Le Vocabulaire Economique Et Social Entr
Le Vocabulaire Economique Et Social Entr
Le Vocabulaire Economique Et Social Entr
2021 18:27
Meta
Journal des traducteurs
Translators’ Journal
Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique
d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.
https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/
jeanne dancette
Université de Montréal, Montréal, Canada
[email protected]
RÉSUMÉ
Le présent article rend compte d’une réflexion sur les modes de terminologisation dans
le domaine de la mondialisation économique et sociale. Le corpus sur lequel est basée
cette analyse est la nomenclature du Dictionnaire analytique de la mondialisation et du
travail / Analytical Dictionary of Globalization and Labour / Diccionario analítico de la
globalización y del trabajo. Les questions soulevées sont celles de la caractérisation du
vocabulaire économique et social : Les expressions terminologisées répondent-elles aux
critères classiques d’un terme ? Quelles sont leurs propriétés discursives ? Par extrapo-
lation, le discours économique et social relève-t-il plus de la langue de spécialité ou de
la langue générale ? Selon notre étude, la réponse se situe dans un continuum entre
langue de spécialité et langue générale, selon la nature des textes et leur fonction. L’article
est une invitation à s’interroger sur le rôle des formules discursives et des noms propres
dans les terminologies des sciences sociales, particulièrement médiatisées à l’ère de la
mondialisation. Il conclut sur l’importance pour le rédacteur ou le traducteur d’en saisir
les marques idéologiques et de connaître l’instance, voire l’auteur, à l’origine d’un terme,
d’un syntagme terminologique ou d’un nom propre terminologisé, car dans ces domaines
le vocabulaire n’est jamais neutre. De plus, la problématique de leur fonction discursive
est critique dans les sciences sociales, même si ces vocables ne présentent généralement
pas de grosses difficultés d’équivalence linguistique.
ABSTRACT
This paper discusses modes of terminologization, the process by which a word or expres-
sion comes to designate a concept in a language for special purposes, specifically in the
field of economic and social globalization. Drawing on the nomenclature of the Analytical
Dictionary of Globalization and Labour, the question of how to qualify the economic and
social vocabulary is raised: do these words and expressions meet the classic criteria used
to define a term? What is their discursive function? More generally, does the economic
and social discourse pertain to general or specialized language? Our study suggests that
the answer to these questions lies somewhere on the continuum between these two
extremes, depending on the nature of the text and its functions. This paper analyzes the
role of discursive formulas and proper nouns or nouns derived from proper nouns in
social sciences discourse at a time when the mediatization of these terms is magnified
by the effects of globalization. It concludes by highlighting the importance for both the
writer and the translator of grasping the origins and ideological connotations associated
with these terms and expressions in a field where terminology is never neutral. So, while
translating these terms and expressions may not pose any special challenge, their dis-
cursive function is however critical within the field of socal sciences.
1. Introduction
Nous nous livrons, dans le présent article1, à une réflexion sur l’origine et la forme des
termes dans le langage économique et social de la mondialisation et du travail et,
d’une manière plus générale, sur le statut de la langue économique : langue générale
ou langue de spécialité. Notre analyse porte sur un corpus des quelque 2000 termes
sur lequel est construit le Dictionnaire analytique de la mondialisation et du travail
/ Analytical Dictionary of Globalization and Labour / Diccionario analítico de la
globalización y del trabajo (Dancette 20132). Nous nous interrogeons sur le mode de
terminologisation le plus productif dans ce domaine, entre deux pôles, d’un côté le
terme au sens wüstérien (univocité, consensus sur la dénomination et la définition ;
Wüster 1967) et, de l’autre, la formule discursive à caractère terminologique. Nous
établissons, en effet, une distinction entre les termes au sens classique et un ensemble
hétéroclite de syntagmes terminologiques dont le statut est moins clair. Nous ran-
geons dans cette deuxième catégorie : les expressions métaphorisées (blanchiment
d’argent, passager clandestin), les formules discursives euphémisantes qui se sont
stabilisées (travail décent, gouvernance mondiale), les slogans et mots d’ordre (salaire
égal pour travail à valeur égale), les noms-événements (Sommet de Copenhague) et les
expressions ayant valeur de noms propres désignant des entités (Groupe des vingt,
G20) ou des documents officiels (Objectifs du Millénaire pour le développement).
Notre réflexion intègre les acquis de la sociolinguistique (Gaudin 2003) faisant
valoir le contexte historique et politique de la production terminologique. Elle
s’appuie aussi sur les théories faisant valoir le point de vue de l’énonciation. Dans la
théorie de Benveniste (1966, 1969), l’énonciation est l’événement historique constitué
par le fait qu’un énoncé a été produit. Les allusions et les valeurs, entre autres éléments
de l’énoncé, font partie de son sens et il convient d’examiner l’« autorité » de cet
énoncé. Benveniste (1969 : 11) montre « comment des vocables d’abord peu différen-
ciés ont assumé progressivement des valeurs spécialisées, et constituent ainsi des
ensembles traduisant une évolution profonde des institutions, l’émergence d’activités
ou de conceptions nouvelles ». À la suite de Benveniste, Maingueneau (1991, 2004)
avance l’idée que les discours institutionnels sont des « discours structurants », c’est
à dire « validés par une scène d’énonciation qui s’autorise d’elle même » (Maingueneau
2004 : 47).
Les énoncés qui fondent le langage de la mondialisation émanent la plupart du
temps d’institutions (les agences internationales, les gouvernements, les organisations
syndicales, etc.) et deviennent ainsi des « discours autorisés ». Nous montrerons que
dans les discours à saveur politique, économique et sociale, le terme est souvent
investi d’une valeur symbolique répondant à une fonction dans la société à un
moment donné. Il nous semble nécessaire d’intégrer cette dimension dans la descrip-
tion du vocabulaire de la mondialisation, à cause de son importance en terminologie
et de son utilité en traduction. Cette réflexion montre que l’opposition entre langue
générale et langue de spécialité est ténue dans le domaine à l’étude ; elle invite à
élargir les frontières de la terminologie.
À la fin de l’article, nous présentons quelques caractéristiques du Dictionnaire
analytique de la mondialisation et du travail, conçu à la fois comme un dictionnaire
multilingue (équivalents), une encyclopédie (des articles assez longs décrivant les
notions et leur origine) et une ontologie (réseau de termes liés par des relations
le vocabulaire économique et social 451
Figure 1
Thème commun aux domaines intervenant dans le champ de la mondialisation et du travail
Figure 2
Participation de différents discours aux textes traitant de la mondialisation et du travail
Ainsi, pour ne citer que les registres les plus évidents, distinguera-t-on les styles :
– administratif (caractérisant les institutions nationales, les ministères, l’appareil
législatif),
– des organisations internationales (Union européenne, Organisation des Nations
unies, Organisation internationale du travail, Organisation mondiale du commerce)
qui génèrent leur propre vocabulaire (eurolecte, langage onusien),
– universitaire des experts (économistes, sociologues, juristes),
– des organisations patronales et syndicales, le style journalistique,
– du parler militant (organisations de la société civile, groupes altermondialistes),
– journalistique.
Tableau 1
Termes et domaines de référence
Termes Domaines
produit national brut (PNB) Économie
investissement direct à l’étranger (IDE)
dumping Commerce international
dumping social
clause de la nation la plus favorisée
zone franche d’exportation
chaîne de valeur mondiale Gestion de l’entreprise
externalisation
délocalisation
droit contraignant Droit
droit flexible
l’idée, développée plus loin dans cet article, d’un dictionnaire qui explicite les rela-
tions sémantiques et les rapports de proximité notionnelle, afin de mettre en évidence
les réseaux de sens qui s’établissent entre les termes d’un même champ ou d’un champ
connexe.
Malgré cette réserve, les termes au sens classique sont faciles à traiter en termi-
nologie et leur statut ne pose pas problème. Par contre, nous avons répertorié dans
notre corpus sur la mondialisation des expressions terminologisées dont le statut est
moins clair, car leur forme (souvent déterminé + déterminant) les rapproche plus des
expressions libres du discours que de termes au sens classique.
De même, il n’est pas habituel en terminologie d’inclure les noms propres à voca-
tion terminologique et leurs dérivés. Il nous était impossible de ne pas les traiter en
raison de leur importance dans le système notionnel du domaine de la mondialisation.
2.3.1. Euphémismes
Nous entendons par euphémisme l’« [e]xpression atténuée d’une notion dont l’expres-
sion directe aurait quelque chose de déplaisant, de choquant » (Robert 20095). Les
expressions pays en développement, responsabilité sociale de l’entreprise et mondiali-
sation équitable constituent des euphémismes, car elles ont pour fonction la réduction
de la conflictualité si l’on considère que les pays en développement, autrefois appelés
« sous-développés », ne sont pas tous plus avancés aujourd’hui qu’hier et que leur
pauvreté paraît choquante ; que la responsabilité sociale de l’entreprise est souvent
un vœu pieux, et que la mondialisation, souvent dénoncée comme la source de nom-
breux maux sociaux, peut présenter une autre face.
456 Meta, LVIII, 2, 2013
2.3.2. Hyperboles
L’hyperbole est « une exagération favorable ou défavorable pour produire sur l’esprit
une forte impression, pour mettre en relief tel ou tel aspect d’une réalité. C’est donc
l’utilisation de termes excessifs ou impropres qui outrepassent la réalité. » (Ricalens-
Pourchot : 51) Les adjectifs transnational, creux, libre dans les syntagmes terminolo-
giques famille transnationale, entreprise transnationale, firme creuse et capitaux libres
sont des qualificatifs dont le sens est exagéré par rapport aux réalités décrites. Les
formules emphatiques, très utilisées dans la langue générale, par les journalistes et
les publicitaires, attirent l’attention sur un aspect d’un phénomène social. Ici, par
exemple, on peut penser qu’elles ont pour fonction de donner l’impression d’une
accélération de l’histoire et du dépassement de l’individu ou du travailleur qui ne
contrôle pas son destin.
2.4.3. Praxonymes
Le praxonyme est un nom qui désigne un fait historique ou un événement culturel,
commercial ou sportif. À la différence de la simple désignation qui indique la date
ou le lieu d’un fait mentionné occasionnellement, il désigne un événement ou un fait
historique que le discours fait entrer dans la mémoire collective : « Le nom propre
d’événement suppose l’institution d’une association référentielle durable entre un
objet et un signe, par opposition à la désignation, qui repose sur une association
occasionnelle entre une séquence linguistique et un élément de la réalité » (Krieg-
Planque, 2009, p. 77). La fonction du nom-événement est de créer une appartenance
de groupe parmi les personnes ayant vécu l’événement ; il devient souvent une réfé-
rence générationnelle.
Les praxonymes trouvés dans notre corpus sont peu nombreux à la différence de
la catégorie des noms propres désignant des organismes ou des titres de documents
officiels. Ils sont généralement formés d’une unité de la langue générale et d’un nom
de lieu ou toponyme (Appel de Bamako, Sommet de Copenhague, anti-Davos). Nous
pourrions aussi ranger aussi dans cette catégorie le titre du programme Objectifs du
Millénaire pour le développement dans la mesure où le millénaire devient une réfé-
rence temporelle dans la culture onusienne.
Même les noms propres peuvent soulever des problèmes de traduction, comme
l’a montré Humbley (2006a) avec l’étude des noms d’institutions, et comme l’illustre
la création du praxonyme renvoyant à l’attentat du 11 septembre 2001 : 11 Septembre
en français, mais Nine-Eleven ou 9/11 en anglais.
Nous avons montré dans ce qui précède que le recensement des syntagmes ter-
minologiques et leur classement sous l’éclairage de la formule discursive font appa-
raître de multiples fonctions qui relèvent tant de l’analyse du discours que de la
terminologie. Encore une fois, insistons sur le fait qu’il n’y a pas opposition nette
entre termes, formules discursives, noms propres terminologisés, mais qu’il s’agit
plutôt d’un continuum sur les échelles dénominative et idéologique.
termes à des tests permettant de savoir s’ils seront traités comme des termes ou
syntagmes terminologiques, ou comme des formules libres relevant de la langue
générale.
Dans notre domaine, les définitions « conventionnelles » (Lerat 1995 : 21) sont
rares. Les définitions varient selon les auteurs ou les écoles, selon les points de vue et
les contextes. Le terme gouvernance, dont la définition a changé de nombreuses fois
dans les 30 dernières années, illustre ce point. Le concept est apparu dans le monde
des affaires ; il concernait au départ les relations entre les actionnaires et les gestion-
naires de l’entreprise. Depuis que la Banque mondiale s’en est saisie (en 1989), le terme
a signifié à différents moments : la lutte contre la corruption, la participation de la
société civile aux décisions de nature sociétale (après l’échec des politiques d’ajuste-
ment structurels imposées aux gouvernements par le FMI et la Banque mondiale) et
finalement la transparence dans la gestion des affaires d’une entité. La difficulté pour
élaborer une définition de ce concept, central pour la mondialisation, était de sélec-
tionner les traits définitoires répondant aux différents contextes : « Ensemble des
règles, des procédures et des pratiques permettant d’orienter, de guider, de coordon-
ner les activités d’un pays, d’une région, d’un groupe social ou d’une organisation
privée ou publique. » (Dancette 2013)
Dans le cas du syntagme terminologique travail décent, nous avons aussi un
concept vague (comment se définit la décence ?). Dans ce cas, toutefois, l’OIT en ter-
minologisant l’expression, forgeait une conceptualisation qu’il était relativement
simple d’exprimer par une définition, même si l’OIT elle-même ne proposait pas de
définition de son concept. Nous sommes arrivée à cette définition : « Travail productif
effectué dans de bonnes conditions, assurant un revenu convenable et suffisant, pro-
mouvant l’épanouissement personnel et social de la personne et garantissant la
sécurité sur le lieu de travail, la protection des droits, ainsi que l’égalité des chances
et de traitement des travailleurs. » (Dancette 2013)
Nous voyons avec ces deux exemples que la question n’est pas tellement celle de
la définition conventionnelle (et hors contexte) d’un concept, mais bien plus de la
place de ce concept dans l’ontologie du domaine.
Cela explique que les définitions que nous avons rédigées dans le Dictionnaire
soient de type descriptif. Elles rassemblent les traits communs du concept dans la
variété de ses usages. Elles cherchent moins à imposer un contenu qu’à inscrire la
trace de l’évolution des contenus dans différents contextes. La définition descriptive
s’oppose à la définition prescriptive qui, pour reprendre la distinction proposée par
Seppälä (2004), se retrouve dans les textes de loi. Par exemple : « Aux fins de la pré-
sente convention, le terme enfant s’applique à l’ensemble des personnes de moins de
18 ans. » (Convention sur les pires formes de travail des enfants 1999 : Article 2 ;
l’emphase est dans le texte ; voir note 2).
Les questions discutées jusque là dans cet article à propos du statut de terme ou
du syntagme terminologique, d’une part, et de formule discursive libre, d’autre part,
renvoient à celle de la caractérisation du langage économique et social. S’agit-il d’une
langue de spécialité ou de la langue générale ? De fait, la variabilité du vocabulaire et
son instabilité s’expliquent par la nature même du discours économique et social,
forcément ancré dans l’histoire et la culture. La discussion de cette question fait
l’objet de la troisième partie du présent article.
le vocabulaire économique et social 461
Figure 3
La terminologie à l’intersection de la communication, de l’information et des connaissances
de connaître non seulement le sens usuel d’un terme, mais aussi de savoir identifier
son usage, son contexte d’apparition, voire le débat qui l’a fait naître. Dans les
domaines où la plus grande part du vocabulaire ressemble plus à celui de la langue
générale qu’à celui d’une langue de spécialité, il est facile de s’illusionner sur la faci-
lité de compréhension des notions. Le grand nombre de termes formés par compo-
sition syntagmatique renforce cette illusion, car les syntagmes sont rarement
totalement opaques. Tout lecteur (et tout travailleur !) comprendra intuitivement le
concept de travail décent sans avoir jamais pris connaissance des textes de l’OIT.
Cette facilité de transposition interlinguistique (decent work / trabajo decente)
pourrait autoriser le traducteur pressé à faire l’économie d’une recherche plus appro-
fondie sur la signification du concept.
Par contre, et toujours dans la perspective multilingue de la traduction, il existe
des cas où les procédés de terminologisation diffèrent d’une langue à l’autre et inter-
disent une transposition facile d’une langue à l’autre. Le terme anglais workfare
apparaît dans le domaine de la sécurité du travail, par opposition au terme welfare.
(Notre définition : « An alternative model to the welfare system in which recipients
who are able to work must fulfill certain obligations, usually requiring them to actively
seek employment or acquire skills through recognized education programs » [Dancette
20139]). Suivant un procédé de terminologisation similaire, le terme stakeholder appa-
raît dans le discours des organisations sociales par opposition au terme shareholder
(actionnaire). Ces oppositions de termes ne sont pas transposables en français ni en
espagnol. Les équivalents ne jouent pas sur les mêmes composantes sémantiques. On
pourra difficilement opposer les termes français providence et espagnol bienestar au
concept de workfare. On traduira alors workfare soit par l’emprunt workfare ou par
une locution explicative, reposant sur la connaissance du concept, comme allocation
conditionnelle en français, et, en espagnol, asistencia social condicional. De la même
façon, les termes partie prenante et parte interesada traduisant stakeholder ne peuvent
pas jouer sur une ressemblance de forme avec actionnaire, accionista.
L’importance de l’accès aux connaissances des notions et des phénomènes ter-
minologiques et discursifs justifie ainsi la rédaction d’un dictionnaire de type ana-
lytique. Le Dictionnaire analytique de la mondialisation et du travail recense non
seulement la terminologie et les équivalents linguistiques, mais présente aussi les
définitions et descriptions des notions afin d’aider le langagier à retrouver facilement
l’information sur l’usage des mots et les notions.
Tableau 2
Relations sémantiques de Gouvernance d’entreprise
L’occurrence des termes dans un corpus est loin d’être arbitraire ; elle s’explique
généralement par des rapports de proximité entre les notions. En commentant le
tableau ci-dessus, on remarque :
– que les termes synonymes gouvernance d’entreprise et gouvernement d’entreprise
coexistent ;
– que l’association par antonymie à gouvernance mondiale ou à gouvernance syndicale
indique les frontières de sens et d’usage du terme gouvernance d’entreprise ;
– qu’une référence est établie avec les textes qui encadrent la gouvernance d’entreprise
(charte de gouvernance d’entreprise, par exemple). C’est la relation intitulée
Législation ;
– qu’on a établi une relation avec le terme dialogue social. (Le dialogue social est un
facteur de la gouvernance.)
Ces relations schématisent les rapprochements sémantiques entre les termes. Une
mise en garde s’impose : nous ne les présentons pas comme des relations logiques
formelles. Dans de nombreux cas, hors des relations hiérarchiques et de partie-tout,
leur étiquetage est une indication approximative des relations sémantiques (nous
parlons alors de relations associatives). Néanmoins, nous pensons que la mise en
évidence des rapports entre les termes contribue à mieux délimiter les sens et les
nuances, à appréhender le fonctionnement syntagmatique, à cerner les usages phra-
séologiques du terme. Les tableaux de relations sémantiques complètent ainsi la
définition des notions présentées dans les articles de dictionnaire.
464 Meta, LVIII, 2, 2013
5. Conclusion
Nous avons analysé dans le présent article les différents modes de terminologisation
employés dans le domaine de la mondialisation et du travail. Nous avons expliqué la
variabilité du vocabulaire et son instabilité en raison de la nature même des discours
économiques et sociaux, forcément ancrés dans l’histoire, la culture et les médias.
Nous avons noté la nécessité de recourir aux approches discursives pour mettre en
relief les fonctions d’euphémisme, de cohésion sociale et d’appartenance culturelle
que possèdent de nombreuses expressions dans le domaine de la mondialisation, où
la valeur symbolique du langage est très forte. Nous avons aussi relevé la fréquence
des noms propres à statut terminologique, qui eux aussi contribuent à créer une
conscience identitaire à l’échelle de la planète.
Ces observations montrent qu’il y a un continuum, et non une opposition claire,
entre les termes au sens de la théorie wüstérienne et les formules discursives, d’une
part, et la langue de spécialité et la langue générale, d’autre part. Le vocabulaire
économique et social que nous avons traité intègre ces divers modes de terminolo-
gisation. Une description de ce vocabulaire doit mettre l’accent sur la connaissance
des notions, bien entendu, mais aussi sur la compréhension des marques idéologiques
et historiques, et sur la connaissance des instances à l’origine des termes et expres-
sions. C’est ce que le DAMT consigne dans ses entrées. Les articles remontent à la
source des termes en citant les textes fondateurs d’où émane un concept. Par le
regroupement des termes en réseau de relations sémantiques, le DAMT permet une
meilleure insertion du terme dans son champ conceptuel. Le dictionnaire analytique
devient ainsi un moyen privilégié d’observer la pluralité des vocables et des discours.
Il devient révélateur de société.
REMERCIEMENTS
L’auteure remercie l’équipe de Meta et les évaluateurs de cet article, dont les suggestions ont été
fort utiles pour enrichir les propos présentés.
NOTES
1. Certains résultats d’analyse discutés dans cet article ont été présentés lors de la VIIe Journée scien-
tifique REALITER « Multilinguisme et pratiques Terminologiques » et figurent dans la présentation
Powerpoint :
Dancette, Jeanne (2011) : Modes de terminologisation dans le domaine de la mondialisation
économique et sociale : terme, slogan, mot événement, métaphore. (VIIe Journée scientifique
REALITER, Multilinguisme et pratiques terminologiques, Université Laval, Québec, 1er juin 2011).
Présentation en ligne. Consulté le 15 janvier 2014, <http://www.realiter.net/le-giornate/vii-gior-
nata-scientifica-realiter-multilinguismo-e-pratiche-terminologiche ?lang=fr>.
2. Dancette, Jeanne (2013, dernière mise à jour) : Dictionnaire analytique de la mondialisation et du
travail / Analytical Dictionary of Globalization and Labour / Diccionario analítico de la globaliza-
ción y del trabajo. Montréal. Consulté le 15 mars 2013, <http://www.crimt.org/damt.htm>.
3. Organisation internationale du travail (1999) : C182 Convention sur les pires formes de
travail des enfants, 1999. Consulté le 10 janvier 2014, <http://www.ilo.org/ilolex/cgi-lex/convdf.
pl?C182>.
4. Robert, Paul (2009) : Entrée enfant. Le Petit Robert pour iPad. Paris : Le Robert.
5. Robert, Paul (2009) : Entrée euphémisme. Le Petit Robert pour iPad. Paris : Le Robert.
6. Dictionnaire illustré Larousse (2009) : Entrée slogan. Version électronique pour iPad. Paris :
Larousse.
7. Pepermans, Raymond (1990) : Vocabulaire de l’administration publique et de la gestion/Public
administration and management vocabulary. Ottawa : Secrétariat d’État du Canada/Deparment
le vocabulaire économique et social 465
RÉFÉRENCES
Beveniste, Émile (1966) : Problèmes de linguistique générale. Paris : Gallimard.
Beveniste, Émile (1969) : Le vocabulaire des institutions indo-européennes 1. Économie, parenté,
société, Paris : Éditions de Minuit, 1969.
Budin, Gerhard (1996) : Wissensorganisation und Terminologie : Die Komplexität und Dynamik
wissenschaftlicher Informations- und Kommunikationsprozesse. Tübingen : Gunter Narr
Verlag.
Collet, Tanja (1998) : Transparence syntaxique et paradigme réductionnel du syntagme termi-
nologique. In : Thierry Fontenelle, Philippe Hiligsmann, Archibald Michiels, et al., dir. Actes
- Communications soumises à EURALEX’98 (Huitième Congrès international de lexicogra-
phie) Liège. 497-504.
Cormier, Monique et Fontaine, Jean (1995) : Les noms propres et leurs dérivés dans le voca-
bulaire de l’intelligence artificielle, TTR : traduction, terminologie, rédaction. 8(2):103-149.
Dancette, Jeanne (2007) : Semantic relations in retailing. Terminology. 13(2):201-223.
Dancette, Jeanne (2008) : Questions sociolinguistiques et terminologiques de la mondialisation
du travail. In : François Maniez et Pascaline Dury, dir. Hommage à Henri Béjoint. Lyon :
Travaux du CRTT, 319-335.
Dancette, Jeanne (2011a) : L’intégration des relations sémantiques dans les dictionnaires spé-
cialisés multilingues : du corpus ciblé à l’organisation des connaissances. Meta. 56(2):284-
300.
Dancette, Jeanne (2011b) : Un dictionnaire encyclopédique plurilingue sur thésaurus. In : Marc
Van Campenhoudt, Teresa Lino et Rute Costa, dir. Passeurs de mots, passeurs d’espoir :
lexicologie, terminologie et traduction face au défi de la diversité, LTT. (Actes des 8e Journées
scientifiques du Réseau de chercheurs Lexicologie, terminologie, traduction, Lisbonne,
15-17 octobre 2009, 161-176, Consulté le 15 mars 2013, <http://www.ltt.auf.org/IMG/pdf/
titre_TDM.pdf>.
Gaudin, François (2003) Socioterminologie : une approche sociolinguistique de la terminologie.
Bruxelles: Duculot.
Grass, Thierry, Humbley, John, Valvaire, Jean Louis, dir. La traduction des noms propres.
Meta. 51(4).
Humbley, John (2006a) : La traduction des noms d’institutions. In : Thierry Grass, John Hum-
bley, Jean Louis Valvaire., dir. La traduction des noms propres. Meta. 51(4):671-689.
Humbley, John (2006b) : Terminologie et nom propre. In : Martine Bracops, Anne-Élizabeth
Dalcq, Isabelle Goffin et al., dir. Des arbres et des mots. Hommage à Daniel Blampain.
Bruxelles : Éditions du Hazard, 107-124.
Jakobson, Roman (1963) : Essais de linguistique générale. Paris : Éditions de Minuit.
Kerbrat-Orecchioni, Catherine (2005) : Le Discours en interaction. Paris : Armand Colin.
Krieg-Planque, Alice (2009) : À propos des « noms propres d’événement ». Événementialité et
discursivité. Les Carnets du Cediscor. 11 :77-90.
Krieg-Planque, Alice et Oger, Claire (2010) : Discours institutionnels. Perspectives pour les
sciences de la communication. Mots. Les langages du politique. 3(94):91-96.
Lerat, Pierre (1995) : Les langues de spécialité. Paris : Presses Universitaires de France.
466 Meta, LVIII, 2, 2013