Son CahierAgriculture 2017

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 6

Cah. Agric.

2017, 26, 25005


© D. Son et al., Published by EDP Sciences 2017
DOI: 10.1051/cagri/2017010

Disponible en ligne :
www.cahiersagricultures.fr

ARTICLE DE RECHERCHE / RESEARCH ARTICLE

Pratiques phytosanitaires des producteurs de tomates du Burkina


Faso et risques pour la santé et l’environnement
Diakalia Son1,3,*, Irénée Somda1, Anne Legreve2 et Bruno Schiffers3
1
Institut du développement rural, université polytechnique de Bobo-Dioulasso, laboratoire de phytopathologie, Sise à Nasso,
01 BP 1091, Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso
2
Faculté des bio-ingénieurs, Earth and Life Institute, université catholique de Louvain, laboratoire de phytopathologie,
Louvain-La-Neuve, Belgique
3
Gembloux Agro-Bio Tech, université de Liège, laboratoire de phytopharmacie, passage des Déportés 2, 5030 Gembloux, Belgique

Résumé – Pour évaluer les pratiques phytosanitaires des maraîchers du Burkina Faso, des enquêtes ont
été réalisées en 2015 et 2016 auprès de 316 producteurs dans les zones Ouest et Nord du pays. Seuls 9 %
d’entre eux ont reçu une formation en protection des végétaux. Quatre-vingt-dix pour cent des pesticides
utilisés sont achetés sur les marchés locaux sans garantie de conformité et de qualité. La lambda-
cyhalothrine de la famille des pyréthrinoïdes est la substance active la plus utilisée. L’utilisation sur
tomate des pesticides formulés pour le coton a fortement progressé entre 2015 et 2016 (71 %). Les doses
utilisées par les producteurs sont supérieures à celles recommandées. Plus de 70 % des maraîchers
n’observent aucune mesure de protection adéquate depuis la préparation de la bouillie jusqu’à la fin des
traitements. Le respect de délais sans traitement avant récolte dépend plus de l’état sanitaire des
parcelles que des recommandations. Les contenants vides sont abandonnés sur les lieux de traitement
par 53 % des répondants. Les pratiques phytosanitaires des maraîchers du Burkina Faso sont donc
préoccupantes et potentiellement nuisibles pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, et pour
l’environnement.
Mots clés : cultures maraîchères / tomate / pesticide / pratiques phytosanitaires / risques chimiques

Abstract – Phytosanitary practices of tomato growers in Burkina Faso and risks for health and the
environment. To assess the phytosanitary practices of tomato growers in Burkina Faso, surveys were
carried out in 2015 and 2016 among 316 producers in the West and North zones of the country. Ninety
percent of pesticides used by producers are purchased in local markets without guarantee of conformity or
quality. Lambda-cyhalothrin of the pyrethroids family was the most used active substance. The use for
tomato crop of cotton pesticides increased strongly between 2015 and 2016 (þ71%). The doses used by
producers are higher than the recommended ones. More than 70% of the market gardeners do not observe
any measure of adequate protection from the preparation of the mixture until the end of the treatments.
The respect of preharvest interval depends mostly of the crop health status and does not follow the
recommendations. Empty containers of pesticides are left in fields by 53% of the farmers. These results
show that the phytosanitary practices of tomato producers are unsuitable and potentially harmful to the
health of farmers and consumers and to the environment.
Keywords: market gardening / tomato / pesticides / phytosanitary practices / chemical risks

1 Introduction rendements passés de 11,3 tonnes/ha en 2010 à 9,7 tonnes/ha en


2014 (FAOSTAT, 2016). Ces baisses de rendement sont
Au Burkina Faso, la tomate est la deuxième plus importante principalement dues à un complexe de bioagresseurs dont les
culture maraîchère, après l’oignon, avec une production estimée principaux sont Ralstonia solanacearum (Smith) ; Fusarium
à plus de 10 000 tonnes en 2014 (FAOSTAT, 2016). Cependant, oxysporum (Scheltdl) ; Bemisia tabaci (Genn) ; Helicoverpa
au cours de ces dernières années, on a assisté à une baisse des armigera (Hub) et Tuta absoluta (Meyrick).
Pour faire face à ces bioagresseurs, l’utilisation des
pesticides chimiques de synthèse est la solution la plus utilisée.
* Auteur de correspondance : [email protected] Cependant, plusieurs études au Burkina Faso (IFDC, 2007 ;

This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0),
which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
D. Son et al. : Cah. Agric. 2017, 26, 25005

Fig. 1. Répartition spatiale des sept communes d’enquêtes et taux d’utilisation des pesticides adaptés au coton en maraîchage en 2015 et 2016.
Fig. 1. Spatial distribution of the seven survey communes and use of cotton pesticides in market gardening in 2015 and 2016.

Toé, 2010 ; Naré et al., 2015) ont souligné l’existence de (la proximité avec les frontières pouvant faciliter l’in-
mauvaises pratiques phytosanitaires : non-respect des doses troduction frauduleuse de pesticides non autorisés au
prescrites, non-respect des règles de protection et d’hygiène Burkina Faso). L’étude a été conduite en 2015 et 2016
conseillées lors des traitements, mauvaise gestion des pendant la grande période de production maraîchère qui va
emballages vides des pesticides. Les conséquences en sont de novembre à avril (saison sèche). Les entretiens avec les
l’intoxication des agriculteurs et des consommateurs, la producteurs ont porté sur leur niveau d’instruction, les
pollution de l’environnement et la sélection de souches de cultures pratiquées, les principaux problèmes phytosanitai-
bioagresseurs résistantes aux pesticides (Cissé et al., 2006 ; res rencontrés, les méthodes de lutte utilisées, les produits
Toé, 2010 ; Ahouangninou et al., 2011 ; Ngom et al., 2012 ; phytosanitaires utilisés, le dosage, les moyens de protection
Gnankiné et al., 2013 ; Roditakis et al., 2015 ; Lehmann et al., utilisés, la gestion des emballages et leurs connaissances du
2016a). risque chimique.
Cette étude a donc été menée auprès des producteurs de Les données collectées ont été saisies et traitées à l’aide des
tomates de l’Ouest et du Nord du Burkina Faso pour comprendre logiciels Excel et IBM SPSS.23.
les motifs qui déterminent l’emploi des produits chimiques dans
la production de tomates et évaluer les pratiques phytosanitaires 3 Résultats
de ces producteurs en termes d’impacts potentiels sur la santé
humaine et sur l’environnement. 3.1 Caractéristiques sociodémographiques
des producteurs de tomate
2 Méthodologie d’enquête Les producteurs de tomate rencontrés au cours de ces deux
années d’enquête sont en grande majorité des hommes (92 %)
L’enquête a été menée dans sept communes (Faramana, âgés de 20 à 50 ans. Soixante-douze pour cent d’entre eux
Kouka, Dano, Dissin, Diébougou, Gaoua et Ouahigouya) n’ont reçu aucune instruction et seulement 9 % ont reçu une
(Fig. 1), auprès de 316 producteurs de tomate choisis de formation en protection des végétaux (Tab. 1). Plus de 65 %
façon aléatoire sur 21 sites. Deux critères ont guidé le choix des interviewés ont déclaré n’avoir reçu aucun appui-conseil
des sites d’étude : l’importance du site dans la production de la part des agents de vulgarisation agricole dans le domaine
nationale de tomate et son emplacement géographique du maraîchage.

Page 2 de 6
D. Son et al. : Cah. Agric. 2017, 26, 25005

Tableau 1. Statut social des producteurs de tomate au Burkina Faso Tableau 2. Types de pesticides utilisés par les producteurs de tomate
(enquête réalisée dans sept communes : Faramana, Kouka, Dano, dans sept communes du Burkina Faso (Faramana, Kouka, Dano,
Dissin, Diébougou, Gaoua et Ouahigouya) en 2015 et 2016. Dissin, Diébougou, Gaoua et Ouahigouya) en 2015 et 2016.
Table 1. Social status of tomato growers in Burkina Faso (survey Table 2. Types of pesticides used by tomato growers in seven
conducted in seven communes: Faramana, Kouka, Dano, Dissin, communes of Burkina (Faramana, Kouka, Dano, Dissin, Diébougou,
Diébougou, Gaoua and Ouahigouya) in 2015 and 2016. Gaoua and Ouahigouya) in 2015 and 2016.

Statut social des Valeurs en Statut des pesticides Valeurs en


producteurs de tomate pourcentage (%) utilisés pourcentage (%)
Homme 92 Lambda-cyhalothrine 67
Sexe Femme 8 Acétamipride 50
Substances actives
Aucune 72 les plus utilisées Cyperméthrine 37
Niveau d’instruction Primaire 21 Profenofos 25
Secondaire 7 Pyréthrinoïde 63
Familles chimiques
Formation en protection Aucun 91 Organophosphoré 38
les plus utilisées
des végétaux Oui 9 Néonicotinoïde 21

3.2 Pression des bioagresseurs et des facteurs à l’aide des bouchons des emballages et cela de façon
abiotiques sur la tomate approximative, surtout en ce qui concerne les formulations en
poudre (WP) qui nécessiteraient une pesée. Par conséquent,
Les principaux ravageurs de la tomate signalés par les les dosages varient fortement d’un maraîcher à un autre,
producteurs ou constatés sur les sites d’enquête sont d’un traitement à un autre et sont dans la majorité des cas
H. armigera, T. absoluta, B. tabaci, Tetranychus urticae supérieurs à la dose recommandée sur l’étiquette. En
(Koch), Aculops lycopersici (Massee) et Meloidogyne spp. Les moyenne, 26 % des producteurs mélangent plusieurs
principales maladies sont la fusariose, l’alternariose, le préparations commerciales pour obtenir des concentrations
flétrissement bactérien, les fontes des semis et le virus qui leur conviennent. Vingt et un pour cent conservent
responsable de l’enroulement des feuilles (Tomato Yellow Leaf leurs préparations pendant plusieurs jours pour effectuer des
Curl Virus). De plus, la nécrose apicale causée, soit par une traitements successifs ; à chaque application, une petite
carence en calcium, soit par stress hydrique (mauvaise quantité de la préparation est diluée à nouveau avant de
répartition des irrigations), est fréquemment observée chez traiter. Par ailleurs, 35 % des producteurs reconditionnent
les producteurs (45 %), avec un impact sur la qualité des fruits. leurs produits dans un autre contenant (Fig. 2). Les
emballages vides sont le plus souvent abandonnés sur les
3.3 Pratiques phytosanitaires observées et risque lieux du traitement (53 %), parfois jetés, enfouis dans le sol
pour la santé et l’environnement ou brûlés à l’air libre (Fig. 3).
Les fréquences d’application varient d’un producteur à un
Pour lutter contre ces bioagresseurs, la lutte chimique au autre, mais dans la majorité des cas elles sont d’une fois par
moyen des pesticides de synthèse est la plus pratiquée par les semaine. Le nombre moyen de traitements effectués par cycle
producteurs. Ils achètent ces produits sur les marchés locaux de production de tomate est de dix.
et 90 % des pesticides utilisés sont ainsi achetés sans garantie Les équipements de protection individuelle (EPI) se
de conformité et de qualité. Les substances actives les plus limitent au port de tenues ordinaires perméables aux pesticides
utilisées (Tab. 2) au cours de ces enquêtes sont la lambda- (Fig. 4). Ces tenues sont composées d’un pantalon ou d’une
cyhalothrine (67 %), l’acétamipride (50 %) et la cypermé- culotte ordinaires et d’une chemise à manches longues ou
thrine (37 %). Parmi les familles chimiques, les plus utilisées courtes. Les principaux arguments avancés pour justifier cette
sont les pyréthrinoïdes (62,5 %) et les organophosphorés « non-protection adéquate » sont la non-disponibilité des
(37,5 %). Les biopesticides sont faiblement utilisés (5 %). EPI conformes, le coût d’achat trop élevé de ces EPI et la
Le taux d’utilisation sur culture de tomate de pesticides gêne (du fait de la chaleur) occasionnée par le port de ces
normalement réservés au coton était de 35 % en 2015 et de équipements de protection pendant l’application.
60 % en 2016, soit une progression de 71 %. Ces insecticides La plupart des producteurs rencontrés ont rapporté avoir
adaptés au coton sont plus fréquemment recensés dans les ressenti, après utilisation des pesticides, des effets des
communes de Faramana et de Kouka (Fig. 1), qui sont situées traitements sur leur santé tels que des irritations de la peau
dans les grandes zones de production cotonnière des Hauts- (26 %), des bouffées de chaleur (19 %), des écoulements du
Bassins et de la Boucle du Mouhoun. Le dosage, la nez et une toux (15 %), des affections oculaires (8 %) et des
préparation et l’application des pesticides sont réalisés soit céphalées (4 %) (Fig. 5). Pour lutter contre ces effets néfastes
par les propriétaires des parcelles (78 %), soit par leurs ou pour éviter d’éventuels effets secondaires, plus de 60 % des
enfants (7 %), soit par leurs employés (14,5 %). Les femmes interviewés déclarent boire du lait après les traitements afin de
qui réalisent des traitements phytosanitaires ne représentent se désintoxiquer.
que 0,5 % du total et principalement dans les communes de En ce qui concerne le délai d’attente avant la récolte
Faramana et de Kouka. Les doses de pesticides sont mesurées (DAR), intervalle de temps entre le dernier traitement autorisé

Page 3 de 6
D. Son et al. : Cah. Agric. 2017, 26, 25005

2%
6%
8%
Tenue ordinaire

Mélange , 26% 9% Tenue ordinaire + cache-


nez
Tenue ordinaire + bottes

Recondionnement Tenue ordinaire + cache-


, 35% nez + bottes
tenue ordinaire + gants +
cache-nez + bottes
77%

Conservaon, 21%

Fig. 4. Proportion des producteurs de tomate portant des équipements


de protection individuelle (EPI) dans les sept communes étudiées en
2015 et 2016 au Burkina Faso.
Fig. 4. Ratio of tomato growers wearing personal protective
Fig. 2. Proportion des producteurs de tomate conservant leurs equipment (PPE) in the seven communes surveyed in 2015 and
bouillies et pratiquant le reconditionnement des pesticides dans les 2016 in Burkina Faso.
sept communes étudiées en 2015 et 2016 au Burkina Faso.
Fig. 2. Ratio of tomato growers who store their mixture and
repackage their pesticides in the seven communes surveyed in 2015 4%
Irritation de la peau
and 2016 in Burkina Faso. 8%

26% Bouffée de chaleur


5%
Ecoulements du nez et la
12% 15% toux
Affection oculaire
Abandonne dans le champ
Jee dans puits perdus Céphalées
13%
Enfouit dans le sol 19%
53%
Réulise
Brûle Fig. 5. Nature des affections ressenties par les producteurs interrogés
17% après l’application des pesticides dans les sept communes étudiées en
2015 et 2016 au Burkina Faso.
Fig. 5. Nature of the affections experienced by producers interviewed
Fig. 3. Modes de gestion des emballages vides de pesticides par les after application of pesticides in seven communes surveyed in 2015
producteurs de tomate dans les sept communes étudiées en 2015 et and 2016 in Burkina Faso.
2016 au Burkina Faso.
Fig. 3. Management of empty packaging of pesticides by tomato
growers in the seven communes surveyed in 2015 and 2016 in Burkina Parmi les pesticides, la famille chimique des pyréthrinoï-
Faso. des est la plus utilisée, alors que certains auteurs (Martin et al.,
2005 ; Achaleke et Brévault, 2009 ; Abou-Yousef et al., 2010 ;
et la récolte, son respect varie d’un producteur à un autre et est Houndété et al., 2010 ; Gnankiné et al., 2013) ont signalé
plus lié à l’état sanitaire des fruits à ce moment-là (absence la résistance d’H. armigera et de B. tabaci (principaux
de ravageurs) qu’aux recommandations d’emploi du produit ravageurs de la tomate au Burkina Faso) à cette famille
phytosanitaire. Par exemple le DAR pour l’insecticide TITAN chimique. Cette situation amène les producteurs à augmenter
25 EC est de 7 à 15 jours, alors qu’il varie de 3 à 7 jours chez le nombre de traitements et les doses utilisées. La conservation
53 % des maraîchers. de la préparation de pesticide pendant plusieurs jours pour
effectuer des traitements entraîne sa dénaturation et sa faible
efficacité, obligeant ainsi les producteurs à intensifier les
4 Discussion traitements ou à augmenter les dosages.
4.1 Facteurs jouant sur l’utilisation des pesticides L’insuffisance de formation et de suivi des maraîchers
amène ces derniers à utiliser des produits inadéquats et à
L’enquête montre un faible niveau d’instruction et de épandre des doses inadaptées. La majorité des pesticides
formation technique des producteurs. Cela ne favorise pas une utilisés par les maraîchers sont achetés sur les marchés locaux
bonne utilisation des produits phytosanitaires par méconnais- et sont d’origine étrangère (Ghana et Côte d’Ivoire). Cela
sance des bioagresseurs et du produit adéquat à utiliser en constitue une infraction à la loi burkinabé sur les pesticides
fonction de la cible (Ahouangninou et al., 2011 ; Kanda et al., et montre l’insuffisance de contrôle de l’État sur la vente et
2013 ; Wognin et al., 2013 ; Naré et al., 2015). sur l’utilisation des pesticides.

Page 4 de 6
D. Son et al. : Cah. Agric. 2017, 26, 25005

4.2 Les risques pour la santé publique et transfert des résidus de pesticides jusqu’à l’homme par la
l’environnement chaîne alimentaire, comme cela a été observé au Bénin à
travers des tilapias dans des conditions similaires (Agbohessi
L’utilisation des pesticides nécessite un minimum de et al., 2012).
connaissances théoriques et pratiques pour écarter tout risque
sur la santé humaine et sur l’environnement (Cissé et al., 2006 ; 5 Conclusion et recommandations
Kanda et al., 2013 ; Wognin et al., 2013), alors que l’enquête
montre un faible niveau d’instruction, de formation et de
Les pesticides utilisés sont achetés dans la majorité des cas
suivi des maraîchers. Cela contribue à augmenter le risque
dans les marchés locaux sans garantie de conformité et de
d’intoxication et de pollution de l’environnement. Les
qualité. Les pyréthrinoïdes sont les plus utilisés, alors que
pesticides destinés au coton ne sont pas recommandés en
plusieurs auteurs ont souligné la résistance des ravageurs
maraîchage en raison de leur toxicité élevée, de leur forte
concernés (B. tabaci et H. armigera) à cette famille chimique.
concentration et de leur persistance sur la culture (Schiffers
Cela va contribuer à intensifier les traitements et par
et Mar, 2011). En cas d’utilisation, il faudrait au moins
conséquent à exposer encore les agriculteurs qui sont
respecter la dose efficace et les conditions d’utilisation. Mais
faiblement protégés, et les consommateurs (du fait du non-
ne sachant ni lire, ni écrire, ni réaliser de calculs, la plupart des
respect des DAR) aux risques chimiques. Les déchets de
producteurs ne peuvent comprendre les étiquettes rédigées
pesticides qui sont abandonnés dans la nature, et l’utilisation
en français (voire en anglais pour les produits venant du
de doses souvent plus fortes que celles recommandées
Ghana), ni respecter les instructions d’usage ou même
contribuent à polluer l’environnement.
interpréter les pictogrammes de sécurité.
Pour favoriser une gestion rationnelle des pesticides et
Peu de producteurs interrogés se conforment aux règles
limiter leurs impacts sur la santé humaine et sur l’environne-
d’hygiène au cours de l’utilisation des pesticides. Ce constat
ment au Burkina Faso, plusieurs actions devraient être
rejoint celui fait par Doumbia et Kwadjo (2009) en Côte
menées :
d’Ivoire, par Tyagi et al. (2015) en Inde et par Belhadi et al.
– en premier lieu, il faudrait conduire des actions de
(2016) en Algérie. Cela explique les cas d’intoxication aiguë
formation des producteurs et des vendeurs de pesticides
rapportés par les producteurs et également exposés par d’autres
pour améliorer leur connaissance des ennemis des cultures
auteurs (Toé, 2010 ; Ahouangninou et al., 2011 ; Tarla et al.,
et des règles d’utilisation des pesticides : préciser et
2013, 2015 ; Lehmann et al., 2016b). Les effets possibles sur la
expliquer les techniques de diagnostic, les consignes de
santé sont d’autant plus préoccupants que l’on note la présence
base de sécurité et l’importance des équipements de
d’enfants et de femmes dans les parcelles où sont appliqués
protection ;
les pesticides. Diverses études ont signalé un accroissement
– en second lieu, il faudrait favoriser les contacts des
du risque de maladies ou de malformation chez l’homme, en
producteurs avec les instituts de recherche et les services
général lié aux pesticides (Multigner, 2005 ; FAO et OIT,
techniques du ministère chargé de l’agriculture, de manière
2013). Chez les femmes, les conséquences possibles d’une
à ce qu’ils puissent réagir de façon appropriée à l’apparition
exposition lors de l’utilisation des pesticides sont l’avortement
de nouveaux ravageurs, ou de nouveaux risques ;
spontané et la prématurité et la malformation des nouveau-nés
– enfin, il serait très utile de proposer des actions permettant
(Samuel et Saint-Laurent, 2001 ; Multigner, 2005).
une réduction de l’utilisation des pesticides en agriculture
Afin de protéger la santé des consommateurs, il est
par la promotion et la vulgarisation des méthodes
nécessaire de respecter les doses d’utilisation et surtout le DAR
alternatives basées sur l’utilisation de la lutte intégrée,
de chaque produit, de façon à éviter que les résidus de
même si cette voie n’est pas facile à suivre comme le
pesticides contenus dans les légumes traités ne dépassent les
montrent par exemple les difficultés d’application du plan
limites maximales en résidus. Cependant, les producteurs
Ecophyto en France (Guichard et al., 2017).
ignorent en général ce délai et arrêtent leur traitement non pas
en fonction des recommandations propres à chaque produit
phytosanitaire, mais plutôt en fonction de la présence ou Remerciements. Cette étude a été réalisée avec le soutien
non de bioagresseurs dans leur parcelle. Ce non-respect du financier de ARES-CDD (Projet PIC « Projet de renforcement
DAR a été également constaté par d’autres auteurs (Doumbia des capacités de diagnostic et de gestion intégrée des
et Kwadjo, 2009 ; Ahouangninou et al., 2011 ; Kanda et al., problèmes phytosanitaires au Burkina Faso », UCL-ULg-
2013). IDR / UPB).
L’intensification des traitements et le non-respect des doses
recommandées, additionnés à la mauvaise gestion des Références
emballages vides de pesticides (Doumbia et Kwadjo, 2009 ;
Ahouangninou et al., 2011 ; Belhadi et al., 2016), engendrent Abou-Yousef HM, Farghaly SF, Singab M, Ghoneim YF. 2010.
des effets néfastes sur l’environnement. Naré et al. (2014) ont Resistance to lambda-cyhalothrin in laboratory strain of whitefly
constaté une diminution significative de la déshydrogénase du Bemisia tabaci (Genn.) and cross-resistance to several insecticides.
sol suite à l’utilisation d’endosulfan, de deltaméthrine et de American Eurasian Journal Agriculture & Environnement
profenofos en production maraîchère au Burkina Faso. Sciences 7 (6): 693–696.
Lehmann et al. (2016a), soulignent la pollution de certains Achaleke J, Brévault T. 2009. Inheritance and stability of pyrethroid
cours d’eau du Burkina Faso par les résidus de pesticides dans resistance in the cotton bollworm Helicoverpa armigera (Lepi-
les zones maraîchères. Comme certaines retenues d’eau doptera: Noctuidae) in Central Africa. Pest Management Science
peuvent servir à l’élevage de poissons, on peut craindre un 137–141.

Page 5 de 6
D. Son et al. : Cah. Agric. 2017, 26, 25005

Agbohessi TP, Toko II, Kestemont P. 2012. État des lieux de la Lehmann E, Morgan Fargues M, Congo N, Konaté Y, De Alencastro
contamination des écosystèmes aquatiques par les pesticides LF. 2016b. Pesticide application in gardening: assessment of
organochlorés dans le Bassin cotonnier béninois. Cahiers resulting impact on water resources quality using grab samples and
Agricultures 21: 46–56. DOI:10.1684/agr.2012.0535. pocis, case study of Loumbila lake, Burkina Faso. In: 9th European
Ahouangninou C, Fayomi BE, Martin T. 2011. Évaluation des risques Conference on Pesticides and Related Organic Micropollutants in
sanitaires et environnementaux des pratiques phytosanitaires des the Environment (Santiago de Compostela).
producteurs maraîchers dans la commune rurale de Tori-Bossito Martin T, Ochou OG, Djihinto A, Traoré D, Togola M, Vassal JM,
(Sud-Bénin). Cahiers Agricultures 20 (3): 216–222. DOI:10.1684/ et al. 2005. Controlling an insecticide-resistant bollworm in
agr.2011.0485. West Africa. Short communication. Ecosystems and Environment
Belhadi A, Mehenni M, Reguieg L, Yakhlef H. 2016. Pratiques 107: 409–411. DOI:10.1016/j.agee.2004.11.006.
phytosanitaires des serristes maraîchers de trois localités de l’est Multigner L. 2005. Effets retardés des pesticides sur la santé humaine.
des Ziban et leur impact potentiel sur la santé humaine et Environnement, Risques & Santé 4 (3): 187–194.
l’environnement. Revue Agriculture 1(numéro spécial): 9–16. Naré RWA, Savadogo PW, Gnankambary Z, Nacro HB, Sedogo PM.
Cissé I, Fall ST, Badiane M, Diop Y, Diouf A. 2006. Horticulture et 2014. Effect of three pesticides on soil dehydrogenase and
usage des pesticides dans la zone des Niayes au Sénégal. Document fluorescein diacetate activities in vegetable garden in Burkina Faso.
de travail Écocité no 8. ISRA/LNERV, EISMV, LACT/Faculté de Current Research Journal of Biological Sciences 6 (2): 102–106.
médecine pharmacie/UCAD. Disponible sur www.ecocite.org, 14 p. Naré RWA, Savadogo PW, Gnankambary Z, Nacro HB, Sedogo MP.
Doumbia M, Kwadjo KE. 2009. Pratiques d’utilisation et de gestion 2015. Analyzing risks related to the use of pesticides in vegetable
des pesticides par les maraîchers en Côte d’Ivoire : cas de la ville gardens in Burkina Faso. Agriculture, Forestry and Fisheries 4(4):
d’Abidjan et deux de ses banlieues (Dabou et Anyama). Journal of 165–172. DOI:10.11648/j.aff.20150404.13.
Applied Biosciences 18: 992–1002. Ngom S, Traore S, Thiam MB, Anastasie M. 2012. Contamination des
FAO, OIT. 2013. Protégeons nos enfants des pesticides. Guide produits agricoles et de la nappe phréatique par les pesticides dans la
visuel d’animation. Disponible sur http://www.fao.org/docrep/019/ zone des Niayes au Sénégal. Rev Sci Technol, Synthèse 25: 119–130.
i3527f/i3527f.pdf. Roditakis E, Vasakis E, Grispou M., Stavrakaki M, Nauen R, Gravouil
FAOSTAT. 2016. Situation de la production de tomates au Burkina M, et al. 2015. First report of Tuta absoluta resistance to diamide
Faso. Disponible sur http://www.fao.org/faostat/fr/#data/QC. insecticides. Journal of Pest Science 88: 9–16. DOI:10.1007/
Gnankiné O, Mouton L, Savadogo A, Martin T, Sanon A, Dabire RK, s10340-015-0643-5.
et al. 2013. Biotype status and resistance to neonicotinoids and Samuel O, Saint-Laurent L. 2001. Guide de prévention pour les
carbosulfan in Bemisia tabaci (Hemiptera: Aleyrodidae) in Burkina utilisateurs de pesticides en agriculture maraîchère. Québec :
Faso, West Africa. International Journal of Pest Management 59 Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec
(2): 95–102. DOI:10.1080/09670874.2013.771806. (IRSST) Press. 92 p.
Guichard L, Dedieu F, Jeuffroy MH, Meynard JM, Reau R, Savini I. Schiffers B, Mar A. 2011. Sécurité des opérateurs et bonnes pratiques
2017. Le plan Ecophyto de réduction d’usage des pesticides en phytosanitaires. Manuel n° 4 : COLEACP/PIP Press. Bruxelles/
France : décryptage d’un échec et raisons d’espérer. Cahiers Belgique : Programme PIP/COLEACP. 246 p.
Agricultures 26(1): 14002. DOI:10.1051/cagri/2017004. Tarla DN, Meutchieye F, Assako VA, Fontem DA, Kome JJA. 2013.
Houndété TA, Kétoh GK, Hema OSA, Brévault T, Glitho IA, Martin Exposure of market gardeners during pesticide application in the
T. 2010. Insecticide resistance in field populations of Bemisia western highlands of Cameroon. Scholarly Journal of Agricultural
tabaci (Hemiptera: Aleyrodidae) in West Africa. Pest Management Science 3 (5), 172–177.
Science 66: 1181–1185. DOI:10.1002/ps.2008. Tarla DN, Manu IN, Tamedjouong ZT, Kamga A, Fontem DA. 2015.
IFDC. 2007. Problématique de l’utilisation des produits phytosani- Plight of pesticide applicators in Cameroon: case of tomato
taires en conservation des denrées alimentaires et en maraîchage (Lycopersiconesculentum Mill). Farmers in Foumbot. Journal
urbain et péri-urbain au Burkina Faso : cas de Bobo Dioulasso, of Agriculture and Environmental Sciences 4(2): 87–98. DOI:
Ouahigouya et Ouagadougou. Ouagadougou/Burkina Faso : IFDC. 10.15640/jaes.v4n2a10.
51 p. Toé AM. 2010. Étude pilote des intoxications dues aux pesticides
Kanda M, Djaneye-Boundjou G, Wala K, Gnandi K, Batawila K, agricoles au Burkina Faso. Secrétariat de la Convention de
Sanni A, et al. 2013. Application des pesticides en agriculture Rotterdam, 94 p. Disponible sur : www.pic.int/Portals/5/download.
maraîchère au Togo. VertigO  la revue électronique en sciences de aspx?d=UNEP-FAO-RC-SHPFs-PilotstudyBurkina.Fr.pdf.
l’environnement 13 (1): 1–17. Tyagi H, Gautam T, Prashar P. 2015. Survey of pesticide use patterns
Lehmann E, Oltramare C, Nfon DJJ, Konaté Y, De Alencastro LF. and farmers’ perceptions: a case study from cauliflower and tomato
2016a. Assessment of occupational exposure to pesticides with cultivating areas of district Faridabad, Haryana, India. Inter-
multi-class pesticide residues analysis in human hairs using a national Journal of MediPharm Research 01 (03): 139–146.
modified QuEChERS extraction method, case study of gardening Wognin AS, Ouffoue SK, Assemand EF, Tano K, Koffi-Nevry R.
areas in Burkina Faso. In: Annual Meeting of the International 2013. Perception des risques sanitaires dans le maraîchage à
Association of Forensic Toxicologists (TIAFT), Brisbane, Abidjan, Côte d’Ivoire. International Journal of Biological and
Australia. Chemical Sciences 7(5): 1829–1827. DOI: 10.4314/ijbcs.v7i5.4.

Citation de l’article : Son D, Somda I, Legreve A, Schiffers B. 2017. Pratiques phytosanitaires des producteurs de tomates du Burkina Faso
et risques pour la santé et l’environnement. Cah. Agric. 26: 25005.

Page 6 de 6

Vous aimerez peut-être aussi