La Gouvernabilité Des EP Au Bénin DR Yasso

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: La gouvernabilité des entreprises publiques du Bénin

Désiré Yasso

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Désiré Yasso. : La gouvernabilité des entreprises publiques du Bénin. 2012. �halshs-01557226�

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GROUPE INTERDISCIPLINAIRE DE RECHERCHES SUR LES ORGANISATIONS
(GIRO)

Document de travail

Titre du document: La gouvernabilité des entreprises publiques


du Bénin

Auteur : YASSO Désiré, Docteur en Management, Spécialité Gouvernance des Entreprises


Contact : [email protected]
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Réflexion sur la Gouvernabilité des entreprises publiques au Bénin

La justification de notre réflexion réside dans notre volonté de contribuer à la


compréhension d’un certain nombre d’aspects relatifs au management public dans notre pays.
La crise économique et financière internationale qui secoue le monde actuel galvanise la
problématique de la gouvernance dans la sphère privée mais aussi et surtout dans la sphère
publique. Les entreprises publiques notamment celles du secteur maritime dans le cas du
Bénin se trouvent être directement tenaillées entre les exigences de gouvernance privée et
celles relatives à leur appartenance au secteur public, véritable bastion de la bureaucratie et
donc de la lenteur et de la lourdeur administratives. Il devient alors indispensable que les
béninois sachent les fondamentaux de la conduite des affaires dans de telles organisations.
C’est l’objet de cette réflexion qui voudrait faire un point sur la gouvernance actuelle des
entreprises publiques et lancer les jalons d’une réflexion approfondie sur les grandes
questions que pose le management public à l’ère de la « bonne gouvernance ».
Notre réflexion prend ses racines dans les tentatives de réponses apportées à la
question: « Qui gère les entreprises publiques en République du Bénin ? ». Les réponses
possibles à cette question orientent le citoyen « ordinaire» sur la répartition des
responsabilités en cas de « mal gouvernance ».
Il est important pour une compréhension de notre réflexion, de présenter les organes
de gouvernance des entreprises publiques du Bénin. Les entreprises publiques sont régies par
la Loi N°88-005 du 26 Avril 1988 portant création, fonctionnement et organisation des
entreprises publiques et semi-publiques, sociétés et offices d’Etat en République du Bénin.
Comme vous le constater, c’est un cadre institutionnel datant de la fin de la période
révolutionnaire et donc à la veille de l’ère démocratique. Vous comprendrez par là que des
dispositions juridiques nées d’un sang de gouvernance caractéristique de l’idéologie
« marxiste léniniste » se doit déjà d’être actualisée si l’on veut répondre aux exigences de la
« bonne gouvernance ». En effet, le concept de « bonne gouvernance » puise ses sources
essentiellement des organisations internationales de développement (Banque Mondiale, FMI,
ONU, EU, etc.). La notion fut son entrée dans l’arène des politiques de développement vers la
fin des années 1980. Même si la notion de « bonne gouvernance » est relative à la qualité de
la gouvernance, notion tant développée dans le milieu intellectuel et universitaire, ce concept
reste très peu exploré par les théories des organisations, et il semble idéal pour répondre à une
double ambition. D’une part, la « bonne gouvernance » apparaissait comme une réponse
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adaptée à la gestion des Etats démocratiques, qui devenaient de plus en plus inadaptés à la
gouvernance traditionnelle. Cette nécessité de changer les pratiques est également partagée
par le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, quand il affirme que « la souveraineté
étatique, dans son sens le plus fondamental, est en pleine redéfinition […]. Les États sont
maintenant largement considérés comme des instruments au service de leur peuple et non
l’inverse. Au même moment, la souveraineté de l’individu […] est renforcée par une
conscience renouvelée et en pleine diffusion des droits individuels ». La notion acquiert une
légitimité au près de presque toutes les organisations internationales de développement
comme en témoigne leur conception de la notion. Ainsi, affirmait le Secrétaire Général des
Nations Unies au quatrième Forum pour le développement de l’Afrique «La bonne
gouvernance et le développement durable sont indivisibles. De l’Amérique latine à l’Asie, en
passant par l’Afrique, tous nos efforts, toutes nos expériences le montrent. Sans bonne
gouvernance, sans état de droit, sans administration prévisible, sans pouvoir légitime et sans
une réglementation adaptée, les financements et les dons les plus abondants ne sauraient
assurer la prospérité.». La vision est partagée par les institutions de Breton Woods
(notamment la Banque Mondiale, et le FMI) qui lui confèrent toute sa légitimité, l’intégrant
dans les conditions de financement du développement dans les Etats parties. En effet, pour les
institutions de Bretton Woods, la bonne gouvernance, c’est la bonne gestion économique (la
bonne application des programmes d’ajustement structurel, l’assainissement du cadre macro-
économique, la restauration des grands équilibres financiers, etc.). Ainsi, à la fin des années
1980, la Banque mondiale a établi un lien entre la qualité du système de gouvernance d’un
pays et sa capacité à promouvoir un développement économique et social durable. Selon la
Banque mondiale, la gouvernance inclut tout à la fois le type de régime politique, le processus
par lequel le pouvoir s’exerce dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un
pays en vue de son développement et la capacité des gouvernements à concevoir, formuler et
mettre en œuvre des politiques et à s’acquitter de leurs fonctions (Banque mondiale 1991,
1992, 1994 ; Banque mondiale 2000a). Il est donc question pour ces institutions de : la
transparence, l’éthique et le respect de la déontologie dans la conduite des affaires ;
l’indépendance et la crédibilité des juges et des tribunaux ; des élections libres,
transparentes, organisées par une commission électorale indépendante ; la décentralisation
; le renforcement des contre-pouvoirs (opposition, presse, société civile, etc.). La
Commission Economique pour l’Afrique (CEA) des Nations Unies stipule que « …la bonne
gouvernance commence à signifier l'exercice de l'autorité légitime de l'État ancré sur le
consentement des gouvernés et la participation active des citoyens aux affaires publiques.
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Une condition essentielle pour l'exercice légitime de l'autorité étatique et d'une harmonie qui
nourrit relations Etat-société est la fourniture efficace et efficiente des services publics. »
La Commission européenne quant à elle estime « qu’une démocratie effective et une
bonne gouvernance à tous les niveaux sont essentielles pour prévenir les conflits, promouvoir
la stabilité, favoriser le progrès économique et social, et partant la création de communautés
durables, lieux de vie et de travail pour aujourd’hui et pour l’avenir» sans toute fois donner
une définition précise du concept de bonne gouvernance.
L’UA à travers la charte africaine de bonne gouvernance dispose que : « les Etats parties
institutionnalisent la bonne gouvernance économique et des entreprises grâce, entre autres, à :
« 1.La gestion efficace et efficiente du secteur public 2. La promotion de la transparence dans
la gestion des finances publiques. 3. La prévention et la lutte contre la corruption et les
infractions connexes. 4. La gestion efficace de la dette publique. 5. L’utilisation judicieuse et
durable des ressources publiques. 6. La répartition équitable de la richesse nationale et des
ressources naturelles. 7. La réduction de la pauvreté. 8. La mise au point d’un cadre législatif
et réglementaire efficace en appui au développement du secteur privé. 9. La création d’un
environnement propice à l’afflux de capitaux étrangers. 10. L’élaboration de politiques
fiscales qui encouragent les investissements. 11. La prévention et la lutte contre la
criminalité. 12. L’élaboration, l’exécution et la promotion de stratégies de développement
économique, y compris les partenariats entre les secteurs privé et public. 13. La mise en place
de systèmes fiscaux efficaces basés sur la transparence et l’obligation de rendre compte ».
Cette vision est reprise par le NEPAD en ces termes : « La bonne gouvernance présente huit
(08) caractéristiques majeures. Elle repose sur la participation, recherche le consensus et se
montre responsable, transparente, réactive, efficace, équitable, inclusive et respecte la force
de la loi. Elle veille à ce que la corruption soit minimisée, les vues des minorités prises en
compte et les voies des membres les plus vulnérables de la société entendues lors des prises
de décision. De même, elle doit répondre aux besoins actuels et futurs de la société.». La
Banque Africaine de Développement quant à elle définit la gouvernance comme étant la
« manière dont le pouvoir est exercé eu égard à la gestion des affaires publiques d’un pays ».
En sommes, aussi bien pour les partenaires au développement ( l’ONU, les institutions
de Breton Woods, UE, etc.) comme pour les autres bailleurs de fonds bilatéraux ou
multilatéraux et les organisations de coopérations régionales et internationales, les pratiques
de bonne gouvernance visent à créer des Etats capables et efficaces mais aussi et surtout un
environnement propice dans lequel les secteurs public et privé jouent leurs rôles respectifs
d’une manière mutuellement bénéfique en vue de réduire la pauvreté et d’assurer une
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croissance et un développement durables. Ce point conceptuel était nécessaire dans la mesure


où la notion de gouvernance est portée d’abord au niveau des Etats. Et comme les entreprises
publiques au Bénin sont directement rattachées au Ministère et donc intégrées à
l’organigramme des ministères de tutelle, la question de leur gouvernance se pose
inévitablement. C’est pour éclairer cela que nous nous appuyons sur les organes de
gouvernance de trois entreprises publiques (Le Port, La SOBEMAP et la COBENAM). Cette
étude nous a conduits à observer que ces entreprises sont gouvernées par le Gouvernement
(par le truchement du ministre de tutelle), un Conseil d’Administration et une Direction
Générale, donc trois niveaux de gouvernance. Ces trois niveaux de gouvernance laissent
entrevoir les entreprises publiques entre le marteau et l’enclume. D’une part l’administration
(ministère) et d’autre part des organes répondant aux exigences de gouvernance privée (le
conseil d’administration et la direction générale). Alors se pose la question du rôle effectif de
ces organes. Lequel des organes de gouvernance cités est tributaire de responsabilités
effectives dans la gestion de ces entreprises ? Autrement dit, qui sanctionner en cas de mal
gouvernance ? Est-ce le Ministre ? Est-ce le Président du Conseil d’Administration ou les
Administrateurs? Est-ce le Directeur Général ? Une revue des différents gouvernements
depuis 1990 montre qu’à aucun moment presque, aucun Ministre n’a été relevé de ses
fonctions pour mal gouvernance d’une entreprise publique, du moins en notre connaissance. Il
en est de même pour les administrateurs et donc du Président du conseil d’administration qui
est généralement le Ministre ou son représentant. Par ailleurs, il est connu de tous les citoyens
béninois que les DG sont sanctionnés quand il y a mauvaise gestion. A titre illustratif, le Port
Autonome de Cotonou enregistre vingt-trois (23) DG en moins de cinquante ans d’existence
soit en moyenne 01 DG tous les 02 ANS. Pour être récent, l’entreprise a enregistré en
moyenne 1 DG chaque année depuis 2006. Il est alors juste de s’interroger sur la
gouvernabilité des entreprises publiques au Bénin. Peut-on bien gouverner si l’on est nommé
sachant que ses jours sont comptés ? Une telle réflexion mérite d’être approfondie.
La gouvernance des entreprises publiques : un idéal-type ?

De la présentation des organes de gouvernance ci-dessus effectuée, nous pouvons


constater que les entreprises publiques concernées sont gouvernées par un « idéal-type »,
institué par leur acte de naissance même en l’occurrence la loi qui définit le cadre de leur
existence juridique, c’est-à-dire un Conseil d’Administration (gouvernance ?) présidé par le
Ministre de tutelle lui-même ou son représentant et un comité de direction (gouvernement ?).
Cette configuration des organes de gouvernance vient aussi justifier le statut public de ces
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entreprises, chacune d’elle étant rattachée à un ministère public. Mais il nous parait important
de souligner l’influence du conseil des Ministres sur la gouvernance de ces entreprises à
l’image des Assemblées Générales des Actionnaires dans les entreprises privées.
S’il est vrai que cette organisation n’a connu aucune évolution depuis la libéralisation
de l’économie béninoise et la création de ces entreprises, il n’est pas aisé de comprendre que,
en dépit de tant de malversations décriées çà et là par le peuple, par l’entremise des
organisations de la société civile, mais aussi la reconnaissance de la mauvaise gestion par le
gouvernement et les dirigeants de ces entreprises, aucune réflexion n’ait pu être effectuée sur
la gouvernance de ces entreprises. Il nous parait indispensable, dans le souci d’aligner les
actions et les institutions avec le discours politique de la « bonne gouvernance », de repenser
la gouvernance au travers d’un examen profond au sommet de l’Etat, en collaboration avec
des experts, « tiers » indépendants, à même de proposer, en toute impartialité, des éléments de
gouvernance moderne des entreprises, dans une réelle intégration du contexte socioculturel et
politique du Bénin. L’analyse des organigrammes permet de constater que, suivant la taille de
l’entreprise, les fonctions supports prennent de plus en plus d’importance.

Au-delà du Conseil d’Administration, le Conseil des Ministres


Le rattachement des entreprises à un ministère justifie le caractère public, expression de la
détention par l’Etat de la majorité du capital des sociétés en question. Bien que des organes de
gouvernance tels le Conseil d’Administration et le Comité de Direction soient mis en place, le
conseil des ministres joue un rôle de premier ordre dans la prise de décisions importantes. En
effet, le Conseil des ministres représente pour les entreprises publiques, ce que représente
l’Assemblée Générale des actionnaires dans le secteur privé. C’est donc l’organe de
gouvernance le plus influent dans le gouvernement des entreprises publiques ou semi-
publiques à participation majoritaire de l’Etat béninois. Présidé par le Président de la
République lui-même conformément à la Constitution béninoise et le type de régime politique
(Présidentiel) ainsi que la loi sur le statut des entreprises publiques, le Conseil des ministres a
pouvoir de nommer et de révoquer les dirigeants des entreprises publiques. Cette prérogative
pose la question de la désignation des dirigeants quand on sait les conséquences de
l’alternance au pouvoir. Rappelons que le Bénin fait partie des rares Etats Africains où
l’alternance se déroule sans troubles majeures et à la fréquence prévue par le législateur, donc
un environnement démocratique ou du moins quant à la gestion du pouvoir politique. Les
élections se déroulent jusque là suivant les échéances prévues par le législateur. Cette
alternance rime avec les bouleversements inhérents aux changements de « mains », « le
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pouvoir étant ce qu’il est ». D’une part, un dirigeant politique une fois à la tête de l’Etat a
tendance ou dans le contexte béninois, est souvent amené à faire remplacer les responsables
de toute les entités sous contrôle de l’Etat afin de positionner les siens, et ce dans le but
récompenser les amis politiques, d’accroitre sa popularité, de conserver le pouvoir. Ce qui
pourrait être assimilé à la notion de « stratégie d’enracinement des dirigeants » dans le cas de
la « corporate governance » mais appliquée à la sphère politique. L’illustration de ce
phénomène au Bénin trouve des exemples dans les célébrations organisées par les cadres
nommés pour remercier le Chef de l’Etat pour la confiance qu’il place en eux. Si tant est qu’il
mesure la réelle responsabilité, ils s’intéresseraient plutôt à l’énormité des tâches qui leur sont
confiées, leur capacité à être à la hauteur des attentes ; mais comme lesdites attentes ne sont
que d’ordre politique, alors ils ne se soucient guère de leur capacité managériale mais de leur
capacité de mobilisation des honnêtes populations en quête de « pain du jour ». Des marches
organisées pour remercier un Gouvernement pour la nomination d’un cadre comme directeur
général d’une société peuvent sembler ridicules sous d’autres cieux et c’est de la même
manière que relever de ses fonctions un cadre ne pause aucun souci au Gouvernement qui
dispose de tous les éléments de preuve d’incompétence des cadres qu’il a lui-même nommés.
Ceci met en exergue la responsabilité accrue des dirigeants politiques dans les difficultés de
mises en œuvre de la « bonne gouvernance ».
Comme l’organisation structurelle formelle décrite présente le Conseil des Ministres comme
organe de gouvernance, il est même le plus important niveau de décision et donc le maillon
fort de la gouvernance de ces entreprises. Le budget, les orientations stratégiques, les rapports
de gestion et les états financiers étant soumis à l’approbation de ce conseil qui décide ou pas
d’autoriser leur mise en œuvre.
En sommes, ces trois organes des entreprises publiques ainsi identifiés constituent la
gouvernance de celles-ci à des degrés variables d’influence ; les décisions d’envergure étant
du ressort du Gouvernement et les dirigeants constamment sous influence politique de celui-
ci. L’ossature de la gouvernance des entreprises publiques, la question de la responsabilité des
organes de gouvernance au Bénin posent donc la problématique de la gouvernabilité des
entreprises publiques dans un monde en crise où des exigences de bonne gouvernance
viennent bouleverser les habitudes et donc suscitent une réflexion plus accentuée sur la
gouvernance effective des entreprises publiques notamment celles du secteur maritime au
Bénin.

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