Troubles de L'équilibre Hydrosodé
Troubles de L'équilibre Hydrosodé
Troubles de L'équilibre Hydrosodé
Un trouble de l’hydratation résulte d’un trouble du bilan hydrique et/ou d’un trouble du bilan sodé.
L’organisme ajuste le bilan hydrique dans le but de normaliser l’état d’hydratation cellulaire ; il ajuste le
bilan sodé dans le but d’éviter les variations du volume extracellulaire. Les troubles du bilan hydrique
affectent l’hydratation cellulaire. On distingue les troubles primitifs du bilan hydrique provoqués par un
ajustement incorrect du bilan hydrique responsable d’une altération de l’osmolalité efficace, et les
troubles du bilan hydrique secondaires à une altération de l’osmolalité efficace en rapport avec une
anomalie du stock d’osmoles efficaces. Les troubles du bilan sodé affectent l’hydratation extracellulaire.
On distingue les troubles primitifs du bilan sodé responsables d’une altération de la volémie efficace et les
troubles du bilan sodé secondaires à une altération de la volémie efficace. En pratique médicale courante,
le médecin dispose d’arguments cliniques pour apprécier l’hydratation extracellulaire et la sévérité du
trouble du bilan sodé d’une part, et de la natrémie d’autre part, reflet de l’osmolalité efficace, pour
apprécier l’hydratation cellulaire et la sévérité du trouble du bilan hydrique. En présence d’un trouble de la
natrémie, l’appréciation de l’osmolalité efficace et celle de l’état d’hydratation extracellulaire permettent
de préciser la nature du trouble du bilan hydrique et/ou du bilan sodé afin d’en déduire la conduite
thérapeutique la mieux adaptée.
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Médecine d’urgence 1
25-100-A-10 ¶ Troubles de l’équilibre hydrosodé
Variable
régulée “ Points importants
Un trouble du bilan hydrique est un trouble de
Variable Effecteur l’hydratation cellulaire.
ajustée
“ Points essentiels
Apports hydriques
Osmolalité efficace et hydratation cellulaire
Les échanges d’osmoles efficaces (principalement
Excrétion urinaire d'eau représentées par les ions) à travers la membrane cellulaire
Figure 2. Contrôle du bilan hydrique. La variable régulée est l’hydrata- sont lents en comparaison des échanges possibles entre le
tion cellulaire dont l’organisme sait détecter les variations grâce aux secteur extracellulaire et le milieu extérieur. Le stock
osmorécepteurs. La variable ajustée est le stock hydrique. Celui-ci in- d’osmoles efficaces peut donc être habituellement
fluence aussi l’hydratation extracellulaire, mais cette dernière est contrô- considéré comme constant dans le compartiment
lée par une autre boucle de régulation. ADH : hormone antidiurétique. cellulaire, ce qui n’est pas le cas dans le compartiment
extracellulaire. En conséquence, une variation de
l’osmolalité efficace dans le compartiment cellulaire
Sans exclure l’absence totale d’interactions, le contrôle du
traduit généralement une variation du stock d’eau
bilan hydrique et celui du bilan sodé sont obtenus par la mise
en jeu de boucles de régulation largement indépendantes. intracellulaire et donc du volume cellulaire.
Parce que la membrane cellulaire est librement perméable
à l’eau (et aux solutés non osmotiquement efficaces, telle
Contrôle du bilan hydrique l’urée), les échanges d’eau (et d’urée) à travers la
Boucle de régulation membrane cellulaire sont rapides (en comparaison des
échanges de solutés osmotiquement efficaces). En
Le contrôle du bilan hydrique a pour objectif d’assurer la
conséquence l’eau et les solutés non osmotiquement
stabilité de l’hydratation cellulaire, c’est-à-dire du volume
cellulaire. L’organisme atteint cet objectif en régulant l’hydrata-
efficaces (urée) réalisent leur équilibre de diffusion, ce qui
tion cellulaire, ce qui est possible puisqu’il existe dans l’hypo- explique que l’osmolalité totale et l’osmolalité des solutés
thalamus des cellules particulières appelées « osmorécepteurs », non osmotiquement efficaces (représentées princi-
spécifiquement sensibles aux variations du volume cellulaire. palement par la concentration molaire de l’urée) sont
Toute variation du volume cellulaire entraîne au niveau des identiques dans le compartiment cellulaire et dans le
osmorécepteurs une modification de la tension exercée sur la compartiment extracellulaire. L’osmolalité efficace (qui est
membrane cellulaire, modification qui représente le signal la différence entre l’osmolalité totale et l’osmolalité des
détecté par la boucle de régulation. L’inhibition ou la stimula- solutés non osmotiquement efficaces) est donc identique
tion résultante des centres de la soif et de la sécrétion d’hor- dans le compartiment cellulaire et dans le compartiment
mone antidiurétique (ADH) permet d’ajuster le stock hydrique
extracellulaire.
par une action directe sur les apports liquidiens et sur l’excré-
tion urinaire d’eau libre de manière à minimiser la variation du
Ainsi, l’osmolalité efficace plasmatique, égale à
volume cellulaire (Fig. 2). l’osmolalité efficace intracellulaire, est-elle un reflet de
L’organisme ne régule pas le stock hydrique, il est bien l’hydratation cellulaire, à l’exception des cas où le stock
incapable de le faire puisqu’il ne sait en détecter les variations, d’osmoles efficaces intracellulaires ne peut être considéré
mais il l’ajuste de manière à assurer la stabilité de l’hydratation comme constant (déplétion potassique sévère).
cellulaire.
Troubles du bilan hydrique L’osmolalité efficace du plasma ne peut pas être mesurée
Un trouble du bilan hydrique correspond à une situation directement, mais il existe plusieurs moyens de l’estimer
dans laquelle la boucle de contrôle du bilan hydrique ne (Tableau 1). Cette estimation permet au médecin de connaître
parvient pas à son objectif : il correspond donc à un trouble de l’état d’hydratation cellulaire : une osmolalité efficace du plasma
l’hydratation cellulaire. Une surcharge hydrique entraîne une au-dessous de la limite inférieure de la normale définit l’état
hyperhydratation cellulaire ; un déficit hydrique provoque une hypotonique et est associée, en l’absence d’une intense déplé-
déshydratation cellulaire. tion potassique, à une hyperhydratation cellulaire ; une osmo-
2 Médecine d’urgence
Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10
Tableau 1.
Estimation de l’osmolalité plasmatique. Hydratation cellulaire Stock hydrique
Valeurs normales
Osmolalité (totale)
du plasma : Volume extracellulaire Volémie efficace
mesure directe osM 285 ± 10 mOsm/kg
(cryoscopie) : calcul 2 (Na + K) + glucose 300 ± 10 mOsm/l
+ urée
Osmolalité efficace SRAA - FAN
du plasma (pas de me- FG
sure directe possible) : Stock sodé
calcul :
- le plus exact osM – urée 280 ± 10 mOsm/kg
- le plus simple 2 Na + glucose 285 ± 10 mOsm/l Natriurèse
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Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10
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“ Points importants souvent le sodium (la surcharge par un autre cation endogène
est létale avant d’être suffisante pour provoquer un trouble de
l’hydratation), mais ce peut être aussi un cation exogène
Le déficit hydrique primitif entraîne une déshydratation (trishydroxyméthylaminométhane [THAM]). Le cas de la
cellulaire pure. surcharge sodée est étudié plus loin ;
• d’un soluté neutre osmotiquement efficace endogène (glu-
cose) ou exogène (mannitol).
La déshydratation cellulaire est secondaire à l’augmentation
Diagnostic étiologique de l’osmolalité efficace provoquée par la surcharge en osmoles
Une osmolalité urinaire élevée (U > 600 mOsm/l) est adaptée. efficaces et aggrave le déficit hydrique en rapport avec la
Elle témoigne d’une capacité correcte de concentration des polyurie osmotique souvent observée dans ces conditions. La
urines et signe un apport liquidien trop faible. surcharge en osmoles efficaces devrait être à l’origine d’une
Une osmolalité urinaire inadaptée témoigne d’un excès hyperhydratation extracellulaire, mais celle-ci est atténuée par la
d’élimination rénale d’eau par défaut de concentration des polyurie osmotique. La déshydratation cellulaire se traduit par
urines (diabète insipide). Le dosage de l’ADH permet de tran- une hypernatrémie en cas de surcharge sodée. Dans les autres
cher entre un diabète insipide d’origine centrale (ADH basse ou cas, par exemple dans le cas d’une hyperglycémie majeure liée
normale, en tout cas inadaptée à l’hypertonicité) et un diabète à un diabète décompensé, elle se traduit au contraire par une
insipide néphrogénique (ADH élevée). L’épreuve de restriction hyponatrémie en rapport avec la dilution provoquée d’une part
hydrique est inutile et dangereuse en présence d’une déshydra- par le flux osmotique d’eau sortant des cellules du fait de
tation cellulaire (hypernatrémie). l’augmentation de l’osmolalité efficace, d’autre part par la
stimulation des centres de la soif et de la sécrétion d’ADH à
Traitement l’origine d’une augmentation du stock hydrique. Il existe par
Il repose sur la réhydratation, réalisée autant que possible par ailleurs un syndrome polyuropolydipsique en rapport avec une
voie orale. La déshydratation cellulaire ne survient cependant polyurie osmotique [4].
que chez le sujet incapable de ressentir ou de satisfaire sa soif.
Elle s’accompagne souvent de troubles de la conscience et Déficit en osmoles efficaces
nécessite alors une réhydratation par voie parentérale à base de Les troubles du bilan hydrique secondaires à un déficit en
soluté glucosé isotonique ou hypotonique (1 l en 6 heures puis osmoles efficaces peuvent concerner les osmoles efficaces
1 à 2 l par jour) remplacé dès que possible par des apports extracellulaires ou intracellulaires.
hydriques per os. Le déficit sodé est le seul cas possible de déficit en osmoles
Le déficit hydrique V et donc le volume de solution à efficaces extracellulaires : les autres cations (potassium, calcium
apporter peuvent être appréciés par la relation suivante : V (l) et magnésium) et le glucose sont en concentration insuffisante
= 0,6 × poids (kg) (1 - 140/natrémie (mmol/l)). pour qu’un déficit puisse provoquer un trouble de l’hydratation.
Cette relation repose sur une valeur du volume apparent de Le cas du déficit sodé est étudié plus loin.
distribution, encore dénommé volume de distribution osmoti- Le déficit potassique est le seul cas possible de déficit en
que, du sodium égale à l’eau totale (60 % environ du poids osmoles efficaces intracellulaires. Il est accompagné d’une sortie
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Œdèmes
Hyperhydratation
Surcharge sodée
extracellulaire
Hypervolémie
Hypovolémie Hyperhydratation
Surcharge sodée Œdèmes
efficace extracellulaire
d’eau des cellules, responsable d’une hyponatrémie et d’une sont toujours de cause rénale, en rapport avec une natriurèse
tendance à l’hyperhydratation extracellulaire qui est évitée par inadaptée à la surcharge sodée. La surcharge sodée peut être
un ajustement à la baisse du stock sodé. Son traitement néces- primitive, à l’origine d’une hypervolémie (surcharge sodée
site donc un apport de potassium et de sodium permettant de hypervolémique), ou secondaire à une hypovolémie efficace
compenser le déficit potassique et de réajuster à la hausse le (surcharge sodée hypovolémique).
stock sodé. Les causes des surcharges sodées hypervolémiques sont :
• rénales intrinsèques, en rapport avec une insuffisance rénale
aiguë, une insuffisance rénale chronique terminale ou un
syndrome néphritique aigu ;
“ Points importants
• rénales extrinsèques, en rapport avec un hyperaldostéronisme
ou un hypercorticisme.
Les causes des surcharges sodées hypovolémiques sont rénales
Un déficit potassique majeur entraîne une hyponatrémie. extrinsèques. Ce sont celles de l’hypovolémie efficace qui en est
à l’origine : syndrome néphrotique, insuffisance cardiaque ou
cirrhose.
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proportionnelle à la surcharge sodée (prise de poids de 1 kg -tion d’une hyponatrémie. Une restriction hydrique modérée
pour une surcharge sodée d’environ 150 mmol). Bien que la peut l’éviter. En cas d’hyponatrémie franche, la restriction
surcharge sodée puisse être primitivement hypertonique, hydrique devient indispensable jusqu’à sa correction ;
l’hypernatrémie est rare, car responsable d’une soif intense et • en présence d’une hypovolémie efficace, on associe dans la
d’une stimulation de l’ADH à l’origine d’une rétention hydrique mesure du possible un traitement étiologique de manière à la
tendant à ramener la surcharge sodée à l’isotonicité et la corriger au mieux, car elle est à l’origine de l’expansion du
natrémie à une valeur normale. L’hyponatrémie est fréquente volume extracellulaire : amélioration de la fonction ventricu-
en cas d’hypovolémie efficace importante (ce qui stimule la laire (par exemple par les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sécrétion d’angiotensine et d’ADH) ou en présence de tout autre sion) en cas d’insuffisance cardiaque, arrêt de l’alcool et des
facteur rendant le rein incapable d’éliminer une quantité médicaments hépatotoxiques en cas de cirrhose, perfusion
suffisante d’eau libre. Elle traduit une hyperhydratation cellu- d’albumine prescrite en dernier recours en cas de syndrome
laire qui aggrave la prise de poids liée à l’hyperhydratation néphrotique avec hypovolémie menaçante.
extracellulaire et requiert une restriction des apports hydriques.
Diagnostic étiologique
L’hyperhydratation extracellulaire, surtout lorsqu’elle est
majeure, est le plus souvent en rapport avec une surcharge
“ Conduite à tenir
sodée hypovolémique dont les étiologies se résument au Une hyperhydratation extracellulaire impose un régime
syndrome néphrotique, à l’insuffisance cardiaque et à la cirrhose
sans sel et éventuellement des diurétiques.
décompensées. Le contexte clinique permet facilement de
trancher. La natriurèse est faible (inférieure à 20 mmol/l) et en
tout cas inadaptée, avec un rapport Na/K urinaire inférieur à
1 dans un contexte d’insuffisance rénale fonctionnelle. Dans le cas d’une insuffisance rénale oligoanurique ou
Plus rarement, l’hyperhydratation extracellulaire est en préterminale, la surcharge sodée peut être réfractaire au traite-
rapport avec une surcharge sodée hypervolémique. L’hyperten- ment diurétique, même à dose importante (furosémide jusqu’à
sion artérielle est alors constante. L’hypervolémie est la consé- 1 500 mg par jour per os). Elle impose alors une épuration
quence de la surcharge sodée que le rein ne parvient pas à extrarénale (dialyse).
éliminer et doit faire rechercher une cause rénale extrinsèque ou
intrinsèque. La natriurèse est variable, mais elle reste inadaptée Déficit sodé
à la surcharge sodée. Le contexte clinique (présence ou non
Il se traduit par un tableau clinique de déshydratation
d’œdèmes) et biologique (kaliémie, créatininémie, protéinurie,
extracellulaire.
voire mesure du cortisol et de l’aldostérone plasmatique et
urinaire et du rapport aldostérone/rénine plasmatique) permet Physiopathologie
de trancher entre une insuffisance rénale, un syndrome néphri-
tique, un hypercorticisme ou un hyperaldostéronisme. Parce que les reins normaux peuvent annuler la natriurèse en
cas de nécessité, il n’y a pas de déficit sodé par carence
d’apports. Les déficits sodés sont donc habituellement dus à des
pertes sodées.
Les pertes sodées peuvent être :
“ Conduite à tenir • d’origine rénale, de cause intrinsèque au rein (insuffisance
rénale aiguë en phase de reprise de diurèse, néphropathie
chronique, le plus souvent interstitielle, avec perte obligatoire
Une surcharge sodée doit faire évaluer la volémie efficace. de sel) ou extrinsèque (insuffisance surrénalienne, intoxica-
tion aux diurétiques) ;
• d’origine extrarénale : les pertes sodées sont le plus souvent
Traitement digestives (diarrhée, vomissements, fistule digestive), mais
Le traitement symptomatique de l’hyperhydratation extracel- elles peuvent être aussi en rapport avec la constitution d’un
lulaire est celui de la surcharge sodée : il consiste à diminuer les troisième secteur (occlusion intestinale) ou avec une hyper-
sudation profuse (fièvre intense et prolongée, température
apports et à augmenter l’excrétion rénale de sodium.
extérieure très élevée), des brûlures étendues, une muco-
Le régime désodé doit être d’autant plus strict que les
viscidose.
œdèmes et/ou l’ascite sont importants. Un régime sans sel
correctement suivi correspond à un apport de chlorure de Diagnostic positif
sodium inférieur à 2 g/j.
Le diagnostic de déficit sodé repose sur les signes cliniques de
Le traitement diurétique est le traitement symptomatique de
déshydratation extracellulaire. Le signe capital est le « pli
l’expansion du volume extracellulaire, mais il convient de
cutané » : perte de l’élasticité normale de la peau, plus facile-
respecter certaines règles :
ment constatée au niveau des régions sous-claviculaires et du
• les diurétiques thiazidiques et ceux de l’anse provoquent une dos de la main. Il témoigne de la déshydratation du secteur
augmentation de la kaliurèse et nécessitent donc une sur- interstitiel. La tachycardie, la sensation de fatigue avec malaises
veillance de la kaliémie et la prescription éventuelle d’une en position debout témoignant d’une hypotension orthostati-
supplémentation potassique ou l’association d’un diurétique que sont en rapport avec l’hypovolémie. Les yeux sont cernés,
hyperkaliémiant ; enfoncés dans les orbites. L’hypotension permanente, voire le
• la prescription de diurétiques hyperkaliémiants (spironolac- collapsus, ne surviennent qu’en cas de déficit sodé majeur. Sur
tone, etc.) est logique dans toute situation d’hyperaldostéro- le plan biologique, l’hématocrite et la protidémie sont élevés,
nisme (primaire ou secondaire) ou en association avec un témoignant de l’hémoconcentration. Une élévation modérée des
diurétique hypokaliémiant, mais elle est formellement contre- concentrations plasmatiques de l’urée, de la créatinine et de
indiquée dans l’insuffisance rénale sévère en raison du risque l’acide urique est fréquente, traduction d’une insuffisance rénale
d’hyperkaliémie ; fonctionnelle en rapport avec l’hypoperfusion rénale.
• les diurétiques de l’anse sont seuls indiqués dans l’insuffisance L’intensité des signes de déshydratation extracellulaire est en
rénale, car classiquement les seuls efficaces. Leur efficacité relation avec l’importance du déficit sodé. En revanche, la perte
diminue au fur et à mesure que l’insuffisance rénale progresse de poids (souvent modérée) et la natrémie ne sont en aucune
et leur dose doit donc être augmentée en conséquence ; façon liées à l’intensité de la déshydratation extracellulaire. La
• le traitement diurétique, parce qu’il diminue le stock sodé, natrémie est variable suivant le caractère hypotonique, isotoni-
tend à diminuer la volémie efficace et favorise donc l’appari- que ou hypertonique du déficit sodé. Bien que sa mesure ne
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Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10
“ Points importants
utiles pour rétablir rapidement un état hémodynamique stable.
L’apport de sodium peut être réalisé par voie orale si le déficit
est peu important et en dehors de tout trouble de la conscience.
Le déficit sodé est associé à une déshydratation Le plus souvent, il est réalisé par voie intraveineuse, car un
extracellulaire. apport important de sodium par voie orale est souvent source
de vomissements qui ne font qu’aggraver le déficit sodé. La
quantité de sodium à perfuser peut être calculée comme si
l’apport de sodium se distribuait dans l’eau totale, c’est-à-dire
présente aucun intérêt pour le diagnostic positif ou étiologique dans environ 60 % du poids corporel. Si la déplétion est
de la déshydratation extracellulaire, elle est fondamentale pour d’origine extrarénale, la réapparition d’une natriurèse témoigne
préciser l’état d’hydratation cellulaire et définir la conduite à de la correction du stock sodé.
suivre en ce qui concerne les apports hydriques. L’apport de sodium par voie intraveineuse est le plus souvent
Une natrémie normale traduit une adaptation correcte du stock effectué sous forme isotonique (chlorure de sodium à 9 g/l). En
hydrique assurant la stabilité de l’osmolalité efficace et donc une cas d’hyponatrémie associée, la restriction hydrique permet de
hydratation cellulaire normale : il s’agit alors d’une déshydrata- ne pas aggraver l’hyperhydratation cellulaire ; dans la mesure où
tion extracellulaire pure en rapport avec un déficit sodé devenu la boucle de régulation du bilan hydrique fonctionne normale-
isotonique du fait de la régulation hydrique. C’est seulement dans ment, l’utilisation de solutés hypertoniques en sodium n’est pas
ce cas que la perte de poids est proportionnelle au déficit sodé nécessairement justifiée et peut même être à l’origine d’une
(perte de poids de 1 kg pour un déficit sodé d’environ correction trop rapide de l’hyponatrémie. En présence d’une
150 mmol). Une hypernatrémie est due au caractère habituelle- hypernatrémie témoignant dans ce contexte d’une déshydrata-
ment hypotonique des pertes sodées, mais elle n’apparaît que si tion globale, les apports sont isotoniques jusqu’au rétablisse-
la soif induite par l’hyperosmolalité ne peut être satisfaite. Cette ment d’un état hémodynamique stable, puis hypotoniques en
éventualité est plus fréquente chez le sujet âgé. Elle correspond à sodium de manière à corriger l’hypernatrémie et la déshydrata-
une déshydratation globale (à la fois extracellulaire et cellulaire) tion cellulaire. En cas d’acidose associée (diarrhée aiguë), on
et souvent grave. En réalité, la natrémie est le plus souvent remplace tout ou partie du chlorure de sodium par du bicarbo-
diminuée, en dépit du caractère primitivement hypotonique du nate de sodium. Le traitement étiologique dépend de l’origine
déficit, parce que l’hypovolémie secondaire au déficit sodé peut du déficit sodé.
être suffisamment importante pour stimuler la sécrétion d’angio-
tensine et d’ADH. Elle traduit une hyperhydratation cellulaire qui
masque la perte de poids associée à la déshydratation extracellu-
laire et nécessite la prescription d’un apport sodé hypertonique
■ Troubles de la natrémie
en restreignant les apports hydriques. La natrémie désigne la quantité de sodium présente dans 1 l
de plasma. Elle se situe normalement aux environs de
Diagnostic étiologique 140 mmol/l.
Devant un tableau clinique de déshydratation extracellulaire, Un trouble de la natrémie, défini par une natrémie en dehors
il importe en premier lieu de mesurer la natriurèse sur un de l’intervalle 135-145 mmol/l, reflète dans l’immense majorité
ionogramme des urines de 24 heures. des cas un trouble de l’hydratation cellulaire, donc un trouble
Une natriurèse basse (inférieure à 20 mmol/j) avec un rapport du bilan hydrique. Il n’est en aucun cas le reflet d’un trouble
Na/K inférieur à 1 du fait d’un hyperaldostéronisme secondaire du bilan sodé, même si ce dernier peut éventuellement être à
à l’hypovolémie efficace, des urines rares et concentrées (urée l’origine du trouble du bilan hydrique.
U/P > 10) du fait de la stimulation de la sécrétion d’ADH par Habituellement découvert sur la pratique d’un ionogramme
l’hypovolémie efficace traduisent un comportement rénal sanguin effectué à l’occasion d’un bilan systématique ou d’un
adapté et signent l’origine extrarénale du déficit sodé. symptôme généralement non spécifique, un trouble de la
À l’opposé, une natriurèse supérieure à 15 mmol/j est inadap- natrémie nécessite d’apprécier à la fois l’état d’hydratation
tée au déficit sodé et traduit habituellement un déficit d’origine cellulaire et l’état d’hydratation extracellulaire afin d’en préciser
rénale. Une exception en est l’existence de vomissements le mécanisme et de déduire la conduite thérapeutique la mieux
importants responsables à la fois d’un déficit sodé et d’une adaptée. Le traitement est en effet celui des troubles de l’hydra-
alcalose métabolique. La nécessité d’éliminer du bicarbonate tation extracellulaire et/ou cellulaire qui l’accompagnent. Ce
pour contrôler l’alcalose peut expliquer l’excrétion rénale de traitement, décrit précédemment, n’est pas détaillé ici.
bicarbonate de sodium en dépit du déficit sodé. Dans ce cas, le
rein bloque l’excrétion rénale de chlorure de sodium afin Diagnostic étiologique d’une hyponatrémie
d’épargner le sodium : la chlorurie est alors effondrée. Cette
chlorurie basse permet de faire la différence avec un déficit sodé Une hyponatrémie est définie par une valeur de la concen-
d’origine rénale, et en particulier avec une intoxication non tration plasmatique du sodium inférieure à 135 mmol/l de
avouée aux diurétiques, difficile autrement à différencier de plasma. Le traitement d’une hyponatrémie dépend de son
vomissements cachés car survenant souvent sur le même terrain étiologie et nécessite donc avant tout de répondre successive-
(jeune femme voulant maigrir) et conduisant tous deux à une ment aux deux questions suivantes (Fig. 6) :
déshydratation extracellulaire avec natriurèse inadaptée, • l’osmolalité efficace du patient est-elle réellement diminuée
hypokaliémie et alcalose métabolique. (hyponatrémie hypotonique) comme c’est le plus souvent le
cas, ou bien se trouve-t-on dans une situation plus rare où
l’osmolalité efficace est normale (hyponatrémie isotonique),
voire augmentée (hyponatrémie hypertonique) ?
• le volume extracellulaire du patient est-il à peu près normal,
nettement diminué ou franchement augmenté ?
“ Conduite à tenir De la réponse à la première question dépendent l’état
d’hydratation cellulaire du patient et la conduite à tenir quant
aux apports hydriques. De la réponse à la seconde question
Un déficit sodé doit faire mesurer la natriurèse. dépendent la valeur du stock sodé et la conduite à tenir quant
aux apports sodés et l’institution d’un traitement diurétique.
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Appréciation de
l'hydratation cellulaire
(osmolalité efficace)
Hyperhydratation cellulaire
Hyponatrémie hypotonique
Mesure Appréciation de la
Comparaison des osmolalités volémie efficace
de la natriurèse urinaire et plasmatique (pression artérielle)
Na < 20 mmol/l Na > 20 mmol/l U/P < 1 U/P > 1 Hypervolémie Hypovolémie
Na/K < 1 Pertes sodées Excès d'apports Défaut rénal Surcharge sodée Surcharge sodée
Pertes sodées rénales liquidiens d'élimination primitive secondaire
extrarénales de l'eau libre
Figure 6. Arbre décisionnel. Étapes du diagnostic étiologique d’une hyponatrémie. Na : natriurèse ; K : kaliurèse ; U/P : rapport de l’osmolalité urinaire à
l’osmolalité plasmatique.
Cependant, il faut systématiquement éliminer les rares cas raison de son caractère physiologique, l’hyponatrémie isotoni-
d’hyponatrémie isotonique (anciennement dénommée « fausse que doit être respectée : elle ne justifie aucun apport ni restric-
hyponatrémie ») et hypertonique qui représentent moins de tion d’eau et de sodium.
5 % des hyponatrémies en milieu hospitalier, et probablement Dans la majorité des cas cependant, l’hyponatrémie est
encore beaucoup moins en médecine de ville. hypotonique. Hormis le cas de la déplétion potassique sévère
L’hyponatrémie hypertonique est due à l’augmentation du responsable d’une déshydratation cellulaire à l’origine d’une
stock hydrique nécessaire pour compenser partiellement rétention hydrique et donc d’une hyponatrémie, l’hyponatrémie
l’hypertonie en rapport avec un soluté osmotiquement efficace hypotonique est le témoin d’une hyperhydratation cellulaire
autre que le sodium : elle est suspectée sur une glycémie élevée dont les conséquences neurologiques peuvent être graves si
(supérieure à 15 mmol/l) ou sur le contexte clinique (diabète l’hyponatrémie et l’hyperhydratation sont sévères et d’installa-
décompensé, perfusion de mannitol ou de THAM, etc.). Ainsi, tion brutale. Il convient donc de prescrire une restriction
une augmentation de la glycémie de 3 mmol/l diminue la hydrique d’autant plus stricte que l’hyponatrémie est profonde,
natrémie d’environ 1 mmol/l. L’hyponatrémie hypertonique est car tout apport d’eau tend à aggraver l’hyperhydratation
associée à une déshydratation cellulaire : elle contre-indique cellulaire et ses conséquences neurologiques éventuelles. Ainsi,
donc la restriction hydrique et nécessite au contraire une à de rares exceptions près plutôt facilement évoquées devant le
réhydratation. contexte clinique à condition d’y penser, une hyponatrémie
L’hyponatrémie isotonique est le reflet d’une diminution de doit entraîner la prescription réflexe d’une restriction des
l’osmolarité (sans modification de l’osmolalité) en rapport avec apports liquidiens.
une hyperprotidémie ou une hyperlipémie importantes. Une
augmentation de la concentration des protides ou des lipides de
6 g/l entraîne une diminution de la natrémie d’environ
1 mmol/l. L’hyponatrémie isotonique est suspectée sur la
biologie ou sur le contexte clinique (myélome non maîtrisé,
contexte connu d’hyperlipémie majeure, etc.). En cas de doute
“ Conduite à tenir
persistant, la mesure de l’osmolalité totale et de la concentra- Une hyponatrémie hypotonique impose une restriction
tion molaire de l’urée permet d’estimer l’osmolalité efficace et hydrique.
d’établir le diagnostic définitif du type de l’hyponatrémie. En
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Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10
Déshydratation
Hypovolémie Rétention Hyponatrémie
Déficit sodé extracellulaire
(pli cutané)
efficace hydrique (de déficit)
Hyperhydratation
Surcharge sodée extracellulaire
(œdèmes)
Hypovolémie
efficace
Rétention Hyponatrémie
hydrique (de surcharge)
Médecine d’urgence 11
25-100-A-10 ¶ Troubles de l’équilibre hydrosodé
Appréciation du
volume extracellulaire
(signes cliniques)
Mesure de la Appréciation de
natriurèse l'osmolalité urinaire
Na < 20 mmol/l Na > 20 mmol/l U > 600 mOsm/l U < 600 mOsm/l
Na/K < 1 Pertes sodées Défaut d'apports Excès d'élimination
Pertes sodées rénales liquidiens ou rénale
extrarénales pertes extrarénales de l'eau libre
d'eau libre
Figure 8. Arbre décisionnel. Étapes du diagnostic étiologique d’une hypernatrémie. Na : natriurèse ; K : kaliurèse ; U : osmolalité urinaire.
l’excrétion d’eau libre en rapport avec l’inhibition de l’angioten- [3] Canaud B. Principes et modalités d’application de l’hémodialyse au
sine et de l’ADH par l’hypervolémie. Une hypernatrémie parfois traitement de l’insuffisance rénale chronique. EMC (Elsevier Masson
sévère peut être observée en réanimation chez le patient insuffi- SAS, Paris), Néphrologie, 18-063-B-10, 2006.
sant rénal (avec une capacité limitée d’excrétion sodée) en [4] Petitclerc T. Syndrome polyuropolydipsique. EMC (Elsevier Masson
alimentation parentérale trop riche en sodium et incapable de SAS, Paris), Néphrologie, 18-028-A-10, 2004.
satisfaire sa soif. Les étiologies de ces hypernatrémies sont celles [5] Chevet D, Mallié JP. Œdèmes généralisés. EMC (Elsevier Masson
des surcharges sodées hypervolémiques. Le traitement sympto- SAS, Paris), Néphrologie, 18-026-C-20, 2000.
matique repose sur les diurétiques, mais la présence d’une
hypernatrémie nécessite d’y adjoindre un apport hydrique, si
possible per os, sinon à l’aide de solutés glucosés, de manière à Pour en savoir plus
réduire l’hypernatrémie et à corriger la déshydratation cellulaire.
Halperin ML, Goldstein MB. Fluid, electrolyte, and acid-base physiology.
Philadelphia: WB Saunders; 1999. p. 227–367.
■ Références Rose BD, Rennke HG. In: Physiopathologie des affections rénales et des
désordres hydro-électrolytiques : l’essentiel. Paris: Pradel; 1995.
[1] Bichet DG, Mallié JP. Physiologie et physiopathologie de la soif. EMC
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(Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-308-E-
10, 1999. Legendre C, Choukroun G, Thervet E. In: Désordres hydro-électrolytiques.
[2] Paillard M, Froissart M, Blanchard A, Houillier P. Bilan de sodium et Paris: Arnette Blackwell; 1995. p. 7-96.
volume sanguin circulant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Brenner BM, Coe FL, Rector FC. In: Renal physiology in health and disease.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Petitclerc T. Troubles de l’équilibre hydrosodé. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-100-A-10, 2007.
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