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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Remerciements

Louange au dieu pour la vie, la santé, la capacité d’apprendre et tous les autres innombrables
dons.

Si j’arrive aujourd’hui à réaliser ce modeste travail, c’est grâce au concours de plusieurs


personnes à qui je voudrais témoigner toute ma gratitude.

Je tiens en premier lieu à remercier ma professeure encadrante, Mme EL NABHANI Maha pour
sa confiance, sa disponibilité, son appui et son soutien moral tout au long de la rédaction de ce
mémoire. Merci madame pour votre bienveillance, vos orientations précieuses et vos sincères
conseils.

Je tiens également à remercier la coordinatrice du Master de DIA, Mme Alaoui Faiza qui m’a
donné l’opportunité de continuer mes études supérieures en droit international des affaires.

Je souhaite ainsi exprimer ma profonde reconnaissance au corps professoral de la faculté de


droit de Tanger qui m’a fourni les outils nécessaires à la réussite de mes études.

Une pensée enfin pour ma famille, mes amis qui m'ont accompagné durant la phase
d’élaboration de ce mémoire, un grand merci pour votre soutien et votre patiente.

I
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Dédicaces

Je dédie ce modeste travail

À ma maman qui m’a donné la vie, le courage et le soutien pour réussir.

À mes chers amis et chères amies

À tous les étudiants chercheurs

II
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Principaux sigles et abréviations

ADLC : Autorité De La Concurrence

Art : Article

Al : Alinéa

CC : Conseil de la Concurrence

CJCE : Cour de justice des Communauté européennes

CNDP : Commission nationale de la protection des données à caractère personnel

Déc : Décision

Éd : Edition

Idem : Dans le même ouvrage

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement économiques

PME : Petites et moyens entreprises

SFI : Société Financière Internationale

TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne

UE : Union Européenne

V. : Voir

vol. : Volume

III
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Résumé
Dans un monde du développement des marchés et de compétition entre les différents acteurs
économiques, le droit de la concurrence marocain intervient pour veiller sur le jeu de la libre
concurrence.

L'arsenal juridique de la concurrence est fondé sur la répression par la mise en place des
moyens adéquats pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles.

Afin d’appréhender le volet répressif du droit de la concurrence, il est nécessaire de mettre en


lumière les pratiques anticoncurrentielles portant atteinte à la liberté de la concurrence
(Ententes - abus de position dominante – prix abusivement bas). Ainsi que les différentes
sanctions appliquées.

A cet égard, le Conseil de la Concurrence en tant qu’une instance de bonne gouvernance et de


régulation chargée de préservation de la concurrence joue un rôle essentiel dans la détection, le
contrôle et la répression de tout agissement anticoncurrentiel.

En outre, le Conseil de la Concurrence dispose des outils flexibles, associant davantage les
entreprises à leur processus décisionnel et de règlement de leur litige, c’est le cas des procédures
alternatives aux sanctions.

Notre travail aura également pour objectif de se pencher sur les enjeux d’ordre législatif et
institutionnel du droit de la concurrence qui entravent la mission de lutte contre les pratiques
déloyales.

Il conviendra par la suite de souligner les stratégies et les recommandations renforçant le cadre
répressif de ces pratiques, notamment, les mécanismes permettant au Conseil de la Concurrence
d’accélérer le rythme de la mise en œuvre efficace de la politique de la concurrence.

Mots clés : Pratiques anticoncurrentielles - Conseil de la Concurrence -Répression -


Sanctions -Procédures alternatives.

IV
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Abstract

In a world of market development and competition between different economic actors,


Moroccan competition law intervenes to ensure free competition.

The legal arsenal of competition is based on repression through the implementation of


appropriate means to combat anti-competitive practices.

In order to understand the repressive aspects of competition law, it is necessary to highlight the
anti-competitive practices that undermine freedom of competition (cartels - Abuse of
dominance - Excessively low prices. As well as different Types of Sanctions applied.

In this context, the Competition Council, as a good governance and regulatory body responsible
for preserving competition, plays an essential role in detecting, controlling, and punishing any
anti-competitive behaviour.

In addition, the Competition Council has the flexible tools at its disposal, allowing companies
to be more involved in their decision-making and dispute resolution processes, as is the case
with the alternative procedures.

This work will also examine the legislative and institutional issues of competition law that
hamper the mission of combating unfair practices.

It will then be necessary to highlight the strategies and recommendations strengthening the
repressive framework of these practices, in particular, the mechanisms allowing the
Competition Council to accelerate the pace of effective implementation of competition policy.

Key- words: Anti-competitive practices- Competition Council- Repression – Sanctions-


Alternative procedures.

V
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Sommaire

INTRODUCTION GÉNERALE ............................................................................................ 1

PREMIÈME PARTIE : L’ARSENAL RÉPRESSIF DES PRATIQUES ENTRAVANT


LA CONCURRENCE SAINE ET LOYALE AU MAROC ................................................. 7

Chapitre1 : La prohibition légale des pratiques anticoncurrentielles en droit marocain


et comparé ........................................................................................................................... 10
Chapitre2 : La mise en œuvre du contrôle des pratiques déloyales de la Concurrence
.............................................................................................................................................. 26
CONCLUSION DE LA PREMIÈME PARTIE .................................................................. 37

DEUXIÈME PARTIE : L’EFFICIENCE DU DISPOSITIF DISCIPLINAIRE DES


PRATIQUES ANTICONCURENTIELLES ....................................................................... 39

Chapitre 1 : La répression des pratiques anticoncurrentielles à l'épreuve de


procédures négociées .......................................................................................................... 42
Chapitre 2 : Les mesures favorisant la bonne application du pouvoir de sanction par
le Conseil de la Concurrence ............................................................................................. 57
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE ............................................................... 71
CONCLUSION GÉNERALE ............................................................................................... 72

Bibliographie........................................................................................................................... 76

Sitographie .............................................................................................................................. 82

Annexes ................................................................................................................................... 84

Table des matières .................................................................................................................. 92

VI
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

INTRODUCTION GÉNERALE

1
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

« Réfléchir à la façon de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles est un exercice qui


nécessite la prise en compte d'un contexte à la fois juridique, économique et historique », estime
le professeur en sciences économiques français THIBAULT Emmanuel1.

Dans un premier temps, la concurrence est la compétition qui joue sur un marché entre plusieurs
personnes en vue de réaliser des profits en exposant des meilleurs prix à un service donné pour
attirer la clientèle. La définition de la concurrence demeure méconnue chez le législateur
marocain et législateur français, ces derniers n’ayant pas réussi à donner une définition explicite
du terme dans les textes de la loi.

Au regard de la doctrine française, la concurrence se définit, comme « une situation dans


laquelle un grand nombre d’entreprises s’affrontent sur le marché, en offrant des produits
substituables entre eux ». 2 Cette définition nous amène à la conception économique de la
concurrence ‘’ pure et parfaite ‘’, développée par la théorie néoclassique apparue à la fin du 19
XIX ᵉ siècle.

La concurrence juste et équitable est un impératif de développement et de productivité, elle est


associée à un équilibre efficace sur le marché 3. Afin de promouvoir cet équilibre, il est
important d’établir une concurrence raisonnable et transparente, autrement dit, une concurrence
exercée dans des ‘’ justes limites ‘’.

Toutefois, la concurrence peut faire l’objet des pratiques déloyales préjudiciables à l’économie
du marché qui faussent le libre jeu de la concurrence et provoquent de lourds dommages ; au
cas où il y aurait absence d’une rivalité effective et loyale entre les opérateurs économiques en
concurrence.

Afin de maintenir une libre concurrence, tout acte ou agissement faisant obstacle au bon
fonctionnement d’un marché, doit faire l’objet d’une prohibition légale en vertu du droit de la
concurrence.

1
Réflexions sur l'efficacité économique de la sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles, F Emmanuel Thibault, Texte pour les
actes du colloque ‘’ Sanctions en droit de la concurrence et concurrence des sanctions ‘’ , Toulouse School of Economics (Université de
Perpignan CDED) , 2016 .
2
Emmanuel Combe, Muriel Chagny, Concurrence, Dictionnaire de droit de la concurrence, Concurrences, Art. N° 110551.
3
HARNAY Sophie, BERGE Jean-Sylvestre, " Les analyses économiques de la concurrence juridique : un outil pour la modélisation du droit
européen ? ", Revue internationale de droit économique, 2011/2 . Page 172.

2
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Parmi les principaux apports du droit de la concurrence au Maroc ; le maintien d’une libre
concurrence, la protection du marché contre toute pratique préjudiciable touchant d’un côté les
concurrents et d’autre coté les consommateurs et pourra, dès lors, nuire à cette liberté et
menacer l’économie d’un pays.

Rappelons que la principale réforme du droit de la concurrence était au début du deuxième


millénaire, avec la loi nº 06-99 promulguée par Dahir du 5 juin 2000 sur la liberté des prix et
de la concurrence, qui a été considéré comme une véritable révolution.

Elle avait pour rôle d’organiser une libre concurrence et la consécration d’un contrôle ex post
des pratiques anticoncurrentielles et un contrôle ex ante des opérations de concentrations en
s’inspirant du modèle de l’union européen4.

Dans le même contexte, cette loi mettait en évidence un arsenal répressif – pénale et
administrative – à l’encontre des opérateurs économiques responsables de toute conduite
déloyale5.

Toutefois, les pratiques anticoncurrentielles pouvaient rapidement conduire à l'exercice de


monopoles ; notamment avec le mouvement du progrès du monde des affaires, ainsi que sa
numérisation, autrement dit, le monde se digitalise progressivement auquel la concurrence est
devenue de plus en plus libre, ce qui engendre évidemment des nouveaux enjeux concurrentiels
d’où la nécessité d’adopter un large processus de réformes législatives et institutionnelles.

Aujourd’hui, le droit à la concurrence et la liberté d’entreprendre est un principe établi par la


Constitution de 20116 , il est également réglementé par la loi nº 104 – 12 7 abrogeant l’ancienne
loi et complétée par la loi n 40-21 et la loi nº41-20. Dans ce nouveau texte, la définition des
pratiques anticoncurrentielles a été encore plus élargie.

Cette nouvelle régulation s’inscrit dans un contexte d’amendement et de modernisation du droit


de la concurrence au Maroc pour être en compatibilité avec les dispositifs légaux au niveau
mondial. En ce sens, les règles présentant une dimension internationale ayant pour vocation
d’influencer le cadre juridique interne de la concurrence et le rendre plus efficace, c’est le cas

4
El HAJOUI Sanae. Op.cit. Page 35.
5
DADOU Hassnae, les pratiques restrictives de la concurrence en droit marocain, Mémoire pour l’obtention du diplôme des Etudes supérieurs
approfondies en droit privé , Université Abdelmalek Essaadi , Tanger , 2006 .Page 14.
6
L’article 35 de la Constitution du Royaume de 2011.
7
C’est la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, elle est promulguée à la suite du Dahir n° 1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30 juin
2014).

3
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

par exemple de l’accord de jumelage conclu entre l’Allemagne et le Maroc en 2007 dans le
cadre du partenariat entre le Royaume et l’union européenne ; il avait pour objet le renforcement
du cadre législatif de la concurrence et l’harmonisation avec la réglementation de l’UE.

Au niveau institutionnel, le Maroc s’est doté d’un Conseil de la Concurrence réactivé en 2009
et réglementé actuellement par la loi 20-13. Il s’agit d’une "autorité administrative indépendante
chargée, dans le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la
transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers l’analyse et la
régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des
pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentration économique et de
monopole " 8.

Les sanctions visant la répression des comportements déloyaux ont donné naissance à des
différents débats et discussions au niveau national, communautaire et international, ce qui
reflète l’importance de la peine en tant qu’outil aboutissant au maintien d’une concurrence
saine, transparente et effective.

Selon des auteurs français, « La règle de droit, assortie d’une sanction serait donc
inéluctablement efficace »,9 aucune règle de droit ne peut exister sans sanction. La répression a
été, depuis des époques, un moyen a plusieurs fonctions reconnues, à savoir une fonction
rétributive, une fonction d’exemplarité et une fonction de réadaptation.

La répression a alors pour rôle de prévenir tout comportement illégal et de préserver les intérêts
des victimes. On peut dire que par le biais de la coercition ; les individus se trouvent obligés de
suivre le chemin de la loi.

D’après les mêmes auteurs, « la loi sera respectée soit par pure moralité, soit par simple crainte
du châtiment ».10

À cet égard, la sanction vise à concrétiser deux objectifs majeurs : le premier est la répression
des pratiques anticoncurrentielles, tandis que le second objectif est la lutte contre ces pratiques
à travers le caractère dissuasif de la répression ; ce qui permet d’éviter le recours à ces actes
déloyaux.

8
L’Article 166 de la Constitution de Royaume de 2011.
9
Nathalie Ellen Nielson. "Réflexions autour de l’efficacité de la sanction ex post des pratiques anticoncurrentielles". Revue Lexsociété,
2022., page 9.
10
Idem

4
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Afin d’empêcher tout comportement pouvant menacer la structure du marché et faire échouer
une concurrence effective et loyale, une palette des règles juridiques a été mise en œuvre qui
prend la forme des décisions rendues par le Conseil de la Concurrence tel le cas de l’affaire
Sika au Maroc , qui est datée du Mai 2022 portant sur une opération de concentration sans
notification préalable ;11 c’est la première sanction pécuniaire prononcée par le Conseil de la
Concurrence dans le cadre de son pouvoir disciplinaire .

Historiquement parlant, le droit de la concurrence au Maroc est passé par plusieurs phases, il
a connu plusieurs réformes.

Après une longue période dirigiste restrictive qui a marqué la libre concurrence au Maroc. Le
Maroc s’est engagé dans un parcours de libéralisation tendant à renforcer les principes de
loyauté et de transparence dans l’exercice de la liberté de la concurrence.

La libéralisation du commerce, le progrès technique et l’ouverture du Maroc à l’économie


mondiale, sont des raisons primordiales qui ont poussé le législateur marocain à adopter de
nouvelles réformes. Toutes ces éléments permettraient de réaliser des objectifs optimaux, qui
se manifestent clairement dans les décisions du Conseil de la Concurrence dans le cadre de son
pouvoir de contrôle et de sanction. À titre d’illustration, le Conseil de la Concurrence a rendu
143 décisions et avis en 2021 dont 16 décisions étaient rendues en matière contentieuse12.

Effectivement, l’instauration d’une autorité administrative, le Conseil de la Concurrence dès


2014, a contribué, en premier lieu à se distinguer de la version ancienne du Conseil de la
Concurrence, à travers son pouvoir décisionnel, d’enquête et de sanction disciplinaire octroyé
à cette institution et non seulement un pouvoir consultatif.

Ce qui traduit la nécessité de promouvoir une concurrence libre et licite et par conséquent, une
vraie régulation du marché13.

Il est essentiel de rappeler que ces objectifs ne peuvent être mis en œuvre qu’après l’instauration
d’un pouvoir disciplinaire solide renforcé de sanctions dissuasives, à côté de la mise en place
des mesures alternatives (pouvoir de transaction et sollicitation de procédure de non-
contestation des griefs) à celui de la répression des pratiques anticoncurrentielles.

11
Décision n°134/D/2021 du 06 décembre 2021 liée à l’affaire Sika.
12
Rapport annuel du Conseil de la Concurrence marocain de l’année 2021.
13
Ce sont les principaux apports de la loi 20 -13 relative au Conseil de la Concurrence, portée par le Dahir n˚ 1-14-117 du 30 juin 2014.

5
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Notre recherche a pour ambition de mettre le point sur la sphère répressive des pratiques
qualifiées déloyales qui porte atteinte au libre jeu de la concurrence, notamment les sanctions
pécuniaires en tant des mécanismes ayant un double objectif : la répression et la dissuasion.

Il s’avère nécessaire d’analyser l’efficience et l’efficacité du système de régulation en vigueur,


et sa vocation répressive, dans la protection des intérêts des investisseurs et des consommateurs
notamment avec la place qui s’occupe aujourd’hui le Maroc dans le monde des affaires et des
investissements. Rappelons que le Maroc est parmi les économies les plus solides de l’Afrique ;
il se situe au deuxième rang des pays industrialisés du continent.

Ainsi, il convient à ce sujet souligner l’exercice d’un pouvoir de sanction, par le Conseil de la
Concurrence qui est une autorité de nature non juridictionnelle, en tenant compte des procédés
alternatifs tel le dispositif de clémence, en se basant sur des décisions rendues au bout des
dernières années.

Par conséquent, il est judicieux de se demander à quel point le Conseil de la Concurrence


en fonction de son pouvoir disciplinaire peut-t-il réussi à mettre fin aux pratiques
anticoncurrentielles ? Est-ce que les sanctions pécuniaires en vigueur sont – elles efficaces
pour atteindre l’objectif punitif et dissuasif ?

Afin de répondre à notre problématique , il sera donc intéressant de mener une réflexion
approfondie sur l’arsenal législatif et institutionnel régissant la prohibition des pratiques
déloyales en mettant principalement l’accent sur les moyens d’intervention répressifs
(partie1) et d’examiner l’efficience du dispositif disciplinaire des pratiques anticoncurrentielles
à travers des exemples pratiques qui nous permettra de s’interroger sur l’efficacité des
sanctions pécuniaires ( partie 2 ) .

6
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

PREMIÈME PARTIE : L’ARSENAL RÉPRESSIF DES


PRATIQUES ENTRAVANT LA CONCURRENCE SAINE ET
LOYALE AU MAROC

7
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Afin de promouvoir une concurrence saine et loyale, le Maroc s’est doté d’un cadre juridique
strict auquel les entreprises doivent le respecter, il régit les relations entre les acteurs
économiques et prohibe et sanctionne les pratiques anticoncurrentielles.

D’ailleurs, il vise la garantie d’un fonctionnement concurrentiel, favorable sur les marchés à
l’égard des entreprises d’une part, en promouvant un libre accès équitable aux marchés, en
évitant l’exclusion d’un ou plusieurs concurrents et les abus à l’encontre d’un de ces derniers ;
et les consommateurs d’autre part, en garantissant leur bien-être par l’assurance d’une qualité
optimale et des prix compétitifs en tant qu’utilisateurs des biens et produits consommés.

À l’instar du droit français et européen, cet arsenal répressif a connu des réformes substantielles
en se basant sur la nouvelle Constitution du Royaume en 2011 qui a été le pilier principal
d’évolution de la politique de la concurrence au niveau national. Il s’agit donc de la loi nº104-
12 sur la liberté des prix et de la concurrence qui a abrogé la loi nº06-99 14et également la loi
nº20-13 relative au Conseil de la Concurrence.

Effectivement, cette réforme, datée de 2014, a été adoptée dans le contexte où le Maroc s'est
engagé dans des réformes visant à améliorer le climat des affaires, accélérer les investissements
étrangers et promouvoir une concurrence saine dans le marché, d’une part, et surmonter les
faiblesses présentées par l’ancienne loi notamment celles relatives au Conseil de la Concurrence
qui n’avait aucun pouvoir décisionnel et disciplinaire.

Dans le cadre de la loi nº06-99, le Premier ministre disposait d’un large pouvoir de décision, il
contrôlait les pratiques anticoncurrentielles et les opérations de concentration économique, il
pouvait ordonner la mise en œuvre des mesures conservatoires, décider de mettre fin aux
pratiques anticoncurrentielles15 et de saisir le Procureur du Roi, dans les cas d’ententes
anticoncurrentielles entre opérateurs du marché ou dans les cas d’abus de position dominante
afin qu'il puisse engager des poursuites. Donc, on peut dire que dans l’intervalle de l’ancienne
loi "le pouvoir décisionnel est resté dans les mains de pouvoir politique "16.

Or, le dispositif en vigueur 17a assuré la prohibition des pratiques anticoncurrentielles faussant
le libre jeu de la concurrence dans un marché déterminé, et il a marqué la transformation du

14
Loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence (promulguée par Dahir n° 1-00-225 du 2 rabii I 1421 (5 juin 2000 et Entrée en
vigueur le 6 juillet 2001.
15
Article 36 de la loi 06 -99 sur la liberté des prix et de la concurrence.
16
EL HAJOUI Sanae, Op.cit., page 37.
17
On parle de la loi 104 -12 relative à la liberté de prix et de la concurrence et la loi 20-13 relative au Conseil de la Concurrence.

8
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Conseil de la Concurrence d’une institution ayant des pouvoirs seulement consultatifs à une
autorité administrative dotée d’un statut indépendant et du pouvoir décisionnel et de sanction.
Comme il a renforcé le côté disciplinaire par l’adoption des procédures alternatives aux
procédures contentieuses lourdes, plus précisément, le pouvoir de prononcer des injonctions,
des sanctions pécuniaires, et d’adopter des mesures conservatoires.

De même, le législateur marocain a adopté des nouveaux textes destinés à mettre à nouveau et
à combler les lacunes de certaines dispositions de la l’arsenal juridique actuel de la concurrence,
notamment en droit de répression des pratiques anticoncurrentielles objet de notre étude, il
s’agit de la loi nº 40-2118 et la loi nº 41-21.19

Sous cet angle, nous aborderons en premier lieu les pratiques déloyales sanctionnables à la
lumière du droit marocain et droit comparé (chapitre 1), en deuxième lieu, nous examinerons
le contrôle de ces comportements anticoncurrentiels en mettant l’accent sur les prérogatives les
plus étendues du Conseil de la Concurrence dans ce champ (chapitre 2).

18
La loi nº 40 -21 abrogeant et complétant la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence promulguée par Dahir n° 1-22-67 du
30 rabiaa II 1444 / 25 novembre 2022.
19
La loi nº 41 -21 modifiant la loi n° 20-13 relative au Conseil de la concurrence. , promulguée par Dahir n°1-22-68 du 30 rabiaa II 1444 /25
novembre 2022.

9
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Chapitre1 : La prohibition légale des pratiques anticoncurrentielles


en droit marocain et comparé

Afin de lutter contre tout comportement anticoncurrentiel ayant un impact négatif sur le marché,
il est nécessaire d’avoir, d’un côté, une palette de règles juridiques de la concurrence claires et
solides, et d’un autre côté, une autorité administrative a un statut indépendant et qui est dotée
d’un pouvoir décisionnel et disciplinaire permettant la lutte contre les pratiques déloyales, ce
qui favorise le développement économique.

Au Maroc, les pratiques anticoncurrentielles font l’objet des dispositions des articles 6, 7 et 8
de la loi nº104 – 12 portant sur la liberté des prix et de la concurrence. Ainsi que la sanction de
ces pratiques déloyales est énumérée par l’article 39 de ladite loi, qui prévoit des sanctions
pécuniaires qui peuvent aller jusqu’à 10 % du chiffre des affaires.

Tant en droit français20 qu’en droit marocain, le droit des pratiques anticoncurrentielles
sanctionne tous les actes illicites ou illégaux, autrement dit, les actes contraires aux règles
permettant le bon fonctionnement de l’économie, qui produisent des conséquences
extrêmement préjudiciables tant pour les consommateurs que pour les opérateurs
économiques21.

Ces pratiques illicites sont évaluées selon des critères précis (section 1), ils peuvent également
avoir des limites et bénéficier d'exemptions (section 2).

Section 1 : Identification des pratiques prohibées

Les pratiques objet de prohibition, peuvent prendre la forme soit des ententes
anticoncurrentielles (sous- section 1), soit des abus de position dominante, des abus de
dépendance économique (sous-section 2), et des prix abusivement bas de produits ou de
services, cette dernière est devenue à l'instar du droit français et européen une nouvelle pratique
déloyale sanctionnée indépendamment des cas d'abus de position dominante (sous-section 3).

20
Le droit des pratiques anticoncurrentielles est réglementé par les dispositions du code du commerce français,
(Art. L. 420-1, L. 420-2, L. 420-4, L. 420-5, L. 464-1).
21
AUGUET Yvan, GALOKHO Cheik, RIERA Alexandre, « Chapitre I. Le droit des pratiques anticoncurrentielles », dans : Droit de la
concurrence. Sous la direction de AUGUET Yvan, GALOKHO Cheik, RIéRA Alexandre. Ellipses, « Spécial Droit », 2020, p. 144.
URL : https://www.cairn.info/droit-de-la-concurrence--9782340029750-page-141.htm consulté le 07/07/2023.

10
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Sous- section 1 : Les ententes anticoncurrentielles en droit de la concurrence


au Maroc et en droit comparé

En premier lieu, le terme "Entente" est défini comme une coordination anticoncurrentielle de
deux ou plusieurs entreprises dans laquelle ces derniers ont une possibilité de se partager le
marché.

Néanmoins, un accord entre entreprises qu’il soit formalisé ou implicite ne peut être toujours
qualifié comme une pratique déloyale à l’exception des accords qui empêchent et restreignent
le jeu de la concurrence.

En effet, ces ententes anticoncurrentielles causent des préjudices aux consommateurs, qui sont
des leviers principaux de l’économie et aux entreprises également. Elles sont susceptibles de
bloquer la concurrence, réduire le niveau de production, diminuer le surplus des
consommateurs, autrement dit, elles rendent le marché imparfait où elles peuvent imposer leurs
conditions et leurs prix aux acheteurs. C’est pour cela que le consommateur est le maillon le
plus faible d’une entente.

Dans le même ordre d'idée, le président du Conseil de la Concurrence au Maroc Ahmed Rahhou
estime que « La concurrence n’est pas une fin en soi, mais elle est le meilleur moyen pour que
les consommateurs puissent obtenir des meilleurs produits aux meilleurs prix. L’histoire nous
enseigne que les ententes prospèrent dès qu’on limite la concurrence »22 .

Ainsi, la constatation des ententes illicites conclues entre deux ou plusieurs entreprises suppose
le suivi de certains modes de qualification afin d’appliquer le régime de sanctions. Ces accords
peuvent prendre plusieurs formes susceptibles de porter atteinte à la concurrence.

I. Les modes d’appréciation des ententes illicites

Dans un premier temps, il convient de distinguer les accords dont l'objet est anticoncurrentiel
de ceux dont l'effet potentiel ou actuel est restrictif de la concurrence.

22
MACHLOUKH Anass, Concurrence : Vision et diagnostic de Rahhou sur l’état de nos marchés, journal L’Opinion , Mars 2022. URL :
https://www.lopinion.ma/Concurrence-.html Consulté le 06/08/2023.

11
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Selon les dispositions de la loi nº104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence 23
; toute
action concertée, convention, entente ou coalition expresse ou tacite est prohibée lorsqu’elle a
pour objet ou pour effet de fausser et de bloquer le jeu de la concurrence.

En revanche, le droit français et le droit européen de la concurrence24prohibent les ententes


anticoncurrentielles par leur objet ou leur effet, quel que soit la cause de l’entente. On peut alors
constater que la plupart des législations traitent les ententes illicites en se basant sur l’objet ou
sur l’effet restrictif de la concurrence.

Alors, l’objet anticoncurrentiel désigne que l’accord ou l’action concertée (expresse ou tacite)
entre les opérateurs est préjudiciable par sa nature au bon fonctionnement du marché. À titre
d’exemple, si une entente n’a pas réussi à produire des conséquences ou de résultats négatifs,
elle sera sanctionnée même en absence des preuves de ses effets, ce qui reflète la diligence de
législateur de prendre des initiatives préventives contre tout accord vise l’altération du jeu de
la concurrence et la constitution d’une vraie menace, car il " vaut mieux prévenir que guérir ".

En parallèle, l’effet anticoncurrentiel avéré ou potentiel, permet de constater les ententes


illicites à travers ses conséquences graves qui affectent le jeu de la concurrence. Donc, la mise
en œuvre des sanctions est liée à l’effet restrictif causé par l’accord illicite même s’il n’y a pas
un objet réel démontré.

Selon le professeur Mohamed Drissi Alami Machichi, « l’entente doit savoir comme objet, soit
engendrer comme effet, soit viser comme but, la suppression, la restriction ou l’altération du
jeu de la concurrence ». 25

Quant aux opérations juridiques qui découlent d’une entente ; la concentration économique est
la forme la plus entendue qui se réalise lorsqu’il y a lieu d’une fusion de deux ou plusieurs
entreprises antérieurement indépendantes lorsqu'une ou plusieurs personnes, détenant déjà le
contrôle d'une entreprise au moins , ou lorsque une ou plusieurs entreprises acquièrent,
directement ou par l'achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de
l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises. 26

23
L’article 6 de la loi nº 104-12 sur la liberté de prix et de la concurrence.
24
L’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit les « accords entre entreprises », les « associations
d’entreprises susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet de fausser le jeu la concurrence à
l’intérieur du marché commun ».
25
Mohammed Drissi Alami MACHICHI, « Concurrence droit et obligations des entreprises au Maroc », édition Eddif , 2004, page 93 .
26
L’article 11 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

12
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

D’ailleurs, le contrôle de ces opérations de concentration économique est lié aux certains seuils
qui sont considérés comme nécessaires pour que l’opération soit soumise à l’obligation de
notification, la nouvelle loi nº 40-21 fixe trois seuils alternatifs : 27

Le premier réside dans le chiffre d’affaires global qui cumule entre le chiffre d’affaires réalisé
par les entreprises concernées par l’opération de concentration au niveau mondial et le chiffre
d’affaires réalisé individuellement au niveau national par une de ces entreprises au moins.

Le deuxième seuil est lié au chiffre d’affaires réalisé individuellement au Maroc par deux
entreprises au moins.

En fin, le troisième seuil est relatif à la part du marché cumulé des entreprises parties à la
concentration portant sur 40 % des ventes, achats ou autres transactions sur le marché national
de biens, produits ou services de même nature ou substituables, ou sur une partie substantielle
de celui-ci. Toutefois, le plafond de chiffre d’affaires réalisé devra être déterminé par voie
réglementaire.

L’introduction de ces amendements en vertu de la loi nº 40-21 a pour objet de supprimer le seuil
fondé uniquement sur le chiffre d’affaires mondial des parties en cause, et de fournir alors un
seuil du chiffre d’affaires qui cumule entre le chiffre d’affaires réalisé au niveau national et le
chiffre d’affaires mondial, cette combinaison permet de se rapprocher de législation française
qui opte pour les seuils du contrôle cumulatifs 28.

Ainsi, ces modifications visent en principe l’instauration d’une procédure souple et efficace qui
permet de simplifier le processus de notification des opérations de concentrations et de diminuer
le nombre d’opérations de concentration qui devraient être préalablement notifiés.

Au regard de la doctrine marocaine, « Ce point vise à contrecarrer les stratégies de


contournement du contrôle des concentrations consistant à fractionner une opération en
plusieurs opérations successives afin de rester sous les seuils de notification » 29.

Dans ce cadre, la régulation et le contrôle d’une opération de concentration sont de grande


importance ; notamment avec l’augmentation des pratiques anticoncurrentielles, ayant un
impact négatif sur la concurrence, découlant souvent des accords conclus entre les entreprises

27
L’article 2 de la loi nº 40-21 abrogeant les dispositions de l’article 12 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
28
C’est l’article L. 430-2 du code du commerce français qui fixe les seuils du contrôle national des concentrations
29
https://www.twobirds.com/fr/ , Modernisation du droit de la concurrence marocain : ce qu’il faut retenir, article publié en Février 2023.
Date de consultation 10 /06/2023.

13
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

en cause et qualifiés d’ententes illicites qui seraient susceptibles d’engendrer une situation de
monopole ou de position dominante.

II. Les différentes formes des ententes prohibées

Le législateur marocain et son homologue français30citent une liste d’exemples des accords
illicites ; ces derniers peuvent prendre la forme des ententes horizontales qui s’opèrent entre les
opérateurs économiques qui sont au même niveau de la chaîne économique du marché et des
ententes verticales qui sont des accords conclus entre des concurrents qui ne sont pas en
compétition sur un même marché, par exemple entre un producteur et un distributeur.

Ces ententes illicites concernent notamment :

▪ Les accords ou les pratiques concertées qui visent à limiter l'accès au marché ou le libre
exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;
▪ Ceux qui entravent la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant
artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
▪ Ceux qui visent la répartition des marchés ou les sources d’approvisionnement
▪ Ceux qui tendent à limiter ou à contrôler la production, les débouchés, les
investissements ou le progrès technique ;

À cet égard, il sera intéressant de mettre l’accent sur des cas pratiques intéressants, à savoir
l’affaire des hydrocarbures au Maroc, relative à une entente de pétroliers par lequel des
opérateurs du marché des carburants ont été accusés d’ententes anticoncurrentielles sur les prix.
Le Conseil de la Concurrence marocain a prononcé en juillet 2020, deux décisions
contradictoires contenant des différentes sanctions 31 ; la chose qui a entraîné une confusion et
a reflété les échecs de procédure décisionnelle, c’est pour cela que le roi Mohammed VI a
décidé par un communiqué du cabinet royal la nomination d’une commission ad hoc pour
examiner l’affaire. 32

Afin de mettre à terme ces dysfonctions, le Conseil de la Concurrence a ouvert à nouveau cette
affaire, il a annoncé dernièrement dans un communiqué de renvoyer à l’instruction le dossier
lié « aux éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le marché de la distribution des

30
On parle dans ce cadre des pratiques interdites visées par l’article 6 de la loi 104 -12 et l ’article L. 420- 1 du Code de commerce français.
31
Le Conseil de la Concurrence a infligé une sanction pécuniaire d’un montant de 9% du chiffre d’affaires à l’encontre des trois principaux
acteurs du marché : Afriquia, Total et Vivo Energy, distributeur exclusif de Shell au Maroc en 23 juillet 2021, après 5 jours de cette date le
conseil a communiqué à sa majesté le roi une autre décision, qui avait pour objet une sanction à la hauteur de 8% du chiffre d’affaires.
32
Rapport annuel des activités du Conseil de la Concurrence marocain au titre de l’année 2020.

14
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

hydrocarbures »33, notamment avec l’entrée en vigueur de nouvelles réformes de la concurrence


portant sur la loi nº40-21 modifiant et complétant la loi nº104-12 et la nº41-21 modifiant et
complétant la loi nº 20-1334.

Quant à la deuxième affaire portant sur le cas d’entente verticale entre Apple et Amazon en
2018, l’autorité de la concurrence italienne a infligé en 2021 une sanction pécuniaire de plus de
200 euros 35
; par le fait que ces deux entreprises empêchent une vraie concurrence dans le
marché à travers des clauses contractuelles permettant l’interdiction de certains vendeurs de
revendre des produits Apple et Beats ce qui porte atteinte à l'article 101 du Traité de
fonctionnement de l'UE.

On peut dire que les autorités de la concurrence visent la condamnation de tout comportement
illicite afin de protéger le consommateur et l’économie du marché.

Sous -section 2 : L’abus de position dominante

Afin de maintenir une libre concurrence, les systèmes nationaux établissent des moyens
permettant d’atteindre cet objectif par le contrôle des pratiques anticoncurrentielles et toute
pratique restrictive de la concurrence.

L’article 36 de la Constitution du Royaume de 2011 dispose que l'abus de position dominante


et de monopole, et toutes les autres pratiques contraires aux principes de la concurrence libre et
loyale dans les relations économiques, sont sanctionnés par la loi.

Dans cet esprit, le contrôle d’abus de position dominante et de dépendance économique est
devenu nécessaire, car il permet la création des entreprises nationales fortes capables de
rivaliser au niveau régional et international 36.

Le législateur marocain, à l’instar de son homologue français et européen, utilise la notion de


position dominante à la différence de législateur américain qui présente cette infraction en

33
Communiqué du Rapporteur Général du Conseil de la Concurrence relatif au dossier des carburants , 2 juin 2023.
34
Selon l’article 3 de la loi nº 40-21 qui complète l’article 38 bis de la loi nº 104-12 : « Lorsque le CC estime que l’instruction est incomplète,
il peut décider de renvoyer l’affaire tout ou partie à l’instruction ».
35
Autorité de la Concurrence italienne (AGCM), décision nº.29889 16 nov. 2021 ..
36
BOY Laurence. « Le droit de la concurrence : Régulation et/ou contrôle des restrictions à la concurrence ». EUI Working Paper LAW No.
2004/9, Institut universitaire européen, Florence 2004 page 15.

15
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

faisant référence à la notion de monopole 37, cette situation sera sanctionnée même si elle n’est
pas due d’un abus, la seule tentative pour y parvenir est prohibée. 38

Donc, l’appréciation de la position dominante d’une entreprise dans un marché pertinent sera
nécessaire pour cerner les différents comportements restrictifs de la concurrence et affecter
encore l’économie du marché.

I. L’appréciation de la position dominante d'une entreprise au sein du marché

Pour être sanctionné d’un abus de position dominante, il faut d’office être en position
dominante !

En effet, on constate que la notion de position dominante n'est pas abordée dans les textes de la
loi 39; ni le droit de la concurrence marocain, ni le droit de la concurrence français et européen
ne donnent une définition de cette notion.

La jurisprudence française 40 définit la position dominante comme « une position de puissance


économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien
d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de
comportements indépendants dans une mesure appréciable vis à vis de ses concurrents, de ses
clients et, finalement, des consommateurs ».

Notons que, toute entreprise détenant une place forte dans un marché déterminé, n’est pas
nécessairement en situation de position dominante.

Dans ce contexte, le Conseil de la Concurrence marocain a autorisé une opération de


concentration économique portant acquisition par la société « Akzo Nobel Coatings
International B.V » de la totalité du capital et des droits de vote de la société « Cleming
S.P.R.L».41 Et cela après un examen de la structure du marché et les positions concurrentielles
des différents opérateurs qui y sont actifs.

Le Conseil a estimé que même si une concentration peut entraîner un chevauchement horizontal
des activités des parties à la concentration, un tel chevauchement ne peut pas porter atteinte au

37 C’est la situation du producteur unique dans un marché qui vend 'un bien unique .
38 L'article 2 de" Sherman Act " ou la loi antitrust américaine prohibant les pratiques anticoncurrentielles restrictives de la
concurrence.
39
On parle des dispositions de la loi nº 104-12 et du code de commerce français et le TFUE.
40
(CJUE, Cour, 14 févr. 1978, United Brands et United Brands Continental / Commission, C-27/76.
41
Décision du Conseil de la Concurrence n° 88/D/19 du 1er rabii I 1441 (30 octobre 2019).

16
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

libre jeu de la concurrence, surtout avec le renforcement d’un pouvoir d’achat ou d’une position
dominante situant les fournisseurs en position de dépendance économique.

Donc, afin de reconnaître une situation de position dominante, il est nécessaire de procéder à
l’étude du marché intérieur ou d’une partie substantielle de celui-ci, autrement dit, situer
l’entreprise concernée dans un marché de produits ou de services déterminés pour apprécier son
influence sur le libre jeu de la concurrence.

Dans le cas du silence de la loi, le juge a pour mission d’indiquer si l’entreprise est en situation
de position dominante sur le marché ou pas. Par exemple, la jurisprudence américaine prévoit
que le fait de détenir 80% ou plus de la part du marché présume que l’entreprise dispose d’un
pouvoir de marché.42

Toutefois, cette situation de domination a pour objet ou peut avoir pour effet des conséquences
restrictives de la concurrence si l’entreprise n’a pas suivi le chemin de la loi. Autrement dit, le
législateur ne sanctionne pas la position dominante qu’une entreprise peut avoir sur son marché,
mais uniquement les abus qui peuvent en résulter.

Selon la jurisprudence européenne, « pour établir une violation de l’article 102 TFUE43, il n’est
pas nécessaire de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante
a eu un effet anticoncurrentiel concret sur les marchés concernés, mais seulement qu’il tend à
restreindre la concurrence ou qu’il est susceptible d’avoir un tel effet ».44

II. Les pratiques liées à l’abus d'une position dominante et l’abus de dépendance
économique

Le droit de la concurrence marocain45prohibe le fait pour une ou plusieurs entreprises


d’exploiter une position dominante d’une façon abusive, ainsi qu’une situation de dépendance
économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d’aucune autre
alternative équivalente apte à fausser, empêcher ou restreindre le jeu de la concurrence sur un
marché. Ce sont les mêmes dispositions prévues par le droit français.

42
Louis-Xavier Huguenin-Vuillemin, Le contrôle des pratiques anticoncurrentielles au sein des marchés de l’Union Européenne, des États-
Unis et du Canada : Perspectives d’un droit antitrust international, Mémoire pour l’obtention du grande de Maîtrise en droit des affaires,
Université de Montréal, 2003, page 55.
43
L’article 102 du traité de fonctionnement de l'Union européenne TFUE prohibant l’abus d’une position dominante par une entreprise ou
plusieurs entreprises.
44
https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/documentation/abus-position-dominante-old.pdf. , consulté le
25/07/2023 .
45
Article 7 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

17
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Le droit de la concurrence européen à l’inverse du droit de la concurrence français et marocain


ne sanctionne que les abus de position dominante ; les abus de dépendance économique ne sont
pas traités dans les dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

De fait, le législateur marocain énumère les pratiques illicites susceptibles d’établir un abus de
position dominante et un abus de dépendance économique, ces derniers comportent des
composants communs : refus de vente, ventes liées ou conditions de vente non équitables,
imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou
d’un bien, au prix d’une prestation de services ou à une marge commerciale.

Pourtant , les abus de dépendance économique à la différence des abus de position dominante
n’exigent pas pour une entreprise de détenir une position dominante absolue dans le marché,
autrement dit, ces abus ne résultent pas de pouvoir de celui-ci , il s’agit d’une exploitation
abusive d’un état de dépendance économique mise en œuvre par une entreprise ou un groupe
d'entreprises qui exercent une domination relative à l’égard des partenaires commerciaux , ce
qui permettra la sanction des pratiques abusives liées à un rapport de force .

Alors, l'interdiction d'un abus de dépendance économique permet de détecter le comportement


abusif d'une entreprise exerçant sa puissance relative pour placer ses partenaires commerciaux
à un endroit vulnérable et délicat, sans détenir une position dominante sur un marché dans son
ensemble.

Dans le contexte de domination , le Conseil de la concurrence marocain a mis en garde dans un


communiqué certaines entreprises opérant dans différents secteurs d'activité économique et
utilisant des services de facturation en ligne via Internet, imposent à leurs clients un coût
supplémentaire de ces services, cette pratique injustifiée est considérée comme préjudiciable
aux bien-être des consommateurs, car il renforce la position de ces entreprises dans les marchés
concernés à la charge de ceux-ci . Le Conseil a invité ces derniers à mettre fin à cette pratique,
sous peine de procéder à des poursuites légales . 46

En France, l’autorité de la concurrence dans sa décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020 a


infligé une sanction pécuniaire de 444 millions d’euros, à trois laboratoires pharmaceutiques
pour un abus de position dominante collectif visant à maintenir les prix et les ventes d'un

46
Communiqué du Conseil de la Concurrence marocain le 16 mai 2023.

18
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

médicament sur le marché thérapeutique au détriment d’un produit concurrent 30 fois moins
cher.47

De surcroît, l’abus peut consister en des "abus d'éviction "ou des "abus d’exploitation". La
première catégorie réside dans les comportements d’une entreprise dominante ayant pour effet
d’entraver le libre jeu de la concurrence à travers l’exclusion d’un concurrent du marché et
causer des conséquences défavorables sur le bien-être des consommateurs, il s’agit des moyens
illicites utilisés par l’entreprise pour éliminer le consommateur du marché. C’est le cas, par
exemple, des prix prédateurs48 , tandis que la deuxième catégorie réside dans le fait d’entreprise
dominante de profiter de sa puissance pour pratiquer envers ses clients et ses partenaires des
prix excessifs ou des conditions « abusives »49 .

La Commission européenne en matière d’abus d’éviction avait condamné en 2003 Wanadoo,


une filiale de France Télécom, à verser de plus de 10 millions d’euros, pour avoir faussé le jeu
de la concurrence, et pratiqué des « prix prédateurs » qui est la forme la plus évidente d’abus
de position dominante, en considérant que les tarifs de la vente des services d’Internet haut-
débit étaient prédateurs.50

En outre, la commission a imposé une sanction pécuniaire de 331 millions d'euros à l’entreprise
pharmaceutique française Servie pour avoir ralentir l’entrée de versions génériques d'un
médicament destiné à traiter l'hypertension et l'insuffisance cardiaque au marché en cause. 51

La décision a déclaré que "Servier" a exploité abusivement sa position dominante en


s’engageant dans une stratégie d’exclusion de ses concurrents. Elle réside dans une série
d’accords amiables en matière de brevet et des acquisitions de la technologie la plus avancée
afin de protéger le produit contre la concurrence au niveau des prix des médicaments génériques

47
Autorité de la Concurrence, Décision 20-D-11 du 09 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement
de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA.).
48
C’est la pratique qui consiste pour une entreprise en position dominante sur un marché, à proposer la vente d’un produit à un prix fragile à
son coût de production, de manière à empêcher tout concurrent de pouvoir le produire et les écarter totalement ou partiellement du marché.
49
Le droit français et européen (L. 422 du Code de commerce et article 102 du traité) citent plusieurs cas de figure d’abus d’exploitation tels :
le fait d’imposer des conditions de transaction non équitables, l’application des conditions inégales, les débouchés au préjudice du
consommateur.
50
Affaire Wanadoo Interactive (COMP/38.233—Wanadoo Interactive), Décision de la commission du 16 juillet 2003 relative à une procédure
d’application de l’article 82 du traité CE.
51
Décision de la Commission du 9 juillet 2014 relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne [affaire AT.39612 — Périndopril (Servier), notifiée sous le numéro C(2014) 4955.

19
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

au marché européen, ce qui entrave le maintien d’une concurrence saine et effective fondé sur
les propres mérites.

Bref, l’abus de position dominante est susceptible de nuire aux autres entreprises concurrentes
dans un marché commun, aux distributeurs, aux consommateurs. D’une manière plus générale,
il entrave le déroulement régulier et équilibré de la concurrence du même que des autres
pratiques telles les prix abusivement bas.

Sous -section 3 : La pratique du prix de vente abusivement bas

Dans le contexte d’harmonisation du droit de la concurrence marocain avec le droit de la


concurrence français, la loi nº104-12 ajoute aux ententes illicites et à l’abus de position
dominante l’interdiction de prix trop bas. 52

Pour certains consommateurs, les prix bas présentent des avantages nombreux lorsque plusieurs
biens ou produits sont vendus à des prix inférieurs ; ce qui signifie l’apparence d’une
concurrence féroce, mais à long terme, cette pratique contribue à un déséquilibre du marché
dont les concurrents sont exclus, les prix augmentent et la qualité des produits diminue.53

C’est pour cela que le droit de la concurrence au Maroc prohibe les offres ou les pratiques de
prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, transformation et de
commercialisation y compris les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à
la sécurité des produits, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou pour effet
l’élimination à terme d’un marché, ou d’empêcher d’accéder à un marché, une entreprise ou
l’un de ses produits.

En fait, ces comportements déloyaux ont un point commun ; il s’agit de l’éviction des
concurrents. De plus, ils s’exercent d’une manière habituelle et étendue, afin d’atteindre deux
objectifs : le premier est l’élimination des concurrents actuels du marché et le second est la
récupération des pertes subies par l’augmentation des prix de produits ou de services en vue
d’entraver l’entrée de nouveaux concurrents.

Selon l’Autorité de la concurrence française, trois conditions doivent être cumulées :

52
L’article 8 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
53
MEFLAH Hanane « La justification des ententes et des abus de positions dominantes -Etude comparative- » Mémoire présenté pour
l’obtention du diplôme de magistère en droit des relations économiques (Agents économiques/ Consommateurs), Université d’Oran, Année
universitaire 2012-2013 , page 58.

20
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

- Le prix en cause doit être un prix de vente destiné au consommateur final.


- Le niveau de prix proposé doit être insuffisant pour couvrir les coûts de production, de
transformation et de commercialisation du produit ou service.
- Le prix pratiqué doit traduire une volonté ou une potentialité d’éviction d’un concurrent
ou d’un produit ou service concurrent.

Par conséquent, la sanction de prix abusivement bas nécessite, d’un côté, la charge de la preuve,
cette mission incombe à l'entreprise qui s’en prétend victime de prouver que les prix pratiqués
par ses concurrents sont abusivement bas, et, d’un autre côté, un objet ou un effet
anticoncurrentiel.

Section 2 : Les dérogations au principe de prohibition des pratiques


anticoncurrentielles

“L'exception vient toujours de la raison de la règle” disait « Joseph Joubert » moraliste et


essayiste français.

Effectivement, le principe de prohibition des pratiques anticoncurrentielles n’est pas absolu, ce


qui manifeste clairement dans les exemptions autorisées.

Au même titre, le droit national et le droit communautaire de la concurrence ne prohibent pas


la détention d’une position dominante54, car une entreprise peut être dominante dans un marché
donné par ses mérites, à savoir la qualité des produits ou des services, la contribution à
l’innovation, le progrès économique, etc.

À l’instar du français et communautaire, le droit marocain énonce une double justification des
pratiques anticoncurrentielles qui peuvent entraîner une exonération de ces derniers : un texte
législatif ou réglementaire qui présente une justification d’une atteinte au jeu de la concurrence
(sous-section1) et une justification fondée sur le progrès économique (sous-section2).

Sous-section1 : Les limites relatives à l’application d’un texte législatif ou


réglementaire

L’article 9 de la loi nº104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence dans son premier
alinéa énonce : « Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 6 et 7 les pratiques : qui

54
Selon l’article 7 de la loi nº 104-12 et l’article 102 de TFUE, l’exploitation abusive d’une position dominante est sanctionnée .

21
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son
application… ».

En effet, l’exemption suppose, d’une part, la réunion de la condition relative au texte de la loi,
qui doit avoir un caractère justificatif et la condition liée à l’existence d’un lien de causalité
entre celui-ci et la pratique objet de dérogation d’autre part.

Cependant, la seule existence du texte législatif ou réglementaire qui peut prendre soit la forme
d’une loi, d'un décret ou d'un arrêté ministériel n’est pas suffisante pour constituer une
exemption de la pratique anticoncurrentielle, il faut une intervention de la part de
l’administration.

Dans ce cadre, l’autorité de la concurrence a écarté la possibilité de se prévaloir une exemption


basée sur un protocole, une lettre de ministre, ou les actes de tolérances expresses ou tacites
émanant de l’administration, ce qui signifie que les textes objet d’exemption qui ne représentent
pas un caractère législatif et réglementaire sont excluent.

En outre, la législation française implique le critère d’actualité du texte pour bénéficier de


l’exemption, les entreprises concernées doivent se baser sur un texte législatif ou un texte
réglementaire en vigueur au moment de la mise en œuvre de la pratique en cause. Ainsi, les
textes à caractère réglementaire qui n'appliquent pas directement la loi sont exclus.

À l’égard du lien de causalité entre le comportement litigieux et le texte invoqué, celui-ci doit
constituer la cause directe et inéluctable de la pratique concernée, ce qui reflète le caractère
strict des dispositions de l’article 9 de la loi nº 104-12 relative à la liberté de prix et de la
concurrence.

Le bénéfice de l’exemption devient inopérant dès qu’une pratique ne résulte pas directement de
l’application d’un texte législatif ou réglementaire55. À ce titre , le Conseil de la Concurrence
en France a sanctionné 7 syndicats de médecins pour s'être concertés sur l'augmentation du tarif
de consultations, ces derniers ont essayé le bénéfice des dispositions relatives à l’exemption
d’ordre légal, en estimant que le comportement reproché aux organisations syndicales mises en
cause est la conséquence directe de la loi et que le règlement conventionnel minimal (RCM)
ouvre la possibilité aux médecins de recourir au dépassement exceptionnel (DE) à titre
individuel dans des circonstances particulières ; toutefois, le Conseil de la Concurrence a établi

55 ZEVOUNOU Lionel. « Le concept de concurrence en droit ». Thèse de Doctorat, Université Paris Nanterre, 2011. Page 213.

22
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

que ces pratiques n’échappent pas aux règles figurant à l’article L. 420 - 1 du Code de commerce
français .

À côté des exemptions des pratiques anticoncurrentielles basées sur l’application d’un texte
législatif ou réglementaire, il existe également des autres visant à assurer un progrès
économique et technique.

Sous-section 2 : Les limites relatives à l’existence d’un progrès économique

En ce qui concerne l’exonération du comportement anticoncurrentiel relatif à la contribution à


un progrès économique ou technique ; il convient d’abord d’identifier les hypothèses édictées
par l’alinéa 2 de l’article 9 de la loi nº 104 -12 : « Les pratiques dont les auteurs peuvent justifier
qu’elles ont pour effet de contribuer au progrès économique et / ou technique et qu’elles
réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux
entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des
biens, produits et services en cause. Ces pratiques ne doivent pas donner aux entreprises en
cause la possibilité d’imposer des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont
strictement indispensables pour atteindre cet objectif de progrès ».

Alors, le bénéfice de l’exonération suppose la réunion cumulative de certaines conditions :

La première condition implique l’assurance d’un progrès économique et technique, qui réside
dans les effets positifs de certains comportements, notamment la création des emplois, le
développement de nouvelles techniques, la transformation numérique et digitale.

Toutefois, certains auteurs soulignent que l’importance de l’argument de la contribution de


l’entente au progrès économique suggère que le droit de la concurrence n’est pas une fin en soi.
Ce n'est qu'un des moyens, considérés comme les plus efficaces, pour atteindre l'efficacité
économique. 56Ce qui signifie que l’exemption justifiée par le progrès économique n’est qu’un
outil qui reflète la souplesse du droit de la concurrence.

À côté du progrès économique, l’exemption doit répondre à d’autres conditions, telle la


réservation aux utilisateurs d’une partie équitable du profit qui en résulte, la non - autorisation
d’éliminer la concurrence par les entreprises en cause, dans le but de préserver une certaine

56
Ententes anticoncurrentielles : Entre cadre légal inachevé et préservation de l’ordre public économique, Article écrit par OUBEJJA Youssef
, publié sur «Maroc diplomatie» le 20 août 2020.URL : https://maroc-diplomatique.net/ententes-anticoncurrentielles-entre-cadre-legal-
inacheve Consulté le 28/06/2023 .

23
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

concurrence sur le marché et la possibilité de compensation des effets résultant de la restriction


de la concurrence.

De plus, les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la
concurrence, en particulier les accords entre petites et moyennes entreprises (PME), constituent
l’une des conditions nécessaires pour échapper de l’application l’article 6 de la loi nº 104-12.57
Ces derniers sont soumis à un seuil de sensibilité qui est considéré comme un degré de
concurrence nécessaire qui ne constitue pas une restriction d’une manière sensible de la
concurrence.

Au niveau Européen, la commission précise dans "une communication de minimis" 58


que les
accords entre entreprises qui affectent le commerce entre les États membres ne restreignent pas
sensiblement la concurrence au terme du paragraphe 1 de l’article 101 du traité de
fonctionnement de l’union européen TFUE : lorsque l’accord est conclu entre des entreprises
non concurrents , «si la part de marché détenue par chacune des parties à l’accord ne dépasse
15% sur aucun des marchés en cause affectés par l’accord » et lorsqu’il s'agit d'une entente
entre des entreprises concurrentes actuels ou potentiels. « Si la part de marché détenue par
chacune des entreprises non concurrentes à l’accord ne dépasse 15% sur aucun des marchés en
cause affectés par l’accord ». Néanmoins, « Lorsqu'il est difficile de déterminer s’il s’agit d’un
accord entre concurrents ou d’un accord entre non-concurrents, c’est le seuil de 10 % qui sera
appliqué ». 59

Notons que, la communication de minimis ne traite pas les accords susceptibles d’empêcher, de
restreindre ou de fausser la concurrence au sein du marché intérieur, elle n’appliquera pas alors
les seuils de part de marché cités ce dessus.60

Le législateur marocain n’indique pas expressément dans les dispositions de la loi nº 104-12 le
seuil de sensibilité exigé pour les accords de minimis , ce dernier est prévu par le décret
d’application de cette loi , qui précise que la reconnaissance des critères non susceptibles
d’entraîner une restriction sensible de la concurrence doit résulter d’un arrêté du chef du
gouvernement ou de l’autorité gouvernementale déléguée par lui, après avis conforme du

57
C’est l’article 6 de la loi nº 104-12 qui prohibe les ententes anticoncurrentielles
58
Communication de la Commission européenne sur les accords d’importance mineure, "communication de minimis" , ( 2014/С 291/01 ) .
59
Points 8, 9 et 10 de la Communication de la Commission européenne sur les accords d’importance mineure.
60
Le point 13 de la Communication de la Commission européenne sur les accords d’importance mineure

24
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Conseil de la concurrence, sur requête des parties à l’accord incluant toutes les informations
nécessaires . 61

Effectivement, l’arrêté du ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé des affaires
générales et de la gouvernance n° 3433-15 62
détermine les critères quantifiant les accords
d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement la concurrence ; il prévoit le seuil
de 10% entre les concurrents et le seuil de 15 % entre les non concurrents.

On peut dire que le régime d’exemption permet aux auteurs des pratiques déloyales d’échapper
de la coercition, autrement dit, par l’application de ce régime, ils ne seront pas exposés à de
strictes sanctions sans oublier que la charge de la preuve de l’exemption incombe à ces auteurs.

61
Article 6 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
62
L’arrêté du ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé des affaires générales et de la gouvernance n° 3433-15 du 12 moharrem
1437 (26 octobre 2015) relatif aux critères quantifiant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement la concurrence.

25
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Chapitre2 : La mise en œuvre du contrôle des pratiques déloyales


de la Concurrence

Dans le but de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, qu’il se soit les ententes illicites
entre entreprises, les abus de position dominante, de dépendance économique et toute pratique
restrictive de la concurrence ; le Maroc s’est doté d’une instance chargée de régulation de la
concurrence sur le marché, c’est le Conseil de la Concurrence.

Elle s’agit d’une autorité administrative chargée de veiller au libre jeu de la concurrence et
assurer la sécurité juridique des opérateurs économiques dans les marchés et les protéger contre
toute menace pouvant empêcher cette liberté concurrentielle et par conséquent bloquer la
croissance économique.

Toutefois, la mise en place d’un Conseil de la Concurrence ne vise pas à protéger seulement les
opérateurs économiques, mais aussi les consommateurs, et cela, par la garantie d’une
concurrence libre, loyale et bénéfique à ces derniers et au développement économique.

En effet, le Conseil de la concurrence au Maroc a connu ses dernières années des réformes
essentielles qui ont joué un rôle pas mal important, ils ont transmis le Conseil d’une institution
a des prérogatives fragiles notamment en matière de lutte contre les pratiques déloyales à une
institution indépendante, dotée d’une autonomie financière dont les pouvoirs sont élargis et le
rôle, les fonctions sont bien éclaircies, autrement dit la mise en place d’une autorité du contrôle
contraire à l’ancien système dirigiste de régulation du marché.

Le Conseil a une double mission ; la première est une mission consultative, tandis que la
seconde est une mission relève du champ du contentieux, elle rapproche de la nature de
fonctions des juridictions compétentes63.

Il convient à présent de mettre l’accent sur les apports du pouvoir disciplinaire accordé au
Conseil de la concurrence les sanctions pécuniaires mises en œuvre par ce dernier (section 1),
avant d’examiner les fonctions et les objectifs de ses sanctions (section 2).

63
MEFLAH Abdelkarim , Le rôle du Conseil de la concurrence dans la répression des pratiques anticoncurrentielles , Revue des sciences
Humaines , Université Oum El Bouaghi , 2022 .

26
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Section 1 : Le rôle disciplinaire du Conseil de la Concurrence

Dans le cadre de la lutte contre les pratiques déloyales, la législation actuelle de la


concurrence64 a renforcé les moyens de contrôle du Conseil de la concurrence qui intervient par
le biais de son pouvoir disciplinaire pour prononcer des sanctions pécuniaires à l’égard de toute
entreprise empêchant le maintien d’une concurrence libre et saine dans le marché.

Toutes ces mesures sont employées afin de préserver une libre concurrence, la préservation de
cette liberté joue un rôle essentiel dans l’amélioration du climat des affaires et la promotion des
investissions et l’encouragement des innovations.

Auparavant, le Conseil de la concurrence a été une simple institution à des missions seulement
consultatives, selon les dispositions de la loi nº 06-99 : « Il est créé un Conseil de la concurrence
aux attributions consultatives aux fins d’avis, de Conseils ou de recommandations ».65

En ce qui concerne le droit des pratiques anticoncurrentielles, l’article 25 de la loi nº 06-99


prévoit : « Le Conseil de la concurrence examine si les pratiques dont il est saisi constituent des
violations aux dispositions des articles 6 et 7 ci-dessus ou si ces pratiques peuvent être justifiées
par l’application de l’article 8 ci-dessus. Il communique son avis au Premier ministre ou aux
organismes dont émane la demande d’avis, et recommande, le cas échéant, les mesures,
conditions ou injonctions prévues par la présente section ».

À cet égard, on constate une absence du pouvoir décisionnel et répressif, le rôle du Conseil de
la concurrence en matière du contrôle des pratiques déloyales était limité à la formulation des
avis et des recommandations.

Alors, depuis sa réactivation en 2009, le Conseil de la Concurrence n’avait aucun pouvoir


décisionnel ni disciplinaire dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et en matière
de contrôle des opérations de concentration économique ce qui a engendré des
dysfonctionnements constatables notamment avec le manquement d’une autonomie financière.

Afin de corriger ces dysfonctions, le législateur marocain s’est engagé dans une série de
réformes substantielles du cadre législatif et institutionnel de la concurrence au Maroc, on parle
donc de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence et la loi nº 20-13
spéciale du Conseil de la concurrence.

64
On parle de la loi nº 104-12 relative à la liberté de prix et de la concurrence et la loi nº 20-13 du Conseil de la concurrence.
65
L’article 14 de la loi nº 06-99 relative à la liberté de prix et de la concurrence.

27
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

On peut dire que la réforme constitutionnelle de 2011 66 avait marqué la clé de voûte de
l’évolution du droit de la concurrence au Maroc, le Conseil de la concurrence occupe
maintenant une place de choix à côté des autres institutions constitutionnelles au Maroc en tant
qu’une institution administrative indépendante disposant de pouvoirs larges et étendus. 67

Sous – section 1 : Le champ d’intervention du Conseil de la Concurrence à


la lumière de la loi nº 20-13

La réforme du droit de la concurrence s'inscrit dans un contexte des mutations économiques qui
se traduisent par la croissance des activités économiques, le développement des moyens de
production et l’apparition des nouveaux concurrents dans le marché, sans oublier la contribution
de nouvelles technologies dans les transformations économiques.

Selon l’article 2-al.1 de la loi nº 20-13 : « Le Conseil a un pouvoir décisionnel en matière de la


lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et de contrôle des opérations de concentration
économique telles que définies dans la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence ».

Dans le même contexte l’article 24 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la
concurrence dispose : « Le Conseil de la concurrence examine si les pratiques dont il est saisi
constituent des violations des dispositions des articles 6, 7 et 8 de la présente loi ou peuvent se
trouver justifiées par l’application de l’article 9 de la présente loi. Il prononce, le cas échéant,
les mesures conservatoires, les astreintes, les injonctions et les sanctions prévues par la présente
loi ».

En fait, la loi nº 20-13 relative au Conseil de la concurrence et la loi nº 104 -12 ont marqué
l’octroi du pouvoir de sanction à une autorité non juridictionnelle, autrement dit, le juge n’est
pas le seul compétent chargé de prononcer des sanctions et des mesures coercitives, et de
procéder à des enquêtes. Ces derniers peuvent être émanés également d’une autorité
administrative autonome jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière.

À cet égard, le Conseil de la Concurrence a la faculté d’ordonner des mesures conservatoires et


de prononcer des sanctions pécuniaires qui peuvent atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d'affaires
mondial ou national de l’entreprise.68 Les mêmes compétences sont prévues ainsi par le droit

66
Article 166 de la Constitution de Royaume de 2011.
67
https://www.village-justice.com/articles/-maroc,29730.html . Article écrit par Brahim Oul-Caid sur la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles au Maroc., octobre 2018. Consulté le 23/07/2023.
68
Article 35 de la loi nº 104-12 .

28
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

communautaire dont la commission regroupe aussi dans le cadre institutionnel les fonctions
d’enquête, d’instruction, et de décision.69

De plus, ces réformes ont marqué l’instauration des procédures alternatives à la sanction
pécuniaire telle la clémence et la non-contestation des griefs qui seront traitées ultérieurement
au niveau de notre deuxième partie. Elles ont bien élucidé ainsi les voies de recours qui peuvent
être formés contre les décisions rendues par le Conseil de la concurrence.

Selon les dispositions de l'article 44 de la loi nº 104-12, « Les recours contre les décisions prises
par le Conseil de la Concurrence et celles prises par l'administration dans un délai de 30 jours
à compter de la date de notification de la décision devant la chambre administrative de la Cour
de cassation, les recours contre les autres décisions du Conseil de la Concurrence sont portés
devant la cour d'appel de rabat. ». Ces dispositions sont amendées et complétées également par
la nouvelle loi nº 40-21 relative à la liberté de prix et de la concurrence. 70

Il est bien à noter que la loi nº 20-13 a été amendé par la loi nº41-21 relative au Conseil de la
concurrence qui n’est pas entrée en vigueur jusqu’à nos jours ;71 cette loi a apporté certains
amendements au niveau des attributions des membres du conseil de la concurrence notamment
le président du Conseil ainsi que les différentes instances décisionnelles dans le but d’éliminer
tout effet néfaste lié au chevauchement des compétences.

Bref, l’initiative du législateur marocain de la mise en place de réformes législatives et


institutionnelles du droit de la concurrence, plus précisément, l’établissement d’une autorité de
concurrence modèle qui reflète la volonté d’être en vigueur avec les législations d’autres pays,
et par conséquent ; gagner la confiance de la communauté des affaires.

69
IDOT Laurence, La répression des pratiques anticoncurrentielles par les institutions de l'Union européenne (1er juill. 2010 - 1er mai 2012),
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2012 , p.318 .
70
La nouvelle loi nº40-21 a apporté des nouveautés concernant les voies de recours auquel elle a permis aux parties intéressées ou le président
du Conseil ou le commissaire du gouvernement de saisir la Cour de cassation en ce qui concerne les arrêts de la Cour d’appel de Rabat, portant
sur les décisions du Conseil de la concurrence.
71
Le Dahir n°1-22-68 de 25 novembre 2022 portant promulgation de la loi n°41 -21 modifiant la loi nº 20-13.

29
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Sous-section 2 : La nature des sanctions infligées par le Conseil de la


concurrence

Le législateur marocain confère au Conseil de la concurrence le pouvoir d’intervenir pour


contrôler tout agissement faisant obstacle au libre jeu de la concurrence, et cela, dans le but de
réguler la concurrence sur le marché et lutter contre les pratiques déloyales prohibées par les
dispositions du titre III de la loi nº104-12.72 Autrement dit, le CC s’engage dans un processus
des sanctions visant la cessation de ces pratiques en inspirant fortement de la législation
française et le droit communautaire.

Selon l’article 24 de la loi nº 104-12 : « le Conseil de la concurrence examine si les pratiques


dont il est saisi constituent des violations des dispositions des articles 6, 7 et 8 de ladite loi ou
peuvent se trouver justifiées par l’application de l’article 9 de la présente loi. Il prononce, le cas
échéant, les mesures conservatoires, les astreintes, les injonctions et les sanctions prévues par
la présente loi ».

Alors, pour sanctionner toute pratique anticoncurrentielle, le Conseil de la concurrence peut


prononcer des sanctions à caractère administratif. Ils peuvent prendre la forme des injonctions
et des amendes.

I. Les injonctions et les mesures conservatoires

À l’instar de son homologue français, le législateur marocain fait recours aux injonctions afin
de corriger et de redresser une situation anticoncurrentielle dans le marché.73 Elles constituent
les premiers moyens d’intervention du conseil avant de passer à l’application des sanctions
pécuniaires.

À cet égard, le conseil de la concurrence ordonne les auteurs des pratiques illicites d’arrêter
l’exercice de ces comportements et de revenir à l’état antérieur dans le but de préserver une
concurrence saine au marché et assurer la sécurité des opérateurs économiques.

En outre, les mesures conservatoires suivent le même objectif des injonctions, ces mesures sont
prononcées par le conseil de la concurrence dans le cas où la pratique anticoncurrentielle est

72
Les articles 6, 7, 8, 9 et 10 de la loi nº 104-12 relatifs aux pratiques anticoncurrentielles.
73
EL HAJOUI Sanae, Op.cit., page 78.

30
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à l’économie du pays, à celle du marché,
à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante.74

Toutefois, les mesures conservatoires se distinguent des injonctions par le critère d’urgence, par
lequel le conseil ordonne les entreprises de mettre fin immédiatement à une situation
anticoncurrentielle actuelle. D’un autre terme, la mise en œuvre des mesures conservatoires est
immédiate.

Au niveau européen, l’injonction prend la forme d’une mesure conservatoire à caractère non
définitif, ainsi que des injonctions définitives, autrement dit, des mesures correctives définitives
comme les injonctions de faire et de ne pas faire dans le but de mettre fin à l’infraction constatée
par la Commission Européenne.

L’injonction de faire a un aspect positif auquel la commission impose à l’entreprise, auteur de


l’infraction, certaines mesures en vue de réduire l’impact négatif des actes constatés, tandis que
l’injonction de ne pas faire à un aspect négatif, dans ce cas la commission ordonne l’entreprise
à éviter certaines actions pouvant entraîner l’aggravation de la situation incriminée.

On peut dire que les injonctions constituent l’un des moyens d’intervention du conseil de la
concurrence. En cas de la non-exécution, le conseil de la Concurrence peut recourir à
l’application des sanctions pécuniaires.

Elles se présentent comme une mesure corrective ayant pour objectif de réguler le
fonctionnement de la concurrence sur le marché concerné et non pas comme une sanction.

II. Les sanctions pécuniaires

Le conseil de la Concurrence peut recourir à la mise en œuvre des sanctions pécuniaires aux
entreprises ayant enfreint le libre jeu de la concurrence sur un marché concerné.

Ce pouvoir disciplinaire octroyé au conseil est considéré comme une innovation marquante de
l’arsenal juridique actuelle, en matière de lutte contre les pratiques déloyales.75

D’après l’article 39 de la loi nº 104-12, le conseil de la concurrence peut infliger des amendes
en cas d’inexécution des injonctions et des mesures conservatoires, la proportion pécuniaire de

74
Article 35 de la loi nº104-12.
75
On parle de la loi nº104-12 relative à la liberté de prix et de la concurrence et la loi nº20-13 du conseil de la Concurrence qui ont renforcé
les moyens d’intervention du Conseil de la Concurrence par l’attribution de pouvoir de décision et de sanction.

31
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

ces sanctions est déterminée selon la gravité des comportements constatés, l'étendue du
préjudice causé à l’économie, la situation des auteurs des pratiques sanctionnées et la possibilité
de répétition de ces pratiques.

En ce qui concerne la gravité des faits reprochés et son impact sur l’économie, l’autorité de la
Concurrence française a déterminé dans le rapport de 1997 que le préjudice se présente comme
« une allocation sous optimale des ressources et d’un détournement de tout ou partie du surplus
collectif au profit des auteurs des pratiques anticoncurrentielles » 76.

Donc, on peut constater que les critères de la sanction pécuniaire sont bien précisés, et les
amendes infligées représentent des montants très importants, elles portent sur 10 % du montant
de chiffre d’affaires, si les auteurs de la pratique sont des entreprises, à contrario, le montant
maximum de la sanction est limité au quatre millions (4.000.000) de dirhams si le contrevenant
n’est pas une entreprise, c’est le cas par exemple des personnes physiques et des organisation
professionnelle. » 77.

En France, également le montant maximum de l’amende est de 10 % du chiffre d'affaires


mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des derniers exercices clos depuis
l’exercice précédent au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre si le contrevenant est
une entreprise78.

Dès lors, la fixation de ces montants importants s’explique par le souci de législateur de
maintenir l’ordre public économique et empêcher les entreprises de continuer dans une pratique
anticoncurrentielle dite illicite, car le bénéfice attendu de cette pratique est supérieur au montant
de l'amende infligée par le conseil de la Concurrence 79.

Or, il faut souligner que la nouvelle loi nº 40-21 met l’accent sur des autres critères qui seront
prises en compte dans le calcul du montant des sanctions pécuniaires80, à savoir le chiffre
d’affaires relatif à l’infraction, la durée de l’infraction, les revenues et les bénéfices illicites
et le degré de participation de l’entreprise dans l’organisation de l’infraction.

76
Le rapport du Conseil de la Concurrence de l’année 1997, p. 94.
77
Article 39 loi nº 104 -12 alinéa 3.
78
Article L. 464-2 du code de commerce, relatif aux critères de détermination des sanctions pécuniaires
79
V, Emmanuelle CLAUDEL, ententes anticoncurrentielles et droit des contrats, Thèse en droit, Université de Paris X-Nanterre, 1994. Page
122.
80
L’article 2 de la loi nº 40-21 amendant l’article 39 de la loi nº 104-12 portant sur les critères des sanctions pécuniaires.

32
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

De surcroît, les éventuelles circonstances aggravantes et/ou atténuantes sont prises en


considération par le conseil de la concurrence dans le calcul des amendes.

Au niveau communautaire, la Commission européenne a déterminé quelques exemples des


circonstances atténuantes au profit des entreprises à savoir la commission de l’infraction par
négligence ; la contrainte de participer à l’infraction ; l’encouragement de la commission de la
part des autorités publiques 81.

Tous ces amendements s’expliquent par la conscience du législateur marocain du rôle important
de la sanction dans la lutte contre les pratiques déloyales restrictives de la concurrence qui ont
devenu une préoccupation fondamentale pour la plupart des régimes juridiques.

Dans ce cadre, il sera intéressant de mettre l’accent sur la première sanction pécuniaire
prononcée par le conseil de la concurrence dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, c’est
l’affaire « Sika » 82 portant sur le non-respect des formalités légales concernant la notification
préalable d’une opération de concentration.

Dans cette affaire, le conseil de la concurrence a infligé une amende de 11.670.215 DH en vertu
de l’article 19 de la loi nº 104-12 à l’encontre de l’entreprise Sika AG - le leader mondial de la
fabrication et de la commercialisation de produits chimiques de construction -pour avoir
procédé à une opération de concentration sans obtenir une autorisation de la part du conseil de
la concurrence et notifier cette opération auprès de ce dernier.

On peut dire que le conseil de la concurrence est désormais compétent pour prononcer des
sanctions envers toute atteinte du droit de la concurrence et du fonctionnement du marché.

Section 2 : Les fonctions des sanctions prononcées par le Conseil de la


Concurrence

Le Conseil de la Concurrence au Maroc dispose d’un pouvoir de répression manifesté dans les
sanctions de nature administrative (les sanctions pécuniaires notamment).

De ce fait, la mise en œuvre des sanctions pécuniaires présente une double finalité, la première
réside dans la fonction punitive de la sanction, tandis que la deuxième concerne la fonction
préventive et dissuasive.

81
Point 29 des lignes directrices relatives au calcul de l’amende mises en place par la commission européenne en 2006.
82
Décision n°134/D/2021 du 06 décembre 2021.

33
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

La dissuasion et la répression sont des notions de base permettant d’analyser la mission de la


sanction, elles donnent lieu donc à la promotion de l’efficience de la norme juridique, ainsi que
la correction de la situation anticoncurrentielle en remédiant aux dommages causés à la société.

Toutefois, le caractère répressif et dissuasif de l’amende ne doit pas jouer un rôle négatif
pouvant entraîner l'affaiblissement ou l’élimination de l'entreprise du marché. C’est pour cela
qu’on doit examiner les deux fonctions de l’amende, en premier lieu, la fonction punitive
(sous-section1) et, en second lieu, la fonction préventive dite affirmative (sous-section 2).

Sous-section 1 : La fonction répressive

En principe, toute violation de la règle de droit fait objet d’une sanction émanant d’une autorité
juridictionnelle compétente ou autorité administrative comme le cas pour les sanctions
prononcées par le conseil de la concurrence.
En matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, il y a lieu d’une sanction lorsqu'il
est établi un lien de causalité entre l'activité de l'entreprise et l'atteinte au marché

Alors, les sanctions pécuniaires prononcées par le conseil de la concurrence jouent une fonction
punitive qui se traduit par la punition de ces comportements illicites.

Cela signifie, que la punition est un moyen incontestable visant, d’une part, la garantie de
l’efficacité des règles juridiques, d’un autre part, elle tend à mettre fin aux pratiques déloyales
constatées en vue de rétablissement de la concurrence dans le marché concerné. Notons que
cette sanction pécuniaire s’applique à l’égard des entreprises ainsi que les personnes physiques.

En effet, ces pratiques peuvent mener à des conséquences dommageables résidant dans la
hausse des prix, la réduction d’innovation, l’exclusion des concurrents du marché et
l’empêchement des autres concurrents d’intégrer au marché en cause.

Afin de mettre fin à ces pratiques illicites qui s’augmentent chaque année, il sera nécessaire
d’adopter une palette d’outils sévères qui renforcent la mise en œuvre des sanctions pécuniaires.

À côté des critères de calcul de la sanction pécuniaire prévu par le législateur marocain qu’on
a déjà traité en haut, le législateur européen prévoit également des lignes directrices précisant
les méthodes de calcul des amendes, ces derniers peuvent se baser sur la gravité des faits, les
circonstances aggravantes et atténuantes.

34
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

En outre, le droit européen a instauré des mécanismes visant la dissuasion de ces pratiques tel
« le droit d’entrée » auquel la commission peut introduire à la sanction pécuniaire initiale une
somme supplémentaire entre 15 et 25 % de la valeur des ventes. Elle ne sera appliquée qu’aux
entreprises coupables des abus de position dominante ou des ententes anticoncurrentielles
et « la récidive » lorsque l’entreprise répète la même pratique illicite ce qui peut entraîner une
augmentation de 100 % par infraction constatée.83

On peut dire que les sanctions pécuniaires, imposées aux auteurs des pratiques
anticoncurrentielles portant atteinte aux dispositions juridiques du droit de la concurrence,
devraient essentiellement punir le contrevenant de manière efficace.

Bref, le succès de la mission répressive nécessite de procéder à une réflexion sur l’efficacité
des sanctions, au niveau de leur champ d’application, leur crédibilité et plus précisément le rôle
dissuasif.84

Dans le même ordre des idées, les sanctions encourues ne doivent pas être prises en compte
dans un volet d'indemnisation exclusivement, mais elles doivent s'inscrire aussi dans une
logique de dissuasion et de prévention.

Sous-section 2 : La fonction préventive

Si la punition vise le passé, la dissuasion vise l’avenir disait Michel Debroux, avocat spécialisé
en droit de la concurrence 85.

La sanction doit toujours avoir un volet préventif réside dans la dissuasion, cette dernière
présente une double finalité ; la première tend à empêcher la récidive des pratiques déloyales
par les auteurs concernées, et la seconde permet d’éviter le recours à ces pratiques par les autres
auteurs du marché, autrement dit, donner un vrai exemple aux opérateurs du marché via le
pouvoir de la punition.

Dans ce contexte, les lignes directrices relatives au calcul de l’amende mises en place par la
Commission européenne ont renforcé le caractère dissuasif de la sanction, ils disposent dans le
point 24 que « Les amendes ne doivent pas seulement sanctionner les entreprises en cause, mais

83
Point 25 et 28 des lignes directrices relatives au calcul des amendes .
84
OUBEJJA, Kenza ., politique de la concurrence et développement : cas de lutte contre les ententes au Maroc , Moroccan Business Review
Research - Volume 1 numéro 1 - octobre 2022, page 121.
85
Maître Michel Debroux, La sanction en droit de la concurrence, Revue Le petit juriste, Avril 2011 .URL https://www.lepetitjuriste.fr/la-
sanction-en-droit-de-la-concurrence/ Consulté 03/07/2023.

35
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

aussi dissuader d’autres entreprises de s’engager dans des comportements contraires aux
dispositions du TFUE » .

De surcroît, les deux objectifs de dissuasion et de prévention sont extrêmement liés, car en
dissuadant les agissements illégaux, on peut promouvoir la prévention du marché à travers
l’instauration d’une concurrence saine et effective et par conséquent un équilibre du marché et
une sécurité juridique des opérateurs économiques.

La dissuasion peut être effectuée à travers l’augmentation de l’amende en cas de récidive, c’est
le cas par exemple de l’arrêt Microsoft rendu par le tribunal de première instance des
communautés européennes, 86 par lequel il a mis l’accent sur la possibilité de multiplication de
l’amende déjà prononcée pour lui assurer l’aspect dissuasif suffisant, notamment avec la
position dominante occupée par l’entreprise dans le marché et le risque de recourir à nouveau
à l’exercice des pratiques anticoncurrentielles similaires.

Dans un autre côté, la finalité dissuasive de l’amende peut avoir lien avec la publication des
décisions, selon un rapport du conseil de la concurrence en France, cette mesure s’avère comme
nécessaire, elle permet d’informer les consommateurs ou/et les concurrents du caractère illicite
de certaines pratiques. C’est le cas par exemple « de porter à la connaissance de l’ensemble des
professionnels d’un secteur la sanction prononcée contre des opérateurs actifs sur un marché
géographique limité ». 87

De surcroît, la sanction émanant du Conseil de la Concurrence doit être efficace et transparente,


car à travers l’efficacité et la crédibilité que les sanctions pécuniaires peuvent atteindre l’objectif
dissuasif et préventif. Autrement dit, la sanction s’avère comme un outil incontestable permet
de garantir l’efficience de la règle juridique via son aspect dissuasif.

Alors, le Conseil de la Concurrence par son pouvoir disciplinaire joue un rôle préventif pour
assurer la bonne application des règles juridiques de la concurrence.

86
Tribunal de Première Instance des Communautés européennes - grande chambre- , 17 septembre 2007, affaire T-201/04, Microsoft Corp.
contre Commission.
87
Conseil de la Concurrence français , Quatorzième rapport d’activité Quatorzième rapport d’activité , Année 2000.

36
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

CONCLUSION DE LA PREMIÈME PARTIE

La première partie de notre recherche a porté sur l’étude de l’arsenal répressif des pratiques
déloyales. En ce sens, on a mis l’accent sur les réformes adoptées législateur marocain à l’instar
de son homologue français et européen., notamment la loi nº 104-12 relative à la liberté de prix
et de la concurrence et la loi nº20-13 relative au Conseil de la Concurrence en matière de lutte
contre les pratiques anticoncurrentielles en mettant en relief également les apports de la loi
nº 40-21 et la loi nº 41-20 à cet égard.

L’introduction de ces réformes du droit de la concurrence a pour objectif de favoriser une


concurrence libre et loyale et préserver l’équilibre du marché en prohibant les pratiques
anticoncurrentielles susceptibles d’entrainer des vrais préjudices au marché en cause
particulièrement, et l’économie nationale en général.

À cet égard, le législateur marocain a mentionné, dans les dispositions de la loi nº 104-12, les
pratiques qualifiées comme anticoncurrentielles qui se traduisent comme des ententes
anticoncurrentielles, des abus de position dominante, abus de dépendance économique et les
pratiques de prix abusivement bas. Elles constituent des vraies menaces à l’intérêt des
concurrents et des consommateurs également.

Toutefois, ces agissements sont soumis à des critères précis pour les qualifier comme nuisibles
au jeu de la concurrence, ils doivent avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel, car le fait de
détenir par exemple une position dominante sur le marché ne signifie pas probablement que
l’entreprise est dans une position abusive aux règles de la concurrence.

Dans ce contexte, on a mis en évidence les dérogations au principe de prohibition des pratiques
anticoncurrentielles qui relèvent, d’une part, des dérogations d’ordre légal relatives à
l’application d’un texte législatif ou réglementaire et d’autre part, les dérogations liées au
progrès économique et technique auquel l’entreprise a été contribuée.

Par ailleurs, les auteurs de toute pratique anticoncurrentielle sont soumis à des sanctions
infligées par le Conseil de la concurrence grâce à son pouvoir décisionnel et de sanction qui lui
permet de jouer le rôle de régulateur de la concurrence sur le marché ainsi qu’un protecteur des
intérêts des opérateurs économiques et les consommateurs.

Lorsque le Conseil de la concurrence est saisi d’une affaire, il a le pouvoir de prononcer en


premier temps des injonctions et d’ordonner des mesures conservatoires qui ont pour objectif

37
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

de corriger une situation déloyale et mettre fin aux agissements anticoncurrentielles, et en


deuxième temps, des sanctions pécuniaires en cas de non-respect des injonctions.

Les sanctions pécuniaires infligées par le Conseil de la Concurrence marocain représentent les
mêmes finalités des sanctions prévues par le doit de la concurrence français et européen au
niveau du volet répressif et dissuasif de ces sanctions, la chose qui se traduit clairement dans le
montant des sanctions pécuniaires infligées aux entreprises et aux personnes physiques
également.

Ainsi, la législation marocaine de la concurrence a réalisé une avancée majeure au niveau de la


loi nº40-21, elle a apporté des nouveaux critères du calcul de la sanction pécuniaire, ce qui
permet de bien détecter ces pratiques et de les sanctionner.

En fin de compte, on peut dire que le renforcement du cadre législatif et institutionnel du droit
de la concurrence, plus précisément, l’instauration d’un pouvoir décisionnel et disciplinaire du
Conseil de la Concurrence relève, sans doute, de la volonté de législateur marocain de diffuser
les bonnes pratiques de la concurrence dans le marché et préserver les intérêts des opérateurs
économiques, d’une part, et d’améliorer le climat des affaires au Maroc, d’un autre part.

38
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

DEUXIÈME PARTIE : L’EFFICIENCE DU DISPOSITIF


DISCIPLINAIRE DES PRATIQUES
ANTICONCURENTIELLES

39
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Afin de préserver une libre concurrence, les pratiques anticoncurrentielles faisant obstacle au
bon fonctionnement du marché ont fait l’objet d’une interdiction légale par le droit de la
concurrence.

Dans ce cadre, le Conseil de la Concurrence, en tant qu’une institution de régulation, jouit d’une
fonction répressive qui se traduit par la mise en œuvre des sanctions pécuniaires à l’égard de
toute pratique faussant le libre jeu du marché.88

Toutefois, la doctrine française prévoit que le pouvoir de sanction ne peut pas être la seule arme
dans les mains du Conseil de la Concurrence pour maintenir une concurrence libre, pure et
parfaite et atteindre davantage l’efficience optimale.89

En effet, personne ne peut ignorer le rôle important des mécanismes classiques de répression,
mais ces derniers ne sont pas toujours efficaces pour lutter contre les pratiques déloyales ; ils
ne peuvent pas répondre aux objectifs de rapidité et d’efficience.

Ainsi, l’efficacité de la politique de concurrence ne se limite pas au renforcement des méthodes


d’enquêtes et d’investigation. Il est nécessaire d’adopter des stratégies de coopération entre les
entreprises, d’un côté, qui sont des acteurs actifs dans le développement économique et la
richesse des pays et les autorités de la concurrence, d’un autre côté, qui possèdent le contrôle
du bon fonctionnement des marchés.

Dans cette perspective, le Maroc s’est engagé dans le processus de modernisation de l’arsenal
juridique de la concurrence, il a choisi de se distinguer avec l’ancien régime 90 par la mise en
place de plusieurs réformes notamment celles liées à l’introduction de procédures de
négociation dont le Conseil de la Concurrence s’est doté.

Donc, le législateur marocain marche sur les traces des législations comparées91par
l’instauration de nouveaux dispositifs modernisant le cadre juridique de la concurrence et
corrigeant les insuffisances du régime précédent.

88
El BAZZIM Rachid, « Conseil de la Concurrence au Maroc : de la recherche de l'indépendance à la régulation du marché », ED L'Harmattan
, 2019, page 26.
89
NIELSON Nathalie, Op.cit., Page 18.
90
On entend par "l’ancien régime" la loi n º06-99 du 5 juin 2000 qui a été la première loi, au Maroc, sur la liberté des prix et de la concurrence.
91
On parle particulièrement de la législation française et de la législation européenne.

40
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

On peut dire que ces réformes visent essentiellement la consécration d’une concurrence libre
et transparente et la protection des intérêts des consommateurs par la création d’une atmosphère
propice à la croissance économique.

L’étude de l’efficacité du cadre disciplinaire de la concurrence nécessite en premier temps


d’appréhender le système répressif des pratiques anticoncurrentielles dans le cadre d’une
présence des procédures alternatives (chapitre1) avant de mettre l’accent sur les mesures
renforçant la bonne application du pouvoir de sanction par le Conseil de la Concurrence
(chapitre2).

41
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Chapitre 1 : La répression des pratiques anticoncurrentielles à


l'épreuve de procédures négociées

La mise en œuvre des procédures négociées permet au Conseil de la Concurrence de jouer un


rôle de conciliateur auprès des entreprises en cause par le biais de négociation en tant qu’une
meilleure solution d’une situation infractionnelle.

Ces négociations permettent au Conseil de la concurrence de s’engager dans des véritables


échanges avec les entreprises concernées, autrement dit, les acteurs du marché en vue de
prendre des mesures efficaces de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Il est à noter que l’adoption des procédures négociées est devenue la tendance en matière de
contrôle des pratiques anticoncurrentielles tant au niveau des autorités de la concurrence que
des entreprises concernées. Cette démarche s’explique par les diverses vertus de ces
instruments.92

Au Maroc, l’instauration des procédures d’engagement, de clémence et de transaction par la loi


nº104-12 et sa version amendée93vise à classer le Royaume parmi les pays qui se sont dotés
d’un cadre juridique moderne par l’adoption d’instruments normatifs qui lui permet d’être en
conformité avec les standards internationaux, afin de favoriser une régulation efficace des
marchés.

La consécration des procédures d’engagement, de clémence et de transaction, dans un contexte


d’encombrement des affaires94, aide les autorités de régulation à accélérer le traitement des
situations de l’entente ou d’abus de position dominante, ce qui leur permet de trancher un grand
nombre de dossiers dans un court laps de temps.

À cet égard, nous allons appréhender successivement les procédures de clémence (section 1) ,
d’engagement et de non- contestation des griefs dite de transaction (section2) en tant que
mécanismes précieux de lutter contre les pratiques illicites.

92
MOKEDDEM Toufik , Négociation en droit de la concurrence : Le détriment des droits des entreprises mises en cause, Revue de droit public
algérien et comparé N 06/2017 , page 11.
93
C’est la nouvelle loi n° 40.21 modifiant et complétant la loi n°104.12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
94
HALMAOUI, Loubna et BOUSSAOUF, Maissae. Les différentes menaces à la libre concurrence. Revue de Droit Civil, Economique et
Comparé, 2020, vol. 1, no 1, page 62.

42
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Section1 : La procédure de clémence

La clémence est un outil auquel le conseil de la concurrence peut y recourir afin de combattre
contre les ententes anticoncurrentielles notamment les plus flagrantes portant le nom d’ententes
injustifiables.

Selon la doctrine française ; cet instrument permet aux entreprises de réduire tout ou partie du
montant des amendes infligées en contrepartie d’une divulgation de l’existence d’une entente
ou de la contribution à son établissement par la présentation d’éléments d’information dont
l’Autorité de concurrence ne disposait pas. 95

En fait, le programme de clémence est une procédure juridique apparue pour la première fois
dans le droit de la concurrence américain dans les années 70, il permet donc aux auteurs des
ententes présumées de dénoncer de l’exercice de ces pratiques avant le début d’une enquête à
travers la réduction de la sanction pécuniaire ou l’offre d’une immunité totale de l’amende en
contrepartie de la présentation des preuves de l’infraction.

Ensuite, cette procédure juridique a été adoptée par plusieurs pays influencés par l’expérience
Anglo-Saxonne notamment les pays européens à savoir l’Italie, qui a introduit ce procédé de
clémence pour la première fois au début des années 90, et la France en 2001.

Au Maroc, la procédure de clémence est restée méconnue par l’ancien régime juridique de la
concurrence96 jusqu’à l’adoption de la loi nº 104-12 relative à la liberté de prix et de la
concurrence en 2014.

De surcroît, le droit européen accorde à la procédure de la clémence -apparue en 1996- un rôle


important parmi les politiques antitrust européennes en tant qu’un dispositif permettant la
préservation ou la protection de la libre concurrence et la lutte contre les cartels au niveau du
marché communautaire.

On peut dire que la procédure de clémence constitue un instrument de coopération précieux mis
à la disposition du conseil de la concurrence dans le cadre de la prévention et de la lutte contre
les ententes illicites nuisibles à la libre concurrence.

95
Théodore Plat, Clémence, Revue Concurrences, Art. N° 1215 9 URL https://www.concurrences.com/fr , Date de consultation 02/08/2023.
96
L’ancienne loi nº 06-99 relative à la liberté de prix et de la concurrence était considérée comme une loi insuffisante pour atteindre les objectifs
optimaux de la concurrence.

43
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Ce nouveau dispositif reflète l’efficience du droit de la concurrence et consacre le principe «


gagnant-gagnant » entre les entreprises- auteurs de cette pratique-et l’instance de régulation en
vue de sauvegarder et de maintenir l’économie du marché.

À ce point, il convient de traiter les conditions et les démarches nécessaires pour profiter de la
clémence (sous-section1) et puis jeter un coup d’œil sur ses atouts (sous-section 2).

Sous -section 1 : Les conditions et les démarches

Afin que l’entreprise puisse bénéficier d’une exonération totale ou partielle de la sanction
pécuniaire, les autorités de régulation prévoient une panoplie des conditions qui doivent être
respectées.

Dans tous les cas, l'entreprise qui a sollicité la clémence est tenu de présenter un repentir total
ainsi qu’une coopération véritable et permanente dans toutes les phases de la procédure dès le
moment de sa demande jusqu'à la décision définitive du Conseil.

I- Les critères d'éligibilité à la clémence

Depuis toujours, le régime du droit de la concurrence au Maroc s’inspire largement du


législateur français et européen. À cette exigence, il sera intéressant de mettre l’accent sur
l’ensemble des critères exigés pour bénéficier de la procédure de la clémence.

A) Les conditions de bénéfice d’une immunité totale d’amendes

Au niveau communautaire, pour que l’entreprise bénéficie de cette procédure ; la Commission


Européenne a établi un régime permettant l’obtention d’une immunité totale d’amendes par
laquelle la première entreprise -participante à l’entente illicite - s’engage à fournir des
renseignements nécessaires et des preuves suffisantes permettant la constatation de l’infraction
afin de procéder à des inspections « ciblées » dans le but de bénéficier de cette exonération. 97
Notons que, la Commission peut aussi recueillir et accepter d’une manière provisoire
une demande d’immunité fondée sur les éléments de preuve limités.

97
Communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes du 8
décembre 2006 point 8.

44
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Toutefois, cette immunité ne sera accordée que dans le cas où la commission ne posséderait pas
d’informations suffisantes au moment de la divulgation de ces derniers par l’entreprise en
cause. Autrement dit, l'entreprise est la première qui doit prendre l’initiative de communiquer
ces éléments de preuves. De plus il n’y a pas lieu d’une immunité si la Commission disposait
préalablement d’éléments de preuves suffisantes au moment de la communication pour
ordonner une inspection en vue de signaler l’entente illicite.

Dans le même contexte, l’Autorité de la concurrence française adopte un communiqué du


conseil de la concurrence98 qui prévoit des conditions similaires à celles prévues par le
législateur européen notamment la communication des informations et des preuves dont
l’Autorité ne détient pas auparavant.

Dès lors, la demande de clémence doit contenir une description détaillée de l’entente présumée,
en indiquant sa nature, son fonctionnement, ainsi que les volumes de marché affectés.

Du même, le communiqué énonce que l’Autorité de la concurrence peut accorder une immunité
conditionnelle si cette dernière dispose antérieurement d’informations sur l’entente présumée ;
des conditions spécifiques doivent être cumulées.

D’abord, l’entreprise doit être la première à fournir des éléments de preuves à l’Autorité de la
concurrence qui, de l’avis de l’Autorité, doivent être suffisants pour lui permettre d’établir
l’existence d’une infraction.

Ensuite, il est nécessaire qu’aucune entreprise n’a pas obtenu déjà un avis conditionnel
d’exonération totale de l’entente présumée ; autrement dit, l’Autorité de la concurrence n’avait
pas octroyé antérieurement une exonération totale de l’amende pour que le demandeur puisse
bénéficier de cette immunité.

De son côté, le Conseil de la Concurrence en France a prononcé une décision de clémence en


200699, il a accordé une exonération totale d’amendes à une entreprise active dans le secteur de
fabrication de portes dénommée « France -portes » ayant dénoncé l’existence d’une entente sur
les prix au paiement d’amendes d’un montant de cinq millions d’euros à laquelle elle a été
participante , cette dernière a fourni également des documents et des pièces constituant les
éléments du preuve de l’entente objet de clémence .

98
Communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français.
99
Conseil de la Concurrence, Décision 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des
portes.

45
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Dans ce contexte, l’entreprise est tenue de communiquer la totalité des preuves contenant des
informations certaines, sincères et complètes pour profiter de cette opportunité.

B) Le bénéfice d’une réduction d’amendes

La communication de la Commission européenne indique dans ses dispositions les conditions


requises pour bénéficier d’une exonération partielle de l’amende100.

En effet, toute entreprise qui ne peut revendiquer une immunité totale a le droit néanmoins de
requérir une immunité partielle fondée sur une réduction d’amende à condition de fournir des
éléments de preuves ayant « une valeur ajoutée significative » par rapport à ceux qui sont déjà
à la portée de la commission.

Cette Commission définit le niveau de la réduction dont l'entreprise bénéficiera, en se basant


sur la valeur ajoutée des éléments fournis.

Dans ce contexte, une réduction de 30 % à 50 % sera accordée à la première entreprise


remplissant les conditions requises, puis une réduction entre 20 et 30 % sera octroyée à la
deuxième entreprise et finalement une réduction de 20 % à l’égard des autres entreprises.

En France, les mêmes conditions ont été envisagées par l’Autorité de la concurrence au niveau
de son communiqué de procédure de clémence ainsi que les dispositions du code de
commerce101.

II.Le déroulement de la procédure de clémence

Après le remplissement des conditions d’obtention de la clémence, la procédure se déroule


selon deux phases, la première concerne essentiellement le demandeur de la clémence tandis
que la seconde est réservée au Conseil de la Concurrence.

A) La demande de clémence

Afin de bénéficier de la clémence, l’entreprise s’adresse à l’Autorité gouvernementale chargée


de la concurrence, elle peut s’adresser également au président du Conseil de la concurrence.

100
Communication de la Commission, op.cit., point 24, 25 et 26.
101
Selon l’article L.464-2 du code de commerce : « Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une
entreprise ou à un organisme qui a, avec d’autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 s’il a contribué
à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ou l’administration
ne disposaient pas antérieurement ».

46
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Cette demande peut être réalisée soit par le biais d’une lettre recommandée ou par le biais d’un
procès-verbal.102

En droit français, le communiqué de l’Autorité de la concurrence précise que la demande


verbale de l’entreprise doit contenir les éléments de preuves à côté de toute information
nécessaire liée au demandeur et aux auteurs de l’infraction103.

En fait, la demande doit être soumise à la vérification du rapporteur, ce dernier doit vérifier si
la demande remplit les conditions de la clémence exigées, si ces conditions sont remplies, le
rapporteur élabore un rapport qui contient les propositions de l’exonération de sanctions. En se
basant sur ce rapport, le Conseil peut décerner son avis de clémence.

B) L’avis de clémence

Le Conseil de la concurrence adopte un avis de clémence fixant les conditions auxquelles


l'exonération ou la réduction de l'amende sera accordée. Cet avis doit être transmis à l’entreprise
et ne peut faire objet de publication, car cette publicité ne concerne que les décisions prononcées
par le Conseil à l’encontre des entreprises qui n’ont pas pour objet d’assurer une dénonciation
de l’entente illicite.

L’avis rendu par le Conseil de la Concurrence peut constituer soit un avis favorable si les
conditions sont rassemblées, soit un avis défavorable si les conditions ne sont pas bien
respectées104.

En ce qui concerne le droit de la concurrence marocain, il faut noter que le législateur marocain
n’a pas déterminé et clarifié jusqu’à nos jours les conditions de bénéfice de la procédure de
clémence contrairement à son homologue français et européen qui rencontrent un succès
croissant à ce propos.

102
Article 28 du Décret n° 2-14-652 du 8 safar 1436 (1 décembre 2014) pris pour l'application de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de
la concurrence.
103
Communiqué de procédure relatif au programme de clémence français, op.cit., point 30
104
BARKAT Djohra, les alternatives à la sanction en droit de la concurrence français : entre souplesse et efficacité, Revue
Académique de la Recherche Juridique RARJ, vol. 17, n°1, 2018, page 802.

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Sous-section 2 : Les atouts de la procédure de clémence

La clémence est un mécanisme devant répondre à deux finalités, d’abord la finalité répressive
en tant qu’un véritable moyen de détection des cartels puis la finalité dissuasive pouvant avoir
un impact direct sur le comportement des auteurs existants et potentiels de l’infraction.

I. Le rôle répressif

Afin d’atteindre la finalité répressive du programme de clémence ; il sera nécessaire de


renforcer le régime de répression appliqué pour lutter contre les ententes , et cela à travers la
collaboration entre les entreprises et les autorités de la concurrence manifestée dans le nombre
des ententes détectées et les éléments de preuves apportés , ce qui permet à ces autorités de
construire une image claire sur les détails de l’infraction à savoir sa durée et sa gravité et par
conséquent , infliger des sanctions plus élevées .

Effectivement, les autorités de la concurrence considèrent la clémence comme un outil qui


facilite la mise en œuvre d’une politique efficace permettant de révéler et de réprimer les
ententes illicites. Cette politique pousse les auteurs de l’infraction de se dénoncer eux-mêmes
de leurs comportements anticoncurrentiels, sans perdre un plus de temps dans l'exploration et
la recherche des preuves indispensables pour accuser les membres de l’entente.

Dans cet ordre d’idées, le rapport de l’OCDE a mis l’accent sur l’exemple des États-Unis par
lequel, la réforme de la politique de clémence en 1993, a été suivie d’une augmentation de
détections d'ententes, et ensuite une diminution extrême, ce qui suggère que la politique adoptée
a bien renforcé la dissuasion, la chose qui a entraîné un déclin des ententes105.

II. Le rôle préventif

En ce qui concerne le côté préventif, les programmes de clémence jouent un rôle important dans
la régulation de la concurrence et la lutte contre les ententes anticoncurrentielles.

En fait, ce programme de clémence permet aux entreprises qui participent à l’infraction de


se dénoncer par leurs initiatives en contrepartie d’une immunité totale ou de réduction
importante d’amendes. Il permet ainsi, une détection efficace des cartels dommageable à
l’économie à travers la coopération entre les autorités de la concurrence et les auteurs
d’infraction qui se craignent de tomber dans la spirale de sanctions pécuniaires lourdes,

105
« Défis et coordination des programmes de clémence », Note de référence du Secrétariat de l’OCDE de 5 juin 2018.

48
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

autrement dit, ils craignent que l’un d’eux informe le Conseil de la Concurrence sur l’existence
d’infraction afin de bénéficier d’une exonération, ce qui engendre le risque d’être soumis à
l’amende.

En revanche, le conseil de la Concurrence, par le biais de la stratégie coopérative, évite le


recours au contentieux et reste dans la sphère de négociations. Selon les statistiques de l’OCDE
106
; 50% des entreprises en cause estiment que la procédure de clémence favorise la protection
de l’entreprise et de son image.

Il ressort que la procédure de clémence n’accorde pas uniquement le bénéfice des exonérations
importantes, mais assure également la culture de la dissuasion ; il s’agit d’une solution
incontournable permettra aux entreprises concernées de se renoncer de tout comportement
illicite et de préserver, par conséquent, leur image et leur réputation dans le marché.

Bref, cette procédure est fondée sur la protection du marché, elle joue un rôle essentiel dans le
rétablissement et le maintien d’une concurrence saine et libre.

On peut dire que la procédure de clémence s'efforce vers une promotion d’une meilleure
efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles 107sans avoir recours aux
procédures longues et coûteuses.

Section 2 : La non- contestation des griefs et la procédure d’engagements

La non-contestation des griefs dite de transaction est l’une des procédures négociées mises en
place par le droit de la concurrence marocain et son homologue français. Elle consiste pour les
entreprises de renoncer volontairement à contester la réalité des griefs notifiés, en contrepartie
d'une sanction pécuniaire réduite108.

Elle permet une diminution de l’amende encourue par l’entreprise si cette dernière ne procède
pas à contester les griefs notifiés. Donc, le bénéfice de cette procédure a un lien étroit à la non-
contestation des griefs.

106
Idem
107
Conseil de la concurrence : 19ème rapport annuel 2005, page 30.
108
Dominique Brault, Romain Maulin, La procédure de non-contestation des griefs : Un succès non contestable, mai 2011,
Revue Concurrences N° 2-2011, Art. N° 35603 page 80.

49
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Notons que cette procédure a été remplacée - en vertu des dispositions de la nouvelle loi
n°40-21- par la procédure de transaction 109 . De même, le législateur français a introduit ainsi
cette nouvelle procédure par le biais de la loi Macron en 2015 en remplaçant l’ancienne
procédure de la non-contestation des griefs afin de renforcer la sécurité juridique des
entreprises110.

Nonobstant des amendements apportés, cette procédure reste toujours l’un des apports
importants du droit de la concurrence français et marocain qu’on doit mettre l’accent sur elle.

S’agissant de la procédure d’engagements111;elle permet aux entreprises concernées de


s’engager à cesser et à modifier leur comportement anticoncurrentiel à travers l’élaboration des
solutions qui répondent aux préoccupations de la concurrence.

Les engagements souscrits par les entreprises ont pour finalité de diminuer la sanction, et par
conséquent, mettre fin aux poursuites tout en gardant la possibilité de procéder à un contrôle
subséquent et d’infliger une sanction le cas échéant112.

On procédera donc à déterminer le domaine d’application de ces procédures (sous-section1),


puis on va se focaliser sur leur mise en œuvre (sous-section 2).

Sous -section 1 : Le champ d’application de ces procédures

La mise en œuvre de la procédure de transaction et la procédure d’engagement repose


essentiellement sur un nombre déterminé des pratiques anticoncurrentielles entrants dans leurs
domaines d’application. À ce propos, le Conseil de la Concurrence précise le genre d’affaires
dont ces procédures seront appliquées.

I- L'application élargie de la procédure de transaction

La transaction est une procédure distincte de la clémence dont le domaine d’intervention est
moins large. Néanmoins, les autorités de la concurrence peuvent appliquer les deux procédures

109
On parle de l’article 1 de la loi n º40-21 modifiant et complétant les dispositions de l’article 37 de la loi nº104-12.
110
La loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».
111
Article 36 de la loi nº 104-12.
112
Marie-Anne FRISON-ROCHE & Marie-Stéphane PAYET, « Droit de la concurrence », Edition DALLOZ, 1ère édition,
2006, page 272 et 326.

50
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

pour une même entreprise et dans la même affaire si « les gains procéduraux d’un tel cumul
sont suffisants »113.

À titre d’illustration, l’entreprise qui a révélé une infraction peut obtenir une réduction
supplémentaire de la sanction pécuniaire inhérente à cette révélation, si elle renonce à contester
les griefs.

Ce cumul des procédures est indiqué dans la décision de l’Autorité de la concurrence française
relative aux pratiques concernant le secteur des produits chimiques114 qui a cumulé pour la
première fois entre la procédure de la non-contestation des griefs et celle de la clémence.

En droit français, l’Autorité de la concurrence a précisé les affaires susceptibles de bénéficier


de la procédure de transaction qui se limite aux pratiques anticoncurrentielles y compris les
ententes, l’abus de position dominante et les prix abusivement bas115.Alors , les concentrations
sont exclues du domaine d’application de ladite procédure.

Il est à noter que le droit français se distingue du droit européen au niveau du champ
d’intervention de cette procédure dont la transaction est uniquement applicable aux ententes
horizontales116.

Au niveau pratique, le Conseil applique la procédure de la non-contestation des griefs dite de


transaction tant dans les affaires d'ententes que dans celles d'abus de position dominante.117

Dans ce sillage, l’Autorité de la concurrence française a rendu sa première décision de


transaction en 2016, elle a infligé une sanction pécuniaire à hauteur de 600 000 € à l’encontre
de la société «Henkel »,active dans le secteur de la distribution des produits de grande
consommation en outre-mer et de plusieurs importateurs de ses produits pour avoir mettre en
œuvre de contrats d’importation exclusive, ce qui porte une violation aux dispositions de
l’article L 420-2-1 du Code de commerce français 118.

113
Marie Malaurie-Vignal, « Droit de la concurrence interne et européen », Edition Sirey , 6e édition,2014, page 278.
114
Décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités
chimiques.
115
Communiqué de l’Autorité de la concurrence du 21 décembre 2018 portant sur la procédure relative à la procédure de transaction.
116
Communication de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l'adoption de décisions en vertu des articles 7
et 23 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil dans les affaires d'entente
117
VIALFONT Arnold. Le droit de la concurrence et les procédures négociées. Revue internationale de droit économique, 2007, vol. 21, no 2,
page 171.
118
Aut. Conc., Décision 16-D-15 du 6 juillet 2016, https://www.autoritedelaconcurrence.fr/ consulté le 29/06/2023.

51
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

À cet égard, les entreprises concernées n’ont pas contesté les griefs notifiés et ils ont réussi, par
conséquent, à bénéficier de la procédure de transaction instaurée par la loi Macron du 6 août
2015, cette procédure trouve son intérêt dans l’engagement pris par les entreprises à modifier
son comportement pour l’avenir.

En outre, la renonciation à contester les griefs doit porter à la fois sur la matérialité des
pratiques, leur durée, leur champ géographique, le taux de la participation aux pratiques, ainsi
que sur leur objet ou leur effet anticoncurrentiel.

Au Maroc, l'article 37 de la loi n º 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence tel
qu’il est complété par les dispositions de la nouvelle loi n º 40-21 n’a pas déterminé les types
d’affaires exigées pour recourir à l’utilisation de la procédure de la non- contestation des griefs
à l’encontre de la procédure de clémence, alors elle sera appliquée à toutes les types des
pratiques anticoncurrentielles.

Il est à signaler que l’ordre national des architectes a bénéficié de la procédure de non-
contestation des griefs – actuellement la transaction - en vertu d’une décision rendue par le
Conseil de la Concurrence119, auquel un accord de transaction a été signé entre l’ordre des
architectes et le rapporteur général du Conseil de la Concurrence, il contient un ensemble
d’engagements imposés à l’ordre qui visent à mettre fin aux comportements
anticoncurrentielles exercées par celui-ci qui résident dans la fixation d'un prix minimum des
honoraires des architectes et à la répartition du marché de la commande privée par un système
de quotas . Cet accord se caractérise non seulement par la prise des engagements avenirs par
l’ordre des architectes, mais aussi de bénéficier d’une réduction de l’amende fixée par le
Conseil de la Concurrence qui à la hauteur de 500.000 dirhams.

Il s’agit donc d’une véritable coopération entre le Conseil de la Concurrence et l’entité en cause
permettant la lutte contre tout comportement qui a pour objet ou peut avoir pour effet de
restreindre le libre jeu de la concurrence dans le marché concerné120.

II- Le champ d’application de la procédure d’engagements

En droit français, le législateur n’a pas précisé la nature des comportements qui peuvent être
bénéficiés d’engagements par le code de commerce.

119
Décision n°42/D/2023 relatif à l’accord de transaction conclu entre le Conseil de la Concurrence et l’Ordre National des Architectes.
120
Article 6 de la loi n º104-12.

52
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

À cet égard, la procédure sera appliquée à toutes les situations qui soulèvent des préoccupations
de concurrence, elle est adaptée à des situations qui soulèvent des préoccupations de
concurrence, autrement dit, toute situation susceptible de porter des atteintes actuelles à la
concurrence121.

Effectivement, les engagements s’appliquent particulièrement aux pratiques susceptibles d’être


qualifiées de restrictions verticales ainsi que certaines pratiques qui relèvent d’abus de position
dominante à l’exception de celles ayant auparavant engendré un dommage colossal à
l’économie.

Quant au droit de la concurrence marocain ; il prévoit l’application de la procédure


d’engagement à toutes les pratiques anticoncurrentielles, la chose qui a été affirmée par l’article
36 de la loi nº 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence122.

En général, cette procédure représente un outil nécessaire qui permet aux parties de consacrer
le principe « gagnant-gagnant » et de résoudre les préoccupations de concurrence et préserver
un équilibre économique.

Sous-section 2 : La mise en œuvre de ces procédures

Les deux procédures peuvent être appliquées si toutes les conditions sont remplies. Pour être
accessibles il faut qu’elles traversent des phases procédurales essentielles qui se différencient
d’une procédure à l’autre.

I-Les points de convergence entre les deux dispositifs au niveau des


conditions requises

La transaction et les engagements présentent deux mécanismes négociés visant à traiter une
affaire relève de la compétence du Conseil de la Concurrence selon une procédure courte et
légère. Ce sont deux procédures qui adoptent la même vision

Toutefois, ces mécanismes présentent, à côté des points de convergence, des points de
divergence ; notamment au niveau de la mise en œuvre et le déroulement.

121
Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence .
122
Selon l’article 36 al 2 de la loi n º104-12 : Il peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes de nature à
mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles 6, 7 et 8 de la
présente loi.

53
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Donc, la procédure de transaction ne peut être engagée qu’après notification de griefs aux
entreprises en cause. En revanche, le déclenchement de la procédure d’engagement n’est pas
basé sur cette condition, il est lié à l’évaluation préliminaire des pratiques anticoncurrentielles
en cause.

En ce qui concerne la procédure de transaction, le Conseil de la Concurrence français a souligné


dans la décision n° 04-D-42 qu’il est nécessaire que la non-contestation des griefs soit
« explicite, claire, complète et dépourvue d’ambiguïté » 123.

De même, l’entreprise doit fournir la preuve de la non-contestation de la réalité des pratiques


en cause, ni leur qualification légale portant sur les éléments de l’infraction, ni leur imputabilité.

Donc, la non-contestation des griefs ne doit pas être accomplie au-delà des entreprises
et des organismes parties à la transaction, ni pendant la procédure.

D’après les dispositions du premier article de la nouvelle loi nº 40-21 modifiant et complétant
les dispositions de l’article 37 de la loi nº104-12 : « Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne
conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre,
après validation par le Conseil, une proposition de transaction fixant le montant minimal et le
montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée ».

De plus, la non -contestation doit avoir un lien étroit avec l’engagement pris par l’entreprise de
corriger son comportement à l’avenir.

Quant à la procédure d’engagements, l’évaluation préliminaire des pratiques en cause constitue


une condition d’éligibilité à cette procédure, elle est effectuée par le rapporteur de la saisine
avant toute notification de griefs.

Dès lors, il n’y a pas lieu d’user les engagements après l’émission de la notification des griefs,
Or, il est possible de recourir sans préjudice à la présentation des engagements dans le cadre
d’une procédure de non -contestation des griefs.124

123
Décision n° 04-D-42 du 4 août 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la
cathédrale de Tréguier, V. https://www.autoritedelaconcurrence.fr/ consulté le 10/07/2023.
124
Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de concurrence

54
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

II-Les points de convergence au niveau de déroulement

Le déroulement de la procédure est une étape importante dans la mise en œuvre d’une procédure
quelconque, cette étape se diffère d’une procédure à l’autre.

A) Le déroulement de la procédure de la non- contestation des griefs

En premier temps, la procédure de transaction commence par la phase de la négociation avec


le Rapporteur Général et l’entreprise en cause après la notification des griefs par laquelle cette
dernière exprime son souhait de bénéficier de ladite procédure.

Effectivement, le rapporteur général est considéré comme un acteur principal dans le


déroulement de la transaction, il dispose d’un pouvoir discrétionnaire et élargi dont il peut
donner une suite favorable à la demande émanant d’une entreprise comme il peut donner une
réponse défavorable par son refus.

Après les discussions préparatoires effectuées par le rapporteur général, il appartient à celui-ci
de présenter à l’entreprise en cause une proposition de transaction fixant le montant de la
sanction pécuniaire envisagée. En cas d’accord, ces propositions seront contenues dans un
procès-verbal.

D’ailleurs, le législateur marocain a indiqué dans les dispositions de la loi nº 40-21125 à l’instar
de son homologue français126 les critères et les plafonds légaux du montant de la sanction
pécuniaire qui sera déterminé par l’Autorité de la concurrence.

Alors, l’Autorité est dotée d’un pouvoir d’appréciation dans la détermination de la sanction et
dans la vérification de la proposition du rapporteur et la déclaration des entreprises concernées.

Selon des avocats français, la transaction se diffère de la procédure d’engagements, elle


s’attribue à une décision qui tend à établir la réalité des pratiques anticoncurrentielles en cause
et la contribution de l’entreprise auxdites pratiques, de sorte que le risque lié aux actions
d’indemnisation déclenchées par les victimes des pratiques reste le même127.

125
L’article 1 de la loi nº40-21 modifiant et complétant l’article 39 de la loi nº104-12.
126
On parle de l’article L. 464-2 du code de commerce qui déterminent les critères et le plafond légal de la sanction pécuniaire.
127
Transaction : l’Autorité de la concurrence précise le déroulé de la procédure. D’après le cabinet d'avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel
LLP V. https://www.kramerlevin.com/fr/ Consulté le 19/07/2023.

55
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

B) Le déroulement de la procédure d’engagements

La procédure commence par une offre d’engagement émanant des entreprises concernées qui
sera communiquée par le rapporteur général à l’auteur de la saisine et au commissaire du
Gouvernement.

Selon l’article 26 du Décret n° 2-14-652 « Le contenu des engagements proposés par les
entreprises ou organismes concernés est communiqué par le rapporteur général à l’auteur ou
aux auteurs de la saisine ainsi qu'au commissaire du gouvernement » 128.

Dans ce cadre, le rapporteur communique aussi son évaluation préliminaire qui contient le
résumé de l’affaire et l’offre d’engagements des pratiques en cause, cette communication peut
prendre la forme d’un courrier ou d’un procès-verbal.

Au cours de cette procédure, les parties et le commissaire du gouvernement doivent présenter


leurs observations sur les engagements proposés à coté de tiers qui seront invités également à
exposer des observations.

En fin, la vérification de ces engagements relève de la compétence de l’Autorité de la


concurrence qui examine leur crédibilité et décide leur rejet ou leur acceptation.

128
Article 26 du Décret n° 2-14-652 du 8 safar 1436 (1 décembre 2014) pris pour l’application de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de
la concurrence.

56
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Chapitre 2 : Les mesures favorisant la bonne application du


pouvoir de sanction par le Conseil de la Concurrence

Le droit de la concurrence est basé sur un élément clé : la libre concurrence dans le marché.

Afin de préserver cette liberté, le Conseil de la Concurrence doit être doté des outils nécessaires
à la restauration de la concurrence sur les différents marchés en tant qu'un organe chargé de la
mise en œuvre du droit de la concurrence.

Néanmoins, le respect des règles de la concurrence applicables constitue un grand défi pour les
entreprises qui se trouvent obligées de les suivre et de les respecter afin d'éviter des sanctions
lourdes et préjudiciables à leur poids et leur réputation dans le marché.

Malgré le rôle dévolu au Conseil dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles nuisant
aux consommateurs et à la compétitivité de l’économie ; il peut être confronté à des différents
enjeux (section 1) ; Cela signifie que des solutions et de recommandations doivent être
proposées pour améliorer le volet répressif du Conseil (section 2).

Section 1 : Les enjeux d’ordre juridique et institutionnel

Le cadre légal de la concurrence a connu, au fil des ans, des changements notables. Ces réformes
visent globalement à former un arsenal juridique idoine susceptible d’être suffisamment à la
hauteur des nouveaux défis. Malgré cela, il existe toujours des défis à relever. Donc, il est
nécessaire de mettre l’accent sur ces enjeux et de les comprendre.

Dans ce cadre, nous aborderons les défis liés à la mise en œuvre des sanctions (sous-section 1)
ainsi que les défis posés par la digitalisation (sous-section 2).

Sous-section1 : enjeux liés à l’application du pouvoir de sanction

Le régime de sanction des pratiques anticoncurrentielles au Maroc apporte des amendes très
importantes qui peuvent atteindre, pour chaque entreprise, jusqu’à 10% du montant du chiffre
d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé, duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

Malgré les points de force positifs de la sanction pécuniaire, celle-ci n’échappe pas des lacunes
et des enjeux qui constituent un obstacle devant la vision du Conseil de la Concurrence qui se
base, en principe, sur deux piliers, à savoir la protection des consommateurs et la protection des

57
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

opérateurs économiques créant une valeur ajoutée et contribuant au développement de


l’économie nationale.

Alors, nous allons aborder les enjeux majeurs liés à l’application du pouvoir disciplinaire, en
commençant par les méfaits des sanctions pécuniaires imposées, les imperfections et les vices
des procédures négociées, avant d’évoquer le dysfonctionnement du Conseil de la Concurrence
découlant de l’absence d’expertise en matière de concurrence.

I. L’insuffisance de la sanction pécuniaire

L’insuffisance de la sanction pécuniaire imposée aux auteurs de l’entreprise constitue une


contrainte majeure pour atteindre la finalité dissuasive.

En fait, dans certains cas, les sanctions pécuniaires infligées ne sont pas suffisamment punitives
et ne dissuadent pas les entreprises de s’engager dans des comportements illicites.

Les violations des règles de concurrence peuvent être très avantageuses pour les contrevenants
tant qu'ils ne sont pas arrêtés par les autorités de régulation compétentes129.

Bien évidemment, la garantie d’une efficacité préventive et dissuasive est liée au montant de
l’amende imposée qui devrait excéder le gain de l’entreprise des pratiques anticoncurrentielles
exercées.

Une entreprise dont le seul but est de maximiser ses profits ne commettra pas une infraction si
les sanctions pécuniaires prononcées sont plus sévères que les profits illégaux qu'elle espère en
tirer130.

En Europe, par exemple, la plupart des cas montre que le montant des amendes demeure
inférieur à 1% du chiffre d'affaires mondial (CA) réalisé par l’entreprise incriminée. Donc, la
sanction est insuffisamment dissuasive. D’ailleurs, une sensibilisation accrue à l'économie
pourrait permettre de faire comprendre à l’opinion publique la nécessité d’avoir des fortes
amendes en vertu du droit de la concurrence. 131

129
On parle de l’Autorité de la concurrence en France et le Conseil de la concurrence Au Maroc .
130
« Les sanctions en cas d’infraction au droit de la concurrence », Note de référence du Secrétariat de L’OCDE une note de référence rédigée
par le Secrétariat de l'OCDE en vue de la Session IV du 15e Forum mondial sur la concurrence, Novembre 2016.
131
FARHI Julien, « Le calcul des amendes en droit de la concurrence doit-il suivre un barème ?» , Mémoire de Master de Droit Européen des
Affaires , Université Paris Panthéon-Assas , 2011. Page 18 et 19.

58
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Du point de vue économique, Il est à souligner que la société Google a réalisé en 2021, un
chiffre d’affaires publicitaire de 209,49 milliards de dollars américains 132
. Dans la même
année, la société Apple a réalisé un chiffre d’affaires trimestrielle de 123,9 milliards de dollars
pour la période allant d'octobre à décembre. Toutefois, Si on compare ces montants et les gains
attendus des pratiques anticoncurrentielles avec les sanctions pécuniaires prévisibles, on va
admettre que ces amendes imposées ne constituent pas un risque effectif pour ces géants
numériques.

En bref, Il est certain que les amendes infligées sont encore trop fragiles par rapport aux
bénéfices illégaux réalisés par les entreprises, la chose qui constitue un déclin réel du pouvoir
de sanction.

II. Les limites à l’efficience de procédures alternatives

L’introduction de procédures négociées tant en droit interne que comparé traduit les efforts de
législateurs menés pour renforcer le cadre disciplinaire visant la dissuasion des pratiques
anticoncurrentielles en représentant des moyens alternatifs à la sanction pécuniaire. Cependant,
ces alternatives procédurales connaissent aussi des limites rendant leur efficacité risquée.

En premier lieu, on constate que le recours à ces procédures élimine la mise en œuvre d’un
contrôle institutionnel et judicaire notamment à travers l’émission des sanctions purement
dissuasives.

Dans le cadre de procédures d’engagement, la menace d’une sanction est écartée lorsque les
décisions ne contiennent aucun constat de culpabilité ; ce qui engendre le risque d’un
appauvrissement de la fonction répressive du droit de la concurrence.

Or, le juge français a considéré que la décision d’engagements ne peut avoir pour effet de
légitimer rétroactivement le comportement prohibé de l’entreprise en cause, elle ne met pas, en
outre, l’entreprise à l’abri de poursuites judiciaires ultérieurs devant les juridictions du droit
commun133.

D’un autre côté, l’entreprise peut se retrouver face à des effets indésirables lorsqu’elle ne
respecte pas l’application de ses engagements ou lorsqu’elle les prend au-delà de
l’indispensable.

132
https://fr.statista.com/statistiques/565398/chiffre-d-affaires-publicitaire-annuel-de-google/ consulté le 25/07/2023 .
133
Tribunal de grande instance de Paris (TGI), jugement rendu le 22 fév. 2018, 5e ch., 2e sect., RG n° 15/09129.

59
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Alors, le développement d’application de ces procédures alternatives, fondées sur le


consensualisme, pourrait aboutir davantage à un affaiblissement du rôle dissuasif de la sanction
et par suite une perte de ce rôle.

Quant à la sphère civile, les consommateurs, clients ou concurrents d’une entreprise en cause
qui se sentent victimes ne sont pas couverts par les procédures négociées, ils jouent un rôle
uniquement secondaire dite marginal dans le déroulement de la procédure négociée, plus
précisément la procédure d’engagements.

Cette dernière se déroule essentiellement entre le rapporteur et l’entreprise. La victime ou le


plaignant se contente de faire valoir ses arguments en tant que partie concernée, dans le cadre
de la réponse au test de marché ou dans le cadre des auditions qui auront lieu s’il y est associé.

Le rôle des victimes ou plaignants se borne à présenter leurs prétentions en tant que parties
concernées dans le cadre de réponses à des tests de marché ou, le cas échéant, dans le cadre
d'auditions.

Cette marginalisation affecte également la sécurité juridique de plaignant qui trouve une
difficulté d’être indemnisé à cause de l’absence d’articulation entre l’action en responsabilité
civile et la procédure d’engagement.

D’ailleurs, la procédure de transaction appliquée en droit européen écarte la victime qui se


trouvera carrément méconnue de la procédure, de telle sorte que la commission reste l’acteur
principal134.

On peut dire que ces procédures qui apparaissent comme un atout pour les entreprises en cause
constituent un handicap pour la victime ou le plaignant.

III. Les imperfections du Conseil de la Concurrence

La mise en place d’un arsenal législatif optimal en matière de droit de la concurrence dépend
essentiellement du renforcement des organes chargés visant à faire appliquer ces dispositions.

Toutefois, l’existence des défaillances institutionnelles constitue un défi pour une application
durable des textes en vigueur.

134
L’élimination des plaignants et des tiers trouve son fondement dans la communication européenne sur la transaction du 2 juillet 2008 ,
selon le point 7 : « Les parties à la procédure ne peuvent dévoiler à aucun tiers d'un ressort quelconque la teneur des discussions ou des
documents auxquels ils ont eu accès en vue de la transaction, à moins d'avoir obtenu au préalable l'autorisation expresse de la Commission »
.

60
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

En droit de la concurrence marocain, on constate que les réformes législatives adoptées


s’avèrent plus avancées par rapport à la maturité institutionnelle du Conseil de la concurrence.
Elles présentent donc à ce dernier un « cadeau empoisonné » susceptible de placer le Conseil
dans un contexte difficile135.

Ces défaillances se traduit particulièrement par le manque d’expérience du Conseil de la


concurrence qui est devenu récemment un organe doté d’un pouvoir décisionnel et disciplinaire
après une longue période en tant qu’une instance consultative n’a aucun pouvoir effectif, ce qui
avait entravé le développement de ces expertises et de ces expériences en matière.

Le rapport de l’OCDE sur la stratégie de développement du climat des affaires au Maroc


rappelle qu’il « existe un problème apparent de manque d’expertise dans le domaine de la
concurrence, qui rend l’application du droit beaucoup plus délicate. Ce droit nécessite
l’implication d’économistes et d’avocats spécialisés, ayant reçu une formation spécifique qui
n’est pour l’instant pas offerte au Maroc »136.

Effectivement, le dossier des hydrocarbures reflète le dysfonctionnement du Conseil de la


concurrence dans les enquêtes et plus généralement dans la mise en œuvre contentieuse de la
matière. Cette affaire est toujours entre les mains du Conseil qui dispose de tous les outils
nécessaires 137
pour mettre un terme à ce litige qui a duré plus de Cinq ans sans aucune
résolution. Notons que le Conseil de la Concurrence a notifié récemment à neuf entreprises
pétrolières soupçonnées d’entente illicite une liste de griefs138.

De plus, il est à noter que le Conseil de la Concurrence a activé son pouvoir de sanction en 2022
conformément à la loi 104-12, après huit ans de son entrée en vigueur,139 ce retard dans
l’application des réformes adoptées peuvent provoquer des problèmes inquiétants ayant un effet
négatif sur le libre jeu du marché .

À titre de comparaison, l’Autorité de la concurrence française ainsi que les institutions


européennes ont développé d’une manière progressive une expertise en matière du droit de la
concurrence. Au cours des réformes, un nombre croissant de pouvoirs ont été reconnus qui

135 Mansour Mohammed Amine,« L’influence du droit de la concurrence français et européen sur la réglementation antitrust des pays arabes
: l’exemple du Maroc.» Thèse de doctorat, Université Montpellier, 2017. Page 364.
136
Rapport de l’OCDE, Maroc – Stratégie de développement du climat des affaires, juin 2011 .
137
Le Conseil de la concurrence dispose actuellement de tous les moyens législatives pour traiter ce dossier notamment avec l’adoption des
nouveaux réformes ( la loi 40-21 et la loi 41-20) .
138
Communiqué du Rapporteur Général du Conseil de la concurrence relatif au dossier de hydrocarbures , le 03 août 2023 .
139
Rapport annuel du Conseil de la concurrence marocain de l’année 2022 .

61
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

permettent à l’autorité d’utiliser des mécanismes et des instruments diverses et complexes afin
de mettre en œuvre une analyse concurrentielle avancée.

Bref, il est nécessaire que le CC démontre une véritable volonté dans toutes les questions
relatives à la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, il faut bénéficier de l’expérience de
son homologue français et européen d’une part, et d’exploiter les pouvoirs dont il dispose
actuellement en tant que régulateur de la concurrence pour fonctionner correctement en se
basant sur les textes législatifs en vigueur.

Sous-section2 : Les enjeux liés à la transformation numérique

La transition numérique a offert des diverses opportunités notamment sur le plan économique, ;
Il s’agit de l’augmentation de la productivité des entreprises, de l’amélioration de la
compétitivité des exportations et de la création de nouvelles opportunités notamment à l’égard
des PME, afin d’améliorer leurs activités et de renforcer leurs positions dans les marchés.

L'intégration du digital dans l'économie a constitué une rapide numérisation de celui-ci, selon
l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) :« L’économie
numérique est un terme générique utilisé pour décrire les marchés qui se concentrent sur les
technologies numériques » 140.

Toutefois, la digitalisation et l'émergence de l'économie numérique141 ont porté des risques


énormes notamment en matière de la concurrence et la lutte contre les pratiques déloyales ; elles
ont bouleversé les règles de la concurrence du fait que les marchés numériques présentent des
caractéristiques particulières distinctes de marchés traditionnels en raison du développement
rapide du monde numérique.

En fait, le droit de la concurrence a été mis en face de nouveaux défis -en raison de l'émergence
des marchés numériques extrêmement concurrentiels - tels les pratiques discriminatoires, refus
du vente, prix excessivement élevé et exploitation des données ; autrement dit, les pratiques
anticoncurrentielles qui relèvent d'un abus de position dominante.

140
OCDE (2017), perspectives de l'économie numérique de l’OCDE, Editions OCDE , Paris.
141
La numérisation de l'économie peut avoir de plusieurs formes telles l'application de la vente en ligne, l'émergence de produits et des services
fondés sur l'intelligence artificielle ou la blockchain, etc.

62
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

La plupart des abus pratiqués sont liés à des pratiques d'éviction ayant pour effet d'éliminer les
concurrents du marché en cause et d'empêcher l'entrée de nouveaux concurrents142.

Dans ce cadre, l’accent sera mis sur les entreprises du numérique comme les GAFA (Google,
Apple, Facebook, Amazon) et les autres plateformes en ligne numérique qui ont acquis un poids
énorme par le biais de la digitalisation, qui leur permet de gagner une taille et une puissance
supplémentaire, d’accroître le pouvoir de marché et d’être en mesure de le structurer.

À titre d’illustration, ces géants numériques sont entrés en concurrence avec des développeurs
d’application qui utilisent leur plateforme afin de procéder au développement vertical de leurs
activités et d’obtenir plus de données permettant de renforcer leur position concurrentielle. Par
conséquent, ces actions peuvent aboutir à des comportements d’exclusion illicite de la part des
entreprises en domination.

On peut dire que la digitalisation a joué un grand rôle dans l’évolution des pratiques
anticoncurrentielles ; c’est le cas de l’affaire de facturation en ligne au Maroc - déjà traité ce
dessus - auquel le Conseil a souligné dans un communiqué l'impact négatif de cette pratique
déloyale sur le digital au Maroc en attirant l'attention sur le risque de fausser et d'entraver le
processus de développement et de croissance de la digitalisation de l'économie nationale, ce qui
entraîne une contradiction avec la stratégie nationale marocaine de développement numérique.

D’ailleurs, la digitalisation soulève de tels enjeux liés à la mise en œuvre du pouvoir de la


sanction. L’une des problématique posée porte sur l’inadaptation des sanctions infligées à
l’économie numérique, car les instruments juridiques en vigueur ne sont pas compatibles avec
le monde numérique en mouvement.

Ce problème se manifeste, par exemple, dans la lenteur du processus de traitement des


différentes pratiques, considérées comme un terreau fertile de diffusion de ces comportements
illicites entravant le libre jeu de la concurrence, ce qui exige des réactions à la hauteur du rythme
imposé dans un contexte très mouvant143.

Alors, les entreprises en cause pourraient tirer des gains illicites des pratiques
anticoncurrentielles prenant lieu entre la détection de l’infraction et le prononcement de la

142
ANTONIN Nadia,« Les géants du numérique et l’abus de position dominante», chronique éditée par l'Association nationale des docteurs és
des sciences économiques et en séances de gestion, 27 mars 2017.
143
MALVERT Nicolas «Le droit de la concurrence à l'épreuve de l'économie numérique », Mémoire du Master , Université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne , 2017 ,page 25.

63
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

sanction ce qui provoque des effets préjudiciables sur le développement de la concurrence dans
les marchés numériques.

Face aux risques de digitalisation, les législateurs et Les autorités de concurrence sont donc
amenés à adapter leurs approches et leurs régulations pour surmonter ces nouveaux défis. Il
suffit de donner pour exemple la France auquel l’Autorité de la concurrence a décidé de créer
en 2020 « un service de l’économie numérique » 144
, ce service spécialisé est rattaché d’une
manière directe au Rapporteur général, il aura pour vocation de développer une expertise
poussée sur l’ensemble des sujets numériques et de collaborer aux investigations sur les
pratiques anticoncurrentielles dans l’économie numérique , autrement dit , comprendre les
comportements anticoncurrentielles des entreprises à l’ère numérique et de développer de
nouveaux mécanismes pour les détecter.

Section 2 : Les recommandations en matière de lutte contre les pratiques


déloyales

Pour faire face aux différentes contraintes liées au droit de la concurrence, il est indispensable
de dresser des recommandations afin d’améliorer la mise en œuvre du droit de la concurrence
marocain et de permettre au Conseil de la Concurrence de renforcer ses pouvoirs et de prévenir
les risques résultant des pratiques anticoncurrentielles.

Dans ce sens, des recommandations devraient être proposées, touchant d’une part le côté
législatif (sous-section 1) et d’autre part le côté institutionnel (sous-section2).

Sous-section1 : La diversité de l’arsenal répressif

Selon une note de référence de l’OCDE,145certaines autorités de la concurrence estiment que


les amendes infligées aux entreprises peuvent être insuffisantes à mettre un terme aux
comportements illicites ; elles appliquent, en conséquence, d’autres formes de condamnation à
savoir : sanctions pénales, incapacité prononcée à l’encontre des dirigeants de l’entreprise,
publicité du jugement et interdiction de prendre part aux appels d’offres publics.

144
« L’Autorité crée un service de l’économie numérique» , communiqué de presse , 09 janvier 2020,
https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/ . Date de consultation 20/07/2023.
145
OCDE (2017) , op. Cit., p 5.

64
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

En effet, l’existence d’un système de répression, qui met l’accent sur l’entreprise seulement en
tant que personne morale, peut poser des problèmes liés à son efficacité, ce qui milite pour le
recours à un système de sanctions diversifié.

Alors, les sanctions pécuniaires imposées ne sont pas toujours un outil idéal pour dissuader les
agissements d’entreprises, car on constate que les pratiques anticoncurrentielles déloyales
perdurent et augmentent malgré l’inflation des amendes, ce qui indique que le problème ne sera
pas résolu avec un outil unique.

Face à ces critiques, des nombreux intervenants, notamment les économistes de la concurrence,
sont favorables pour un régime de punition plus varié qui ne se limite pas aux amendes
administratives payées par les entreprises et impliquant une vraie dimension de responsabilité
des personnes physiques146.

À cet égard, l’émission des sanctions pénales à l’encontre des personnes physiques est l’un des
outils qui semble être des solutions adéquates de condamnation et de dissuasion des auteurs de
l’infraction au lieu des sanctions uniquement basées sur des amendes infligées aux entreprises.

Donc, il est recommandé d’envisager, d’adopter et d’imposer des sanctions contre les personnes
physiques dans les affaires d’ententes, lorsque les normes sociales et juridiques l’admettent. 147
Ces sanctions pourraient compléter les amendes imposées à l’entreprise et accroître l’effet
dissuasif.

Au Maroc, bien que d’autres pays, la législation antitrust en vigueur opte pour une
dépénalisation du droit de la concurrence dont les sanctions pénales appliquées en cas
d’existence des pratiques anticoncurrentielles étant réservées aux personnes physiques ayant
pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation et
la mise en œuvre de ces pratiques déloyales148.

146
« L’appréciation de la sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles », rapport de la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de
l’Emploi, 20 septembre2010 .

147
Le Deuxième Rapport du Conseil de la concurrence concernant la lutte efficace contre les ententes injustifiables, DAFFE/COMP(2003)2 .

148
L’article 75 prévoit que « Sera punie d’un emprisonnement de deux (2) mois à un (1) an et d’une amende de dix mille (10.000) à cinq cent
mille (500.000) dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement toute personne physique qui, frauduleusement ou en connaissance de cause,
aura pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation, la mise en œuvre ou le contrôle de pratiques visées aux articles
6 et 7 de la présente loi. Le tribunal peut ordonner que sa décision soit publiée intégralement ou par extraits dans les journaux qu’il désigne,
aux frais du condamné ».

65
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

De ce point de vue, le recours à la voie pénale par l’introduction des sanctions pénales présente
des difficultés énormes liées, en particulier, à la complexité, la rigidité dans la mise en œuvre
de ces sanctions. À cette raison, plusieurs législations se sont dotées d’un arsenal répressif
contenant des sanctions administratives dont la mise en œuvre est plus facile et souple.

Toutefois, les sanctions pénales demeurent le moyen dissuasif le plus efficace contre toute
agissement anticoncurrentiel malgré leur rare application, autrement dit, elles exercent un
pouvoir de dissuasion par le fait d’éduquer et de persuader les opérateurs économiques - qui
peuvent être des personnes physiques ou morales - de la gravité de recourir à ce type de
comportements.

Dans ce contexte, les peines privatives de la liberté prononcées à l’encontre des dirigeants d’une
entreprise en cause peuvent contribuer à dissuader et décourager efficacement le recours à des
pratiques anticoncurrentielles exercées à la suite de leur initiative et pour le compte de
l’entreprise.

Elles entraînent un jugement sur l'immoralité du comportement déloyale incriminé149 ,ainsi


qu’elles transmettent un message clair aux diverses entreprises dans le marché concerné, cette
démarche peut aboutir à un respect de textes de la loi et de réduire le recours aux différents
pratiques anticoncurrentielles.

Donc, il sera nécessaire de renforcer la réforme du droit de la concurrence par des sanctions
pénales comme la peine d’emprisonnement qui présente un jugement moral et de reconnaitre
les pratiques anticoncurrentielles en tant qu’une infraction pénale au lieu de recourir toujours à
des sanctions pécuniaires ne représentant pas le niveau optimal de sanction.

Sous-section2 : L'amélioration de l'architecture institutionnelle du Conseil


de la concurrence

Selon B. Lasserre, l’ancien président du Conseil de la Concurrence française, « Les autorités


de la concurrence ne sont pas là pour trancher des cas, mais pour faire fonctionner la
concurrence sur les marchés » 150.

149
DARRIGADE Céline, « Le droit de la concurrence doit-il être sanctionné pénalement ? », Mémoire en vue d’obtention le diplôme du Master
en Droit européen des affaires , l'Université Paris-Panthéon-Assas , 2011 , page 44.

150
BRUNO LASSERRE, La transformation du Conseil de la concurrence à une autorité de la concurrence Revue de Jurisprudence
Commerciale – une revue de Thomson Reuters, Mars / Avril 2009 - Numéro 2.Page 18 .

66
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Alors, afin de renforcer le système de poursuite des pratiques anticoncurrentielles déloyales, le


Conseil de la Concurrence marocain s’est doté de nouvelles attributions qui sont inspirées
largement des législations comparées notamment la législation française de la concurrence.
Cela permet de rapprocher les pratiques anticoncurrentielles de celles en droit de la concurrence
français et Européen.

En effet, le renforcement de l’arsenal juridique de la concurrence par la mise en place des lois
nº40-21 et la loi nº 41-21 ont permis au CC de réaffirmer son rôle de régulation et de jouir des
mécanismes nécessaires pour lutter contre les pratiques déloyales et restaurer la concurrence
sur les différents marchés.

Dans ce contexte, le Maroc devrait s'occuper de la pleine mise en œuvre des nouvelles réformes
des règles de concurrence, et cela implique la fourniture de ressources adéquates au Conseil de
la Concurrence pour refléter la modification de son mandat d'enquête et ses capacités
d'application nouvellement établies.

I. Renforcement des capacités et des expériences en matière de contrôle des


pratiques déloyales

À la lumière de l'ancienne loi nº 06- 99, le rôle du Conseil de la Concurrence a été trop limité
jusqu'à sa réactivation en 2009 et la mise en œuvre de nouveau dispositif législatif , ce dernier
a permis de placer ce Conseil au rang des instances de bonne gouvernance et de régulation151.

Il a passé donc d’une institution jouant un rôle purement consultatif n’a aucun pouvoir effectif
à une instance qui dispose des pouvoirs les plus étendus.

Néanmoins, la jeunesse des autorités de régulation dans les pays en voie de développement tel
le Maroc affirme que ces derniers ne disposent pas de l’expérience suffisante et nécessaire au
traitement des problématiques en la matière notamment au niveau de contentieux. C’est pour
cela, le Conseil de la Concurrence a besoin d’un appui pour fonctionner correctement et pour
atteindre l’effectivité de sa mission.

151
Selon l’article 166 de la Constitution du Royaume de 2011 : « Le Conseil de la Concurrence est une institution indépendante chargée, dans
le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à
travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales
déloyales et des opérations de concentration économique et de monopole ».

67
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Afin d’assurer une complémentarité institutionnelle, en tant qu’une instance de décision en


matière de sanction, l’OCDE insiste sur la mise en place des lignes directrices adéquates pour
l’application des mécanismes procéduraux prévus par le corpus législatif de la concurrence
152
en s’inspirant de l’expérience européenne et française.

D’ailleurs, le Conseil est tenu d'exercer son mandat de manière objective ; la nomination des
membres du Conseil de la Concurrence devrait être effectuée selon une procédure faisant appel
à leur expertise technique.

De ce point de vue, il est préférable de dévouer une partie importante de ressources financières
du Conseil de la Concurrence à la formation de ses cadres aux concepts fondamentaux en la
matière, cette démarche se veut comme un remède direct et effectif au dysfonctionnement du
Conseil de la Concurrence.

En outre, le Conseil de la Concurrence peut disposer d’une large palette jurisprudentielle des
autres autorités de la concurrence ; cette palette est considérée comme un mécanisme rationnel
et effectif visant l’élimination des faiblesses institutionnelles et le renforcement du pouvoir
disciplinaire, ce qui augmente, par conséquent, la sécurité juridique du droit marocain de la
concurrence. Par exemple, le CC a présenté une base de données englobant les jugements
européens en matière de la concurrence afin d’améliorer ses compétences en s’inspirant du
modèle européen qui dispose d’un corpus jurisprudentiel plus riche.

II. Le développement des instruments de coopération

D’après M. Rahhou, le président du Conseil de la concurrence : « La vision du Conseil


s'articule principalement sur deux piliers, à savoir la protection du consommateur, qui ne peut
se faire que par le biais de la concurrence, et la protection des investisseurs qui créent de la
valeur ajoutée, en vue de leur permettre d'accéder aux marchés et vendre leurs produits dans
des meilleurs conditions ».153

152
OCDE, « Diagnostic d'intégrité au Maroc : Mettre en œuvre des politiques d'intégrité pour renforcer la confiance», Examens de l'OCDE sur
la gouvernance publique, Éditions OCDE (2018), Paris, https://www.oecd.org/fr/gov/diagnostic-d-integrite-au-maroc-9789264302693-fr.htm
Date de consultation 30/07/2023.
153
Ahmed Rahhou : " la libre concurrence est bénéfique au consommateur", journal L’Opinion, Novembre 2022
,URL :https://www.lopinion.ma/Ahmed-Rahhou-la-libre-concurrence-est-benefique-au-consommateur_a34038.html Date de consultation le
27/07/2023 .

68
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

À cette raison, il est indispensable de procéder à des coopérations entre le Maroc et les autres
pays au niveau communautaire et international.

Les programmes de jumelage et les Mémorandum de partenariat sont considérés comme des
instruments efficaces, financés par l’UE, visant de manière générale à consolider le partenariat
notamment entre les instances des pays membres de l’UE et les instances de régulation des pays
sud-méditerranéens en tant qu’institutions jeunes ont besoin de bénéficier de l’expérience
Européenne.

Alors , il convient de mettre en évidence l’accord du jumelage conclu entre le Conseil de la


Concurrence marocain et un consortium européen composé de la Commission Hellénique de la
Concurrence (Grèce), l’Autorité de Protection de la Concurrence et des Consommateurs
Polonaise (Pologne) et l’Autorité Italienne de la Concurrence (Italie).154 Il a pour objectifs
généraux ; la contribution à la consolidation des principes de la concurrence libre et loyale, le
renforcement de la compétitivité de l’économie et le développement du secteur privé, tout en
soutenant le processus de convergence règlementaire vers les exigences de l’acquis de l’Union
et les bonnes pratiques.

En revanche, ce projet a pour objectif spécifique ; la contribution au renforcement des capacités


institutionnelles du Conseil de la Concurrence et la promotion d’une culture du droit et de
l’économie de la concurrence.

Dans le même contexte, un accord de partenariat a été signé entre le Conseil de la Concurrence
et la Société Financière Internationale « SFI », membre du Groupe de la Banque Mondiale, en
2020, 155 il s’articulait sur le développement du cadre institutionnel afin de promouvoir la mise
en œuvre efficace de la politique de la concurrence et de renforcer le cadre antitrust pour
attaquer les pratiques anticoncurrentielles et mettre fin aux effets négatifs des concentrations.

Au niveau national, l’ancien ministre de l’Économie des finances et de la réforme de


l’administration, Mohammed Benchaâboun, a déjà proposé, dans le cadre du partenariat entre
le Conseil de la concurrence et la Commission nationale de la protection des données à
caractère personnel (CNDP) , de procéder à une coopération entre le Conseil et la commission
ainsi que les autres autorités de régulation sectorielles pour lutter contre les pratiques

154
Communiqué de presse, Conseil de la Concurrence, le 11 mars 2022 .
155
« Le Conseil de la Concurrence face à de nouveaux défis », Lettre d’information du Conseil de la Concurrence, Numéro 1 , Juillet - Août -
Septembre 2020.

69
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

anticoncurrentielles nuisant au fonctionnement normal des marchés transnationaux et


contribuer, chacune dans sa sphère de compétence, à protéger le citoyen marocain contre ces
pratiques déloyales .156

Bref, le recours aux collaborations et de partenariats signifient que davantage d’opportunités


institutionnelles seront offertes au Conseil de la Concurrence qui leur permet de renforcer la
crédibilité de la politique du droit de la concurrence et de lutter contre les pratiques déloyales
entravant le fonctionnement sain des marchés pour améliorer le bien-être du consommateur.

156
AMRANI Yousra, Les régulateurs nationaux face au défi de l’exploitation des données digitalisées des consommateurs , Le MATIN ,
Mars 2020 . URL : https://lematin.ma/journal/.html Consulté le 05 /08/2023

70
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

Cette deuxième partie s’est attachée à mettre en évidence, en premier lieu, les procédures
alternatives à la sanction fondées sur la négociation. Nous avons montré alors que les trois types
de ces procédures sont les fruits de la réforme du droit de la concurrence marocain au cours des
années ; elles visent à renforcer l’efficacité du système répressif par des mécanismes amiables
de traitement des litiges anticoncurrentiels.

Toutefois, malgré l'existence d'une palette d'outils mise à la disposition du CC, il était nécessaire
d’examiner les différents défis entravant la bonne application des règles de la concurrence.

D'une part, le Conseil est confronté à des enjeux d'ordre juridique notamment des enjeux
touchant le régime répressif ; c'est le cas, par exemple, de l'insuffisance de la sanction
pécuniaire ce qui a affaibli son aspect dissuasif et préventif.

De même, ce rôle dissuasif est éliminé dans le cadre des procédures négociées fondées sur le
consensualisme auquel la menace d'une sanction est éloignée et les victimes des pratiques
anticoncurrentielles sont marginalisées.

Le dysfonctionnement du Conseil de la Concurrence constitue ainsi un handicap pour


l'application saine des réformes adoptées à la suite d’un manque d'expérience en matière
contentieuse ce qui manifeste clairement dans la défaillance de gérer le dossier
d’hydrocarbures.

D'un autre part, la digitalisation et le développement de l'économie numérique constituent un


autre enjeu pour la mise en œuvre du pouvoir de la sanction. Dans ce cadre, l'accent a été mis
sur les géants numériques qui exercent des pratiques déloyales afin d'obtenir des gains illicites
et empêcher le fonctionnement normal des marchés.

Ces différents enjeux ont imposé, toutefois, de questionner sur les solutions et les stratégies
qui peuvent être adoptées.

Pour faire face à ces enjeux, nous avons souligné un ensemble des recommandations à adopter
telle la mise en place des sanctions pénales au même niveau que les sanctions administratives
et le renforcement de l’expertise du Conseil de la concurrence en tant qu’un pivot du régime
répressif des pratiques anticoncurrentielles.

71
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

CONCLUSION GÉNERALE

72
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Le droit de la concurrence a pour objet de garantir le maintien d’une concurrence saine et


loyale entre les acteurs économiques, en basant sur le principe de la libre concurrence

ADAM SMITH, le fondateur du libéralisme, estime que la concurrence permettrait une


allocation optimale des ressources, c’est un moyen économique vers une meilleure économie157.

Bien évidemment, le droit de la concurrence joue un rôle naturellement répressif, il a pour


vocation de lutter contre les pratiques nuisibles à la concurrence notamment les pratiques
anticoncurrentielles.

Notre recherche a mis l'accent sur le volet répressif de la politique de la concurrence au Maroc,
elle a permis de construire une vision sur les différentes pratiques anticoncurrentielles pouvant
entraver le libre jeu de la concurrence dans un marché d’un côté, ainsi que les efforts législatifs
et institutionnels dans la lutte contre ces pratiques déloyales entravant le fonctionnement normal
de ces marchés de l’autre côté.

Effectivement, le droit de la concurrence marocain a connu des réformes substantielles de son


arsenal répressif par l'adoption de la loi nº 104 -12 et la loi nº 20-13, ces derniers ont permis de
créer un nouveau régime de droit de la concurrence marocain, elles ont apporté des
changements significatifs, notamment, en matière des pratiques anticoncurrentielles.

Dès lors, le Conseil de la Concurrence a joué un rôle curial dans la lutte contre les pratiques
déloyales et la diffusion des bonnes pratiques, en tant qu’une institution indépendante dotée
d'un pouvoir décisionnel et disciplinaire.

À cet égard, on a abordé, en premier lieu, les différentes sanctions mises en œuvre par le Conseil
de la concurrence à l’encontre des pratiques qui produisent des effets préjudiciables, tant pour
les consommateurs que pour les opérateurs économiques. Ensuite, nous avons attaché à mettre
en relief des exemples pratiques en droit de la concurrence marocain et en droit comparé ; ce
qui a permis d'avoir une idée plus précise sur les différents instruments de l'exercice du pouvoir
répressif.

157
LAABID Jihade « Les pratiques anticoncurrentielles : analyse juridique » Revue Economie, Gestion et
Société, 2022, vol. 1, no 36. p 13

73
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Quant à la répression, on a constaté que le législateur marocain à l’instar de son homologue


français ainsi que législateur européen a adopté des sanctions ayant deux objectifs : punir et
dissuader.

La plupart des sanctions imposées par le Conseil de la Concurrence marocain prennent la forme
des sanctions pécuniaires, représentant des montants très importants pouvant aller jusqu’à 10
% du montant de chiffre d’affaires. Toutefois, le Conseil de la Concurrence peut prendre des
injonctions et des mesures conservatoires qui sont considérées comme des instruments
primaires d’intervention du Conseil pour redresser la situation anticoncurrentielle avant de
passer à l’application des sanctions pécuniaires.

D’ailleurs, le renforcement du régime répressif de la concurrence a continué par la mise en


place des procédures alternatives basées sur la négociation en tant qu’un élément clé de
résolution des litiges anticoncurrentielles au lieu des méthodes d’enquêtes et d’investigation.

En outre, le renforcement de la politique de concurrence n’est pas limité aux réformes adoptées
en 2014, le législateur marocain a adopté deux nouvelles réformes ayant pour but de moderniser
le régime existant de combler certaines de ses lacunes, cette démarche reflète la conscience de
législateur de l’instauration d’un droit de la concurrence efficace, car la promotion d’une
concurrence libre et loyale implique la constitution d’un cadre législatif solide et articulé.

Néanmoins, le Conseil de la Concurrence marocain se trouve face aux différents défis, en


particulier, ceux liés au pouvoir répressif du Conseil, c’est pour cela qu’on a essayé d’aborder
les enjeux qui entravent les efforts de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

En fait, la mise en place des organes indépendants est essentielle, mais insuffisante pour
atteindre le but répressif et dissuasif, notamment, en cas de non-respect des décisions
prononcées, ce qui nécessite un contrôle juridictionnel efficace à côté du contrôle institutionnel.

Dans le même contexte, on a constaté que le régime juridique en vigueur 158


n'ait pas été
pleinement mis en œuvre, à cause des faiblesses institutionnelles provoquées par une absence
de l’expertise et le manque des ressources adéquates pour exercer le pouvoir d’enquête et de
sanction, ce qui manifeste clairement dans le nombre fragile des décisions concernant les
dossiers contentieux malgré la réactivation du Conseil de la Concurrence depuis des années ,

158
On parle de la loi 104-12 et la loi 20-13 .

74
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

dont l’essentiel a été déclaré irrecevable pour des nombreux causes , parmi eux , on trouve
l’incompétence du Conseil par rapport à l’objet de la saisine.

Cela signifie qu’il ne suffit pas de donner un effet juridique à la disposition légale, mais aussi
développer le cadre institutionnel approprié à son application.

L’insuffisance de la sanction, infligée à l’encontre des auteurs des pratiques


anticoncurrentielles, constitue un autre défi pour la mise en œuvre d’un pouvoir répressif, plus
précisément, avec l’apparition de la digitalisation et l’apparition des géants numériques, ce qui
rend la mission du contrôle de ces pratiques illicites un peu difficile.

Alors, il serait donc préférable de faire évoluer les concepts, les instruments et les procédures
utilisés en droit de la concurrence pour que ceux-ci soient en mesure d’appréhender de manière
plus pertinente la transformation numérique159.

Afin renforcer la mise en œuvre du pouvoir de sanction par le Conseil de la Concurrence, notre
recherche a mis en lumière, des recommandations multiples permettant la bonne application de
ce pouvoir d’une part et d’être en courant avec les législations de la concurrence avancées
d’autre part. C’est le cas par exemple de développement des instruments de coopération entre
le Maroc et les autres législations notamment l’UE et la France.

En somme, il ressort que l’accompagnement juridique en droit de la concurrence et l’application


efficace des règles juridiques jouent un rôle majeur dans la réalisation d’une véritable évolution
dans l’approche répressive au même niveau que les autres législations, en particulier, dans un
monde où la digitalisation et la Big data se dominent.

Donc, le droit de la concurrence doit être formulé et mis en œuvre de manière à permettre non
seulement de maintenir la concurrence, mais aussi de la créer160.

159
MALVERT Nicolas, Op.cit. P 52.
160
MANSOUR Mohammed Amine, Op.cit. P 392.

75
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Bibliographie

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- La loi n˚ 20-13, portée par le Dahir n˚ 1-14-117 du 30 juin 2014, relative au Conseil de la
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Mémoire du Master , Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne , 2017 .

- MANSOUR Mohammed Amine. « L'influence du droit de la concurrence français et


européen sur la réglementation antitrust des pays arabes : l'exemple du Maroc ». Thèse de
doctorat. Université Montpellier, 2017.

- ZEVOUNOU Lionel. « Le concept de concurrence en droit ». Thèse de Doctorat,


Université Paris Nanterre, 2011.

➢ Publications des autorités de la Concurrence


• Décisions :
1- Décisions du Conseil de la concurrence marocain :

- Décision n°42/D/2023 relatif à l’accord de transaction conclu entre le Conseil de la


Concurrence et l’Ordre National des Architectes

- Décision n°134/D/2021 du 06 décembre 2021 liée à l’affaire Sika.

2- Décisions de l’autorité de la concurrence française

- Décision 20-D-11 du 09 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA.).

- Décision 16-D-15 du 6 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer.

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

3- Décisions de la Commission européenne

- Décision de la Commission du 9 juillet 2014 relative à une procédure d’application des


articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

- Décision de la commission du 16 juillet 2003 relative à une procédure d’application de l’article


82 du traité CE.

• Communiqués
1- Communiqués du Conseil de la concurrence marocain

- Communiqué du Rapporteur Général du Conseil de la concurrence relatif au dossier de


hydrocarbures, le 03 août 2023.

-Communiqué du Rapporteur Général du Conseil de la Concurrence relatif au dossier des


carburants, 2 juin 2023.

- Communiqué du Conseil de la concurrence marocain le 16 mai 2023.

2- Communiqués de l'autorité de la concurrence française

--Communiqué de l’Autorité de la concurrence du 21 décembre 2018 portant sur la procédure


relative à la procédure de transaction
-Communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français.
- Communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif aux engagements en matière de
concurrence
• Rapports
1- Rapports marocains
- Rapport annuel du Conseil de la concurrence marocain de l’année 2022.
- Rapport annuel du Conseil de la concurrence de l’année 2021.
- Rapport annuel des activités du Conseil de la concurrence au titre de l’année 2020.

2- Rapports français
- Conseil de la Concurrence : 19ème rapport annuel 2005
- Conseil de la Concurrence français, Quatorzième rapport d’activité Quatorzième rapport
d’activité , Année 2000.
- Conseil de la Concurrence - Onzième rapport d'activité 1997.

80
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

3- Rapports de l’OCDE

- Rapport de l’OCDE, Maroc – Stratégie de développement du climat des affaires, juin 2011 .

- Deuxième Rapport du Conseil de la Concurrence concernant la lutte efficace contre les


ententes injustifiables, DAFFE/COMP (2003)2.

81
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Sitographie

- Le Site officiel du Conseil de la Concurrence marocain, URL https://conseil-


concurrence.ma/cc/ .Consulté le 25/06/2023.
- Le site officiel de l'autorité de la concurrence française. URL
https://www.autoritedelaconcurrence.fr .Consulté le 27 /06/2023.

- Ententes anticoncurrentielles : Entre cadre légal inachevé et préservation de l’ordre public


économique, Article écrit par OUBEJJA Youssef, publié sur «Maroc diplomatie» le 20 août
2020.URL : https://maroc-diplomatique.net/ententes-anticoncurrentielles-entre-cadre-
legal-inacheve .Consulté le 28/06/2023 .
- Maître Michel Debroux, La sanction en droit de la concurrence, Revue Le petit juriste,
Avril 2011 .URL https://www.lepetitjuriste.fr/la-sanction-en-droit-de-la-concurrence/
Consulté 03/07/2023.
- AUGUET Yvan, GALOKHO Cheik, RIERA Alexandre, « Chapitre I. Le droit des
pratiques anticoncurrentielles », dans : Droit de la concurrence. Sous la direction de
AUGUET Yvan, GALOKHO Cheik, RIéRA Alexandre. Ellipses, « Spécial Droit », 2020,
p. 144. URL :https://www.cairn.info/droit-de-la-concurrence--9782340029750-page-
141.htm consulté le 07/07/2023.
- La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles au Maroc, Article écrit par Brahim Oul-
Caid , Octobre 2018.URL : .https://www.village-justice.com/articles/-maroc,29730.html
.Consulté le 23/07/2023.
- L'abus de position dominante, Fiches techniques de la Direction générale de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes, publié sur le site officiel de la Ministère
de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de la France ,
Juin 2023, page 3.URL https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/ Consulté le 25/07/2023.
- https://fr.statista.com/statistiques/565398/ Consulté le 25/07/2023.
- Ahmed Rahhou : " la libre concurrence est bénéfique au consommateur", journal L’Opinion,
Novembre 2022 ,URL :https://www.lopinion.ma/Ahmed-Rahhou-la-libre-concurrence-est-
benefique-au-consommateur_a34038.html Consulté le 27/07/2023 .
- OCDE, « Diagnostic d'intégrité au Maroc : Mettre en œuvre des politiques d'intégrité pour
renforcer la confiance», Examens de l'OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE
(2018), Paris,URL :https://www.oecd.org/fr/gov/diagnostic-d-integrite-au-maroc-
9789264302693-fr.htm Consulté 30/07/2023.

82
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

- Théodore Plat, Clémence, Revue Concurrences, Art. N° 1215 9 URL


https://www.concurrences.com/fr , Date de consultation 02/08/2023.
- AMRANI Yousra, Les régulateurs nationaux face au défi de l’exploitation des données
digitalisées des consommateurs , journal le Matin, Mars 2020 .URL:
https://lematin.ma/journal/.html Consulté le 05 /08/2023.

- MACHLOUKH Anass, Concurrence : Vision et diagnostic de Rahhou sur l’état de nos


marchés, journal L’Opinion , Mars 2022. URL : https://www.lopinion.ma/Concurrence-
.html Consulté le 06/08/2023.

83
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Annexes

84
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Communiqué du Rapporteur Général du Conseil de la


Concurrence

Le Rapporteur Général du Conseil de la Concurrence indique que, conformément aux


dispositions de l’article 29 de la loi n°104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence telle
qu’elle a été modifiée et complétée, une notification des griefs a été adressée à neufs sociétés
opérant dans les marchés de l’approvisionnement, du stockage et de la distribution du gasoil et
d’essence, ainsi qu’à leur association professionnelle.

En effet, les services d’instruction considèrent qu’ils disposent d’éléments suffisamment


probants, caractérisant l’existence de pratiques anticoncurrentielles commises par les parties
mises en cause sur les marchés de l’approvisionnement, de stockage et de distribution du gasoil
et d’essence, et qui sont contraires aux dispositions de l’article 6 de la loi n° 104-12 telle que
modifiée et complétée précitée qui dispose que : « Sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet
ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence
sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou tacites,
sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, notamment lorsqu’elles tendent à:

• Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises;

• Faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement
leur hausse ou leur baisse ;

• Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique


;

85
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

• Répartir les marchés, les sources d'approvisionnement ou les marchés publics ». A cet
égard, il y a lieu de rappeler que cette notification fait suite aux modifications apportées au
cadre légal régissant la concurrence au Maroc qui visent à apporter les précisions nécessaires
aux procédures applicables devant le Conseil, ainsi qu'à renforcer les garanties juridiques
accordées aux parties concernées par ces procédures.

Dans ce cadre, la notification des griefs adressés aux parties en cause ouvre la procédure
contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 29 de la loi n°104-12 précitée telle
qu’elle a été modifiée et complétée et garantit l’exercice des droits de la défense desdites parties
conformément aux nouvelles dispositions de même loi n° 104-12 telle que modifiée et
complétée.

Enfin, il y a lieu de préciser également que la notification des griefs adressés par les services
d’instruction, ne saurait préjuger de la décision finale du Conseil. En effet, seul le collège du
Conseil de la Concurrence peut, après une instruction menée de façon contradictoire dans le
respect des droits de défense des parties concernées et après la tenue d’une séance du Conseil,
statuer sur le bienfondé des griefs en question.

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Annexe1 : Communiqués du Rapporteur Général du Conseil de la Concurrence concernant le dossier d’hydrocarbures mai, juin 2023
, le site officiel Du Conseil de la Concurrence marocain .

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Annexe 2 : Communiqué du Conseil de la concurrence relatif à la facturation abusive des services de paiement en
ligne, 16 mai 2023, le site officiel du Conseil de la concurrence marocain.

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

89
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Annexe 3 : Communiqué Relatif à l’accord de transaction conclu entre le Conseil de la Concurrence et l’Ordre
National des Architectes ,le site officiel du Conseil de la Concurrence.

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Communiqué de presse

Rabat, le 11 mars 2022

Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme « Réussir le Statut Avancé Phase


II » visant à renforcer le partenariat entre le Maroc et l’Union Européenne (UE), un jumelage a été
conclu entre le Conseil de la concurrence du Royaume du Maroc et un consortium composé de la
Commission Hellénique de la Concurrence (Grèce), l’Autorité de Protection de la Concurrence et des
Consommateurs Polonaise (Pologne) et l’Autorité Italienne de la Concurrence (Italie).
Ce projet s’inscrit dans le cadre du processus de convergence réglementaire vers l’Acquis de l’Union
Européenne (UE), et vise à contribuer à la consolidation des principes de la concurrence libre et loyale,
au renforcement de la compétitivité de l’économie et au développement du secteur privé.

D’une durée de 24 mois (2021-2023), ce projet est financé par l’Union Européenne, et a pour objectifs
spécifiques de :

✓ Contribuer au renforcement des capacités institutionnelles du Conseil de la concurrence ;


✓ Contribuer à la promotion d’une culture du droit et de l’économie de la concurrence.

Par ailleurs, il convient de noter que ce projet est géré avec l’appui de la Direction du Trésor et des
Finances Extérieures - Cellule d’Accompagnement du Programme Réussir le Statut Avancé- relevant du
Ministère de l’Economie et des Finances.

Annexe 4 : Communiqué de presse du Conseil de la Concurrence 11 mars 2022, le site officiel du Conseil de la Concurrence.

91
L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Table des matières

Remerciements ..........................................................................................................................I

Dédicaces .................................................................................................................................. II

Principaux sigles et abréviations .......................................................................................... III

Résumé .................................................................................................................................... IV

Abstract .................................................................................................................................... V

Sommaire ................................................................................................................................ VI

INTRODUCTION GÉNERALE ............................................................................................ 1

PREMIÈME PARTIE : L’ARSENAL RÉPRESSIF DES PRATIQUES ENTRAVANT


LA CONCURRENCE SAINE ET LOYALE AU MAROC ................................................. 7

Chapitre1 : La prohibition légale des pratiques anticoncurrentielles en droit marocain


et comparé ........................................................................................................................... 10
Section 1 : Identification des pratiques prohibées .................................................................... 10

Sous- section 1 : Les ententes anticoncurrentielles en droit de la concurrence au Maroc et


en droit comparé ...................................................................................................................... 11
I. Les modes d’appréciation des ententes illicites ..................................................... 11
II. Les différentes formes des ententes prohibées ...................................................... 14
Sous -section 2 : L’abus de position dominante .................................................................... 15
I. L’appréciation de la position dominante d'une entreprise au sein du marché .. 16
II. Les pratiques liées à l’abus d'une position dominante et l’abus de dépendance
économique.............................................................................................................................. 17
Sous -section 3 : La pratique du prix de vente abusivement bas......................................... 20
Section 2 : Les dérogations au principe de prohibition des pratiques anticoncurrentielles 21

Sous-section1 : Les limites relatives à l’application d’un texte législatif ou réglementaire


................................................................................................................................................... 21
Sous-section 2 : Les limites relatives à l’existence d’un progrès économique .................... 23
Chapitre2 : La mise en œuvre du contrôle des pratiques déloyales de la Concurrence
.............................................................................................................................................. 26
Section 1 : Le rôle disciplinaire du Conseil de la Concurrence ............................................... 27

Sous – section 1 : Le champ d’intervention du Conseil de la Concurrence à la lumière de


la loi nº 20-13 ............................................................................................................................ 28
Sous-section 2 : La nature des sanctions infligées par le Conseil de la concurrence ........ 30

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

I. Les injonctions et les mesures conservatoires ....................................................... 30


II. Les sanctions pécuniaires ........................................................................................ 31
Section 2 : Les fonctions des sanctions prononcées par le Conseil de la Concurrence.......... 33

Sous-section 1 : La fonction répressive .................................................................................. 34


Sous-section 2 : La fonction préventive ................................................................................. 35
CONCLUSION DE LA PREMIÈME PARTIE .................................................................. 37

DEUXIÈME PARTIE : L’EFFICIENCE DU DISPOSITIF DISCIPLINAIRE DES


PRATIQUES ANTICONCURENTIELLES ....................................................................... 39

Chapitre 1 : La répression des pratiques anticoncurrentielles à l'épreuve de


procédures négociées .......................................................................................................... 42
Section1 : La procédure de clémence........................................................................................ 43

Sous -section 1 : Les conditions et les démarches ................................................................. 44


I- Les critères d'éligibilité à la clémence .................................................................... 44
A) Les conditions de bénéfice d’une immunité totale d’amendes......................... 44
B) Le bénéfice d’une réduction d’amendes ............................................................ 46
II. Le déroulement de la procédure de clémence ....................................................... 46
A) La demande de clémence .................................................................................... 46
B) L’avis de clémence ............................................................................................... 47
Sous-section 2 : Les atouts de la procédure de clémence ..................................................... 48
I. Le rôle répressif ................................................................................................................... 48
II. Le rôle préventif ................................................................................................................ 48
Section 2 : La non- contestation des griefs et la procédure d’engagements ........................... 49

Sous -section 1 : Le champ d’application de ces procédures ............................................... 50


I- L'application élargie de la procédure de transaction ........................................... 50
II- Le champ d’application de la procédure d’engagements..................................... 52
Sous-section 2 : La mise en œuvre de ces procédures ........................................................... 53
I- Les points de convergence entre les deux dispositifs au niveau des
conditions requises…… .......................................................................................................... 53
II- Les points de convergence au niveau de déroulement ................................................... 55
A) Le déroulement de la procédure de la non- contestation des griefs ................ 55
B) Le déroulement de la procédure d’engagements .............................................. 56
Chapitre 2 : Les mesures favorisant la bonne application du pouvoir de sanction par
le Conseil de la Concurrence ............................................................................................. 57
Section 1 : Les enjeux d’ordre juridique et institutionnel ....................................................... 57

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L’approche répressive des pratiques déloyales et la mise en œuvre des sanctions pécuniaires

Sous-section1 : enjeux liés à l’application du pouvoir de sanction ..................................... 57


I. L’insuffisance de la sanction pécuniaire ................................................................ 58
II. Les limites à l’efficience de procédures alternatives............................................. 59
III. Les imperfections du Conseil de la Concurrence.................................................. 60
Sous-section2 : Les enjeux liés à la transformation numérique .......................................... 62
Section 2 : Les recommandations en matière de lutte contre les pratiques déloyales ........... 64

Sous-section1 : La diversité de l’arsenal répressif ................................................................ 64


Sous-section2 : L'amélioration de l'architecture institutionnelle du Conseil de la
concurrence .............................................................................................................................. 66
I. Renforcement des capacités et des expériences en matière de contrôle des
pratiques déloyales ................................................................................................................. 67
II. Le développement des instruments de coopération .............................................. 68
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE ............................................................... 71
CONCLUSION GÉNERALE ............................................................................................... 72

Bibliographie........................................................................................................................... 76

Sitographie .............................................................................................................................. 82

Annexes ................................................................................................................................... 84

Table des matières .................................................................................................................. 92

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