Son CahierAgriculture 2017
Son CahierAgriculture 2017
Son CahierAgriculture 2017
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www.cahiersagricultures.fr
Résumé – Pour évaluer les pratiques phytosanitaires des maraîchers du Burkina Faso, des enquêtes ont
été réalisées en 2015 et 2016 auprès de 316 producteurs dans les zones Ouest et Nord du pays. Seuls 9 %
d’entre eux ont reçu une formation en protection des végétaux. Quatre-vingt-dix pour cent des pesticides
utilisés sont achetés sur les marchés locaux sans garantie de conformité et de qualité. La lambda-
cyhalothrine de la famille des pyréthrinoïdes est la substance active la plus utilisée. L’utilisation sur
tomate des pesticides formulés pour le coton a fortement progressé entre 2015 et 2016 (71 %). Les doses
utilisées par les producteurs sont supérieures à celles recommandées. Plus de 70 % des maraîchers
n’observent aucune mesure de protection adéquate depuis la préparation de la bouillie jusqu’à la fin des
traitements. Le respect de délais sans traitement avant récolte dépend plus de l’état sanitaire des
parcelles que des recommandations. Les contenants vides sont abandonnés sur les lieux de traitement
par 53 % des répondants. Les pratiques phytosanitaires des maraîchers du Burkina Faso sont donc
préoccupantes et potentiellement nuisibles pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, et pour
l’environnement.
Mots clés : cultures maraîchères / tomate / pesticide / pratiques phytosanitaires / risques chimiques
Abstract – Phytosanitary practices of tomato growers in Burkina Faso and risks for health and the
environment. To assess the phytosanitary practices of tomato growers in Burkina Faso, surveys were
carried out in 2015 and 2016 among 316 producers in the West and North zones of the country. Ninety
percent of pesticides used by producers are purchased in local markets without guarantee of conformity or
quality. Lambda-cyhalothrin of the pyrethroids family was the most used active substance. The use for
tomato crop of cotton pesticides increased strongly between 2015 and 2016 (þ71%). The doses used by
producers are higher than the recommended ones. More than 70% of the market gardeners do not observe
any measure of adequate protection from the preparation of the mixture until the end of the treatments.
The respect of preharvest interval depends mostly of the crop health status and does not follow the
recommendations. Empty containers of pesticides are left in fields by 53% of the farmers. These results
show that the phytosanitary practices of tomato producers are unsuitable and potentially harmful to the
health of farmers and consumers and to the environment.
Keywords: market gardening / tomato / pesticides / phytosanitary practices / chemical risks
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which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
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Fig. 1. Répartition spatiale des sept communes d’enquêtes et taux d’utilisation des pesticides adaptés au coton en maraîchage en 2015 et 2016.
Fig. 1. Spatial distribution of the seven survey communes and use of cotton pesticides in market gardening in 2015 and 2016.
Toé, 2010 ; Naré et al., 2015) ont souligné l’existence de (la proximité avec les frontières pouvant faciliter l’in-
mauvaises pratiques phytosanitaires : non-respect des doses troduction frauduleuse de pesticides non autorisés au
prescrites, non-respect des règles de protection et d’hygiène Burkina Faso). L’étude a été conduite en 2015 et 2016
conseillées lors des traitements, mauvaise gestion des pendant la grande période de production maraîchère qui va
emballages vides des pesticides. Les conséquences en sont de novembre à avril (saison sèche). Les entretiens avec les
l’intoxication des agriculteurs et des consommateurs, la producteurs ont porté sur leur niveau d’instruction, les
pollution de l’environnement et la sélection de souches de cultures pratiquées, les principaux problèmes phytosanitai-
bioagresseurs résistantes aux pesticides (Cissé et al., 2006 ; res rencontrés, les méthodes de lutte utilisées, les produits
Toé, 2010 ; Ahouangninou et al., 2011 ; Ngom et al., 2012 ; phytosanitaires utilisés, le dosage, les moyens de protection
Gnankiné et al., 2013 ; Roditakis et al., 2015 ; Lehmann et al., utilisés, la gestion des emballages et leurs connaissances du
2016a). risque chimique.
Cette étude a donc été menée auprès des producteurs de Les données collectées ont été saisies et traitées à l’aide des
tomates de l’Ouest et du Nord du Burkina Faso pour comprendre logiciels Excel et IBM SPSS.23.
les motifs qui déterminent l’emploi des produits chimiques dans
la production de tomates et évaluer les pratiques phytosanitaires 3 Résultats
de ces producteurs en termes d’impacts potentiels sur la santé
humaine et sur l’environnement. 3.1 Caractéristiques sociodémographiques
des producteurs de tomate
2 Méthodologie d’enquête Les producteurs de tomate rencontrés au cours de ces deux
années d’enquête sont en grande majorité des hommes (92 %)
L’enquête a été menée dans sept communes (Faramana, âgés de 20 à 50 ans. Soixante-douze pour cent d’entre eux
Kouka, Dano, Dissin, Diébougou, Gaoua et Ouahigouya) n’ont reçu aucune instruction et seulement 9 % ont reçu une
(Fig. 1), auprès de 316 producteurs de tomate choisis de formation en protection des végétaux (Tab. 1). Plus de 65 %
façon aléatoire sur 21 sites. Deux critères ont guidé le choix des interviewés ont déclaré n’avoir reçu aucun appui-conseil
des sites d’étude : l’importance du site dans la production de la part des agents de vulgarisation agricole dans le domaine
nationale de tomate et son emplacement géographique du maraîchage.
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Tableau 1. Statut social des producteurs de tomate au Burkina Faso Tableau 2. Types de pesticides utilisés par les producteurs de tomate
(enquête réalisée dans sept communes : Faramana, Kouka, Dano, dans sept communes du Burkina Faso (Faramana, Kouka, Dano,
Dissin, Diébougou, Gaoua et Ouahigouya) en 2015 et 2016. Dissin, Diébougou, Gaoua et Ouahigouya) en 2015 et 2016.
Table 1. Social status of tomato growers in Burkina Faso (survey Table 2. Types of pesticides used by tomato growers in seven
conducted in seven communes: Faramana, Kouka, Dano, Dissin, communes of Burkina (Faramana, Kouka, Dano, Dissin, Diébougou,
Diébougou, Gaoua and Ouahigouya) in 2015 and 2016. Gaoua and Ouahigouya) in 2015 and 2016.
3.2 Pression des bioagresseurs et des facteurs à l’aide des bouchons des emballages et cela de façon
abiotiques sur la tomate approximative, surtout en ce qui concerne les formulations en
poudre (WP) qui nécessiteraient une pesée. Par conséquent,
Les principaux ravageurs de la tomate signalés par les les dosages varient fortement d’un maraîcher à un autre,
producteurs ou constatés sur les sites d’enquête sont d’un traitement à un autre et sont dans la majorité des cas
H. armigera, T. absoluta, B. tabaci, Tetranychus urticae supérieurs à la dose recommandée sur l’étiquette. En
(Koch), Aculops lycopersici (Massee) et Meloidogyne spp. Les moyenne, 26 % des producteurs mélangent plusieurs
principales maladies sont la fusariose, l’alternariose, le préparations commerciales pour obtenir des concentrations
flétrissement bactérien, les fontes des semis et le virus qui leur conviennent. Vingt et un pour cent conservent
responsable de l’enroulement des feuilles (Tomato Yellow Leaf leurs préparations pendant plusieurs jours pour effectuer des
Curl Virus). De plus, la nécrose apicale causée, soit par une traitements successifs ; à chaque application, une petite
carence en calcium, soit par stress hydrique (mauvaise quantité de la préparation est diluée à nouveau avant de
répartition des irrigations), est fréquemment observée chez traiter. Par ailleurs, 35 % des producteurs reconditionnent
les producteurs (45 %), avec un impact sur la qualité des fruits. leurs produits dans un autre contenant (Fig. 2). Les
emballages vides sont le plus souvent abandonnés sur les
3.3 Pratiques phytosanitaires observées et risque lieux du traitement (53 %), parfois jetés, enfouis dans le sol
pour la santé et l’environnement ou brûlés à l’air libre (Fig. 3).
Les fréquences d’application varient d’un producteur à un
Pour lutter contre ces bioagresseurs, la lutte chimique au autre, mais dans la majorité des cas elles sont d’une fois par
moyen des pesticides de synthèse est la plus pratiquée par les semaine. Le nombre moyen de traitements effectués par cycle
producteurs. Ils achètent ces produits sur les marchés locaux de production de tomate est de dix.
et 90 % des pesticides utilisés sont ainsi achetés sans garantie Les équipements de protection individuelle (EPI) se
de conformité et de qualité. Les substances actives les plus limitent au port de tenues ordinaires perméables aux pesticides
utilisées (Tab. 2) au cours de ces enquêtes sont la lambda- (Fig. 4). Ces tenues sont composées d’un pantalon ou d’une
cyhalothrine (67 %), l’acétamipride (50 %) et la cypermé- culotte ordinaires et d’une chemise à manches longues ou
thrine (37 %). Parmi les familles chimiques, les plus utilisées courtes. Les principaux arguments avancés pour justifier cette
sont les pyréthrinoïdes (62,5 %) et les organophosphorés « non-protection adéquate » sont la non-disponibilité des
(37,5 %). Les biopesticides sont faiblement utilisés (5 %). EPI conformes, le coût d’achat trop élevé de ces EPI et la
Le taux d’utilisation sur culture de tomate de pesticides gêne (du fait de la chaleur) occasionnée par le port de ces
normalement réservés au coton était de 35 % en 2015 et de équipements de protection pendant l’application.
60 % en 2016, soit une progression de 71 %. Ces insecticides La plupart des producteurs rencontrés ont rapporté avoir
adaptés au coton sont plus fréquemment recensés dans les ressenti, après utilisation des pesticides, des effets des
communes de Faramana et de Kouka (Fig. 1), qui sont situées traitements sur leur santé tels que des irritations de la peau
dans les grandes zones de production cotonnière des Hauts- (26 %), des bouffées de chaleur (19 %), des écoulements du
Bassins et de la Boucle du Mouhoun. Le dosage, la nez et une toux (15 %), des affections oculaires (8 %) et des
préparation et l’application des pesticides sont réalisés soit céphalées (4 %) (Fig. 5). Pour lutter contre ces effets néfastes
par les propriétaires des parcelles (78 %), soit par leurs ou pour éviter d’éventuels effets secondaires, plus de 60 % des
enfants (7 %), soit par leurs employés (14,5 %). Les femmes interviewés déclarent boire du lait après les traitements afin de
qui réalisent des traitements phytosanitaires ne représentent se désintoxiquer.
que 0,5 % du total et principalement dans les communes de En ce qui concerne le délai d’attente avant la récolte
Faramana et de Kouka. Les doses de pesticides sont mesurées (DAR), intervalle de temps entre le dernier traitement autorisé
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2%
6%
8%
Tenue ordinaire
Conservaon, 21%
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4.2 Les risques pour la santé publique et transfert des résidus de pesticides jusqu’à l’homme par la
l’environnement chaîne alimentaire, comme cela a été observé au Bénin à
travers des tilapias dans des conditions similaires (Agbohessi
L’utilisation des pesticides nécessite un minimum de et al., 2012).
connaissances théoriques et pratiques pour écarter tout risque
sur la santé humaine et sur l’environnement (Cissé et al., 2006 ; 5 Conclusion et recommandations
Kanda et al., 2013 ; Wognin et al., 2013), alors que l’enquête
montre un faible niveau d’instruction, de formation et de
Les pesticides utilisés sont achetés dans la majorité des cas
suivi des maraîchers. Cela contribue à augmenter le risque
dans les marchés locaux sans garantie de conformité et de
d’intoxication et de pollution de l’environnement. Les
qualité. Les pyréthrinoïdes sont les plus utilisés, alors que
pesticides destinés au coton ne sont pas recommandés en
plusieurs auteurs ont souligné la résistance des ravageurs
maraîchage en raison de leur toxicité élevée, de leur forte
concernés (B. tabaci et H. armigera) à cette famille chimique.
concentration et de leur persistance sur la culture (Schiffers
Cela va contribuer à intensifier les traitements et par
et Mar, 2011). En cas d’utilisation, il faudrait au moins
conséquent à exposer encore les agriculteurs qui sont
respecter la dose efficace et les conditions d’utilisation. Mais
faiblement protégés, et les consommateurs (du fait du non-
ne sachant ni lire, ni écrire, ni réaliser de calculs, la plupart des
respect des DAR) aux risques chimiques. Les déchets de
producteurs ne peuvent comprendre les étiquettes rédigées
pesticides qui sont abandonnés dans la nature, et l’utilisation
en français (voire en anglais pour les produits venant du
de doses souvent plus fortes que celles recommandées
Ghana), ni respecter les instructions d’usage ou même
contribuent à polluer l’environnement.
interpréter les pictogrammes de sécurité.
Pour favoriser une gestion rationnelle des pesticides et
Peu de producteurs interrogés se conforment aux règles
limiter leurs impacts sur la santé humaine et sur l’environne-
d’hygiène au cours de l’utilisation des pesticides. Ce constat
ment au Burkina Faso, plusieurs actions devraient être
rejoint celui fait par Doumbia et Kwadjo (2009) en Côte
menées :
d’Ivoire, par Tyagi et al. (2015) en Inde et par Belhadi et al.
– en premier lieu, il faudrait conduire des actions de
(2016) en Algérie. Cela explique les cas d’intoxication aiguë
formation des producteurs et des vendeurs de pesticides
rapportés par les producteurs et également exposés par d’autres
pour améliorer leur connaissance des ennemis des cultures
auteurs (Toé, 2010 ; Ahouangninou et al., 2011 ; Tarla et al.,
et des règles d’utilisation des pesticides : préciser et
2013, 2015 ; Lehmann et al., 2016b). Les effets possibles sur la
expliquer les techniques de diagnostic, les consignes de
santé sont d’autant plus préoccupants que l’on note la présence
base de sécurité et l’importance des équipements de
d’enfants et de femmes dans les parcelles où sont appliqués
protection ;
les pesticides. Diverses études ont signalé un accroissement
– en second lieu, il faudrait favoriser les contacts des
du risque de maladies ou de malformation chez l’homme, en
producteurs avec les instituts de recherche et les services
général lié aux pesticides (Multigner, 2005 ; FAO et OIT,
techniques du ministère chargé de l’agriculture, de manière
2013). Chez les femmes, les conséquences possibles d’une
à ce qu’ils puissent réagir de façon appropriée à l’apparition
exposition lors de l’utilisation des pesticides sont l’avortement
de nouveaux ravageurs, ou de nouveaux risques ;
spontané et la prématurité et la malformation des nouveau-nés
– enfin, il serait très utile de proposer des actions permettant
(Samuel et Saint-Laurent, 2001 ; Multigner, 2005).
une réduction de l’utilisation des pesticides en agriculture
Afin de protéger la santé des consommateurs, il est
par la promotion et la vulgarisation des méthodes
nécessaire de respecter les doses d’utilisation et surtout le DAR
alternatives basées sur l’utilisation de la lutte intégrée,
de chaque produit, de façon à éviter que les résidus de
même si cette voie n’est pas facile à suivre comme le
pesticides contenus dans les légumes traités ne dépassent les
montrent par exemple les difficultés d’application du plan
limites maximales en résidus. Cependant, les producteurs
Ecophyto en France (Guichard et al., 2017).
ignorent en général ce délai et arrêtent leur traitement non pas
en fonction des recommandations propres à chaque produit
phytosanitaire, mais plutôt en fonction de la présence ou Remerciements. Cette étude a été réalisée avec le soutien
non de bioagresseurs dans leur parcelle. Ce non-respect du financier de ARES-CDD (Projet PIC « Projet de renforcement
DAR a été également constaté par d’autres auteurs (Doumbia des capacités de diagnostic et de gestion intégrée des
et Kwadjo, 2009 ; Ahouangninou et al., 2011 ; Kanda et al., problèmes phytosanitaires au Burkina Faso », UCL-ULg-
2013). IDR / UPB).
L’intensification des traitements et le non-respect des doses
recommandées, additionnés à la mauvaise gestion des Références
emballages vides de pesticides (Doumbia et Kwadjo, 2009 ;
Ahouangninou et al., 2011 ; Belhadi et al., 2016), engendrent Abou-Yousef HM, Farghaly SF, Singab M, Ghoneim YF. 2010.
des effets néfastes sur l’environnement. Naré et al. (2014) ont Resistance to lambda-cyhalothrin in laboratory strain of whitefly
constaté une diminution significative de la déshydrogénase du Bemisia tabaci (Genn.) and cross-resistance to several insecticides.
sol suite à l’utilisation d’endosulfan, de deltaméthrine et de American Eurasian Journal Agriculture & Environnement
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les zones maraîchères. Comme certaines retenues d’eau doptera: Noctuidae) in Central Africa. Pest Management Science
peuvent servir à l’élevage de poissons, on peut craindre un 137–141.
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Citation de l’article : Son D, Somda I, Legreve A, Schiffers B. 2017. Pratiques phytosanitaires des producteurs de tomates du Burkina Faso
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