Ch8 Supraconductivite

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8.

SUPRACONDUCTIVITÉ

8.1 Phénoménologie1

8.1.1 Énergie de condensation

On peut calculer la différence d’énergie libre entre l’état normal et l’état supra-
conducteur à l’aide de la relation suivante, valable à température constante

 = −0  M · dH (8.1)

Cette relation n’est pas évidente. La discussion du travail magnétique qui mène
à ce résultat se trouve dans Annett. La différence d’énergie libre de Gibbs à une
température fixe entre un supraconducteur en présence d’un champ magnétique
et en son absence est doncdonnée par
Z 
 (  ) −  ( 0) = −0  M·H (8.2)
0

En unités SI, le diamagnétisme parfait correspond à M = −H et donc,

2
 (  ) −  ( 0) = 0  (8.3)
2
Or, on a aussi que les énergies libres de la phase normale et de la phase supracon-
ductrice sont égales au champ critique H

 (  ) =  (  ) (8.4)

De plus, comme M ∼ 0 sous l’influence du champ magnétique dans l’état normal,


on a que
 (  ) =  ( 0)  (8.5)
Substituant ces deux résultats dans l’équation décrivant l’effet du champ magné-
tique sur l’énergie libre du supraconducteur Eq.(8.2) on trouve que

2
 ( 0) −  ( 0) = −0  (8.6)
2
2
La quantité 0 2 s’appelle l’énergie de condensation.
Le long de la ligne de champ critique, on peut appliquer la relation de Clausius-
Clapeyron. Sachant que

 = − − 0  M·H (8.7)

on a que  = 

−  − 0  M ·H = −   − 0  M ·H (8.8)


1 J.F. Annett, Chapitre 4.

SUPRACONDUCTIVITÉ 1
Comme M = 0 et M = −H il reste
dH
 (   ) −  (   ) = 0  H· (8.9)

Comme dH  est négatif, cela démontre que l’entropie de l’état normal est plus

grande que celle de l’état supraconducteur, ce qui n’est pas surprenant. Cela
démontre aussi que la transition est premier ordre, sauf à  = 0 où elle est
continue (de second ordre), i.e. sans saut d’entropie.

8.2 Approche de Ginzburg Landau2

8.2.1 Sans champ externe appliqué

Ginzburg et Landau ont supposé qu’un supraconducteur était décrit par un paramètre
d’ordre complexe . Près de la transition de phase, ils posent donc pour l’énergie
libre un développement en puissances de , comme nous l’avons fait antérieure-
ment dans le cas du magnétisme
1
 ( ) =  ( ) +  ( ) ||2 +  ||4  (8.10)
2
Comme d’habitude les coefficients sont des fonctions analytiques de  −   Pour
avoir une transition de phase de second ordre, il suffit de prendre  constant et
 ( ) = 0 ( −  ) (8.11)
Nous verrons que, par analogie avec le cas du magnétisme, ce résultat peut se
trouver à partir de la théorie champ moyen, qui est celle de BCS. La quantité 
sera en quelque proportionnelle à la fonction d’onde de la paire de Cooper.
Comme dans le cas du magnétisme, on peut trouver la valeur du paramètre
d’ordre pour    en minimisant et ainsi obtenir
02 ( −  )2 2
 ( ) −  ( ) = − = −0  (8.12)
2 2
où la dernière égalité vient du résultat de la section précédente. Ceci nous permet
d’obtenir  près de la transiton de phase
0
 = ( −  ) (8.13)
(0 )12
La différence d’entropie entre l’état normal et supraconducteur s’obtient facilement
à partir de  = − (  ) et le saut de chaleur spécifique à  de la même façon
qu’auparavant dans le contexte du magnétisme
02
 −  =  (8.14)

Dans le cas inhomogène, il faut qu’il y ait un coût d’énergie libre associé aux
gradients du paramètre d’ordre. On écrit (en pensant à  dans le contexte d’une
fonction d’onde)
~2 1
 ( r) =  ( ) + ∗
|∇ (r)|2 +  ( ) | (r)|2 +  | (r)|4 (8.15)
2 2
2 J.F. Annett, Chapitre 4.

2 SUPRACONDUCTIVITÉ
La condition de minimisation
R
  (r) 3 r
=0
 ∗ (r0 )

avec la définition suivante (qui généralise la notion de dérivée partielle)

 ∗ (r)
=  (r − r0 ) (8.16)
 ∗ (r0 )

et  (r)  ∗ (r0 ) = 0 car  (r) et  ∗ (r0 ) sont des variables indépendantes, on
obtient
~2
− ∗ ∇2  (r) +  ( )  (r) +  (r) | (r)|2 = 0 (8.17)
2
qui a l’allure d’une équation de Schrödinger non-linéaire. En prenant une condition
aux limites  (r) = 0 à une paroi située en  par exemple, on trouve pour des  (r)
petits que
~2  2 
− ∗ 2 = − ( )  (8.18)
2 
dont la solution est une exponentielle. Ceci veut dire que  retrouve sa valeur
d’équilibre sur une longueur
µ ¶12
~2 1
= ∼  (8.19)
2∗  ( ) ( −  )
12

On retrouve l’exposant de la théorie champ moyen bien connu.

8.2.2 Théorie de Ginzburg-Landau dans un champ magnétique

Comme  a l’interprétation physique d’une fonction d’onde de paire de Cooper,


on inclut le champ électromagnétique à l’aide du couplage minimal
~ ~
∇ → ∇−A (8.20)
 
Au départ, Ginzburg et Landau avaient mis une charge  = ∗ inconnue. On
sait maintenant que  = −2 exactement. (Comme les paires de Cooper sont
formées autant d’électrons que de trous, on peut au choix choisir le signe positif ou
négatif, les observables n’en dépendent pas. Nous choisissons  = −2) L’équation
de Ginzgurg-Landau inhomogène Eq.(8.17) devient
µ ¶2
~2 2
− ∗ ∇+ A  (r) +  ( )  (r) +  (r) | (r)|2 = 0 (8.21)
2 ~
2
On interprète | (r)| comme une densité On sait dans le cas de l’équation de
Schrödinger que l’opérateur courant peut se trouver à partir de
µ ¶2
 ~2 2 2
~  (r) = − ∗ ∇ + A  (r) +  ( )  (r) +  (r) | (r)| (8.22)
 2 ~
et son complexe conjugué
µ ¶2
 ~2 2
−~  ∗ (r) = − ∗ ∇ − A  ∗ (r)+ ( )  ∗ (r)+ (r) | (r)|2  (8.23)
 2 ~

APPROCHE DE GINZBURG LANDAU3 3


Multipliant la première équation par  ∗ (r) et la seconde par  (r) et soustrayant,
on obtient, dans le cas A = 0
 2
~ | (r)|

~2 ~2
= − ∗  ∗ (r) ∇2  (r) +  (r) ∇2  ∗ (r)
2 2∗
~2 ¡ ¢
= − ∗  ∗ (r) ∇2  (r) −  (r) ∇2  ∗ (r)
2µ ¶
~2
= ∇ · − ∗ ( ∗ (r) ∇ (r) −  (r) ∇ ∗ (r))
2
2
Si on prend comme densité de charge superfluide −2 | (r)|  on obtient à partir
des résultats précédents

 ³ ´ 2~2
−2 | (r)|2 = ∇ · ( ∗ (r) ∇ (r) −  (r) ∇ ∗ (r)) (8.24)
 2∗ ~
et sachant que la conservation du courant superfluide donne
 ³ 2
´
−2 | (r)| = −∇ · j (8.25)

on obtient
2~
j = − ( ∗ (r) ∇ (r) −  (r) ∇ ∗ (r))  (8.26)
2∗ 
En présence d’un potentiel vecteur on retrouve l’invariance de jauge locale si ∇ →
∇ + 2 2
~ A lorsque le gradient multiplie  (r) et ∇ → ∇ − ~ A lorsqu’il multiplie

 (r)  Donc, le courant invariant de jauge est donné par
µ ¶
~ ∗ ∗ ~ 2 2
j = − ∗ ( (r) ∇ (r) −  (r) ∇ (r)) − 2 ∗ A | (r)|
    ~
2
~ (2) 2
= − ( ∗ (r) ∇ (r) −  (r) ∇ ∗ (r)) − | (r)| A (8.27)
∗  ∗
Quant à l’énergie libre on peut l’écrire en partant du résultat sans champ
électromagnétique Eq.(8.15) en imposant l’invariance de jauge locale
Z " ¯µ ¶ ¯2 #
3 ~2 ¯¯ 2 ¯
¯ +  ( ) | (r)|2 + 1 4
 ( ) =  ( ) +  r ∗ ¯ ∇ + A  (r)¯  | (r)|
2 ~ 2
Z
1
+  2 (r) 3 r (8.28)
20

8.2.3 Rigidité superfluide, brisure de symétrie de jauge

Supposons que la grandeur du paramètre d’ordre soit une constante mais que la
phase varie, i.e.  (r) = || (r)  L’énergie libre précédente devient
Z " ¯µ ¶¯2 #
2 ¯ ¯
~ 2
¯ ∇ + A ¯ || 2
 ( A) =  ( A = 0) + 3 r
2∗ ¯ ~ ¯
Z
1
+  2 (r) 3 r (8.29)
20

4 SUPRACONDUCTIVITÉ
Laissant tomber l’énergie magnétique, il nous reste
Z ¯µ ¶¯2
 ¯ 2 ¯
 ( A) =  ( A = 0) + 3 ¯
 r ¯ ∇ + A ¯¯ (8.30)
2 ~

~2
 = ||2 (8.31)
∗
s’appelle la rigidité superfluide. Elle décrit le fait que dans un supraconducteur, la
phase du paramètre d’ordre veut être la même partout. Pour être plus précis, on
choisit une jauge particulière, par exemple celle de London où ∇ · A = 0 Alors,
tout gradient de  coûte de l’énergie une fois la jauge fixée. Le système a un ordre à
longue portée dans la phase. Évidemment, une phase globale (indépendante de r)
reste indéterminée. Lorsqu’on en choisit une, on dit qu’on a une brisure spontannée
de l’invariance de jauge globale. On permet au nombre total de particules de
fluctuer, mais localement le nombre de particules est conservé.
Remarque 1 Fixer ∇ · A = 0 ne spécifie pas complètement la jauge. Par exem-
ple, A =b y représente le même champ magnétique que A = −b x et ces deux
expressions satisfont toutes les deux ∇ · A = 0 Elles sont reliées par le change-
ment de jauge A → A − ∇ où  =  Ce n’est pas surprenant. Dans le cas
indépendant du temps, n’importe quel changement de jauge tel que ∇2  = 0 sat-
isfera la condition de London. Pour spécifier la jauge il faut par exemple choisir
A =b y puis ne pas permettre de changements de jauge  qui ne satisfont pas
 = 0 à l’infini. Cette condition aux limites avec ∇2  = 0 fixe définitivement la
jauge puisque  = 0 est la seule solution. Les changements de phase additionnels
de la fonction d’onde ∇ ne font donc qu’augmenter l’énergie libre puisqu’ils ne
peuvent éliminer A En effet, ∇× (∇) = 0 et ∇ × A 6= 0 donc même si A et
∇ sont des vecteurs qui sont identiques en un point, leurs dérivées ne peuvent
être identiques donc ils deviendront différents ailleurs. Ce qui vient d’être dit n’est
valable que pour un supraconducteur qui n’a pas de “trous”, c’est-à-dire où tous
les contours peuvent être déformés continuement et où  est univalué.

8.2.4 Longueur de pénétration, effet Meissner-Ochsenfeld

Avec la définition précédente de la rigidité superfluide, on peut écrire le courant


2
correspondant à || constant. On obtient
2
~ 2 (2) 2
j = − ∗
2∇ || − ∗
| (r)| A
  µ 

2 2
= −  ∇ + A  (8.32)
~ ~
En présence d’un champ magnétique, si on minimise l’énergie libre avec ∇ = 0
on voit que
µ ¶2
2
j = −  A (8.33)
~
µ ¶2 2 2
2 ~ 2 (2)
= − || A = − ||2 A (8.34)
~ ∗ ∗
On définit la fraction superfluide  par l’équation de London,
 2
j = − A (8.35)


APPROCHE DE GINZBURG LANDAU4 5


où  est la masse de l’électron. En utilisant ∗ = 2 les deux derniers résultats
nous permettent d’identifier
 = 2 ||2  (8.36)
À partir de l’équation de London, on peut déduire l’effet Meissner. En effet,
les équation de Maxwell nous donnent

∇ × B = 0 j
∇ × (∇ × B) = 0 ∇ × j
 2
= −  ∇×A
 0
 2
= −  B (8.37)
 0

Utilisant l’identité vectorielle ∇ × (∇ × B) = ∇ (∇ · B) − ∇2 (B)  cette dernière


équation se réécrit
 2
∇2 B =  B (8.38)
 0
Pour fins d’illustration, prenons une paroi entre le vide et un supraconducteur
située perpendiculairement à l’axe x Alors B = () y b et la solution de l’équation
précédente est
 () =  (0) − (8.39)
où la longueur de pénétration de London  est donnée par

 2 2 ||2 2
−2
 = 0 = 0  (8.40)
 

Utilisant la valeur de ||2 obtenue sous  par la théorie Ginzburg Landau, on


peut réécrire
22 0 ( −  )
−2
 = 0  (8.41)
 
Cette longueur est différente de la longueur de corrélation  ( )  Cependant le
rapport suivant est indépendant de la température et joue un rôle crucial pour
déterminer si le supraconducteur auquel nous avons affaire est de type II ou de
type I.
à  
!12 µ ¶12
 ( ) 22 0 ( − )0 22 
= = ~2
= (8.42)
 ( ) 4 0 ( − )
~2 2 0

Lorsque   1 2 on a un supraconducteur de type I, autrement il est de type II.

Exemple 1 Pour le plomb, qui est de type I, on a  0 = 960̊  (0) = 305̊


selon R. F. Gasparovic et W. L. McLean, Phys. Rev. B 2, 2519 (1970). Pour la
plupart des supraconducteurs, (incluant les hauts  ) la longueur de pénétration
est de l’ordre de 100 nm où 1000 Å Cette longueur a été mesurée entre autres
par spectroscopie par muon à TRIUMF en Colombie Britannique. Dans les supra-
conducteurs à haute température, la longueur de corrélation  0 est très petite, de
l’ordre de 10 à 100 Å Elle peut en principe être mesurée par 2 lorsqu’on a une
bonne théorie de la supraconductivité!

Remarque 2 La longueur de pénétration est reliée à la fréquence plasma par la


vitesse de la lumière. En effet, la fréquence plasma pour un gaz d’électrons de
 2
densité  est  2 =  2  (0 )  Donc, −2 2
 =  0 =   0 0 Or on a que
2 −1 2 2 2
 = (0 0 ) donc,    =  

6 SUPRACONDUCTIVITÉ
8.2.5 Quantification du flux

Considérons un anneau plus mince que la longueur de pénétration, de telle sorte


que le champ magnétique est constant sur l’épaisseur de l’anneau. La fonction
d’onde des paires doit être périodique sur l’anneau, donc en coordonnées cylin-
driques
 (   = 0) =  0 − (8.43)
pour que sous  →  + 2 la fonction d’onde de paire revienne à sa valeur. Il
est important de noter que cette forme de la fonction d’onde n’est possible qu’à
cause du “trou”, ou d’une singularité à  = 0 comme nous le verrons dans le cas
du tourbillon à la section suivante. S’il n’y a pas de point particulier (de trou) on
peut prendre  = 0 et  ne peut pas prendre un continuum de valeurs  0 − à
cet endroit.
Un champ magnétique uniforme peut être représenté sur l’anneau de rayon 
par
Φ
 = (8.44)
2
puisque
Z Z
Φ = B · dS = ∇ × A · dS (8.45)
I
= A · dr =2  (8.46)

Pour simplifier la discussion on a supposé que la longueur de pénétration est beau-


coup plus grande que l’épaisseur de l’anneau. On peut répéter l’argument pour
des anneaux plus larges en se plaçant à l’intérieur de la longueur de pénétration.
Substituant dans l’expression pour l’énergie libre en présence d’un champ mag-
nétique B lorsque la grandeur du paramètre d’ordre est constante Eq.(8.29) on
trouve

Z " ¯µ ¶¯2 #
3 ~2 ¯¯ − 2 Φ ¯¯ 2
 ( A) =  ( A = 0) +  r +  || (8.47)
2∗ ¯  ~ 2 ¯
Z
1
+  2 (r) 3 r (8.48)
20
où on a utilisé
 1  
∇ = b
er + b
e + b
ez  (8.49)
   
R
L’énergie magnétique  2 (r) est proportionnelle à Φ2 et dépend de l’inductance
de la boucle Le terme dominant est l’autre terme. Il se réécrit
¯µ ¶¯2
~2 ¯¯ 2 Φ ¯¯ 2
 − + || (8.50)
2∗ 2 ¯ ~ 2 ¯
et est minimum lorsque
Φ = Φ0 (8.51)


Φ0 ≡ = 207 × 10−15 Wb (8.52)
2
est le quantum de flux. Si on réchauffe une boucle et qu’on applique un champ
magnétique, un flux Φ0 proche du flux Φ appliqué restera dans la boucle lorsqu’on
abaissera la température sous   Ce flux persiste même si on enlève le champ
extérieur.

APPROCHE DE GINZBURG LANDAU5 7


Remarque 3 Dans cette géométrie, c’est comme si dans l’énergie libre Eq.(8.47)
on avait compensation de ∇ et de A dans la notation plus générale de l’Éq.(8.29)
Ceci
I est possible parce que dans la géométrie considérée, le gradient a la propriété
∇ ·  = 2 ce qui n’est normalement pas possible pour un vrai gradient
dont l’intégrale sur un parcours fermé doit s’annuler. On peut aussi remarquer
que ∇ × ∇ ne s’annule pas partout pour cette variable  puisqu’elle n’est pas
continue. Il y a un endroit elle prend la valeur 2 juste à côté de l’endroit où
elle prend la valeur zéro. Autrement dit, les propriétés géométriques globales sont
importantes ici puisque l’énergie libre est une intégrale sur tout l’espace. Dans le
cas d’un supraconducteur homogène simplement connexe (pas de trou) on avait
que ∇ = 0 était la solution d’énergie libre minimale. Ce n’est plus le cas ici.
Rrappelons qu’on parle de  (r) qui ne sont pas de simples changements de jauge,
i.e. qui ne s’annulent pas à l’infini même lorsqu’ils satisfont ∇2  = 0)

Remarque 4 Le courant, tel que donné par l’Éq.(8.32), s’annule dans cette sit-
uation où le champ magnétique est constant sur l’épaisseur de l’anneau. Dans
le cas d’un anneau épais le champ magnétique doit s’annuler loin des bords de
l’anneau, au milieu de sa circonférence. Il circule un courant sur le bord extérieur
de l’anneau et un courant de sens opposé sur le bord intérieur de l’anneau qui
permettent d’écranter le champ externe de telle sorte que B s’annule au milieu de
la circonférence de I
l’anneau. Étrangement, le potentiel vecteur ne s’annule pas à
cet endroit puisque A · dr doit être égal au flux passant à travers l’anneau. En-
core une fois, comme il faut que la fonction d’onde soit univaluée, on retrouve que
¯¡ ¢¯2 ¯¡ ¢¯
l’énergie libre est minimale pour ¯ ∇ + 2 ¯ = 0 i.e. ¯ − + 2  Φ ¯2 = 0
~ A  ~ 2
Dans ce cas aussi, il n’y a pas de courant entre les bords intérieur et extérieur de
l’anneau.

8.2.6 Tourbillon de London6

√ √
Dans un supraconducteur de type II,   1 2 i.e.    2, le champ magné-
tique pénètre sous la forme de “tourbillons” ou “vortex” en anglais. Un tourbillon
est une structure cylindrique formée d’un coeur normal de rayon  où le champ
magnétique est libre de se concentrer. Le champ s’atténue ensuite sur une distance
 où un courant supraconducteur non-nul circule. La condition de continuité du
paramètre d’ordre implique que le flux magnétique est quantifié en unités de Φ0 
comme nous avons vu à la section précédente.
On peut étudier ce phénomène de façon plus détaillée de la façon suivante.
Partons de l’équation Eq.(8.38) décrivant la valeur du champ magnétique en
présence du courant superconducteur induit par ce champ magnétique. Écrivant
le Laplacien en coordonnées cylindriques et utilisant l’expression pour la longueur
de pénétration de London, on obtient

 2  1  
+ − 2 = 0 (8.53)
2   

La solution de cette équation est donnée par la fonction de Bessel modifiée 0 ( )
µ ¶
Φ0 
 () = 2 0 (8.54)
2 
6 J.F. Annett, section 3.9

8 SUPRACONDUCTIVITÉ
où la valeur de la constante est déterminée par la condition de quantification du
flux Z
Φ0 =  () 2 r (8.55)

On peut étudier un peu plus en détail la forme du vortex. Pour  ¿   le


développement de la fonction de Bessel modifiée nous donne
µ ¶
Φ0 
 () = ln  (8.56)
22 

Le champ magnétique semble diverger à  = 0 mais on sait que le système de-


viendra normal (c’est le coeur du tourbillon) sur une distance de l’ordre  qui agit
comme une coupure pour les petits  En effet, il faut se souvenir que l’équation
2
de départ Éq.(8.53) n’est valable que pour || constant. En d’autres mots, pour
faire le problème de façon plus rigoureuse, il faudrait résoudre simultanément
∇ ×  = 0 j et l’équation de Ginzburg-Landau plus générale Eq.(8.21) qui per-
2
met à || de dépendre de la position. La solution de cette dernière équation
a certainement la propriété que ||2 = 0 lorsque le courant devient trop grand.
Or le courant correspondant au champ magnétique que nous venons de calculer
s’obtient de ∇ ×  = 0 j et semble aussi diverger

b
e
j ∼  (8.57)

Plutôt que de faire le calcul détaillé, on suppose simplement que  agit comme
une coupure franche. Le matériau est normal pour    et supraconducteur avec
2
une valeur de || constante pour    Il est clair que les détails de ce modèle
ne s’appliquent que lorsque  ¿  ¿   Pour  À   la forme asymptotique de
la fonction de Bessel modifiée donne
r  
Φ0  − 
 () =    (8.58)
22 2

En résumé donc, le champ magnétique est grand et à peu près constant à


l’intérieur du coeur du tourbillon, il décroit logarithmiquement sur le distance
 ¿  ¿  puis exponentiellement pour  À   Le courant superfluide devient
exponentiellement petit loin du coeur du tourbillon. L’énergie cinétique associée
au supercourant est importante surtout à l’intérieur du rayon  

8.3 Théorie de Bardeen, Cooper, Schrieffer (1957)

En 1950, Frölich émit l’hypothèse que l’interaction électron-phonon était impor-


tante pour la supraconductivité. Ceci fut confirmé par l’observation de l’effet
isotopique, par Maxwell et Reynolds et al. (1950) qui mit en évidence le fait que
dans les supraconducteurs connus alors, la température critique diminue comme
 − où  = 12 Il n’y a donc pas de transition pour un réseau qui ne peut pas
vibrer ( = ∞) À cause des effets de retard, l’interaction électron-phonon peut
mener à une attraction effective entre électrons, malgré la présence de répulsion
coulombienne.
Dans un premier temps, nous démontrerons dans le cadre d’un modèle simplifié
et avec une approche élémentaire, que le phénomène d’attraction entre électrons
peut se produire. Le résultat tient même pour un modèle plus réaliste. Ensuite,

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 9


nous traiterons l’effet de cette interaction en théorie de champ moyen pour obtenir
la théorie BCS, puis nous en tirerons les conséquences. Le premier élément im-
portant de la théorie BCS est le phénomène d’attraction entre électrons dont nous
venons de parler. Le deuxième ingrédient est celui de la formation de paires de
Cooper et le dernier est celui de la cohérence entre ces paires. Pour des raisons de
temps, nous ne ferons pas le “problème de Cooper”, i.e. celui de deux électrons
soumis à une attraction en présence d’une mer de Fermi passive dont le rôle n’est
que d’éliminer des états accessibles pour les deux électrons à travers le principe
de Pauli. Le résultat de ce calcul est qu’un état lié se forme pour une attraction
même infinitésimale. Lorsqu’il y a deux électrons seulement sans mer de Fermi,
cela prend une valeur minimale de l’interaction pour que la paire se forme.

8.3.1 Mécanisme d’attraction dans le modèle du jellium7

On veut une expression pour un potentiel  (r) effectif qui tient compte de l’interaction
de Coulomb et des effets de retard. Dans le modèle du jellium, on considère un
système formé de  électrons par cm3 de masse  et de charge − et d’ions
de masse  et de charge + le système global étant évidemment neutre avec
 ions par cm3  On ne tient compte que des interactions électrostatiques et on
suppose que les ions forment un fluide continu. Ce modèle néglige
a) les interactions répulsives à courte portée venant de la répulsion due au
principe de Pauli et aux électrons de valence
b) le fait que les fonctions d’onde doivent être orthogonales à celles des électrons
de valence
c) les phonons transversaux.
Dans ce modèle simple, l’interaction effective entre électrons sera de la forme

2
 (8.59)
40  (q)  2

Notre objectif est de calculer la constante diélectrique. Évidemment, il est très


inattendu (et incorrect) de voir apparaître la fréquence dans un hamiltonien. Il
faut plutôt penser en fonction de la théorie des perturbations où les dénominateurs
d’énergie contiennent des énergies. Le calcul de la constante diélectrique se fait
comme suit. Nos équations de départ sont
a) L’équation de Poisson, qui nous donne le champ électrique qui agira ensuite
sur les charges. À partir de la première équation de Maxwell

1
∇·E=  (8.60)
0

où  est la densité de charge, on utilise E = −∇ ce qui donne

1
∇2  = − ( +  + ) (8.61)
0 

où  est la densité d’ions,  la densité d’électrons et  une charge “externe” qui


dépend du temps et de l’espace. La constante diélectrique que nous cherchons est
définie par
1
∇2  = −  (8.62)
0 
7 P.G. de Gennes, Superconductivity of Metals and Alloys, Sec. 4.2

10 SUPRACONDUCTIVITÉ
ou, autrement dit, par

=  (8.63)
 +  + 
Si nous parvenons à trouver deux autres équations pour  et  nous aurons résolu
le problème. Commençons par une équation pour   Comme le problème que nous
voulons faire est dynamique, l’autre équation dont nous avons besoin pour relier
 au potentiel est
b) l’équation du mouvement pour la densité de courant des ions en présence
du champ électrique
j
 = 2 E (8.64)

où on a utilisé que la densité de charge ionique à l’équilibre est la même que
la densité de charge électronique. On néglige l’amortissement ici et de plus on
suppose qu’on étudie les grandes longueur d’onde où les termes qui dépendent du
gradient du courant sont négligeables. On garde les dérivées temporelles car la
dynamique des ions est importante aux échelles de temps qui nous concernent. Le
courant est celui qui entre dans l’équation de continuité


+ ∇ · j = 0 (8.65)

Dans l’approximation où les amplitudes d’oscillations sont petites, on peut rem-
placer j  par une dérivée partielle. Prenant la dérivée partielle par rapport au
temps de l’équation de continuité et éliminant le courant et le potentiel à l’aide
des équations qui la précèdent, on obtient

 2  2 2
= ∇  (8.66)
2 
2
= − ( +  + ) (8.67)
 0 

La transformée de Fourier par rapport au temps et à l’espace de cette équation


nous donne

 2  (q) =  2 ( (q) +  (q) +  (q)) (8.68)


2
 2 =  (8.69)
 0

Typiquement,   ∼ 1013 s−1 


Nous avons obtenu une équation décrivant comment la charge des ions répond
à la présence de toutes les autres charges. Il nous manque une équation décrivant
comment les électrons répondent à toutes les charges à travers la façon dont ils
répondent au potentiel électrostatique. La grande simplification qu’on peut faire
ici vient du fait que les temps caractéristiques pour que les électrons répondent,
soit ~ et 1  (où   est la fréquence plasma) sont beaucoup plus courts que
le temps caractéristique associé aux oscillations plasma des ions. En effet, on a
12
que   ∼ ()    En d’autres mots, nous sommes dans l’approximation de
Born-Oppenheimer où les électrons s’ajustent aux ions instantanément.
c) L’équation qui nous manque est obtenue de l’approximation de Thomas
Fermi, qui pose que la densité s’ajuste au potentiel électrochimique pour garder
le potentiel chimique ( ) constant

~2 2 (r)
 = −  (r) (8.70)
2

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 11


où on suppose que la relation entre densité et vecteur d’onde de Fermi est donnée
localement à  = 0 par
Z Z 
3 k 8 1
 = 2 = 2  = 2 3 (8.71)
(2)3 (2)3 0 3

Substituant dans l’équation qui donne le potentiel chimique constant, on a


2 2
2 (r) = 2
( +  (r)) = 2 + 2  (r) (8.72)
~ µ ¶ ~
2  (r)
=  1 +  (8.73)

Dans l’approximation où les variations de potentiel électrostatique sont petites par
rapport à l’énergie de Fermi, on peut approximer
µ ¶
3  (r)
3 (r) = 3 1 +
2 
µ ¶
3  (r)
 (r) = − 1 + (8.74)
2 
3 2  (q)
 (q) = −  (8.75)
2 
On a négligé les termes qui dépendent de la dérivée par rapport au temps de
la densité électronique. On connaît le potentiel en fonction des densités grâce à
l’équation de Poisson Eq.(8.61) donc la dernière équation se réécrit
3 2 1
 (q) = − ( (q) +  (q) +  (q)) (8.76)
2  0  2 
2
= − 2 ( (q) +  (q) +  (q)) (8.77)

où la dernière équation définit le vecteur d’onde qui correspond à la longueur
d’écrantage de Thomas Fermi
3 2 1
2  =  (8.78)
2  0
On connaît maintenant la densité ionique Eq.(8.68) et la densité électronique
Éq.(8.76) en fonction de la densité totale. La somme des deux résultats s’écrit
sous la forme
µ 2 ¶
 2 
 (q) +  (q) = − ( (q) +  (q) +  (q)) (8.79)
2 2
µ ¶
1  2 2 
 (q) = ³ 2 2
´ 1 − + ( (q) +  (q))

2 −
 
2
2 2
 

En utilisant ce résultat dans la définition de la constante diélectrique Eq.(8.63),


on obtient, en exprimant toutes les densités en fonction de  (q) +  (q)
³ ´
2 2
 2 1 2  1 − 2 + 2
 

  
2
− 2
 (q) = ³ 2
´
1 2 
1+ 
2 2
 1− 2 + 2

 −  
2 2
µ ¶
2 2
= 1 − 2 + 2 (8.80)
 

12 SUPRACONDUCTIVITÉ
Le modes de vibration des phonons correspondent au cas ou il y a des oscil-
lations spontannées du système en l’absence de charges extérieures, c’est-à-dire
quand  (q) = 0 Ceci se produit lorsque

2 2 =  2  2 −  2 2 
2
2 =  2 2 ≡  2q  (8.81)
  +  2

On peut vérifier que la longueur d’écrantage de Thomas Fermi est très courte,
de l’ordre de l’inverse de la longueur d’onde de Fermi. Ainsi, à grande longueur
d’onde,
 q '   (8.82)
où la vitesse du son est donnée approximativement par

 =  (8.83)
 

C’est la relation de Bohm-Staver, qui donne une bonne approximation pour la


vitesse du son dans les métaux qui ne sont pas des métaux de transition si on
utilise pour  le nombre d’électrons de valence.
Notre objectif était de trouver l’interaction effective entre les électrons à l’aide
de la constante diélectrique. C’est fait.

2 2 2 2
=
40  (q )  2 40    −  2  2 +  2 2 
2 2 2

2 1 2
= 2
40  2 +    2 −  2q
à !
2 1  2q
= 1+ 2 (8.84)
40  2 + 2   −  2q

Le premier terme est l’interaction de Coulomb écrantée telle qu’on peut l’obtenir
en absence de phonons ( q = 0)  Le deuxième terme vient de l’interaction électron
phonon et il peut être négatif pour les fréquences plus petites que les fréquences
phononiques. Il peut même être très négatif près de la résonance. En première
approximation on dit que l’interaction est attractive pour les fréquences plus pe-
tites que la fréquence de Debye. C’est le retard ( petit) qui fait que l’interaction
peut être attractive.

8.3.2 Hamiltonien de BCS réduit et état supraconducteur

Avec le changement de base


X X −k·r
 † (r) = †k hk |ri = †k √ (8.85)
k k

Z
k·r
†k =  † (r) √ 3 r (8.86)

Z
q·r 3 r =   q0 (8.87)

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 13


on a que
Z XZ
 (q) = −q·r  (r) 3 r = −q·r  † (r)   (r) 3 r

XZ X −k·r X
0
k ·r
= −q·r †k √ k0  √
 k
 k0 
XX
= †k k+q (8.88)
 k

et la partie hamiltonien à deux corps s’écrit


1 X X
 =  (q) †k †k0 0 k0 −q0 k+q (8.89)
2 0 0
 kk q

où par définition,
Z
 (q) = 3 rU (r) −q·r (8.90)
1 X
 (r) = U (q) q·r  (8.91)
 q

Dans leur article de 1957, Bardeen-Cooper et Schrieffer partent d’un hamil-


tonien réduit très simplifié, ayant en tête que pour des énergies plus petites que
l’énergie de Debye ~  , le potentiel effectif entre deux électrons peut devenir at-
tractif. Retournons à notre Hamiltonien d’interaction général Éq.(8.89). Partant
de l’idée de Cooper, on veut savoir comment traiter en champ moyen l’effet de
l’attraction sur les paires d’électron de centre de masse nulle. On ne garde donc
dans la somme précédente que les termes k0 = −k Les autres termes pourront
être traités par la théorie des perturbations plus tard. Il ne nous reste donc que
l’hamiltonien réduit
1 XX
 =  (q) †k †−k0 −k−q0 k+q
2 0 kq
1 X
=  (p − p0 ) †p↑ †−p↓ −p0 ↓ p0 ↑  (8.92)
 0
pp

Dans cette dernière expression, nous avons non seulement changé le nom des vari-
ables d’intégration, nous avons aussi restreint la somme seulement aux états de
spin antiparallèles et utilisé l’invariance sous rotation pour ne garder que les spins
indiqués (ce qui a éliminé le facteur 12). On dit alors que la paire est dans un
état singulet. Nous commenterons sur le cas des états triplets plus tard. (En
fait l’approximation que nous venons de faire permet quand même de traiter un
sous-ensemble des états triplets). La forme de  (p − p0 ) sera discutée plus tard,
mais ici nous gardons à l’esprit que ce potentiel est attractif pour des états qui
sont à l’intérieur d’une coque d’énergie de taille ~  autour du niveau de Fermi.
L’idée générale est que †p↑ †−p↓ joue presque le rôle d’un boson †p . Les relations
de commutation de sont pas exactement les mêmes, mais nous voulons utiliser
l’idée générale que la superfluidité pourra être décrite par une valeurD moyenne E
non nulle de †p dans l’état supraconducteur. Cette valeur moyenne, †p↑ †−p↓
se retrouve dans l’équation de Ginzburg-Landau dans le rôle de fonction d’onde
de paire. De la même façon que la suprafluidité pouvait être décrite par un or-
dre à longue portée hors-diagonal dans la matrice densité à une particule, ici ce
phénomène apparaîtra dans la matrice densité à deux particules puisque chaque

14 SUPRACONDUCTIVITÉ
boson sera formé de deux fermions. L’état champ moyen que nous trouverons sera
décrit par un état cohérent, comme vous le calculerez dans le devoir.
Dans l’esprit de la théorie de Weiss, l’hamiltonien d’essai que nous utiliserons
pour la théorie champ moyen sera donc de la forme
1 X D E
 −  = 0 −  +  (p − p0 ) †p↑ †−p↓ −p0 ↓ p0 ↑
 0 pp
1 X
+  (p − p0 ) †p↑ †−p↓ h−p0 ↓ p0 ↑ i

pp0
X³ ´
= 0 −  + ∆∗p −p↓ p↑ + †p↑ †−p↓ ∆p (8.93)
p

où on a défini
1 X
∆p =  (p − p0 ) h−p0 ↓ p0 ↑ i  (8.94)
 0
p

Pour la partie cinétique de l’hamiltonien on écrit


X
0 −  = (p − ) †p p (8.95)
p
X
≡  p †p p  (8.96)
p

Dans le modèle du jellium, p = ~2 p2 2 mais on peut prendre une relation


de dispersion plus générale. Sous forme matricielle, la combinaison de tous ces
termes nous donne, à une constante près
X³ † ´µ  ∆p
¶µ
p↑

p
 −  = p↑ −p↓ †  (8.97)
∆∗p − −p −p↓
p

Comme dans le cas de l’antiferroaimant, on veut trouver une transformation


(†)
canonique qui diagonalise la matrice. Lorsque ce sera fait, les −p↓ seront des
combinaisons linéaires des opérateurs propres qui diagonalisent l’hamiltonien. Ces
combinaisons linéaires feront intervenir ∆p  Pour déterminer la valeur de ∆p  il
suffira donc de substituer pour les p de l’équation définissant ∆p  Éq.(8.94), les
combinaisons linéaires d’opérateurs propres et nous obtiendrons alors une équation
auto-cohérente pour ∆p 
Cette fois-ci, dans la diagonalisation ce sont les relations d’anticommutation
qu’on veut préserver. Soit le spineur de Nambu, qu’on définit par
µ ¶
p↑
Ψp = (8.98)
†−p↓

on a alors que l’anticommutateur est donné par


n o
Ψp  Ψ†p0  =  pp0   (8.99)

où  et  identifent les composantes du spineur de Nambu. Dans le cas des bosons


de Holstein-Primakov nous avions une matrice de Pauli à droite. Cette fois-ci
nous avons l’identité, donc n’importe quelle transformation unitaire des spineurs
de Nambu satisfera les relations d’anticommutation. On peut donc procéder par
des moyens standard puisque la matrice à diagonaliser est hermitienne et donc
diagonalisable par une transformation unitaire.
Les valeurs propres p sont donc données par l’équation caractéristique
¡ ¢¡ ¢ 2
p −  p p +  p − |∆p | = 0 (8.100)

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 15


où on a utilisé  p =  −p valable pour un réseau ayant une symétrie d’inversion.
Les solutions sont q
p = ±p = ±  2p + |∆p |2 (8.101)

et les vecteurs propres obéissent à l’équation


µ ¶µ ¶
±p −  p −∆p 1p
= 0 (8.102)
−∆∗p ±p +  p 2p

qui ont comme solution


¡ ¢
±p −  p 1p = ∆p 2p (8.103)

La contrainte de normalisation pour avoir une transformation unitaire est que

|1p |2 + |2p |2 = 1 (8.104)

Comme ∆p peut être complexe, les vecteurs propres peuvent l’être aussi. Les
valeurs propres cependant sont réelles car la matrice est hermitienne.

Remarque 5 Détails des calculs pour la diagonalisation. Substituant la relation


entre 1p et 2p satisfaite par les vecteurs propres dans la condition de normali-
sation on obtient
à !
2
|∆p | 2
¡ ¢2 + 1 |2p | = 1 (8.105)
±p −  p
à !
|∆p |2 + p2 ∓ 2p  p +  2p 2
¡ ¢2 |2p | = 1 (8.106)
±p −  p
à !
p ∓  p 2
2p ¡ ¢2 |2p | = 1 (8.107)
±p −  p
µ ¶
p ∓  p 1 p
|2p |2 = = 1∓ (8.108)
2p 2 p
µ ¶
1 p
|1p |2 = 1± (8.109)
2 p

On définit
µ ¶12
1 p
p = √ 1+ −1p (8.110)
2 p
µ ¶12
1 p
p = √ 1− −2p  (8.111)
2 p

avec la convention que la racine carré est positive. Pour le vecteur propre corre-
spondant à la valeur propre positive on peut donc choisir
⎛ ³ ´ ⎞
µ ¶ µ ¶  p 12 −
1p p 1 ⎜ 1 + p  1p

= =√ ⎝ ³ ´12 ⎠ (8.112)
2p p∗ 2  p 2p
1 − p 

où les phases 1p et 2p ne sont déterminées par aucune des contraintes précé-
dentes. Avec cette convention, on prend toujours la valeur positive des racines

16 SUPRACONDUCTIVITÉ
carrés. Pour vérifier le dernier résultat, on substitue dans l’équation (8.103) pour
1p et 2p 
µ ¶ µ ¶
¡ ¢  p 12 −  p 12 
p −  p 1 +  1p = ∆p 1 −  2p
p p
à !12 µ ¶
¡ ¢  2p p
p −  p 1 − 2 −1p = ∆p 1 − 2p
p p
à !12 µ ¶
¡ ¢ |∆p |2 p
p −  p −1p = ∆p 1 − 2p (8.113)
p2 p
µ ¶
¡ ¢ |∆p | − p
p −  p  1p = ∆p 1 − 2p (8.114)
p p
ce qui donne,
∆p = |∆p | −1p −2p  (8.115)
Pour la valeur propre négative p , on a le choix de la phase lorsqu’on relie les 1p
et 2p aux p et p . On choisit les phases de la façon suivante
⎛ ³ ´ ⎞
µ ¶ µ ¶  p 12 −
1p −p 1 ⎜ − 1 − p  2p

= =√ ⎝ ³ ´ ⎠
2p ∗p 2  p 12 
1 + p  1p

parce que ceci satisfait l’équation correspondante (8.103) pour 1p et 2p
µ ¶ µ ¶
¡ ¢  p 12 −  p 12 
− −p −  p 1 −  2p = ∆p 1 +  1p (8.116)
p p
µ ¶ Ã !12
¡ ¢ p  2p
− −p −  p 1 − −2p = ∆p 1 − 2 1p
p p
à !
p2 −  2p |∆p | 1p
−2p = ∆p 
p p
|∆p |2 −2p |∆p | 1p
 = ∆p 
p p
∆p = |∆p | −1p −2p (8.117)

tout en garantissant que la matrice de transformation


µ ¶
p −p
 = (8.118)
p∗ ∗p
⎛ ³ ´ ³ ´ ⎞
 p 12 −  p 12 −
1 ⎜ 1 + p  1p − 1 − p  2p

= √ ⎝ ³ ´12 ³ ´12 ⎠ (8.119)
2 p
1 − p 2p p
1 + p  1p

µ ∗ ¶
p p
† = (8.120)
−p∗ p

soit unitaire pour satisfaire les relations d’anticommutation (en choisissant en plus
2 2
la phase du déterminant pour qu’elle soit l’unité |p | + |p | = 1) . La forme ci-
dessus est la plus générale (à une phase près) pour une transformation unitaire
2 × 2 On voit que les deux équations obtenues pour ∆p Éqs.(8.115) (8.116) sont
cohérentes quelle que soit la valeur de −1p − 2p 

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 17


Remarque 6 Autre façon de trouver la matrice de transformation unitaire: On
peut écrire la matrice hamiltonienne Éq.(8.97) sous la forme

 −  =  p  3 + ∆1  1 − ∆2  2 (8.121)

où les   sont les matrices de Pauli définies dans l’espace de Nambu de la même
façon que les matrices de Pauli habituelles. Les quantités ∆1 et ∆2 sont, respec-
tivement, les parties réelles et imaginaires du gap ∆p . On peut aussi écrire

b ·τ
 −  = |n| n (8.122)
q
où le vecteur n est de norme |n| =  2p + |∆p |2 et dirigé dans la direction du
b de composantes 1 =  p  |n|, 2 = ∆1  |n| et 3 = −∆2  |n|  En
vecteur unité n
b est à un angle  de l’axe 3 dont le cosinus est
coordonnéesqpolaires, le vecteur n
cos  =  p   2p + |∆p |2 =  p p  L’angle  dans le plan est obtenu de tan  =
−∆1 ∆2  i.e. ∆ = ∆1 + ∆2 µ = |∆|¶−µ Les ¶vecteurs propres correspondant à
1 0
b ·τ sont obtenus en tournant
n et d’un angle  autour de l’axe 2
0 1
puis  autour de l’axe 3 pour ramener l’axe de quantification dans la direction de
 
b  Ceci se fait avec la transformation unitaire  = − 3 2 − 2 2 comme pour un
n
spin 12 On a
µ −2 ¶
  0
− 3 2 = (8.123)
0 2
et
  
− 2 2 = cos −  2 sin  (8.124)
2 2
Il suffit d’utiliser des identités trigonométriques et la valeur de cos  =  p p pour
obtenir
r µ ¶
 cos  + 1 1  p 12
cos = =√ 1+ (8.125)
2 2 2 p
µ ¶
 1  p 12
sin = √ 1− (8.126)
2 2 p

ce qui donne la matrice des vecteurs propres, i.e. la transformation unitaire requise
⎛ ³ ´ ³ ´ ⎞
µ −2 ¶ 1  p 12 1  p 12
   0 √
⎜ 2 1 + p − √
2
1 − p ⎟
 = − 2 2 − 3 2 = ⎝ ³ ´ ³ ´ ⎠
0 2 1  p 12 1  p 12

2
1 − p √
2
1 + p
⎛ ³ ´ ³ ´ ⎞
 p 12 −2  p 12 −2
√1 1 + p  1
− 2 1 − p
√ 
⎜ ⎟
= ⎝ 2 ³ ´12 ³ ´12 ⎠ (8.127)
 
√1 1 − p
 2 √1 1 + p
2
2 p 2 p

ce qui est identique à la matrice unitaire Éq.(8.119) si on fait l’identification  =


1p + 2p et qu’on multiplie tous le premier vecteur propre (première colonne) par
une phase globale −(1p −2p )2 et le deuxième vecteur propre par (1p −2p )2 
Ceci correpond à multiplier par la doite par la matrice −(1p −2p ) 3 2  Comme
cette matrice commute avec la matrice diagonalisée il est facile de vérifier que
 0 =  −(1p −2p ) 3 2 diagonalise aussi |n| n
b ·τ  i.e. q 0† n
b ·τ  0 est la même
b ·τ  Les valeurs propres sont ± |n| = ±  2p + |∆p |2 = ±p 
matrice que  † n

18 SUPRACONDUCTIVITÉ
La matrice  permet de diagonaliser l’hamiltonien d’essai
µ ¶ µ ¶
p 0 p ∆p
= † 
0 −p ∆∗p − p

donc

X³ ´ µ ¶ µ ¶
p ∆p p↑
 −  = †p↑ −p↓ † †
∆∗p − p †−p↓
p
X³ ´µ  0
¶µ
p↑

= †p↑ −p↓ p
(8.128)
0 −p †−p↓
p
X
= p †p p +  (8.129)
p

où les nouveaux opérateurs sont reliés aux anciens par la transformation de Bogoliubov-
Valentin (1958)
µ ¶ µ ¶ µ ¶µ ¶
p↑ p↑ ∗p p p↑
= † =  (8.130)
†−p↓ †−p↓ −p∗ p †−p↓

avec |p |2 + |p |2 = 1. Le fondamental est l’état qui est détruit par ces nouveaux
opérateurs d’annihilation
p |i = 0

Les nouveaux opérateurs sont des combinaisons linéaires d’opérateurs de création


et d’annihilation puisque l’état propre est une combinaison linéaire d’états ayant
des nombres de particule différents.
Comme dans le cas de la théorie de Weiss pour le modèle d’Ising au chapitre 4,
l’Hamiltonien dépend d’un paramètre d’ordre h−p0 ↓ p0 ↑ i (h i dans le cas d’Ising)
dont la valeur peut être calculée une fois l’Hamiltonien diagonalisé. Cela donne
une équation d’auto-cohérence.
Ici donc, la valeur du gap ∆p s’obtient de l’équation autocohérente Éq.(8.94).
Il suffit de réécrire les opérateurs p↑ en fonction des opérateurs diagonaux p 
Inversons la transformation de Bogoliubov Éq.(8.130)
µ ¶ µ ¶µ ¶
p↑ p −p p↑
= (8.131)
†−p↓ p∗ ∗p †−p↓

dont l’adjoint donne


³ ´ ³ ´ µ ∗ p

†p↑ −p↓ = †p↑ −p↓ p
(8.132)
−p∗ p

On note aussi que


D E 1
 (p ) ≡ †p↑ p↑ =  (8.133)
p + 1
La distribution de Fermi Dirac vient du fait que l’hamiltonien est quadratique
(†)
lorsqu’exprimé en fonction des opérateurs fermioniques p  Ces quasiparticules
n’ont pas de potentiel chimique qui leur est associé. Ce dernier demeure associé au
nombre de particules total. Nous pouvons maintenant évaluer la valeur moyenne

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 19


d’occupation d’une paire
D³ ´³ ´E
h−p0 ↓ p0 ↑ i = p0 †p0 ↑ + p0 −p0 ↓ p0 p0 ↑ − p0 †−p0 ↓ (8.134)
D E
= p0 p0 †p0 ↑ p0 ↑ − −p0 ↓ †−p0 ↓ (8.135)
= −p0 p0 (1 − 2 (p0 )) (8.136)
à !12
1  2p0
= − 1− 2 −1p0 −2p0 (1 − 2 (p0 )) (8.137)
2 p0
1 |∆p0 | −1p0 −2p0
= −  (1 − 2 (p0 ))  (8.138)
2 p0
1 ∆p0
= − (1 − 2 (p0 )) (8.139)
2 p0
Les facteurs du type p0 p0 que l’on retrouve ci-dessus s’appellent des facteurs
de cohérence. En substituant le dernier résultat dans l’équation autocohérente
Éq.(8.94) on obtient
1 X ∆p0
∆p = −  (p − p0 ) (1 − 2 (p0 ))  (8.140)
2 0 p0
p

Ceci est l’équation du gap de BCS.


Remarque 7 Notons que p↑ et −p↓ créent des états qui sont reliés par la
symétrie d’inversion du temps. En présence d’impuretés, il faut apparier des états
propres du système qui sont aussi reliés par la symétrie d’inversion du temps. La
présence d’impuretés qui ne brisent pas cette symétrie n’influence donc essentielle-
ment pas la valeur de   C’est un théorème dû à P.W. Anderson.
Remarque 8 L’équation Éq.(8.139) révèle que le paramètre d’ordre h−p0 ↓ p0 ↑ i
qui apparaît sous la forme  dans l’équation de Ginzburg-Landau est proportionnel
au gap dans la théorie de BCS mais il n’est pas identique au gap. Il aura cependant
la même symétrie.
Remarque 9 Fonction d’onde de paire: On peut trouver l’étendue de la fonction
d’onde de paire de la façon suivante.
1 X X −p·r −p0 ·r0
hr↓ r0 ↑ i =   hp↓ p0 ↑ i (8.141)
 0 p
p
0
Utilisant le fait qu’il n’y a que p = −p qui a une valeur moyene non nulle, il
reste X 0
hr↓ r0 ↑ i = −p·(r−r ) hp↓ −p↑ i  (8.142)
p

La valeur moyenne dans l’intégrand a été calculée plus haut 8.139. À  = 0 il


reste
à !12
1 X −p·(r−r0 )  2p0
hr↓ r0 ↑ i = −  1− 2 −1p −2p  (8.143)
2 p p0

Nous allons voir plus loin que les phases sont indépendantes de p De plus, l’intégrand
s’annule pour  2p  |∆p |2 car dans ce cas p2 ∼  2p  Le vecteur d’onde ne
peut donc varier sur des intervalles plus grand que  p ∼ ∆p ce qui correspond
à une énergie ~  ∼ ∆p  Comme en transformée de Fourier, la largeur dans
l’espace  est reliée à la largeur en vecteur d’onde  par  ∼ 1 on a que
 ∼ ~ ∆p Ceci est l’ordre de grandeut de la longueur de corrélation à tem-
pérature nulle.

20 SUPRACONDUCTIVITÉ
8.3.3 Approche variationnelle

Suivant l’approche générale développée antérieurement, on peut utiliser l’hamiltonien


d’essai BCS Eq.(8.93) pour définir une fonctionelle à minimiser

h −  i −   ( ) (8.144)

par rapport à ∆p  On retrouve alors les résultats précédents. Pour plus de détails,
voir les notes de Claude Bourbonnais.

8.3.4 Cohérence de phase, fonction d’onde

Un des résultats les plus importants du point de vue conceptuel que nous apprend
BCS est que même lorsque l’interaction dépend de p − p0 , la phase du gap doit
nécessairement être indépendante de p. En effet, réécrivons l’équation du gap
Éq.(8.140) sous la forme
1 X
[p ∆p ] = − p  (p − p0 ) p0 [p0 ∆p0 ]  (8.145)
2 0
p

où µ ¶12
(1 − 2 (p ))
p =  (8.146)
p
Tout à l’intérieur de la racine carré est positif (p est positif, donc  (p ) est
plus petit que 12). Donc, la quantité p est réelle. On peut alors la réinterpréter
comme une équation aux valeurs propres. Les vecteurs propres sont entre crochets
et la valeur propre est l’unité Comme la matrice −p  (p − p0 ) p0  (2 ) dont
on cherche le vecteur propre est réelle symétrique, ce vecteur propre est réel à une
phase globale près, à moins que la valeur propre ne soit dégénérée. Il y a une
dégénérescence évidente associée à la symétrie sous inversion du temps. Lorsqu’on
brise cette symétrie, le paramètre d’ordre est complexe. Cela ne donne un résultat
non trivial que pour les valeurs de moment cinétique orbital différents de zéro (voir
plus loin).
Cela nous permet de revenir sur la notion de cohérence. Nous venons de
montrer que ∆p est un nombre complexe dont la phase est indépendante de p en
d’autres mots 1p + 2p =  pour toutes les valeurs de p Toutes les paires sont
ajoutées à la fonction d’onde avec exactement la même phase. Ceci se voit bien
avec la forme de la fonction d’onde de BCS traitée en devoir:
Yµ k

1 + ∗ †−k↓ †k↑ |0i 
k
k

À chaque fois qu’on crée une paire, il y a un facteur de phase −1p −2p = −
associé qui vient du k ∗k . Seule la phase de ∆ indépendante de p est arbitraire.
On brise la symétrie de jauge globale en la fixant parce que phase et nombre de
particules obéissent à une relation d’incertitude. Fixer la phase correspond donc à
rendre le nombre total de particules incertain. Nous reviendrons à cette discussion
avec la jonction Josephson.
La structure de la fonction d’onde  est la même que dans un état co-
hérent. La composante à  paires de Cooper de la fonction d’onde contient un
préfacteur proportionnel à −  analogue au   que nous avions discutéNous

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 21


³ ´
pouvons même aller plus point en réécrivant chaque facteur 1 + k∗ †−k↓ †k↑ sous
k
la forme exponentielle de telle sorte que la fonction d’onde s’écrit aussi
Y k
∗ †−k↓ †k↑
 k |0i  (8.147)
k

Les puissances d’ordre plus élevée de l’exponentielle s’annulent car nous avons
affaire à des fermions.
Comme nous avons vu au début de cette section, ce sont les interactions qui
imposent cette cohérence de phase qui est à l’origine du phénomène de supracon-
ductivité. On peut aussi comprendre la cohérenceP de phase intuitivement ainsi.
Considérons un des termes de l’Hamiltonien: pp0  (p − p0 ) †p↑ †−p↓ −p0 ↓ p0 ↑ 
On voit qu’il y a avantage à ce que les paires aient la même phase, sinon on aurait
un terme (p −p0 ) qui apparaîtrait et aurait tendance à moyenner les phases à
zéro. Retournant à l’expression pour
´ l’interaction dans l’hamiltonien réduit de
P ³
BCS p ∆∗p −p↓ p↑ + †p↑ †−p↓ ∆p  On voit que de défaire une paire −p↓ p↑
est coûteux car celle-ci est couplée à un champ moyen macroscopique ∆p  C’est
tout à fait analogues à ce que nous avons fait avec le modèle d’Ising traité dans
l’approximation de Weiss où chaque spin est couplé à un champ moyen.

8.3.5 Supraconductivité singulet

Si on passe à la limite du continu, l’équation du gap prend la forme


Z
1 3 0 ∆p0
∆p = − 3  (p − p0 ) (1 − 2 (p0 ))  (8.148)
2 (2) p0

Les vecteurs d’onde impliqués dans l’appariement sont situés près de la surface de
Fermi. On fait l’hypothèse d’une surface de Fermi sphérique pour simplifier les
calculs. En passant en coordonnées polaires et en utilisant la densité d’états  ()
(pour un spin), qui relie l’intégrale sur la grandeur de  à l’intégrale sur 
Z 02 0 Z  max Z Z
  ¡ 0 ¢ 0 1  cos 0 2 0
=    (8.149)
(2)3  min −1 2 0 2

l’équation du gap devient


Z ∞ Z Z
¡ 0¢ 0 1
 cos 0 0 2
∆p0
∆p = −     (p − p0 ) (1 − 2 (p0 )) 
0 −1 2 0 2 2p0
(8.150)
Dans le cas du modèle simplifié de BCS,  (p − p0 ) est simplement une constante
négative, disons 0 , qui s’annule aussitôt que les vecteurs p ou p0 ont une dif-
férence d’énergie avec la surface de Fermi qui est plus grande en valeur absolue
que l’énergie de Debye. Dans ce cas, l’équation du gap prend la forme simplifiée
Z ~ Z 1 Z
¡ ¢  cos 0 2 0 ∆p0
∆p = |0 |   0  0 (1 − 2 (p0 ))  (8.151)
−~  −1 2 0 2 2p0
Il est clair que le côté droit de cette équation est indépendant de p On écrit donc
∆p = ∆ et l’équation du gap devient
Z ~
¡ ¢ ∆
∆ = |0 |   0  0 (1 − 2 (p0 ))  (8.152)
−~  2p0

22 SUPRACONDUCTIVITÉ
La solution de cette équation sera faite plus en détails dans la section suivante.
Auparavant, discutons plus en détail des questions de symétrie, tout d’abord la
symétrie de spin de la fonction d’onde de paire. Celle-ci est reliée au gap par
l’équation (8.139) obtenue à l’aide de la transformation de Bogoliubov

1 ∆
h−p0 ↓ p0 ↑ i = − (1 − 2 (p0 ))  (8.153)
2 p0

Ce
q résultat est invariant sous les opérations de symétrie du réseau car ∆ et p =
 2p + |∆|2 le sont. Or, l’anticommutation nous donne la relation

h−p0 ↓ p0 ↑ i = − hp0 ↑ −p0 ↓ i  (8.154)

Utilisant l’invariance sous l’inversion de p0  on transforme p0 en −p0 à droite pour


obtenir
h−p0 ↓ p0 ↑ i = − h−p0 ↑ p0 ↓ i  (8.155)
Autrement dit, la fonction d’onde de la paire est impaire sous échange des spins.
C’est un singulet de spin. Comme il n’y a aucune dépendance sur l’orientation de
p on dit que la partie spatiale de la fonction d’onde de paire est un état  On
aura un sigulet de spin dans tous les cas où ∆p sera paire sous inversion de p
c’est-à-dire lorsque le moment cinétique de la paire de Cooper sera pair. On aura
un triplet de spin dans le cas contraire, en accord avec le principe général que la
fonction d’onde doit changer de signe lorsqu’on échange deux particules.

8.3.6 Solution de l’équation BCS, T et équation de Ginzburg-Landau, gap à  = 0

Comme seuls les états près du niveau de Fermi contribueront, supposons qu’on
prenne la densité d’états comme constante. L’équation du gap BCS pour la supra-
conductivité de type  devient alors, avec la définition  ( ) = 2 ( ) (on
suppose la symétrie particule trou pour intégrer seulement pour  0 positif)
Z ~ 

∆ = |0 |  ( )  0 (1 − 2 (p0 ))
0 2p0
µ q ¶
1 2 2
Z ~  tanh 2   + |∆|
|0 |  ( )
= ∆ q  (8.156)
2 0  2 + |∆|2

Nous avons utilisé 1 − 2 (p0 ) = tanh (p 2) 


On peut retrouver la condition d’extremum d’une théorie de Landau Ginzburg
en |∆|2 simplement en notant que pour |∆|2 petit on peut utiliser le développement
de Taylor
¡√ ¢ √
tanh  +  tanh 
√ = √
+ 
µ √ ¶
tanh  1 1 ¡ ¢
+ − 3 + 2√ +  2 
2 2 2 cosh 

En substituant dans l’équation du gap, on obtient une équation de la forme


2
∆ = 00 ∆ + 00 |∆| ∆ (8.157)

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 23


où les constantes 00 et 00 dépendent de la température. La valeur de  est celle
pour laquelle 00 = 1 Pour    on aura 00  1 de telle sorte que |∆|2 sera
positif.
Pour trouver la partie dépendante de l’espace de l’équation de Ginzburg Lan-
dau c’est plus compliqué. Il est clair cependant que le champ électromagnétique se
couplera aux opérateurs de création-annihilationavec le couplage minimal de telle
sorte qu’il redonnera exactement ce que nous avions dans la théorie de Ginzburg
Landau.
On peut obtenir analytiquement la valeur de  et la valeur du gap ∆0 à  = 0
Nous obtiendrons ainsi un des résultats les plus célèbres de la théorie de BCS, soit

2∆0
= 353 (8.158)
 
Commençons par le calcul du gap à  = 0 Dans ce cas, la tangente hyperbolique
peut être prise égale à l’unité et l’équation du gap devient
Z ~ 
|0 |  ( ) 1
∆0 = ∆0 q  (8.159)
2 2
0  2 + |∆0 |

La substitution  = |∆0 | sinh  donne  =  |∆0 | cosh  et


Z ~  Z sinh−1 ~  |∆0 |
1 cosh  
q  = p
0  2 + |∆0 |2 0 sinh2  + 1
Z sinh−1 ~  |∆0 |
= 
0
= sinh−1 (~   |∆0 |) (8.160)

d’où
2
= sinh−1 (~   |∆0 |) (8.161)
|0 |  ( )
µ ¶
2
|∆0 | = ~   sinh  (8.162)
|0 |  ( )

La théorie de BCS est valide dans la limite couplage faible, c’est-à-dire |0 |  ( ) ¿
1 Cette inégalité se comprend bien intuitivement car  ( ) est inversement pro-
portionnelle à l’énergie de Fermi alors que |0 | est une énergie beaucoup plus
faible. Dans cette limite, on peut donc approximer
µ ¶
2
|∆0 | = 2~  exp −  (8.163)
|0 |  ( )

Pour calculer la valeur de  on évalue l’intégrale en mettant |∆0 | = 0 dans


l’intégrand. On cherche donc la température telle que
Z ~ 
|0 |  ( ) tanh (  2)
1=  (8.164)
2 0 

Le terme de droite est le 00 dont nous avons discuté plus haut. On intègre par
parties le terme de droite pour obtenir dans la limite   ~  À 1
µ µ ¶ Z ∞ ¶
|0 |  ( )   ~  ln 
1= ln −   (8.165)
2 2 0 cosh2 

24 SUPRACONDUCTIVITÉ
L’intégrale converge suffisamment rapidement que nous avons posé la borne supérieure
d’intégration   ~
2

égale à l’infini. Il reste
µ µ ¶ µ ¶¶
|0 |  ( )   ~  4
1= ln − ln (8.166)
2 2 
où ln  =  ≈ 0577216 est la constante d’Euler. De là on déduit facilement
µ ¶
2~  2
  = exp − (8.167)
 |0 |  ( )
µ ¶
2
= 11336 ~  exp −  (8.168)
|0 |  ( )
En combinant nos résultats pour |∆0 | Éq.(8.152) et pour   ci-dessus, on trouve
le fameux rapport BCS Eq.(8.158). Les résultats expérimentaux pour les éléments
simples sont

       
337 ± 01 32 ± 1 46 363 ± 1 384 ± 06 429 ± 04 346 ± 1 36 ± 1
Les éléments comme le plomb et le mercure sont des exemples typiques de
supraconducteurs à couplage fort où la théorie d’Éliashberg est nécessaire.
Remarque 10 L’expression pour  explique immédiatement l’effet isotopique
puisque la fréquence de Debye, comme celle pour un oscillateur harmonique, dépend
de  −12 

8.3.7 Symétrie    de la solution de l’équation de BCS

Pour voir comment il est possible d’obtenir des moments cinétiques de paire dif-
férents de zéro, on procède comme
p suit. Comme  ne dépend
√ √que de la grandeur
de p − p0 et que |p − p0 | = 2 + 02 − 20 cos Θ ' 2 1 − cos Θ on peut
supposer que  (p − p0 ) est une fonction de cos Θ seulement, une variable com-
prise entre −1 et 1. On peut donc la développer en polynômes de Legendre

X
 (cos Θ) =   (cos Θ)  (8.169)
=0

On peut ensuite mettre à profit le théorème d’addition des harmoniques sphériques,


qui relie  (cos Θ) aux harmoniques sphériques définis pour les angle   et 0  0
qui donnent l’orientation en coordonnées polaires des vecteurs p et p0

X
4 ∗
¡ 0 0¢
 (cos Θ) =  ( )     (8.170)
(2 + 1)
=−

Près de  on peut linéariser l’équation du gap Éq.(8.94) qui prend alors la


forme, pour une surface de Fermi sphérique et les mêmes hypothèses que précédem-
ment,
Z ~ Z 1 Z
¡ ¢  cos 0 2 0
∆p = −2   0  0 (8.171)
0 −1 2 0 2

X 
X
4 ¡ ¢ ∆p0 ¡ ¡ 0 ¢¢
  ( ) ∗ 0  0 0 1 − 2  
(2 + 1) 2
=0 =−

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 25


On peut ensuite utiliser le théorème d’orthogonalité des harmoniques sphériques
Z 1 Z 2
0
 cos  ∗ ( ) 
0 ( ) =  0  0 (8.172)
−1 0

et le fait que ∆p ne dépend que de l’angle pour définir


Z 1 Z 2
∆ =  cos  ∗ ( ) ∆p  (8.173)
−1 0

L’équation du gap se réécrit alors indépendamment pour chaque composante des


harmoniques sphériques
Z ~
¡ ¢ 1 ∆ ¡ ¡ ¢¢
∆ = −2   0  0  0 1 − 2  0  (8.174)
0 (2 + 1) 2
et la valeur de  s’obtient de la température à laquelle le membre de droite est égal
à ∆  C’est analogue à ce que nous avons fait dans la théorie de champ moyen
pour le modèle d’Ising. La valeur de  la plus négative est celle qui donnera le
 le plus haut et qui déterminera donc la symétrie du gap supraconducteur. Si 
est impair, nous aurons un triplet. Ceci se produit dans l’hélium 3 superfluide et
dans le ruthénate de strontium 2 4 8 . La présence de fluctuations ferromag-
nétiques peut expliquer ces résultats, particulièrement dans le cas du superfluide,
puisque dans ce cas les paires triplet sont clairement favorisées. Le cas  = 2 est le
cas des supraconducteurs à haute température. Dans l’approximation ci-dessus,
toutes les valeurs de  sont dégénérées.
Notons que même si le potentiel  (cos Θ) est répulsif, on peut avoir ap-
pariement. En effet, on peut avoir  (cos Θ) positif partout avec, par exemple,
0  0 et 2  0 si 0 À 2  Comme exemple on peut considérer un cas où le
“boson intermédiaire” serait une onde antiferromagnétique. Sur un réseau carré
par exemple, cette interaction serait maximale lorsque p − p0 = ( ) où 
est le pas du réseau. Ceci se produit lorsque les deux vecteurs sont à 2 l’un de
l’autre. On peut donc faire un modèle simple d’interaction de la forme
¡ ¡ ¢¢ ¡ ¢
 cos  − 0 = 0 −  cos2  − 0 (8.175)

où 0   et les  sont les angles azimutaux Dans ce cas, on voit que la répulsion
est maximale,  = 0 lorsque  − 0 = 2 32 et minimale  = 0 −  lorsque
 − 0 = 0  À l’aide des identités trigonométriques
1 + cos 2
cos2  = (8.176)
2
cos (1 − 2 ) = cos 1 cos 2 + sin 1 sin 2 (8.177)

on peut réécrire
¡ ¢
2
¡ 0 1 + cos 2  − 0
¢ 1 + cos 2 cos 20 + sin 2 sin 20
cos  −  = =
2 2
µ ¶
¡ ¡ ¢¢ 1 + cos 2 cos 2 + sin 2 sin 20
0
 cos  − 0 = 0 −   (8.178)
2
Sachant que r
15
2±2 ( ) = sin2 ±2 (8.179)
32
8 La présence de noeuds dans le gap a été mise en évidence par C. Lupien, W.A. MacFarlane,

Cyril Proust, Louis Taillefer, Z.Q. Mao and Y. Maeno


Ultrasound attenuation in Sr2RuO4: an angle-resolved study of the superconducting gap
Physical Review Letters 86 (2001) 5986.

26 SUPRACONDUCTIVITÉ
on trouve
Z Z
 0 ∗±2 ¡ ¡ ¢¢ ¡ ¢
2 (2 )  cos  − 0 2±2 2 0
2 2
Z Z
  0 15 −2 ¡ ¢ 0
= −  cos 2 cos 20 + sin 2 sin 20 2
2 2 2 32
µ ¶
 15 1 1 1 1
= − + (8.180)
2 32 2 2 2 (−2)

ce qui indique bien une attraction dans le canal  = 2


Une autre façon plus simple de comprendre ce dernier résultat est de constater
que l’expression
Z
1 3 0 ∆p0
∆p = −  (p − p0 ) (1 − 2 (p0 )) (8.181)
2 (2)3 p0

peut avoir une solution pour  (p − p0 ) positif si le maximum de cette fonction


se produit lorsque p et p0 sont séparés d’un angle 2 puisque pour une onde de
type  (i.e.  = 2)  ∆p et ∆p0 auront un signe opposé dans cette situation. Ce
signe viendra compenser le signe moins en avant de l’intégrale et faire comme si
le potentiel était attractif.
Dans le cas de supraconductivité triplet, il y a trois composantes du spin.
Prenons le cas de l’3  où il y a invariance sous rotation. On peut développer
la partie spatiale de la fonction d’onde en hamonique sphérique  = 1 dans ce
cas. Cela permet d’éviter la répulsion de coeur dur et de profiter au maximum du
minimum dans le potentiel de Lennard-Jones. Pour chacune des trois composantes
du spin, il y a une partie spatiale qui doit être décrite par trois fonctions de base,
     Il y a donc 3 × 3 composantes complexes au paramètre d’ordre, i.e. 17
quantités indépendantes possibles (la phase globale n’apparaît pas). On peut donc
s’amuser à briser la symétrie de plusieurs façons.
Il faut aussi remarquer qu’il n’y a rien qui empêche un supraconducteur qui a
condensé dans un état  = 2 de faire une transition supraconductrice additionnelle
pour rajouter, par exemple, la composante  = 4 à son paramètre d’ordre. Il n’y a
qu’un harmonique sphérique qui contribue près de  car l’équation du gap peut
être linéarisée. Autrement l’équation est non-linéaire et peut avoir des solutions
qui sont des combinaisons linéaires d’harmoniques sphériques.
Dans le cas des solides, on peut en en général développer le paramètre d’ordre
sur une base de représentations irréductibles:
X
∆p =  Γ pΓ (8.182)
Γ

où Γ est la représentation irréductible et pΓ une fonction de base se transformant


selon cette représentation. (Dans chaque représentation on est libre de développer
pΓ sur une base quelconque de fonctions se transformant dans cette représen-
tation irréductible). On déduit de la linéarité de l’équation du gap très de 
que le paramètre d’ordre doit se transformer comme une des représentations irré-
ductibles du groupe de symétrie du cristal car ces différentes représentations sont
orthogonales, par analogie avec les harmoniques sphériques. Il peut y avoir des
transitions de phase additionnelles à température plus basse, là où l’équation du
gap est non-linéaire, qui font que le paramètre d’ordre ne se transforme plus comme
une seule des représentations irréductibles du groupe de symétrie. Ce phénomène
est attendu depuis longtemps mais il vient d’être démontré dans les conducteurs
organiques (Maxime Dion, David Fournier, Mario Poirier, Kim Truong, A.-M.S.
Tremblay à paraître.)

THÉORIE DE BARDEEN, COOPER, SCHRIEFFER (1957) 27


8.4 Effet Josephson

8.4.1 Hamiltonien de Josephson9

Un résultat important de la théorie de BCS est que toutes les paires sont ajoutées
avec exactement la même phase. La fonction d’onde de BCS est
Yµ ¶ Yµ ¯ ¯ ¶
k † ¯ k ¯ −( + ) †

1 + ∗ −k↓ k↑ |0i = ¯
1 + ¯ ¯ ¯ 2k 1k †
−k↓ k↑ |0i (8.183)
k k
k k
¡ ¢ ¡ ¢
où 2p + 1p doit être indépendant de p Appelons cette combinaison 2p + 1p =
 La fonction d’onde de BCS peut s’écrire

X
 = −   (8.184)
=0

où  est le nombre de paires de Cooper et 2 le nombre total d’électrons. La


fonction d’onde   contient un nombre donné de paires et donc, lorsque la phase
est connue, le nombre de paires ne l’est pas. Clairement, l’état BCS est un état
cohérent, i.e. une superposition d’états de nombre de particule fixe avec une
phase relative bien donnée. On voit qu’on peut obtenir une fonction d’onde avec
un nombre fixe de particules à partir de
Z 2

   =  (8.185)
0 2

On voit bien que si le nombre de paires est connu, la phase est inconnue. Nombre
et phase jouent le rôle de variables conjuguées, comme nous verrons encore en plus
de détails plus loin.
Bien que la phase dans la théorie de BCS soit totalement arbitraire, la différence
de phase a une signification physique. Pour illustrer cette signification, mettons
deux supraconducteurs en contact à travers une barrière tunnel. Nous allons
utiliser comme fonctions d’ondes non-perturbées celles obtenues en l’absence de la
barrière tunnel, i.e. le produit direct de celle à gauche fois celle à droite

X 
X
   0 =  − 
  −   0  (8.186)
 =0  =0

On fait le changement de variable

 
 = +  ;  = − (8.187)
2 2
pour obtenir

X
+  2    
X 
− 2 + 

− 2 − 
   0 =    +   0 −
(8.188)
2 2
 =0 =− 2

X
+  2
 X
= − 2 ( + )
−( − )   +  0 −
(8.189)

2 2
 =0 =− 2

9 B.D. Josephson, chapitre 9 Superconductivity Vol. 2, Ed. R.D. Parks.

28 SUPRACONDUCTIVITÉ
Travaillons maintenant avec un état ayant un nombre fixe total de paires de Cooper
 si on additionne le côté droit et le côté gauche de la jonction. Cet état est
donné par

Z 2  2
X
  ( +  )
 2 ( + )
   0 = −( − )   +  0 − 
0 2 2 2
=− 2
(8.190)
On pose la différence de phase  =  −  et on définit |i =   +  0 − 
2 2
Comme  est très grand la somme peut aller de −∞ à ∞ et le membre de droite
de l’équation précédente s’écrit

X
|i = − |i  (8.191)
=−∞

La valeur de  représente le nombre supplémentaire de paires de Cooper dans le


côté gauche de la jonction.
Traitons maintenant l’effet de la barrière tunnel. L’énergie pourra être abaissée
par le passage de paires de Cooper d’un côté à l’autre. On peut admettre que
l’hamiltonien qui décrit l’interaction entre les deux supraconducteurs est de la
forme ∞
X
b  = −  [|i h + 1| + | + 1i h|]  (8.192)
2 =−∞
Cette expression suppose que la capacité de la jonction est très grande de telle
sorte que le passage d’un côté à l’autre ne coûte pas d’énergie électrostatique. Il
n’est pas évident qu’une paire puisse passer d’un côté à l’autre en demeurant une
paire de Cooper mais c’est ce qu’un calcul de théorie des perturbations révèle. Cet
effet peut être dominant par rapport au passage d’un électron à la fois parce que
cela coûte une énergie ∆ pour briser une paire.
L’hamiltonien ci-dessus est diagonal dans la base des différences de phase
Éq.(8.191). La transformation inverse s’obtient de
Z 2

|i =  |i (8.193)
0 2
puisque Z 2

=    (−) (8.194)
0 2
On a aussi la relation, valable pour 0 ≤   2,

X
− = 2 () (8.195)
=−∞

Pour montrer que l’hamiltonien est diagonal dans cette base, on substitue l’expression
pour |i en fonction des états propres de phase
" ∞ Z Z 2 #
 X 2
 0 ­ ¯  0
b = − 
 |i −(+1)  ¯0
+  (8.196)
2 =−∞ 0 2 0 2

ce qui donne, en utilisant les relations d’orthogonalité


Z 2
¡ − ¢ 
b  = −   |i h| +  (8.197)
2 0 2
Z 2

= − (cos ) |i h|  (8.198)
0 2

EFFET JOSEPHSON 29
Donc  est bien diagonal dans cette base
¯ ® ¯ ®
b  ¯0 = − cos 0 ¯0  (8.199)

Pour minimiser l’énergie, il faut que la différence de phase entre les deux supra-
conducteurs soit nulle.

8.4.2 Base nombre-phase10

La notation se simplifie et la physique s’éclaircit si on définit l’opérateur phase de


la façon suivante
Z 2
−
 
 = − |i h|  (8.200)
0 2
Avec cette définition, on a
¯ ® 0 ¯ ®
− ¯0 = − ¯0 (8.201)
b  = − cos b
  (8.202)

L’opérateur nombre qui représente le nombre de paires de Cooper ayant passé au


côté gauche s’écrit quant à lui

X
̂ =  |i h|  (8.203)
=−∞

On vérifie aisément que


Z 2
 
± |i = (±1) |i = | ± 1i  (8.204)
0 2

Cela suggère que ± sont les opérateurs d’échelle qui augmentent ou diminuent
 de un. On peut vérifier ceci aussi à l’aide du théorème sur les commutateurs
d’opérateurs d’échelle. En effet, comme |i est une base complète, elle permet
d’établir les relations de commutation de la façon suivante
 
̂ ± |i = ( ± 1) | ± 1i = ( ± 1) ± |i (8.205)
±
 ±

 ̂ |i =  | ± 1i =  |i (8.206)

d’où, en soustrayant les deux équations précédentes,


h i
 
̂  ± = ±±  (8.207)

En faisant le développement en série des exponentielles des deux côtés, on voit


que h i
̂  b
 = − (8.208)

permet de satisfaire la relation de commutation pour les opérateurs d’échelle. Le


rôle de ̂  b
 comme paire de variables conjugées apparaît encore plus clairement.
1 0 M. Devoret, Les Houches, session LXIII, Fluctuations quantiques éditeurs S. Reynaud, E.

Giacobino, J. Zinn-Justin

30 SUPRACONDUCTIVITÉ
8.4.3 Courant et effet Josephson

Que se passe-t-il maintenant si nous imposons des conditions aux limites où un


courant est appliqué. Si le nombre  augmente, les paires de Cooper passent de
droite à gauche, transportant chacune une charge −2 C’est l’équivalent d’un
courant circulant à droite de charge 2 Pour trouver ce courant, on calcule donc
le taux de changement du nombre de paires de Cooper à gauche en utilisant les
équations du mouvement de Heisenberg

̂ h i
= ̂  ̂ (8.209)
 ~
  h  
i
= −  + −  ̂ (8.210)
2 ~
  ³  
´
= − − + − (8.211)
2 ~

= − sin b (8.212)
~
Si le nombre de paires de Cooper augmente à gauche, une charge −2 passe à
gauche à chaque fois, ce qui est comme une charge +2 vers la droite. Le courant
circulant vers la droite est donc donné par

̂ 2
ˆ = 2 = −  sin b
 (8.213)
 ~
En présence d’un courant, il y a une différence de phase entre les deux supracon-
ducteurs.
Quel est l’effet d’une différence de potentiel? Une différence de potentiel 
entre le³côté droit´ et le côté³ gauche se
´ retrouvera dans l’hamiltonien sous la forme
 
−2 2 − ̂ − 2 2 + ̂ = 2 ( −  ) ̂ +  = 2 ̂ . Ce terme
induira une dépendance temporelle de la phase

̂ h i
= ̂ + 2 ̂  ̂ (8.214)
 ~
 h i
= 2  ̂  ̂ (8.215)
~
2
=  (8.216)
~
Une différence de potentiel constante produira une phase augmentant linéairement
dans le temps, ce qui se traduira par un courant oscillant! Et la fréquence de ce
courant est reliée à la différence de potentiel par une constante universelle indépen-
dante de tous les détails microscopiques du système. Un résultat remarquable qui
a valu le prix Nobel à Josephson et qui est utilisé couramment aujourd’hui en
métrologie pour étaloner le volt. En effet, la fréquence est une quantité qui peut
être mesurée avec une très grande précision.

Remarque 11 On peut voir le principe de correspondance en action avec l’effet


Josephson. Le même genre de discussion s’applique pour un problème général de
mécanique quantique. Comme
h i
~̂ ̂ = ~ (8.217)

on peut faire l’identification


~̂ → ̂ ; ̂ → ̂ (8.218)

EFFET JOSEPHSON 31
Dans la limite classique, les équations de Hamilton donnent
 
̇ = − ; ̇ = (8.219)
 

ce qui suggère qu’ici, en prenant  = − cos  + 2  ( est la différence de


potentiel droite moins gauche et  est le nombre de charge −2 à gauche) on
obtiendrait
 
̇ = − =− sin  (8.220)
~ ~
 2
̇ = = (8.221)
~ ~
ce qui correspond au calcul quantique Éqs.(8.212) et (8.216) ci-dessus.

On peut aussi voir directement de laPfonction d’onde de BCS qu’en présence


d’un potentiel uniforme, un terme − k †k k s’ajoute à l’hamiltonien et
donc
" #
p  X †
= (− ) k k  p
 ~
k

=  †p  (8.222)
~
ce qui donne comme solution

p () = p (0)  ~  (8.223)

Substituant dans la fonction d’onde de BCS Éq.(8.183), on voit que comme h−p↓ p↑ i =
∆p alors la phase doit dépendre du temps de la façon suivante −2 ~ le 2 venant
directement du fait qu’on a affaire à des paires. Plus spécifiquement, supposons
qu’on considère le supraconducteur de gauche,
¯ ¯ ¯ ¯
¯ k ¯ − † ¯ k ¯ − 2 ~ †
¯ ¯   † ¯ ¯   −k↓ †k↑
−k↓ k↑ → ¯ (8.224)

¯ k ¯ k ¯

Si on se souvient de la façon dont les fonctions d’onde se transforment sous


changement de jauge, on voit que la relation de Josephson est une conséquence
directe de l’invariance de jauge.  () =  − 2 ~ ce qui veut dire que

 ( () −  ()) 2


= − ( −  )  (8.225)
 ~
Remarque 12 L’effet Josephson est la base du fonctionnement des SUQID, les
détecteurs de champ magnétique les plus sensibles. Il sert aussi à la fabrication
de qubits quantiques où on exploîte le fait que charge et phase sont variables con-
juguées.

32 SUPRACONDUCTIVITÉ

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