Hyponatrémie
Hyponatrémie
Hyponatrémie
HYPONATREMIE
INTRODUCTION
Une hyponatrémie est définie par une valeur de natrémie inférieure à 135 mmol.L-1
après avoir éliminé les fausses causes d’hyponatrémie. L’apparition de ce trouble
hydroélectrolytique est fréquent chez les patients hospitalisés et particulièrement en
postopératoire [1]. Le médecin est en pratique souvent désemparé : pourquoi une
hyponatrémie est-elle apparue, que faire, pourquoi le traitement mis en œuvre aggrave
t-il l’hyponatrémie ?
Le propos de ce chapitre n’est pas d’énumérer les différentes causes d’hypona-
trémie et la démarche diagnostique classique, mais plutôt d’envisager à la lumière des
données de la physiologie (anciennes et récentes) quel raisonnement peut être appliqué
au lit du patient et quel traitement peut être proposé ? En effet, une hyponatrémie est
dangereuse par deux mécanismes :
• Une diminution rapide de la natrémie à des valeurs inférieures à 125 mmol.L-1 peut
entraîner un œdème cérébral avec engagement cérébral et décès. Des valeurs aussi
élevées que 128 mmol.L-1 ont même été décrites comme létales [2].
• Si une hyponatrémie d’apparition lente occasionne rarement des complications gra-
ves puisque les cellules cérébrales s’adaptent via la régulation de leur volume, le
danger peut venir alors de la vitesse de correction de l’hyponatrémie avec le risque de
myélinolyse centro et extra-pontine. Plusieurs techniques de correction ont été pro-
posées afin d’éviter cette dernière.
1. PHYSIOLOGIE
L’analyse d’un trouble natrémique fait intervenir 3 notions physiologiques essen-
tielles : la répartition de l’eau dans les différents secteurs du corps humain, la régulation
du bilan d’eau et de sodium, et la régulation du volume cellulaire.
1.1. REPARTITION DE L’EAU
Le corps humain est constitué d’environ 60 % d’eau chez l’homme, 50 % chez la
femme, respectivement 50 et 45 % chez l’homme et la femme âgés. Cette eau obéit à la
loi de l’osmole : elle se distribue de part et d’autre de la membrane cellulaire de telle
sorte que les osmolarités extra et intracellulaires soient identiques. La répartition se fait
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donc pour 2/3 dans le secteur intracellulaire (secteur IC) et pour 1/3 dans le secteur
extracellulaire (secteur EC). Les particules qui traversent facilement la membrane (urée,
éthanol) ne jouent aucun rôle dans les mouvements d’eau, et ne participent donc pas à
l’osmolarité efficace (ou tonicité). La particule majoritaire dans le secteur extra-cellu-
laire est l’ion sodium (Na+), celle majoritaire dans le secteur intracellulaire est l’ion
potassium (K+). Les particules déterminant la tonicité ont été appelées tonomoles [3, 4].
La répartition théorique dans les secteurs extra et intracellulaires d’un litre de perfu-
sion, est représentée dans le tableau I selon le type de soluté perfusé [3, 5]. On suppose
qu’il s’agit d’un homme de 50 kg (eau totale = 30 L, secteur EC = 10 L, secteur IC =
20 L) avec une natrémie initiale de 140 mmol.L-1, et qu’il n’y a pas d’excrétion urinaire.
Le bilan hydrique est donc positif d’un litre.
Tableau I
[Na + K] urines
Clairance des électrolytes : x diurèse
[Na + K] sang
Le volume d’urine complémentaire servant à excréter les autres osmoles est la clai-
rance de l’eau sans électrolytes, la somme des 2 volumes étant là aussi égale au volume
de la diurèse (diurèse = clairance de l’eau sans électrolytes + clairance des électrolytes).
Les clairances de l’eau libre et de l’eau sans électrolytes reflètent un comportement
rénal, respectivement en fonction de l’osmolarité plasmatique et de la tonicité plasma-
tique. Cependant aucun de ces bilans ne prend en compte les entrées en termes d’apport
d’eau, de sodium et de potassium, seul moyen de comprendre l’effet d’une thérapeu-
tique sur la natrémie. C’est uniquement en faisant le bilan précis des entrées et sorties
(E/S) en eau et en électrolytes que l’on parvient à expliquer des variations de natrémie.
Plusieurs formules ont été proposées pour tenter de prédire la natrémie d’un
patient en fonction des entrées ou des entrées et des sorties. Adrogué [12] par exemple
ne considère que les apports d’électrolytes et d’eau et propose une formule pour calcu-
ler la variation de natrémie après la perfusion d’1 L de soluté :
[Na] perfusion + [K] perfusion - Natrémie initiale
Modification de natrémie =
Eau totale + 1
Cette formule ne tient pas compte des sorties et est donc rarement exacte. Une
meilleure approximation est donnée par le bilan E/S et peut s’écrire de plusieurs façons (le
chiffre 1 indique les données de départ et 2 celles finales) :
Osmolarité1 x Eau totale1 + ∆ osmoles = Osmolarité2 x Eau totale2
C’est-à-dire :
Natrémie1 x Eau totale1 + bilan E/S (Na + K) = Natrémie2 x (Eau totale1 + bilan E/S (eau))
Ou encore :
Natrémie1 x Eau totale1 + Bilan E/S (Na + K)
Natrémie2 =
Eau totale1 + bilan E/S (eau)
Ce type de calcul implique, pour être exact, de recueillir et de comptabiliser de
manière exhaustive toutes les sources d’apports (prise en charge préhospitalière,
alimentation entérale, médicaments…) et de sorties (urines perdues, pertes insen-
sibles…) [13].
Prenons l’exemple d’une patiente de 40 ans hospitalisée pour l’exploration d’une
tumeur pulmonaire. Son bilan d’entrée montre un poids à 45 kg, une natrémie à
129 mmol.L-1, une kaliémie à 3 mmol.L-1, une osmolarité plasmatique à 264 mosm.L-1.
L’interne de garde devant cette patiente ne s’alimentant pas, prescrit 1,5 L de B26 par
jour (G5 avec 4 g NaCl.L-1 et 2 g KCl.L-1). Le lendemain la patiente est légèrement
somnolente, elle a eu une diurèse de 1L avec une natriurèse à 75 mEq.L-1, une kaliurèse
à 35 mEq.L-1 et une osmolarité urinaire mesurée à 660 mosm.L-1. Sa natrémie est à
127 mmol.L-1. Que s’est-il passé ?
• Le calcul de la clairance de l’eau libre
Osmolarité urines 600
Diurèse - x diurèse = 1 - x1
Osmolarité sang 264
donne une valeur de – 1 ,5 L ce qui correspondrait à une réabsorption d’eau de 1 ,5 L et
aurait donné une natrémie de 121 mmol.L-1.
• Le calcul de la clairance de l’eau sans électrolytes
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- Restriction hydrique : c’est-à-dire ne pas apporter plus de 750 à 1 000 mL d’eau par
jour à un patient adulte. C’est le moyen le plus souvent recommandé même s’il peut
être difficile à respecter. Il s’appliquerait plutôt aux patients en insuffisance cardia-
que, rénale ou hépatique.
- Apport d’électrolytes
. Potasium : correction d’un déficit potassique même modéré.
. Sodium : il faut utiliser un soluté avec une concentration de sodium supérieure à
celle des urines [9] : utiliser par exemple du sérum salé hypertonique à 3 % ou du
sel PO. Si on utilise du sérum physiologique il faut se souvenir du risque de ma-
joration de l’hyponatrémie.
Une étude a comparé les 2 techniques : restriction hydrique versus apports de
sodium effectué le plus souvent sous forme de sérum salé hypertonique [30]. Les résul-
tats en termes de morbidité étaient meilleurs dans le groupe traité par apport de sodium.
• Action sur les sorties :
- Favoriser l’excrétion d’urines hypotoniques : l’utilisation de diurétiques de l’anse
diminue le pouvoir de concentration des urines en inhibant la réabsorption sodée
dans la partie ascendante de l’anse de Henlé. Les urines deviennent hypotoniques
par rapport au plasma, ce qui permet l’excrétion d’eau sans électrolytes et la
correction de l’hyponatrémie.
- Favoriser l’excrétion d’eau sans électrolytes avec un diurétique osmotique type
mannitol [14]. Le mannitol augmente l’osmolarité plasmatique entraîne une
diurèse osmotique avec une perte d’eau qui sera potentialisée par un diurétique de
l’anse [33]. Il a été proposé d’utiliser du mannitol devant une hyponatrémie symp-
tomatique, si du sérum salé hypertonique n’était pas disponible.
- Favoriser l’excrétion d’eau sans électrolytes et la réabsorption sodée avec de l’urée.
L’administration d’urée per os induit une diurèse osmotique mais diminue égale-
ment la natriurèse. L’hypothèse principale est que l’augmentation de l’urée au niveau
de la médullaire interne du rein augmente la réabsorption sodée au niveau de l’anse
ascendante de Henlé. Ce mécanisme est tellement efficace que l’on considère que
l’urée se substitue au sodium dans les urines [34]. Ce traitement a été évalué dans
plusieurs études : il est bien toléré, il peut être administré pendant plusieurs
semaines [35], et il a montré sa supériorité sur le sérum salé hypertonique dans une
étude expérimentale [36]). La dose recommandée est de 0,5 à 0,6 g.kg-1. j-1 per os
(poudre à diluer dans un verre d’eau avec du sucre ; l’urée en poudre est fabriquée et
distribuée par la société Cooper place Lucien Pauvert, service HCL, 77020 Melun
tel 01 64 87 20 40 fax 01 64 87 89 63).
- Utiliser un antagoniste de l’ADH : ces molécules sont pour l’instant en cours de
développement.
asymptomatique, le but est d’obtenir progressivement une balance négative pour l’eau
sans électrolytes, une balance positive pour le sodium et de corriger le déficit potas-
sique. On propose la restriction hydrique, les diurétiques de l’anse, le mannitol et
l’urée.
CONCLUSION
L’hyponatrémie est un problème fréquent chez les patients hospitalisés. Une bonne
compréhension de la physiopathologie du trouble natrémique, la séparation des diffé-
rents liquide en équivalent sérum physiologique et en eau sans électrolytes, la prise en
compte globale et exhaustive des bilans entrées/sorties en eau et en électrolytes devrait
éviter :
• La constitution de l’hyponatrémie elle-même.
• Le danger de myélinolyse centro et extrapontine lié à la correction trop rapide d’une
hyponatrémie chronique.
Une attention particulière doit être donnée à l’utilisation de l’urée per os car elle
permet de corriger sans danger une hyponatrémie chronique quel que soit son mécanisme.
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Troubles hydroélectrolytiques et acido-basiques 335