CH 12 L Analyse de La Rentabilite Comptable

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Chapitre 12

L’analyse de la rentabilité comptable

Nous avons jusqu’à présent étudié la formation des marges de l’entreprise, tout en
sachant que celles-ci nécessitent la réalisation d’investissements prenant la forme de
variations du besoin en fonds de roulement ou d’acquisitions d’immobilisations, et
qui naturellement doivent être financées par capitaux propres ou par endettement.
Nous avons maintenant en main tous les éléments pour porter un diagnostic sur
l’efficacité de l’entreprise, c’est-à-dire sur sa rentabilité.

Une entreprise qui dégage une rentabilité au moins égale à celle demandée par ses
actionnaires et ses créanciers n’aura pas durablement de problèmes de financement,
elle remboursera ses dettes et créera de la valeur pour ses actionnaires.

SECTION 1: L’ANALYSE DE LA RENTABILITE DE L’ENTREPRISE

On ne peut parler de rentabilité qu’en rapportant à des capitaux investis, le résultat


produit par l’investissement de ces capitaux. S’il n’y a pas de capitaux investis, il n’y a
pas de rentabilité.
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1. LA RENTABILITE ECONOMIQUE

L’analyste doit s’intéresser en priorité à la rentabilité de l’actif économique


mesurée par le rapport du résultat d’exploitation après impôt sur les sociétés (IS) sur
l’actif économique.

On l’appellera taux de rentabilité économiqueou taux de rentabilité


opérationnelle (Re) ou return on capital employed, ROCE en anglais1.

𝐑é𝐬𝐮𝐥𝐭𝐚𝐭 𝐝’𝐞𝐱𝐩𝐥𝐨𝐢𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 × (𝟏 − 𝐭𝐚𝐮𝐱 𝐝’𝐢𝐦𝐩ô𝐭 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐜𝐢é𝐭é𝐬)


𝐀𝐜𝐭𝐢𝐟 é𝐜𝐨𝐧𝐨𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞

La rentabilité économique peut s’expliquer par la combinaison d’une marge et d’un


taux de rotation. En effet :

𝐑é𝐬𝐮𝐥𝐭𝐚𝐭 𝐝’𝐞𝐱𝐩𝐥𝐨𝐢𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 × (𝟏 − 𝐭𝐚𝐮𝐱 𝐝’𝐢𝐦𝐩ô𝐭 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐜𝐢é𝐭é𝐬)


𝐀𝐜𝐭𝐢𝐟 é𝐜𝐨𝐧𝐨𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞

𝐑é𝐬𝐮𝐥𝐭𝐚𝐭 𝐝’𝐞𝐱𝐩𝐥𝐨𝐢𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 × (𝟏 − 𝐭𝐚𝐮𝐱 𝐝’𝐢𝐦𝐩ô𝐭 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐜𝐢é𝐭é𝐬)


𝐂𝐡𝐢𝐟𝐟𝐫𝐞 𝐝′𝐚𝐟𝐟𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬

𝐂𝐡𝐢𝐟𝐟𝐫𝐞 𝐝′𝐚𝐟𝐟𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬
𝐀𝐜𝐭𝐢𝐟 é𝐜𝐨𝐧𝐨𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞

Le premier ratio, résultat d’exploitation/chiffre d’affaires est la marge


d’exploitation dégagée par l’entreprise. Le second, chiffre d’affaires/actif économique
est un ratio de rotation de l’actif économique (c’est l’inverse de l’intensité
capitalistique) qui indique le montant des capitaux engagés (actif économique) pour
un chiffre d’affaires donné. Une rentabilité économique « normale » peut donc
résulter de faibles marges, mais d’un fort taux de rotation (donc une faible intensité
capitalistique) ; c’est l’exemple de la grande distribution. Elle peut aussi résulter de

1 Notre lecteur pourra également trouver les termes Return On Invested Capital (ROIC) ou Return On Net Assets
(RONA).
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fortes marges mais d’un faible taux de rotation (donc d’une forte intensité
capitalistique) ; c’est l’exemple des producteurs de Cognac ou des opérateurs de
satellites.

Les calculs sont faits après IS et si prendre le taux théorique peut avoir du sens
pour une PME d'un pays donné lorsque toute son activité y est faite, ce n’est pas le cas
pour un groupe opérant dans plusieurs pays avec des taux d’imposition souvent
différents d’un pays à l’autre car il est difficile de choisir lequel conserver parmi ceux
des différents pays. Ainsi, nous préférons prendre le taux apparent qui ressort du
rapport de l’IS sur le résultat avant IS. Mais n'oublions pas, bien sûr, les cas
particuliers où le taux apparent donne un taux aberrant (très fort ou très faible)
probablement en raison d’éléments exceptionnels qu’il faudra si possible
essayer de neutraliser dans le calcul.

En présence de sociétés mises en équivalence (dont la quote part de résultat n’est pas
comprise dans le résultat d’exploitation des groupes), il y a deux possibilités
d'adaptation de la formule : On peut 1) retirer du montant de l'actif économique les
sociétés mises en équivalence dont le résultat ne contribue pas à la formation du
résultat d'exploitation ; ou alors 2) ajouter au résultat d'exploitation après impôt
théorique la quote-part du résultat des sociétés mises en équivalence, puis diviser le
tout par le montant de l'actif économique. (Les taux d’intérêt actuellement très bas
dans la plupart des pays rendent acceptable cette seconde méthode car les frais
financiers seront de ce fait faibles dans le résultat mis en équivalence.) On peut alors
se demander laquelle des deux méthodes préférer ? La première nous paraît plus
appropriée si les résultats mis en équivalence sont faibles (< 10 %) par rapport au
résultat d’exploitation après IS, et la seconde quand ils commencent à être
significatifs (> 10 %).

2. LA RENTABILITE DES CAPITAUX PROPRES

Dans un second temps, on calcule la rentabilité des capitaux propres qui se


mesure par le rapport résultat net/capitaux propres, parfois appelé rentabilité
financière ou return on equity, ROE en anglais.

En pratique, la plupart des analystes financiers extournent du résultat net des


éléments jugés non récurrents2 avant de calculer la rentabilité des capitaux propres.

SECTION 2: L’EFFET DE LEVIER

1. LE PRINCIPE

2 En particulier l’amortissement des survaleurs en normes françaises, ou leur dépréciation en normes IFRS.
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Par définition, on appelle effet de levier la différence entre la
rentabilité des capitaux propres et la rentabilité économique.

L’effet de levier explique comment il est possible de réaliser une rentabilité des
capitaux propres supérieure à la rentabilité économique. Que le lecteur s’arrête un
instant sur ce rêve qui consiste à obtenir une meilleure rentabilité que celle dégagée
par l’outil industriel et commercial !

Mais attention, l’effet de levier peut jouer dans les deux sens : s’il peut
accroître la rentabilité des capitaux propres par rapport à la rentabilité
économique, il peut aussi, dans certains cas, la minorer. Le rêve devient
alors cauchemar.

Le principe de l’effet de levier est le suivant : lorsqu’une entreprise s’endette et


investit les fonds empruntés dans son outil industriel et commercial, elle obtient sur
ce montant un certain résultat d’exploitation normalement supérieur aux frais
financiers de l’endettement. Dans le cas inverse, ce n’est pas la peine d’investir,
comme nous le verrons au début dela troisième partie. L’entreprise réalise donc un
surplus, différence entre la rentabilité économique et le coût de l’emprunt sur la
somme empruntée. Ce surplus revient aux actionnaires et majore la rentabilité des
capitaux propres. L’effet de levier de l’endettement augmente donc la rentabilité des
capitaux propres. D’où son nom.

Soit ainsi une entreprise dont l’actif économique est de 100, qui rapporte du 10 %
après impôt, et qui est entièrement financé par capitaux propres. La rentabilité
économique et la rentabilité des capitaux propres sont donc égales à 10 %.

Si, maintenant, l’entreprise finance son actif économique par 30 de dettes à 4 %


après impôt et le solde par capitaux propres, la rentabilité des capitaux propres
devient :
Résultat d’exploitation après impôt : 10 % × 100 = 10
– Charges financières après impôt : 4 % × 30 = 1,2
= Résultat net après impôt : =8,8

Rapporté à des capitaux propres de 70, cela donne une rentabilité après impôt de
12,6 % (8,8/70), alors que la rentabilité économique après impôt est de 10 %.

Dans ce cas, les 30 empruntés et investis dans l’actif économique permettent de


dégager un résultat d’exploitation après impôt de 3 qui, après le paiement des charges
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financières (1,2), revient aux actionnaires. Le surplus ainsi réalisé (1,8) s’ajoute au
résultat d’exploitation que dégagent les investissements financés par les capitaux
propres (70 × 10 % = 7) pour former le résultat net : 7 + 1,8 = 8,8. La rentabilité des
capitaux propres est de 8,8/70, soit 12,6 %.

L’effet de levier de l’endettement majore la rentabilité des capitaux propres de


2,6 %3, qui correspond au rapport du surplus (1,8) sur les capitaux propres (1,8/70 =
2,6 %).

Mais le lecteur a sûrement déjà perçu l’hypothèse fondamentale nécessaire pour


que la rentabilité des capitaux propres augmente lorsque l’entreprise s’endette. Il
faut que la rentabilité économique soit supérieure au coût de
l’endettement. Sinon, l’entreprise emprunte à un taux supérieur à la rentabilité
qu’elle peut obtenir de l’investissement dans son actif économique des fonds
empruntés. Il y a dès lors un déficit qui vient s’imputer sur la rentabilité économique
dégagée par les capitaux propres. Le résultat s’amoindrit et la rentabilité des capitaux
propres devient inférieure à la rentabilité économique.

2. LA FORMULATION

La formule dite de l’effet de levier est la suivante :


𝐃
𝐑 𝐂𝐏 = 𝐑 𝐞 + (𝐑 𝐞 − 𝐢) ×
𝐂𝐏

où : 𝐑 𝐂𝐏 est la rentabilité des capitaux propres, 𝐑 𝐞 la rentabilité économique après


impôt, 𝒊 le coût de l’endettement net après impôt, 𝐃 le montant de l’endettement net
et 𝐂𝐏le montant des capitaux propres.

Cette formule repose sur une tautologie comptable. L’effet de levier ne constitue
qu’un simple facteur explicatif de la rentabilité des capitaux propres, et rien de plus.

Le rapport endettement net/capitaux propres est appelé levier financier ou


leverage ou gearing en anglais.

L’effet de levier est lui égal à :

𝐃
(𝐑 𝐞 − 𝐢 ) ×
𝐂𝐏

3 De 10 % à 12,6 %.
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L’effet de levier est d’autant plus important :
• que la rentabilité économique de l’entreprise est forte par rapport au coût de
l’endettement;
• que l’entreprise est très endettée.

Bien sûr l’effet de levier s’inverse dès :


• que la rentabilité économique devient inférieure au coût de l’endettement ;
• que le coût de l’endettement a été mal prévu ou se trouve brusquement élevé
parce que l’endettement est à taux variable et que les taux d’intérêt s’élèvent
dans l’économie.

L’effet de levier, reposant sur une tautologie comptable, s’applique à toutes les
situations même lorsque l’entreprise a un endettement net négatif, c’est-à-dire
lorsque ses placements sont supérieurs à ses dettes. Dans ce cas, la rentabilité des
capitaux propres est simplement la moyenne, pondérée par l’importance des capitaux
propres et des placements, de la rentabilité économique et de la rentabilité des
placements financiers. Il suffit d’appliquer mécaniquement la formule de l’effet de
levier, i correspondant cette fois au taux de rentabilité après impôts des placements et
D prenant une valeur négative puisque l’endettement net est négatif.

3. LES PROBLEMES PRATIQUES DU CALCUL DE L’EFFET DE LEVIER

Nous conseillons à notre lecteur de partir des bilans et du compte de résultat qu’il a
établis aux chapitres 3 et 9 pour faire ses calculs.

Le traitement de l’écart d’acquisition (ou goodwill, ou survaleur, voir


chapitre 6) modifie sensiblement les résultats obtenus. En effet, déprécier l’écart
d’acquisition et réduire d’autant le résultat net et donc les capitaux propres fait
disparaître des pans entiers d’actif économique et de capitaux propres. De ce fait, la
rentabilité apparente des capitaux propres et de l’actif économique paraît très bonne,
mais c’est se leurrer. Ce n’est pas parce qu’en toute légalité des pans entiers de
capitaux se sont volatilisés que les actionnaires n’en continuent pas moins à avoir une
exigence normale de rentabilité sur ces capitaux propres portés disparus dans le
bilan !

Aussi, dans la mesure du possible, conseillons-nous à notre lecteur de raisonner


sur des montants bruts d’écarts d’acquisition et d’ajouter aux capitaux propres
l’écart entre les montants bruts et nets de ces écarts d’acquisition afin de garder un
bilan équilibré. Dans le même esprit, nous lui conseillons de raisonner sur un résultat
net hors dépréciations des écarts d’acquisition. Il obtiendra ainsi une appréciation
rigoureuse de la rentabilité de l’entreprise.

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Les comptes consolidés posent un second problème qui est celui du traitement à
réserver à la quote-part de résultat dans les sociétés mises en équivalence.
Faut-il la considérer comme un produit financier puisqu’elle serait égale à un
dividende si l’entreprise mise en équivalence distribuait 100 % de son résultat ? Ou
faut-il la considérer comme faisant partie du résultat d’exploitation car provenant des
participations incluses dans l’actif économique, sachant que ce faisant, on ajoute à un
résultat d’exploitation, c’est-à-dire avant charges financières et impôt, un résultat net.
La première optique nous paraît correspondre à celle d’un groupe financier qui
pourra céder telle ou telle participation pour se désendetter. Dans ce cas, le montant
de cette participation doit être retranché de l’endettement pour ce calcul de
rentabilité. La seconde optique correspond à celle d’un groupe industriel. Dans ce cas,
le montant de cette participation est inclus dans l’actif économique.

SECTION 3: INTERET ET LIMITES DE L’EFFET DE LEVIER

1. LES LIMITES DES TAUX DE RENTABILITE COMPTABLES

Partant d’une tautologie comptable, la formule de l’effet de levier est nécessairement


juste, même si certains chiffres sont manifestement des aberrations. Ainsi, le coût de
la dette calculé comme le rapport des charges financières nettes des produits
financiers sur l’endettement au bilan pourra être de façon évidente trop élevé ou trop
faible. Cela indique simplement que l’endettement net figurant au bilan ne
correspond pas à l’endettement moyen, que l’entreprise est beaucoup plus endettée
que cela (ou beaucoup moins) ou qu’il y a un phénomène de saisonnalité.

D’un point de vue financier, l’intérêt des taux comptables de rentabilité


économique et des capitaux propres est particulièrement limité. Établis sur une base
comptable, ils n’intègrent pas le risque et ne peuvent en aucun cas servir, seuls,
d’objectif à l’entreprise, sous peine d’aboutir à des décisions totalement erronées.

Il est ainsi facile, comme nous l’avons vu, d’améliorer le taux comptable de
rentabilité des capitaux propres en s’endettant et en jouant sur l’effet de levier. Mais
le risque de l’entreprise s’accroît… et de cela le taux comptable ne rend pas compte.

2. INTERET DE L’EFFET DE LEVIER

Le mérite de l’effet de levier est de montrer à l’analyste l’origine de la rentabilité


des capitaux propres : est-ce la performance opérationnelle (bonne rentabilité
économique) ou une structure de financement favorable qui permet de bénéficier
d’un effet de levier ? Sur la durée, seule une rentabilité économique
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croissante est le gage d’une progression régulière de la rentabilité des
capitaux propres.

Comme nous le verrons dans la quatrième partie de cet ouvrage, l’effet de levier n’a
qu’un intérêt limité en finance car il ne crée pas de valeur sauf dans deux cas très
particuliers :
• dans un contexte d’inflation croissante, le taux d’intérêt réel (inflation déduite)
est négatif et conduit à la spoliation des créanciers remboursés en monnaie de
singe pour le plus grand bonheur des actionnaires !
• dans le cadre d’un endettement très lourd (cas des sociétés en LBO, voir
chapitre 39) qui pousse les dirigeants à être particulièrement performants
pour que l’entreprise soit à même, par ses flux de trésorerie, de faire face au
lourd poids de son endettement qui a alors à peu près le rôle du fouet dans les
mines et les villas de l’Antiquité !

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