Troubles de L'équilibre Hydrosodé

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Troubles de l’équilibre hydrosodé


T. Petitclerc

Un trouble de l’hydratation résulte d’un trouble du bilan hydrique et/ou d’un trouble du bilan sodé.
L’organisme ajuste le bilan hydrique dans le but de normaliser l’état d’hydratation cellulaire ; il ajuste le
bilan sodé dans le but d’éviter les variations du volume extracellulaire. Les troubles du bilan hydrique
affectent l’hydratation cellulaire. On distingue les troubles primitifs du bilan hydrique provoqués par un
ajustement incorrect du bilan hydrique responsable d’une altération de l’osmolalité efficace, et les
troubles du bilan hydrique secondaires à une altération de l’osmolalité efficace en rapport avec une
anomalie du stock d’osmoles efficaces. Les troubles du bilan sodé affectent l’hydratation extracellulaire.
On distingue les troubles primitifs du bilan sodé responsables d’une altération de la volémie efficace et les
troubles du bilan sodé secondaires à une altération de la volémie efficace. En pratique médicale courante,
le médecin dispose d’arguments cliniques pour apprécier l’hydratation extracellulaire et la sévérité du
trouble du bilan sodé d’une part, et de la natrémie d’autre part, reflet de l’osmolalité efficace, pour
apprécier l’hydratation cellulaire et la sévérité du trouble du bilan hydrique. En présence d’un trouble de la
natrémie, l’appréciation de l’osmolalité efficace et celle de l’état d’hydratation extracellulaire permettent
de préciser la nature du trouble du bilan hydrique et/ou du bilan sodé afin d’en déduire la conduite
thérapeutique la mieux adaptée.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hydratation cellulaire ; Hydratation extracellulaire ; Natrémie ; Osmolalité efficace ;


Volémie efficace

Plan Les mécanismes de contrôle par l’organisme du bilan hydri-


que et du bilan sodé sont explicités avant d’envisager les
¶ Introduction 1 troubles de l’hydratation et de la natrémie.
¶ Contrôle du bilan de l’eau et du sodium 1
Contrôle du bilan hydrique 2
Contrôle du bilan sodé 3 ■ Contrôle du bilan de l’eau
Interactions 4
¶ Troubles du bilan hydrique 4
et du sodium
Surcharge hydrique primitive 4 La stabilité de l’hydratation cellulaire et celle de l’hydratation
Déficit hydrique primitif 6 extracellulaire sont fondamentales pour l’organisme qui tente
Troubles secondaires du bilan hydrique 6 d’ajuster le bilan hydrosodé afin de parvenir à cet objectif.
¶ Troubles du bilan sodé 7 L’équilibre du bilan hydrique et celui du bilan sodé sont
Surcharge sodée 7 obtenus, comme pour le bilan hydroélectrolytique en général,
Déficit sodé 8 par la mise en jeu de boucles de régulation.
¶ Troubles de la natrémie 9 Une boucle de régulation repose sur un asservissement entre
Diagnostic étiologique d’une hyponatrémie 9 une variable régulée et un ou plusieurs paramètres de com-
Diagnostic étiologique d’une hypernatrémie 11 mande (Fig. 1). Cet asservissement est obtenu par un ou
plusieurs effecteurs (le plus souvent des systèmes hormonaux)
spécifiquement sensibles à l’écart du paramètre régulé par
rapport à une valeur de consigne. Le ou les effecteurs agissent
■ Introduction directement sur un ou plusieurs paramètres de commande de
manière à obtenir un ajustement adapté d’un paramètre appelé
Les reins assurent l’équilibre du bilan hydrique et du bilan « variable ajustée », c’est-à-dire l’ajustement nécessaire pour
sodé de l’organisme. S’il est habituel de parler d’équilibre annuler, ou tout au moins minimiser, cet écart. Il ressort du
hydrosodé, ce n’est pas tant parce que le bilan de l’eau et celui fonctionnement d’une boucle de régulation qu’une variable ne
du sodium sont liés, ils sont au contraire largement indépen- peut être régulée qu’à la condition que l’effecteur puisse en
dants, mais parce qu’un trouble de l’hydratation correspond à détecter l’écart par rapport à la valeur de consigne : n’est
un trouble du bilan de l’eau et/ou du sodium. régulable que ce qui est mesurable ou au moins détectable.

Médecine d’urgence 1
25-100-A-10 ¶ Troubles de l’équilibre hydrosodé

Variable
régulée “ Points importants
Un trouble du bilan hydrique est un trouble de
Variable Effecteur l’hydratation cellulaire.
ajustée

Paramètre Pour poser le diagnostic d’un trouble du bilan hydrique, le


de commande médecin n’a pas la possibilité de détecter directement les
variations de l’hydratation cellulaire. Les signes cliniques
Figure 1. Schéma général d’une boucle de régulation. d’hyperhydratation et de déshydratation cellulaires ne sont pas
suffisamment spécifiques. Le médecin détecte les modifications
de l’hydratation cellulaire par les variations de l’osmolalité
Volume extracellulaire Stock sodé efficace du plasma qui, sauf dans les situations d’intense
déplétion potassique, lui sont corrélées. Les cellules hypothala-
miques sensibles aux variations du volume cellulaire sont ainsi
Hydratation cellulaire perçues par l’observateur comme des cellules sensibles aux
(osmolalité efficace) variations de l’osmolalité efficace, d’où leur nom d’osmorécep-
teurs [1]. Les osmorécepteurs sont sensibles à une modification
du volume cellulaire correspondant à une variation de l’osmo-
lalité efficace inférieure à 1 %.
Centres
Stock hydrique ADH
de la soif

“ Points essentiels
Apports hydriques
Osmolalité efficace et hydratation cellulaire
Les échanges d’osmoles efficaces (principalement
Excrétion urinaire d'eau représentées par les ions) à travers la membrane cellulaire
Figure 2. Contrôle du bilan hydrique. La variable régulée est l’hydrata- sont lents en comparaison des échanges possibles entre le
tion cellulaire dont l’organisme sait détecter les variations grâce aux secteur extracellulaire et le milieu extérieur. Le stock
osmorécepteurs. La variable ajustée est le stock hydrique. Celui-ci in- d’osmoles efficaces peut donc être habituellement
fluence aussi l’hydratation extracellulaire, mais cette dernière est contrô- considéré comme constant dans le compartiment
lée par une autre boucle de régulation. ADH : hormone antidiurétique. cellulaire, ce qui n’est pas le cas dans le compartiment
extracellulaire. En conséquence, une variation de
l’osmolalité efficace dans le compartiment cellulaire
Sans exclure l’absence totale d’interactions, le contrôle du
traduit généralement une variation du stock d’eau
bilan hydrique et celui du bilan sodé sont obtenus par la mise
en jeu de boucles de régulation largement indépendantes. intracellulaire et donc du volume cellulaire.
Parce que la membrane cellulaire est librement perméable
à l’eau (et aux solutés non osmotiquement efficaces, telle
Contrôle du bilan hydrique l’urée), les échanges d’eau (et d’urée) à travers la
Boucle de régulation membrane cellulaire sont rapides (en comparaison des
échanges de solutés osmotiquement efficaces). En
Le contrôle du bilan hydrique a pour objectif d’assurer la
conséquence l’eau et les solutés non osmotiquement
stabilité de l’hydratation cellulaire, c’est-à-dire du volume
cellulaire. L’organisme atteint cet objectif en régulant l’hydrata-
efficaces (urée) réalisent leur équilibre de diffusion, ce qui
tion cellulaire, ce qui est possible puisqu’il existe dans l’hypo- explique que l’osmolalité totale et l’osmolalité des solutés
thalamus des cellules particulières appelées « osmorécepteurs », non osmotiquement efficaces (représentées princi-
spécifiquement sensibles aux variations du volume cellulaire. palement par la concentration molaire de l’urée) sont
Toute variation du volume cellulaire entraîne au niveau des identiques dans le compartiment cellulaire et dans le
osmorécepteurs une modification de la tension exercée sur la compartiment extracellulaire. L’osmolalité efficace (qui est
membrane cellulaire, modification qui représente le signal la différence entre l’osmolalité totale et l’osmolalité des
détecté par la boucle de régulation. L’inhibition ou la stimula- solutés non osmotiquement efficaces) est donc identique
tion résultante des centres de la soif et de la sécrétion d’hor- dans le compartiment cellulaire et dans le compartiment
mone antidiurétique (ADH) permet d’ajuster le stock hydrique
extracellulaire.
par une action directe sur les apports liquidiens et sur l’excré-
tion urinaire d’eau libre de manière à minimiser la variation du
Ainsi, l’osmolalité efficace plasmatique, égale à
volume cellulaire (Fig. 2). l’osmolalité efficace intracellulaire, est-elle un reflet de
L’organisme ne régule pas le stock hydrique, il est bien l’hydratation cellulaire, à l’exception des cas où le stock
incapable de le faire puisqu’il ne sait en détecter les variations, d’osmoles efficaces intracellulaires ne peut être considéré
mais il l’ajuste de manière à assurer la stabilité de l’hydratation comme constant (déplétion potassique sévère).
cellulaire.

Troubles du bilan hydrique L’osmolalité efficace du plasma ne peut pas être mesurée
Un trouble du bilan hydrique correspond à une situation directement, mais il existe plusieurs moyens de l’estimer
dans laquelle la boucle de contrôle du bilan hydrique ne (Tableau 1). Cette estimation permet au médecin de connaître
parvient pas à son objectif : il correspond donc à un trouble de l’état d’hydratation cellulaire : une osmolalité efficace du plasma
l’hydratation cellulaire. Une surcharge hydrique entraîne une au-dessous de la limite inférieure de la normale définit l’état
hyperhydratation cellulaire ; un déficit hydrique provoque une hypotonique et est associée, en l’absence d’une intense déplé-
déshydratation cellulaire. tion potassique, à une hyperhydratation cellulaire ; une osmo-

2 Médecine d’urgence
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Tableau 1.
Estimation de l’osmolalité plasmatique. Hydratation cellulaire Stock hydrique

Valeurs normales
Osmolalité (totale)
du plasma : Volume extracellulaire Volémie efficace
mesure directe osM 285 ± 10 mOsm/kg
(cryoscopie) : calcul 2 (Na + K) + glucose 300 ± 10 mOsm/l
+ urée
Osmolalité efficace SRAA - FAN
du plasma (pas de me- FG
sure directe possible) : Stock sodé
calcul :
- le plus exact osM – urée 280 ± 10 mOsm/kg
- le plus simple 2 Na + glucose 285 ± 10 mOsm/l Natriurèse

Figure 3. Contrôle du bilan sodé. La variable régulée est la volémie


efficace dont l’organisme sait détecter les variations grâce aux barorécep-
teurs et volorécepteurs. La variable ajustée est le stock sodé qui permet le
“ Points importants contrôle de l’hydratation extracellulaire. Celui-ci influence aussi l’hydrata-
tion cellulaire, mais cette dernière est régulée par une autre boucle de
régulation. SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone ; FAN : fac-
Trouble de l’hydratation cellulaire teur atrial natriurétique ; FG : filtration glomérulaire.
Le diagnostic biologique est basé sur une estimation de
l’osmolalité efficace du plasma.
la volémie efficace correspond à une variation de la pression
sanguine au niveau des récepteurs et non à une variation directe
lalité efficace au-dessus de la limite supérieure de la normale de la volémie.
définit l’état hypertonique et est associée à une déshydratation Les variations de la volémie efficace agissent sur le bilan sodé
cellulaire. par l’intermédiaire de plusieurs effecteurs (système rénine-
Le calcul de l’osmolalité efficace du plasma permet d’estimer angiotensine-aldostérone, facteur atrial natriurétique, filtration
l’état d’hydratation cellulaire : l’urée n’a pas à être prise en glomérulaire) : une augmentation de la volémie efficace (hyper-
compte (car elle n’est pas osmotiquement efficace). volémie efficace) provoque une excrétion rénale du sodium, une
Puisqu’un trouble de l’hydratation cellulaire correspond à un diminution de la volémie efficace (hypovolémie efficace)
ajustement incorrect du stock hydrique de l’organisme, le provoque une rétention rénale du sodium (Fig. 3). Toute
diagnostic étiologique d’un tel trouble nécessite de déterminer variation primitive du volume extracellulaire entraîne une
si la réponse du rein (concentration ou dilution des urines) est variation dans le même sens de la volémie efficace, à l’origine
adaptée au défaut d’ajustement, autrement dit de comparer d’un ajustement du stock sodé par une action directe sur la
l’osmolalité urinaire U à l’osmolalité plasmatique P. La mesure natriurèse. Cet ajustement, réalisé de manière à minimiser la
de la seule natriurèse ne présente aucun intérêt en l’absence de variation de la volémie efficace, minimise du même coup la
troubles du bilan sodé : elle est très variable et est seulement un variation du volume extracellulaire qui lui a donné naissance.
reflet des apports. L’organisme ne régule pas le stock sodé, il est bien incapable
Le diagnostic étiologique d’un trouble du bilan hydrique de le faire puisqu’il ne sait en détecter les variations, mais il
repose sur la comparaison de l’osmolalité urinaire à l’osmolalité l’ajuste dans l’objectif d’assurer la stabilité de l’hydratation
plasmatique. extracellulaire.
L’osmolalité urinaire peut être mesurée directement ou Cependant, la volémie efficace n’est pas seulement sensible
calculée par la formule : U = 2 × (Na + K) + urée (Na : natriu-
aux variations du volume extracellulaire : la fonction ventricu-
rèse, K : kaliurèse), à laquelle il convient d’ajouter éventuelle-
laire gauche, la valeur des résistances artérielles périphériques et
ment, si elles ne sont pas négligeables, l’ammoniurie, la
la pression oncotique du plasma sont aussi des déterminants de
glycosurie et la bicarbonaturie.
la volémie efficace. Une diminution de la pression oncotique du
L’osmolalité urinaire permet d’estimer le pouvoir de concen-
plasma (syndrome néphrotique), une diminution des résistances
tration-dilution des urines : l’urée doit être prise en compte (car
périphériques (cirrhose hépatique) ou une diminution du débit
elle représente une part non négligeable de l’osmolalité
cardiaque (insuffisance cardiaque) peuvent être responsables
urinaire).
d’une diminution de la volémie efficace. Puisque la variable
régulée par la boucle de contrôle du bilan sodé est la volémie
Contrôle du bilan sodé efficace, on observe dans ces conditions une rétention sodée
importante, secondaire à l’hypovolémie efficace et responsable
Boucle de régulation d’une hyperhydratation extracellulaire. Cette situation provient
Le contrôle par l’organisme du bilan sodé a pour objectif de ce que la boucle de contrôle du bilan sodé, dont l’objectif est
d’assurer la stabilité du volume extracellulaire. Cette stabilité ne la stabilité du volume extracellulaire, n’est pas capable d’en
peut être assurée par une boucle de régulation, car l’organisme assurer directement la régulation.
ne sait pas détecter les variations du volume extracellulaire. Il
fait appel à une boucle de régulation de la volémie efficace, Troubles du bilan sodé
considérée comme un reflet indirect du volume extracellulaire
et dont il est capable de détecter directement les variations. Un trouble du bilan sodé correspond à une situation dans
La volémie efficace correspond classiquement à un volume laquelle la boucle de contrôle du bilan sodé ne parvient pas à
sanguin assez mal identifié. Les variations de la volémie efficace son objectif : il correspond donc à un trouble de l’hydratation
sont détectées par les modifications de la tension pariétale extracellulaire. Une surcharge sodée augmente le volume
engendrées par les variations de la pression sanguine au niveau extracellulaire ; un déficit sodé le diminue.
des barorécepteurs, en particulier sinocarotidiens et juxtaglomé- Pour poser le diagnostic d’un trouble du bilan sodé, le
rulaires rénaux, du système artériel à haute pression, mais aussi médecin n’a pas la possibilité de détecter directement les
au niveau des volorécepteurs, en particulier de l’oreillette variations du volume extracellulaire. Les signes biologiques
gauche, du système à basse pression [2]. Ainsi, une variation de (hématocrite, protidémie) ne sont pas assez spécifiques. Les

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l’ADH. Il en résulte une surcharge hydrique dont témoignent la


Hypovolémie efficace diminution de l’osmolalité efficace et l’hyponatrémie. Ainsi le
maintien de la volémie efficace prévaut-il sur le maintien de
seulement si importante
toujours
(diminution > 10 %) l’osmolalité efficace, tant l’organisme craint le choc.

Cas particulier du patient hémodialysé


Rétention sodée Soif + ADH
Le patient en insuffisance rénale terminale n’a plus la
possibilité d’ajuster de manière adéquate son bilan hydrique ni
son bilan sodé : aucune des deux boucles de régulation (hydri-
Rétention hydrique que et sodée) ne parvient à son objectif.
La charge hydrique obligatoire (eau contenue dans les
Figure 4. Conséquences de l’hypovolémie efficace. L’hypovolémie effi- aliments et eau provenant du catabolisme glucidique) ou
cace stimule d’abord et toujours la rétention sodée puis, seulement facultative (boissons) et la charge sodée jamais totalement nulle
au-dessus d’un seuil plus élevé (variation supérieure à environ 10 %), la en dépit d’un régime peu salé mettent le patient en situation de
rétention hydrique. surcharge hydrosodée. La surcharge hydrique est responsable
d’une hyperhydratation cellulaire, mais aussi d’une hyperhy-
dratation extracellulaire, car la boucle de contrôle du bilan sodé
n’est pas capable d’ajuster le stock sodé à la baisse pour l’éviter.
Le patient doit être traité par dialyse chronique en attendant

“ Points importants éventuellement une transplantation.


Les séances d’hémodialyse permettent de réajuster les stocks
hydriques et sodés de l’organisme de manière à rétablir une
Un trouble du bilan sodé est un trouble de l’hydratation hydratation cellulaire et extracellulaire correcte [3] . Il est
extracellulaire. intéressant de noter que le moniteur d’hémodialyse procède à
l’opposé des reins naturels : alors que pour maintenir une
hydratation cellulaire (et donc une natrémie) normale, les reins
naturels ajustent le stock hydrique en agissant sur l’excrétion
signes cliniques sont plus utiles : œdèmes généralisés en cas urinaire d’eau libre, le moniteur d’hémodialyse tente au
d’hyperhydratation extracellulaire, pli cutané avec tachycardie contraire d’ajuster le stock sodé en agissant sur la concentration
et hypotension orthostatique en cas de déshydratation sodée du dialysat afin de rétablir une natrémie (et donc une
extracellulaire. hydratation cellulaire) correcte. En revanche, alors que pour
maintenir un volume extracellulaire normal les reins naturels
ajustent le stock sodé en agissant sur la natriurèse, le moniteur
d’hémodialyse peut ajuster le stock hydrique en agissant sur
“ Points importants l’ultrafiltration afin de rétablir un poids sec correct (défini
comme le poids permettant d’obtenir un volume extracellulaire
correct).
Le trouble de l’hydratation extracellulaire est confirmé par
le diagnostic clinique.
■ Troubles du bilan hydrique
Un trouble du bilan hydrique affecte l’hydratation cellulaire.
Puisqu’un trouble de l’hydratation extracellulaire correspond
Les troubles du bilan hydrique peuvent être soit primitifs et
à un ajustement incorrect du stock sodé de l’organisme, le
alors responsables d’une variation de l’osmolalité efficace, soit
diagnostic étiologique d’un tel trouble nécessite de déterminer
secondaires et alors causés par une variation de l’osmolalité
si la réponse du rein (natriurèse) est adaptée au défaut d’ajuste-
efficace.
ment, autrement dit de comparer la natriurèse à l’état d’hydra-
Le diagnostic positif repose essentiellement sur l’estimation
tation extracellulaire.
de l’osmolalité efficace. Dans le cas d’un trouble primitif du
Il n’y a aucune corrélation entre la natrémie et la natriurèse :
bilan hydrique, la variation induite de l’osmolalité efficace se
la natrémie ne renseigne en aucune façon sur le stock sodé.
traduit seulement par une variation de la natrémie, et parallè-
lement de la chlorémie, car, à l’exception de la natrémie et de
Interactions la chlorémie, la concentration des solutés osmotiquement
efficaces habituellement dosés est régulée de manière indépen-
Cas habituel dante. Cependant, le diagnostic repose en pratique sur la
Le contrôle du bilan hydrique à l’origine de la stabilité de variation de la natrémie, car la variation de la chlorémie est
l’hydratation cellulaire et le contrôle du bilan sodé à l’origine moins spécifique : la variation de la chlorémie se faisant
de la stabilité de l’hydratation extracellulaire sont largement toujours dans le but de préserver l’électroneutralité plasmatique,
indépendants. Ainsi, un trouble du bilan hydrique affecte elle peut être la conséquence d’une variation dans le même sens
l’hydratation cellulaire mais non l’hydratation extracellulaire, de la concentration plasmatique d’un cation (en particulier du
dans la mesure où la boucle de contrôle du bilan sodé fonc- sodium), mais aussi la conséquence d’une variation en sens
tionne de manière correcte et indépendante. De manière opposé de la concentration plasmatique d’un anion (en parti-
analogue, un trouble du bilan sodé devrait affecter la seule culier du bicarbonate).
hydratation extracellulaire dans la mesure où la boucle de
contrôle du bilan hydrique fonctionne de manière correcte et Surcharge hydrique primitive
indépendante.
L’indépendance entre le contrôle du bilan hydrique et celui Elle se traduit par un tableau d’hyperhydratation cellulaire
du bilan sodé n’est cependant pas totale. Quand la diminution cliniquement pure.
de la volémie efficace devient suffisamment importante (supé-
rieure à au moins 10 %), l’hypovolémie efficace stimule la
Physiopathologie
sécrétion d’angiotensine et d’ADH (Fig. 4). Elle interfère alors Une surcharge hydrique primitive s’observe dans les situa-
avec les mécanismes de contrôle du bilan hydrique en augmen- tions où le rein est incapable de diluer suffisamment les urines.
tant les apports liquidiens en liaison avec la soif provoquée par On en distingue différentes étiologies :
l’angiotensine (puissamment dipsogène) et en diminuant • les causes extrarénales : la capacité de dilution des urines, par
l’élimination rénale d’eau libre du fait de l’augmentation de ailleurs correcte, est dépassée du fait d’un excès d’apports

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Tableau 2. La surcharge hydrique primitive n’a pas de retentissement sur


Affections les plus fréquemment associées à un SIADH. la régulation du bilan sodé, en conséquence la volémie efficace
Tumeurs malignes : - Tumorales : cancer bronchopul-
et l’hydratation extracellulaire restent cliniquement normales.
monaire Le tableau clinique est donc celui d’un trouble isolé de l’hydra-
tation cellulaire sans signes cliniques patents d’hyperhydrata-
- Cancer du duodénum ou du pan-
tion ou de déshydratation extracellulaires. Tout au plus, la très
créas
légère augmentation du volume extracellulaire explique-t-elle
- Cancer de la prostate ou des voies
l’aspect parfois infiltré des téguments (mais sans œdèmes
urinaires
véritables car il n’y a pas de signe du « godet ») et la possible et
- Lymphomes légère diminution de l’urée, de la créatinine et surtout de l’acide
Affections pulmonaires : - Tumorales : cancer bronchopul- urique.
monaire
- Infectieuses : pneumopathies in-
fectieuses, tuberculose, abcès du
poumon
- Autres : fibrose pulmonaire,
“ Points importants
asthme, ventilation à pression posi-
tive La surcharge hydrique primitive entraîne une
Affections du système nerveux - Infectieuses : encéphalite, ménin-
hyperhydratation cellulaire pure.
central : gite, abcès cérébral
- Vasculaires : hémorragie ménin-
gée, thrombose du sinus caver- Diagnostic étiologique
neux, AVC
Une osmolalité urinaire faible (U/P < 1) est adaptée à la
- Autres : traumatisme crânien, hy-
surcharge hydrique : elle traduit un apport liquidien trop
drocéphalie, atrophie cérébrale,
important. Le dosage de l’ADH, qui serait effondrée, n’est pas
tumeurs cérébrales, syndrome de
Guillain-Barré, delirium tremens
utile.
À l’opposé, une osmolalité urinaire inadaptée (U/P > 1)
témoigne d’un défaut d’élimination rénale (diminution de la
Affections endocriniennes : - Myxœdème capacité de dilution des urines). Si le contexte ne le permet pas
- Hypocortisolisme à lui seul, le dosage de l’ADH permet de trancher entre une
- Panhypopituitarisme cause intrinsèque (ADH effondrée) et une cause extrinsèque
(ADH normale ou élevée, inadaptée à l’hyponatrémie, signant le
Médicaments : - Analogues de l’ADH : desmopres- SIADH).
sine (Minirin®), ocytocine (Synto-
cinon®) Traitement
- Clofibrate (Lipavlon®) Les hyponatrémies en rapport avec une surcharge hydrique
- Vincristine (Oncovin®), vinblas- primitive sont le plus souvent chroniques et bien tolérées. Le
tine (Velbé®) traitement consiste à imposer au patient une restriction hydri-
- Carbamazépine (Tégrétol®), phé- que modérée, afin d’éviter le risque de décompensation aiguë :
nothiazines celle-ci peut être provoquée par la prescription d’un traitement
- Nicotine diurétique (pour hypertension) ou d’une cure de diurèse (pour
lithiase ou infection urinaire, etc.) ou lors d’une hospitalisation
durant laquelle la pose d’un soluté glucosé isotonique
Situations diverses : - Suites postopératoires
« d’attente » est parfois abusivement systématique.
- Psychose aiguë En cas d’hyponatrémie aiguë mal tolérée sur le plan neurolo-
gique, lorsque la restriction hydrique reste insuffisante, le
traitement consiste à obtenir un bilan hydrique négatif en
liquidiens. C’est la classique « intoxication par l’eau » en forçant la diurèse et en compensant l’excrétion urinaire de
rapport avec l’absorption de grandes quantités de bière ou sodium par des apports sodés nettement plus concentrés en
avec une potomanie responsable d’un syndrome polyuropo- sodium que les urines :
lydipsique [4] ; • la perfusion de chlorure de sodium hypertonique ou même
• les causes rénales : la capacité de dilution des urines est simplement isotonique (à 9 g/l), à raison de 0,5 g/h de
altérée. On distingue les causes rénales intrinsèques (insuffi- chlorure de sodium sans dépasser 15 g sur les premières
sance rénale chronique) et extrinsèques (syndrome de sécré- 24 heures, peut suffire pour provoquer une diurèse abondante
tion inappropriée d’ADH [SIADH]). Le Tableau 2 indique les et peu sodée, ce qui permet une correction progressive de
circonstances les plus fréquentes dans lesquelles survient un l’hyponatrémie. Cependant, le risque d’induire une surcharge
tableau de SIADH, mais on ne retrouve parfois aucune cause sodée n’est pas nul chez l’insuffisant rénal chronique et chez
(SIADH idiopathique). Une situation clinique et biologique le sujet âgé, chez qui la filtration glomérulaire est physiolo-
identique à celle du SIADH est observée chez certaines giquement diminuée ;
personnes âgées, sans que l’on mette en évidence un trouble • la prescription d’un diurétique de l’anse (par exemple 40 à
de la sécrétion de l’ADH. Cette situation correspond au reset- 80 mg/j de furosémide), sous contrôle de la natriurèse (de
osmostat des Anglo-Saxons. façon à compenser les pertes sodées) et de la kaliémie, permet
d’augmenter la diurèse aqueuse et donc la rapidité de la
Diagnostic positif correction de l’hyponatrémie, sans risque de surcharge sodée.
Les signes cliniques permettant d’évoquer une hyperhydrata- Le but est de remonter la natrémie entre 125 et 130 mmol/l
tion cellulaire sont peu spécifiques : dégoût de l’eau, voire en 5 à 8 heures : toute normalisation rapide doit être pros-
nausées et/ou vomissements. La prise de poids est constante, crite afin d’éviter une gravissime myélinolyse centropontine.
mais pas toujours facile à affirmer. Les signes neurologiques, Dans le cas d’un SIADH, il a été proposé d’utiliser les sels de
également peu spécifiques (troubles de la conscience ou du lithium (10 à 20 mEq par jour de lithium, soit 1 à 2 comprimés
comportement, convulsions, coma), n’apparaissent qu’en cas par jour de Téralithe LP®) qui empêchent l’action de l’ADH sur
d’hyperhydratation sévère. Le diagnostic d’hyperhydratation le tube collecteur, mais l’efficacité en est inconstante. Dans la
cellulaire est en réalité essentiellement biologique et repose sur mesure du possible, le traitement est étiologique et fonction de
la constatation d’une hyponatrémie (hyponatrémie de dilution). la cause du SIADH.

Médecine d’urgence 5
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Déficit hydrique primitif corporel en l’absence de trouble de l’hydratation). En réalité,


c’est la surveillance rapprochée de la natrémie, toutes les 4 à
Il se traduit par un tableau de déshydratation cellulaire 6 heures, qui permet d’adapter le traitement et de prévenir une
cliniquement pure. diminution trop rapide : la natrémie ne doit pas diminuer de
plus de 2 mmol/l en 1 heure. L’adjonction d’insuline (environ
Physiopathologie quatre unités d’insuline ordinaire pour 10 g de glucose) peut
Un déficit hydrique primitif peut être en rapport : être utile pour éviter l’apparition d’une diurèse osmotique
• avec une insuffisance d’apports en eau : soif non ressentie gênant la réhydratation.
(adipsie idiopathique ou plus souvent secondaire à un Les déshydratations cellulaires en rapport avec un diabète
accident vasculaire cérébral) ou soif non satisfaite (carence en insipide à l’origine d’un syndrome polyuropolydipsique peuvent
eau, très jeune âge, handicap, grand âge) ; justifier un traitement spécifique [4].
• avec un excès d’élimination rénale (diabète insipide) ou plus
rarement extrarénale (pertes respiratoires), mais la déshydra- Troubles secondaires du bilan hydrique
tation n’apparaît que si cet excès n’est pas, ou pas suffisam-
ment, compensé par une polydipsie [4]. Les troubles secondaires du bilan hydrique sont causés par
une variation de l’osmolalité efficace en rapport avec une
Diagnostic positif surcharge ou un déficit en osmoles efficaces. Ceux-ci sont à
l’origine d’un trouble de l’hydratation cellulaire seulement
Cliniquement, la soif est un signe majeur : présente dès la
lorsque les capacités de régulation de la boucle de contrôle du
phase d’installation de la déshydratation, elle devrait permettre
bilan hydrique sont dépassées.
de l’éviter. La sécheresse des muqueuses (en particulier de la face
interne des joues) est un signe classique et important. La perte Surcharge en osmoles efficaces
de poids est constante, mais difficile à quantifier si le poids
antérieur n’est pas connu avec précision. En cas de déshydrata- Les troubles du bilan hydrique secondaires à une surcharge
tion sévère apparaissent les autres signes cliniques, en particulier en osmoles efficaces ne concernent que les osmoles efficaces
neurologiques, qui en font toute la gravité : troubles de la extracellulaires. En effet, une surcharge en osmoles efficaces
conscience, fièvre, convulsions, etc. Des hématomes intracéré- intracellulaires (en particulier une surcharge potassique) est
braux, notamment chez le nourrisson, peuvent compliquer les létale avant d’être suffisamment importante pour entraîner un
formes les plus graves. En réalité, le diagnostic d’hyperhydrata- trouble de l’hydratation.
tion cellulaire est essentiellement biologique et repose sur la Les surcharges en osmoles efficaces extracellulaires peuvent
constatation d’une hypernatrémie, reflet de l’hypertonie. être le fait :
Le déficit hydrique primitif n’a pas de retentissement sur la • d’un ion : seuls les ions chargés positivement (cations)
régulation du bilan sodé : le tableau clinique est donc celui d’un peuvent être responsables d’une augmentation de l’osmolalité
trouble isolé de l’hydratation cellulaire sans signes cliniques efficace (l’augmentation de leur concentration est amplifiée
patents d’hyperhydratation ni de déshydratation extra- par l’augmentation parallèle de la chlorémie nécessaire pour
cellulaires. maintenir l’électroneutralité) : en effet, l’augmentation de la
concentration d’un ion négatif (anion) est compensée par
une diminution parallèle de la chlorémie (nécessaire pour
maintenir l’électroneutralité). Le cation concerné est le plus

“ Points importants souvent le sodium (la surcharge par un autre cation endogène
est létale avant d’être suffisante pour provoquer un trouble de
l’hydratation), mais ce peut être aussi un cation exogène
Le déficit hydrique primitif entraîne une déshydratation (trishydroxyméthylaminométhane [THAM]). Le cas de la
cellulaire pure. surcharge sodée est étudié plus loin ;
• d’un soluté neutre osmotiquement efficace endogène (glu-
cose) ou exogène (mannitol).
La déshydratation cellulaire est secondaire à l’augmentation
Diagnostic étiologique de l’osmolalité efficace provoquée par la surcharge en osmoles
Une osmolalité urinaire élevée (U > 600 mOsm/l) est adaptée. efficaces et aggrave le déficit hydrique en rapport avec la
Elle témoigne d’une capacité correcte de concentration des polyurie osmotique souvent observée dans ces conditions. La
urines et signe un apport liquidien trop faible. surcharge en osmoles efficaces devrait être à l’origine d’une
Une osmolalité urinaire inadaptée témoigne d’un excès hyperhydratation extracellulaire, mais celle-ci est atténuée par la
d’élimination rénale d’eau par défaut de concentration des polyurie osmotique. La déshydratation cellulaire se traduit par
urines (diabète insipide). Le dosage de l’ADH permet de tran- une hypernatrémie en cas de surcharge sodée. Dans les autres
cher entre un diabète insipide d’origine centrale (ADH basse ou cas, par exemple dans le cas d’une hyperglycémie majeure liée
normale, en tout cas inadaptée à l’hypertonicité) et un diabète à un diabète décompensé, elle se traduit au contraire par une
insipide néphrogénique (ADH élevée). L’épreuve de restriction hyponatrémie en rapport avec la dilution provoquée d’une part
hydrique est inutile et dangereuse en présence d’une déshydra- par le flux osmotique d’eau sortant des cellules du fait de
tation cellulaire (hypernatrémie). l’augmentation de l’osmolalité efficace, d’autre part par la
stimulation des centres de la soif et de la sécrétion d’ADH à
Traitement l’origine d’une augmentation du stock hydrique. Il existe par
Il repose sur la réhydratation, réalisée autant que possible par ailleurs un syndrome polyuropolydipsique en rapport avec une
voie orale. La déshydratation cellulaire ne survient cependant polyurie osmotique [4].
que chez le sujet incapable de ressentir ou de satisfaire sa soif.
Elle s’accompagne souvent de troubles de la conscience et Déficit en osmoles efficaces
nécessite alors une réhydratation par voie parentérale à base de Les troubles du bilan hydrique secondaires à un déficit en
soluté glucosé isotonique ou hypotonique (1 l en 6 heures puis osmoles efficaces peuvent concerner les osmoles efficaces
1 à 2 l par jour) remplacé dès que possible par des apports extracellulaires ou intracellulaires.
hydriques per os. Le déficit sodé est le seul cas possible de déficit en osmoles
Le déficit hydrique V et donc le volume de solution à efficaces extracellulaires : les autres cations (potassium, calcium
apporter peuvent être appréciés par la relation suivante : V (l) et magnésium) et le glucose sont en concentration insuffisante
= 0,6 × poids (kg) (1 - 140/natrémie (mmol/l)). pour qu’un déficit puisse provoquer un trouble de l’hydratation.
Cette relation repose sur une valeur du volume apparent de Le cas du déficit sodé est étudié plus loin.
distribution, encore dénommé volume de distribution osmoti- Le déficit potassique est le seul cas possible de déficit en
que, du sodium égale à l’eau totale (60 % environ du poids osmoles efficaces intracellulaires. Il est accompagné d’une sortie

6 Médecine d’urgence
Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10

1) Déficit sodé : Figure 5. Troubles du bilan sodé.


Pli cutané
Déshydratation
Déficit sodé
extracellulaire
Hypovolémie efficace

2) Surcharge sodée hypervolémique (ou primitive) :

Œdèmes
Hyperhydratation
Surcharge sodée
extracellulaire
Hypervolémie

3) Surcharge sodée hypovolémique (ou secondaire) :

Hypovolémie Hyperhydratation
Surcharge sodée Œdèmes
efficace extracellulaire

d’eau des cellules, responsable d’une hyponatrémie et d’une sont toujours de cause rénale, en rapport avec une natriurèse
tendance à l’hyperhydratation extracellulaire qui est évitée par inadaptée à la surcharge sodée. La surcharge sodée peut être
un ajustement à la baisse du stock sodé. Son traitement néces- primitive, à l’origine d’une hypervolémie (surcharge sodée
site donc un apport de potassium et de sodium permettant de hypervolémique), ou secondaire à une hypovolémie efficace
compenser le déficit potassique et de réajuster à la hausse le (surcharge sodée hypovolémique).
stock sodé. Les causes des surcharges sodées hypervolémiques sont :
• rénales intrinsèques, en rapport avec une insuffisance rénale
aiguë, une insuffisance rénale chronique terminale ou un
syndrome néphritique aigu ;

“ Points importants
• rénales extrinsèques, en rapport avec un hyperaldostéronisme
ou un hypercorticisme.
Les causes des surcharges sodées hypovolémiques sont rénales
Un déficit potassique majeur entraîne une hyponatrémie. extrinsèques. Ce sont celles de l’hypovolémie efficace qui en est
à l’origine : syndrome néphrotique, insuffisance cardiaque ou
cirrhose.

■ Troubles du bilan sodé Diagnostic positif


Le diagnostic de surcharge sodée repose sur les signes clini-
Un trouble du bilan sodé affecte l’hydratation extracellulaire ques d’hyperhydratation extracellulaire : hypertension et/ou
(Fig. 5). Le diagnostic repose essentiellement sur l’examen œdèmes généralisés [5]. L’hypertension peut traduire l’hyperhy-
clinique. Les troubles du bilan sodé peuvent être soit primitifs dratation du secteur vasculaire : elle est constante en cas de
et alors responsables d’une variation de la volémie efficace, soit surcharge sodée hypervolémique, mais elle est très peu spécifi-
secondaires et alors causés par une variation de la volémie que. Les œdèmes généralisés prédominant aux points déclives
efficace. traduisent l’hyperhydratation du secteur interstitiel, mais ne
Un trouble primitif du bilan sodé survient lorsque les capaci- sont cliniquement décelables qu’en cas de surcharge sodée
tés de régulation de la boucle de contrôle du bilan sodé sont importante. L’œdème aigu pulmonaire et l’insuffisance ventri-
dépassées ou lorsqu’il existe un dysfonctionnement de cette culaire gauche ne s’observent que dans les formes graves.
boucle. Si la boucle de contrôle du bilan hydrique fonctionne
normalement et parvient à son objectif, l’hydratation cellulaire,
la natrémie et l’osmolalité efficace sont normales : le trouble du
bilan sodé témoigne alors d’une surcharge ou d’un déficit sodés
isotoniques et se traduit par un tableau d’hyperhydratation ou “ Points importants
de déshydratation extracellulaires pures.
Parce que la volémie efficace peut influencer le contrôle du La surcharge sodée est associée à une hyperhydratation
bilan hydrique (Fig. 4), les troubles du bilan sodé peuvent extracellulaire.
affecter à la fois l’hydratation extracellulaire et l’hydratation
cellulaire. La sévérité du trouble de l’hydratation extracellulaire
renseigne sur l’importance du trouble du bilan sodé. L’osmola- L’intensité des signes d’hyperhydratation extracellulaire est en
lité efficace, le plus souvent reflétée par une variation propor- relation avec l’importance de la surcharge sodée. En revanche, la
tionnelle de la natrémie, est variable et fonction du trouble prise de poids (souvent importante) et la natrémie ne sont en
éventuellement associé du bilan hydrique. Elle renseigne sur aucune façon liées à l’intensité de l’hyperhydratation extracellu-
l’état d’hydratation cellulaire. laire. La natrémie est variable suivant le caractère hypotonique,
isotonique ou hypertonique de la surcharge sodée. Bien que sa
Surcharge sodée mesure ne présente aucun intérêt pour le diagnostic positif ou
étiologique de l’hyperhydratation extracellulaire, elle est fonda-
Une surcharge sodée se traduit par un tableau clinique mentale pour préciser l’état d’hydratation cellulaire et définir la
d’hyperhydratation extracellulaire. conduite à suivre en ce qui concerne les apports hydriques.
Une natrémie normale traduit un ajustement correct du stock
Physiopathologie
hydrique assurant la stabilité de l’osmolalité efficace et donc
Parce que les reins normaux peuvent éliminer une quantité une hydratation cellulaire normale : il s’agit alors d’une
énorme de sodium en réduisant de quelques centièmes le taux hyperhydratation extracellulaire pure en rapport avec une
de réabsorption du sodium, il n’y a pas de causes extrarénales surcharge sodée devenue isotonique du fait de la régulation
de surcharge sodée. Les états d’hyperhydratation extracellulaire hydrique. C’est seulement dans ce cas que la prise de poids est

Médecine d’urgence 7
25-100-A-10 ¶ Troubles de l’équilibre hydrosodé

proportionnelle à la surcharge sodée (prise de poids de 1 kg -tion d’une hyponatrémie. Une restriction hydrique modérée
pour une surcharge sodée d’environ 150 mmol). Bien que la peut l’éviter. En cas d’hyponatrémie franche, la restriction
surcharge sodée puisse être primitivement hypertonique, hydrique devient indispensable jusqu’à sa correction ;
l’hypernatrémie est rare, car responsable d’une soif intense et • en présence d’une hypovolémie efficace, on associe dans la
d’une stimulation de l’ADH à l’origine d’une rétention hydrique mesure du possible un traitement étiologique de manière à la
tendant à ramener la surcharge sodée à l’isotonicité et la corriger au mieux, car elle est à l’origine de l’expansion du
natrémie à une valeur normale. L’hyponatrémie est fréquente volume extracellulaire : amélioration de la fonction ventricu-
en cas d’hypovolémie efficace importante (ce qui stimule la laire (par exemple par les inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sécrétion d’angiotensine et d’ADH) ou en présence de tout autre sion) en cas d’insuffisance cardiaque, arrêt de l’alcool et des
facteur rendant le rein incapable d’éliminer une quantité médicaments hépatotoxiques en cas de cirrhose, perfusion
suffisante d’eau libre. Elle traduit une hyperhydratation cellu- d’albumine prescrite en dernier recours en cas de syndrome
laire qui aggrave la prise de poids liée à l’hyperhydratation néphrotique avec hypovolémie menaçante.
extracellulaire et requiert une restriction des apports hydriques.

Diagnostic étiologique
L’hyperhydratation extracellulaire, surtout lorsqu’elle est
majeure, est le plus souvent en rapport avec une surcharge
“ Conduite à tenir
sodée hypovolémique dont les étiologies se résument au Une hyperhydratation extracellulaire impose un régime
syndrome néphrotique, à l’insuffisance cardiaque et à la cirrhose
sans sel et éventuellement des diurétiques.
décompensées. Le contexte clinique permet facilement de
trancher. La natriurèse est faible (inférieure à 20 mmol/l) et en
tout cas inadaptée, avec un rapport Na/K urinaire inférieur à
1 dans un contexte d’insuffisance rénale fonctionnelle. Dans le cas d’une insuffisance rénale oligoanurique ou
Plus rarement, l’hyperhydratation extracellulaire est en préterminale, la surcharge sodée peut être réfractaire au traite-
rapport avec une surcharge sodée hypervolémique. L’hyperten- ment diurétique, même à dose importante (furosémide jusqu’à
sion artérielle est alors constante. L’hypervolémie est la consé- 1 500 mg par jour per os). Elle impose alors une épuration
quence de la surcharge sodée que le rein ne parvient pas à extrarénale (dialyse).
éliminer et doit faire rechercher une cause rénale extrinsèque ou
intrinsèque. La natriurèse est variable, mais elle reste inadaptée Déficit sodé
à la surcharge sodée. Le contexte clinique (présence ou non
Il se traduit par un tableau clinique de déshydratation
d’œdèmes) et biologique (kaliémie, créatininémie, protéinurie,
extracellulaire.
voire mesure du cortisol et de l’aldostérone plasmatique et
urinaire et du rapport aldostérone/rénine plasmatique) permet Physiopathologie
de trancher entre une insuffisance rénale, un syndrome néphri-
tique, un hypercorticisme ou un hyperaldostéronisme. Parce que les reins normaux peuvent annuler la natriurèse en
cas de nécessité, il n’y a pas de déficit sodé par carence
d’apports. Les déficits sodés sont donc habituellement dus à des
pertes sodées.
Les pertes sodées peuvent être :
“ Conduite à tenir • d’origine rénale, de cause intrinsèque au rein (insuffisance
rénale aiguë en phase de reprise de diurèse, néphropathie
chronique, le plus souvent interstitielle, avec perte obligatoire
Une surcharge sodée doit faire évaluer la volémie efficace. de sel) ou extrinsèque (insuffisance surrénalienne, intoxica-
tion aux diurétiques) ;
• d’origine extrarénale : les pertes sodées sont le plus souvent
Traitement digestives (diarrhée, vomissements, fistule digestive), mais
Le traitement symptomatique de l’hyperhydratation extracel- elles peuvent être aussi en rapport avec la constitution d’un
lulaire est celui de la surcharge sodée : il consiste à diminuer les troisième secteur (occlusion intestinale) ou avec une hyper-
sudation profuse (fièvre intense et prolongée, température
apports et à augmenter l’excrétion rénale de sodium.
extérieure très élevée), des brûlures étendues, une muco-
Le régime désodé doit être d’autant plus strict que les
viscidose.
œdèmes et/ou l’ascite sont importants. Un régime sans sel
correctement suivi correspond à un apport de chlorure de Diagnostic positif
sodium inférieur à 2 g/j.
Le diagnostic de déficit sodé repose sur les signes cliniques de
Le traitement diurétique est le traitement symptomatique de
déshydratation extracellulaire. Le signe capital est le « pli
l’expansion du volume extracellulaire, mais il convient de
cutané » : perte de l’élasticité normale de la peau, plus facile-
respecter certaines règles :
ment constatée au niveau des régions sous-claviculaires et du
• les diurétiques thiazidiques et ceux de l’anse provoquent une dos de la main. Il témoigne de la déshydratation du secteur
augmentation de la kaliurèse et nécessitent donc une sur- interstitiel. La tachycardie, la sensation de fatigue avec malaises
veillance de la kaliémie et la prescription éventuelle d’une en position debout témoignant d’une hypotension orthostati-
supplémentation potassique ou l’association d’un diurétique que sont en rapport avec l’hypovolémie. Les yeux sont cernés,
hyperkaliémiant ; enfoncés dans les orbites. L’hypotension permanente, voire le
• la prescription de diurétiques hyperkaliémiants (spironolac- collapsus, ne surviennent qu’en cas de déficit sodé majeur. Sur
tone, etc.) est logique dans toute situation d’hyperaldostéro- le plan biologique, l’hématocrite et la protidémie sont élevés,
nisme (primaire ou secondaire) ou en association avec un témoignant de l’hémoconcentration. Une élévation modérée des
diurétique hypokaliémiant, mais elle est formellement contre- concentrations plasmatiques de l’urée, de la créatinine et de
indiquée dans l’insuffisance rénale sévère en raison du risque l’acide urique est fréquente, traduction d’une insuffisance rénale
d’hyperkaliémie ; fonctionnelle en rapport avec l’hypoperfusion rénale.
• les diurétiques de l’anse sont seuls indiqués dans l’insuffisance L’intensité des signes de déshydratation extracellulaire est en
rénale, car classiquement les seuls efficaces. Leur efficacité relation avec l’importance du déficit sodé. En revanche, la perte
diminue au fur et à mesure que l’insuffisance rénale progresse de poids (souvent modérée) et la natrémie ne sont en aucune
et leur dose doit donc être augmentée en conséquence ; façon liées à l’intensité de la déshydratation extracellulaire. La
• le traitement diurétique, parce qu’il diminue le stock sodé, natrémie est variable suivant le caractère hypotonique, isotoni-
tend à diminuer la volémie efficace et favorise donc l’appari- que ou hypertonique du déficit sodé. Bien que sa mesure ne

8 Médecine d’urgence
Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10

hypovolémique, les solutés macromoléculaires peuvent être

“ Points importants
utiles pour rétablir rapidement un état hémodynamique stable.
L’apport de sodium peut être réalisé par voie orale si le déficit
est peu important et en dehors de tout trouble de la conscience.
Le déficit sodé est associé à une déshydratation Le plus souvent, il est réalisé par voie intraveineuse, car un
extracellulaire. apport important de sodium par voie orale est souvent source
de vomissements qui ne font qu’aggraver le déficit sodé. La
quantité de sodium à perfuser peut être calculée comme si
l’apport de sodium se distribuait dans l’eau totale, c’est-à-dire
présente aucun intérêt pour le diagnostic positif ou étiologique dans environ 60 % du poids corporel. Si la déplétion est
de la déshydratation extracellulaire, elle est fondamentale pour d’origine extrarénale, la réapparition d’une natriurèse témoigne
préciser l’état d’hydratation cellulaire et définir la conduite à de la correction du stock sodé.
suivre en ce qui concerne les apports hydriques. L’apport de sodium par voie intraveineuse est le plus souvent
Une natrémie normale traduit une adaptation correcte du stock effectué sous forme isotonique (chlorure de sodium à 9 g/l). En
hydrique assurant la stabilité de l’osmolalité efficace et donc une cas d’hyponatrémie associée, la restriction hydrique permet de
hydratation cellulaire normale : il s’agit alors d’une déshydrata- ne pas aggraver l’hyperhydratation cellulaire ; dans la mesure où
tion extracellulaire pure en rapport avec un déficit sodé devenu la boucle de régulation du bilan hydrique fonctionne normale-
isotonique du fait de la régulation hydrique. C’est seulement dans ment, l’utilisation de solutés hypertoniques en sodium n’est pas
ce cas que la perte de poids est proportionnelle au déficit sodé nécessairement justifiée et peut même être à l’origine d’une
(perte de poids de 1 kg pour un déficit sodé d’environ correction trop rapide de l’hyponatrémie. En présence d’une
150 mmol). Une hypernatrémie est due au caractère habituelle- hypernatrémie témoignant dans ce contexte d’une déshydrata-
ment hypotonique des pertes sodées, mais elle n’apparaît que si tion globale, les apports sont isotoniques jusqu’au rétablisse-
la soif induite par l’hyperosmolalité ne peut être satisfaite. Cette ment d’un état hémodynamique stable, puis hypotoniques en
éventualité est plus fréquente chez le sujet âgé. Elle correspond à sodium de manière à corriger l’hypernatrémie et la déshydrata-
une déshydratation globale (à la fois extracellulaire et cellulaire) tion cellulaire. En cas d’acidose associée (diarrhée aiguë), on
et souvent grave. En réalité, la natrémie est le plus souvent remplace tout ou partie du chlorure de sodium par du bicarbo-
diminuée, en dépit du caractère primitivement hypotonique du nate de sodium. Le traitement étiologique dépend de l’origine
déficit, parce que l’hypovolémie secondaire au déficit sodé peut du déficit sodé.
être suffisamment importante pour stimuler la sécrétion d’angio-
tensine et d’ADH. Elle traduit une hyperhydratation cellulaire qui
masque la perte de poids associée à la déshydratation extracellu-
laire et nécessite la prescription d’un apport sodé hypertonique
■ Troubles de la natrémie
en restreignant les apports hydriques. La natrémie désigne la quantité de sodium présente dans 1 l
de plasma. Elle se situe normalement aux environs de
Diagnostic étiologique 140 mmol/l.
Devant un tableau clinique de déshydratation extracellulaire, Un trouble de la natrémie, défini par une natrémie en dehors
il importe en premier lieu de mesurer la natriurèse sur un de l’intervalle 135-145 mmol/l, reflète dans l’immense majorité
ionogramme des urines de 24 heures. des cas un trouble de l’hydratation cellulaire, donc un trouble
Une natriurèse basse (inférieure à 20 mmol/j) avec un rapport du bilan hydrique. Il n’est en aucun cas le reflet d’un trouble
Na/K inférieur à 1 du fait d’un hyperaldostéronisme secondaire du bilan sodé, même si ce dernier peut éventuellement être à
à l’hypovolémie efficace, des urines rares et concentrées (urée l’origine du trouble du bilan hydrique.
U/P > 10) du fait de la stimulation de la sécrétion d’ADH par Habituellement découvert sur la pratique d’un ionogramme
l’hypovolémie efficace traduisent un comportement rénal sanguin effectué à l’occasion d’un bilan systématique ou d’un
adapté et signent l’origine extrarénale du déficit sodé. symptôme généralement non spécifique, un trouble de la
À l’opposé, une natriurèse supérieure à 15 mmol/j est inadap- natrémie nécessite d’apprécier à la fois l’état d’hydratation
tée au déficit sodé et traduit habituellement un déficit d’origine cellulaire et l’état d’hydratation extracellulaire afin d’en préciser
rénale. Une exception en est l’existence de vomissements le mécanisme et de déduire la conduite thérapeutique la mieux
importants responsables à la fois d’un déficit sodé et d’une adaptée. Le traitement est en effet celui des troubles de l’hydra-
alcalose métabolique. La nécessité d’éliminer du bicarbonate tation extracellulaire et/ou cellulaire qui l’accompagnent. Ce
pour contrôler l’alcalose peut expliquer l’excrétion rénale de traitement, décrit précédemment, n’est pas détaillé ici.
bicarbonate de sodium en dépit du déficit sodé. Dans ce cas, le
rein bloque l’excrétion rénale de chlorure de sodium afin Diagnostic étiologique d’une hyponatrémie
d’épargner le sodium : la chlorurie est alors effondrée. Cette
chlorurie basse permet de faire la différence avec un déficit sodé Une hyponatrémie est définie par une valeur de la concen-
d’origine rénale, et en particulier avec une intoxication non tration plasmatique du sodium inférieure à 135 mmol/l de
avouée aux diurétiques, difficile autrement à différencier de plasma. Le traitement d’une hyponatrémie dépend de son
vomissements cachés car survenant souvent sur le même terrain étiologie et nécessite donc avant tout de répondre successive-
(jeune femme voulant maigrir) et conduisant tous deux à une ment aux deux questions suivantes (Fig. 6) :
déshydratation extracellulaire avec natriurèse inadaptée, • l’osmolalité efficace du patient est-elle réellement diminuée
hypokaliémie et alcalose métabolique. (hyponatrémie hypotonique) comme c’est le plus souvent le
cas, ou bien se trouve-t-on dans une situation plus rare où
l’osmolalité efficace est normale (hyponatrémie isotonique),
voire augmentée (hyponatrémie hypertonique) ?
• le volume extracellulaire du patient est-il à peu près normal,
nettement diminué ou franchement augmenté ?
“ Conduite à tenir De la réponse à la première question dépendent l’état
d’hydratation cellulaire du patient et la conduite à tenir quant
aux apports hydriques. De la réponse à la seconde question
Un déficit sodé doit faire mesurer la natriurèse. dépendent la valeur du stock sodé et la conduite à tenir quant
aux apports sodés et l’institution d’un traitement diurétique.

Traitement Appréciation de l’osmolalité efficace


Le traitement symptomatique consiste à corriger le déficit Le plus souvent, l’hyponatrémie est le reflet d’une diminu-
sodé par l’apport de chlorure de sodium. En cas de choc tion de l’osmolalité efficace (hyponatrémie hypotonique).

Médecine d’urgence 9
25-100-A-10 ¶ Troubles de l’équilibre hydrosodé

(Natrémie < 135 mmol/l)


Hyponatrémie

Appréciation de
l'hydratation cellulaire
(osmolalité efficace)

Hyperhydratation cellulaire
Hyponatrémie hypotonique

Hydratation cellulaire normale Déshydratation cellulaire


Hyponatrémie isotonique Hyponatrémie hypertonique
Appréciation du
volume extracellulaire
(signes cliniques)

Déshydratation extracellulaire Volume extracellulaire Hyperhydratation extracellulaire


Déficit sodé cliniquement normal Surcharge hydrosodée
Surcharge hydrique primitive

Mesure Appréciation de la
Comparaison des osmolalités volémie efficace
de la natriurèse urinaire et plasmatique (pression artérielle)

Na < 20 mmol/l Na > 20 mmol/l U/P < 1 U/P > 1 Hypervolémie Hypovolémie
Na/K < 1 Pertes sodées Excès d'apports Défaut rénal Surcharge sodée Surcharge sodée
Pertes sodées rénales liquidiens d'élimination primitive secondaire
extrarénales de l'eau libre

Figure 6. Arbre décisionnel. Étapes du diagnostic étiologique d’une hyponatrémie. Na : natriurèse ; K : kaliurèse ; U/P : rapport de l’osmolalité urinaire à
l’osmolalité plasmatique.

Cependant, il faut systématiquement éliminer les rares cas raison de son caractère physiologique, l’hyponatrémie isotoni-
d’hyponatrémie isotonique (anciennement dénommée « fausse que doit être respectée : elle ne justifie aucun apport ni restric-
hyponatrémie ») et hypertonique qui représentent moins de tion d’eau et de sodium.
5 % des hyponatrémies en milieu hospitalier, et probablement Dans la majorité des cas cependant, l’hyponatrémie est
encore beaucoup moins en médecine de ville. hypotonique. Hormis le cas de la déplétion potassique sévère
L’hyponatrémie hypertonique est due à l’augmentation du responsable d’une déshydratation cellulaire à l’origine d’une
stock hydrique nécessaire pour compenser partiellement rétention hydrique et donc d’une hyponatrémie, l’hyponatrémie
l’hypertonie en rapport avec un soluté osmotiquement efficace hypotonique est le témoin d’une hyperhydratation cellulaire
autre que le sodium : elle est suspectée sur une glycémie élevée dont les conséquences neurologiques peuvent être graves si
(supérieure à 15 mmol/l) ou sur le contexte clinique (diabète l’hyponatrémie et l’hyperhydratation sont sévères et d’installa-
décompensé, perfusion de mannitol ou de THAM, etc.). Ainsi, tion brutale. Il convient donc de prescrire une restriction
une augmentation de la glycémie de 3 mmol/l diminue la hydrique d’autant plus stricte que l’hyponatrémie est profonde,
natrémie d’environ 1 mmol/l. L’hyponatrémie hypertonique est car tout apport d’eau tend à aggraver l’hyperhydratation
associée à une déshydratation cellulaire : elle contre-indique cellulaire et ses conséquences neurologiques éventuelles. Ainsi,
donc la restriction hydrique et nécessite au contraire une à de rares exceptions près plutôt facilement évoquées devant le
réhydratation. contexte clinique à condition d’y penser, une hyponatrémie
L’hyponatrémie isotonique est le reflet d’une diminution de doit entraîner la prescription réflexe d’une restriction des
l’osmolarité (sans modification de l’osmolalité) en rapport avec apports liquidiens.
une hyperprotidémie ou une hyperlipémie importantes. Une
augmentation de la concentration des protides ou des lipides de
6 g/l entraîne une diminution de la natrémie d’environ
1 mmol/l. L’hyponatrémie isotonique est suspectée sur la
biologie ou sur le contexte clinique (myélome non maîtrisé,
contexte connu d’hyperlipémie majeure, etc.). En cas de doute
“ Conduite à tenir
persistant, la mesure de l’osmolalité totale et de la concentra- Une hyponatrémie hypotonique impose une restriction
tion molaire de l’urée permet d’estimer l’osmolalité efficace et hydrique.
d’établir le diagnostic définitif du type de l’hyponatrémie. En

10 Médecine d’urgence
Troubles de l’équilibre hydrosodé ¶ 25-100-A-10

1) Hyponatrémie de surcharge hydrique pure : Figure 7. Les différents mécanismes de l’hy-


ponatrémie hypotonique.

Surcharge Hyponatrémie Volume extracellulaire


hydrique (de dilution) cliniquement normal

2) Hyponatrémie de déficit sodé :

Déshydratation
Hypovolémie Rétention Hyponatrémie
Déficit sodé extracellulaire
(pli cutané)
efficace hydrique (de déficit)

3) Hyponatrémie de surcharge hydrosodée :

Hyperhydratation
Surcharge sodée extracellulaire
(œdèmes)
Hypovolémie
efficace
Rétention Hyponatrémie
hydrique (de surcharge)

Appréciation du volume extracellulaire Diagnostic étiologique d’une hypernatrémie


Une hyponatrémie hypotonique témoigne d’une rétention L’hypernatrémie est définie comme une natrémie supérieure
hydrique (Fig. 7). Cette rétention peut être en rapport avec une à 145 mmol/l. Elle est toujours associée à un état hypertonique
surcharge hydrique primitive, sans trouble associé du bilan sodé et donc à une déshydratation cellulaire. Normalement, toute
et correspondant alors à une hyperhydratation cellulaire pure hyperosmolalité efficace entraîne une soif. En conséquence, la
(hyponatrémie de dilution). La rétention hydrique est plus persistance d’une hypernatrémie est toujours en rapport avec le
fréquemment secondaire à une surcharge sodée (hyponatrémie de fait que la soif ne peut être exprimée (troubles de la soif
surcharge) ou à un déficit sodé (hyponatrémie de déficit). C’est correspondant à un seuil osmotique anormalement élevé,
pourquoi l’estimation du stock sodé par l’appréciation du volume troubles de la conscience, très jeune enfant) ou satisfaite
extracellulaire est indispensable devant toute hyponatrémie (handicap, carence en eau, âges extrêmes de la vie).
hypotonique pour en préciser le mécanisme et adapter la théra-
peutique. Cette appréciation repose sur des critères cliniques.
L’association d’une hyponatrémie et d’une déshydratation
extracellulaire fait poser le diagnostic d’hyponatrémie de déficit
sodé. Le déficit sodé n’est pas la cause directe de l’hyponatrémie.
Au contraire, le caractère habituellement hypotonique des pertes
“ Conduite à tenir
sodées devrait provoquer une hypernatrémie. C’est en réalité L’hypernatrémie nécessite une réhydratation.
l’hypovolémie efficace due à la déshydratation extracellulaire en
rapport avec le déficit sodé qui, lorsqu’elle est suffisamment
importante, est responsable d’une rétention hydrique et donc
d’une hyponatrémie. Lorsque les signes de déshydratation L’hypernatrémie témoigne d’un ajustement insuffisant du
extracellulaire ne sont pas francs, le dosage de l’urée et de l’acide stock hydrique : le trouble du bilan hydrique peut être en
urique peut permettre de distinguer l’hyponatrémie de déficit rapport avec un déficit hydrique primitif sans trouble associé du
sodé d’une hyponatrémie de surcharge hydrique primitive : dans bilan sodé (déshydratation cellulaire pure) ou associé à un
le premier cas, l’urée et l’acide urique sont généralement élevés trouble du bilan sodé, et dans ce cas beaucoup plus souvent à
en raison de l’insuffisance rénale fonctionnelle induite par un déficit qu’à une surcharge sodée. Le traitement d’une
l’hypovolémie ; dans le second cas, ils sont généralement abaissés hypernatrémie dépend de son étiologie qu’il convient donc de
du fait de la légère augmentation infraclinique de la volémie. La préciser en appréciant la volémie efficace sur la pression
conduite thérapeutique est la même que devant tout déficit sodé artérielle et l’état d’hydratation extracellulaire (Fig. 8). Cette
d’origine rénale ou extrarénale. appréciation repose sur des critères cliniques.
À l’opposé, l’association d’une hyponatrémie et d’une hype- L’absence de trouble cliniquement décelable de la volémie
rhydratation extracellulaire fait poser le diagnostic d’hyponatré- efficace et de l’hydratation extracellulaire témoigne d’un stock
mie de surcharge. L’hyponatrémie provient de l’association à la sodé adapté. L’hypernatrémie est alors en rapport avec un
surcharge sodée d’une rétention hydrique, qui peut être primi- déficit hydrique primitif.
tive et alors souvent associée à une surcharge sodée hypervolé- S’il existe des signes de déshydratation extracellulaire associés
mique (insuffisance rénale chronique sévère) ou secondaire à à l’hypernatrémie, celle-ci est en rapport avec un déficit
une hypovolémie efficace responsable de la surcharge sodée hydrosodé. La sévérité des signes de déshydratation extracellu-
(surcharge sodée hypovolémique) : la prise de poids générale- laire renseigne sur l’importance du déficit sodé. L’importance de
ment rapide mesure l’importance de la rétention hydrique. La l’hypernatrémie renseigne sur la sévérité de la déshydratation
conduite thérapeutique est la même que devant toute surcharge cellulaire. Le patient est menacé à la fois par la déshydratation
sodée : elle repose sur les diurétiques, mais la présence d’une cellulaire et par la déshydratation extracellulaire : c’est le tableau
hyponatrémie exige de plus une restriction hydrique. L’hypona- grave de la déshydratation globale survenant plus fréquemment
trémie peut être aggravée par le traitement diurétique qui doit chez un sujet âgé.
alors être effectué en milieu hospitalier avec une surveillance de L’association d’une hypernatrémie et de signes cliniques
la natrémie toutes les 4 à 6 heures. d’hyperhydratation extracellulaire est en faveur d’une surcharge
L’absence de trouble cliniquement perceptible de l’hydrata- sodée hypervolémique (bien qu’une surcharge sodée soit rare-
tion extracellulaire témoigne d’un stock sodé à peu près normal. ment responsable d’une hypernatrémie). Une hypernatrémie
L’hyponatrémie est alors en rapport avec une surcharge hydri- modérée (entre 145 et 150 mmol/l) peut être expliquée par
que primitive (hyponatrémie de dilution). l’élévation du seuil osmotique de la soif et par l’augmentation de

Médecine d’urgence 11
25-100-A-10 ¶ Troubles de l’équilibre hydrosodé

(Natrémie > 145 mmol/l)


Hypernatrémie

Appréciation du
volume extracellulaire
(signes cliniques)

Déshydratation extracellulaire Volume extracellulaire Hyperhydratation extracellulaire


Déficit hydrosodé cliniquement normal Surcharge sodée
Déficit hydrique primitif

Mesure de la Appréciation de
natriurèse l'osmolalité urinaire

Na < 20 mmol/l Na > 20 mmol/l U > 600 mOsm/l U < 600 mOsm/l
Na/K < 1 Pertes sodées Défaut d'apports Excès d'élimination
Pertes sodées rénales liquidiens ou rénale
extrarénales pertes extrarénales de l'eau libre
d'eau libre

Figure 8. Arbre décisionnel. Étapes du diagnostic étiologique d’une hypernatrémie. Na : natriurèse ; K : kaliurèse ; U : osmolalité urinaire.

l’excrétion d’eau libre en rapport avec l’inhibition de l’angioten- [3] Canaud B. Principes et modalités d’application de l’hémodialyse au
sine et de l’ADH par l’hypervolémie. Une hypernatrémie parfois traitement de l’insuffisance rénale chronique. EMC (Elsevier Masson
sévère peut être observée en réanimation chez le patient insuffi- SAS, Paris), Néphrologie, 18-063-B-10, 2006.
sant rénal (avec une capacité limitée d’excrétion sodée) en [4] Petitclerc T. Syndrome polyuropolydipsique. EMC (Elsevier Masson
alimentation parentérale trop riche en sodium et incapable de SAS, Paris), Néphrologie, 18-028-A-10, 2004.
satisfaire sa soif. Les étiologies de ces hypernatrémies sont celles [5] Chevet D, Mallié JP. Œdèmes généralisés. EMC (Elsevier Masson
des surcharges sodées hypervolémiques. Le traitement sympto- SAS, Paris), Néphrologie, 18-026-C-20, 2000.
matique repose sur les diurétiques, mais la présence d’une
hypernatrémie nécessite d’y adjoindre un apport hydrique, si
possible per os, sinon à l’aide de solutés glucosés, de manière à Pour en savoir plus
réduire l’hypernatrémie et à corriger la déshydratation cellulaire.
Halperin ML, Goldstein MB. Fluid, electrolyte, and acid-base physiology.
Philadelphia: WB Saunders; 1999. p. 227–367.
■ Références Rose BD, Rennke HG. In: Physiopathologie des affections rénales et des
désordres hydro-électrolytiques : l’essentiel. Paris: Pradel; 1995.
[1] Bichet DG, Mallié JP. Physiologie et physiopathologie de la soif. EMC
p. 32-136.
(Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-308-E-
10, 1999. Legendre C, Choukroun G, Thervet E. In: Désordres hydro-électrolytiques.
[2] Paillard M, Froissart M, Blanchard A, Houillier P. Bilan de sodium et Paris: Arnette Blackwell; 1995. p. 7-96.
volume sanguin circulant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Brenner BM, Coe FL, Rector FC. In: Renal physiology in health and disease.
Endocrinologie-Nutrition, 10-352-B-10, 1995. Philadelphia: WB Saunders; 1987. p. 57-111.

T. Petitclerc, Professeur des Universités, praticien hospitalier ([email protected]).


Centre hospitalier Pasteur Vallery-Radot, 26 rue des Peupliers, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Petitclerc T. Troubles de l’équilibre hydrosodé. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence,
25-100-A-10, 2007.

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12 Médecine d’urgence

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