De La Gestion de Classe À L'organisation Du Travail Dans Un Cycle D'apprentissage
De La Gestion de Classe À L'organisation Du Travail Dans Un Cycle D'apprentissage
De La Gestion de Classe À L'organisation Du Travail Dans Un Cycle D'apprentissage
2022 04:14
ISSN
0318-479X (imprimé)
1705-0065 (numérique)
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Philippe Perrenoud
Professeur
Université de Genève
Résumé - Cet article porte sur la description des pratiques très courantes de
gestion de classe et sur la nécessité d'y former les enseignants. La réflexion se
déroule en quatre temps. L'auteur analyse les compétences que met en jeu la
gestion de classe; il définit ce qu'on entend par cycle d'apprentissage pluri-
annuel comme un espace-temps de formation regroupant un grand nombre
d'élèves, collectivement confiés à une équipe pédagogique; il identifie des
problèmes nouveaux que rencontre une telle équipe lorsqu'elle tente d'orga-
niser le travail dans un cycle; il examine de près un des modes d'organisation
du travail dans un cycle d'apprentissage lié à une architecture modulaire du
curriculum. Le texte prend fin sur un inventaire des compétences individuelles
et collectives requises des enseignants en matière de gestion d'espace-temps
de formation, en termes d'ergonomie cognitive.
Introduction
Certes, on tend de nos jours, du moins dans les discours, à favoriser une forte
implication des enseignants dans la gestion globale d'un établissement, donc à par-
tager avec eux une partie du pouvoir organisateur global. Ce n'est pas de ce partage
qu'il s'agit ici, mais de la dévolution aux seuls professionnels de décisions de gestion
curriculaire prises jusqu'alors au niveau de l'établissement ou d'une organisation
encore plus distante des interactions didactiques. Alors que les enseignants n'avaient
d'autonomie gestionnaire que dans l'enceinte de leur propre classe, le système édu-
catif leur confie progressivement le soin d'organiser le travail à une échelle plus vaste,
les autorise et les oblige à la fois à décider collectivement d'une organisation du
travail qui dépasse leur propre classe, notamment dans le domaine du groupement
des élèves et de la structuration pluriannuelle du curriculum. Du même coup, ils
sont invités ou incités à mettre en commun leurs sphères respectives d'autonomie
professionnelle. À la limite, ils n'ont plus leur propre classe, ils deviennent cores-
ponsables d'un plus grand ensemble d'élèves.
Cette gestion collective s'inscrit parfois dans le cadre d'une équipe pédagogique
clairement constituée. À défaut, elle passe par des modalités coopératives plus infor-
melles et sporadiques. Dans tous les cas, il y a élargissement de la sphère des décisions
de gestion déléguées aux enseignants. Certains le vivent comme une conquête, d'autres
comme un cadeau empoisonné. L'autonomie au travail ne résulte en effet pas tou-
jours d'une lutte, elle peut être imposée par l'organisation (Chatzis, Mounier, Veltz
et Zarifîan, 1999; Tardif et Lessard, 1999; Perrenoud, 1999c, à paraître). Cette
évolution, qui prépare la création de cycles d'apprentissage et l'émergence d'une
responsabilité collective (Perrenoud, 1999b), ne va pas sans déchirements ni conflits.
L'enjeu est pour les uns de se dessaisir d'une partie du pouvoir organisateur, pour les
autres - les enseignants - d'en assumer collectivement une plus grande part.
gestion de classe. Non qu'il soit inutile d'analyser les pratiques de gestion de classe.
Elles font partie d'un champ plus général, au titre de cas à la fois particulier et
pour l'instant statistiquement majoritaire, car le mouvement vers de nouveaux
espaces-temps de formation, notamment les cycles d'apprentissage pluriannuels,
reste lent et incertain. Les systèmes éducatifs qui ont récemment instauré des cycles
d'apprentissage, par exemple la France, la Belgique, le Québec, ne font qu'amorcer
une rupture avec les programmes annuels et les groupes classe traditionnels. Il reste
donc nécessaire de décrire et d'expliquer des pratiques de gestion de classe encore très
courantes et sans doute d'y former les nouveaux enseignants, puisque aujourd'hui
encore, un débutant risque fort de se retrouver seul à la tête d'une classe.
Cet article s'articulera dès lors en trois parties, suivies d'une conclusion. Dans
un premier temps, on tentera de conceptualiser la gestion de classe en s'inspirant de
l'ergonomie et de la psychosociologie des organisations et du travail (Alter, 1990;
Amblard, Bernoux, Herreros et Livian, 1996; Amadieu, 1993; Chatzis étal, 1999;
Clot, 1995, Durand, 1996; deTerrsac, 1992; Tardif et Lessard, 1999), donc en se
détachant des perspectives didactiques, pédagogiques ou psychodynamiques qui
dominent en sciences de l'éducation, aussi bien que des perspectives fonctionnelles,
prescriptives ou pragmatiques familières aux enseignants et à leurs formateurs.
Dans un second temps, on définira plus précisément un cycle d'apprentissage
pluriannuel conçu comme un espace-temps de formation regroupant un nombre
relativement important d'élèves, collectivement confiés à une équipe pédagogique
durant plusieurs années. Dans un troisième temps, on s'efforcera d'identifier les
De la gestion de classe à l'organisation du travail... 539
Lorsqu'on dit gestion de classe, tout le monde voit à peu près ce dont on parle.
Mais si l'on demande une définition précise, on se rend compte que l'expression
permet de désigner commodément tout ce qui ne relève pas d'une discipline et de
la didactique correspondante. Elle fonctionne comme un fourre-tout, un reste, un
ensemble faiblement analysé.
«faire la classe» (Nault, 1998; Rey, 1998) consiste à concevoir et à proposer des
situations d'enseignement-apprentissage qui s'articulent, s'enchaînent les unes aux
autres, dans le cadre de séquences didactiques brèves ou de dispositifs didactiques
plus étendus dans le temps, par exemple une correspondance scolaire, l'engagement
régulier dans des jeux de stratégie, la préparation d'un spectacle, une recherche ou
toute autre activité cadre.
O n peut aussi, d'un point de vue plus global, construire la notion de gestion
de classe à partir de la nécessité, dans le système éducatif, d'une délégation d'une
partie de l'administration des choses et des personnes. Pour scolariser des milliers
d'élèves, il faut les répartir en degrés, filières, bâtiments et en fin de compte en
classes ou autres groupements s'acquittant de la même fonction. Un tel système
organise les conditions de la rencontre entre des enseignants et des élèves autour
d'un programme et compte sur eux pour faire le reste. Dans le cadre tracé, à eux
de jouer, sous la responsabilité de l'enseignant et en respectant des règles du jeu
qui s'imposent à toutes les classes comparables. La gestion de classe est alors, en
quelque sorte, ce qui reste à gérer, au niveau de l'enseignant, une fois que l'admi-
nistration scolaire a délimité des espaces-temps de formation et leur a attribué des
ressources matérielles et humaines, des objectifs, des normes et des garants de l'ordre
prescrit, par exemple des moyens d'enseignement fortement recommandés ou un
système de sanctions externes à la classe qui soutiennent l'autorité des enseignants.
On peut tenter d'articuler ces deux points de vue en liant fortement la gestion
d'un espace-temps de formation à la notion d'organisation du travail.
d'organisation? Il demeure que le concept est pris très souvent dans le sens banal
d'un ensemble de règles qui «organisent» la vie en communauté. La notion d'organi-
sation du travail est plus spécifique, car elle se réfère non seulement à la coexistence,
mais à la coopération structurée d'acteurs ou d'agents dans une activité productive.
Certes, la production issue du travail scolaire est d'un genre particulier, et la pro-
ductivité de ce travail est faible, même dans l'école la plus efficace du monde. La
tension entre vivre et préparer à la vie traverse d'ailleurs les pratiques et les débats
autour de l'école. Il reste qu'on ne peut comprendre la gestion de classe sans
référence aux objectifs visés par le travail. L'enjeu n'est pas seulement de maintenir
l'ordre et la paix, donc d'assurer une forme de régulation de la coexistence. Le rôle du
maître est de faire travailler les élèves pour les faire apprendre. Il joue le rôle d'un
contremaître, chargé de mettre ses ouvriers à la tâche, puis invité à rendre compte
des résultats. Il n'en découle pas que le souci de la production d'apprentissages soit
la seule logique d'action à l'œuvre dans une classe...
Dans un hôpital, c'est entre patients et soignants que se joue l'essentiel, mais
ici encore, les soins infirmiers ou les interventions médicales ne sont possibles que
parce que l'organisation du travail en crée les conditions.
Ces conditions diffèrent bien sûr d'un secteur à un autre, mais elles ont partout
la même fonction : permettre aux gens qui doivent travailler ensemble ou en inter-
dépendance de le faire dans des conditions optimales ou au moins acceptables.
Ces conditions sont pour une part économiques et matérielles, mais d'autres,
moins visibles, sont tout aussi importantes :
- un ensemble de règles et de contrats qui fixent les droits et les devoirs des uns
et des autres;
- un ensemble de représentations et de savoirs qui permettent aux acteurs d'ad-
hérer aux règles, aux objectifs, aux méthodes;
- une division du travail et une définition des tâches qui assignent à chacun un
statut et un rôle définis;
De la gestion de classe à l'organisation du travail... 543
La part de ce qui est décidable par les enseignants, seuls ou en équipe, varie
selon les systèmes, les ordres d'enseignement, les politiques d'établissements. Aujour-
d'hui, presque partout, les enseignants bénéficient de marges croissantes de liberté
dans le champ des programmes, de l'évaluation certificative, de l'usage des moyens
d'enseignement, du temps à accorder aux divers contenus, de la progression au
cours de l'année scolaire, des démarches didactiques. L'institution prescrit de plus
en plus faiblement, même au primaire, les méthodes, l'ordre des activités, la grille
horaire, l'aménagement de l'espace, la nature des tâches et des groupements d'élèves,
la présence et le type de différenciation ou d'évaluation formative, le rapport entre
enseignants et apprenants, le contrat pédagogique et didactique. La réforme portu-
gaise en cours dans l'enseignement fondamental appelle ouvertement à une gestion
flexible du curriculum. Selon d'autres modalités et dans un autre langage, le Québec,
la France, la Pologne, le Portugal et d'autres pays remettent aux établissements des
pouvoirs curriculaires plus étendus. L'évolution de l'évaluation vers des démarches
plus formatives affaiblit la normalisation des examens et des procédures. Le travail
et les responsabilités de gestion des enseignants vont donc en s'accroissant, à la
mesure de l'autonomie concédée ou imposée aux professionnels ou aux établisse-
ments (Perrenoud, 1999r).
aujourd'hui et des manières dont les inspirent ou les contrôlent les systèmes éducatifs
et les cultures professionnelles. À l'époque contemporaine, on peut observer à l'inté-
rieur d'un même système trois axes de différenciation : le partage du pouvoir avec
les élèves, la conception dominante de la pédagogie et l'étendue des décloisonne-
ments.
Tableau 1
Deux axes pour situer les modes de gestion de classe
Décisions et règles
Pédagogie Faiblement négociées Fortement négociées
Plutôt Alternance réglée et imposée Activités classiques, dont le
traditionnelle de cours et d'exercices. contenu, la durée, les
consignes, le niveau
d'exigence font l'objet de
discussion.
Plutôt «écoles Pédagogie du projet mené Pédagogie coopérative ou
nouvelles» par un enseignant «institutionnelle».
autoritaire, mais souvent
charismatique.
O n l'imagine bien, ces trois axes ne sont pas indépendants. Les pédagogies
traditionnelles et peu négociées sont en général à l'aise dans une classe fermée, alors
que les pédagogies nouvelles et coopératives préfèrent les espaces-temps de formation
plus ouverts et plus vastes, tels les cycles d'apprentissage pluriannuels. Ce ne sont
toutefois que des tendances. La prise en compte des cas atypiques peut éclairer et
enrichir la conceptualisation de la gestion des espaces-temps de formation. Elle
permet également de mieux penser les voies de transition d'un modèle à un autre.
La question cruciale n'est pas en effet de classer, mais de comprendre comment des
enseignants peuvent abandonner une organisation du travail pour en construire
graduellement une autre.
Dans tous les systèmes éducatifs, le cursus scolaire se présente comme une
succession de plusieurs cycles d'études de deux à quatre ans chacun. Un cycle
d'études se caractérise par une certaine unité de conception des programmes et par
une certaine homogénéité des charges, de la formation et du statut des ensei-
gnants. Mais il reste, en général, fractionné en étapes annuelles, chacune comportant
son propre programme. À la fin d'une année scolaire, les élèves qui ont atteint un
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certain seuil de maîtrise progressent dans le cursus et passent au niveau (ou degré),
où ils sont pris en charge par d'autres professeurs. Les autres redoublent ou sont
orientés vers des filières moins exigeantes.
On peut aussi, et c'est l'option que nous prenons ici, considérer qu'un cycle
d'apprentissage est une forme d'affaiblissement, voire de total effacement des étapes
annuelles au sein d'un cycle d'études. Cet effacement peut prendre des formes
douces, notamment lorsqu'on interdit le redoublement au cours du cycle d'études
ou qu'on le cantonne à la dernière année. Le cycle central du collège, en France,
comme les cycles introduits dans l'enseignement secondaire en Belgique francophone
sont de cette nature. Du simple fait qu'il abaisse les taux de redoublement, le chan-
gement n'est pas négligeable. Il accroît l'hétérogénéité des élèves passant aux degrés
suivants, au grand dam des professeurs et des parents qui craignent une baisse du
niveau. Cela peut avoir certaines incidences sur la gestion de classe, dans des sens
contradictoires : au début d'une année scolaire, le professeur accueille un groupe plus
hétérogène, mais en contrepartie, il n'a pas à repérer d'emblée les élèves condamnés
à redoubler et peut prendre un pari positif sur la continuité des apprentissages, ce
qui le dispense par exemple de faire le forcing et d'encourager le bachotage.
Cependant, chacun reste alors enfermé dans son année et sa classe, voire dans
sa discipline. L'espace-temps de formation n'a pas changé, quand bien même ses
relations aux espaces-temps précédents et suivants modifient un peu son public et
ses exigences. Pour aller vers un véritable cycle d'apprentissage, il faut faire un pas
de plus : renoncer aux programmes annuels, pour définir des objectifs de fin de cycle
valables pour plusieurs années.
Une autre façon prudente d'organiser des cycles est de maintenir le principe
d'un passage des élèves d'un enseignant à un autre en fin d'année scolaire, mais sans
redoublement et en invitant les enseignants à travailler en équipe, de sorte à accroître
la continuité des prises en charge. C'est le modèle de l'enseignement primaire
français depuis la loi de 1989, avec des mises en œuvre très diverses, allant du respect
presque intégral des niveaux annuels (sans redoublement officiel) à un véritable
travail d'équipe poursuivant des objectifs de fin de cycle.
Pour aller plus loin, il faut accepter de se détacher encore plus fortement des
étapes annuelles. Certes, l'année scolaire continuera à rythmer le temps scolaire.
Il est donc assez normal qu'un enseignant se fixe des objectifs de fin d'année et
fasse un bilan juste avant les grandes vacances ou au début de l'année scolaire
suivante. Toutefois, on doit concevoir des cycles pluriannuels auxquels l'institution
n'assignerait que des objectifs de fin de cycle, leur structuration en étapes inter-
médiaires (trimestrielles, semestrielles, annuelles ou autres) étant laissée à l'entière
initiative des enseignants.
Pourquoi alors aller dans ce sens ? Parce qu'on pense accroître de la sorte
l'efficacité et l'équité du système éducatif. Lorsqu'on introduit les cycles d'appren-
tissage, de façon timide ou audacieuse, c'est généralement pour lutter contre le
redoublement, espacer les échéances évaluatives, accroître la continuité de la prise
en charge éducative, mieux tenir compte des rythmes et individualiser les parcours
de formation. Dans le meilleur des cas, les cycles s'inscrivent dans la recherche d'un
enseignement stratégique (Tardif, 1992, 1998, 1999) et d'une pédagogie différenciée
(Meirieu, 1989^ et b, 1990; Perraudeau, 1997; Perrenoud, 1995, 1997).
Nous avons soutenu que l'idée de cycle était encore une « auberge espagnole »
(Perrenoud, 1998/2). L'on ne peut donc poser les problèmes de gestion de cycle de
façon univoque, tant est grande la diversité des conceptions. À un extrême, on
s'éloigne à peine des fonctionnements annuels et aucun problème de gestion nouveau
n'est véritablement posé. À l'autre, tout est inédit et l'on manque de bases concep-
tuelles, et plus encore de recul, pour identifier des modes émergents de gestion et
les expertises correspondantes.
4) La durée de passage dans un cycle doit être standard pour forcer à différencier
sur d'autres dimensions que le temps et ne pas favoriser un redoublement
déguisé.
5) Un espace-temps de formation de plusieurs années ne peut atteindre ses buts
que si les démarches et situations d'apprentissage sont repensées dans ce cadre.
6) A l'intérieur d'un cycle, les enseignants s'organisent librement et diversement.
Le système leur propose des outils à titre indicatif : balises intermédiaires,
modèles d'organisation du travail et de groupement des élèves, outils de
différenciation et d'évaluation.
7) Il est souhaitable qu'un cycle d'apprentissage soit confié à une équipe pédago-
gique stable, qui en soit collectivement responsable durant plusieurs années.
8) Les enseignants doivent recevoir une formation, un soutien institutionnel et
un accompagnement adéquats pour construire de nouvelles compétences.
9) La quête d'un fonctionnement efficace en cycles est une longue marche, à
considérer comme un processus négocié d'innovation qui s'étale sur plusieurs
années.
3) Il n'y a plus de référence aux degrés dans les inscriptions, dans le carnet, dans
la formation des classes ou des groupes, dans les fichiers et statistiques scolaires,
dans l'attribution des enseignants. Un élève appartient officiellement à un
cycle, auquel il est intégré en fonction de son âge, même s'il vient d'un autre
système scolaire. La référence aux degrés devrait peu à peu disparaître des métho-
dologies et moyens d'enseignement officiels mis à la disposition des écoles. Elle
perd également son sens en ce qui concerne les épreuves communes ou autres
évaluations standardisées.
4) La notion de redoublement ne veut plus rien dire, puisqu'il n'y a plus de degrés
et qu'on ne peut évidemment redoubler l'ensemble d'un cycle, ni même la
dernière année d'un cycle.
5) La durée normale de traversée du cycle par un élève est égale à la durée officielle
du cycle : on passe par exemple trois ans dans un cycle de trois ans, ni deux,
ni quatre ! Des règles strictes garantissent que les parcours réels des élèves ne
s'écartent de cette norme que de façon exceptionnelle, avec des mesures person-
nalisées, négociées de cas en cas.
6) Durant tout le cycle sont mis en place des dispositifs efficaces de pédagogie
différenciée, qui visent à permettre à tous les élèves d'atteindre les objectifs dans
le même temps.
7) En fin de cycle, pour les élèves encore loin des maîtrises visées, on prévoit des
mesures intensives, prolongées, au début du cycle suivant, par des modules de
mise à niveau et de consolidation différenciée. On peut envisager des structures
ad hoc de transition entre cycles successifs.
8) L'évaluation se fait sans notes. Elle est critériée et formative. Elle permet de si-
tuer régulièrement chaque élève par rapport aux objectifs visés en fin de cycle
et en fin de cursus primaire. Des outils d'observation et d'évaluation sont mis
à disposition par l'institution. Les parents sont régulièrement informés de la
progression de leur enfant, sur la base d'un cahier d'évaluation fondé sur di-
verses sources (autoévaluation, observation, épreuves, entretiens, etc.). Ce cahier
est conçu par chaque école sur la base de quelques principes généraux.
9) Des structures cohérentes avec les cycles sont développées pour tenir compte
des enfants immigrés (préalablement scolarisés ou non), aussi bien que des
enfants en intégration ou fréquentant actuellement la division spécialisée ou
des structures d'accueil.
10) Une nouvelle articulation est mise en place avec le cycle d'orientation à la fin
du dernier cycle primaire, en fonction de l'évolution des programmes et des
structures du cycle et au gré d'une concertation. Les objectifs du cursus pri-
maire et du cycle final du primaire sont reconnus et validés comme les bases
de la scolarité secondaire et leur maîtrise joue un rôle explicite dans l'orien-
tation en septième.
552 Revue des sciences de l'éducation
En mars 2000, au moment même où cet article est achevé, une réforme de
l'enseignement primaire a été annoncée, avec une entrée en vigueur progressive dès
2001. La durée des cycles (quatre ans) a été arrêtée, mais leurs modalités de gestion
restent assez vagues. Il est possible que le système suive les recommandations du
groupe de pilotage et aille vers un effacement délibéré des degrés annuels et une
responsabilité collective. Il se peut aussi que les textes qui seront finalement publiés
autorisent des pratiques très diverses, les unes très proches des fonctionnements
conventionnels, d'autres beaucoup plus audacieuses. L'intéressant, pour l'heure,
n'est pas de prédire la forme exacte que prendront les cycles pluriannuels, à Genève
ou ailleurs, mais de réfléchir aux problèmes de gestion et d'organisation du travail tels
qu'ils seront redéfinis ou créés par une telle évolution. À cette fin, il est plus fécond
de réfléchir sur des cycles effaçant résolument les degrés annuels et appelant les
enseignants à une véritable gestion coopérative.
Lorsqu'on sait gérer un petit espace (ou un petit budget) et qu'on hérite d'un
plus grand, on peut tenter de le fractionner en plusieurs sous-ensembles de moindre
taille, pour se retrouver dans un cas de figure familier. Si le désir des enseignants est
de retrouver, dans un cycle d'apprentissage, l'exacte autonomie dont ils bénéficiaient
dans leur classe, sans construire de compétences nouvelles, ils n'auront de cesse de
réinventer les niveaux annuels et les groupes fermés. Même alors surgit un besoin
de coordination, donc un niveau inédit de gestion, requis pour que s'instaure une
certaine harmonisation des pratiques. Cette dernière peut cependant se réduire à
peu de choses si on revient au chacun pour soi. Les cycles sont en principe gérés
par des équipes d'enseignants, mais rien n'empêche ces derniers, s'ils n'adhèrent
pas à ce modèle, de se répartir les niveaux et les élèves de sorte à n'avoir plus guère
besoin de travailler ensemble.
Pour identifier les nouveaux problèmes de gestion que poseront les cycles
d'apprentissage pluriannuels, il est évidemment plus intéressant d'imaginer une
véritable équipe pédagogique plutôt qu'un simulacre; et plus fécond de penser à
des enseignants qui, loin de chercher à «faire du vieux avec du neuf», tenteraient
de tirer tous les bénéfices possibles d'une telle structure. De tels professionnels auront
besoin de courage et d'imagination, car ils devront prendre des risques, sortir des
sentiers battus. Pour éviter qu'ils ne s'aventurent en terre inconnue, il importerait
que la recherche, les mouvements pédagogiques, les formateurs ou les autorités leur
proposent des modèles acceptables d'organisation du travail à partir des expériences
connues (Gather Thurler et ai, 1999) aussi bien que d'une conceptualisation plus
pointue.
De la gestion de classe à l'organisation du travail... 553
Une équipe pédagogique en charge d'un cycle de quatre ans, accueillant par
exemple une centaine d'élèves, aura au départ du mal à imaginer que chacun d'eux
puisse se sentir membre d'un ensemble aussi vaste. Cela paraîtra impensable pour
de jeunes enfants. Même pour des adultes, sauf en général à l'université, l'intégration
à un groupe de taille raisonnable, au moins pour une partie de la semaine, sera consi-
dérée comme une source d'identité et de sécurité. O n s'orientera donc rapidement
vers l'appartenance de chacun à un groupe de base. Il restera à définir la place et
les fonctions d'un tel groupe. On s'accordera sans doute assez vite pour lui assigner
une mission psychoaffective : se vivre comme membre d'une communauté, se sentir
quelque part chez soi, un peu comme les adultes réintègrent la cellule familiale
pour compenser le caractère souvent anonyme, décousu ou tendu de la vie au
travail. Cette fonction répond aux besoins immédiats des personnes, à la limite
indépendamment de tout enjeu de formation. O n peut, faisant de nécessité vertu,
la doubler d'une mission de socialisation : c'est à la faveur d'une appartenance durable
à un groupe de base qu'on développerait la responsabilité, la solidarité, le respect
mutuel, le débat démocratique.
Si l'on s'en tenait là, on pourrait considérer que le groupe de base fait figure
d'oasis, d'endroit protégé des urgences de la production. Assez spontanément, les
équipes chargeront en outre ce groupe d'une fonction de pilotage des parcours de
formation. En effet, la personne responsable de ce groupe — qu'on la nomme maître
de classe, professeur principal, tuteur, mentor ou enseignant de référence - sera
rapidement celle qui connaît le mieux ses élèves et peut donc avoir une vue d'en-
semble de leurs besoins, de leurs trajectoires dans le cycle et donc des orientations
à leur proposer pour la suite de leur parcours de formation. Si bien qu'on gérera,
dans un groupe de base, non seulement des identités et des sentiments d'apparte-
nance, ce qui est essentiel dans les organisations, mais des itinéraires de formation
et les décisions qui les infléchissent. Cette fonction de tour de contrôle s'ajoute
assez naturellement à celle de port d'attache.
plus éloignées et la continuité des progressions vers des objectifs de fin de cycle.
Cette continuité serait alors assurée par le fait que le même enseignant ou la même
équipe accompagnent les élèves durant toute la traversée du cycle d'apprentissage,
selon deux modalités possibles :
- soit le groupe de base est formé à l'entrée dans le cycle, comme un groupe classe
conventionnel, mais sa composition reste stable durant toute la durée du cycle;
- soit le groupe de base est un groupe multiâge, qui se renouvelle par tranches
chaque année, le groupe étant rejoint chaque année par de plus jeunes et quitté
par les plus âgés, qui passent au cycle d'études ou d'apprentissage suivant.
On peut douter de l'intérêt du premier modèle, qui est très proche de la gestion
de classe conventionnelle, à cette différence que l'enseignant titulaire garde ses élèves
durant plusieurs années. Ce modèle devient plus intéressant, toutefois, si un ensemble
d'enseignants accompagne une cohorte durant plus d'un an.
Toutefois, les cycles d'apprentissage, tels qu'ils sont conçus ici, visent à la fois
la continuité des progressions sur plusieurs années et le développement de parcours
de formation plus individualisés. Si chaque enseignant reste enfermé, avec ses élèves,
dans son groupe-classe, on se retrouvera dans les mêmes impasses qu'aujourd'hui
du point de vue des pédagogies différenciées : même avec des effectifs réduits - or,
ils tendent plutôt à s'alourdir au gré des crises budgétaires - un enseignant isolé ne
peut faire coexister plusieurs dispositifs de pédagogie différenciée qu'au prix d'une
ingéniosité didactique et d'une énergie hors du commun. C'est encore plus difficile
dans l'enseignement secondaire, du fait que plusieurs spécialistes des diverses disci-
plines se succèdent dans la même classe, chacun étant seul maître à bord durant
quelques heures par semaine... Pour faire passer son programme, chacun reste tenté
par un enseignement frontal, entrecoupé d'exercices et d'épreuves notées.
chaque matin, l'ensemble des enseignants et des élèves du même cycle se réunissent
pour décider en commun des tâches de la journée, puis se répartissent en conséquence
entre différents lieux de travail. Cette planification souple pourrait se faire à des in-
tervalles moins rapprochés, par exemple au début de chaque semaine ou de chaque
quinzaine, voire de chaque mois.
Rien n'oblige en fin de compte à gérer sur le même mode l'ensemble du temps
de travail. Une équipe peut fonctionner un jour par semaine ou une semaine sur
quatre dans une forme d'improvisation négociée, les autres temps de travail faisant
l'objet d'une programmation à moyen ou long terme. Cette dernière n'est pas
nécessairement établie pour l'ensemble d'une année scolaire, et peut laisser une
marge à l'improvisation et à laflexibilité.Il importe dans tout modèle de réserver
dans la planification des temps (heures, jours ou semaines) non attribués à des acti-
vités ou des contenus prédéfinis, de sorte à pouvoir tenir compte des besoins et des
projets qui émergent en cours d'année.
Si l'on planifie l'organisation sur plusieurs mois, dans son détail ou ses grandes
lignes, le niveau d'abstraction s'élève. Pour désigner le contenu des activités, on re-
court à des dénominations de disciplines ou de fractions de disciplines : géométrie,
poésie, atelier sur les contes, travail sur textile, lecture de cartes, grammaire allemande,
De la gestion de classe à l'organisation du travail... 557
etc. Alors qu'on peut, dans l'improvisation, gérer simultanément les tâches et la
composition des groupes, la planification les dissocie : ellefixeles types de contenus
avant d'arrêter la répartition des élèves, pour ne pasfigerles groupes et conserver la
possibilité de les moduler en temps réel, selon la progression effective des apprenants
et leurs projets et besoins du moment.
Rien n'interdit par ailleurs de rompre avec le principe d'une grille horaire stable
durant toute l'année, attribuant à chaque discipline, chaque semaine, exactement
les mêmes heures. Pourquoi ne pas envisager des équilibres semestriels ou annuels?
Il n'est donc nullement impossible de concevoir des cycles d'apprentissage pluri-
annuels dans l'enseignement secondaire, à la condition de bouleverser quelques
habitudes. La garantie de l'emploi, les intérêts acquis, les bastions disciplinaires,
l'inégalité des dotations entre disciplines rendent toutefois ces bouleversements
improbables. Il est donc vraisemblable qu'une organisation en cycles raisonnera,
au secondaire, discipline par discipline, avec les rigidités qui s'ensuivent.
558 Revue des sciences de l'éducation
Le jeu est plus ouvert dans renseignement primaire, du fait que des ensei-
gnants polyvalents prennent en charge plusieurs disciplines, parfois toutes. Une
équipe pédagogique responsable d'un cycle d'apprentissage pluriannuel peut alors
s'affranchir des grilles horaires et des découpages conventionnels, pour inventer
d'autres modes de gestion du temps et de division du travail.
Tableau 2
Objectifs didactiques et types de groupements
Groupe Groupe Groupe Groupe Goupe Groupe
Domaines de base modules multiâge de niveau de besoin de projet
Fonçais ~ ~ ~
oral
Français
* *
écrit
Numé-
* *
ration
Opérations I * * *
Espace I
(géométrie,
* *
géographie,
dessin)
Musique et
éducation * * *
physique
Autres
Notre propos n'est pas ici de justifier les lignes, les colonnes ou le placement
des astérisques. Ce tableau n'a d'autre but que d'illustrer une façon, sans doute
encore fort simpliste, de maîtriser la gestion d'un cycle d'apprentissage pluriannuel.
Une fois stabilisé, pour un temps, un modèle de gestion de cycles par domaines
et modalités de travail, l'équipe pourrait affronter un autre problème : comment
répartir les élèves entre ces diverses modalités. L'attribution à un groupe de base
n'a de sens que pour une certaine durée, disons une année scolaire. Dans les autres
cas de figure, une telle stabilité ne s'impose pas. C'est évident pour les groupes
constitués autour d'un projet, puisque leur durée de vie dépend de l'avancement
du projet. Les groupes de besoin disparaissent lorsque les besoins sont satisfaits et
que d'autres besoins appellent la constitution de nouveaux groupes.
Les groupes de niveau peuvent être plus stables, mais avec le risque connu du
streaming : reconstituer des filières parallèles et étanches qui cristallisent une hiérar-
chie et finissent par viser des objectifs différents, alors que, dans le cadre d'une
pédagogie différenciée, les groupes de niveau doivent viser les mêmes maîtrises, avec
des démarches et des taux d'encadrement adaptés aux difficultés d'apprentissage
de chacun. Quant aux modules, on le verra plus bas, ils n'ont aucune raison de courir
durant toute l'année. Les plus courts peuvent durer quelques heures, les plus longs
quelques dizaines d'heures.
De la gestion de classe à l'organisation du travail... 561
Une équipe de cycle fera face à un double défi : procéder à une répartition viable
(donc relativement stable) des élèves tout en cherchant à optimiser la progression de
chacun. Si différencier, c'est mettre aussi souvent que possible chaque élève dans
une situation d'apprentissage pertinente et féconde pour lui (Perrenoud, 1995,
1997), l'enjeu gestionnaire est immense : il ne s'agit pas seulement de faire tourner la
machine en se débrouillant pour que chaque élève soit au travail dans un groupe,
sous la responsabilité d'un enseignant. Le défi est que cette rencontre entre un
apprenant, un enseignant et un savoir ou une tâche, autrement dit l'incarnation
concrète du triangle didactique, soit à chaque instant optimale. Bien entendu, c'est
un idéal qui relève du meilleur des mondes et dont la réalisation permanente et inté-
grale confinerait au cauchemar. Disons qu'il reste en général une marge suffisante
pour sauvegarder la liberté des uns et des autres et qu'une bonne gestion de cycle vise
un idéal, mais se satisfait d'une adéquation raisonnablement optimisée des situations
d'apprentissage.
Les décisions dont dépend cette optimisation raisonnable seront pour une
part prises à l'intérieur des groupes constitués, eux-mêmes plus ou moins durables.
C'est ce qu'on peut appeler la différenciation interne. La différenciation externe
se jouera dans l'attribution des élèves à des groupes et dans la décision de changer
un élève de groupe au moment opportun. Ce problème se pose déjà dans le cadre
de la gestion d'une classe, lorsque l'enseignant travaille par ateliers ou sous-groupes.
Sa compétence est alors de répartir au mieux ses élèves entre ces divers foyers d'acti-
vité, en trouvant une ligne médiane entre un brassage perpétuel et une stabilité
aussi peu convaincante. À l'échelle d'un cycle pluriannuel, le problème gestionnaire
est de même nature, mais la décision porte sur un plus grand nombre d'élèves.
Elle doit être prise par une équipe et ne peut donc être improvisée, ni modifiée
aussi souplement que par un seul décideur.
adéquats, empruntés ou forgés par l'équipe. Une gestion de classe dont tous les
éléments sont dans la tête d'une seule personne n'est plus adaptée à la complexité
d'un cycle d'apprentissage pluriannuel confié à une équipe. Les savoirs de gestion
doivent être peu à peu formalisés et soutenus par des procédures et des instruments
partagés. Les savoirs gestionnaires que déploient les enseignants familiers des mé-
thodes actives sont en partie intuitifs et résistent à l'explicitation. L'enjeu des cycles
est de les partager et de les enrichir, plutôt que de paralyser chacun en lui imposant
une doxa organisationnelle!
L'organisation du travail semble jongler d'abord avec des temps, des espaces,
des groupes, des activités, des modalités de contrôle. Si l'on ne perd pas de vue que
l'enjeu reste l'apprentissage, l'organisation du travail a une face cachée : la restruc-
turation du curriculum.
Il importe donc de ne pas s'enfermer dans une seule logique et de faire coexister
dans la même année, en alternance, voire chaque semaine, des modes différents de
structuration des savoirs et du travail. À un extrême, on revient à la classe fermée.
À l'autre extrême, on invente des formes inédites dans l'enseignement scolaire. Quand
on s'éloigne un peu des classes traditionnelles, on va d'abord vers des décloisonne-
ments, des aires ouvertes, du multiâge, donc des espaces-temps de formation aux
missions parfois imprécises et à la gestion flexible. Paradoxalement, lorsqu'on
s'éloigne davantage des classes traditionnelles, on définit des espaces-temps de travail
qui sont au contraire centrés sur des objectifs spécifiques et permettent un investisse-
ment didactique intensif en un temps limité, favorable à une pédagogie différenciée.
ils sont opérés en partie au niveau central, par l'administration scolaire, qui prescrit
les programmes, les horaires, les espaces, l'ameublement et l'équipement des classes,
parfois les moyens d'enseignement et les démarches didactiques, souvent les pro-
cédures d'évaluation et le calendrier. Cela laisse un espace d'autonomie de gestion
aux établissements, aux équipes et aux enseignants pris individuellement.
Les quelques éléments qui précèdent ne font pas le tour du problème, mais
ils suffisent pour poser la question des compétences et de l'expertise des enseignants
dans le domaine de la gestion d'espaces-temps de formation et de l'organisation du
travail.
Tableau 3
Niveaux de gestion dans une organisation par cycles d'apprentissage
Niveau de Critères de cohérence
responsabilité (Chaque niveau inclut les critères du niveau précédent.)
Que faut-il savoir et savoir faire pour gérer une classe ou de plus vastes espaces-
temps de formation? S'il fallait esquisser une première liste, nous dirions que les
ressources mises en œuvre sont variées :
- une vision systémique de l'espace-temps de formation, une intelligence des
interdépendances fatales et des cohérences nécessaires;
- une identification des enjeux, autrement dit des liens entre les options prises
dans l'organisation du travail et les effets sur les personnes, tant dans le registre
des apprentissages que du plaisir à vivre ensemble et de l'économie de fonction-
nement;
- une juste perception des marges d'autonomie des uns et des autres;
- la capacité de définir le non-négociable, en faisant la part de ce qui est prescrit
par l'institution et de ce que l'enseignant estime de sa seule compétence;
- la capacité de négocier le reste avec les élèves, dans un dialogue ouvert et selon
des procédures claires, dans un conseil de classe ou son équivalent dans d'autres
espaces-temps;
- la capacité d'expliquer aux parents, aux collègues et à l'autorité les modalités
de travail retenues et d'en rendre compte ex post;
- la capacité d'observer et de réguler constamment le fonctionnement, au besoin
en proposant de modifier les règles du jeu;
- la capacité de créer, dans divers groupes, comme du cycle dans son ensemble,
une culture coopérative qui permette à tous de se sentir solidaires de l'organi-
sation du travail et de ses buts.
A cela s'ajoute la capacité de coopérer avec d'autres enseignants, dès lors qu'on
partage avec eux, plus ou moins formellement, la responsabilité d'un espace-temps
de formation ou simplement qu'on organise des échanges ou des décloisonnements
ponctuels.
A supposer qu'on se mette d'accord sur tous ces points, la question suivante
pourrait être : tout cela s apprend-il?
NOTE
1. À Genève, dans l'enseignement primaire, les MS sont des maîtres spécialistes prenant en
charge, en tout ou partie, des disciplines comme l'éducation physique ou artistique. Les GNT,
généralistes non titulaires, sont des enseignants primaires n'ayant pas leur propre classe et inter-
venant dans les classes de collègues pour faire du soutien pédagogique ou apporter d'autres
contributions. Cette division du travail préfigure une coopération à l'échelle de plusieurs classes,
même si l'on en reste à un réseau en étoile, le GNT travaillant avec des titulaires qui ne forment
pas nécessairement une équipe.
Zussammenfassung - Dieser Artikel beschâftigt sich mit den gângigen Praktiken der
Klassenleitung sowie der Notwendigkeit, die Lehrer auf dièse Aufgabe besser vorzubereiten.
Die Ausfiïhrungen zu diesem Thema sind in vier Abschnitte eingeteilt. Der Autor analysiert
zunàchst die fiir die Klassenleitung notwendigen Kompetenzen; anschliefiend erlâutert er,
was un ter einem ,,mehrjâhrigen Lernzyklus" zu verstehen ist, nâmlich eine raumzeitliche
Einheit, in der eine grofie Zahl von Schulern unter der Leitung von Lehrern zusammen-
gefasst ist. Im dritten Abschnitt identifiziert der Autor die aufkommenden Problème, mit
denen der Lehrkôrper konfrontiert wird, sobald die Arbeit innerhalb eines Zyklus organisiert
wird. Die verschiedenen Formen der Arbeitsaufteilung innerhalb eines Lernzyklus mit mo-
dularem Curriculum werden im einzelnen untersucht. Den Schlussteil bildet ein unter dem
Aspekt der kognitiven Ergonomie aufgestelltes Inventar der individuellen und kollektiven
Kompetenzen der Lehrer im Bereich der raumzeitlichen Organisation von Lernaktivitâten.
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570 Revue des sciences de l'éducation