2020 MINKOUEYE Diffusion
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2020 MINKOUEYE Diffusion
publique au Gabon
Espérance Minkoueye Mi Nkoghe
2
REMERCIEMENTS
Qu’il me soit permis au terme de cette étude, d’exprimer ma profonde gratitude à toute ma
famille. D’abord à mon père Alain NKOGHE, modèle et pilier de notre famille, pour son
soutien indéfectible. A ma mère Thérèse NKOGHE, gardienne de notre famille, mère et grand-
mère poule, qui veille sur ses enfants et son homonyme au-delà des frontières. A mes frères et
sœur Messieurs Jean Arles MENVIE, Arnaud BEKALE, Emmaüs BIBANG et Mademoiselle
Sara OSSOMANE pour leurs encouragements.
Enfin, un merci à ceux et celles qui m’ont accompagné pendant cette période de thèse
particulièrement Madame Cynthia ISSAMBI qui a toujours veillé à mon bien être, Madame
Eugenie DUHART qui n’a jamais cessé de m’encourager et Monsieur Noel MFOUBOU pour
qui l’abandon de ma thèse n’était pas une option.
3
La Faculté n’entend donner ni approbation ni improbations aux opinions émises dans cette
thèse qui restent propre à leur auteure.
4
CSRP : Cadre stratégique de réduction de la pauvreté
EM : Etats membres
6
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 3
PRINCIPALES ABREVIATIONS ................................................................................................................... 5
RESUME................................................................................................................................................... 8
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................... 11
PREMIERE PARTIE : LA REFORME DU CADRE BUDGETAIRE .................................................................. 36
Chapitre 1. Les faiblesses du système de gestion des finances publiques gabonaises. .............. 36
Section 1. L’application en demi-teinte de la loi n° 4/85 relative aux lois de finances ............. 36
Section 2. La mise en œuvre sous contrainte de la réforme budgétaire .................................. 63
Chapitre 2. L’exigence nouvelle de performance du système de gestion des finances publiques
gabonaises. 105
Section 1. Le nouveau cadre budgétaire et la culture de performance. ................................. 105
Section 2. La modernisation de la gestion publique par la performance ................................ 137
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ............................................................................................... 173
SECONDE PARTIE : LA REFORME DE LA GOUVERNANCE FINANCIERE ................................................ 174
Chapitre 1. La rénovation des pouvoirs budgétaires du Parlement .......................................... 174
Section 1. L’enrichissement de l’information parlementaire en matière budgétaire ............. 174
Section 2. L’élargissement des pouvoirs de contrôle des parlementaires .............................. 194
Chapitre 2. La rénovation des procédures budgétaire et comptable et l’évolution des processus
de contrôles 218
Section 1. Les mutations de l’organisation de la gestion budgétaire et comptable de l’État.
218
Section 2. La modernisation des contrôles administratif et comptable de la dépense publique.
290
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ................................................................................................ 321
CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................................... 322
10
INTRODUCTION GENERALE
11
I. Propos liminaires
Régies par l’ensemble des règles et procédures définies par le droit budgétaire et celui de la
comptabilité publique, les finances publiques gabonaises ont pendant longtemps été marquées
par une gestion financière inefficace avec des conséquences sur la situation financière,
économique et sociale du pays.
Ces conséquences ont conduit les Etats de l’Afrique centrale, organisés au sein de la CEMAC
et dont fait partie le Gabon à prendre conscience de l’importance de la modernisation de leur
mode de gestion publique. Ainsi, ont-ils été amenés à repenser le modèle de gestion de leurs
finances publiques pour faire face aux faiblesses qui caractérisent leurs systèmes financiers,
surtout dans un contexte financier ayant été marqué par la diminution de leurs recettes
budgétaires due à la crise pétrolière qu’ils traversent et aux dépenses qu’ils doivent engager
pour soutenir leur développement économique, social et environnemental.
Le Gabon comme les autres Etats se trouvent dans un cercle vicieux c'est-à-dire dans une
situation dans laquelle ils doivent réduire leurs dépenses du fait de la diminution de leurs
recettes budgétaires et dans le même temps ils doivent dépenser pour maintenir le rythme des
investissements nécessaires à leur développement durable : « Le choc pétrolier de 2014 a
considérablement réduit la marge de manœuvre budgétaire du Gabon dans le cadre des
dotations consacrées au développement et a fait du rééquilibrage budgétaire une priorité. Entre
2010 et 2014, les prix élevés du pétrole ont financé des investissements publics à grande
échelle, ce qui a accéléré la croissance. Après l'effondrement des cours du pétrole, le
Gouvernement a fortement réduit le niveau de son investissement (...). Les recettes ont diminué
plus rapidement que les dépenses, ce qui a creusé un déficit budgétaire préexistant » 1.
Ainsi donc, ils doivent d’une part, avoir la maîtrise de leurs dépenses publiques afin d’éviter le
recours fréquent à l’aide publique au développement et aux emprunts auprès des bailleurs de
fonds et d’autre part, solidifier leurs comptes pour répondre aux nombreux défis que doivent
surmonter leurs systèmes des finances publiques. L’un de ces défis serait entre autres
d’améliorer notablement la gouvernance et de mettre fin aux détournements des fonds publics
qui desservent la réalisation des politiques publiques malgré l’existence des dispositifs et
mécanismes de contrôles.
Ces faiblesses des systèmes financiers publics provoquent l’intervention des instances externes
tels que les organismes européens privés, des partenaires bilatéraux ou encore des organisations
internationales qui en tant que pourvoyeurs de l’aide publique jouent le rôle de « polices des
1Banque mondiale, « Améliorer la qualité de la dépense publique pour favoriser une croissance inclusive », Gabon, Revue
des dépenses publiques, 2019.
12
finances publiques » 2 des pays bénéficiaires en ayant un droit de regard sur l’état de leurs
finances publiques et en procédant à un contrôle externe de leurs finances qui normalement
devrait incomber souverainement aux instances nationales. Le recours croissant à l’aide
publique au développement ne fait qu’affaiblir leurs systèmes financiers puisqu’elle a comme
impact de faire croitre leur dette.
Les Etats se trouvent ainsi dans une situation de surendettement en plus de ne pas être capables
malgré cette aide de générer leur développement et une croissance équitable. Ainsi, « (…)
L’aide publique est utilisée à des fins qui ne profitent ni à la génération présente ni aux
générations futures (…). Les pouvoirs publics s’en prévalent pour mener une gestion souvent
peu rigoureuse de l’Etat et se dispenser de faire faire à la nation l’effort fiscal indispensable
pour garantir le fonctionnement régulier de l’Etat sans recours à l’extérieur et sans
hypothéquer la souveraineté nationale. Au surplus, la gestion de la dette qu’engendre l’aide
publique extérieure est hasardeuse, quelle que soit la méthode mise en œuvre. De la sorte, la
dette finit par représenter un fardeau dont souffriront les générations à venir. Tant que les
mécanismes de gestion de cet instrument ne seront pas améliorés, la recherche de l’équilibre
budgétaire ne sera qu’une pétition de principe. La solution à la dette publique n’est pas dans
les rééchelonnements, qui ne font que différer le paiement, tout en renchérissant le coût,
puisque les emprunts induisent une charge qui engloutit une partie importante des recettes
fiscales et rend à nouveau le recours à l’emprunt nécessaire. La boucle est bouclée, le cercle
pernicieux est fermé » 3.
Cependant, dans le contexte international marqué par l’impératif de bonne gouvernance des
finances publiques nationales, les Etats africains en général et le Gabon en particulier ont fait
sienne cette exigence et leur volonté de modernisation s’est inscrite dans ce contexte mondial
de modernisation de la gestion publique. Le Gabon s’est ainsi engagé dans la réforme de son
système financier pour répondre à la contrainte d’une gestion de la dépense publique marquée
par les sceaux de la transparence, de l’efficacité et de l’efficience.
Comme l’ont démontré les nombreux travaux, dont ceux de l’OCDE 4, ayant fait une analyse
comparative 5 des réformes de la gestion publique dans les pays occidentaux, différentes
finalités aussi diverses que variées et propres à chaque Etat ont justifié la mise en œuvre de la
2 Eloi Diarra, « L’actualité du thème des finances publiques en Afrique », éditorial, Afrilex n°4, Revue d’étude et de recherche
sur le droit et l’administration dans les pays d’Afrique, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2004.
3 Mouhamet FALL, « La problématique de l’aide budgétaire au Sénégal », Afrilex n°4, Revue d’étude et de recherche sur le
droit et l’administration dans les pays d’Afrique, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2004, p. 314.
4 Jon R. BLONDAL, « La réforme budgétaire dans les pays membres de l’OCDE : tendances communes », Revue de l’OCDE
sur la gestion budgétaire, vol. 2, n°4, Paris, coll. « Gouvernance », OCDE, 2003, pp.7-27.
5 Gérard BRAUN, Rapport sur une étude comparative portant sur la réforme de l’Etat à l’étranger, RIS, n°348, 31 mai 2001,
sess.2000-2001, 104 p.
13
réforme. Ce fut par exemple la volonté de mettre fin à la corruption en Italie ou encore redresser
les finances publiques au Canada.
Malgré ces circonstances particulières à chaque Etat, Henry Guillaume relevait trois (3)
finalités essentielles et communes à chacune de ces démarches. La première et la principale est
« la maîtrise des dépenses et des déficits publics » 6. L’objectif de réduction des dépenses
publiques a constitué l’élément déclencheur des réformes budgétaires et des réformes de la
gestion publique dans les pays de l’Union Européenne sous l’effet de la politique économique
et monétaire et du traité de l’Union incitant à la discipline budgétaire. La deuxième finalité,
commune aux réformes, est « l’amélioration de la qualité des services publics et de l’efficacité
des politiques publiques » 7. Elle est à la base de l’introduction de la notion de performance
dans l’action des administrations et est à l’origine des réformes du mode de budgétisation
orientée par les résultats. Enfin, la troisième finalité commune est « la volonté de rendre plus
transparente l’action des administrations et de renforcer le contrôle démocratique sur la
gestion publique » 8. Elle met en avant la culture de la responsabilité avec le développement du
reporting sur les résultats obtenus et se matérialise par une redéfinition de la responsabilité des
décideurs publics et des nouveaux gestionnaires.
Cette réforme, à laquelle ont été appelés les Etats occidentaux, s’est propagée jusqu’aux Etats
africains qui sont caractérisés pour la majorité par leur mauvaise gouvernance financière 9. Elle
s’est largement répandue sur tout le continent particulièrement au sein des Etats composants la
CEMAC.
Dans l’optique de donner un signal important sur l’engagement de transparence des Etats
membres à l’égard de la population, des investisseurs et des partenaires au développement et
désireuse d’adopter des principes fondamentaux de transparence et de bonne gouvernance dans
la gestion des finances publiques conformes aux standards internationaux, les cinq (5) Etats
composant la Communauté ont mis en œuvre chacun un calendrier de leur réforme budgétaire.
La réforme budgétaire, telle qu’elle est mise en œuvre par la CEMAC, a pour finalité de mettre
en place un « système de gestion par la performance » 10 qui peut être défini comme « un
système de pilotage et de contrôle de l’action publique qui, en principe, comprend les fonctions
suivantes : l’explication des objectifs des politiques publiques et l’identification des structures
responsables de leur mise en œuvre ; la définition des normes de performance traduisant un
degré de réalisation de ces objectifs sur les moyens qui y sont consacrés ; la mesure des
6 Henri GUILLAUME, Guillaume DUREAU et Franck SILVENT, Gestion publique. L’Etat et la performance, Paris, Presses
20.
14
résultats obtenus et de leur reporting : l’octroi de souplesse de gestion aux responsables (…) ;
l’intégration des données de performance dans les décisions d’affectation des ressources,
l’élaboration de budgets de résultats et les modalités d’audits et d’évaluation ; le contrôle a
posteriori des résultats » 11.
La réforme élaborée par l’Etat gabonais découle de la mise en œuvre de la « nouvelle gestion
publique » 12 ou « nouvelle gouvernance financière » 13. Elle pose le socle d’une modernisation
de la gestion publique au sein de l’Etat par un « changement dans les structures et processus
administratifs destinés à améliorer leur fonctionnement » 14. La réforme budgétaire, à travers
elle la modernisation de la gestion publique, est ainsi étroitement liée à la réforme de l’Etat
gabonais.
Plaidant pour son projet de société « l’avenir en confiance », sur la base duquel il a été élu et
sa vision de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025, le chef de l’Etat considérait
que la mise en place d’une nouvelle gestion des finances publiques était l’étape incontournable
à la route vers l’émergence. Il a donc été mis en place un système de budgétisation qualifié par
le gouvernement de budgétisation par objectifs de programmes (BOP) qui est devenu
l’instrument indispensable devant améliorer l’efficacité de la dépense publique et à terme
accélérer la réalisation du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE) 15, feuille de route pour le
développement économique et social du pays.
En 2015, le premier budget élaboré et exécuté en mode B(O)P visait à s’intégrer dans le plan
global d’investissements pour la modernisation des Services de l’Etat. Ces investissements
devaient permettre à l’Administration de garantir une réalisation plus efficace des projets du
PSGE en plus de permettre de mieux répondre aux attentes des usagers et citoyens en matière
de proximité et de qualité de service public au quotidien.
En effet, dès les années 2000, le gouvernement de l’époque avait amorcé la réforme générale
de l’Etat en mettant un accent particulier sur la modernisation de l’Administration, notamment
les cadres de gestion des services publics. Les besoins de réformer l’Etat et de moderniser le
11 Ibid.
12 Bernard ABATE, La nouvelle gestion publique publique, Paris, LGDJ, coll. « Systèmes », 2000, 154 p.
13 André BARILARI et MICHEL BOUVIER, La nouvelle gouvernance financière de l’Etat, coll. « Systèmes », Paris, LGDJ,
2004, 207 p.
14 Henri GUILLAUME, Guillaume DUREAU et Franck SILVENT, Gestion publique. L’Etat et la performance, op. cit., p.
23.
15 Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE), Vision 2025 et orientations stratégiques 2011-2016, Déclinaison en
Programmes et Actions du Projet de Société de son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, Président de la République :
« l’Avenir en confiance », République gabonaise, juillet 2012.
15
Service Public ainsi que le changement de paradigmes ont guidé l’adoption du Plan Stratégique
Gabon Emergent en matière de bonne gouvernance.
Au niveau des textes, la révision des lois n°4/85 et n° 5/85 du 27 juin 1985 relatives aux lois
de finances pour la première et portant règlement général de la comptabilité publique de l’Etat
pour la seconde, devait déboucher sur la prise en compte des modalités de virements de crédits ;
de l’adoption d’un nouveau chronogramme d’élaboration et du vote de la loi de finances ; de
la redéfinition des règles de gestion des finances publiques notamment les dispositions relatives
à l’exécution du budget en recettes et en dépenses ainsi que leur comptabilisation ; la
réaffirmation du principe de l’unité de caisse et la consécration de la délégation de pouvoirs
aux responsables des unités administratives en matière de gestion des crédits budgétaires.
La réforme budgétaire devait aboutir à la prise en compte des besoins nouveaux liés aux
exigences de sincérité et de transparence des opérations budgétaires par l’adoption d’une
nouvelle nomenclature budgétaire. Les principaux éléments de changements ont porté sur le
renforcement des capacités en matière de contrôle et d’analyses budgétaires. Ils
correspondaient aux cinq (5) segments contenus dans le décret n°000414/PR/MEFBP du 20
mai 2008, fixant le détail de la nomenclature des ressources et le détail de la nomenclature des
charges du budget général de l’Etat.
La mise en œuvre de la réforme budgétaire, avec l’adoption de la loi organique, a donc favorisé
la nécessité de repenser les moyens d’intervention de l’Etat et son rôle au niveau
stratégique puisqu’il est désormais attendu des services administratifs qu’ils promeuvent cet
« Etat-stratège » en développant une relation fondée sur une forte volonté de coopération avec
les établissements publics et les organes en charge de l’exécution opérationnelle des politiques
publiques, en tenant les engagements pris pour la réalisation des investissements prioritaires
du PSGE mais surtout en passant d’une logique du « faire » à une logique du bien « faire faire »
par les opérateurs de l’Etat.
La réforme budgétaire a pour but de combler le retard du Gabon en matière de gestion publique.
Elle vise à rechercher une meilleure transparence dans sa gestion des fonds publics afin de
favoriser les conditions qui vont permettre une meilleure évaluation des politiques
16
économiques et sociales et ainsi permettre à l’Etat de s’aligner sur les standards financiers et
budgétaires modernes. Elle est l’outil devant permettre à l’Etat gabonais de sortir de son état
de sous-développement. Sa mise en œuvre suppose que l’Etat ait pris conscience de sa
mauvaise gestion financière et ses conséquences à savoir l’inefficacité des politiques publiques.
Bien au-delà de l’efficacité de la gestion publique qu’elle est sensée introduire, la réforme
budgétaire au Gabon est un outil qui permettra d’asseoir une saine gestion des finances
publiques sur le long terme mais surtout elle devrait permettre la concrétisation réelle des
politiques publiques en matière de développement. Sa mise en œuvre est donc une réponse
adéquate à la problématique du sous-développement surtout avec l’institution de la
budgétisation par programme comme nouveau système de l’organisation budgétaire de l’Etat
afin de garantir l’efficacité de la dépense publique : « Dans les pays en développement, la
qualité des finances publiques a d’autant plus d’importance qu’elle détermine l’efficacité des
politiques dans la lutte contre la pauvreté. Une bonne gestion financière ne peut que favoriser
l’exploitation judicieuse des ressources disponibles en ce sens et donner corps aux
programmes et projets qui ont les meilleures chances de succès. Elle permet non seulement de
canaliser les ressources en fonction des priorités budgétaires établies, mais encore de
contrôler l’affectation des fonds et la réalisation des objectifs et de procéder en temps voulu
aux adaptations qui s’imposent. Une comptabilité transparente et des comptes de résultats
compréhensibles pour le grand public permettent de débattre sérieusement de l’affectation
judicieuse des ressources, au plus grand profit de la responsabilité sociale » 16.
Le système de budgétisation par objectif de programme (BOP) a été retenu par les autorités
gouvernementales avec pour objectif de garantir l'efficacité et un meilleur suivi de l'allocation
des ressources financières destinées aux programmes de développement au Gabon. La bonne
gestion financière devient un impératif au regard de la déclinaison du PSGE. Adopté en 2009
par le Gouvernement, le Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE), présente un programme
ambitieux de transformation économique et sociale dont la vocation est d’accélérer la
diversification économique en investissant dans les infrastructures et d’améliorer le climat des
affaires. Cependant, depuis l'effondrement des cours du pétrole en 2014, qui a provoqué une
grave récession au sein des pays de la CEMAC, le Gabon a rejoint les autres États membres de
la Communauté dans la poursuite d’un rééquilibrage budgétaire et la rationalisation des
dépenses. Le Gabon a adopté le Plan de Relance Économique (PRE) pour 2017-2019, qui
adapte le programme de diversification économique à un contexte de rééquilibrage budgétaire
soutenu. Le PSGE comporte trois (3) axes stratégiques : la consolidation des fondations de
l’émergence ; le développement des piliers de l’émergence et enfin la prospérité partagée.
16 Monica RUBIOLO, « Comment réformer les finances publiques dans les pays en développement ?», La vie économique-
17
Tableau 1 : Piliers et fondations du PSGE
Le développement du capital humain doit permettre d’offrir une éducation de qualité à tous
pour favoriser l’ascension sociale, de doter la nouvelle économie du Gabon Emergent des
qualifications et compétences dont elle a besoin, de promouvoir l’éducation tout au long de la
vie et d’assurer l’appropriation par la population gabonaise des valeurs propices à l’émergence.
Dans ce cadre, différentes réalisations telles que la mise en place de la Cité Verte de l’Education
et de la Connaissance à Booué positionnera le Gabon comme un pôle régional de référence
dans la formation supérieure. Un effort considérable de mise à niveau devra permettre de
développer les infrastructures de base (transport, énergie, télécommunications) et de favoriser
18
l’émergence sur l’ensemble du territoire de pôles économiques dynamiques, reliés par des
infrastructures de qualité.
En 2025, il est prévu que l’économie gabonaise ne repose plus sur un seul pied, mais sur trois
piliers : le Gabon Industriel, le Gabon Vert et le Gabon des Services. L’érection du pilier Gabon
Industriel passe par une meilleure valorisation des richesses du sous-sol gabonais, en y
apportant plus de valeur ajoutée et en développant la sous-traitance locale.
Le Gabon Industriel s’appuiera quant à lui sur le secteur des hydrocarbures, qui jouera durant
la décennie 2011- 2020 le rôle stratégique de « carburant de l’émergence ». Dans ce cadre, les
revenus pétroliers devront être maximisés et recyclés vers le financement de nouveaux moteurs
de croissance. De même, la production de gaz sera stimulée, le gaz étant indispensable au
développement des nouvelles filières du Gabon Industriel (métallurgie, engrais, électricité).
Le développement du pilier Gabon Vert passe par la pleine valorisation des richesses du sol
gabonais, notamment son patrimoine forestier et son exceptionnelle biodiversité, qui
permettent au Gabon de prétendre à une position avantageuse dans l’économie verte du
XXIème siècle. Trois objectifs stratégiques permettront de matérialiser le développement de
ce pilier : gérer durablement la forêt gabonaise et positionner le Gabon comme un leader
mondial du bois tropical, valoriser le potentiel agricole et garantir la sécurité alimentaire,
promouvoir une exploitation et une valorisation durables des ressources halieutiques.
Le pilier Gabon des Services renvoie à la valorisation, non plus des matières premières du sol
ou du sous-sol, mais du capital humain du Gabon. Dans une économie mondiale devenue une
économie de la connaissance, ce capital humain doit être formé, s’approprier sans complexe le
meilleur des nouvelles technologies et porter l’éclosion de nouveaux services, dans l’éducation,
le transport, la santé, la sécurité, les services financiers, les services administratifs aux citoyens,
où de manière plus générale dans l’économie numérique.
19
destination de référence en matière de tourisme durable, enfin faire du Gabon un pôle régional
de services à valeur ajoutée.
La mise en place des fondations et l’érection des trois piliers de l’émergence permettront de
générer une croissance plus forte et plus durable.
L’axe stratégique trois du PSGE vise à assurer que cette croissance bénéficiera à tous les
gabonais, non seulement par l’augmentation des revenus des populations, mais également par
un rattrapage dans les secteurs sociaux (santé, emploi, protection sociale, l’accès à l’eau
potable, assainissement, culture…).
Cinq objectifs stratégiques permettront de matérialiser cet axe stratégique : mettre en place des
services de santé de qualité pour tous ; garantir un accès universel à l’eau potable et au service
d’assainissement ; garantir l'accès à un logement décent pour tous ; promouvoir l'accès à
l'emploi et lutter contre l'exclusion enfin valoriser le patrimoine culturel et favoriser l’accès des
populations aux services culturels.
Les orientations stratégiques et les priorités figurant dans le PSGE commandaient qu’un certain
nombre de conditions soient réunies pour ne pas retomber dans les mêmes travers que par le
passé. Les contrôles des ressources, des activités et des résultats qui devraient découler des
projets et programmes de ce plan sont plus qu’une nécessité afin de permettre aux instances
d’orientation et de décision de disposer de bases fiables.
Un système de suivi-évaluation a semblé être la solution idoine pour permettre une meilleure
visibilité sur le volume et l’efficacité des ressources financières que l’Etat consacre en faveur
du développement de l’Etat. L’objectif de ce système est de donner aux autorités
gouvernementales, une lisibilité sur l’efficacité de l’utilisation des ressources financières
consacrées par l’Etat en faveur du développement national d’une part et l’amélioration de la
performance publique d’autre part.
Démarré en juin 2012, le projet du système de suivi-évaluation a donné lieu à un certain nombre
de documents dont le document cadre sur le mécanisme du système de suivi-évaluation ; le
manuel de procédures ou encore le décret portant organisation institutionnelle du système
national de suivi-évaluation. La deuxième phase, démarrée en 2014 consistait à mettre en place
le système d’information budgétaire et comptable intégré avec le partenaire Involys du
Maroc.
20
Compte tenu de l’ambition des projets qu’il contient, un organe spécialisé a été créé en vue de
suivre l’évolution et évaluer la mise en œuvre du PSGE. Il s’agit du Bureau de Coordination
du Plan Stratégique du Gabon Emergent (BCPSGE). Au titre de l’exécution de cette mission
générale, il est notamment chargé de fixer le cadre de coordination opérationnelle de suivi et
d’évaluation de la mise en œuvre des programmes et projets du PSGE en collaboration avec
les autres organes de coordination, organismes et administrations compétents.
Il est aussi en charge d’apporter un appui méthodologique de gestion des programmes et des
projets aux responsables de programmes, aux responsables de budgets opérationnels et aux
responsables d’unités opérationnelles dans la définition et le pilotage des programmes et projets
du PSGE en plus d’assister les organes exerçant la tutelle technique des services publics
personnalisés dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des contrats de performance.
Enfin, il assiste les services compétents de l’Administration dans la recherche des financements
des programmes et des projets du PSGE auprès des bailleurs de fonds nationaux et
internationaux, coordonne l’exécution des programmes et des projets structurants et
transversales du PSGE retenus au titre de la loi des finances en liaison avec les ministères
sectoriels concernés et la Direction Générale du Budget et des Finances Publiques (DGBFIP)
et procède au suivi et l’évaluation de la mise en œuvre et de l’exécution des programmes et
projets du PSGE et de dresser des rapports d’activités au gouvernement et au Président de la
République de qui il peut recevoir toute autre mission en rapport avec son domaine d’activités.
21
La Coordination Générale est l’organe du suivi opérationnel de la mise en œuvre et de
l’exécution des programmes et projets du PSGE et à ce titre exerce l’ensemble des missions
dévolues au BCPSGE.
Le comité ministériel est chargé de coordonner toutes réflexions, études et actions destinées à
la mise en œuvre des projets et programmes du PSGE du secteur, d’arrêter la liste des idées de
projets soumis à la validation de la coordination générale après étude financée par le fonds
d’études sectorielles et de rendre compte à la coordination générale et d’alimenter le tableau
de bord de suivi.
Quant au comité provincial, il est chargé de coordonner et faciliter toutes actions destinées à la
mise en œuvre des projets et programmes du PSGE entre les autorités locales, les
administrations et les promoteurs, de vulgariser et de sensibiliser les populations sur les
différentes phases de mis en œuvre des projets.
L’intérêt de notre sujet repose sur l’enrichissement du droit des finances publiques par la
LOLFEB et il nous a paru intéressant d’étudier les enjeux de l’application d’une telle loi au
regard de sa logique. En outre, le gouvernement et à son sommet le président de la République
fonde l’émergence c’est-à-dire la sortie du sous-développement du pays à travers la stricte
application de la loi organique. Il était donc intéressant de voir l’application qui en était faite
quelques années après son entrée en vigueur et d’analyser les différents impacts de sa mise en
œuvre sur l’évolution du droit budgétaire et le droit de la comptabilité publique.
L’étude de la mise en œuvre de la réforme budgétaire nous a paru essentielle et pertinente pour
comprendre les enjeux de la modernisation de la gestion publique au Gabon. La présente étude
a consisté à mettre en lumière les conséquences des dysfonctionnements du processus
budgétaire tels qu’ils résultaient de l’application de la loi n°4/85 relative aux lois de finances
et qui ont justifié la volonté du gouvernement d’y mettre un terme en procédant à l’adoption
d’une loi organique modernisant la gestion publique.
Notre travail a consisté à analyser la démarche de la mise en œuvre de la réforme par les
différents acteurs du pilotage aussi bien interne à l’exécutif qu’externe à l’Etat issue de
l’adoption de la loi organique et les évolutions de la gestion publique au Gabon.
La finalité de notre étude est donc de mettre en évidence d’une part, l’impact de la loi organique
relative aux lois de finances et à l’exécution du budget (LOLFEB) dans la construction du
nouveau système budgétaire et comptable gabonais c’est-à-dire de préciser les contours du
nouveau système tel qu’il résulte de la mise en œuvre de la loi organique et d’autre part, son
impact dans l’évolution des rapports entre les différentes institutions que sont le
gouvernement, le parlement et la cour des comptes dans le cadre du nouveau système financier.
22
Nous avons dû procéder par étapes successives afin d’étayer nos propos.
Premièrement, nous avons procédé à une analyse des caractéristiques du système budgétaire
antérieur à l’adoption et à l’entrée en vigueur de la loi organique pour cerner les différentes
failles qui ont mis à mal la fiabilité du processus budgétaire au sein de l’Etat gabonais. Par la
suite, nous avons analysé les différents travaux de mise en œuvre de la réforme essentiellement
à partir de deux (2) canaux.
Ces canaux reposent d’une part, sur les documents de travail internes à l’Etat c’est-à-dire via
les différents sites internet qui ont servi de support à la diffusion de la BOP et de support à la
coopération des différents ministères autour de la mise en œuvre de la LOLFEB afin
d’identifier les différents chantiers de la réforme et d’autre part, sur les documents de travail
de la CEMAC notamment les directives et leurs guides didactiques qui nous ont permis de
mesurer les enjeux attendus de l’adoption de la loi organique par les Etats membres par rapport
à la modernisation de l’ensemble de leur système budgétaire et comptable.
Ainsi, avons-nous analysé l’ensemble du système introduit par la LOLFEB et ses objectifs
concernant notamment la modernisation de la gestion publique et le renforcement du contrôle
démocratique en matière budgétaire.
In fine, notre analyse nous a conduits à circonscrire les limites possibles du dispositif tel qu’il
a été mis en œuvre et d’émettre autant soit peu quelques idées d’améliorations en nous appuyant
sur des exemples des pays européens et notamment la France afin de pointer les risques
émanant de la mise en œuvre de la loi organique mais aussi de proposer quelques bonnes
pratiques éventuellement transposables au nouveau système financier prôné par la loi
organique.
A ce stade, nous tenons à préciser que nous nous appuyons beaucoup sur l’exemple de la
France, sans vouloir faire une étude comparative entre les deux réformes, en raison des
nombreuses similitudes entre la LOLFEB gabonaise et la LOLF française tant au niveau du
contenu des lois organiques que de l’aspect ambitieux qui a caractérisé la mise en œuvre des
réformes au regard de leurs objectifs communs de modernisation de la gestion publique et les
améliorations de la gouvernance financière ou encore et surtout en raison du système de
budgétisation retenue.
En outre, les travaux de mise en œuvre de la réforme gabonaise se sont caractérisés par une
étroite collaboration entre les services de la direction du budget du Gabon et les intervenants
français qui ont pu apporter leur expertise et leur appui.
D’emblée, nous reconnaissons que notre analyse comportait des limites tenant à sa nature
prospective, nous admettions qu’il aurait encore fallu attendre quelques années d’application
de la loi organique pour en borner pleinement tous les effets qu’ils soient positifs ou négatifs
sur l’évolution de la gestion publique au Gabon.
Mais à l’heure actuelle, ces limites n’en sont plus depuis la décision du Président de la
République de « mettre à plat le système de la BOP » lors du conseil des ministres en date du
17 mai 2018. En effet, quelques années seulement après son entrée en vigueur, le chef de l’Etat
23
a appelé à la mise à plat du système de la BOP car ne satisfaisant pas à ses attentes et ne
participant pas à la réalisation de ses promesses de campagne à l’endroit de la population. Ainsi,
« aux fins de mieux assainir et gérer nos finances publiques, au regard de la conjoncture
économique actuelle », le Président de la République a-t-il demandé aux membres du
gouvernement « d’assumer les responsabilités qui leur sont dévolues en vue de garantir le
développement du pays en tenant compte des préalables qui leur ont été communiqués pour
guider leur action ministérielle ». Parmi les conditions nécessaires à la résolution des attentes
des citoyens figurait donc la mise à plat de la BOP qui selon lui « n’a pas pu prouver son
efficacité dans le cadre de son application au sein de l’administration. Car, dans le contexte
économique actuel, la dépense publique doit être maîtrisée et optimisée ».
Lors de ce conseil des ministres, le chef de l’Etat a également procédé à une remise en question
de l’action des nouveaux opérateurs de l’Etat constitués notamment des agences publiques dont
il a remis en cause l’efficacité. Cette annonce qui nous a interpellés mais pas surpris nous a
paru brutale non seulement au regard de toute la communication qui a été faite autour de la
BOP annoncée à la population gabonaise comme le système dont l’opérationnalité permettra
de mettre un terme à tous les maux minant le système financier gabonais mais aussi en raison
du coût financier qu’a engendré la réforme budgétaire au vu de son ampleur : « D’une pierre,
il (le président de la République) a fait plusieurs coups. Il a non seulement remis en cause la
pertinence de l’harmonisation du cadre de gestion des finances publiques mais, il également
jeté le doute sur la nécessité de parvenir à une « réforme en profondeur de l’administration »
comme par le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE). Autrement dit, en quelques heures, il
a tourné le dos à huit ans de réformes controversées, souvent initiées à l’emporte-pièce et
toujours menées avec brutalité ». 17
Notre analyse en amont de l’application de la LOLFEB est dans ce cas pertinente. Sans vouloir
anticiper sur nos futurs propos, nous soutenons l’idée que la réforme budgétaire et le système
de budgétisation orientée par les résultats qui la caractérise peut avoir des effets positifs sur le
système financier gabonais mais son entrée en vigueur appelle à de véritables changements tant
au niveau du système politique que des méthodes de travail des autorités publiques. C’est la
démarche retenue par ces dernières dans la mise en œuvre de la réforme qui est critiquable au
regard de la décision du chef de l’Etat seulement après trois années d’application de mettre à
plat le système de la BOP qui n’a pas produit les effets escomptés.
17 Quotidien en ligne, Gabonreview « La mise à plat de la BOP, l’échec d’une méthode », en ligne
« http://gabonreview.com/blog/mise-a-plat-de-la-bop-lechec-dune-methode/ »
24
Notre première critique va à l’encontre du choix sémantique du nouveau système de
budgétisation retenue par le gouvernement qui est assez révélateur selon nous de la confusion
des autorités de leur compréhension de la budgétisation par la performance.
La distinction entre ces deux types de budgétisation tient à l’utilisation faite des outils de
performance pour l’affectation des crédits. Ainsi, dans un budget par objectifs, les crédits sont
affectés en fonction du niveau de performance requis. Lorsque le système est parachevé, il
s’agit de mettre en œuvre « un système d’incrémentation mathématiques des crédits
budgétaires en fonction des résultats escomptés pour l’avenir ou atteints par le passé » 19.
Par ailleurs, la budgétisation par objectifs, comme le laisse penser les travaux de la Banque
mondiale, suppose également une présentation fonctionnelle par secteurs d’activités :
« Normalement, un budget par objectifs est structuré par activités. Les propositions de
dépenses émanant des services sont associées à des instruments de mesure qui permettent de
comparer la « production » (…) et les coûts qui y sont rattachés, permettant ainsi de
s’intéresser à l’efficacité des services dans chacune de leurs activités » 20. La Banque mondiale
met en évidence le fait que les budgets par objectifs lient l’affectation des ressources à la
réalisation d’objectifs en termes de produits ou de prestations mais c’est cette affectation qui a
soulevé les principales critiques envers cette budgétisation : « L’un des principaux atouts des
budgets par objectifs - la comparaison des produits et des ressources dans le cadre du budget
– est aussi son principal défaut. En effet, les budgets par objectifs négligent l’évaluation des
résultats des politiques, qui doit être faite dans un cadre dépassant le cycle du budget annuel.
Selon ces critiques, il faut que l’efficacité finale des dépenses publiques soit l’un des objectifs
du système budgétaire. Ce sont de telles considérations qui ont abouti au concept des budgets
programmes » 21.
A l’inverse, la budgétisation par programmes est basée sur l’affectation des ressources en
fonction des politiques publiques identifiées : « Le budget de programmes organise les choix
budgétaires autour de choix de politique publique. (…) Ils (les budgets de programmes) offrent
18 Gérard BRAUN, Rapport sur une étude comparative portant sur la réforme de l’Etat à l’étranger, op. cit., p. 28.
19 Henri GUILLAUME, Guillaume DUREAU et Franck SILVENT, L’Etat et la performance, op. cit., p. 115.
20 M. Holmes dir., Manuel de gestion des dépenses publiques, Rapport, coll. « Les pratiques de pointe en management public »,
25
un cadre institutionnel et des techniques permettant de faire des arbitrages dans la poursuite
de plusieurs politiques publiques lorsque les ressources disponibles sont limitées » 22.
A l’heure actuelle, cette distinction peut sembler datée car dans la pratique certains Etats
empruntent des composantes à chaque type de budgétisation. Les deux concepts tendant à se
rapprocher : « Dans un budget de performance (d’objectifs) ou un budget de programmes, les
dépenses sont classées par programme et par activité, les finalités opérationnelles sont
identifiées pour chaque programme, et des indicateurs de performance sont définis pour
chaque programme et activité. Historiquement, les budgets de performance et de programme
étaient destinés à remplacer les budgets par postes de dépenses et à devenir le principal
instrument d’allocations des ressources » 25. C’est ainsi que le Royaume-Uni 26, qui a instauré
le « results budgeting » 27, illustre cette possibilité de liaison entre budgétisation par objectifs
et par programmes : « les exemples plus récents illustrent la possibilité de mettre en œuvre un
budget axé sur la mesure des impacts alors même que le pays concerné est favorable à
l’utilisation d’un système de budgétisation par objectifs, c’est-à-dire à une liaison entre les
objectifs des politiques et le montant des ressources consacrées à leur réalisation » 28.
Néanmoins, de notre point de vue, une clarification de la distinction des deux concepts doit
pourtant être faite au regard du choix du système de budgétisation gabonais, la B(O)P, qui
laisse sous-entendre que le gouvernement a fait le choix d’une liaison entre les deux
22 Ibid., p. 21-22.
23 Ibid.
24 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
p. 203.
28 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
26
budgétisations à l’instar du Royaume-Uni dans la mise en œuvre de la LOLFEB et c’est ce
choix qui nous pose un problème.
Nous le rappelons encore, notre analyse n’est pas une étude comparative entre la LOLFEB et
la LOLF. Seulement, le système de budgétisation gabonais s’inspire en grande partie du
système de budgétisation français. Or, la sémantique de la budgétisation gabonaise laisse
penser que les acteurs de la réforme ont combiné différents éléments des deux systèmes en vue
d’ériger leur propre système de budgétisation même si à la lecture de ses dispositions, la
LOLFEB pose plutôt un système de budgétisation par programmes. Les travaux de mise en
œuvre de la LOLFEB par les acteurs de la réforme budgétaire gabonaise, appuyés par les
experts français, ressemblent à ceux de la LOLF. C’est le nœud de notre interrogation puisque
le système de budgétisation français est celui d’un budget de programme mais orienté par les
résultats.
Le Minefi, à l’occasion de ses travaux sur la mise en œuvre de la LOLF, insistait sur cette
confusion à ne pas faire entre budgétisation par objectifs et budgétisation orientée par les
résultats. En effet, « L’orientation de la gestion vers les résultats ne doit donc pas être
confondue avec une budgétisation par objectifs qui consisterait à fixer d’abord les objectifs et
les valeurs cibles souhaitées puis à déterminer les enveloppes de crédits nécessaires pour les
réaliser » 32. Ainsi, la LOLF a-t-elle retenu un système de budgétisation se rapprochant des
budgets par programmes mais avec une certaine originalité. En réalité « Le système de
budgétisation retenu par la LOLF se rapproche d’une budgétisation par programmes,
notamment concernant la présentation des crédits. Il s’agit en effet d’une présentation par
segmentation de politiques publiques, les missions constituant le support des politiques
publiques, les programmes constituant des segmentations de ces dernières définies suivant un
impact (une finalité d’intérêt général) (…). Cependant cette présentation est améliorée par des
29 Ibid., p. 42.
30 Ibid.
31 Ibid.
32 Minefi et a., La démarche de performance ; stratégies, objectifs, indicateurs, guide méthodologique pour l’application de la
loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, juin 2004, p. 11.
27
informations précises sur la performance, au niveau des programmes, par le biais des objectifs
et indicateurs de résultats » 33.
Cette spécificité du système de budgétisation français a été désignée par Sylvie Trosa comme
« la troisième voie » : « La France a choisi la voie de la synthèse, celle « des impacts plus
prestations », avec une originalité qui est de valoriser l’évaluation et de demander que les
indicateurs traduisent non seulement l’efficience et la qualité mais aussi l’efficacité socio-
économique » 34.
Il ressort de l’analyse des travaux du système de budgétisation gabonais que les auteurs de la
réforme ont fait le choix d’une gestion orientée par les résultats mais le choix du nom retenu
par ces derniers de BOP nous laisse penser à une confusion terminologique dans la démarche
de mise en œuvre de la réforme budgétaire gabonaise et une confusion des finalités quant aux
choix du système de budgétisation retenu.
Cette confusion est également faite par le législateur communautaire à l’intérieur du guide
didactique de la DLF. En effet, dans l’esprit du législateur, la réforme budgétaire devant être
mise en œuvre par les Etats induit quatre (4) innovations principales dont une présentation du
budget par politiques publiques orientées vers une démarche de performance.
En ce sens il explicite les dispositions de l’article 3 de la DLF qui stipule que : « Les budgets
des administrations publiques déterminent pour chaque année, dans un document unique pour
chacune d’entre elles, l’ensemble de leurs recettes et de leurs dépenses, présentées pour leur
montant brut. Les dépenses sont décrites en fonction de leur nature économique et, le cas
échéant, en fonction des finalités qu’elles poursuivent ». Le législateur communautaire
déclare que cet article introduit le principe du budget par objectifs, les dépenses étant décrites
« …le cas échéant, en fonction des finalités qu’elles poursuivent ». Plus loin il précise à propos
des objectifs et des indicateurs de résultats : « Le passage d’une nomenclature administrative
articulée autour des moyens des services administratifs (budget de moyens) à une présentation
des crédits par programmes (budget par objectifs) constitue l’objet central de la réforme, le
Parlement se prononçant non seulement sur les crédits mais également sur les stratégies
ministérielles et les objectifs des politiques publiques » or les dispositions de l’article 17 de la
DLF posent l’obligation pour les Etats d’adoptés une budgétisation par programmes mais axée
sur les résultats : « Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action
ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des
objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats
attendus. Les objectifs de chaque programme sont assortis d’indicateurs de résultats ».
Dès lors, nous comprenons aisément la confusion qui peut exister pour les acteurs de la réforme
budgétaire gabonaise qui ne font que transposer au niveau national les directives
communautaires.
33 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op. cit. , p. 45.
34 Sylvie TROSA, Le guide de la gestion par programme. Vers une culture du résultat, Paris, Editions d’Organisation, coll.
28
Cependant, si nous reconnaissons que bien au-delà du nouveau système de budgétisation qui
aurait dû être mis en œuvre méthodiquement c’est-à-dire à grands renforts d’expérimentations
et s’étalant sur plusieurs années afin de sécuriser sa viabilité avant sa totale généralisation,
d’autres paramètres que sont les contextes institutionnel et administratif peuvent aussi
expliquer les raisons de cet échec.
Sans rentrer dans les détails que nous expliciterons dans notre développement, nous pouvons
d’ores et déjà affirmer que la réforme budgétaire appelle à une transformation en profondeur
de l’appareil administratif.
Dans le cadre de la réforme, le changement doit passer par la formation et la sensibilisation des
différents acteurs à la budgétisation par la performance et au type de budgétisation retenu, à
ses objectifs, à ses enjeux en procédant à des formations et à des expérimentations approfondies
s’étalant sur plusieurs années car ces dernières sont les outils indispensables à la mise en œuvre
de la réforme.
Ce processus doit d’abord être fait aux différents niveaux hiérarchiques de l’Administration
gabonaise voire de l’Etat notamment par les autorités publiques qui font l’objet de nombreuses
critiques quant à leur manque de rigueur dans la gestion des deniers publics et sont souvent à
l’origine de scandales financiers (corruption, détournements de deniers publics…) et qui
devront faire preuve d’une éthique irréprochable afin de montrer le bon exemple.
Sur ce point, nous ne pouvions trouver d’autres propos résumant aussi justement notre pensée
que celui d’un compatriote qui faisant un constat entre l’échec de la BOP et la conduite des
réformes par l’administration gabonaise déclarait : « En constatant l’échec de la BOP, plus
largement celui de la Constitution financière du Gabon, et celui des agences qui constituaient
l’embryon d’une organisation transversale de l’Administration -sous condition notamment de
responsabilité devant le Parlement- se dessinent les contours d’un mal incurable, à savoir le
« syndrome de Pénélope », qui frappe l’administration gabonaise: construire le matin en
appliquant les orientations du Guide de la Nation, déstructurer l’après-midi en obéissant aux
instincts de préservation et de conservation des privilèges ou des situations acquises ».
Nous pensons que sans véritable changement des méthodes et de mentalités dans la conduite
des réformes par les autorités politiques et administratives, toutes les réformes sectorielles
annoncées ou entreprises seront vouées à l’échec.
La réforme budgétaire gabonaise a également péché par excès d’ambition. Elle s’est inscrite
dans un calendrier d’application trop fluctuant au regard de la technicité qu’implique le
nouveau système de budgétisation et au regard des moyens aussi bien techniques qu’humains
dont disposait l’Etat pour mettre en œuvre une réforme de cette ampleur. Si nous nous référons
aux Etats qui ont mis en œuvre avec succès une réforme similaire, nous constatons qu’il s’est
écoulé un certain temps entre l’adoption de la loi organique et son effectivité ou inversement
la réforme a d’abord fait l’objet d’expérimentation avant d’être totalement adopté par voie
législative. Quoi qu’il en soit, elle a eu besoin d’un calendrier bien structuré. Par exemple, la
LOLF française a été adoptée en 2001 et est entrée en vigueur en 2006 soit cinq (5) ans d’écart.
Elle a pourtant fait l’objet de nombreuses expérimentations entre 2002 et 2005 qui ont joué un
29
rôle essentiel dans la mise en œuvre de la loi organique. En effet, « L’expérimentation a joué
un rôle fondamental dans la mise en œuvre de la réforme. L’ensemble des innovations
introduites directement ou indirectement par la loi organique a, en effet, fait l’objet de
nombreuses expérimentations de 2002 à 2005, afin de dégager de « bonnes pratiques » en vue
de la généralisation qu’entraine l’entrée en vigueur de loi organique. Il faut d’ailleurs noter
que les expérimentations ont bénéficié d’une assez grande transparence quant à leurs résultats
puisque leurs bilans ont été largement diffusés et qu’ils ont fait l’objet de restitutions
périodiques au Parlement » 35.
Déjà à cette époque, la mise en œuvre de la réforme française avait été qualifiée de « démarche
singulière et ambitieuse » 36. La France ayant opté pour une réforme d’ensemble par le biais
de la loi organique. Cette réforme était d’autant plus ambitieuse qu’elle s’inscrivait sur une
période relativement courte comme l’indiquait Henry Guillaume : « le calendrier
d’application de la loi organique qui prévoit son entrée en vigueur pour le budget 2006 ne
pêche pas par modestie » 37.
Pourtant, certains indices laissaient présager de cette issue. Ce fut le cas des difficultés
rencontrées par les acteurs de la réforme dans l’opérationnalisation des programmes pilotage-
soutien qui a révélé le besoin d’appui technique des groupes de travail en 2014 soit l’année
avant l’entrée en vigueur de la loi organique. Ces difficultés auraient dû être le signal d’alarme
pour les autorités leur prévenant que le nouveau système de budgétisation avait besoin d’être
sécurisé et n’était pas prêt à entrer en vigueur dans un délai aussi restreint.
Au regard de la nouveauté de notre sujet, il nous parait important d’évoquer les difficultés
rencontrées lors de nos recherches.
La principale difficulté tient au peu de doctrine nationale sur le droit des finances publiques 38
en général et en particulier, sur le processus budgétaire. La revue africaine des finances
publiques (RAFIP) dans son éditorial faisait également le constat du déficit d’études
35 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op. cit., p. 15.
36 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
186.
38 Récemment l’ouvrage de Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, publié en octobre 2018 a permis d’apporter un éclairage sur
l’ensemble des finances publiques gabonaises précisément sur le droit budgétaire et celui de la comptabilité publique.
30
financières et fiscales sur les réformes des finances publiques pourtant en cours dans les
nombreux Etats africains. Pour notre part, nous nous sommes beaucoup appuyés sur les études
et rapports des organisations internationales sur la gestion budgétaire des pays africains en
général et du Gabon en particulier et notamment sur ceux du Fonds Monétaire International
(FMI), de la Banque mondiale, de l’OCDE ou encore sur ceux des institutions propres au
continent africains telles que la Banque Africaine de Développement (BAD).
Débutés trois (3) ans après sa première adoption et deux (2) ans après son entrée en vigueur un
an plus tard soit en 2011, notre démarche consistait a analysé les premiers résultats ou
premières retombées de l’application de la loi organique. Mais l’échéancier étant repoussé et
la loi abrogée, nous avons repensé notre démarche en favorisant également l’analyse des
principales caractéristiques des travaux de la mise en œuvre de la réforme qui nous ont amenés
à préciser la problématique retenue.
Une autre difficulté est à signaler. C’est celle de la prédominance du gouvernement et à sa tête
le président de la République ou plutôt de sa main mise sur la réforme. S’il est entendu que
l’administration soit le maitre d’œuvre et d’ouvrage de la mise en œuvre de la réforme dans le
cadre particulier de la loi organique qui entend rénover et renforcer les pouvoirs budgétaires
du parlement qui étaient restreint sous la loi n°4/85, nous aurions pu attendre une certaine
coopération soutenue entre les différentes institutions à savoir entre le gouvernement et le
parlement et entre le parlement et le juge financier à qui la loi organique renforce la mission
d’assistance auprès des parlementaires.
Les travaux de mise en œuvre de la réforme auraient dû être l’occasion pour les institutions
souvent mises en marge de la procédure budgétaire d’enrichir le processus et de faire vivre le
débat par leurs avis, leurs critiques ou leurs recommandations par la publication de rapports
relatifs à la mise en œuvre de la LOLFEB, de la démarche de performance et de la nouvelle
gestion publique à l’instar des parlementaires français et de la Cour des comptes.
Ainsi, tous les documents auxquels nous avons eu accès provenaient en quasi-totalité des
services du ministère des finances et cela nous a semblé préoccupant car si les parlementaires
31
tout comme les citoyens ont été informés de l’avancée des travaux, ils n’ont par exemple pas
pu échanger en émettant leurs avis et leurs préoccupations quant au volet de la réforme qui les
concernait particulièrement et qui pouvaient poser des problèmes.
La même remarque peut être faite pour la cour des comptes. C’est par exemple le cas de la mise
en jeu de la responsabilité des ordonnateurs et des gestionnaires dans le cadre du contrôle
parlementaire de l’exécution du budget qui comme nous le verrons n’a pas été assez développé.
Enfin, la mise en œuvre de la réforme aurait dû être l’occasion d’une véritable coopération
institutionnelle comme ce fut le cas en France ou il s’est dégagé un réel consensus de
l’ensemble des acteurs de la réforme au moment de l’adoption de la loi organique comme à
l’occasion de sa mise en œuvre. Ce consensus a prévalu entre le gouvernement et la cour des
comptes mais surtout entre le gouvernement et le parlement : « On a déjà pu citer quelques
éléments d’informations sur l’avancée des travaux, notamment le rapport annuel sur la mise
en œuvre de la loi organique. Mais plus encore, le Parlement a pu participer aux travaux
relatifs à la mise en place de la nouvelle architecture budgétaire d’une part, et à ceux
concernant l’introduction de la démarche de performance, d’autre part. Avant la présentation
définitive à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, les travaux sur la nomenclature ont
en effet été exposés à deux reprises aux parlementaires, qui ont pu, par le biais de rapports
d’information, présenter des propositions dont le gouvernement a tenu compte pour
l’élaboration de la maquette définitive. La démarche a été similaire concernant les stratégies,
objectifs et indicateurs associés aux programmes » 39 même s’il a eu une portée limitée car les
propositions des parlementaires n’étaient pas toujours suivies.
La coopération entre l’exécutif et la cour des comptes n’était pas en reste non
plus : « Concernant la Cour des comptes, les rapports sur l’exécution des lois de finances ont
été l’occasion pour cette dernière de se prononcer sur l’état d’avancement des travaux de mise
en œuvre de la loi organique et de procéder à un certain nombre de recommandations » 40.
L’accès à la documentation et à l’information a été inégal selon les volets de la réforme. Une
documentation plus fournie sur chaque chantier de la réforme aurait permis que nous analysions
dans le détail les travaux propres à chaque chantier afin de déceler les principales difficultés
ou failles inhérentes à chacun et auxquelles ont dû faire face les autorités. Nous nous sommes
appuyés sur les directives communautaires pour cerner les différents enjeux néanmoins accéder
à une documentation nationale plus conséquente sur chaque volet nous aurait permis d’étudier
la façon dont l’Etat a eu à transposer les directives et les adapter à sa situation en prenant en
compte leur complexité.
Cependant, le système de la BOP et ses enjeux a fait l’objet d’une large diffusion auprès des
ministres sectoriels, de l’Administration et de la population à travers les articles de presse. Un
site internet rattaché à la présidence de la République avait été dédié aux travaux sur la B(O)P
39 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public
financier rénové, op. cit., pp 13-14.
40 Ibid., p. 14.
32
même si nous pouvons regretter l’absence de ses mises à jour au fur et à mesure de l’avancée
de la réforme à l’instar des sites des acteurs de la réforme qui étaient pour certains inaccessibles.
La nouvelle logique de résultats, prônée par la loi organique, a nécessité la mise en œuvre d’un
système de formation et d’expérimentation auprès de l’ensemble des services administratifs.
Les protagonistes de la réforme ont mis en place un dispositif conséquent ayant mobilisé des
experts-formateurs à tous les niveaux. Elle a aussi donné lieu à des réunions de mutualisations,
des tables rondes ou encore des ateliers de travail avec la participation des fonctionnaires. Ces
derniers, comme les ministres sectoriels, ont dû se former aux nouveaux concepts de la réforme
budgétaire et de la nouvelle gestion publique à travers la diffusion de supports pédagogiques
et des sessions de formations couvrant les différentes thématiques de la loi organique ainsi que
différents guides ou documents de travail développant les principes des nouvelles procédures
budgétaire et comptables. L’ensemble des innovations introduites par la loi organique a
également fait l’objet d’expérimentations afin de dégager les bonnes pratiques visant à être
généralisées à l’ensemble des services.
Pour autant, si la mise en œuvre de la loi organique s’est caractérisée par de nombreuses
innovations que nous pouvons qualifier de positive surtout du côté de la communication qui en
a été faite, nous devons pourtant en relever certains écueils au regard de sa technicité. En effet,
la mise en œuvre de la réforme s’est accompagnée de l’apparition « d’un langage de la
LOLFEB » 41 à tel point qu’il est apparu que les principes et les modalités de la loi organique
étaient difficilement compréhensibles à des inexpérimentés ou du moins à une catégorie de
personnes ne gravitant pas dans la sphère de la loi organique. En outre, c’est l’émergence d’un
vocable autour de la LOLFEB qui s’est développé et qui a été utilisé pour qualifier toute
démarche allant dans le sens de la modernisation de la gestion publique. Nous pouvons même
aller plus loin et dire que c’est l’ensemble de la réforme qui a été touché que ce soit à propos
des fonctions, des procédures ou des documents d’informations budgétaire c’est par exemple
le cas de la déclinaison de la démarche de performance avec les PAP ou les RAP ou des
nouvelles fonctions managériales avec les RPROG, RBOP, RUO.
Tous ces éléments ont donné naissance à un langage typé de la LOLFEB c’est-à-dire un
langage qui s’est caractérisé : « par la création d’un vocabulaire propre, qui revêt parfois des
accents technocratiques, par le biais d’emprunts au domaine scientifique (nomenclature
« matricielle », « axe » par destination/par nature, « référentiel » comptable, « fonction
support »), économique (« fongibilité »), ou, le plus souvent, au domaine du « management
public » (déclinaison opérationnelle, pilotage stratégique, opérateur). D’ailleurs, pour ce
dernier, on constate un recours à différents anglicismes tels que le reporting ou le
benchmarking » 42. Au regard de cette technicité de la réforme, nous pouvons nous demander
comme J.-J François si au regard de ce « culte de l’outil, (…) les trop nombreux arbres de
l’outil ne cacheront pas la forêt de la performance » 43. C’est d’autant plus inquiétant que
41 Expression empruntée à Damien CATTEAU qui faisait également le constat de l’apparition d’un langage de la LOLF qui a
122.
33
l’élaboration du budget selon la nouvelle nomenclature en politiques publiques et la
segmentation de ces dernières en mission/programme a montré les difficultés techniques
auxquelles ont été confrontés les acteurs de la réforme budgétaire.
La mise en œuvre de la réforme a souvent montré certaines difficultés rencontrées par les agents
publics gabonais. Comme déjà énoncé ce fut le cas lors la mise en œuvre des programmes
pilotage-soutien, programmes indispensables à l’exécution des politiques publiques. En effet,
les fonctions soutien sont celles au service de plusieurs programmes d’un ministère. Elles ont
été rassemblées au sein de programme pilotage-soutien accueillant exclusivement les fonctions
d’état-major et de gestion communes à plusieurs programmes. Il s’agit donc « des éléments de
gestion des moyens attribués aux services ainsi que les actions de pilotage et de coordination
entreprises par ces derniers » 44. Cependant, la mise en place et l’opérationnalisation des
diverses nouvelles fonctions soutien (DCRH, DCAJ, DCAD, Equipe patrimoine dans les
DCAF, Equipe Informatique-Bureautique…) ont mis en lumière les limites des groupes ou
structures qui travaillaient sur l’opérationnalisation de chacun des objectifs de ces programmes.
Ils ont eu du mal à concevoir une stratégie d’action et à bâtir un plan d’action « qui leur
parlent » comme le constatait le cabinet IDRH qui les accompagnait dans ce
processus, « Beaucoup de groupes ne voient pas bien comment aborder le sujet, quoi faire,
comment poser les premiers jalons, comment procéder. Chaque groupe se débrouille du mieux
qu’il peut. IDRH intervient très souvent pour susciter la créativité des groupes, pour aider à
bâtir un plan d’action qui donne les principaux jalons de la démarche pour 2014 ». Par ailleurs,
IDRH constatait notamment que les groupes étaient en forte attente d’appui technique et qu’ils
avaient du mal à identifier les structures tête de réseaux à vocation transversale tout comme les
spécialistes au sein de ces structures susceptibles de leur apporter cet appui.
Il y avait également un déficit de communication de ces structures sur leur politique, leurs
apports méthodologiques, leurs prestations d’accompagnement et d’appui. Le cabinet relevait
un besoin « énorme », « colossal » de professionnalisation des agents dans les différentes
structures soutien des ministères : « Le manque de professionnalisme est partout patent tant au
niveau des agents d’exécution que de leur encadrement dont on voit mal comment il pourra
être un encadrement formateur ».
Ainsi, le cabinet recommandait-il de prévoir des formations de base et des formations très
opérationnelles avec beaucoup d’accompagnement formation. Il démontrait également la
nécessité de créer la culture « qualité de service » des structures gabonaises chargées des
missions de Soutien dont les engagements de qualité de service étaient flous et le plus souvent
inexistants et dont les structures centrales fonctionnaient de façon introvertie plus préoccupée
par leur dotation en effectif et en moyen divers que par les attentes et besoins des Services pour
lesquels elles sont sensés travailler.
Ces structures n’étaient pas proactives et allaient très peu au-devant des structures qui devaient
bénéficier de leurs prestations. Si sur le papier elles avaient été fortement accrues en nombre,
dans la réalité « Beaucoup de structures étaient restées fantômes. Les responsables n’avaient
44 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public
34
pas été nommés et les effectifs prévus n’avaient pas été mis en place ni par des redéploiements
internes ni par des recrutements externes (…). L’absence d’outils modernes de gestion ainsi
que le manque de locaux ont aussi freiné le processus de mise en place des nouvelles structures
». En outre, elles fonctionnaient de façon très cloisonnée ; « Elles fonctionnaient en parallèle
plutôt qu’en synergie. Elles ne développaient pas une approche globale de soutien et elles
avaient du mal à imaginer sur quoi et comment coopérer » et manquait d’un management
global et méthodique des structures centrales ; « il n’y avait pas d’équipe de direction du
programme Pilotage et Soutien, de plus les secrétaires généraux ont été très peu présents lors
de l’élaboration de PAP Pilotage et Soutien et dans leur opérationnalisation. Ces derniers ne
fournissaient même aucun effort pour sortir de cette situation d’inertie ».
La loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution du budget a constitué le point de
départ de la modernisation de la gestion publique. Elle résulte de la volonté de l’Etat d’orienter
sa gestion publique vers la performance. Elle est donc porteuse d’une logique de résultats. Son
introduction du concept de gestion axée sur les résultats a eu des répercussions importantes sur
l’ensemble du processus budgétaire surtout au niveau de la budgétisation. C’est la recherche
de performance qui a guidé la réforme des procédures d’élaboration du budget.
La rénovation du cadre budgétaire a été selon nous au centre de la mise en œuvre de la
LOLFEB. Elle a posé les bases du nouveau système de gestion publique qui a nécessité la
détermination d’un nouveau cadre et de nouvelles modalités d’exécution des politiques
publiques en plus d’introduire de nouveaux acteurs de la gestion publique.
Plus précisément, elle se caractérise par l’introduction d’un nouveau cadre d’exécution des
crédits budgétaires qui a eu comme corollaire la rénovation de la chaine de la dépense publique.
Elle a également entrainé une réforme en profondeur des modes d’intervention de
l’administration inspirée du management public et qui s’accompagne de l’apparition de
nouveaux acteurs de la gestion publique et d’une redéfinition des prérogatives des acteurs
préexistants (Titre I).
En outre, la loi organique, en renforçant le rôle du Parlement en matière budgétaire, procède à
un rééquilibrage des pouvoirs entre les différentes institutions. Le rééquilibrage institutionnel
va se caractériser d’une part, par la revalorisation des pouvoirs des parlementaires contrepartie
de la nouvelle liberté de gestion accordée aux responsables de l’exécution budgétaire et d’autre
part, par l’ajustement des règles d’exécution des dépenses avec notamment l’introduction de
nouveaux outils de gestion budgétaire et comptable (Titre II).
Cette revalorisation se fait en amont de la procédure budgétaire, c’est-à-dire au moment de la
préparation du budget avec l’institution du débat d’orientation budgétaire (DOB) et en aval à
l’occasion du contrôle de l’exécution. Ce qui est sensé restaurer son rôle en matière de contrôle
de l’action gouvernementale.
Ainsi, la loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution budgétaire ne doit pas être
un texte immuable et doit nécessairement s’adapter aux aléas de sa mise en œuvre ; d’où nos
quelques propositions d’améliorations qui pourront peut-être sembler d’une faisabilité
discutable dès lors qu’elles impliquent des modifications substantielles de l’appareil d’Etat.
35
PREMIERE PARTIE : LA REFORME DU CADRE BUDGETAIRE
L’Etat gabonais a adopté sa loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution
budgétaire (LOLFEB). Cette dernière procède à la refonte du processus budgétaire tant au
niveau de l’élaboration, de la présentation, de l’exécution que du contrôle. A travers la
présentation du budget par politiques publiques, elle véhicule une logique de performance des
finances publiques gabonaises et par voie de conséquence transforme et modernise le cadre de
la gestion publique (chapitre 2).
L’adoption de la loi organique est une réponse concrète aux dysfonctionnements observés dans
l’application de la procédure budgétaire sous la loi 4/85 relative aux lois de finances et qui se
caractérisaient notamment par des conflits financiers entre l’Etat et les collectivités locales
(chapitre 1).
La réforme budgétaire s’est traduite par l’adoption de la LOLFEB à la suite d’un long processus
car elle est porteuse d’une nouvelle logique de gestion budgétaire basée sur la fixation
d’objectifs et la recherche de résultats (section 2). Mais bien avant son entrée en vigueur, cette
réforme a été conditionnée par des contraintes internes qui ont rendu inéluctable l’abandon de
la gestion budgétaire régie par la loi n° 4/85 relative aux lois de finances reposant sur une
structuration administrative privilégiant les moyens de fonctionnement de l’administration
(section 1).
L’ensemble des règles contenues dans la loi n°4/85 relative aux lois de finances affichait
l’ambition et la volonté du législateur de fournir aux finances publiques gabonaises un cadre
juridique structuré. Mais la répétition d’irrégularités dans la mise en œuvre du processus a mis
à mal le système dans sa globalité. Ces irrégularités peuvent d’une part être explicitées par les
insuffisances relevées dans la mise en œuvre du processus budgétaire par les services
compétents dans l’élaboration des projets de lois de finances (sous-section 1) et d’autre part,
par la centralisation excessive des prérogatives budgétaire et financières du pouvoir central au
détriment des collectivités locales (sous-section 2).
Les défaillances dans la mise en œuvre du processus budgétaire tiennent au décalage qu’il y a
eu entre les règles budgétaires légalement conçues et leur application par les services
compétents, ces défaillances ont été constaté dès le début du processus c’est-à-dire tant au
niveau de la préparation budgétaire qu’au niveau de la présentation (A). Ces défaillances ont
en outre perduré par l’inexistence de « garde-fou » efficace au moment de l’adoption des lois
de finances par les parlementaires (B).
36
A. Les limites à la préparation et à la présentation du budget de l’Etat
Les manquements relevés au niveau de la préparation budgétaire reposaient sur la dualité des
modes d’élaboration des budgets de fonctionnement et d’investissement et l’insuffisante
coopération des différents services ministériels en charge de ces derniers (1). Les
dysfonctionnements constatés au niveau de la présentation budgétaire étaient quant à eux
caractérisés par l’éclatement et le manque d’exhaustivité du budget de l’Etat (2).
45 Article 103 de la Constitution : le Conseil Economique et Social (…) a compétence sur tous les aspects de développement
économique, social et culturel : l’orientation générale de l’économie du pays ; la politique financière et budgétaire ; la politique
des matières premières ; la politique sociale et culturelle ; la politique de l’environnement ; art 105 de la Constitution : (…) il
est obligatoirement consulté sur tout projet de plan ou projet de programme à caractère économique, social ou culturel, ainsi
que sur toutes dispositions législatives à caractère fiscal, économique, social ou culturel. Il peut-être, au préalable, associé à
leur élaboration ; article 107 de la Constitution : le Conseil Economique et Social peut désigner l’un de ses membres à la
demande du président de la République, du gouvernement ou des présidents des chambres du Parlement pour exposer devant
ces Institutions l’avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis ; article 109 de la Constitution : sont
membres du Conseil Economique et Social : les représentants des syndicats, des associations ou groupements
socioprofessionnels, élus par leurs associations ou groupements d’origine ; les cadres supérieurs de l’Etat dans le domaine
économique et social ; les représentants des collectivités locales élus par leurs pairs.
37
La première phase, relative à l’élaboration du cadrage général des perspectives, s’étalait de
janvier à la mi-mai et était interne aux ministères en charge des finances et de la planification.
Elle comprenait trois étapes clés : l’évaluation primaire des ressources et des charges ; la
confection d’une esquisse interne de politique sectorielle et les travaux préparatoires au
séminaire gouvernemental d’orientation budgétaire. Cette phase débutait par une réflexion
interne sur l’évaluation primaire des recettes et des charges de l’année N+1 sur la base des
observations réalisées sur le budget de l’année N-1. Elle consistait à revoir des variables clés
telles que les niveaux et les prix des principaux produits d’exportation dont le pétrole, le
manganèse et les grumes, ainsi que le PIB et ses composantes et le niveau d’exécution à mi-
parcours du budget de l’année N. Ces différentes informations permettaient d’avoir une idée
approximative à la fois des recettes et des dépenses de l’année N+1.
Les structures impliquées dans cette étape étaient la direction générale du budget pour le cadre
macroéconomique, le comité inter institutionnel des statistiques pour les données relatives à
l’exécution du budget, la direction générale de la comptabilité publique pour le service de la
dette, le commissariat au plan pour les dépenses d’investissement et les dons, et enfin la
direction générale des impôts et la direction générale des douanes et des droits indirects pour
les recettes.
Le séminaire aboutissait à la rédaction d’une lettre de cadrage du premier ministre qui rappelait
notamment les données générales de l’économie et leurs évolutions possibles et relevait les
grands axes de la politique budgétaire du gouvernement. Cette lettre servait de référence aux
46 Ce séminaire gouvernemental était une étape introduite assez récemment dans le processus budgétaire approximativement
entre 2004-2005.
38
techniciens des différents ministères dans l’élaboration des projets et budgets qui devaient
respecter les priorités et plafonds arrêtés lors séminaire gouvernemental.
Concernant les conférences budgétaires, deuxième étape clé de cette phase, elles consistaient
en des réunions qui avaient lieu de la mi-juin à la mi-juillet, entre chaque ministère gestionnaire
et les ministères en charge des finances et de la planification. Elles étaient présidées
conjointement par le directeur général du budget et le commissaire général au plan,
représentant respectivement les ministres des finances et de la planification. Ces réunions
portaient sur l’examen des propositions de dépenses de chaque ministère et le cas échéant de
leur budget de recette.
Avant la tenue desdites conférences, les correspondants budgétaires au niveau de la DGB, dont
la mission est d’aider les administrations à mieux préparer leur budget, prenaient les contacts
appropriés en vue de mener à bien cette étape. L’exercice consistait notamment à considérer
comme base du nouveau budget les services votés, à rajouter des mesures nouvelles 47 qui
rentraient dans le cadre des priorités du gouvernement et proposer des économies budgétaires
le cas échéant et à financer les mesures nouvelles grâce à un redéploiement des crédits de
l’exercice antérieur, le cas échéant par des crédits additionnels.
Cependant, depuis l’exercice budgétaire 2004, en lieu et place des sessions plénières, était
organisée une seule et unique plénière présidée par la DGB à laquelle étaient conviés tous les
secrétaires généraux des différents départements ministériels et autres institutions. Cette
réunion et celles tenues entre les correspondants de la DGB et les gestionnaires de crédits de
chaque ministère servaient à affiner les projets de budget de chaque ministère au terme
desquelles une monture budgétaire était proposée à l’arbitrage du ministre chargé des finances.
Ces séances permettaient aussi de vérifier, en particulier, le respect des plafonds de crédits fixés
par ministère à la suite du séminaire intergouvernemental, de déceler les programmes figurant
au budget simplement par inertie ou par habitude des responsables, de procéder à l’examen de
tous les programmes, avec possibilité de remise en cause de chaque poste de dépense, la
justification et l’établissement des priorités en vue de rationaliser les dépenses et permettre un
meilleur contrôle. En ce qui concernait les dépenses d’investissement, il était demandé aux
ministères dépensiers de fournir l’étude détaillée du projet avec toutes les factures pro formats
nécessaires 48.
Parallèlement aux conférences budgétaires, les prévisions des dépenses et recettes de l’année
N+1 étaient affinées. Toutes les dispositions fiscales et douanières qui permettaient la
47 La présentation des crédits budgétaires sous formes des services votés et de mesures nouvelles était particulière car ils
n’étaient pas prévus par la loi relative aux lois de finances et donc nous pouvons nous demander si elle ne relevait pas d’une
pratique usuelle du gouvernement ce qui les rendrait juridiquement sans valeur. En effet c’est l’ordonnance française de 59
qui disposait que la seconde partie de la loi de finances contenait des dispositions budgétaires applicable à l’année
principalement l’ouverture des crédits en distinguant les services votés définis par l’article 33 de la loi comme « le minimum
de dotations que le gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui
ont été approuvées l’année précédente par le Parlement » se sont donc des dépenses reconduites d’une année sur l’autre ; des
mesures nouvelles positives ou négatives qui sont pour le budget général présenté par titre.
48 Les projets d’investissement et d’équipement faisaient l’objet d’autorisations de programmes matérialisées par des dossiers
et des fiches projets. Le système de fiches-projets faisait chaque année l’objet de dispositions spéciales dans la lettre de cadrage,
de même en ce qui concerne le budget de fonctionnement, le calcul des charges de fonctionnement s’effectuait à partir des
dossiers et des fiches retenues
39
réalisation de cette recette étaient mises en forme et intégrées dans le texte de loi formant la loi
de finances. Au terme des conférences budgétaires, tous les documents budgétaires y compris
les annexes explicatives étaient confectionnés et transmis au conseil économique et social.
La troisième phase, celle de l’examen du projet de loi de finances par le conseil économique et
social 50 et le conseil des ministres débutait par la transmission, dans la première quinzaine du
mois de septembre, du projet de loi de finances au CES qui émettait un avis et des
recommandations particulières. Après ce dernier, le projet de loi de finances et les documents
qui l’accompagnaient étaient examinés par le conseil interministériel dans la seconde quinzaine
du mois de septembre et à ce stade, d’autres arbitrages pouvaient intervenir. Le projet de loi
était examiné, au cours de la dernière semaine de septembre par le Conseil d’Etat dont le visa
était obligatoire. Les amendements au cours de cette étape portaient généralement sur la forme
et la rédaction des différents articles.
Après le Conseil d’Etat, le conseil des ministres se réunissait pour adopter le projet de loi ;
même à ce stade, d’autres modifications pouvaient intervenir. Néanmoins, cette phase souffrait
49 Banque Africaine du Développement (BAD), Fonds Africain du Développement (FAD), République Gabonaise : Profil de
Gouvernance-Pays, Bureau Régionale de Libreville (GARO), Département des Opérations par Pays Région Nord Est et Sud
(ONCB), 2005.
50 Article 103 de la Constitution : le Conseil Economique et Social (…) a compétence sur tous les aspects de développement
économique, social et culturel : l’orientation générale de l’économie du pays ; la politique financière et budgétaire ; la politique
des matières premières ; la politique sociale et culturelle ; la politique de l’environnement ; art 105 de la Constitution : (…) il
est obligatoirement consulté sur tout projet de plan ou projet de programme à caractère économique, social ou culturel, ainsi
que sur toutes dispositions législatives à caractère fiscal, économique, social ou culturel. Il peut-être, au préalable, associé à
leur élaboration ; article 107 de la Constitution : le Conseil Economique et Social peut désigner l’un de ses membres à la
demande du président de la République, du gouvernement ou des présidents des chambres du Parlement pour exposer devant
ces Institutions l’avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis ; article 109 de la Constitution : sont
membres du Conseil Economique et Social : les représentants des syndicats, des associations ou groupements
socioprofessionnels, élus par leurs associations ou groupements d’origine ; les cadres supérieurs de l’Etat dans le domaine
économique et social ; les représentants des collectivités locales élus par leurs pairs.
40
elle aussi d’insuffisances, tenant à la difficulté du CES à pouvoir véritablement influencer sur
les orientations budgétaires retenues par le gouvernement. La conséquence est que cette phase
perdit de son intérêt comme le rapportait la BAD : « Au surplus, la phase d’examen de la loi
de Finances par le CES, qui offre l’opportunité d’enrichir le processus budgétaire des avis et
recommandations d’une frange non négligeable de la Société civile, tend-t-elle à être plutôt
symbolique. En effet, cette structure qui a dans ses prérogatives la mission de conseil et de
suggestion à l’endroit de l’exécutif, parvient rarement à influer sur l’orientation du budget en
soumettant des argumentaires pertinents du fait de l’insuffisance de ses capacités techniques.
En conséquence, les recommandations du CES donnent lieu rarement à des modifications
significatives » 51.
La législation budgétaire et comptable gabonaise était au préalable régit par la loi n° 4/85 du
27/06/85 relative aux lois de finances qui fixait le cadre général du budget et qui était largement
inspirée de l’ordonnance française portant loi organique relative aux lois de finances du
02/01/59. Elle était également régie par les lois n° 6/2002 du 14/08/2002 et n° 11/2005 du
25/07/2005 portant modification de certaines dispositions de la loi n° 4/85 relative aux lois de
finances ainsi que par la loi n° 5/85 du 27/06/85 portant règlement général sur la comptabilité
publique qui fixait les modalités d’exécution du budget.
Comme le système budgétaire français dont elle s’inspirait, elle a conditionné l’adoption de la
loi de finances au respect d’un ensemble de principes dits « traditionnels » ou « classiques »
garants de la « puissance démocratique d’un pays » 52 destinés à assurer l’utilisation
démocratique, légale, morale, et utile des deniers publics. Il s’agit de règles budgétaires ayant
pour objet d’encadrer le pouvoir de décision des autorités publiques en le soumettant à un
budget dont elles fixent la périodicité et la présentation.
La présentation du budget obéit ainsi à un cadre juridique très élaboré. Cependant, un grand
décalage a été constaté entre la conception des règles budgétaires et leur application. L’écart
entre la théorie et la pratique était dû aux nombreuses dérogations auxquelles les autorités
recouraient de manière excessive. Et la conséquence était l’éclatement et le manque
d’exhaustivité du budget.
51 Banque Africaine du Développement (BAD), Fonds Africain du Développement (FAD), République Gabonaise : Profil de
Gouvernance-Pays, op. cit.
52 Luc SAIDJ, Finances publiques, 2 éd., Dalloz, 1997, p. 7. Selon lui ils ont été élaborés notamment en France pour permettre
un contrôle du parlement sur l’exécutif puis réaménagés au XXe siècle pour permettre également et plus largement un contrôle
de l’autorité politique sur l’administration.
41
aucunes dispositions, ni mesures ne renseignaient sur le montant de leurs ressources, de leurs
dénominations ou encore leurs postes de dépenses.
Dans la LF, il était souvent fait mention de façon laconique et sans plus de détails « qu’en
dehors des comptes spéciaux existants, il n’est prévu aucune ouverture de compte spécial pour
l’année » sans que ne soient budgétisés les différents comptes spéciaux existants tels que
préconisés dans la loi. Ces manquements ont eu pour conséquence de multiplier des comptes
spéciaux « invisibles » c’est-à-dire sortis du processus budgétaire et soustrait au contrôle
parlementaire.
Dans son rapport, M. Bouvier 53 constatait l’existence dans les pays d’Afrique francophone
subsaharienne des comptes spéciaux « trop nombreux c’est-à-dire en dehors de ceux prévus
par la LO et qui étaient utilisés abusivement en raison du recours trop fréquent et parfois
injustifié à ces derniers » 54. La conséquence a été une multiplication des documents
budgétaires qui rendait difficile l’analyse de toutes ces informations afin d’avoir une vue
d’ensemble de la situation financière et budgétaire de l’Etat.
Cet éclatement du budget était accentué par sa non-exhaustivité, certaines ressources qui
devraient obligatoirement figurer dans le budget de l’Etat n’y étaient pas et l’absence
d’exhaustivité s’est traduite par des débudgétisations qui ont eu pour conséquence de soustraire
des sommes importantes à l’autorisation budgétaire. Par ailleurs, le développement de ces
comptes hors budget avait nuit à la clarté de la situation financière ; toutes ces pratiques en
marge du budget de l’Etat ont compliqué et entravé sa vision globale et sa précision.
Le projet de loi une fois arrêté, doit être soumis pour approbation au Parlement. L’adoption du
budget de l’Etat relève de sa compétence exclusive. L’article 48 de la Constitution
disposant : « (…) le projet de loi de finances annuelle est déposé par le gouvernement à
l’assemblée nationale à l’ouverture de la seconde session ordinaire ». Le Parlement autorise
au gouvernement la perception des impôts et l’engagement des dépenses, c’est l’essence même
de l’enjeu démocratique tiré des principes budgétaires. Il permet aux députés et aux sénateurs
53 Michel BOUVIER, Etude sur la gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne,
Direction Générale de la Coopération et du Développement, Ministère des affaires étrangères, 2004, p.130.
54 Ibid.
42
et surtout à la minorité parlementaire 55 par le biais de la loi de finances de constituer un
véritable contre-pouvoir 56 face au gouvernement.
L’examen des projets de loi de finances obéit à des règles particulières ; l’article 54 alinéa 4 de
la Constitution disposant : « Les projets de loi de finances (…) sont déposés en premier lieu à
l’Assemblée Nationale ». Il était suivi dans ce sens par l’article 32 de la loi relative aux lois de
finances qui disposait : « Le projet de loi de finances de l’année y compris le rapport et les
annexes explicatives qui l’accompagnent est déposé par le gouvernement sur le bureau de
l’Assemblée nationale au plus tard quarante-cinq (45) jours après l’ouverture de la seconde
session ordinaire ».
Ces dispositions font état du droit de priorité qui interdit au gouvernement de déposer le projet
en premier lieu au Sénat. C’est donc à l’Assemblée Nationale que sera d’abord examiné le
projet de loi et c’est elle qui sera la première à l’adopter ou à le rejeter. Au sein du Parlement,
les commissions des finances sont chargées d’examiner le budget avant que ce dernier ne soit
présenté à l’Assemblée.
Toutefois, depuis la révision constitutionnelle du 11 octobre 2000, le projet peut être déposé
devant le Sénat si l’Assemblé Nationale ne se prononce pas en première lecture dans un délai
de quarante-cinq (45) jours. Le Sénat dispose alors d’un délai de vingt (20) jours pour statuer 57.
Le vote du budget obéit ainsi à des délais stricts qui s’ils ne sont pas respectés expose les acteurs
à un certain nombre de sanctions.
Le régime juridique applicable au vote de la loi de finances est soumis à plusieurs règles
notamment celles relatives au vote préalable des ressources sur les dépenses. L’article 37 de la
loi relative aux lois de finances stipulait que : « Lors du vote de la loi de finances par le
Parlement, le montant global des ressources est évalué avant le montant global des
charges. Les évaluations de recettes font l’objet d’un vote d’ensemble pour le budget général.
Les dépenses du budget général font l’objet d’un vote par partie, par titre et par section. Les
recettes et les dépenses des comptes spéciaux sont votées pour chaque compte dans les mêmes
conditions que celles du budget général ». Le texte constitutionnel prévoit en outre en son
article 48 que si les deux chambres ne parviennent pas à voter le texte en termes identiques et
que le désaccord persiste après la mise en place d’une commission mixte paritaire 58 et qu’à la
55 R. ETIEN, « La participation de l’opposition au débat budgétaire », in Etudes des Finances publiques : Mélanges en
l’honneur de Monsieur le Professeur Paul-Marie Gaudemet, Economica, 1984, p. 247.
56 Télesphore ONDO, Le droit parlementaire gabonais, L’Harmattan, 2008, p. 209.
57 Article 48 al. 2 de la Constitution.
58 Cette dernière est prévue par l’article 58 a disposant que par suite d’un désaccord entre les deux (2) chambres, un projet ou
une proposition de loi n’a pas pu être adopté après une seule lecture par chacune des Chambres, le premier Ministre a la faculté
de provoquer la réunion d’une commission mixte des deux chambres (2) chargé de proposer un texte sur les dispositions
43
fin de la session budgétaire si le Parlement ne parvient pas à voter le budget en équilibre, le
gouvernement est habilité à reconduire par ordonnance le budget précédent. Cette ordonnance
peut néanmoins prévoir en cas de nécessité, toute réduction de dépenses ou augmentation de
recettes.
A la suite de la session extraordinaire convoquée par le premier ministre dans les quinze (15)
jours, si le budget n’est toujours pas voté en équilibre par le Parlement, il est établi
définitivement par ordonnance prise en conseil des ministres et signée par le chef de l’Etat. Il
s’agit du dessaisissement du pouvoir législatif au profit du pouvoir exécutif, qui dit ordonnance
dit domaine législatif exclusivement réservé au pouvoir exécutif, d’où l’idée de
dessaisissement du pouvoir législatif au profit de ce dernier. Ce qui peut être constitutif d’un
déficit de contrôle a priori de la politique gouvernementale en matière de finances publiques
dans la mesure où la représentation nationale serait privée d’évaluer à travers ses commissions
la pertinence des orientations économiques et financières de l’Etat.
Le dépôt à l’Assemblée Nationale du projet de loi de finances, dans la pratique, s’est fait soit
hors délais constitutionnels, soit dans les délais constitutionnels mais avec plusieurs
modifications envoyées au Parlement après ce dépôt 59. Si les pouvoirs des parlementaires
existent dans les textes, ils n’étaient que partiellement mis en œuvre.
demeurant en discussion. Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun, le Gouvernement saisit
l’assemblée nationale qui statue définitivement. Si la commission mixte adopte un texte commun, ce dernier ne devient celui
du Parlement que s’il est adopté séparément par chacune des deux chambres.
59 Selon le rapport de la BAD et du FAD, République Gabonaise : Profil de Gouvernance-Pays, op.cit., concernant le budget
2004 par exemple, des modifications fiscales importantes, relatives notamment à la hausse de la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) de 18 à 25 % sur certains produits, ont été envoyées directement au Sénat par le gouvernement après le vote du budget
par l’Assemblée Nationale.
60 Selon le rapport de Michel BOUVIER, Etude sur la gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone
subsaharienne, op.cit., p. 130 : « Des limites existent au droit d’amendement du Parlement en matière budgétaire, elles sont
héritées des textes français notamment l’art 40 de la Constitution de la Vème république et l’art 42 de l’ordonnance de 59
concernent principalement l’interdiction de créer ou d’aggraver les charges publiques par voie d’amendement ». Ces
dispositions sont introduites par l’article 55 de la Constitution gabonaise
61 Herve MESSAGE, « Peut-on mesurer le pouvoir budgétaire du Parlement ? » in RFFP, n°41, 1993, p. 14-29.
62 On peut se demander si cela n’est pas dû aux difficultés nées de l’absence détaillée des crédits dans les lois de finances par
le gouvernement. Le Parlement français par exemple sous l’ordonnance de 59 votait la première partie de la loi de finances en
premier, ce qui d’après la jurisprudence signifie qu’un rejet de cette partie vaut rejet du budgetet empêche la discussion de la
seconde partie. D’après Luc SAIDJ, Finances publiques, op.cit., p.168. « Celle-ci s’explique par le fait que la première partie
fixait les grandes lignes du budget notamment les plafonds des grandes catégories de dépense qui devaient lier les
parlementaires lorsqu’ils votaient ensuite dans la seconde partie le détail des crédits d’une part en services votés qui faisaient
l’objet d’un vote global à savoir un par budget et un par catégorie de comptes spéciaux du Trésor et d’autre part en mesures
nouvelles qui modifiait les services votés et qui étaient votées par titre et par ministère ».
44
permettait aux services dépensiers de fixer ou demander les montants souhaités, a pu expliquer
en partie l’accroissement de plus en plus important des dépenses publiques.
Ce constat peut être fait au Gabon et peut expliquer la faiblesse de la qualité de l’information
parlementaire qui est insuffisante du fait d’une documentation budgétaire et financière
insuffisante.
En effet, le projet de loi de finances doit être accompagné d’un certain nombre de rapports et
d’annexes pour favoriser la compréhension de ce dernier. Cependant, ces documents
budgétaires n’étaient souvent pas communiqués ou n’étaient toujours pas actualisés ; ils
présentaient ainsi un intérêt limité pour prendre conscience des réalités économiques et
financières de l’Etat d’autant plus que l’évaluation des politiques publiques n’était pas prise en
compte dans la présentation du budget.
63 Michel BOUVIER, Etude sur la gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne,
op.cit., p. 158.
45
2. La Cour Constitutionnelle garante du respect des principes financiers
constitutionnels
La loi de finances une fois adoptée, doit être contrôlée par la Cour Constitutionnelle 64. Cette
dernière a enrichi la procédure budgétaire d’un ensemble de décisions visant à garantir le
respect par les institutions des principes constitutionnels. Elle a notamment rappelé l’objet du
projet de loi de finances au regard de l’article 48 de la loi fondamentale dans sa décision du 28
octobre 2002 65 en notant que « toutes les ressources et toutes les charges de l’Etat doivent pour
chaque exercice financier être évaluées et inscrites dans le projet annuel de loi de finances
(…) ».
La Cour semble appliquer ce principe de façon rigoureuse. Ainsi, par une décision du 31
décembre 2004 66, elle a jugé la loi de finances 2005 inconstitutionnelle au motif qu’elle n’avait
pas prévu d’inscription budgétaire au titre de l’élection du président de la République de
novembre 2005 dans le budget de fonctionnement.
Dans le même sens, en application de l’article 40 de la loi organique sur son fonctionnement
relatif à l’auto-saisine de la Cour en cas de violation manifeste de la Constitution ou d’un
principe de valeur constitutionnelle, elle a considéré que « La non-inscription dans la loi de
finances des crédits nécessaires à son fonctionnement pour 2001 constitue une violation
manifeste de la Constitution entachant la loi en cause d’inconstitutionnalité » 67.
Si dans le même sens, elle a consacré les règles et principes contraignants de délai s’imposant
au gouvernement et qui vise selon le juge constitutionnel un double objectif à savoir « La
garantie de la continuité de l’activité des organes de l’Etat d’une part et la préservation du
principe de l’autorisation préalable attachée aux lois de finances d’autre part », 69elle a
néanmoins assouplit le délai réglementaire de dépôt du projet de loi de finances en jugeant que
même si ce dernier a été déposé tardivement à l’Assemblée nationale, il est valablement adopté
lorsque son adoption et sa promulgation interviennent avant le début de l’exercice budgétaire
concerné 70.
64 Le conseil constitutionnel, dont les compétences sont fixées dans une loi organique, est la plus haute juridiction de l’Etat,
elle est juge de la constitutionnalité des lois et de ce fait statut obligatoirement sur la constitutionnalité des lois organiques et
la conformité des lois avant leur promulgation (Articles 83 et 84 de la Constitution).
65 Décision n°144/CC du 28 octobre 2002, Hebdo informations, n°464, 28 décembre 2002, p. 225-226.
66 Décision n°25/CC du 31 décembre 2004, Hebdo informations, n°500, 26 mars-9 avril 2005, p. 56-57.
67 Décision n°1/CC du 17 janvier 2001, Hebdo informations, n°433, 13-27 janvier 2001, p.5-6.
68 Décision n°6/CC du 12 novembre 1999, Hebdo informations, n°142, 11 décembre 1999, p 228.
69 Décision n°6 du 12 novembre 1999, ibid., 4e considérant.
70 Décision n°6/du 12 novembre 1999, ibid.
46
Cette décision parait quelque peu illogique puisque la Cour, tout en se refusant à censurer la
violation par le Gouvernement des délais constitutionnels, regrettait néanmoins que l’article 48
ne traite pas « Du cas de défaillance imputable au gouvernement, lorsque celui-ci ne serait pas
arrivé à déposer le projet de loi de finances dans les délais requis ; que l’importance de la
matière financière ajoute la Cour exige pourtant que toutes les hypothèses susceptibles de se
réaliser soient envisagées et réglées à l’avance avec minutie ». La proposition de reformulation
de l’article 48 par le juge constitutionnel n’a pas été retenue par le constituant dérivé en 2000
et en 2003 71 ; en conséquence, il n’a pas non plus procédé au revirement de sa jurisprudence
puisque sa décision de 1999 a été confirmée en 2001 72.
Une fois la loi de finances adoptée, celle-ci entre en vigueur après sa promulgation mais il est
arrivé qu’elle soit difficilement mise en œuvre notamment en cas de force majeure constatée
par le juge constitutionnel 73.
La décentralisation au Gabon pâtit des failles du système financier géré au niveau central.
Pourtant strictement encadré, la décentralisation au Gabon est marquée par des conflits
financiers entre l’Etat et ses collectivités locales.
Elle s’est caractérisée par l’omniprésence de l’Etat sur les actes pris par les autorités locales
apparentée à un dirigisme étatique limitant de fait l’autonomie décisionnelle des collectivités
et ce malgré la consécration du principe de leur libre administration par la loi n° 15/96 du 06
juin 1996 (A).
Elle est également marquée par la limitation de leur autonomie financière due à l’ineffectivité
de cette loi d’où l’adoption en 2015 de la loi n°001/2014 en 2015 visant à moderniser en
profondeur le régime de la décentralisation (B).
47
1. La dénaturation de la tutelle de l’Etat : frein à la décentralisation et à
l’autonomie décisionnelle locale
La décentralisation au Gabon trouve son origine dans le découpage territorial organisé pendant
la colonisation 74. Différentes lois vont par la suite émailler le cadre territorial gabonais avec
notamment la loi municipale du 18 novembre 1955 75 relative à la réorganisation municipale en
AEF. Cette loi érige les localités de Libreville et Port Gentil en commune et la loi n°26/59 du
22 juin 1959 portant création des collectivités rurales et déterminant les règles de leur
fonctionnement 76.
L’organisation territoriale fut marquée par l’affirmation des communes à travers plusieurs
textes juridiques que sont l’ordonnance n° 24/PR-MI-TC du 6 avril 1963 qui créa des
communes de plein exercice (conseil et maire élus) et des communes de moyen exercice
(conseil élu, maire nommé sur proposition du conseil) et le décret n° 00993/PR du 12 septembre
1972 fixant le régime financier et comptable des collectivités locales.
Dès lors, il fut mis en place une politique de décentralisation et de déconcentration et la loi du
18 décembre 1975 consacra la division du territoire en circonscriptions administratives. Plus
tard, elle sera abrogée par la loi n°14/96 du 15 avril 1996 qui va réorganiser le territoire de la
République gabonaise. Il s’agissait d’asseoir le découpage territorial en deux catégories : les
collectivités locales et les circonscriptions administratives.
74 Valery GARANDEAU, La décentralisation au Gabon : une réforme inachevée, coll. « Etudes africaines », Paris,
l’Harmattan, 2010, p. 28. « C’est par un arrêté de 1909 qu’un premier découpage du territoire est établit. En effet pour plus de
clarification dans la gestion du territoire par l’Etat colonial, différents niveaux d’encadrement territorial sont mis en place à
savoir les « circonscriptions ou provinces », les « subdivisions ou départements », les cantons et enfin par trois arrêtés de 1911
sont instituées les communes mixtes de Brazzaville, de Bangui et de Libreville et dans la même foulée le colonisateur crée
plusieurs sortes de communes au Gabon ».
75 Cette loi intervient pour exiger que la commune soit divisée en sections électorale, imposant désormais l’élection comme le
mode de désignation des membres de la commission municipale et en vertu de l’article 5 de la loi chaque section élit un nombre
de conseillers proportionnel au chiffre de ses habitants et administrés français quel que soit leur statut. Cette loi était faite pour
favoriser la représentativité des français au sein de l’organe communal qui coexiste avec un administrateur maire.
76 Mais elles ont été supprimées plus tard par la loi n°7 du 31/10/1979 qui les a remplacés par les assemblées départementales
et provinciales
77 Pascal AGNAMA-EBOUMI, la décentralisation territoriale et le développement local au Gabon, Thèse de doctorat en
48
provinces, départements, districts, cantons, regroupements de villages et villages et un niveau
décentralisé constitué par les collectivités locales qui au sens de la loi n°14/96 sont des entités
dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, elles sont constituées des
départements et des communes.
La hiérarchisation du modèle lui a conféré une dynamique centralisatrice et ce constat est fait
à l’examen du décret n°0091 du 16/01/76 qui fixait les attributions et les pouvoirs des
gouverneurs, préfets, sous-préfets, chefs de cantons et chefs de village. L’instrument essentiel
de ce mode d’organisation réside dans la déconcentration définie « Comme un système
d’organisation dans lequel l’Etat exerce territorialement ses compétences au niveau des
circonscriptions administratives conçues comme de simples découpages administratifs
dépourvus de toute personnalité juridique par l’intermédiaire d’agents nommés par le pouvoir
central et chargés de le représenter et de mettre en œuvre ses décisions. » 80. De ce fait, « le
gouverneur, le préfet et le sous-préfet sont des autorités nommées discrétionnairement par le
Président de la République. Même s’il est rappelé que cette nomination se faisait par décret
pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Intérieur, l’intervention de ces
derniers n’était que de pure forme » 81.
78 Jacqueline MONTAIN-DOMENACH et Christine BREMOND, Droit des collectivités territoriales, 3éd., PUG, 2007, p. 15.
Les auteures font remonter cette organisation au centralisme napoléonien. En effet, la constitution française du 13/12/1799 va
structurer l’organisation administrative autour de plusieurs principes : unité du pouvoir, centralisation uniforme et hiérarchie
des fonctions.
79 Ibid., toujours selon elles la loi du 28 pluviôse an VIII qualifiée de modèle d’organisation centralisée de l’Etat organise les
relations entre le pouvoir central et les échelons territoriaux sur le mode vertical et hiérarchique. Tout échelon supérieur détient
un pouvoir d’autorité sur les échelons inférieurs grâce à de multiples prérogatives et en particulier à la possibilité de modifier
ou de réformer les actes, d’évoquer toute question ou même d’exercer un pouvoir de substitution.
80 Ibid., p.16.
81 Valery GARANDEAU, La décentralisation au Gabon : une réforme inachevée, op.cit., p. 57.
49
et surveiller l’exécution des lois et règlements » 82. Mais, l’omniprésence de l’Etat a entrainé
une dénaturation de la tutelle qui s’est apparentée à un contrôle hiérarchique.
Ce contrôle directif de l’Etat portait à la fois sur les organes et les actes : « Le maire (comme
les adjoints) pouvait être suspendu pour trois mois par le gouverneur de la province d’accueil
de la commune, et au-delà de trois mois par décret du chef du gouvernement (art 70 de
l’ordonnance du 6/04/1963). Il pouvait être révoqué par décret pris en conseil des ministres.
Vis-à-vis du conseil municipal, le contrôle de tutelle s’exerçait au moyen de la dissolution qui
devait être prononcée « par décret motivé pris en conseil des ministres, sur rapport du ministre
de l’Intérieur » (art 17 de l’ordonnance précitée). Quant aux assemblées provinciales ou
départementales, elles pouvaient être suspendues « pour une durée indéterminée » (art 74 de
la loi du 31/10/1979) et dissoutes (art 72 de la même loi) par décret du président de la
République pris sur proposition de l’autorité de tutelle, après avis du bureau politique du parti
unique. Le président de la République avait aussi le pouvoir de démettre de leurs fonctions
tous les membres desdites assemblées (art 70 de la loi n°7 du 31 octobre 1979). La tutelle des
actes était elle aussi contraignante dans la mesure où elle offrait aux autorités centrales la
possibilité de paralyser à tout moment l’activité des autorités locales « c’est ainsi que les
arrêtés du maire par exemple pouvaient être suspendus ou annulés par l’autorité de tutelle (le
gouverneur ou le ministre de l’Intérieur) à laquelle ils devaient être adressés sitôt après leur
édiction (art 86 de l’ordonnance du 6/04/1963). Quant aux délibérations des conseils
municipaux, elles ne devenaient exécutoires qu’après leurs approbations par le ministre de
l’Intérieur (art 45 de la même ordonnance) ». 83 Cela s’est aussi retrouvé dans l’ordonnance du
12 avril 1984 qui organisait la dépendance financière des autorités municipales vis-à-vis de
l’Etat. Les maires et leurs adjoints, les présidents et vice-présidents des assemblées
départementales et provinciales percevaient une rémunération qui était fixée par le pouvoir
central et inscrite directement au budget général de l’Etat.
Le dirigisme étatique n’était pas la seule limitation à l’autonomie décisionnelle locale. Les
interventions du parti unique dans le processus de désignation des autorités locales 84 et sa forte
emprise sur l’appareil politico-administratif comme sur la société ont aussi été un frein à cette
dernière. En effet, « L’avènement du système du parti unique sur l’appareil politico-
administratif a eu entre autres conséquences une politisation accrue des administrations
publiques et parapubliques » 85 . « Cette politisation se manifesta en fait par l’anéantissement
de toute idée de neutralité dans la fonction publique gabonaise ce qui était au demeurant
inéluctable dans le contexte politique de l’époque où il n’y avait pas de différenciation nette
des univers administratif et politique. Il faut savoir que l’imbrication de la fonction publique
devient le mode privilégié de désignation des autorités dites décentralisées. Le procédé a été consacré par la loi n°14 du
2/06/1980 qui autorisait en son article 14 alinéa 2 la nomination des maires et des adjoints par décret ris sur proposition du
bureau politique du Parti Démocratique Gabonais et ce « dans un souci de représentativité géopolitique ». Les dispositions de
l’article 14 alinéa 2 de la loi du 2/06/1980 furent supprimées à la faveur des lois n°80 et 81 du 26/11/1980 fixant le nombre
des conseillers municipaux pour les communes de Libreville, Port-Gentil, Oyem, Bitam, Lambaréné, Mouila, Franceville,
Moanda, Koulamoutou, Mounana, Makokou et Tchibanga ».
85 Ibid.
50
et du monde politique, conduit à la vassalisation de tous les fonctionnaires, lesquels doivent
non seulement obéir aux ordres du gouvernement en place mais encore manifester une
allégeance et une fidélité de tous les instants au parti unique ainsi qu’à son chef » 86.
Le gouvernement et les formations politiques qui le soutenaient, réunis au sein d’une structure
dénommée majorité présidentielle, se retrouvèrent à Paris pour discuter avec les partis
politiques de l’opposition réunis quant à eux au sein d’un Haut Conseil de la Résistance.
Les accords, signés par les deux parties, stipulaient sur la question de la décentralisation que
les collectivités locales étaient constituées des départements et des communes. Les communes
sont urbaines ou rurales et il était institué une deuxième chambre parlementaire dont le rôle est
d’assurer la représentation et de garantir les intérêts des collectivités locales. La Constitution
gabonaise fut révisée dans ce sens par la loi n°1/94 du 18 mars 1994 pour consacrer la libre
administration des collectivités locales en son titre IX intitulé des collectivités locales.
86 Aimé-Félix AVENOT, La décentralisation territoriale au Gabon : entre mimétisme et mystification, op.cit., p.127.
87 Joseph JOHN NAMBO, le pouvoir politique et le clientélisme au Gabon, 1982, mémoire de DEA, Etudes africaines,
Université Bordeaux, IEP, p. 44.
88 Il s’agit bien de restauration du multipartisme car c’est en mars 1968 que le système mono partisan est institué avec la
création du Parti démocratique gabonais (PDG). Jean N’DONG OBIANG explique dans « Le Parti démocratique gabonais et
l’État »in Recueil Penant, n° 780, 1983, p. 133-152, que cette naissance du PDG a mis fin à la situation de compétition politique
que le Gabon connaissait depuis 1945. Au lendemain de son accession à l’indépendance, le 17 août 1960, le Gabon a en effet
connu une période de multipartisme qui prendra brutalement fin en 1968 ; voir aussi Fidèle-Pierre NZE NGUEMA, L’Etat au
Gabon de 1929 à 1990. Le partage institutionnel du pouvoir, coll. « Etudes africaines », Paris, l’Harmattan, 1998, 240 p.
89 Cette loi cite entre autres deux catégories de collectivités locales : le département et la commune, cette dernière peut être
urbaine ou rurale. Les communes ayant une certaine taille sont subdivisées en arrondissement qui est dirigé par un conseil
d’arrondissement et un bureau élu en son sein. Du point de vue de la déconcentration, la province, le district, le canton et le
village demeurent des circonscriptions administratives.
51
été qu’une parade de la majorité présidentielle : « Pour répondre aux exigences de l’opposition,
le pouvoir a écrit un texte de loi concernant la décentralisation. En fin de compte, le pouvoir
s’est rendu compte que, si l’opposition tient les collectivités locales, elle tient une parcelle de
pouvoir et elle pourra dans ce cas accéder à la tête de l’Etat. En conséquence, il a fallu diluer
les forces de l’opposition par tous les moyens. Il a été ainsi créé au sein des municipalités des
arrondissements et multiplié des institutions tel que le sénat pour permettre à la majorité
présidentielle d’avoir des sièges et ainsi augmenté les charges de fonctionnement des
collectivités locales ». 90
La Constitution établit les conditions d’exercice de la libre administration par les élus, ainsi
que les limites apportées à cette liberté locale. L’intérêt de ce principe est qu’il postule
l’existence d’un conseil d’élus doté d’attributions effectives. Cela suppose que soient
reconnues des compétences et des ressources propres aux collectivités locales 93.
Si le statut des collectivités locales a été constitutionnalisé, force est de constater que
l’application de leur libre administration à travers la loi organique n°15/96 s’est heurtée à de
nombreuses limites.
90 Fidèle-Marcellin ALLOGHO NKOGHE, Politique de la ville et logique d’acteurs. A la recherche d’aménagement pour les
quartiers informels de Libreville (Gabon), Thèse de doctorat en Géographie et Aménagement de l’espace, Université
Montpellier 3, 2006, p. 332.
91 Article 47 modifié par la loi n°47/2010 du 12 janvier 2011.
92 Article 112 de la Constitution.
93 Maurice BOURJOL et Serge BODARD, Droit et libertés des collectivités territoriales, Masson, 1984, p. 18.
94 L’article 264 donne au gouvernement la compétence de programmer le rythme du transfert des compétences. Cela étant,
l’article 260 restreint la liberté du gouvernement en posant des limites : « les textes d’application prévus par la présente loi
doivent être adoptés dans un délai maximum d’un an à compter de sa promulgation ». Dans la loi n°15/96 le transfert des
compétences est organisé par le titre VIII (article 228 à 239). En principe, ce transfert est progressif (article 235), et consiste à
distinguer les compétences de l’Etat de celles de chacune des collectivités locales. Cela permet ensuite d’accompagner le
transfert des compétences par un transfert équivalent des ressources humaines et financières. Dans l’article 237 de la loi 15/96,
le transfert des compétences concerne certains domaines de : « l’aménagement du territoire, la santé, l’action sociale l
‘éducation, le cadastre, le logement et l’habitat, l’environnement et l’assainissement, la voirie, les transports urbains,
interurbains et interdépartementaux, les eaux, la jeunesse, les sports, l’agriculture, la pêche, l’élevage, les carrières ». Le choix
du principe de compétence consiste à organiser le transfert des compétences en s’appuyant sur le principe de subsidiarité
(article 228), qui prévoit d’attribuer aux échelons inférieurs des compétences assumées jusqu’ici par l’Etat central. L’idée est
d’optimiser l’utilisation des moyens publics en rendant la dépense plus efficace. Il découle de ce principe que les collectivités
locales bénéficient de la clause générale de compétence qui leur permet de délibérer sur toutes les matières de leur compétence
et dans la limite de leur ressort territorial. Ainsi, l’Etat n’intervient que dans des domaines restreints ne pouvant faire l’objet
d’une intervention efficace des collectivités locales.
52
après son adoption, la doctrine a fait le constat de ce que cette loi s’est heurtée, dans sa mise
en œuvre, à des difficultés majeures résultant principalement du mode de régulation
sociopolitique et économique en vigueur, et de la non-promulgation de nombreux textes
d’applications notamment les lois ordinaires et les décrets d’applications. Ce qui justifie l’idée
répandue selon laquelle la loi sur la décentralisation demeure non appliquée au regard des
objectifs contenus dans la loi organique.
Sur le plan financier et d’un point de vue strictement formel, la loi organique relative à la
décentralisation dotait les finances locales d’un dispositif budgétaire strict. La procédure
budgétaire imposait de multiples contraintes dans l’élaboration des budgets locaux. L’article
165 de la loi organique disposait « Les budgets des collectivités locales sont élaborés par les
bureaux des conseils sur la base de l’exécution des budgets antérieurs, des réalisations et
projections du budget en cours et des prévisions de recettes ». L’élaboration des budgets locaux
doit respecter les principes du droit budgétaire étatique que sont l’annualité, l’unité,
l’universalité et surtout le principe d’équilibre budgétaire « Les budgets des collectivités
locales sont dressés en section de fonctionnement et en section d’investissement, tant en
recettes qu’en dépenses. L’équilibre du budget est une règle absolue. La totalité des dépenses
ne peut excéder celle des recettes dans chacune des sections. Les recettes et les dépenses se
divisent (…) conformément à un cadre-type fixé par arrêté conjoint des ministres des
collectivités locales et des finances ». De plus, s’ils étaient votés et adoptés par les conseils, les
projets de budget des collectivités locales pour être exécutoire devaient être adoptés par arrêté
du maire ou du président de la collectivité locale, contresignés par le gouverneur ou le préfet
de la localité 95.
A ces principes budgétaires, s’ajoutent les règles de la comptabilité publique qui régissent
l’exécution de la dépense publique au niveau local ; c’est le cas du principe de séparation des
ordonnateurs et des comptables publics.
La dépense locale se réalise en deux phases, l’une relevant de l’ordonnateur qui a le pouvoir
de la prescrire, l’autre faisant intervenir le comptable habilité à payer la dépense : « Le budget
d’une collectivité locale est exécuté en recettes et en dépenses par le maire ou le président du
conseil en leurs qualités d’ordonnateur et par le receveur de la collectivité en sa qualité de
comptable principal ».
Au regard du pouvoir financier dont elles disposent, les collectivités sont soumises au contrôle
de leurs finances et ce dernier apparaît comme une conséquence de la décentralisation. Ce
contrôle est une exigence constitutionnelle car la libre administration ne signifie pas libre
gouvernement. Le contrôle étatique doit assurer le respect par les collectivités locales du
principe de l’unité et de l’indivisibilité de la République 96 qui implique que les textes juridiques
nationaux édictés par les autorités centrales soient respectés par les autorités publiques locales.
L’article 112 de la Constitution affirme ainsi que c’est le représentant de l’Etat qui veille au
respect des intérêts nationaux. Toutefois, ce contrôle étatique ne doit pas être de nature à
53
remettre en cause la libre administration des collectivités locales, tel semble pourtant être le
cas lorsque ce contrôle s’exerce à priori sur les actes budgétaires des collectivités locales c’est-
à-dire lorsqu’il s’exerce au moment de la prise de décision financière en portant sur le vote du
budget primitif, du budget additionnel ainsi que sur l’adoption de décisions budgétaires
modificatives. En cours d’exécution, la loi organique prévoit, outre le contrôle du représentant
de l’Etat et celui du comptable public local, un contrôle exercé par les services déconcentrés
du ministère des finances et un contrôle exercé sur la gestion des collectivités locales par
l’inspection générale des finances et le contrôle général de l’Etat 97.
Le dispositif juridique posant les contours de la décentralisation n’a pas empêché la survenance
des conflits financiers entre l’Etat et les collectivités locales. Ces conflits se caractérisaient par
une limitation des textes à travers le contrôle hiérarchique que la loi qualifiait de tutelle des
autorités supérieures de l’Etat sur les autorités subordonnées ; ce qui impliquait la
prédominance de l’autorité de tutelle sur les décisions budgétaires des autorités décentralisées
et qui implicitement conduisait à entraver la libre administration de leurs affaires puisque le
principe même de la tutelle a priori conduit à conférer au pouvoir central « Une liberté totale
et souveraine d’appréciation pour accorder ou pour refuser l’approbation » 98.
Dans ces conditions, le danger réel a été d’ouvrir la porte à des décisions arbitraires de l’autorité
de tutelle approuvant ou non les actes qui lui sont soumis. Mais ça été aussi de constater
97 Ce contrôle s’inscrit dans le cadre plus global de la tutelle de l’Etat sur les collectivités locales. En effet en son titre IX la
loi organique prévoit aussi bien la tutelle administrative que la tutelle financière dont découlent les contrôles organiques
s’exerçant sur la gestion financière des collectivités locales (articles 240 à 254).
98 Annie GRUBER, La décentralisation et les institutions administratives, 2ème Edition refondue Armand Colin, Paris, 1996,
p. 422.
54
l’absence totale d’autonomie des collectivités et plus spécialement de leur autonomie
financière.
La concrétisation du principe de libre administration suppose dans ce cas que les collectivités
locales soient dotées de compétences juridiques pour décider de la nature et du niveau de leurs
ressources et de leurs charges financières et surtout qu’elles en aient la maîtrise. En l’absence
99 Valery GARANDEAU, La décentralisation au Gabon : une réforme inachevée, op.cit., p. 95. Selon l’auteur le constat est
à faire non pas au niveau du droit, mais plutôt à celui des faits. Plus exactement, la situation est imputable moins à une carence
de l’ordre juridique qu’à l’ineffectivité de celui-ci. Le bilan de la décentralisation mise en œuvre au Gabon depuis 1996, permet
d’étayer cette affirmation et le premier constat concerne le problème du statut des collectivités locales, le second, les transferts
de compétences et des ressources et enfin la non prise en compte de l’aménagement du territoire.
100 Pourtant dans son titre III (article 150 à 160) la loi n°15/96 fixe la composition des ressources financières des collectivités
locales. Elle distingue ainsi les ressources ordinaires qui ont vocation à être générées de manière régulière et habituelle des
ressources extraordinaires qui sont essentiellement exceptionnelles néanmoins dans les lois de finances il n’est nulle part fait
précision de ces ressources il est simplement constaté dans l’article 3 de la LFI pour 2013 que : « Les impôts et taxes en vigueur
affectés aux collectivités locales ou aux établissements publics restent applicables ».
101 André ROUX, « L’autonomie financière des collectivités territoriales dans les constitutions européennes », in Mélanges en
Cameroun, de la Cote d’ivoire, du Gabon et du Sénégal », Afrilex, Revue d’étude et de recherche sur le droit et l’administration
dans les pays d’Afrique, Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2012, pp.5-14.
103 André ROUX, L’autonomie financière des collectivités locales en Europe, op.cit., 2006, p. 499.
55
de ces paramètres, c’est-à-dire sans autonomie financière, la décentralisation ne serait rien
d’autre qu’un mirage 104.
A l’instar de l’Etat, les collectivités locales recourent à l’impôt pour financer leurs dépenses
puisque les ressources alimentant leurs budgets sont constituées de ressources ordinaires dont
les ressources propres et la dotation globale de fonctionnement 105 allouée par l’Etat et de
ressources extraordinaires. Elles peuvent aussi recourir à diverses autres ressources notamment
à une dotation d’équipement 106, à des subventions ou encore des fonds de concours.
Les principaux concours financiers, que sont la DGF et la DGE, recouvrent l’ensemble des
aides apportées par l’Etat au financement des dépenses des collectivités locales. Ils ont un
objectif de compensation des charges imposées aux collectivités locales ; ce qui fait des
concours financiers un élément d’équité des relations avec l’Etat. Cependant, les collectivités
locales n’ont aucune prise sur ces fonds qui sont attribués unilatéralement par l’Etat, selon des
critères parfois subjectifs.
Les collectivités locales gabonaises ne disposent pas de l’autonomie fiscale qui appartient au
législateur. Les impôts locaux sont créés par la LFI sur proposition du ministre chargé des
collectivités locales. L’assiette comme le recouvrement de chaque impôt local est subordonnée
à la même exigence.
Les ressources fiscales des collectivités locales proviennent essentiellement du partage des
impôts étatiques, du produit des impôts locaux dont le régime est fixé par le législateur ou
encore d’impôts locaux dont elles peuvent déterminer le taux dans les limites fixées par la
loi 107.
Dans le premier cas, les collectivités locales peuvent partager le produit d’un impôt national,
sans base locale et sans qu’elles aient la possibilité d’en fixer le taux. Dans le deuxième cas,
elles perçoivent l’intégralité du produit d’un impôt prélevé sur une matière imposable locale
sur laquelle elles n’ont aucun pouvoir dont celui de ne pas pouvoir déterminer le taux. Enfin,
dans le dernier cas, elles peuvent être autorisées exceptionnellement par la loi à fixer le taux
d’un impôt prélevé sur une matière imposable locale 108.
Dans les faits, cette pratique est très rare et l’autonomie fiscale des collectivités locales reste
par conséquent très limitée. Or, il ne peut y avoir une libre administration des collectivités
locales sans une véritable autonomie fiscale locale 109 c’est-à-dire sans que les autorités locales
puissent décider du niveau nécessaire de pression fiscale de la collectivité. Donner aux
collectivités un véritable pouvoir en matière de fiscalité locale présenterait un certain nombre
104 T. Holo, « La décentralisation au Bénin : mythe ou réalité ? », Revue béninoise des sciences juridiques et administratives,
équipements répondent à un intérêt local ou public. Avec la DGF elles font parties des principaux concours financiers des CL.
107 André BARILARI, « La question de l’autonomie fiscale », RFFP, n°80, 2002, p. 77.
108 C’est le cas de la taxe vicinale dont le taux est fixé chaque année par délibération des collectivités locales. Créée à l’époque
coloniale, sous l’appellation d’impôt de capitation, la taxe vicinale est due par toute personne physique de sexe masculin,
résidant au Gabon âgé de plus de dix-huit ans et de moins de cinquante ans au 1er janvier de l’année d’imposition.
109 Guillaume DRAGO, « La nécessaire consécration constitutionnelle d’un pouvoir fiscal des collectivités territoriales », in
56
d’avantages dont celui de lier les citoyens-contribuables, 110 sur qui pèseront le paiement des
impôts, et les autorités locales qui devront rendre compte des dépenses effectuées et de la
qualité des services publics sur leur territoire.
Dans ce second cas, le législateur gabonais devrait s’inspirer de la France, qui a pris acte de la
nécessité de l’autonomie fiscale des collectivités à travers l’article 72-2 issu de la révision
constitutionnelle de 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République en disposant
que « la loi autorise les collectivités territoriales à fixer l’assiette et le taux des impositions
dans les conditions qu’elle détermine ».
A cet encadrement ou plutôt à la limitation par les textes de leur l’autonomie financière,
l’insuffisance de l’autonomie financière réelle des collectivités locales a été et reste la
problématique la plus inquiétante.
Cette autonomie suppose que les collectivités locales disposent de ressources financières
suffisantes pour maîtriser leurs charges et pour entreprendre les investissements nécessaires et
utiles sur leurs territoires.
Cependant, l’analyse des ressources des collectivités locales relève que ces ressources sont
insuffisantes. Elles occupent même une place marginale dans les finances publiques et
l’économie des Etats de l’Afrique noire francophone en général et particulièrement au Gabon.
Dans son étude sur la décentralisation et les finances publiques en Afrique subsaharienne, Elsa
Duret évaluait les ressources identifiables des collectivités locales à moins de 1% du produit
intérieur brut et entre 1,4% et 9,5% des recettes de l’Etat 111. Selon les données statistiques de
l’Observatoire de la Décentralisation du Partenariat pour le Développement Municipal en
Afrique, les ressources locales se chiffraient par an et par habitant dans la sous-région
subsaharienne en dessous de 6000 francs CFA 112. Ces données montrent que les ressources
locales n’ont pas une influence considérable sur l’économie.
Concernant les ressources fiscales, c’est le même constat ; leur rendement était très faible
notamment à cause du faible niveau du prélèvement local : « L’analyse du ratio recettes et
taxes municipales/valeur ajoutée du secteur marchand non agricole local montre en effet que
110 Gilles CARREZ, « L’autonomie fiscale des collectivités locales », RFFP, n°103, 2008, p. 67.
111 Elsa DURET, Réformes institutionnelles et finances publiques. L’exemple de la décentralisation en Afrique subsaharienne,
Thèse de doctorat en Sciences économiques, Université Clermont Ferrand I, 2000, p. 232
112 Partenariat pour le développement municipal : Observatoire de la décentralisation, Etat de la décentralisation en Afrique,
karthala, 2003.
113 Ibid.
57
le taux de prélèvements publics locaux sont très faibles. Le taux de prélèvement est de 0,33 %,
0,39 %, 039 %, 0,58 %, 0,50 %, 0,26 % dans certaines collectivités. Cela signifie que sur 100
FCFA de richesse produite dans une ville, l’institution municipale ne prélève que 0,6 francs
FCFA au mieux » 114.
La chaîne fiscale étant entièrement contrôlée par les services de l’Etat, les collectivités locales
ne sont pas associées aux opérations d’assiette, de liquidation et de recouvrement des impôts.
Elles ne disposent pas de moyens de contrôle pour vérifier que les montants crédités sur leur
compte au Trésor public représentent les ressources fiscales réellement recouvrées.
Ainsi, « Le dialogue sur le partage des ressources financières est inégal parce que l’Etat a
l’information sur le montant du produit de la plupart des impôts, alors que les collectivités
locales ne l’ont pas. Ceci vient en premier lieu de ce que la décentralisation de certains impôts
au niveau local n’a pas impliqué la maîtrise de l’information les concernant par les
collectivités locales, loin s’en faut. Dans la plupart des pays, du moins dans les pays
francophones d’Afrique, la chaîne fiscale reste encore l’affaire des services déconcentrés et
centraux de l’Etat. De ce point de vue les collectivités locales sont des acteurs passifs des
différentes étapes allant des travaux d’assiette au recouvrement, en passant par l’émission des
rôles. Or l’on sait que les services fiscaux de l’Etat sont surtout mobilisés pour faire rentrer
les impôts d’Etat. Par ailleurs les systèmes d’information à mettre en place pour collecter les
impôts locaux sont complexes à concevoir et à maintenir. Enfin dans les pays francophones
d’Afrique, l’application du principe de l’unicité de caisse pousse l’Etat à maîtriser de bout en
bout l’information et l’instrumentation sur la fiscalité. Les collectivités locales n’ont que très
rarement les outils et l’expertise nécessaires en cette matière » 115.
Cette asymétrie d’informations est souvent source de difficultés dans la confection des budgets
locaux. Elle était notamment due à la centralisation excessive du système financier public
autour du ministre des finances au détriment de la participation des ministères dépensiers.
Dans un tel système centralisé, la mise à l’écart de ces derniers se faisait davantage ressentir
car les ressources financières étaient du ressort du ministère de l’économie et des finances en
ce qui concernait les dotations. La faible déconcentration des ministères centraux était aggravée
par une déconcentration limitée de la plupart des ministères techniques vers les collectivités
locales avec une raréfaction voire l’inexistence des ressources financières et humaines pour la
prestation des services publics locaux 116.
Au Gabon, les collectivités locales ont été des laissées pour compte par un Etat centralisateur
qui n’a pas su mettre en œuvre une véritable politique décentralisatrice ou plutôt qui l’a fait
mais dans le but de sauvegarder son pouvoir plutôt que d’accompagner le développement de
son territoire et par conséquent répondre aux besoins de ses administrés.
114 François-Paul YATTA, « La gouvernance financière locale », Partenariat pour le développement municipal.
115 François-Paul YATTA, « La décentralisation financière en Afrique : Succès, Problèmes et Contraintes », PDM, Mai 2000,
Selon l’auteur il y aurait une dissymétrie du niveau d’information sur les finances publiques entre Etats et collectivités locales.
116 Michel BOUVIER, Etude sur la gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne,
op.cit., p. 157.
58
Historiquement, l’administration coloniale était polyvalente puis elle s’est progressivement
adaptée aux besoins locaux jusqu’au dispositif en vigueur de nos jours moyennant quelques
adaptations. Mais cette structure a été menacée par une centralisation excessive. En effet, les
services centraux ont concentré l’essentiel des pouvoirs au détriment du fonctionnement
adéquat des institutions locales : « La centralisation, certainement utile à la cohésion
nationale, est défavorable à l’initiative locale : elle écarte la responsabilité administrative de
son point d’application ; elle appelle dans la capitale et dans les chefs – lieux presque tous les
fonctionnaires de qualité (…). L’opposition entre centralisation et décentralisation doit être
utilisée avec prudence dans la phase actuelle du développement politique de l’Afrique. Ces
concepts, dégagés à partir des expériences européennes, peuvent aisément conduire à des
explications verbales et à analyses formelles qui ne facilitent pas la compréhension des
problèmes véritables auxquels sont confrontés les gouvernements africains. La notion de
décentralisation implique d’abord l’existence d’un centre déjà puissant, sûr de pouvoir faire
admettre sa suprématie sur toute une autonomie. Dans beaucoup de pays d’Afrique, l’Etat
n’est guère en mesure de décentraliser car il n’est pas encore un centre incontesté, faisant
circuler et imposant ses directives à l’ensemble du territoire, à la fois « force d’attraction et
d’expression ». Dans la phase actuelle du développement politique, les dirigeants sont d’abord
confrontés au problème de l’intégration nationale. Centralisation et décentralisation ne sont
pour eux que des moyens et non des fins. L’une et l’autre sont utilisées ou appréciées en
fonction de leur stratégie de la construction de l’Etat national » 117.
Cependant, depuis l’instauration du bicaméralisme avec la loi n°1/94 du 18 mars 1994 portant
révision de la constitution, la création du Sénat au Gabon est sujette à caution. Analysant le
nouveau parlement gabonais, Fidèle Mengue me Engouang relevait l’inopportunité de la
création de cette seconde chambre parlementaire dont la référence aux collectivités locales
reste le seul argument digne d’intérêt. Les initiateurs de la réforme de 1994 soutenaient qu’une
seconde chambre parlementaire permettrait de mieux assurer la représentation des collectivités
locales et la défense de leurs intérêts au parlement.
117 Gérard CONAC « Le développement administratif des Etats d’Afrique noire », in, les Institutions administratives des Etats
francophones d’Afrique noire, Economica, 1997, p. LVI.
118 Aux termes de la loi n° 47/2010 du 12 janvier 2011 portant révision constitutionnelle.
119 Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, « Le nouveau Parlement gabonais, en Afrique juridique et politique », Revue du
Centre d’Etude et de Recherches en Droit et Institutions Politiques, janvier- juin 2001, p. 12.
59
Mais loin d’être une nécessité, cette innovation semblait liée à des calculs politiciens : « Le
Sénat apparaît dès lors comme une institution de trop, tant du point de vue historique et
politique que sur le plan démographique et économique. L’objectif visé à travers l’instauration
du bicaméralisme était précisément de contrecarrer l’influence de l’Assemblée nationale qui,
dans son double rôle de législateur et censeur de l’action gouvernementale, avait
considérablement réduit la marge de manœuvre de l’exécutif au lendemain de la conférence
nationale. Le sénat devrait par conséquent servir de contrepoids à l’Assemblée nationale afin
d’atténuer la pression que cette dernière exerçait sur le gouvernement » 120.
La centralisation réduit fortement les pouvoirs des autorités locales du fait en partie du régime
politique actuel. Le manque d’alternance politique a comme conséquence le manque
d’initiative de la part des autorités locales qui souvent servent d’autres intérêts que ceux de
leurs administrés avec la double casquette d’élus locaux et de sénateurs. Ces derniers, témoins
de la vie des administrés dans les localités, pourraient défendre leurs intérêts et inciter l’Etat à
revoir ou prioriser l’appareil territorial afin de leur donner plus d’autonomie financière.
L’effort de centralisation post colonisation fut nécessaire pour réaliser et maintenir l’unité du
pays. Cependant, une modernisation de l’appareil étatique est une réponse aux changements
sociétaux qui nécessitent de nouvelles approches d’actions ainsi qu’un remodelage des
territoires.
Avec l’adoption de cette loi, les autorités semblent avoir pris conscience des imperfections du
passé comme le laissait entendre le discours du ministre de l’intérieur, lors de l’adoption de la
loi par les sénateurs le 13 septembre 2010 : « Le gouvernement et les sénateurs sont tous
partenaires de cette loi parce que les sénateurs sont issus des collectivités locales. Nous allons
prendre des décrets en relation avec cette loi. Mais ce n’est pas suffisant, il faut appliquer cette
loi dans les différentes institutions. J’invite également les sénateurs qui ont la maîtrise de cette
120 Ibid.
60
loi à sensibiliser les collectivités locales sur l’appropriation de cet élément de la
décentralisation ».
Cette loi apporte, sur la forme et sur le fond, de nombreuses nouveautés et précise des points
de l’ancienne loi. En termes d’apports, de nouveaux titres sont ajoutés dont les plus significatifs
sont le titre III sur l’organisation des collectivités locales, les titres IV et V sur les attributions
et le fonctionnement des conseils des collectivités locales et le titre VI sur la libre gestion des
collectivités locales.
Par ailleurs, nous notons une véritable réforme du budget des collectivités et des gestionnaires
de ce dernier. Les principes de répartition et de transferts de compétences entre l’Etat et les
collectivités locales s’effectuent « en distinguant les compétences qui sont du ressort de l’Etat
et celles qui sont dévolues aux communes et aux départements de telle sorte que les charges
financières résultant des transferts soient identifiées et que les compensations correspondantes
en ressources humaines matérielles et financières soient évaluées par les services de
l’administration centrale de l’Etat, affectées par la loi et transcrites au budget de l’Etat» 121.
Dans son titre IX, la loi fait une description détaillée des ressources et des charges des
collectivités et de la nature des différentes charges et des différentes ressources en supprimant,
ajoutant ou reformulant certaines dispositions. Elle procède de même concernant les règles
d’élaboration du budget des collectivités locales qui connaissent aussi un profond remaniement
en devant de prime abord respecter le nouveau principe de sincérité budgétaire découlant de la
modernisation de la gestion publique. Elle module l’élaboration et l’adoption des budgets des
collectivités locales tant au niveau des acteurs que des agents d’exécution des budgets locaux
qui fait que les modalités d’exécution et de contrôle du budget des collectivités sont calqués
sur ceux de l’Etat.
En son titre VIII, elle apporte des changements importants en matière de coopération locale et
décentralisée. En plus de redéfinir cette notion, elle crée des comités d’initiatives et consultatifs
au sein des collectivités 122. Elle reformule et crée des formes de coopération locale 123 telles
que la communauté urbaine, le syndicat des communes et l’entente inter-collectivités locales ;
établissements publics financés par le partenariat interne et externe des collectivités. Par
ailleurs, il a été créé une commission nationale de la coopération décentralisée 124 afin de
permettre à la tutelle d’encadrer cette coopération des collectivités.
Enfin, la démarcation la plus parlante entre l’ancienne et la nouvelle loi sur la décentralisation
se situe au niveau de la tutelle de l’Etat.
En son titre X, elle rappelle l’exercice de la tutelle de l’Etat sur les actes pris par les collectivités
en précisant l’étendue, la nature et les modalités de son exercice. La tutelle est le contrôle
exercé par une autorité administrative sur une collectivité locale ; elle s’étend aux actes pris
61
par ces dernières qui sont exécutoires de plein droit dès leur transmission à l’autorité de tutelle
et leur publication ou notification.
Même si elle pose une exception s’agissant des actes devant obligatoirement être soumis à
l’approbation préalable de l’autorité de tutelle surtout ceux concernant le budget et les finances
locales, elle restreint l’exercice de cette dernière à l’aspect légal des actes pris par les autorités
locales. En son alinéa 2 de l’article 356, la loi dispose : « Le refus de l’autorité de tutelle
d’approuver un acte d’une collectivité locale doit se fonder uniquement sur les critères tenant
à la légalité » c’est-à-dire que l’autorité de tutelle donc l’Etat ne peut valablement s’opposer
aux actes des collectivités que si elles sont contraires à la loi. Toutes ces innovations ont pour
but de favoriser l’initiative d’entreprise d’actions des collectivités tout en restreignant l’emprise
de l’Etat.
En 2017, le ministère de l’intérieur était encouragé à poursuivre les actions entamées dans le
cadre de la mise en œuvre du PSGE, notamment la mise en œuvre effective de la
décentralisation. A ce sujet, le ministre de l’intérieur rappelait aux sénateurs que son
département avait élaboré et obtenu la validation technique au niveau interministériel, de onze
(11) projets de textes d’application relatif à la loi organique no 001/2014 du 15 janvier
2015 relative à la décentralisation. Il affirma devant les élus de la chambre haute du Parlement,
que les plus représentatifs de ces projets étaient constitués des projets de loi fixant les modalités
de transfert de compétences et le projet de loi portant statut particulier de la fonction publique
locale. Sur le plan règlementaire, étaient également compris les décrets fixant attribution,
62
organisation et fonctionnement des organes de la décentralisation ainsi que le projet de décret
approuvant les statuts du fonds de péréquation des collectivités locales.
Le ministère de l’intérieur avait aussi initié l’élaboration des projets de textes ayant trait à
l’organisation du referendum d’initiative locale, la police municipale et à l’institution d’une
journée africaine de la décentralisation et du développement local. Dans cette optique, le budget
2017 envisageait de faire adopter les projets de textes de la loi organique relative à la
décentralisation, d’appuyer techniquement les collectivités locales nécessiteuses dans le
processus d’élaboration des plans de développement locaux, de mettre en place des équipes de
coordination des opérations de collecte de déchets, curage de caniveaux, balayage des rues et
places publique ainsi que l’ensoleillement des rues.
63
Mais les échecs successifs des différentes initiatives communautaires en la matière et la faible
application des décisions communautaires freinent et fragilisent la construction d’une véritable
Institution d'intégration sous régionale (1). Malgré l’existence au sein de la Communauté
d’organes de décisions intervenant dans chacune des deux Unions et d’Institutions spécialisées
propres à chacune d’elles, la population de la CEMAC, constituée des populations des Etats
membres, peine à s’approprier le droit communautaire et reste souvent en marge des décisions
de la Communauté (2).
Dans le cadre du Traité créant la CEMAC et des Conventions régissant les Unions Economique
et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale, les Etats membres se sont engagés à donner une
impulsion décisive au processus d’intégration de la sous-région par une harmonisation accrue
des politiques et des législations nationales ainsi qu’à assurer la convergence des performances
de leurs politiques économiques au moyen du dispositif de la surveillance multilatérale.
Historiquement, cinq (5) Etats après leurs indépendances à savoir le Cameroun, la République
centrafricaine, le Congo, le Gabon et le Tchad prirent conscience de l’importance de se
regrouper au sein d’une Communauté afin de répondre efficacement aux défis que suscitait leur
nouveau statut d’Etat souverain. A cet effet, ils signèrent le 08 décembre 1964 à Brazzaville
(Congo) le traité instituant l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC),
puis ils décidèrent de compléter leur coopération économique et douanière par une coopération
monétaire en signant les 22 et 23 novembre 1972 deux conventions, l’une entre eux et l’autre
avec la France.
Mais à la suite de l’échec de l’UDEAC et de sa suppression, les Etats créèrent une nouvelle
Communauté avec pour objectifs de réaliser ensemble et dans un cadre unique, l’union
économique et l’union douanière des Etats membres. Cet objectif est repris dans l’article 2 du
Traité unique (révisé) 125 instituant et définissant le statut de la CEMAC du 16 mars 1994 : « La
mission essentielle de la Communauté est de promouvoir la paix et le développement
harmonieux des Etats membres dans le cadre de l’institution de deux Unions : une Union
économique et une Union monétaire. Dans chacun de ces deux domaines, les Etats membres
entendent passer d’une situation de coopération qui existe déjà entre eux, à une situation
d’Union susceptible de parachever le processus d’intégration économique et monétaire. ».
64
mise en place de la règle de la rotation annuelle des Etats membres par ordre alphabétique 127 à
la tête de toutes les institutions communautaires au sens global.
La mise en œuvre du PRI s’est traduite par une réforme des normes communautaires et des
Institutions. Ainsi, à la lecture du Traité et des conventions révisés régissant ses Organes, la
Communauté est-elle une structure tripartite constituée des cinq (5) Institutions suivantes :
La construction d’une telle Union est soumise à un certain nombre de principes, tout d’abord
elle doit se faire dans les limites « des objectifs que le Traité de la C.E.M.A.C. et la présente
Convention lui assignent » c'est-à-dire dans la limite des objectifs que les Etats ont assignés à
l’Union puisqu’elle « doit respecter l’identité nationale de ses Etats membres » 130 même si les
Etats peuvent compléter s’il en est besoin, en conformité avec leurs règles constitutionnelles
respectives, les prescriptions et réglementations édicté par les organes de l’Union 131.
En contrepartie, les actes juridiques pris par les organes de l’Union Economique et ses
institutions spécialisées pour la réalisation des objectifs de cette dernière doivent être appliqués
dans chaque Etat membre 132. De plus, si ces derniers apportent leur concours à la construction
127 Il a été constaté que tout blocage de poste au niveau d’une institution rend difficile toute mutation dans les autres institutions.
Finalement il a été institué une rotation alphabétique pour les postes de responsabilité qui devait permettre à tous les Etats
membres d’assurer successivement la présidence des différentes Institutions.
128 Article 2 de la Convention révisée régissant l’UEAC du 25 juin 2008.
129 Les articles 4 à 6 de la convention de l’UEAC définissent précisément le processus.
130 Article 8, al. 1 de la convention de l’UEAC.
131 Article 8, al. 2, ibid.
132 Article 9, ibid.
66
de l'Union Économique, ils sont tenus de s’abstenir de toute mesure susceptible de faire
obstacle à cet objectif et aux actes juridiques pris pour sa mise en œuvre 133.
La réalisation d’une Union économique nécessite certaines astreintes notamment pour les Etats
qui, en appliquant les règles communautaires doivent évoluer au même rythme dans leur
marche vers l’intégration. Pour ce faire, l’Union économique assure la convergence des
performances et des politiques économiques au moyen d’un dispositif de surveillance
multilatérale qui consiste à veiller à ce que les Etats membres respectent les grandes
orientations de politique économique qu’ils se sont engagés à respecter en harmonisant et en
coordonnant leurs politiques nationales 134.
Le dispositif de surveillance s’organise autour de quatre (4) organes : une Cellule nationale par
État membre ; une Cellule communautaire ; un Collège de surveillance et le Conseil des
ministres. Leurs compositions et leurs missions sont détaillées aux articles 50 à 53 de la
convention de l’UEAC. De manière générale, ils sont chargés de rassembler et de mettre en
cohérence au niveau national et au niveau communautaire des données pertinentes à partir
desquelles s’exerce la surveillance.
Avec l’édiction de tels critères, c’est la cohérence des politiques nationales qui est recherchée ;
ces dernières ne peuvent être atteintes que par l’interdiction de déficits excessifs des économies
des Etats membres qui doivent pour cela observer une discipline budgétaire.
67
En effet, un déficit est qualifié d’excessif « lorsqu'il n'est pas compatible avec les objectifs de
la politique monétaire, en particulier en ce qui concerne son financement et le taux de
couverture extérieure de l'émission monétaire » 135ou lorsque l’un des critères de surveillance
n’est pas respecté. La conséquence d’un tel dispositif de surveillance, c’est la mise en place
d’un régime de sanctions à l’encontre d’un Etat qui ne respecte pas les grandes orientations,
qui ignore les recommandations qui lui sont adressées ou qui mène des politiques économiques
qui se traduisent par des dépassements des valeurs critiques des indicateurs.
Les organes de l’Union économique adoptent une directive à l’encontre de cet Etat membre.
L’État destinataire de la directive doit élaborer dans un délai de 45 jours un programme
d'ajustement approprié. Ensuite, les organes vérifient la conformité de ce programme avec la
politique économique de l'Union Économique 136. Mais s’il s’avère que l’Etat fautif n’a pu
élaborer un programme d’ajustement approprié, non conforme ou en cas d’exécution
insatisfaisante du programme rectificatif alors des sanctions sont prises à son encontre 137.
Elles peuvent prendre la forme de la publication d'un communiqué, éventuellement assorti
d'informations sur la situation de l'État membre concerné ou du retrait annoncé publiquement
du soutien dont bénéficiait éventuellement l'État membre.
Dans cette optique, les Etats membres s’engagent à apporter leur concours à l’UMAC
notamment en ce qui concerne les règles génératrices de l’émission monétaire, la mise en
commun des réserves de change, la libre circulation des signes monétaires et la liberté des
transferts entre les Etats membres de l’Union Monétaire, les mesures d’harmonisation des
législations monétaire, bancaire et financière et du régime de change et les procédures de mise
en cohérence des politiques économiques. 139
L’Union Monétaire se caractérise surtout par l’adoption d’une unité monétaire commune aux
Etats membres dont l’émission sur chacun de leur territoire est confiée en exclusivité à un
Institut d’émission commun, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) 140. Cette unité
monétaire légale est le Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale (F. CFA). Il est
garanti par la France qui en assure la convertibilité conformément aux dispositions de la
68
Convention de Coopération Monétaire signée entre les Etats membres et la France le 23
novembre 1972. Cela implique que la dénomination et la définition du FCFA ne peuvent être
modifiées qu’après concertation entre les Etats membres et la France 141.
La politique monétaire est ainsi mise en œuvre par la BEAC avec pour objectif de garantir la
stabilité de la monnaie commune. Pour ce faire, il relève de ses missions principales : définir
et conduire la politique monétaire de l’Union ; émettre les billets de banque et les monnaies
métalliques qui ont cours légal et pouvoir libératoire dans l’Union Monétaire ; conduire la
politique de change de l’Union ; détenir et gérer les réserves officielles de change des Etats
membres et promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement et de règlement.
Dans le même sens, non seulement la BEAC apporte son soutien aux politiques économiques
générales élaborées par les Etats membres de l’Union Monétaire mais elle établit pour chaque
Etat membre une situation distincte de l’émission monétaire et de ses contreparties 142. Pour ce
faire, la BEAC centralise les avoirs extérieurs des Etats membres dans un fonds commun de
réserves de change.
Ces réserves de change font l’objet d’un dépôt auprès du Trésor français dans un compte
courant dénommé "Compte d’Opérations" 143, dont les conditions d’approvisionnement et de
fonctionnement sont précisées dans une convention spéciale signée entre le président du conseil
d’administration de la BEAC et le représentant de l’État français, après avis conforme du
comité ministériel.
F. N’DENGWE ou l’ivoirien Nicolas AGBOHOU avec son ouvrage Le Franc CFA et l’Euro contre l’Afrique, éd., Solidarité
mondiale, A.S., 2000. L’auteur regrette notamment l’absence de souveraineté monétaire des pays africains francophone qui
utilisent cette monnaie. Plus récemment, dans une interview accordée au Journal de l’Afrique en 2014 et retranscrit sur le site
d’information info241.com en ligne : <http://info241.com/imperialisme-monetaire-francais-aucun-pays-africain-ne-peut-
etre,909> il déplorait le mécanisme de « compte d’opération » qui selon lui défavoriserait grandement la compétitivité des
Etats africains, il remet en cause ce système en expliquant : « La zone franc CFA a quatre principes de fonctionnement : 1-La
centralisation des réserves de changes qu’on appelle le compte d’opérations. 2-Le principe de la libre convertibilité des francs
CFA en francs français hier et aujourd’hui en Euros. 3- Le principe de la fixité des parités. 4- Le principe de la libre
transférabilité des capitaux de la zone franc CFA vers la France. En ce qui concerne le compte d’opérations (…) conformément
aux accords monétaires entre la France et l’Afrique, le principe de la centralité des réserves des changes fonctionne de la
manière suivante : les Africains doivent déposer, et ils le déposent effectivement, l’intégralité de leurs recettes d’exportation
dans des comptes ouverts à la banque centrale de France. De 1945 à 1973, quand les Africains exportaient par exemple les
matières premières pour 100 milliards de dollars, ils déposaient tous les 100 milliards de dollars dans le Trésor français. De
1973 jusqu’en 2005, s’ils exportaient pour 100 milliards de dollars, les Africains étaient obligés de déposer 65 milliards au
Trésor français dans le fameux compte d’opérations. Depuis le 20 septembre 2005 jusqu’à la seconde où nous parlons (2014),
on est passé à 50%. Ce qui veut dire que si les Africains exportent à hauteur de 100 milliards de dollars ou d’Euros, de Yuans,
etc. ils sont tenus de déposer 50 milliards en France. » S’en suivent plusieurs conséquences majeures : La première
conséquence (…) c’est que la France ne débourse aucune devise. Or si ce sont des pays n’ayant pas le FCFA comme monnaie
qui exportent, la France est obligée de sortir 100 millions d’euros des coffres forts pour les payer. Ce qui revient à dire que le
jour où les Africains vont se débarrasser du franc CFA, la France sera obligée de débourser de l’argent pour payer directement
et immédiatement l’intégralité de la facture des exportations ».
144 Article 26, de la convention révisée régissant l’UMAC.
69
commun de réserves de change, selon des modalités précisées dans les Statuts de la BEAC 145
car cette dernière est tenue d’informer le comité ministériel de la situation de chaque Etat
membre dans ses écritures et de la position de celui-ci au fonds commun de réserves de change.
La Banque assure la centralisation des risques bancaires dans les Etats membres, participe à la
confection des balances des paiements et élabore les statistiques monétaires. A cette fin, elle
peut requérir, soit directement, soit par l’intermédiaire des banques, des établissements
financiers, des institutions de micro finance, de l’administration des postes et des notaires,
toutes informations sur les transactions extérieures des administrations publiques, des
personnes physiques ou morales, publiques ou privées ayant leur résidence ou leur siège dans
l’Union Monétaire, ainsi que les personnes ayant leur résidence ou leur siège à l’étranger pour
leurs transactions relatives à leur séjour ou activité dans l’Union Monétaire 146.
Le Parlement communautaire
La convention instituant le Parlement de la CEMAC a été adoptée le 24 janvier 2004 par les
six Etats membres puis révisé le 25 juin 2008 par un acte des chefs d’Etat mais il n’a été installé
qu’en avril 2010 150, soit seize (16) ans après la création de la CEMAC.
70
d’intégration de la Communauté. La présidence de la CIP était rotative et exercée par l’Etat
membre qui assurait la présidence de la conférence des chefs d’Etats.
Les conditions d’éligibilité des députés sont déterminées par chaque Etat membre selon sa
législation. Le mandat de député de la communauté est représentatif et non impératif ; il est de
cinq ans à compter du jour de l’ouverture de la législature jusqu’à sa clôture. Pendant la durée
de leur mandat, les députés jouissent des immunités parlementaires dans tous les Etats membres
de la Communauté. Ils ne peuvent être poursuivis ou détenus qu’après la levée de celles-ci ou
à la demande d’un Etat membre adressé au président du Parlement.
Le Parlement communautaire est composé de soixante (60) députés répartis à raison de dix (10)
députés par Etat membre. Mais ce nombre peut être modifié par la conférence des chefs d’Etats
soit d’office, soit sur proposition du Parlement. Il est dirigé par un président élu pour une durée
d’un an par rotation selon l’ordre alphabétique des Etats membres. Il se réunit en deux sessions
ordinaires par an sur convocation de son Président. Il peut se réunir en session extraordinaire
sur un ordre du jour bien précis toujours sur convocation de son Président, soit à la demande
du président du conseil des ministres ou celui du comité ministériel soit à la demande des deux
tiers des députés. La durée des sessions est fixée par un acte additionnel de la Conférence des
chefs d’Etats. Les séances plénières du Parlement sont publiques mais peuvent se tenir à huis
clos si le président de la Conférence des chefs d’Etat, la commission de la CEMAC, le bureau
du Parlement ou la majorité simple des députés le demande. Le vote est individuel et personnel.
151 Laurent TENGO, Droit communautaire général, Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC),
op.cit., p. 131.
71
lui sont attribuées par le Traité instituant la CEMAC. Ensuite, il est chargé du contrôle
démocratique des organes et institutions spécialisées de la CEMAC en ce sens qu’il contrôle
l’action des organes de décision par voie de questions orales ou écrites, par l’audition en
commission et par la constitution des commissions d’enquête sur des objets déterminés. Les
commissions d’enquêtes sont constituées à la demande de deux tiers des membres du
Parlement. Elles prennent fin soit par le dépôt de leur rapport, soit par l’ouverture d’une
information judiciaire.
Le parlement participe au processus décisionnel de la communauté. Il peut être consulté sur les
projets d’actes additionnels, de règlements et de directives. Cette consultation est obligatoire
s’agissant de l’adhésion de nouveaux Etats membres, les accords d’associations avec les Etats
tiers, le budget de la communauté, les politiques sectorielles communes, le droit
d’établissement et la libre circulation des personnes, des biens, la procédure d’élection des
membres du Parlement de la CEMAC, les impôts, taxes et prélèvements communautaires.
La Cour de Justice est une Institution indépendante des Etats, des Organes et des autres
Institutions de la Communauté. Ses Décisions sont prises au nom de la Communauté. Les
membres de la Cour de Justice exercent leurs fonctions en toute indépendance, dans l'intérêt
général de la Communauté.
Elle exerce ses fonctions sur toute l’étendue du territoire communautaire et rend ses décisions
au nom de la communauté. Elle se compose de six (6) membres 153 à raison d’un membre par
Etat. Ils sont nommés par la Conférence des Chefs d’Etat pour un mandat de six ans
renouvelables une fois, avec un renouvellement partiel tous les trois ans.
Les juges communautaires sont choisis parmi plusieurs candidats présentés par chaque Etat
membre et remplissant les conditions de bonne moralité, d’indépendance et d’intégrité. Ils
doivent aussi avoir exercé dans leurs pays respectifs les plus hautes fonctions judiciaires ou
avoir exercé avec compétence et pendant au moins quinze ans, les fonctions d’avocat, de
professeur d’unité de droit et d’économie, de notaire ou de conseil juridique.
Les juges jouissent des immunités et privilèges accordés à la Communauté, à ses organes et à
son personnel. À cet effet, ils prêtent serment d’exercer leur fonction dans l’intérêt de la
Communauté et en toute impartialité et indépendance. Ils ne peuvent exercer aucune autre
fonction politique, administrative ou juridictionnelle y compris toute autre fonction
professionnelle rémunérée.
La Cour est dirigée par un président assisté d’un avocat général. Le président de la Cour et
l’avocat général sont élus par leurs pairs, pour un mandat de trois ans renouvelables une fois,
pour le premier et pour un mandat d’un an renouvelable une fois pour le second. Ces fonctions
sont rotatives entre les Etats membres. Le président assure la fonction de représentation de la
Cour et la coordination de l’ensemble des activités juridictionnelles et administratives. Pour
72
l’assister dans l’accomplissement de ses fonctions juridictionnelles, la Cour dispose d’un greffe
dont le greffier en chef est nommé par le président après avis de la Cour parmi les ressortissants
des Etats membres de la CEMAC pour une période de six ans renouvelables une fois.
La compétence de la Cour s’exerce sur les litiges qui sont expressément définis par les textes
communautaires, les autres différends relèvent des juridictions nationales, sa compétence est
« réduite au minimum compatible avec l’autonomie de la Communauté et le respect des
souverainetés judiciaires nationales » 154. La Cour de Justice Communautaire est chargée du
contrôle juridictionnel des activités des Institutions de la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale autre que le Parlement ainsi que celles des Etats membres.
Pour l'accomplissement de ses missions, la Cour de Justice exerce un triple rôle, juridictionnel
consultatif et arbitral.
Dans son rôle juridictionnel, la Cour de Justice exerce un contrôle de légalité. Elle rend en
dernier ressort, des arrêts sur les cas de violation des traités de la CEMAC et des conventions
subséquentes 155 dont elle est saisie conformément à ses règles de procédure. Les décisions
rendues par la Cour de Justice ont l'autorité de la chose jugée et force exécutoire.
Dans son rôle consultatif, la Cour de Justice émet des avis sur la conformité aux normes
juridiques de la CEMAC des actes juridiques ou des projets d'actes initiés par un Etat membre
ou un organe de la CEMAC dans les matières relevant du domaine des textes communautaires.
Elle est consultée à cet effet par l'Etat membre ou l'Organe de la CEMAC qui en est l'initiateur.
Elle connait en application de son règlement d’arbitrage, des différends qui lui sont soumis en
vertu d’une clause compromissoire ou d’un compromis par les Etats membres ou les structures
communautaires en litige dans une matière ayant un lien avec le Traité et les textes subséquents.
La Cour ne tranche pas elle-même directement des différends. Lorsqu’elle est saisie, elle
nomme les arbitres chargés de rendre les sentences arbitrales, mais elle veille au déroulement
de l’instance et valide les sentences avant leur publication.
C’est la juridiction financière de la Communauté. Elle est régie par une convention adoptée en
2009 par la Conférence des Chefs d’Etat. Elle est composée de douze (12) membres à raison
154 Laurent TENGO, Droit communautaire général, Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC),
op.cit., p. 140.
155 Lorsque, suite à son appréciation, la Cour constate qu’un acte communautaire n’est pas conforme aux textes
communautaires fondamentaux, elle peut procéder à sa censure, le juge peut déclarer l’acte attaqué non-conforme et cette
censure peut prendre la forme de l’annulation de l’acte communautaire attaqué comme ce fut le cas avec l’arrêt
n°003/CJ/CEMAC/CJ/08 du 20 novembre 2008, Affaire MOKAMANEDE John Wilfrid C/ Commission CEMAC : le juge
communautaire à annuler une décision du Conseil des ministres de l’UEAC excluant un fonctionnaire du corps des
fonctionnaires de l’EIED, cette annulation reposait sur l’illégalité tirée de l’incompétence du Conseil des ministres à prononcer
l’exclusion de ce fonctionnaire (cette arrêt fait suite à l’arrêt n°02/CJ/CEMAC/CJ/06 du 30 novembre 2006, Affaire
MOKAMANEDE John Wilfried C/Ecole inter-états des douanes de la CEMAC, recours en annulation de la décision
n°072/CEMAC/EIED). L’annulation peut être totale ou partielle, et ne porter que sur la partie illégale de l’acte communautaire
en cause comme ce fut le cas avec l’arrêt n°003/CJ/CEMAC/CJ/03 du 03 juillet 2003, Affaire TASHA LOWEH Lawrence C/
Décision COBAC D-2000/22, et Amity Bank Cameroon PLC, Sanda Oumarou, Anomah Ngu Victor.
73
de deux membres par Etat membre. La moitié des membres doit avoir des compétences avérées
en matière d’économie et d’audit, l’autre moitié composée de juristes.
Les membres de la Cour des comptes sont nommés par la Conférence des Chefs d’Etat pour
un mandat de six ans renouvelables une fois. Un renouvellement de la moitié des membres a
lieu tous les trois ans. Ils doivent appartenir ou avoir appartenu à des institutions de contrôle
externe ou avoir une compétence en matière juridique, économique ou financière et une
expérience professionnelle d’au moins quinze ans dans une de ces matières. Ils prêtent serment
avant leur entrée en fonction, ils jurent de remplir fidèlement leurs fonctions dans l’intérêt de
la CEMAC en toute impartialité et en toute indépendance.
Elle est dirigée par un président, assisté du procureur général, des présidents des chambres et
du procureur général adjoint qui sont tous élus par leurs pairs pour un mandat de trois ans
renouvelables une fois. Le président assure la fonction de représentation de la Cour. Elle a des
attributions d’ordre juridictionnel et consultatif.
Dans son rôle juridictionnel, la Cour des comptes assure le contrôle budgétaire de la
Communauté, elle vérifie ses comptes et s’assure de sa bonne gestion financière. Dans
l’exercice de ses compétences, elle reçoit le serment des comptables publics, vérifie sur pièces
et au besoin sur place la légalité et la régularité des dépenses et des recettes. Elle juge les
comptes des comptables et leur gestion. Elle vérifie aussi la gestion des concours financiers
accordés par la Communauté au Etats membres et à tout organisme communautaire et aussi
l’emploi des concours financiers versés à la Communauté par les Etats tiers et par tout
organisme national ou international.
Sur le plan consultatif, elle émet des avis à la demande des Etats membres ou tous organismes
communautaires sur toute question relevant de ses compétences et dans le cadre de la
surveillance multilatérale des politiques budgétaires des Etats. Elle peut apporter à leur
demande son concours aux cours des comptes nationales.
La Communauté est dotée d’Organes qui sont de deux (2) ordres ; d’une part, les organes de
décisions qui interviennent dans chacune des deux (2) Unions et d’autre part, les Institutions
spécialisées, propres à chacune d’elles.
74
La Conférence des Chefs d’Etats
Elle est constituée des chefs d’Etats des Etats membres ; c’est l’organe suprême de la
Communauté. Elle détermine la politique de celle-ci et oriente l’action des organes de ses deux
Unions au moyen d’Actes Additionnels qui sont annexés au Traité de la CEMAC. Elle fixe le
siège des institutions et des organes de la Communauté et nomme leurs dirigeants
conformément aux dispositions prévues par leurs textes constitutifs respectifs.
La conférence des Chefs d’Etats détient ainsi les plus hauts pouvoirs de la Communauté. Elle
se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président c'est-à-dire le chef de l’Etat
dont le pays assure la présidence de la CEMAC. Au cours de ces réunions, les chefs d’Etats
sont assistés par les ministres des affaires étrangères, le président de la Commission qui
rapporte les affaires inscrites à l’ordre du jour des réunions dont il assure le secrétariat et le
gouverneur de la BEAC 156.
La présidence de la conférence des Chefs d’Etats est assurée par chaque Etat membre
successivement et selon l’ordre alphabétique des Etats pour une année civile 157. La conférence
des Chefs d’Etats prend ses décisions par consensus 158.
La direction de la CEMAC est assurée par un organe constitué par les représentants des Etats
membres habilités à engager les Gouvernements de ces Etats. Cet organe de rang ministériel
est appelé « Conseil des ministres » lorsqu’il se réunit dans le cadre de l’UEAC et « Comité
ministériel » dans le cadre de l’UMAC.
Ce sont les organes dominants de la Communauté ; en ce sens que si la conférence des Chefs
d’Etats a pour rôle principal de fixer les grandes orientations, l’essentiel de la mise en œuvre
de l’intégration communautaire revient à ces deux organes chacun dans sa sphère de
compétences, économique pour le premier et monétaire pour le second. Ils se réunissent au
moins deux (2) fois par an et aussi souvent que les circonstances l’exigent 159.
La présidence du Conseil et du Comité est tournante. Elle est assurée pour une année civile
pour le Conseil des ministres par l’Etat membre exerçant la présidence de la Conférence des
chefs d’Etats 160 et pour le Comité ministériel par ordre alphabétique des Etats membres et par
le ministre des Finances 161.
75
La Commission de la CEMAC 162
Elle est l’organe chargé de mettre en œuvre les décisions prises dans l’intérêt général de la
Communauté par le Conseil des ministres et la Conférence des Chefs d’Etat. Elle est composée
des commissaires à raison d’un commissaire par Etat membre 163. Elle est placée sous l’autorité
d’un président qui est assisté d’un vice-président nommés tous les deux (2) ans par la
Conférence des Chefs d’Etats pour un mandat de cinq ans renouvelables une fois 164.
Sous l’impulsion de son président, elle a pour mission d’assurer le fonctionnement régulier de
l’Union économique. En application des articles 17 de l’additif au traité de la CEMAC et 71
de la convention régissant l’UEAC, ses attributions se regroupent principalement autour des
cinq (5) missions suivantes :
- La fonction d’initiative qui lui permet en principe de donner l’impulsion générale à la
construction de l’Union économique ;
- Un pouvoir d’exécution et de gestion qui concerne essentiellement la mise en œuvre
des politiques communes ainsi que l’exécution du budget de l’UEAC ;
- Elle veille à l’application par les Etats membres et ses ressortissants de la convention
régissant l’UEAC et des actes pris en application de celle-ci ;
- Elle a une mission de représentation de la Communauté qui s’exerce à l’intérieur de
l’espace communautaire ou à l’extérieur auprès des Etats tiers ;
- Elle propose à l’adoption du Conseil des ministres l’organigramme des Services de
l’UEAC et sur cette base le président de la Commission recrute et nomme aux différents
emplois.
C’est un établissement public multinational africain dont les statuts ont été adoptés en
septembre 2007 en remplacement de ceux du 11 juillet 2003. Son capital dont le montant est
fixé actuellement à quatre-vingts et huit milliards (88.000.000.000) de francs CFA est réparti
à parts égales entre les Etats membres.
Elle est dirigée par quatre (4) organes dont le Conseil d’administration, le Comité de politique
monétaire, le Gouvernement de la BEAC et du Comité monétaire et financier national dans
chaque Etat membre 166. Elle est chargée d’émettre les billets de banque et les monnaies
métalliques qui ont cours légal et pouvoir libératoire dans l’Union monétaire, de conduire les
opérations de change des Etats membres et de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes
de paiements.
162 Additif au Traité du 25 avril 2007 relatif à la transformation du Secrétariat exécutif en Commission.
163 Article 2 de l’additif révisé.
164 Article 17 de l’additif au traité de la CEMAC.
165 Article 5 des statuts de la BEAC.
166 Article 27, ibid.
76
La Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC)
Elle comprend les trois (3) censeurs de la BEAC, sept (7) personnalités nommées par le Conseil
d’administration de la BEAC pour un mandat de trois ans renouvelables deux (2) fois et un (1)
représentant de la Commission bancaire française désigné par le Gouverneur de la Banque de
France. Elle se réunit au moins deux (2) fois par an à l’initiative et sur convocation de son
président.
Elle est chargée sur le territoire des Etats de la CEMAC de veiller au respect par les
établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires édictées par les autorités
nationales et la BEAC ou par elle-même et elle peut prendre toutes sanctions utiles aux
manquements constatés. Elle contrôle en particulier les conditions d’exploitation des
établissements de crédit, veille à la qualité de leur situation financière et assure le respect des
règles déontologiques de la profession 167 ;
Les statuts qui la régissent ont été adoptés en avril 1976 mais ils sont régulièrement modifiés ;
la dernière révision date de 2008. Son capital est divisé en neuf mille quatre cents (9400)
actions de dix millions (10.000.000) de FCFA réparties entre les actionnaires de catégorie A
que sont les Etats de la CEMAC, la France, le Koweït et la Libye. La part du capital des
actionnaires de la catégorie A ne peut être supérieure à 51% du capital 168.
Elle est administrée et gérée par l’assemblée générale des actionnaires, le Conseil
d’administration et le président de la Banque. Elle a pour mission de promouvoir le
développement économique et social des pays de la CEMAC notamment par le financement
des investissements nationaux, multinationaux et des projets d’intégration économique.
Elle apporte son concours aux Etats, aux organisations sous-régionales, aux institutions
financières et aux opérateurs économiques dans leurs efforts de mobilisations des ressources
financières et de financement des projets ainsi que leurs études de faisabilité 169. Chacune des
deux Unions dispose en outre d’Institutions spécialisées pour mener à bien les activités
concourant toutes vers l’intégration effective et un développement harmonieux de la sous-
région.
La liste des douze (12) institutions spécialisées 170 , rattachées à l’UEAC, est dressée par l’acte
additionnel n°08/CEMAC-006-CCE-2 du 14 décembre 2000 qui prévoit la possibilité de son
167 Article 1 de l’annexe de la convention portant création de la COBAC du 16 octobre 1990.
168 Articles 13 et 14 des statuts de la BEAC.
169 Article 3 des statuts de la BDEAC.
170 Parmi ces institutions il y’a le Centre sous régional de maintenance de télécommunications(CSMTAC) ; la Communauté
Economique de viandes et de ressources halieutiques (CEBEVIRHA) ; l’Ecole inter-états des douanes (EIED) ; l’Ecole
supérieure des télécommunications de l’Afrique Centrale (ESTAC) ; l’Institut sous-régional multisectoriel de technologie
77
rallongement. Il a été adopté par la Conférence des Chefs d’Etats. Celles rattachées à l’UMAC
sont notamment la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale
(CONSUMAF), créée par l’acte additionnel n°03/01-CEMAC-CE-03 du 8 décembre 2001 et
le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (GABAC), créé par acte
additionnel n°09/00/CEMAC-086/CCE 02 du 14 décembre 2000.
Le constat alarmant ayant entrainé la vague de réformes au sein de la CEMAC est toujours
d’actualité en nous référant à l’état d’avancement de ces dernières. Les réformes notamment
institutionnelles tardent à être mises en œuvre malgré la révision du Traité et de ses conventions
depuis 2008 et 2009.
La CJCEMAC détient une personnalité juridique avec toutes les prérogatives qui vont de pair
avec son statut ; elle a un territoire délimité par les frontières des EM, un peuple composé des
citoyens/populations des EM, des organes fort semblables aux organes étatiques et des
fonctionnaires. Elle a vocation à produire des normes juridiques devant être transposées ou
devant être réceptionnées dans les ordres juridiques des Etats membres mais est-ce à dire que
ces dernières sont supérieures aux normes nationales car il est clairement spécifié dans le traité
que les EM ne doivent pas prendre des mesures ou des dispositions qui soient contraires à celle
appliquée de panification et d’évaluation de projets (ISTA) ; l’Institut sous-régional de statistiques et d’économie appliquée
(ISSEA) ; le Pôle régional de formation des régies financières d’Afrique centrale (PRFRFAC), le Comité des chefs de police
d’Afrique Centrale (CCPAC) ; la Commission internationale du bassin Congo Oubangui Sangha (CICOS) ; le Pôle régional
de recherche appliqué au développement des savanes d’Afrique Centrale (PRASAC) et le Système de la carte rose RC-
Automobile ( CR-CEMAC).
171 Patrice LIBONG BADJAN, Réformes institutionnelles de la CEMAC, jeu des acteurs, intérêts des Etats, coll. « Etudes
CEMAC un espace économique intégré émergent, où règnent la sécurité, la solidarité et la bonne gouvernance, au service du
développement humain ». Le PER présente un agenda d’émergence (2010 – 2025) en trois phases quinquennales pour la
réalisation de la vision 2025 de la CEMAC : La phase (2010-2015), qui consiste en la construction des fondements
institutionnels de l’émergence ; la phase (2016-2020) vise « l’ancrage des piliers de la diversification économique de la
Communauté. La période (2021-2025) a pour but de consolider les phases précédentes. Au terme de sa réalisation, il conduira
à la création d’un espace économique émergent au niveau de la CEMAC à l’horizon 2025. Le schéma de financement de la
mise en œuvre du PER repose sur le principe de la création d’un « Fonds Emergence CEMAC ». Le plan opérationnel (2011-
2015) du PER présente trois atouts majeurs : un cadre institutionnel clair caractérisé par la déclinaison des axes en objectifs
stratégiques, en programmes puis en projets ; un plan cohérent, dans lequel les projets des différents axes se renforcent les uns
les autres et convergent vers un même objectif et une approche programme permettant l’élaboration d’un budget programme
pluri annuel qui facilite la recherche, la mobilisation et l’affectation des ressources aux projets déjà identifiés. Quant au
dispositif institutionnel de mise en œuvre du PER, il est constitué d’un Comité de Pilotage, d’un Comité régional des experts
et des Cellules nationales du PER. Pour assurer un suivi rapproché et efficace d’une animation dynamique du Programme et
d’assister au quotidien le Comité de Pilotage, il a été décidé de mettre en place une Cellule d’Appui à la mise en œuvre du
PER. Le PER CEMAC se décline en 5 axes, 12 objectifs stratégiques, 29 programmes et 86 projets.
78
du Traité. Mais bien au-delà des considérations d’ordre juridique de transposabilité des normes
communautaires, la véritable problématique concerne la marginalisation des citoyens des Etats
membres.
A cet effet, Pierre Ngolo explique que « La Communauté est une organisation sui generis qui
est fondée à la fois sur la supranationalité et l’« intergouvernementalité » c'est-à-dire qu’elle
a vocation en même temps à échapper à la souveraineté des Etats membres et à s’y soumettre ».
Cependant, il soulignait l’urgence à ce que le Parlement devienne effectif et exerce ses
nouvelles prérogatives afin qu’émerge enfin une véritable citoyenneté communautaire : « Si
jusque-là, la dimension intergouvernementale a paru prépondérante dans la construction de
la CEMAC, la logique supranationale avec la prise de fonction du Parlement communautaire
devrait être sensiblement renforcée. Il est important que les ressortissants des Etats membres
de la CEMAC voient leur rôle s’accroitre et disposent clairement d’une reconnaissance
juridique propre à côté de celle des Etats membres permettant ainsi de faire éclore une
véritable citoyenneté communautaire. Bien sûr, une citoyenneté complémentaire et non
concurrente par rapport à la citoyenneté nationale » 174.
173 Laurent TENGO, Droit communautaire général, Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC),
op.cit., p. 19.
174 Propos liminaires de Pierre NGOLO, ancien président du Parlement de la CEMAC cité par Laurent TENGO, Droit
79
B. L’uniformisation nécessaire des systèmes financiers des Etats membres de la
CEMAC
Sur le plan organique, la construction d’une intégration sous-régionale pèche par manque de
volonté de certains Etats membres d’appliquer sur leur territoire des politiques qui pourtant ont
été adoptées communément.
L’objectif visé avec ces dernières c’était de renforcer l’intégration régionale, de moderniser et
assurer plus de transparence dans la gestion des finances publiques enfin d’inciter les Etats à
la discipline budgétaire en procédant in fine à la réforme de leur cadre budgétaire (2).
Dans le cadre de l'Union Économique 175 et pour les besoins de la surveillance multilatérale, les
législations budgétaires des États membres devaient être harmonisées au cours de la première
étape de la construction de l'Union Économique ainsi que les comptabilités nationales et les
données macroéconomiques nécessaires à l'exercice de la surveillance multilatérale. Une
priorité particulière a été assignée à l'uniformisation du champ statistique du secteur public
selon les méthodologies internationalement acceptées dans ce domaine.
En 2007, cinq (5) premières directives harmonisant le cadre juridique, comptable et statistique
des finances publiques des Etats membres ont été finalisées puis adoptées en 2008 par le
Conseil des ministres de la CEMAC ; elles visaient à améliorer le cadre communautaire de la
gestion des finances publiques au sein de la Communauté.
Ces directives, constitutives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques, étaient
relatives respectivement aux Lois de Finances (LF), au Règlement Général de la Comptabilité
Publique (RGCP), au Plan Comptable de l’Etat (PCE), aux Opérations financières de l’Etat
(TOFE) et à la Nomenclature Budgétaire de l’Etat (NBE).
80
Cependant, elles ont rapidement fait apparaître des insuffisances, essentiellement liées aux
besoins ressentis par les Etats membres d’améliorer leurs qualités techniques et juridiques, leur
cohérence d’ensemble, de les mettre davantage en conformité avec les bonnes pratiques et
normes internationales afin de disposer de meilleurs instruments de gestion financière et de
revoir les modalités de leur mise en œuvre de façon progressive et adaptée aux réalités de
chacun des pays de la Communauté.
En outre, la crise des marchés financiers en 2008 et la nécessité de mieux coordonner les
politiques budgétaires des Etats membres avec la politique monétaire commune ont conduit en
octobre 2010 à la mise en place par le Conseil des ministres de la CEMAC, d’un plan d’action
comportant sept (7) programmes avec des objectifs spécifiques suivants :
Objectif 1 : Adopter des directives améliorées, cohérentes, réalistes et en ligne avec les
normes internationales.
Objectif 2 : rechercher le soutien interne et externe à travers une information des acteurs, du
public et de la société civile.
Objectif 3 : assurer une meilleure appropriation des nouveaux paradigmes de gestion induit
par les directives.
Programme 7 : appui à la mise en œuvre des réformes dans les Etats membres.
Objectif 7 : faciliter la mise en œuvre des réformes induites par les directives.
81
des finances publiques dans la sous-région afin de faciliter l’exercice de la surveillance
multilatérale.
En vue de rénover le cadre harmonisé des finances publiques de la CEMAC , six (6) directives
ont par la suite été adoptées par le Conseil des ministres de l’UEAC le 19 décembre 2011 à
l’issue d’un processus participatif réunissant les experts des Etats membres, de la Commission
de la CEMAC, de la Cour des Comptes de la CEMAC et des partenaires techniques et
financiers dont le FMI qui depuis 2010, à la demande de la Commission, procédait à une
mission d’assistance technique à travers son département des finances publiques, d’AFRITAC
Centre, de la Banque Mondiale et du pôle régional du PNUD à Dakar au Sénégal.
Ces derniers ont entre autres élaboré un plan d’action de relecture et de mise en œuvre des
directives révisées, mis en place un Comité sous régional d’experts en FP, défini les objectifs
et les options techniques de la relecture, procédé à la révision des directives de 2008 et élaboré
une sixième (6ème) directive sur la transparence de la gestion des finances publiques.
Les six (6) directives constituant le nouveau cadre harmonisé de gestion des finances publiques
sont les suivantes :
• Volet juridique :
o Directive n° 06/11-UEAC-190-CM-22 relative au Code de Transparence et de
bonne gouvernance ;
o Directive n° 01/11-UEAC-190-CM-22 relative aux Lois de Finances ;
o Directive n° 02/11-UEAC-190-CM-22 relative au Règlement Général sur la
Comptabilité Publique (RGCP) ;
• Volet comptable et statistique :
o Directive n° 04/11-UEAC-190-CM-22 relative à la Nomenclature Budgétaire
de l’Etat (NBE) ;
o Directive n° 03/11-UEAC-195-CM-22 relative au Plan Comptable de l’Etat
(PCE) ;
o Directive n°05/11-UEAC-190-CM-22 relative au Tableau des Opérations
Financières de l’Etat (TOFE).
82
-Directive portant lois de finances (elle constitue la véritable clef de voûte de la réforme) ou
« Directive LOLF » : elle traite du contenu, du périmètre et des procédures d’élaboration, de
vote, d’exécution et de contrôle des budgets publics. Sur la base des principes énoncés dans la
directive portant code de transparence, elle organise les relations entre les acteurs du processus
budgétaire, introduit de nouveaux principes opérationnels (ex. sincérité, pluri annualité) aux
côtés d’anciens principes (ex. annualité, spécialité) et précise les nouveaux éléments du budget
(ex. programmes, indicateurs, autorisations d’engagement, annexes budgétaires) et les
nouvelles responsabilités. Les dispositions de l’article 81 stipulent que les autres directives
complètent et précisent en tant que besoin les modalités d’application de cette directive. Il érige
ainsi cette dernière en « Constitution financière ». Sa transposition dans les législations
nationales se fait sous la forme d’une loi organique c'est-à-dire participant de l’organisation de
l’Etat.
-Directive portant nomenclature budgétaire de l'État ou « Directive NBE » : elle précise les
nouvelles règles de présentation des crédits (ex. économique, administrative, fonctionnelle et
programmatique) pour servir d’outil de comparabilité des prévisions et réalisations budgétaires
ainsi que de cadre d’agrégation des informations budgétaires de l’ensemble des Etats membres.
Le délai accordé par cette directive devrait permettre aux Etats membres de disposer de
suffisamment de temps pour adapter leur nomenclature budgétaire aux nouveaux standards
internationaux de gestion inspirés par le Manuel de Statistiques des Finances Publiques du FMI
de 2001. Elle fixe les principes fondamentaux de présentation des opérations du budget général,
des budgets annexes et des comptes spéciaux du trésor. Elle prescrit également une
nomenclature budgétaire commune en recettes et en dépenses ainsi qu’une nomenclature
relevant de la classification des fonctions des administrations publiques.
83
-Directive portant Tableau des Opérations Financières de l'État ou « Directive TOFE » : elle
vise à harmoniser la présentation des statistiques des finances publiques dans les EM
conformément aux normes internationales présentées dans le système du Manuel de statistiques
de finances publiques 2001du FMI. Elle vise à uniformiser le champ des opérations des
administrations publiques et des différents concepts de recettes, de charges, d’actifs et de
passifs à travers les pays de la CEMAC. Elle régit l’analyse macro-économique de la
surveillance multilatérale des politiques de finances publiques nationales, y compris les
politiques budgétaires. C’est aussi un instrument opérationnel de comparabilité des statistiques
des finances publiques des différents Etats membres et de suivi de gestion. Dans son article
premier, cette directive fixe les principes généraux relatifs à l’élaboration des statistiques sur
les opérations financières de l’ensemble des administrations publiques des États membres de
la CEMAC et à leur présentation dans un tableau dénommé Tableau des opérations financières
de l’État (TOFE) et selon son article 2, le TOFE doit constituer un « cadre analytique conforme
aux normes internationales en vigueur en matière de statistiques de finances publiques
auxquelles les États membres doivent tendre à terme ».
Les nouvelles directives confortent le choix d’une modernisation des finances publiques dans
la Communauté par l’introduction de nouveaux principes d’ordre opérationnels à travers des
réformes budgétaires devant être mises en œuvre par les EM.
C’est l’article 7 de la directive LOLF qui impose la discipline dans la politique budgétaire des
EM. Il dispose que « Les budgets des administrations publiques, notamment celui de l’Etat,
doivent être établis et financés dans des conditions qui garantissent la soutenabilité de
l’ensemble des finances publiques. Conformément aux engagements internationaux pris dans
le cadre de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la politique
budgétaire doit éviter tout déficit public excessif et se conformer à la discipline budgétaire
qu’implique la monnaie commune ».
Il souligne le cadre financier qui s’impose aux budgets des administrations publiques et des
Etats et implique pour cela que soit garantie la soutenabilité de l’ensemble des finances
publiques c’est-à-dire la capacité à honorer les engagements financiers dans le futur.
Matériellement, ce critère s’apprécie dans le cadre global des finances publiques et concerne
donc le budget de l’Etat mais également les budgets des autres administrations publiques
(établissements publics et collectivités territoriales notamment).
84
La politique budgétaire ainsi déterminée devra éviter les déficits publics excessifs et se
conformer à la discipline budgétaire qu’impose l’appartenance à la monnaie commune. En
effet, l’équilibre financier arrêté par la loi de finances doit respecter l’ensemble des critères du
pacte de convergence. L’article 7 énonce plus loin que la « solution » pour y arriver réside dans
l’obligation pour le gouvernement : « De définir une politique budgétaire à moyen terme
conforme aux critères fixés par les conventions régissant la Communauté Economique et
Monétaire de l’Afrique Centrale, en assure la bonne mise en œuvre et se prête aux obligations
de la surveillance multilatérale. »
Cet article introduit l’impératif, pour le gouvernement, d’établir un cadre budgétaire à moyen
terme (CBMT) sur une période minimale de trois ans, en cohérence avec l’obligation de définir
une politique budgétaire à moyen terme. Même si l’annualité reste le cadre d’exécution du
budget de l’Etat, d’une part, la directive inscrit la programmation budgétaire qui devient la
traduction de choix politiques devant désormais prendre en compte les impacts excédant
l’horizon annuel et d’autre part, elle intègre les stratégies nationales et sectorielles de
développement, une approche qui institutionnalise le budget comme outil de politique
économique et sociale.
Afin de renforcer le lien entre le budget annuel et les politiques nationales et sectorielles de
développement, de nouveaux outils de programmation budgétaire triennale deviennent les
supports de préparation des projets de lois de finances. L’instauration d’une politique
budgétaire à moyen terme offre ainsi une réponse technique à la problématique de l’articulation
entre les stratégies nationales et sectorielles de développement et le budget.
Dans le cadre de la procédure budgétaire, le CBMT vise les deux (2) objectifs suivants :
Sur la base de ce cadrage global (CBMT), le CDMT répartit l’enveloppe globale de dépenses
entre les différents ministères et institutions constitutionnelles chargés de mettre en œuvre ces
politiques publiques. Le recours à cette classification administrative des dépenses permettrait
d’établir un lien opérationnel avec les plafonds de dépenses budgétaires inclus dans la lettre de
cadrage. Par ailleurs, le CDMT doit être cohérent avec les documents stratégiques orientant les
politiques publiques notamment avec le Cadre stratégique de réduction de la pauvreté (CSRP),
le Programme triennal de convergence et le Programme économique régional. Enfin, des
CDMT sectoriels ventilent les enveloppes sectorielles et ministérielles fixées par le CDMT par
nature de dépenses entre les unités opérationnelles, et, à terme, entre programmes. Ces CDMT
sectoriels seront transmis au ministère chargé des finances en appui des demandes de crédits
budgétaires.
Les CBMT et les CDMT doivent être formellement approuvés annuellement par le Conseil des
ministres et traduits dans la lettre de cadrage au début de la procédure budgétaire pour ainsi
constituer le cadre s’imposant à la préparation de la loi de finances.
Malgré le ton impératif de la directive, les instances communautaires n’ont cependant pas
souhaité imposer de sanctions en l’absence du respect de la discipline budgétaire et de ses
outils, ce que nous pourrions regretter car nous pouvons imaginer que l’application de ces
dernières contraindrait les Etats à prendre les mesures nécessaires pour se l’imposer ou du
moins les respecter.
La DLF redonne une valeur démocratique aux LF en renforçant les contrôles du Parlement et
des citoyens lors du processus budgétaire. Elle renforce les pouvoirs du Parlement au double
176 Notamment le besoin ou la capacité de financement des administrations publiques centrales et l’endettement financier (brut
et net).
86
niveau de l’adoption avec le DOB et de l’exécution. Elle associe les citoyens au processus des
finances publiques en ce sens qu’elle fait une place importante à l’information. Les citoyens
ont, au même titre que leurs élus, un accès direct à l’information en matière financière et
économique, notamment sur les choix de politiques publiques qui engagent la nation entière
sur plusieurs années avec le CDMT et lors de l’exécution de la loi de finances qui offre une
occasion d’afficher la recherche de transparence en matière de gestion publique.
La principale idée est de rompre avec les pratiques du passé ou prévalait l’opacité dans
l’exécution budgétaire. En effet, avec les directives du cadre harmonisé des finances publiques,
les autorités gouvernementales ont un devoir de communication auprès des
citoyens conformément aux exigences nées de l’adoption du code de transparence et de bonne
gouvernance.
Nous relevons aussi que la DLF apporte un éclairage nouveau sur le traitement de la gestion
des fonds provenant des bailleurs de fonds. L’article 2 de la directive en donne une définition
« (…) Sont considérés comme des fonds publics soumis aux règles définies par la présente
directive, quels qu’en soient l’objet et la nature, les financements accordés à l’Etat ou à toute
autre administration publique par les bailleurs de fonds internationaux, Etats étrangers ou
institutions financières internationales ». L’article 5 poursuit : « Les bailleurs de fonds
internationaux sont tenus d’informer le Ministre chargé des finances de tout financement
apporté aux administrations publiques ou à la réalisation de projets et d’activités d’intérêt
public. Aucun Ministre ou agent public ne peut accepter la mise en place de ces financements
sans que les financements y afférents aient été préalablement approuvés par le Ministre chargé
des finances. Lorsqu’ils sont accordés à l’Etat, les financements des bailleurs internationaux,
y compris ceux accordés à des projets ou programmes d’investissement particuliers, sont
intégrés en recettes et en dépenses à son budget général. Une annexe aux lois de finances
donne le détail de l’origine et de l’emploi de ces fonds ».
87
L’objectif à long terme de la DLF sur la réglementation de la gestion des financements
extérieurs 178 serait la généralisation de l’utilisation par les bailleurs de fonds des systèmes
nationaux de gestion des finances publiques ainsi qu’un mouvement de simplification des
procédures des bailleurs de fonds dans un sens qui encourage la collaboration et l’alignement
progressif sur les systèmes et procédures des pays partenaires.
Les six (6) directives communautaires constituent l’ossature de la gestion budgétaire axée sur
la performance en Afrique centrale. Elles reflètent aussi les fondamentaux de la nouvelle
gestion publique, notamment en matière de finances publiques pour les Etats de la sous-région.
Son efficacité a été laissée aux choix particuliers et nationaux de mise en œuvre ; pour ce faire,
un calendrier de déploiement dans les Etats a été établi.
Les législations et réglementations nationales devaient être mises en conformité avec les
dispositions des directives c’est-à-dire qu’elles devaient être transposées dans le système
juridique interne des Etats membres au 1er janvier 2014, soit dans les vingt-quatre mois suivant
leur adoption. Mais il a été retenu que la mise en œuvre de la réforme budgétaire au sein des
Etats membres procèderait d’un processus progressif, différencié selon les possibilités des Etats
membres et pouvant être conduit jusqu’à 2021 au plus tard pour l’application des dispositions
juridiques novatrices, et même 2023 pour celles relatives à la comptabilité générale.
Ainsi, sur le plan juridique, les « dispositions transitoires » des directives ouvraient-elles aux
Etats qui le souhaitaient la possibilité de différer jusqu’à une date précisée l’application des
articles relatifs aux aspects « modernisation » mais en attendant c’était la législation nationale
en vigueur dans ces domaines qui resterait applicable pendant cette période transitoire.
Elle est le résultat d’une démarche ambitieuse portée par une volonté politique certaine mais
elle a pêché à certains égards par une préparation précipitée de la part des acteurs car la réforme
a fait l’objet de plusieurs modifications d’ordre techniques, opérationnelles et
organisationnelles qui ont freiné sa lancé et justifié son réaménagement (A).
178 Les dispositions des articles 79 et 80 approfondissent l’encadrement qui doit être fait des fonds des partenaires financiers
88
A. Des changements précipités des orientations au cours du processus de la réforme
budgétaire
Présidé par le ministre du budget et des comptes publics, avec pour 1er vice-président
le directeur général du budget et pour 2nd vice-président le directeur général des services du
Trésor, le COV se réunissait périodiquement sur proposition de l’équipe projet BOP en
prévision de la bascule du 1er janvier 2015.
Les travaux réalisés pour sa mise en œuvre étaient structurés à travers ces six chantiers
à la fois distincts et en étroite interaction. La démarche reposait à la fois sur une nouvelle
gouvernance de l’action publique dans le cadre d’une architecture budgétaire transformée et un
ensemble de dispositifs de gestion rénovés, le tout s’appuyant sur un système d’information
budgétaire modernisé.
Ce comité était également chargé d’une part, de valider les résultats de la mise en œuvre
de ces chantiers ainsi que le passage d’une phase à une autre et d’autre part, de rendre compte
au gouvernement des résultats obtenus ainsi que des ajustements éventuellement décidés.
179
D’abord par le décret n°1229/PR/MBCPFPRE du 13 octobre 2011 portant réorganisation de la direction générale du budget
ensuite par le décret n° 327/PR/MBCPFP du 28 février 2013 portant attribution et organisation du ministère du budget, des
comptes publics et de la fonction publique
89
L’équipe projet BOP (en charge du pilotage de la BOP) 180
Les membres de cette équipe ont été les « aiguillons » de la réforme budgétaire. Ils étaient
accompagnés entre autres par des experts du FMI-Afritac Centre. L’équipe était constituée
d’une vingtaine de chargés d’études du ministère du budget, des comptes publics et de la
fonction publique, du directeur général du budget, coordonnateur de l’équipe et du directeur
général adjoint du budget, coordonnateur adjoint.
Sa mission a été d’accompagner les RPROG, les points focaux des RPROG et plus
largement les équipes de programme tout au long de ce processus inédit et exigeant qui
comprenait d’abord l’élaboration des projets annuels de performance (PAP) remis au Parlement
en annexe de la loi de finances puis la mise en œuvre des objectifs des PAP par les différentes
entités administratives.
Ses membres étaient formés, coachés et appuyés dans leur action par les consultants
d’IDRH, partie intégrante de l’équipe projet. « Les membres de l’équipe projet mettent aux
mains des équipes de programme la méthodologie et les outils de la BOP mais leur valeur
ajoutée ne s’arrête pas là » prévenait le directeur général adjoint du budget. En effet, ils
coproduisaient sur la démarche avec les équipes de programme (surtout en début du processus),
ils relisaient les productions des équipes de programme et proposaient des améliorations.
Créé par l’arrêté n° 1911/PM du 26 juillet 2011 et placé sous l’autorité conjointe des
ministres chargés de l’économie et du budget, le comité de cadrage macroéconomique et
budgétaire avait pour mission de coordonner et de suivre les phases de mise en œuvre du
cadrage éponyme. Il comprenait une coordination et une cellule cadre des dépenses à moyen
terme.
La coordination du comité était chargée de valider le travail de la cellule cadre puis de
présenter ce travail aux ministres du budget et de l’économie pour approbation et présentation
au gouvernement.
La cellule cadre des dépenses à moyen terme, organe technique du comité, était chargée
d’élaborer chaque année un projet de feuille de route détaillant les différentes phases de la mise
en œuvre du cadrage et de mettre en œuvre cette feuille de route après sa validation par la
coordination du comité.
Au sein de chaque ministère, il avait aussi été mis en place des comités ministériels de
suivi et de pilotage de la réforme budgétaire.
Chaque comité était présidé par le secrétaire général des ministères ; le DCAF en était
le secrétaire technique et le DCRH le secrétaire technique adjoint ; les RPROG et les directeurs
180L’équipe projet BOP a été créé par arrêté n° 000256/MBCPFP du 03 août 2011 et modifié par l’arrêté n° 00286/MBCPFP
du 12 juin 2012. Avait été aussi adopté l’arrêté n°488/PM du 12 juillet 2010 portant création, attributions et composition du
comité de pilotage chargé de la mise en œuvre de la budgétisation par objectifs de programmes.
90
généraux n’ayant pas le statut de RPROG du ministère en étaient aussi membres. Le DCAF
était chargé de préparer l’ordre du jour des séances du Comité, en coordination avec les
RPROG du ministère ; il établissait également les relevés de conclusion de ces séances.
Ces comités avaient pour vocation d’organiser et programmer les travaux de la réforme
budgétaire ; d’impulser, animer et soutenir l’action des acteurs impliqués dans la réforme ; de
suivre et évaluer l’avancement des travaux de réforme et de piloter la bonne mise en œuvre de
la réforme au sein du département ministériel.
Le calendrier et les ordres du jour des différentes séances de travail des comités ont été
programmés de sorte à permettre l’entrée en vigueur dès 2015 de la LOLFEB. Chaque séance
du comité s’est tenue pour préparer chaque temps fort du cycle de préparation et d’exécution
de la loi de finances. Ces séances ont été organisées de la manière suivante :
Séance 1 : avant les conférences d’économies structurelles, soit dans la 2ème quinzaine de
janvier
91
Séance 2 : avant les conférences de performance, soit dans la 1ère quinzaine d’avril
− Organisation générale du travail pour élaborer les PAP n+1 sur la période avril-
septembre, en tirant les enseignements de l’élaboration des PAP pour l’année
en cours ; définition des modalités de suivi, de coordination et de validation des
travaux qui seront conduits par les équipes de programme.
Séance 3 : avant les conférences de budgétisation, soit dans la 2ème quinzaine de mai
Séance 4 : après la communication des lettres plafonds mais avant les conférences de répartition
de crédits, soit vers la mi-juillet
92
− Bilan-évaluation des travaux et de la qualité du suivi-pilotage réalisés sous
l’égide du Comité durant la période précédente ;
Séance 5 : avant le lancement des travaux d’opérationnalisation des PAP de l’année n+1, soit
dans la seconde quinzaine de septembre
− Organisation des travaux pour la mise en place des délégations de gestion des
crédits pour l’année n+1.
Séance 6 : spécifiquement en 2014, séance dans la 1ère quinzaine de décembre pour vérifier
que le département était prêt à basculer en mode BOP au 1er janvier 2015
La réforme budgétaire gabonaise a fait l’objet d’un long processus dont les principales étapes
peuvent chronologiquement être résumées de manière suivante :
2008 : Adoption de la première génération des directives CEMAC sur le cadre harmonisé
des finances publiques
2010 : Promulgation de la loi organique n°31/2010 du 21 octobre 2010 relative aux lois de
finances et à l’exécution du budget
2011 : Adoption du nouveau cadre harmonisé des finances publiques par la CEMAC
2012 : Mise en place du projet budgétisation par objectifs de programme et du comité de
validation des travaux sur la réforme budgétaire et comptable
93
2013 : Travaux sur la transposition des directives sur le nouveau cadre harmonisé des
finances publiques
2015 : Promulgation de la nouvelle loi organique n°020/2014 du 21 mai 2015 relative aux
lois de finances et à l’exécution du budget (LOLFEB).
Promulgation de la loi n°021/2014 du 30 janvier 2015 relative à la transparence et à la bonne
gouvernance dans la gestion des finances publiques.
1erjanvier 2015 entrée en vigueur de la nouvelle LOLFEB
A la question de savoir quelles étaient les raisons qui ont amené le gouvernement à engager la
réforme budgétaire, et quels bénéfices l’Etat gabonais pouvait en attendre, le directeur général
du budget (DGB) de l’époque justifiait l’urgence de cette dernière par l’existence des faiblesses
du système de gestion des finances publiques gabonaises.
Avec la réforme budgétaire, le Gabon s’est engagé dans un vaste processus d’apurement de ses
finances publiques. L’adoption de la LOLFEB a marqué un tournant significatif pour le
système financier gabonais et à bien des égards nous pouvons la considérer comme la nouvelle
« constitution financière » du Gabon à l’instar de la LOLF française 182.
La LOLFEB est porteuse de la même approche novatrice initiée par la LOLF à savoir le
perfectionnement ou la modernisation des modes de gestion publique et le renforcement voire
la rénovation des pouvoirs budgétaires et financiers du Parlement. Son adoption a démontré la
181
Réponse de Yves FERNAND MAMFOUMBI, ancien directeur général du budget, brochure de la BOP, p. 32.
182
La LOLF a été adoptée le 1 août 2001 mais n’est entrée en vigueur qu’en 2006 c’est-à-dire que le premier budget voté en
mode LOLF date du 1 janvier 2006.
94
volonté des autorités à se doter de mécanismes de gestion financière publique efficaces, adaptés
aux Etats modernes et qui répondent aux nombreux défis économiques, sociaux, institutionnels.
Pour autant, comme l’a relevé Damien Catteau, la mise en œuvre de la réforme en France a fait
l’objet d’une démarche ambitieuse. Contrairement à certains pays européens qui ont piloté leurs
réformes par étapes successives, la France : « (…) A opté pour une réforme d’ensemble
marquée notamment par un changement des modes de budgétisation, l’introduction d’une
démarche de performance applicable à l’ensemble des services, une rénovation des règles de
comptabilité publiques ou encore une modernisation profonde des modes de gestion » 183. Le
Gabon, à l’instar de son homologue, a procédé à la même réforme d’ensemble et a dû se
confronter aux défis qu’implique l’ambition d’un tel projet et surmonter nombres de difficultés
techniques inhérentes à sa réalisation.
Dès l’année 2002, l’Etat s’est employé à moderniser le système de gestion de la dépense
publique et ce sont la DGB et le Commissariat général au plan et au développement qui étaient
chargés d’améliorer la logique de présentation des dépenses du budget de l’Etat pour la
rapprocher des standards internationaux en la matière. Ce travail sur la « nomenclature
budgétaire » portait sur la classification économique, administrative et fonctionnelle de la
dépense.
Au premier trimestre 2008 et alors que les premières directives communautaires étaient en
préparation dans ce domaine, le Gabon décide de s’engager pleinement dans la dynamique de
réforme et lance le projet de mise en œuvre de la budgétisation par objectifs de programme.
Un comité de pilotage de la réforme impliquant les plus hauts responsables des administrations
financières et sectorielles ainsi qu’une équipe projet furent aussitôt mis en place.
Une première feuille de route de la démarche est élaborée en avril 2008 et prévoyait l’entrée
du système BOP pour le 1er janvier 2016. Quelques mois plus tard, l’échéance était ramenée
au 1er janvier 2013. Puis était élaboré un projet de loi organique relative aux lois de finances et
à l’exécution du budget afin de poser le cadre d’ensemble de la réforme.
Dans l’optique des directives communautaires de 2008, le Gabon a initié dans le même temps
son projet de BOP ainsi que son projet de loi organique malgré l’abrogation des directives. La
réforme budgétaire gabonaise découle bien de l’adoption de la loi organique de 2010 qui est la
transposition au niveau national de la DLF de 2008. Cette loi organique sera par la suite
modifiée et abrogée par la nouvelle loi organique de 2015 pour prendre en compte les
innovations des nouvelles directives communautaires de 2011.
Au premier trimestre 2010, il y eut une accélération du calendrier du projet BOP ; l’échéance
pour la mise en place de la réforme fut cette fois fixée au 1er janvier 2011. La LOLFEB fut
votée par le Parlement puis promulguée le 21 octobre 2010. En parallèle, les équipes du
ministère du budget mirent en place les composantes opérationnelles du nouveau système,
183
Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit
financier rénové, op.cit., p. 7.
95
comme en témoigne la rédaction du décret relatif aux responsabilités des ordonnateurs et des
comptables 184.
Cependant, il parut évident que les préalables à la bascule du budget en mode BOP ne pouvaient
être réunis correctement en quelques mois. De plus, des difficultés apparentes telles que la
complexité technique des composantes de base de la réforme, l’obligation de faire évoluer en
profondeur les systèmes d’information budgétaire et comptable ainsi que la comptabilité de
l’Etat et les contrôles budgétaires, l’importance de l’évolution culturelle attendue des
responsables et des équipes de travail dans les ministères mais surtout l’adoption des nouvelles
directives communautaires freinèrent la réforme.
Dès lors, le Gabon choisit de réaménager globalement la démarche BOP pour sécuriser la
réussite de la réforme. L’échéance pour la bascule en mode BOP fut fixée au 1er janvier 2015.
Les différents chantiers de la réforme furent redéfinis, organisés et mis en œuvre.
La démarche de la performance dans les administrations fut expérimentée entre 2011 et 2012
sur quelques programmes avant d’être généralisée à toutes les administrations dans le cadre de
la préparation du budget 2014 « à blanc ». Ainsi, furent mis en place un pilotage resserré de la
démarche autour du ministre du budget et de la direction générale du budget, davantage de
communication et la conduite du changement avec les principaux acteurs des administrations
sectorielles mais aussi financières.
Les textes juridiques ainsi que les outils de la réforme budgétaire virent progressivement le
jour, notamment la production du guide méthodologique et outils de la démarche performance
dans les ministères, le développement d’un nouveau système d’information budgétaire
comptable, la rédaction du décret organisant les nouvelles fonctions managériales dans le cadre
de la BOP, la rédaction du projet de décret précisant le nouveau calendrier et les nouvelles
modalités de préparation de la loi de finances en mode BOP et l’élaboration d’un nouveau
projet de loi organique relative aux lois de finances a été élaboré pour prendre en compte les
évolutions des dernières directives CEMAC.
184 Décret n 653/PR/MBCPFPRE du 13 avril 2011 relatif au régime de responsabilité des ordonnateurs et des comptables
publics.
96
caractéristiques et du coût des ressources humaines de leur programme afin de pouvoir
ensuite tirer le meilleur parti de ces ressources.
5ème chantier/ Réformes des contrôles : en mettant en place un contrôleur budgétaire dans
chaque ministère, l’Etat a rapproché la fonction de contrôle des RPROG, RBOP et RUO
ordonnateurs délégués des crédits. Au-delà, c’est toute une réflexion qui a été conduite dans
la perspective d’une évolution progressive de la nature et des modalités du contrôle :
simplification et limitation des contrôles a priori, introduction du contrôle de soutenabilité
budgétaire des programmes et des BOP, définition et mise en place d’une stratégie de
développement du contrôle interne dans les administrations, développement des contrôles a
posteriori…
98
B. L’instauration de la pluri-annualité budgétaire dans la gestion publique
Les acteurs de la réforme ont adopté différents mécanismes en vue de rendre efficace la gestion
du budget. Ainsi, a-t-il été institué un cadrage macroéconomique et budgétaire pour prendre en
compte les incidences des choix budgétaires annuels sur un horizon pluriannuel c’est-à-dire à
court ou moyen terme.
Ce cadrage s’est traduit par l’adoption de nouveaux outils de programmation budgétaire qui
constituent les documents initiant la procédure budgétaire annuelle puisqu’ils sont le point de
départ de l’exercice de formulation de la loi de finances de l’année qui doit leur être conforme
(1).
L’instauration de la pluri-annualité budgétaire dans la gestion publique gabonaise est aussi une
réponse adaptée à la problématique de l’articulation entre les stratégies nationales et
sectorielles de développement, le budget et la mise en œuvre effective de ces stratégies (2).
Le gouvernement s’est employé à changer son approche de la gestion budgétaire pour l’orienter
vers les résultats et la recherche de l’efficacité. Pour cela, il n’était plus question pour ce dernier
de se demander « comment satisfaire les demandes de moyens exprimées par les
administrations (et les opérateurs) » mais plutôt « comment assurer la convergence entre les
besoins et ambitions des administrations et les capacités du budget et les priorités de l’Etat ».
La réponse du gouvernement à cette problématique s’est manifestée par l’instauration d’un
cadrage macroéconomique et budgétaire qui s’est caractérisé par l’adoption de nouveaux outils
de programmation budgétaire.
L’article 1er de la LOLFEB dispose à cet effet : « La présente loi organique fixe les règles
relatives à la politique budgétaire et aux principes budgétaires et fiscaux (…) ». Cet article
définit l’objet premier de la loi organique en consacrant la notion de politique budgétaire. La
loi organique met en place des mécanismes pour une prise en compte pluriannuelle de
l’incidence des choix budgétaires annuels.
Par cette obligation, l’Etat s’engage à garantir la soutenabilité de l’ensemble de ses finances
publiques en plus d’introduire de nouveaux outils en vue d’améliorer la prévision de l’évolution
99
des finances publiques sur le moyen terme et de renforcer la transparence. Ces derniers sont à
l’origine de la réorganisation du calendrier budgétaire 185 .
C’est sur la base du CBMT que sont construites les hypothèses d’enveloppes des ministères
puisqu’il sert de cadrage opérationnel pour la préparation du CDMT. Ce dernier n’est pas un
nouvel instrument de cadrage à moyen terme en tant que tel puisque l’introduction du CDMT
global en zone CEMAC remonte au début des années 2000 187 concomitamment à l’application
de l’initiative pour les pays pauvres très endettés pour les Etats concernés de la sous-région et
à l’élaboration des Documents de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) ; ce qui
fait que la grande majorité des Etats membres disposent de documents de cadrage à moyen
terme bien avant leur consécration par la DLF.
Sur la base du cadrage global, le CDMT est l’ensemble cohérent d’objectifs stratégiques et de
programmes de dépenses publiques qui définit le cadre dans lequel les institutions et/ou les
ministères sectoriels prennent des décisions pour la répartition et l’emploi de leurs ressources
sur un horizon pluriannuel. En d’autres termes, il répartit l’enveloppe globale de dépenses entre
les différents ministères et institutions constitutionnelles chargés de mettre en œuvre les
politiques publiques.
Les politiques publiques doivent s’inscrire dans un cadre de planification national cohérent
pour garder toute leur efficacité par rapport aux objectifs de développement fixés par les Etats.
En sus de ces documents de planification, les nouveaux instruments de programmation que
sont le CBMT global, le CDMT ministériel ou sectoriel, les PAP et les RAP vont se développer
185 Décret n°78/PR/MEP/MBCP DU 4 mars 2014 fixant le calendrier et les modalités de préparation des lois de finances.
186Article 5 LOLFEB.
187 Elle remonte plus précisément à 1998 pour le Gabon
100
pour faciliter la mise en œuvre des stratégies à moyen terme et s’inscrire dans la démarche de
performance d’une gestion axée sur les résultats.
Ainsi, les documents de cadrage à moyen terme sont-ils des outils qui permettent d’améliorer
et de formaliser le lien entre le budget et les plans et stratégies de développement. L’articulation
au niveau global entre le cadre stratégique national de référence et le budget, par l’intermédiaire
du CBMT et du CDMT, devrait s’établir par la prise en compte des contraintes financières à
moyen terme identifiées dans le CBMT ; le respect de la hiérarchisation des actions telles que
définies dans le PAP du DSRP ; la détermination de l’ensemble des dépenses des
administrations publiques par le CBMT et sa décomposition par grandes catégories de dépenses
publiques par les CDMT.
L’introduction du CBMT et du CDMT devrait permettre de renforcer davantage les liens entre
les stratégies et les documents budgétaires. Le recours à cette classification administrative des
dépenses permet d’établir un lien opérationnel avec les plafonds de dépenses budgétaires inclus
dans la lettre de cadrage.
Le CBMT est le document qui initie la procédure budgétaire annuelle, puisqu’il est le point de
départ de l’exercice de formulation de la loi de finances de l’année qui doit lui être conforme.
En ce sens, son élaboration sur la base des hypothèses du cadrage macroéconomique constitue
la phase initiale de la procédure budgétaire pour l’année n+1. L’objectif est de présenter et de
corréler les perspectives d’évolution macro-économiques et de recettes aux projections de
dépenses.
Les informations du CBMT initial, une fois élaborées, permettent aux autorités de procéder
aux allocations interministérielles (enveloppes) et de les notifier aux ministères. Ces derniers
procèdent alors aux allocations intra ministérielles au sein des projets de CDMT qui sont
communiqués pour la tenue des conférences budgétaires.
Les projets de CDMT constituent les demandes budgétaires des ministères et peuvent
comporter des écarts avec les enveloppes notifiées par la lettre de cadrage. Il appartient aux
conférences budgétaires de faire émerger des compromis entre les ministères sectoriels et les
ministères de l’économie et du budget. En cas de désaccord, le différend est tranché au cours
de la phase d’arbitrage par le premier ministre.
Les documents de cadrage à moyen terme doivent en outre être rendus publics et joints à la
documentation budgétaire pour renforcer l’information du Parlement. En effet, l’article 6 de la
101
LOLFEB institutionnalise le débat d’orientation budgétaire (DOB)- lequel ne donne néanmoins
pas lieu à un vote. Les contenus du CBMT et du CDMT doivent être présentés au Parlement
pour le DOB avant le dépôt de la loi de finances annuelle. Le passage devant le Parlement vise
à conforter la portée de ce cadrage en lui apportant l’appui implicite de la représentation
nationale puisqu’il donne lieu à l’établissement des documents définitifs de cadrage budgétaire
à moyen terme.
Le DOB sert donc à la fois de guide stratégique et pratique pour la préparation du budget en
vue de son alignement sur les priorités du gouvernement conformément au PSGE.
Si l’annualité reste le cadre d’exécution des recettes et des dépenses de l’État, la prévision
pluriannuelle permet de prendre en compte ou d’anticiper l’impact des décisions publiques sur
les exercices ultérieurs, d’avoir une meilleure prévision des coûts sur l’avenir et de mieux
guider ou rendre efficace l’action de l’Etat.
L’un des avantages est un pilotage plus efficace des finances publiques sachant que le Gabon
a pris des engagements de maitrise de ses dépenses dans le cadre de la CEMAC. En effet, cet
outil permet de mieux inscrire la mise en œuvre des politiques publiques dans la durée, une
meilleure visibilité de l’administration sur les moyens dont elle pourra disposer et une plus
forte crédibilité de la politique budgétaire vis-à-vis des partenaires internationaux et des
bailleurs de fond.
Dès lors que l’horizon du cadrage budgétaire retenu par le gouvernement est pluriannuel, la
qualité des statistiques mobilisées pour la prévision devient déterminante. Un expert observait
à cet effet que « la fiabilité du cadrage pluriannuel dépend de la qualité des informations
fournies par les diverses administrations économiques et financières. Des statistiques biaisées
peuvent par exemple générer une projection erronée des recettes budgétaires et, par conséquent,
conduire le moment venu à l’impossibilité de financer certains projets ».
L’autre point majeur est la qualité du cadrage budgétaire pluriannuel. Les outils clés de la
programmation triennale des finances publiques mis en place au Gabon étant le CBMT et les
CDMT, il faudra donc veiller à ce que ces derniers soient alimentés et actualisés annuellement
102
non pas avec des demandes de crédits inflationnistes des administrations mais d’une part, avec
les dépenses inéluctables du fait d’engagements juridiques déjà pris par l’Etat (impératif de
soutenabilité budgétaire) et d’autre part, avec des dépenses dûment justifiées.
103
CONCLUSION
Le budget de l’Etat est soumis à un encadrement rigoureux qui exige des pouvoirs publics et
de l’administration une parfaite connaissance et une observation stricte des règles applicables
en la matière. Cependant, les difficultés des autorités publiques dans la praticité du droit
budgétaire et celui de la comptabilité publique à rendu inéluctable la mise en œuvre de réformes
visant dans un premier temps à pallier aux carences du système budgétaire, et dans un second
temps à s’inscrire dans le mouvement international de modernisation de la gestion publique.
104
Chapitre 2. L’exigence nouvelle de performance du système de gestion des finances
publiques gabonaises.
Messieurs André Barilari et Michel Bouvier affirmaient à propos de la LOLF française qu’elle
a : « Introduit un nouveau mécanisme budgétaire et une culture de performance en ce sens
qu’elle a eu pour objet de s’ancrer dans les procédures et le fonctionnement des
administrations » 189. Nous faisons notre cette affirmation à propos de la LOLFEB gabonaise.
Comme le texte législatif français, celui du Gabon, en plus de réformer les règles qui encadrent
le budget, introduit un nouveau mode de gestion publique. A travers la restructuration
budgétaire, le gouvernement gabonais, comme la plupart des pays engagés sur cette voie avant
lui, s’emploie à changer sa logique de gestion budgétaire et à réformer le cadre de son budget
pour l’orienter vers les résultats et la recherche d’efficacité (Section 1).
La réforme budgétaire a consacré la budgétisation par programmes orientée par les résultats
comme nouvelle modalité de préparation et d'exécution du budget et comme nouveau mode de
gestion des finances publiques (sous-section 1).
Cette réforme engage l’Etat à répondre non seulement aux besoins des administrations en
termes de crédits en leur donnant les moyens de fonctionner mais aussi à compléter la logique
de moyens à une culture de résultats, en plaçant la recherche de la performance au centre de la
gestion publique. Cette démarche doit être adoptée par l’ensemble de l’administration tant au
niveau central que déconcentré (sous-section 2).
Le passage d’une nomenclature administrative articulée autour des moyens des services
administratifs (budget de moyens) à une présentation suivant l’axe par destination des crédits
budgétaires a constitué l’objet central de la réforme (A).
189 A. Barilari et M. Bouvier, La LOLF et la nouvelle gouvernance financière de l’Etat, op.cit., p. 69.
105
A. La nouvelle nomenclature budgétaire suivant l’axe par destination des crédits
budgétaires
La nouvelle architecture du budget se caractérise par une présentation des crédits budgétaires
par segmentation des politiques publiques, il s’agit précisément d’une déclinaison des objectifs
des politiques publiques déterminées par l’Etat. Elle s’effectue dorénavant suivant un axe par
destination des crédits budgétaires et se décline suivant trois (3) niveaux : la mission, le
programme et l’action (1).
Cependant, malgré la nouvelle déclinaison par destination des crédits budgétaires, le budget de
l’Etat conserve toujours une présentation des crédits par nature. L’axe par nature permettant de
faciliter la lisibilité et la traçabilité des crédits, la LOLFEB ne substitue donc pas la logique de
moyens de la gestion publique par une logique de résultat mais elle complète plutôt la logique
de consommation des crédits avec une logique de performance axée sur les résultats (2).
La LOLFEB institue la budgétisation orientée par les résultats comme nouvelle donne de
l’organisation budgétaire de l’Etat ayant pour but de garantir l’efficacité de la dépense
publique. Ce système de budgétisation semblait avoir été retenu par les autorités
gouvernementales afin de garantir l'efficacité et un meilleur suivi de l'allocation des ressources
financières destinées aux programmes de développement au Gabon.
Dorénavant et comme le rappelait le ministre du budget et des comptes publics : « Le but visé
à travers la mise en place effective de la budgétisation par objectif de programme était de
réaliser au mieux (nos) différents programmes de politique publique, d’être plus efficace et,
évidemment d’avoir beaucoup plus de ressources dans l’objectif principal d’atteindre la
satisfaction des besoins de nos concitoyens (…) A travers la BOP, le gouvernement espérait
parvenir à l’amélioration de la transparence dans la gestion des finances et l’action
publique ».
En d’autres termes, il s'agissait pour le gouvernement d'allouer les crédits en fonction du coût
des politiques publiques, dans ce cas : « L’affectation des ressources se fait par le biais de la
procédure de justification au premier (franc), technique de justification des crédits basée sur
l’analyse des coûts. Les objectifs et les indicateurs ne sont déterminés qu’a posteriori. Ainsi,
la budgétisation est essentiellement orientée sur les moyens ou encore intrants (inputs) et la
procédure d’affectation des crédits sera (…) axée sur la recherche d’« économies
106
structurelles » et de « gain de productivité ». De plus, les données sur la performance serviront
également à aiguiller les décisions prises dans l’affectation des crédits (…) » 190.
De ce point de vue, la spécificité de la budgétisation orientée par les résultats reposant sur le
dispositif de la liaison des résultats et de l’affectation des crédits est évidente et est parfaitement
illustré par Sylvie Trosa : « Un atout : une budgétisation informée par les résultats mais non
déduite de ces derniers » 191. Avec la nouvelle loi organique, le budget est pensé en termes de
finalités puisqu’il est dorénavant assigné à la dépense publique des objectifs à atteindre. M.
Dubois du cabinet IDRH, qui a assisté les acteurs de la réforme budgétaire gabonaise dans la
mise en œuvre de la BOP, indiquait : « Dorénavant les crédits seront alloués en fonction des
grandes politiques publiques, avec des objectifs précis à atteindre, et dont les responsables
auront à rendre compte au parlement et à la société gabonaise ».
La nouvelle nomenclature budgétaire a été finalisée par l’équipe projet BOP à la fin de l’année
2013. Il s’agissait d’un chantier crucial pour le nouveau système de budgétisation c’est-à-dire
d’être en mesure de présenter les ressources et les charges de l’Etat de façon logique, cohérente
et claire afin de faciliter la préparation, l’exécution et le contrôle du budget ; se donner les
moyens d’améliorer le reporting sur les opérations budgétaires en cours d’exercice et faciliter
la prise de décisions par les autorités.
Cette nouvelle architecture, axée par destination et construite autour de trois niveaux 192
correspondant aux différents niveaux de présentation des crédits, a pour objectif
l’harmonisation de la classification des opérations budgétaires de l’Etat. Chaque niveau a une
finalité bien précise au sein du système de budgétisation par programmes.
190 Damien CATTEAU, la LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public
financier rénové, op. cit., p. 46
191 Sylvie TROSA, Le guide de la gestion par programme. Vers une culture du résultat, op. cit., p. 70.
192
Cette présentation budgétaire s’éloigne de celle de la DLF de la CEMAC qui préconisait d’une nomenclature à deux
niveaux.
107
alloués à la mise en œuvre des politiques publiques concourant à l’action publique dans les
champs concernés et à améliorer la lisibilité des choix budgétaires.
Les missions sont non seulement l’unité de vote des crédits budgétaires à la lecture de l’article
25 alinéa 3 de la LOLFEB qui dispose que : « La discussion des crédits du budget général
donne lieu à un vote par mission » mais elles constituent aussi les charges budgétaires sur
lesquelles s’exercent le pouvoir d’amendement du Parlement, comme le prévoit l’article 23 de
la LOLFEB : « Les membres du Parlement ont le droit d’amendement (…) à ce titre ils ne
peuvent augmenter des crédits d’une mission sans dégagement des financements
correspondants » et « Seule une disposition de loi de finances peut créer une mission, un
programme ou une dotation » 193.
Les missions dont les crédits sont présentés de façon globale peuvent voir leur nombre varier ;
on en comptait 29 dans la loi de finances initiale de 2015 194 et 32 dans le projet de loi de 2016.
En outre, elles ont une vocation ministérielle ou interministérielle 195 ; ce qui conforte la logique
d’une utilisation des crédits non plus exclusivement centrée sur les ministères. En pratique, il
existe trois types de missions : la mission « ministérielle », la mission « interministérielle »
et la mission « intra ministérielle ».
Dans l’esprit de la directive, les programmes relevant d’un seul ministère s’inscrivent dans le
cadre d’un document de stratégie ministérielle qui a vocation à les mettre en cohérence pour la
mise en œuvre d’une politique publique. Cette dernière est aussi le concept essentiel qui permet
de formuler le programme. Elle structure un ensemble d’actions conduites par les institutions
et les administrations publiques ou par le biais de financements publics afin de faire évoluer
une situation donnée. Elle poursuit ainsi un but précis, un objectif qui constitue sa véritable
justification. Dans cette approche, la détermination de l’objectif reste le préalable à la définition
du programme.
nombre de missions interministérielles mission Sécurité partagée entre le ministère de la défense et le ministère de l’intérieur,
mission Gestion des Finances publiques et des Ressources humaines, qui est partagée entre le ministère du budget et le
ministère de l’économie.
108
Ainsi, le programme est-il la nouvelle méthode de présentation et la nouvelle unité de vote des
crédits : « La discussion des crédits du budget général donne lieu à un vote par programme.
Les votes portent, le cas échéant, à la fois sur les autorisations d’engagement et sur les crédits
de paiement. Les plafonds d’autorisation des emplois donnent lieu à un vote par ministère » 196
et constitue l’enveloppe de spécialisation des crédits : « Les crédits sont spécialisés par
programme ou par dotation » 197.
Au sein du programme, les crédits sont notamment repartis par titre en fonction de la nature
économique des dépenses : « Les crédits de chaque programme ou dotation, tels que définis
respectivement aux articles 17 et 18 de la présente directive, sont répartis, en fonction de la
nature économique des dépenses, entre les six titres définis ci-dessus » 198. Cette déclinaison,
autour des programmes et actions avec une vocation strictement ministérielle, nous semble plus
compréhensible, plus simple à mettre en œuvre et plus en phase avec l’objectif recherché de
performance de l’action publique de l’Etat. Il revient donc à un ministère donné de mettre en
œuvre une politique publique à partir de la réalisation effective du programme y relatif.
Ministère : Ecologie
Action n°2…
Total
A notre sens, les acteurs de la réforme gabonaise auraient dû faire le choix d’adopter la
nomenclature budgétaire retenu par le législateur communautaire. Nous percevons l’adoption
par le Gabon d’une structuration autour de la mission comme une source supplémentaire de
difficultés surtout lorsque nous savons les circonstances de l’adoption de la notion de mission
109
et les difficultés d’ordre conceptuel et pratique qu’elle a posé aux acteurs de la réforme
française au moment de son élaboration.
A l’origine, la mission ne figurait même pas dans la proposition initiale de la LOLF puisqu’elle
ne comportait que des crédits repartis en programme. Ce niveau a été ajouté à posteriori afin
de permettre l’extension du droit d’amendement des parlementaires. Or, dans le cas du Gabon
l’introduction de ce niveau ne semblait pas nécessaire au regard des nouveaux dispositifs
qu’offre la LOLFEB en vue d’accroitre les pouvoirs des parlementaires tant au niveau de
l’élaboration que de l’exécution surtout lorsque le Parlement peut créer une mission, un
programme ou une dotation. Par ailleurs Damien Catteau soulignait l’importance moindre de
la mission qui a en quelque sorte été mise de côté lors des travaux de mise en œuvre de la
nouvelle architecture et cela a expliqué les difficultés rencontrées par le gouvernement pour
l’élaboration des missions et des programmes : « Le MINEFI, attaché à la lettre de la LOLF,
a une conception restrictive des missions. La mission apparaissait comme une notion afférente
à la procédure d’adoption de la loi de finances, n’ayant de portée que dans le débat
parlementaire. Elle n’apparaissait pas en conséquence comme un support opérationnel pour
le pilotage et la mise en œuvre de politiques interministérielles. De plus, la méthode même
d’élaboration des missions et programmes semblait confirmer l’importance moindre des
missions dans le système de performance. En effet selon les consignes du ministère des
finances, « la réflexion sur ce second niveau de structuration du budget (le regroupement en
mission) devait être engagée une fois avancée celle relative au découpage des budgets en
programmes » 200 .
Ainsi, les possibles difficultés que peuvent poser la définition du support des politiques
publiques ou encore le périmètre des missions et des programmes tendent à se réduire si le
gouvernement fait le choix d’une déclinaison autour des programmes et des actions avec un
ministère désigné comme le dispose le législateur communautaire. Dès lors, il s’éviterait des
complications inutiles pouvant résulter de la complexité du système de l’inter ministérialité
dans la mise en œuvre des politiques publiques. Ce système peut rendre opaque l’action du
199 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public
110
gouvernement car il suppose la multiplication des procédures et des outils dans le traitement
des politiques transversales.
Le second niveau de présentation des crédits est le programme ou la dotation défini par l’article
37 alinéa 4 de la LOLFEB : « Un programme ou une dotation regroupe les crédits destinés à
mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère,
d’une même institution ou d’une même autorité administrative indépendante et auquel sont
associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général ainsi que de
résultats attendus. Les objectifs de chaque programme sont assortis d’indicateurs de
résultats ».
A la différence des missions qui peuvent être interministérielles, les programmes ou dotations
sont obligatoirement rattachés à un seul ministère, à une seule institution ou à une seule AAI.
Ils constituent la nouvelle unité de spécialisation des crédits budgétaires comme le dispose
l’article 40 de la LOLFEB : « Les crédits sont spécialisés par programme ou dotation ». Ils
sont par conséquent spécialisés selon leur destination et représentent une enveloppe limitative
des crédits à disposition des ministres.
A travers ses dispositions, la loi organique définit la notion de programme. Ainsi, il s’agit d’un
regroupement de crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent
d’actions qui relèvent d’un même ministère. La création ou la suppression d’un programme est
de la compétence exclusive du Parlement, au travers d’une disposition d’une loi de finances.
Enfin, le programme est défini en fonction de finalités d’intérêt général et selon une approche
permettant la mesure de la performance de la politique publique conduite : les objectifs de
chaque programme sont assortis d’indicateurs d’activités et de résultats.
Cependant, la loi organique prévoit l’existence de deux missions spécifiques dont les crédits
sont regroupés par dotations et non par programmes : « La première concerne les dotations des
institutions constitutionnelles et la seconde recouvre les dotations pour dépenses accidentelles
et risques de mise en jeu des garanties et avals donnés par l’Etat » 201. Ces dotations constituent
une catégorie à part de dépense. La particularité de ces missions tient au fait qu’aucun objectif
ni indicateur de résultats ne leur est fixé.
201 Article 39 de la LOLFEB. L’article 38 de la LOLFEB explicite ces dotations dont les crédits couvrent les dépenses des
institutions constitutionnelles avec une dotation spécifique à chacune d’entre elles ; les dépenses accidentelles destinées à faire
face à des besoins ur gents et imprévisibles ; les risques de mise en jeu de garanties et avals donnés par l’Etat.
111
à atteindre, élaborer des objectifs précisant les résultats à atteindre et énoncer des résultats
vérifiables voire mesurables via des indicateurs d’évaluation 202 .
Le programme est donc le niveau où sont déterminés les objectifs stratégiques des politiques
publiques : « Les programmes d’une même mission s’inscrivent dans le cadre d’un document
de stratégie cohérent avec les documents de cadrage moyen » 203 ainsi que les indicateurs
permettant de mesurer la performance au regard des résultats à atteindre. Il contient les actions
qui seront mises en œuvre pour concourir à la réalisation de ces objectifs stratégiques et c’est
en leur sein que sont déterminés les responsabilités et les choix de gestion.
Le responsable d’un programme est nommé par le ministre en charge du secteur dont le
programme relève et c’est sous l’autorité de ce dernier qu’il a en charge la détermination des
objectifs spécifiques permettant de mettre en œuvre le programme et ses PAP et RAP. A cet
égard, il a la faculté de modifier la répartition des crédits entre les différents titres au sein du
programme. Il est également responsable du dispositif de contrôle interne en sa qualité de chef
de service administratif et du contrôle de gestion ; mais il n’est pas automatiquement
ordonnateur délégué des crédits de son programme, l’acte de nomination devant le préciser.
Nous devons également signaler qu’à l’instar des missions spécifiques définis par la LOLFEB
et regroupant les crédits par dotation, il existe des types de programmes auxquels sont affectés
les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs des politiques publiques ; il s’agit de
202 Il avait notamment été prévu un projet de mise en place de mécanisme de suivi-évaluation des projets /programmes publics.
Il était censé être une solution idoine aux orientations stratégiques et les priorités figurant dans le PSGE. Le système de suivi-
évaluation devait donner une meilleure visibilité sur le volume et l’efficacité des ressources financières par le biais du
contrôle de ces ressources, des activités et des résultats qui devraient découler des projets et programmes de ce plan
afin de permettre aux instances d’orientation et de décision de disposer de bases fiables. L’objectif de ce projet était
de donner aux autorités gouvernementales, une lisibilité sur l’efficacité de l’utilisation des ressources financières
consacrées par l’Etat en faveur du développement national d’une part et l’amélioration de la performance publique
d’autre part.
203Article 37 al. 6 de la LOLFEB.
204 CIAP, Guide d’audit initial des programmes, version actualisée du 18 décembre 2003, p. 6.
205 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public
112
programmes dits de « services polyvalents » et les programmes dits de « soutien » ou
« fonctions supports » d’une politique. Un programme peut décrire une unique politique
publique ou une partie d’une politique publique ainsi que les moyens qui seront affectés à sa
réalisation. Néanmoins, il existe des cas ou différents ministères sont amenés à « mettre en
œuvre plusieurs politiques publiques distinctes avec un unique réseau de services » 206. Le
programme devra donc être élaboré autour de moyens concourant à la réalisation de plusieurs
politiques publiques aux finalités différentes et c’est la fonction des programmes de services
polyvalents « Au sein desquels les personnels sont amenés à travailler sur différentes politiques
du ministère, sans pouvoir être répartis dans les programmes de politique » 207 . A contrario,
certains crédits ne peuvent être ventilés par programme car ils ne concourent pas directement
à la réalisation des objectifs du programme mais correspondent à des fonctions supports. En
effet, « Les fonctions supports, au service de plusieurs programmes d’un ministère (…)
accueillent exclusivement les fonctions d’état-major et de gestion commune à plusieurs
programmes » 208.
Pour autant, contrairement aux missions spécifiques dont les contenus sont explicités par la loi
organique, ces programmes ne sont pas prévus par cette dernière et dérogent à la définition des
programmes de politiques publiques qu’elle pose ; ce qui a pu engendrer des difficultés et des
critiques quant à leur praticité.
Ces critiques étaient formulées face au traitement qui pouvait être fait de ces programmes à
impact négatif sur la lisibilité des politiques publiques car le recours à ces derniers ne
correspond pas à l’esprit de la loi organique ; c’est notamment le cas des services polyvalents,
objet de critiques de la part des parlementaires français : « La notion même de polyvalence
semble difficilement compatible avec le principe de budgétisation par objectifs posé par la loi
organique » 209. Dans le même temps, la Cour des comptes française indiquait que si la
démarche pouvait se justifier elle ne devait pas aboutir à vider de son sens la budgétisation par
finalités de politiques publiques, cette critique a été reprise par les parlementaires : « Face à
cette polyvalence, les instances de pilotage de la réforme ont adopté une position protectrice
des responsabilités administratives existantes : elles ont prévu de substituer, pour les dépenses
concernées, à la logique pour finalité prévue par la loi organique une approche par structure,
consistant à bâtir l’architecture en fonction des entités administratives qui seront chargées de
l’exécution de la dépense. La conception du programme s’en trouve modifiée : il revient au
cadre budgétaire de s’adapter aux structures administratives et non l’inverse » 210 .
Les parlementaires français ont également émis de vives critiques aux programmes de
« fonctions supports » qui, au regard de leurs caractéristiques, ne remplissaient pas les critères
posés par la loi organique : « (Ces) programmes particuliers, intitulés « fonctions supports »,
(qui), à la différence des programmes de droit commun (les programmes opérationnels, dits de
« politique »), n’identifieraient pas une des finalités de l’action de l’Etat » 211. Ils considéraient
que l’absence de finalité d’intérêt général de ces fonctions supports serait un frein au succès de
la réforme et préconisaient sa suppression : « Il faut même se demander, si, au-delà du
206 COPIL des DAF, Le traitement des services polyvalents et des fonctions supports, note d’orientation, 23 décembre 2003,
p. 3.
207 Minefi, Rapport sur la préparation de la mise en œuvre de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de
finances en application de l’article 109 de la loi de finances pour 2003, juin 2004, p. 8.
208 ibid
209 Michel BOUVARD, Didier MIGAUD, Charles DE COURSON et Jean-Pierre BRAD, Rapport sur la mise en œuvre de la
loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, RIAN, n° 1021, 10 juillet 2003, Douzième législature,
p. 19.
210 Ibid., p. 14.
211 Ibid., p. 15.
113
fonctionnement des cabinets ministériels, de l’activité du ministre proprement dite ou de
directions réellement transversales, la notion de « fonction support » ne doit pas être,
purement et simplement bannie de la construction de la nouvelle procédure budgétaire. Plus
les « fonctions supports » seront larges, moins la réforme à des chances de pouvoir réussir :
quelle est l’efficacité, quelle est la performance d’une fonction support ? » 212.
Les parlementaires émettaient des réserves quant à la dérive du recours aux fonctions supports
et qui consisterait à en faire des programmes « fourre-tout » très éloignés de la logique de
performance de la LOLF : « Il ne faudrait pas que les programmes « fonction support »,
deviennent les réceptacles d’actions hétérogènes. Plusieurs ministères envisagent de faire
figurer dans les moyens « support » des crédits qui financent une politique clairement
identifiée, au motif qu’ils représentent un volume budgétaire peu important. D’autres prévoient
d’y mettre l’ensemble des moyens de personnel et de fonctionnement courant de leur
administration centrale, y compris ceux des directions opérationnelles qui sont pourtant
facilement rattachables à un programme “de politique’’ » 213.
La segmentation en actions découle de la volonté de rendre compte d’efforts faits sur le plan
budgétaire et de résultats obtenus. Issu de l’état des lieux initial et de l’analyse stratégique
réalisés en amont de la démarche performance, le cadrage stratégique dégage les grands enjeux,
les grandes finalités du programme et présente les objectifs pluriannuels du programme avec
les indicateurs qui vont permettre d’évaluer les performances réalisées et les éléments de
stratégie d’action pluriannuelle.
Au sein d’un programme, la répartition des crédits par action est indicative et « ne s’impose ni
aux ordonnateurs ni aux comptables dans les opérations d’exécution du budget » 215 ; ce qui
participe à la responsabilisation des gestionnaires publics et la recherche d’efficacité de la
dépense car on laisse aux gestionnaires de crédits de la souplesse pour gérer les moyens en
fonction des stratégies d’action qui apparaissent les plus pertinentes pour garantir l’atteinte des
résultats.
212 Pierre MEHAIGNERIE et Gilles CARREZ, Contrôle des dépenses publiques et améliorations de la performance de l’Etat,
RIAN, n°765, 2 avril 2003, Douzième législature, p. 17.
213 Michel BOUVARD, Didier MIGAUD, Charles DE COURSON et Jean-Pierre BRAD, Rapport sur la mise en œuvre de la
loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, RIAN, op. cit., p. 15.
214 DRB, La nouvelle architecture du budget de l’Etat pour 2006. Moderniser l’Etat par la réforme de la gestion publique, note
114
2. Le maintien de la présentation par nature des crédits budgétaires
Dans le cas de la classification économique, les dépenses budgétaires sont regroupées en titres
selon leur nature. L’article 33 de la LOLFEB définit le regroupement des dépenses budgétaires
de l’Etat en six (6) titres selon leur nature économique : « 1. Les charges financières de la
dette ; 2. Les dépenses de personnel ; 3. Les dépenses de biens et services ; 4. Les dépenses de
transfert ; 5. Les dépenses d’investissement ; 6. Les autres dépenses ». Il dispose en outre que
« les crédits de chaque programme ou dotation (…) sont répartis en fonction de la nature
économique des dépenses entre les six titres définis ci-dessus ».
Ce regroupement est en phase avec les standards internationaux 216 car la classification des
dépenses par nature économique cherche à rendre compte des différents moyens mis à la
disposition des services de l’Etat pour lui permettre de mettre en œuvre ses objectifs de
politique publique. Il est en outre conforme à l’article 13 de la Directive 04/11-UEAC-190-
CM-22 relative à la nomenclature budgétaire de l’Etat et qui rappelle que quatre (4) niveaux
de codification permettent d’identifier les dépenses budgétaires selon leur nature, à savoir le
titre, l’article, le paragraphe et la rubrique.
Cette codification est cohérente avec le plan comptable général de l’Etat car il s’établit un lien
entre la loi de finances et la retranscription comptable de l’exécution des crédits budgétaires :
- Le titre représente le premier niveau de classification de la dépense et est codifié sur
un caractère ;
- L’article est une subdivision du titre et est identifié par les deux premiers caractères du
compte par nature du plan comptable de l’Etat ;
- Le paragraphe est une subdivision de l’article précisant la nature de la dépense. Il est
identifié par les trois premiers caractères du compte par nature du plan comptable de
l’Etat ;
- La rubrique est une subdivision du paragraphe permettant de détailler la nature de la
dépense pour ressortir les spécificités propres aux Etats. le quatrième caractère de la
classification des dépenses est utilisé pour la codification de la rubrique.
216 Notamment avec la définition de la dépense au sens du manuel de statistiques des finances publiques 2001.
115
Les remboursements du capital ou les ressources tirées des emprunts sont également traités
comme des opérations de trésorerie et de financement et n'affectent pas non plus le déficit
budgétaire. Cette distinction opérée dans le champ des recettes et des dépenses de l’Etat
découle directement de la nécessité d’inscrire au budget des opérations considérées comme
permanentes ou, du moins, récurrentes (ex. service de la dette) et de les séparer des opérations
ponctuelles (ex. recours à l’emprunt).
Dans le cas de la classification fonctionnelle, les dépenses budgétaires sont codifiées selon
leurs objectifs socio-économiques, c’est-à-dire ce à quoi sert in fine la dépense publique
réalisée. Une telle classification permet d’obtenir des informations sur les ressources
consommées par grandes fonctions représentant les principaux domaines d'intervention de
l'État. Ainsi, les dépenses budgétaires sont regroupées en dix (10) fonctions : « services
généraux des administrations publiques ; défense ; ordre et sécurité publics ; affaires
économiques ; protection de l’environnement ; logements et équipements collectifs ; santé ;
loisirs, culture et culte ; enseignement ; protection sociale ».
Cette classification est cohérente avec la Classification des Fonctions des Administrations
Publiques (CFAP) développée par l’Organisation de Coopération et de Développement
Economique (OCDE) et publiée par la Division des statistiques des Nations Unies en 2000. La
CFAP est reprise et recommandée par le MSFP 2001. Elle s’applique aux dépenses des
administrations publiques et à leurs acquisitions nettes d’actifs non financiers.
Le budget doit mettre en avant non seulement les moyens liés à l’activité des pouvoirs publics,
mais également justifier la répartition des allocations par rapport à la réalisation d’objectifs
définis ex ante pour chaque poste de dépense notamment par les budgets de programme. Il
s’agit de compléter au budget de moyens, un budget par objectifs, c'est-à-dire de compléter une
logique de consommation par une logique de performance axée sur les résultats.
La LOLFEB comme la LOLF maintien cette logique de moyens, Damien Catteau affirmait à
propos de la LOLF que « Par l’introduction d’un axe de destination, la loi organique ne fait
qu’ajouter un niveau supplémentaire, en amont, qui cible une politique publique, un
programme d’action et, au niveau le plus fin, une action concrète, puis détermine l’objectif
ciblé, à la présentation des moyens mis en œuvre pour la réalisation de cet objectif, selon une
déclinaison par nature de dépense. Cette classification est indispensable pour l’exécution des
dépenses ainsi que les contrôles notamment comptables » 217.
L’auteur va même plus loin et qualifiait la nouvelle nomenclature de « matricielle » 218
caractérisée par le croisement entre la nouvelle présentation des crédits suivant l’axe par
217 Damien CATTEAU, la LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit public
financier rénové, op. cit., p. 57.
218
Ibid., p. 55.
116
destination tout en conservant une présentation des crédits par nature de dépenses du budget et
dans laquelle l’action a toute son importance. Il énonçait :« Avec la mise en œuvre de la
nomenclature « matricielle », c’est au niveau des actions que seront déclinés les crédits suivant
l’axe par nature des dépenses, cette répartition étant purement indicative. En effet, si on parle
souvent de la fongibilité suivant l’axe par nature des crédits, il faut également noter
l’importance de la fongibilité suivant l’axe par destination, le responsable de programme ayant
la possibilité de réaffecter les crédits d’une action à une autre à l’intérieur du programme.
Concrètement, la fongibilité des crédits se matérialisera généralement par la réaffectation de
crédits d’un budget opérationnel de programmes à un autre, les actions constituant le support
de la déclinaison opérationnelle. Enfin, et de manière corollaire, il faut aussi mentionner que
la justification au premier euro, déterminant les coûts de chaque politique publique, sera
effectuée principalement au niveau des actions : ‘‘ la justification des dépenses passera donc
désormais par une analyse détaillée du coût des actions composant les programmes. Elle
nécessitera de se référer aux déterminants physiques de la dépense ’’ » 219 .
Dorénavant, la gestion publique est axée sur la performance à quatre (4) niveaux, à savoir
l’agent (performance individuelle) ; le service (performance du service) ; la mission, le
programme, le projet (performance de la mission, du programme, du projet) et la direction
générale ou le département ministériel (performance organisationnelle).
La démarche de performance s’est caractérisée par la mise en œuvre effective des outils de
mesure de la performance qui s’avèrent être des éléments indispensables à la réussite de la
réforme. Ainsi, la définition stratégique de la performance s’est-elle traduite par sa déclinaison
en projet annuel de performance, grande source de difficultés pour les acteurs de la réforme
(2).
Le système de mesure de la performance mis en œuvre par la loi organique s’articule autour de
la définition stratégique des priorités de l’action publique. La démarche de performance
consiste dans la combinaison de différents éléments parmi lesquels la définition de la stratégie
de la politique publique, des objectifs, des indicateurs et des cibles de résultats qui sont définis
au niveau de chaque programme : « Ces éléments forment un tout qui va permettre à la fois de
219
Ibid., p. 54.
117
mesurer les résultats des services mais également d’orienter la gestion sur les performances
par le biais de la fixation de stratégies et de priorités d’action » 220.
Elle se caractérise en premier lieu par la définition d’une stratégie pour chaque programme qui
sera développée dans les PAP : « Cette analyse stratégique repose sur un diagnostic qui prend
en compte la finalité de la politique publique concernée, l’environnement dans lequel elle est
exercée, les attentes des citoyens, usagers et contribuables, les ressources disponibles et les
marges de progrès internes aux organisations. (…) Cette présentation de la stratégie doit
permettre de mettre en lumière l’articulation entre le diagnostic, les priorités d’action qui en
découlent et les objectifs de performances proposés. Ce faisant, ce texte est une introduction
aux objectifs dont il montre la cohérence globale. Il doit donner sens aux objectifs qui suivent.
Il peut être l’occasion de structurer les objectifs en les regroupant autour de quelques
orientations. Il a aussi pour but de faciliter la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés
et des agents, en justifiant le choix des priorités retenues » 221.
La stratégie d’un programme fonde la détermination des objectifs poursuivis dans le cadre de
ce dernier : « La stratégie est la réflexion globale qui préside aux choix des objectifs présentés
dans les projets annuels de performance » 222. En plus elle permet d’expliciter la finalité de
l’intérêt général poursuivie par le programme ainsi que les priorités retenues par les autorités
gouvernementales pour la mise en œuvre de la politique publique : « Les objectifs résultent
d’une analyse stratégique, même sommaire, prenant en compte la finalité générale de la
politique publique concernée, l’environnement dans lequel elle doit exercer et les ressources
disponibles. Cette analyse permet de sérier les priorités de l’action publique et de sélectionner
parmi les objectifs présentés au Parlement et sur lesquels s’engage le gouvernement. Cette
analyse stratégique sera présentée de manière synthétique en introduction des objectifs de
performance et, si nécessaire, dans la justification de chaque objectif présenté » 223.
220 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
indicateurs de performance de la LOLF, RIS, n° 220, 2 mars 2005, sess. 2004-2005, p. 212.
223 DRB, Les objectifs et les indicateurs de performance, op.cit., p. 5.
224 Glossaire, in Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, guide méthodologique pour
l’application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, op. cit., p. 48.
118
objectif doit pouvoir être associé un ou plusieurs indicateurs chiffrés qui permettent
d’apprécier objectivement les résultats de l’action publique et des cibles qui définissent la
valeur que doit atteindre l’indicateur à l’issue d’une période à déterminer » 225.
Ainsi, un indicateur nécessite-t-il d’une part, qu’il soit explicitement spécifié car « Un
indicateur n’a pas de sens s’il n’est pas l’illustration chiffrée d’un objectif spécifié. Si l’on ne
dit pas ce que l’on cherche à atteindre, l’indicateur ne peut être interprété » 226 et d’autre part,
que soit définie une cible de résultats car « Il ne s’apprécie qu’en comparaison (à une cible, à
une norme, explicite ou implicite, à un standard, à sa valeur chez « d’autres comparables ou
choisis », au passé) » 227, la cible de résultat correspondant à « La valeur définie ex ante que
doit atteindre un indicateur de résultat, dans un délai déterminé, pour attester de la réalisation
d’un objectif que l’on s’est fixé » 228.
La démarche de performance engagée par les autorités gabonaises a tenu une place
prépondérante tout au long du cycle budgétaire car elle a continuellement guidé l’élaboration
du budget par programmes. Elle a fait l’objet d’un calendrier qui a rythmé les séances de
travaux des responsables de la réforme et a guidé l’élaboration des différents documents de
cadrage stratégique des programmes et des projets annuels de performance concourant à la
réalisation de l’objectif de performance recherché.
Ainsi, c’est la performance de la dépense publique qui est recherchée à travers la nouvelle
nomenclature budgétaire. Elle peut être définie comme la capacité à atteindre des objectifs
préalablement fixés et fondés sur des engagements. La performance peut aussi être définie
comme : « Le résultat visible, perçu, mesuré de l’ensemble des efforts d’une organisation
marquant un progrès par rapport à la situation antérieure » 229.
Les autorités gabonaises ont certes mis en place ce système basé sur la mesure des impacts en
orientant la modernisation de sa gestion publique dans ce sens puisque la démarche de
92.
119
performance a nécessité la focalisation des administrations sur les impacts mais elles ont aussi
fait le choix d’un système de mesure de prestations.
Dans son étude comparative, H. Guillaume précisait que : « La mise en place d’indicateurs
d’impact n’est, de toute façon, jamais exclusive de mesures quantifiées de production destinées
à un pilotage managérial de la gestion des ministères, ou de leurs structures autonomes
d’exécution » 231. Autrement dit, la mesure d’impact peut s’accompagner de la mesure des
prestations des organismes de l’Etat qui sont les biens ou les services que ces derniers procurent
aux ménages, aux entreprises et/ou à d’autres entités publiques.
Nombreux sont les pays qui ont adopté un système conciliant les deux approches « impacts
plus prestation » puisque caractérisé par le fait que si : « Le vote des crédits se fait par missions
ou impacts (…), les ministères sont tenus de décliner ces derniers en prestations et d’en
connaître le coût et la qualité » 232.
Ce système qui utilise la combinaison des deux approches dans le cadre de la définition des
outils de mesure de la performance des services a été repris par le Gabon, qui en outre, s’est
également inspiré de l’originalité française qualifiée de « troisième voie » par Sylvie Trosa :
« La France a choisi la voie de la synthèse, celle des « impacts plus prestations », avec une
originalité qui est de valoriser l’évaluation et de demander que les indicateurs traduisent non
seulement l’efficience et la qualité de service mais aussi l’efficacité socio-économique » 233.
Ces deux concepts sont nécessaires pour établir une démarche de performance : « Il sera
toujours important de mesurer les prestations des services publics et, en termes comptables,
ces dernières sont plus faciles à suivre que les impacts. Ces derniers, quant à eux, même s’ils
sont parfois différés et moins faciles à mesurer dans le temps réel, sont indispensables à
l’appréciation de l’efficacité de l’administration. En réalité, il est impossible de se passer de
la mesure/évaluation des prestations et de la mesure/évaluation des impacts » 234.
L’approche gabonaise, inspirée du modèle français, s’est inscrite dans la démarche mondiale
tournant autour de la nécessité de combiner les deux approches : « Un consensus se dessine au
niveau mondial autour du fait que les deux types de services, services immédiats et impacts,
sont nécessaires à la compréhension de l’action publique » 235.
Avec la mise en œuvre de la démarche de performance, trois (3) grands domaines ont été
retenus par les acteurs de la réforme en vue de mesurer la performance des programmes. Ces
derniers font l’objet d’une évaluation de leur « efficacité socio-économique », de « l’efficience
de leur gestion et de la « qualité de service » en réponse respectivement aux attentes des
citoyens, des contribuables et des usagers. Ces trois catégories d’objectifs, axes de la
performance, permettent d’orienter efficacement la gestion publique vers la recherche de
performance.
120
objectifs et de pouvoir rendre compte des résultats atteints » 240, il serait vain et problématique
que cette dernière se contente de simples comptes rendus de performance se traduisant par la
multiplication de documents budgétaires sans orienter significativement la gestion des services
administratifs.
L’utilisation des données sur la performance est essentielle car elle permet d’avoir des
informations sur la performance des services administratifs mais elle ne doit pas se cantonner
à cet objectif de simple information mais doit plutôt évoluer vers un pilotage de la gestion
publique en fonction des performances. La formulation d’objectifs et d’indicateurs doit pouvoir
servir à orienter la prise de décision politique et orienter l’action des services par la
performance : « La mise en place de ces indicateurs de performance de la dépense publique
n’aura pas grande utilité si les modes de décision politique ne changent pas. (…) Les
indicateurs de performance de la dépense publique ne sont pas mis en place pour priver les
élus de leur pouvoir de décision, mais, bien au contraire, pour leur permettre de vérifier que
les mesures votées ont l’impact souhaité » 245.
Les mesures de la performance sont donc le moyen par lequel on peut vérifier si les choix
politiques, définis dans le cadre des programmes, ont l’impact souhaité en termes de
performance. Pour autant, si les données sur la performance n’ont d’utilité qu’a posteriori pour
240 DRB, Les objectifs et les indicateurs de performance des projets et rapports de performance annexés aux projets de loi de
finances, Mémento, 12 décembre 2003, p. 4.
241 J.-J. FRANCOIS, Des services publics performants, c’est possible !, op. cit., p. 122.
242 Ibid.
243 Ibid.
244 Ibid.
245 Raphael POLI, « Les indicateurs de performance de la dépense publique », RFFP, n°82, 2003, p. 113.
122
déterminer si les résultats ont été atteints, nous pensons qu’elles seraient plus efficaces et
auraient plus d’utilité au moment de l’exécution budgétaire en orientant la gestion en cours en
fonction des résultats déjà mesurables et en permettant d’éventuelles mesures correctrices.
Ainsi, partageons-nous l’idée de Damien Catteau qui affirmait qu’« Il est essentiel d’utiliser
les mesures de la performance à tous les stades de la procédure décisionnelle, et plus
spécifiquement de la procédure budgétaire (…). Ainsi, si les indicateurs interviennent à
posteriori pour déterminer si les résultats sont atteints et si l’administration a « généré » de la
performance, il faut également qu’ils puissent être utilisés en cours de gestion (…). Mais plus
encore, il faut aussi que les indicateurs puissent servir, a priori, pour la détermination des
objectifs définis dans le cadre de l’élaboration des programmes, en tirant les conséquences de
la gestion et des résultats de l’exercice précédent » 246.
Dans la même lignée, Allen Schik avait mis en évidence la nécessité d’analyser toute mesure
de performance comme : « Une mesure du changement (…). Pour être vraiment performante,
il faut que l’administration n’accorde plus la priorité à ce qui se passe en son sein mais à ce
qui se passe à l’extérieur. Cette évolution doit passer par la redéfinition du rôle joué par les
mesures des résultats. A l’heure actuelle, on part de l’idée que ces mesures doivent indiquer
au gouvernement si ses programmes ont les effets escomptés. Mais dans un Etat performant,
les mesures des résultats sont surtout utiles pour renseigner le gouvernement sur l’évolution
des conditions sociales afin qu’il puisse s’y adapter. La question primordiale n’est pas de
savoir si l’administration a obtenu tel ou tel résultat, mais si ces résultats doivent inciter le
gouvernement à réfléchir sur ses programmes et ses politiques et à prendre les mesures
correctrices nécessaires. Pour être performant, un Etat doit donc continuellement étudier son
environnement et ajuster ses activités et ses manières d’opérer aux informations qu’il reçoit.
(…) Dans l’Etat performant, chaque mesure de performance peut être conçue comme une
mesure du changement » 247.
Dans ce cas, l’articulation entre la gestion des services de l’Etat autour des objectifs
stratégiques définis au niveau décisionnel et complétés par les objectifs opérationnels sur
lesquels vont s’engager les exécutants sur le terrain va s’avérer déterminante.
246 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op.cit., p. 102.
247 A. SCHICK, « L’Etat performant : réflexions sur une idée entrée dans les esprits mais pas encore dans les faits », Revue de
l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 3, n°2, Paris, OCDE, coll. « Gouvernance », 2003, pp. 83-84.
248 Article 13 de la LOLFEB.
123
Les PAP présentent les objectifs stratégiques pluriannuels auxquels sont rattachés les résultats
à atteindre au cours de l’année de mise en œuvre 249, les stratégies d’actions à mettre en œuvre
pour atteindre les résultats attendus, les contributions attendues des opérateurs et des
partenaires dans le champ du programme et l’énoncé des indicateurs d’évaluation ou
indicateurs de performance qui vont permettre de mesurer l’atteinte des résultats attendus.
Par exemple, le PAP 2014 du programme gendarmerie nationale prévoyait entre autres les trois
objectifs suivants : « réaliser 2600 patrouilles dans les 13 parcs nationaux » (objectif
d’efficacité socio-économique) dans ce cas les indicateurs permettraient de savoir quel est
l’impact réel de l’action d’une politique publique donnée et d’évaluer si les objectifs de cette
dernière ont été atteints; « réduire les délais d’intervention de la gendarmerie nationale »
(objectif de qualité de service) ici les indicateurs servaient à mesurer la qualité du service rendu
; « redéployer les agents en détachement ou occupant des emplois administratifs vers les unités
opérationnelles » (objectif d’efficience) les indicateurs permettaient d’analyser la productivité.
Les PAP ont fait l’objet d’une élaboration laborieuse de la part des acteurs de la réforme.
S’agissant par exemple du déploiement et de la mise en œuvre des PAP pilote en 2013, dix (10)
programmes pilote sur dix-sept (17) avaient fait l’objet d’un séminaire de déploiement des
objectifs des PAP. Dans certains cas, ils avaient débouché sur l’émission de lettres d’objectifs
pour les responsables centraux et déconcentrés du programme. Ces séminaires, intervenus
tardivement au cours du premier semestre 2013, n’ont pas systématiquement impliqué tous les
opérateurs concernés par le programme. Par ailleurs, les lettres d’objectifs produites n’avaient
pas fait l’objet d’une réelle concertation au sein de la ligne managériale. L’effort d’animation,
de suivi et de pilotage de la mise en œuvre du PAP, en cours d’exercice a été en général
insuffisant tant au sein de l’administration qu’avec les opérateurs du programme.
Ce bilan mitigé s’expliquait par le fait que les exigences induites par la nouvelle gestion en
mode BOP se heurtaient encore à beaucoup d’obstacles, davantage culturels et managériaux
que budgétaires.
Toutefois, la réflexion sur la manière de mettre en œuvre les objectifs s’est souvent limitée à
la définition de nouvelles activités et à une demande de moyens supplémentaires. Elle n’avait
pas conduit à une réflexion de fond sur le développement de la rigueur de gestion,
249Ils énoncent les objectifs pour le nouvel exercice budgétaire : en mentionnant les indicateurs permettant l’évaluation de la
performance ; en rappelant les performances passées et les performances attendues au terme de la période pluriannuelle en
cours ; en présentant les éléments de stratégie d’action annuelle et en spécifiant les contributions attendues des opérateurs et
partenaires clés. Il présente ensuite les moyens demandés en détaillant les propositions budgétaires ; en mentionnant les
dépenses fiscales sur impôts d’Etat ; en faisant des propositions relatives aux emplois Etat et opérateurs ; en justifiant « au
premier franc CFA » les moyens demandés en crédits et en emplois)
124
l’amélioration des modes d’organisation et la meilleure utilisation des ressources déjà
disponibles, en crédit ou en ressources humaines et matérielles.
La finalisation des PAP a été marquée par la communication tardive des lettres plafonds aux
équipes de programme en 2013 et de la liste des projets d’investissements prioritaires ; ce qui
a laissé libre cours aux propositions peu réalistes des équipes de programme nonobstant la
consigne d’élaborer leur projet de budget sur la base des moyens 2013. L’ajustement de la
répartition des crédits en mode moyens et des objectifs du PAP a dû être effectué dans la
précipitation et beaucoup d’équipes programmes par précaution ont supprimé hâtivement un
certain nombre d’objectifs 2014.
Dans certains cas, les RPROG n’ont même pas pu être impliqués dans les ajustements faute de
temps pour procéder à une quelconque modification. Par ailleurs, l’ajustement des PAP étant
intervenu tardivement, ils ont été remis hors délai au Parlement.
Au cours du dernier trimestre 2013, un point focal a été mis en place au niveau de chaque
programme, constitué autour du secrétaire ensemblier. Le point focal réunissait un certain
nombre de cadres pouvant l’aider dans sa mission d’assurer l’appropriation de la méthode et
des outils de gouvernance par tous les acteurs et d’assister le RPROG dans l’animation et le
pilotage de la mise en œuvre du PAP. Il jouait le rôle d’équipe d’appui BOP auprès du RPROG
et de l’équipe de direction du programme et à ce titre animait l’ensemble de la démarche de
gouvernance sur le plan méthodologique, en particulier il était en charge de l’élaboration du
tableau de bord trimestriel du programme.
En définitive, l’opérationnalisation des PAP s’est faite à travers un certain nombre d’outils.
Elle a recouvert l’ensemble des travaux conditionnant le passage à l’action, la mise en œuvre
du PAP et le suivi-pilotage de l’action et des résultats ; travaux réalisés par l’équipe de
programme. Un tableau de bord permettait de définir pour chaque objectif annuel du PAP, le
chef de file et les « contributeurs » en charge d’organiser, conduire, animer, suivre l’action au
quotidien, et d’en rendre compte à la ligne managériale.
Une lettre de mission, signée par le RPROG et remise à chaque chef de file, précisait le rôle
attendu du chef de file ainsi que les marges de manœuvre dont il bénéficiait pour l’exercice de
ses activités. Chaque objectif annuel du PAP était opérationnalisé par le chef de file et les
contributeurs à travers l’élaboration d’un plan d’actions détaillé, outil de programmation
prévisionnelle et support indispensable aux revues d’avancement que devait animer le chef de
file d’objectif. Le contenu du plan d’actions devait être actualisé et approfondi au fur et à
mesure de la mise en œuvre de l’action. Lorsque le plan d’actions comprenait plusieurs volets
et de nombreuses actions, il était utile d’en donner une traduction visuelle sous la forme d’un
planning de GANTT.
125
Chaque équipe de programme suivait et pilotait la mise en œuvre de son action et l’atteinte de
ses résultats au travers le dispositif suivant :
• Une réunion mensuelle (à minima) autour du RPROG pour faire le point sur l’avancement
des plans d’actions, les difficultés éventuellement rencontrées, les solutions pour les
surmonter et pour actualiser et enrichir les plans d’actions au fur et à mesure de la mise en
œuvre ;
• Une revue trimestrielle animée également par le RPROG pour analyser les résultats obtenus
et prendre toutes les décisions à même de sécuriser la progression vers l’atteinte des
objectifs, sur la base des indicateurs contenus dans le tableau de bord.
L’innovation majeure apportée par le nouveau système de budgétisation résidait dans les
engagements de performance que devaient prendre chaque année les managers de
l’administration en charge de la mise en œuvre des programmes.
En effet, le PAP permet de donner un contenu concret à la notion et au périmètre du programme
(structures administratives, opérateurs de l’Etat et partenaires concernés ; missions ou activités ;
les liens avec des programmes proches). Il permet à l’administration de développer une
réflexion approfondie sur la situation actuelle et les défis de l’action publique dans le champ du
programme. Il fait entrer l’administration et l’ensemble des acteurs contribuant au programme
dans une logique d’amélioration continue de l’action publique en termes d’efficacité, de qualité
de service et d’efficience.
En conduisant à formaliser de façon précise les résultats et les indicateurs d’évaluation, le PAP
donne un maximum de poids aux engagements de performance pris par l’administration vis-à-
vis de l’autorité politique et du Parlement. Enfin, il permet de réaliser l’indispensable
articulation entre d’une part, les capacités budgétaires de l’Etat et d’autre part, les priorités de
l’action publique à mettre en œuvre ; matérialisant ainsi les politiques publiques de l’Etat et
les grands choix budgétaires qui en découlent.
Toute demande de moyens (crédits) est ainsi étroitement reliée non seulement à l’évolution
prévisionnelle, en nature et en volume, des activités permanentes de l’administration (et des
opérateurs de l’Etat) mais aussi à des résultats qui devront être atteints dans le cadre de l’année
N+1 et qui pourront être vérifiés à l’aide d’indicateurs précis, le plus souvent quantifiés 250.
Un autre point important à souligner est que le gouvernement avait prévu dans ses PAP un
nombre assez conséquent d’objectifs annuels (une douzaine par programme en moyenne) dont
des objectifs opérationnels et expliquait ce choix méthodologique : « au Gabon et dans un
contexte de démarrage de la démarche de performance, l’atteinte d’un objectif de résultat est
parfois conditionnée par l’atteinte préalable d’objectifs portant sur les activités à réaliser et
sur les moyens humains, matériels, financiers à optimiser. Retenir seulement quelques objectifs
prioritaires de résultat dans les PAP reviendrait à placer les administrations gabonaises dans
une logique du « il n’y a plus qu’à… » 251. Raison pour laquelle les PAP au Gabon accordaient
aussi une grande importance, non seulement à l’énoncé de l’objectif et aux indicateurs d’atteinte
de l’objectif, mais aussi à la façon dont les administrations devaient s’y prendre pour atteindre
cet objectif, autrement dit aux éléments de stratégie d’action pluriannuelle et annuelle. Cette
budgétisation orientée vers les résultats avec des objectifs et des indicateurs de performance, la
250 Exemple d’engagement de performance contenu dans le programme Promotion de l’Entreprenariat, de l’Artisanat et de
l’Economie sociale (mission Entreprenariat et Commerce) : « En 2014, être parvenu à susciter la création de 500 nouvelles
PME-PMI dans les filières d’activités prioritaires du Gabon émergent ».
251 Brochure d’informations sur la BOP p. 11.
126
démarche de performance en elle-même, aurait dû permettre d’asseoir les modalités d’une
nouvelle gestion publique.
Selon le Minefi : « Le programme, et toutes les caractéristiques qui s’y rattachent, constitue
le « cœur de la réforme » pour les gestionnaires, aussi bien en administration qu’en services
déconcentrés » 252. La variabilité des BOP et leur exécution supposent que des administrateurs
se trouvant à un échelon inférieur à l’échelon central soient nommés afin que soit mis en œuvre
l’ensemble des programmes retenus au moment de l’adoption de la loi de finances.
A ce titre, la loi organique dispose de l’existence de RBOP déconcentré en soutien aux RBOP
centraux afin d’une diffusion cohérente des politiques publiques sur l’ensemble du territoire.
Les modalités de leur nomination ont permis de réformer les modes de gestion sans avoir à
remettre en cause ou modifier la structure administrative de l’Etat. Néanmoins, dans la
pratique, hormis leur dénomination par la LOLFEB, la fonction des RBOP déconcentrés
souffre de l’absence de codification voire d’un véritable statut juridique qui nous fait dire qu’il
est urgent d’en adopter un (1).
L’absence d’un véritable système organisationnel et fonctionnel concernant la gestion des BOP
territoriaux peut nous faire craindre de voir ressurgir les risques d’une centralisation exclusive
et directive de la gestion des BOP par les services centraux au détriment des services
déconcentrés qui seront dès lors dépourvus de la libre gestion de leur BOP en se contentant
d’être de simples exécutants contrairement à l’esprit de la loi organique (2).
252 DRB, L’essentiel de la Moderfie, exposé du livret formateur du kit de formation moderfie, mars 2004, p. 11-12.
127
managers publics chargés de l’exécution des programmes tant au niveau central que
déconcentré.
Ces responsables managériaux vont s’engager sur des objectifs à partir d’un ensemble de
moyens déterminés, et assumeront par la suite les résultats de leur gestion auprès de leur
supérieur hiérarchique en fonction de leurs performances. A ce titre, les RBOP notamment les
RBOP déconcentrés, occupent une place stratégique car leurs BOP se trouvent au niveau des
services déconcentrés, niveau d’exercice des missions de l’Etat. Ils forment ainsi le niveau par
lequel les nouveaux modes de gestion publics vont pouvoir être diffusés au plus près des
territoires.
La fonction de RBOP, qu’il s’agisse du RBOP central ou du RBOP déconcentré, n’a pas
nécessité la création de nouveaux emplois ou de nouveaux administrateurs. Il s’agit plutôt
d’une nouvelle fonction qu’on a adaptée et intégrée aux structures de l’administration des
ministères. Cela a permis non seulement de réformer les modes de gestion de l’Etat sans avoir
à remettre en cause ou modifier la structure administrative de l’Etat mais surtout d’attribuer la
gestion du BOP à l’administrateur le mieux positionné dans l’appareil administratif.
Ainsi, les BOP notamment les BOP déconcentrés peuvent être confiés à des administrateurs
qui occupent des situations très variées les unes des autres. Peuvent dans ce cas être des RBOP,
des gouverneurs, des directeurs provinciaux ou départementaux des services déconcentrés d’un
ministère mais aussi des recteurs d’académie ou encore des présidents de tribunal administratif.
Les programmes et leurs déclinaisons en BOP ont des objets distincts et les budgets
opérationnels se situent dans des contextes différents, y compris au sein d’un même
programme. De ce fait, les RBOP déconcentrés n’ont pas tous les mêmes objectifs ou les
mêmes moyens, en fonction de l’objet de leur BOP. II y aura une variété des situations d’un
RBOP déconcentré à un autre. Il apparait donc que les RBOP déconcentrés sont une catégorie
d’agents hétérogènes et cette hétérogénéité est principalement due à l’absence d’un statut
juridique les concernant.
A l’examen des textes existants, le statut des RBOP déconcentré est véritablement à renforcer.
Hormis le décret n°193/PR/MBCFPFP du 22 mai 2012 portant création et organisation des
fonctions de RPROG, RBOP et de RUO et qui acte la désignation des RBOP centraux comme
déconcentrés par le RPROG afin qu’ils exercent cette fonction, aucun autre texte ne renseigne
de manière significative sur les conditions d’accès aux fonctions de gestionnaires de BOP
déconcentrés, ni sur leur cessation.
Mais cette carence en textes réglementaires encadrant la déconcentration n’est pas un fait
nouveau car il n’existe pas de texte propre au régime de la déconcentration comme c’est par
exemple le cas en France avec le décret n°2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la
déconcentration qui énonce en son article 1er : « La déconcentration consiste à confier aux
échelons territoriaux des administrations civiles de l'Etat le pouvoir, les moyens et la capacité
d'initiative pour animer, coordonner et mettre en œuvre les politiques publiques définies au
niveau national et européen, dans un objectif d'efficience, de modernisation, de simplification,
d'équité des territoires et de proximité avec les usagers et les acteurs locaux. Elle constitue la
règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les échelons centraux et
territoriaux des administrations civiles de l’Etat. Elle implique l’action coordonnée de
l’ensemble des services déconcentrés et des services territoriaux des établissements publics de
l’Etat ».
128
Au Gabon, seule la loi n°20/2005 du 3 janvier 2006 fixant les règles de création, d’organisation
et de gestion des services de l’Etat précise en son article 22 l’objet des services déconcentrés.
Il s’agit des services territoriaux c’est-à-dire des services provinciaux ou départementaux de
l’Etat placés sous l’autorité administrative de représentants de l’autorité de l’Etat compétents,
à savoir les gouverneurs et les préfets.
Il en ressort que la désignation des RBOP déconcentrés n’est pas une décision facilement
identifiable car il n’existe pas de règles qui participeraient d’un statut commun aux RBOP
déconcentrés. Néanmoins, à la lecture du décret précité, il revient au RPROG de nommer ses
RBOP centraux et déconcentrés et il va de soi que ces derniers seront soumis au même système
de responsabilité et s’exposent, en cas de mauvaise gestion, aux mêmes mécanismes de
sanctions.
Ainsi, le RBOP central ou déconcentré dispose d’un pouvoir de proposition de son budget
opérationnel ainsi qu’un pouvoir de gestion, en sus du pouvoir de direction de ses services en
tant qu’administrateur. Dans le cadre de la gestion des BOP, le pouvoir de proposition 253 de
son BOP par le RBOP déconcentré devrait à priori se manifester comme dans le cas de son
homologue français, par sa participation à deux dialogues de gestion qui viseraient à :«
Permettre d’arrêter, à l’occasion d’échanges itératifs, au vu des objectifs du programme et des
moyens disponibles, les modes d’exécution de tout ou partie du programme par les services en
charge de sa mise en œuvre. Dans le cadre d’un dialogue dit horizontal ou territorial, il soumet
son projet au préfet (de région) dont l’intervention doit permettre ici d’« assurer la cohérence
d’ensemble des programmations dans le cadre de son territoire ». Le préfet rend un avis (…),
éventuellement après consultation du comité de l’administration régionale pour examen
approfondi des BOP qu’il juge être des BOP « à enjeux ». Ce dialogue territorial se double
d’un autre dialogue de gestion, dit initial ou vertical, qui débute avant lui et s’achève plus tard.
Dans ce cadre, schématiquement, le RBOP élabore le projet de budget opérationnel à partir
du cadrage que lui a communiqué son responsable de programme et le lui soumet – après un
premier avis de l’autorité chargée du contrôle financier et après l’avis du préfet. Le
responsable de programme va alors valider ce projet de budget opérationnel ou bien le
modifier et le budget opérationnel sera enfin finalisé et soumis pour avis définitif à l’autorité
chargée du contrôle financier » 254.
253 S’agissant du pouvoir de proposition c’est notamment la circulaire du ministre de l’Economie et des Finances (France) du
28 juillet 2006, qui fixe les principes et les modalités prévus pour la préparation des BOP 2007, Annexe 3, p. 7.
254 Actes du colloque de la Société Française des Finances Publiques (SFFP), « Services déconcentrés de l’Etat et LOLF :
129
Le RBOP déconcentré peut, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de gestion des crédits,
décider de la meilleure répartition des dépenses et redéployer à son gré les crédits entre les
titres en vertu du principe de la fongibilité asymétrique. Cependant, quels que soient ses
pouvoirs, le RBOP déconcentré doit continuellement rendre compte de son action au RPROG
et le cas échéant comme en France, au préfet dans le cadre du dialogue territorial de gestion.
De façon générale, les préfets de régions et ceux des départements revêtent en France la
casquette de RBOP déconcentrés et jouent en la matière un rôle majeur. En effet, la
déconcentration et la responsabilisation de la gestion ont nécessité que soient mises en
cohérence les différentes actions ministérielles au niveau des territoires ; et c'est le préfet qui
va s'assurer de cette cohérence en donnant un avis préalable sur les BOP. Il donne cet avis au
responsable du programme en s’assurant de la cohérence du BOP avec les autres actions
territoriales et en veillant également au respect de la démarche de performance.
Ce rôle dévolu au préfet a été le fruit d’une : « Réflexion des ministères qui s’est orientée vers
des schémas d’organisation différenciés, avec des BOP régionaux, inter-régionaux et parfois
départementaux afin de ne pas éloigner le responsable des équipes qu’il pilote » 255. Du fait de
l’existence de la grande variété des situations des RBOP déconcentrés, il y a une tentative de
situer à l’échelon régional, les gestionnaires de BOP déconcentrés.
Ainsi, les RBOP déconcentrés sont davantage chargés des fonctions de direction au niveau
régional : « Cette tendance s’expliquait par le fait que, pour situer cet échelon de
responsabilité au niveau le plus adapté, trois critères sont apparus importants : « il faut que
les RBOP soient suffisamment proches du terrain pour apprécier l’efficacité relative des
actions choisies , qu’ils aient à gérer un BOP de taille suffisante et, pour qu’un dialogue de
gestion avec le responsable de programme soit possible, que le nombre des BOP par
programme ne soit pas trop important» 256.
2. Les risques d’inertie des services déconcentrés dans la gestion des BOP
Donner aux représentants territoriaux de l’Etat gabonais les mêmes prérogatives que celles
dévolues aux préfets de région et de département français sur leurs territoires permettrait sans
aucun doute d’assurer dans la même optique la cohérence des différentes actions ministérielles
résultant de la déclinaison des BOP sur les territoires mais surtout cela remédiera aux risques
qu’engendrent les difficultés d’une centralisation excessive.
130
Même si elle ne fait pas explicitement référence aux services déconcentrés, la loi organique
contribue à responsabiliser les chefs de service des différents échelons en diffusant la démarche
de performance qui est véhiculée par la logique de responsabilisation jusqu’à l’échelon
déconcentré. Le changement de culture qu’elle induit fait passer l’administration déconcentrée,
d’une administration « attentiste » se contentant d’exécuter les décisions prises au plus haut
niveau et à utiliser la totalité des crédits avant la fin de l’exercice budgétaire, à une
administration « gestionnaire » de politique publique car elle impose au niveau territorial de
mettre en œuvre des politiques nationales qui soient appropriées à leurs territoires et de les
ajuster en fonction des résultats.
Sur le plan culturel, les personnels des services déconcentrés doivent peu à peu s’approprier
cette nouvelle responsabilité et gagner en efficacité. Mais cette nouveauté peut conduire
l’administration centrale à être réticente à effectuer une trop grande déconcentration. Tant
qu’elle n’est pas certaine que le territoire se soit bien approprié les priorités gouvernementales,
elle conservera sa tendance à un contrôle qui peut s’avérer excessif et qui aura des
répercussions négatives sur les fonctions des RBOP déconcentrés.
En pratique, des risques réels existent quant à la possibilité d’atteintes graves aux fonctions du
RBOP déconcentré. Sa liberté de gestion des crédits dans l’élaboration de son projet de BOP
dépend pour beaucoup du RPROG. Ainsi, en fonction de chaque BOP ce pouvoir pourrait-il
être préservé ou à défaut réduit par le RPROG.
Le RBOP déconcentré pourrait ne pas être suffisamment impliqué dans l’élaboration des
objectifs stratégiques et des indicateurs de performance du projet de BOP qu’il propose comme
ce fut par exemple le cas des RBOP déconcentrés en France : « En 2005, la définition des objets
des indicateurs [était] en général restée l’affaire des administrations centrales et la pratique
ultérieure s’est assez peu éloignée de cet état de fait, tout en variant d’un programme à un
autre. On observe ainsi régulièrement que les services [n’étaient] en général que très peu
associés à la mise au point du volet de performance des BOP et de nombreux RBOP
déconcentrés regrettaient l’inadaptation à l’échelon déconcentré d’objectifs et indicateurs
repris "tels quels" des programmes, alors que selon la doctrine de mise en œuvre de la LOLF
développée par le ministère du Budget, l’adaptation des indicateurs nationaux aux réalités
locales est une possibilité reconnue. A titre d’exemple, dans les BOP déconcentrés de la
mission "Culture", qui sont placés sous la responsabilité des directeurs régionaux des affaires
culturelles, a été relevée « l’insuffisante adaptation des objectifs nationaux des projets annuels
de performances au contexte de la DRAC et une assez faible définition d’objectifs
complémentaires » 257.
Dans ce cas, les RBOP déconcentrés s’exposent à des aléas dus à leur non-sollicitation lors de
l’élaboration de leur BOP. Ainsi, au lieu d’exercer véritablement leurs prérogatives, celles-ci
se résumeront à une fonction technique d’instruction du projet de BOP.
257 Actes du colloque de la Société Française des Finances Publiques (SFFP), « Services déconcentrés de l’Etat et LOLF :
131
Il peut également avoir des aléas liés à des transmissions tardives des BOP, ce qui aura pour
effet de différer la mise à disposition des crédits du BOP déconcentré et d’empêcher les
gestionnaires d’exercer efficacement leurs pouvoirs de gestion dès le début de l’année.
Le pouvoir de gestion des RBOP déconcentrés s’expose à des atteintes plus délibérées : « Il
s’agit, d’une part, de la technique des délégations tardives ou fractionnées de crédits, par
lesquelles n’est déléguée « au niveau déconcentré qu’une partie des crédits en début d’année,
[réduisant] la capacité d’anticipation des gestionnaires locaux et [entravant] d’autant leur
liberté de gestion ». Observée dès les débuts de la mise en œuvre de la LOLF, cette « pratique
du fractionnement des délégations de crédits [était] encore trop répandue » selon le ministre
du Budget (français). Doit être mentionné, d’autre part, le fléchage des crédits. Selon ce
procédé, les crédits sont bien délégués au RBOP déconcentré, mais il ne possède pas de liberté
de gestion à leur égard. Il n’a donc « aucune marge de manœuvre pour adapter la dépense à
la réalité de son territoire ». La forme la plus persistante du fléchage des crédits consiste, pour
le niveau central, à interdire au RBOP déconcentré l’utilisation des crédits inscrits sur une
action au profit d’une autre action du budget opérationnel, « au moyen de directives générales
ou d’instructions ad hoc » 258.
Il faudrait noter aussi que ces atteintes au pouvoir de gestion des RBOP déconcentrés peuvent
se répercuter lors de la mise en œuvre en œuvre du système de fongibilité des
crédits : « S’agissant en particulier de la faculté de redéploiement des crédits de personnel au
profit d’autres dépenses, le RBOP déconcentré peut se heurter, en plus de ces pratiques, à
d’autres altérations. Les crédits de masse salariale sont parfois regroupés dans un BOP
central servant de support pour l’ensemble d’un programme. Dans ce cas, les RBOP
déconcentrés sont, de fait, privés des possibilités de recourir à la fongibilité asymétrique des
crédits. Il est à noter qu’ont pu également être créés des programmes regroupant les crédits
de personnel pour l’ensemble d’un ministère. Les responsables de programme eux-mêmes sont
alors privés du pouvoir de gérer ces crédits et ne peuvent donc les déconcentrer vers les RBOP.
Au total, selon les cas, le pouvoir de gestion des crédits du RBOP déconcentré sera donc réel
ou au contraire diminué, plus ou moins nettement » 259.
et sectorielles, mémoire de recherche, master 2 recherche, droit, gestion et gouvernance des systèmes financiers publics,
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2009, p. 9.
261 Ibid.
132
Dans ce cas, il serait bénéfique d’adopter un régime juridique qui renforcerait les prérogatives
de l’autorité territoriale. Et, c’est là tout l’enjeu des BOP : « Le hiatus entre logique verticale
propre à la (LOLF) et logique horizontale attachée à la politique de déconcentration est résolu
par les budgets opérationnels de programme qui auront pour originalité de dépasser cette
contradiction en initiant non seulement une déclinaison territoriale des programmes mais
également une déclinaison sectorielle (…). La déclinaison sectorielle des programmes permet
de prendre en considération la spécificité de chacune des politiques publiques conduites par
un ministère déterminé ou conjointement par plusieurs ministères distincts. La coopération des
acteurs sur le terrain, facilitée par un dialogue de gestion ira vers l’efficacité de l’action
publique qui privilégiera la cellule régionale, voire interrégionale afin de mettre en œuvre la
répartition des crédits budgétaires » 262.
B. L’urgence d’une véritable politique de déconcentration dans le cadre de la
déclinaison des programmes.
Dans le cadre de la réforme budgétaire française de 2001, le BOP, d’après S. Guillerez, a été
un instrument de modernisation de l’Etat : « Les budgets opérationnels de programme
s’inscrivent dans le mouvement de réforme de l’Etat puisqu’ils déclinent les orientations
stratégiques nationales au plus près des réalités territoriales et sectorielles » 263, cette
modernisation passait en outre par « La politique de déconcentration qu’il relance et
renouvelle » 264.
133
l’échelon provincial, avec à sa tête le gouverneur, est le relais indispensable de la diffusion des
politiques gouvernementales car, en tant que représentant déconcentré de l’Etat, il est chargé
d’appliquer les politiques nationales sur le territoire.
Ainsi, le gouverneur, situé au cœur de la procédure budgétaire locale avec l’exécution des BOP,
sera-t-il : « L’autorité de synthèse indispensable à la convergence des objectifs nationaux et
des politiques territoriales dont il a la responsabilité » 265.
Dans la même approche que l’adoption de la nouvelle loi sur la décentralisation, l’Etat doit se
doter d’une loi sur la déconcentration, vecteur de modernisation de la gestion publique dans le
contexte du nouveau système de budgétisation. Une précision des contours de ce que nous
entendons par déconcentration doit être faite en vue de définir les principes tenant à
l’organisation et au fonctionnement des services déconcentrés afin d’assurer la cohérence entre
les objectifs nationaux et leur impact sur les territoires.
Un texte juridique doit être adopté pour : « Fixer les règles découlant du principe de
déconcentration pour l'organisation des administrations civiles de l'Etat. Afin de renforcer la
capacité de l'Etat à agir efficacement sur les territoires en unifiant son action, le (texte de loi)
devra établir les rôles respectifs des administrations centrales et des services déconcentrés, en
renforçant les attributions et les moyens de ces derniers » 266.
Les BOP devant correspondre aux attentes des différents échelons territoriaux, il serait
préférable que leur exécution se fasse majoritairement au niveau des provinces c’est-à-dire de
faire en sorte que les RBOP déconcentrés soient en majorité des administrateurs chargés de
fonctions de direction au niveau provincial, de manière complémentaire, il doit être pris en
compte « l’aspect horizontal », lors de l’élaboration des BOP territoriaux, qui permet de
contextualiser la déclinaison des politiques publiques sur un territoire, en l’adaptant aux
particularités locales avec le rôle du gouverneur de province en tant que garant de la cohérence
territoriale des politiques publiques menées dans la province.
Ainsi, le gouverneur doit voir son rôle, ses pouvoirs et son statut revaloriser. En tant que canal
de l’application des stratégies nationales sur le territoire, un accroissement de ses compétences
devrait se faire dans un cadre de gestion marqué par la recherche constante de performance et
non plus axé sur une simple gestion bureaucratique en se contentant d’appliquer de manière
scrupuleuse les orientations définies par le gouvernement.
265 Circulaire du 16 juin 2004 relatif à l’application du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à
l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements.
266 Décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.
134
Une politique de déconcentration effective permettrait de réduire significativement le poids de
l’Etat central dans le paysage administratif. Pour cela, elle doit aussi s’accompagner des
impératifs résultant de la modernisation des modes de gestion publique, à savoir l’atteinte de
résultats ; ce qui impliquerait : « Une autonomie réelle des services opérationnels qui
supposerait que les administrations centrales définissent les résultats attendus et fassent de la
responsabilité sur les résultats le pivot de la délégation des autres responsabilités » 267.
Le BOP étant la pièce centrale du dispositif associant le centre et ses différents périmètres, les
autorités gagneraient à accorder au gouverneur une place déterminante dans cette nouvelle
structuration. La LOLFEB, en mettant fin au compartimentage des chapitres budgétaires
affiliés à un ministère spécifique, leur offre désormais la liberté de piloter les crédits. La
déclinaison opérationnelle en BOP et en UO leur donne la possibilité d’assurer la
programmation de leurs crédits budgétaires. Cette innovation devra dès lors s’accompagner au
niveau déconcentré d’une transformation du rôle du gouverneur qui sera « Garant de la
cohérence de l’action territoriale interministérielle de l’Etat » 268 et sera « Chargé de vérifier
si la déclinaison des politiques publiques au niveau opérationnel est conforme aux stratégies
impulsées par l’Etat central. Il s’assurera donc de la compatibilité des budgets opérationnels
de programmes avec les stratégies nationales » 269.
L’application de la LOLFEB, tout comme celle de la LOLF pour le rôle du préfet, doit placer
le gouverneur dans une position stratégique dans la procédure d’élaboration et d’exécution des
BOP. Il devra « Vérifier en amont sa conformité avec les politiques nationales en préservant
le caractère interministériel de l’action publique et en aval, au niveau de l’exécution donc, il
doit s’assurer de la convergence des objectifs nationaux avec les politiques territoriales » 270.
S. Guillerez rappelait que même si le préfet à un rôle double, il : « Conserve derrière une
certaine unité en ce sens que, représentant de l’Etat, il garde à l’esprit la volonté de traduire
en des termes concrets mais cohérents les stratégies nationales » 271.
Le gouverneur de province doit avoir non seulement : « ès qualité une fonction de coordination
dans le cadre de la déclinaison opérationnelle » 272, mais surtout la qualité de RBOP en
devenant un gestionnaire de terrain chargé de la mise en œuvre des programmes des missions
de l’administration territoriale comme ce fut par exemple le cas du préfet en France, chargé de
la mise en œuvre du programme « Action territoriale » de la mission « Administration générale
et territoriale de l’Etat ».
De cette façon, il sera au plus près des réalités dans la mise en œuvre des politiques publiques
car : « Il sera le mieux à même pour connaitre les difficultés et les enjeux suscités par la
concrétisation des politiques publiques du fait de son double statut de coordonnateur et de
gestionnaire. Il abordera de front les problèmes de la constitution des BOP et de leur exécution
en toute connaissance de cause » 273. On devrait même aller plus loin en faisant de ce dernier
267 Bernard ABATE, La nouvelle gestion publique, Paris, LGDJ, Systèmes, 2000, p. 19.
268 Frank MORDACQ, La LOLF : Un nouveau cadre budgétaire pour réformer l’Etat, LGDJ, Systèmes, 2006, p. 245.
269 S. GUILLEREZ, Les budgets opérationnels de programme : une adaptation de l’action publique aux réalités territoriales
135
le responsable des budgets opérationnels gérés par les services placés sous son autorité
hiérarchique, en donnant son avis sur les projets de budget des services déconcentrés, il le fera
aussi sur les BOP. Cette assimilation des budgets des services déconcentrés au BOP favorisera
plus de déconcentration mais aussi le dialogue de gestion entre le niveau central et
l’administration territoriale.
Dans cette optique, le rôle de coordonnateur du gouverneur devient primordial car il devra
être : « Le garant, pour les missions qui relèvent de son autorité, d’une approche transversale
de la programmation et de la répartition des crédits » 274, cette innovation du rôle de
coordonnateur grâce à la déclinaison du programme en BOP se manifestera par la coordination
des gestionnaires budgétaires déconcentrés.
En tant que coordonnateur des politiques publiques au niveau territorial, il devra réunir toutes
les opérations accomplies par les administrateurs locaux ou par les chefs des services
déconcentrés des administrations civiles de l’Etat et désormais dans le cadre de la budgétisation
par programmes il devra réunir aussi celles des RBOP et des RUO en vue de les mettre en
cohérence entre elles mais aussi en cohérence avec les politiques nationales. Il participera ainsi
au dialogue de gestion en étant : « L’élément charnière entre l’administration centrale et les
responsables budgétaires locaux. Représentant de l’Etat au niveau local, il se livre à une prise
de décisions qui soient pleinement conformes avec les attentes du moment ainsi que les réalités
ressenties par une population spécifique ».
Si le gouverneur est désigné RBOP des services placés sous son autorité, lui et les chefs des
services qui gèreront ces BOP participeront de manière significative au dialogue de gestion
avec le RPROG afin d’examiner l’adéquation des ressources disponibles aux objectifs assignés.
Il pourra par la suite procéder à la répartition des crédits à l’intérieur d’un même programme
entre les services de la province et disposera d’une information régulière sur leur gestion et leur
exécution ; ce qui permettra de « Conforter la coordination et la cohérence des politiques
publiques » 275. Mais cette désignation doit s’insérer dans le cadre de la mise en œuvre des
compétences dévolues aux gouverneurs de province en matière de gestion des crédits
budgétaires pour accentuer l’idée d’une modernisation de l’action publique.
La réforme budgétaire doit être l’occasion de réduire le poids de l’Etat central sur la scène
administrative ; cela implique de placer le gouverneur au cœur du processus budgétaire. Ce
dernier devra pleinement participer au processus d’élaboration ainsi qu’à la gestion des budgets
découlant de la déclinaison des programmes sur le territoire. Ainsi, son rôle devra s’étendre
par la prise en compte par les services opérationnels des objectifs stratégiques définis au niveau
central et fixés dans les PAP.
Par ailleurs, le suivi de la gestion des services opérationnels devra être mis en œuvre par le
biais du « dialogue de gestion » auquel devra obligatoirement participer le gouverneur. En
effet, le dialogue de gestion étant une procédure de dialogue entre les RPROG et les RBOP
d’une part, et entre ces derniers et les RUO d’autre part, le préfet devra faire figure d’agent de
liaison entre ces différents acteurs.
274 Circulaire du 16 juin 2004 relatif à l’application du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à
l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements
275 Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat
136
Section 2. La modernisation de la gestion publique par la performance
La modernisation de la gestion publique repose sur un « dogme » à savoir laisser plus de liberté
aux gestionnaires en contrepartie d’une responsabilisation accrue. La loi organique introduit
de nouveaux outils de gestion publique et de nouveaux acteurs impliquant une modernisation
de l’administration. A la base de cette modernisation se trouve la déclinaison opérationnelle
des programmes.
Au-delà de la simple refonte du cadre budgétaire, la loi organique ainsi que les travaux relatifs
à sa mise en œuvre avaient permis d’aboutir à l’adoption de nouveaux modes de gestion des
politiques publiques. Ces derniers se sont caractérisés par la mise en place d’un nouveau cadre
d’exécution des crédits budgétaires découlant de la gestion opérationnelle des programmes qui
a modernisé les modes d’action traditionnelle de l’administration (sous-section 1).
De plus, la nouvelle architecture budgétaire mettant la performance au premier rang des critères
de la dépense publique, la réforme introduit par-là, le critère de la performance au cœur de la
gestion publique applicable à la gestion des nouveaux opérateurs de l’Etat (sous-section 2).
Le pilotage des programmes par les acteurs de la réforme a conduit à créer un cadre rationnalisé
de budgétisation et d’exécution des crédits. Sa mise en œuvre a amené à une modernisation
profonde des modalités de gestion publique en conformité avec les concepts de budgétisation
par la performance.
Le pilotage des programmes a été, d’une part, le support de la mise en œuvre de nombreuses
innovations, de nouveaux instruments pour une gestion plus performante des crédits
budgétaires et d’autre part, la conséquence de la transformation des missions des acteurs
traditionnels de l’exécution budgétaire en plus d’introduire une nouvelle catégorie d’acteurs
participant au processus (A).
Les nouvelles modalités de gestion publique ont conduit à l’apparition de nouveaux acteurs
responsables de la mise en œuvre des politiques publiques. A cet effet, les acteurs de la réforme
ont procédé à la rationalisation du rôle de ces derniers en plus de procéder à la rationalisation
du rôle des acteurs préexistants. Cette rationalisation est d’autant plus importante que ces
derniers sont dorénavant responsables aussi bien de la légalité de l’emploi des fonds publics
que de leur capacité à atteindre les objectifs qui leurs sont assignés.
L’évolution des fonctions budgétaires nous permet de distinguer deux catégories d’acteurs
publics. La première, composée des décideurs est constituée par le ministre, le secrétaire
137
général et les responsables de programme (1) et la seconde, quant à elle, comprend des organes
opérationnels à savoir les RPROG, les RBOP et les RUO (2).
Cette catégorisation est justifiée par la séparation entre les organes décisionnels, responsables
de la mise en œuvre des politiques publiques et les organes opérationnels qui sont les
gestionnaires des programmes sur le terrain. Dans cette optique, le responsable de programme
est la jointure entre le niveau décisionnel et le niveau opérationnel.
Les questions sur l’efficacité de l’action publique sont apparues dès lors qu’il était attendu de
cette administration qu’elle serve de levier à la mise en œuvre du PSGE. Il s’agissait dorénavant
de répondre dans le cadre de la démarche de la performance aux questions suivantes :
- Quelles méthodes doivent être mises en place pour gérer l’administration publique ?
- Quelles méthodes adopter pour la nouvelle gestion de l’administration publique ?
138
- Comment moderniser les modes d’intervention de l’administration ?
En effet, il s’agit de reprendre les bases du management des entreprises pour la gestion
administrative. Ces méthodes sont empruntées à la conception anglo-saxonne de la
gouvernance de l’entreprise, considérée comme un lieu où s’établissent des rapports
contractuels entre le décideur et le gestionnaire.
La gestion par objectif prévaut dans un tel système car tous les agents ont des objectifs à
atteindre et c’est sur la base de leurs résultats au regard des objectifs fixés qu’ils font l’objet
d’une évaluation de leurs performances et qu’ils sont notés et payés.
Dans ce cas, la préoccupation du décideur est de s’assurer que l’agent mandaté respecte bien
ses engagements pris avec la signature du contrat. Il s’agit d’une : « Relation dite d’agence qui
découle du contrat et qui implique la généralisation et la diffusion la plus large de
l’information. Cette relation repose sur le principe qu’il ne doit pas y avoir asymétrie de
l’information entre les contractants. L’information et essentielle pour le contrôle c’est
pourquoi la qualité du contrôle oblige à la mise en place de système d’informations et de
performance et par exemple d’une comptabilité ainsi que d’outils de gestion permettant pour
le dirigeant comme pour le gestionnaire de suivre en temps réel l’évolution financière de
l’entreprise et de la programmer » 278.
Cette technique de management a été utilisée par de nombreux pays développés avec des mises
en pratiques spécifiques dans chacun d’entre eux. Cette technique, fondée sur le
perfectionnement de la gestion publique en adoptant le modèle et la logique d’entreprise et qui
repose sur l’établissement « d’un rapport client-fournisseur entre l’Etat et les citoyens » 279 , a
été reprise de façon prévisible par l’Etat gabonais au regard des nouveautés managériales
278 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN, Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, Paris, LGDJ, 13 éd, 2013,
p. 416.
279 Ibid.
139
à leur disposition, à rendre des comptes sur les niveaux de performance atteints et sur la façon
dont la dépense a été effectuée » comme le prévoyait à l’époque le ministre chargé du budget.
A la lecture de la loi organique, si les crédits des programmes sont de la responsabilité d’un
ministre, le pilotage opérationnel de ces programmes relève plutôt des RPROG conformément
à la disposition de l’article 37 de la LOLFEB : « Les programmes sont placés sous la
responsabilité d’un responsable de programme nommé par le ministre sectoriel ou le
responsable de l’institution constitutionnel doté de l’autonomie de gestion financière dont il
relève ».
Les ministres nomment pour chacun des programmes sous leur responsabilité, un responsable
de programme, chef de fil et acteur central de cette nouvelle gestion publique. Ce dernier
s’appuie à son tour sur des RBOP et sur des RUO pour leur gestion sur le « terrain » et surtout
pour leur mise en œuvre sur l’ensemble du territoire. Ainsi, la chaine managériale met en place
de nouveaux gestionnaires à côté d’anciens intervenants qui participent au pilotage des crédits
budgétaires et de l’action ministérielle ou plus globalement de l’action de l’Etat en plus de
matérialiser une véritable « chaine de contractualisation » 280 de chaque intervenant envers son
supérieur hiérarchique.
- Conduire en début d’exercice un entretien avec chacun des RPROG pour dialoguer sur
les résultats des travaux d’opérationnalisation du PAP et les stratégies d’action retenues
pour l’atteinte des objectifs ;
- Suivre attentivement la mise en œuvre des PAP et l’atteinte des objectifs de chacun des
programmes ;
- Appuyer les RPROG dans le cadre de la mise en œuvre de leur PAP et de positionner
et responsabiliser au maximum les RPROG face aux opérateurs de l’Etat sur les projets
d’investissement.
Dans le cadre de la préparation du budget 2015 en mode budgétisation par programmes, les
ministres devaient expliciter, actualiser et formaliser, en interaction avec les RPROG, les
politiques publiques des ministères en définissant les grandes orientations, priorités, choix et
résultats attendus à moyen terme sur chaque politique. Un dialogue intensif s’était notablement
installé entre les ministres et leurs RPROG tout au long du processus.
A l’étape du basculement, les ministres ont dû s’assurer auprès de leurs secrétaires généraux
que chaque RPROG avait eu communication du calendrier pour la préparation du budget 2015
en plus de :
280 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
141
- Partager avec eux la lettre de cadrage du premier ministre, de leur communiquer le plus
en amont possible et de façon formalisée, les priorités d’actions et les projets à mettre
sous objectif et à financer dans le cadre des PAP et des budgets 2015 ;
- S’assurer auprès des secrétaires généraux que l’ensemble des équipes de programmes
étaient effectivement préparées aux différentes conférences prévues par le calendrier
budgétaire ;
- Répartir en concertation avec les RPROG les crédits entre les programmes, sur la base
de la lettre plafond par mission adressée par le premier ministre ;
- Présenter et défendre devant le Parlement les choix budgétaires contenus dans les PAP
du Ministère ; veiller via les secrétaires généraux à la bonne mise en œuvre des travaux
d’opérationnalisation des PAP 2015 ;
- Veiller lors d’un point avec le secrétaire général, à la pertinence et à la cohérence
globale des projets de cartographie des BOP et des UO des programmes ;
- Désigner officiellement les RBOP et les RUO proposés par les RPROG pour leurs
programmes ;
- Préparer les délégations de gestion des crédits au profit des RPROG ;
- Veiller, via les secrétaires généraux, à la bonne mise en œuvre du processus de
subdélégation vers les RBOP et les RUO de chaque programme.
Comme nous venons de le voir précédemment, un autre acteur a été retenu auprès du ministre
dans la bonne exécution des programmes, c’est le secrétaire général, coordonnateur des
programmes de la mission.
- Obtenir l’adhésion de tous les RPROG et de tous les directeurs généraux à la démarche
de déploiement des objectifs des programmes ;
- Faire un point régulier avec l’équipe BOP sur l’accompagnement méthodologique des
RPROG et des points focaux et définir les actions transversales de sensibilisation et de
formation à assurer ;
- Aider les RPROG à affirmer leur autorité managériale vis-à-vis des autres directeurs
généraux et des opérateurs dans la mise en œuvre des objectifs du programme ;
- Mettre en place un cadre managérial spécifique au programme soutien ; organisait tous
les chantiers de modernisation qui était en mode projet ;
- Animer à minima tous les trimestres un comité ministériel de suivi et de pilotage de la
réforme en prévision de la bascule au 1er janvier 2015.
En ce qui concerne le pilotage des programmes, le RPROG est au sommet de la pyramide des
nouveaux gestionnaires dans le cadre de leur opérationnalisation. La fonction de RPROG a
142
littéralement transformé la fonction de directeur général avec la mise en œuvre de la BOP ; il
a un rôle déterminant concernant l’élaboration et le pilotage du programme. Il rencontre
périodiquement le ministre selon un calendrier défini à l’avance d’une part, pour échanger sur
la politique publique à mettre en œuvre, les stratégies d’action pour atteindre les objectifs et
les résultats escomptés et d’autre part, pour rendre compte de l’exécution et de l’avancée des
travaux.
Dans le cadre de ses fonctions, il est amené à collaborer avec l’équipe de direction dont il
négocie les objectifs et les ressources avec les RBOP et les RUO placés sous son autorité
managériale. Il anime une équipe de direction de programme au travers de séances collectives
de travail (élaboration du PAP et du RAP), de séminaires périodiques, des revues mensuelles
d’avancement des plans d’actions et des revues trimestrielles d’objectifs.
Les RPROG doivent aussi profondément revoir leur mode de travail avec l’autorité politique.
Ils ne sont plus là pour « plaire » au politique mais plutôt pour entre autres :
- Concrétiser les engagements pris par le politique vis-à-vis des citoyens, des populations
et de la Nation ;
- Orienter en amont les autorités politiques et les cabinets ministériels dans leurs
initiatives, dans leur réflexion stratégique, dans l’élaboration de politiques, de textes
législatifs et règlementaires compatibles avec les ressources financières mobilisables
par l’Etat.
Face aux opérateurs de l’Etat, il est le pilote opérationnel des relations entre l’Etat et les
opérateurs impliqués dans le champ de son programme. Pour cela, il exerce une tutelle sur les
opérateurs et fixe le cadre stratégique de leur action sur la base d’une contractualisation des
objectifs et des ressources. Son autorité managériale sur les directeurs généraux des opérateurs
lui confère le droit et le devoir de négocier des objectifs et des ressources, d’obtenir un
reporting régulier et d’évaluer les résultats obtenus en plus d’être membre du conseil
d’administration de l’opérateur.
Cependant, une problématique complexe est apparue quand les opérateurs ont commencé à
bénéficier d’une autonomie de gestion qui s’était transformée, dans beaucoup de cas, en une
indépendance de fait par rapport à l’administration. Les managers de la BOP, et tout
particulièrement les RPROG, ont alors eu à « reprendre la main » en mettant en place un
véritable dialogue de gestion dans un cadre contractualisé.
De la même façon, il est astreint, dans le cadre de ses missions, à des impératifs en matière de
gestion de ses ressources. Il doit chercher à optimiser en permanence les ressources de son
programme et leur utilisation (développement des compétences, mobilité interne et
reconversion des agents, mobilisation des crédits budgétaires et extra budgétaires, etc.).
143
Il répond aux exigences de performance en étant dans une logique d’amélioration permanente
des résultats au travers de la définition d’objectifs de performance, du pilotage resserré de
l’atteinte de ces objectifs et de l’évaluation des résultats obtenus avec son équipe de direction.
Il rend compte au ministre, à l’aide d’un tableau de bord de pilotage, des résultats obtenus ainsi
que de l’utilisation des ressources du programme.
- Exécution budgétaire ;
Le RPROG est garant de l'exécution du programme conformément aux objectifs fixés par le
ministre et prépare sa participation aux auditions des commissions de finances du Parlement.
Les autres managers que l’on peut qualifier de subordonnés et complémentaires aux fonctions
du RPROG, vont décliner sur le terrain les actions des programmes ; il s’agit du Responsable
281Minefi et a., La démarche de performance : stratégies, objectifs, indicateurs, op. cit., p. 13.
282Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op. cit., p. 209.
144
Le nouveau système de budgétisation avait vocation à moderniser la gestion publique de
l’administration gabonaise, à changer les « mauvaises » habitudes des services administratifs.
Aussi, l’implantation durable de la budgétisation par programmes dans l’administration
gabonaise devait-elle passer par trois conditions majeures comme le déclarait un RPROG 283
durant les travaux de mise en œuvre de la loi organique et dont les propos peuvent sembler
prémonitoires à l’heure actuelle : « Tout d’abord, il faut miser sur l’encadrement, tout
l’encadrement, pour que la BOP se diffuse partout. En haut, il faut donner l’exemple et
développer des pratiques de management qui concrétisent cette adhésion au changement induit
par la BOP et en premier lieu déjà être accessible et disponible. Pour l’encadrement
intermédiaire et de proximité, il faut les former, les accompagner pour renforcer leurs
compétences en matière de gestion et d’animation d’équipe. En second lieu, il faut réussir à
trouver les moyens dont l’administration a besoin pour gagner en compétence et en efficacité.
Une administration performante doit obligatoirement aussi être une administration
modernisée avec des agents bien formés. Enfin, il faut bâtir un système de suivi de l’activité,
de mesure des résultats qui rende compte à la fois des efforts fournis, des moyens engagés et
des résultats obtenus. C’est par la mesure et la reconnaissance des performances que l’on
parviendra à entretenir la mobilisation et la motivation de tous les agents de l’administration
et de nos partenaires ».
Le dialogue de gestion est un processus d’échanges entre les différents acteurs de la gestion
opérationnelle des programmes permettant de s’assurer que la gestion soit la plus efficace et la
plus efficiente possible tant au moment de l’élaboration des budgets opérationnelles des
programmes que durant la phase d’exécution des crédits budgétaires (1) : « Etant donné la
« mise en cohérence du cadre d’autorisation et du cadre de gestion » opérée par la déclinaison
opérationnelle des programmes, le « dialogue de gestion » ne va pas, en réalité, se limiter à
l’exécution des crédits mais consister dans un premier temps, en l’intervention de l’ensemble
des acteurs dans l’élaboration des budgets qui seront le support de cette déclinaison » 284.
Les gestionnaires publics étant les responsables du pilotage de l’exécution des programmes, ils
ont par conséquent été soumis à un nouveau régime de responsabilité « managériale », inspiré
des techniques du secteur privé pesant sur l’ensemble des gestionnaires (décideurs et managers
compris).
Cependant, même si la responsabilité managériale a été insuffisamment clarifiée par les auteurs
de la réforme (2), tout comme la responsabilité politique des ministres, à notre avis limitée (3),
la responsabilité managériale des gestionnaires s’accompagne désormais d’une autre forme de
responsabilité, celle de leur responsabilité financière (4).
146
1. Le pilotage coordonné de l’élaboration et de l’exécution des budgets
opérationnels programmes par le dialogue de gestion
Le dialogue de gestion est donc au centre de la mise en œuvre des programmes. Il permet la
mise en cohérence des structures et des actions. S’il est important lors de l’élaboration des
147
BOP, pour une concertation de chacun des acteurs à chaque niveau de la déclinaison des
programmes sur les objectifs et les moyens mis à disposition pour les atteindre, il l’est tout
autant lors de la phase d’exécution du budget car il instaure un pilotage coordonné de
l’exécution des BOP dans le cadre du suivi de gestion des crédits et le compte rendu des
résultats atteints.
Le dialogue de gestion :
Le dialogue de gestion au sein d’un programme se déroule en cascade : (i) entre le
responsable de programme et les responsables des unités du premier niveau opérationnel (par
exemple, les directeurs des services régionaux déconcentrés) ; (ii) entre les responsables de
ces unités et leurs services sous tutelle ; (iii) etc. Les responsables de chacun de ces niveaux
doivent s’engager sur des objectifs, un programme d’activités, cohérent avec les moyens que
le niveau supérieur s’engage à leur allouer dans le cadre de son budget, et des obligations de
compte rendu. Tous les acteurs participant à la gestion du programme doivent être clairement
identifiés. II doit être précisé par écrit : (i) le champ de leurs responsabilités ; (ii) l’espace
d’autonomie en matière de gestion budgétaire qui leur est accordée par le ministre et le
responsable de programme, dans le respect de la réglementation nationale ; (iii) les règles de
circulation de l’information et les modalités de production de comptes rendus sur leur
performance.
La charte ministérielle de gestion :
Ce document doit préciser, entre autres éléments : les responsabilités et les obligations de
compte-rendu de chaque acteur dans le pilotage des activités et de la performance
(préparation des PAP et RAP et des autres outils de pilotage de la performance), ainsi que
les rapports que ces acteurs entretiennent entre eux ; les règles et les responsabilités de
chaque acteur du ministère dans la gestion des crédits (mouvement de crédits, délégation de
crédits, engagement, ordonnancement) dans le respect des dispositions législatives et
règlementaires nationales ; les dispositions en matière d’exercice du contrôle financier a
priori, y compris, éventuellement, les modulations éventuelles prévues par l’article 63 de la
directive n°01/11-UEAC-190-CM-22 ; les responsabilités au sein du ministère en matière de
préparation et passation des marchés publics, dans le respect des dispositions du code des
marchés publics ; les responsabilités en matière de gestion des ressources humaines. Ce
document doit être mis à jour régulièrement en fonction du bilan de la gestion des exercices
précédents. Il est élaboré au niveau de chaque ministère. Il doit tenir compte des spécificités
du ministère concerné (ex. présence ou non d’établissements publics semi-autonomes sous
tutelle).
La LOLFEB et les mutations qu’elle engendre ont conduit à préciser les nouveaux régimes de
responsabilités et de sanctions pesant sur chacun des intervenants de la chaine de l’exécution
du budget. C’est ainsi qu’on a assisté à une réforme du régime des responsabilités des
ordonnateurs et plus largement des gestionnaires publics.
148
En effet, la loi organique, en son article 40, introduit le système de la fongibilité à travers le
principe de globalisation des crédits. Il se caractérise par une plus grande liberté donnée aux
gestionnaires avec pour conséquence de faire évoluer le rôle des managers publics en même
temps que la mise en place d’un nouveau système de responsabilité comme le notait André
Barilari : « C’est l’essence même de la responsabilité managériale qui est ainsi instaurée. Mais
encore faut-il pour qu’elle soit effective, que des conséquences soient tirées des succès et des
échecs (…) » 287.
Il s’agit d’une responsabilité managériale sur leur gestion et sur leur performance. L’article
16 du décret n°653/PR/MBCPFPRE du 13 avril 2011, relatif au régime de responsabilité des
ordonnateurs et des comptables publics, dispose que : « Les responsables de programmes, les
responsables de budgets opérationnels de programmes et les responsables d’unités
opérationnelles sont contrôlés sur la qualité de leurs actions par rapport aux objectifs des
programmes ». En son article 18, nous notons que : « Lorsque la gestion financière de l’un
des responsables visés à l’article 16 a permis d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre d’un
programme, celui-ci peut prétendre à une prime de rendement ou à tout autre avantage prévu
par les textes en vigueur. En revanche, lorsque ces objectifs n’ont pas été atteints, notamment
en raison d’une mauvaise gestion des moyens mis à disposition, la responsabilité managériale
de ce dernier peut être engagé ».
S’il est établi que la responsabilité des nouveaux gestionnaires est avant tout managériale, le
décret ne l’a pas clairement définie car nous ne savons pas ce que l’on entend par
« responsabilité managériale », quels en sont les contours et ce qu’elle induit : « Or si la
nouvelle responsabilité managériale n’est pas effective c’est tout le système qui perd son
sens » 288.
Cette définition peut paraitre simple si on se contente de la résumer au fait pour les
gestionnaires « De se voir octroyer des libertés de gestion et d’assumer les résultats
obtenus » 290. En effet, nous pouvons aller plus loin pour caractériser la responsabilité
managériale si nous arrivons à déterminer les responsables, l’objet de leur
responsabilité, comment et par qui cette responsabilité sera apprécié et quelles sanctions et
récompenses seront appliquées en cas d’échecs ou de succès.
Trois (3) niveaux de responsabilité sont clairement identifiés en suivant la « pyramide » des
responsabilités dans le processus d’exécution des programmes. L’objet de cette responsabilité
287 André BARILARI, « La réforme de la gestion publique, quel impact sur la responsabilité des acteurs ? », RFFP, LGDJ, n°
92, 2005, p. 26.
288 Ibid.
289 Ibid.
290 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit
149
repose sur quatre (4) paramètres déterminés : « une responsabilité par rapport aux règles qui
encadrent l’action administrative ; responsabilité d’assurer une bonne gestion financière ;
responsabilité par rapport aux résultats et une responsabilité de compte rendu fiable » 291. Il
repose avant tout sur l’évaluation des résultats de gestion au regard de l’accroissement des
marges de manœuvre des nouveaux managers.
Chaque programme est assorti d’une série d’objectifs et en fin de gestion un compte-rendu sur
les résultats permettra de mesurer les écarts de réalisation entre les objectifs et les résultats et
de tirer les conséquences qu’ils impliquent quant à la mise en jeu de la responsabilité. Cela
nécessiterait en plus la mise en place d’un système d’appréciation qui permettrait de :
« Démêler les différentes causes qui peuvent expliquer les succès et les échecs » 292.
En effet, lors du pilotage des programmes, bien qu’un responsable puisse avoir tout mis en
œuvre pour assurer efficacement la gestion de son programme, des causes externes ou internes
indépendantes de sa volonté : « Changement imprévu de contexte, irréalisme des cibles de
résultats, insuffisance structurelle des moyens attribués par rapport aux moyens attendus » 293
ou pouvant être le fait de mauvaises directives venant des organes des directions ou de
l’inefficacité des services opérationnels peuvent l’empêcher d’atteindre ses objectifs ; d’où :
« La nécessité de prévoir un mécanisme transparent d’articulation des responsabilités à tous
les échelons du système » 294.
Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un véritable système de responsabilité financière
pour les gestionnaires publics qui ne peuvent se contenter de faire des comptes rendus de
gestion. Ainsi, il doit être : « Instauré un système permettant non seulement d’identifier chacun
des acteurs ayant pris part à la réalisation des objectifs mais plus encore de mettre en œuvre
un mécanisme de sanctions adaptées dans l’hypothèse où cette gestion ne serait pas
satisfaisante quelles qu’en soient les raisons » 295. La chaîne d’appréciation des nouvelles
responsabilités des managers se fera en fonction du niveau d’intervention de chacun d’eux dans
le pilotage des programmes. C’est ainsi que chaque responsable se fera contrôler par l’autorité
hiérarchique directe.
En cas de succès ou d’échecs quant aux résultats de leur gestion, la responsabilité des managers
pourra être engagée par le biais d’évaluations personnelles des responsables. A ce propos,
Damien Catteau proposait que : « Dans le système envisagé, les incitations devraient être
principalement liées à l’avancement et aux rémunérations. Les sanctions toucheraient
également le domaine de l’avancement et des rémunérations et pourraient intervenir dans le
cadre disciplinaire concernant notamment la gestion des crédits » 296.
291 André BARILARI, « La réforme de la gestion publique, quel impact sur la responsabilité des acteurs ? », op. cit., p. 29-
31.
292 Damien Catteau, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op. cit., p. 247.
293 Ibid.
294 Ibid.
295 Ibid., p. 286.
296 Ibid., p. 251.
150
Au Gabon, un tel outil lié à la rémunération « en fonction de la performance » avait été
envisagé, il devrait inciter les fonctionnaires à rendre leur mode d’action performant, selon le
coordinateur du projet, cet outil devrait être : « Plus équitable, plus attractif, plus compétitif et
plus flexible. En d’autres termes, il doit inciter à la performance du travailleur car son salaire
tient compte du travail fourni, de sa catégorie, de ses heures de travail, de sa volonté de bien
faire et de la rigueur dans son travail quotidien » 297.
La responsabilité de gestion fait du RPROG l’interlocuteur du Parlement car il produit les PAP
et les RAP : « Il est un interlocuteur habituel du Parlement, participe, à la demande des
commissions des finances, aux auditions devant les assemblées en vue de rendre compte des
résultats obtenus avec les crédits alloués à son programme » 298.
De toute évidence, le RPROG est amené à faire un compte-rendu des résultats de la gestion
ministérielle du programme au Parlement. Mais cette audition est sujette à un déséquilibre entre
la responsabilité managériale devant le ministre qui peut donner lieu à sanctions et la
responsabilité devant le Parlement : « Qui n’a aucune conséquence, à tout le moins « directe »
sur la fonction du responsable de programme et ne peut encore moins déboucher sur
d’éventuelles sanctions. A tel point d’ailleurs qu’on peut considérer que cette audition consiste
bien plus en une information sur la gestion du programme qu’en un véritable contrôle du
gestionnaire. D’ailleurs, par principe, le Parlement n’a aucune autorité sur le responsable de
programme et si celui-ci doit être sanctionné, il ne peut l’être que par le ministre auquel il est
rattaché. Il y’a dès lors un profond déséquilibre entre les deux formes de responsabilité du
responsable de programme ».
La responsabilité managériale joue essentiellement pour les nouveaux managers publics. Elle
est complétée par la responsabilité politique qui pèse désormais sur les ministres, responsables
de la gestion des programmes sectoriels.
151
responsabilité des ordonnateurs et des comptables publics définit les règles du régime de
responsabilité des ordonnateurs, il s’agit plus d’une responsabilité quant à leur gestion et non
quant aux résultats de cette dernière. Or, « La mise en jeu de la responsabilité au niveau interne
à l’administration peut fonctionner dès lors qu’elle s’articule avec une responsabilité politique
du ministre » 299.
L’article 4 du décret précité rappelle que l’exécution des programmes votés dans la loi de
finances est faite sous la responsabilité des ordonnateurs et qu’à cette fin, ils désignent des
ordonnateurs délégués au nombre desquels les RPROG, les RBOP et les RUO. En son article
9, le décret précise la mise en jeu de la responsabilité des ordonnateurs, des ordonnateurs
délégués et leurs suppléants qui : « Encourent une responsabilité politique, disciplinaire, civile,
pénale ou managériale, sans préjudice des sanctions qui peuvent être prises à leur encontre par
la Cour des comptes ».
Cependant, à la lecture des dispositions du décret en dehors des articles précités, nous
constatons que les ordonnateurs n’engagent pas clairement leur responsabilité devant le
Parlement. Il est bien acté qu’il existe une responsabilité ascendante qui pèse sur les managers
des programmes comme le disposait l’article 17 du décret mais en pratique dans le cadre de la
gestion des programmes, si les managers publics rendent des comptes à leur supérieur
hiérarchique direct, qu’en est-il des ministres ? À qui rendent-ils comptent quant à la gestion
des programmes ? Quant à l’atteinte des résultats par rapport aux objectifs fixés ?
Ces interrogations sont légitimes dès lors que l’article 12 du décret dispose seulement que :
« Les ministres répondent des actes de leur gestion et de ceux des services placés sous leur
autorité devant le premier ministre, chef du gouvernement ».
Le décret sur la responsabilité des ordonnateurs et comptables stipule que tous les acteurs ont
une responsabilité managériale, à l’instar du RPROG dont la responsabilité managériale
consiste à procéder à un compte rendu de l’exécution du programme au ministre ; ce dernier a
une responsabilité vis-à-vis du premier ministre, chef du gouvernement ; donc c’est ce dernier
qui est à priori le seul à pouvoir prononcer des sanctions à leur encontre en cas de « mauvaise
gestion ».
Cette responsabilité managériale des ministres renforce le système de responsabilité que la loi
organique entendait établir. La responsabilité, telle que définie, fait des ministres et de leur
RPROG les « rapporteurs » de la gestion du programme devant le Parlement ; comme
l’affirmait judicieusement Damien Catteau en faisant un parallèle des fonctions du RPROG
avec celles du sous-ministre canadien : « Le sous-ministre est responsable de l’efficacité de la
gestion de son ministère et doit rendre compte au ministre de ce qui n’a pas fonctionné. Il doit
aider le ministre à rechercher les causes, à apporter les correctifs nécessaires et à régler tout
problème systémique qui aura été mis en relief. C’est au sous-ministre qu’il incombe de
s’attaquer ouvertement et directement aux problèmes et d’améliorer les pratiques de gestion
au sein du ministère. […] Dans son appui des responsabilités du ministre, le sous-ministre peut
très bien avoir à témoigner devant un comité parlementaire pour expliquer ce qui n’a pas
152
fonctionné » 300. Mais si la responsabilité managériale des ministres ne fait place à aucun doute,
elle s’accompagne néanmoins d’une quasi-absence de leur responsabilité politique.
La loi organique entend responsabiliser les ministres puisqu’il est attendu d’eux qu’ils réalisent
les politiques publiques fixées dans le PSGE. Dorénavant, ils sont les maitres d’ouvrages de la
réalisation desdites politiques. En toute logique, on devrait s’attendre à ce que chaque ministre
assume pleinement devant les représentants du peuple les résultats obtenus par leurs équipes
ou services de gestion.
Dès lors, se pose une question subsidiaire, celle de savoir à quelles sanctions sont soumis les
ministres coupables de « mauvaise gestion » ou n’ayant pas atteint les résultats quant aux
objectifs assignés ?
A ces interrogations, nous nous rendons compte que l’article 9, disposant que la responsabilité
politique des ordonnateurs peut être engagé sans plus de détails ou de précisions sur la manière
dont elle devrait se matérialiser ou sur les sanctions qu’ils encourent, ne donne pas satisfaction.
Il devrait y avoir des mécanismes contraignant les ordonnateurs à une obligation de résultats et
qui rendraient effective la responsabilité politique des ministres. A cet effet, nous rejoignons
Damien Catteau qui affirmait : « Qu’il est nécessaire de doubler cette responsabilité
managériale sur les résultats et l’opportunité de la gestion par une responsabilité politique
effective du ministre devant le Parlement. En clair, le ministre veille à ce que les
dysfonctionnements du programme dont il a la charge soient sanctionnés dans le cadre de la
responsabilité managériale mais endosse seul la responsabilité de l’ensemble de ces
dysfonctionnements devant le premier ministre d’une part et le Parlement de l’autre » 301 étant
entendu que : « Chaque ministre est son propre ministre du budget, c’est-à-dire initiateur et
maitre d’œuvre de ses réformes, il doit être le garant de la tenue de l’exécution de son budget
, comptable de ses résultats au regard des objectifs qui lui sont assignés par le Parlement » 302.
153
ministre, faute de quoi le Parlement pourrait engager la responsabilité collective du
gouvernement.
Certains pays sont allés plus loin en adoptant un système constitutionnel qui permet la mise en
jeu par le Parlement de la responsabilité collective du gouvernement mais également la
responsabilité individuelle des ministres. C’est le cas du parlement danois (Folketing) qui peut
refuser sa confiance au premier ministre entrainant la démission du gouvernement ou à un
ministre en particulier 303.
La liberté de gestion des gestionnaires publics a eu pour contrepartie la mise en place d’un
nouveau système de contrôle et de sanctions.
Dans le nouveau système budgétaire introduit par la loi organique, la liberté de gestion des
ordonnateurs primaires et secondaires suppose plus de responsabilité pour ces derniers. Par
conséquent, nous admettons qu’il est urgent que soit mis en place un contrôle juridictionnel
des finances publiques efficace et adéquat d’autant plus que la LOLFEB donne la possibilité
de poursuivre tous les ordonnateurs et acteurs de l’exécution budgétaire (ordonnateurs
principaux, ordonnateurs délégués ou n’importe quel agent de l’ordre administratif).
La mise en jeu de la responsabilité des ordonnateurs nécessitait de doter l’Etat d’une institution
forte qui poursuivra tous les ordonnateurs en cas de manquements dans la manipulation des
deniers publics car auparavant seuls les administrateurs des crédits (et non les décideurs
publics) étaient susceptibles d’être poursuivis par la Cour des comptes en cas d’irrégularité
dans l’exécution du budget.
La loi organique innove en ce sens en dotant la Cour du pouvoir de poursuivre toutes les
catégories des ordonnateurs. En effet, la LOLFEB, en son article 87, dispose que : « Outre les
comptes des comptables publics, la Cour des comptes juge également les opérations ou les
actes des ordonnateurs et ceux des contrôleurs budgétaires ».
303 Article 15 de la Constitution du Danemark du 5 juin 1953 : « 1. Aucun ministre ne peut rester en fonction après que le
Folketing lui a refusé sa confiance. 2. Si le Folketing retire sa confiance au Premier ministre, celui-ci doit proposer la démission
du ministère, à moins que de nouvelles élections ne soient décrétées. Un ministère qui a fait l’objet d’un vote de méfiance ou
qui a proposé sa démission demeure en fonction jusqu’à la nomination d’un nouveau ministère. Les ministres ne peuvent alors
qu’expédier les affaires courantes pour assurer la continuité de leur fonction ».
304 La haute cour de justice doit à terme disparaitre car le gouvernement planchait sur un projet de texte pour créer une nouvelle
154
budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l’Etat à ce titre la cour des
comptes constate les irrégularités et fautes de gestion commises par les agents publics et fixe,
le cas échéant, le montant du préjudice qui en résulte pour l’Etat. Elle peut en outre prononcer
des sanctions » 305.
L’article 87 est complété par l’article 7 du décret sur le régime de responsabilité des
ordonnateurs qui, après avoir rappelé que tout ordonnateur est personnellement et
pécuniairement responsable des fautes de gestion au nombre desquelles le non-respect des
engagements pris dans le cadre des PAP, dispose que : « Les auteurs de fautes de gestion sont
justiciables devant le juge des comptes ».
Ces dispositions de la loi organique sont les plus pertinentes dans le sens où elles viennent
combler un certain vide juridique quant à la mise en jeu de la responsabilité des membres du
gouvernement qui n’existait pas sous la loi de 1985. Seule la haute cour de justice pouvait
pénalement poursuivre les ministres. La LOLFEB entend : « Engager la responsabilité
personnelle des ordonnateurs s’il est établi qu’ils ont commis des irrégularités ou des fautes de
gestion dans les opérations qu’ils effectuent » 306. Par conséquent, la juridiction financière
détiendrait les pleins pouvoirs pour engager non seulement la responsabilité personnelle des
ordonnateurs mais aussi des nouveaux responsables publics c'est-à-dire des RPROG, RBOP et
RUO en tant qu’ordonnateurs délégués.
Dorénavant, la Cour des comptes pourra engager la responsabilité financière de tout acteur de
la gestion du programme qui aura commis une faute de gestion. Et dans le cadre de
l’organisation de la nouvelle chaine de responsabilité, celle des managers pourra être engagée
et sanctionnée autrement que par des sanctions sur leur rémunération et leur carrière.
Dans le souci de rendre efficace l’action publique avec la liberté de gestion donnée aux
gestionnaires, il est attendu une atténuation sensible des contrôles qui va de pair avec l’objectif
affiché de résultats. Mais, si en amont la conséquence à la responsabilisation se traduit par une
diminution sensible des contrôles pour les gestionnaires publics, en aval, nous devrions avoir
un contrôle plus poussé qui permettrait de garantir la sécurité et la régularité des opérations
financières.
La responsabilité des ordonnateurs s’exprime par la possibilité de les traduire devant le juge
financier dans deux (2) cas spécifiques :
-La gestion de fait : la Cour décide que les faits portés à sa connaissance constituent
l’infraction prévue et définie à l’article 84 de la loi organique n°11/94 du 17 septembre 1994
155
fixant l’organisation, la composition, les compétences, le fonctionnement et les règles de
procédure de la Cour des comptes. Comme l’a rappelé B. Poujade : « L’intérêt de cette
procédure de gestion de fait est de rétablir les formes comptables en assujettissant le comptable
de fait aux mêmes obligations qu’un comptable patent et en l’obligeant à rendre un compte des
opérations de recettes et de dépenses qui ne sont pas retracées dans le compte du comptable
patent de la personne publique concernée. Cette obligation de rendre compte a d’ailleurs un
caractère d’ordre public, le compte fera l’objet d’un jugement, comme celui d’un comptable
patent, et la responsabilité personnelle et pécuniaire de l’ordonnateur sera mise en cause par
le biais du débet si des opérations retracées dans ce compte ou qui auraient dû l’être ne sont
pas appuyées de justifications suffisantes et si la reconnaissance de l’utilité publique des
dépenses n’intervient pas ou partiellement » 307.
- La faute de gestion : elle se définit comme une infraction aux règles du droit
budgétaire applicables en matière d’exécution des opérations des recettes et des dépenses. La
LOLFEB fait entrer dans le champ de compétences de la Cour la possibilité de les poursuivre
aussi les décideurs publics : « Le contrôle juridictionnel porte (…) sur la légalité financière et
la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l’Etat. A ce titre,
la Cour des comptes constate les irrégularités et fautes de gestion commises par les agents
publics et fixe, le cas échéant, le montant du préjudice qui en résulte pour l’Etat. Elle peut en
outre prononcer des sanctions », parmi ces sanctions il y’a le paiement d’une amende comme
c’est le cas en matière de gestion de fait 308.
La LOLFEB, à travers ses dispositions, renforce les pouvoirs de la Cour en lui donnant
compétence pour mettre en jeu la responsabilité financière des ordonnateurs comme celle des
administrateurs ou agents participant à l’exécution budgétaire.
Cependant, l’absence de décrets d’application en la matière fait que la Cour fonctionne encore
selon les dispositions de la loi organique n° 11/94. Cette loi ne prend pas en compte les
évolutions qu’implique le nouveau système de budgétisation. Il devient primordial d’adapter
la loi organisant le fonctionnement de la Cour afin qu’elle prenne en compte les nouveaux
pouvoirs qui lui incombent en matière de mise en jeu de la responsabilité des ordonnateurs et
des managers dans le maniement des fonds publics notamment dans la gestion des programmes.
En matière de responsabilité dans l’exécution des programmes, au regard des résultats attendus
et de l’importance des moyens mis à disposition, la Cour devrait élargir le champ de
responsabilité des ordonnateurs et pour ce faire devrait en premier lieu se prononcer sur la
régularité de leur gestion. Elle devra être saisie en cas des dysfonctionnements dans la gestion :
« En procédant à l’audition, dans le cadre d’une procédure pleinement contradictoire, de
l’ordonnateur à l’origine de l’irrégularité, à l’examen des modalités de gestion du programme
notamment au regard de la charte de gestion mais, plus encore au regard des circonstances
concrètes dans lesquelles a été effectuée l’opération litigieuse et éventuellement « étendre le
307 Bernard POUJADE, « Etat des lieux de la responsabilité des ordonnateurs en droit public financier aujourd’hui », RFFP,
LGDJ, n° 92, 2005, p. 107.
308 Elles sont notamment définies par l’article 141 de la loi organique n°11/94 du 17 septembre 1994.
156
périmètre » ou « modifier le périmètre » de son contrôle au gestionnaire des crédits, au
responsable des programmes voire au-delà » 309.
Les mises en œuvre du PSGE et du nouveau système de budgétisation ont fait apparaître la
nécessité pour le gouvernement de séparer les organes décisionnels des organes opérationnels
dans la réalisation des politiques publiques. Ainsi, les autorités gabonaises ont-elles adopté le
modèle anglo-saxon des agences en vue de la réalisation des politiques publiques.
Les agences publiques gabonaises et les managers publics constituent donc les opérateurs de
terrain chargés de mettre en œuvre les programmes des politiques publiques : « La mise en
œuvre d’une gestion orientée par les résultats passe également par l’instauration d’un système
dans lequel on distingue les agents chargés de la conception des politiques publiques des
agents qui exécutent ces dernières. On considère généralement que cette distinction, liée
également à la mise en place d’une démarche contractuelle, nécessite l’adoption d’un système
d’agences à l’anglo-saxonne » 312 (A).
Toutefois, le coût financier de certaines d’entre elles remet en cause l’un des principaux
objectifs recherchés avec le système de budgétisation axé sur les résultats, à savoir la maîtrise
la dépense publique. Cette problématique nous amène à réfléchir sur la nécessité pour les
autorités gouvernementales de définir des critères idoines encadrant juridiquement la création
de nouvelles agences (B).
Le système de l’agence a conduit à remodeler le paysage administratif gabonais tant d’un point
de vue organisationnel que fonctionnel. Cependant, sa particularité nous fait dire qu’il existe
un « système d’agences à la gabonaise » (1). Selon Allen Schick : « Le modèle de l’agence est
une forme adaptée à la prestation de services par l’autorité publique » 313. Il mettait en avant
309 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
157
l’idée selon laquelle les agences publiques sont un support, c’est-à-dire une réponse efficace à
l’atteinte des résultats dans la logique de la démarche de performance administrative.
Les agences ont pour but, dans le contexte de performance recherchée de l’action publique et
de prestation de services, d’obtenir un gain d’efficacité et de productivité dans un secteur précis
: « Contrairement à la structure ministérielle, on entend ainsi dissocier la conception des
politiques et leur mise en œuvre et attribuer à chaque agence une mission clairement définie,
liée au service justifiant son existence. Un ministère dispose d’un « portefeuille » de
compétences, une agence a un domaine de compétence spécialisé » 314.
Le point fondamental dans la relation entre ces organes va résider dans l’articulation entre la
décision et l’action, dans la contractualisation entre l’Etat et les agences afin de garantir le
succès du système d’agences comme support de la démarche de performance (2).
La création des agences découle des concepts novateurs et des pratiques de la nouvelle gestion
publique qui remettent en cause le modèle traditionnellement centré sur les ministères. Ce
modèle centralisateur de l’organisation publique ne correspondait plus aux besoins
organisationnels de l’administration car devenu inefficace : « Les principaux champs dans
lesquels les préconisations du NPM ont été mises en œuvre relèvent d’une rénovation de la
gouvernance publique – au sens d’organisation–, des méthodes de gestion et des outils
employés » 315.
L’indépendance opérationnelle des agences est l’une des principales innovations de la nouvelle
gestion publique. Le recours aux agences repose sur le fait que l’administration exerce une
multitude d’activités dont certaines n’ont aucun lien entre elles. Dans ce cas, au lieu de toutes
les intégrer dans une même structure, il est préférable qu’elles soient confiées à des structures
qui seront soit intégrées à des ministères mais indépendantes dans leur gestion, soit totalement
autonomes et n’ayant aucun lien avec les ministères.
Les agences, sur ce point ne se substituent pas aux ministères ou plutôt ne sont pas des
ministères au sens où elles n’ont vocation qu’à poursuivre un objet unique et bien défini, de
plus elles jouissent d’une grande indépendance opérationnelle même lorsqu’elles restent
314 Allen SCHICK, « Les agences à la recherche de principe », in OCDE, Les autres visages de la gouvernance publique.
Agences, autorités administratives et établissements publics, op. cit., p. 49.
315 Ibid.
316 Ibid.
158
intégrées à un ministère : « La formule de l’agence spécifique incite les gestionnaires à
concentrer toute leur attention sur la mission qui leur est assignée ; l’intégration d’activités
connexes au sein d’un ministère les incite à coordonner leurs tâches. Puisqu’il est souhaitable
de privilégier à la fois les services et la coordination » 317.
Le principe fondamental des « NextSteps » précisait que les agences devaient être créées pour
accomplir les fonctions exécutives dans les limites d’un cadre d’activités et de ressources défini
par un ministère. Même si les « NextSteps » ont émancipé les agences de la tutelle des
ministères britanniques, ces derniers continuent à jouer un rôle essentiel dans toutes les phases
de création d’une agence. D. Lewis, ancien responsable du service chargé des prisons, au
Royaume-Uni destitué de ses fonctions par un ministre insatisfait de ses performances, a livré
une explication des « NextSteps » : « C’était un mythe de penser que les ministres géraient de
grands services de l’administration (…); ils n’avaient ni les connaissances ni les qualifications
nécessaires. Mais tant que le mythe a duré, les fonctionnaires, qui en réalité étaient chargés
de la gestion quotidienne, n’avaient pas le pouvoir de mener à bien leur tâche et n’étaient pas
considérés comme responsables des performances des agences. Le but des NextSteps était de
définir plus précisément les missions respectives des ministres et des fonctionnaires pour
mettre fin à la confusion qui régnait jusqu’alors. Les ministres seraient chargés d’élaborer les
politiques, d’approuver les projets d’activité des agences, de fixer les objectifs et d’assurer un
suivi des performances ; les fonctionnaires en poste jouiraient d’une autonomie de décision
dans l’exécution des tâches. Les performances de l’agence et de son responsable seraient
soumises à un contrôle strict au moyen de grands indicateurs de performance… Le statut
d’agence a également conduit à l’utilisation de nombreux instruments d’usage courant dans le
secteur privé. Les plus importants ont été la définition précise des rôles, l’autonomie de
gestion, la délégation de pouvoirs de décision et la responsabilité des agences et de leur chef
en matière de résultats » 319. Le fonctionnaire affirmant par ailleurs : « sans le succès des
NextSteps ou d’initiatives comparables, les agences n’auraient pas été à l’avant-garde des
changements organisationnels » 320.
D’un point de vue fonctionnel, le modèle « Apparaît comme une structure fonctionnelle
permettant de servir efficacement de support à un engagement sur les résultats dans une
logique effective de recherche de la performance » 321 et il repose sur la distinction entre les
agents chargés de la conception des politiques publiques des agents qui les exécutent.
317 Ibid.
318 Elle est un exemple de l’application du modèle de l’agence dans le cadre de la nouvelle gestion publique.
319Allen SCHICK, « Les agences à la recherche de principe », in OCDE, Les autres visages de la gouvernance publique.
159
L’objectif principal du système de l’agence est d’opérer une dissociation entre l’organe
décisionnel et l’organe opérationnel au sein d’un Etat guidé par la recherche de performance
dans la fourniture de prestation de services publics : « Dans l’ensemble des pays, une
distinction a été opérée entre la définition et la conception des politiques publiques d’un côté
et leur mise en œuvre concrète sur le terrain de l’autre. […] La fourniture des services aux
usagers, tâche d’exécution, devait être confiée aux agences, les départements ministériels et
leurs directions d’administration centrale se recentrant sur la définition et l’orientation des
politiques sectorielles » 322.
En matière de politiques publiques, l’agence n’a pas vocation à faire double emploi avec les
ministères dont le rôle est d’orienter, concevoir et réglementer les politiques publiques, mais à
piloter et mettre en œuvre les priorités politiques définies. Ce modèle présente deux avantages
majeurs : « L’agence peut être responsabilisée exclusivement sur la fonction de pilotage, de
façon à prévenir toute perturbation de celle-ci par d’autres missions particulièrement
absorbantes – en particulier la conception des politiques publiques – ou par des considérations
politiques. L’agence a plus de facilités pour recruter à l’extérieur de la fonction publique et,
ainsi, s’adjoindre des compétences adaptées à la technicité de ses missions et au modèle
managérial subséquent. La mise en place d’agences sert également un autre élément
fondamental du NPM, à savoir la recherche sans faille de l’efficacité de l’action publique via
la rationalisation des dépenses publiques et la responsabilisation des acteurs publics » 323.
Cette dichotomie est aussi rappelée par Bernard Abate qui déclarait que : « Deux mouvements
sont en réalité nécessaires. D’abord le découplage entre la conduite des politiques et la gestion
des activités. Ensuite, au sein des administrations de gestion, une délégation franche de
responsabilité aux services opérationnels, jusqu’aux équipes de terrain » 324 et Sylvie Trosa :
« Il est une nécessité de distinguer qui décide ou propose : « le quoi faire » et le « pourquoi
faire », de qui se concentre sur l’efficacité du « comment faire » […] » 325.
322 Henri GUILLAUME, Guillaume DUREAU et Franck SILVENT, Gestion publique. L’Etat et la performance, op. cit., p.
173.
323 Ibid.
324 Bernard ABATE, La nouvelle gestion publique, op. cit., p. 49.
325 Sylvie TROSA, Quand l’Etat s’engage : la démarche contractuelle, Paris, éd., d’Organisation, coll. « Service public »,
1999, p. 147.
160
équilibre entre les obligations de rendre compte et l’autonomie, l’ouverture, la gestion des
performances et le renforcement des moyens de pilotage des ministères centraux » 326.
C’est la voie suivie par les Etats désireux d’insuffler un nouveau souffle à leur gestion publique.
Nous citerons le cas de la France qui a adapté l’agence à ses spécificités administratives ; ce
qui a fait dire à Damien Catteau qu’il existe « un système d’agence à la française ».
A contrario, nous pouvons qualifier le modèle de l’agence adopté par le Gabon comme un
système hybride qui combine le système des agences françaises avec « la déclinaison
opérationnelle des programmes » et la création de nouvelles fonctionnalités managériales et le
système des agences anglo-saxon, caractérisé par la création de nouvelles structures. Il a
profondément changé la structure administrative gabonaise en l’adaptant à ses spécificités d’où
un « système d’agences nationales à la gabonaise ».
Les agences sont créées en application des dispositions de la loi n°020/2005 du 3 janvier 2006
fixant les règles de création, d'organisation et de gestion des services de l'Etat et elles ont le
plus souvent le caractère d’établissement public à caractère industriel et commercial. Elles sont
dotées de la personnalité juridique et jouissent de l'autonomie administrative et de gestion
financière. Ayant leur siège à Libreville, la capitale, elles peuvent en outre posséder des
représentations dans chaque province.
Elles s’organisent autour de trois (3) organes : un Conseil d’Administration ; une Direction
Générale et une Agence comptable. Elles se composent d’agents publics en situation de
détachement et d’agents régis par le code du travail. Leurs ressources sont constituées par les
dotations budgétaires de l’Etat, les contributions des organismes nationaux ou internationaux,
publics ou privés ; les ressources propres ou encore par des dons et legs. La LOLFEB permet
326 OCDE, « Rapport de synthèse », in OCDE, Les autres visages de la gouvernance publique. Agences, autorités
161
le rattachement administratif de certaines d’entre elles à l’autorité du président de la république
à qui elles doivent aussi rendre des comptes 328.
La tutelle présidentielle se justifierait par que le fait que les agences concernées exécutent des
projets considérés comme prioritaires pour la réussite du PSGE donc prioritaires pour la
réussite du projet sociétal du président.
Toutefois, cette double tutelle pose une problématique, à savoir si elle n’aurait pas pour effet
de favoriser ou permettre la trop grande indépendance opérationnelle des agences concernées
au regard des résultats attendus de leur gestion et au regard des moyens dont ils disposent pour
la réussite de la mise en œuvre des politiques publiques.
La nouvelle structuration budgétaire fait des ministres les organes décisionnels de l’élaboration
des politiques publiques mais les travaux relatifs à la mise en œuvre de la BOP dans l’optique
de la réalisation des investissements publics retenus dans le cadre du PSGE, ont fait apparaitre
l’importance de séparer les organes décisionnels des organes exécutants pour la mise en œuvre
de ces derniers. S’agissant des organes décisionnels sans nous répéter, si le ministre sectoriel a
en charge la conduite des missions c’est son cabinet ou plutôt son département à la tête duquel
le secrétaire général, qui va veiller à la bonne exécution des programmes constituant les
segmentations des politiques publiques relevant du ministère concerné. Son rôle est
prépondérant en raison des prérogatives qu’il a eu dans l’élaboration de la BOP et du rôle qu’il
joue dans la coordination des actions des services ministériels notamment des directions
générales composant le ministère et de celles des différents acteurs intervenants dans la mise
en œuvre des politiques publique particulièrement celles des opérateurs de l’Etat sous tutelle
du ministère.
328 Article 66 alinéa 5 : « En ce qui concerne la présidence de la république et les administrations publiques qui y sont rattachés
(c’est le cas des Agences grâce à la loi n°020/2005 du 3 janvier 2006 fixant les règles de création, d'organisation et de gestion
des services de l'Etat) les ordonnateurs principaux sont désignés par décision du président de la république ».
329 ANGTI, ANINF ANPN ANBG AGEOS
162
La transposition du modèle de l’entreprise à l’Etat a modifié les modes d’interventions de ce
dernier. Dans un souci d’efficacité, les opérateurs autres que les administrations classiques se
sont vu confier la réalisation des politiques publiques en répondant à une logique contractuelle
qui les liera à l’Etat. Aux nouveaux acteurs managériaux sous hiérarchie administrative, se
greffent plusieurs opérateurs de l’Etat chargés de mettre en œuvre tout ou partie d'une politique
publique.
Les opérateurs de l’Etat sont des organismes qui, indépendamment de leur statut, remplissent
les critères suivants :
Dans cette catégorie, l'on retrouve les offices, les fonds et tout autre organisme public assimilé
mais surtout les agences publiques. Dans le sillage de la modernisation de l’action publique,
les agences publiques qui ont un mode de fonctionnement presque similaire à celui d’une
entreprise, contractualisent leurs objectifs avec l’Etat, elles sont des organismes distincts de
l’Etat, bien qu’elles bénéficient d’une certaine autonomie à son égard, elles sont contrôlées par
l’Etat et contribuent à la mise en œuvre des politiques publiques. L’autonomie et non leur
indépendance revient à dire que le pouvoir exécutif n’a pas vocation à intervenir dans sa gestion
courante, mais il lui revient de définir les orientations politiques que l’agence met en œuvre.
Depuis l’année 2009, les agences publiques gabonaises ont constitué un enjeu déterminant de
gestion publique, le gouvernement ayant procédé à la création de plusieurs agences. Le recours
à ces dernières témoignait de la tentative de modernisation des modes d’interventions de
l’administration en lien avec les concepts de budgétisation par la performance. La transposition
au secteur public de la démarche contractuelle empruntée au secteur privé s’est traduite par
l’adoption d’une démarche de « contractualisation » entre l’Etat et ses opérateurs : « La réussite
des réformes managériales passe par l’obligation pour les gestionnaires de s’engager sur des
résultats à atteindre. C’est pourquoi dans les systèmes de budgétisation par la performance,
les opérateurs chargés de mettre en œuvre les politiques publiques sur le terrain sont soumis
à un engagement sur des objectifs à atteindre sous la forme, par exemple de « documents
cadres » » 330.
C’est la démarche adoptée par l’Etat gabonais à travers la BOP qui a profondément fait évoluer
l’organisation et les modes de gestion de la relation contractuelle qui lie l’Etat à ses opérateurs.
Les principes de cette contractualisation s’articulent sur un horizon pluriannuel et sur l’année
à venir.
330 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
163
Le Contrat d’Objectifs et de Performance (COP) 331 définit pour trois (3) ans le cadre
prévisionnel des priorités et des moyens de l’opérateur ainsi que les modalités de suivi et
d’évaluation de la mise en œuvre du contrat. Il se décline chaque année, en Contrat Annuel de
Performance (CAP) qui définit de façon précise pour l’année à venir les engagements fermes
de chaque partie. Les deux contractants sont tenus à des engagements mutuels.
Néanmoins, les engagements auxquels sont soumis les opérateurs ne sont pas contraignants
d’un point de vue juridique. Ils ne sont pas non plus soumis au droit des contrats publics ou
privés et/ou aux sanctions applicables par ce régime en cas de non-respect des engagements
souscrits comme le constatait toujours l’OCDE : « Dans les administrations publiques il est
rare que les accords ou contrats de performance soient juridiquement contraignants. Le plus
souvent, leur exécution est laissée à la discrétion de l’administration ou de la direction sans
qu’interviennent des considérations juridiques. Il s’agit d’accords négociés, voire implicites,
entre différentes agences ou différents individus au sein de la bureaucratie qui permettent de
clarifier les entreprises d’intérêt commun, les contrats il faut le rappeler sont guidés par
l’esprit de l’accord conclu sur lequel les parties se fondent pour régler les différends, faire
face aux circonstances et réagir aux imprévus » 333.
Dans ce cas, il s’agira plutôt pour l’Etat de contrôler que les opérateurs exécutent de manière
efficace la politique publique demandée, par la réalisation des objectifs préalablement définis
331 Les articles 5 et 6 de la loi n° 20/2005 du 3 janvier 2006 fixant les règles de création, d’organisation et de gestion des
services de l’Etat prévoyaient déjà au sein de l’Administration des contrats d’objectifs. Article 4 : « On entend par service
public de l’Etat tout organe ou organisme crée par les pouvoirs publics en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général (…) » ;
Article 5 : « Un service public peut être érigé en centre de responsabilité (…). Le centre de responsabilité désigne un service
public qui, ayant signé un contrat d’objectifs avec sa hiérarchie, d’une part, et les services assurant la gestion des moyens
financiers et humains de l’administration, d’autre part, bénéficie de facilités administratives et financières dérogeant au droit
commun » ; Article 6 : « Le contrat d’objectifs fait l’objet d’évaluations périodiques (…). Chaque évaluation donne lieu à un
rapport adressé à l’autorité hiérarchique et au premier ministre, chef du gouvernement ».
332 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
164
en tenant compte de la bonne ou mauvaise gestion des moyens affectés à cette mise en œuvre.
A l’évidence, les sanctions se situeront au niveau de la responsabilité de l’organe opérationnelle
sur l’efficacité ou non de sa gestion. Pour cela, la BOP en plus de rattacher tous les crédits
d’une politique publique, y compris les crédits des opérateurs de l’Etat, au programme chargé
de mettre en œuvre cette politique, conférait au RPROG une autorité managériale sur ces
opérateurs.
La relation de l’Etat avec ses opérateurs prise en charge pour l’essentiel par le ministre
sectoriel, son cabinet et le secrétaire général, doit nécessairement évoluer pour mettre beaucoup
plus en première ligne le RPROG concerné. Le RPROG doit représenter officiellement le
ministère au sein du conseil d’administration des opérateurs. Lorsque plusieurs RPROG sont
impliqués, celui dont le programme est prépondérant dans l’activité de l’opérateur est le chef
de file de la relation Etat-opérateur.
Du côté de l’Etat, les engagements annuels ne sont pas seulement d’ordre budgétaire mais
portent aussi sur les diverses mesures de facilitation et d’appui à prendre au profit de l’opérateur
: mise en œuvre par l’Etat de projets d’investissement ayant un impact direct ou indirect sur
l’activité et le développement de l’opérateur ; appui méthodologique et technique aux efforts
de meilleure gestion de l’opérateur ; mise en relation de l’opérateur avec d’autres acteurs
actuels ou potentiels dans le champ du ou des programme(s) ; évolution du cadre juridique et
partage de l’information.
Les objectifs et les contrats de performance sont sans aucun doute tributaires du modèle de
l’agence : « Correctement organisées, les agences favorisent l’efficacité opérationnelle et la
responsabilité managériale. L’agence qui jouit d’une indépendance opérationnelle doit
assumer une responsabilité clairement définie vis-à-vis de son ministère de tutelle (…) Les
performances sont la préoccupation commune des ministères et des agences ; elles donnent
165
lieu à un dialogue permanent entre les deux parties. Elles doivent établir un lien entre les
politiques et leur exécution, les politiciens et les gestionnaires, les fonds octroyés et les mesures
mises en œuvre, les projets et les résultats. Elles font intervenir un flux continu d’informations
sur ce qui est attendu et ce qui est accompli, et un ensemble de personnes qui jouent un rôle
clé en contrôlant rigoureusement les actes et les résultats. Si les responsables accordent peu
d’importance aux résultats, les indicateurs de performance et les autres informations n’ont
guère de valeur ». 334
Les agences publiques ont été une réponse à la tentative de modernisation de la gestion
publique au Gabon. Néanmoins, le recours systématique à ces dernières par les autorités
gouvernementales et surtout leur multiplication depuis 2009 ont soulevé de nombreuses
critiques portant sur la cohérence de l’administration publique et le pilotage de l’action de
l’Etat.
En effet, ces critiques résultaient notamment de l’absence de définition d’une stratégie claire
quant à l’opportunité et aux modalités de leur création (1). Face à cette problématique, il
devient indispensable de notre point de vue, de définir un cadre juridique stipulant les modalités
de leur création surtout dans le contexte actuel marqué par la décision du gouvernement de
procéder à la suppression et/ou à la fusion de certaines agences devenues non opérationnelles
(2).
Actuellement, au nombre d’une vingtaine, on en recensait à compter de 2009 douze (12) sous
tutelle dont cinq (5) directement rattachées à la présidence et ayant bénéficié, à l’exception de
l’AGEOS, de subventions qui dépassaient largement le milliard de FCFA 336. Les agences,
rattachées à la présidence, faisaient partie en 2013 des cinq (5) agences les plus subventionnées
avec l’Agence Nationale de l’Urbanisme, des Travaux Topographiques et du Cadastre
(ANUTTC).
334 Allen SCHICK, « Les agences à la recherche de principe », in OCDE, Les autres visages de la gouvernance publique.
166
Justifiée par la volonté de rechercher une meilleure qualité de service public grâce à leur
spécialisation et le développement d’une véritable expertise publique, la croissance du nombre
des agences a débouché sur l’accroissement de leur coût financier, d’où leur qualification de
« gouffre financier » par l’opinion publique, surtout dans le contexte économique marqué par
une baisse des ressources budgétaires et qui a fait dire qu’il devenait nécessaire d’encadrer le
recours à ces dernières.
C’est à ces critiques qu’ont dû par exemple faire face les agences françaises 337 dont le coût
financier important 338 et l’efficacité de gestion ont été remis en cause. Le manque de cohérence
et de stratégie lors de leur création a eu pour conséquence de faire intervenir de nombreuses
agences sur le même créneau dans certains champs de politique publique, de même le manque
de clarté dans les lois ou les règlements sur la répartition de leurs compétences a pu causer des
chevauchements ou des doublons.
Sur le plan budgétaire, la création d’agences a aussi eu quelques effets pervers car elles ont pu
être à l’origine de pratiques de débudgétisations massives en reportant certaines dépenses du
budget de l’Etat vers d’autres comptes publics ce qui a fait que ces transferts ont échappés au
contrôle parlementaire.
Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, le terme « débudgétisation » doit être clarifié pour éviter
toute ambiguïté : « Dès lors qu’une dépense relevant auparavant de l’Etat est confiée à une
autre personne morale, il y’a bien formellement une débudgétisation. Toutefois, si la dépense
de l’opérateur est intégralement financée par une subvention de l’Etat, la débudgétisation a
une portée limitée, puisque la charge financière continue à apparaitre, même si c’est de
manière indirecte, dans le budget de l’Etat. Ce n’est que lorsque la dépense de l’opérateur est
financée par des ressources propres ou par une recette fiscale affectée qu’il y’a une véritable
débudgétisation au sens ou la dépense publique échappe désormais au vote du Parlement sur
le budget de l’Etat. En d’autres termes, la simple débudgétisation de la dépense ne diminue
337 La notion des agences en France est une notion large qui regroupe un ensemble d’entités hétérogènes par leur statut juridique
(public ou privé), leurs activités, leurs tailles et leurs liens avec l’Etat. Ce qui explique des recensements parfois différents
selon les organismes. Ces agences ont en commun d’être des organismes distincts de l’Etat exerçant pour son compte des
services publics non-marchand. On retrouve dans cette catégorie pôle emploi, les universités, les agences régionales de santé
ou encore le musée du Louvre. Les opérateurs de l’Etat sont une catégorie spécifique d’agences bénéficiant d’un financement
majoritairement assuré par l’Etat sous forme de subventions ou de taxes affectées)
338 Inspection Générale des Finances (IGF), L’État et ses agences, rapport n° 2011-M-044-01, mars 2012, 74 p. Selon ce
rapport, il y’a eu une divergence d’évolution des moyens financiers et humains entre l’Etat et ses agences : « Toutes les
informations disponibles montrent que les agences ont vu leurs moyens humains et financiers augmenter plus rapidement que
ceux de l’Etat », de plus les effectifs des opérateurs, sous-catégorie d’agences avaient augmentés de 6.1% entre 2007 et 2012
alors que ceux de l’Etat ont diminué de 6% sur la même période, de plus le personnel des agences étaient payés 5% de plus en
moyenne que les agents de l’Etat. Le rapport pointait aussi les rémunérations élevées des dirigeants qui étaient de près de
123 000 euros par an sur un échantillon de 250 agences.
167
guère les pouvoirs du Parlement ; ce n’est que lorsqu’elle s’accompagne d’une
débudgétisation des ressources de l’agence que le rôle de celui-ci est amoindri » 339.
Une définition de la place des agences au sein de l’Etat devient urgente face aux risques que
leur multiplication a engendré sur l’organisation étatique. En fonction de leur statut et de façon
variable, les agences peuvent bénéficier de règles distinctes de celles applicables à l’Etat en
matière statutaire, financière, comptable ou organisationnel mais si cette différence juridique
ne pose fondamentalement pas de problème particulier, il existe néanmoins des risques en
pratique: « Un risque que les pouvoirs publics créent des agences avec pour motivation
essentielle d’échapper aux règles applicables à l’Etat, ressentie comme trop contraignantes,
mais sans justifier en quoi le bon accomplissement des missions commande véritablement de
s’en affranchir. De telles créations ne sont pas souhaitables, car elles ne sont pas justifiées par
la nature des missions confiées à l’agence mais seulement par une volonté d’opter pour tel ou
tel régime juridique. Elles peuvent conduire à des déceptions, les règles spécifiques dont le
bénéfice a été recherché n’ayant pas toujours en pratique la souplesse qu’on leur prête. Elles
sont aussi une voie de facilité puisqu’elles dispensent d’une réflexion sur les règles de gestion
de l’Etat lui-même : mieux vaudrait parfois les réformer plutôt que de créer une agence pour
y échapper » 340. De même, des problèmes d’articulations entre les agences et les services
territoriaux peuvent se poser : « L’agencisation et la déconcentration procèdent en partie d’une
même volonté de recentrer l’administration centrale sur les fonctions stratégiques, en confiant
à d’autres entités la mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques (…) toutefois, la
coexistence de ces deux logiques ne va pas sans difficultés, notamment lorsque les agences
sont dotées de délégation territoriales sur lesquelles le préfet ne dispose pas de pouvoir
hiérarchique. Le recours à des agences est ainsi parfois perçu comme une échappatoire à la
déconcentration » 341, il devient dans ce cas nécessaire de clarifier et de mieux définir le rôle et
les relations du représentant local de l’Etat gabonais par rapport aux antennes territoriales de
certaines agences : « La juxtaposition sur un même territoire des services déconcentrés et des
agences nécessite que soit clarifié leurs relations et ainsi que les prérogatives du (préfet) à
l’égard de ces derniers. En tant que représentant de l’Etat et de chacun des membres du
gouvernement, le (préfet) doit avoir des prérogatives à l’égard des agences et ces dernières
doivent poursuivre deux objectifs « d’une part le (préfet) doit en tant que garant de la
cohérence de l’action de l’Etat, être en mesure de s’assurer que l’action des agences s’inscrit
dans cette cohérence. D’autre part sans s’immiscer dans la gestion des agences qui doit rester
autonome, le préfet est fondé à vérifier que l’agence met bien en œuvre les orientations
stratégiques que l’Etat lui a confiées » 342.
Les autorités gabonaises peuvent pallier à ces risques en s’inspirant des propositions faites par
le Conseil d’Etat français en la matière c’est-à-dire en encadrant juridiquement le recours aux
agences et ce principalement aux moyens de quatre (4) critères justifiant leur création à savoir :
339 Conseil d’Etat, Les agences : une nouvelle gestion publique ? , op. cit., p. 199.
340 Ibid., p. 94.
341 Ibid., p. 91.
342 Ibid., p. 162.
168
« L’utilité d’une spécialisation (critère de l’efficience) ; la nécessité d’une expertise distincte
de celle des services de l’Etat (critère de l’expertise) ; le caractère prépondérant des
partenariats avec les collectivités territoriales ou avec des acteurs de la société civile pour la
mise en œuvre des politiques publiques (critère du partenariat) ; la nécessité d’éviter
l’intervention du pouvoir politique dans les processus internes de décisions (critère de
neutralité). De même une étude d’impact est nécessaire au moment de la création d’une
agence » 343.
Cette solution, adoptée par l’Etat français par une circulaire du premier ministre du 9 avril 2013
harmonisant et clarifiant le recours aux agences, peut aussi être adoptée par le Gabon qui doit
faire face au risque pesant sur ses agences qui serait de favoriser l’indépendance opérationnelle
des agences, notamment des « agences présidentielles ». Ce problème a été mis en évidence
lors de la mise en œuvre du système de l’agence anglo-saxon.
A ce sujet, Allen Schick déclarait : « Dans le modèle de l’agence, on accorde trop de poids à
l’indépendance opérationnelle des prestataires de service et pas assez à l’attitude des
« contrôleurs » dans les ministères. Pour que la relation fonctionne – c’est-à-dire pour que les
agences respectent les politiques et objectifs fixés par ceux à qui elles doivent officiellement
rendre compte- il ne suffit pas que les gestionnaires disposent d’une marge de manœuvre ; il
faut une démarche active de leur ministère de tutelle pour les guider et surveiller attentivement
leur travail. Pour bien évaluer le fonctionnement du modèle de l’agence, il faut examiner si le
ministère de tutelle est à la hauteur de ses responsabilités » 344.
La mise en œuvre du modèle a conduit à une atténuation des responsabilités des acteurs
politiques : « Dans de nombreux pays, les agences ont été mal conçues à l’origine et une
correction ultérieure est peu vraisemblable : elles ont acquis leur indépendance sans en payer
le prix par leurs résultats » or « dans le raisonnement de la modernisation, une indépendance
excessive nuit à la cohésion des politiques et à l’intégration des services » 345.
Pour les autorités gabonaises, l’une des possibilités à surmonter cette difficulté résidera dans
leur capacité à séparer les fonctions de l’organe décisionnel et de l’organe opérationnel :
« Toute administration démocratique doit à la fois relier et séparer les organes politiques et
administratifs. Elle doit les relier pour s’assurer que les gestionnaires et autres prestataires
de services respectent les politiques et réglementation fixées par les responsables politiques.
Mais elle doit aussi préserver les affaires administratives de toute intervention politique
directe, pour que les gestionnaires aient toute latitude d’agir avec équité et efficacité, en
dehors de toute considération politique. Aucune démocratie ne peut tolérer que des
dispositions administratives dispensent les gestionnaires d’appliquer les politiques conçues
par des décideurs dûment sélectionnés, et aucune démocratie ne peut permettre l’ingérence
des politiciens dans les affaires administratives au détriment des droits des parties
concernées » 346. Or, c’est ce lien entre les deux organes : « Entre indépendance et tutelle, qui
343 Ibid.
344 Allen SCHICK, « Les agences à la recherche de principe », op. cit., p. 183.
345 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
169
va conditionner le succès du système d’agence comme support de la démarche de
performance » 347.
Un cadre harmonisé de création des agences gabonaises permettrait de mieux éclairer le public
sur les motivations réelles à leur recours ainsi que sur leur impact car elles sont souvent perçues
comme un moyen pour les autorités de gaspiller l’argent public.
Ainsi, la définition de « lignes directrices » déterminant les conditions du bon recours aux
agences devient-elle primordiale comme l’avait si bien rappelé le CE : « Les agences sont vues
par les pouvoirs publics et par l’opinion comme un gage tangible de l’ambition et du
volontarisme. Leur création est souvent décidée « à chaud », notamment lorsqu’il s’agit de
répondre à des crises (…) Enjoindre de ne plus créer des agences pour des raisons politiques
ou juger que ces raisons politiques sont mauvaises n’aurait pas de sens. En revanche, il est
nécessaire que la volonté politique qui nait souvent « à chaud », soit confrontée à une doctrine
élaborée « à froid », à des lignes directrices définissant les conditions du bon recours aux
agences. Ces lignes directrices auraient vocation à garantir que la décision politique de créer
une agence soit pleinement éclairée par une évaluation de toutes ses conséquences en termes
d’organisation » 348 dans ce cas : « il n’est pas plus souhaitable de verser dans l’excès inverse
en remettant radicalement en cause le recours aux agences pour la mise en œuvre des
politiques publiques dès lors que les conditions de ce recours ont été au préalable clairement
défini. Les agences répondent à un besoin réel, celui de nouvelles modalités de gestion
publique plus efficace » 349.
347 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
170
Encadré 5 : La procédure des Nextsteps
Dans la procédure des NextSteps, les agences ont un cycle de vie composé, en général, de
huit phases :
1. Le statut de candidat, une entité (ou une activité) étant désignée comme candidat à la
transformation en agence. Au cours de cette phase d’une durée de trois à neuf mois, on évalue
l’opportunité de cette forme d’organisation.
2. Les options préalables concernent l’examen approfondi de la mission de l’entité et des
différentes possibilités de l’exécuter.
3. Les relations ministère-agence sont clairement définies, en particulier l’étendue de
l’autonomie qui sera conférée à l’agence.
4. Un document-cadre précise officiellement les objectifs de l’agence, ses conditions de
fonctionnement, les responsabilités du directeur, les relations avec le ministère de tutelle et
les modalités de financement et de gestion du personnel.
5. Un directeur est recruté dans des conditions de concurrence et engagé dans le cadre d’un
contrat à durée déterminée définissant ses conditions de travail et les performances
escomptées.
6. Des objectifs de performance sont publiés chaque année, indiquant explicitement à
l’agence quelles seront les modalités de l’évaluation des performances.
7. Les rapports annuels comparent les réalisations et les objectifs de performance et
présentent des états financiers vérifiés.
8. Des examens périodiques, réalisés au moins une fois tous les cinq ans, évaluent les
performances de l’agence et envisagent les changements à apporter à la charte régissant son
fonctionnement.
171
CONCLUSION
172
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Le droit budgétaire gabonais est un droit en perpétuelle mutation. Faisant face aux difficultés
de leur système financier, les autorités publiques ont successivement adopté différents textes
législatifs encadrant les lois de finances. Ils portent l’empreinte du droit communautaire
CEMAC et du droit français dont ils procèdent car la plupart des réformes impulsés par la
CEMAC s’inspirent fortement de celles mise en œuvre par la France. Le cas récent de
l’adoption de la LOLFEB qui a des fortes similarités avec la LOLF en est un exemple patent.
Bien que son adoption soit à louer au regard de ses finalités, le Gabon doit consentir à plus
d’efforts dans la méthodologie de mise en œuvre de la loi organique s’il veut un jour parvenir
à la révolution budgétaire à laquelle est parvenue la France avec l’adoption de la LOLF.
173
SECONDE PARTIE : LA REFORME DE LA GOUVERNANCE FINANCIERE
La LOLFEB modifie les relations traditionnelles des acteurs politiques en matière financière,
notamment les outils de collaboration entre le Gouvernement et le Parlement, en imposant une
coopération fondée sur une meilleure information du Parlement en vue d’améliorer son
contrôle de l’action gouvernementale.
La loi organique procède à un rééquilibrage politique des pouvoirs financiers. Alors que la loi
n°4/85 relative aux lois de finances était marquée par la prédominance des pouvoirs de
l’exécutif sur le législatif en matière budgétaire, la LOLFEB renforce les pouvoirs budgétaires
traditionnels des parlementaires en renforçant leur droit à l’information (section 1).
La LOLFEB place le Parlement au cœur du processus budgétaire. Elle lui confère un rôle plus
actif tout au long de la procédure en prévoyant notamment sa participation à la préparation du
budget, ce qui lui permet d’être informé de la politique budgétaire du Gouvernement. La
procédure d’élaboration de la loi de finances étant divisée en deux phases, à savoir la
préparation et l’élaboration du budget, la valorisation du rôle du Parlement sera marquante au
moment de la préparation (sous-section 1). Dorénavant, le Gouvernement est tenu de justifier
devant lui toute demande de crédits au moment de l’élaboration du budget (sous-section 2).
Sous la loi n°4/85 relative aux lois de finances, le Parlement avait des pouvoirs budgétaires
rationnalisés. Situation qui restreignait ses interventions lors du processus budgétaire.
Désormais, les pouvoirs financiers des parlementaires se trouvent rénovés à travers
l’institutionnalisation du débat d’orientation budgétaire (A).
174
Cette innovation est importante car elle donne accès à la représentation nationale, à une source
d’informations financières conséquente, qui fait peser sur le Gouvernement l’obligation de
présenter un budget et des comptes reflétant une image sincère et fidèle de la situation et des
perspectives économiques et patrimoniales nationales (B).
La mise à disposition de ces documents dans le cadre d’une nouvelle étape du calendrier
budgétaire participe au renforcement du pouvoir de contrôle démocratique. Au-delà du contrôle
budgétaire renforcé du Parlement, le débat contribue également au renforcement du contrôle
citoyen car il se déroule en séance publique.
Ainsi, le DOB permet-il aux élus d’être informés sur la stratégie gouvernementale, c'est-à-dire
sur les principaux choix envisagés par le Gouvernement et de formuler après discussions des
suggestions ou des critiques.
Cet article renforce le statut des documents de cadrage à moyen terme dans le processus
d’élaboration de la loi de finances de l’année. La mention d’une transmission au Parlement «
par le Gouvernement » implique leur examen en conseil des ministres et leur confère la
dimension d’un document financier traduction de la solidarité gouvernementale.
175
moment de l’envoi de la circulaire du premier ministre notifiant aux ministres leurs enveloppes
de crédits pour l’année n+1.
L’ensemble des documents sur lequel s’appuie le Parlement pour débattre de l’orientation
budgétaire fait partie d’une liste de moyens ou d’outils qu’offre la loi organique pour enrichir
l’information parlementaire. Cette dernière prévoit une documentation explicative et
exhaustive devant obligatoirement accompagner le projet de LF et qui permet d’éclairer les
élus sur la situation financière de l’Etat mais pas seulement puisqu’elle couvre d’autres secteurs
de l’Etat à la fois économique et social.
Ainsi, il doit être joint au projet de LF un rapport sur la situation et les perspectives
économiques, sociales et financières de la nation comprenant la présentation des hypothèses,
des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi le projet de loi de
finances de l’année.
L’obligation d’information posée par la loi organique doit être interprétée comme une
obligation de résultat, c’est-à-dire qu’un même document pourra présenter l’ensemble des
informations requises et que les différentes informations attendues en annexes ne doivent pas
nécessairement donner lieu à la production d’un document dédié.
Cette approche aura également pour objet de faciliter le travail des services budgétaires en
évitant la multiplication des documents sans pour autant réduire l’offre d’information.
La procédure du DOB connait une double limite tant sur la portée que sur le contenu du DOB.
Le DOB sans vote confirme et ne remet pas en cause la prééminence du gouvernement voire
son monopole dans la préparation des projets de lois de finances : « Il ne s’agit donc pas
d’instituer une participation directe du Parlement au processus d’élaboration budgétaire mais
il s’agit plutôt d’organiser une sorte de consultation du Parlement » 350 et c’est grâce à cette
350 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op., cit, p. 326.
176
« consultation » que les parlementaires seront éclairés sur l’évolution des finances publiques,
leur impact et qu’ils pourront émettre un avis.
Le DOB connait aussi des limites tenant au contenu de la documentation de travail des
parlementaires. Selon l’article 6 de la LOLFEB, les parlementaires doivent débattre sur
l’exécution budgétaire et sur l’évolution de l’économie nationale et des finances publiques :
« Chaque année, avant le 15 juin, le gouvernement transmet au Parlement les documents de
cadrage à moyen terme accompagnés d’un rapport sur la situation macroéconomique et d’un
rapport sur l’exécution du budget de l’exercice en cours. Sur la base de ces documents et
rapports, le Parlement organise avant le 30 juin un débat d’orientation budgétaire en séance
publique et sans vote ».
Le contenu de la structure budgétaire devrait faire l’objet d’un vrai débat au cours duquel les
parlementaires pourraient donner leurs avis en ayant la possibilité de le modifier. Elle ne devrait
pas seulement faire l’objet d’une simple information annexée au projet de loi de finances.
Ainsi, le DOB doit-il permettre aux élus d’avoir un regard sur l’évolution des finances
publiques et sur la pertinence et la cohérence des principales orientations envisagées par le
gouvernement : « La majorité (parlementaire) peut alors tout au moins en théorie, être en
mesure de peser sur les arbitrages gouvernementaux, plus efficacement qu’elle ne peut le faire
au moment du vote du budget. Par ailleurs, l’organisation d’un tel débat n’est pas exempte de
préoccupations politiques : associer le Parlement aux choix qui sont fait c’est aussi une
certaine façon tenter de prévenir ou de désamorcer à l’avance une contestation qui pourrait
se manifester lors de la discussion de la loi de finances. On peut également estimer que le débat
d’orientation s’inscrit dans un processus ininterrompu de décision qui intègre préparation et
adoption et atténue la séparation voulue par les textes, en matière budgétaire entre exécutif et
législatif » 351.
Le DOB doit offrir l’occasion aux élus non seulement de s’exprimer sur l’architecture
budgétaire et les choix de politiques publiques retenues mais également sur les moyens que le
gouvernement va mettre en œuvre pour leur réalisation c'est-à-dire qu’ils vont s’exprimer sur
« Le choix des objectifs stratégiques, des indicateurs définis pour en mesurer la réalisation et
enfin sur les cibles de résultats » 352.
Cette possibilité de participation directe aux parlementaires est d’autant plus importante à la
valorisation du rôle du Parlement que la loi organique en son article 37 interdit expressément
351Ibid., p. 326.
352Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op. cit., p. 325.
177
aux parlementaires de créer une mission, un programme ou une dotation. A cause de cette
interdiction, il semble plus intéressant qu’à travers le DOB, les parlementaires puissent être
consultés afin de contribuer significativement sur les orientations des politiques nationales et
les choix budgétaires retenus par le gouvernement. Pour aller plus loin, on devrait même le
rendre obligatoire pour que le DOB soit un moment déterminant au cours duquel les élus
participent à la détermination des choix budgétaires pour la nation.
La bonne gouvernance financière est devenue une préoccupation majeure des autorités
publiques qui doivent s’efforcer d’acquérir « une culture durable de bonne gouvernance des
finances publiques » 353. Procédant à la modernisation de leurs modes de gestion publique, les
Etats doivent poursuivre cet objectif : « La gouvernance financière est l’objectif principal des
systèmes budgétaires modernes. Elle requiert la mise en place d’institutions saines (…). Il faut
surtout, en vue des finalités de bien-être social des nations, que les fonds publics ainsi les actifs
et passifs financiers soient gérés de manière transparente, responsable et intègre » 354. Elle
devra s’apprécier au travers du respect par les Etats du principe de sincérité budgétaire, qui
commande que soit garantie l’exactitude des informations contenues dans la loi de finances et
dans les comptes de l’Etat ainsi que la fiabilité de l’équilibre budgétaire (1). De même, ils
devront respecter le principe de transparence qui oblige le gouvernement à informer les
parlementaires et les citoyens de la gestion des fonds publics (2).
Il est fait référence aux principes budgétaires classiques (annualité, unité, universalité et
spécialité) et au principe de sincérité venant compléter ce corpus. L’article énonce que « Les
budgets des administrations publiques présentent de façon sincère l’ensemble de leurs recettes
et dépenses. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles au moment de
l’élaboration des budgets et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».
L’article 2 de la loi du 30 janvier 2015 relative au code de transparence précise que le principe
de sincérité entraine l’obligation de présenter des comptes ou un budget reflétant une image
sincère et fidèle de la situation et des perspectives économiques et patrimoniales nationales au
353Actes du 6ème séminaire annuel de la Collaborative Africa Budget Reforme Initiative (CABRI), La bonne gouvernance :
178
regard des informations dont dispose l’exécutif de l’administration publique au moment de leur
élaboration.
Le principe de sincérité budgétaire, posé par l’article, est complété par celui de sincérité des
comptes de l’Etat lequel implique la tenue et la reddition de comptes selon une comptabilité de
droits constatés et les règles de la comptabilité patrimoniale. Il vise ainsi l’exécution du budget
car les documents comptables qui en résultent doivent être le reflet exact des opérations
budgétaires effectuées. Il impose l'exactitude des comptes de l'État, qui peut être vérifiée avec
plus de précision : les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image
fidèle de son patrimoine et de sa situation financière. Le respect du principe de sincérité
comptable relève d'une obligation de résultat. Le contrôle sur le fond du principe de sincérité
budgétaire est exercé a posteriori par les comptables publics qui sont responsables de la tenue
des comptes de l’Etat en s’assurant notamment de la sincérité des enregistrements comptables
et du respect des procédures et par la Cour des comptes, qui a mission de rendre un rapport sur
l’exécution de la loi de finances, accompagné d’une « certification de la régularité, de la
sincérité et de la fidélité des comptes de l'État », dans le cadre de la loi de règlement.
Pour autant, le principe de sincérité comme les autres principes budgétaires traditionnels fait
l’objet d’exceptions tenant certes aux facilités de gestion pour le gouvernement mais qui
peuvent altérer son objet. Ces exceptions sont aux nombres de quatre (4) :
- Les comptes spéciaux qui retracent les opérations de trésorerie que le législateur entend
isoler du budget général de l’Etat, en raison de leur caractère temporaire ou
exceptionnel et des conditions particulières de leur financement. Cependant, bien qu’ils
soient soumis au vote et au contrôle des parlementaires, l’exclusion de ces opérations
est susceptible d’altérer leur sincérité.
- Les budgets autonomes qui ne font pas partie de la LFI. Ils ne sont donc pas soumis à
l’approbation et au contrôle du parlement. Pour autant, l’Etat intervient quelque fois
dans la vie des collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public
dotées d’un budget autonome. Il peut leur allouer des subventions annuelles en
complément de leurs recettes d’exploitation. Il peut aussi leur venir en aide au moyen
de subvention d’équilibre notamment lorsque leur bilan d’activité se solde par un déficit
d’exploitation. Nous pouvons néanmoins nous interroger sur l’effectivité du principe
de sincérité dans le processus de préparation, d’adoption et d’exécution des budgets
autonomes, dès lors que le parlement n’intervient pas dans le processus.
- Les débudgétisations qui sont généralement comme une technique de camouflage des
dépenses publiques non autorisées par le parlement. Elles empêchent ainsi les contrôles
de ces dépenses et favorisent la dissimulation des déficits budgétaires. Ce qui est
contraire au principe de sincérité budgétaire
179
- Les prélèvements sur recettes qui consistent à reverser à certaines administrations ou
organismes publics, dont l’activité génère des recettes, les sommes perçues pour leur
compte par les agences comptables du Trésor. Les sommes ainsi reversées permettent
aux administrations et organismes publics concernés de prendre en charge certaines de
leurs dépenses spécifiques. Cette pratique qui est répandue dans la quasi-totalité des
administrations bénéficiant de l’autonomie de gestion financière, ne semble pas
conforme au principe de sincérité pour deux (2) raisons : « La première est que les
recettes prélevées et reversées aux administrations et organismes bénéficiaires sont des
dépenses publiques qui n’apparaissent pas dans le budget général de l’Etat. Ce qui,
selon Jean Luc Albert, fait de cette pratique « un cas particulier se situant à cheval sur
la limite séparant le budget des opérations extrabudgétaires ». La seconde raison est
que ces dépenses ne sont pas formellement autorisées par le parlement puisqu’elles
procèdent généralement d’un acte réglementaire » 355.
- Une définition claire des attributions et des responsabilités des différents acteurs : le
chapitre 2 de la loi relative au code de transparence évoque d’abord la nécessité de
préciser les compétences des acteurs impliqués dans la conception de la politique
budgétaire. Il souligne ensuite la nécessité de définir les attributions des acteurs chargés
du contrôle des opérations budgétaires et de la gestion des statistiques budgétaires.
355
Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, Les finances publiques du Gabon. Droit budgétaire et droit de la comptabilité
publique, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 113.
180
poste comportant des responsabilités financières sans vérification préalable de ses
compétences techniques, de ses aptitudes professionnelles et de ses qualités morales.
Le texte précise en outre que le comportement des agents de l’Etat est régi par des règles
déontologiques claires et largement connues de tous. Par ailleurs, les règles et
procédures disciplinaires de la fonction publique sont renforcées en ce qui concerne les
infractions budgétaires. Des sanctions sont prévues à l’encontre de tous ceux qui sont
coupables de malversations dans la gestion des deniers publics. C’est pour garantir
davantage l’intégrité des acteurs concernés, que la loi exige que les personnels des
administrations financières, fiscales et douanières soient préservés de toute influence
intérieure et extérieure.
Cependant à l’instar du principe de sincérité, le principe de transparence fait lui aussi l’objet
de restrictions. En effet, il ne peut pas faire l’objet d’une stricte application dans toutes les
administrations publiques, en raison des missions stratégiques qu’assurent certaines d’entre
elles.
L’Etat intervenant dans des domaines nombreux et variés, certaines informations sensibles se
trouvant dans des dossiers stratégiques doivent rester confidentielles. Même des informations
moins sensibles ne peuvent être communiquées au public sans prendre, au préalable, un
minimum de précaution : « ce qui montre bien que l’application du principe de transparence
budgétaire doit être encadrée pour ne pas nuire à l’efficacité de l’action publique » 356.
Si le code de transparence n’a pas prévu expressément les exceptions au principe, la pratique
gabonaise de la gestion publique ainsi que les différentes règles de droit actuellement en
vigueur rendent inéluctables les restrictions à l’application de la transparence notamment dans
deux secteurs stratégiques :
356Ibid, p. 122.
357Ibid, p. 123.
181
les Etats s’emploient à protéger les travaux de recherche menés sur leur territoire. La
diffusion des informations relatives au financement et aux résultats de la recherche est
par conséquent encadrée : « Ces dispositions, dont la finalité est le développement et la
protection de la recherche scientifique et de l’industrie nationales entrainent
évidemment des restrictions sur l’application du principe de transparence budgétaire.
Le Gabon dont l’économie repose principalement sur les industries pétrolières et
minière ne peut se passer des mesures de promotions et de protection de la recherche
dans ces secteurs. Les mêmes dispositions s’imposent dans le domaine de la recherche
médicale afin de protéger les travaux de Centre international de recherches de
Franceville (…). L’Etat devrait également encourager et protéger la recherche dans le
domaine de la pharmacopée traditionnelle ou le Gabon jouit d’un avantage comparatif
indiscutable, grâce à la richesse exceptionnelle de sa flore et de sa faune ainsi qu’aux
savoirs ancestraux de ses habitants » 358.
L’approche pluriannuelle instaurée pour la présentation des recettes et des dépenses constitue
un élément fondamental de la réforme. Sans remettre en cause le principe d’annualité de la loi
de finances, cette démarche vise à intégrer l’action de l’Etat dans un cadre temporel de moyen
terme et de prendre en compte, dès la formulation du budget, les impacts financiers des
décisions publiques annuelles sur les exercices suivants.
La loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution du budget valorise le rôle du
Parlement au moment de l’adoption du budget en renforçant la portée de son autorisation
budgétaire à travers la présentation des crédits en AE/CP. En d’autres termes, la discussion des
crédits du budget général donne lieu à un vote par missions et les votes portent, le cas échéant,
à la fois sur les autorisations d’engagement et sur les crédits de paiement (1).
En outre, un nouveau dispositif lui permet d’être informé sur l’affectation des crédits, la
justification au premier franc devient l’outil indispensable par lequel les membres du
gouvernement expliquent leurs demandes de crédits et par lequel les parlementaires examinent
l’ensemble des dépenses inscrites dans le PLF (2).
182
1. La présentation des crédits en Autorisation d’Engagement (AE)/Crédits de
Paiement (CP)
Cette distinction du crédit entre autorisation juridique et fonds disponibles est d’autant plus
importante en pratique que dans certaines situations, notamment en cas de crise : « l’Etat peut
être confronté à une crise de trésorerie et se trouver dans l’incapacité de faire face à ses
engagements financiers, alors même que l’Administration n’aurait pas dans certains domaines
employés tous les crédits accordés par le Parlement » 360.
Ainsi, les crédits ouverts dans le budget de l’Etat sont constitués d’une part, des autorisations
d’engagement (AE) et d’autre part, des crédits de paiement (CP). La notion d’AE est
particulièrement adaptée pour les dépenses dont l’exécution s’étale sur plusieurs exercices
budgétaires. Une fois l’engagement juridique réalisé pour tout ou partie de l’opération, seules
359 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 258.
360 Ibid.
361 Ibid., p. 259.
362 Ibid.
183
des ouvertures/consommations de CP seront réalisées sur les exercices suivants. Le niveau de
l’engagement d’une année contraint ainsi l’exécution des années suivantes et le pilotage des
AE constitue un enjeu de la gestion des finances publiques au regard de la soutenabilité
budgétaire.
L’article 36 rappelle la portée de la double signification du concept de crédit, qui distingue les
notions d’autorisation d’engagement et de crédits de paiement. Les autorisations
d’engagements qui constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées et dont
le paiement peut s’étendre, le cas échéant, sur une période de plusieurs années porte sur la
première phase de l’opération de dépense.
De plus, la loi organique apporte des précisions selon que l’opération d’investissement
concerne un investissement directement réalisé par l’Etat ou que l’opération d’investissement
soit menée dans le cadre d’un partenariat public-privé. Les autorisations d’engagements
afférentes aux opérations d’investissement menées dans le cadre de contrats de partenariat
public-privé par lesquels l’Etat confie à un tiers le financement, la réalisation, la maintenance
ou l’exploitation d’opérations d’investissement d’intérêt public, couvrent dès l’année de
signature du contrat, la totalité de l’engagement juridique. Les lois de finances ultérieures
budgétiseront les CP résultants du reste à payer jusqu’à extinction de la créance et de
l’opération, selon les termes et échéanciers des conventions signées entre l’Etat et ses
partenaires privés.
Les crédits de paiement, quant à eux, constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être
payées pendant l’année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des
autorisations d’engagement. Ils portent sur toutes les phases de la chaine de la dépense, de
184
l’engagement au paiement inclus. Ils sont le corollaire à la règle de l’annualité et constituent
« le droit commun de l’autorisation budgétaire » 364.
Les CP peuvent être répartis en deux catégories. La première catégorie est spécifiée par l’article
42 de la loi organique qui confirme le principe général selon lequel tous les crédits de la loi de
finances sont limitatifs. Par conséquent, le contrôleur budgétaire sera garant de cette
prescription en n’apposant pas son visa préalable à l’engagement d’une dépense dont
l’exécution conduirait à un dépassement de crédits. L’autre conséquence du crédit limitatif est
qu’il lie l’administration : « Celle-ci, en principe, ne peut ni modifier l’objet de la dépense, ni
dépasser le montant du crédit fixé par la loi de finances. Les ordonnancements ne peuvent
avoir lieu que dans le cadre de l’autorisation législative, et les comptables ont l’obligation de
refuser de payer tout ordonnancement ou mandatement si le crédit correspondant est
épuisé » 366.
Mais ce principe connait des atténuations tenant à l’existence de mécanismes pouvant être
utilisés par le gouvernement et lui permettant en cours d’année et sous certaines conditions de
renflouer ou augmenter des dotations insuffisantes via des transferts ou virements de crédits ou
encore par des décrets d’avance.
Concernant le programme spécifique logeant les crédits relatifs aux charges de la dette, les
dispositifs réglementaires de mouvements de crédits à la disposition du gouvernement en cours
d’exercice budgétaire (crédits de répartition à partir de la dotation pour dépenses accidentelles,
virements, transferts, décret d’avance, annulation, report) ne lui sont pas applicables. Il ne peut
donc abonder ou être abondé par des crédits limitatifs.
Enfin, au regard des possibles dépassements liés au caractère évaluatif des crédits, l’article met
l’accent sur le rôle du Parlement dans la préservation de l’équilibre budgétaire défini dans la
loi de finances initiale. Ce dernier est immédiatement informé des dépassements de crédits
185
évaluatifs et les propositions d’ouvertures de crédits lui sont proposées par le gouvernement
dans la prochaine loi de finances rectificative ou, pour régularisation, dans la loi de règlement.
Les demandes de crédits présentées au Parlement sont justifiées au premier Franc CFA, la JPF
est l’outil d’explication des crédits demandés au Parlement. Avec l’utilisation du système de
fongibilité des crédits au sein de chaque programme, les ministres sont contraints de justifier
de manière rigoureuse devant les parlementaires, leur demande de crédits lors de l’élaboration
des PLF à travers la production d’annexes explicatives développant par programme le montant
des crédits présentés, ou en cas de modification, en devant joindre au PLFR une annexe
détaillant et justifiant les modifications de crédits proposés. En outre l’obligations de
justification au premier franc s’appliquent aussi ex post c'est-à-dire au moment de rendre
compte de l’exécution des dépenses lors de l’examen par les élus de la LR.
L’objet de la JPF est d’expliciter le pourquoi du coût budgétaire de l’ensemble des activités à
réaliser ainsi que du personnel employé par le programme pour mettre en œuvre l’action
publique. La JPF doit donc être la plus efficace possible afin de parfaitement éclairer les
parlementaires sur les coûts des politiques publiques ce qui leur permettra d’examiner
efficacement l’ensemble des dépenses inscrites dans le PLF. L’avantage de la JPF est qu’elle
« oblige les gestionnaires de crédits, les ministères « dépensiers » à faire une réflexion
proactive sur leur propre action et sur l’incidence budgétaire de leurs activités et actions » 367
Les auteurs de la réforme ont privilégié la justification des crédits au niveau du programme,
elle s’effectue titre par titre à partir des éléments détaillés ayant servi à l’élaboration de la
proposition budgétaire qui repose en amont sur les dépenses obligatoires, inéluctables et
indispensables. La JPF est donc un outil d’explication des crédits par déterminant de la
dépense. C’est cette prise en compte des dépenses obligatoires et inéluctable qui va assurer la
soutenabilité budgétaire de la proposition faite par les responsables de programme qui devront
identifier et chiffrer les différents types de dépenses suivant un ordre de priorité :
− dépenses obligatoires : charges à payer de manière certaine et pour un montant précis connu,
compte tenu d’un acte juridique déjà pris (exemple : reste à payer de l’année précédente,
contrats pluriannuels de location, …) ;
− dépenses indispensables : cela comprend d’une part les dépenses inéluctables, qui sont les
charges à payer de manière certaine mais dont le caractère est estimatif au moment de l’examen
du BOP (exemple : engagements déjà pris mais dont le service n’est pas encore fait, eau,
électricité, …), et d’autre part les dépenses indispensables à l’exercice des missions de base / à
la délivrance des prestations de service public de base / à l’atteinte des objectifs annuels du
PAP. Les dépenses obligatoires, inéluctables et indispensables peuvent se trouver dans
différents titres (dépenses de personnel, dépenses de biens et services, dépenses de transfert,
dépenses d’investissement et autres dépenses). Un accent particulier a été mis par les auteurs
de la réforme au niveau des éléments suivants, qui ont particulièrement été développé : pour le
367 Nicaise MEDE, Finances publiques- Espace UEMOA/UMOA, L’Harmattan/CREDILIA, 2017, p. 233.
186
titre 2 (dépenses de personnel) il était prévu un tableau présentant l’évolution des emplois de
l’Etat et leur justification par effectifs et par coût et un tableau justifiant les demandes de
recrutement et pour le titre 3 (dépenses de biens et services) un tableau récapitulatif de
justification des dépenses de biens et de services à partir des déterminants physiques et
financiers de la dépense.
Le système de la BOP avec la JPF a mis fin au système des services votés et des mesures
nouvelles qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi organique. Ce système hérité de
l’ordonnance française du 2 janvier 1959 et non formellement consacré en droit budgétaire
gabonais consistait à considérer comme acquis les crédits alloués à chaque administration au
titre de l’année précédente (services votés). A ces derniers venaient s’ajouter d’autres crédits
sollicités pour la première fois par les ministères dépensiers (mesures nouvelles) en vue de
financer de nouvelles dépenses. Les services votés représentaient le niveau minimum de
dotations budgétaires que l’Etat jugeait nécessaire pour continuer à fonctionner dans les mêmes
conditions que celles approuvées l’année précédente par le parlement. Les mesures nouvelles
quant à elle désignaient des crédits budgétaires sollicités par le gouvernement pour couvrir des
dépenses figurant pour la première fois dans le PLFI. Cependant il est vite apparu que les
services votés étaient source de gaspillage des fonds publics parce qu’ils concernaient des
crédits reconduits automatiquement d’année en année sans faire l’objet d’une quelconque
évaluation : « Le risque de gaspillage était d’autant plus grand que les crédits de
fonctionnement sollicités, dès le départ, par les différentes administrations étaient souvent
surévalués et que l’utilité des certains services publics bénéficiaires de ces crédits était elle-
même douteuse » 368.
La JPF permet de limiter ces risques, elle se fonde sur le « refus de l’automaticité, de
l’empirisme et de la tradition dans l’affectation des ressources aux différents programmes des
administrations publiques. La reconduction habituelle d’un budget d’une année à l’autre est
proscrite. Chaque année, le budget est construit ab initio, sur une base zéro, comme si rien
n’existait ou n’avait été fait avant. Chaque dépense correspondant à une activité ou une action
nouvelle ou même ancienne et courante doit faire l’objet d’une justification assortie de
l’examen des modes alternatifs de financement. Les propositions qui en découlent sont
hiérarchisées pour déboucher sur une décision budgétaire optimisées » 369
La JPF telle qu’elle a été conçue sert de base à l’exercice du droit d’amendement des
parlementaires dès lors qu’elle permet d’éclairer ces derniers sur l’affectation des moyens à la
réalisation des programmes et sur le coût des politiques publiques. Ils pourront examiner
efficacement l’ensemble des dépenses inscrites dans les PLF puisque la JPF permet d’éclairer
les parlementaires sur l’affectation des moyens à la réalisation des différents objectifs.
A cet effet, les ministères dépensiers et les institutions autonomes doivent procéder à une
définition claire des objectifs visés et des actions à mener pour les atteindre. Lors de la
préparation de leur projet de budget, ils sont tenus d’observer les prescriptions suivantes :
368 Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, Les finances publiques du Gabon. Droit budgétaire et droit de la comptabilité
187
« Examiner tous les programmes et procéder et procéder à une appréciation rigoureuse de
chaque poste de dépense ; rechercher les programmes figurant au budget par routine et non
par nécessité, afin de de mettre un terme à la pratique des services votés ; justifier et établir
des priorités dans les programmes, afin de rationaliser les dépenses et réaliser des
économies » 370. En outre, la mise en œuvre des programmes retenus doit nécessairement passer
par les trois phases suivantes : « Présentation, pour chaque programme, d’un ou de plusieurs
ensembles de propositions budgétaires ; évaluation et hiérarchisation de toutes les
propositions budgétaires sur la base d’une analyse cout/avantage ; attribution des ressources
humaines et financières en fonction des résultats de l’évaluation et de la hiérarchisation des
propositions budgétaires » 371.
La discussion budgétaire annuelle constitue un moment clef de toute législature. Elle est
l’occasion pour les représentants des citoyens d’analyser et de se prononcer sur le bien-fondé
des choix du gouvernement, traduits à travers ses demandes de financement des politiques et
des services publics. En conséquence, les parlementaires disposent du droit d’amender les
propositions du gouvernement.
Les amendements parlementaires ont pour objet de supprimer, rédiger, modifier, ou compléter
tout ou partie des dispositions du projet de loi de finances ou d’y insérer des dispositions
nouvelles. Il est également possible pour les parlementaires d’amender les amendements
déposés (c’est l’objet des sous-amendements).
Le Parlement doit approuver toutes les décisions financières arrêtées par le gouvernement pour
l’année, en se prononçant sur le contenu du PLF dont le champ a été considérablement élargi
par la LOLFEB, qui en son chapitre cinquième du titre III, traite de la procédure parlementaire
d’adoption de la loi de finances initiale. Elle est dérogatoire à celle des lois ordinaires. Le
Parlement doit examiner les projets de lois de finances stricto sensu accompagnés de ses
annexes et des rapports qui lui permettront d’être réellement informé sur le contenu des
propositions financières faites par le gouvernement et lui permettront d’exercer son contrôle.
Les assemblées parlementaires doivent examiner le PLF divisé en deux (2) parties.
370 Fidèle MENGUE ME ENGOUANG, Les finances publiques du Gabon. Droit budgétaire et droit de la comptabilité
publique, p. 148.
371 Ibid.
188
C’est au regard de cet esprit de transparence que le Parlement, en tant que représentant du
peuple, jouit d’un droit d’amendement. Son exercice est encadré par l’article 55 de la
Constitution qui dispose : « Les membres du Parlement ont le droit d’amendement. Les
propositions de loi et les amendements d'origines parlementaires sont irrecevables
lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des recettes publiques, soit
la création ou l’aggravation d’une charge publique sans dégagement des recettes
correspondantes. Les amendements ne doivent pas être dépourvus de tout lien avec le texte
auquel ils se rapportent. Si le Gouvernement le demande, la chambre saisie se prononce par
un vote unique sur tout ou partie du texte en discussion et en ne retenant que les seuls
amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement ».
Ainsi exposé, l’exercice de ce droit par les parlementaires est davantage assorti de restrictions
que de garanties quant à leur initiative financière. En effet, le droit d’amendement fait plus
partie des limitations aux pouvoirs budgétaires du Parlement que des éléments concourant au
renforcement de ses capacités. La loi organique tout en rappelant l’exercice du droit
d’amendement posé par la Constitution, l’élargit aux crédits des missions en disposant que : «
Les membres du Parlement ont le droit d’amendement dans les conditions prévues par l’article
55 de la Constitution. A ce titre, ils ne peuvent augmenter le volume des crédits d’une mission
sans dégagement des financements correspondants » 372.
189
L’exercice du droit d’amendement posé par la LOLFEB est beaucoup moins restrictif en étant
plus flexible pour les parlementaires que celui prôné par le législateur communautaire. L’article
54 DLF dispose : « Aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances
ne peut être proposé par un parlementaire, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire effectivement
une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à renforcer les procédures de contrôle du
budget et des comptes publics. Tout article additionnel et tout amendement doit être motivé et
accompagné des développements des moyens qui le justifient ». Il prévoit un champ plus large
de l’exercice de l’amendement qui n’est plus seulement restreint au domaine financier mais
aussi aux procédures de contrôle des finances publiques.
374 Caroline LALY-CHEVALIER, « le pouvoir d’amendement des parlementaires en matière financière au regard de la loi
organique du 1er août 2001relative aux lois de finances », RFFP, LGDJ, n°82, 2003, p. 117.
375 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
190
Mais une interprétation stricte de cette disposition pouvait conduire à des situations absurdes
en pratique 377 ce qui fait que par exemple en France un certain nombre de critères
d’appréciation étaient retenus afin que les amendements des élus soient recevables : « La
marge de manœuvre qui est classiquement autorisée est la suivante : les parlementaires
peuvent proposer la diminution d’une ressource dans la mesure où ils proposent en
contrepartie la majoration d’une autre ressource. La tolérance va même plus loin ; si le
Gouvernement propose des augmentations d’impôts le Parlement peut en limiter l’ampleur et
en réduire le montant à condition de rester dans le cadre du système fiscal existant » 378.
L’extension du droit d’amendement des parlementaires français aux dépenses publiques s’est
matérialisée à travers la définition de la notion de charge par l’article 47 de la LOLF qui dispose
qu’: « au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s’entend, s’agissant des
amendements s’appliquant aux crédits de la mission ». Cet article qui a modifié en profondeur
la portée du droit d’amendement des parlementaires concernant les dépenses publiques, a été
considéré par certains commentateurs comme : « L’innovation la plus importante de la
réforme » 379 et comme : « L’élément essentiel sur lequel s’est appuyé le législateur organique
pour renforcer le rôle du Parlement en matière budgétaire » 380.
Ce principe vaudrait pour les charges publiques ou précisément pour « une charge » publique.
Par conséquent, la création ou l’aggravation d’une charge publique ne peut être compensée que
par la réduction ou la suppression d’une autre charge ou par l’augmentation des ressources
correspondantes.
Dans ce cas, la définition de la notion de charge publique devient primordiale dès lors qu’on
suppose qu’un ensemble de dépenses ayant le même objet ou un objet proche peuvent être
considérées comme les composantes d’une charge publique. Le Parlement aura la possibilité
d’augmenter l’une de ces dépenses s’ils réduisent dans le même temps les autres dépenses.
Cette interprétation peut être faite à la lecture de la LOLFEB, la présentation des crédits suivant
la nouvelle nomenclature donnant plusieurs possibilités aux parlementaires de pouvoir
s’exprimer à l’intérieur d’une mission.
377 René PLEVEN, avait par exemple fait observer en 1959 qu’une interprétation stricte de l’art 40 aurait interdit à un
parlementaire de déposer une proposition de loi tendant à la suppression de la peine de mort-celle-ci entraînant une
augmentation des dépenses publiques du fait de la nécessité de conserver le condamné en détention (Assemblée nationale,
séance du 28 mai 1959).
378 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 346.
379 Jean-Eric SHOETTL, « La nouvelle Constitution financière de la France », LPA, n° 183, 13 septembre 2001, p. 17.
380 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
191
La procédure d’adoption du budget a pendant longtemps été dysfonctionnelle et en proie à de
nombreux manquements qui ont rendu désuets les pouvoirs financiers des parlementaires dont
son droit d’amendement. La loi organique rénove ces derniers en plaçant le Parlement au cœur
de la procédure et en lui donnant une place plus valorisante durant la procédure budgétaire.
Pourtant, il existe des risques en pratique que les parlementaires ne s’approprient pas
véritablement leurs nouveaux pouvoirs, ne s’imprègnent pas de l’esprit de la LOLFEB et dans
le cas d’espèce qu’ils n’utilisent pas véritablement leur droit d’amender les choix des politiques
publiques retenues par le Gouvernement comme l’a laissé entrevoir notre analyse du processus
budgétaire sous la loi n° 4/85 qui a révélé que les parlementaires ont peu utilisé leur pouvoir
d’amender les projets de LFI.
Nous pouvons alors craindre qu’ils retombent dans les mêmes travers en n’exerçant pas leurs
contre-pouvoirs c’est-à-dire en n’utilisant pas tous les moyens que la loi organique met à leur
disposition pour amender les choix du gouvernement en matière de politiques publiques.
La réussite de la réforme va résider dans la faculté des autorités à rompre avec des pratiques
d’ordre politique, financier et moral qui ont eu pour conséquence la naissance de dérives qui
ont fragilisé le système de gestion des finances publiques. Elle résidera dans la volonté de ces
derniers à s’approprier les instruments que leur fournit la loi organique mais surtout à les
appliquer et à les mettre en œuvre de façon rigoureuse.
Ainsi, les auteurs démontrent-ils l’influence des partis politiques qui se succèdent à la tête d’un
Etat sur ses finances publiques et leur empreinte sur les projets de LF et les politiques
budgétaires. Concernant le Gabon, le système politique est dominé sans alternance depuis des
381
Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 339.
382
Paul-Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques. Politique financière. Budget et trésor, Paris,
Montchrestien, 7e éd., 1996, p. 201.
192
décennies par le même parti politique. Aussi, pouvons-nous légitimement craindre de la
sincérité des parlementaires, issus en majorité du parti au pouvoir, à réellement contrôler et
évaluer en aval l’exécution budgétaire et les résultats de la gestion des programmes du
Gouvernement.
Gaston Zomo Yebe voyait même un corollaire entre système politique et sous-développement
au Gabon. Selon lui, les causes du sous-développement au Gabon se trouvent dans l’existence
du parti unique jusque dans les années 90 qui a favorisé l’étatisation de l’économie. Cette
dernière a favorisé l’émergence d’une personnalisation du pouvoir qui a entrainé : « La
théocratisation du chef de l’Etat, la kleptocratie et le clientélisme politique qui ont eu pour
corollaire sur le plan économique la patrimonialisation de l’Etat. Sous le monopartisme, l’Etat
a cessé d’être un instrument de gestion de service publique (…) mais est devenu la propriété
d’une minorité » 384.
En conséquence, tous les choix politiques et économiques étaient faits dans le but de favoriser
cette minorité qui profitait du pouvoir qu’il détenait pour leur intérêt privé au dépend de
l’intérêt général d’où va en découler la mauvaise gestion des ressources et l’échec des
politiques de développement efficaces. Ainsi, au-delà de l’aspect conjoncturel (causes
exogènes) les fondements des déséquilibres étaient plutôt à rechercher dans la stratégie
gabonaise de développement et dans le contexte sociopolitique créé par le monopartisme de
l’époque d’où la crise de l’économie gabonaise.
Dans la pratique, certains obstacles tenant aux relations entre Gouvernement et Parlement
montrent les défis à surmonter car c’est la transparence dans l’exécution budgétaire et plus
largement du système financier qui est en jeu.
La France est un exemple d’association constructive entre les différentes institutions dans la
mise en œuvre de la réforme budgétaire issue de l’adoption de la LOLF :« La mise en œuvre
de la réforme budgétaire française a fait l’objet d’un processus participatif inédit entre le
gouvernement français qui était en charge de la préparation de la mise en œuvre de la LOLF
et le Parlement à qui il devait remettre chaque année un rapport de préparation ce qui fait que
la mise en place de la réforme a été particulièrement suivi par les commissions de finances de
l’Assemblée Nationale et du Sénat et par la Cour des comptes. Leurs rapports ont notamment
permis de mettre en exergue les difficultés du processus. Mais cette coopération n’était pas
seulement entre le Gouvernement et le Parlement puisqu’elle a aussi mutualisé toutes les
383 Gabriel ZOMO YEBE, Comprendre la crise de l’économie gabonaise, coll. « Les cahiers de la bibliothèque du monde »,
193
compétences institutionnelles en vue d’assurer sa réussite. Elle a donné lieu à la production
de nombreux documents de réflexion et de travail venant de ces différentes institutions
(Parlement, Gouvernement, Cour des comptes...) mais aussi de personnalités universitaires,
ou encore de fonctionnaires qui ont débattu du sujet autour de nombreuses table ronde ou de
colloques retranscrit dans des revues scientifiques telles que la RFFP. La réforme budgétaire
française a nécessité la contribution de tous les organes de l’Etat pour qu’elle ait toutes les
chances d’aboutir » 385.
Des inquiétudes légitimes peuvent apparaitre dans le cas de la réforme budgétaire gabonaise,
quelque peu imposée aux parlementaires gabonais. En amont, ils ont dû adopter une loi qui
étend leurs pouvoirs financiers au regard de ses finalités sans véritablement y avoir été associés,
sans avoir participé à sa mise en œuvre. En aval, il faudrait qu’ils arrivent à s’en imprégner, à
prendre en compte la pleine mesure de la portée des pouvoirs financiers que la loi organique
entend leur donner mais surtout qu’aucun obstacle ne soit posé dans l’effectivité de leurs
prérogatives.
C’est ce manque d’association, de synergie qui fait quelque part défaut à la réforme budgétaire
gabonaise et à la nouvelle logique véhiculée par la Constitution financière avec l’entrée en
vigueur de la LOLFEB au 01 janvier 2015. Nous pouvons regretter le manque de collaboration
politique et institutionnelle qui a prévalu lors de l’adoption de la LOLF française et sa mise en
œuvre. Cette dernière résulte en outre d’une initiative strictement parlementaire à contrario de
la LOLFEB qui est une initiative résultant principalement du président de la République guidé
par sa vision d’un renouveau du Gabon, mené de bout en bout par son gouvernement et se
caractérisant par une mise à l’écart de la représentation nationale à qui il entendait pourtant
rénover les pouvoirs.
Dans le cas de la LOLFEB, La question est de savoir si les parlementaires sauront pleinement
profiter de la rénovation de leurs pouvoirs budgétaires pour véritablement contrôler l’action du
gouvernement tant en matière d’évaluation de l’exécution budgétaire qu’en terme d’efficacité
des politiques publiques ou alors retomberont-ils dans les travers du passé en ne votant que les
textes de loi.
385 André BARILARI et Michel BOUVIER, La nouvelle gouvernance financière de l’Etat, op. cit., p. 70-71.
194
Sous-section 1. Le contrôle parlementaire de l’exécution des lois de finances
La loi organique étend les prérogatives du Parlement en matière de contrôle. Dans son objectif
d’accroitre leurs pouvoirs budgétaires, elle opère des modifications substantielles en renforçant
les fonctions des organes chargées du contrôle budgétaire des deux (2) assemblées
parlementaires (A).
Par ailleurs, afin de contrôler l’exécution du budget de l’Etat et plus largement la gestion des
finances publiques, le Parlement dispose du droit de statuer sur les comptes en votant la loi de
règlement. Le législateur organique a donc eu pour ambition de réhabiliter la loi de règlement.
Cependant, en pratique, le dispositif mis en place ne rend pas efficace et effectif la mission de
contrôle des parlementaires en la matière (B).
La loi organique renforce les pouvoirs de contrôle du Parlement en élargissant les pouvoirs des
de contrôle des commissions de finances. En consacrant la mission de contrôle de l’exécution
budgétaire qui leur est propre, la LOLFEB : « Formalise et élève au rang organique les
pouvoirs de contrôle budgétaire des commissions des finances qui n’existaient auparavant
qu’aux seuls plans législatif et constitutionnel » 386 (1). Cependant, pour des raisons
d’efficacité, les commissions des finances doivent surmonter certaines entraves qui
affaiblissent leur contrôle informatif (2).
La fonction de contrôle des commissions des assemblées parlementaires est une fonction
traditionnelle dont les mécanismes sont prévus par les règlements des deux (2) chambres
parlementaires. Traditionnellement, les commissions parlementaires recherchent l’information
nécessaire à l’exercice du contrôle parlementaire ; ce rôle incombe notamment aux
commissions permanentes mais aussi à des commissions spéciales que sont les commissions
d’enquête et de contrôle. Grâce à leur pouvoir d’investigations, les commissions permanentes
assurent l’information nécessaire au Parlement dans sa mission de contrôle de l’activité
gouvernementale. Pour exercer cette activité d’information et de contrôle, les commissions
procèdent à des auditions qui concernent au préalable les membres du gouvernement mais elles
peuvent aussi auditionner avec l’accord du président de la Chambre des personnalités
extérieures qui leur paraissent utiles pour leur information. Ces missions donnent lieu à
l’adoption et à la publication de rapports d’information.
Sur le volet budgétaire et plus précisément du contrôle budgétaire, les commissions des
finances jouent un rôle prépondérant dans l’information du Parlement. Au regard de ses
pouvoirs, elle est l’interlocutrice principale du gouvernement en matière budgétaire. Elle est
chargée d’une mission générale d’information consistant à éclairer le Parlement sur les
386 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN, Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 490.
195
dispositions du projet de LF présenté par le gouvernement et dispose pour ce faire de pouvoirs
d’investigation en matière économique et financière ainsi lorsqu’il en fait la demande.
A la fin de chaque exercice budgétaire, il établit un rapport qu’il soumet à la commission des
finances avant tout examen du projet de loi de finances. Cependant, si les commissions
permanentes exercent des activités d’informations et de contrôle, d’autres commissions
peuvent être spécialement créées à cet effet. Il s’agit des commissions d’enquête et de contrôle
qui sont créées pour examiner la gestion administrative, financière et technique des services
publics, ainsi que des entreprises publiques et parapubliques. Elles doivent déposer leurs
rapports dans les trois semaines qui suivent la fin des enquêtes, selon leur secteur. Si les faits
sont délictueux, le ministre de la justice est saisi par le président de l’Assemblée Nationale. Les
rapports de ces commissions sont publiés sur décision du bureau des chambres parlementaires
de celles-ci.
À cet effet, le Parlement peut s’appuyer sur la Cour des comptes pour l’exercice du contrôle
parlementaire. Ces pouvoirs d’investigations sont assortis du droit à communication de tout
renseignement ou document ainsi les informations ou les investigations sur place que les
commissions demandent ne peuvent leur être refusées. Elles peuvent procéder à l’audition des
196
responsables des institutions, des AAI, des ministres et de leurs subordonnés dans les
conditions déterminées par la Constitution, les lois et les règlements en vigueur.
Ainsi, toute personne entendue par ces commissions est, en ce qui concerne les questions
budgétaires, financières et comptables, déliée du secret professionnel. Avec la loi organique,
l’efficacité du contrôle budgétaire est assurée à travers la transmission au Parlement par le
ministre du budget à titre d’information et aux fins de contrôle, des rapports trimestriels sur
l’exécution du budget, en recettes comme en dépenses, et sur l’application de la loi de finances.
Ces rapports sont notamment mis à la disposition du public. La loi organique élargie ainsi les
prérogatives des commissions des finances puisque leurs sont communiqués toutes les
modifications apportées en cours d’exécution et c’est là une innovation importante car ces
modifications ne sont plus laissées à la libre discrétion de l’exécutif qui ne détient donc plus
en ce domaine « de pouvoir de décision quasi-autonome » 388.
La première raison, Télesphore Ondo l’explicitait de manière suivante : « (…) Les différentes
Commissions permanentes du Parlement ont aussi la possibilité d’inviter les ministres à venir
s’expliquer devant elles (…) mais si les ministres se refusaient à déférer à l’invitation des
Commissions, nul ne pourrait les y contraindre. De même que nul ne peut les contraindre à
assister aux séances plénières du Sénat où ils peuvent se faire représenter par un secrétaire
d’Etat. Nul ne peut non plus obliger les ministres à répondre aux questions écrites qui leur
sont posées par les parlementaires. En cas de dépassement des délais, la question écrite sera
388 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 493.
389 Télesphore ONDO, Le droit parlementaire gabonais, op. cit., p. 223.
197
transformée en question orale. C’est là que les difficultés commencent. Pour venir en
discussion, les questions orales avec ou sans débat doivent être écrites à l’ordre du jour de la
séance. C’est la majorité parlementaire qui détient la plupart des postes des Bureaux du
Parlement et de la totalité des présidences des Commissions. Ce qui fait que l’opposition est
très minoritaire à la Conférence des présidents. Il lui est donc impossible de faire venir une
question à l’ordre du jour sans l’accord de la majorité, c’est-à-dire en définitive du
gouvernement. Le plus souvent c’est même le gouvernement lui-même qui, en déclarant à la
Conférence des présidents que tel jour tel ministre sera disponible, impose le sujet des
questions qui seront débattues. Notons par ailleurs que lorsqu’une question est inscrite à
l’ordre du jour, la brièveté du temps imparti aux parlementaires et l’absence de sanction à
l’encontre du ministre qui refuserait de répondre limitent sérieusement l’efficacité de ce moyen
de contrôle » 390.
Un rapport du FMI datant de 2006 392 condamnait les systèmes d’informations hétérogènes et
isolés qui ne permettait pas d’avoir l’information utile pour la gestion active des finances
publiques ce qui conduisait à une situation paradoxale : « Infortunés contrôleurs, les
parlementaires se voient contraints de s’en remettre au soin de l’informé, ou du contrôlé. On
arrive ainsi à une situation paradoxale où c’est le contrôlé qui fournit l’information au
contrôleur. Or, on sait qu’en vertu du « principe de discrétion » (…) le détenteur d’une
information croit toujours qu’il perdrait son autorité s’il acceptait de la diffuser à quelque
personnage incompétent pour en connaitre. D’où la dissimulation de l’information par le
gouvernement. Ce principe administratif aboutit à l’impossibilité de créer au Parlement une
« contre-administration » destinée à obtenir des informations de la part des différentes
autorités administratifs » 393.
198
transparence et de sincérité quant à l’exécution du budget d’une année donnée et la loi de
règlement y relative, intervenant des années plus tard, perd de son intérêt.
Ainsi, malgré la rénovation annoncée de la loi de règlement, nous pensons qu’il devient urgent
de rendre le contrôle parlementaire sur l’action du gouvernement permanent et effectif car
actuellement il se borne simplement à n’être qu’un contrôle sans sanctions (2).
L’objectif principal de la loi de règlement est de constater les résultats de l’exécution du budget
c’est-à-dire d’arrêter le montant définitif des recettes et des dépenses du budget ainsi que son
résultat. Elle est adoptée postérieurement à la clôture de l’exercice budgétaire auquel elle se
rapporte et, en règle générale, lorsque la gestion de la loi de finances de l’année suivante est
largement entamée.
La loi organique, forte de ses nouvelles dispositions, réhabilite la loi de règlement à travers
l’instauration du « chainage vertueux ». Elle élargit considérablement son contenu et fait de la
loi de règlement le moment clé, voire de transparence du contrôle parlementaire de l’action
publique : « L’examen de la loi de règlement deviendra donc pour le Parlement un moment
privilégié de revue d’ensemble de l’action de l’Etat, grâce à un arrêté de comptes beaucoup
plus complet et à une évaluation de la politique budgétaire dans chacun de ses domaines
d’intervention » 394.
L’article 22 de la loi organique dispose : « Le projet de loi de finances ne peut être mis en
discussion devant une chambre du Parlement avant le vote par celle-ci, en première lecture, du
projet de loi de règlement afférent à l’année qui précède celle de la discussion de ce projet de
loi de finances ».
L’article 26, quant à lui, dispose : « Le projet de loi de règlement est déposé au Parlement avant
le dépôt du projet de loi de finances pour l’exercice à venir. Le Parlement engage l’examen du
projet de loi de règlement dès son dépôt ou, au plus tard, à la première session qui suit ce
dépôt ». Aux termes de ces articles le projet de loi de finances initiale de l’année (n+1) ne peut
être discuté par chaque assemblée parlementaire avant que chacune d’elle ne se soit prononcée
en première lecture sur le projet de loi de règlement de l’année (n-1) par conséquence l’analyse
394 Fabrice ROBERT, « La rénovation des pouvoirs du Parlement », RFFP, n°76, 2001, p. 89.
395 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 495.
199
des résultats de l’année (n-1) va conditionner l’affectation des crédits du projet de loi de
finances pour l’année (n+1). Ainsi, les parlementaires pourront contrôler l’exécution de l’année
(n-1) avant d’envisager les crédits et les objectifs proposés pour l’année (n+1) sur la base d’une
exécution bien établie : « La loi organique institue ainsi les conditions en vue d’une
rationalisation du processus de décision budgétaire (…) du point de vue de l’efficacité du
contrôle parlementaire. Cette rationalisation prend sa source dans la logique de contrôle de
gestion dont est porteuse la loi organique une logique qui implique nécessairement un retour
sur les résultats et par conséquent un contrôle et une évaluation de l’efficacité des actions » 396.
C’est tout l’enjeu de la LOLFEB qui revalorise la loi de règlement dont la portée limitée
suscitait un intérêt moindre. Nous citerons en exemple, le cas de l’examen de la loi de règlement
sous l’ordonnance de 59 par le Parlement français et le constat de Fabrice Robert : « L’examen
du projet de loi de règlement qui devrait être un moment de vérité, était complètement négligé
et suscitait un intérêt beaucoup plus faible que celui du projet de loi de finances » 397.
Dorénavant, la loi de règlement a une portée plus large grâce à une « portée comptable
nouvelle » 398. En cela, en plus de procéder aux modifications de crédits qui s’avèreraient
nécessaires notamment en ratifiant les ouvertures de crédits intervenues par décret d’avance
postérieurement à la dernière loi de finances afférente à l’année budgétaire en cours, elle ouvre
pour chaque programme concerné les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements
constatés sur les crédits évaluatifs, procède à l’annulation des crédits n’ayant pas été
consommés ou encore majore le montant du découvert autorisé au niveau du découvert constaté
d’un budget annexe ou d’un compte de commerce. Elle arrête également les résultats de la
comptabilité budgétaire et de la comptabilité générale de l’exercice considéré et en donne
quitus au gouvernement.
La présentation des comptes à travers l’adoption de la loi de règlement doit dorénavant être
sincère et la sincérité des comptes de l’Etat s’apprécient de manière beaucoup plus stricte car
ils doivent précisément être réguliers, sincères et donner une image fidèle de l’exécution du
budget et de l’évolution du patrimoine de l’Etat. Cette sincérité est en outre garantie par la
certification des comptes effectuée par la Cour des comptes 399.
Par ailleurs, avec la loi de règlement, l’information parlementaire est considérablement étendue
concernant la situation financière de l’Etat, la gestion des crédits et le contrôle de résultats. Ces
informations prennent la forme d’annexes obligatoires devant être joints au projet de loi de
règlement.
La situation financière de l’Etat est connue à travers la présentation des comptes de l’Etat qui
comprennent les résultats de la comptabilité budgétaire avec le développement des recettes et
dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux et le compte général
de l’Etat comprenant la balance générale des comptes de l’année et les états financiers tels que
396 Ibid.
397 Fabrice ROBERT, « La rénovation des pouvoirs du Parlement », op. cit, p. 88.
398 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p 494.
399 Articles 18 alinéa 10 et 138 du RGCP.
200
le bilan, le compte de résultat, le tableau des flux de trésorerie et état annexé dans les conditions
définies par le règlement général sur la comptabilité publique. Il est accompagné d’un rapport
de présentation qui indique notamment les changements de méthodes et des règles comptables
appliquées au cours de l’exercice. Les informations concernant la gestion des crédits découlent
du tableau présentant le développement des recettes du budget général, de l’état récapitulatif et
justifiant tous les mouvements de crédits intervenus en cours d’année et des annexes
explicatives développant par programme ou par dotation le montant définitif des crédits ouverts
et des dépenses constatées ainsi que la répartition définitive des crédits par titre comparée à
leur répartition initiale. Elles présentent également l’écart entre les estimations et les
réalisations au titre des fonds de concours. Mais l’innovation la plus importante à notre sens
s’agissant de l’élargissement du champ de la loi de règlement réside dans le contrôle des
résultats avec la remise aux parlementaires des rapports annuels de performance qui présentent
sous le même format que les projets annuels de performance, pour chaque programme, les
résultats obtenus comparés aux objectifs fixés, les actions développées et les moyens utilisés,
accompagnés d’indicateurs d’activités et de résultat ainsi que d’une estimation des coûts des
activités ou des services rendus. Ces RAP font également apparaitre, par programme, les écarts
entre les résultats de l’année considérée et les réalisations constatées dans la dernière loi de
règlement et s’accompagnent des annexes explicatives développant par programme pour
chaque budget annexe et chaque compte spécial le montant définitif des recettes et des dépenses
constatées, des crédits ouverts ou du découvert autorisé ainsi que les modifications de
découvert demandées.
Tous ces documents permettront, non seulement aux parlementaires d’être informés des
résultats de l’action de l’Etat en termes de performances, mais également sur l’efficacité des
crédits autorisés. Les parlementaires y trouveront : « L’instrument privilégié d’une analyse de
l’ensemble de l’action de l’Etat et d’une évaluation de son fonctionnement » 400.
Le « chainage vertueux » doit permettre aux parlementaires de débattre des résultats atteints et
en cas de non-réalisation, proposer d’adopter les mesures nécessaires au moment de la
discussion de la loi de règlement afin de les traduire lors de l’examen du projet de loi de
finances de l’année (n+1).
Avec la réhabilitation de la loi de règlement on pouvait espérer que son examen et son vote par
le Parlement gabonais auraient davantage d’intérêt et trouveraient plus d’écho au sein des
assemblées que lors de sa mise en œuvre sous la loi n° 4/85.
Telle que posée par la LOLFEB, l’adoption de la LR doit rendre le Parlement attentif à la
gestion financière publique et acteur dans le contrôle de l’utilisation des crédits budgétaires
dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques.
400 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 495.
201
mode BOP le Parlement gabonais à un pouvoir d’information élargie quant à la politique
budgétaire et aux différentes politiques publiques menés par le Gouvernement il n’en demeure
pas moins qu’il n’exerce aucun véritable contrôle quant à l’exécution du budget par ce dernier.
En effet depuis 2011 certains projets de lois de règlement n’étaient plus adoptés au Gabon 401
ou ils l’étaient mais pas dans les formes requises. Comme le dispose la Constitution en son
article 48, alinéa 5, : « La Cour des Comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le
contrôle de l’exécution de la loi de finances. Le projet de loi de règlement établi par le
Gouvernement, accompagné de la déclaration générale de conformité et du rapport général
de la Cour des Comptes, doit être déposé au Parlement, au plus tard, au début de la première
session ordinaire de la deuxième année qui suit l’exercice d’exécution du budget concerné ».
Pour l’exercice 2013, le Gouvernement avait bien transmis au Parlement un projet de loi de
règlement mais il n’était pas accompagné de la déclaration générale de conformité et du
rapport général de la Cour des Comptes, mais d’un avis de la Cour des comptes, le Parlement
ne pouvait donc pas l’examiner. Dans son avis, la Cour des comptes, n’ayant reçu ni le compte
général de l’administration ni le compte général des comptables, émettait des réserves quant à
la sincérité des opérations financières retracées dans le projet de loi de règlement de l’exercice
2013 et se déclara en incapacité de se prononcer sur la déclaration générale de conformité
comme sur le rapport relatif au contrôle de l’exécution des lois de finances en vue du règlement
du budget 2013. En d’autres termes, la Cour des comptes déclara que l’État ne lui avait pas
présenté sa comptabilité.
Pour l’exercice 2014, le gouvernement avait également adressé au parlement un projet de loi
de règlement, ce projet de loi de règlement exercice 2014 n’était pas non plus accompagné de
la déclaration générale de conformité et du rapport général de la Cour des comptes. Il n’était
donc pas possible pour le Parlement de procéder à son examen, l’État ne disposait donc plus
de comptabilité et se trouvait en incapacité de faire procéder au contrôle des opérations
budgétaires par la Cour des comptes. Malgré ces conditions, les parlementaires se sont
publiquement exprimés sur la gouvernance du pays et ont procédé à l’examen du projet de loi
de finances 2016. Comment dans ce cas les parlementaires connaitraient-ils la situation
financière exacte de l’Etat et comment pourraient-ils se prononcer sur la sincérité de
l’exécution budgétaire ? Comment peuvent-ils suivre le déroulement des programmes et par
conséquent suivre l’évolution et les résultats de la mise en œuvre des différentes politiques
publiques ? La conséquence immédiate est le manque de transparence et de sincérité de la
gestion financière publique comme l’atteste l’adoption tardive de la loi portant code de
transparence qui ne semble pas avoir été la priorité du Gouvernement, or la transparence dans
la gestion des fonds permet de juger de la bonne gouvernance des fonds publics. Le bon sens
mais surtout leur conscience morale, politique et professionnel commanderait aux
parlementaires, représentants de la nation, garants de la bonne utilisation des fonds publics, de
demander au gouvernement de commencer par rendre compte de sa gestion antérieure et d’en
répondre devant eux, avant de solliciter toute nouvelle autorisation budgétaire. Cette situation
401 Le 28 mai 2015, du haut de la tribune du Sénat, le sénateur de l’Union Nationale, parti de l’opposition, J.-C OWONO
NGUEMA rappelait au gouvernement et à ses collègues la nécessité constitutionnelle de présenter au Parlement les projets de
lois de règlement ; ce qui n’était plus le cas depuis l’exercice 2011. Lors de cette séance, l’audition des membres du
gouvernement a tourné court et s’est limité à demander aux ministres du budget et de l’économie de présenter à la
représentation nationale les projets de règlement 2013 et 2014.
202
nous amène à conclure que les parlementaires gabonais du moins ceux de la majorité
présidentielle sont complices de l’état actuel des finances publiques et de ses conséquences
désastreuses sur les plans économique et social et nous rallions l’idée selon laquelle repenser
le régime politique gabonais serait salvateur 402.
Nous partageons avec Damien Catteau le paradoxe d’une telle situation : « N’est-il donc pas
paradoxal alors que l’accent est mis sur le système (lolf) sur la fonction de contrôle des
résultats par le Parlement, que ce dernier doive se contenter d’approuver les résultats de
manière quasi-automatique et ne puisse sanctionner aucun des acteurs prenant part à la
réalisation de ces résultats » 403. Cela est contraire à la logique de performance induite par la
LOLFEB mais aussi à la logique de la budgétisation par les résultats qui toutes deux visent à
renforcer les prérogatives du Parlement en matière de contrôle de résultats.
Mais comme nous l’avons vu, le contrôle parlementaire est assez limité s’agissant de la mise
en jeu de la responsabilité des gestionnaires publics et ce malgré le renforcement des
prérogatives parlementaires par le biais d’une information budgétaire accrue. En outre,
l’efficacité de ce contrôle est actuellement limitée du fait de l’appartenance à la majorité de la
quasi-totalité des parlementaires 405 il n’y a jamais eu d’alternance politique entre les différents
partis politique existants au Gabon qui fait que les deux assemblées parlementaires
appartiennent pour plus de la moitié au PDG.
402 Télesphore ONDO, Plaidoyer pour un nouveau régime politique au Gabon, coll. « Universitaire », Publibook Editeur,
2013, 196 p.
403 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
203
Dans ce cas, le problème qui se pose c’est que les parlementaires minoritaires faisant partie de
l’opposition ne peuvent véritablement exercer leur contre-pouvoir ; ce qui fausse d’entrée jeu
l’exercice de la démocratie et provoque l’immobilisme des politiques budgétaires puisque seule
la majorité assure depuis des années et jusqu’à récemment de manière continue l’essentiel de
l’orientation financière du pays avec des résultats plus ou moins satisfaisants.
Il conviendrait donc de rendre le contrôle parlementaire effectif sur les résultats et dépasser le
simple cadre de l’information. Pour cela, nous préconisons de recentrer les activités budgétaires
du Parlement à sa mission de contrôle de l’exécution du budget ou plus généralement à sa
mission de contrôle des finances publiques quitte à réduire ou limiter la portée de certaines
étapes du processus budgétaire ou tout simplement réduire la procédure d’adoption du budget
pour laisser une plus grande place à la mission de contrôle : « le Parlement (…) pâtit des
contradictions que génère une théorie vieillie et qui conduit à vouloir lui faire faire ce pour
quoi il n’est pas bien armé, par conséquent, très performant. Il serait plus profitable de
renforcer les compétences dans lesquelles il peut exceller que de vouloir retenir celles que le
vent de l’histoire lui fait échapper ou que sa nature même ne lui permet pas d’exercer
efficacement » 406.
Il devient donc urgent et nécessaire de mettre en place un contrôle parlementaire effectif mais
encore faudrait-il que les parlementaires manifestent la volonté d’exercer pleinement leur
mission de contrôle et fassent valoir leurs prérogatives en la matière en utilisant tous les outils
de la loi organique.
406 Robert HERTZOG, « Les pouvoirs financiers du Parlement », RD publ., n° 1-2, Numéro spécial : La VI République, 2002,
p. 298.
407 Ibid., p. 311.
408 Ibid.
204
objectifs fixés par les projets annuels de performance. Le contrôle doit également pouvoir
s’effectuer par le biais des évaluations des politiques publiques réalisées tout au long de
l’année notamment à partir de contrôles opérés sur pièce et sur place et des auditions. Dans
le cadre de ces contrôles, il semble indispensable de mettre en avant le rôle des rapporteurs
spéciaux qui pourraient devenir, au-delà de leur mission de rapporteur d’une mission
spécifique, des contrôleurs permanents d’une politique publique, de sa mise en œuvre, de la
gestion des crédits et des résultats atteints, éventuellement en liaison avec les commissions
permanentes sur les missions spécifiques qui entrent dans leur champ de compétence » 409.
Le contrôle de la performance exercé par les parlementaires fait partie de leur nouvelle
prérogative dans le cadre de la démarche de la performance initiée par la loi organique. Il
s’exerce en deux temps : le premier, porte sur les résultats atteints par les gestionnaires et le
second, sur l’évaluation des politiques publiques (A). Pour l’exercice de cette mission, les
parlementaires peuvent en outre bénéficier de l’assistance de la Cour des comptes (B).
A l’heure où il est attendu des politiques publiques qu’elles portent des fruits, il doit peser sur
les ministres gestionnaires une obligation de résultats sur lesquels ils devraient être auditionnés
et sanctionnés en cas de besoin par le Parlement.
Une réflexion approfondie sur l’instauration d’un véritable processus de contrôle des
parlementaires sur les résultats devient obligatoire car le risque est grand de voir la
revalorisation des pouvoirs du Parlement rester lettre morte. Le Parlement doit pleinement
jouer un rôle de contrôleur tant au niveau de la gestion des programmes qu’au niveau de
l’efficacité des politiques publiques.
Les commissions des finances des deux assemblées parlementaires sont chargées de contrôler
l’exécution des lois de finances et au regard de la logique de performance de la LOLFEB, elles
doivent procéder au contrôle des résultats atteints par les gestionnaires. Dans ce cas, le contrôle
des résultats est conforme à la logique de la loi organique. Puisque, couplé au contrôle de la
gestion des moyens, il vise à vérifier annuellement le bon emploi des crédits budgétaires mais
surtout contrôler les résultats par rapport aux objectifs définis et déterminer si ces derniers ont
été ou non atteints.
409 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
205
L’intérêt des rapports annuels de performance devient dans ce cas entier car à travers eux le
contrôle parlementaire sur les résultats des ministres gestionnaires peut réellement devenir
effectif et on peut même entrevoir une possibilité que le Parlement occupe un rôle central dans
la mise en jeu de la responsabilité politique des ministres quant à leur gestion des programmes.
Ces derniers seront soumis au contrôle des résultats qu’ils auront obtenus et devront justifier
les écarts entre les objectifs fixés et leurs résultats.
Mais ces auditions qui devraient en outre être obligatoires devraient s’intégrer dans un
processus de contrôle complet et cohérent, dans un système homogénéisé mettant en jeu la
responsabilité politique individuelle de chaque ministre appuyé aussi bien de la responsabilité
managériale de leurs gestionnaires ou ordonnateurs délégués que par leur responsabilité
financière en raison de leur faute de gestion.
Le Parlement doit pouvoir contrôler les résultats et la gestion de chaque programme. Cela
commande que les véritables responsables des politiques publiques à savoir les ministres soient
auditionnés et rendent obligatoirement compte de la gestion des programmes. Ainsi, en cas de
dysfonctionnements éventuels seul le ministre qui est responsable de la gestion des
responsables des programmes endosserait seul la responsabilité de ces dysfonctionnements
ainsi que toutes les décisions qui auraient été prises pour y faire face.
Pour cela, en restant en cohérence avec la logique de la LOLFEB, des auditions pourraient être
menées pour chaque mission par les commissions des finances des deux chambres
parlementaires. Les commissions des finances pourraient conjointement auditionner le ministre
sectoriel accompagné de ses responsables de programmes. Ces auditions pourraient être
menées par des rapporteurs spéciaux qui seraient chargés pour chacun du suivi d’une mission
spécifique et être élargies aux membres de la Cour des comptes.
Outre le contrôle des résultats, les parlementaires pourraient en plus de demander compte aux
ministres de la gestion de leurs programmes, les questionner sur l’opportunité des choix qu’ils
auraient opérés en vue de remédier aux irrégularités qu’ils auraient constatés. Dans ce cadre,
l’audition des RPROG viendrait éclairer et apporter des explications complémentaires quant
aux dysfonctionnements constatés dans l’exécution du programme.
Au terme de ces auditions, chaque rapporteur spécial pourrait publier un rapport spécifique sur
l’exécution de la mission. Ainsi, les rapporteurs rendraient compte de l’ensemble des contrôles
opérés par les commissions des assemblées parlementaires sur chaque mission et des
explications fournies par les différents acteurs de la gestion ou de la mise en œuvre des
programmes. in fine, ils concluraient de l’éventualité de la responsabilité du ministre sectoriel
en cas de dysfonctionnements constatés au regard de la manière dont ils ont gérés ces derniers
notamment en sanctionnant les responsables dans le cadre de la responsabilité managériale.
206
Ces contrôles pour être efficaces devront s’inscrire dans le processus plus large d’examen et
de contrôle de l’exécution budgétaire et feraient intervenir différents acteurs institutionnels
dont la Cour des comptes afin de sanctionner les fautes de gestions relevées et engager la
responsabilité individuelle du ministre : « Les irrégularités et les fautes de gestion constatées
ou supposées pourraient donner lieu à une saisine de la Cour des comptes, dans le cadre du
contrôle des gestionnaires, à l’initiative du président de la commission des Finances, ou dans
d’autres conditions à définir. Ces rapports pourraient être débattus à l’occasion de la
discussion sur le projet de loi de règlement et les députés auraient alors la possibilité de mettre
en œuvre une procédure de motion de censure à l’encontre du ministre pris individuellement,
voire, le cas échéant, de l’ensemble du gouvernement » 410. De tels contrôles permettraient de
replacer les parlementaires au cœur du contrôle des finances publiques. Ils pourront
véritablement engager les responsabilités des différents acteurs de l’exécution budgétaire tant
au niveau des gestionnaires de l’administration en tant qu’ordonnateurs délégués que des
ministres en tant qu’ordonnateurs principaux.
Pour autant pour qu’un tel système puisse être mis en œuvre, il nous semble indispensable
qu’une modification de la LOLFEB ait lieu en ce sens qu’elle promeut à la place d’une simple
succession de comptes rendus de gestion des programmes par les gestionnaires, un véritable
contrôle de résultats de l’exécution budgétaire de ces derniers. En effet, c’est précisément
l’écueil à proscrire c’est-à-dire, éviter de substituer au contrôle de résultats, le reporting.
Comme le rappelle Sylvie Trosa : « Le contrôle n’est pas le reporting. Le danger majeur dans
la gestion par programmes est celui de l’excès de reporting. Cela a été le cas pratiquement
dans tous les pays managériaux » 411.
La plupart des pays ayant opéré une réforme de type managérial ont développé la « culture de
reporting » en prévoyant la publication soit de rapports d’activités, infra-annuels ou annuels,
soit de rapports d’activités des agences ou de rapports d’activités ministériels. Tel est le cas de
la LOLFEB qui multiplie les documents budgétaires devant accompagnés les lois de finances,
particulièrement la loi de règlement et dont tout l’intérêt réside dans leur fonction informative,
cette source d’information ne doit pourtant pas supplanter la finalité des rapports annuels de
performances à savoir le contrôle des résultats. Le simple fait de rendre compte n’implique pas
la mise en œuvre d’un véritable contrôle de résultats et ne fait peser aucunes sanctions sur les
gestionnaires qui s’engagent sur ses résultats en cas de mauvaise gestion, les parlementaires ne
pourront donc pas engager leur responsabilité. C’est pourtant la finalité du contrôle
parlementaire que de déboucher sur d’éventuelles sanctions pour les responsables en plus de
pouvoir peser sur les futures orientations budgétaires, nous rappelons que la contrepartie à la
liberté des gestionnaires c’est l’accroissement de leur responsabilité pourtant cette
responsabilité ne peut se résumer à une simple obligation de rendre compte.
L’une des conséquences à la mise en place d’un tel système d’auditions par les parlementaires
serait que ces derniers, à la suite du contrôle des résultats de la gestion des ministres, procèdent
à la revue des programmes. En effet, la revue des programmes ou révision des programmes
410 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
207
doit offrir la possibilité au Parlement, à partir des contrôles opérés et de l’évaluation des
politiques publiques, de modifier l’architecture budgétaire en remettant en cause certains
programmes. Ainsi, ce dernier pourrait-il procéder à la modernisation de la gestion publique.
Damien Catteau affirmait de la révision des programmes qu’elle : « Représentait l’élément de
« chaînage vertueux » qui permet de mettre en œuvre le cycle de la performance » 412 et
d’ajouter qu’elle devait s’analyser comme : « La phase de lien entre la phase de contrôle du
budget de l’exercice précédent et la phase de préparation du budget de l’exercice suivant » 413.
La révision des programmes se fonde sur les résultats de ces derniers qui n’ont pas vocation à
être permanent : « Un programme devrait pouvoir être remis en cause, si ses résultats ne sont
pas bons ou si ses objectifs ne sont pas atteints » 414.
Ainsi, le contrôle de résultats ne doit pas simplement conforter les programmes mais
s’intéresser aussi aux résultats et à l’atteinte des objectifs. Outre la restructuration budgétaire,
les conséquences d’une révision des programmes peuvent être multiples. Elle peut conduire
aux situations suivantes :
Mettre en place une telle procédure signifierait pour le Parlement d’adopter et d’adapter au
contexte gabonais un modèle éprouvé. A ce propos, s’inspirer de modèles d’autres Etats ayant
adopté la même réforme ou logique managériale ainsi que de leurs dispositifs de l’évaluation
les résultats de la gestion des programmes serait bénéfique.
Dans le cadre de notre proposition, nous souhaitons prendre en exemple le cas des pays
anglophones et notamment du Canada qui procédait à « l’examen des programmes » qui se
définit comme : « L’étude exhaustive du rôle du gouvernement au regard de l’économie,
comportant l’évaluation des divers programmes publics » 415. Cette procédure, lancée en 1994,
n’a pas d’abord consisté à l’évaluation des programmes par les ministères mais elle a eu pour
objectif de réduire les dépenses en fonction des programmes jugés prioritaires ou non : « Il
s’agissait d’un examen de tous les aspects rattachés aux dépenses ministérielles, de manière
que le financement des programmes non prioritaires soit réduit ou éliminé, et que les
ressources de plus en plus réduites du gouvernement soient affectées aux grandes priorités et
aux domaines où le gouvernement fédéral est le plus à même de fournir les services requis » 416.
Au-delà de la finalité de l’examen des programmes, c’est son succès que nous retenons au
regard de la méthodologie adoptée. L’examen ou la révision des programmes était initialement
412 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
rénové, op. cit., p. 380.
413 Ibid.
414 Sylvie TROSA, Le guide de la gestion par programmes. Vers une culture du résultat, op. cit., p. 172.
415 Jon R. BLONDAL, « la procédure budgétaire au Canada », Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 1, n°2, Paris,
208
basé sur l’analyse des programmes suivant six (6) critères définis en 94 417 mais en 2004
l’examen a été sensiblement étendu par la mise en œuvre de deux séries de critères à l’occasion
du lancement d’un nouvel examen des dépenses 418. La première série de critères visait l’aspect
stratégique des programmes : « L’intérêt public, le rôle du gouvernement, le fédéralisme, le
partenariat, l’optimisation des ressources, l’efficacité et la capacité financière » 419, la seconde
partie quant à elle portait sur la mise en œuvre et les modalités de gestion : « La faisabilité, les
coûts futurs, la capacité, la gestion des ressources humaines, l’intégrité des programmes et les
répercussions horizontales » 420. Chacun des critères était développé par plusieurs
interrogations s’orientant sur la stratégie du programme concernant le niveau d’administration
qui doit prendre en charge l’activité, ou les modalités de gestion. L’examen des dépenses devait
s’opérer par le biais de trois examens spécifiques : un « examen ministériel » ; un « examen
des politiques et programmes horizontaux » et un « examen des opérations
gouvernementales ».
Récemment, le Canada a adopté une directive encadrant l’évaluation de programmes dans les
ministères et les organismes. L’évaluation de programme est une fonction essentielle dans le
cadre de la gestion axée sur les résultats, en ce sens la directive a été élaborée afin de favoriser
l’évaluation de programme au sein de l’administration gouvernementale et de renforcer les
saines pratiques de gestion de même que la gestion axée sur les résultats : « Les programmes
et les politiques doivent être évalués en vue de déterminer leur pertinence actuelle, la mesure
dans laquelle les activités et les résultats sont conformes à la mission, la mesure dans laquelle
les objectifs ont été atteints, les effets positifs et négatifs et, s’il y a lieu, les moyens d’atteindre
les objectifs d’une manière plus efficace soit par des améliorations opérationnelles au
programme existant, soit par l’introduction d’un nouveau programme. L’évaluation de
programme constitue une fonction à valeur ajoutée pour la gestion axée sur les résultats » 421.
Cette nouvelle évaluation des programmes se définie comme « une démarche rigoureuse de
collecte et d’analyse d’information qui vise à porter un jugement sur un programme, une
politique, un processus ou un projet pour aider à la prise de décision. Elle permet d’apprécier
à la fois la pertinence du programme, l’efficacité avec laquelle ses objectifs sont poursuivis,
l’efficience des moyens mis en place ou sa rentabilité, ainsi que son impact » 422. Concrètement,
l’évaluation des programmes s’opère selon une méthodologie articulée autour de cinq (5)
étapes : « la clarification ou la formulation du mandat », « la planification de l’évaluation »,
« la réalisation de l’évaluation », « l’utilisation des résultats » enfin « le bilan de l’utilité de
l’évaluation » 423.
417 Les six critères de l’examen des programmes : le programme sert-il l’intérêt public ? s’agit-il d’un rôle incombant à l’Etat ?
le programme pourrait-il être exécuté plus efficacement par un autre palier de gouvernement-provincial ? municipal ? le
programme pourrait-il être confié au secteur privé ou à des organismes bénévoles ? le programme pourrait-il être exécuté de
manière plus efficiente ? son cout est-il abordable ?... Jon. R. BLONDAL, « la procédure budgétaire au Canada », ibid., p. 53.
418 Secrétariat du Conseil du Trésor du canada, Renforcer la gestion du secteur public. Apercu du plan d’action et des
209
Cette méthodologie peut servir d’aiguilleur aux acteurs de la réforme budgétaire et de la
modernisation de la gestion publique afin de mettre en œuvre une procédure similaire ayant
pour but d’appuyer la gestion axée sur les résultats des acteurs de l’exécution du budget :
« L'évaluation de programme permet d'appuyer l'ensemble de la démarche de gestion axée sur
les résultats. Le ou la gestionnaire peut obtenir l’évaluation de la pertinence des objectifs, des
indicateurs et des cibles, ainsi que de l'efficacité et de l'efficience des processus, des produits
et services, des mécanismes de suivi et de mesure ou des retombées du programme. En fin de
compte, l'évaluation renseigne les gestionnaires sur les résultats de cette démarche et sur les
procédés » 424.
Le contrôle ou la révision des programmes doit permettre au Parlement de peser sur l’évolution
de la structure budgétaire. Par souci d’efficacité, cette structure doit être couplée aux dispositifs
d’évaluation des politiques publiques qui permettront aux parlementaires de contrôler l’impact
et les effets desdites politiques sur le quotidien des populations.
Or, comme nous l’avons démontré précédemment, il est indispensable de coupler à la mission
parlementaire de contrôle de résultats une mission d’évaluation des politiques afin de se rendre
compte de leur impact. Fort heureusement, l’Etat gabonais semble avoir pris conscience de
l’importance de l’évaluation des politiques publiques qui, en entendant l’adoption d’un cadre
juridique, fait l’objet d’une large promotion et d’une large diffusion par les acteurs politiques,
la juridiction des comptes et la société civile.
La notion d’évaluation est une notion complexe et hétéroclite. Elle peut revêtir différentes
formes en raison de la disparité de son objet. Il peut s’agir de l’évaluation d’une politique
publique, d’un programme, d’une procédure, d’un organisme, d’un système ou des dispositifs
législatifs et réglementaires.
424 Ibid., p. 7.
210
gestion de l’action publique. Elle met en lumière les facteurs décisifs à prendre en compte pour
l’efficacité de l’action et propose aux décideurs des pistes pour améliorer la performance ».
L’évaluation des politiques publiques est devenue une préoccupation importante pour les
pouvoirs publics gabonais qui ont organisé la première journée nationale de l’évaluation ayant
pour thème : « L’évaluation au cœur des enjeux de la politique de l’émergence » en présence
de certains membres du gouvernement, des responsables des institutions, des universitaires et
de représentants de la société civile.
Au terme de cette journée, le premier ministre concluait cette première édition en ces termes :«
Améliorons notre pratique d’évaluation et organisons notre système d’évaluation pour mieux
capter des appuis internationaux et mieux conduire nos politiques publiques ». Réception a été
faite de cette initiative par le gouvernement qui a institué un organe spécialement chargé de
l’évaluation des politiques publiques, il s’agit de la Direction de l’Evaluation de la Performance
et des Politiques Publiques (DEPPP) relevant du ministère du budget et des comptes publics
chargée comme son nom l’indique de procéder à l’évaluation des politiques publiques adoptées
par le gouvernement.
425 Jean-Luc QUERMONNE et Luc ROUBAN, « L’évaluation et le contrôle politique », in J.-P. Nioche et R. Poinsart dir.,
211
collecte des données en vue de mesurer leur impact pour cela elle mène des enquêtes en
collaboration avec d’autres institutions compétentes, collecte traite et diffuse toutes les données
concourant à la mise en œuvre de la politique d’évaluation, archive les résultats de l’évaluation
enfin elle analyse l’ensemble des informations recueillies et participe à l’élaboration des études
concernant la mise en œuvre des projets à évaluer. Plus spécifiquement, c’est le Service
Evaluation de la DEPPP qui procède au suivi des projets et en propose l’évaluation périodique,
prépare le programme d’activités de la direction et constitue une banque de données des projets.
Les parlementaires ne disposent pas en la matière des mêmes moyens que le gouvernement
pour peser sur les orientations politiques. Le Parlement gabonais ne dispose pas en son sein de
véritables structures dont les missions seraient d’évaluer les politiques publiques s’étalant sur
plusieurs années en termes d’impact et de coûts. A cet effet, nous recommandons de prendre
exemple sur le Comité d’Evaluation et de Contrôle (CEC) des politiques publiques de
l’Assemblées nationale française et préconisons que soient mis en place au sein du Parlement
gabonais, précisément au sein de l’Assemblée nationale, un comité qui aura pour mission
l’évaluation et le contrôle des politiques publiques. Celui-ci sera chargé d’une mission
d’information et de contrôle sur chacune des politiques publiques, il pourra être mis en place
par la commission des finances et renouvelable annuellement.
En effet, la création d’un organe spécifique parait souhaitable afin de dépasser les limites de
compétences des commissions permanentes de l’assemblée. En raison de la transversalité de
certaines politiques publiques, il nous semble judicieux que celles-ci soient appréhendées par
un organe commun qui sera chargé de différentes missions correspondant à ses deux principales
prérogatives, à savoir l’évaluation et le contrôle.
Le comité pourra également être saisi pour donner son avis sur une étude d’impact
accompagnant un projet de loi déposé par le gouvernement. Le Comité pourra faire toute
proposition utile, il pourra en particulier, proposer l’organisation, en séance publique, de débats
sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou de tout autre
212
sujet de contrôle ou d’évaluation, par exemple les rapports de la Cour des comptes portant sur
des thèmes particuliers.
La LOLFEB tend à intensifier les rapports entre le Parlement et la Cour des comptes en faisant
peser sur cette dernière certaines obligations dans le cadre de sa mission d’assistance au
Parlement. Ces obligations peuvent être qualifiées de traditionnelles car elles sont définies par
la Constitution et consacrées par la loi organique. Parmi lesdites obligations, nous retrouvons
celles relatives au dépôt du rapport sur l’exécution des lois de finances.
Par ailleurs, la loi organique renforce la mission d’assistance de la Cour en rappelant que le
Parlement peut s’appuyer sur elle pour l’exercice du contrôle parlementaire. Ainsi, la Cour
assiste le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et ce dernier peut lui
demander la réalisation de toutes enquêtes nécessaires à son information.
Cette mission, rappelée par l’article 138 du RGCP, est une réelle innovation de l’évolution du
rôle de la Cour en matière de contrôle budgétaire car son contrôle juridictionnel porte
dorénavant sur la régularité, la sincérité et la fidélité du compte général de l’Etat. La mission
de certification effectuée par la Cour des comptes est comparable dans son principe à celle
effectuée par les commissaires au compte au sein des entreprises et qui poursuivent les mêmes
objectifs de régularité et de sincérité des comptes. Il s’agit pour la Cour d’effectuer une mission
d’audit lors de la certification comme le font les commissaires aux comptes : « L’audit des
comptes permet au commissaire aux comptes de formuler une opinion exprimant si les comptes
213
sont établis, dans tous leurs aspects significatifs, conformément au référentiel qui leur est
applicable. Les commissaires aux comptes certifient que les comptes annuels sont réguliers et
sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que
de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice » 427.
La certification est donc une mission d’audit externe des comptes qui consiste pour la Cour à
émettre un avis sur la conformité des comptes. Cette opinion ne se limite pas à la régularité des
comptes, mais elle conduit à se prononcer in fine sur leur sincérité, ce qui la distingue de la
simple vérification. Ainsi, il revient à la Cour des comptes de définir des modalités de la
certification ; plus précisément de définir la forme qu’elle va revêtir ainsi que les modalités et
la méthodologie applicables aux contrôles à opérer.
Cette innovation du rôle de la Cour en matière de contrôle juridictionnel devait conduire cette
dernière à rénover en profondeur son mode de fonctionnement pour réceptionner cette nouvelle
obligation, ces nouvelles fonctionnalités, pour rendre compte de manière fiable de la sincérité
des comptes de l’Etat.
Cependant, force est de constater que nonobstant les différents ateliers de renforcement des
capacités organisés par la Cour dans le cadre du nouveau système de budgétisation, cette
dernière n’a pas procédé à la modification du texte qui régit toute son organisation et son
fonctionnement afin de prendre en compte toutes les subtilités et les innovations engendrées
par la LOLFEB en matière de contrôle de l’exécution budgétaire. Le fait pour la Cour des
comptes d’être encore régie par la loi n° 1/94 ne répond pas aux préoccupations contemporaines
d’efficacité en matière de contrôle des finances publiques car cette loi ne prend pas en compte
les finalités de la LOLFEB. La Cour doit donc prioriser la modification de son règlement, sinon
la certification restera une procédure purement formelle.
La certification des comptes peut revêtir quatre (4) formes distinctes : la certification sans
réserve, dans ce cas il ne subsiste aucun désaccord ou les désaccords relevés ne sont pas
significatifs à l’issue des vérifications effectuées, le certificateur n’a donc pas été limité dans
ses vérifications. La certification avec réserves, dans ce cas le certificateur a identifié des
limitations ou désaccords, mais ceux-ci ne sont pas suffisants pour l’empêcher d’émettre une
opinion ou remettre en cause la régularité, la sincérité, et la fidélité des comptes.
L’impossibilité de certifier permet au certificateur d’indiquer que l’accumulation de limitations
est trop importante et l’empêche d’émettre une opinion. Enfin le refus de certification, dans ce
cas, les limitations et désaccords sont tels qu’ils entachent la sincérité, la régularité et l’image
fidèle des comptes de l’État.
Pour la mise en œuvre de ces différentes formes de certification, la Cour des comptes pourrait
s’inspirer des modalités et des contrôles adoptés par d’autres Etats. En exemple, la Cour des
comptes française a conduit les vérifications des comptes de l’État en se référant aux normes
internationales d’audit édictées par la Fédération internationale des experts-comptables
(IFAC). La certification prend la forme d’une opinion écrite et motivée que la Cour formule
214
sous sa propre responsabilité, elle consiste à collecter les éléments nécessaires à l’obtention
d’une assurance raisonnable sur la conformité des comptes aux règles et principes applicables.
Depuis 2006, la Cour présente le résultat de ses vérifications sous la forme d’une certification
assortie de réserves qui regroupent chacune plusieurs points d’audits aux enjeux significatifs.
A cet effet, sa démarche repose sur l’analyse des risques en trois (3) phases : « Tout d’abord,
la Cour fixe les critères de référence servant de support à la recherche et à l’appréciation des
risques susceptibles de remettre en cause la certification des comptes. Ensuite, elle identifie
pour chacun de ces ensembles, en fonction des critères définis, les erreurs potentielles, c’est-à-
dire celles qui peuvent théoriquement survenir si aucun contrôle n’est mis en place pour les
empêcher ; les erreurs possibles, c’est-à-dire celles qui peuvent effectivement se produire
compte tenue de l’absence ou de la défaillance des contrôles pour les empêcher, les détecter et
les corriger et le caractère des erreurs possibles en fonction du seuil de signification retenu par
la Cour c’est-à-dire du montant maximal d’erreurs non corrigées cumulées au-delà duquel elle
serait amenée à formuler une réserve, voire à émettre une opinion défavorable. Enfin la dernière
étape, la gestion du risque d’audit, consiste en la modulation des contrôles à opérer qui est
fonction du niveau du risques d’erreurs significatives ».
En mettant en œuvre ces modalités de certification des comptes, l’opinion de la Cour permettra
d’avoir une vision claire des comptes de l’Etat. La certification des comptes aura donc une
portée significative avec la revalorisation de la loi de règlement et le chainage vertueux puisque
le refus de certification pourrait entrainer un refus d’adoption de la LR et cela pourra entrainer
des conséquences graves au regard de sa portée.
La certification est donc un outil dissuasif au moment de l’adoption de la LR, eu égard aux
difficultés d’adoption de cette dernière au Gabon. Avec la certification des comptes et la faculté
pour la Cour de la refuser, cette dernière pourrait sanctionner l’adoption de la LR.
Le premier président de la Cour des comptes, par ailleurs président du réseau gabonais de
l’évaluation, rappelait lors de la journée nationale de l’évaluation, la nécessité de développer
la pratique de l’évaluation afin que celle-ci soit appréhendée comme un outil de gestion des
politiques publiques : « La nouvelle pratique de l’évaluation requiert du temps, des actions et
des campagnes de sensibilisation permanentes pour être comprise et adopter aux fins
d’intégrer les mœurs», assurait Gilbert Ngoulakia, qui espérait que : « Cette journée d’échange,
de partage d’informations et de formation soit un catalyseur pour promouvoir la culture de
l’évaluation dans notre pays».
En 2018, en partenariat avec la Société Gabonaise de l’Evaluation des politiques publiques, la
Cour des comptes organisait la 2e journée nationale de formation sur l’évaluation des politiques
publiques au bénéfice des agents publics axée sur le thème : « La sensibilisation au suivi et à
l’évaluation des politiques publiques ». La formation était consacrée au renforcement des
capacités des fonctionnaires en matière d’évaluation et suivi des politiques publiques. Il était
215
question de donner aux fonctionnaires : « Des outils pour un meilleur suivi et une bonne
évaluation des projets ou programmes publics, conformément aux articles 36 et 76 de la
Constitution », expliquait Petit-Lambert Ovono 428.
Eu égard à ces propos, nous nous demandons s’il ne serait pas opportun de faire de la Cour des
comptes l’organe indépendant de l’évaluation des politiques publiques afin de pallier les
carences en la matière du Parlement.
En effet, la Cour des comptes possède une légitimité en raison de ses missions
constitutionnelles et organiques et d’une certaine capacité d’expertise qui permettrait
d’appuyer le contrôle de l’exécution des lois de finances et d’évaluer l’impact des politiques
publiques sur la prise de décision budgétaire. On pourrait aller plus loin on ne limitant pas
seulement la mission juridictionnelle de la Cour des comptes au contrôle de l’exécution des
lois de finances. Au contraire, une réflexion approfondie doit être faite afin que la consécration
de la certification des comptes résultant de sa mission de contrôle débouche sur l’instauration
d’une véritable procédure de mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires et des
ordonnateurs en raison des fautes constatées dans la mise en œuvre des programmes.
Cette procédure complètera ainsi le contrôle juridictionnel de la Cour des comptes portant sur
la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de
recettes de l’Etat et qui amène la Cour à constater les irrégularités et fautes de gestion commises
par les agents publics en fixant le cas échéant le montant du préjudice qui en résulte pour l’Etat
et à prononcer des sanctions.
La mission d’évaluation doit être dévolue à la Cour et consacrée juridiquement afin qu’elle ait
un rôle central en matière d’évaluation des politiques publiques à travers la diffusion de
rapports réguliers et exhaustifs quant aux thèmes décidés. Pour ce faire, la mission d’évaluation
ne doit pas être déséquilibrée c’est-à-dire qu’elle ne soit pas être réservé exclusivement à
l’exécutif. Le gouvernement ayant ses propres organes évaluateurs, les rapports que la Cour
publiera devront être publics et venir en appui à l’évaluation parlementaire mise en œuvre par
les commissions de finances. Dans ce cas, la Cour, en toute indépendance, pourra coordonner
et assurer les conséquences des évaluations menées par les différents organismes d’évaluation.
Toutes ces nouvelles prérogatives supposent que la Cour devrait disposer de moyens
conséquents pour mettre en œuvre cette mission d’évaluation en comparaison aux Institutions
Supérieurs de Contrôle des pays développés tels que le National Audit Office britannique ou
encore le General Audit Office aux Etats-Unis cités comme des références en matière
d’évaluation et de contrôle et dont l’efficacité repose sur les moyens humains, financiers et
techniques mis à leur disposition.
Ces moyens sont d’autant plus importants que, depuis 2015, des Chambres Provinciales des
Comptes (CPC) ont été inaugurées sur l’ensemble du territoire gabonais, pour le jugement des
comptes des comptables publics locaux, le contrôle budgétaire et le contrôle de la gestion des
administrations et services publics déconcentrés.
428Expert-évaluateur certifié de l’Union européenne et promoteur de la Société gabonaise de l’évaluation des politiques
publiques (Sogeval)
216
CONCLUSION
217
Chapitre 2. La rénovation des procédures budgétaire et comptable et l’évolution des
processus de contrôles
La réforme budgétaire, introduite par la loi organique, a entraîné une profonde mutation de
l’organisation de la gestion budgétaire et comptable de l’État (section 1). En effet, la LOLFEB
transforme la réglementation budgétaire en bouleversant de manière significative les règles en
matière de contenu et de préparation des lois de finances. Elle apporte des innovations
concourant à rendre le budget de l’Etat plus lisible, plus transparent et exhaustif. Elle procède
à la refonte de la procédure d’exécution budgétaire en raison des préoccupations de maîtrise
des finances publiques et de recherche de résultats au cœur de la loi organique. En outre, elle
fait évoluer les modes de contrôles traditionnels de la dépense publique, au-delà du simple
contrôle de régularité (section 2).
La procédure d’exécution du budget a fait l’objet de virulentes critiques tenant aux nombreux
dysfonctionnements ainsi qu’aux nombreuses défaillances constatés tout au long du processus.
Ces dysfonctionnements ont révélé les limites du système de l’ordonnateur unique en la
personne du ministre des Finances (1). En outre, l’inefficacité de la gestion des deniers publics
et de la dette publique ont eu des répercussions désastreuses sur la situation socioéconomique
de l’Etat (2).
218
Les bailleurs de fonds internationaux ont mis en place des dispositifs tendant à améliorer la
transparence et la bonne gouvernance des finances publiques, en plus d’adopter des outils qui
permettent de mesurer la performance de la gestion des dépenses publiques des pays
bénéficiaires de l’aide publique au développement ; à charge pour ces derniers et dans le cas
du Gabon d’œuvrer à normaliser les instruments financiers et juridiques internes en rapport
avec ses engagements internationaux (3).
L’exécution des lois de finances est le second temps fort de la vie budgétaire. Elle est la
concrétisation par le gouvernement de l’autorisation budgétaire donnée par le Parlement. C’est
une phase de la procédure importante car elle consiste pour les services administratifs à
recouvrer les recettes nécessaires au fonctionnement de l’Etat mais aussi à exécuter la dépense
pour répondre aux besoins des administrés en termes de service public.
L’exécution du budget obéissait aux règles de la comptabilité publique contenues dans la loi
n° 5/85 du 27 juin 1985 portant règlement général de la comptabilité publique de l’Etat qui n’a
fait que reproduire les règles traditionnelles de la comptabilité publique 429. La mise en œuvre
des opérations de recettes et de dépenses par les agents d’exécution est assujettie au principe
fondamental de séparation des ordonnateurs et des comptables publics. A ce sujet, Paul-Marie
Gaudemet et Joel Molinier expliquaient : « Pour éviter les abus dans l’exécution des dépenses,
on a transporté dans le domaine financier le vieux principe politique de la séparation des
pouvoirs. On a pensé qu’il fallait remettre à deux catégories d’agents, nettement séparées, les
opérations de dépenses, si l’on voulait éviter qu’ils abusent des pouvoirs que leur conférait la
disposition des deniers publics. Ainsi s’est trouvé posé le grand principe qui domine toute
l’organisation française de l’exécution du budget : le principe de la séparation des
ordonnateurs et des comptables » 430.
L’objectif de ce principe est d’assurer un contrôle de régularité 431 sur la gestion financière de
l’Etat, c’est-à-dire d’assurer la conformité de l’exécution des ressources et des charges aux
autorisations budgétaires et aux règles régissant l’action publique.
La loi n° 5/85 a repris à son compte ce principe en distinguant les différents exécutants des
ressources et des charges publiques et les procédures auxquelles elles étaient soumises.
Cependant, il ressortait de ses dispositions la prédominance du ministre des Finances au
détriment des autres ministres sectoriels tout au long de la procédure 432. La loi faisait de ce
dernier l’ordonnateur principal unique du budget général et des comptes spéciaux du trésor 433,
429 Notamment celles contenues dans le RGCP français de 1962. C’est dans le cadre d’une refonte d’ensemble de la
réglementation financière du Gabon que le décret n°15/PR/MINECOFIN du 16/01/1976 portant règlement général de la
comptabilité publique a été remplacé par la loi n°5/85
430 Paul-Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques. Politique financière. Budget/Trésor, op. cit., p. 348.
431 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances Publiques, op. cit., p. 373.
432 Ce dernier a aussi la tâche de préciser les contours de nombreuses opérations non spécifiées dans le RGCP.
433 Article 3 du RGCP.
219
c'est-à-dire qu’il était le seul à émettre des ordonnancements avec la possibilité de déléguer ses
pouvoirs par arrêté à un ou plusieurs ordonnateurs délégués 434.
La notion d’ordonnateur a été définie par différents auteurs mais nous retiendrons la version
simplifiée proposée par André Barilari pour qui : « L’ordonnateur est celui qui possède la
décision permettant d’utiliser le budget qui lui est affecté, c’est donc le responsable de ce
budget. Il lui revient de prescrire les recettes et les dépenses » 435.
Contrairement à cette définition qui laisse penser que chaque ministre est seul décideur de
l’utilisation des crédits qui lui sont affectés et qui dans ce cas est seul ordonnateur de son
budget, la loi 5/85 distinguait à côté de l’ordonnateur unique, les administrateurs de recettes et
les administrateurs de crédits 436, qui avaient des responsabilités restreintes puisqu’ils ne
pouvaient qu’engager des dépenses dans les limites prévues par le budget. Ces derniers avaient
comme compétences respectives de constater les droits de l’Etat qui étaient liquidés et faisaient
l’objet de recettes 437 et d’accomplir les actes générateurs des dépenses de l’Etat ; à ce titre, ils
engageaient et liquidaient les dépenses 438.
il dispose : « La délégation est la mise à disposition auprès d’un comptable public de l’Etat de l’ensemble des crédits d’une
unité administrative. Elle s’effectue en une ou plusieurs tranches par ordonnance de délégation visée par le contrôle financier.
Cette procédure s’applique notamment aux unités géographiques éloignées des services de l’ordonnateur ».
437 Article 5 RGCP.
438 Etaient considérés comme administrateurs de crédits du budget général et des comptes spéciaux du Trésor et faisant l’objet
d’une gestion directe : les membres du gouvernement, les présidents des corps constitués, les commandants en chefs des forces
de sécurité, les hauts fonctionnaires à la tête de service autonome.
439 Selon l’article 11 RGCP les comptables publiques de l’Etat comprennent : les comptables directs du Trésor qui sont placés
sous l’autorité du ministre des finances et les comptables spéciaux chargés d’exécuter certaines catégories particulières de
recettes et de dépenses. Ces comptables sont soit principaux et dans ce cas ils rendent directement leurs comptes aux juges des
comptes soit secondaires et dans ce cas leurs opérations sont centralisées par un autre comptable. Ils ont pour missions (article
13 RGCP) : la prise en charge et du recouvrement en totalité des ordres de recettes ainsi que de l’encaissement des droits au
comptant et des recettes de toutes nature que l’Etat est habilité à percevoir, du paiement des dépenses de l’Etat ainsi que de la
suite à donner aux oppositions et autres significations, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou
confiés à l’Etat, du maniement des fonds et des mouvements des comptes de disponibilités, de l’exécution des autres opérations
de trésorerie de l’Etat, de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’il dirige et de la conservation des pièces
justificatives y afférentes.
220
manier les deniers publics, ce qui les place sous le coup de nombreuses responsabilités et
incompatibilités 440 et par voie de conséquences à différentes sanctions 441.
Cependant, le système reposant sur l’ordonnateur unique a posé des difficultés et porté atteinte
au principe de séparation de l’ordonnateur et du comptable dès lors que la pratique budgétaire
qui faisait du ministre des Finances l’ordonnateur principal unique du budget de l’Etat était
excessivement centralisateur. Cette centralisation se caractérisait par une concentration de
toutes les prérogatives par le ministre des finances de l’ensemble des opérations de l’exécution
budgétaire et des opérations comptables, ce qui a pu faire dire qu’il était en même temps le
supérieur hiérarchique et l’ordonnateur des comptables car en tant qu’ordonnateur unique du
budget il prescrivait aux comptables publics le recouvrement des recettes et le paiement des
dépenses.
Ce constat avait été fait par Ian Lienert qui déclarait : « Qu’un des principes clés du système
de gestion des dépenses publiques des pays d’Afrique francophones est la distinction entre la
fonction de l’agent autorisant le paiement et celle de l’agent chargé d’effectuer le paiement.
Comme ces deux fonctions sont centralisées au ministère des Finances, le travail de gestion
financière des ministères dépensiers s’en trouve réduit (…) Le ministre des Finances est
également chargé de surveiller le bon fonctionnement du Trésor et le travail des comptables
publics. Ainsi, malgré la séparation entre la fonction d’ordonnateur et celle de comptable, le
ministre des Finances est tout à la fois le principal ordonnateur et le « chef d’état-major » de
tous les comptables » 442.
Par conséquent, le ministre des Finances, seul détenteur des pouvoirs en matière de gestion des
dépenses, ne conférait presqu’aucune responsabilité de gestion financière réelle aux autres
ministères dépensiers. La pratique de l’ordonnateur unique, assortie du système de délégation
d’engagements de crédits, a eu pour conséquences une procédure particulièrement lourde et
complexe avec de multiples étapes. Cette situation a eu pour effet de : « Limiter
considérablement la portée du contrôle financier qui ne s’exerçait pas directement en réalités
sur les actes de l’ordonnateur mais sur ceux des administrateurs de crédits. De par cette
dilution des responsabilités qu’induisait le schéma c’est non seulement l’effectivité du contrôle
financier qui s’en trouvait remise en cause mais aussi le système d’information comptable qui
s’en trouvait atteint » 443.
440 Les fonctions d’administrateur ou d’ordonnateur étaient incompatibles avec celles de comptable public mis à part quelques
exceptions (article 19 RGCP) tout comme les conjoints des administrateurs ou des ordonnateurs ne peuvent être nommés
comptables des services de l’Etat auprès desquels lesdits administrateurs ou ordonnateurs exercent leurs fonctions (article 20
RGCP).
441 Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations dont ils ont la charge.
442 Ian LIENERT, « Une comparaison entre deux systèmes de gestion des dépenses publiques en Afrique », Revue de l’OCDE
cit., p. 211.
221
s’apprécie à travers le respect des différentes étapes constituant le circuit classique de la
dépense : l’engagement 444 , la liquidation 445 , l’ordonnancement 446 et enfin le paiement 447.
Selon les dispositions de la loi n° 5/85, en termes d’exécution des dépenses, le ministre des
Finances était l’ordonnateur principal unique avec possibilité de délégation au directeur général
du budget. Dans le même ordre d’idée, le trésorier payeur général, directeur général des
services du trésor (DGST), était le comptable principal unique 448. Malheureusement,
nombreuses sont les analyses qui ont alerté et mis en lumière les irrégularités persistantes du
processus d’exécution de la dépense publique.
En effet, selon les informations recueillies auprès des différents services par la Banque
Africaine de développement (BAD) : « Plus de 50 % des factures qui étaient soumises à la
direction générale du contrôle financier comportaient la mention « service fait » sans qu’aucun
service n’ait été vraiment délivré. Cette situation résultait des retards de paiement au niveau
du Trésor, qui amenaient les fournisseurs à exiger d’être payés avant que le service ne soit
fait. Cette fausse certification constituait une faiblesse notoire dans la gestion de la dépense
qui se traduisit par un énorme gaspillage de ressources publiques. Le dossier portant la
mention "service fait " était envoyé à la direction générale du contrôle financier qui avait pour
mission de contrôler la certification faite par l’administrateur de crédit. Cette étape de
contrôle constituait un des maillons faibles de la chaîne de dépense. Il y avait très peu de
rigueur dans ce contrôle dans la mesure où la direction du service fait (DSF) se trouvait dans
l’incapacité d’accomplir sa mission à cause de son effectif très réduit et du fait qu’elle était
représentée uniquement à Libreville. Cette étape paraissait fictive dans la mesure où la
structure n’avait pas la capacité de réaliser sa mission ».
principal est seul chargé de : centraliser les résultats des opérations de trésorerie de l’Etat ; constater les écritures de fin d’année
permettant de dresser les comptes annuels de l’Etat après centralisation des opérations du Budget et des comptes spéciaux y
compris celles que les autres comptables principaux ont effectuées sous leur responsabilité ».
222
Encadré 6 : VIIème forum africain sur la gouvernance (FAG-VII), Renforcer les
capacités de l’Etat, Rapport pays du Gabon, PNUD
Lors du forum africain sur la gouvernance, organisé par le PNUD, le professeur Guy
Rossatanga avait soulevé les différents points, causes du dysfonctionnement de la chaine
d’exécution de la dépense au Gabon :
- L’absence de contrôle sur les prix unitaires ayant pour corollaire la surfacturation ;
- L’insuffisance en qualité et en quantité des ressources humaines, ayant pour effet la lenteur
dans le traitement des dossiers ;
FCFA ;
223
A l’image de l’exécution de la dépense, des irrégularités ont été mises en évidence lors du
processus de recouvrement des recettes. Comme le dit si bien l’adage « Il y’a des dépenses
publiques, il faut les couvrir » 449, pour l’Etat, il est nécessaire de disposer de ressources
publiques suffisantes en vue d’assurer le financement de ses charges avec la contrainte de
mobiliser ses recettes.
La perception des impôts se fait selon le système des droits constatés caractérisé par deux
phases successives que sont l’assiette et le recouvrement de l’impôt.
La première phase consiste à constater et calculer ou liquider la créance. Pour cela, chaque
contribuable a l’obligation de faire déclarer ses revenus et est donc tenu de se présenter, dans
les deux mois qui suivent le début de ses activités, au centre des impôts proche pour son
immatriculation. Outre les pièces nécessaires à son immatriculation, le contribuable doit
joindre à sa demande un plan de situation permettant de le localiser. Un numéro d’identification
fiscale est attribué par la direction générale des impôts après certification de la localisation
effective du contribuable et ce sont les agents ayant le grade d’inspecteur qui vérifient la
véracité des déclarations en procédant à différents contrôles.
Ensuite, en seconde phase, intervient le recouvrement qui est confié au receveur des impôts et
par délégation, en cas d’absence de ce dernier, aux agents inspecteurs de la recette du centre
des impôts territorialement compétent ayant le grade d’inspecteur. Le receveur des impôts a la
pleine et entière capacité d’agir en matière de recouvrement des impositions dont il a la
charge. Ce dernier et par délégation, les agents de la recette du centre des impôts
territorialement compétent ou le comptable chargé du recouvrement 450, procède au
recouvrement des impôts, droits et taxes liquidés par les contribuables dans leurs déclarations
et payés spontanément lors du dépôt de celles-ci ou dans les vingt jours de la notification de
l’avis de mise en recouvrement qui constitue le point de départ des délais de recouvrement, de
prescription, de réclamation et de péremption du privilège du Trésor ainsi qu’au recouvrement
des sommes liquidées par l’administration fiscale sur déclaration non auto-liquidative des
contribuables ou dans le cadre de contrôles. Les impôts sont payables en numéraire ou suivant
les modes de paiement autorisés aux caisses des recettes des impôts, dans les localités où la
DGI n’est pas implantée, les paiements se font à la Recette du Trésor.
Cependant, l’absence d’un fichier automatisé de tous les contribuables gabonais nuit
considérablement à l’efficacité du circuit fiscal. En effet, seuls sont pris en compte, par le
système informatisé, les redevables clairement identifiés, à savoir les agents du secteur public
et parapublic, les agents du secteur privé, les entreprises exploitantes des matières premières
sous contrat avec l’Etat et leurs sous-traitants. En contrepartie, un pan non négligeable de
l’économie échappe délibérément à ce circuit. Se sont, d’une part, les activités non déclarées
par les contribuables autre que les salaires, rentes ou pensions et qui pourtant devraient
obligatoirement l’être et d’autre part, les activités souterraines ou clandestines. Le paiement de
449 Gaston JEZE, « Cours de la science des finances et de la législation financière », Paris, Giard ? 6è éd, 1922 cité par Albert-
Léonard DIKOUME, « La fiscalité pétrolière des Etats membres de la CEMAC : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée
équatoriale, Tchad, Centrafrique », coll. « Etudes africaines », Paris, l’Harmattan, 2008, p. 40.
450 Celui-ci contrôle la validité de l’autorisation de percevoir la recette ; la validité de la mise en recouvrement et de la régularité
224
l’impôt se fait sur une base déclarative et donc sur la bonne foi du contribuable et sa bonne
volonté à participer ou contribuer aux dépenses de l’Etat, or il n’empêche que certains s’y
soustrairaient dès lors que leurs activités ne font pas l’objet d’une attention de l’administration
fiscale car les défauts de moyens financiers, techniques et humains au sein de cette dernière ne
permettent pas des contrôles appropriés s’étendant sur l’ensemble des revenus imposables de
tous les contribuables
Dans ce cas, il devient impossible à l’administration fiscale d’appliquer les sanctions prévues
dans le code général des impôts car elle éprouve des difficultés à recenser tous les contribuables
et l’étendue de leurs véritables revenus, d’où la rupture du principe d’égalité des citoyens
devant l’impôt consacré par l’article 1er de la Constitution. En outre, la possibilité d’instituer
de nouveaux impôts locaux tels que la taxe d’habitation se trouve paralysé en raison de
l’existence de nombreux quartiers informels dont les constructions sont archaïques 451. En
définitive, tout cela met à mal l’efficacité de la fiscalité gabonaise. Toutefois, nous notons que
les autorités publiques ont pris conscience de cette problématique. En effet, dans un diagnostic
sans complaisance, le ministre de l’Economie relevait lors des premières assises nationales de
la fiscalité, les principales plaies qui minent le régime fiscal national et la nécessité qui découle
de repenser le système.
451 Fidèle ALLOGHO-NKGHE, Politique de la ville et logique d’acteurs. A la recherche d’aménagement pour les quartiers
225
Encadré 7 : Les sept plaies du système fiscal gabonais.
• Premièrement, de l’existence d’une opposition systématique entre les
demandes récurrentes des facilités fiscales de la part des opérateurs, d’une
part, et l’objectif de maximisation des recettes fiscales, d’autre part ;
• Deuxièmement, il est observé une prolifération des taxes parfois sans base
juridique, se traduisant en un frein au développement de l’initiative privée ;
• Sixièmement, certains impôts qui auraient pu être neutres pour les entreprises
ne le sont plus totalement, du fait du dérèglement du système de
remboursement et ;
226
La procédure d’exécution du budget, en recettes, montre clairement la difficulté du
gouvernement à protéger le patrimoine financier de l’Etat. En effet, malgré l’existence des
structures de collecte et des outils mis à leur disposition, l’administration financière peine à
recenser de manière rigoureuse, précise et exhaustive les recettes étatiques. En la matière, la
coordination non optimale entre les trois principaux piliers du recouvrement des recettes que
sont la DGI, la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects (DGDDI) et le Trésor
public, en est la principale cause.
En effet, pour faire face aux paiements exigés par les créanciers, l’Etat doit disposer de fonds
nécessaires pour le paiement de la dépense publique par les comptables. Un mouvement
constant des fonds doit donc être organisé pour assurer l’approvisionnement des caisses des
comptables en deniers, rôle qui incombe au Trésor Public.
Le rôle de « caissier » du Trésor public est explicité par Paul Marie Gaudemet et Joel Molinier
qui affirment que « (…) Le Trésor n’a pas une personnalité juridique distincte de l’Etat ; il n’a
même pas une personnalité financière autonome, il n’y a pas de « budget de la trésorerie », et
les comptes spéciaux du Trésor ne peuvent être ainsi qualifiés puisqu’ils retracent des
opérations budgétaires, incluses dans les lois de finances. Il ne possède ainsi qu’une
personnalité comptable. Le Trésor n’est pas en effet une institution distincte de l’Etat il est
l’Etat envisagé en tant que caissier » 452.
Les dysfonctionnements, constatés dans le manque de coordination optimale entre les trois (3)
structures, étaient d’abord à rechercher du côté de la DGI dont les missions se trouvent
entravées par l’existence d’un secteur informel et d’activités souterraines échappant au
prélèvement , situation due pour une grande part à la mauvaise organisation de l’administration
fiscale dont la pertinence du mode d’intervention doit être remise en cause quand on se rend
compte que son fonctionnement ne convient pas aux critères d’efficacité exigés. De plus, les
montants recouvrés par la DGI étaient versés au Trésor Public sans que celui-ci ne puisse
procéder, sur pièces, au contrôle de la cohérence entre les rôles émis et les montants
effectivement versés dans les caisses de l’Etat. De même, des lacunes dans l'échange
d’information entre le Trésor et la DGDDI limitaient l’efficacité du recouvrement des droits de
douanes et droits indirects. Les divergences constatées chaque année entre les liquidations et
les chiffres de recettes douanières publiées par le Trésor en fin d’exercice laissaient apparaître
la nécessité de renforcer la coordination entre les deux structures.
452 Paul-Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances publiques. Politique financière. Budget/Trésor, op.cit., p. 465.
227
Trésor n’exercent pas de contrôle et dont les opérations ne sont pas consolidées dans des
comptes de l’Etat » 453.
La mauvaise gestion des fonds publics et par extension l’inefficacité des contrôles internes et
externes de la dépense publique ont eu et continuent d’avoir des répercussions négatives sur la
situation économique et sociale de l’Etat.
L’économie gabonaise est principalement une économie de rente, comme pour la plupart des
Etats membres de la CEMAC 454 . Elle repose sur l’extraction de ressources naturelles, surtout
celle du pétrole. Cependant, elle s’est caractérisée longtemps par une gestion peu transparente
des revenus pétroliers.
Dès le début, le Gabon n’a pas su mettre en place une véritable politique de gestion de sa manne
pétrolière au moment des premiers chocs pétroliers, caractérisés par une hausse des prix du
pétrole. Comme l’a expliqué Gabriel Zomo Yebe, l’économie gabonaise a souffert du
« syndrome hollandais » 455. La rente pétrolière a entrainé tout d’abord une forte augmentation
du revenu national et des recettes budgétaires mais des erreurs dans les choix en matière de
politiques économiques sont venues amoindrir les bienfaits des recettes pétrolières :
« L’importance des recettes budgétaires semblait éliminer toutes contraintes financières dans
les années 70 en même temps qu’elle incitait les banques commerciales d’ouvrir de larges
tranches de crédit au Gabon. L’Etat pu alors multiplier les créations d’emplois et d’entreprises
ainsi que les projets massifs d’infrastructures en privilégiant logiquement les projets
gourmands en capital, ressource la moins rare à l’époque. Parallèlement et en accord de court
terme avec les avantages comparatifs et le syndrome hollandais, l’agriculture est négligée par
le Gouvernement et les hommes : elle ne permet pas d’obtenir un niveau de vie comparable à
celui qui existe en ville grâce au pétrole : en conséquence le Gabon qui était pratiquement
autosuffisant sur le plan alimentaire en 1960, importait 65% de sa nourriture en 1988. Les
charges récurrentes des investissements, les frais financiers des emprunts augmentèrent sans
que l’on en ait vraiment conscience faute d’avoir un service de suivi de la dette publique : la
moindre réduction des recettes pétrolières pouvait alors mettre en évidence les faiblesses de
l’économie et révéler qu’elle se trouvait en situation d’illiquidité voire d’insolvabilité au
453 Michel BOUVIER, Etude sur la gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne,
op.cit., p. 190.
454 L’organisation par la Banque mondiale de la 17 édition du rapport semestriel Africa’s Pulse consacré aux perspectives
économiques du continent a permis de mettre en avant les difficultés inhérentes à la zone CEMAC, notamment dépendante
des ressources naturelles. A. ZEUFACK, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Afrique, a ainsi mis l’accent
sur la faible croissance de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale, liée principalement à la baisse des
cours du pétrole brut sur le marché international. Sur cet aspect, l’économiste a souligné que « La croissance dans cette zone
reste faible parce que malheureusement c’est la région (africaine) qui est la plus dépendante des ressources naturelles ».
455 Gabriel ZOMO YEBE, Comprendre la crise de l’économie gabonaise, op.cit., p.10-12. Selon l’auteur il s’agit d’un
ensemble de distorsions que l’on a identifié pour la première fois en Hollande à la suite de la découverte et de l’exploitation
du gaz naturel. Depuis on a reconnu que ces phénomènes étaient généraux et avaient tendance à se manifester chaque fois
qu’une économie bénéficiait d’une « masse tombée du ciel » d’une augmentation de ses revenus.
228
regard des performances économiques véritables et des engagements souscrits envers les
créanciers étrangers qu’envers les gabonais ».
Aujourd’hui encore, la primauté du pétrole sur l’économie gabonaise rend celle-ci très
vulnérable aux fluctuations de la rente. Ainsi, nonobstant une croissance soutenue durant ces
dernières années 456, elle a ralenti avec la baisse des prix du baril de pétrole qui est passé
d’environ 110 à 50 dollars le baril entre juin 2014 et janvier 2015 et jusqu’à 30 dollars en
janvier 2016 avec pour conséquences une baisse importante des recettes budgétaires. Le FMI
expliquait dans son rapport que la croissance globale en 2016 du Gabon qui était de 3,2 % était
principalement due à la baisse de la production pétrolière : « L’effondrement récent des prix du
pétrole met à dure épreuve la résilience macroéconomique du Gabon. Comme la production
de pétrole représente environ un tiers du PIB, 45 % des recettes publiques, ainsi que près de
85 % des exportations en 2014, la baisse de 40 % des prix internationaux du pétrole depuis
2014 (en francs CFA) constitue un choc de grande envergure pour l’économie gabonaise » 457.
La crise pétrolière a eu des conséquences néfastes pour le Gabon, enlisé dans une crise
économique, sociale et financière. Les recettes pétrolières, principale ressource de l’Etat, ont
un poids déterminant sur les finances publiques gabonaises. Mais la chute des revenus
pétroliers ainsi que les exhortations des IBW ont poussé les autorités à se tourner vers des
politiques de diversification de l’économie car le poids du pétrole sur cette dernière n’a pas
facilité le développement d’autres secteurs d’activités. Cette situation est notamment liée au
manque de maitrise par les autorités de la fiscalité pétrolière : « Un environnement fiscal qui,
sortant du cadre commun, n’est pas facilement maitrisable par l’ensemble des acteurs
intervenant dans le secteur ; ceux-ci ne parviennent pas à mettre en place les mécanismes
susceptibles de dégager une rente suffisante pour soutenir la diversification » 458.
En effet, face au déséquilibre créé par des dépenses salariales devenues trop importantes, le
gouvernement gabonais, réuni en conseil des ministres, avait fait savoir son intention de
procéder à la réduction de la masse salariale dans la fonction publique : « Celle-ci doit
impérativement être réduite. Il en va de la bonne santé de nos finances publiques et de
l’amélioration du service public aux usagers » 459. L’évolution non maîtrisée de la masse
salariale au Gabon constitue un véritable casse-tête pour l’Etat. Au fil de ces dernières années,
elle n’a cessé de s’alourdir au point de devenir une des principales charges pour les ressources
de l’Etat : « En septembre 2017, le Gabon comptait 102 367 agents au sein de la fonction
456 Avec des taux de 5,7% en 2012, de 5,6% en 2013, de 4,3% en 2014 et 4,1% en 2015 selon Perspectives Economiques en
Afrique (PEA) 2014.
457 FMI, Déclaration de la mission de consultations de 2015 au titre de l’article IV- Communiqué de presse ; Rapport des
229
publique contre à peine 54 415 en 2004. En 13 ans, le nombre d’agents publics s’est accru de
88%. Le Gabon compte autant de fonctionnaires que le Sénégal pourtant 9 fois plus peuplé. Le
service public n’y est pas meilleur pour autant. En outre, le ratio effectifs
publics/population appliqué aux pays de la zone francs permet de constater combien les
effectifs de l’administration publique gabonaise sont surdimensionnés. En effet, 5,7% de la
population du Gabon occupe un poste au sein de l’administration publique alors que la
moyenne au sein des pays de la zone franc est de 1,5% Gabon inclus et de 1,1% Gabon exclus.
Le Gabon est donc le pays qui a le plus de fonctionnaires rapportés à sa population. (…) Ainsi,
les gouvernements successifs au Gabon ont accru les effectifs publics sans préalablement
s’assurer que l’État était en capacité d’assurer leur traitement sur une période longue sans
contraindre les politiques sociales et de développement. En effet, entre 2004 et 2017, les
dépenses réalisées par l’État gabonais au titre des traitements et salaires sont passées de 226
milliards FCFA à 710 milliards FCFA, soit une hausse de 214% en 13 ans » 460.
Si une meilleure gestion des finances publiques a été imposée au Gabon par le FMI dans le
cadre du mécanisme élargi de crédit 461, l’Etat, conscient de ces enjeux, essaie de tout mettre en
œuvre pour atteindre ses objectifs, notamment en réduisant son train de vie.
En effet, malgré son statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRI), avec
un PIB de 17.23 milliards de dollars 462 et un revenu national brute (RNB) par habitant parmi
les plus élevés d’Afrique subsaharienne et de l’ordre de 9.320 dollars U.S 463, le Gabon a des
indicateurs sociaux faibles ; son niveau de pauvreté est comparable à celui des pays à faible
revenu. Du point de vue social : « Le Gabon est confronté au paradoxe socio-économique
d’appartenir de par son PIB par tête, au groupe des Pays à Revenus Intermédiaires (PRI) tout
en s’apparentant de par ses indicateurs sociaux au groupe des pays les moins avancés (PMA)
» 464. L’Indice de Développement Humain (IDH) plaçait le Gabon au 112ème rang sur 187
460
Blog mays-mouissi.com, analyse économiques, financières et budgétaire orientées vers l’Afrique, Gabon : masse salariale
de l’Etat, le grand dérapage, 24 mai 2018.
461
Dans le cadre de l’octroi des 56 milliards de francs CFA, l’institution de Bretton Woods a tenue à faire le bilan des sommes
décaissées dans le cadre de son mécanisme élargi de crédits (MEDC). Le Fond monétaire internationale a précisé que l’octroi
immédiat des 56 milliards de francs CFA porte le total des montants décaissés dans le cadre de l’accord de prêt à 112 milliards
de francs CFA. Pour rappel, en juin dernier, le FMI avait approuvé un prêt sur trois ans de près de 356 milliards de francs
CFA, au titre de son mécanisme élargi de crédits (MEDC), avec un premier décaissement immédiat de 55 milliards de francs
CFA pour soutenir le programme de relance à moyen terme du Gabon. L’Institution de Washington a en outre, invité les
autorités gabonaises à s’employer à mobiliser les recettes non pétrolières, qui ont chuté à des niveaux historiquement bas,
soulignant que les difficultés économiques s’expliquent mais les autorités ont besoin d’accélérer les réformes pour réduire le
recours excessif aux exonérations fiscales et corriger les faiblesses de l’administration fiscalo-douanière.
462 Données 2014.
463 En ligne :<www.banque mondiale.org>.
464 Plan stratégique Gabon émergent : vision 2025 et orientations stratégiques 2011-2016, op. cit., p. 9.
230
pays 465en 2014 avec un taux de pauvreté de 33% 466 pour une population d’à peine 1.6 millions
d’habitants.
Cette dichotomie flagrante entre la classification par le PIB et celle par l’IDH montre les efforts
à fournir dans la redistribution des revenus.
- 30% des foyers gabonais soit environ 95 000 sont considérés comme économiquement
faibles car ayant des revenus inférieurs à 80 000 FCFA/mois.
- 7 segments sont particulièrement vulnérables : les familles avec enfants (comprenant aussi
les familles monoparentales), les mères célibataires, les personnes âgées, les veuves, les
personnes handicapées, les étudiants isolés, les orphelins et enfants des rues.
- La situation des FEF est aggravée par un accès limité aux services sociaux et publics de
base (notamment santé et accès à l’eau et à l’électricité). 60% des départements sont en
décrochage sur ces services.
Cet état de sous-développement se trouve accentué par les difficultés qu’éprouve l’Etat dans le
traitement de sa dette publique. Cette dernière et les charges qu’elle induit se trouvent même
être l’un des principaux voire le principal point noir de l’économie gabonaise. Un cri d’alerte
a été lancé par le député Alexandre Barro Chambrier qui interpellait le premier ministre en
2015 à l’Assemblée nationale. Il s’inquiétait de l’augmentation du taux de l’endettement :
« Qui est passé de 16% en 2011 à 28% en 2013 et qui tendait vers les 38% en l’espace de 4
ans », selon lui si rien n’était fait la situation pourrait conduire le pays à dépasser le seuil de
soutenabilité de la dette publique fixé à 35% par les autorités :« L’accumulation des arriérés
de paiements intérieurs, des arriérés de reversement de TVA, d’une baisse rapide du niveau
des dépôts à la Banque Centrale, d’un niveau élevé de dépenses extrabudgétaires (…) La
465 PNUD, Rapport sur le Développement Humain, 2014. Le Gabon a perdu 6 places puisqu’en 2013 il se classait 106ème.
466 Données de 2010. Site du PNUD Gabon, en ligne <http://www.ga.undp.org/>.
231
question est de savoir, à quels niveaux se situent ces arriérés ? Et surtout comment comptons-
nous réduire ces arriérés ? Parce qu’il va de soi que s’il n’y a pas de solution durable à ce
problème, nous risquons de voir le chômage encore augmenter et c’est une vraie question », il
s’interrogeait sur « Comment avec une accumulation d’arriérés de paiement est-il possible de
parler d’un solde d’exécution excédentaire de 365,5 milliards de FCFA ?» en concluant « Je
crois que nous avons un problème de prévisibilité et de lisibilité de l’action de l’État ». 467
* (p) : prévisionnel
Si le FMI considérait le Gabon comme modérément endetté en 2012 469, il craignait une
augmentation de la dette due à la hausse des dépenses. Ses craintes se sont révélées justes car
Gabon : état des lieux, évolutions et perspectives. L’analyste relevait un nombre important des dépenses atypiques. Il s’étonnait
du montant payé par l’Etat pour la conception et l’impression d’un simple agenda. En effet pas moins de 597 millions ont été
payés le 24 aout 2015 pour éditer « L’agenda de l’émergence » (cf. code opération 15059286). Toujours au bénéfice du concept
de « L’émergence », 450 millions FCFA furent payés le 17 septembre 2015 rien que pour permettre l’installation de 9 comités
du bureau de coordination du Plan Stratégique Gabon Emergent (BCPSGE).
469 FMI, consultations de 2012 au titre de l’article IV, Gabon, mars 2013, 81 p.
232
nous constations qu’après une baisse entre 2010 et 2011 et une stagnation entre 2011 et 2012
due à une politique de gestion prudente, le taux d’endettement a cru de manière significative
en 2013, voire exponentielle en 2015. Même si ce niveau reste pour le moment inférieur au
critère de convergence régional de 70 %, il a largement dépassé le plafond d’endettement de
35 % que les autorités gabonaises se sont fixées.
Le FMI, dans son analyse sur la viabilité de la dette publique gabonaise en 2015, s’alarmait de
cette dernière : « Il ressort de l’analyse de viabilité de la dette publique que le cadre
macroéconomique présenté dans ce rapport se traduirait par des niveaux d’endettement qui
atteindraient 50 % du PIB en 2016. Le scénario de référence des services du FMI propose un
ajustement plus substantiel pour préserver la viabilité budgétaire. Les services suggèrent un
élargissement dans le temps de la base de recettes non pétrolières moyennant l’élimination des
exonérations fiscales trop généreuses ; les traitements et les salaires augmenteraient de 2 %
par an en termes nominaux pendant toute la période et les autres principaux postes des
dépenses courantes et des dépenses d’investissement augmenteraient en termes nominaux mais
à un taux nettement inférieur à celui de la croissance du PIB non pétrolier. Avec ces
hypothèses, une analyse de viabilité de la dette (AVD) montre que le niveau projeté de la dette
du Gabon atteint un pic à 50,1 % du PIB en 2016, puis baisse lentement à partir de 2019. Cela
dit, les chocs pris en compte dans l’AVD pourraient se traduire par des ratios de la dette au
PIB beaucoup plus élevés et un choc de la croissance pourrait propulser la dette nettement au-
dessus du plafond de la CEMAC (70 % du PIB) d’ici à 2021 » 470.
L’analyse du FMI a été renforcée par l’analyse financière de l’agence Moody’s sur les arriérés
accumulés par le gouvernement gabonais et leurs conséquences sur les finances de l’Etat. En
effet, plombé par l’incapacité à apurer ses arriérés dans des délais courts, le Gabon a vu sa note
souveraine dégradée par l’agence financière. Celle-ci est passée de « B3 » à « Caa1 » (dettes
qui présentent un « risque substantiel ») avec des perspectives de « négatives » à « stables ».
Une notation en baisse consécutive aux : « Pressions accrues de liquidité du gouvernement et
des faiblesses institutionnelles persistantes, soulignées par celles des arriérés, malgré les
engagements de remboursement de ses arriérés aux créanciers extérieurs fin 2017 dans le cadre
du programme du FMI ». Selon Moody’s, le gouvernement continue d’avoir : « Des arriérés
envers les fournisseurs et les créanciers, y compris les prêteurs bilatéraux et multilatéraux
ainsi que les banques commerciales étrangères. Les arriérés envers les créanciers
représentaient environ 2% du PIB fin mars 2018 ».
Bien que l’Etat ait réglé ses arriérés aux bailleurs internationaux à la fin 2017, un peu avant la
première revue du FMI, dans la cadre de l’accord élargi de crédit de 642 millions d’euros sur
trois ans, il avait commencé à accumuler les retards de paiements. Moody’s s’attendait à ce
que le gouvernement prenne «des mesures de consolidation budgétaire mais avec un impact
limité en 2018» ; l’agence de notation restait convaincue que les tensions en termes de
liquidités, ainsi que l’accumulation des arriérés, devraient se poursuivre : « Le Gabon a mis en
place un cercle vicieux dans lequel le cumul des retards de paiement vient peser sur la
470 FMI, Déclaration de la mission de consultations de 2015 au titre de l’article IV- Communiqué de presse ; Rapport des
233
croissance économique, qui a son tour limite la collecte des impôts et rend plus difficile le
remboursement des arriérés».
Par ailleurs, en attribuant des perspectives « stables » au Gabon, Moody’ considérait cependant
que ces risques seraient contrebalancés par « le soutien technique et financier du Fonds
monétaire international (FMI) qui, bien que possiblement retardé, va rester en place ».
L’agence estimait également que la dette publique continuerait à être considérée comme
soutenable par le FMI et sur la base de ses projections, «la dette publique (resterait)
globalement stable, autour de 60 % du PIB ».
Moody’s avait déjà dégradé la note souveraine du Gabon en juillet 2017 de B1 à B3 sur la base
de « la détérioration des finances publiques en raison de la faiblesse prolongée des prix du
pétrole et d’un faible capacité d’ajustement des politiques ». A cette période, l’agence évoquait
déjà « des tensions intenses sur la liquidité de l’État, tel que démontrée par l’accumulation de
retards de paiements ».
Au regard de ces indicateurs et des différentes études menées, nous pouvons affirmer que
l’Etat, d’une part, se trouve dans une situation critique au regard du dépassement du taux
471 L’agence Fitch Ratings, spécialiste mondial de la notation des dettes souveraines, estimait le taux d’endettement à 48% du
PIB ; La COFACE, société spécialisée dans l’assurance-crédit, situait le taux d’endettement du Gabon à 49.6% enfin le FMI
indiquait quant à lui dans son communiqué n° 16/81 du 26 février 2016 que le taux d’endettement du Gabon en 2016
avoisinerait les 50.1%.
472 Déclaration de politique générale de M. Issozet Ngondet, 10 novembre 2016
473 Dette publique du Gabon : Etats des lieux, Evolutions et perspectives, le 26 février 2016 à la chambre de commerce de
234
d’endettement de 35% du PIB qu’il s’était fixé, même s’il n’a pas encore atteint les 70% du
PIB fixé par la CEMAC et d’autre part, doit décélérer le rythme de son endettement.
A cet effet, les IFI ont produit un certain nombre de normes et mis en place un système de
conditionnalité ayant vocation à inciter les pays bénéficiaires de leur aide à mettre en œuvre
des réformes en matière de gestion des finances publiques. L’Aide Publique au Développement
(APD) a permis aux gouvernements des pays en développement le financement des projets ou
programmes de développement en faveur des populations les plus démunis.
Si à l’origine l’intervention des bailleurs était principalement financière, à partir des années 90
les Institutions de Bretton Woods (IBW) et la Communauté des bailleurs de fonds dans son
ensemble vont progressivement adopter de nouvelles stratégies en matière de politique d’aide
au développement ; ce qui va entraîner un changement du modèle de gestion budgétaire et
financière pour les PED.
L’influence de l’aide au développement sur les règles juridiques et les procédures de gestion
des finances publiques est certaine. Elle semble contribuer à l’amélioration des systèmes de
gestion budgétaire à travers la diffusion de normes et règles de bonne gestion à l’endroit des
pays bénéficiaires. L’une de ses spécificités est qu’elle s’insère dans les mécanismes
budgétaires de l’Etat bénéficiaire, assortie d’un certain nombre de conditionnalités.
Depuis de nombreuses années déjà, le débat international a mis l’accent sur l’importance d’une
bonne gestion des finances publiques lorsqu’il s’agit des projets d’investissement financés sur
ressources extérieures. La stratégie prônée est celle de la bonne gouvernance financière qui
devient une des conditions primordiales à l’acceptation d’un prêt par les IFI.
Lancé pour la première fois en 1989, le concept de bonne gouvernance est devenu la règle d’or
des institutions internationales surtout en matière de prêts aux PED en conditionnant leur aide
475 Michel BOUVIER, « les normes financières publiques internationales : quelle légitimité ? », RFFP, 2012, n°119, p. 5.
235
à l’efficacité de la dépense publique. Il trouve ses prémices dans l’imposition par la Banque
Mondiale au début des années 1990, d’une politique de décentralisation 476 vis-à-vis des PED
financièrement en difficulté. Elle s’inscrivait dans le mouvement de démocratisation politique
amorcé dans ces pays.
Ainsi, les prêts étaient consentis sous le sceau de la « conditionnalité démocratique » 477 avec
pour but la mise en place d’un système politique ouvert. Ce paradigme a par la suite évolué
pour faire face aux crises financières mondiales. Le mot d’ordre était la recherche de
transparence en matière de finances publiques. Elle a été concrétisée avec la mise en œuvre de
programmes de développement de la communauté internationale basés sur la croissance
économique et la réduction de la pauvreté 478.
476 Mathieu FAU-NOUGARET, « Originalité et convergence des phénomènes de décentralisation en Afrique Sub-
saharienne », Afilex, 2009, 19 p.
477 Ibid.
478 La Communauté internationale notamment le FMI a procédé en 2002 à la révision de ses directives sur la conditionnalité
puis en 2009 il a davantage modernisé son dispositif de conditionnalité dans le cadre d’une réforme globale visant à lui donner
les moyens de mieux prévenir et résoudre les crises. La version révisée des directives opérationnelles prévoit que les conditions
structurelles doivent être ciblées et adaptées aux différentes politiques menées par les pays membres et leur situation
économique initiale. Voir notamment : FMI, Bulletin du FMI, vol. 34, n°15, 22 août 2005, p. 244, en ligne :
<http://www.imf.org/external/pubs/ft/survey/fre/2005/082205f.pdf> et FMI, La conditionnalité du FMI, 2015 en ligne :
<https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/pdf/conditiof.pdf>.
479 Michel BOUVIER, Etude sur la gestion de la dépense publique dans les pays de l’Afrique francophone subsaharienne,
op.cit., p. 72.
480 World Bank, Managing Developpement- the governance Dimension, Washington, 1996.
481 DAC-OCDE, Orientation du CAD sur le développement participatif et la bonne gestion des affaires, Paris, 1993.
482 Public Sector Management, Governance and sustainable Human Development, New York, 1995.
236
efficace et efficiente du secteur public et une coopération avec les organisations de la
société.
- Quant à l’Union Européenne (UE), elle porte une attention particulière sur les droits de
l’homme et les libertés fondamentales, sur la reconnaissance des principes
démocratiques et sur la consolidation de la primauté du droit et du gouvernement.
Elle est plus que jamais d’actualité d’autant plus qu’elle est déterminante pour la réalisation
des objectifs des politiques publiques et notamment ceux relatifs aux OMD. En effet, la bonne
gouvernance est au centre des débats concernant les politiques de développement des PED car
les résultats enregistrés par ces derniers au niveau des secteurs publics, privés, économiques et
sociaux jugés pour la plupart insuffisants sont la conséquence d’une mauvaise gestion des
finances publiques.
Ces dernières étant l’instrument primordial dont disposent les gouvernements pour la
réalisation de leurs politiques publiques, la bonne gouvernance devient nécessaire voire
indispensable dans la réussite de leur action publique. L’intérêt manifesté pour la promotion
de la bonne gestion des finances publiques s’est traduit par l’adoption de standards
internationaux sur l’initiative des IBW qui prônaient la réorganisation du système financier
international en produisant de nouvelles normes financières communes aux Etats avec pour but
que ces derniers adoptent des standards communs et qu’ils partagent une même logique de
gestion.
Une invitation a ainsi été faite aux Etats par le FMI d’adhérer à des codes de bonne conduite,
elle remonte à l’année 1998. Le FMI promouvait la bonne gouvernance en faisant du critère de
la transparence des finances publiques le facteur déterminant, permettant d’assurer
durablement la stabilité macroéconomique et une croissance de qualité. Il a été adopté à cette
date puis révisé en 2007 :
-Le Code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques du FMI : à la
base de ce dernier se trouve la définition de la transparence qui est : « Un élément crucial de la
gestion des finances publiques et de la responsabilisation. Elle assure que les gouvernements
ont une image précise de leur situation et de leurs perspectives budgétaires, des coûts et des
avantages à long terme de toute réorientation des politiques et des risques potentiels
susceptibles de les faire déraper. Elle offre également aux organes législatifs, aux marchés et
aux citoyens l’information dont ils ont besoin pour rendre les gouvernements redevables » 483.
Le code énonce les quatre grands principes de transparence des finances publiques ainsi que
les bonnes pratiques spécifiques correspondants à chacun d’eux et synthétisé dans le tableau
ci-dessous :
483 FMI, Par quel moyen le FMI encourage-t-il la transparence des finances publiques, 2015 en ligne :
<http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/fiscalf.htm>.
237
Principes Règles fondamentales
238
4.3 Les informations relatives aux
finances publiques doivent être
soumises à un examen extérieur.
Source : Code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques du
FMI, 2007
Le Code énonce les bonnes pratiques réalisables par tous les Etats quel que soit leur niveau de
développement économique. Il a été complété par :
-Le Manuel sur la transparence des finances publiques qui a pour objet d’expliquer et
d’expliciter de manière plus détaillée les principes et les pratiques énoncés dans le code. Il va
plus loin que ce dernier en analysant en profondeur chacune des bonnes pratiques. Toutefois,
il n’est pas conçu pour servir de guide de gestion financière et se garde en conséquence de
formuler des recommandations générales de politique budgétaire, même s’il fournit des
conseils sur les moyens d’améliorer la transparence de certaines activités.
Ce manuel s’adresse aux autorités nationales qui peuvent y trouver des exemples concrets
concernant les pays ayant déjà mis en œuvre des pratiques de transparences en se fondant sur
l'expérience des pays membres pour illustrer les bonnes pratiques et les pratiques optimales et
propose de nombreuses références pour faciliter la tâche des pays à cet égard.
• L’établissement d’une assise solide pour les politiques budgétaires, avec un cadre
juridique de la gestion des finances publiques qui évite les complications inutiles et
l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire excessif dans l’application des règles ;
• Un budget réaliste doit être présenté à la législature conformément à un calendrier
precrit à l’avance ;
• Les couts et les effets vraisemblable des nouvelles mesures de dépenses et de
recouvrement des recettes doivent être clairement exposés ;
• Un cadre budgétaire pluriannuel cohérent fondé sur les hypothèses économiques
réalistes doit être proposé ;
• Un suivi adéquat des recettes, des engagements, des paiements et des arriérés doit
être organisé ;
• Les comptes définitifs audités et les rapports d’audit doivent être présentés aux
autorités législatives et publiés dans un délai d’un an.
239
L’intérêt manifesté pour la promotion de la transparence des finances publiques s’est accru
considérablement depuis l’élaboration du Code. Plusieurs projets ont ainsi été mis en place
dont l’Initiative multilatérale pour la transparence des industries extractives (ITIE) lancée en
2002 et qui visait à promouvoir une gestion transparente, ouverte et responsable des recettes
dans les pays riches en ressources naturelles comme le Gabon. Elle porte précisément sur la
déclaration des transactions entre les sociétés qui exploitent les ressources et les
gouvernements.
L'ITIE cherche à renforcer les systèmes des gouvernements et des entreprises, informer le débat
public et améliorer la confiance. L’objectif est d’améliorer la gouvernance des ressources
minières et garantir que ces recettes serviront à générer la croissance économique et encourager
le développement social. L’initiative réunit toutes les parties prenantes, c’est une coalition
multipartite composée des gouvernements, d’entreprises, d’investisseurs, d’organisations de la
société civile et d’autres organisations partenaires.
Elle encourage la publication par les pays mettant en œuvre la norme ITIE, de rapports réguliers
sur les recettes perçues par l’État et les montants versés par le secteur des industries extractives
au titre de l’exploitation de ressources naturelles. Pour cela, un Groupe multipartite 484
intervient au niveau national ainsi qu’au niveau international par l’intermédiaire du Conseil
d’administration de l’ITIE.
C’est en 2003 qu’un groupe de divers pays, d’entreprises et d’organisations de la société civile
présents à la Conférence de Lancaster House à Londres, organisée par le gouvernement
britannique, a déclaré douze (12) principes fondateurs connus sous le nom de Principes de
l’ITIE qui constituent la pierre angulaire de l’Initiative. Le groupe a également établi des
critères servant à vérifier les respects de ces principes comprenant la publication régulière des
paiements que les industries versent aux gouvernements et le contrôle de ces paiements par des
organismes indépendants et satisfaisant aux normes internationales.
484 C’est un groupe constitué de représentants des gouvernements, d’entreprises et de la société civile qui supervisent
l’application de l’ITIE dans un pays donné. Le Groupe élabore le plan de travail national, produit le rapport ITIE et veille à ce
que l’ITIE participe au débat public.
240
Encadré 10 : Principes, critères et avantages de l’ITIE
Les Principes
1. Tous les paiements matériels, versés par les entreprises aux gouvernements, au titre de
l'exploitation pétrolière, gazière et minière (« les paiements ») et toutes les recettes
matérielles, reçues par les gouvernements de la part des entreprises pétrolières, gazières et
minières (« les recettes »), sont publiés et diffusés régulièrement au grand public sous une
forme accessible, complète et compréhensible.
2. Lorsque de tels audits n'existent pas, les paiements et recettes font l'objet d'un audit
indépendant crédible, conformément aux normes internationales en matière d'audit.
241
3. Les paiements et recettes sont rapprochés, conformément aux normes internationales en
matière d'audit, par un administrateur indépendant digne de confiance, qui publie son
opinion sur ce rapprochement de comptes et sur d'éventuelles discordances.
4. Cette démarche s'étend à l'ensemble des entreprises, y compris les entreprises d'état.
5. La société civile participe activement à la conception, au suivi et à l'évaluation de ce
processus et apporte sa contribution au débat public.
6. Le gouvernement d'accueil élabore un plan de travail public, financièrement viable, relatif
aux éléments ci-dessus, avec le concours des institutions financiers internationales le cas
échéant, ce plan étant assorti de cibles mesurables, d'un calendrier de mise en œuvre et
d'une évaluation des contraintes éventuelles sur le plan des capacités.
1. Les avantages pour les pays mettant en œuvre comprennent un meilleur climat
d'investissement grâce à un signal clair aux investisseurs et institutions financières
internationales indiquant que le gouvernement s'engage à plus de transparence.
L'ITIEcontribue également à renforcer la responsabilité et la bonne gouvernance, ainsi qu'à
promouvoir une plus grande stabilité économique et politique. Cela peut à son tour
contribuer à la prévention des conflits trouvant leur source dans les secteurs pétrolier,
minier et gazier.
2. Les avantages pour les compagnies et investisseurs se centrent sur l'atténuation des risques
politiques et liés à la réputation. L'instabilité politique causée par une gouvernance opaque
est une menace indéniable pour les investissements. Dans les secteurs extractifs, où les
investissements ont une forte densité de capital et dépendent d'une stabilité à long terme
pour générer des retours, la réduction de cette instabilité est bénéfique pour les affaires. La
transparence des paiements faits à un gouvernement peut également aider à démontrer la
contribution au pays que constituent ses investissements.
3. Les avantages pour la société civile proviennent de la quantité d'information dans le
domaine public concernant ces revenus que les gouvernements gèrent au nom de la
population, conférant par-là plus de responsabilité aux gouvernements.
Source : www.eiti.org
Ces initiatives ont mené à la création d’une norme qui encourage la publication d’informations
plus pertinentes, plus fiables et plus pratiques tout en garantissant de meilleurs liens avec des
réformes élargies. Le but est de passer d’un processus qui incite à satisfaire aux exigences à un
processus qui encourage quant à lui, une meilleure gouvernance du secteur extractif dans
chacun des pays membres.
La nouvelle Norme ITIE adoptée en 2013 et révisée en 2015 conserve la majorité des
exigences. Toutefois, elle a fait l’objet d’une restructuration importante visant à disposer d’un
ensemble plus concis d’exigences, elles-mêmes assorties d’attentes plus claires.
Le besoin d’encourager l’appropriation nationale des efforts en matière de réformes par les
pays membres a été un des principaux moteurs d’inspiration pour la révision des règles. Les
242
exigences qui portent sur les plans de travail nationaux afférents à l’ITIE sont dorénavant
agencées de manière à garantir que les déclarations ITIE soient mieux ancrées dans les priorités
et les réformes nationales.
En outre, pour faciliter la compréhension et l’utilisation des rapports ITIE, il a été introduit une
nouvelle exigence qui stipule que les rapports devront désormais contenir des informations
contextuelles sommaires concernant : le régime fiscal, le cadre contractuel, la production, les
procédures d’octroi de licences et la répartition des revenus et des dépenses.
L’ITIE a été complétée pour tenir compte des problèmes spécifiques des pays qui tirent une
grande part de leurs recettes des ressources naturelles comme le Gabon. Le FMI a ainsi publié
en 2005, le Guide pour la transparence des recettes des ressources naturelles.
Ce document applique les principes du code à la série de problèmes particuliers auxquels sont
confrontés les pays qui tirent une large part de leurs recettes de leurs ressources minérales ou
pétrolières mais qui ont des résultats économiques médiocres.
En effet, pour de nombreux pays, l'ampleur même de ces ressources ainsi que la complexité
technique et la variabilité des transactions posent des problèmes particuliers qui nécessitent des
principes directeurs plus détaillés que ceux du manuel. La publication du code a conduit à la
mise en place d’un programme facultatif d’évaluations de la transparence des finances
publiques, ces évaluations se présentent sous la forme des modules de transparence des
finances publiques, des Rapports sur l’Observation des Normes et Codes désignés RONC de
finances publiques.
Par ces derniers, le FMI encourage tous ses pays membres à se soumettre à une évaluation de
la transparence de leurs finances publiques. Ils visent à évaluer les points forts et les
vulnérabilités d’un pays en matière de finances publiques, pour cela ils inventorient les
pratiques en vigueur, évaluent le respect du Code et définissent pour chaque pays, les mesures
à prendre en priorité pour améliorer la transparence. En détectant les principaux risques
budgétaires et en les portant à l’attention de tous, ces RONC sur les finances publiques jouent
un rôle essentiel dans le processus de surveillance.
Afin de préparer ce rapport, il est prévu un questionnaire sur la transparence des finances
élaboré à partir du manuel. Il permet une évaluation de la situation de la transparence dans le
pays considéré et une comparaison de l’évolution dans le temps des progrès effectués à chaque
mise à jour du questionnaire.
Cependant, les RONC sont réalisés à la demande des autorités nationales et c’est à elles
exclusivement qu’il appartient de décider si elles souhaitent procéder à une évaluation de
l’observation des normes et codes et publier le rapport de cette évaluation. La décision de
publier le RONC de finances publiques traduit l’engagement du pays à améliorer la
transparence de ses finances publiques.
243
Encadré 11 : Exemple de sujets traités dans le questionnaire sur la transparence des
finances publiques
Le FMI a également adapté en 2001 son Manuel de Statistique des Finances Publiques (MSFP)
publié en 1986. Il présente un cadre théorique et comptable adapté à l’analyse et à l’évaluation
des politiques de finances publiques et définit les concepts d’administrations publiques et de
secteur public. Il couvre également la performance du secteur public en général et celle des
administrations publiques en particulier. Il définit clairement le concept d’administration
publique ainsi que celui du secteur public.
Les statistiques des finances publiques sont exploitées pour l’analyse de certains aspects
comme l’impact de la politique fiscale budgétaire sur la situation économique, en outre elles
répondent aux besoins d’évaluation de l’efficacité des dépenses affectées à la lutte contre la
pauvreté, de la soutenabilité des politiques budgétaires ou de la valeur nette du patrimoine des
administrations.
Tirant les conséquences de la crise financière mondiale, le FMI a procédé à la révision de son
code motivé par le renforcement de la transparence. Le 6 octobre 2014, lors d’une conférence
conjointe avec la Banque mondiale, le FMI a lancé, après deux années d’analyses et de
consultations intenses, un nouveau code de transparence des finances publiques.
Ce nouveau code s’inscrit dans un mouvement plus large de révision et de développement des
critères et instruments de gestion des finances publiques, avec notamment l’actualisation des
indicateurs de performance définis dans le cadre du PEFA qui s’est accompagné d’un processus
de consultation publique. Le nouveau Code et les nouvelles évaluations de la transparence des
finances publiques du FMI sont décrits dans la mise à jour de l’Initiative de transparence des
finances publiques. Ils s’inscrivent dans les efforts déployés pour renforcer la surveillance
budgétaire, appuyer la formulation des stratégies et améliorer la responsabilisation budgétaire.
244
Dans un document de 2012 sur la transparence des finances publiques, la responsabilisation et
le risque, le FMI a examiné la situation de la transparence des finances publiques dans la
période qui a suivi la crise financière et a proposé une série d’améliorations aux normes et
dispositifs de suivi existants de la transparence budgétaire internationale.
Ce document a aussi jeté les bases du nouveau Code et des nouvelles évaluations de la
transparence des finances publiques qui ont remplacé le Code de 2007 et les modules des
finances publiques correspondants des RONC.
245
Encadré 13 : Le nouveau code de transparence et les nouvelles évaluations
Le nouveau Code, couvre quatre éléments clés de la transparence des finances publiques
• Pilier I : La communication des informations sur les finances publiques, qui devrait
fournir des informations pertinentes, exhaustives, ponctuelles et fiables sur la
situation financière et les résultats de l’État.
• Pilier II : Prévisions et budgétisation des finances publiques, qui devraient offrir
une présentation claire des objectifs et des intentions budgétaires de l’État,
accompagné de projections exhaustives, ponctuelles et crédibles de l’évolution des
finances publiques.
• Pilier III : Analyse et gestion des risques budgétaires, qui devraient veiller à la
publication, l’analyse et la gestion des risques pour les finances publiques et à une
coordination efficace de la prise de décisions budgétaires dans tout le secteur
public.
• Pilier IV : Gestion des recettes des ressources naturelles, qui devrait offrir un cadre
transparent de l’actionnariat, des contrats, de la taxation et de l’utilisation des
dotations en ressources naturelles.
Si les Piliers I, II et III ont été finalisés et publiés, le Pilier IV devait être achevé à la fin de
l’année 2015 et exigeait l’adaptation des principes des trois premiers piliers aux circonstances
particulières des pays riches en ressources naturelles.
Les Évaluations de la transparence des finances publiques (ETFP) sont le principal outil
diagnostique de la transparence des finances publiques du FMI. Les ETFP offrent des analyses
quantifiées de l’ampleur et des sources de vulnérabilité budgétaire sur la base d’un jeu
d’indicateurs de transparence des finances publiques, d’une synthèse des points forts de la
transparence des finances publiques d’un pays et des priorités de réformes cartographiées sur
des « cartes de chaleur » ; elles offrent aussi la possibilité d’un plan d’action par étapes de
transparence budgétaire pour aider les pays à mener les réformes prioritaires.
Les ETFP permettent également une évaluation modulaire basée sur les piliers individuels du
nouveau Code en vue de régler les questions de transparence les plus urgentes. Pour assurer la
pertinence et l’applicabilité des ETFP à tous les pays membres du FMI, dix évaluations ont été
réalisées à ce jour qui couvrent les pays de nombreuses régions et de différents niveaux de
revenu ; huit de ces rapports ont été publiés.
Le nouveau Code et les ETFP s’appuient sur le cadre précédent en insistant sur les risques
budgétaires. Ils sont conçus pour s’assurer que les décideurs, les législateurs, les citoyens et les
marchés ont une image complète de l’état des finances publiques qui couvre la totalité du
secteur public et inclut des prévisions budgétaires exactes et exhaustives tout en reconnaissant
tous les risques budgétaires majeurs. Ils tiennent également compte des réactions des
gouvernements, de la société civile, des milieux universitaires, des participants du marché et
246
du public qui ont été reçues lors de deux séries de consultations en décembre 2012 et en juillet
2013.
Pour accroître la cohérence et la complémentarité, le nouveau Code et les ETFP ont été
harmonisés avec les autres normes et outils diagnostiques du FMI dans le domaine des finances
publiques, notamment le cadre révisé d’examen des dépenses publiques et d’évaluation de la
responsabilité financière (PEFA) et l’édition de 2014 du Manuel de statistiques des finances
publiques. Les nouveaux principes du nouveau code articulé autour des trois (3) premiers
piliers 485 s’orientent vers une conception plus globale du secteur public, qui va au-delà de l’État
pour inclure les entreprises publiques et d’autres sources de risques extrabudgétaires pour les
finances publiques.
Pour cela :
485 Chronologiquement les étapes de l’initiative de transparence des finances publiques du FMI s’articulaient comme suite :
Achever, d’ici au milieu de 2015, le Pilier IV du nouveau code, après une consultation publique, et soumettre le Code de
transparence des finances publiques dans sa totalité à l’approbation du Conseil d’administration du FMI d’ici à la fin de 2015.
Finaliser, d’ici à avril 2016, un Manuel de transparence des finances publiques en deux volumes, qui offrira des orientations
plus détaillées sur la mise en œuvre des principes et des pratiques du nouveau Code. Le Volume I du Manuel couvrira les
Piliers I, II et III et le Volume II portera sur le Pilier IV et intégrera le « Guide sur la transparence des recettes des ressources
naturelles », un document auparavant distinct. Sur la base du nouveau Code, procéder aux les Évaluations de la transparence
des finances publiques dans les pays prioritaires.
247
doivent être fiables, soumis à une
vérification externe, et faciliter la
reddition des comptes.
2. Prévision financière et budgétisation Les budgets et les prévisions financières qui
leur servent de base doivent énoncer
clairement les objectifs budgétaires et les
politiques visées par l’administration, et
présenter des projections exhaustives,
actuelles et crédibles de l’évolution des
finances publiques.
Pour cela :
Pour cela :
248
liés à leurs perspectives
financières.
3.2 Gestion des risques : Les risques
spécifiques qui pèsent sur les
finances publiques doivent être
régulièrement suivis,
communiqués et gérés.
3.3 Coordination financière : Les
relations financières au sein du
secteur public et les résultats
financiers de l’ensemble du
secteur doivent être analysés,
déclarés et coordonnés.
Source : Code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques du
FMI, 2014
Dans le même sens, la Banque Mondiale a publié en 1998 son Manuel de gestion des dépenses
publiques, qui est un document de référence contenant des principes et des bonnes pratiques en
vue d’améliorer la gestion budgétaire et financière des Etats. En matière de gestion des finances
publiques, la Banque Mondiale s’intéresse à l’ensemble du cycle budgétaire 486: préparation et
exécution du budget, systèmes d’information et de gestion informatisés, cadres de dépenses à
moyen terme, passation des marchés publics, audit interne et externe enfin suivi et évaluation.
Elle s’intéresse plus particulièrement aux institutions de contrôle dont les commissions des
finances du Parlement et les Institutions Supérieures de Contrôle.
Elle fait précéder aux opérations d’appui aux politiques de développement des pays aidés des
études et des analyses de la gestion des finances publiques 487. Pour ce faire, elle utilise des
instruments de diagnostic comme par exemple les Examens des dépenses publiques (EDP) 488
dans lesquelles sont abordées les questions de réforme du secteur public mais aussi des
préoccupations macro-économiques ou sectorielles. Ces examens sont liés à d’autres analyses
486 Catherine LAURENT, « Les standards internationaux de la bonne gouvernance selon la Banque Mondiale », in La bonne
gouvernance des finances publiques dans le monde, Actes de la IV université de printemps des finances publiques, Michel
BOUVIER dir., , LGDJ, 2009, p. 23.
487 Pour réaliser cette stratégie la Banque s’est dotée en 1997 d’une nouvelle structure, le réseau de réduction de la pauvreté et
249
comme les études sur la gestion des finances publiques et des pratiques comptables du secteur
public en incluant davantage l’ensemble de l’administration et les niveaux déconcentrées 489.
Elle a également mis au point des outils pour améliorer la transparence et réduire la corruption
administrative comme les enquêtes retraçant les dépenses publiques 490ou des enquêtes
quantitatives sur le service public rendu et des outils couvrant certains aspects spécifiques tels
que les procédures de passation des marchés publics 491.
La Banque mondiale accorde aussi une importance aux questions institutionnelles et à la qualité
de la gestion publique. Ainsi, en plus d’avoir introduite des revues institutionnelles et de
gouvernance, elle a défini des indicateurs d’Examen Institutionnel et de Performance du
pays 492. L’objectif de ces indicateurs est de mesurer la qualité de certains aspects de la gestion
publique comme la transparence, la lutte contre la corruption, les aspects techniques de la
fonction publique et de la gestion financière 493.
La Banque Mondiale participe également aux évaluations dites PEFA 494. Il s’agit d’un
programme commun d’évaluation de la gestion des dépenses publiques, dénommé Public
Expenditure and Financial Accountability / dépenses publiques et responsabilité financière
dont les indicateurs sont en cours d’actualisation 495. La mise à jour vise plutôt à refléter les
divers évènements survenus dans le paysage de la GFP au cours de la dernière décennie,
consolider plusieurs domaines de lacunes reconnues et élargir la portée à de nouveaux
domaines comme la stratégie budgétaire, l’utilisation des informations sur la performance,
l’investissement public et la gestion des actifs publics. Elle a donc pour objectif de renforcer la
pertinence des indicateurs PEFA tout en préservant leur comparabilité au fil du temps dans la
mesure du possible.
Les Partenaires PEFA s’attendent à ce qu’une évaluation des systèmes de GFP réalisée suivant
le Cadre PEFA mis à jour fournisse une base améliorée pour le contrôle de la performance de
la GFP et pour l’examen et la conception des priorités de réforme à l’avenir et améliore ainsi
son utilité pour les gouvernements et les autres utilisateurs.
C’est un programme de partenariat entre plusieurs bailleurs de fonds dont les initiateurs sont la
Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Commission européenne, le
Département pour le développement international du Royaume-Uni, le Ministère français des
Affaires étrangères, le Ministère des Affaires étrangères du Royaume de Norvège et le
Secrétariat d’État aux Affaires économiques de la Suisse. Son secrétariat est assuré par la
<http://docplayer.fr/1721317-Consultation-sur-le-projet-de-mise-a-jour-des-indicateurs-pefa-7-aout-2014.html>.
250
Banque Mondiale, son objectif est de renforcer les capacités des bailleurs et des pays
bénéficiaires dans l’évaluation des finances publiques 496.
Ce programme a mis en place 31 indicateurs dont les 28 principaux sont centrés essentiellement
sur la gestion des finances publiques. C’est à partir de ces indicateurs que des rapports
d’évaluation sont effectués. Les 3 derniers indicateurs évaluent les pratiques des bailleurs de
fonds et la prédictibilité de leurs financements. Les 28 premiers indicateurs sont répartis en
trois groupes.
Le premier groupe comprend quatre indicateurs qui évaluent la crédibilité du budget c’est-à-
dire si le budget exécuté par le gouvernement est conforme à celui autorisé par le Parlement.
On compare le montant des dépenses et des recettes exécutées ainsi que la composition des
dépenses exécutées par rapport au budget initial.
Les dix-huit derniers indicateurs du troisième groupe couvrent l’ensemble du cycle budgétaire
et sont réparties en quatre composantes : la phase de préparation (2 indicateurs), la phase
d’exécution et de contrôle interne (9 indicateurs), la qualité du suivi budgétaire (4 indicateurs)
et les contrôles internes (3 indicateurs).
Nombre de gouvernements ainsi que des partenaires techniques et financiers utilisent cette
évaluation pour tracer les pistes des réformes. Le PEFA vise à promouvoir le rôle prépondérant
des pays dans les réformes de la gestion des finances publiques, en vue d’un meilleur
alignement et d’une harmonisation avec les procédures des bailleurs de fonds qui appuient les
programmes de réforme nationaux, ainsi que le suivi des progrès enregistrés au moyen du
Cadre de mesure de la performance en Gestion des Finances Publiques (GFP).
496 Martial LAURENT, « Les réformes budgétaires vues par les institutions internationales », in Réformes des finances
publiques : la conduite du changement, Actes de la IIIe Université de printemps de Finances Publiques du Groupement
Européen de Recherches en Finances Publiques (GERFIP), Michel BOUVIER dir., LGDJ, 2007 p. 117.
251
Encadré 14 : Qu’est-ce que le cadre de mesure de la performance de la GFP ?
C’est un cadre de suivi intégré qui permet de mesurer la performance de la GFP et son évolution
dans le temps. Il est mis au point par les partenaires du Programme PEFA en collaboration avec
le groupe sur la GFP du CAD/OCDE afin de disposer d’un outil permettant de fournir des
données fiables sur la performance des systèmes, des procédures et des institutions des finances
publiques au fil du temps. Il est l’un des éléments de l’Approche Renforcée visant à soutenir
les réformes de la GFP. L’Approche Renforcée comporte trois éléments : (i) une stratégie de
réforme des systèmes de GFP et un plan d’action élaborés sous la direction d’un pays, (ii) un
programme de travail pluriannuel intégré, coordonnée pour les IFI et les bailleurs de fonds, qui
soutient la stratégie de réforme des systèmes de GFP et qui est alignée sur cette stratégie, et
(iii) un fonds d’information commun. Le cadre de performance de la GFP est un outil conçu
pour atteindre ce troisième objectif.
La loi organique met à la disposition de l’exécutif plusieurs outils lui permettant d’améliorer
le pilotage de l’exécution budgétaire dans le strict respect de l’autorisation parlementaire (3).
Ce dispositif lui permet d’assurer une certaine marge de manœuvre budgétaire afin de s’adapter
à la conjoncture du moment et de faire face à des dépenses urgentes non prévues. La LOLFEB
consacre à cet effet deux principes fondamentaux en matière d’exécution budgétaire : la mise
à disposition des crédits en AE/CP (1) et le pouvoir de régulation budgétaire du ministre du
budget (2).
Mettre un terme à l’ensemble des anomalies constatées tout au long de la procédure d’exécution
de la loi de finances a été l’un des points centraux de la réforme. Cette dernière s’est
caractérisée par une extension des prérogatives budgétaires des membres du gouvernement
pour plus d’efficacité dans le processus d’exécution de la dépense publique avec un
encadrement plus strict de ces dernières en vue de pallier les abus qui en résulteraient.
L’article fait apparaître que les ministres, étant ordonnateurs principaux des dépenses du budget
de l’Etat, le sont pour les programmes et dotations du budget général, des budgets annexes et
des comptes spéciaux relevant de leur secteur. La réforme permet donc à un ministre d’exercer
la fonction d’ordonnateur principal à plusieurs titres. L’ordonnateur principal a la faculté de
déléguer son pouvoir à des agents sous son autorité hiérarchique directe (son directeur de
cabinet, le secrétaire général du ministère, les responsables de programmes, le directeur
administratif et financier...).
Dès la promulgation de la loi de finances initiale les crédits votés sont mis à dispositions par
arrêté du ministre du budget aux ministres sectoriels, aux responsables des institutions et des
AAI. L’arrêté de mise à disposition ou de répartition des crédits consiste à répartir les crédits
autorisés conformément à l’autorisation parlementaire qui a spécialisé les crédits par
programme. Elle est fixée par programme ou par dotation des crédits ouverts sur chaque
mission, budget annexe ou compte spécial mais à l’intérieur des programmes cette autorisation
parlementaire prescrit pour certaines natures de dépense, des plafonds (titre II des dépenses de
personnel) et des planchers (titre V pour les dépenses d’investissement). Les crédits sont ainsi
497 Décret n°78/PR/MEP/MBCP du 4 mars 2014 fixant le calendrier et les modalités de préparation des lois de finances.
253
répartis sous forme de trois enveloppes globales (titre II, titre V, et autres titres) par arrêté du
ministre du budget au niveau du programme.
La mise à disposition se fait en AE/CP, techniquement, la mise en place des crédits est réalisée
par la direction générale du budget qui injecte les crédits, par catégorie de dépenses pour
contrôler la fongibilité asymétrique, avec un code ministériel et un code par programme dans
le système d’information vectis. Il comprend trois modules principaux : le
module budget consacré à la préparation budgétaire avec les sous modules structure du budget,
préparation budgétaire, mise en place des crédits, modification budgétaire ; le
module achat consacré à la gestion des commandes publiques avec les sous modules passation
des marchés publics, appel à la concurrence, dépenses, facturation ; le module comptabilité
budgétaire avec les sous modules engagements, délégations de crédits, paiements, opérations
fin d'exercice, situations comptables, verrouillage des lignes. En plus de ces modules, il y’a
aussi un module référentiel ; un module outils et paramétrage ; un générateur d’états et un
module de reporting.
L’objectif du déploiement de vectis est de disposer d’un système d’information qui gère
l'ensemble du processus budgétaire à savoir la préparation budgétaire, la comptabilité
budgétaire, la gestion des marchés et la prise en charge des instruments de gestion budgétaire
(plan de passation des marchés publics, plan d'engagement). Il est à noter que vectis avait été
préalablement implanté à la direction de la dépense au Trésor public pour traitement de la
dépense avant mise en règlement. Le système devrait favoriser le partage de l'information sur
toute la chaine de la dépense en fonction des habilitations préalablement définies en plus de
gérer des budgets en mode moyen et en mode programme.
D’un point de vue budgétaire, opérationnel et financier, les AE et les CP ne répondent pas aux
mêmes besoins et ne revêtent donc pas la même importance, en termes de mise à disposition.
Les AE servent à engager les dépenses permettant de réaliser les activités (finalité
opérationnelle) et à fixer un plafond d’engagements (finalité budgétaire) sous contrainte
d’enveloppe de CP.
254
Les CP, quant à eux, servent à fixer le plafond des paiements possibles, afin de garantir
l’équilibre budgétaire sur un exercice (finalité budgétaire) et à payer les factures liées aux
dépenses engagées (finalité opérationnelle). Idéalement, ils servent à optimiser le coût financier
de la gestion de trésorerie de l’État, en prévoyant les décaissements (finalité financière).
Ainsi, la gestion des AE est indissociable de la sphère opérationnelle car le choix des activités
à privilégier et des dépenses à engager est le levier de la performance. En revanche, le paiement
des factures relève de la sphère administrative et n’engage pas la performance mais uniquement
le respect de l’équilibre budgétaire. Le principe des modalités de gestion des AE fait que ces
derniers sont consommés à hauteur de l’engagement juridique ferme ; un échéancier de
consommation CP doit accompagner la demande d’AE.
La loi organique en son article 36 explicite le traitement des AE/CP pour les opérations
d’investissements, tout en rappelant que pour les dépenses de personnel, le montant des
autorisations d’engagements ouvertes est égal au montant des crédits de paiement ouverts.
L’article dispose : « Pour une opération d’investissement directement exécutée par l’Etat,
l’autorisation d’engagement couvre une tranche constituant une unité individualisée formant
un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécutée sans adjonction ».
L’affectation matérialise donc la décision prise de réserver un montant déterminé d’AE destiné
à la réalisation d’une opération individualisée, elle constitue la forme de réservation de crédits
propre et exclusive aux opérations d’investissement. L’affectation doit correspondre à une
tranche fonctionnelle telle que définie à l’article 36 de la loi organique, les règles encadrant les
tranches fonctionnelles sont les suivantes : les AE nécessaires à la réalisation de l’ensemble de
l’opération doivent être affectées à hauteur du montant nécessaire à la tranche fonctionnelle et
sont rendues indisponibles pour d’autres dépenses et c’est l’affectation qui assure le caractère
fonctionnel d’une opération indivisible. L’affectation est exécutée en plusieurs engagements
juridiques, ces derniers correspondant au projet porté par l’affectation, diminuent le disponible
d’AE sur le montant affecté au fur et à mesure de leur validation.
L’affectation ne consomme pas les AE mais elle constitue la limite supérieure des engagements
pouvant être souscrits pour réaliser l’investissement c’est une forme de réservation des crédits
d’engagement. Une affectation initiale peut être suivie d’affectations complémentaires si
l’économie générale du projet est modifiée. Ce sont les engagements imputés sur l’affectation
qui consomment les AE, les engagements de l’année imputés sur une tranche fonctionnelle sont
255
comptabilisés sur les crédits ouverts de l’exercice au cours duquel ils ont été souscrits.
L’affectation n’est pas imputée par titre, seuls les engagements font l’objet d’une imputation
par titre, elle doit également comprendre un volume d’AE correspondant aux aléas et révisions
de prix. Les révisions de prix seront alors ouvertes en AE et CP, les seules natures de dépenses
autorisées sur une tranche fonctionnelle concernent l’investissement, toutefois peuvent être
imputées sur une tranche fonctionnelle les dépenses de fonctionnement (titre 3) directement
liées aux dépenses d’investissement : frais accessoires (études, honoraires, frais de
développement….), les subventions d’investissement ne peuvent être imputées sur une tranche
fonctionnelle, elles ne sont pas affectées mais seulement engagées. Pour les marchés à tranche
ferme, l’AE est consommée au moment de la passation du marché à hauteur du montant ferme.
Pour les marchés avec tranche conditionnelles, c’est l’affermissement de chaque tranche
conditionnelle qui vaut engagement juridique et donc consommation des AE. En cas de clause
avec révision de prix, chaque révision fait l’objet d’une AE avec AE=CP. Les marchés cadres
ou à bons de commande sans minimum n’entrainent pas de consommation des AE au moment
de la signature du marché car il n’y pas d’engagement juridique de l’Etat à ce stade, seul le
marché subséquent à l’accord cadre ou la passation du bon de commande vaut engagement
juridique et donc consommation d’AE. Pour des conventions et contrats, les AE doivent couvrir
la totalité de l’engagement juridique pris par l’Etat pour verser des subventions : versements à
une association, un établissement public, une entreprise publique, une organisation
internationale. Les partenariats public-privé (PPP) nécessitent une ouverture de la totalité de
l’engagement juridique dès l’année de signature du contrat comme l’exige l’article 36 de la
LOLFEB : « L’autorisation d’engagement afférente aux opérations d’investissement menées
dans le cadre de contrats de partenariat publics-privés, par lesquels l’Etat confie à un tiers le
financement, la réalisation la maintenance ou l’exploitation d’opérations d’investissement
d’intérêt public couvre dès l’année ou le contrat est conclu, la totalité de l’engagement juridique
». Cependant en pratique, l’AE couvre la partie du PPP comportant des obligations fermes de
l’Etat notamment sur les investissements qui seront réalisés dans le cadre du partenariat mais
non les charges à venir résultant de redevances, locations ou rémunérations de services fournis
par le partenaire privé.
L’introduction des AE par la loi organique pour d’autres dépenses "importantes" en dehors des
dépenses d’investissement (le dispositif des AE ne s’applique pas seulement aux opérations
d’investissements ou en capital mais également aux dépenses de fonctionnement) apporte un
outil adapté à la pluri annualité de certains engagements juridiques en conformant l’autorisation
budgétaire au processus effectif de la dépense, par un découplage des crédits d’engagement et
de paiements. L’exécution annuelle des AE peut en pratique faire l’objet d’un certain nombre
256
d’exceptions. Sous certaines conditions non définies par la loi organique les AE peuvent faire
l’objet d’une gestion anticipée permettant d’engager durant l’année N des dépenses imputées
sur des crédits de l’année N+1, les AE correspondants sont donc consommées par anticipation
durant l’année N sur les AE du budget N+1. Les AE sur fonds de concours et attributions de
produits non consommés donnent lieu à un arrêté de report et ils sont basculés d’un exercice à
l’autre par le système d’information lors des traitements de fin de gestion, en outre les crédits
portés par une tranche fonctionnelle peuvent être consommés et donc budgétés sur plusieurs
exercices. La préservation du caractère fonctionnel d’un investissement conduit à reporter les
AE affectées mais non engagés. A la fin de chaque exercice, l’affectation est basculée dans les
systèmes d’information, les AE sont reportées par arrêté pour leur montant non engagé.
Tout comme les AE, les CP s’exécutent sur une année comme le prévoit toujours l’article 48
de la LOLFEB « les crédits ouverts fixés au titre d’une année ne créent aucun droit au titre des
années suivantes », ils sont donc rattachés aux engagements juridiques dont ils assurent le
règlement. Le lien engagement juridique-paiement améliore la gestion des restes à payer, il
suppose la mise en place et le suivi pour chaque engagement juridique dans l’outil d’un
échéancier pluriannuel de crédits de paiement permettant d’appréhender la rigidité annuelle et
pluriannuelle des dépenses.
Il permet d’anticiper les paiements des années futures mais ils connaissent aussi des exceptions
prenant la forme de reports d’une année sur l’autre. Ils sont prévus par l’art 48 : « Seuls les
crédits de paiement relatifs aux dépenses d’investissement disponibles sur un programme à la
fin de l’année peuvent être reportés sur le même programme ou la même dotation dans la limite
des autorisations d’engagement effectivement utilisées, mais n’ayant pas encore donné lieu à
paiement ». Ces reports de CP sont autorisés par décret pris en conseil des ministres et
connaissent plusieurs caractéristiques: il n’y pas de limitation de crédits reporté en pourcentage
de l’autorisation initiale ; ces reports ne concernent que les investissements (le titre V) ; les
reports se font de titre à titre c’est-à-dire par exemple du titre V vers le titre V ; les reports
s’effectuent sur le même programme en conséquence les CP non utilisés du programme
disparaissent en fin d’année ; les reports font l’objet, après la clôture des comptes, d’une
majoration des crédits de paiements pour les investissements de l’année suivante.
Les reports sont soumis à une double condition qui est appréciée par le ministre du budget :
« Sous réserve de la disponibilité des financements correspondants » et « ce décret (…) doit
être conforme et consécutif à un rapport du ministre du budget qui évalue et justifie les recettes
permettant de couvrir le financement des reports sans dégradation du solde du budget autorisé
de l’année en cours » 498. En pratique, les reports correspondent au montant des charges à payer
sur les engagements de l’année (service fait et factures en instance ou en cours de liquidation),
ils ne devraient donc pas excéder la réserve de précaution. En outre, des dépenses budgétaires
peuvent être comptabilisées au cours d’une période complémentaire à l’année civile, sur
l’année N+1 dans les conditions fixées par l’article 71 de la loi organique « Toutefois des
dépenses budgétaires engagées et liquidées au cours de l’exercice budgétaire peuvent être
payées après la fin de cet exercice, au cours d’une période complémentaire dont la durée ne
257
peut excéder trente jours », cette période pouvant notamment servir pour l’exécution de la loi
de finances rectificative. Ainsi, durant la période complémentaire, le comptable public peut
consommer en année N+1 des CP de l’année N correspondant à des engagements réalisés sur
l’année N.
Même s’il n’est plus l’ordonnateur principal unique du budget de l’Etat, le ministre du budget
conserve d’importants pouvoirs en matière d’exécution. La loi organique étend les
compétences de ce dernier afin de préserver les soldes budgétaires définis par la loi de finances
de l’année en lui conférant un pouvoir de régulation budgétaire : « Le ministre chargé du
budget est responsable, en liaison avec les ministres sectoriels, de l’exécution de la loi de
finances et du respect des soldes budgétaires. A ce titre, afin de prévenir une détérioration de
ces soldes, il dispose d’un pouvoir de régulation budgétaire qui lui permet de programmer le
rythme de consommation des crédits en fonction de la situation de trésorerie de l’Etat » 499.
C’est un instrument de maitrise de l’exécution des dépenses pour prévenir une détérioration de
l’équilibre budgétaire, l’exécution du budget ne devant pas engendrer de déficit insoutenable
et préjuger des exercices futurs. Ce pouvoir de régulation n’est pas nouveau. Le ministre des
finances procédait déjà aux opérations de régulation des recettes et des dépenses par décret
sous la loi n°4/85 relative aux lois de finances.
258
cadre d’une procédure de marché public). Dans ce cas, les prérogatives budgétaires du ministre
sectoriel sont renforcées car il participe à entériner les crédits qui sont devenus sans objet en
concertation avec le ministre du budget. Elle revêt en revanche un caractère facultatif et
discrétionnaire, lorsque qu’elle intervient dans le cadre du pouvoir de régulation du ministre
du budget de l’article 64 (annulation de crédits si la situation et les perspectives de trésorerie
l’exigent pour prévenir la dégradation de l’équilibre budgétaire et financier de la loi de
finances). La décision est alors prise par un arrêté signé par ce dernier. L’obligation
d’information au Parlement prévient tout risque d’atteinte au droit budgétaire et aux
prérogatives des parlementaires car elle a pour conséquence de s’étendre à tout acte quel qu’en
soit la nature ce qui a pour objet de rendre les crédits indisponibles. Seront par exemple
concernées, toutes décisions de gels de crédits suivis d’annulations qui auront pour but de
financer des mesures nouvelles décidées par le gouvernement et qui n’auraient pas été prévues
par la loi de finances initiale.
Au titre de la procédure d’annulation, il est constitué des réserves obligatoires dont les taux
sont fixés par la loi de finances de l’année. Elles peuvent prendre la forme de réserve de
précaution, afin de maitriser l’exécution du budget, et d’assurer le respect du plafond en volume
des dépenses. La réserve de précaution consiste à rendre indisponible, dès le début de la gestion,
une fraction des crédits ouverts en lois de finances. En pratique, elle réduit la mise à disposition
des crédits effectivement disponibles sur le programme en AE et CP ; pour cela elle doit faire
l’objet d’un blocage dans l’outil, dès la mise en place des crédits, par le contrôleur budgétaire.
La levée de tout ou partie par déblocage dans l’outil par le contrôleur ne peut être effectuée que
par décision de la direction du budget. Non levée, la réserve peut faire l’objet d’une annulation
en cours d’année ou bien les crédits sont annulés par la loi de finances rectificative.
Une réserve pour aléas de gestion différente de la réserve obligatoire de précaution peut être
constituée en début d’année, au niveau du programme. Cette réserve doit permettre de couvrir
un certain nombre d’aléas de gestion, et garder une marge pour redistribuer entre BOP. Cette
réserve doit être libérée progressivement dans le courant de l’année, en fonction de la réduction
des risques. Elle doit donc être suivie régulièrement par les RPOG qui auront l’obligation
d’établir une programmation budgétaire initiale qui tiendra compte de la réserve, de telle sorte
que des crédits inutilisés ne subsistent pas au niveau du programme en fin d’année.
259
3. Les outils du pilotage de l’autorisation budgétaire
La loi organique étend et encadre les pouvoirs de l’exécutif. Ce dernier, peut modifier la
répartition des crédits mais aussi leur montant afin d’adapter en cours d’exécution
l’autorisation budgétaire, ce qui lui permettra d’assurer le pilotage de cette dernière dans le
souci de rendre efficace la gestion publique.
Ces aménagements résultent des nécessités tenant aux facilités de gestion par le gouvernement
mais également aux nécessités économiques et financières notamment en cas de contexte
économique changeant d’autant plus que les prévisions initiales ne sont qu’approximatives. La
LOLFEB, tout en laissant à l’exécutif une certaine latitude dans l’exécution des crédits en
prévoyant un certain nombre de dispositifs lui permettant d’en modifier la destination initiale,
préserve et garantie les prérogatives parlementaires en matière financière en instituant un droit
complet à l’information sur toutes les modifications de crédits intervenues en cours
d’exécution.
Deux procédures offrent la possibilité à l’exécutif de modifier la répartition des crédits. Il s’agit
des techniques de transferts et de virements de crédits qui assouplissent le principe de spécialité
en raison de l’incertitude de la prévision initiale. La loi n°4/85 relative aux lois de finances et
plus tard le décret n° 484/PR/MEFBP du 19 juillet 2002 fixant la réglementation relative à la
pratique des transferts et virements de crédits budgétaires prévoyaient déjà une modification
de la destination des crédits c'est-à-dire lui en donner une autre que celle ayant fait l’objet d’une
autorisation. La loi disposait à cet effet que les virements de crédits étaient des opérations de
réaffectation conduisant à modifier la nature de la dépense, ils s’effectuaient de chapitre à
chapitre et le montant cumulé au cours de l’année des crédits ayant fait l’objet de virement ne
pouvait excéder 10% des crédits ouverts par la loi de finances de l’année pour chacun des
chapitres concernés et ils n’étaient autorisés que par une loi de finances rectificative (LFR). A
contrario, les transferts de crédits étaient des opérations consistant à réaffecter les crédits sans
modifier la nature de la dépense. Ils s’effectuaient de paragraphe à paragraphe, à l’intérieur
d’un même chapitre sans modifier la nature de la dépense. Néanmoins, la loi prévoyait
l’impossibilité d’un transfert d’une dotation évaluative c’est-à-dire des crédits qui servent à
acquitter les dettes de l’Etat, principalement la dette publique et dont le montant ne peut être
chiffré avec exactitude à l’avance, au profit d’une dotation limitative dont les crédits ne peuvent
être engagés et ordonnancés que dans la limite des crédits ouverts. Cependant le recours à ces
aménagements par le gouvernement tenant aux nécessités d’adaptabilité de gestion à fait l’objet
de critiques car leur utilisation était vue comme une faiblesse de leur part dû à l’insuffisance
de leurs prévisions économiques. En effet, en cas de contexte économique favorable ou
défavorable, le gouvernement a recours à une LFR en recourant au procédé de virement de
crédits qui sera mis en œuvre sur autorisation du Parlement. Mais force a été de constater,
qu’une utilisation abusive a été faite des procédures de transferts et virements de
260
crédits principalement à cause : « D’une faible concertation au sein de l’administration et une
préparation insuffisante du projet de loi de finances » 502.
La loi organique reprend l’objet de ces deux mécanismes en apportant quelques modifications.
D’abord, les virements modifient la destination première de la dépense en permettant la
modification de la répartition des crédits non plus au niveau des chapitres, mais à celui plus
large des programmes ce qui donne plus de souplesse dans la gestion des crédits. Les virements
entre programme d’un même ministère ou entre dotations sont possibles, à condition toutefois,
que le montant cumulé au cours d’une même année des crédits ayant fait l’objet de virement
n’excède pas 2% des crédits ouverts dans la loi de finances de l’année pour chacun des
programmes ou dotations concernés.
Les transferts quant à eux, peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de
ministères distincts dans la mesure où l’emploi des crédits transférés pour un objet déterminé
correspond à des actions du programme d’origine. A terme, ils ne doivent pas changer la
destination de la dépense. En outre, aucun virement ni transfert ne peut s’effectuer entre
dotations.
Les différences entre les deux textes de loi tiennent à certaines particularités. Alors que sous la
loi n° 4/85 les transferts de crédits étaient pris par simple arrêté du ministre des finances qui
par la suite en informait les commissions des finances des chambres du Parlement, les
virements eux n’étaient autorisés que par la LFR. La loi organique standardise le recours à ces
procédures. D’abord, en matière d’autorité compétente puisque les virements et les transferts
sont autorisés par décret pris sur proposition du ministre du budget après avis du ministre ou
des responsables des institutions ou des AAI concernées. Ensuite, en matière d’information
préalable et à posteriori du Parlement, ils sont immédiatement communiqués pour information
aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. En outre, l’utilisation des
crédits virés ou transférés donne lieu à l’établissement d’annexes explicatives joints à la loi de
règlement et faisant connaitre par programme ou par dotation la répartition définitive des
crédits par titre comparée à leur répartition initiale.
Les ordonnateurs, tout comme les autorités administratives chargés de l’exécution budgétaire
ont également la possibilité de modifier le montant des crédits. S’ils sont soumis à leur caractère
limitatif, les dépenses ne pouvant être engagées et payées que dans la limite des crédits ouverts,
la loi organique prévoit des atténuations au principe par le biais de mécanismes leur permettant
d’augmenter ces derniers. Mais ces pouvoirs ne sont pas des nouveautés introduites par la
LOLFEB, la loi n°4/85 prévoyait déjà l’existence d’un tel mécanisme qui prend la forme
d’avances au budget.
Elles n’étaient possibles que pour certaines dépenses qualifiées « d’urgentes », pour cela des
régies d’avances étaient destinées à permettre le règlement des menues dépenses des services
ou accélérer le règlement des dépenses présentant un caractère d’urgence. Mais la conséquence
502 Banque Africaine du Développement (BAD), Fonds Africain du Développement (FAD), République Gabonaise : Profil de
261
principale à la généralisation de cette pratique a été le dépassement des crédits, et par
conséquence la mauvaise exécution du budget.
C’est pour remédier à cette situation, que le décret n°000481/PR/MEFBP du 19 juillet 2002
fixant les conditions de mise en place et de gestion des avances au budget a été adopté, afin de
mieux encadrer cette procédure. Les avances au budget devaient reposer sur une dotation
initialement prévue et être consentie dans le strict respect des règles en matière de
consommation de crédits. Elles étaient faites sous la forme de mandat du directeur du budget
au trésorier-payeur général mais préalablement visé par le directeur général du contrôle
financier. Par la suite, il devait être procédé à leur régularisation, par imputation au budget dès
la mise en place de celui-ci.
C’est cette caractéristique qui différencie de prime abord les deux lois, puisque la loi organique
de 2015 oblige le gouvernement à communiquer pour information au Parlement lorsqu’il est
fait utilisation de cette procédure. Mais ce n’est pas la seule différence. La LOLFEB modifie
le terme d’avance au budget par décret d’avance, en plus de préciser les spécificités de la
procédure. Elle précise le régime juridique des décrets d’avance, qui permettent au
gouvernement de majorer les crédits limitatifs sans demander l'autorisation du Parlement. Ce
dernier, compte-tenu de la modification de l’autorisation budgétaire, en est informé et ratifie le
décret a posteriori dans les meilleurs délais.
La loi organique distingue deux situations comme fait générateur de la prise du décret, le
principe repose sur la possibilité d’ouverture de crédits supplémentaires par décret, dans des
conditions qui varient selon qu’il y ait urgence et insuffisance de dotation en cas de dépenses
accidentelles et imprévisibles, ou qu’il y ait urgence et une nécessité impérieuse d’intérêt
national.
En « cas d’urgence », les décrets d’avance pris sur proposition du ministre du budget après avis
du ou des ministres concernés peuvent ouvrir des crédits supplémentaires, à condition de ne
pas dégrader l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances. A cette fin, les décrets d’avance
procèdent à l’annulation de crédits ou constatent des recettes supplémentaires. Mais la
souplesse ainsi permise est quand même limitée car le montant cumulé des crédits ouverts ne
peut excéder 1% des crédits fixés par la loi de finances de l’année. Ensuite, ils sont transmis
pour information au Parlement qui ratifiera la modification de l’autorisation budgétaire, soit
par la prochaine loi de finances rectificative, soit par la loi de règlement lorsque le décret
d’avance intervient postérieurement à la dernière loi de finances rectificative.
Cette simple communication doit, à notre sens, être renforcée pour donner plus de poids aux
parlementaires dans la modification du montant des crédits qu’ils ont votés. Il semble plus
judicieux qu’ils donnent leur avis sur cette dernière avant qu’elle n’ait lieu. C’est par exemple,
262
en prévoyant la soumission du projet de décret aux commissions des finances des assemblées
parlementaires, qui devront faire connaitre leur avis au ministre du budget dans un certain délai
à compter de la notification qui leur sera faite, et la signature du décret ne pourra intervenir
qu’après réception des avis des commissions ou à défaut après l’expiration du délai.
En cas d’ « urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national », les décrets d’avance sont
pris en conseil des ministres. Ils ont pour effet de dégrader l’équilibre financier de la loi de
finances de l’année car le gouvernement doit mobiliser rapidement des crédits supplémentaires
pour faire face à une situation exceptionnelle. Le décret d’avance sera alors immédiatement
communiqué au Parlement, puis annexé au projet de loi de ratification qui sera déposé au
Parlement. Il est à noter que la loi organique n’impose aucun plafond d’ouverture de crédits
par cette procédure.
Pour une plus grande efficacité de l’action publique, d’autres procédures prenant la forme
d’atteintes aux principes budgétaires d’unité et d’universalité, permettent aux autorités
administratives de moduler le montant des crédits lors de l’exécution budgétaire.
C’est d’abord celle au principe de non-compensation, par le biais des prélèvements sur
recettes : « Un montant déterminé des recettes de l’Etat peut être rétrocédé directement au
profit des collectivités locales ou des organismes internationaux auxquels le Gabon est affilié
en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou, pour les collectivités locales,
de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis à leur
profit ». Cependant, l’exception la plus importante concerne les dérogations au principe de
non-affectation, car en son article 50 la LOLFEB dispose : « Certaines recettes peuvent être
directement affectées à certaines dépenses notamment lorsqu’un lien économique réel existe
entre une recette donnée et la dépense qu’elle finance ou lorsqu’un bailleur de fonds veut
263
destiner un financement à un objet précis. Ces affectations prennent la forme de budgets
annexes, de comptes spéciaux ou de procédures particulières au sein du budget général, d’un
budget annexe ou d’un compte spécial ».
Les budgets annexes sont des budgets spéciaux dont sont dotés certains services de l’Etat. La
loi organique encadre fortement leur champ d’application, en les limitant : « Aux seules
opérations des services de l’Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité
de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances,
lorsqu’elles sont effectuées à titre principal par lesdits services ». Conformément à la nouvelle
nomenclature budgétaire, chaque budget annexe fait l’objet d’une mission pouvant comporter
un ou plusieurs programmes. Ils ont comme particularité, d’être présentés selon une
nomenclature budgétaire s’inspirant du plan comptable général en deux sections : la section
des opérations courantes qui retrace les recettes et les dépenses de gestion courante (ou de
fonctionnement) et la section des opérations en capital qui retrace les recettes et les dépenses
afférentes aux opérations d’investissement et aux variations de l’endettement. Même si la
distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement n’est pas propre au
budget annexe qu’on retrouve dans la classification par titre des dépenses du budget général,
la principale différence consiste : « En ce que le budget annexe prévoit des affectations de
recettes pour chacune de ces deux catégories de dépenses : les recettes provenant de
l’exploitation sont affectées en principe aux dépenses de fonctionnement, alors que des
ressources spéciales sont destinées au financement de l’investissement » 503.
Les comptes spéciaux dénommés comptes spéciaux du trésor sous la loi n°4/85, retraçaient les
mouvements de fonds provisoires ou exceptionnels. Ils constituaient de simples comptes de
passages et comptabilisaient des opérations qui n’avaient pas de caractère définitif, et qui
étaient appelés à s’équilibrer à terme. En outre le solde de chaque compte était reportable d’une
année sur l’autre. Il s’agissait donc des comptes d’affectation spéciale qui retraçaient les
opérations financées au moyen de ressources particulières et les comptes de prêts et avances
qui décrivaient les prêts et avances que le ministre des finances était autorisé à consentir dans
la limite des crédits ouverts.
La loi organique procède à une refonte en profondeur et dans le détail de ces derniers, en
instituant deux (2) catégories de comptes spéciaux, dont chacun constitue une mission dont les
crédits sont spécialisés par programme. Elle conserve la catégorie des comptes d’affectation
spéciale qui retracent les opérations budgétaires financés aux moyens de recettes particulières,
qui sont par nature en relation directe avec les dépenses concernées. Cependant, leurs recettes
ne peuvent être complétées que dans la limite de 10% des crédits initiaux de chaque compte.
En cours d’année, le total des dépenses payées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne
peut excéder le total des recettes constatées. Si en cours d’année, les recettes effectives sont
supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être
ouverts par arrêté du ministre du budget dans la limite de cet excédent. En outre, les crédits de
paiement disponibles en fin d’année sur un compte d’affectation spéciale sont reportables sur
l’année suivante dans la limite de l’excédent constaté, le cas échéant, en fin d’exercice sur le
503 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, p. 266.
264
compte d’affectation spéciale concerné. Les comptes de commerces quant à eux, retracent les
opérations à caractère industriel et commercial effectués à titre accessoire par des services de
l’Etat non dotés de la personnalité morale. Ils doivent être présentés et exécutés en équilibre et
contrairement aux comptes d’affectation spéciale, leur solde ne peut être reporté.
Enfin, trois (3) procédures particulières permettent les affectations directes d’une recette à une
dépense :
- Les fonds de concours : qui sont constitués d’une part, par des fonds à caractère non
fiscal versés par des personnes physiques ou morales notamment les bailleurs de fonds
nationaux et internationaux pour concourir à des dépenses d’intérêt public et d’autre
part, par les produits de legs et donations attribués à l’Etat. Le traitement des
financements apportés par les bailleurs de fonds sous la forme particulière de fonds de
concours fait partie de la comptabilisation et de la gestion des financements extérieurs
que la loi organique entend organiser. En effet, les bailleurs de fonds sont tenus
d’informer le ministre de l’économie, ordonnateur principal unique des recettes du
budget de l’Etat, de tout financement apporté aux administrations publiques ou alloué
pour la réalisation de projets ou d’activités d’intérêt public. La mise en place de ces
financements est soumise à l’approbation préalable du ministre et lorsqu’ils sont
accordés à l’Etat, les financements des bailleurs de fonds nationaux ou internationaux
y compris ceux accordés à des projets ou programmes d’investissement particuliers sont
intégrés en recettes et en dépenses à son budget général. L’information du Parlement
est garantie par la production d’une annexe aux lois de finances qui mentionne le détail
de l’origine et de l’emploi des fonds.
265
d’affectation spécifique de ses fonds à un programme ou à un projet, la faculté au sein
du budget général, de recourir à la procédure de fonds de concours. Ces dispositions
tendent à faciliter la comptabilisation des appuis extérieurs.
- La gestion des dons dans des comptes d’affectation spéciale est préconisée lorsqu’il
s’agit de financements réguliers. Les comptes formant alors un programme rattaché au
ministre bénéficiaire du don ; par groupe de projets d’investissement regroupant les
financements d’un ou le cas échéant de plusieurs bailleurs de fonds internationaux.
Cela permet de proscrire l’ouverture d’une multiplicité de comptes spéciaux par projet
financé par les bailleurs de fonds. A partir de ce principe, c’est une approche sectorielle
et partenariale avec les donateurs, visant à l’ouverture d’un nombre très limité de
comptes d’affectation spéciale par ministère, en fonction de la politique publique
appuyée par les donateurs qui est adoptée.
La loi précise également que les comptes présentent deux particularités dérogatoires au
régime des comptes spéciaux : d’une part, les dépenses de salaires, traitements,
indemnités et allocations de toute nature au personnel peuvent être imputées sur ces
comptes ; d’autre part, ils peuvent être abondés sans limite par un crédit budgétaire au
titre de la contrepartie nationale.
La gestion des dons dans des fonds de concours est préconisée lorsqu’il s’agit
d’opérations ponctuelles. Le montant du don est directement porté en recettes au budget
général et un crédit supplémentaire de même montant, est ouvert par arrêté du ministre
du budget sur le programme ou la dotation concernée. La LOLFEB précise le champ
des dérogations apportées à la gestion des dons des bailleurs de fonds. Elles sont
légitimées par le respect du double régime juridique s’appliquant aux dons. Celui
relevant de la loi organique et celui de l’Etat donateur ainsi que par la nécessité de
respecter l’intention de la partie versante.
266
Sous-section 2. L’adoption d’un nouveau dispositif d’information budgétaire et
comptable conforme aux instruments de la nouvelle gestion publique.
La loi organique dote l’Etat d’un nouvel arsenal comptable en complément à la réforme
budgétaire. Il devient le levier essentiel à la mise en œuvre du nouveau cadre d’exécution de la
dépense publique (A). Cette nouvelle comptabilité a eu pour corollaire le développement de
nouveaux systèmes d’information budgétaire et comptable permettant aux acteurs de
l’exécution budgétaire d’optimiser leur gestion des crédits mais aussi et surtout de
dématérialiser le système de gestion de la dépense publique afin de le rendre plus performant
(B).
La LOLFEB instaure une comptabilité à quatre niveaux permettant une meilleure transparence
de la situation financière et comptable de l’Etat (2). Mais comme la réforme budgétaire,
l’adoption d’une nouvelle comptabilité conforme aux standards communautaires et
internationaux avec l’objectif recherché de performance des finances publiques résulte de la
nécessité de moderniser le système comptable gabonais (1).
Nombreux sont les pays de l’OCDE, qui ont lancé au cours des années 90 des réformes
comptables, devenues opérationnelles après plusieurs années. Elles se sont matérialisées par
l’introduction d’une comptabilité d’engagement dans la comptabilité d’Etat. Ces réformes
visaient principalement trois (3) objectifs.
504 Michel COTTEN et Sylvie TROSA, « Les réformes comptables dans les pays de l’OCDE et en France : des outils pour la
267
De plus, l’organisme audité aura tout intérêt à développer le contrôle interne qui consiste à
évaluer les risques encourus et à les corriger si besoin est » 506.
La réforme a porté sur la mise en place d’une comptabilité d’exercice fondée sur le principe de
la constatation des droits et obligations de l’Etat. Elle concerne l’ensemble des organismes
publics : l’Etat central, les collectivités locales et les établissements publics nationaux et locaux
à caractère administratif. La réforme comptable est toujours en cours et s’inscrit dans la durée.
La trajectoire retenue aboutira au plus tard en 2022 par la production d’un compte général de
l’Etat (CGE) comprenant un bilan ou tableau de situation nette, un compte de résultat, un
tableau de flux de trésorerie et un état annexé.
2008 : Adoption de la première génération des directives CEMAC sur le cadre harmonisé
des finances publiques ; Mise en place de la Cellule de la Réforme comptable ;
2010 : Promulgation de la loi organique n°31/2010 du 21 octobre 2010 relative aux lois de
finances et à l’exécution du budget ; Création du Conseil Supérieur de la comptabilité ;
2011 : Nomination du Secrétaire Permanent du Conseil Supérieur de la Comptabilité ;
Adoption du nouveau cadre harmonisé des finances publiques par la CEMAC
2012 : Mise en place du projet budgétisation par objectifs de programme et du comité de
validation des travaux sur la réforme budgétaire et comptable
2013 : Travaux sur la transposition des directives sur le nouveau cadre harmonisé des
finances publiques ; Adoption du livre des normes comptables publiques du Gabon et du
recueil des fiches techniques sur la comptabilisation des entités publiques ; Validation du
plan de compte de l’Etat conforme aux dispositions du nouveau cadre harmonisé des finances
publiques
2014 : Travaux sur la mise aux normes du système d’information de la DGCPT ; Définition
de la trajectoire du déploiement des nouvelles applications
2015 :1er janvier 2015 Entrée en vigueur de la LOLFEB ; Promulgation de la nouvelle loi
organique n°020/2014 du 21 mai 2015 relative aux lois de finances et à l’exécution du budget
(LOLFEB)
506 Ibid.
268
2. L’adoption d’une quadruple comptabilité : pour une meilleure transparence
de la situation financière et comptable de l’Etat
À côté de la comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires qu’elle maintient, l’État
dispose désormais avec la LOLFEB de trois (3) autres niveaux de comptabilité. Le nouveau
décret portant RGCP du 8 février 2016 prend en compte les évolutions et innovations du cadre
de gestion des finances publiques issues de la loi organique et de sa modernisation des pratiques
de gestion. Il définit et indique les principes fondamentaux de mise en œuvre des règles
régissant la gestion financière et comptable publique de l’Etat, des collectivités locales, des
établissements publics, des administrations jouissant de l’autonomie de gestion et des
institutions constitutionnelles, en déclinant les dispositions organiques qui accordent une
importance accrue à la qualité des comptes publics qui doivent être « réguliers, sincères et
donner une image fidèle de l’exécution du budget et de l’évolution du patrimoine de l’Etat ».
La loi organique modifie le cadre comptable de l’Etat avec pour objectif une plus grande
transparence des comptes ainsi qu’une meilleure maîtrise des coûts publics : « La comptabilité
est conçue comme un véritable outil d’information financière, de gestion et d’aide à la
décision » 507. Le nouveau cadre comptable prend en compte les innovations introduites par la
loi organique en matière de budget programme et de comptabilité de l’Etat. Cette dernière,
institue une comptabilité à quatre (4) dimensions ayant chacune des fonctions différentes. Il
s’agit de la comptabilité budgétaire, de la comptabilité générale, de la comptabilité d’analyse
des coûts des différentes actions engagées ou des services rendus dans le cadre de la mise en
œuvre des programmes et la comptabilité des matières, valeurs et titres.
De ces quatre échelons, seules les comptabilités budgétaire et générale sont obligatoirement
tenues par les services comptables. L’objectif principal de la comptabilité de l’Etat est de
transcrire les opérations financières afin de pouvoir en rendre compte au Parlement. En outre,
elle est nécessaire à la transparence de la gestion publique. Le cadre comptable, subdivisé en
quatre (4) parties, marque l’introduction d’une comptabilité plus complète de l’Etat en sus de
retracer les recettes et les dépenses.
La comptabilité budgétaire
Les comptes de l’Etat reposent structurellement sur une comptabilité budgétaire destinée à
vérifier le respect par le gouvernement de l’autorisation parlementaire, elle est aussi appelée la
comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires: « La comptabilité des recettes et des
dépenses budgétaires est tout à fait suffisante pour suivre la mise en place des crédits,
l’exécution de la dépense et calculer, chaque soir après centralisation, l’état de la Trésorerie
et donc le besoin d’emprunt; elle permet de s’assurer de la réalité de la dépense, du bon
bénéficiaire, de l’exactitude des sommes versées » 508. Elle est tenue en partie simple c’est-à-
507 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 438.
508Michel COTTEN et Sylvie TROSA, « Les réformes comptables dans les pays de l’OCDE et en France : des outils pour la
performance et la transparence », op. cit., p. 293-300.
269
dire que l’enregistrement d’une opération ne donne pas lieu à une contrepartie, selon la
nomenclature budgétaire de la loi de finances de l’année concernée.
Nous pouvons la qualifier de comptabilité de régularité, car elle est destinée à enregistrer et
suivre l’exécution des opérations du budget (suivi des crédits). Elle est tenue par l’ordonnateur,
pour la phase administrative des opérations de dépenses et de recettes et par les comptables
publics, pour les opérations de paiement des recettes et des dépenses. Elle constitue un système
d’information relatif à l’exécution des opérations budgétaires, qui sont enregistrées selon un
système dit de caisse (comptabilité de caisse). Elle comporte des règles de comptabilisation
identiques pour les recettes et les dépenses et dans cette optique, c’est le système de la gestion
qui est retenu.
La comptabilité budgétaire, est celle qui est la plus proche de la forme des lignes de crédit de
la loi annuelle des finances, car elle doit en retranscrire les opérations et sa nomenclature doit
être conforme à celle de la présentation du budget de l’Etat ou de l’organisme public. Elle
retrace le détail des opérations de recettes et de dépenses que l’ordonnateur réalise. Lorsque le
budget de l’Etat est présenté sous la forme d’un budget de programme, elle est adaptée pour
permettre la restitution des opérations budgétaires par programme en conformité avec la
présentation des lois de finances. En fin d’année, les arrêtés des comptes de cette comptabilité
permettent de faire apparaître un résultat par simple différence entre les recettes encaissées
(renseignement fourni par les comptables publics) et les dépenses ordonnancées. Elle est d’une
grande utilité en matière de dépenses pour le suivi des engagements de dépenses qui
renseignent sur le niveau de consommation des crédits budgétaires, et le suivi des
ordonnancements qui permettent d’être informé sur l’exécution des bons d’engagement de
dépenses et font apparaître ainsi les engagements de dépenses non encore totalement exécutées.
Toutefois en matière de dépenses, la loi pose le principe d’une période complémentaire c’est-
à-dire qu’elle prévoit la possibilité de prolonger l’exécution des dépenses de l’année en cours
270
par une période complémentaire dont la durée maximale est fixée à 30 jours. Elle explicite que
dans le cas où une loi de finances rectificative (LFR) serait promulguée dans le dernier mois
au cours de l’année civile, les opérations auxquelles elles se rapportent peuvent s’exécuter au
cours de la période complémentaire et donner lieu à engagement, ordonnancement et paiement
pendant la période complémentaire. Par ailleurs, le volume de crédits ainsi ouverts est net des
annulations opérées par arrêté dans le cadre de la procédure d’adoption de la loi de finances
rectificative. Il s’entend comme la différence entre les crédits ouverts au profit d’un programme
et les crédits qui ont fait l’objet d’un arrêté d’annulation adossé à la loi de finances rectificative.
La comptabilité générale
L’article rappelle la tenue de la comptabilité générale sur la base des droits constatés, en
recettes (droits) et en dépenses (obligations). Cette notion de constatation des droits et
obligations, consiste en ce que les charges et produits soient enregistrés (constatés) dès
l’apparition de la dette ou de la créance. Elle consiste à comptabiliser sur un exercice, les
dépenses et les recettes dès la naissance du fait générateur (engagement d’une dépense ou
constatation d’une créance). En fin d'exercice, les opérations qui ont pris naissance dans l'année
mais qui n'ont pas donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées à l'exercice comptable
271
sous forme de produits à recevoir (créances), de provisions ou de charges à payer (dettes),
donnant un statut particulier aux opérations d’inventaire et de clôture de l’exercice.
C’est donc une comptabilité d’exercice dans la mesure où, les opérations sont prises en compte
au titre de l’exercice auquel elles se rattachent indépendamment de leur date de paiement ou
d’encaissement. Dans le système de l’exercice, les opérations exécutées sont rattachées à la loi
de finances qui les a prévues et autorisées. C’est là où réside la principale différence entre le
système de l’exercice et le système de la gestion, qui procèdent certes d’une logique différente
mais qui peuvent néanmoins, chacun à leur niveau, comporter certains inconvénients : « Avec
le système de l’exercice, la construction s’ordonne autour de l’autorisation parlementaire,
source initiale des opérations d’exécutions qui n’en sont que la conséquence ; ce système
facilite le contrôle de l’exécution par rapport à l’autorisation initiale puisque toutes les
opérations exécutées en vertu de cette dernière sont regroupées ensemble quelle que soit la
date de leur achèvement. Encore faut-il bien entendu que les comptes puissent être arrêtés sans
trop de retard. Or, de ce point de vue, le système de l’exercice comporte le risque de retarder
considérablement la reddition des comptes qui ne peut intervenir qu’une fois exécutées
l’ensemble des opérations qui se rattachent à une loi de finances déterminée. Un tel
inconvénient ne se retrouve pas en revanche dans le système de la gestion qui a l’avantage de
donner une vue plus exacte des flux de trésorerie mais aussi de permettre une clôture plus
rapide des comptes. La difficulté est que ceux-ci ne correspondent pas à un budget voté mais
à plusieurs budgets. On ne peut donc avoir une vue d’ensemble de l’exécution d’un budget par
rapport à l’autorisation initiale qui avait été donnée » 509.
509Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 362.
510 Ibid., p. 439.
511 Ibid.
512 Ibid.
513 Ibid., p. 440.
272
Dans le même sens, la loi organique prévoit l’existence d’une telle entité. En effet, les règles
applicables à la comptabilité générale de l’Etat sont arrêtées après avis du Conseil National de
la Comptabilité (CNAC). Le décret n° 001147/PR/MBCP du 04 Avril 2017 portant création
et organisation du Conseil National de la Comptabilité, porte organisation du Secrétariat
Permanent du Conseil National de la Comptabilité, qui a pour mission d'émettre dans le
domaine comptable, des avis, recommandations et propositions concernant l’ensemble des
secteurs économiques, en concertation avec les autres organismes publics et privés
compétents. Il est composé de quatre commissions techniques spécialisées qui sont des
instances de travail, de concertation et de réflexion participant à l'élaboration des projets
d'avis, d'études et de recommandations. Il s'agit de :
Comme nous l’avons vu, les dispositions de la loi organique prévoient un passage à la
comptabilité générale de l’Etat basée sur le principe de la constatation des droits et obligations.
Par ailleurs, elle précise que les règles comptables applicables à la comptabilité générale de
l’Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison de son action. La
comptabilité générale de l’Etat, à l’image de celle des entreprises, a pour principal objectif
d’élaborer des états financiers permettant de donner une vue globale du patrimoine, de la
situation financière et du résultat comptable issu de l’activité de l’Etat. Même si l’ensemble
des règles et normes permettant d’appliquer la comptabilité d’exercice à l’Etat doit être
construit en référence aux dispositions applicables aux entreprises, il est nécessaire de
déterminer les règles de la comptabilité d’entreprise qui sont transposables directement, celles
qui doivent être adaptées pour tenir compte de certaines spécificités de l’Etat et enfin celles qui
doivent être créées pour comptabiliser des opérations pour lesquelles il n’existe pas de
références dans les référentiels comptables applicables aux entreprises, ni dans les référentiels
internationaux. La combinaison de toutes ces considérations, a justifié le recours par le CNAC
à plusieurs références normatives ayant contribué à l’élaboration des normes comptables de
l’Etat gabonais. Il s’agit notamment : des règles comptables de l’OHADA ; des normes
internationales élaborées par le comité secteur public de l’IFAC (IPSASB) ; des normes
comptables internationales IAS/IFRS applicables aux entreprises ; du recueil français des
normes comptables de l’Etat et du guide didactique de la CEMAC qui contient certaines
dispositions normatives applicables à l’Etat.
Le livre des normes comptables de l’Etat, regroupe l’ensemble de règles et principes nécessaire
à l’enregistrement des opérations de l’Etat mais également de toutes les autres entités publiques
(collectivités locales et établissements publics). Le choix d’un périmètre d’application très
large, par rapport aux autres normes publiques, s’est justifié par la nécessité d’arrimer toutes
les entités publiques aux mêmes règles et principes comptables. Néanmoins, compte tenu de la
spécificité de certaines opérations réservées à l’Etat ou de leur complexité, certaines normes
lui sont essentiellement dédiées. Les autres normes peuvent s’appliquer en l’état ou après
273
certaines adaptations, aux autres entités publiques. Les (13) normes comptables contenues dans
le livre sont regroupées en deux catégories à savoir les normes relatives aux charges et aux
produits et celles relatives aux actifs et aux passifs.
Source : www.budget.gouv.ga
L’Etat met également en œuvre, une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes
actions engagées ou des services rendus dans le cadre des programmes, en vue de mesurer le
coût complet de ces actions, ainsi que leur efficience pour viser à rendre le meilleur service au
moindre coût : « L’analyse des coûts et une bonne comptabilité analytique sont des catalyseurs
de la modernisation. En sensibilisant les cadres et les agents aux coûts de leurs actions, à leur
évolution dans le temps ou à leur position par rapport à des organismes comparables, la
comptabilité permet de faire des choix : acheter moins cher, s’organiser mieux, savoir quoi
sous-traiter, mesurer les conséquences à moyen et long terme d’un recrutement » 514.
Cette comptabilité d’analyse des coûts est conçue, pour que le coût des politiques publiques
engagées par le gouvernement puisse être déterminé. Elle est autonome et s’appuie sur les
données de la comptabilité budgétaire afin d’informer le Parlement de l’ensemble des moyens
alloués à la réalisation de chacune des actions des programmes et de faire apparaître le
rapprochement entre ces moyens et les résultats obtenus.
Elle permet de justifier les crédits indispensables à la conduite des actions, et de mettre en
évidence les éléments nécessaires à la mesure de la performance au sein des programmes. En
outre, elle est destinée à fournir des éléments de comparaison dans l’espace et dans le temps et
éventuellement entre différentes structures administratives. La comptabilité d’analyse des
coûts permet à l’Etat de connaitre le coût des services rendus aux citoyens, afin de l’optimiser
514 Michel COTTEN et Sylvie TROSA, « Les réformes comptables dans les pays de l’OCDE et en France : des outils pour la
274
et d’exercer de meilleurs choix de politiques économiques et sociales. Ce dernier devient un
élément déterminant des orientations des politiques nationales : « L'analyse des coûts participe
au changement de culture : il ne s'agit pas de raisonner en termes de dépense mais en
valorisation des ressources. Ce qui compte, c'est bien d'améliorer la performance publique,
gérer mieux pour obtenir plus de résultats » 515.
La comptabilité des matières, valeurs et titres est une comptabilité d’inventaire permanent,
ayant pour objet la description des existants, des biens mobiliers et immobiliers, des stocks et
des valeurs inactives autres que les deniers et archives administratives appartenant à l’Etat. Elle
permet de réceptionner, d’enregistrer, de suivre et de contrôler en quantité et en qualité les
différents corps ayant une propriété physique et matérielle. C’est une comptabilité auxiliaire
tenue en partie simple ou en partie double. Elle décrit l’existant et les mouvements d’entrée et
de sortie concernant : les immobilisations incorporelles et corporelles ; les stocks de
marchandises, fournitures ; les titres nominatifs, au porteur ou à ordre, et les valeurs diverses
appartenant ou confiées à l’Etat ainsi que les objets qui lui sont remis en dépôt ; les formules,
titres, tickets et vignettes destinés à l’émission ou à la vente.
La modernisation des procédures budgétaire et comptable, impose que l’Etat mette en œuvre
un ensemble d’outils informatiques destinés à gérer plus efficacement l’exécution des dépenses
publiques. Ainsi, la création et le développement des systèmes d’information et de progiciel de
gestion de la dépense constituent un « puissant levier d’amélioration de la productivité qui
s’inscrit pleinement dans la réforme de l’Etat » 516 qui permettront de sécuriser le circuit de la
dépense publique (1).
515 Institut de la gestion publique et du développement économique, « A quoi sert l’analyse de coûts », Perspective gestions
publiques, n°14, 2005, 8 p.
516 Bernard LIMAL, « Palier 2006, une étape-clé avant la mise en place d’un système intégré », Editorial, LOLF & Système
275
1. Le développement des systèmes d’informations et progiciels : pour une
sécurisation du circuit de la dépense
L’engagement, est l’acte par lequel un organisme public crée ou constate à son encontre une
obligation de laquelle résultera une charge. Il doit comporter l’imputation budgétaire telle que
définie dans la directive portant nomenclature budgétaire de l’Etat. L’engagement doit rester
dans la limite des autorisations budgétaires. Il a un impact financier (recrutement, bon de
commande, contrat, décision attributive de subvention…) et est l’acte fondateur de la dépense.
La notification par le responsable d’un engagement juridique qui lie l’Etat constitue le fait
générateur de la consommation des autorisations d’engagement, l’outil informatique vectis
prévoit que la validation de l’engagement juridique par la personne habilitée consomme les AE
(marchés, subventions…).
517 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 390.
276
que « les ordonnateurs ne peuvent arrêter les droits des créanciers qu’après constatation du
service fait » y compris pour les acomptes de travaux. Deux exceptions sont prévues en cas
d’avances ou de paiements préalables autorisés par les lois et règlements.
La phase de liquidation est rattachée à la notion de service fait. Le service fait est le fait
générateur du rattachement à l’exercice pour l’établissement des états financiers en
comptabilité générale, c’est le moment de la reconnaissance d’une dette certaine de laquelle
découle une charge à payer pour l’Etat. Le processus de tenue de la comptabilité distingue deux
évènements permettant d’appréhender cette notion : la constatation du service fait et la
certification du service fait.
Ce constat est fait par le gestionnaire de terrain qui est le bénéficiaire de la commande ou un
de ses agents à qui il a délégué cette fonction. C’est lors de cette procédure que peut être
déterminée la date d’effet du service fait reconnue contractuellement comme date effective de
la réception, elle est communiquée au titulaire/contractant de l’acte juridique correspondant
lors de la notification du service fait par le pouvoir adjudicateur. Elle est pour le comptable,
avec la date de réception de la facture, la date de référence pour le calcul du délai de paiement
et des intérêts moratoires. Si la date d’effet du service fait est postérieure à la date de réception
de la facture, la date de départ du délai global de paiement est la date d’effet du service fait. La
date d’effet du service fait étant variable suivant les cahiers des clauses administratives
générales des marchés publics et suivant le déroulement des procédures de réception associées,
elle devra donc être renseignée librement dans le système d’information lors de
l’enregistrement du service fait. En cas d’opérations sur marchés publics, c’est la direction
générale des marchés publics qui contrôle la réalisation des travaux ou la livraison des
prestations pour les marchés de fournitures.
277
La constatation et la certification du service fait peuvent être réalisées simultanément ou en
deux étapes distinctes. Les phases de liquidation, d’ordonnancement et de paiement devraient
logiquement être exécutées dans un délai aussi rapproché que possible de la certification du
service fait pour réduire la période durant laquelle l’Etat est débiteur du tiers (fournisseur
prestataire de service) et réduire d’autant les instances et arriérés de paiement. Pour que le
comptable puisse vérifier l’existence du service fait au stade du paiement et dans la mesure où
les systèmes d’information de l’ordonnateur (vectis) et du comptable (aster) ne seraient pas les
mêmes, il est indispensable que la liquidation soit tracée sur un document avec toutes les pièces
justificatives prévues par le RGCP.
278
Trois temps forts sont à retenir au titre de la conduite de ce projet : l’année 2011 caractérisée
par les travaux de paramétrage d’aster, ils ont été effectués sur la base de la directive sur la
comptabilité de l’Etat de 2008. Cette première version implémentée à la direction du réseau
comptable en 2011 a été remise en cause à la suite de l’adoption de la nouvelle directive
n°03/11-UEAC-195-CM-22 relative au plan comptable de l’Etat de décembre 2011. En 2013
le paramétrage du progiciel aster a porté sur le plan de comptes de l’UDEAC de 1974 encore
en vigueur en attendant la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle directive adoptée en
2011. L’année 2015 s’est caractérisée par la mise aux normes du progiciel aster et des
applications de FrontOffice de la DGCPT pour tenir compte de la transposition des directives
de la CEMAC en droit interne en 2014 et la mise en œuvre de la budgétisation par objectif de
programme.
518Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 391.
519FMI, République du Gabon. Rapport sur la performance de la gestion des finances publiques - Gabon PEFA 2016,
Secrétariat PEFA 2017.
279
il y a eu des domaines sur lesquels le Gabon a avancé ; il y a eu des réformes menées, mais
que ces reformes restent à poursuivre et surtout qu’elles puissent être soutenues par une
consolidation des fondamentaux du système de gestion actuellement en place ». Parmi les
points à améliorer dans la gestion des finances publiques, la mission du FMI a invité les
autorités gabonaises à être irréprochables sur : « L’exécution de la dépense, la qualité de la
comptabilité, et l’information budgétaire et financière ». Il reconnaissait que si un plan d’action
devrait être élaboré pour remédier aux insuffisances relevées par l’évaluation PEFA, les
autorités devraient poursuivre les objectifs recherchés avec la mise en œuvre des réformes
menées dans le domaine de la gestion des finances publiques, notamment celle de la réforme
budgétaire et la recherche de transparence.
L’Union européenne (UE) quant à elle expliquait que les résultats du rapport concernaient
l’évaluation de la performance de la gestion des finances publiques principalement par les
administrations du ministère de l’économie, de la prospective et de la programmation du
développement, et du ministère du budget et des comptes publics. Ceux-ci s’appuyaient
également sur des échanges avec les membres des commissions des finances de l’Assemblée
nationale, du Sénat, de la Cour des comptes et les bailleurs de fonds. Selon l’UE : « Les
résultats de cette évaluation contribueront à affiner les stratégies de réforme, et enrichiront le
dialogue sur la gestion des finances publiques prévu par le protocole d’entente conclu entre le
gouvernement gabonais, l’Union européenne et le FMI relatif au projet Pagos » 520.
La première étude que nous retenons est celle menée par la fondation Mo Ibrahim 521 qui publie
l’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine (IIAG), elle fournit une évaluation annuelle de
l’état de la gouvernance sur le continent africain et constitue le recueil le plus complet de
données quantitatives dans ce domaine. L’indice Ibrahim évalue les prestations de biens et
services publics délivrés aux citoyens par les pouvoirs publics et les acteurs non-étatiques à
travers 88 indicateurs 522 regroupés en 4 catégories : sécurité et Etat de droit ; participation et
droits de l’homme ; développement économique durable et développement humain. D’autres
indicateurs sont pris en compte dans ces calculs tels que l’assainissement, l’eau et la santé
publique. Il ambitionne d'évaluer objectivement la gouvernance des États : corruption, vie
politique, enseignement, santé... Les pays du continent sont passés au crible en recoupant les
données recueillies par un réseau d'experts, ils reçoivent ensuite une note de 1 à 100 (100 étant
la meilleure note) et font l'objet d'un classement. A l’issue de la publication récente du
classement décennal de la gouvernance en Afrique, le Gabon avait dégringolé et perdu 18
520 Ibid.
521 Elle a été créée par le milliardaire anglo-soudanais et entrepreneur dans le domaine des télécommunications Mohamed
« Mo » Ibrahim en 2006 qui en est à la tête. La Fondation publie l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine, qui établit un
classement des performances réalisées par les 54 pays d’Afrique. Jusqu’en 2009, l’indice ne prenait en compte que les 48 pays
de l’Afrique Subsaharienne.
522 Le nombre d’indicateurs peut varier d’une année à l’autre, par exemple l’IIAG 2015 comprenait 93 indicateurs.
280
places par rapport à sa position de l’année précédente. Ainsi selon l’IIAG 2018, le pays passe
du 23ème au 41ème rang sur 54 États du continent africain avec un niveau global de
gouvernance qualifié de « détérioration accélérée ».
Source : www.transparency.org/cpi
Le manque de transparence du secteur public gabonais est aussi marquant dans le secteur des
industries extractives. En effet, pour ne pas avoir respecté le rythme de publications requis, le
Gabon a officiellement été exclu en 2013 de l’ITIE à laquelle il appartenait depuis 2004.
Respectant pourtant le rythme imposé des publications aux premières années de son adhésion,
les autorités nationales se sont par la suite montrées revêche au principe de transparence
véhiculé par l’Initiative, cela s’est traduit par la lenteur du gouvernement dans la production
des rapports 523 ce qui a eu pour conséquence l’exclusion du Gabon de l’ITIE qui a été considéré
comme un Etat ne mettant plus en œuvre l’ITIE. Néanmoins des efforts dans l’optique d’un
retour à la transparence semblent être faits par les autorités gouvernementales puisque le
ministère de l’économie, de la promotion des investissements et de la prospective avait fait
valider au sortir du conseil des ministres du 28 mai 2015 le « plan du retour du Gabon à
l’ITIE », ce plan devrait comporter deux phases principales : la première portera sur la mise en
523 Par exemple, les rapports devant couvrir les revenus pétroliers et miniers pour la période de 2007 à 2008 et la période 2009
281
œuvre de réformes permettant de répondre aux exigences de l’Initiative et la seconde phase
portera sur la présentation de sa candidature au secrétariat international de l’ITIE.
L’Etat gabonais s’engage auprès de ses bailleurs de fonds via leur aide à améliorer les
conditions de vie de sa population en finançant certaines politiques publiques à caractère
sociale. Cependant, le poids de l’APD des bailleurs internationaux a eu un impact négatif sur
les finances publiques du Gabon car elle s’est principalement traduite par l’accroissement de
sa dette extérieure. Tout comme la dette intérieure, la dette extérieure a elle aussi un poids
important voire même plus important que la dette intérieure dans les finances publiques
étatiques car elle constitue une source permanente de tensions budgétaires au regard de sa
croissance.
Pouvant revêtir différentes formes (emprunts sur les marchés financiers, dette bilatérale, dette
multilatérale…), celle versée sous forme d’APD retient grandement notre attention car elle a
vocation à s’insérer dans les systèmes financiers nationaux des Etats bénéficiaires en
produisant des effets qui tendent à reconsidérer son efficacité. L’APD est définie par O.
Charnoz et J-M Severino comme : « Un système international de transferts de ressources
publiques qui met en contact des pays « donateurs » et des pays « bénéficiaires ». Il renvoie
d’autre part à un agrégat statistique précis, objets de débats conçus dans le but de mesurer
l’activité de ce système » 524. Tout en faisant remonter l’origine de l’APD moderne à la fin de
la seconde guerre mondiale, ils expliquent que cette dernière a dû s’adapter par la suite à
d’autres contextes dont celui de décolonisation en : « Créant des nations désireuses de
développement ».
524 Olivier CHARNOZ et Jean-Michel SEVERINO, L’aide publique au développement, op. cit., p.7.
525Ibid., p.11.
282
Olivier Charnoz et Jean-Michel Severino 526 ont fait la typologie de l’aide à partir de sa
finalité. Ainsi, nous pouvons distinguer :
- L’aide projet, destinée à financer des projets d’investissements publics spécifiques mais
elle est assortie d’un contrôle précis de l’utilisation des fonds ;
- L’aide programme qui a un but plus large puisqu’elle est destinée aux rééquilibrages
macro-économique ou sectorielle. Sa mise en place implique des réformes
économiques, institutionnelles et/ou la réalisation de certaines performances au sein des
finances publiques ;
- L’assistance ou la coopération technique qui consiste à mettre à la disposition des pays
aidés une assistance technique en finançant des formations ou en mettant à leur
disposition des experts ;
- L’aide au développement alimentaire qui aide les pays à faire face à leurs besoins par
un appui monétaire ou en nature enfin l’aide humanitaire d’urgence qui vise à répondre
le plus rapidement possible aux besoins des populations affectées par des désastres
d’origine humaine (guerre civile) ou naturelle (séisme, inondation, etc.).
Le versement de l’aide peut prendre diverses formes, elle peut être versée de manière bilatérale
lorsqu’elle est directement transférée des pays donateurs qui gèrent une partie de l’APD aux
pays bénéficiaires sans intermédiaire. Elle est dite liée, lorsque le pays donateur impose au pays
bénéficiaire des conditions d’achat de biens ou de fourniture de service en retour et non liée
lorsqu’aucune condition n’est imposée. La gestion de cette aide multilatérale incombe entre
autres aux Institutions de Bretton Woods (IBW) que sont le Fonds Monétaire International
(FMI) et la Banque Mondiale (BM) ; à l’Organisation des Nations Unies (ONU) ; à l’Union
Européenne (UE) ou encore les Institutions bancaires régionales construites à l’image de celles
de Bretton Woods dans le but de mieux coordonner, de superviser et de financer les activités
de développement au niveau régional. Sur le continent africain, on retrouve principalement la
Banque Africaine de Développement (BAD) mais il existe également des institutions sous-
régionales comme la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et la Banque de
Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC).
Les Institutions au développement ont dû faire évoluer ou adapter leurs stratégies quant au
versement de l’aide au fil des années et au regard du contexte mondial qui évoluait sans cesse.
L’une des manifestations de ce changement, se trouve dans la crise financière des années 1980
qui se traduisit par des déficits de nombreux PED et qui amena les IBW à revoir leur objectif.
Ainsi, l’objectif initial de redistribution et de l’accès aux services essentiels des populations à
travers une stratégie de développement reposant sur le financement par un endettement
international a glissé vers celle de la mise en place des réformes structurelles devant amoindrir
l’interventionnisme étatique sur l’économie. Le nouvel objectif qui s’imposa fut « La stabilité
et l’équilibre macroéconomique » 527. Par ce dernier l’aide devait inciter les pays à amorcer des
changements draconiens par des prêts conditionnés à la mise en place de programmes
d’ajustements structurels (PAS). Ainsi était recherchée la rigueur monétaire et budgétaire qui
526Ibid., p.13-21.
527 Ibid., p.78.
283
devint « une condition d’accès au crédit » 528. Les difficultés de paiements que le Gabon a
rencontrées a expliqué la contrainte qu’il a eu à appliquer des PAS qui se définissait : « Comme
un ensemble de réformes de politiques économiques visant à permettre à un pays de
reconstituer un meilleur équilibre de ses comptes intérieurs et extérieurs (le volet stabilisation)
afin de retrouver le chemin d’une croissance plus saine (le volet ajustement à proprement
parler) » 529.
C’est en 1986 à la suite des contre chocs pétrolier 530 qui ont entrainé de graves déficits
chroniques que le Gabon, qui connait à l’époque l’une de ses plus graves crises financières, va
être contraint de demander l’aide du FMI qui va accepter de lui octroyer un crédit en
contrepartie de l’acceptation de PAS élaboré en collaboration avec la Banque mondiale et
susceptible de redresser et de relancer son économie. Le FMI prôna un ajustement dans les
pays ayant des problèmes de balances de paiements, cet ajustement reposait sur le principe
selon lequel : « Il n’(était) ni souhaitable ni possible de financer des déficits importants et
durables de la balance de paiements sans chercher à réduire ou à éliminer les causes profondes
de ces difficultés qui (étaient) souvent dues à des déséquilibres structurels de l’économie » 531.
Cependant en 1988 le Gabon décide de suspendre les négociations avec le FMI jugeant
certaines mesures difficiles à mettre en œuvre en raison de leurs effets socioéconomiques
néfastes, les raisons des limites de l’application des mesures des politiques de redressement
préconisées par le FMI au Gabon ont été expliquées par Gabriel Zomo Yebe qui a fait un bilan
mitigé des PAS en critiquant le coût social des ajustements. En effet, l’un des effets immédiats
des mesures les plus critiqués était l’appauvrissement des plus défavorisés. Les programmes
d’ajustements du FMI et de la Banque mondiale ont imposé des objectifs dont la réalisation
devait conférer à l’Etat une grande stabilité macroéconomique, cependant si certains de ces
objectifs ont été atteints elle s’est faite au prix de réductions des investissements publics et de
coupes dans les dépenses importantes pour le développement. A long terme, ils ont
profondément miné la croissance et accentué la précarité des populations.
L’échec des PAS a eu pour conséquence directe l’explosion de la dette extérieure des PED et
pour les IBW la crise de la dette multilatérale. Cette dernière résultait directement des années
de prêts sans croissance économique. Au Gabon concrètement, cela s’est traduit par des
problèmes récurrents de défauts de paiements de sa dette publique extérieure et des charges
qu’elle induit 532. Durant les années 90, le Gabon avait largement fait appel aux emprunts pour
assurer le financement de ses déficits publics, ces emprunts ont générés un service de la
dette incompatible avec le niveau des ressources de l’Etat. Il en a résulté d’importants déficits
budgétaires ayant conduit les autorités gouvernementales à trouver des stratégies pour refluer
le poids de la dette publique dans le PIB mais elles n’ont pas abouti aux résultats escomptés,
284
en dépit des nombreux recours au Club de Paris (8 fois) 533et au Club de Londres (2 fois) 534pour
rééchelonner la dette bilatérale et privée et malgré les sollicitations régulières de l’appui du
FMI et de la BM, afin d’obtenir des mesures d’aménagement de la dette.
Les différents rééchelonnements n’ont pas permis à l’Etat de sortir de la spirale d’endettement
en raison, d’une part : « des effets multiplicateurs d’intérêt propres à cette technique de
traitement de la dette » 535 et d’autre part, de la dévaluation du franc CFA par rapport au franc
français intervenue le 11 janvier 1994. Le taux d’endettement du Gabon est ainsi passé de 0,3
% en 1960 à 90,0 % en 1998. Aujourd’hui, un effort dans le sens du remboursement et d’une
meilleure maitrise du stock de la dette publique en général et extérieure en particulier 536 est fait
par les autorités en raison notamment des nombreux projets d’investissements qui mobilisent
une grande part des ressources budgétaires et qui sont financés en grande partie par les
ressources d’emprunts extérieures. L’Etat gabonais recourant plus massivement aux
financements extérieurs qu’intérieurs, la dette publique du Gabon est composée
essentiellement d’emprunts extérieurs (la dette extérieure a représenté 85 % du total de la dette
publique en 2014) contractés à moyen et long terme.
dont
Dette
bilatérale 337,3 349,0 461.8 573.3 746.4
Dont club de
Paris 82,4 57,7 47.4 40.2 36.7
Dette
Multilatérale
533 La création du club de Paris repose sur l’idée qu’offrir un cadre multilatéral à la négociation de dettes est un avantage à la
fois pour les créanciers qui peuvent peser sur la négociation en tant que groupe structure et non en tant qu’Etat isolé et aussi
pour le débiteur qui n’est pas contraint de négocier avec chacun de ses créanciers publics. Le club s’est réuni pour la première
fois en 1956 lorsque l’Argentine a rencontré ses créanciers publics. Il s’agit d’un groupe informel de 20 créanciers dont le rôle
est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement des nations endettées. C’est une organisation
internationale qui réunit les Etats-créanciers majeurs avec leurs Etats-débiteurs pour négocier des solutions aux problèmes
d’endettement. L’une des solutions est le rééchelonnement qui est un moyen d’apporter un allègement de dette en reportant et
dans le cas de rééchelonnements concessionnels, en annulant des échéances dues sur la dette.
534 Il réunit les banques privées qui détiennent des créances sur les Etats et les entreprises des PED. Dans les années 70, les
banques de dépôt étaient devenues la principale source de crédit des pays en difficultés. Lorsque la crise de la dette éclata en
août 1982, le club de Londres se tourna vers le FMI pour trouver un soutien. Aujourd’hui ces groupes de banque de dépôts
qu’on qualifie aussi de groupes de commissions consultatives se rencontrent pour coordonner le rééchelonnement de la dette
des pays emprunteurs.
535 PNUD-Gabon, Rapport sur le développement humain, dette publique et développement humain au Gabon, 2006.
536 Une distinction doit être faite entre le déficit public, qui est le flux c’est-à-dire la différence au cours d’une année entre les
recettes et les dépenses, et la dette publique qui est le stock c'est-à-dire la somme des déficits accumulés au fil du temps.
Chaque déficit augmente le stock de la dette et chaque excédent le réduit.
285
Dette 222,6 242,0 262.1 350.8 359.2
Commerciale
Marché
Financier 390,4 402,0 496.4 602.7 535.9
International
Nombreuses sont les analyses qui ont vu derrière l’échec des PAS, l’échec de l’APD, son
inefficacité et ses limites. Les critiques qui en ont résulté sont celles portant sur ses
conditionnalités. En effet un certain nombre de conditions sont attachées à l’APD concernant
son utilisation, sa gestion ou encore les orientations des politiques publiques qu’elle est censée
soutenir. Comme nous venons de le voir, dans le cadre des PAS, le Gabon a eu du mal à
s’approprier et à mettre en pratique les priorités qui lui ont été imposées et devant lui permettre
d'assurer sa sortie de crise. L’impression dominante était que toutes ses préconisations
proposées par les IFI n’ont été que modérément acceptées par l’Etat parce qu’elles n’ont pas
été débattues avec les autorités, l’agenda formulé est apparu comme le produit d'un pensé et
d'un construit externe n'ayant eu que peu de prise sur la réalité gabonaise ce qui a fait dire à J.
Stiglitz sur l’échec des PAS que : « Le FMI est supposé assurer la stabilité financière
internationale. (…). Malheureusement, la façon dont cette institution cherche à remplir son
mandat a probablement contribué à accroitre la pauvreté (…). Le mélange des politiques de
libérations et des politiques économiques restrictives imposées par le FMI a créé un cocktail
aux effets dramatiques pour les PED » 537.
Nous pouvons aller plus loin et affirmer que l’APD a été une « aide fatale » 538, pour reprendre
l’expression de Moyo Dambisa qui se demandait pourquoi la majorité des pays africains se
débattent dans un cycle sans fin de corruption, de maladies, de pauvreté et de dépendance
malgré le fait qu'ils aient reçu plus de 300 milliards de dollars depuis 1970. Selon elle, la
réponse à cette question réside dans le fait que les africains sont pauvres précisément à cause
de cette assistance. Selon son constat entre 1970 et 1988, quand le flux d'aide à l’Afrique était
à son maximum, le taux de pauvreté des populations s'est accru de façon stupéfiante passant
537 Ancien économiste en chef de la Banque Mondiale et prix nobel d’économie en 2001, interview au quotidien le Monde, 6
novembre 2001.
538 M. Dambisa, L’Aide fatale : les ravages d’une aide inutiles et de nouvelles solutions pour l’Afrique, éd., JCLattès, 2009.
286
ainsi de 11% à 66%. Pour elle, les prêts à des conditions très favorables et les subventions
notamment pour les secours d'urgence ont des effets comparables à la possession de ressources
naturelles précieuses à savoir qu’ils encouragent la corruption et sont source de conflits tout en
décourageant la libre entreprise.
Faisant face à cet échec et aux critiques principalement économiques quant à l’inefficacité de
l’aide 539, la Communauté des bailleurs de fonds opère un revirement dans son approche au
début de l’an 2000. Elle met en place de nouvelles stratégies de politiques de développement
en les orientant principalement vers la lutte contre la pauvreté. De ce fait, les IBW lancèrent en
1999 deux initiatives communes qui placèrent la lutte contre la pauvreté au cœur des politiques
de développement et elles procédèrent par la même occasion à la réforme de leur
conditionnalité. La première exhorte les pays désireux de bénéficier d’une aide financière d’une
de ces deux Institutions à préparer un programme de lutte contre la pauvreté désigné sous le
nom de Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP), la seconde est l’initiative
« renforcée » 540 pour les pays pauvres très endettés (PPTE) ayant pour objectif d’alléger
durablement la dette de ces pays ainsi les sommes dégagées contribuent à financer leurs DSRP
qui deviennent le cadre de référence des politiques de développement des pays pauvres.
Ces deux initiatives canalisent aujourd’hui l’ensemble de l’APD puisque rapidement tous les
autres donateurs ont emboité le pas aux IBW et ont décidés de placer leur politique d’aide sous
l’égide des DSRP. Cette nouvelle démarche a constitué un tournant qui découlait finalement
de la prise de conscience de l’existence des graves lacunes dans les stratégies passées comme
le dressait la Banque mondiale dans le bilan de son action lors de la conférence de Monterey :
« Une leçon tirée de l’expérience passée est que la réforme ne réussit généralement pas sans
une forte appropriation locale et une approche large qui inclut la prise en compte des
institutions, la gouvernance et la participation des acteurs- une leçon qui constitue le moteur
du processus des DSRP » 541 .
Les DSRP amorce une nouvelle démarche de la part des IFI allant dans le sens de la rupture
avec leurs anciennes pratiques qui consistaient à définir de l’extérieur des politiques que les
Etats se devaient d’appliquer sous peine de sanctions financières. Selon le document de la
Banque Mondiale 2002b 542 six principes de base sous-tendent la définition et la mise en œuvre
des DRSP, ces principes énoncent que les stratégies devraient être : impulsées par le pays, c'est-
à-dire impliquant une large participation de la société civile et du secteur privé dans toutes les
étapes opérationnelles ; axées sur les résultats, et centrées sur des résultats susceptibles de
bénéficier aux pauvres ; globales, dans le sens où elles reconnaissent la nature
multidimensionnelle de la pauvreté ; hiérarchisées, afin de rendre possible la mise en œuvre
des politiques, en termes à la fois fiscaux et institutionnels ; orientées vers la recherche de
partenariats avec les acteurs de l'aide au développement (aide bilatérale, multilatérale et ONG),
539 Agbessi-Komla AMEWOA, L’Aide au développement aide-t-elle le développement ? Le cas de l’Afrique subsaharienne,
thèse de doctorat en sciences économiques, Université Limoges, 2008.
540 L’allègement de la dette par le FMI et la Banque mondiale a été de deux ordres d’abord des initiatives initiales en 96 qui
ont par la suite été renforcée envers les pays pauvres très endettés (PPTE) en 99.
541 J.-P CLING, M. RAZAFINDRAKOTO et F. ROUBAUD, Les nouvelles stratégies internationales de lutte contre la
287
selon un objectif de coordination de leurs interventions et basées sur une perspective de long
terme pour la réduction de la pauvreté.
Au vu de ces principes nous pouvons considérer qu’il y a eu une volonté d’optimiser l’efficacité
de la lutte contre la pauvreté, en associant les bailleurs de fonds et l’ensemble des autres acteurs
à un processus participatif dans l’élaboration du DSRP ainsi qu’à son suivi et à son évaluation.
Dans la logique de ce dernier, c’est la participation simultanée des trois acteurs que sont l’Etat,
la société civile et les partenaires financiers au développement qui sera garante du succès des
stratégies. Jean-Pierre Cling, Mireille Razafindrakoto et François Roubaud affirmaient qu’à
travers le DSRP c’est la promotion de nouveaux concepts auparavant négligés dont l’objectif
est de respecter les principes 543 suivants : « «appropriation» ; la conduite du processus par le
gouvernement et la participation de la société civile, non seulement à la définition mais
également au suivi des politiques, devraient favoriser le degré d'engagement des gouvernants
et les inciter à entreprendre efficacement les actions prévues, tout en suscitant l'adhésion de
l'ensemble de la population aux réformes, favorisant leur « appropriation» (ownership) par le
pays; « insertion»; le processus participatif est d'abord censé contribuer à enrichir les débats
et à définir une stratégie plus adéquate, répondant aux véritables besoins sociaux; cette
démarche, désignée sous le terme d' « insertion» (empowerment), est censée donner aux
pauvres l'opportunité d'influer sur les politiques qui affectent leurs conditions de vie; «
responsabilité démocratique»; à travers la participation, on introduit l'ensemble des acteurs
sociaux dans le domaine réservé de l'Etat, qui doit maintenant rendre compte de ses actes,
avec pour objectif le respect du principe de « responsabilité démocratique» (accountability),
qui était souvent négligé jusqu'alors dans la plupart des pays pauvres ».
A la suite de la démarche des DSRP, seront adoptés en septembre 2000 les Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD) sous l’impulsion des Nations Unies, qui mettront
plus que jamais la pauvreté et le développement au cœur de leur action puisqu’à travers les
OMD se sont la réduction de l’extrême pauvreté et la réalisation d’un certain nombre de droits
d’ordre économiques et sociaux qui seront recherchés. C’est l’efficacité de l’aide qui est
désormais recherché, comme l’a rappelé la Banque Mondiale 544 « l’efficacité de l’aide est
l’impact de l’aide sur la réduction de la pauvreté et des inégalités, sur l’augmentation de la
croissance, le renforcement des capacités et l’accélérations de l’atteinte des OMD. La
croissance de l’économie joue un rôle essentiel dans le développement économique ».
Grâce à l’agenda des OMD, ainsi qu’à la volonté de mettre la croissance au service de la lutte
contre la pauvreté, la contribution que les finances publiques peuvent apporter au
développement est recherchée. En effet, le budget de l’Etat n’est plus considéré en priorité
comme un moyen de stabilisation macroéconomique, mais de plus en plus comme un
instrument à même de favoriser la croissance et la réduction de la pauvreté. 545
288
Désormais, l’Etat devient l’artisan et le maitre d’œuvre de sa politique de lutte contre la
pauvreté en collaboration avec ses principaux bailleurs de fonds et les acteurs sociaux. C’est
dans ce cadre que le Gabon a adopté son DSCRP sachant que ses principaux bailleurs de fonds
s’étaient alignés sur cette nouvelle approche. Il a élaboré son premier document 546 en 2005,
initié sur une base volontariste en janvier 2002, ce processus, qui s’est achevé à la fin de l’année
2005 témoignait de la volonté ferme du Gouvernement gabonais de lutter résolument contre la
pauvreté. La réforme budgétaire dans ce cas, s’est trouvée d’autant plus nécessaire au regard
de l’adoption du DSCRP car l’essentiel des politiques sociales contenues dans ce document
repose sur l’accroissement des dépenses budgétaires orientées vers l’amélioration du niveau de
vie des plus démunis. Si la gestion et le suivi de ces dernières sont inadéquats, le DSCRP est
voué à l’échec, de ce fait la réforme budgétaire orientée par les résultats ne pouvait être que
profitable à la réussite du DSCRP.
Certains auteurs ont promu la nécessité de repenser l’aide 547 car la recherche de son efficacité
est l’un des principaux moteurs de sa modernisation. Des institutions comme l’Organisation de
Coopération et de Développement Economique (OCDE), s’efforce même depuis le début des
années 90 d’harmoniser les pratiques, procédures et stratégies quant au versement de l’aide.
Néanmoins c’est avec la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide du 2 mars 2005 qui est
« un accord international par lequel tous les acteurs au développement que sont les pays
développés, les pays en développement et les responsables d’organismes bilatéraux et
multilatéraux se sont engagés afin de réformer les modalités d’acheminement et de gestion de
l’aide pour augmenter son efficacité » et le Programme d’action d’Accra du 4 septembre
2008 548 que sera véritablement pris en compte l’urgence pour les pays donateurs de coordonner
leur aide et que sera amorcé leur effort d’harmonisation de l’aide.
- L’« appropriation » : les pays bénéficiaires de l’APD exercent une réelle maîtrise sur
leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l’action à
l’appui du développement. Elle suppose donc une limitation de l’influence des
partenaires extérieurs dans la sphère de décision et fait des pays bénéficiaires les
véritables acteurs de leur développement ;
devaient assurer l’allocation pluriannuelle et sectorielle des dépenses publiques dans une perspective de gestion axée sur la
performance. Ils répondent ainsi au problème de la programmation pluriannuelle des politiques et des ressources de mise en
œuvre des DSRP, déjà préconisée par les bailleurs de fonds sous forme de budgets pluriannuels. Les budgets-programmes
concrétisaient l’orientation de la gestion vers l’atteinte de résultats, mesurables par rapport à des objectifs préalablement fixés.
546 Cette stratégie se présentait comme le prolongement d’une réflexion à long terme communément désignée par « Gabon
2025 ». Cette réflexion avait été conduite en 1996 par une équipe d’experts pluridisciplinaires sous l’égide du Ministère de la
Planification, de l’Environnement et du Tourisme de l’époque. Le Gabon a finalisé son DSCRP en décembre 2005 et l’a adopté
en janvier 2006.
547 Jean-Michel SEVRINO et Jean-Michel DEBRAT, L'Aide au développement, éd., le Cavalier bleu, 2010.
548 Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide et le Programme d’action d’Accra, OCDE, en ligne :
289
- L’« alignement » : les donateurs font reposer l’ensemble de leur soutien sur les
stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays
bénéficiaires de l’APD. Ce principe devrait mettre un terme aux mécanismes
dérogatoires auxquels faisaient traditionnellement recours les partenaires financiers
dans la gestion de l’aide ;
- L’« harmonisation : les programmes ou actions des donateurs sont mieux harmonisés,
plus transparents et permettent une plus grande efficacité collective. Il s’agit ici de
réduire la complexité des procédures d’octroi et de gestion de l’APD grâce à une
convergence à la source ;
- La « Gestion axée sur les résultats » : gérer les ressources et améliorer le processus de
décision en vue d’obtenir des résultats. Cette méthode de contrôle de l’efficacité du
processus grâce à l’identification d’un certain nombre d’indicateurs permet d’élaborer
des cadres d’évaluation de manière à rendre compte de la progression des stratégies
nationales et sectorielles de développement ;
- La « responsabilité mutuelle » : les donateurs et les pays bénéficiaires sont responsables
des résultats obtenus en matière de développement. Ce dernier principe entend
concrétiser un lien réel de partenariat entre les deux acteurs du développement identifiés
par la Déclaration de Paris soit les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires.
Au-delà de ces principes, la Déclaration de Paris présente une feuille de route pratique et
orientée vers l’action pour améliorer la qualité de l’aide et son impact sur le développement.
Pour cela, elle met en place une série de mesures spécifiques et établit un système de suivi pour
évaluer les progrès 549 et garantir que les pays qu’ils soient donneurs ou receveurs tiennent
compte de leurs engagements. En plus des engagements que doivent respecter les donateurs et
les pays bénéficiaires, la Déclaration prévoit pour les principes, douze (12) indicateurs servant
au suivi des progrès à l’échelon national et des pratiques au niveau international. Des objectifs-
cibles chiffrés ont été déterminés à l’horizon 2010. Néanmoins une évaluation indépendante de
2011 550, de suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide a
révélé que les objectifs n’avaient pas été atteints à une exception près (coopération technique
coordonnée), par ailleurs l’évaluation a révélé que les bailleurs ont moins remplis leurs
engagements que les PED.
En dehors des contrôles a posteriori exercé par le Parlement et la Cour des comptes sur
l’exécution budgétaire, le contrôle des finances publiques s’exerce également a priori sur la
régularité des opérations financières, exécutées par les gestionnaires du budget. Il est mis en
œuvre d’une part, par les contrôleurs budgétaires et d’autre part, par les comptables publics
549 Concrètement il a été mis en place une Enquête de suivi qui est un processus global ou les pays donneurs et les pays
receveurs évaluent si des progrès ont été faits vers une aide plus efficace. De plus un Cadre de suivi du partenariat mondial a
été mis en place après le forum de haut niveau de Busan sur l’efficacité de l’aide afin d’appuyer le suivi régulier des progrès
accomplis dans la mise en œuvre des engagements pris a Busan. Le Cadre se compose d’un ensemble de 10 indicateurs basés
sur ceux contenus dans la Déclaration de Paris et sur ce que les pays en développement ont identifié comme particulièrement
important.
550 OCDE, L’évaluation de la Déclaration de Paris, rapport final, mai 2011.
290
(sous-section 2). La mise en œuvre de la loi organique a ainsi entrainé une transformation des
structures de contrôles (sous-section 1).
L’objectif du principe de séparation entre l’ordonnateur et les comptables publics, est celui du
contrôle de la régularité des procédures d’exécution des recettes et des dépenses. il s’agit d’un
contrôle qui s’exerce au regard du respect de la légalité budgétaire c’est-à-dire « De la
conformité de l’exécution administrative et comptable aux règles de droit ainsi qu’à
l’autorisation budgétaire donnée par le parlement » 551.
Tout en reprenant ce principe, qui fonde le droit de la comptabilité publique, la nouvelle loi
organique le fait évoluer. Au regard de ses objectifs d’autonomie et de responsabilisation des
gestionnaires, elle procède au remodelage des autorités et des services administratifs
compétents dans le processus d’exécution des recettes et des dépenses, ce qui par ricochet
participe à la mutation des contrôles administratifs traditionnels.
L’une des innovations de la LOLFEB, est qu’elle consacre la scission du ministère des finances
qui était l’autorité chargée de la gestion financière de l’Etat. On passe d’une entité aux mains
desquelles étaient concentrées tous les pouvoirs en matière financières et économiques, à deux
551 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 449.
291
entités distinctement identifiées avec chacune des missions qui leurs sont propres dans le
processus budgétaire. La gestion des finances publiques était traditionnellement de la
responsabilité du ministère des finances et de l’économie, ou variant selon les années du
ministère du budget et de l’économie qui était une véritable institution dominatrice dans de
nombreux secteurs de la vie économique et financière de l’Etat en raison du cumul des
fonctions économique et budgétaire. Une telle domination a pu s’expliquer par : « Des
considérations d’efficacité, privilégiant la recherche d’une unité de politique économique par
l’assujettissement à celle-ci des fonctions budgétaires traditionnelles, elle relève aussi d’une
tradition centralisatrice dans l’organisation des pouvoirs » 552. Pendant longtemps, le choix
d’un seul ministère qui réunit l’économie et les finances en son sein a été quasi continu. Ce
statut, lui a conféré des prérogatives financières étendues qui lui ont assuré une position
privilégiée dans le processus de décision budgétaire avec une compétence quasi exclusive sur
l’ensemble de la gestion financière publique.
La loi organique rompt avec cette pratique, en faisant le choix d’une dissociation entre un
ministère de l’économie et un ministère du budget bien distincts et autonomes. Elle fait le choix
d’une scission entre fonctions économique et budgétaires. La LOLFEB a ainsi confirmé la
nouvelle organisation financière et économique édictée par le décret n°804/PR fixant la
composition du gouvernement qui a séparé les fonctions traditionnellement conjointes de
ministre des finances et de ministre de l’économie. Cette séparation a été consacrée par deux
autres textes, le décret n°692/PR/MBCPFPRE portant attributions et organisation du ministère
du budget, des comptes publics, de la fonction publique chargé de la réforme de l’Etat et le
décret n°917/PR/MECIT portant attributions et organisation du ministère de l’économie, du
commerce, de l’industrie et du tourisme. Cette séparation a pu s’expliquer par la nécessité de
modernisation de la gestion publique et a été vu comme un moyen de mettre un terme à
l’hégémonie de l’administration financière sur les autres ministères dépensiers dans la
procédure budgétaire. Dorénavant au ministre de l’économie d’avoir seul en charge les
missions économiques et au ministre du budget d’exercer les missions budgétaires.
Pour autant, la loi organique n’exclut pas le ministre de l’économie du processus budgétaire
puisqu’elle fait de ce dernier l’ordonnateur principal unique des recettes de l’Etat. Il est donc
chargé de recouvrer via ses directions générales 553, les différents impôts et taxes sur l’ensemble
du territoire national. En outre, la loi organique explicite les principes qui s’appliquent aux
financements apportés par les bailleurs de fonds internationaux, aux administrations publiques
en rendant prépondérant le rôle du ministre de l’économie : les bailleurs de fonds ont
l’obligation de l’informer préalablement de tout financement apporté à l’Etat, aux autres
administrations publiques ou destiné à la réalisation de projets et d’activités d’intérêt public.
Cette disposition se trouve dans le prolongement de la déclaration de Paris de 2005 sur
l’efficacité de l’aide au développement, qui poursuit l’objectif d’une utilisation, par les
bailleurs de fonds, des systèmes nationaux de gestion des finances publiques. Il doit
292
préalablement approuver les financements accordés, sous peine qu’ils ne puissent être mis en
place, aucun ministre ou agent public ne pouvant accepter cette mise en place.
Les activités relatives à l’élaboration des lois de finances sont exécutées conformément à un
calendrier précis. Elles débutent, par l’envoi par le premier ministre aux institutions et
ministères sectoriels d’une lettre de cadrage précisant les conditions dans lesquelles doivent
être présentés leurs projets de budget pour l’année budgétaire à venir. Cette lettre de cadrage
présente, les enveloppes sectorielles indicatives et fixe les priorités budgétaires et normes
d’évolution des dépenses pour les demandes de crédits, elle invite également au respect des
CDMT.
A la suite de cette lettre, le premier ministre invite les administrations porteuses d’une politique
publique, à présenter leurs prévisions de recettes et de dépenses pour l’exercice budgétaire à
venir, ces prévisions s’inscrivent dans la démarche de performance. La forme et le contenu du
projet de loi de finances, ainsi que l’ensemble des documents qui l’accompagnent sont
déterminés par la loi organique. Néanmoins, toutes ressources d’emprunt inscrite dans le projet
293
de loi de finances pour la couverture des besoins d’investissement doivent être conforme à la
stratégie d’endettement du gouvernement. Les demandes y relatives sont présentées
uniquement par le ministre chargé de la dette publique. Au titre des cotisations internationales,
toute nouvelle demande en la matière découle d’un engagement du gouvernement à travers une
convention signée par l’administration bénéficiaire. S’agissant de la répartition des crédits, sur
proposition du ministre du budget et de l’économie, un arbitrage du premier ministre indique
le volume des masses budgétaires en recettes et en dépenses et la répartition de ces dernières
par institution et ministère en fonction des programmes et plans sectoriels et globaux intégrant
les objectifs prioritaires du gouvernement.
L’élaboration des projets de lois de finances donne aussi lieu à la tenue de conférences
budgétaires, à l’exercice d’arbitrages et au dépôt d’amendements. Les conférences budgétaires
s’articulent autour de quatre volets : les conférences sur les économies structurelles ; de
performance ; de budgétisation et de répartition des crédits :
- Les conférences sur les économies structurelles : sont des échanges entre les
administrations sectorielles et les services techniques du ministère du budget visant à
identifier les sources potentielles et réelles de réduction de dépenses, à travers
l’évolution des éléments structurels de l’organisation des administrations.
- Les conférences de performance : traitent de l’analyse des RAP de l’année n-1 et de la
réflexion sur les leviers de la performance, elles traitent en outre de l’architecture
budgétaire ; du recadrage de la gestion des programmes en fonction des choix sur les
politiques publiques et de la contrainte globale des finances publiques ; de la revue du
cadrage stratégique pluriannuel et de l’actualisation du CDMT et du début de travail
sur les objectifs pour l’année à venir.
294
- Les conférences de budgétisation : elles portent sur le cadrage des ressources ;
l’expression des besoins des administrations en tenant compte des RAP des années
précédentes, des économies structurelles dégagées lors des conférences sur les
économies structurelles et des éléments de cadrage. Enfin, elles portent également sur
la revue des projets d’investissement. Les conférences de budgétisation reposent non
seulement sur la justification au premier franc CFA, mais également sur le respect des
natures de charges budgétaires et leur catégorisation en « première nécessité »,
« encours » et « mesures nouvelles ».
Au sens du décret n°78/PR/MEP/MBCP fixant le calendrier et les modalités de
préparation des lois de finances on entend par « première nécessité », le minimum de
crédits nécessaire et essentiel au fonctionnement régulier d’un service au cours d’une
année budgétaire. Une première nécessité est liée à une nature de dépense.
L’« encours » est une activité ou un projet qui s’exécute correctement tant sur le plan
physique que financier. Un encours peut-être à durée déterminée ou indéterminée. Les
« mesures nouvelles » sont des dépenses qui font l’objet d’une première inscription
dans le budget de l’Etat.
- Les conférences de répartition des crédits : sont destinées à la présentation par les
institutions et ministères sectoriels, de leurs projets de budget aux services techniques
du ministère du budget. Elles portent sur l’examen des demandes de crédits des
administrations pour l’année n+1, et conduisent à l’élaboration du projet de loi de
finances par la direction générale du budget. La finalisation et la révision des PAP des
institutions et administrations publiques pour chaque programme sont réalisées au cours
de ces conférences, puis transmis au ministre du budget.
Lors des conférences de répartition des crédits, l’examen et la validation des projets de
budget des institutions et administrations publiques ont lieu au cours des discussions
entre les représentants desdites entités et les services compétents du ministère du
budget. Les points de désaccord peuvent, à la demande d’une institution ou d’une
administration publique, être soumis aux ministres pour négociation puis au premier
ministre pour arbitrage. Les arbitrages visent à arrêter les niveaux définitifs des recettes
et des dépenses issus du cadrage macroéconomique et budgétaire révisé et des
conférences de budgétisation. Les arbitrages sur le niveau des ressources sont exercés
par le ministre de l’économie, ceux des dépenses sont exercés par le ministre du budget
avant le DOB. Les arbitrages du premier ministre ont lieu et peuvent également
intervenir après le DOB. Après ces arbitrages, le projet de loi de finances est transmis
au Conseil d’Etat et au conseil des ministres. Une fois le projet adopté en conseil des
ministres, il ne peut faire l’objet de réaménagement que par le premier ministre au
niveau des chambres du Parlement, lorsque sur rapport des ministres du budget et de
l’économie les réaménagements ont pour effet de prendre en compte des préoccupations
engageant les intérêts supérieurs de la nation sans détériorer les conditions de
l’équilibre financier et la répartition initiale des plafonds budgétaires par mission.
295
B. La restructuration des organes de l’administration financière
554 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 221.
296
charge les fonctions de gestion budgétaire et d’exécution comptable pour répondre à l’objectif
de maitrise de la dépense publique.
En vue d’optimiser la gestion des deniers publics et répondre aux exigences du nouveau modèle
de gestion des finances publiques, le décret n°0058/PR/MBCP crée la Direction Générale du
Budget et des Finances Publiques (DGBFIP). D’un point de vue structurel, elle est née de la
fusion de la Direction Générale du Budget (DGB), de la Direction Générale des Marchés
Publics (DGMP) et de la Direction Générale du Contrôle des Ressources et des Charges
Publiques (DGCRCP). La DGBFIP se veut une nouvelle direction intégrant la mutualisation
des compétences des trois directions d’origine qui lui ont donné naissance, de cette
mutualisation de compétences quatre pôles se dégagent pour articuler son activité. Au travers
de ses quatre pôles, cette nouvelle direction générale rattachée au ministère du budget et des
comptes publics en tant que service central, a en charge l’exécution de la politique du
gouvernement en matière de budget et de gestion financière et comptable de l’Etat. En outre,
son positionnement conduit la DGBFIP à recevoir le cas échéant, de la part des pouvoirs
publics, toute autre attribution en rapport avec son domaine de compétences. Elle est composée
de quatre (4) pôles dont :
La Direction des Audits et de la Lutte Anti-fraude (DALAF) : son positionnement général dans
la préservation des politiques publiques à caractère financier, en fait un pilier structurant de la
politique budgétaire de l’Etat. Composée des services audits et lutte anti-fraude, la DALAF a
en effet la lourde responsabilité : de procéder à l’évaluation des politiques publiques à caractère
budgétaire ou financier ; de contrôler la gestion des entreprises et établissements publics ;
d’auditer et d’émettre un avis sur les comptes des projets financés par les gouvernements
étrangers ou par des organismes financiers internationaux ou régionaux dans le cadre de la
coopération bilatérale ou multilatérale ; de contrôler la régularité et la sincérité de la dette
publique ; d’améliorer la connaissance des fraudes ayant un impact sur les finances publiques
; de promouvoir la culture anti-fraude dans les services ou encore de pourvoir à la garantie de
recouvrement des ressources publiques. Cette liste non exhaustive fait de la DALAF un acteur
majeur de la politique budgétaire de l’Etat en matière de performance financière et de lutte
anti-fraude.
297
Le Pôle Budget et Dépenses Publiques composé de 3 directions centrales :
298
à la pertinence et à la bonne utilisation des dépenses publiques ; d’évaluer l’impact économique
et social des politiques publiques déjà mises en œuvre ; de préparer le programme des
évaluations ; d’effectuer les analyses prospectives et élaborer la synthèse des évaluations ; de
s’assurer de la cohérence des programmes ; d’appuyer la modélisation des organisations et
processus financiers. La DEPPB est ainsi un acteur majeur de la politique budgétaire de l’Etat
en matière de performance et évaluation.
La Direction des Normes et des Statistiques (DNS) : son positionnement général dans les
règles, méthodes et systèmes d’informations budgétaires en fait le garant principal du respect
de la norme et de la réglementation. Composée des services législation et règlementation, et
études et statistiques, la DNS a en effet la lourde responsabilité : de fixer les règles en matière
budgétaire et de préparer tous les projets de textes y relatifs ; d’assurer la gestion de toutes les
applications informatiques budgétaires ; de tenir les statistiques budgétaires de la DGBFIP.
Elle est ainsi un acteur majeur de la politique budgétaire de l’Etat en matière de normes et
réglementation.
La Direction des Marchés Publics (DMP), anciennement Direction Générale des Marchés
Publics, son positionnement général dans la gestion de la commande publique, en passant par
la vérification de la conformité juridique des marchés, en fait un pilier structurant de la politique
budgétaire de l’Etat. Composée des services règlementation, information et communication, et
statistiques, la DMP a en effet la lourde responsabilité : du suivi et de l’assistance aux acteurs
de la chaîne de passation des marchés publics ; de l’étude des dossiers et du respect de la
règlementation en matière de marchés publics ; de la gestion et du suivi des appels d’offre ; de
l’analyse et de la conformité juridique des marchés publics et du suivi du contentieux ; de la
communication en matière de marchés publics ; du suivi de la mise en œuvre des plans de
passation des marchés publics ; de la numérotation des marchés ; de la conception, la gestion
et l’exploitation d’une base de données des marchés publics. La DMP est ainsi un acteur majeur
de la politique budgétaire de l’Etat en matière de gestion, de suivi et de règlementation de la
commande publique.
299
fait un pilier structurant de la politique budgétaire de l’Etat. Composée des services contrôle
des marchés de fournitures, prestations intellectuelles et contrôle des marchés de travaux, la
DCSFEM a en effet la lourde responsabilité : de suivre la bonne exécution des marchés
publics ; d’assurer le contrôle de l’exécution technique et financière et la conformité des
réalisation ; d’émettre un avis sur tout projet de modification dans l’exécution d’un contrat des
marchés publics ; de s’assurer de l’application des pénalités prévues aux contrats ; de s’assurer
de la performance de la dépense publique en termes de résultats et d’utilisations efficace de
ressources ; de participer à la réception des prestations réalisées. La DCSFEM est ainsi un
acteur majeur de la politique budgétaire de l’Etat en matière de contrôle de l’exécution
technique et financière des marchés publics.
Une autre illustration des plus marquantes de cette transformation, c’est le renforcement des
missions dévolues aux inspections générales des services dans chaque département ministériel
qui assurent des fonctions de contrôle et d’audit interne des services ministériels, d’évaluation,
de vérification et d’expertise en liaison avec la mise en œuvre de la LOLFEB et les
renouvellements des modes de gestion publique auxquels sont adossés en permanence l’audit
et l’évaluation des politiques publiques. Arrimer ce corps de contrôle aux méthodes et pratiques
de la nouvelle gestion publique, participe à l’objectif d’assainissement des finances publiques.
L’IGS du ministère du budget par exemple, dans ce cadre, veille à la régularité de l’activité de
l’ensemble des services relevant du ministère. Ses missions sont diverses et variées puisqu’elle
est amenée à procéder à l’évaluation périodique de l’exécution des politiques publiques, des
missions et projets du ministère en plus d’évaluer l’efficacité des organisations des structures
du ministère ainsi que des organismes qui sont sous sa tutelle. D’autre part, elle réalise des
audits des procédures et normes de travail au sein de l’ensemble des services. Elle évalue la
performance des outils et des processus de contrôle interne des services du ministère et le
niveau de qualité des prestations fournies par les services du ministère. Elle élabore les normes
de qualité imposables aux services, en plus d’évaluer la pertinence des outils de suivi de la
performance des services et des agents du ministère.
Afin de remplir ses attributions, l’IGS est organisé en équipe d’inspecteurs et de chargés
d’études de catégorie (A) hiérarchie (A1), répartis en trois groupes en fonction du niveau
d’expérience et d’expertise : ceux chargés de la coordination des missions, ils ont la
responsabilité des IGS (les inspecteurs généraux) ; ceux chargés de la conduite d’une mission
: préparation, exécution, rédaction de rapport (ils remplissent les fonctions d’auditeurs
principaux) ; ceux chargés d’accompagner les auditeurs principaux dans les différentes
missions travaux de préparation, d’exécution et de rédaction de rapport (ils ont la fonction
d’auditeur). Un quatrième groupe est constitué de ceux qui aspirent à être reconnus auditeurs
en prenant part aux travaux (ils font office d’auditeurs stagiaires).
Cette équipe d’inspecteurs est dirigée par un inspecteur général assisté de deux adjoints, ils ont
la charge de coordonner, animer, assurer l’impulsion et l’unité d’action des services de
l’inspection générale ; préparer et mettre en œuvre le calendrier de travail de l’inspection
générale ; définir la nature et le périmètre des missions des inspecteurs dans les services
concernés du ministère ; désigner l’inspecteur ou le groupe d’inspecteurs chargés de chaque
300
mission ; susciter si nécessaire et participer à toute consultation ou concertation en vue de
l’élaboration et/ ou de la diffusion d’une norme ; préparer et présenter le projet de service, les
projets de plans directeurs, les programmes d’activités, les programmes de financement et les
projets de budget de l’inspection générale des services ; présenter périodiquement un rapport
d’activité de l’inspection générale des services ; rendre régulièrement compte au ministre, des
missions d’inspection et d’audit menées par l’inspection générale des services enfin adresser
au ministre des rapports circonstanciés l’informant des résultats des audits menés et des
recommandations faites dans le but d’améliorer la performance des services.
Le Trésor Public gabonais, créé par le décret n°295 du 25/09/1965 et aujourd’hui organisé au
sein de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT) depuis
l’adoption du décret n°280/PR/MBCP du 22 août 2014, est l’administration centrale du
dispositif financier de l’État. Elle est chargée de traiter les questions relatives à la comptabilité
publique, à l’exécution du budget de l’État, des collectivités locales et des établissements
publics et à la gestion de la trésorerie de l’État. La création de la DGCPT parachevant la
déconcentration de la fonction de comptable principal de l’Etat est l’un des pans les plus
innovants de la réforme comptable au Gabon car elle a mis fin au modèle organisationnel
précédent.
La DGCPT est placée sous l’autorité d’un directeur général, nommé par décret pris en conseil
des ministres, sur proposition du ministre du budget parmi les inspecteurs principaux ou
centraux du Trésor, les inspecteurs des finances ou tous autres agents publics permanents de la
première catégorie, du secteur économique et financier, justifiant d’une ancienneté effective
d’au moins dix ans dans les services d’une administration financière publique. Le directeur
général de la comptabilité publique et du trésor est assisté d’un directeur général adjoint,
nommé dans les mêmes formes et conditions, il est également assisté de chargés d’études
nommés conformément aux dispositions des textes en vigueur.
301
aux organismes publics et des pièces justificatives de toutes les opérations en vue de la tenue
de la comptabilité. Elle doit nécessairement effectuer une intégration des opérations de tout le
réseau comptable afin de produire le compte général des comptables de L’Etat.
A ce titre, elle définit ses objectifs annuels, les indicateurs de suivi y relatifs, ainsi que les
responsables de leur mise en œuvre. Pour la réalisation de ces missions, la DGCPT s’appuie
302
sur un effectif de près de 2100 agents, réparti en plusieurs catégories dont : des inspecteurs
principaux du Trésor, des inspecteurs centraux du Trésor ; des inspecteurs ; des contrôleurs et
huissiers du Trésor et des agents de recouvrement. Ce personnel exerce aussi bien au sein de
la direction générale que dans les 128 postes comptables qui composent le réseau du Trésor. A
travers celui-ci, le Trésor public couvre non seulement la quasi-totalité du territoire national
avec la présence de trésoreries provinciales, de recettes perceptions et de perceptions, mais
aussi certaines missions diplomatiques, avec 13 paieries. Le pilotage et la coordination des
activités de ce vaste réseau sont assurés par des organes de gestion mis en place au sein de la
direction générale pour garantir la réalisation des objectifs contenus dans son plan stratégique,
ce plan permet à la DGCPT de s’inscrire dans la dynamique de réforme des finances publiques
en cours au plan communautaire.
La loi organique transforme les contrôles traditionnels, c’est d’abord en instituant le contrôleur
budgétaire comme le nouvel acteur fort de l’exécution budgétaire et dont le rôle va transformer
le simple contrôle de régularité et s’étendre à la gestion des programmes (1).
Dans la logique de la gestion axée sur la performance, de nouvelles formes de contrôles ont été
mises en place afin de s’assurer que les résultats ont été bien atteints, d’où la mise en place par
la LOLFEB du contrôle interne pour : « S’assurer en permanence de la fiabilité des processus
mis en œuvre et l’évitement des risques » 555. Le contrôle interne porte non seulement sur la
régularité mais aussi sur l’efficacité et la sécurité du système financier public.
555 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 458.
303
tel qu’il est mis en place au Gabon va nécessiter une certaine harmonisation afin d’assurer
l’efficacité du dispositif de maitrise de risque (2).
La loi organique confie davantage de liberté aux ordonnateurs dans la gestion des crédits,
néanmoins elle ne les laisse pas libre de leur choix de gestion puisqu’elle procède à une
mutation du contrôle administratif en instituant expressément un nouvel acteur dans le
processus d’exécution du budget.
En effet, en son article 65 la LOLFEB stipule que : « Les opérations d’exécution du budget de
l’Etat incombent non seulement aux ordonnateurs et aux comptables mais dorénavant elles
incombent aussi au contrôleur budgétaire ». Cet article présente le contrôleur budgétaire
comme nouvel acteur clé dans le processus d’exécution des dépenses : « Les opérations
financières et comptables résultant de l’exécution des budgets sont respectivement assurées par
les ordonnateurs, les comptables publics et les contrôleurs budgétaires » 556.
Le contrôle budgétaire s’exerce sous l’autorité du ministre du budget par les contrôleurs
budgétaires au sein de chaque ministère, il s’est substitué au service du contrôle financier qui
était institué auprès de chaque ministère, des chefs de circonscription administratives, des
collectivités publiques secondaires, des établissements publics nationaux et des missions
diplomatiques et consulaires. Placé sous l’autorité du chef de l’Etat et dépendant directement
du ministère des finances, les contrôleurs financiers étaient chargés de la surveillance générale
des finances de l’Etat, des collectivités et des établissements publics. Ils exerçaient leurs
contrôles par la vérification de la validité et de la régularité des engagements, ainsi que de la
qualité de la procédure de ces engagements. Mais ils n’avaient pas qu’un rôle de contrôle strict
de la régularité des opérations de dépenses puisqu’ils pouvaient émettre des avis motivés sur
les projets de textes législatifs et réglementaires, ainsi que sur les propositions budgétaires et
les demandes de crédits additionnels de toute natures formulés par les départements
ministériels auxquels ils étaient rattachés.
Contrairement à son prédécesseur, le contrôleur budgétaire assure un contrôle un peu plus large
qui n’est plus seulement centré sur la vérification de la régularité des actes de dépenses même
si ce dernier reste sa mission première. La loi organique décrit les caractéristiques du contrôle
exercé par le contrôleur budgétaire ainsi que certaines attributions spécifiques liées à son rôle.
Ainsi le ministre du budget nomme auprès de chaque ministre sectoriel un contrôleur
budgétaire chargé de veiller à la conformité budgétaire et à la régularité des projets
d’engagement, à ce titre, ce dernier contrôle a priori par l’apposition d’un visa préalable les
propositions d’actes de dépenses qui lui sont transmises par le ministre ou ses ordonnateurs
délégués. Il ne peut être passé outre au refus de visa que sur autorisation écrite du ministre du
budget et dans ce cas la responsabilité du ministre du budget se substitue à celle du contrôleur
budgétaire.
304
Le contrôle réalisé prend la forme d’un contrôle de régularité préalable à l’engagement des
dépenses par l’ordonnateur, excluant tout contrôle sur l’opportunité de la dépense. Tous les
actes ayant pour conséquence d’engager financièrement l’Etat sont soumis au visa préalable du
contrôleur budgétaire. Sur le plan procédural, il vérifie la régularité de la dépense du point de
vue financier (autorisations financières contenues dans les lois de finances, imputation de la
dépense, disponibilité des crédits, conformité des prix par rapport aux mercuriales en vigueur)
et légal (conformité des actes de l’ordonnateur à l’ensemble des lois et règlements) et c’est le
ministre du budget qui est chargé de définir les modalités pratiques de la mise en œuvre du
contrôle budgétaire. Par ailleurs, il convient de relever qu’un refus de visa de la part du
contrôleur budgétaire ne lie pas l’ordonnateur qui refuserait de s’y conformer : d’une part, il
devra informer le contrôleur des motifs qui le conduisent à ne pas se conformer à sa décision,
d’autre part, obtenir une autorisation écrite du ministre du budget qui aura été saisi par
l’ordonnateur. A cette occasion, le ministre du budget endosse alors le régime de
responsabilités et de sanctions auquel est soumis le contrôleur budgétaire.
A travers ces dispositions, la loi organique procède à la réforme du contrôle financier qui était
généralement centralisé et générateur de lenteurs dans la chaîne de la dépense. Elle met en
place les conditions de l’équilibre entre le respect de l’autonomie des gestionnaires et le
maintien d’un instrument de contrôle indispensable au pilotage des finances publiques
impliquant une évolution du contrôle financier vers un contrôle du risque budgétaire. La
réforme du contrôle financier répond aux principes de responsabilisation des services
gestionnaires sans se départir de l’impératif de maîtrise de l'exécution de la dépense dans le
nouvel environnement budgétaire qu’elle pose.
Dans le système des budgets de programmes qui comporte de larges enveloppes de crédits
fongibles, le rôle du contrôleur budgétaire vise à garantir la soutenabilité budgétaire du
programme conformément à sa programmation initiale. Dans le cadre du processus d’allocation
et de mise à disposition des ressources, le contrôleur budgétaire s’assure de la soutenabilité
budgétaire du programme en validant le montant de la réserve de précaution et le montant des
ressources probables ; vise la programmation budgétaire initiale du programme et formule un
avis sur la soutenabilité budgétaire des projets de BOP, pour cela il est associé au dialogue de
gestion le plus en amont possible. Le projet de BOP doit être transmis au contrôleur qui dispose
d’un délai de15 jours pour l’examiner avant de donner son avis. Afin de vérifier la soutenabilité
budgétaire du BOP, le contrôleur peut procéder à l’évaluation des dépenses que l’État est
juridiquement tenu de supporter ainsi que celles qui apparaissent d’ores et déjà inéluctables.
305
cas de risque de dépassement avéré et sans garantie de la levée de la réserve de précaution, il
peut demander au ministère, en lien avec le DCAF des mesures de correction (arrêt, baisse ou
décalage de recrutements, marchés différés…) pour rester dans la trajectoire du programme, il
en rend compte à la direction du budget. Enfin, il exerce un contrôle des actes d’engagement,
la nature du visa est double : le contrôleur garde un visa de régularité juridique de l’acte
d’engagement, même si dans le cadre des budgets de programmes il a été prévu que cette
compétence pourrait être transférée ultérieurement à l’ordonnateur lorsqu’il aura établi un
contrôle interne fiable ; de plus il s’assure de la conformité budgétaire c'est-à-dire qu’il vérifie
si l’engagement est compatible avec les ressources du programme.
Dans le cadre du budget de programme garantissant des libertés de gestion aux ministères, il
exerce ce contrôle a priori des actes de façon modulée en fonction des risques et des enjeux du
programme. Un arrêté fixe les natures de dépenses et/ou le seuil de ces dépenses en-deçà
desquelles le contrôle a priori est supprimé pour faciliter et fluidifier la gestion des ministères.
Un contrôle a posteriori sur échantillon est toujours possible.
Contrôler réellement qu’il s’agisse de l’exécution de la loi de finances, de la gestion des crédits
en cours d’exercice, de la qualité de la mise en œuvre de l’action publique dans le cadre des
programmes c’est le rôle des contrôleurs budgétaires des ministères qui auront à garantir que
les décisions de gestion prises par les ordonnateurs en cours d’année sont non seulement
régulières mais aussi compatibles avec l’impératif de soutenabilité des budgets.
La loi organique rend nécessaire la mise en place d’outils adaptés de maîtrise de risques, afin
de s’assurer de l’atteinte des objectifs fixés en matière de politiques publiques et d’une
information budgétaire et comptable de qualité. C’est le but du contrôle interne qui se focalise
sur l’atteinte des objectifs de qualité de comptabilité et de soutenabilité budgétaire dans le
respect de l’autorisation parlementaire dans sa double dimension annuelle et pluriannuelle.
L’exigence de qualité comptable a été importée du secteur de l’entreprise d’où est né et s’est
développé le contrôle interne, en raison de la certification des comptes par les commissaires
aux comptes. L’objectif de bonne gestion des deniers publics, assigné à l’administration a
nécessité la transposition dans le secteur public des techniques de gestion empruntées aux
entreprises et induite par la NGP. La bonne gestion des fonds publics nécessite l’existence d’un
système de contrôles efficaces tout au long de la chaine de la dépense. Avec la NGP, il va se
développer à côté du contrôle a priori, de nouvelles formes de contrôle elles aussi empruntées
au modèle de contrôle mis en œuvre dans les entreprises.
306
Organizations of the Treadway Commission qui va publier le premier référentiel du contrôle
interne en matière de management des entreprises portant le nom de COSO Framework-
Internal Control.
Ce document recommandait aux entreprises et aux autres organisations d’établir sous leur
responsabilité, des systèmes de contrôle interne qui seront attestés par un auditeur interne
indépendant, ce référentiel à fait l’objet d’une actualisation, COSO I en 1992 puis COSO II en
2004 pour prendre en compte l’importance de l’analyse des risques dans la gestion des
entreprises. Le COSO II renforce le concept de contrôle interne développé par le COSO I, en
prenant en compte la maitrise des risques d’où son nom de « management des risques » ou en
anglais « enterprise risk management ». Il développe l’idée selon laquelle, pour mettre en place
un contrôle interne rationnel il est utile de résoudre de façon globale les problèmes liés aux
risques car, c’est de ces derniers que découle la construction du contrôle interne.
Le contrôle interne est un système cohérent de maitrise de risques et de gestion qu’il convient
de distinguer d’autres contrôles tels que, le contrôle de gestion qui est un dispositif permettant
au gestionnaire de suivre le déroulement des programmes et de mesurer les écarts entre les
résultats obtenus et les objectifs fixés et le cas échéant de proposer des corrections. Il a pour
finalité d’assurer le pilotage des services et d’améliorer l’efficacité et l’efficience de la gestion.
Une confusion n’est dès lors pas à faire entre les deux contrôles car comme l’a spécifié Alain
Gérard Cohen : « Le contrôle interne n’est pas un service encore moins un corps de contrôle
mais une fonction ou un système global de gestion » 557.
Le contrôle interne est donc un dispositif qui regroupe un ensemble de procédures internes
visant à maitriser un ensemble de risques, il définit les spécificités de chaque phase d’une
opération afin d’identifier et d’évaluer les risques associés compte tenu des objectifs recherchés
afin de déterminer les contrôles les plus appropriés. Il ne doit donc pas être appréhendé comme
un outil de contrôle au sens strict, mais plutôt comme un outil à la disposition des responsables
pour maitriser le fonctionnement de leurs activités.
Etant également un élément indispensable à la maîtrise des risques, l’audit interne est un
dispositif complémentaire au contrôle interne. Son rôle est d’évaluer l'efficacité du système de
contrôle interne mis en place par les gestionnaires et in fine proposer les corrections nécessaires
à son amélioration et à son renforcement : « L’audit interne est une activité indépendante et
objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses
opérations, lui apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur
ajoutée. Il aide cette organisation à atteindre ses objectifs, en évaluant, par une approche
systématique et méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle, et de
gouvernement d’entreprise, et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité » 558.
Il permet de mesurer le niveau de maîtrise des opérations, des risques et de la fiabilité des
informations. La démarche de l’audit ne consiste pas à refaire un contrôle des calculs des
comptes ou du bilan c’est plutôt un dispositif d’évaluation des systèmes qui ne sert pas à
557 A.-G COHEN, La Nouvelle Gestion Publique. Concepts, outils, structures, bonnes et mauvaises pratiques. Contrôle interne
et audits publics, 3ème éd, Gualino, lextenso éditions, 2012, p. 44.
558 Ibid., p. 41.
307
certifier l’exactitude des opérations mais plutôt à attester que les systèmes fonctionnent de
manière régulière et adéquate en conformité avec les règles édictées. Le résultat de l’audit est
de : « Délivrer une assurance raisonnable (ou non), une déclaration de validité concernant les
systèmes de gestion et de contrôle, puis d’améliorer leur fonctionnement, et donc la gestion.
En faisant des recommandations, l’auditeur joue un rôle de conseil. Mais il doit s’assurer que
les recommandations ont bien été mises en œuvre » 559. De cette définition il ressort qu’un audit
peut prendre trois formes (3) : « L’audit de régularité ou de conformité, l’audit de système sur
la fiabilité du système de contrôle interne de la gestion enfin l’audit de performance qui
concerne les résultats de la gestion » 560.
Mis en œuvre au sein des entreprises pour palier à un ensemble de risques, le contrôle et l’audit
interne s’imposent aujourd’hui dans le système financier public aussi bien en matière
budgétaire que comptable de tous les Etats soucieux de l’efficacité de leur gestion financière
publique. Au Gabon, le contrôle interne vise à maitriser le fonctionnement des activités
financières. Il est supervisé par les services du ministère du budget et des comptes publics
précisément par les services des deux directions centrales du pôle contrôle et audit interne de
la DGBFIP. La direction du contrôle interne et du contrôle qualité conduit l’évaluation de la
mise en œuvre et l’efficacité des objectifs des programmes et des activités dans chaque
département ministériel et organisation rattachée sous tutelle, en collaborations avec les
directions des audits internes de chaque ministère. Elle suggère des recommandations et des
améliorations au fonctionnement et aux systèmes de gestion et de contrôle interne afin de
prémunir les audités contre les risques inhérents à la gestion, en collaboration avec les
directions des audits internes de chaque ministère. Elle est chargée d’assurer l’application des
méthodes de gestion, l’usage adéquat des outils de gestion et la mise en œuvre adéquate des
moyens par rapport aux objectifs ; de conseiller les services ou organismes gestionnaires des
finances publiques sur la protection et la sauvegarde du patrimoine de l’Etat ainsi que sur
l’intégrité et la fiabilité des informations financières et opérationnelles enfin d’évaluer les
activités des services.
Compte tenu de ses prérogatives, le pôle contrôle et audit interne de la DGBFIP a plus une
mission d’accompagnateur ou de superviseur, de la mise en œuvre du contrôle et de l’audit par
308
les ministères qui doivent développer par eux-mêmes leur propre dispositif. Chaque
département ministériel organise ses propres contrôles et audit interne, et dans ce cas chacun
établit ses propres normes de références et ses propres dispositifs en matière de contrôle. Par
la suite, le pôle contrôle et audit les accompagne et évalue leur mise en place.
La mise en œuvre du contrôle interne revient aux différents services ministériels, qui peuvent
également être appuyés par le contrôleur budgétaire, placé en raison de ses fonctions attribuées
par la loi organique au cœur du dispositif, puisqu’il participe à l’animation et aide à la mise en
place du contrôle interne au sein des ministères. Ce dernier est le collaborateur indispensable
du ministre du budget dans le cadre de l’exécution des dépenses en plus d’être son relai naturel
auprès des ordonnateurs. Il a en charge la centralisation de la comptabilité du ministère,
notamment pour la production des comptes de l’Etat dans le cadre du projet de loi de règlement.
En ce sens, le contrôleur budgétaire assure au profit du ministre du budget la centralisation de
la comptabilité budgétaire du ministre sectoriel auprès duquel il est placé et veille à la mise en
œuvre concrète de la régulation budgétaire décidée par le ministère du budget. Il procède
également à l’évaluation de la qualité et de l’efficacité des dispositifs de contrôle interne et de
contrôle de gestion dans chaque ministère, et dans le cadre de la préparation de la loi de finances
initiale procède à l’appréciation de la sincérité des prévisions et la soutenabilité de ces
dernières. Les deux dernières attributions conduisent à une évolution du métier de contrôleur
budgétaire qui, en fonction de la qualité de l’ordonnateur, pourra avoir un rôle de veille et de
supervision de la soutenabilité des budgets, conforme avec l’esprit d’une responsabilisation
accrue des ordonnateurs.
Telle qu’elle est posée, l’obligation pour chaque ministère d’établir ses propres normes de
références en matière de contrôle interne est de notre point de vue limitée. Il serait plutôt
pertinent et avantageux que les autorités réfléchissent à la possibilité d’adopter des normes de
référence en matière de contrôle interne qui soient communes à tous les ministères qui pourront
par la suite adapter ce référentiel en fonction de leur situation.
Nous justifions cette proposition au regard du doublon des missions d’évaluations du système
de contrôle interne qui incombent aussi bien, au pôle contrôle interne du ministère du budget
que des contrôleurs budgétaires intervenant dans chaque ministère. Selon nous, au regard de
ses missions d’évaluation, le pôle contrôle et audit interne devrait également s’atteler à
concevoir un référentiel de normes commun en matière de contrôle interne pour tous les
ministères pour éviter tous risques de disparités en la matière. Dans certains ministères, c’est
l’IGS qui conjointement a en charge en plus de l’audit, fonction qui revient normalement à la
direction de l’audit quand elle existe dans un ministère, le contrôle interne alors que se sont
deux dispositifs qui doivent être organiquement et fonctionnellement séparé pour être plus
efficaces.
En effet, le risque de disparité est fort dans la mesure où chaque ministère en fonction de ses
moyens va mettre en place un contrôle interne qui sera pour certains d’entre eux efficaces si
leurs moyens sont conséquents et pour d’autres inefficaces si leurs moyens ne le sont pas, et
dans ce cas ils s’exposent à des risques dans la gestion des politiques publiques.
309
A l’heure actuelle, les autorités gabonaises doivent repenser leur dispositif de maitrises de
risques. Le contrôle interne qui devrait se développer en matière financière doit principalement
revêtir deux formes : le contrôle interne budgétaire et le contrôle interne comptable qui tous
deux expriment deux enjeux en matière de gestion financière publique. D’une part, un enjeu
de soutenabilité budgétaire et, d’autre part, celui de qualité des comptes en référence à la tenue
des différentes comptabilités de l’Etat.
Le contrôle interne budgétaire doit être décidé par chaque ministère, et mis en œuvre par les
RPROG pour maîtriser le fonctionnement de leurs activités en vue de fournir une assurance
raisonnable sur la qualité des informations de comptabilité budgétaire qui permettra de retracer
les autorisations votées par le Parlement et leur exécution. Elle permettra le suivi des plafonds
de crédits, qui comprennent les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, et
d’emplois ouverts ainsi que leur consommation en gestion et sur la soutenabilité budgétaire qui
visera à s’assurer du respect des plafonds fixés dans les autorisations budgétaires, à la fois
annuellement et dans une perspective pluriannuelle, de sorte à honorer les engagements
souscrits ou prévus et de maîtriser leurs conséquences budgétaires en cours d’année et les
années ultérieures.
561 Ministère de l’action et des comptes publics, Direction du budget, le contrôle interne budgétaire, forum de la performance
310
budgétaire devrait permettre : « D’organiser le pilotage de la gestion, avec une effectivité
renforcée grâce à la fiabilisation des informations budgétaires. Il permet tout d’abord aux
responsables ministériels d’avoir une meilleure vision d’ensemble des enjeux et des risques
ayant un impact budgétaire et d’optimiser les choix de gestion en fonction des priorités
ministérielles, pour in fine améliorer la performance des politiques publiques. En travaillant à
fluidifier et sécuriser les processus de gestion, le contrôle interne budgétaire permet de réduire
les délais de réalisation des activités, donc les coûts, de clarifier et sécuriser les opérations
assignées aux agents, de définir des organisations et des calendriers de travail connus et
respectés, d’alléger les tâches par la mutualisation des bonnes pratiques et le partage d’un socle
commun de méthodes prédéfinies » 562.
Le contrôle interne budgétaire doit être le pendant du contrôle interne comptable, dont
l’objectif est de rechercher la qualité des comptes depuis le fait générateur jusqu’à son
dénouement comptable. En raison des enjeux pesant sur la qualité de l’information financière,
le contrôle interne comptable à vocation à rendre compte d’une gestion comptable efficace et
efficiente. Au Gabon, le contrôle interne comptable qui vise à donner une assurance de la
qualité des comptes est mis en œuvre par l’IGS de la DGCPT, qui assure une fonction de
contrôle interne, audit et vérification et qui est notamment chargé de concevoir et de mettre en
œuvre la politique en matière d’audit et maitrise de risques.
L’inspection des services est placée sous l’autorité d’un inspecteur des services ayant rang de
directeur général adjoint d’administration centrale, il est assisté de trois inspecteurs adjoints
des services ayant rang de directeur d’administration centrale. L’IGS comprend trois pôles : le
pôle contrôle des postes comptables ; le pôle audit et maîtrise des risques ; le pôle management
et pilotage. Les pôles sont placés, chacun, sous l’autorité d’un inspecteur adjoint des services
assisté d’inspecteurs vérificateurs et d’inspecteurs vérificateurs adjoints. L’IGS est notamment
chargée de veiller à l’application des textes régissant la comptabilité publique ; de participer à
l’élaboration des textes et normes du secteur ; d’assurer le contrôle des postes comptables ; de
concevoir la politique en matière d’audit et de maîtrise des risques et de veiller à sa mise en
œuvre ; de concevoir et d’analyser les indicateurs d’activité ; de concevoir les instruments de
pilotage ; d’instruire les dossiers liés à la responsabilité des comptables publics ; de promouvoir
la qualité et la performance des services ; de veiller à la mise en place et à l’efficacité du
dispositif du contrôle interne ; de veiller au respect de l’éthique et de la déontologie ; d’assurer
une mission générale d’audit auprès de l’ensemble des services enfin de produire le rapport
d’activités des services. L’inspection des services peut également recevoir du directeur général
toute autre mission en rapport avec son domaine de compétence.
562 Ibid.
311
comptables. Il pèse donc sur ce dernier, des garanties d’indépendance ainsi qu’un régime de
responsabilité exorbitant du droit commun adossés à son statut dans sa mission de contrôle de
la régularité des opérations d’exécution budgétaire (1). Mais bien plus, la loi organique marque
le passage d’une conception cloisonnée des contrôles dans le cadre classique de la gestion
publique marquée par une stricte séparation entre les autorités chargée de l’exécution, à une
conception collaboratrice. La gestion publique étant dorénavant caractérisée par la participation
des comptables à la maitrise des risques financiers, le rôle du comptable public de l’Etat s’est
rationnalisé dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLFEB pour évoluer vers une procédure
combinée entre le comptable et l’ordonnateur (2).
Le contrôle comptable, fait partie des contrôles administratifs qui s’exercent en continu sur la
chaîne d’exécution de la loi de finances. Les comptables sont juridiquement tenus de contrôler
la régularité des actes qui leur sont transmis par les ordonnateurs. Dans chaque administration,
les comptables publics sont des fonctionnaires nommés sur proposition du ministre chargé du
budget et des comptes publics. Ils interviennent dans le contrôle de l’exécution des opérations
de recettes, des dépenses et de maniement de titres soit par virement interne d’écritures soit
encore par l’intermédiaire d’autres comptables publics ou de comptes externes de disponibilité
dont ils ordonnent ou surveillent les mouvements.
En matière de recettes, ils sont dans l’obligation de contrôler l’autorisation de percevoir les
recettes, la mise en recouvrement et la liquidation des créances ainsi que la régularité des
réductions et des annulations de titres de recettes. En matière de dépenses, ils vérifient d’une
part, la qualité de l’ordonnateur et de l’assignation de la dépense, d’autre part, la validité de la
créance (justification du service fait, existence des visas réglementaires, présence des
justificatifs et du certificat de prise en charge à l’inventaire, applicabilité des règles de
déchéance ainsi que le caractère libératoire du paiement).
Les comptables publics se répartissent en réseaux, ils comprennent les comptables deniers et
valeurs et les comptables d’ordre. De façon générale, chaque comptable public peut-être
comptable supérieur ou subordonné, dans ce cas, le comptable supérieur a sous son autorité
hiérarchique un ou plusieurs comptables subordonnés. Il peut être principal ou secondaire et
dans ce cas, le comptable principal rend directement ses comptes à la cour des comptes tout en
ayant sous sa responsabilité un ou plusieurs comptables secondaires. Enfin, il peut être
centralisateur et centraliser les opérations des comptables inférieurs non centralisateurs.
L’agent comptable centralisateur du Trésor qui, outre ses attributions de comptable principal,
est seul chargé de centraliser les écritures permettant de dresser le compte général de l’Etat et
les états financiers afférents. Plus distinctement les comptables deniers et valeurs sont des
personnes habilitées au maniement et à la conservation des fonds publics, des valeurs qui sont
des valeurs de portefeuille, bons, traites, obligations, rentes et actions de société. Parmi eux,
les comptables deniers et valeurs des impôts et des douanes, sont chargés en particulier du
recouvrement des impôts, des droits, des redevances, des pénalités fiscales, des frais de
poursuites et des autres recettes dans les conditions fixées par le code général des impôts, le
312
code des douanes ou encore le code du domaine de l’Etat. Ils peuvent être organisés en réseaux
de postes comptables distincts du réseau du Trésor, leurs opérations sont centralisées dans les
écritures du Trésor. Ils peuvent en outre, avoir sous leur autorité des régisseurs de recettes ou
d’avances et c’est un comptable deniers et valeurs de rattachement qui a l’obligation de
contrôler sur pièces et sur place les opérations et la comptabilité des régisseurs.
Les comptables d’ordre quant à eux, centralisent et présentent dans leurs écritures et leurs
comptes les opérations financières exécutées par d’autres comptables. Quoi qu’il en soit, les
comptables publics ont l’obligation de prendre en charge et de recouvrer la totalité des ordres
de recettes ainsi que de l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature
que l’Etat et ses démembrements sont habilités à percevoir. Ils sont seuls chargés du visa, de
la prise en charge et du règlement des dépenses publiques ainsi que de la suite à donner aux
oppositions et autres significations. Ils gardent et conservent les fonds, valeurs, titres et
matières appartenant ou confiés à l’Etat ou aux autres administrations publiques. En outre, ils
sont responsables du maniement des fonds et des mouvements des comptes de disponibilités ;
de l’exécution des autres opérations de trésorerie des établissements publics nationaux ; de la
tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent ; de la conservation des pièces
justificatives afférentes ainsi que de la tenue de la comptabilité des recettes et des dépenses
dont ils sont assignataires ainsi que de la tenue de la comptabilité des valeurs inactives.
En outre, l’article 9 du RGCP pose les contours de l’incompatibilité en raison des fonctions du
comptable : « Les fonctions d’ordonnateur et de comptable sont incompatibles. Les conjoints,
les ascendants et descendants des ordonnateurs ne peuvent être comptables des entités
publiques auprès desquelles ces ordonnateurs exercent leurs fonctions ». La portée de cette
règle se manifeste d’abord à l’égard des tiers, c’est-à-dire que les conjoints, les ascendants et
les descendants des ordonnateurs ne peuvent être comptables des entités publiques auprès
desquelles ces ordonnateurs exercent leurs fonctions. Elle signifie ensuite que l’un ou l’autre
ne peut cumuler entre ses mains les missions de l’autre ce qui revient à dire que l’ordonnateur
et le comptable public ne peuvent empiéter sur leurs fonctions respectives et accomplir des
563Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 378. Sur
l’obligation d’obéissance v. Jacques MAGNET, Les comptables publics, 4ème éd., LGDJ, 2001.
313
tâches incombant l’un à l’autre, cet article consacre : « L’exclusivité des fonctions et des taches
qui s’y rapportent » 564.
L’exclusivité des fonctions du comptable public est également protégé par le RGCP qui en son
article 11 dispose : « Il est interdit à toute personne non pourvue d'un titre légal ou
réglementaire d'exercer des fonctions d'ordonnateur ou de comptable public, sous peine de
sanctions prévues par les textes en vigueur » et son article 15 : « Toute personne qui s’ingère
dans les opérations de recettes, de dépenses ou de maniement de valeurs publiques sans qualité
ou titre est réputée comptable de fait. Elle est justiciable du juge des comptes, sans préjudice
des sanctions prévues par le Code Pénal ». Toute personne qui s’ingère dans les opérations de
recettes, de dépenses ou de maniement de valeurs publiques sans qualité ou titre est réputée
comptable de fait, elle entraine les mêmes responsabilités que celles instituées pour les
comptables publics et relève de la compétence juridictionnelle du juge des comptes : « Cette
règle s’applique quelle que soit la qualité de l’auteur de la gestion de fait et par conséquent
même s’il s’agit d’un ordonnateur » 565.
Pour ce faire, la juridiction financière doit procéder à la qualification de gestion de fait et cela
suppose la réunion de plusieurs éléments : « Il faut qu’il y ait eu un maniement portant sur les
deniers publics. La notion de maniement ne s’entend pas seulement de l’ingérence dans les
opérations de recettes ou de dépenses ; elle inclut également l’extraction irrégulière de fonds
publics ou de valeurs au moyen par exemple d’ordres de dépenses fictifs ou d’indications
fausses quant à la réalité du service fait que n’a pu déceler l’agent comptable ; en d’autres
termes est donc susceptible d’être poursuivi comme comptable de fait celui qui irrégulièrement
et sciemment s’est fait remettre des fonds publics. Il faut ensuite que la personne ait agi sans
autorisation régulière c’est-à-dire sans habilitation. Il est à relever à cet égard que
l’exclusivité du maniement des fonds publics par les comptables publics s’entend de la
responsabilité qu’ils en ont ; elle ne doit pas être confondue avec l’opération matérielle de
décaissement ou d’encaissement qui peut être faite par les subordonnés des comptables ou une
personne autorisée agissant pour le compte ou sous le contrôle des comptables » 566.
Ayant seuls l’exclusivité du maniement des fonds publics, les comptables publics sont soumis
à un régime de responsabilité lourd de conséquences. Ils sont personnellement responsables
sur leurs deniers propres, à raison de l’ensemble des obligations qui leur sont prescrites par le
RGCP dans le contrôle de la régularité des ordres des recettes et des dépenses, mais aussi les
opérations de patrimoine dont ils ont la charge. En l’absence de ces contrôles, leur
responsabilité est engagée et en la matière les comptables ne sont pas tenus aux obligations et
aux responsabilités de même degré. En matière de recettes, ils doivent s’assurer de la validité
de l’autorisation de percevoir la recette. Leur responsabilité principale est celle du
recouvrement et la responsabilité du comptable est engagée dès que les recettes n’ont pas été
recouvrées. Enfin ils doivent s’assurer de la régularité des réductions ou annulations opérées
sur les ordres de recettes. En matière de dépenses, les comptables ont l’obligation de contrôler
la validité de la créance qui porte sur la justification du service fait résultant de la certification
314
délivrée par l’ordonnateur et confirmée par le contrôleur budgétaire ainsi que des pièces
justificatives produites, de l’exactitude des calculs de liquidation, de l’intervention des
contrôles préalables prescrits, de l’existence du visa ou de l’avis préalable du contrôleur
budgétaire sur les engagements, dans la mesure où les règles propres à l’entité publique
concernée le prévoient, la production des pièces justificatives et l’application des règles de
prescription et de déchéance.
D’une manière générale, ils doivent concernant les dépenses, contrôler l’imputation budgétaire
et la disponibilité des crédits, l’habilitation des autorités administratives et le caractère
libératoire du paiement. En matière de patrimoine ils procèdent au contrôle de la conservation
des droits, privilèges et hypothèques ainsi que de la conservation des biens dont ils tiennent la
comptabilité matières. Cependant, les comptables publics surtout principaux ne sont pas
responsables seulement de leurs actes propres, ils peuvent l’être également pour ceux de leurs
subordonnés ou des personnes placées sous leur surveillance.
La mise en jeu de la responsabilité des comptables incombe au juge des comptes. La Cour
décide d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire d’un comptable public, elle
apprécie la régularité et la sincérité des opérations inscrites dans les comptes. Lorsqu’elle
constate des irrégularités mettant en cause la responsabilité du comptable, elle enjoint à ce
dernier d’apporter la preuve de leur rectification ou de produire des justifications
complémentaires. Les charges relevées contre le comptable sont portées à sa connaissance par
un arrêt provisoire. Cet arrêt peut comporter communication de pièces, à charge de
réintégration. Dans son arrêt, la Cour fixe également le reliquat en fin de gestion et fait
obligation au comptable d’en prendre charge au compte de la gestion suivante. Elle arrête,
lorsque le compte comprend de telles opérations, le montant des recettes et dépenses effectuées
durant la période complémentaire du dernier exercice en jugement et constate la conformité
des résultats présentés par compte du comptable et le compte de l’ordonnateur.
Le comptable dispose d’un délai de deux (2) mois, à compter de sa notification, pour répondre
aux injonctions prononcées par l’arrêt provisoire sous peine d’amende. Le comptable est tenu
de se libérer de sa dette avec les intérêts de droit au taux légal du Trésor ou à la caisse de la
collectivité locale ou de l’organisme intéressé, faute de quoi, il ne pourra obtenir décharge de
responsabilité ni quitus de sa gestion. Si le comptable a satisfait aux injonctions formulées par
l’arrêt provisoire ou produit toutes les pièces justificatives reconnues valables, la Cour lève les
charges qu’elle avait prononcées. Toutefois, en raison de l’obligation qui lui est faite de
reprendre, au compte de la gestion suivante, le reliquat, le comptable ne pourra être
définitivement déchargé de sa gestion que lorsque l’exacte reprise de ce reliquat aura été
constatée. Si les réponses produites par le comptable ne sont pas jugées satisfaisantes, la Cour
confirme par un arrêt définitif les charges qu’elle avait prononcées. La juridiction peut
toutefois, avant de se prononcer à titre définitif, rendre sur un même compte plusieurs arrêts
provisoires.
La Cour établit par ses arrêts définitifs, si les comptables sont quittes, en avance ou en débet.
Sour réserve du droit d’évocation de la Cour des comptes exercé par voie d’arrêt, le Trésorier-
Payeur général apure les comptes présentés par les comptables des collectivités et
315
établissements publics appartenant aux catégories définies par arrêté conjoint du ministre
chargé de la Justice et du ministre chargé du budget. Le droit d’évocation de la Cour s’exerce
à tout moment sur réquisitions du ministère public. L’exercice du droit d’évocation dessaisit le
Trésorier-Payeur général au profit du juge financier. Les comptables, dont les comptes sont
apurés par le Trésorier-Payeur général, doivent produire leurs comptes et pièces justificatives
dans les délais prévus par les lois et règlements. Dans les cas où ils n’auront pas satisfait à leurs
obligations, le Trésorier-Payeur général saisit le procureur général près la Cour des comptes
aux fins de requérir de la Cour, le prononcé des amendes.
Le Trésorier-Payeur général rend sur les comptes qui lui sont soumis des décisions
administratives établissant que le comptable est quitte, en avance ou en débet. En cas de
décision administrative de débet, le Trésorier-Payeur général en fixe le montant à titre
conservatoire et transmet dans un délai d’un mois, les dossiers à la Cour des comptes qui statue
par arrêt définitif. Les représentants légaux des collectivités locales et le ministre chargé du
budget peuvent demander à la Cour des comptes la réformation des décisions d’apurement
prises par le Trésorier-Payeur général dans un délai de soixante (60) jours à compter de la date
de notification.
Chaque année, le Trésorier-Payeur général fait parvenir à la Cour des comptes un état
récapitulatif de ses décisions administratives de débets, quitus et avances. Cet état est
accompagné d’un rapport dans lequel sont exposées les observations sur la gestion financière
des organismes dont les comptes ont été apurés. Le recours en réformation doit être adressé en
double exemplaire au procureur général auprès de la Cour des comptes par lettre recommandée,
avec accusé de réception. Le recours doit, sous peine de nullité, exposer les moyens présentés
par le demandeur à l’appui de sa requête. Il doit être accompagné de tous les documents
nécessaires pour établir le bien-fondé de la demande. Un exemplaire du dossier est adressé par
le procureur général au Trésorier-Payeur général pour répondre, dans un délai d’un mois, aux
moyens invoqués dans le recours. La Cour des comptes peut ordonner des mesures
d’instruction supplémentaires. Les comptes et les pièces justificatives produites à l’appui
desdits comptes doivent être conservés dans un délai de trente (30) ans à compter du jour où la
décision d’apurement est devenue définitive, passé ce délai, ils peuvent être détruits.
La LOLFEB entraine des évolutions importantes quant au rôle dévolu aux comptables publics.
A travers la nouvelle comptabilité qu’elle introduit, ces derniers ont vu leurs missions être
redéfinies de manière significative dans les opérations d’exécution du budget de l’Etat.
Ces opérations qui concernent aussi bien les recettes, les dépenses, que les opérations de
trésorerie et de financement doivent être retracées dans des comptabilités tenues tant par les
ordonnateurs que par les comptables qui, à ce titre, sont responsables de la tenue des comptes
de l’Etat dans leurs deux dimensions budgétaire et générale, dans le respect des principes et
règles de la profession comptable. Ils doivent en outre s’assurer de la sincérité des
316
enregistrements comptables ainsi que du respect des procédures. Cette mission expressément
définie à l’art 72 de la LOLFEB résulte du principe de sincérité qu’elle introduit.
Ce contrôle exercé par le comptable a été qualifié de « partenarial » 567 par Michel Bouvier.
Cette notion, qui signifie que : « Le contrôle du comptable repose désormais sur un dialogue
régulier avec l’ordonnateur ou le gestionnaire voire des audits conjoints » 568 favorise le
dialogue de gestion entre l’ordonnateur et le comptable. En effet, avec la loi organique, on
passe d’une conception cloisonnée des contrôles dans le cadre classique de la gestion publique
marquée par une stricte séparation entre les autorités chargée de l’exécution, à une conception
collaboratrice qui sous-tend un système interdépendant entre ces derniers, c'est-à-dire « Une
sorte de chaine à laquelle participe chaque institution de contrôle ce qui conduit à des
procédures et méthodes partenariales et de collaboration » 569.
Cette rupture est induite par l’informatisation de la chaine d’exécution des opérations, ainsi
que par les effets de la nouvelle comptabilité : « La première, l’informatisation de l’exécution
des opérations donne lieu à une chaine d’exécution intégrée dans laquelle prend place chaque
acteur participant à l’acte de gestion (RPROG, ordonnateur, comptable public et contrôleur
budgétaire) selon une logique de standardisation des tâches et des processus. Elle tend à
rendre obsolète les contrôles de régularité a priori qui se trouvent largement intégrés dans le
circuit automatisé de la chaine de la dépense. La seconde, la nouvelle comptabilité de l’Etat
n’est pas sans ajouter à cette dynamique de transformation. La pratique nouvelle des contrôles
partenariaux entre ordonnateurs et comptables n’est que la suite logique de l’introduction
d’une comptabilité en droits constatés et de l’importance dans ce cadre de la comptabilisation
des engagements. Cette dernière à son tour vient démontrer que l’exclusivité de la fonction
comptable n’existe plus dans un tel schéma » 570.
Dans l’objectif de maitrise des finances publiques, les missions du comptable public devront
être amenées à évoluer pour répondre à l’exigence du partage des fonctions d’ordonnateur et
317
de comptable public. La liberté des gestionnaires publics, l’exigence de la qualité comptable
ainsi que le développement des progiciels d’informations budgétaire et comptable a permis
l’apparition et l’amplification de nouveaux rapports entre les acteurs de la dépense. A cet effet,
le contrôle partenarial sera caractérisé par la mise en œuvre d’un audit des procédures dont les
modalités seront communément définies par l’ordonnateur, le gestionnaire et le comptable :
« Le comptable apprécie les risques, non plus sur pièces, mais sur place, après avoir évalué,
au travers d’une démarche d’audit, la fiabilité de l’ensemble des procédures mises en œuvre
dans la chaîne de la dépense concernée. Cette démarche (sera) décidée et réalisée en commun
par l’ordonnateur, le gestionnaire et le comptable » 571.
Cet audit, aura pour but de déterminer les risques inhérents à certaines dépenses et ainsi
permettre la modulation des procédures donnant lieu à la suppression de certains contrôles :
« Dès lors que l’audit ne révèle aucune défaillance importante, ou que des mesures ont été
prises en conséquence, le comptable public doit en tirer toutes les conclusions en abandonnant
les contrôles contemporains, en allégeant ses contrôles a posteriori et en les concentrant sur
le respect de la qualité des procédures observées lors de l’audit. Cette modulation qui peut
aller jusqu’à la suppression des vérifications en fonction de la qualité des contrôles internes
mis en place par l’ordonnateur doit en conséquence s’articuler avec la remise à plat de la
chaîne des procédures organisationnelles internes » 572. De ce fait, les missions du comptable
devront s’inscrire dans le cadre d’un allègement des contrôles, par exemple, avec la mise en
place d’un contrôle « hiérarchisé » de la dépense qui : « N’est plus un contrôle exhaustif
systématique mais un contrôle sélectif, qui intervient en fonction des risques liés à la nature de
la dépense et aux pratiques des ordonnateurs » 573. Précisément, il repose sur un contrôle
modulé par le comptable public en fonction des risques potentiels et des enjeux financiers :
« Le comptable public peut opérer les contrôles de manière hiérarchisée, en fonction des
caractéristiques des opérations relevant de la compétence des ordonnateurs et de son
appréciation des risques afférents à celles-ci. A cet effet, il adapte l'intensité, la périodicité et
le périmètre de ses contrôles en se conformant à un plan de contrôle établi » 574.
Le contrôle hiérarchisé s’opèrera suivant trois (3) axes, il pourra être modulé quant au moment
de son intervention, quant à son champ d’application et enfin quant à sa portée ou son intensité.
Ces trois (3) mécanismes de contrôle pourront se combiner, afin de : « Permettre aux
comptables d’utiliser toutes une palette de formules de contrôle allant du contrôle a priori,
exhaustif et renforcé à un contrôle par sondage a posteriori allégé en passant par diverses
formules intermédiaires » 575. Le contrôle sélectif, effectué par « sondage », passera par la
constitution d’échantillons de dépenses contrôlées définis « de manière totalement
571 COPIL des DAF, Evolutions de la fonction comptable de l’Etat et du rôle du comptable public, Note d’orientation,
novembre 2002, p. 10.
572 Ibid.
573 Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, Finances publiques, op. cit., p. 457.
574 Article 42 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique
575 Alain CAUMEIL, « Le contrôle hiérarchisé : un levier d’une gestion publique plus performante », Revue du Trésor, n° 2,
2004, p. 96.
318
aléatoire » 576 avec néanmoins la fixation d’un seuil afin de « faire porter les contrôles sur les
dépenses les plus importantes en montant » 577.
576 Jean BASSERES, « Le contrôle hiérarchisé de la dépense », RFFP, n° 89, 2005, p. 169.
577 Ibid.
578 Damien CATTEAU, La LOLF et la modernisation de la gestion publique. La performance, fondement d’un droit financier
319
CONCLUSION
La loi organique met à la disposition des gestionnaires publics un ensemble d’outils leur
permettant de moduler l’autorisation budgétaire. Néanmoins, ces instruments tenant aux
facilités de gestion pour les managers publics ne doivent pas être utilisés de manière abusive
par ces derniers. Tel semble pourtant être le cas au regard des analyses des IFI sur le système
financier gabonais qui révèlent que ce dernier est encore perfectible et qui recommandent aux
autorités de rapidement poursuivre les réformes engagées en vue de concrétiser leurs objectifs
de développement
320
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
Je souhaite conclure cette seconde partie, en démontrant que la mise à plat du système de la
BOP est une chance pour les acteurs de la réforme budgétaire gabonaise de développer un
système qui corresponde à ses réalités. Elle est une chance pour ces derniers, de pousser la
réflexion sur un système de budgétisation adapté aux objectifs de gestion de l’Etat. Mais bien
plus, la mise à plat de la BOP doit faire place à un véritable débat c’est-à-dire que le
gouvernement doit associer tous les acteurs concernés par la réforme budgétaire, à savoir le
Parlement, la société civile, les intellectuels et les universitaires qui pourront être force de
propositions.
321
CONCLUSION GENERALE
L’adoption de la LOLFEB a semblé marquer la volonté de l’Etat de rompre avec les pratiques
d’antan et de se tourner résolument vers l’efficacité et la transparence de la gestion publique
en responsabilisant notamment les ministres désormais ordonnateurs dans la gestion des
politiques publiques.
Le système de budgétisation axé sur les résultats, quand il est mis en œuvre de manière
méthodique, réfléchie et à grand renforts d’expérimentation, participe à la transparence de la
gestion des deniers publics et à la responsabilité des gestionnaires publics.
Toutefois, au regard de ces enjeux, nous nous demandons s’il est adapté au système politique
et administratif gabonais au regard des lacunes du système financier que les autorités peinent
à résorber malgré la multitude de réformes engagées pour assainir les finances publiques
étatiques.
Sans revenir sur nos propos préalables quant à notre réflexion sur la nécessité de repenser les
systèmes politique et administratif, la mise à plat de la BOP au Gabon doit être l’occasion pour
l’Etat de mûrir sa réflexion et sa méthodologie dans la conduite de cette réforme qui appelle à
de profonds changements dans la « manière de faire » du gouvernement, qui parfois, prend des
décisions et applique des dispositifs sans étude préalable approfondie de leur impact sur le
système financier. Ce fut par exemple le cas de l’institution de la prime d’incitation à la
performance (PIP) qui a contribué à la hausse relative de la masse salariale. Cette dernière, sans
un encadrement juridique précis, a fini par créer des tensions sociales qui ont débouché sur sa
suppression au bénéfice d’un nouveau système de rémunération des agents publics.
Le Gabon, fort d’une mise en œuvre optimale de la budgétisation axée sur les résultats, devrait
répondre davantage aux besoins les plus fondamentaux de la population et faire son entrée dans
le cortège des Etats africains à la pointe de la modernisation de la gestion publique qui
imposerait une gestion plus transparente, plus rigoureuse et plus rationnelle des fonds publics
et favoriserait enfin son développement et pourquoi pas l’émergence d’un véritable état de
droit.
Dans ce cas, la mise à plat de la BOP est l’opportunité pour les autorités de pousser leur
réflexion quant au système de budgétisation idoine dans le cadre de la LOLFEB, d’en affiner
les spécificités mais surtout de construire un système performant.
L’adoption du projet de LF pour 2019 révélait une nouvelle fois des lacunes dans son
élaboration par le gouvernement. Elles justifient l’urgence pour les autorités à poursuivre le
processus des réformes. En effet, la présidente du Sénat avait interpellé le premier ministre au
regard des nombreuses anomalies entourant l’élaboration de la LFI, anomalies exposées et
dénoncées par un sénateur de l’opposition : « Lorsqu’on vous donne de gérer des hommes, ce
322
n’est pas un droit à leur maltraitance qu’on vous donne. Pour cette année, la question que
nous posons à l’endroit des ministres financiers, est de savoir comment ont-ils confectionné ce
budget ? Y-a-t-il eu conférence budgétaire ?». Selon lui, les ministres, passés au Sénat défendre
leurs budgets, ont assuré qu’ils ne savaient pas comment ces budgets leur sont alloués.
Dans le domaine de la santé, il dénonçait le fait que 100 milliards de francs CFA étaient alloués
aux personnes âgées alors que leur impact n’était pas ressenti : « L’hôpital de Moanda était la
préoccupation d’un vénérable sénateur. Depuis 9 ans, on attend son achèvement. A quand son
ouverture ? », questionnait-il.
A en croire le sénateur du Centre des libéraux réformateurs (CLR), depuis 3 ans, les crédits
étaient alloués et inscrits : « mais jamais exécutés. Seul 30% maximum du budget est exécuté.
Où est alors le résultat de ces budgets non-exécutés ? Soit 80% des fonds. Là, j’insiste
messieurs les ministres financiers, le reste de ces budgets non exécutés pour le développement
du pays, où va-t-il ?». Aussi, continuait-il, le Gabon ne paie plus ses cotisations internationales,
conséquence, les ambassadeurs rappelés ne peuvent pas regagner le pays faute de moyen pour
le rapatriement : « Sommes-nous tombés si bas ? Mme le président, pendant que nous
cherchons 50 ou 100 millions pour rapatrier nos ambassadeurs, un fonctionnaire dans son
bureau soustrait les mêmes frais à son poste. Nous sommes ici capables de le dire. Les
incohérences budgétaires sont visibles dans tous les départements ministériels. Des comptes
parallèles sont ouverts dans l’illégalité afin de mieux capter les ressources générées au profit
des individus mais pas de l’Etat ».
Il dénonçait aussi le fait que les entreprises gabonaises, qui n’étaient toujours pas payées,
tenaient le gouvernement : « responsable de leur clochardisation ». D’où sa question : « A vous
messieurs les ministres financiers et vos fonctionnaires : quelles entreprises payez-vous ? ».
323
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aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et
les départements.
Circulaire du 16 juin 2004 relatif à l’application du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif
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principes et les modalités prévus pour la préparation des BOP 2007, Annexe 3, p. 7.
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Décision n°25/CC du 31 décembre 2004, Hebdo informations, n°500, 26 mars-9 avril 2005,
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Décret n° 25/PR/MBCPFP du 16 janvier 2013 portant création et organisation d’une direction
centrale des ressources humaines.
Décret n°0091 du 16 janvier 1976 fixant les attributions et les pouvoirs des gouverneurs,
préfets, sous-préfets, chefs de cantons et chefs de villages.
Décret n°0094 du 8 février 2016 portant règlement général sur la comptabilité publique.
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Directive n° 01/11-UEAC-190-CM-22 relative aux Lois de Finances du 19 décembre 2011.
Loi n° 20/2005 du 3 janvier 2006 fixant les règles de création, d’organisation et de gestion des
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Loi n° 4/85 du 27 juin 85 relative aux lois de finances fixant le cadre général du budget.
Loi n° 5/85 du 27/juin 85 portant règlement général sur la comptabilité publique fixant les
modalités d’exécution du budget.
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Loi n°26/59 du 22 juin 1959 portant création des collectivités rurales et déterminant les règles
de leur fonctionnement.
Loi Organique n°020/2014 du 21 mai 2015 relative aux Lois de Finances et à l’Exécution du
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Loi organique n°31/2010 du 27 octobre 2010 relative aux Lois de Finances et à l’Exécution du
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Adaptation des structures – gestion des ressources humaines : directions générales concernées,
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CIAP, Guide d’audit initial des programmes, version actualisée du 18 décembre 2003.
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COPIL des DAF, Evolutions de la fonction comptable de l’Etat et du rôle du comptable public,
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« indicateurs de résultats » du groupe de travail « amélioration de la gestion publique » de la
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DIRE, Les indicateurs de résultats dans les documents budgétaires, Synthèse du sous-groupe «
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Secrétariat PEFA, Consultation sur le projet de mise à jour des indicateurs PEFA, 2014.
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Volet gouvernance, l’équipe projet BOP appuyée par IDRH.
Volet performance, élaboration puis mise en œuvre des PAP : équipe projet BOP accompagnée
par le cabinet de conseil IDRH.
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http://www.infosplusgabon.com
www.gabonmediatime.com
http://gaboneco.com
http://gabonreview.com/
https://www.mays-mouissi.com/
http://www.ccomptes.ga/index.php
http://aisccuf.org
http://www.intosai.org/fr/sur-lintosai.html
https://afrosai.org/
http://www.dgbfip.budget.gouv.ga/#
http://www.budget.gouv.ga/
http://www.budget.gouv.ga/5-grands-dossiers/239-bop/
http://www.sgg.gouv.ga/3-actualites/375-quelques-notions-relatives-a-la-
budgetisation-par-objectif-de-programme-bop-/
http://www.tresorpublic.ga
http://www.cnac-gabon.com/
https://www.cemac.int/
http://www.economie.gouv.ga
http://www.tresorpublic.ga/
www.transparency.org/cpi
Encadré 6 : VIIème forum africain sur la gouvernance (FAG-VII), Renforcer les capacités de
l’Etat, Rapport pays du Gabon, PNUD
347
Encadré 9 : Exemples des exigences fondamentales énoncés par le code de bonnes pratiques
en matière de transparence des finances publiques du FMI
Encadré 11 : Exemple de sujets traités dans le questionnaire sur la transparence des finances
publiques
Encadré 12 : Par quels moyens le FMI encourage-t-il la transparence des finances publiques ?
348
VIII. TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................... 3
PRINCIPALES ABREVIATIONS ................................................................................................................... 5
RESUME................................................................................................................................................... 8
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................... 11
I. Propos liminaires................................................................................................... 12
II. Le Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE) ....................................................... 17
III. Intérêt juridique et modalité de notre étude ....................................................... 22
IV. Précisions terminologiques de la BOP .................................................................. 24
V. Sources de données et difficultés de recherche ................................................... 30
VI. Présentation du plan ............................................................................................ 35
PREMIERE PARTIE : LA REFORME DU CADRE BUDGETAIRE .................................................................. 36
Chapitre 1. Les faiblesses du système de gestion des finances publiques gabonaises. .............. 36
Section 1. L’application en demi-teinte de la loi n° 4/85 relative aux lois de finances ............. 36
Sous-section 1. Les défaillances dans la mise en œuvre du processus budgétaire ............... 36
A. Les limites à la préparation et à la présentation du budget de l’Etat ........................... 37
1. L’insuffisante coopération des ministères financiers au moment de la préparation
budgétaire ......................................................................................................................... 37
2. L’éclatement et le manque d’exhaustivité du budget de l’Etat ................................ 41
B. L’inefficacité du processus d’adoption du budget de l’Etat.......................................... 42
1. L’insuffisance des moyens : source de l’inefficacité de l’adoption des lois de
finances par le Parlement ................................................................................................. 42
2. La Cour Constitutionnelle garante du respect des principes financiers
constitutionnels ................................................................................................................ 46
Sous-section 2. Une décentralisation décisionnelle et financière lacunaire ......................... 47
A. L’emprise de l’Etat sur le processus décisionnel en matière de finances locales ......... 47
1. La dénaturation de la tutelle de l’Etat : frein à la décentralisation et à l’autonomie
décisionnelle locale ........................................................................................................... 48
2. La dénaturation de la tutelle de l’Etat : frein à l’exécution des actes budgétaires des
collectivités locales ........................................................................................................... 52
B. L’absence de transferts de moyens financiers suffisants aux collectivités locales ....... 54
1. La limitation par la loi de l’autonomie financière des collectivités locales .............. 54
2. L’insuffisante autonomie financière réelle des collectivités locales ......................... 57
Section 2. La mise en œuvre sous contrainte de la réforme budgétaire .................................. 63
Sous-section 1. L’influence des directives financières de la CEMAC ..................................... 63
349
A. L’insuffisante intégration communautaire de la CEMAC .............................................. 63
1. La difficile construction de la CEMAC ....................................................................... 64
2. La marginalisation des citoyens des Etats membres de la CEMAC à la construction
communautaire................................................................................................................. 74
B. L’uniformisation nécessaire des systèmes financiers des Etats membres de la CEMAC
80
1. L’adoption des directives d’harmonisation des systèmes nationaux de gestion des
finances publiques ............................................................................................................ 80
2. Les directives d’harmonisation des systèmes nationaux de gestion des finances
publiques : outils incitatifs à la réforme et à la discipline budgétaire .............................. 84
Sous-section 2. La mise en œuvre complexe de la réforme budgétaire gabonaise .............. 88
A. Des changements précipités des orientations au cours du processus de la réforme
budgétaire ............................................................................................................................. 89
1. Le ministère du budget : pilote de la réforme budgétaire........................................ 89
2. L’instabilité du calendrier de l’entrée en vigueur de la LOLFEB ............................... 94
B. L’instauration de la pluri-annualité budgétaire dans la gestion publique .................... 99
1. Les nouveaux outils de programmation budgétaire : le CBMT et le CDMT .............. 99
2. La pluri-annualité budgétaire : réponse adéquate à l’articulation entre budget de
l’Etat et politiques publiques .......................................................................................... 102
Chapitre 2. L’exigence nouvelle de performance du système de gestion des finances publiques
gabonaises. 105
Section 1. Le nouveau cadre budgétaire et la culture de performance. ................................. 105
Sous-section 1. La budgétisation par programmes orientée par les résultats .................... 105
A. La nouvelle nomenclature budgétaire suivant l’axe par destination des crédits
budgétaires ......................................................................................................................... 106
1. La déclinaison des crédits budgétaires en mission-programme-action ................. 106
2. Le maintien de la présentation par nature des crédits budgétaires ....................... 115
B. La mise en œuvre de la démarche de performance dans le nouveau système
budgétaire ........................................................................................................................... 117
1. La définition des outils de mesure de la performance : autour des objectifs et des
indicateurs....................................................................................................................... 117
2. La déclinaison matérielle de la performance : la laborieuse élaboration des projets
annuels de performance ................................................................................................. 123
Sous-section 2. Les « zones d’ombres » de la déclinaison des programmes au niveau
territorial 127
A. La nécessité de clarifier le régime de la déconcentration des budgets opérationnels de
programmes ........................................................................................................................ 127
350
1. Le statut juridique flou des responsables des BOP déconcentrés .......................... 127
2. Les risques d’inertie des services déconcentrés dans la gestion des BOP .............. 130
B. L’urgence d’une véritable politique de déconcentration dans le cadre de la déclinaison
des programmes. ................................................................................................................ 133
1. L’institution du gouverneur de province en qualité de coordonnateur des BOP avec
les stratégies nationales.................................................................................................. 133
2. L’institution du gouverneur de province en qualité de responsable de BOP ......... 135
Section 2. La modernisation de la gestion publique par la performance ................................ 137
Sous-section 1. La mise en œuvre de la gestion opérationnelle des programmes ............. 137
A. La rationalisation du rôle des acteurs de l’exécution du budget ................................ 137
1. La nouvelle chaine managériale autour des décideurs publics : le ministre, le
secrétaire général et le responsable de programme ...................................................... 138
2. La nouvelle chaine managériale autour des gestionnaires de terrain : le responsable
de programme, le responsable de BOP et le responsable d’UO .................................... 144
B. Le dialogue de gestion au cœur de la gestion opérationnelle des programmes ........ 146
1. Le pilotage coordonné de l’élaboration et de l’exécution des budgets opérationnels
programmes par le dialogue de gestion ......................................................................... 147
2. L’imprécision de la responsabilité managériale des gestionnaires publics ............ 148
3. La responsabilité politique du ministre devant le Parlement, une responsabilité
limitée ............................................................................................................................. 151
4. L’instauration de la responsabilité financière des décideurs publics ..................... 154
Sous-section 2. Les agences nationales gabonaises : nouvel instrument de la gestion
publique 157
A. Le système de l’agence : pour une séparation des fonctions conceptuelles et
opérationnelles des politiques publiques ........................................................................... 157
1. Le système d’agences dans le remodelage organisationnel et fonctionnel du
paysage administratif gabonais ...................................................................................... 158
2. La performance de l’action publique par la contractualisation Agences-Etat ........ 162
B. L’indispensable définition des critères de création des agences publiques ............... 166
1. L’absence de cohérence et de stratégie dans la création des agences publiques . 166
2. La nécessité de définir un cadre juridique de création des agences gabonaises ... 168
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ............................................................................................... 173
SECONDE PARTIE : LA REFORME DE LA GOUVERNANCE FINANCIERE ................................................ 174
Chapitre 1. La rénovation des pouvoirs budgétaires du Parlement .......................................... 174
Section 1. L’enrichissement de l’information parlementaire en matière budgétaire ............. 174
Sous-section 1. Un enrichissement conséquent au moment de la préparation du budget 174
351
A. L’institutionnalisation du Débat d’Orientation Budgétaire (DOB) .............................. 175
1. Le DOB et le renforcement du contrôle démocratique des lois de finances .......... 175
2. La double limite du DOB quant à sa portée et son contenu ................................... 176
B. La consécration des principes de sincérité et de transparence budgétaire ............... 178
1. La consécration du principe de sincérité budgétaire .............................................. 178
2. La consécration du principe de transparence budgétaire ...................................... 180
Sous-section 2. Un enrichissement valorisant au moment de l’adoption du budget ......... 182
A. Le renforcement de la portée de l’autorisation budgétaire ....................................... 182
1. La présentation des crédits en Autorisation d’Engagement (AE)/Crédits de
Paiement (CP).................................................................................................................. 183
2. La justification au premier Franc CFA ..................................................................... 186
B. La rénovation du droit d’amendement sous la LOLFEB .............................................. 188
1. L’extension du droit d’amendement au regard de la nomenclature budgétaire ... 188
2. Le droit d’amendement face aux défis de la persistance des dérives procédurales
190
Section 2. L’élargissement des pouvoirs de contrôle des parlementaires .............................. 194
Sous-section 1. Le contrôle parlementaire de l’exécution des lois de finances .................. 195
A. Le renforcement des fonctions des organes de contrôle des assemblées
parlementaires .................................................................................................................... 195
1. L’élargissement du pouvoir de contrôle des commissions des finances ................ 195
2. Les entraves à l’efficacité du contrôle informatif par les commissions des finances
197
B. La réhabilitation théorique de la loi de règlement mais incertaine en pratique ........ 198
1. L’instauration du chainage vertueux entre la loi de finances et la loi de règlement
199
2. La nécessité de rendre effectif et permanent le contrôle parlementaire .............. 201
Sous-section 2. Le contrôle de la performance par Parlement ........................................... 205
A. La dualité du contrôle de la performance des parlementaires .................................. 205
1. Le contrôle parlementaire tourné vers le contrôle de résultats ............................. 205
2. L’évaluation des politiques publiques : chainon manquant du contrôle de la
performance par le Parlement gabonais ........................................................................ 210
B. L’intensification des relations entre la Cour des comptes et le Parlement en matière
financière ............................................................................................................................ 213
1. L’évolution de la mission d’assistance de la Cour des comptes : la certification des
comptes........................................................................................................................... 213
352
2. La Cour des comptes comme organe indépendant de l’évaluation des politiques
publiques ......................................................................................................................... 215
Chapitre 2. La rénovation des procédures budgétaire et comptable et l’évolution des processus
de contrôles 218
Section 1. Les mutations de l’organisation de la gestion budgétaire et comptable de l’État.
218
Sous-section 1. Le nouveau cadre de l’exécution du budget de l’Etat ................................ 218
A. De la concentration de l’ordonnancement de la dépense aux mains du ministre des
finances…. ........................................................................................................................... 218
1. Les limites du système de l’ordonnateur unique et les défaillances de la procédure
d’exécution du budget .................................................................................................... 219
2. La crise économique et financière conséquence d’une gestion inefficace des deniers
publics et de la dette publique ....................................................................................... 228
3. L’aide publique au développement comme catalyseur à l’objectif de bonne
gouvernance des finances publiques gabonaises ........................................................... 235
B. .… A la déconcentration de l’ordonnancement de la dépense au profit des ministres
sectoriels ............................................................................................................................. 252
1. Le nouveau système d’exécution de la dépense publique : la mise à disposition des
crédits en autorisation d’engagement et crédit de paiement ........................................ 252
2. Le rôle renforcé du ministre du budget dans la préservation de l’équilibre
budgétaire ....................................................................................................................... 258
3. Les outils du pilotage de l’autorisation budgétaire ................................................ 260
Sous-section 2. L’adoption d’un nouveau dispositif d’information budgétaire et comptable
conforme aux instruments de la nouvelle gestion publique. ................................................. 267
A. Les nouveaux instruments comptables au service d’une gestion performante ......... 267
1. Les impératifs de la modernisation du système comptable gabonais .................... 267
2. L’adoption d’une quadruple comptabilité : pour une meilleure transparence de la
situation financière et comptable de l’Etat .................................................................... 269
B. L’informatisation de la gestion budgétaire et comptable .......................................... 275
1. Le développement des systèmes d’informations et progiciels : pour une
sécurisation du circuit de la dépense.............................................................................. 276
2. Les défaillances continuelles du système de gestion des finances publiques
gabonaises ...................................................................................................................... 279
3. Le poids de l’aide publique au développement sur le système financier gabonais 282
Section 2. La modernisation des contrôles administratif et comptable de la dépense publique.
290
Sous-section 1. La transformation des structures du contrôle financier et comptable ...... 291
A. La scission organique du ministère des finances ........................................................ 291
353
1. La séparation des prérogatives économiques et budgétaires du ministre des
finances ........................................................................................................................... 291
2. La coordination des ministres de l’économie et du budget dans la préparation des
lois de finances ................................................................................................................ 293
B. La restructuration des organes de l’administration financière .................................. 296
1. La réorganisation des directions générales du ministère du budget en charge de la
gestion financière............................................................................................................ 296
2. Le remodelage du Trésor public en charge de la gestion comptable ..................... 301
Sous-section 2. Les mutations des contrôles financiers et comptables .............................. 303
A. L’institution du contrôleur budgétaire : pour un allègement et une rationalisation du
contrôle financier ................................................................................................................ 303
1. Le contrôle budgétaire dans la transformation du contrôle administratif de la
gestion des programmes................................................................................................. 304
2. Pour une harmonisation du contrôle interne public : l’adoption d’un référentiel de
normes commun en matière budgétaire et comptable ................................................. 306
B. L’évolution du rôle du comptable au regard des nouvelles règles de la comptabilité
publique .............................................................................................................................. 311
1. Du contrôle classique de régularité des opérations d’exécution budgétaire… ...... 312
2. …A une conception collaboratrice du contrôle comptable de l’exécution budgétaire
316
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ................................................................................................ 321
CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................................... 322
VII. BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 324
VIII. TABLE DES MATIERES ........................................................................................ 349
354