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LES DIFFÉRENTS TYPES DE DÉMONSTRATIONS 35

7. Les différents types de démonstrations


En mathématiques, une démonstration est un raisonnement qui permet, à partir de
certains axiomes, d'établir qu'une assertion est nécessairement vraie.
Les démonstrations utilisent la logique mais incluent habituellement des éléments du
langage naturel en évitant tant que possible d'introduire des ambiguïtés.
Un résultat qui est démontré s'appelle un théorème. Une fois le théorème démontré, il
peut être utilisé comme base pour démontrer d'autres assertions.
Une assertion qui est supposée vraie mais qui n'a pas encore été démontrée est appelée
une conjecture.

7.1. Un peu de logique


En mathématiques, une proposition est un énoncé mathématique, susceptible d'être
démontré ou réfuté, pour lequel il fait sens de parler de vérité.

La logique est basée sur le principe de non-contradiction. Ce principe dit qu'une


Le principe de non-
proposition ne peut pas être vraie et fausse à la fois.
contradiction
Le principe du tiers exclu stipule que si une proposition n'est pas vraie, alors elle est
Le principe du tiers
fausse (ou que si elle n'est pas fausse, alors elle est vraie).
exclu Ce principe est vrai pour la plupart des propositions, bien qu'il y ait des expressions qui
ne vérifient pas le principe du tiers exclu. Cité par Paul de Tarse (Saint Paul) dans le
Nouveau Testament, le paradoxe du menteur sert de base au développement de la
logique :

Épiménide (un Crétois) dit : « Tous les Crétois sont des menteurs. »

Si Épiménide dit la vérité, il ment puisqu'il est crétois. Donc, tous les Crétois ne sont
pas des menteurs. S'il ment, au contraire, en affirmant cela, alors il dit effectivement la
vérité. Sa proposition est à la fois vraie et fausse, c'est-à-dire contradictoire.

Lorsqu'on a deux propositions P et Q, on écrit P ⇒ Q pour dire que l'expression P


L'implication
implique l'expression Q. Dans ce cas, P est l'hypothèse et Q est la conclusion.
Il y a différentes façons de lire P ⇒ Q :
• si la proposition P est vraie, alors la proposition Q est vraie (si P, alors Q) ;
• la proposition Q est vraie si la proposition P est vraie (Q si P) ;
• la proposition P est vraie seulement si la proposition Q est vraie (P seulement
si Q).

Exemple
Le quadrilatère ABCD est un carré ⇒ ABCD est un parallélogramme.

On dit que :
• ABCD est un carré est une condition suffisante pour que ABCD soit un
parallélogramme ;
• ABCD est un parallélogramme est une condition nécessaire pour que ABCD
soit un carré.
On peut remarquer que :
• ABCD est un parallélogramme n'est pas une condition suffisante pour que
ABCD soit un carré ;
• ABCD est un carré n'est pas une condition nécessaire pour que ABCD soit un
parallélogramme.

Didier Müller, 2021 Renforcement


36 CHAPITRE 7

La réciproque d'une implication P ⇒ Q est l'implication P ⇐Q .


La réciproque
Dans l'exemple ci-dessus, on peut dire que l'implication « si ABCD est un carré alors
ABCD est un parallélogramme » est une implication juste mais que sa réciproque est
fausse.

Lorsqu'on a deux propositions P et Q telles que P ⇒Q et P ⇐Q , on écrit P ⇔Q et on


L'équivalence
dit que la proposition P est équivalente à la proposition Q.
Au lieu de dire que P est équivalent à Q, on peut aussi dire P si et seulement si Q
(abrégé P ssi Q).

Exemple
ABC est un triangle rectangle en A ⇔ AB2 + AC2 = BC2

Si P est une proposition, alors sa proposition contraire (ou négation) est notée non P,
Le contraire d'une ¬P ou ~P.
expression bien
formée Question
D'après vous, quelle est la négation de « Tous les Crétois sont des menteurs »?
a) Tous les Crétois disent la vérité.
b) Les Crétois disent quelquefois la vérité.
c) Il existe au moins un Crétois qui dit parfois la vérité.

7.2. Démonstration directe


La démonstration directe consiste à démontrer la proposition énoncée (par exemple un
théorème) en partant directement des hypothèses données et en arrivant à la conclusion
par une suite d'implications logiques.

Exemple Soit n un nombre entier positif ou nul ( n ∈ℕ ) et considérons P(n) = n2 + 7n + 12. Alors
il n'existe pas de n tel √ P (n)∈ℕ .

Démonstration Pour tout n, on a :


n2 + 6n + 9 < n2 + 7n + l2 < n2 + 8n + 16,
d'où (n+3) 2 < P(n) < (n+4) 2.
Puisque n+3 > 0, on déduit que n+3 < √ P (n) < n+4.

Donc √ P (n)∉ℕ , puisqu'il est strictement compris entre deux entiers consécutifs.

Exercice 7.1 Utilisez le dessin ci-dessous pour démontrer le théorème de Pythagore :

Le mathématicien américain
Elisha Scott Loomis (1852-
1940) proposa 370
démonstrations du théorème de
Pythagore dans la seconde
édition de son livre publié en
1940 « The Pythagorean
proposition ».

Renforcement Didier Müller, 2021


LES DIFFÉRENTS TYPES DE DÉMONSTRATIONS 37

Exercice 7.2 Le triangle ABC est rectangle en A.


La hauteur issue de A coupe le segment [BC] en H.
Le point I est le milieu du segment [HB] et le point J, le milieu du segment [AH].
Démontrez que les droites (CJ) et (AI) sont perpendiculaires.
Indications : Dans un triangle, la droite qui relie les 2 milieux de 2 côtés est parallèle au
3ème côté (facile à démontrer).
Les trois hauteurs d’un triangle se coupent en une seul point.

Exercice 7.3 Un (m ; n)-crocodile est une pièce d'échecs féerique qui,


en un coup, peut avancer de m cases dans une direction
(horizontale ou verticale) puis de n cases dans la
direction perpendiculaire. On dira que m et n sont
strictement positifs. Un (2 ; 1)-crocodile est donc le
cavalier du jeu d'échecs ordinaire (voir schéma ci-
contre).
Montrez que, pour n'importe quels entiers m et n, on
peut colorier les cases d'un échiquier infini en noir et
blanc de sorte que deux cases reliées par un saut de (m ; n)-crocodile soient toujours de
couleurs différentes.
Indication : étudiez la parité de m et n.

Exercice 7.4 Démontrez que pour tout nombre premier p supérieur à 3, il existe un entier m tel que
p2 = 24m + 1.

Exercice 7.5 Un entier est un multiple de 3 si la somme des chiffres qui le composent est aussi un
multiple de 3. Démontrez cette affirmation !

7.3. Démonstration par la contraposée


La contraposée d'une implication P ⇒ Q est l'implication ¬Q⇒ ¬ P .
La contraposée
Exemple
La contraposée de :
« Si le quadrilatère ABCD est un carré, alors ABCD est un parallélogramme »
est :
« Si ABCD n'est pas un parallélogramme, alors ABCD n'est pas un carré ».

Théorème
P ⇒Q ⇔ ¬Q ⇒ ¬P

Ce théorème signifie que l'on peut prouver que P implique Q en démontrant que non Q
implique non P (et vice versa).

Exercice 7.6 Énoncez les contraposées des propositions suivantes :


a) Si j'ai mon cours de piano hebdomadaire, alors c'est lundi.
b) Ceux qui parlent ne savent pas.
c) Si le dernier chiffre d'un nombre entier n est 2, 3, 7 ou 8, alors n n'est pas le
carré d'un entier.

Exercice 7.7 Démontrez les propositions suivantes par la contraposée :


a) Si x est un nombre réel tel que x2 < 1 alors x > -1.
b) Si x est un nombre réel tel que x3 + x2 - 2x < 0 alors x < 1.
c) Si n2 est impair, alors n est impair.

Didier Müller, 2021 Renforcement


38 CHAPITRE 7

7.4. Démonstration par l'absurde


Elle consiste à supposer le contraire de la proposition énoncée et de montrer qu'on
aboutit alors à une contradiction (impossibilité).

Exemple Comme exemple, nous démontrerons que √ 2 n'est pas un nombre rationnel. Rappelez-
vous qu'un nombre rationnel est un nombre qui peut être exprimé sous la forme a/b, où
a et b sont des nombres entiers et b est différent de 0.
Tout d'abord, supposons que √ 2 est rationnel :

√ 2= ab

où a et b sont premiers entre eux (i.e. les deux entiers n'ont pas de facteurs en commun).
En d'autres mots, a/b est sous forme irréductible. Continuons :
2
a
2=
b2

2b2 = a2

Nous avons maintenant trouvé que a2 est un certain entier multiplié par 2. Par
conséquent, a2 doit être divisible par 2 ; autrement dit, il est pair. Comme le carré d'un
nombre impair est lui-même impair, a doit être pair. Nous pouvons maintenant écrire
que a = 2c, où c est un autre entier.

2b2 = (2c)2
2b2 = 4c2
b2 = 2c2

Nous avons découvert que b2 est aussi pair. En suivant le raisonnement précédent, b doit
être un entier pair. Ici, nous avons une contradiction : les deux nombres entiers a et b
sont pairs. En d'autres termes, nous venons de démontrer que ces deux nombres ont un
facteur commun : 2. Mais nous avons supposé au départ que ces deux nombres
n'avaient pas de facteur commun ! Puisqu'une telle contradiction a été établie, nous
devons conclure que notre supposition d'origine était fausse.
Par conséquent, on ne peut pas trouver deux entiers a et b premiers entre eux tels qu'on
puisse écrire √ 2 sous la forme a/b, donc √ 2 est irrationnel.

Exercice 7.8 Démontrez que √ 3 est irrationnel.

Exercice 7.9 Démontrez qu'il existe un nombre infini de nombres premiers.

Exercice 7.10 On couvre un carré 6 x 6 avec 18 dominos sans chevauchements et sans dépasser les
bords. Montrez qu'il existe toujours une droite qui coupe le carré en deux parties
rectangulaires mais qui ne divise aucun des dominos.

7.5. Démonstration par récurrence ou induction


Soit P(n) une propriété de l'entier n ∈ℕ . On suppose qu'on a les deux assertions
suivantes :
0 est la plus petite valeur de n 1. P(0) est vraie (ancrage) ;
possible. Parfois, cela peut être 2. Pour tout n ∈ℕ , P(n) implique P(n+1) (hérédité).
autre chose que 0. Alors P(n) est vraie pour tout n ∈ℕ .

L'hypothèse d'hérédité signifie que si P(n) est vraie alors P(n+1) l'est aussi. Dans ces

Renforcement Didier Müller, 2021


LES DIFFÉRENTS TYPES DE DÉMONSTRATIONS 39

conditions, P(n) est vraie pour tout n. En effet, P(0) est vraie par l'hypothèse d'ancrage,
donc P(l) l'est par hérédité, donc P(2) aussi pour la même raison, etc. On a un « effet
dominos ».

Une démonstration par récurrence contient toujours deux étapes :


1. L'initialisation : c'est la vérification de P(0). Il ne faut jamais l'oublier !
2. La récurrence proprement dite : on suppose que la propriété P(n) est vraie (on
l'appelle hypothèse de récurrence), et on essaie de montrer P(n+1) à partir d'elle.

Exemple On veut démontrer par récurrence la propriété suivante : « pour tout entier naturel n et
tout réel x strictement positif, (1 + x)n 1 + nx ».

• (1 + x)0 = 1 1 + 0 x , donc la propriété est vraie pour n = 0.


• Supposons la propriété vraie pour un certain n, c'est-à-dire supposons que
(1 + x)n1 + nx
Alors, (1 + x)(1 + x)n  (1 + x)(1 + nx),
d'où (1 + x)n+1 1 + nx + x + nx2,
donc, (1 + x)n+1 1 + (n+1)x + nx2 1 + (n+1)x (puisque x est positif),
par conséquent, (1 + x)n+1 1 + (n+1)x
La propriété reste donc vraie pour n+1.
• Conclusion : elle est vraie quel que soit l'entier naturel n.

Exercice 7.11 Démontrez par récurrence les formules suivantes :

n ( n+1)
a. 1 + 2 + 3 + ... + n =
2
n ( n+1)(2 n+1 )
b. 1 + 4 + 9 + ... + n2 =
6
2 2
n ( n+ 1)
c. 1 + 8 + 27 + ... + n3 =
4

Exercice 7.12 Démontrez que...

a. n(n+1)(n+2) est divisible par 6 pour tout n ∈ℕ .


b. 7n + 2 est divisible par 3 pour tout n ∈ℕ .
c. n5 – n est un multiple de 5 pour tout n ∈ℕ .

Exercice 7.13 Dessinons sur une feuille des points. Nous les
appellerons des sommets. Relions ces sommets par des
arêtes, pas forcément rectilignes, qui ne se coupent
pas. Depuis chaque sommet, on doit pouvoir atteindre
tous les autres sommets en suivant les arêtes (on parle
de graphe connexe). Appelons régions les surfaces de
la feuille délimitées par des arêtes.
Par exemple, avec six sommets et neuf arêtes, le
dessin ci-contre divise le plan en cinq régions (A, B,
C, D, E). On remarque que quatre régions sont
bornées alors que la cinquième (E), extérieure au diagramme, ne l'est pas.
Formulé par le grand mathématicien suisse Léonard Euler en 1752, la relation d'Euler
Leonhard Euler
énonce une formule mathématique qui relie le nombre d'arêtes (a), de sommets (s), et de
(1707 - 1783)
régions (r) : r - a + s = 2.
Démontrez cette relation par récurrence.

Didier Müller, 2021 Renforcement


40 CHAPITRE 7

7.6. « Preuves sans mots »


En mathématiques, une preuve sans mots (ou une
démonstration visuelle) est une démonstration d'une
identité (ou d'une affirmation mathématique plus
générale) à l'aide d'un diagramme la rendant
évidente, sans qu'un texte plus explicite le
commentant soit nécessaire. Quand le diagramme
n'en illustre qu'un cas particulier, il faut que sa
généralisation ne demande au lecteur qu'un effort
minima1. Malgré les risques qu'elles présentent (voir
ex. 6.15), ces démonstrations sont souvent
considérées comme plus élégantes que des preuves
mathématiquement plus rigoureuses.

Les formules donnant la somme des puissances n-èmes des entiers consécutifs
Exemple
(formules de Faulhaber) peuvent être démontrées visuellement pour n = 1, 2 ou 3 ; la
jolie preuve visuelle ci-dessous illustre le fait que :

Les trois pyramides ont pour


1+4+9+…+n 2=
( 12 )( n+1)
n n+
(voir exercice 6.10 b)
même volume la somme des 3
carrés de 1 à n (n=4 dans cette
illustration) ; le parallélépipède
final est de côtés n, n+1 et
n+1/2, d'où la formule de
Faulhaber pour la somme des
carrés.

Exercice 7.14 Comprenez-vous cette « preuve sans mots » ?

Exercice 7.15 Démontrez sans mots que 1 + 3 + 5 + ... + (2p-1) = p2.

Renforcement Didier Müller, 2021


LES DIFFÉRENTS TYPES DE DÉMONSTRATIONS 41

Exercice 7.16 En géométrie, le paradoxe du carré manquant est une apparente démonstration
géométrique d'un résultat impossible, reposant sur une illusion d'optique.
Qu'est-ce qui cloche avec ces « preuve sans mots » ?

Le triangle de Curry

Paul Curry, un magicien


amateur, a présenté son
puzzle paradoxal en 1953.

La dissection de Sam Loyd

Samuel Loyd est un


compositeur américain de
problèmes relevant des
mathématiques récréatives.

Exercice 7.17 Comprenez-vous cette « preuve sans mots » ?

Didier Müller, 2021 Renforcement


42 CHAPITRE 7

7.7. Ce qu'il faut absolument savoir


Le principe de non-contradiction  ok
Le principe du tiers exclu  ok
L'implication  ok
La réciproque  ok
L'équivalence  ok
Le contraire d'une expression bien formée  ok
Démonstration par contraposée  ok
Démonstration par l'absurde  ok
Démonstration par contraposée  ok
Démonstration par récurrence  ok

Renforcement Didier Müller, 2021

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