Cours - Raisonner Rediger
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RAISONNER, RÉDIGER
Cette annexe, qui plane à mes yeux comme une ombre au-dessus de tous les chapitres au programme, a deux objectifs :
— vous apprendre ou vous rappeler les raisonnements de base utilisés en mathématiques,
— vous convaincre qu’il est essentiel de savoir rédiger — pour faire joli, mais surtout pour bien penser.
• Théorèmes : On appelle théorème toute proposition d’une théorie que l’on a pu démontrer à partir de ses axiomes.
Une théorie n’est finalement qu’un empilement ordonné d’axiomes, de démonstrations et de théorèmes. Trois autres
mots sont couramment utilisés pour désigner certaines formes de théorèmes :
— Lemmes : On appelle lemme tout théorème préparatoire à la démonstration d’un « plus gros »
théorème. La démonstration d’un gros théorème peut ainsi se trouver saucissonnée en morceaux
plus petits.
— Corollaires : On appelle corollaire tout théorème qui est une conséquence presque immédiate d’un
« plus gros » théorème.
— Caractérisations : On appelle caractérisation tout théorème sur une notion qui donne une condition
équivalente à la définition de cette notion. Une caractérisation est donc au fond ce qu’on pourrait
appeler une « redéfinition ». Exemple bien connu :
Voilà pour la définition. Le théorème suivant redéfinit la notion de croissance dans le cas des fonctions DÉRIVABLES.
Théorème (Caractérisation des fonctions dérivables croissantes) Soient I un intervalle et f : I −→ R une fonction
′
DÉRIVABLE . Alors f est croissante sur I si et seulement si f est positive ou nulle sur I .
1
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
La première règle de rédaction, c’est que TOUT OBJET DONT ON PARLE DOIT ÊTRE INTRODUIT. En français, si vous dites :
« Elle les lui a donnés hier » sans avoir précisé auparavant qui sont « elle », « les » et « lui », personne ne vous comprendra. En
maths c’est pareil, vous devez présenter tout ce dont vous parlez. Un calcul de dérivée par exemple ne doit jamais ressembler
à « f ′ (x) = . . . », mais se présenter proprement ainsi, avec un x parfaitement introduit :
On introduit souvent des variables en mathématiques parce qu’on a souvent à prouver des propositions « ∀x ∈ E, P (x) ».
L’essentiel dans cet encadré et les suivants, c’est la distinction RÉFLÉCHIR/NE PAS RÉFLÉCHIR. Les modèles de rédaction
proposés doivent devenir des réflexes. Vous ne pourrez pas vous en sortir en maths tant que cela ne sera pas le cas.
x 1
Exemple ∀x ∈ R, ¶ .
x2 + 1 2
x 1
En effet Soit x ∈ R. Montrons que : ¶ . Or : (x − 1)2 ¾ 0, donc : x 2 + 1 ¾ 2x, et enfin :
x2 +1 2
x 1
¶ .
x2 + 1 2
Admettons qu’on soit amené dans une preuve à répéter de nombreuses fois une quantité un peu compliquée, disons
en0 + 1
q , où n0 est un nombre qui a déjà été introduit proprement. Il est naturel alors de vouloir résumer cette expression
n20 + 1
en0 + 1
par un petit nom plus simple, disons K. Au lieu d’écrire q partout, on écrira simplement K, c’est plus court.
n20 + 1
en0 + 1
Pour donner le nom K à la quantité q , on écrit :
n20 + 1
en0 + 1 en0 + 1
« Posons : K=q .» ou bien : « Notons K le réel q .»
n20 + 1 n20 + 1
Cette rédaction du « Posons/notons » est employée souvent pour montrer une proposition existentielle « ∃ x ∈ E/ P (x) ».
2
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
La difficulté, bien sûr, ne consiste souvent pas à vérifier que x a la propriété P , mais à avoir l’idée d’un exemple de tel
objet x. Il n’existe hélas pas de règle générale pour avoir des idées. Nous y reviendrons tout de même un peu plus loin dans
le paragraphe sur l’analyse-synthèse.
On rappelle que les propositions « p ou q » et « (non p) =⇒ q » sont équivalentes. En d’autres termes, dire que de deux
propositions l’une est vraie, c’est dire que si on suppose fausse l’une fixée des deux, alors c’est l’autre qui est vraie.
« Supposons p fausse.
Montrons que q est vraie. »
..
. Preuve de q.
¦ ©
Exemple ∀x ∈ R, max x 2 , (x − 2)2 ¾ 1.
En effet Soit x ∈ R. Il s’agit de montrer que : x 2 ¾ 1 ou (x − 2)2 ¾ 1. Supposons à cette fin que :
x 2 < 1 et montrons qu’alors : (x −2)2 ¾ 1. Or dire que : x 2 < 1, c’est dire que : −1 < x < 1, donc
aussitôt : −3 < x − 2 < −1, et comme la fonction carrée est décroissante sur R− : (x − 2)2 ¾ (−1)2 = 1.
« Supposons p vraie.
Montrons que q est vraie. »
..
. Preuve de q.
y = x − x2
¦©
Exemple ∀x ∈ [0, 1], x − x2 ∈ N =⇒ x ∈ 0, 1 .
1
¦ ©
En effet Soit x ∈ [0, 1]. On suppose que : 2
x − x ∈ N. Montrons qu’alors : x ∈ 0, 1 . 2
1 1
Nous connaissons bien les fonctions polynomiales du second degré. Ici, clairement : 0 ¶ x − x2 ¶ , où
4 4
1
est la valeur du maximum atteint au milieu des racines 0 et 1 en . Or : x − x2 ∈ N par hypothèse, donc
2
2
forcément : x − x = 0, i.e. : x=0 ou x = 1.
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
$ ATTENTION ! $ N’utilisez pas la flèche d’implication « =⇒ » pour dire « donc », ce n’est pas là son sens.
Quand on fait un raisonnement du type : « p est vraie donc q est vraie », ce n’est « p =⇒ q » qu’on est en train d’affirmer,
mais un enchevêtrement plus complexe de propositions :
Bref, dans « p est vraie donc q est vraie », on rappelle d’abord que p est vraie, ensuite on sous-entend que « p =⇒ q », enfin
on en déduit que q est vraie, et c’était au fond la vérité de q qui nous intéressait dès le départ. Dans « p =⇒ q » au contraire,
ni la vérité de p ni la vérité de q n’est affirmée. La flèche « =⇒ » et la préposition « donc » ont ainsi bel et bien des usages
différents.
Exemple Il est faux que : ∀x, y ∈ R, x<y =⇒ sin x ¶ sin y. Bref, la fonction sinus n’est pas croissante.
En effet Nous devons montrer que : ∃ x, y ∈ R/ x< y et sin x > sin y. Après réflexion, posons :
π
x= et y = π. Alors en effet : x<y et sin x = 1 > 0 = sin y.
2
« • Supposons p vraie.
Montrons que q est vraie.
..
. Preuve de q.
Exemple ∀x, y ∈ R, x2 + y2 = 0 ⇐⇒ x = y = 0.
En effet Soient x, y ∈ R. Si x = y = 0, il est bien évident que : x 2 + y 2 = 0.
Réciproquement, si : x 2 + y 2 = 0, alors : x2 = − y2 ,
|{z} donc : x2 = − y2 = 0 et enfin : x = y = 0.
|{z}
¾0 ¶0
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Quand on veut montrer qu’un ensemble E contient AU PLUS UN élément vérifiant une
propriété P , on peut procéder ainsi : | {z }
C’est cela l’unicité.
′
« Soient x, x ∈ E.
Faisons l’hypothèse que P (x) et P (x ′ ).
Montrons que x = x ′ . »
..
. Preuve que x = x ′ .
$ ATTENTION ! $
• Montrer l’unicité d’un objet dans un ensemble E vérifiant une propriété P , ce n’est pas montrer la proposition :
∃ ! x ∈ E/ P (x), car cette proposition n’affirme pas seulement l’unicité de x mais aussi son EXISTENCE à travers
le symbole « ∃ ». « Au plus un » ne signifie pas « exactement un ».
• Il n’est pas nécessaire de raisonner par l’absurde en supposant x et x ′ différents. On prend deux objets x et x ′ qui ont
la même propriété. Si on arrive à montrer qu’alors ils sont FORCÉMENT égaux, cela montre bien l’unicité souhaitée.
Exemple ∃ ! x ∈ R+ / x 2 = 1.
En effet
• Existence : Posons : x = 1. Comme voulu : x ∈ R+ et x 2 = 1.
• Unicité : Soient x, x ′ ∈ R+ . On suppose que : x 2 = x ′2 = 1. Montrons que x = x ′ . Or puisque :
x 2 = x ′2 , c’est que : x = x ′ ou x = −x ′ . Or si on avait : |{z} −x ′ , x et x ′ seraient
x = |{z}
¾0 ¶0
nuls, ce qui contredirait l’égalité : x 2 = x ′2 = 1. Forcément : x = x ′.
« Soit x ∈ E.
Montrons que x ∈ F . »
..
. Preuve que x ∈ F .
¦ ©
Exemple x ∈ R/ ∃ y ∈ R+ / x¾y ⊂ R+ .
∃
z }| {
En effet Soit x ∈ R. On suppose que x ¾ y pour un certain y ∈ R+ . Montrons que x ∈ R+ . Or : y¾0
par hypothèse et : x ¾ y, donc en effet : x ¾ 0.
¦ ©
Exemple On note 2N l’ensemble des entiers naturels pairs et on pose E = k(k + 1) . Alors : E ⊂ 2N.
k∈N
En français, cela revient à dire que tout entier de la forme k(k + 1) avec k ∈ N est pair.
En effet Soit n ∈ E, disons n = k(k + 1) pour un certain k ∈ N. Montrons que : n ∈ 2N. Or k est pair ou
impair, et si k est impair alors k + 1 est pair. De toute façon, donc, k ou k + 1 est pair. Par produit, n = k(k + 1)
l’est aussi, donc en effet : n ∈ 2N.
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
« • Soit x ∈ E.
Montrons que x ∈ F .
..
. Preuve que x ∈ F .
• Réciproquement, soit x ∈ F .
Montrons que x ∈ E. »
..
. Preuve que x ∈ E.
¦ ©
Exemple R− = x ∈ R/ ∀ y ∈ R+ , x¶y .
En effet
¦ ©
• Montrons que R− ⊂ x ∈ R/ ∀ y ∈ R+ , x¶y .
Soit x ∈ R− . Nous devons montrer que : ∀ y ∈ R+ , x ¶ y, mais c’est évident par hypothèse sur x.
¦ ©
• Montrons que x ∈ R/ ∀ y ∈ R+ , x ¶ y ⊂ R− .
Soit x ∈ R tel que : ∀ y ∈ R+ , x ¶ y. Alors en particulier, pour y = 0 : x ¶ 0, i.e. x ∈ R− .
[ \
Exemple Soient E un ensemble et Ai i∈I
un ensemble de parties de E. Alors : Ai = Ai .
i∈I i∈I
[ [
En effet Pour tout x ∈ E : x∈ Ai ⇐⇒ non x∈ Ai ⇐⇒ non ∃ i ∈ I / x ∈ Ai
i∈I i∈I \
⇐⇒ ∀i ∈ I , non (x ∈ Ai ) ⇐⇒ ∀i ∈ I , x ∈ Ai ⇐⇒ x∈ Ai .
i∈I
• Hérédité : Soit n ∈ N.
Supposons Pn vraie.
Montrons que Pn+1 est vraie. »
..
. Preuve que Pn+1 est vraie.
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
• Une erreur moins grave à présent, mais c’est une incorrection quand même : « Supposons Pn vraie POUR UN CERTAIN
n ∈ N ». On voit souvent cela. Où est le problème ? La proposition « Pn est vraie pour un certain n ∈ N » s’écrit
formellement : ∃ n ∈ N/ Pn , alors que l’hérédité repose sur le principe suivant : ∀n ∈ N, Pn =⇒ Pn+1
— rien à voir. La locution « pour un certain. . . » cache toujours la présence d’un quantificateur « ∃ ».
Exemple Par définition, un entier n ∈ Z est pair s’il existe k ∈ Z tel que : n = 2k et impair s’il existe k ∈ Z tel que :
n = 2k + 1. « Nous savons bien » que tout entier est pair ou impair — mais encore faut-il le montrer !
En effet Naturellement, le « ou » est ici inclusif. Nous verrons plus loin comment le rendre exclusif.
• Initialisation : L’entier 0 est pair car : 0 = 2 × 0.
Hérédité : Soit n ∈ N. On suppose n pair ou impair. Il s’agit de montrer que n + 1 est lui aussi pair ou
impair. Deux cas se présentent :
— si n est pair, disons n = 2k avec k ∈ Z, alors : n + 1 = 2k + 1 donc n + 1 est impair,
— si n est impair, disons n = 2k + 1 avec k ∈ Z, alors : n + 1 = 2 (k + 1) donc n + 1 est pair.
| {z }
∈Z
Dans les deux cas, n + 1 est pair ou impair. Fin de la récurrence.
• Hélas nous avons seulement montré que tout entier NATUREL est pair ou impair. Qu’en est-il des entiers
négatifs ? Soit n un tel entier. Alors −n est un entier naturel, donc −n est pair ou impair :
∈Z
z}|{
— si −n est pair, disons −n = 2k avec k ∈ Z, alors n = 2 (−k) est pair,
— si −n est impair, disons −n = 2k + 1 avec k ∈ Z, alors n = −2k − 1 = 2 (−k − 1) +1 est impair.
| {z }
∈Z
Dans les deux cas, n est pair ou impair.
Il arrive parfois qu’on ne sache pas déduire Pn+1 de Pn , mais seulement Pn+2 de Pn ET Pn+1 . Le principe du raisonnement
par récurrence prend dans ce cas la forme suivante :
si P0 ET P1 sont vraies et si : ∀n ∈ N, (Pn et Pn+1 ) =⇒ Pn+2 , alors : ∀n ∈ N, Pn .
| {z } | {z }
Initialisation Hérédité
Une telle récurrence est appelée une récurrence double. Les récurrences « traditionnelles » sont dites simples et il existe bien
entendu des récurrences triples, etc.
• Hérédité : Soit n ∈ N.
Faisons l’hypothèse que Pn et Pn+1 sont vraies.
Montrons que Pn+2 est vraie. »
..
. Preuve que Pn+2 est vraie.
Exemple On note (un )n∈N la suite réelle définie par u0 = 4, u1 = 5 et pour tout n ∈ N : un+2 = 3un+1 − 2un .
Alors pour tout n ∈ N : un = 2n + 3.
En effet Intuitivement, le calcul d’un terme de cette suite requiert toujours la connaissance des DEUX précé-
dents — d’où l’idée qu’une récurrence DOUBLE est nécessaire.
• Initialisation : u0 = 4 = 20 + 3 et u1 = 5 = 21 + 3.
• Hérédité : Soit n ∈ N. On suppose que : un = 2n + 3 et un+1 = 2n+1 + 3. Aussitôt :
HDR
un+2 = 3un+1 − 2un = 3 2n+1 + 3 − 2 2n + 3 = (3 − 1)2n+1 + (9 − 6) = 2n+2 + 3.
Il arrive aussi parfois qu’on ne sache déduire Pn+1 que de TOUTES les propositions antérieures P0 , P1 , . . . , Pn . Le principe
du raisonnement par récurrence prend dans ce cas la forme suivante :
si P0 est vraie et si : ∀n ∈ N, ∀k ∈ ¹0, nº, Pk =⇒ Pn+1 , alors : ∀n ∈ N, Pn .
| {z } | {z }
Initialisation Hérédité
Une telle récurrence est appelée une récurrence forte.
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
X
n
Exemple Soit (un )n∈N une suite réelle. On suppose que u0 ¾ 0 et que pour tout n ∈ N : un+1 ¶ uk . Alors pour
k=0
tout n ∈ N : un ¶ 2n u0 .
X
n
En effet On ne peut obtenir une propriété sur un+1 via la relation « un+1 ¶ uk » que si on a fait une
k=0
hypothèse sur tous les nombres u0 , . . . , un — d’où l’idée qu’une récurrence FORTE est nécessaire.
Initialisation : Évidente.
Hérédité : Soit n ∈ N. On suppose que pour tout k ∈ ¹0, nº : uk ¶ 2k u0 . Comme voulu :
X
n
HDR X
n
2n+1 − 1 u0 ¾0
un+1 ¶ uk ¶ 2k u0 = u0 ¶ 2n+1 u0 .
k=0 k=0
2−1
Quand on veut montrer qu’une proposition p est vraie, on peut raisonner par l’absurde
de la manière suivante :
« Faisons l’hypothèse que p est FAUSSE.
..
. Obtention d’une contradiction.
Exemple Tout entier est pair ou impair, mais pas les deux.
En effet Soit n ∈ Z. Nous avons déjà vu que n est pair ou impair. Peut-il être les deux à la fois ? Pour montrer
que non, supposons que oui par l’absurde. Dans ce cas : n = 2k = 2l + 1 pour certains k, l ∈ Z, donc :
1
2(k − l) = 1, donc est un entier, ce que nous savons être faux — contradiction ! L’hypothèse selon laquelle
2
n est à la fois pair et impair est donc fausse. Conclusion : n est pair ou impair, mais pas les deux.
p
Exemple 2 est irrationnel.
En effet
• D’abord un lemme : pour tout n ∈ Z, n est pair si et seulement si n2 est pair. Soit n ∈ Z.
— Si n est pair, disons n = 2k pour un certain k ∈ Z : n2 = (2k)2 = 2 × 2k2 , donc n2 est pair.
— Pour la réciproque, montrons plutôt par contraposition que si n n’est pas pair, alors n2 n’est pas
pair. Si donc n n’est pas pair, on a déjà vu que n est impair, disons n = 2k + 1 pour un certain
k ∈ Z. Aussitôt : n2 = (2k + 1)2 = 2 2k2 + 2k + 1, donc n2 est impair. Bref, n2 n’est pas pair.
p
• À présent, supposons par l’absurde que 2 est rationnel et écrivons-le donc sous forme IRRÉDUCTIBLE :
p p
2= avec p, q ∈ N∗ et p et q premiers entre eux.
q
p 2
— L’égalité : p2 = q 2 = 2q2 montre que p2 est pair, et donc que p est pair d’après le lemme.
Ainsi : p = 2p′ pour un certain p′ ∈ Z.
′ 2
p 2 2p p 2
— Du coup : q2 = p = p = p′ 2 = 2p′2 . Ceci montre que q2 est pair et donc
2 2
que q est pair, disons : q = 2q′ pour un certain q′ ∈ Z.
p p 2p′ p′
Nous avions supposé la fraction irréductible, mais finalement nous l’avons réduite : = ′ = ′.
pq q 2q q
Contradiction ! Comme voulu, 2 est irrationnel.
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Quand on veut déterminer l’ensemble des éléments d’un ensemble E qui satisfont une
propriété P , on raisonne souvent par analyse-synthèse de la manière suivante.
« • Analyse : Soit x ∈ E.
Faisons l’hypothèse que P (x). »
.. On part naïvement d’un élément x de propriété P
. et on essaie de le faire parler pour savoir qui il est.
Quelles sont les têtes possibles de x ?
Ici, les têtes possibles de x
• Synthèse : Posons x = . . . trouvées dans l’analyse.
Vérifions que x ∈ E et que P (x). »
.. Vérification que x appartient à E
. et satisfait la propriété P .
Explication
• En réalité, vous utilisez depuis toujours sans le savoir le raisonnement par analyse-synthèse. Simplement désormais,
pour progresser, vous aurez besoin de comprendre, au moment où vous en faites une, que vous êtes en train d’effectuer
une analyse-synthèse.
— Dans l’analyse, on part d’un élément quelconque de E et on montre que s’il satisfait la propriété P , alors il
a forcément telle ou telle tête et non telle autre. En résumé, DANS L’ANALYSE, ON RESTREINT LE CHAMP DES
SOLUTIONS POSSIBLES.
— Dans la synthèse, on vérifie que les possibilités obtenues dans l’analyse sont plus que des possibilités, qu’elles
sont bel et bien des solutions.
À l’issue de ce double mouvement, on a déterminé tous les éléments de E qui satisfont la propriété P .
• Une analyse-synthèse, c’est au fond ce que vous faites chaque fois que vous résolvez une équation. On vous l’a dit et
répété, la résolution d’une équation est toujours un double mouvement — « N’oubliez pas la réciproque ! » Tâchons
de nous en convaincre sur un exemple de résolution par équivalence. Pour tout x ∈ R :
2
x 4 − 4x 2 + 3 = 0 ⇐⇒ x2 − 4 x2 + 3 = 0
ANALYSE : SYNTHÈSE :
p p
Les seules solutions possibles ⇐⇒ x 2 = 1 ou x 2 = 3 (second degré. . . ) − 3, −1, 1 et 3
p p ¦ p p ©
sont − 3, −1, 1 et 3. sont bel et bien solutions.
⇐⇒ x ∈ − 3, −1, 1, 3 .
• Le raisonnement par analyse-synthèse est souvent employé pour montrer les pro-
positions de la forme « ∃ ! x ∈ E/ P (x) ». Montrer une telle proposition, c’est en
ANALYSE = UNICITÉ
effet chercher l’ensemble des éléments de E qui satisfont la propriété P et obtenir
finalement qu’il en existe un et un seul. SYNTHÈSE = EXISTENCE
Il faut alors bien comprendre que lorsqu’on prouve une existence-unicité par
analyse-synthèse, l’analyse est une amorce de la synthèse au sens où la synthèse ne fait que vérifier que les ob-
jets trouvés dans l’analyse existent bien. En résumé, DANS L’ANALYSE-SYNTHÈSE, LA PREUVE D’UNICITÉ EST DÉJÀ UNE
MANIÈRE D ’ABORDER L’EXISTENCE .
Exemple On cherche l’ensemble des fonctions f : R −→ R pour lesquelles pour tous x, y ∈ R : f y − f (x) = 2− x − y.
En effet
• Analyse : Soit f : R −→ R une fonction. On suppose que pour tous x, y ∈ R : f y − f (x) = 2− x − y.
En particulier, pour tout x ∈ R, si on pose y = f (x) : f (0) = 2− x − f (x), donc f (x) = 2− f (0) − x.
Ceci prouve que f est de la forme x 7−→ λ − x pour un certain λ ∈ R.
• Synthèse : Soit λ ∈ R. Notons f la fonction x 7−→ λ − x. Alors pour tous x, y ∈ R :
f x − f ( y) = f x − (λ − y) = f (x + y − λ) = λ − (x + y − λ) = 2λ − x − y.
Ce calcul prouve que la seule valeur de λ pour laquelle f satisfait le problème étudié est λ = 1.
Conclusion : la fonction x 7−→ 1 − x est la seule fonction du type étudié.