avec harmonie et
régularité, une infinité d'images, de sensations, d'état d'âme et d'esprit. Pour
beaucoup en tout cas, être poète n'est pas donné à n'importe qui car le poème
semble dicté par un génie (humain ou divin). Il est difficile de définir la poésie
tant le genre est complexe. Cette difficulté découle du fait qu’elle s’adresse au
cœur et non à la raison, en dehors du constat que chaque poète a sa propre
conception du genre. Cependant on peut retenir que c’est un genre littéraire
associé à la versification et soumis à des règles particulières, variables selon
les cultures et les époques, mais tendant toujours à mettre en valeur le rythme,
l'harmonie et les images. La poésie a toujours été aussi un moyen de suggérer ou
d’exprimer des sentiments, une idéologie ou une vision propre au poète. Le Larousse
propose d’ailleurs la définition suivante : C’est l’art de combiner les sonorités,
les rythmes, les mots d’une langue pour suggérer des sensations, des émotions. En
poésie, l’importance est orientée vers la « forme », vers le signifiant. C’est donc
un genre où la forme constitue l’élément prédominant. La poésie ne se définit donc
pas par des thèmes particuliers mais par le soin majeur apporté à la forme. C’est
pourquoi Le Robert affirme que la poésie est un art du langage généralement associé
à la versification et visant à exprimer ou à suggérer les états d’âme, les
sensations au moyen de combinaison verbale où le rythme, l’harmonie et l’image ont
autant ou parfois plus d’importance que le contenu intelligible lui-même. La poésie
a connu beaucoup d’autres fonctions au cours de son histoire.
I-) LA FONCTION LYRIQUE OU SENTIMENTALE
La poésie du moi, caractérisée entre autres par les épanchements sentimentaux et
l'utilisation surabondante du moi, est un moyen privilégié d'expression des
sentiments. Le poète peut se confier, extérioriser son mal-être. Ici, la poésie
devient un moyen de confession, de révélation des sentiments personnels. Elle
devient un puissant moyen de se soulager des passions violentes, des tourments du
cœur. Grâce à la méditation de l’art, le poète expurge des passions personnelles.
C’est ce qui fait dire à LAMARTINE « je n’imitais plus personne, je m’exprimais
moi- même pour moi-même. Ce n’était plus un art, c’était un soulagement de mon
propre cœur, qui se berçait dans ses propres sanglots. Ces vers étaient un
gémissement ou un cri de l’âme ». Ainsi, à travers l’expression du lyrisme
personnel, le poète met en forme les sentiments qu’il éprouve au fond du cœur. Il
révèle ce qu’il ressent, ce sentiment prisonnier au fond de l’âme. Cependant, cette
poésie lyrique peut avoir une dimension didactique : car à travers l’expression du
lyrisme personnel le poète se fait l’écho sonore de tous les sentiments humains. En
exprimant ses propres sentiments, le poète offre au lecteur un miroir d’optique
introspectif dans lequel celui-ci se reconnait. Alors, ici, l’expression lyrique
des sentiments prend la forme d’une communion avec tous ceux qui souffrent.
Certains artistes ont l'habitude de relater dans leurs écrits des événements
relatifs à leur propre vie très souvent liés à leurs peines personnelles. Certains
humanistes (RONSARD), des surréalistes (ÉLUARD), des symbolistes (VERLAINE) et
surtout les romantiques lyriques (MUSSET) se servent alors du poème comme cadre
privilégié d'expression d'un désir, d'un idéal, d'une thérapie contre la souffrance
humaine. Siège des sentiments, le cœur devient ainsi la source principale d'une
inspiration féconde. C'est une des raisons pour lesquelles Musset
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DOCUMENT CONFECTIONNE PAR MONSIEUR NDOUR / TEL. 77-621-80-97 / 77-993-41-41

s'exclamait : « Ah ! frappe-toi le cœur ! C'est là qu'est le génie ». Cette


extériorisation de la peine rend le fardeau de la souffrance moins pesant ; c'est
pourquoi LAMARTINE avouait que, pour lui, s'adonner à la poésie, « ce n'était pas
un art, mais un soulagement de mon cœur ». Des détracteurs les ont cependant
qualifiés d'égoïstes mais certains, à l'instar de Victor HUGO, s'en sont montrés
fiers ou s'en sont défendus ; dans sa fameuse préface des Contemplations (1856), il
écrit : « ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne... On se plaint quelques
fois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas !
quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ?
Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi ».
II-) LA FONCTION DIDACTIQUE OU MORALISTE
''Didactique'' est l'adjectif relatif à tout ce qui se rattache à l'enseignement, à
l'éducation. En effet, nombreux sont ceux qui croient fermement qu'un poème est
illicite si elle ne prodigue pas de leçons de morale (explicites ou implicites)
destinées à instruire les lecteurs avides de connaissances. Les siècles les plus
représentatifs de cette orientation à la fois artistique et moraliste sont le XVI
ème avec les écrivains de la Renaissance, de l'humanisme, mais aussi et surtout le
XVII ème, période pendant laquelle les classiques considèrent comme inutile tout
poème qui n'attache aucun prix aux leçons à en tirer. L'assimilation de celles-ci
permet ainsi de se prémunir des surprises désagréables dont les trompeurs sont
auteurs, parce qu'on a été ignorant, crédule, négligeant. À titre illustratif, Jean
de La Fontaine emploie un sous-genre de la poésie appelé la fable, tantôt pour
démasquer les hypocrites qui usent de ruse pour parvenir à leurs mesquineries,
tantôt pour soigner nos comportements pas très catholiques vis-à-vis de nos
semblables. Le fabuliste a écrit lui-même dans la préface de son célèbre recueil
apparemment enfantin : « Je me sers d'animaux pour instruire les hommes ».
III-) LA FONCTION ENGAGÉE OU MILITANTE
On dit d'un écrivain qu'il est engagé lorsqu'il emploie la plume pour se révéler
incapable de rester les yeux fermés ou de garder les bras croisés devant tout ce
qui lui paraît injuste, nonobstant les nombreux risques, allant des moindres aux
pires. La poésie engagée désigne des œuvres dans lesquelles le poète prend position
et met son art au service d’une cause (qu’elle soit politique, morale, sociale...).
Le poète engagé défend, dénonce, révèle, témoigne dans le but d’éveiller les
consciences et de pousser à l’action. Le plus souvent, la poésie engagée apparaît
dans des contextes de tensions politiques : Agrippa d’AUBIGNE écrit Les Tragiques
(1616) pour dénoncer les exactions commises par les catholiques durant les guerres
de religion, Hugo compose Les Châtiments (1853) pour défendre la démocratie contre
le régime autoritaire de NAPOLEON III, Éluard publie l’anthologie intitulée
L’Honneur des poètes (1943) pour prendre le parti de la Résistance contre
l’oppression allemande. En Afrique, les poèmes de CESAIRE, SENGHOR et de Damas dans
le cadre de la Négritude luttent en faveur des populations colonisées en
revalorisant les cultures noires, et en rejetant la culture occidentale. Mais, plus
largement, la poésie engagée englobe tout texte poétique manifestant une dimension
contestataire ou polémique. Ainsi, le genre de la satire, qui critique les défauts
des hommes et dénonce leurs ridicules, relève à bien des égards, de la poésie
engagée. Lorsque VERLAINE écrit « Monsieur Prudhomme », il ne cherche pas seulement
à faire rire son lecteur, mais vise aussi à dénoncer l’ordre social établi et le
bon goût bourgeois. Malheur aux forts qui pensent qu'en bâillonnant le messager,
ils étoufferont le message ! Aussi, certains poètes jugent-ils inadéquat de parler
de soi alors qu'il y a plus urgent. Ces poètes croient absolument qu'une œuvre
poétique vraiment digne de ce nom doit prendre la défense du peuple composé de
classes sociales au bas de l'échelle ou encore de groupes raciaux opprimés. C'est
pourquoi HUGO disait : « l'art n'est pas un ornement mais un instrument ». Le poème
possède subitement le pouvoir d'une arme qui crache le feu sur les méchants. C'est
l'exemple des humanistes pendant les guerres de religion, de romantiques engagés à
l'encontre de lois inhumaines ou antidémocratiques, de certains surréalistes
opposés à l'occupation de la France par l'Allemagne nazie, de poètes nègres
contestataires du système colonial instauré par le monde occidental. Pour ce
dernier cas, dans Cahier d'un retour au pays natal (1939), Aimé CESAIRE dénonce
ouvertement les horreurs de la fallacieuse mission civilisatrice et pacificatrice
de la colonisation qui, en réalité, n'est rien d'autre que la prolongation d'un
esclavage modernisé qu'on n'a même pas le droit d'appeler ''commerce'' : ils
apportent (des pacotilles ou des découvertes scientifiques) moins qu'ils
n'emportent (des hommes valides ou des matières premières).
IV-) LA FONCTION ESTHÉTIQUE OU ORNEMENTALE
Il y a également des écrivains qui refusent catégoriquement de vouer à la poésie un
culte autre que celui de l'art en question, du verbe en particulier. Pour les uns,
même si le message qui circule dans le poème est important, il passera pour
médiocre lorsque la conception est négligée. La poésie didactique fut cependant
souvent critiquée, en particulier par ceux qui considéraient qu’elle détourne la
poésie de son véritable objet, comme BAUDELAIRE qui affirme : « La poésie ne peut
pas, sous peine de mort et de défaillance, s’assimiler à la science ou à la
morale ; elle n’a pas la vérité pour objet, elle n’a qu’elle-même. » Ainsi,
certains poètes ont défendu l’idée que la poésie
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n’avait pour seule fin que la recherche de la beauté formelle. Sa fonction ne peut
alors être qu’esthétique car « Tout ce qui est utile est laid » comme l’affirme
GAUTIER qui ajoute par ailleurs dans un poème intitulé « L’Art », que seule la
beauté formelle résiste à l’oubli : « Tout passe. – L’art robuste seul a
l’éternité. Le buste survit à la cité », dit-il. Ainsi, la poésie a rempli des
fonctions très diverses au cours des siècles, au point d’être parfois investie de
missions contradictoires : la poésie est-elle une fin en soi, ou n’est-elle qu’un
moyen au service d’une cause ? En tout cas, les classiques en sont persuadés. C'est
pour cette raison que BOILEAU, dans son Art poétique (1674), disait : « Sans la
langue en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant
écrivain ». Pour d'autres qui pousseront le bouchon plus loin, la beauté
(esthétique et thématique) doit être prioritaire pour le poète. Celui qui est le
plus parfait pour eux, c'est celui qui accorde au vers plus de transpiration que
d'inspiration. Ces promoteurs de "l'art pour l'art" sont les parnassiens. Pour
d'autres encore, les symbolistes d'abord, les surréalistes plus encore, il faut
exploiter davantage les ressources de la langue, être même capable de passer par un
sujet qui inspire l'horreur, le dégoût car lié à la laideur, pour parvenir à cette
beauté presque informe.
V-) LA POESIE EVASIVE
La poésie est un moyen pour le poète et pour le lecteur de fuir la vie de tous les
jours, d'oublier tout le reste et de s'envoler vers un autre monde. Dans
l'Invitation au voyage, du recueil Les Fleurs du Mal BAUDELAIRE convie le lecteur à
un voyage dans un monde idéal. On peut lire : « Là, tout n'est qu'ordre et
beauté, /Luxe, calme et volupté » Le poète s'évade et fait évader le lecteur grâce
au rêve, à l'idéal, à cette idée qu'il existe quelque part un monde idéal que l'on
ne retrouve que dans les poèmes. Il fait évader le lecteur en même temps, en lui
faisant partager son rêve, son idéal. Le lecteur s'imagine ce monde et pendant
l'instant du poème, il part dans un rêve tout comme le poète. C'est un lieu de
rêve, doux, mystérieux... Baudelaire, déchiré entre le Spleen et l'aspiration à
l'Idéal dans « Élévation » écrivait parlant à son esprit : « Envole-toi bien loin
de ces miasmes morbides ». S'éloigner d'un monde hostile et de la condition humaine
CONCLUSION
En un mot, on peut encore et toujours dénombrer à la poésie d'autres vocations à
travers par exemple la poésie épique, dramatique, ludique ... Toutefois, ces quatre
que nous venons d'évoquer sont les plus récurrentes. En outre, la frontière n'est
pas aussi étanche qu'on pourrait le croire ; elle est plutôt très poreuse car un
seul texte peut bien posséder deux ou plusieurs fonctions à la fois. Donc, bien
souvent, le poème est tout à la fois : une pharmacie pour les uns (fonction lyrique
ou sentimentale), une salle de classe pour d'autres (fonction didactique ou
moraliste), un champ de bataille pour la plupart (fonction engagée ou militante),
un musée des Beaux-arts pour certains (fonction esthétique ou ornementale)

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