Egalite Peche Urs
Egalite Peche Urs
Egalite Peche Urs
«Il n'y a point de différence, puisque tous ont péché et sont privés de la gloire
de Dieu.» (Rom. III, 22.)
Les hommes se trouvent placés dans des circonstances morales si diverses, qu'il
doit nécessairement y avoir entre eux une grande diversité morale.
Les païens, dont parle saint Paul en tête de son épître, livrés au culte le plus
dégradant, écrasés sous le joug de castes oppressives, égarés par les fausses
lumières de leurs sages, n'étaient pas en des conditions analogues à celles des
Israélites, dépositaires des oracles du Dieu vivant.
De nos jours, les peuples chrétiens ont des prérogatives incontestables; et, parmi
ces peuples, il en est qui sont particulièrement favorisés. Aussi, à partir des pays
où l'Évangile est en général prêché dans sa pureté, et en traversant ceux où il est
comme étouffé sous le poids des superstitions, pour arriver chez les peuples
encore idolâtres, quelles différences ne remarquerons-nous pas dans le
développement du sens moral.
Sans doute qu'il n'est pas besoin d'être né à la Nouvelle-Zélande pour avoir du
penchant à la cruauté, ni en Turquie pour être voluptueux, ni dans les Indes pour
savoir mentir. Sans doute que, si l'on fait la part des circonstances, le pécheur de
la Chine n'est pas plus pécheur que celui du canton de Vaud, ou de la France.
Toutefois, on ne saurait dire qu'aux yeux de l'homme il n'y ait pas de différence
entre eux.
Il faut convenir encore qu'au sein de circonstances toutes semblables, on voit des
hommes qui sont loin de suivre la même route. Un individu rangé, laborieux et
moral, comme le fils aîné de la parabole de l'Enfant prodigue, devra toujours
nous paraître fort supérieur à celui qui dissipe son bien dans la débauche.
Il est des gens qu'on appelle honnêtes et qui le sont au sens qu'on entend; il en
est d'autres dont le cœur est décidément perverti. Là, règnent la probité, les
affections décentes, une certaine vertu; ici, la fraude, la licence et souvent le
crime.
Lors donc que nous parlons de l'égalité des pécheurs, nous parlons, non pas de ce
qu'ils nous paraissent à nous, mais de ce qu'ils sont devant Dieu.
Et là-dessus encore, il faut éviter de se faire des idées qui seraient erronées. Pour
expliquer l'égalité de tous devant Dieu, l'on se sert quelquefois de la
comparaison d'un homme qui, placé sur une haute montagne, voit disparaître à
ses yeux les inégalités de la plaine. Cependant, c'est à cause de la faiblesse de ses
organes que les collines se confondent ainsi avec les vallées.
Mais Dieu qui discerne toujours toutes choses, «car rien n'est caché devant ses
yeux,» Dieu pourrait-il ne pas voir les différences réelles qui existent d'homme à
homme? Pourrait-il surtout ne pas voir et apprécier les différences que sa grâce a
mises entre eux?
Et ailleurs: «Qui est-ce qui a mis une différence entre, toi et un autre?
Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu, et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu
comme si tu ne l'avais pas reçu?»
Mais il est manifeste, mes frères, que, si Dieu voit mieux que nous-mêmes toutes
les différences, il voit aussi mieux que nous les ressemblances, et dans mon
texte, saint Paul parle de l'homme, abstraction faite de ce que l'Esprit de Dieu
peut avoir produit en lui de vie nouvelle. Il fait pareillement abstraction de la
diversité des circonstances, et même de celle des caractères. Il envisage ce qu'il y
a de commun entre tous, et il y voit un fond de péché qui l'autorise à prononcer
cette parole:
«Il n'y a point de différence; tous ont péché et sont privés de la gloire de
Dieu.»
Il ne s'agit donc pas d'établir que tous ont commis exactement les mêmes péchés,
ou que tous les péchés sont égaux, ou qu'à fin de compte la balance du mal est la
même pour tous. L'Écriture nous dit que «TOUS N'ONT PAS PÉCHÉ PAR UNE
TRANSGRESSION SEMBLABLE À CELLE D'ADAM.»
Elle nous déclare en outre qu'au jour du jugement il en est «qui seront traités
plus rigoureusement que d'autres.»
Malgré ces réserves, il ne demeure pas moins vrai (et c'est ici la doctrine de
l'Apôtre), premièrement, que tous sont pécheurs, transgresseurs de la loi et
porteurs du péché dans leur sein. Quand il y aurait des différences au sujet des
péchés commis, de leur nombre et de leur gravité, il serait difficile, pour le
moins, d'établir une différence relativement à l'inclination naturelle au péché,
inclination commune à tous.
En second lieu, à ne considérer que les péchés commis, tous les hommes, même
les moins coupables, le sont assez devant Dieu pour mériter d'être exclus de
sa gloire dans l'éternité.
Enfin la doctrine de saint Paul renferme cet autre principe, que, déjà dans ce
monde, et VU NOTRE ÉTAT ET NOTRE VIE DE PÉCHÉ, LA GLOIRE DE
DIEU N'EST PAS NATURELLEMENT EN NOUS.
Ce sera dire assez qu'il en est de même de tous les hommes. En généralisant ainsi
l'accusation, aurai-je trouvé le moyen de vous la faire trouver moins dure? Et
dans tous les cas n'entreprends-je pas une tâche à la fois bien difficile et bien
ingrate?
Mes frères, je m'efforce de vous être utile, encore plus qu'agréable. Je vous dois
la vérité, parce qu'elle seule peut vous sauver tout en glorifiant Dieu, et j'espère
qu'il me sera donné de ne pas y faillir. Quant à la difficulté de mon entreprise, je
ne me la dissimule pas. Demander au juge de se déclarer coupable de crime
capital, et le lui demander au nom d'une loi qu'il ne reconnaît pas! quelle
hardiesse! C'est la mienne, je le sens.
Il faut que, juges dans votre propre cause, vous en veniez à vous condamner
vous-mêmes; et que, pour reconnaître votre crime, vous consentiez à mettre de
côté la morale que vous vous faites, pour accepter celle qui vient de Dieu!
«L'Éternel ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son nom en
vain.»
Je n'ai pas à justifier la loi sainte de votre Créateur. Je pourrais vous dire que la
médisance provient d'une absence totale de charité, que le mensonge est le fruit
d'un entier oubli du Dieu de vérité, une sorte d'athéisme pratique, et enfin que le
jureur blasphème et méprise Dieu. Mais je prends la loi telle qu'elle est. Je vous
l'applique; et voilà déjà la médisance, le mensonge et les jurements; vos
jurements, dis-je, vos mensonges et vos médisances, qui s'élèvent en témoignage
contre vous.
N'avez-vous jamais médit, jamais menti, jamais pris le nom de Dieu en vain, ou
même prononcé d'horribles imprécations?
Il est dit aussi des impurs, des ivrognes et des gourmands, gens «qui font de leur
ventre leur dieu, qu'ils n'hériteront point de la vie éternelle.»
Or, remarquez, mes frères, que, d'après l'Écriture, s'il y a une différence très
réelle entre les péchés d'habitude et ceux qui sont l'effet d'une tentation inopinée,
en sorte que les premiers sont le propre des pécheurs non convertis, et les
seconds, seulement le fait possible et trop fréquent sans doute des pécheurs reçus
en grâce; toutefois la condamnation n'est pas prononcée contre l'habitude du
péché, mais contre le péché, n'eût-il été commis qu'une fois. Cette observation
faite, redites-vous bien que l'impureté, l'ivrognerie, la gourmandise sont des
péchés déclarés énormes par la Parole de Dieu; et jugez-vous vous-mêmes.
Mais un péché surtout auquel on ne prend pas trop garde, péché qui est moins un
acte particulier, qu'un péché renfermé dans tous ceux dont je viens de parler et
dans quelques autres encore, c'est le scandale.
Mal d'une portée immense, mal irréparable, mal anathématisé d'une manière si
redoutable par le Seigneur, le scandale est une semence de péché jetée dans les
âmes, et par conséquent c'en est le meurtre; et de quelle mort terrible ce meurtre
n'est-il pas la cause? Aussi est-il écrit:
«Malheur à celui par qui le scandale arrive; car il vaudrait mieux pour lui qu'on
lui mît au cou une meule de moulin et qu'on le jetât dans la mer.»
Or, mes frères, à supposer que vous vous soyez repentis de vos mensonges, et de
vos jurements, et de vos excès; à supposer que vous en soyez parfaitement
corrigés et que par là vous ayez réparé, autant qu'il était en vous, vos souillures
et vos méchancetés; comment ferez-vous, je vous en prie, pour retirer de leur
perdition les personnes que vous avez entraînées par votre exemple, ou séduites
par vos tentations, et dont plusieurs ont déjà comparu devant le tribunal de
Christ! Ce péché! ah! ce péché du scandale! qui ne l'a pas à sa charge?
Les meilleurs et les plus saints d'entre vous ont, à cet égard, le plus lourd
fardeau; car plus votre piété est généralement reconnue, plus vos péchés, même
légers, sont pour un grand nombre de personnes, des occasions de chutes, et de
chutes mortelles.
Voilà donc, mes frères, un premier point: des péchés fort communs et pourtant
très-considérables.
Mais on oublie qu'il s'agit ici du jugement de Dieu, et qu'à ses yeux nos
pensées sont des actes, aussi bien que nos paroles et nos actions proprement
dites.
Or faudra-t-il vous rappeler, mes frères, ce qu'il est dit des regards de convoitise,
qu'ils sont l'adultère dans le cœur? Et de la haine, qu'elle équivaut au meurtre?
Faudra-t-il vous faire entendre que tous les péchés dont vous avez entretenu et
caressé la pensée, que tous ces péchés dont vous ne vous êtes abstenus peut-être
que pour n'avoir pu ou osé les réaliser, ou bien encore par le seul motif de votre
intérêt mieux compris, faudra-t-il, dis-je, vous faire entendre que tous ces péchés
sont autant de péchés commis?
Écoutez, mes frères, ce que je pourrais en quelque sorte appeler une parabole.
Un homme sortit un soir de sa demeure, ayant avec lui tout ce qu'il fallait pour
exécuter de sinistres projets. Dans la journée, il a vu comment il pourrait, avec
succès, mettre le feu à la maison de son ennemi; mais préoccupé par sa passion,
il n'a pas remarqué certains matériaux, bois ou pierres, que des voisins avaient
déposés tout près de sa porte. C'est le moyen que Dieu a préparé pour empêcher
l'exécution du crime. Ah! que de péchés qui avortent ainsi par une bonne et
patiente providence, sans que les hommes le sachent!
Le malheureux dont je vous parle se lève donc de son lit au milieu d'une nuit
obscure, telle qu'il la lui faut. Mais cette obscurité même est ce qui trompe ses
espérances criminelles. Il se heurte, il tombe, il se blesse dangereusement. On
vient à ses cris et on le replace sur sa couche. Il se garde bien, vous le
comprenez, de dire pour quelle cause il s'était trouvé hors de chez lui. Cependant
son mal empire, et il meurt sans s'être converti.
Après cela, pensez aux vœux détestables que vos haines, vos jalousies, votre
avance vous ont si souvent inspirés; pensez aux désirs coupables que vos
passions fomentent et entretiennent en vous, à la complaisance avec laquelle
vous nourrissez le souvenir des jouissances criminelles que vous procurent vos
ressentiments, votre malignité, vos goûts sensuels; et puis, vous commencerez, je
crois, à reconnaître que vous êtes tous, en effet, de grands pécheurs devant Dieu.
En nous parlant d'un livre où tout est écrit, la Révélation nous enseigne que rien
ne s'efface de la mémoire de l'Éternel.
Pour vous il y a un passé, il n'y en a point pour lui. Oublier vos crimes n'est pas
plus les annuler, qu'oublier une dette n'est la payer.
Que de fois le Seigneur, par les vengeances tardives que, dans ce monde même,
sa justice souveraine exerce sur les coupables, n'a-t-il pas montré que, s'il se
souvient de faire miséricorde à ceux qui invoquent sa grâce, que, s'il peut
même «enfermer leurs péchés dans un sac et les jeter au fond de la mer,» aucune
de nos iniquités les plus secrètes ne lui échappe et qu'il se réserve de les
soumettre à son jugement.
«Il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun
reçoive suivant le bien ou le mal qu'il a fait étant en son corps.»
Ce ne sont donc pas seulement les péchés dont nous nous souvenons, ni les
derniers péchés commis par nous, qui nous seront alors représentés; mais tous
ceux que nous aurons commis durant notre vie entière.
Faut-il rappeler des vérités si élémentaires?
– N'est-ce pas là ce qui explique bien des remords, bien des angoisses chez
ceux qui s'obstinent d'ailleurs à ne pas confesser leurs péchés et à rejeter le
salut?
On m'a parlé d'un vieillard entre autres, dont la grâce divine toucha le cœur sur
son lit de mort. C'était un homme honorable qui n'avait pas vécu plus mal que la
plupart d'entre vous assurément. Il disait à ses enfants, peu de jours avant de les
quitter pour aller vers son Sauveur: J'ai refait deux fois cette nuit, dans mon
esprit, toute l'histoire de ma longue vie. Que de péchés et que de grands péchés!
Mais ce qui m'étonne surtout, c'est de me rappeler si bien une foule de choses
auxquelles je n'avais jamais repensé...
Ainsi, mes frères, dites-vous bien que tous vos péchés, quels qu'ils soient, et les
plus anciens comme les plus récents, sont là, sur votre âme, bien que le souvenir
que vous en avez soit si confus.
J'ai tout dit, semble-t-il, et pourtant, sous un certain point de vue, tout me reste à
dire:
Le péché, ce n'est pas seulement le mal commis, mais c'est encore LE BIEN
NÉGLIGÉ ET LE MAL QUE NOUS AVONS LAISSÉ FAIRE.
Nos grands péchés sont moins peut-être dans la violation des défenses, que dans
l'oubli des commandements.
Passez en revue tous vos devoirs et voyez si vous les avez remplis fidèlement,
chaque Instant de votre vie.
Je serais mieux compris sans doute en vous parlant de vos devoirs envers votre
patrie.
– Quel est le Vaudois qui n'aime le berceau de ses pères et qui ne sente qu'il
a des obligations à remplir comme membre du corps politique?
– N'est-il pas vrai toutefois que vous exigez tout de votre pays, et que vous
vous dévouez à son service le moins possible?
– N'est-il pas vrai que vos droits de citoyen vous sont plus chers que vos
devoirs?
– N'est-il pas vrai que vous secouez autant que vous le pouvez toute
responsabilité dans la chose publique, que ceux qui acceptent des emplois
ne le font guère que parce qu'ils y trouvent leur compte de manière ou
d'autre, et que, dans les nominations auxquelles tous prennent part, on
consulte plus ses affections particulières que l'intérêt général?
Il se trouve que nul, pour ainsi dire, ne s'en occupe, à moins que des
circonstances accessoires ne viennent mettre en jeu les passions.
– L'âme de vos enfants vous est plus chère que leur corps; et leur
salut, plus que le meilleur établissement.
Allons donc à autre chose, et puisqu'il y a tant de gens qui négligent leur famille
pour leurs amis, voyons comment vous remplissez vos devoirs envers eux.
Il dira que vous aimez vos prétendus amis, juste le temps où ils vous sont bons à
quelque chose; que vous êtes des premiers à leur tourner le dos avec la fortune;
qu'une fois empêchés par les circonstances de partager vos plaisirs, ils ne vous
sont plus rien, et qu'à peine enlevés par la mort de la scène du monde, les voilà
par vous tout oubliés.
Il dira que les amis se déchirent à belles dents, qu'ils se portent, dans l'occasion,
tout le dommage que réclament leurs propres intérêts; mais ce qu'il ne dira pas et
ce que je dois ajouter, c'est que vos amitiés ne vous enseignent sûrement pas à
vous reprendre mutuellement de vos défauts, à vous encourager réciproquement
dans l'amour de Dieu, à prier les uns pour les autres.
En bref, ce que les païens appelaient l'amitié, des chrétiens devraient le nommer,
d'après l'Évangile, l'amour fraternel; et en remplissez-vous les devoirs?
Puisque vous traitez si souvent vos amis comme il n'est pas même licite de
traiter ses ennemis, vous demanderai-je si vous vous acquittez des devoirs
que Jésus-Christ vous impose envers ces derniers?
– Les aimez-vous?
– Les bénissez-vous!
Il ne suffit pas de dire que vous ne leur en voulez pas; que vous leur pardonnez,
que vous êtes prêts à faire quelque chose pour eux; surtout si vous ajoutez que
vous ne voulez plus les voir, ni même en entendre parler.
Ce n'est pas grand-chose qu'une prière, pensez-vous peut-être; qu'est-ce que cela
coûte et qu'est-ce que cela prouve après tout? Eh bien, cette petite chose, ce rien
que Dieu vous demande pour vos ennemis, le leur donnez-vous?
Que vous dit, après cela, votre conscience sur la manière dont vous
remplissez le devoir de la sympathie chrétienne.
Que vous sont les pauvres et les affligés, et que faites-vous pour ceux que le
monde estime heureux?
Vous, jeunes gens, quels sentiments vous inspirent les vieillards! et vous,
personnes âgées, quel genre de soins avez-vous de ceux qui sont plus jeunes?
Et pour tout dire, où sont parmi vous ceux qui vivent dans la pensée habituelle
du devoir? Cette pensée ne vous est-elle pas plutôt importune? Les devoirs
d'autrui à votre égard! oh! pour cela, vous y pensez beaucoup et trop; mais il
s'agit de vos devoirs à vous.
Et quand on néglige son devoir envers ses frères, savez-vous bien ce qu'il en
résulte, de coutume?
– Voyez ce Ruben qui se vante d'avoir pris le parti de Joseph, quand il est
démontré qu'il le défendit trop faiblement. S'il eut parlé comme il le devait,
peut-être eût-il prévenu le crime. Voyez le sacrificateur Héli de quels
désordres et de quel châtiment sa faiblesse pour ses coupables fils ne fut-
elle pas cause?
– Voyez enfin Pilate qui, traître à son devoir de magistrat, cède aux cris de
la multitude celui qu'il déclare lui-même innocent de tout mal.
Évaluez donc, si vous le pouvez, le nombre et la gravité des péchés que vous
auriez pu prévenir et que votre lâcheté a commis par d'autres mains; vous par vos
enfants, vous par votre femme, vous par vos domestiques, vous par vos
administrés, vous par vos paroissiens, vous par vos amis et vos frères, et vous
vous effraierez, je m'assure, de l'énorme dette que vous avez contractée dans
cette solidarité qui unit à ceux qui font le mal tout individu qui le tolère.
Non, mes frères, je n'ai pas fini, et IL ME RESTE L'ESSENTIEL; car jusqu'ici je
n'ai pas encore touché à ceux de vos devoirs qui ont spécialement Dieu pour
objet.
Il n'en est pas sur lesquels il soit plus aisé de se faire des illusions. On communie
régulièrement, on n'abandonne pas les assemblées publiques du temple, on y
ajoute même des réunions d'édification plus intime, on prie aussi, peut-être, et on
lit la Bible; mais aime-t-on Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de
toute sa pensée?
Questions accablantes pour qui les comprend; et si vous ne les comprenez pas,
c'est une démonstration sans réplique de votre indifférence pour Dieu.
Ce dernier trait, ajouté à tous les autres, doit vous convaincre que vous êtes
tous... Ah! mes frères, je dis mal, il doit nous convaincre que NOUS SOMMES
TOUS, DEVANT DIEU, DE GRANDS PÉCHEURS.
De là résulte, non pas comme il semble quelquefois qu'on le pense, que, tous
étant également dignes de condamnation, personne ne risque rien pour son âme;
car j'aimerais autant qu'on prétendit que dans les contrées où dure un hiver
perpétuel personne n'a jamais froid. Dites qu'à envisager vos seuls péchés, et
abstraction faite de la grâce de Dieu, vous ne risquez pas plus les uns que les
autres; j'en conviendrai, et vous serez alors semblables aux habitants de cette
ville fameuse qui fleurissait jadis au pied du Vésuve. Nul d'entre eux n'était plus
exposé que tous ses concitoyens; mais tous périrent sous le feu de la montagne.
Il ne faut donc pas, pour vous tranquilliser, vous borner à prétendre que, puisque
tous sont de grands pécheurs, les risques sont égaux; il vous faut hardiment
proclamer que, tous étant de grands pécheurs, tous sont assurés des récompenses
des justes. Osez-le, et nous verrons la réponse à vous faire.
La première, c'est qu'il faut absolument que Dieu vous pardonne, et qu'il vous
convertisse, si vous voulez avoir «part à l'héritage des saints dans la lumière.»
Votre expérience de la vie doit vous assurer que le cœur ne s'améliore pas en
vieillissant, à moins que le Seigneur n'y déploie l'efficace puissante de son Saint-
Esprit.
C'est pourquoi, mes frères, «si vous ne vous convertissez,» et si vous n'obtenez,
par le sang de la nouvelle alliance, une entière rémission de vos péchés, vous
périrez tous semblablement; car, pécheurs, vous continuerez d'être pécheurs, et
«vous mourrez dans vos péchés.»
Et puisque tous sont de grands pécheurs devant Dieu, nul, par lui-même, n'a plus
de droit au salut qu'un autre. «L'affection de la chair est inimitié contre Dieu;
elle ne se soumet pas à la loi de Dieu et même elle ne le peut; c'est pourquoi
ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu.»
Il suit de là que, non seulement «le salut vient de Dieu,» dans ce sens que c'est
Lui qui nous a donné un Sauveur; mais encore que ce salut est, DANS CEUX
QUI CROIENT, l'effet de sa pure miséricorde ou de sa grâce libre et
souveraine.
Oh! quelle vérité consolante pour de pauvres pécheurs tels que nous! car c'est
nous dire que nul de nous ne doit s'éloigner du salut, parce qu'il s'en estimerait
indigne.
Et puisqu'il n'y a pas, en nous, de raisons pour que Dieu nous fasse grâce plutôt
qu'à d'autres, il n'y a pas non plus, en nous, des raisons pour que Dieu ne nous
accorde pas cette grâce aussi bien qu'à d'autres.
Dites et répétez avec larmes et confusion: «Je suis un grand pécheur, le premier
des pécheurs;» je vous répondrai que Paul l'a dit avant vous, et que pourtant
«miséricorde lui a été faite,» afin, ajoute-t-il, «qu'en lui, le premier, Jésus-Christ
montrât toute sa longanimité, pour qu'il fût un exemple de ceux qui croiront en
lui pour la vie éternelle.»
Ah! mes frères, emportez avec vous, dans vos maisons, et dans vos cœurs, cette
bonne parole. Croyez bien que jamais je n'aurais eu le courage de vous dire
vos grands péchés, si je n'avais pu vous annoncer aussi un grand salut et un
grand Sauveur.
Enfin, mes bien-aimés, recueillons de la triste vérité qui nous a occupés cette
dernière instruction que je me contente d'indiquer.
– ne méprisons personne;
– espérons pour les autres, mais d'une espérance qui ne nous endorme pas
sur les dangers que courent nos semblables;