Delirios y Visiones de Indios Mexicanos
Delirios y Visiones de Indios Mexicanos
Delirios y Visiones de Indios Mexicanos
Résumé
Serge Gruzinski, Délires et visions chez les indiens du Mexique, p. 445-480.
A partir des Lettres Annuelles de la Compagnie de Jésus, conservées pour la plupart à l'Archivum Romanum Soeietatis Jesu,
l'auteur entreprend d'étudier les visions chrétiennes d'une centaine d'indiens du plateau mexicain de 1580 à 1620; développant
les analyses de G. Devereux en matière d'ethno-psychiatrie, il tente de montrer que des indiens psychologiquement malades
(alcooliques, sorciers, déviants sexuels...) prêtent sous l'action des jésuites et dans certains contextes une formulation
chrétienne à leurs délires et amorcent ainsi un procès d'acculturation, marqué tant pour le sujet que pour la communauté par
l'assimilation de mythes et de rites chrétiens.
Gruzinski Serge. Délires et visions chez les indiens du Mexique. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age,
Temps modernes, tome 86, n°2. 1974. pp. 445-480;
doi : https://doi.org/10.3406/mefr.1974.2317
https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5110_1974_num_86_2_2317
a. auditive
va. visuelle et auditive
internes, En. Enfer
St. Satan
De. Démon
Da. Damné
Mo. Monstre
Pli. Phénomène terrifiant
Dp. Divinité précolombienne
Pg. Purgatoire
Mr. Mort
Df. Défunt
Pa. Paradis
An. Ange
El. Elu
Pe. Dieu le Père
Ch. Christ
Ho. Hostie
Y. la Vierge
Ve. Vierge à l'Enfant
Sa. Saint
Ap. Apôtre
Re. Beligieux
Pm. Phénomène merveilleux, céleste.
Sb. Structure bipolaire . . .
Toutes les visions ne sont pas rapportées avec une égale exactitude,
la formulation vague de nos questions le dit assez; le silence des textes
explique bien des cases vides (ainsi au chapitre des caractéristiques
externes de la vision) mais gageons que la singularité du matériel compense
ses immancables lacunes.
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SEEIE ANNEXE
Le sujet Origine La vision
N° | M F E A C ACSX SO D Ρ ML | | TE PU ZI MZMIMe\ d η Ρ ν a va Kn St De Da Mo Ph Dp Pg Df Mr Pa An El Pe Ch Ho V. Ve Sa Ap. Be Pm SB. |
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DÉLIRES ET VISIONS CHEZ LES INDIENS DU MEXIQUE 455
Espace brisé, creux, stérile (V. 37, Φ Espace ordonné, cultivé (V. 31,
V. 41, V. 64, V. 70, V. 85). V. 41, V. 64)
Pierre brute, roc (V. 70, V. 85) Φ Pierre précieuse (V. 35, V. 41,
V. 37)
L'absence de couleur: noir (V. 3, Φ La couleur: blanc (V. 18, V. 37,
V. 9, V. 23, V. 54, V. 74) pourpre (V. 35), vert
V. 82, V. 9a), saleté (V. 5, (V. 26)
V. 30, V. 41, Y. 85)
Obscurité, lux maligna (Y. 5, Φ Eclat splendide (V. 25, Y. 16,
V. 37) V. 60, V. 97)
Laideur (V. 9, V. 23, V. 18a) φ Beauté (V. 7, V. 9, Y. 13, Y. 31,
Y. 37, Y. 39, Y. 41, Y. 58)
Yacarme (Y. 43, Y. 7a, Y. 20a) φ Dulcitudo soni (Y. 25)
Feu destructeur (Y. 23a), brûlant Φ Feu qui éclaire (Y. 41) ...
(Y. 54), puant (Y. 34)
1 « Une charge minime peut provoquer une réaction très grande parce
qu'elle est socialement préamplifiée puisqu'un seul élément évoque la structure
entière » dans (4) G·. Devereux, Ethnopsychanalyse . . ., p. 58.
2 Par exemple jésuites = anges dans AESI, Mex. 17, fol. 532, 543; saint
Michel contre les démons dans ARSI, Mex. 17, fol. 532.
3 Source partielle qui s'ajoute à une culture chrétienne de base qui a déjà
presque un siècle derrière elle.
4 La mort dans ARSI, Mex. 17, fol. 532v°, 418; Γ« aima condenada »
dans ARSI, Mex. 17, fol. 566 (Sierra de Metztitlân), 352 (région de Guanajuato);
464 SERGE GKUZINSKI
Par là le rite est doublement fondé: aux yeux du visionnaire qui constate
son efficacité: deletis igitur per confessionem postea criminibus, nïhïl née
sensit nec vidit1; aux yeux de la communauté qui retient la disparition
du délire ou la guerison physique, preuve flagrante de l'intervention divine.
Exhausit rite que sibi mandata fuerant (V. 72) et la guerison suit
l'accomplissement du rite; l'épisode a plus qu'une signification exemplaire pour le
groupe puisqu'il est vécu au niveau du délire et du rite par l'un de ses
membres.
De surcroît, le rite de la confession n'est pas reçu indépendamment
du mythe qu'il actualise puisque le sujet est tenu de revivre ce mythe
en relisant ses comportements antérieurs selon une grille chrétienne:
impulsu tacta, perfussa lacrymis, omnes anteactae vitae culpas aperit (V. la)
au même titre que le patient moderne réorganise son univers en fonction
des interprétations psychanalytiques (*?). On sait qu'un rite mal
interprété peut se détacher du mythe qui lui correspond et perdre la
signification qu'il avait dans la pensée sauvage (ou la pensée chrétienne) 2;
par ailleurs l'introduction de la confession chez les indiens du Mexique
avait entraîné bien des confusions et des malentendus 3 qui n'étaient
pas sans rapport avec l'incapacité ou (et) le refus de concevoir l'autre vie
comme « gloria de los bien aventurados y castigo y pena de los malos » 4
pour reprendre les termes d'un jésuite affronté à ces survivances. Pour
preuve la persistance des rites funéraires, cet « abuso universal » 5 dénoncé
sans trêve et sans succès 6. On se souviendra enfin qu'en acceptant les
normes chrétiennes, l'Indien admet que ses ascendants grillent
misérablement en Enfer, une manière de « meurtre du père » qui ne va pas sans
« grande confussión de los mismos yndios que, por estar ya muy bien
ynstruidos, se ... avergonçaban de la ceguedad de sus padres que avian
1 Cf. V. 1.
2 Cf. Jean Cazeneuve, Spectacles rituels et changement culturel dans le
Nouveau-Mexique et V Arizona, dans Echanges et communications. Mélanges offerts
à Claude Lévi-Strauss, La Haye-Paris, 1970, t. I, p. 502 et sq.
3 Cf. Robert Eicard, La « conquête spirituelle » du Mexique., Paris, 1933.
p. 143/146.
4 ARSI, Mex. 14, fol. 457: il s'agit d'une «excursio» en pays otomi relatée
dans C. A. 1606.
5 ARSI, Mex. 17, fol. 537 (« Relación de la misión que los padres J. Pé-
rez y J. B. Zappa hizieron en los très partidos de Tulancingo, Sultepeque y
Tenancingo . . . desde el ano de 1685 hasta el de 1687 »).
6 ARSI, Mex. 15, fol. 385 dans le Michoacân; Mex. 15, fol 493v° dans
toute la région de Puebla; Mex. 17, fol. 537 dans celles de Tulancingo et
Tenancingo, etc . . .
DÉLIRES ET VISIONS CHEZ LES INDIENS DU MEXIQUE 473
un mythe social (La vie éternelle et ses variantes) à un fidèle qui s'y insérerait
individuellement, les deux formes précédentes se combinant cette fois. La
place manque pour développer cette hypothèse comme elle le mériterait.
1 (3) Gr. Devereux, Essais . . ., p. 12.
2 Cf. p. 468.
3 Cf. p. 455.
DÉLIRES ET VISIONS CHEZ LES INDIENS DU MEXIQUE 475
1 Cf. p. 464.
2 ARSI, Mex. 18, fol. 262, lettre du vice provincial José Utrera sur la vie
du père Agustin Antonio Marquez du 9/12/1768.
3 Cf. V. 67.
4 Cf. V. 71.
476 SEKGE GRUZINSKI
1 Autour de Zimapân vers 1687 dans Mex. 17, fol. 543/545v°; dans les
zones minières dans MM, IV, p. 460; ARSI, Mex. 14, fol. 160, dans les « obrajes »
de Puebla dans Mex. 14, fol. 148, 459 etc. . . .
2 Et nos réserves personnelles: peut-on assigner au complexe d' Œdipe
une valeur universelle et soutenir la thèse de l'unité psychique de l'Humanité1?
Positions qui rendent possible une application historique mais que l'on aurait
tort de tenir pour démontrées une fois pour toutes. Il va de soi que nous ne
saurions ouvrir ici ce débat et que tel n'était pas notre propos.
3 (3) G·. Devereux, Essais . . ., p. 4 et sq.
4 (1) Euiz de Alarcón, Tratado . . ., p. 62 et sq.
478 SERGE GRTJZINSKI
original» (selon Lacan): celui qui raconte le premier récit et le récit des
récits variants; n'est-ce pas le déplacement de sa narration dans le champ
qui détermine tous les sujets: La Compagnie — le visionnaire — la
communauté — la Compagnie derechef11? Autre chose encore serait de
repérer comment cet énoncé combiné à d'autres (cléricaux et mondains)
rendit idéologiquement compatibles et acceptables la violence nue de
l'exploitation économique et la morale évangélique 2. A la différence de
la Psychanalyse et de l'Ethnologie, l'Histoire est d'abord une narration
à plusieurs niveaux, chacun porteur d'effets 3. Cela complique
singulièrement la tâche du chercheur car en même temps qu'il joue à
l'ethnologue et au psychiatre il lui faut entreprendre une « critique de l'économie
narrative » sans laquelle non plus il n'est pas d'histoire des mentalités 4.
« Le complémentarisme n'exclut aucune méthode, aucune théorie
valables — il les coordonne » 5; il exige des analyses de longue haleine
sans proportion avec ce court essai; surtout irrespectueux des terrains de
chasse méthodologiques il évite pourtant de sombrer dans l'éclectisme.
Serge Grttzinski
BIBLIOGRAPHIE ESSENTIELLE
ABRÉVIATIONS