Commentaire Portrait de Giton

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Commentaire Portrait de Giton

Accroche : A vous de jouer

Contenu littéral : Portrait d’un courtisan, Giton, qui a pour écho celui de Phédon, portrait qui fait
apparaître un homme qui se donne de l’importance, qui occupe l’espace et la conversation et qui se
trouve être riche.

Projet de lecture : Que cherche à révéler la Bruyère ici ? De quoi sommes nous instruits ?

Composition

1er temps « Giton a le teint frais… délibérée » L’allure physique de Giton


2e temps « Il parle avec confiance… par fierté et par audace » Le comportement de Giton
3e temps « Il est enjoué…. Il est riche. » Bref portrait des grands traits de caractères de Giton

Commentaire
1er temps. Le portrait est d’abord marqué par un vocabulaire de la bonne forme physique, de la
stature imposante : l’évocation du teint frais et les adjectifs « larges/ haut » vont dans ce sens.
Et c’est aussi une description physique réduite à quelques traits caractéristiques résumés à quelques
éléments corporels : visage / yeux/ épaules/ poitrine sans que cela ne puisse constituer un ensemble
cohérent. La Bruyère ne prend en compte aussi que ce qui est essentiel dans un univers mondain
comme la Cour.
Il n’en reste pas moins que Giton apparait comme un homme d’équilibre par la présence des groupes
binaires, par la présence du lexique de la stabilité.
Toutes ces caractéristiques convergent vers une même image, celle de la prestance et de l’arrogance
avec le vocabulaire « assuré/ ferme / délibérée », ce qui peut suggérer une force morale affichée
dans le corps…. A moins que le corps ne prétende afficher une force morale.

2e temps. La Bruyère aborde la conversation et l’art de la parole, atout indispensable à la Cour.


A l’image des traits précédents, la parole est elle aussi marquée par l’assurance. Mais elle n’est pas
partagée. La phrase marque une légère séparation entre la parole de Giton et celle de son supposé
interlocuteur et une disproportion aussi. L’usage de la parole chez Giton est marqué par un usage
intransitif du verbe, comme s’il ne tenait pas compte de celui à qui il s’adresse. Nous en avons la
confirmation par la tournure verbale « fait répéter » qui indique une emprise et une dégradation de
la parole de l’autre avec l’adverbe « médiocrement » et la négation restrictive.
Il s’en suit une évocation d’attitudes en public, la première étant la façon de se moucher, ce qui est
déjà une caricature du personnage. Les deux adjectifs « grand/ ample », signalant une démesure
comique et ridicule, ne font que reprendre le premier trait : tout se fait avec grande allure chez
Giton, même ce qui est trivial. L’intensif « fort » vient lui aussi caractériser cette démesure tout aussi
grotesque. Ainsi s’établit une possible analogie (ressemblance) entre la parole et éternuements et
crachats. Cette image grotesque se poursuit avec le verbe « ronfler ». Même son sommeil semble
sans limite et vient accentuer cette forme d’indifférence aux autres.
Giton est celui qui envahit l’espace public, espace public ou mondain réduit ici à la tablée et à la
promenade. Lieux de rencontre, ils deviennent ici des lieus de scène pour Giton : le comparatif qui
confirme l’arrogance de Giton est en fin de phrase précédé du groupe binaire qui dit le caractère
systématique de son omniprésence jusqu’au mépris. C’est largement confirmé par la contradiction
entre « milieu » et « ses égaux ». Ceux-ci ne le sont qu’à condition de l’écouter, de le considérer
comme centre de toutes leurs attentions. Le motif est confirmé et accentué par la phrase suivante
constitué d’un parallélisme de construction : l’alternance « Il/ On » qui signale le caractère
proprement mimétique et mécanique du mouvement aboutit à une sorte de règle unanime et à un
renversement signalant la parfaite obéissance de ceux qui suivent. Ce qui est à nouveau confirmé par
le motif de la conversation confisquée avec les verbes « interrompre » puis « redresser ». La scène se
prolonge par cette acceptation de la situation : l’emploi du « on » généralise le fait, comme une
habitude admise, et réduit l’entourage à un public. La comparative vient confirmer que tout repose
sur la volonté de Giton et l’obéissance de ses courtisans. Le glissement de « on est de son avis » à
« on croit » confirme cette adhésion aveugle et déraisonné (le verbe « débiter » vient discréditer le
terme précédent).
On en arrive tout naturellement à la comédie jouée par Giton et plus particulièrement l’art de
s’asseoir. Il y a une disproportion entre les infinitifs proches de la didascalie
(« s’enfoncer/croiser/froncer/abaisser/relever…) et le verbe au présent « s’assied », ce qui accentue
la théâtralité du geste. L’indication de l’intention « pour ne voir personne » pointe les stratégies du
corps en même temps qu’elle les décode. Ainsi « vous le voyez » qui convoque le lecteur est
poursuivi par un vocabulaire de la dissimulation (« s’enfoncer »/ « abaisser son chapeau »). Alors
que Giton fait tout pour se soustraire au regard des autres (évidemment dans une modestie fausse et
jouée), La Bruyère démasque les artifices de Giton et nous sommes les spectateurs privilégiés et
avertis du spectacle mondain, si l’on en croit la distinction favorable entre « on » et « vous ».

3e temps Nous terminons par une énumération de traits de caractère qui par leur grande diversité
peuvent signaler l’étendue des rôles que peut jouer Giton mais qui le rendent aussi insaisissable si
l’on en croit les oppositions « enjoué/colère » et l’imprécision ironique suggérée par « mystérieux ».
la tournure »il se croit » vient rappeler que nous avons affaire à un faussaire, à un homme passé
maître dans la dissimulation.
La dernière phrase marquante par sa brièveté semble résumer ce qui précède. La parataxe est
efficace : il ne s’agit pas d’une explication, à postériori de tout ce qui précède mais la conséquence
logique : nous lisons à travers une façon de se moucher ou de marcher une hiérarchie sociale, une
reconnaissance tacite de cette hiérarchie autrement peu perceptible.

Conclusion A vous de jouer

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