Conception Géomécanique Des Talus de Mines À Ciel Ouvert
Conception Géomécanique Des Talus de Mines À Ciel Ouvert
Conception Géomécanique Des Talus de Mines À Ciel Ouvert
1
Mines ParisTech, 35, rue Saint-Honoré, 77305, Fontainebleau, Paris, France
([email protected])
2
Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux,
Université Laval, Québec, QC, G1V 06A Canada
([email protected])
RÉSUMÉ. Cet article présente les principes de base du dimensionnement des talus
miniers relatifs à la création d’un modèle géotechnique, aux calculs de la stabilité, aux
méthodes de confortement et de surveillance. L’article souligne les principales difficultés du
dimensionnement des talus de mines à ciel ouvert, et finalement présente les principaux défis
auxquels devront s’attaquer les géomécaniciens miniers pour optimiser le processus de
conceptions de ces pentes.
ABSTRACT. This paper presents mine slope design principles for geotechnical modeling,
slope stability assessment, slope stabilization and monitoring. The paper also addresses the
most common challenges associated with mine slope design and finally suggests issues that
should be tackled by the mining geomechanicians to optimize the mine slope design process.
MOTS-CLÉS : mine à ciel ouvert, modèle géotechnique, stabilité des talus, confortement,
surveillance, difficultés de dimensionnement.
KEY WORDS: open-pit mines, geotechnical model, slope stability, stabilization, monitoring,
challenges in slope design.
1. Introduction
Les talus des mines et des carrières à ciel ouvert résultant des activités
d’extraction constituent des ouvrages géotechniques au sens où l’on parle
d’ouvrages miniers. La conception optimale de ces ouvrages doit intégrer les
concepts de sécurité, de récupération du minerai et de rentabilité, et doit reconnaitre
que les opérateurs miniers et les investisseurs s’attendent à ce que les pentes soient
stables ou que les instabilités soient gérables pour la durée de vie de la mine,
[REA 09]
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épaisseurs, propriétés pétrophysiques et mécaniques;
la complexité des champs de fractures affectant les massifs rocheux qu'il
faut simplifier pour la mise en œuvre des modèles de calcul existants;
les connaissances imparfaites des niveaux hydrauliques dans les massifs de
sols et plus encore dans les massifs rocheux.
Pour pallier ce manque de précision de certaines données, il faudra
généralement réaliser des analyses intégrant la variabilité des paramètres. Une
première approche consiste à réaliser des analyses paramétriques en considérant des
plages de variation réalistes des paramètres moins bien connus, et mettant en rapport
les réponses en déformation et rupture qu'il faut attendre des massifs rocheux. Une
seconde approche consiste à réaliser des analyses probabilistes en considérant une
distribution de probabilité réaliste des paramètres incertains.
Le problème étant alors bien posé, des calculs de stabilité peuvent être réalisés
selon deux grands types d’analyse : les calculs à la rupture et les études en
déformation.
2.2.1 Calculs à la rupture
Se basant sur la théorie des équilibres limites, on peut simplifier le problème
mécanique posé et caractériser l'état de stabilité d'un massif par la notion de facteur
de sécurité. Par exemple, pour un mécanisme de glissement suivant une surface
Conception géomécanique des talus de mines à ciel ouvert 5
pour analyser la stabilité structurale des talus rocheux à l’échelle des gradins miniers
et des talus entre piste est de plus en plus courante dans l’industrie minière [MAT
07]. Cette approche offre, en plus de la détermination des facteurs de sécurité et des
probabilités de rupture associées aux approches probabilistes, la possibilité de
déterminer de manière réaliste la taille et la probabilité d’occurrence des instabilités
structurales [GRE 08], [GRE 12]. La Figure 1 présente un exemple d’analyse
réalisée selon cette approche. La figure de gauche présente le DFN calibré
caractérisé par quatre familles de discontinuités tandis que la figure de droite
présente le poids des dièdres formés le long de la crête d’un talus rocheux
d’orientation donnée pour les différentes combinaisons possibles de ces familles de
discontinuités.
Figure 1. Utilisation d’un DFN pour établir les instabilités structurales potentielles
le long d’un talus rocheux, [GRE 08].
Figure 2. Modélisation d’un massif rocheux fracturé à l’aide d’une approche DFN-
DEM pour un projet minier, [GRE 14].
Ces dernières années, deux tendances marquées sont à souligner pour les travaux
de modélisation numérique. Premièrement, afin de mieux représenter la nature
tridimensionnelle de certaines instabilités, les outils 3D sont plus couramment
utilisés, [WOO 12, SJO 13]. Deuxièmement, plusieurs travaux ont porté sur
l’utilisation de modèles hybrides permettant de modéliser la propagation des
fractures au travers du massif rocheux (Figure 2). Certains travaux ont porté sur
l’impact des ruptures de ponts rocheux sur la stabilité des pentes, [ELM 11].
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D’autres encore ont porté sur l’utilisation couplée d’approche DEM-DFN pour
représenter le comportement d’un massif rocheux fracturé dans un contexte minier,
[HAR 12], [GRE 14], [BAG 12], [MAS 11]. À l’heure actuelle, ces approches
permettent de caractériser les propriétés globales de ces massifs rocheux mais ne
permettent pas de réaliser des analyses de la stabilité à l’échelle des ouvrages.
en verse;
des volumes de matériaux de remblai à placer en pied de talus ;
des travaux de drainage de surface en limite d'emprise ou de rabattement de
nappe par galeries de drainage et drains, puits de pompage, drains
subhorizontaux ;
des travaux de renforcement mécanique par boulons d'ancrage et câbles
cimentés dans les roches ou clouage des sols.
La décision finale appartient à l'exploitant, mais le spécialiste de stabilité de
talus peut proposer différents scénarios et chiffrer les gains ou pertes de stabilité
correspondante, ainsi que les coûts de ces dispositifs et de leur mise en œuvre.
Enfin, dans bien des cas, une surveillance des talus faisant appel à une large
panoplie de dispositifs d'auscultation pourra être recommandée: suivi topographique,
contrôle de niveaux piézométriques, mesures de déplacements et de déformation en
forage, etc.
Pour tous les « grands ouvrages » miniers ou de génie civil, la surveillance est
devenue l'alliée de la modélisation et des calculs. Si, à ce sujet, un investissement
initial important doit être fait au début de la vie de l'ouvrage, c'est ensuite un
dialogue continu qui doit s'établir entre la mesure et le calcul, les résultats devant
être analysés dans un cadre géologique bien compris. Il en résulte toujours un
bénéfice pour l'exploitant, sur le plan économique et sur le plan de la sécurité.
L'objectif principal de tout système de surveillance est de détecter les
déformations, leur amplitude et leur direction. Les données recueillies à l'aide de ces
systèmes sont également cruciales car elles peuvent être utilisées pour définir la
relation entre les mouvements verticaux et horizontaux, pour déterminer l'influence
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du temps et aussi surveiller et prévoir les dommages induits par les déformations
[FOR 87].
Historiquement, une grande variété de techniques de mesure a été utilisée pour
surveiller les déformations en mine. Les principaux instruments de contrôle des
déformations locales sont les extensomètres, les fissuromètres et les inclinomètres.
Les extensomètres mesurent le déplacement axial entre un nombre de points de
référence placés le long de la même ligne de mesure. Les extensomètres peuvent être
installés soit sur la surface de la pente ou à l'intérieur d'un trou de forage.
Les fissuromètres sont des outils utiles dans le cas où une fissuration précoce a
pu être observée. Ces dispositifs permettent de mesurer le déplacement entre deux
points situés de part et d’autre d’une fissure qui montre des signes d’ouverture. Ils
sont largement utilisés en raison de leur faible coût et de leur facilité de mise en
œuvre.
Les inclinomètres sont utilisés pour mesurer la déformation d’un sondage
initialement vertical. La mesure est obtenue à l’aide d’une sonde contenant un
clinomètre. Il existe plusieurs types d’inclinomètres en fonction des capteurs de
mesure utilisés : les capteurs à corde vibrante, capteurs à corde différentielle, les
servo-accéléromètres ou les cellules électrolytiques à activation gravitaire.
Les piézomètres sont également d'une importance capitale car ils mesurent la
pression interstitielle de l'eau souterraine dans la structure géologique.
L’augmentation de pression interstitielle est en effet l'un des principaux facteurs
déclenchants des instabilités de pente.
Pour une surveillance à grande échelle, les niveaux, les théodolites, les distance-
mètres électroniques (EDM) et les stations totales permettent de mesurer à la fois les
coordonnées et les déplacements de cibles, et de contrôler plusieurs points ensemble
[ASH 80]. La photogrammétrie aérienne ou terrestre est utilisée pour déterminer les
coordonnées de points, construire des cartes topographiques, des coupes
transversales des déformations ainsi que les vecteurs des mouvements [CHA 89],
[OKA 98]. Le tableau 2 donne un aperçu des méthodes utilisées pour mesurer les
déplacements de surface et leur précision.
Les techniques de surveillance de déformation en mine sont généralement basées
sur la détermination de déplacements relatifs entre différentes stations d’un réseau
de mesure. Les méthodes classiques comprennent le nivellement par station totale,
les systèmes GPS (Global Positioning System) [LEI 90] la télédétection laser
(LiDAR) – à partir de stations terrestres fixes (TLS) ou aéroporté (ALS) [TUR 03] -
et la cartographie aérienne par photogrammétrie. Plus récemment les techniques de
radar (Slope Stability Radar) et des techniques basées sur l'interférométrie radar
différentielle (InSAR) ont été développées pour la surveillance des talus de mine à
ciel ouvert [HAR 07].
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Plus précisément, le flanc ouest de la mine se développait dans une série de grès
et de schistes houillers à pendage contraire à la pente du talus jusqu’à un contact
tectonique avec la couche de charbon de Bourran à 200 m de profondeur. Une telle
situation était a priori favorable à la stabilité (Figure 3). Une reconnaissance
géologique et géotechnique au moyen de sondages carottés avec orientation de
carottes ainsi que des essais de laboratoire sur les discontinuités et les matériaux de
remplissage avaient permis la caractérisation nécessaire du massif rocheux. Divers
logiciels de stabilité avaient permis d’analyser différents mécanismes de rupture
cinématiquement possible à différentes échelles et de définir le dimensionnement
des gradins et de la pente moyenne du talus se développant sur plus de 500 m de
long et 200 m de haut. La mise en œuvre de tirs de pré-découpage et de tirs ménagés
à l’approche du talus définitif avait conduit à la réalisation de gradins de bonne
tenue.
Malheureusement, à un niveau donné de l’approfondissement, un mécanisme de
glissement concernant plusieurs gradins se produisit. Les observations de terrain
montrèrent clairement que le pendage des couches avait localement changé pour
devenir conforme à la pente. Ce changement dans la structure géologique avait suffi
à expliquer la rupture des gradins. (Figure 4, gauche et droite N°1)
En conséquence, il fut donc nécessaire de modifier la méthode d’exploitation et
de laisser une banquette de sécurité plus large que prévue en partie inférieure de la
zone instable pour pouvoir approfondir la fosse, et donc de risquer de perdre un
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Plusieurs conclusions peuvent être tirées de cet exemple: tout d’abord le rôle des
structures géologiques à différentes échelles sur la stabilité des pentes; la nécessité
absolue de mettre en place un système d’instrumentation et de réaliser des suivis
réguliers des travaux pour vérifier que les données initiales utilisées dans la
procédure de dimensionnement restent les mêmes ou au contraire changent.
b) Les mécanismes de déformation et de rupture les plus critiques étaient mal
identifiés. Ainsi, un niveau de faible épaisseur, tel qu’un remplissage argileux de
fracture a pu être négligé, alors que, de par ses faibles caractéristiques mécaniques et
sa grande extension latérale (difficile à apprécier en sondage), il a pu jouer un rôle
fondamental dans un mécanisme de rupture de grande ampleur. Parfois, la difficulté
dans l'identification même du matériau en sondage peut conduire à tort à l'écarter de
l'analyse. Tel système de discontinuités a pu conduire à un mécanisme de rupture
spécifique qui n'a pas été identifié, car la hiérarchisation des familles résultant de
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l'histoire tectonique du massif n'était pas prise en compte. Enfin, dans les massifs
rocheux, la matrice rocheuse elle-même peut contribuer à rendre certains
mécanismes de rupture possibles et parfois difficiles à identifier.
Un exemple de cette difficulté peut être illustré par le cas de la mine à ciel ouvert
de Ben Guerir exploitée par l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) au Maroc. La
mine à ciel ouvert de Ben Guérir est située à 70 km au nord de Marrakech. Elle fait
partie du gisement crétacé-éocène des Ganntour qui constitue un vaste plateau
d’environ 125 km de long sur 25 km de large. Le gisement de Ben Guérir comporte
plusieurs niveaux de phosphate séparés par des intercalaires marno-siliceux et
argileux dans une structure géologique tabulaire sub-horizontale.
A l’époque de l’étude, au démarrage de l’exploitation au début des années 80,
seules deux couches de phosphate étaient exploitées conduisant à des talus d’une
hauteur maximum de 20 m, mais il était prévu qu’ils puissent atteindre presque
100 m avec le développement de l’exploitation. La méthode d'exploitation, classique
pour ce type de mine, consistait à exploiter le gisement tranchée par tranchée, et
pour chacune d'entre elles, à découvrir successivement les niveaux exploitables au
moyen de draglines après avoir fragmenté à l'explosif les matériaux stériles
concernés. Un schéma de tir particulier, appelé longitudinal-double tranchée, était
utilisé et consistait à fragmenter la couverture stérile de la tranchée n avant d'avoir
décapé les matériaux déjà fragmentés de la tranchée précédente (n-1).
ligne d’intersection des deux faces du dièdre, même si le volume instable repose
principalement sur la première face du dièdre.
4. Conclusions
La méthodologie d'étude et de dimensionnement des talus de mines ou de
carrières à ciel ouvert doit respecter un certain nombre de principes :
Se donner les moyens d'une reconnaissance géologique et géotechnique
adéquate
Développer une approche géologique et géomécanique sérieuse permettant
de reconnaître les processus ou mécanismes potentiels de déformation et rupture
des talus ;
Utiliser à bon escient les moyens de calcul et les modèles numériques par
référence à ces mécanismes;
Reconnaître qu'une probabilité de rupture existe toujours, même pour un
talus dimensionné suivant les règles de 1'art ;
Se donner alors les moyens de réagir par un suivi des travaux et une
surveillance régulière basée sur une instrumentation des talus.
Le dimensionnement des talus peut ainsi prendre sa juste place dans une saine
gestion économique des projets de mines ou de carrières à ciel ouvert. Soulignons
enfin que les exploitants ont généralement acquis une expérience concrète du
gisement et disposent de connaissances essentielles que ne sauraient négliger les
spécialistes de géomécanique, de géologie de l'ingénieur ou de géotechnique. La
concertation doit donc être étroite avec eux.
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