Existence de Dieu
Existence de Dieu
Existence de Dieu
Quia igitur principalis intentio huius L’objet principal de la doctrine sacrée est
sacræ doctrinæ est Dei cognitionem tradere, de transmettre la connaissance de Dieu : non
et non solum secundum quod in se est, sed pas seulement ce qu’il est en lui-même, mais
etiam secundum quod est principium rerum aussi selon qu’il est le principe et la fin de
et finis earum, et specialiter rationalis toutes choses, spécialement de la créature
creaturæ, ut ex dictis est manifestum ; ad raisonnable, comme on l’a montré dans ce qui
huius doctrinæ expositionem intendentes, précède. Nous devrons donc, ayant à exposer
primo tractabimus de Deo ; secundo, de cette doctrine, traiter premièrement de Dieu
motu rationalis creaturæ in Deum ; tertio, de (première partie) ; deuxièmement du mouve-
Christo, qui, secundum quod homo, via est ment de la créature raisonnable vers Dieu
nobis tendendi in Deum. (deuxième partie) ; troisièmement du Christ,
Consideratio autem de Deo tripartita qui, comme homme, est pour nous la voie qui
erit. Primo namque considerabimus ea quæ mène à Dieu (troisième partie). Notre étude de
ad essentiam divinam pertinent ; secundo, ea Dieu comprendra trois sections. Nous considé-
quæ pertinent ad distinctionem persona- rerons premièrement ce qui concerne l’essence
rum ; tertio, ea quæ pertinent ad processum divine (qq. 2-26) ; deuxièmement ce qui
creaturarum ab ipso. concerne la distinction des Personnes (qq. 27-
Circa essentiam vero divinam, primo 43) ; troisièmement ce qui concerne la manière
considerandum est an Deus sit ; secundo, dont les créatures procèdent de Dieu (qq. 44-
quomodo sit, vel Potius quomodo non sit ; 119). Touchant l’essence divine, il y a lieu de se
tertio considerandum erit de his quæ ad demander premièrement si Dieu existe ;
operationem ipsius pertinent, scilicet de deuxièmement comment il est, ou plutôt
scientia et de voluntate et potentia. comment il n’est pas (qq. 3-13) ; troisièmement
il faudra étudier en outre ce qui concerne son
Circa primum quæruntur tria. Primo :
opération, à savoir sa science, sa volonté et sa
utrum Deum esse sit per se notum. Secundo :
puissance (qq. 14-26).
utrum sit demonstrabile. Tertio : an Deus sit.
Articulus primus Article 1
– 2. Præterea, quod potest compleri per – Objection 2. Ce qui peut être accompli par
pauciora principia, non fit per plura. Sed des principes en petit nombre ne se fait pas par
videtur quod omnia quæ apparent in des principes plus nombreux. Or, il semble bien
mundo, possunt compleri per alia principia, que tous les phénomènes observés dans le
supposito quod Deus non sit, quia ea quæ monde puissent s’accomplir par d’autres
sunt naturalia, reducuntur in principium principes, si l’on suppose que Dieu n’existe
quod est natura ; ea vero quæ sunt a pas ; car ce qui est naturel a pour principe la
proposito, reducuntur in principium quod nature, et ce qui est libre a pour principe la
est ratio humana vel voluntas. Nulla igitur raison humaine ou la volonté. Il n’y a donc
necessitas est ponere Deum esse. nulle nécessité de supposer que Dieu existe.
Sed contra est quod dicitur Exodi iii, En sens contraire, Dieu lui-même dit : « Je
ex persona Dei, ego sum qui sum. suis Celui qui suis » (Ex. iii, 14).
Respondeo dicendum quod Deum esse Réponse : Que Dieu existe, on peut
quinque viis probari potest. prendre cinq voies pour le prouver.
Prima autem et manifestior via est, quæ La première et la plus manifeste est celle qui se
sumitur ex parte motus. Certum est enim, prend du mouvement. Il est évident, nos sens
et sensu constat, aliqua moveri in hoc nous l’attestent, que dans ce monde certaines
mundo. Omne autem quod movetur, ab alio choses se meuvent. Or, tout ce qui se meut est
movetur. Nihil enim movetur, nisi mû par un autre. En effet, rien ne se meut
secundum quod est in potentia ad illud ad qu’autant qu’il est en puissance par rapport au
quod movetur, movet autem aliquid terme de son mouvement, tandis qu’au
secundum quod est actu. Movere enim nihil contraire, ce qui meut le fait pour autant qu’il
aliud est quam educere aliquid de potentia est en acte ; car mouvoir, c’est faire passer de la
in actum, de potentia autem non potest puissance à l’acte, et rien ne peut être amené à
aliquid reduci in actum, nisi per aliquod ens l’acte autrement que par un être en acte,
in actu, sicut calidum in actu, ut ignis, facit comme un corps chaud en acte, tel le feu, rend
lignum, quod est calidum in potentia, esse chaud en acte le bois qui était auparavant chaud
actu calidum, et per hoc movet et alterat en puissance, et par là il le meut et l’altère. Or il
ipsum. Non autem est possibile ut idem sit n’est pas possible que le même être, envisagé
simul in actu et potentia secundum idem, sous le même rapport, soit à la fois en acte et en
sed solum secundum diversa, quod enim est puissance ; il ne le peut que sous des rapports
calidum in actu, non potest simul esse divers ; par exemple, ce qui est chaud en acte ne
calidum in potentia, sed est simul frigidum peut pas être en même temps chaud en
in potentia. Impossibile est ergo quod, puissance ; mais il est, en même temps, froid en
secundum idem et eodem modo, aliquid sit puissance. Il est donc impossible que sous le
movens et motum, vel quod moveat même rapport et de la même manière quelque
seipsum. Omne ergo quod movetur, oportet chose soit à la fois mouvant et mû, c’est-à-dire
ab alio moveri. Si ergo id a quo movetur, qu’il se meuve lui-même. Il faut donc que tout
moveatur, oportet et ipsum ab alio moveri ce qui se meut soit mû par un autre. Donc, si la
Secunda via est ex ratione causæ La seconde voie part de la notion de cause
efficientis. Invenimus enim in istis efficiente. Nous constatons, à observer les
sensibilibus esse ordinem causarum choses sensibles, qu’il y a un ordre entre les
efficientium, nec tamen invenitur, nec est causes efficientes ; mais ce qui ne se trouve pas
possibile, quod aliquid sit causa efficiens sui et qui n’est pas possible, c’est qu’une chose soit
ipsius ; quia sic esset prius seipso, quod est la cause efficiente d’elle-même, ce qui la
impossibile. Non autem est possibile quod supposerait antérieure à elle-même, chose
in causis efficientibus procedatur in impossible. Or, il n’est pas possible non plus
infinitum. Quia in omnibus causis efficien- qu’on remonte à l’infini dans les causes
tibus ordinatis, primum est causa medii, et efficientes ; car, parmi toutes les causes
medium est causa ultimi, sive media sint efficientes ordonnées entre elles, la première est
plura sive unum tantum, remota autem cause des intermédiaires et les intermédiaires
causa, removetur effectus, ergo, si non fuerit sont causes du dernier terme, que ces
primum in causis efficientibus, non erit intermédiaires soient nombreux ou qu’il n’y en
ultimum nec medium. Sed si procedatur in ait qu’un seul. D’autre part, supprimez la cause,
infinitum in causis efficientibus, non erit vous supprimez aussi l’effet. Donc, s’il n’y a pas
prima causa efficiens, et sic non erit nec de premier, dans l’ordre des causes efficientes, il
effectus ultimus, nec causæ efficientes n’y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l’on
mediæ, quod patet esse falsum. Ergo est devait monter à l’infini dans la série des causes
necesse ponere aliquam causam efficientem efficientes, il n’y aurait pas de cause première ;
primam, quam omnes Deum nominant. en conséquence, il n’y aurait ni effet dernier, ni
cause efficiente intermédiaire, ce qui est
évidemment faux. Il faut donc nécessairement
affirmer qu’il existe une cause efficiente
première, que tous appellent Dieu.
Quarta via sumitur ex gradibus qui in La quatrième voie procède des degrés que
rebus inveniuntur. Invenitur enim in rebus l’on trouve dans les choses. On voit en effet
aliquid magis et minus bonum, et verum, et dans les choses du plus ou moins bon, du plus
nobile, et sic de aliis huiusmodi. Sed magis ou moins vrai, du plus ou moins noble, etc. Or,
et minus dicuntur de diversis secundum une qualité est attribuée en plus ou en moins à
quod appropinquant diversimode ad aliquid des choses diverses selon leur proximité
quod maxime est, sicut magis calidum est, différente à l’égard de la chose en laquelle cette
quod magis appropinquat maxime calido. qualité est réalisée au suprême degré ; par
Est igitur aliquid quod est verissimum, et exemple, on dira plus chaud ce qui se rapproche
optimum, et nobilissimum, et per davantage de ce qui est suprêmement chaud. Il
consequens maxime ens, nam quæ sunt y a donc quelque chose qui est souverainement
maxime vera, sunt maxime entia, ut dicitur vrai, souverainement bon, souverainement
II Metaphys. Quod autem dicitur maxime noble, et par conséquent aussi souverainement
tale in aliquo genere, est causa omnium quæ être, car, comme le fait voir Aristote dans la
sunt illius generis, sicut ignis, qui est Métaphysique, le plus haut degré du vrai
maxime calidus, est causa omnium coïncide avec le plus haut degré de l’être.
calidorum, ut in eodem libro dicitur. Ergo D’autre part, ce qui est au sommet de la
est aliquid quod omnibus entibus est causa perfection dans un genre donné, est cause de
esse, et bonitatis, et cuiuslibet perfectionis, cette même perfection en tous ceux qui
et hoc dicimus Deum. appartiennent à ce genre : ainsi le feu, qui est le
chaud suprême, est cause de la chaleur de tout