Revue Spirite 1867 - Ipeak

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REVUE SPIRITE

JOURNAL

D'ÉTUDES PSYCHOLOGIQUES
Ouvrages de M. ALl.. AN KARDCE sur le Spiridsme :
Ces ouvrages se trouvent, à Paris, chez MM. DIDI EH et Comp. , éditeurs , 35, quai des
Augustins ; - au bureau de la llevue Spú'ite, rue Sai ute-Anue, 59 (passagc Sainte-
Anne) .

OUVRAGES FONDAMENTAUX DE LA DOCTRINE ;

LE LIVRE DES ESPRITS (Pal'tie philosophiquel. - t 5e édition; in-f2


de 500 pages. Prix 3 fI'. 50 c.; par la po st~ , 4 fr.; relié, 75 c. en plus.
Éclition alle:nctnde : Vienne (Aull'iehe) . - Deux parti es qtÚ se vendent sép~rémcnl
3 fr.. chacune .
Édition espagno/e ; Madrid, Barcelotl Cl, Paris, l\larseille. Prix : 3 fr.

LE LIVRE DES HI!1DIUIUS (Partie eXIJérimentale). - 8e édition, in-i2 de


500. pages. Prix ; 3 fI'. 50 c.; par la poste, 4 fI'. ; relié, 75 c. cn plus .
Edition espagnole : Madrid, Barcdone, Paris, MUl'seille. Prix : 3 fr.

L'Éli' AN r': ILE selon le Spiritisme (Partie mora/e). - 4· édition, in-12.


Prix : 3 fI'. 50 C.; relié, 15 c. en plus.

LE CIEL ET L'El\'FER, ou la Justice divine selon le Spiritisme. - 2' édi-


tion, in-f ~ . Prix : 3 fr. 50 c. ; par la poste,4 fI'.

LA GENESE, LES HIe.i~CLES ET LES PRÉDICTIONS,


selon le Spiritisme. -In-f 2. Prix : 3 fr. 50 c.; par la poste, 4 fr.

A BR ÉGÉ S

QU'EST-CE QUI!: LE SPiRITIS MlE? -Guide d ~ l'obslrvaleur llovit;e


dans les m;mi re~t a lions des Esprits .- Gl'an,1 in-IS. Nou velle édilion, con ,i,i érable-
mel)t augmenlée. I'rix : f fr .; par la poste. 1 fr. 20 C.
Edition polonaise : Cra ~D vie .

LE SPU.UTISlIE A S"- PLUS SUIPI,E EXI·UI~ ·!i SIO~ . - Bro-


chure granel in -18. l'ri x : 15 c. ; p:ll' la [Jtl't3, 20 c. ; §i; extlm plail'es cnsemu le. 2 fI".,
ou 10 C. cliacun; par la poste , 2 rI'. 6U C.
Edilion allemande : Vie11lle (Au lriche)_
Rdition ang laise : Leipzig, chez Franz Wagner.
Edilion pOTtwjaise : Lisbonnc, Rio-Janeiro, Paris.
Ed'ition ]Jolonaise : Cl'at;ovitJ.
Edition cn !i1'eCmoclc1'ne : Corfou .
Edition italienne : Turin.
Édition espagnole ; Madrid, Barcelone, Paris, Marseil le.
Éditioll russe ; Leipzig, SlIinl- Péter -bol.\l'g, Moscou, I'aris.
Édition en, langue croate ; TémeSWDI'. (llo!l[ll'ie .)

BESUJIÉ DE Li\.. LOI D IES PUÉNO.llENES SPIRITES.-


nrochul'e in-!2, Nouvelle édilion augmen lée. - Prix: tO C. ; par la poste, f 5 C.

CARACTER[!; S DE LA RÉVÉLA.'I'ION SPIRITE. - Er. in-12.


- Prix : 20 c. ; par la poste, 30 C.
REVUE SPIRITE
JOURNAL

D'ETUDES PSYCHOLOGIQUES
CONTENANT

Les faits de manifestation d~s Esprits, aillsi que toutes les nouvelles I'elatives all Spiritisme,
- L'en; eigncmcnt des Esprits sur les choses du monde visiLle et du monde invisible ; SUl'
les sciences, la llIorale, l'inllIloltalité de l'àme, la nature de l'holllllle et son avenil', -
L'hisloire {lu Spi l'itismc dans l'antiquité ; ses rappol'ts aVl:c le lIlagnétislIle et le SúllJu"m-
1'lIlislll e; l'ex plicatioll des légendes et croyances populaires, de la lIlythologie de tous
les pellples, etc,

PUBLIÉ SOUS LA. DIRBCTION

DE M. ALLAN KARDEC
Tout efrel a une cause, Toul efret intclligent ;,
une cause intelligente. La puissance de la cauSf
intelligente est en raison de la grandeur de l'effeL

-DIXl:EME ANNÉE. - 1867.

PARIS
13 UREAU : RUE SAINTE -ANNE, 59
Passage Saillte-Al1ue,

1867
Réserve de tous droits,
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1859,1860,1861,1862,1863,1864, 1865, 1~66, prises ensemble ou séparément,
7 fr. le vol. - ! O· année, 1867, prise avec les neuf premiêres, 7 fr. ; séparément, 10 fr.
-Flanco, pour la France et I' Algérie. - Etranger, port en sus comme ci-dessus
pour l'abonnement.
Collections reliées, 1 f1'. 50 de plus par volume.

Paris. - Typ. Ronge frf~res, DunOD et Fresné, rue du Four-Saint-Germain, 4·3.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

10" ANNÉ E. No L 1ANVIER 1.867.

A nos correspondants
L'époque du renouvellement des abonnements, au 1 el' janvier, est,
comme tous les ans, pour la plupart de nos correspondants de France
et de l'étranger, l'occasion de nous donner de nouveaux témoignages
de sympathie dont nous sommes profondément touché.
Dans l'impossibilité matérielle ou nous sommes de répondre à
tous, nous les prions de vouloir hien recevoir ici l'expression de nos
remerc:iments sinceres et de la réciprocité de nos vceux, les priant
d' être persuadés que nous n'oublions, dans nos prieres, aucun de
ceux, incarn és ou désincarnés, qui se recommandent à nous.
Les témoignages qu'on veut bien nous donn er sont pour nousde pui!-
sants encouragements et de bien douces compensations qui nous font
aisément oublier les peines et les fatigues de la route. Et comment
ne les oublierions-nous pas, alors que nous voyons la doctrine gran-
dir sallS cesse, surmonter tous les obstacles, et que chaque jour nous
apporte de nouvelles preuves des bienfaits qu'elle répand! Nous re-
mercionsDieu de l'insigne faveur qu'il nous accorde d'être témoin de
ses premiers succes, et d'entrevoir son avenir. Nous le prioos de
nous donner les forces physiques et morales nécessaires pour accom-
plir ce qui nous reste à faire avant de retourner dans le monde des
Esprits.
A ceux qui veulent bien faire des vmux pour la prolongation de
notre séjour ici-bas, dans l'intérêt du Spiritisme, nous dirons que
personne n' est indispensable pour l' exécution des desseins de Dieu;
ce que naus avons fait, d'autres eussent pu le faire, et ce que nous
ne pourrons faire, d' autres le [eront; lors donc qu'illui plaira de nous
rappeler, il saura pourvoir à la continuation de son ceuvre. Celui qui
est appelé à en prendre les rênes grandit dans l'ombre et se révelera,
quand il en sera temps, non par sa prétention à une suprématie quel-
conque, mais par ses actes qui le signaleront à l'attention de tous. A
-2-
cette heure il s'ignore encore lui-même, et il est utile, pOUl' le mo-
ment, qu'il se tienne encore à I'écart.
Christ a dit: a Quiconque s'élêve sera abaissé. »C'est donc parmi
les humbl es de creur qu'il sera choisi , et non parmi ceux qui voudront
s'élever de leur propre auforité et contre la volonté de Dieu; ceux-Ià
n'en recueilleront que honte et humili ation, car les orgueilleux et les
préeompluellx seront C'onfolldus. Que chac.un apporte sa pierre à l'é-
difi ce et se con tente du rôle de simple ouvrier; Dieu, qui lit dans le
fond des c.reurs, saura donner à chacun le juste salaire de son travail.
A tous nos freres en croyance nous dirons : « Courage et persé-
vérance, car le moment des grandes épreuves approch e. Fortifiez-
vous dans les principes de la doctrine, et pénétrez-vous en de plus
eu plus; élargissez vos vues j élevez- vous par la pensée au-dessus du
cercle borné du présent, de maniêre à embrasser I'horizon de I'in-
fini j considérez I'avenir, et alors la vie présente, avec son cortége de
miseres et de déceptions, vous apparaitra comme uo point impercep-
tible, comme une minute douloureuse qui bientôt ne laisse plus de
traces dans le souvenir; les préorcupations matérielles semblent
mesquines et puériles aupres des splendeurs de I'immensité.
Heurcux ceux qui puiseron t dans la sincérité de leur foi la force
dont ils auront besoin: ceux--là béniront Dieu de leur avoir donné la
lumiere ; il s rec.on naitront sa sa gesse dans ses vues insondabl es et dans
les moyens, quels qu'jls soieot, qu'il ,e mploie pour leul' accomplis-
s.ement. 115 marcheront à travers les écuei ls avec la sérénité, la fer-
me.l.é et la con fiance que donne la certitude d'atteindre le port, sans
$'arrêter aux pierres qui meurtrissent les pieds.
<C'est dans les grandes épreuves que se révelent les grandes âmes ;
c'est alors aussi qll e se révelent les CCEllrs vntÍmen t spirites, par Ic
courage, la résignation , le dévoílment., I'abnégation, et la charité sous
toutes ses formes , don t ils donnent I'exemple. (Voir I'article du mais
d'octobre 1866 : Les temps sont arrivés.)

Coup d' mil rétrospectiC


sur la mouvement du Spiritisme.
li n'est douteux pour personne, pas plus pour ies ad.. - ersaires que
pOUl' les partisans du Spiri tisme, que cette questi on a_gite plus que
jamais les esprits. Ce mouvement est-il, comme quelques-uns a/Tcc-
tent de le dire, un feu de paitle ? Mais ce feu de paille dure depllis
tantôt quinze ans, et, au lieu de s'éteindre, son intensité n'a fait que
cro1tre d' an née en année; 01', ce n'est pas lã. le caractere eles choses
-3-
éphémeres et qui ne s'adressent qu'à la curiosité. La derniêre levée
de houcIiers sous laquelle on espérait l'étouffer" D'a fait que le raviver
en surexcitant. I'attention des indifférents. La tenacité de cetLe idée .
n'a rien qui puisse surprendre quconque a sondé la profondeul' et la
multiplicité des racines par fesquelfes el'l'e se rattache aux plus graves
intérêls de l'humanité. Cenx qui s'en étonnent n'en ont vu que la
superfieie; Pa plupart même n~ef) eonnaissent que le Mm, mais n' en
comprerment ni le bu! ni la portée.
Si les uns combatlent le Spi:ritisrne par· iguorance, d'autres le font
préeisément parce qu'ils en sentent toute I'importance" qu'ils en pres-
sentent I'avenir et qu'ils y vo,ient uo puissant é1ément régénérateur.
li fallt bien se persuader que certains. adver.saires sOnt tout convertis.
S'ils étaienl moins convaincus des vérités. qu'il renferme, ils ne lui
feraient pas. tant d'opposition. ris sentent. qu.e, le gage de son avenir
est dans fe bien qu'il fait; faire ressortir ce bien à leurs yeux~ loin de
les calmer, c'est ajouter à la cause de leur irritation. Telle fut, au
quinzieme siec\e, la nombreuse classe des écrivains copi'stes qui eus-
sent volontiers fait briHer Gutenberg et tous les imprimeursj ce n'au
rait pas été en leur démontFant les bienfaits de l'imprimerie, qui allait
les supplanter, qu'on les eua aptiosés:.
Lorsqu'une chose est dans le vrai et que I'e temps de son édosion
estvelll}, el1e marche qtland même. La ptlissance: d'acti.on. du Spiri-
tisme est atlestée par son expansion persistan!e, liDalglié le pe.~ d'ef-
forts qu'il fai! pour se répandre. 1\ est un fait constant, c'est que les
adversai1'es du Spil'itisme 01.1.1 dépensé mille luis plus de (orces pour
l' abattre, sans y parvenir ,. que ses partisans 1.1.' en 01.1.1 déployé pour te
propagcr. li avance pOUl" ainsi dire tout seul, semblable à un cours
d'eau qui s'infiltre à travers les terres, Ee fraye un passage à droite si
on I'arrête à gauche, et peu à peu mine les pierres tes plus dures et
finit par faire écrouler des montagnes'.
Vn fait notoire, c'est que, dans son' ensemóle, la marche du Spiri-
tisme n'a subi aucun temps d"arrêt; elle a pu être entravée, compri-
mée, l'alentie dans quelques focalités par des: influences contraires j
mais, comme nous l'avons dit, le courant, barré sur un point, se {ait
jour sur cent autres; au lieu de: couler à pleins hords, i1 se divise en
une multitude de filets. Cependant, à premiere vue, on dirait que sa
marche est moins rapide qu'elle ne I'aété dans les premieJies années;
en faut-il inférer qu'on le délaisse, qu'il rencontre moins de sympa-
thies? Non, mais simplement que 1e travail qu'il accomplit dans ce
moment est dilTérent, et, par sa nature, moins ostensible.
Dês l'abord, com me nous l'avons déjà dit, le Spiritisme a rallié à
lui tous les hommes chez lesqu els ces idées étaient en quelque sorte
ü l' élat d'intuilion ; illui a sum de se présenter pour en être compris
-4-
et accepté. Il a immédiatement récolté abondamment partout ou il á
trollvé le terrain préparé. Cette premiere moisson faite, il restait les
terrains en fric~e qui ont demandé plus de travail. C'est maintenant
à tra vers les opinions réfractaires qu'il doit se faire jour, et c' est la
période ou nous nous trouvons. Semblable au mineur qui enleve sans
peine les premieres couches de terre meuble, il est arrivé au roc qu'il
lui faut entamer, et au sein duquel il ne peut pénétrer que petit à pe-
tit. Mais il n'est pas de roc, si dur soit-il, qui résiste indéfiniment à
une aetion díssolvante continue. Sa marche est donc ostensiblement
moins rapide, mais si, dans un temps donné, il ne rallie pas en aussi
grand nombre des adeptes franchement avoués, il n'en ébranle pas
moins les convictions contraires, qui tonü>ent, non tout d'un coup,
mais morceau par morceau, jusqu'à ce que la trouée soit faite. C'est
le travail auquel nous assistons, et qui marque la phase actuelle du
progres de la doctrine.
Cette phase est caradérisée par des signes non équivoques. En
examinant la situation, il demeure évident que l'idée gagne chaque
jour du terrain, qu'elle s'acclimate; elle rencontre moins d'opposi-
tion; on en rit moins, et ceux mêmes qui ne I'acceptent pas encore,
commencent à lui concéder le droit de bourgeoisie parmi les opinions.
Les Spirites ne sont plus montrés au doigt comme jadis et regardés
comme des Mtes curieuses; c'est ce que ceux surtout qui voyagent
sont à même de constater. Partout ils trouvent plus de sympaLhie, ou
moins d'antipathie pour la chose. On ne peut nier que ce ne soit lã un
progres réel.
Pour comprendre les fa~ilités et les difficultés que le Spiritisme
rencontre sur sa route, il faut se représenter la diversité des opinions
à travers lesquelles il doit se frayer un passage. Ne s'imposant jamais
par la force ni la contrainte, mais par la seule conviction, il a ren-
contré une résistance plus ou moins grande, selon la nature des con-
victions existantes, ave c lesquelles il pouvait plus ou moins facilement
s'assimiler, dont les unes I'ont recu à bras ouverts, tandis que d'autres
le repoussent avec obstination.
Deux grands courants d'idées se partagent la société actuelle : le
spiritualisme et le matérialisme; quoique ce dernier forme une in-
contestable minorité, on ne peut se dissimuler qu'il ait pris une grande
extension depuis quelques années. L'un et l'autre se fractionnent en
une multitude de nuances qui peuvent se résumer dans les principales
catégories suivantes :
i· Les lanatiques de tous les cultes. - O.
-5-
2° Les croyants sàtisfaits) ayant des convictions absolues, fortement
arrêtées et sans restriction, quoique sans fanatisme, sur tous les poiuts
du culte qu'i1s professeut et qui en sont satisfaits. Cette catégorie
comprend aussi les sectes qui, par cela même qu'elles ont fait scis-
sion et opéré des réformes, se croient en possession de toute la vérité,
'et sont parfois plus absolues que les religions meres. - O.
3° Les croyants ambitieux, ennemis des idées émancipatrices qui
pourraient leur faire perdre l'ascendant qu'ils exercent sur l'igno-
rance. - O.
4° Les croyants pour la forme, qui, par intérêt, simulent une foi
qu'ils n'ont pas, et presque toujours se montrent plus rigides et plus
intolérants que les religieux sinceres. - O.
5° Les matérialistes par systeme, qui s'appuient sur une théorie
raisonnée et dont beaucoup se roidissent contre l'évidence, par or-
gueil, pour ne pas avouer qu'ils ont pu se tromper; ils sont, pour la
plupart, aussi absolus et aussi intolérants dans leur incrédulité que
les fanatiques religieux le sont dans leur croyance. - O.
6° Les sensualistes, qui repoussent les doctrines spiritualistes et
spirites dans la crainte qu'elles ne viennent les troubler dans leurs
jouissances matérielles. I1s ferment les yeux pour ne pas voir. - O.
7° Les insouciants, qui vivent au jour le jour, sans se préoccuper
de l'avenir. La plupart ne sauraient dire s'ils sont spiritualistes ou
matérialistes; le présent est pour eux Ia seule chose sérieuse. - O.
8° Les panthéistes, qui n'admettent pas une divinité personnelle,
mais un principe spirituel uni versei dans lequel se confondent les
âmes, comme les gouttes d'eau dans l'océan, sans conserver leur
individualité. Cette opinion est un premier pas vers la spiritualité, et,
par conséquent, un progres sur le matérialisme. Quoique un peu
moins réfractaires aux idé,es spirites, ceux qui la professent sont en
général tres absolus, parce que c'est, chez eux, un systeme préconçu
et ,raisonné, et que beaucoup ne se disent panthéistes que pour ne pas
s'avouer matérialistes. C'est une concession qu'ils font aux idées spi-
ritualistes pour sauver les apparences. - 1.
9° Les déistes, qui admettent la personnalité d'un Dieu uni que,
créateur et souverain maitre de toutes choses, éternel et infini dans
toutes ses perfections, mais rejettent tout culte extérieur. - 3.
10° Les spiritualistes sans systimw, qui n'appartiennent, par con-
viction , àaucun culte, sans en repousser aucun, mais qui n'ont au-
cune idée arrêtée sur l'avenir. - 5.
1 t· Les croyants progl'essistes, attachés à un culte déterminé, mais
-6-
ql.Ú admettent le progres dans la. religion, et l'accord des croyances
ave c le progres des sciences. - 5.
i 2° Les croyants non satisfaits, en qui la foi est indécise ou uuHe-
sur les points de dogmes,qui ne ~atisfont pas complétement leur raison"
et que tourmen1e le doute. - 8.
i 3° Les incrédules jaute de mieux, dont Ia plupart on1 passé de la
foi à l'incrédulité et à la négation de tout, faule d'avoir trouvé dans
les croyances dont ils ont été bercés une sanction satisfaisante pour
leur raisan, mais chez lesquels l'incrédulité laisse un vide pénible
qu'ils seraient heureux de voir combler. - 9.
14° Les libres penseurs, nouvelle dénomination par laquelle se dé-
signent ceux qui ne s'assujettissent à l'opinion de personne en mati(~re
de religion et de spiritualité, qui ne se croient point liés par le culte·
ou la naissance les a placés sans leur consentement, ni tenus à l'ob-
servation de pratiqués reiigieuses quelconques. Cette qualification ne
spécifie aucune croyance déterminée; elle peut s'appliquer à tou1es·
les nuances du spiritualisme raisonné, aussi bien qu'à I'incrédulité la
plus absolue. Toute croyance éc1ectique appartient à la libre pensée ;
tout homme qui ne se guide pas sur la foi aveugIe est, par cela même,.
Jlbre penseur; à ce titre, les Spirites sont aussi des libras penseurs.
Mais pour ceux qu'on peut appeler les radicaux de la libre pensée,
cette désignation a une acception plus restreinte et pour ainsi dire
exclusive; pour eux, être libre penseur, cc n'est pas seulerpent croire
à ce qu'on veut, c'es! ne croire à rien ; c'est s'affranchir de tout frein,
même de la crainte de Dieu et de J'avenir ; la spiritualité est une
gêne, et ils n'en veulen1 pas. Sous ce symbole de l'émancipation in-
tellectuelle, iJs cherchent à dissimuler ce que la qualité de matérialiste
et d'athée a de répulsif pour l'opinion des masses; et, chose singu-
liêre, c'est qu'au Dom de ce symbole, qui semble être celui de la
tolérance pour tautes les opinions, ils jettent la pierre à quiconque ne
pense pas comme eux. II y a donc une distinction essentielle à faire
entre ceux qui se disent libres penseurs, comme entre ceux qui se
disent philosophes. Jls se divisent naturellement en :
Libres penseurs incrédules, qui rentrent dans la 5" catégorie. - O.
Libres penseurs croyants, qui appartiennent à toutes les nuances
du spiritualisme raisonné. - 9.
15° Les Spirites d'intuitl'on, ceux en qui les idées spirites sont
innées et qui les accepteut comme une chose qui ne leur est pas
étrangere. - f O.
Telles sont les couches de terrain que le Spiritisme doit traverser.
-7-
En jetant un coup d' mil sur les dilTérentes catégories ci-dessus, il est
.aisé de voir celles aupres desquelles il trouve un acces plus ou moins
facile, et celles contre lesquelles il se heurte com me le pic cont re le
granito 11 ne triomphera de cell es-ci qu'à I'aide des nouveaux élbnents
que la rénovation üpportera dans l'humanité : ceci est l'ceuvre de
Celui qui dirige tout et qui fait surgir les événements d' ou doit sor,tir
le progres.
Les chilfres placés à la suite de chaque catégorie indiquent ap-
proximativement la proportion du nombre d'adeptes, sur 10 ) que
chacune a fourni au Spiritisme.
Si l'on admet, en moyenne, l'égalité numérique entre ces dilTérentes
catégories, on voit que la parti e réfractaire, par sa nature, embrasse
à peu pres la moitié de la population. Comme elle possede I'audace et
la force matérielle, elle ne se borne pas à une résistance passi ve :
elle est essentiellement agressive ; de là une lutte inévitable et néces-
saire. Mais cet état de choses ne peut avoir qu'un temps, cal' le pa~ sé
s'en va et I'avenir arrive; or, le Spiritisme marche avec I'avenir.
C'est donc dans l'autre moitié que le Spiritisme doit se recruteI', et
le champ à explorer est ::tssez vaste; c'est là q'l'il doit concentreI'
ses e1Torts et qu'i l verra ses bornes se reculer. Cependant cette moitié
est encore loin de lui être entiêremcnt sympathique; il y renconlre
des résislancec; opiniâtres, mais non insunnontabl es, comme dans la
premiere, et clont la plupart tiennent à des préventions qui s'elTacent
à mesure que le but et les tendances de la doctrille sont mieux compris,
et qui c1isparaitront avec le tem ps. Si l'on peut s'étonner d'une chose,
'c'est que, malgré la multiplicité des ob::i tacles qu' il rencontre, des
embuches qu'on lui tend, il alt pu arriver en quelques années au point
ou il en est aujourd' hui.
Vn alltre progl'es nan moil1s évident est celui de l'attitude de l'op-
position. A part les coups de boutoir lancés de temps à alltre par une
pléiade d'écrivains, toujours à peu pres les mêmes, qui ne voient
partout qlle matiere à rire, qui riraient même de Dieu, et dont les
arguments se bornent à. dire que l'humanité tourne à la démence~
fort surpris que le Spiritisme ait marché sans lem permission, il est
tres rare de voir la doctrille prise à partie danE. une polémique sé-
rieLlse et sOlltenue. All lieu de cela, comme nous l' avons déjà fait re-
marqueI' dans un précédent artic le, les idées spirites envahissent la
pre~se , la littérature, la philosophie; 011 se les approprie sans se ies
a vOller ; c'est pourquoi on VQit à chaqne instant surgir dans les juur-
W1.UX, dans les livres, dans les sermons, au théâtre, des peusées qu' on
-8-
dirait puisées à la source même du Spiritisme. Leu1's auteurs protes-
teraient sans donte contre la. qnalification de Spirites, mais ils n'en
subissent pas moins l'influence des idées qui circlllent et qui parais-
sent justes. C'est que les principes sur lesquels repose la doctrine
80nt tell ement ra.tionnels, qu'ils fermentent dans une multitude de
cerveaux et se font jour à, leu!' insu ; ils tauchent à tant de questions,
qu'il est paur ainsi dire impossible d'entrer dans la voie de la !:ipiri-
tualité sans faire involontai1'ement du Spiritisme. e'est un des fails
les plus caracté1'istiques qui ont marqué l'année qui vient de s'écouler.
En faut-il conclure que la hitte est terminéc? Non, assu1'ément, et
nous devons, au contraíre, plus rrue jamais nous teni1' SUl' nos gardes,
cal' nous aurons des assau ts d'un autre genre à so ut enir; mais en
attendant les rangs se renforcent, et les pas faits en avant sont autant
de gagné. Gardons-naus de croire que certains adversaires se tien-
nent pour battus, et de prendre leu1' silence pour une adhésion tacite,
ou même pour de la neutralité. Persuadons-nous bien que certaines
gens n'accepteront ,jamais, ni ouvertement ni tacitement, le Spiri-
tisme tant qu'ils vivront, comme iJ y en a qui n'accepteront jamais
certains régimes politiques; tous les raisonnemehts pour les yamener
sont impuissants, parce qu' ils n'en veulent à aucun prix; leur aver-
8ion pour la doctrine croit en raison des développements qu'elle
prendo
Les attaques à ciel ouvert sont devenues plus rn.res, parce qu r Ol1 en
a reconnu l'inutilité ; mais on ne désespere pas de réussir à I' aide de
manreuvres ténébreuses. Loin de s'endormir dans une trompeuse sé-
curité, il faut plus que jamais se défier des faux freres qui p,'insinuent
dans toutes les réuni olls paul' épier, et ensnite travestir ce qui s'y dit
et s'y fait; qui sernent par-àessous main les éléments de désunion;
qui, sous I' apparence d' un zele factice et quelquefois inté1'essé, cher-
chent à pousser le Spiritisme ho1's des voies de la prudence, de la
modération et de la légalité ; qui provoquent en son nom des actes
repréh ensibles aux yeux de la loi. N'ayant pu réussir à le rendrc ri-
dicule, parce que , de son essence, c'est une chose sérieuse, Ieurs
efforts tendent à le compromettre paur le rendre suspect à l'autorité,
et provoquer contre lui et ses adhérents des mesures de rigueur.
Défions-nous donc des baisers de Judas et de ceux qui veulent nous
embrasser pour nous étauffer.
li faut se figurer que nous sommes en guerre et que les ennemis
sont à notre porte, prêts à saisir l'occasion favorabl e, et qu'iIs se mé-
nagent des intelligences dans la place.
-9-
En eette oeeurrenee qu'y a-t-il à faire? Une ehose fort simple : se
renfermer strietement dans la limite des préceptes de la doctrine;
s'efforcer de montrer ce qu'elle est par son propre exemple, et décli·
ner toute solidarité avec ce qui pourrait être fait en son nom et serait
de nature à la discréditer, ear ce 11e saurait être le fait d'adeptes sé·
rieux et convaincus. 11 ne suffit pas de se dire Spirite; celui qui l'est
de creur le prouve par ses actes. La doctrine ne prêchant que le bien,
le respect des lois, la charité, Ia tolérance et la bienveillance pour
tous; répudiant toute violence faite à la conscience d'autrui, tout
charlatanisme, toute pensée intéressée en ce qui eoncerne les rapports
avec les Esprits, et toutes choses contraires à la morale évangélique,
celui qui ne s' écarte pas de la ligne tracée ne peu! encourir ni blâme
fondé, ni poursuites légales; bien plus, quiconque prend la doctrine
pour regle de eonduite, ne peut que se concilieI' l'estime et la consi-
dération des gens impartiaux; devant le bien l'incrédulité railleuse
elle-même s'ineline, et la ealomnie ne peut salir ce qui est sans tache.
C'est dans ces eonditions que le Spiritisme traversera Ies orages qu'on
amoncellera sur sa route, et qu'il sortira triomphant de toutes les
lutles.
Le spiritisme ne peut pas plus être responsable des méfaits de
ceux à qui il plait de se dire spirites, que la religion ne l' est des
actes répréhensibIes de ceux qui n'ont que les apparences de la
piété. Avant done de faire retomber le blâme de tels actes SUl' une
doctrine quelconque, il faudrait savoir si elle contient quelque
maxime, quelque enseignement, qui puisse Ies autoriser ou même les
excuser. Si, au contraire, elle les eondamne formellement, il est évi·
dent CJue la faute est tonte personnelle et ne peut être imputée à Ia
doctrine. Mais c' est une distinction que Ies adversaires du spiritisme
ne se donnent pas la peine de faire; ils sont trop heureux, au con·
traire, de trouver une occasion de Ie décrier à tort ou à raison, sans
se faire scrupule de lui attribuer ce qui ne Iui appartient pas, enve-
nimant les choses les plus insignifiantes plutôt qne d'en chercher les
causes atténuantes.
Depuis quelque temps les réunions spirites ont subi une certaine
transformation. Les réunions intimes et de famille se sont eonsidéra-
blement multipliées à Paris et dans les prineipales villes, en raison
même de la faeilité qu'elles ont trouvée à se former par l'aceroisse-
ment du nombre des médiums et de celui des adeptes. Dans le prin-
cipe les médiums étaient rares ; un bon médium était presque un
phénomene; il était done naturel qu' on se groupât autour de lui;
- 10-
mais à mesure que cette faculté s'cst développée, les, grands centres
se sont fractionnés, comme des essaims, en une multitude de petits
groupes particuliers qui trouvent plus de facilité à se réunir, plus d'Ín-
timité et d'homogénéité dans leur composition. Ce résultat, consé-
quence de la force même des choses, était prévu. Des l'origine nous
avons signalé les é0ueils que de vaient inévitablement rencontrer les
sociétés nombreuses, nécessairement formée8 d'éléments hétéro-
genes, ouvrant la parte aux ambitions, et, par cela même, en butte
aux itltrig ues, aux catales, aux sourdes manreuvres de la malvei/-
lance, de I'envie et de la jalousie qui ne peuvent émaner d' une
source spirite pure. Dans les réunions intimes, sans caractere offi-
ciel, 00 est plus maitre chez soi, on se connait mieux, et \'on reçoit
qui I'on vcut; le recueilfement y est plus grand, et J'on suit que les
résultats y sont plus satisfais:1nts. Nous connaissons bon nombre de
réunions de ce geme dont I'organisation ne Iaisse rien à désirer. 11 y
u' done fout à gagncr à cette transformation.
L' année 1866 a vu en outre se réaliser les prévisions des Esprits
sur plusieurs points inléressants pour la doctrine, entreautres sur '
l'extension et les nouveaux caracteces que devait prendre la mé-
diumnité, ainsi que SUl' la produetion de phénornenes de nature à
appeler I'attention sur le principe de la spiritualité, bien qu'en ap-
parence étrangers au spiritisme. La médiumnité guérissante s'est
révélée au grand jour dans les circonstances les plus propres à faire ,
sensation; eHe germe chez beaucoup d'aulres personnes. Dans cer-
tains groupes on a vu se manifester de nombreux CM de somnambu-
lisme spontané, de médiumnité parlante, de scconde vue et d'autres
variélés de la faculté médianimique qui ont pu fournir d'utiles sujets
d'étude. Ces facultés, sans être précisément nouvcHes, sont encare à
l'état naiss'a nl chez une foule d'individus; eUes ne se montrent que
dans dcs cas isolés et s'essayent poar ainsi d'ire dans l'intlmité ; mais
avec le temps eHes acqllerront plus d'inlensité et se vulgariseront.
C'est surtout lorsqu'elles se révelent spontanément chez de.:, per-
.sonnes étrangeres au Spiritisme qu'elles appellent plus fortement
l'attention, parce qn'on ne peut sapposer de c.JunÍvence, oi admeftre
l'intluence d'idées préconçues. Naus nous bornons à signaler le fait,
que chacun peul canstater, et dont le développement n écessiterait
des détai ls trop étendus. Nous aurans d'ailleurs oc'casion d'y revenir '
dans des artides spéciaux.
En résumé, si rien de tres éelatant n'a signalé la marche du Spirí--
tisme en ces deruiers temps, nous pouvons dire qu'eIle se poursuit
-H-
dans les conditions normates lracées pa'r les Esprits,- et que nous n'a-
vons qu' à, nous f~liciter de l'état des choses.

Peosées spirites qui courent le monde.


Dans notre dernier numéro nous avons rapporté quelques-unes des
penséesque 1'on trouve çà et là dans la 'presse, et que le Spiritisme
peut revendiquer <:omme parties intégran.es de la doctrioe j nous
continuerons à rapporter de temps en tempscellesqui viendront à
no'tre connai'ssance. Ces ei-tatíons ont leur côté utile et instructif,
en ce qu'elles }Jrouvent la vnlgarisation des idées spirites.
Dans la revue hebdomadaire du Siecte du 2 décembre, M. E. Texier,
rendant compte d'un nouvlel ouvrage de M. P. -J. Stahl, intitulé Bonnes
for/unes parúiennes, s'exprime ainsi :
« Ce qui ilistingue ces Bonnes fortunes parisienne~, c'est la délieates!Se
de touche dans la peinture du sentiment, c'est 1'8. bOftne odeur du livre
qu'on respire comme une brise. R.arement on avait traité oe sujet si
vaste, si exploré, si reba:ttu et toujours neuf, l'amour, avec plus de
science vraie, d'observation sentie, plus de taet et de légereté de
main. On a dit que, dans une exist.ence antériel.lre, Balzac avait dt't
~tre femme ; on pourrait dite aussi que Slahl a été jeune pile. Tous les
petits secrets dn creurqui s'ouvre aucontact q.e la premiêre ivresse,
il les saisitel les fixe jusque dans leurs nuances les plus fines. 11 ao
miellx fait qu'étudier ,ses hérolnes ; on dira.U qu'il a ressenti toutes
leurs impressbns, tOl1sleurs frémissements, tOI1S ces jolischocs, -
joie ou douleur, - qui se succêdent dans l'â.me féminine et l'emplis-
se[iltaux pr,emiers bou~geons de la. floraison d'avril..
Ce n':est pas la premiêre fois que l'idée des existences autéri.eares
est exprimée en dehors du Spi'ritisme. L'aureur de l'arti.cle [il'a pas
épargné jadis les sareasmes à la croyance nouvelle, a.u sujet des freres
Davenport, .eu qui, comme la plupart de ses confreres en jGurnalisme,
i1 a cr u et cl'oit peut-être encore la doctrine incarnée. En éerivant ces
lignes, il ne se dOtltait pas, sans doute, qu'il en formulait un des
prinápesles plus importants. Qu'ill'ait faitsérieusement ou Don, peu
importe! La ebose n'en prouve pas m,oiAs que les il!l.crédules etlX-
mêmes trouvent dans la pluralité des ,existences, ne fUt-elle admise
qu'à titred'hypothese, l'explication des aptitudes innées d.e r existence
a.ctuelle. Cette pe,nsée, jetée à des millions de lecteufs par Le v.ent de
la publieité, se popularise, s'infi!lue dans les eroyances ,; 011 s'y habi-
tue; ChlitoCUn y eherch.e la raison d ',ê tre d'une f)ule de e1t%es ineolu-
prises, deses propl1es teodances! ici eo plaisaDtant, et:là s~rieuse-
-12-
ment; la mere dont l'enfant est tant soit peu précoce sourit volontiers
à l'idée qu'il a pu être un homme de génie. Da ns notre siecle raison-
neur, on veut se rendre compte de tout; il répugne au plus grand
nombre de voir, dans les bonnes et Ies mauvaises qualités apportées
en naissant, un jeu du hasard ou un caprice de la divinité; la pluralité
des existences résout la question en montrant que !es existences s'en-
chainent et se completent les unes par les autres. De déduction en
déduction on arrive à trouver, dans ce principe fécond, la clef de tous
les mysteres, de toutes les anomalies apparentes de la vie morale et
matérielle, des inégalités sociales, des biens et des maux d'ici-bas;
l'homme sait enfin d'ou il vient, ou il va, pourquoi il est sur la terre,
pourquoi il y est heureux ou malheureux, et ce qu'il doit faire pour
assurer son bonheur à venir.
Si I'on trouve rationnel d'admettre que nous avons déjà vécu SUl'
la terre, il ne l'est pas moins que nous 'pouvons y revivre encore.
Commeil est évident que ce n' est pas le corps qui revit, ce ne peut
être que I'âme; cette âme a done conservé son individualité; elle ne
s'est point confondue dans le tout universel ; pour conserver ses apti-
tudes, il faut qu'elle soit restée elle-même. Le seul príncipe de la
pluralité des existences est, comme on le voit, la llégation du maté-
rialisme et du panthéisme.
Pour que l'àme puisse accompli1' une série d'existenees successives
dans le même milieu, iI faut qu'elle ne se perde point dans les pro-
fondeurs de l'infini; elle doit reste1' dans la spMre d'activité terrestre.
Voilà donc le monde spirituel qui naus environne, au miliúu duquel
nous vivons, dans lequel se déverse I'humanité corporelle, comme
lui-même se déverse dans celle-ci. 01', appelez ces âmes Esprits, et
nous voilà en plein Spi1'itisme.
Si Balzac a pu être femme et Stahl jeune fille, les femmes peuvent
donc s'incarner hommes, et, par conséquent, les hommes s'incarner
femmes. II n'y a donc entre les deux sexes qu'une difl'érence maté-
rielle, accidentelle et temporaire, une difl'érence de vêtement charnel;
mais quant à la nature essentielle de l' être, elle est la même. Or, de
l' égalité de nature et d' origine, la logique conclut à l' égalité des
droits sociaux. On voit à quellesconséquences conduit le seul principe de
la pluralité des existences. M. Texier ne croyait prob~blement pas
avoir tant dit dans les quelques ligues que nous avons citées.
Mais, dira-t-on peut-être, le Spiritisme admet la présence des Ames
au milieu de nous et leurs rapports avec les vivants, et voilà ou est
l'absurde. Ecoutons sur ce point M. I'abbé V•.. , nouveau curé de
Saint-Vincent de Paul. Dans le discou:,s qu'il a prononcé le dimallcbe
25 novembre dernier pour son installation, faisant l'éloge du patron
. de la paroisse, il dit : « L'Esprit de saint Vincent de Paul est ici, je
- t3-
l'affirme, mes freres; oui, il est au milieu de nous;, il plane sur cette
assemblée; il nous voit et nous entend; je le sens pres de moi qui
m'inspire. 11 Qu'aurait dit de plus un Spirite? Si l'Esprit de saint
Vincent de Paul est dans l'assemblée, par quoi y est-i1 at.tiré, si ce
n'est par la pensée sympathique des assistants? C'est ce que dit le
Spiritisme. S'i! y est, d'autres Esprits peuvent également s'y trouver:
voilà le monde spirituel qui nous entoure. Si M. le curé subit son in-
fluence, iI peut subir celle d'autres Esprits, ainsi que d'autres per-
sonnes : il y a donc des rapports entre le monde spirituel et le monde
corporel. S'il parle par l'inspiration de cet Esprit, il est donc m6dium
parlant; mais s'il parle, il peut tout aussi Qien écrire sous cette
même inspiration, et sans doute il l'a fait plus d'une fois sans s'en
douter: le voilà donc médium écrivain inspiré, intnitif. Cependant
si on lui disait qu'il a prêché le Spiritisme, il s'en défendrait proba-
blement de toutes ses forces.
Mais sous quelle apparence I'Esprit de saint Vincent de Paul pou-
vait·il être dans cette assemblée? Si M. le curé ne le dit pas, saint
Paul le dit : c'est avec le corps spirituel ou fluidique, le corps in cor-
ruptible que revêt l'âme apres la mort, et auquel le spiritisme donne.
le nom de périsprit.
Le périsprit, l'un des éléments constitutifs de l'organisme humain,
constaté par le spiritisme, avait été soupçonné depuis longtemps. 11
est impossible d'êLre plus explicite à cet égard que M. Charpignon
dans son ouvrage sur le magnétisme, publié en 1842 (1). On lit, en
effet, chap. lI, page 355 :
« Les considérations psychologiques auxquelles nous venons de
« nous livrer ont eu pour résullat de nous fixer sur la nécessité

(C d'admettre, dans la composition de l'individualité humaine, une


« véritable trinité, et de trouver dans ce composé trinaire un élément

(f d'une nature essentiellement dzlférente des deux autres parties, élé-


a ment saisissable, plutôt par ses facultés phénoménales, que par ses
« propriétés constitutives; car la nature d'un être 8pirituel échappe à
« nos moyens d'investigations. L'homme est donc un être mixte, un
u organisme à composition double, savoir : combinaison d'atomes
a formant les organes, et un élément de nature matérielle, mais mdé-
u composable, dynanirru'que par essence, en un mot, un fluide impon-
«dérable. Voilà pour la partie matérielle. Maintenant, comme
u élémenl caractéristique de l'espece hominale: cet être simple, intel-
a ligent, libre et volontaire, que les psychologuBS appellent âme ... »
Ces citations et les réflexions qui les accompagnent, ont pour but
de montrer que I'opinion est bien moins éloignée des idées spirites
(i) Physiologie, médecine et métaphysique du magnétisme, par Charpignon, t voJ. in·S
Paris. Bailliêre, t7, rue de l'Ecole-de-Médecine. PJ'Íx: 6 ff.
-14-
qli'on ne pOllrrait le croire, et que la force des choses et ]'irrésistible
logique des fails y cooduisent par une pente to,pte naturelle. Ce n' est
done pas unevaine ,préf'ornption de direque I'avenir est.à nous.

Les Romana Spirifes,.


L'assassinat dll Pont-Rauge, par Ch. Barbarn.
Le roman peut être une manãere d'exprimer dei> pensées ISpirites
sans se .c ompromeUre,car l'auteur cr.aintif peut tOltiOurs répondre à.
la critique ro,jHeuse qu'il n'a ,entendu faíre qu'une reuvre de fantaisie,
ce qui est vraipour ~e grand nombre.; or, Ala fantaisie tout est permis.
Mais fantaisie ou fion, c.e n'en ,est pas moip,suRe des formes à !a faveur
de laquelle l'idée spirite peut pénétrer dans les miJieux o,u eHe ne
serait pas acceptéesous ~oo forme sérieuse.
Le Spi.ritismeestencoce trop peu, ou mieux trop mal connu de la.
littératune, pour avoir fourni Je sujet de heaucoup d'ouvra!!:es de .ce
genre.; le principal, comme on te sait, est ce!uí que Théophile
Gautier a pubJié sous le nom de Spirite, et encare peut-iO!ll repro\:her
à l'auteur de s'êlf,e écarté, ,sur plusieurs points., de I'idée vr.aie.
Una,utre .ou'Vr.a,ge do'nt :nous .avüns égalementpai'lé, ,et qui, sans
être fait spécialement en vue du Spiritisme, s'y rattache par un certain
côté, est. ceJui de.M. Elie .Bertnet, pubhé en feuiHetons dans le Siecle,
en septembre et oct.obre f 865, sous le titre de La doub/e vue. lei 1'11..11-
teur fait preuve .d'une connaissance appr(l)fendie des pbéuomen.esdont
il parle, et son liv,re j.eint à.c.e mérite ·celui nu stylee.t d'un intérêt sou-
tenu. U ~t .en ,même temps moral el instructif.
La .\econdevie. de X.-B. SUNTll\E, publiée em feuillelons ,dans ]e
grand Monüeur eu fé.vrier 18ô4,. iest une série de nouveHes qui
n'ontni le Jantastique impo.~sible" ni 1e c11.racUme Iu.gnbre des récits
d' Edgard Po:e, m,ais lad:OLlCe elgrac.ieuse .simplicüé de ,scen.es intimes
entre les 'habitaJilts de 00 mi}nde .et ,ceux de fautr.e, auquel M. Sain-
tine eroyatit fe:nnement. Bien que ce soient des histoires de fantaisie,
elless'écartent 'peu" cn gélíléral, des phénome.ne.s dúnt maintes p.e r-
sonDes 'onl pu ê,t,re témoüíls. Au resle nOllssavons .que, de son vi-
vant, l'auteurque nous a 'vcH'is :personnelJement amnu, n'étaÍlt ni in-
crédule, ni malp.J'Í'aListe:les idées .spi,r,j,tes lui étaient sympa.thiques,
et CP- q:u'B écrh'aitéta,it ,le ,rBOet ,d.e sa pr,opre pensée.
Sérophita ·de Balzac ,est UIíI CQIID&H phiJosophique basé Slir Ja doc-
trine de Swédel3oorg. Dans {Àmueloet la Cnmtesse de Rudolstadt
de madame George Sand, le principe de la réincarnation joue un
rôle capital. Le Drag, du même 81uteur, est une 'Comédie jouêe, iJ y
a quelques années, au Vaude~~ille, et dont la donnée est entiêrement
-15 -
spirite. Elle est fondée sur une croyance populaire chez les marins de
la Provence. Le Dr;j,g e,st un Esprit malin, plus espiegle que méchant,
qui se plait à jouer de mau vais tOLlrs. On le voit So,us la figure d'un
jeune hommc, exercer s,on influence et contraindre un individu à écrire
contre !la propre volonlé. La presse, d' ordinaire si bienveillante pour
cet écrivain, s'est montrée sévere à l'égard de cette piece qui méritait
un meilleur accueil.
La France n' a pas seule le monopole de ces sortes de productions.
Le Prugres colonial de l'ile )lauricc a publié en 1.865, sous le titre
de Hz'stoin:s de L'aulre monde, raconléeS par des ESj)l'its, un roman
qui n'occ1Jpait pas moins de vingl-huit feuilletons, dont le Spiritisme
faisait toute l'intriglle, et ou l'auteur, M. de Germonvillê, a fait preuve
d'une connaissance parfaite de Hon sujet.
Dans quelqueci autres romans, l'idée spirite fOufllit sirnplcment le
sujet d'épisodes. M. AuréIien Scboll, dans ses Nouveaux. mysleres de
Paris, publiés par le Petit Journal, l'auleur fait Íntervenir un m:lgné-
tiseur qui interroge une table par la typtologie, puis une jeune filIe
mise en ~omnabulismr, don! les révélatiolls metlent quclques-uns des
assistants sur les épines. La scene est bien rendue et parfaitement
vraisemblable. (Pe/il Juurnal du 23 octobre 1866,)
La réincarnation e8t une des idées les plus fécondes pour les ro-
manciers, el qui peut fournir de~ cffets d'autant plus saisbHants qu'ils
ne s'écartent en rien des possibililés de la Vié matérielle. M. Charles
Barbara, jeune écrivain mort il y a quelques mais dalls une maison
de santé, en a fait une des applications les plus heureus<.:s dans son
roman inlitu\ ~ I'Assassinat du Pont-Roufje, que I'Evé/1e,nenl a der-
DÍêrement reprodllit eo fellillelons.
Le sujet principal est un agent de change qni se sauvait à I'étranger
en em portant la fortune de ses clients. Attiré par uu individu dans une
misérable maisotl sous Ie prétexte de favoriser sa fuite, il y est assas-
siné, dépouillé, pui::; jeté à la Seine, de concert avec une femme
nomméu Rosalie qui demeurait chez cet homme. L'J.ssassin agiL avec
une tellc prudence et sut si bien prendre se,; précautiolls, que touLe
trace du crime disparut~ et que tout soupçon de meurlre fut écarté.
Peu apres il ép'JUsa sa complice Rúsalie, et tous deux purent désor-
mais vivre daus I'aisance. sans craindre aucune poursuite, sinon celle
du remords, lorsqu'une circonstance vint metlre le comble à leurs
angoisses. Voiei comment Í1 la raeonte lui-même :
« Celte quiétude ful troublée des, le:; premiers jours de notre
mariage. A moins de l'intervention díreete d'une puissance occulte,
it fa.ut comel1ir que le hasard se, montra., ici étrangement intelligent.
Si merveilleux que paraisse le fait, vaus ne penserez même pas à Ie
mettre en doule, puisque:, aussi bien, ~''lusen avez la preuve vivaote en
- 16 -
mon fils. Bien des gens, au reste, ne manqueraient pas d'y voir un fait
purement physique et physiologique et de l' e" pliquer ratiúnnellement.
Quoi qu'il en soit, je remarquai tout à coup des traces de tristesse sur
le visage de RosaJie. Je lui en demandai la raison. Elle éluda de me
répondre:
« Le' lendemain et les jours suivants, sa mélancolie ne faisant que
croitre, je la conjurai de me tireI' d'inquiétude. Elle finit par m'avouer
une chose qui ne laissa pas que de m'émouvoir au plus haut degré.
La premiere nuit même de nos noces, en mon Jieu et place, bien que
nous fussions dans l'obscurité, elle avait vu, mais vu, prétendait-eIle,
comme je vous vois, la figure pâle de l'agent de change. Elle avait
épuisé inutilement ses forces à chasser ce qu'elle prenait d'abord pour
un simple sOllvenir; le fantôrne n'était sorti de ses yeux qu'aux pre-
mieres luellrs du crépllscule. De plus, ce qui certes était de nature
à justifier son effroi, la même vision I'avait persécutée avec une tena-
cité analogue pendant plusieurs nuits de suite.
« Je sirnulai un profond dédain et tâchai de la convaincre qn'elle
avait été dupe tout UlJiment d' llne halIllcination. Je compris, au cha-
grin qui s'ernpara d'elle et se tourna inscnsiblement en cette langueur
ou vous l'avez vue, que je n'avais point réussi à lui inculqueI' mon
sentimento Une grossesse pénible, agitée, équivalente à une maladie
longue ct douloureuse, empira encore ce malaise d'esprit; et si un
accouchement heureux, en la comblant de joie, eut une influence
salutaire sur son moral, ce fut de bien courte durée. Je me vis con-
tI'aint, paI'-dessus cela, de la priveI' du bonheur d'avoir son enfant
aupres d'elle, puisque, par rapport à mes ressourtes officielles, une
nourrice à demeure chez moi eut paru une dépense au-dessus de mes
moyens.
" Émus de sentiments à figurer dignement dans une pastorale, nous
allions voir notre enfant de quinzaine enquiIJzaine. Rosa,lie l'aimait
jl1squ' ~ la passion, et moi-même jc n'étais pas loin de l'airner ave c
frénésie; car, chose .singuliere, sur les ruines amoncelées en moi, les
instincts de la paternité seuls restaient encore debout. Je m'abandon-
nais à des rêves ineffables; je me prornettais de faire donner une
éducation solide à mon enfant, de le préserver, s'i! était possible, de
mes vices, de mes fautes, de mes tortures; il était ma consolation, mon
espérance.
« Quan<.i je dis moi, je parJe également de la pauvre Rosalie, qui
se sentait heurense rien qu'à l'idée de voir ce fils grandir à ses côtés.
Quelles ne furent donc pas nos inquiétudes, notre anxiété, quant, à
mesure que I' enfant se développait, nous apercumes sur son visage
des lignes qui rappelaient celui d'une personne que nous eussions
vonlu à jamais oublier. Ce ne fut d'abord qu'un doute sur leque
- 17 -
nous gardâmes le silence, même vis-à-vis I'un de I'autre. Puis la phy-
sionomie de I'enfanf approchaà ce point de celle de Thillard, que Rosa-
lie m'en paria avec épouvante, et que moi-même je ne pus cacher qu'à
demi mes cruelles appréhensions. Enfin, la ressemblance naus apparut
telle, qu'i! nous sembla vraiment que l'agent de change fUt rené en
notre fils.
« Le phénomEme eut bouleversé un cerveau moins solide que le

mien. Trop ferme encore pour avoir peur, je prétendis rester insensible
au coup qu'il portait à mon affection paternelle, et faire partager mon
inditTérence à Rosalie. Je lui soutins qu'il n'y avait lã qu'un hasard;
j'ajoutai qu'il n'était rien de plus changeant que le vis age des enfants,
et que, probablement, cette ressemblance s'effacerait avec I'âge; fina-
lement, qu'au pis aller, il nous serait toujours facile de tenir cet enfant
à l'écart. J'échouai complétement. Elle s'obstina à voi;: dans l'iden-
tité des deux figures un fait providentiel, le germe d'nn châtirnent
effroyable qui tôt ou tard devait nous écraser, et, sous l'empire de
cette conviction, son repos fut pour toujours détruit.
.« D'autre part, sans parler de i'enfant, quelle était notre vie? Vous
avez pu vous-même en observer le trouble permanent, les agitations,
les secoueses chaque jour plus violentes. Quand toute trace de mon
crime avait disparu, qnand je n'avais plus rien à craindre absolument
des hommes, quand l'opinion SUl' moi était devenue unanimement
favorable, au lieu d'une assurance fondée en raison, je sentais croitre
mes inquiétudes, mes angoisses, mes terreurs. Je m'inquiétais moi-
même avec les fables les plus absurdes; dans le geste, la voix, le
regard du premieI' venu, je voyais une allusion à mon crime.
« Les allusions m'ont tenu incessamment sur le chevalet du bour-
reau. Souvenez-vous de cette soirée ou M. Durosoir raconta une de ses
instructions. Dix années de douleurs lancinantes qui n'éqllivaudront
jamais à ce que je ressentis au moment ou, sortant de la chambre de
Rosalie, je me trouvai vis-à-vis du juge qui me regardait au visage.
J'étais de verre; illisait jusqu'au fond de ma poítrine. Un instant j' en-
trevis l'échafaud. Rappelez-volls ce dicton : « Ilne faut P il,S parler de
eorde dans la maison d'un pendll, » et vingt alltres détails de ce genre.
C'était un sllppliee de tous les jOUI'S, de toutes les heures, de toutes les
secondes. Quoi que j'en eusse, íl se faisaít dans mon esprit des
ravages effrayants.
« L'état de Rosalie était de beaucoup plus douloureux encore :
elle vivait vraiment dans les flammes. La présence de l'enfant dans la
maison acheva d'en rendre le séjour intolérable. Incessamment, jour
et nuit, nous vécúmes au mílieu des scenes les plus cruelles. L'enfant
me glaçait d'horreur. Je faillis vingt fois l'étouffer. Outre cela, Rosa-
lie qui se sentait mourir, qui croyait à la vie future, aux châtiments,
- 18-
aspirait à se réconcílier avec Dieu. Je la raillais, je l'insultais, je
la menaçais de la battre. J'entrais dans des fureurs à I'assassinel'. ElIe
mourut à temps pour me préserver d'un deuxieme crime. Quelle ago-
nie I EIIe ne sortira jamais de ma mémoire.
« Depuis je n'ai pas vécu. Je m'étais tlatté de n'avoir plus de
conscience : ces remords grandissent à mes côtés, eu chair et cn os,
sous la forme de mon enfant. Cet enfant, dont, malgré l'imbécillité,
je consens à êlre le gardien et I'esclave, ne cesse de me torturer par
son air, ses regards étranges, par la haine instindive qu'il me porte.
N'impol'te ou que j'aiIle, il me suit pfl S à pas, il marche ou s'assied
dans mon ombre. ta nuit, apres une journée de fatigue, je le sens à
mes côtés, et S'Jn contact suffit à chasser le sommeil de mes yeux ou
tout au moins à me troubler de cauchemars. Je crains que tout à coup
la raison ne lui vienne, que sa lallgue ne se délie, qu'il ne parle et ne
m'accuse.
« L' Inquisition, dans son génie des tortures, Dante lui-même, dans
sa Suppháomanie, n'ontjamais rien im'iginé de si épouvantable. J'en
deviens monomane. Je me surprends dessinant à la plume la chambre
ou je commis mon crime; j'écris au bas cette légende : Dans cette
chambre, j'empoisonnai l'agent de change Tliillard-Ducornet, et je
signe. C'est ainsi, que dans mes heurcs de fievre, j'ai délaillé sur mon
journal à peu pres mot pour mot tout ce que je vous ai raconté.
« Ce n'est pas tout. J'ai réussi à me soustraire au supplice dont les
hommes châtient le meurtrier, et voilà que ce supplice se renouvelle
pour moi presque chaque nuit.
« Je sens une main sur mon épaule et j,' entends une voix qui mur-
mure à mon oreille :
« Assassin ! » Je suis mené devant des robes rouges; une pâle
figure se dresse devant moi et s'écrie : « Le voilà ! » C'est mon fi18. Je
nie. Mon dessin et mes propres mémoires me sont repréi>entés avec ma
sibnature. Vous le voyez, la réalité se mêle au songe et ajoute .à mon
épouvante. J'assiste enfin à toutes Jes péripéties d'un proces criminel.
J'emends ma condamnation: « Oui, il esl coupable. )) On me con-
duit dans une saIle obscure ou viennent me joindre le bourreau et ses
aides. J e veux fuir, des liens de fel' m' arrêtent, et une voíx me crie :
a II n'est plus pour toi de miséricorde! » j.'éprouve jusqu'à la sensa-
tion du fl'Oid des ciseaux SUF mon cou. Vn prêtre prie à. mes côtés et
m'invite parfois au repentir •
• Je le repousse' avec O1i11e blasphêl!les. Demi-m0'rt, je suis cahoté
par les mouvements d'une charrette sur le pavé ~'une ville; j'entends
les murmures de la multitude comparables à: ceux des vagues de la
- t9-
mer, ct, au-dessus, les imprécations de mille voix. J'arrive en vue de
l'échafaud. J'en gravis les degrés. Je ne me réveille que juste à.
fheure ou le cout~au glisse entre les rainures, quand, toutefois, mon
rêve ne cOBtinuc pas, quand je ne suis p'l.S trainé en présence de
~tui que fai voulu nier, de Dieu même, pour y avoir les yeux brulés
par la lumiêre, pour y plonger dans I'abime de mes iniquités, pOUl
y être supplicié par te sentiment de ma propre infamie. J'étouffe, la.
saeur m'inoade, l'horreur comble monâme. J.e ne sais plns :combien
de fois déjà j'ai subi cc supplice .•
L'idée de Caire revivre la victime dane l'enrant même de I'assassill,
et qui est lã com me l'image vivante de son crime, attachée à ·ses pas,
est à la fois ingénieuse et tres morale. L'autcnr .a voulu montrer que,
'si ce criminel sait échapper au! poursuites des hommes, iI ne saurait
se soustraire à ceUes de la Providence. 11 y a ici plus que le remords,
c'est la victime qui se dresse sans cesse devant lui, non sous I'appa-
rence d'un fantôme ou d'une apparitionqu'on pourrait regarder
comme un effet de l'imagination frappée, mais sous les traits de son
enfant; c'est la pensée que cet enCant peut être la victime elle-même,
pensée corroborée par l'aversion inslinctive de l'cnfaot, quoique
idiot, pour son pere; c'esl la lulOO de la tendresse paternelle contre
ceLte pensée qui le torture, lutle horrible qui ne permet pas au COll-
pable de jouir paisiblemeut da fruit de son crime, comme il s'eu était
tlatté.
Ce tableau a le mérite d'êtrc vrai, ou micux parfaitement vraisem-
blable; c'est-à.dire que rien ne s'écarte des lois ualurelles que nous
,savons aujourd'hui régir les rapports des étres humains entre eUI.
lei, rien de fantastique ni de merveilleux; tout est possible et justifié
par les nombreux exemples que nous avons d'inrlividus renaissant dans
le milieu ou ils ont déjà vécu, en contact avec les mêmes individus,
pour avoir occasion de réparer des torts, ou d'accomplir des devoirs
de reconnaissance.
Admirons ici la sagesse de la Providence qui jette, pendant la vie,
un voile sur le passé, sans lequel les haines se perpétueraient, tandis
qu'elles finissent par s'apaiser dans ce contact nouveau et sous l'em-
pire des bons procédés réciproques. C'est ainsi que, pelit à pelit, le
sentiment de la fraternité finit par succéder à celai de l'hostilité. Dans
le cas dont il s'agit, si l'assassin avait cu une certitude absolue sur
l'identité de son enfant, il aurait pu chercher sa sureté dans uo
nouveau crime; le doute le laissait aux prises avec la voix de la na-
ture qui parlait en lui par celle de la paternité; mais le doute était un
- 20-
cruel supplice, une anxiété perpétuelle par la crainte que cette fatale
ressemblance n'amenât la découverte du crime.
D'un autre côté, l'agent de change, coupable lui-même, avait, sinon
comme incarné, mais comme Esprit, la conscience de sa position.
S'il servait d'instrument au châtiment de son meurlrier, sa position
était aussi pour lui un supplice; ainsi ces deux individus, coupables
tous les deux, se punissaient I' un par l' autre, tout en étant arrêtés dans
leu r ressentiment mutuel par les devoirs que leur imposait la nature.
Cette justice distributive qui châtie par des moyens naturels, par la con-
séquence de la faute même, mais qui laisse toujours la porte ouverte au
repentiret à la réhabilitation, qui place le cOllpable sur la voie de la ré-
paration , n'est-elJe pas plus digne de la bonté de Dieu que la condam-
nation irrémissible aux flammes éternelles? Parce que le Spiritisme
repousse l'idée de l'enfer tel qu'on le représente, peut-on dire qu'il
enleve tout frein aux mauvaises passions? On comprend ce genre de
punilion; 011 l'accepte, parce qu'il est' logique ; il impressionne d'au-
tant plus qu'on le sent équitable et possible. Cette croyance est un
freln autrement puissant que la perspective d'un enfer auquel on ne
croit plus" et dont on se rito
Voiei un exemple réel de l'influence de cette doctrine, pour un cas
qui, bien que moins grave, ne prouve pas moins la puissance de son
action :
Un monsieur, de notre connaissance personnelle, Spirite fervent et
éclairé, vit avec un tres proche parent que difTérents indices ayant un
grand caractere de probabilité lui font croire avoir été son pere. Or,
c'e parent n' agit pas toujours envers lui comme ille devrait. Sans cette
pensée, ce monsieur aurait, en maintes circonstanqes, pour des afTaires
'd'intérêt, usé d'une rigueur qui était dans son droit, et provoqué une
rupture; mais l'idée que ce pouvait être son pere ra retenu; il s'est
montré patient, modéré; il a enduré ce qu'il n'eut pas soufTert de la
part d'une personne qu'il aurait considérée comme lui étant étrangere.
11 n'y avait pas, du vivanl du pere, une grande sympathie entre celui-
ci et son fils; mais la conduite du fils en cette circonstance n' est-elle
pas de nature à les rapprocher spirituellement, et à détruire les pré-
ventions qui les éloignaient I'un de l'autre? S'ils se reconnaissaient
d'une maniere certaine, leur position respective serait tres fausse et
tres gênante; le doute ou est le fils suffit pour l' empêcher de mal agir,
mais le laisse cependant tout à son libre arbitre. Que le parent ait
été ou non son pere, le fils n'en a pas moins le mérite du sentiment
-21-
de la piété filiale; s'iI ne lui est rien, illui ser a toujours tenu compte de
ses bons procédés, et le véritahle Esprit de son pef'e lui en saura gré.
Vous qui raillez le Spiritisme, parce que vous ne le connaissez pas,
si vous saviez ce qu'il renferme de puissance pour la moralisation,
vous comprendriez tout ce que la société gagnera à sa propagation,
et vous seriez les premiers à y applaudir; vous la verriez transformée
sous l'empire de croyances qui conduisent, par la force même des
choses et par les.lois mêmes de la nature, à la fraternité et à la véri-
table égalité; vaus comprendriez que seul il peut triompher des pré-
jugés qui sont la pierre d'achoppement du progres social, et au lieu
de bafouer ceux qui le propagent, vous les encourageriez, parce que
vous sentiriez qu'i1 y va de votre propre intérêt, de votre sécurité.
Mais patience ! cela viendra, ou, pour mieux dire, cela vient déjà;
chaque jour les préventions s'apaisent, l'idée se propage, s'infiltre
sans bruit, et 1'0n commence à voir qu'il y a la quelque chose de plus
sérieux qu'on lle pensait. Le temps n'est pas éloigné ou les mora-
listes, les apôtres du progres, y verront le plus puissant levier qu'ils
aient jamais eu entre les mains.
En lisan t le roman de M. Charles Barbara, on pourrait croire qu'iI
était Spirite fervent; il n'en était rien cependant. 11 est mort, avons-
nous dit, dans une maison de santé, en se jetant par la fenêtre dans
un acces de fievre chaucle. C'était un suicide, mais atténué pax les
circonstances. Evoqué peu de temps apres à la société de Paris, et
interrogé sur ses idées touchant le Spiritisme, voici la communication
qu'il a donnée à ce sujet :
[Pari s, 19 octobre 1866; méd. M. Morin.)

Permettez, messieurs, à un pauvre Esprit malheureux et souffrant,


de vous demander l'autorisation de venir assister à vos séances, toutes
d'instruction, de dévoument, de fraternité et de charité. Je suis
le malheureux qui avait nom Barbrlra, et, si je vous demande
cette grâce, c'est que I'Esprit a dépouillé le vieil homme, et ne se
croit plus aussi supérieur en intelligence qu'il le croyait de son
vivant.
Je vous remercie de votre appel, et, autant qu'il est en mon pou-
voir, je vais essayer de répondre à la question motivée par une page
d'un de mes ouvrages; mais, 1e vous prierai, au préalable, de faire
la part de mon état actuel, qui se ressent fortement du trouble, tout
naturel du reste, que l'on éprouve à passer brusquement d'une vie à
une aulre vie.
Je suis troublé pour deux causes principales : la premiel'e tient à
mon épreuve qui était de supporter les douleurs physiques que j'ai
éprouvées, ou plulôt que mon corps a éprouvées, lorsque je me suis
- 2~-

:suicidé•.- ~ui, messieurs, je ne erains pas de le dire, je me suis sui·


-cidé~ car si mon Esprit était égaré par moments, je l'ai possédé avant
de me briser sur le pavé, et, .• j'ai dit : tant mieux !. •. Quelle faute
et quelle faiblesse I... Les lu,tles de la vie matérielle étaient flnies
pour moi, mon nom était connu, je o'avais plus désormais qu'à
.marchel·dan~ la. voie qui m'était ouverte etquiétait si facile à suivl'e I••,.
J'ai eu pem !. .• et pourtant aux heures d'incertitude et de décourage-
meot, j'avais lutté quand même. La misere et ses conséquences ne
m'avaient pas rebuté, et c'est lorsque tout était flni pour moi, que je
m'écriai : Le pas est (ait, lant miéux t.• , je n' aurai plus à souflrir!
Eg(Jlste et ignorant !. ..
La seconde, c'est que, lorsqu'apres avoir ,e rré dans la vie, entre la
conviction du néant et le pressentiment d'un Dieu qui ne pouvait être
qu'une puissance seule, unique, grande, juste, bonne et belle, on se
tl'ouve eu présence d'une multitude innombrable d'êtres ou Esprits
qui vous oot connu ,que vous avez aimés; que vaus retrouvez
vivantes vos alfections, vos tendresses, vos amours; quand vous vous
apercevez, en un mot, que vous n'avez fait que changer de dom:cile.
Alors, vous concevez, messieurs, qu'il ,est tout naturel qu'un pauvre
être qt;li a vécu entre le bien et le mal, entre la croyance et I'in-
crédulité sur une autre vie, il est bien naturel, dis-je, qu'il soit
troublé•.. de bonheur, de joie, d'émotion, un peu de honte 1 en se
voyant obligé de s 'avouer à lui-même que, dans ses écrits, ee qu'il
attribuait à son imagination en travail, était une puiss~nte réalité,
et que souvenL I'homme de leltres qui se bouffit d'orgueil en voyant
!ire et en entendant applaudir des pages qu'i! croyait son reuvre, n'est
parfois qu'un instrument qui écrit sons l'influence de ces mêmes
puissances occultes dont il jette le nom au hasard de la plume dans
un livre.
Combien de grandsauteurs de tous les temps ontécrit, sans en
,connaitr,e .toute la valeurphilosophique, des pages immorteHes, jalons
du 'progres, placés pa1'eux et par 'I'ordre d'une puissance supérieure,
pour que, dans un temps donné, la réunion de tous ccs matériaux
épars forme un tout d'autant plus solide qu'il est le produit de plu-
sieurs intelligences, car l'ouvrage eoHectif estle meilleur : c'est, du
reste, celui que Diau assignera à l'homme, car la grande loi de la
so1idarité ,est immuable.
Non, messieurs, nem, je ne connaissais nul1ement le Spiritisme, l()rs-
que j'écrivais ce roman, et je '\' OUS avoue que je remarquai moi-même
avec surprise la tournure profonde des quelques Iignes que vous avez
lues, sans eo comprendre toute la portée que je vois c1airement aujour.
-d'hui. Depuis que je les avais écrites, j'ai appris à. rire du Spiritisme,
pour faire comme mes édairés collêgues, et ne point vOllloir pa-
- 23-
raitre plus avancé dans le ridicule qu'il s ne voulaient l'être eux-
mêmef'. J' ai ri L .. ; je pleure mainlenant; mais j'espere aussi, car ou
me "a appris ici : tou! repentir sincere est Ull progres, et tout pro-
gres mClle au bien.
N'en doutez pas messieurs, b caucoup d'écrivains sont souvent des
instrllments inconscients pour la propagation des idées que les puissan·
ces invisibles croient utiles an progres de l'humanité. Ne vous étonnez
donc pas d' en voir qui écri veut sur le Spiritisme sans -y croire; pour
eux c' est nn SlljBt comme un alltre qui prête à I' eITet, et ils ne se dou-
tent pas qu'ils -y sont poussés à leur insu. Toutes ces pensées spiriles que
vous voy ez émises par eeux mêmes qui, à côté de cela, fontde I'oppo-
sitioD, leur sont suggéréeí>, et elles n'eu fomt pas mo~ ns leur chemin.
J'ai été de ce nombre.
Priez pour moi, messieurs, cal' la priere est un baume ineffabl€; la
priêre est la charilé que I'on doit fatre· aux malheureux de l'autre-
monde, et j'en suis uno
BARBAUA.

VARIÉTÉS
Porlrait physique des Spirites
On lit dans la France du 14 sep,t embre 1866 :
(t La foi r'lbuste des gens qui croient quand même àtoutes les-
merveiHes, si souvent démenties, du Spiritisme, est en vérité admi-
rable. On leur montre Ie true des tables tournantes, et ils croient; on
leur dévoile les imp-oslures de I'armoire Davenport, et 11s croient plus
fort; on leur exh ibe toutes les ficelles, OIl leu r fait toucher le m lm-
songe du doigt, on leur creve les -yeux par férl'idence du ch arl'ata-
nisme, et leur cro-yance n'en devient que plus acharnée. lnexplicable
besoin de I'impossible! Credo quia absurdum.
~ Le Messager (ranco-amél'2:eain, de New-York, parle d'une con-
vention des adeptes du Spiritisme qui vient de se réunir à PrO'vidence
(Rhode-lsland). Hommes et femmes se distiflguent plr uo air de
l'autre monde; la pãleur du teint, l'émaciation de la: face, la prophé-
tique rêverie des -yeux, perdus dans llTl va.gue océanique, tels sont,
en général, les signes extérieurs du' Spirite. Ajoutez que, contraire-
ment à l'usélge général, les femmes ont les cheveux coupés ras, à la
mal-content, comme on disait aulrefois, tandis que les hommes por-
tent une chevelure plantureuse, absalonique, à tDUS crins, descE'ndant
jusqu'aux épaules. li faut bien, quand on faút commerce avee" les Es-
prits, se dislinguer dO' commun des mJrlels, de la vi\'e mutlitude.
« Plusieurs discours, trop de discours, out été prononcés. Lcs ora-
- 24-
teurs. sans plus se préoccuper des démentis de la science que de ceux
du sens commun, ont imperturbablement rappelé la longue série, que
chacun sait par camr, des faits merveilleux attribués au Spiritisme.
« Miss Susia Johnson a déclaré que, sans vouloir se poser en pro-
phétesse, elle prévoyait que les temps sont proches ou la grande ma-
jorité des hommes ne ser a plus rebelle aux mystiques révélations de
la religion nouvelle. Elle appelle de tous ses vreux. la création de
nombreuses écoles ou les enfants des deux sexes suceront, dês l' âge
le plus tendre, les enseignements du Spiritisme. 11 ne manquerait
plus que cela! ))
SOUS le titre de: Toujours les Spirites! i' Evénement du 26 aout
t 866 publiait un três long article dont nous extrayons le passage
suivant:
cc Etes-vous allé jamais dalls quelque réunion de Spirites, un soir de
désreuvrement ou de curiosité? C'est un ami qui YOUS conduit géné-
ralement. On monte haut,-les Esprits aimant se rapprocher du ciel,
- dans quelque petit appartement déjà rempli ; vaus entrez en jouant
du coude.
" Des gens s'entassent, à figures bizarre:3, à gestes d'éllergumenes.
On étoufIe dans cette atmosphêre, on se presse, on se penche vers les
tables ou des médiums, l'rei! au plafond, le crayon à la maill, écrivent
les élucubrations qui passent par là. C'est d'abord une surprise; on
cherche parmi tous ces gens à reposer son regard, on interroge, on
devine, on analyse.
« Vieilles fe!pmes aux yeux avides, jeunes gens maigres et fatigués,
la promiscuité des rangs et celle des âges, des portieres du voisillage
et des grandes dames du quartier, de l'indienne et des guipures, des
poétesses de hasard et des prophétesses de rencolltre, des tailleurs et
des lauréats de l'Institut; on fraternise dans le Spiritisme. On attend,
on fait tourner des tables, on les soulêve, on lit à haute voix les grif-
fonnages qu'Homere ou, le Dante ont dictés aux médiums assiro. Ces
médiums, i1s sont immobiles, la maill SUl' le papier, rêvant. Tout à
coap leur main s'agite, court, se démêne, couvre lesfeuillets, va, va
encore et s'arrête brusquement. Quelqu'un alors, dans le silence,
nomme l'Esprit qui vient de dicter et lit. Ah! ces lectures!
« J'ai entendu de cette façon Cervantes se plaindre de la démolition
du théâtre des Délassements-Comiques, et Lamennais raconter que
Jean Journet était là-bas son ami intime. La pIupart du temps La-
mennais fait des fautes d'orthographe et Cervantês ne sait pas un mot
d' espagnoI. D' autres fois, les Esprits empruntent un pseudonyme angé-
lique pour lâcher à leur public quelque apophthegme à la Pantagruel.
On se récrie. On leur répond : - Nous nous plaindrons à votre chef
de file!
- 25-
« Le médium qui a tracé la phrase s'assombrit el Sfl fâche d'être
eo rapport avec des Esprits si mal embouchés. J'ai demandé à quelte
légion appartenaient ces mystificateurs de I'autre monde, et l'on m'a
répondu tout net : - Ce sont des Esprits voyous !
« J'en sais de pIus aimables, -par exemple l'Esprit dessinateur qui

a poussé la main de M. Victorien Sardou, et lui a fait tracer I'image


de la maison qu'habite là-haut Beethoven. Profusion de rinceaux, en-
trelacements de croches et de doubles-croches, c'est un travail de
patience qui demanderait des mois et qui a été fait en un e nuit. On
me I' a affirmé du moins. M. Sardou seul pourrait m'en convaincre.
(( Pauvre eervelle humaine, et que ees choses sont douloureuses à
raconter! Nous n'avons donc point fait UI1 pas du eôté de la Raison
et de la Vérité! Ou, du moins, le bataillon des trainards se grossit de
jour en jour à mesure que I'on avance! II est formidable, e'est pres-
que une armée. Savez-vous eombien il y a de passédées en France
à l'heure qu'il est?
(( Plus de deu x mille. Les possédées ont leur présidente, Mme de
B. .. , qui, depuis I'âge de deux ans, vil en relations direetes avec la
Vierge. Deux mille! L'Auvergne a gardé ses miracles, les Cévennes
ont toujours leurs Camisards. Les livres de Spiritisme, les traités de
mysticísme ont sept, huit, dix éditions. Le merveilleux est bien la ma-
ladie d'un temps qui. n'ayant rien devant, I'esprit pour se satisfaire,
se réfugie dans les chimeres, comme un estomac délabré et privé
de viande qui se nourrirait de gingembre.
« Et le nombre des fous augmente! Le délire est comme un flot
qui monte. Quelle lumiere faut-il donc trouver, puisque, pour détruire
ces ténebres, la lumiere électrique ne suffit pas?
• J ULES CLARETIE. »

011 aurait vraiment tort de se fâcher contre de tels adversaires,


parce qu'ils croient de si bonne foi et si nalvement avoir.le monopole
du bon sens ! Ce qui est aussi amusant que les singuliers portraits
qu'ils font des Spirites, c'est de les voir gémir douloureusement SUl'
ces pauvres cervelles humaines qui lle font aucun pas du côté de la
raison et de la vérité, parce qu'elles veulent à toute force avoir une
âme et croire à l'autre monde, malgré les frais d' éloquenee des
il1créd ules pour prouver qu'il n'y en a pas, pour le bonheur de I'hu-
manité; ce sont leurs regrets à la vue de ces livres spiri~es qui s'é-
coulent sans le secours des annonces, des réclames et des élages payés
de la presse; de ce bataillon des trainards de la raison, qui, chose
désespérante! gr08siu tous les jours et devient si formidable, que c'est
presque une armée; qui n'ayant rien devant leur esprit pour les sa-
tisfaire, sont assez sots pour refuser la perspective du néant qu'on
...- 26 -
leur offre pour combler le vide. C'est vraiment à désespérer de cette
pauvre humanité assez ilIogique pour ne pas préférer rien en écbange
de quelque chose, pour aimer mieux revivl'e que de mourir tout à
fait.
Ces facéties, ces images grotesques, plus amusantes que dange-
reuses, et qu'il serait puéril de prendre au sérieux, Ollt leur côté
instrllclif, et c'est pour cela que nous en citons quelqués exemples.
Autrefois on cherchait à combattre le Spiritisme par des arguments,
mauvais sans doute, pllisqu'i1s n'o'l1t convaincu personne, mais enfin
on essayait de di~ cuter la chose, bien ou mal; des hommes d'une
valeur réel1e, orateurs et écrivains, pour le combaltre ont fouillé I'ar-
senal des objections. Qu'en est-il réf' ulté? Leurs livres sont oubliés et
le Spiritisme est debout : voilà un fait. Aujourd'hui il ya encore quel-
ques railleurs de la for ::e de ceux que nous venons de dter, peu sóu ·
cieux de la valeur des arguments, pour qui rire de tout est un besoin,
mais on ne discute plus; la polémique adverse parait avoir épuisé
ses munitions. Les adversaires se contentent de gémir sur le progres
de ce qu'ils appellent une calamité, comme on gémit sur· le progres
d'une inondation qu'on ne peut arrêter; mais les armes oJTen sives
pour combattre la doctrine n'ont fait aucun pas en avant, et si l'on
n'a point encore trol1vé le fusi} à aiguille qui peut I'abattre, ce n'est
pas fante de I'avoir cherché.
Ce serait peine inutile de réfuler des choses qui se réfutent d'elles-
mêmes. Aux dúléances donl le journalla France fait précéder le bllr-
lesque portrait qu' eIle .emprunte au journal américain, il n'y a qU ' Ull
mot à répondrr.. Si la foi des Spirites résiste à la révélation des trucs
et des fieelles du charlatanisme, c' est que là n'est pas le SpiriLisme;
si, plus on met à jour les manceuvres frauduleuses plus la foi redouble,
e'est que vous vous escrimez à combattre précisément ce qu'il désavoue
et combal lui-même; s'ils ne sont pas ébranlés par vos démonstra-
tiODS, c"est que vous êtes à côté de la questiono Si lorsque VOllS fl'ap-
pez le Spiritisme ne crie pas, c'est que vous frapp ez à eôté, et alors
les rieurs ne sont pas pour vous. En démasquant les abus que \'on fait
d' une chose, on fortifie la chose même, com me on fortil1e la' vraie
religion en en stigmatisant las abus.Ceux qui vivent des abus peuvent
seuls se plaindre, en Spiritisme comme en religion.
Contradiction rlus étrange! Ceux qui prêchent I'égalité sociale,
voient, sous l'empire des croyanees spil'ites, les préjugés de castes
s' elTacer, les rangs extrêmes se rappro cher, le grand et 1e petit se
tendre une main fraternelle, et i1s en rient! En vérité, ell lisant ces
doses, 011 se demande de quel eôté est l'a:berration.
- 27-

Nécrologie . .
M. Lec1erc
La Société spirite de Paris vient de Caire une nouvelle perte dans
la. personne de M. Charles-J ulien Leclerc, ancien mécanicien, âgé de
cinquante-sept ans, mort subitement d'une attaque d'apoplexie fou-
droyante, le 2 décembre, au moment ou iI entrait à l'Opéra. 11 avait
longtemps habité le Brésil, et c'est là qu'il avait puisé les premieres.
notions du Spiritisme, auquell'avait préparé la doctrine de Fourrier,
dont il était un zélé partisan. Rentré en France, apres s'êtl'e fait
une position inqépendante par son travail, il s'est dévoué à la cause·
du Spiritisrne, dont il avait facilement entrevu la haute portée huma-
nitaire et moralisatrice pour la classe ouvriere. C'était un homme de
bien, aimé, estimé et regretté de tous ceux qui I'ont connu, un Spirite
de creur, s'e[orçant de mettre en pratique, au profit de son avance-
ment moral, les enseignements de la doctrine, un de ces hommes qui
honorent la croyance qu'ils professent.
A la demande de sa famille , nous avons dit sur sa tombe la priere
pour les âmes qui viennent de quitter la tene (Évangile selon le Spi-
ritisme), et que nous avons fait suivre des paroles suivantes :
« Cher monsieur Leclerc, vous êtes un exemple de l'incertitude de
la vie, puisque l'avant-veille de votre mort, vaus étiez au milieu de
nous, sans que rien put faire pressentir un départ aussi subit. Dieu
nous avertit par lã de nous tenir toujours prêts à rendre compte de
I'emploi que nous avons fait du temps que nous avons passé sur la
terre; il nous rappelle au moment ou naus nous y attendons le moins.
Que son nom soit Mni pour vous avoir épargné les angoisses et les
souITrances qui accompagnent parfois le travail de la séparation.
« Vaus avez été rejoindre ceux de vos collegues qui vous ont pré-
cédé, et qui, sans doute, sont venus vous recevoir au seuil de la nou-
velle vie; mais celte vie, avec laquelle vous vous étiez identifié, n'a
dti avoir pour vous aucune surprise; vous y êtes entré comme dans
un pays connu, et nous ne doutons pas que vous n'y jouissiez de la
félicité réservée aux hommes de bien, à ceux qui ont pratiqué les
lois du Seigneur.
([ Vos collegues de la Société spirite de Paris s'honorent de vOUs
avoir compté daos leurs rangs, et votre mémoire Jeur sera toujours
chere; ils vous offrent, par ma voix, l'expression des selltiments de
bien sincere sympathie que vous avez su vous conciJier. Si quelque
- 28-
chose adeucit nos regrets de cette séparation, c'est la pensée que vous
êtes heureux comme vous le méritez, et l'espoir que vous n'en vien-
drez pas moins participer à nos travaux.
«Que le Seigneur, cher frere, répande sur vous les trésors de sa
bonté infinie; nous le prions de vous accorder la grâce de veiller SUl'
vos 'enfants, et de les diriger dans la voie du bien que vous avez
suivie. »
M. Leclerc, promptement dégagé, com me nous le supposions, a
pu se manifester à la Société dans la séance qui a suivi son enterre-
mente 11 n'y a, par conséquent, eu aucune interruption dans sa pré-
sence, puisqu'il avait assisté à la séance qui l'avait précédée. ,Outre
le sentiment d'affection qui nous attachait à lui, cette communication
devait avoir son côté instructif; il était intéressant de connaitre
les sensations qui accompagnent ce genre de morto Rien de ce qui
peut éclairer sur les di verses phases de ce passage que tout le
monde doit franchir, ne saurait être indifférent. Voici cette commu-
nication :
(Société de Paris, 7 décembre 1866. M.éd. M. Desliens.)

Enfin je puis, à mon tour, venir à cette table! Déjà, bien que ma
mort soit récente, j'ai été plus d'une fois saisi d'impatience; je ne
pouvais presser la marche du temps. J'avais aussi à vous remercier
de votre empressement à entourer ma dépouille mortelle, et des pen-
sées sympathiques que vous avez prodiguées à mon Esprit. Oh!
maitre, merci pour votre bienveillance, pour l'émotion profonde que
vous avez ressenti e en accueillant mon fils aimé. Combien je serais
ingrat si je ne nous en conservais pas une reconnaissance éternelle I
Mon Dieu·, merci! mes vreux sont comblés. Ce monde, que je ne
connaissais que d'apres les communications des Esprits, je puis moi-
même en apprécier aujourd'hui la beauté. Dans une certaine mesure,
j'ai éprouvé, en arrivant ici, les mêmes émotions, mais infiniment
plus vives, qu'en abordant pour la premiere fois SUl' la terre d'Amé-
rique. Je ne connaissais cette contrée que par le récit des voyagelll's,
et j'étais loin de me faire une idée de ses luxuriantes productions; il
en fut de même ici. Combien ce monde est différent du nôtre!
Chaque visage est la reproduction exacte des sentiments intimes; au-
cune physionomie mensongere; point d' hypocrisie possible; la pen-
sée se révêle toute à l' reil, bienveillante ou malveillante, selon la na-
ture de I'Esprit.
Eh bien ! voyez; je suis encore ici puni par mon défaut principal,
- 29-
celui que je combattais avec tant de peine sur la terre, et que j'étais
parvenu à dominer en partie; l'impatience que j'avais de me voir
parmi vous m'a troublé à un tel point que je ne sais plus exprimer
mes idées avec lucidité, et cependant cette matiere qui m'entrainait
si souvent à la colere autrefois n'est plus là! Allons, je me calme,
puisqu'ille faut.
Oh ! j'ai été bien surpris par cette fin inattendue ! Je ne craigllais
pas la mort, et je la considérais depuis longtemps comme la fin de
l'éprcllve; mais cette mort si imprévue ne m'en a pas moins causé un
profond saisissement. •• Quel coup pour ma pauvre femme !.•• Comme
le deuil a rapidement succédé au plaisir ! Je me faisais une véritable
joie d' écouter de la bonnne musique, mais je ne pensais pas être si tôt
en contact avec la grande voix de l'infini••• Combien la vie est fra-
gile I•.. Un globule sanguin se coagule; la circulation perd sa régu-
larité, et tout est fini 1. •• J'aurais voulu vivre encore quelques an-
nées, voir mes enfants tous établis; Dieu en a décidé autrement : que
sa volonté soit faite !
Au moment ou la mort m'a frappé, j'ai reçu comme un coup de
massue sur la tête ; un poids écrasant m'a accablé; puis tout à coup je
me suis senti libre, allégé. J'ai plané au-dessus de ma dépouille ; j'ai
considéré avec étonnement les larmes des miens, etje me suis rendu
compte enfin de ce qui m'était arrivé. Je me suis promptement re-
connu. J'ai vu mon second fils, mandé par le télégraphe, accourir.
Ah! j' ai bien essayé de les consoler; je leur ai soufflé mes meilleures
pensées, et j'ai vu avec un certain bonheur quelques cerveaux réfrac-
taires pencher peu à peu du côté de la croyance qui a fait toute ma
force dans ces dernieres années, à laquelle j'ai du tant de bons mo-
rnents. Si j 'ai vaincu un peu le vieil homme, à qui le dois-je, si ce
n'est à notre cher enseignement, aux conseils réitérés de mes guid~s?
Et cependant j'en rougis, bien qu'Esprit, ie me suis encore laissé do-
miner par ce maudit défaut : l'impatience. Aussi j'en suis puni, car
j'étais si empressé de me communiquer pour vous raconter milIe dé_
tails, 'que je suis obligé de les ajourner. Oh! je serai patient, mais à
regret. Je suis si heureux ici, qu'i! m'en coute de vous quitter. Ce-
pendant de bons amis sont pres de moi, et d'eux-:mêmes se sont joints
pour m' accueillir : Sanson, Baluze, Sonnez, le joyeux Sonnez dont
j'aimais si fort la verve satirique, puis Jobard, le brave Costeau et
tant d'autres. En dernier lieu, madame Dozon; puis un pauvre mal-
heureux bien à plaindre, et dont le repentir me touche. Priez paul'
lui comme pour tous ceux; qui se sont laissé dominer par l' épreuve.
-30-
Bientôt je reviendrai m'entretenir de nouveau, et soyez bieo persua-
dés que je ne serai pas muins assidu à nos cheres rétmioDs ,comme
Esprit, que je ne l' étais comme incarné.
Lncuntc.

N'otices bibliographiques

Poésies dlverses du mande invisihle


OBTENDES PAR 11. VAVASSÉUR.

Ce recueil, que nous avons annoncé dans noire dernier numéro comme
étant sous presse. paraitra dans la premiere quinzaine de janvier. Nos lec-
teurs ont pu juger le genre et la valeur des poésies obtenues par M. Va-
vasseur, comme médium, soit à l'état de veille, soit à l'état somnambu-
lique spontané, par les fragments que nous en avons publiés. Nous nous
bornerons donc à dire qu'au mérite de la versification elles joignent celui
de refléter, sous la gracieuse forme poéti:que, res eonsofantes vérités de la
doctrine, et qu'à ce titre eUes aurent une place honorable dans toute bi-
bliotheque spirite. Nous avons cru devoir y ajouter une introduction, ou
mieux une instruction sur la poésie médiall.imique en général, destinée à
répondre à certaines objeetions de la critique sur ce genre de productions.
Des modifications apportées dans l'impressiQQ, permettront d'en mettre
le prix à f fr.; par la poste f fr. Ui c.

Portrait de M. Allan Kardec


Dcssiné et lithographié par M. BERTRAND, artiste peintre.

Dimension : papier chine, 35 c. sur 28, et avee la bordare, 45c. sur 38. -
Prix : 2 fI'. 50; par la poste, pour'I a France et l' Algérie, port et étui d' em-
ballage 50 c. en sus. - Chez I'auteur, rue des Dames, n° 99, à Paris-
Ratignolles, et au bureau de la Revue.
M. Bertrand est un das tres bons médiums écrivains de Ia Société spirite
de Paris, et qui a fait ses preuves de zele et de dévoument pour la doctrine.
Cette considération, jointe au désir de lui être utile en le faisant connaitre
comme artiste de tale!!t, a fait taire le scmpule que nous nous étions fai t
jusqu'ici d'annoncer la mise en vente de notre portrait, dans la crainte
qu'on n'y vit une présomption ridicule. Nous nous empressons donc de
déclarer que nous sommes complétement étranger à cette publicatioll ~
comme à celle des portraits édictés par plusieurs photographes.
- 3i-
L' Unian spírite de Bordeaux, rédigée par M. A. Bez, niomentanément
interrompue par nne grave maladie du directeur et des circonstances indé-
pendantes de votre volonté, a repris le cours de ses publications, ainsi que
nous l'avions annoncé, et doit s'arranger de maniere à ce que ses abonnés
n'éprouvent aucun préjudice de cette interruption. Nous en félicitons sin-
cerement M. Bez, et fai sons des vamx sinceres pour que rien n'entrave à
l'aven ir l'utile publication qh'il a entrepríse et qui mérite d'être encou-
ragée.

Le directeur de la Voce di Dia, journal spirite italien qui se publie en Sicile,


nous informe que, par suite des événem ents survenus dans cette contrée,
et surtont des ravl1ges causés par le choléra, la ville deCatane étant à peu
pres déserte, il se voit forcé d'in terrompre sa publication. 11 compte la
reprendre dês que les circonstances le permeltront.

M. Roustaing, de Bordeaux, nous a adressé la leUre suivante a vec


priere de I'insérer :

Monsieur le Directeur de la R evue Spirite,

Dans I'ouvrage que vaus av ez annoncé dans le numéro de la Re-


vue SpiJ'Üe du mois de juin rlernier, et l1ltüulé: « Spiritisme ehré-

" ticn, ou Révélation de la révd ation; - les quatre évangiles suivis


(, des commandements expliqués en E sprü et en vérÜé, par les
"évangélistes assistés des apôtres; MOlse, recueillis et mis en or-
« dre par J. - B. Roustaing, avocat à la Cour impériale de Bor-
• deaux , ancien bâtonnier, 3 vol., Paris, Librairie centrale,
« n° 24 , '1866; » ouvrage dont j'ai fait hommage aux mois d' avril et
mai demiers à la direction de la Revue Sl'irite de Paris, qui l'a
accep té, il aété omis dan s l'impression, ce qui a .échappé à la correc-
tion des épreuves, un passage du manuscrito Ce passage omis, €t qui
est ain::;i conçu, ,a sa place à la suíte de la derniere ligue, page 111,
lI!< vol.
(, Et cette hypothese de la part des Spirites: - Que le corps de
« Jésus aurait été un corps terrestre, - et qu.e les allges ou Esprits
su périeurs auraient pu le rendre invisible, I'enlever, et l'auraient en-
« levé, -au mo ment même ou la pierre fut descellée et renversée,

« serait, A PRIORI, inadmissz"ble et jausse; elle doit, en effet, être


« éCf.lrtée comme telle, - en présence de la révélation faite par
- 32-
(j l'ange à Marie, puis à Joseph; révélation qui serait alors menson-
I( gere, qui ne peut l' être, émanant d'un envoyé .de Dieu, et qui doit
« être interprétée, expliquée selon l' esprit qui vivifie, en esprit et en
« vérité, selon le cours de lois de la nature et non rejetée. » (Voir
suprà, UI" vol., pages 23-24 ;_I"r vol., p. 27 à ·U; 67 à 86; 122
à129; 165à193; 226 à 266; - 111" vol., p. 139à i45; 161 à 163;
168ài75.)
. Pour porter, par la publicité dont votre journal dispose, à la COll-
naissance de ceux qui ont lu, qui lisent et qui liront cet ouvrage, cette
omission qui a eu lieu dans l'impression, et afin que ceux qui ont
,üêtouvrage puissent ajouter à la main, et ce à la page indiquée, le
paragraphe ci-dessus mentionné, - je viens solliciter de votre obli-
geance l'insertion de la présente lettre dans le plus prochain numéro
de la Revue Spirite de Paris, en vous remerciant d'avance.
Veuillez, Monsieur le Directeur, agréer, etc.,
ROUSTAING,

Avocat à la Cour impériale de Borueaux, ancien Bâtonnier,


rue Saint-Siméon, i 7.

A VIS A MM. LES ABONNÉS

Pour éviter l'encombrement des distributions du :I. cr janvier, la Revue


de ce mois est expédiée le 25 décembre. Elle est en outre adressée à tous
les anciens Abonné, à l'exception de ceux qui le sont par intermédiaires,
et dont les noms ne nous sont pas connus. Les numéros suivants ne seront
expédiés qu'au fur à mesure des renouvellements.
Bien que la Revue ait
la latitude-de parattre du 1cr au 5, il n'est pas
arrivé une seule fois cette année qu'elle n'ait paru que le 5. Une vérifica-
tion tres minutieuse étant faite avant chaque envoi, les l'etards dans la
réception ne peuvent être le fait de la direction. Il a été plusieurs fois
rcconnu qu'ils tenaient à des causes locales, ou au mauvais vouloir de
certaines personnes par les mains desquelles pàsse la Revue avant d'arri-
ver à sondestinataire.
ALLAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge Creres, Dunon et Fresné, rue du Four-Saínt-Gerlllain, 43.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

No 2. Ff:vnlE ll t 8G7.

La libre peusée et la libre conscience.


Dans un article de nolre dernier numéro (page 6), intilulé
Coup ((mill'étrospecufsur te mouvemenl du Spiritisme, naus avans
fait dcux classes distinctes des libres penseurs : les incrédules et les
croyants, ct dit que, pour Ics premicrs, êtl'e librc penseur ce n'est
pas seulement cl'oire à ce qu'on veut, mais ne craire à rico; c'est
s'aifl'aochir de toul frein. même de la cl'ainte de Dieu et de l'a-
venir; pour les seconds, e'est sub(lrdonncr la croyance à la raison et
s'affranchir du joug de la foi aveugle. Ces derniers ont pour organc
de publicité la Libre conscience, titre significatif; les autres, le journal
la Libre pr.:nsée, qualification plus vague, mais qui se spécialise par
les opinions formulées, et qui viennent de tous points corroborer la
distinction que nous avons faile. Nous y lisons dans le n° 2 du 28 oc-
tobre t 866 :
• Les questions d'origine et de fin onl jusqu'ici préoccupé I'hu-
manilé au point souvent de lroubler sa ralson. Ces problemes qu'on
a qualifiés de redoutables, et que nous croyons d'importance secon-
dali'c, ne sont poinl du domaine immédiat de la science. Leur solulion
scicntifique ne peut offrir qu'une demi-certilude. Telle qu'elle est
pourtant, elle nous suffit, et nous n'essaycrons pas de la complétel'
par des arguties métaphysiques. Notre but est, d'ailtcurs, de ne nous
Dccu per que des sujets abordables par l'obscrvation. Nous entendons
reste r sur terre. Si, parfois, nous nous en éloignons pOUI' répondrc
aux attaques de ceux qui ne pensent pas comme nous, l'excursion
au dehors du réel sera de courte durée. Nous aurons tOUjOU1'S préscnt
à la pensée ce sage conseil d'fI elvétius : ,11 faut. avoir le courage
d'ignorer cc qu'on ne peul savoir.
- ~4 -

• Un nouveuu journal, la Libl'e conscience, notre ainé de quelqllcs


jonrs, comme il le fait remarquer, naus souhaite la. bienvenue dans
sou numéro spécimcn. Nous 1e remercions de la façon coul'loise dOllt
il a use de son droit d'alnesse. Notre confrel'c pense que, malgré
['analogie des litres, naus ne serons pas toujours cn. complete am-
nilé d'idécs . • Naus, apres tccture de son numéro spécimen, ncus
co sammcs cerlains; nous no compl'cnons pas plus la libre conscicncc
que la libre pensée avec une limite dogmat.ique assignée ~ [' avance.
Quand Oll se déclare nettemenl disciple de la scicnée , ct champion de
la libre conscience, il est irratiollnel, selao nous, de poser cnsuite
comrne un dogme une croyance quelconque, im possible à. prouver
scientifiquement. La. libcrté limiléc de la sOlte n'esL pas la Iiberté.
A nolre tour, nous souhaitons la bienvenue à. la Libra c01/science, ct
sommes disposés à. voir cn elle une a!liéc , puisqu' elle déclare vouloir
combattre pour toutes les liberlés... moins une • •
11 cst étrange de voir considérer I'ori gine et la fin qe l'humanité
comme des que.:.tions secon daires propres à troubler la raison. Que
dirait·on d'un homme qui, vivant au jour le jour, ne s'inquiêlerait
pas comment iI vivra demain? Passerait· i1 pour un homme sensé?
Que penserait-on de celui qui, ayant une fcmme, des enfants, dcs
amis, dirai t: Que m'importe que demain ils soient morts ou vivants!
Or J le lendemain de la mort est long; ir ne faut donc pas s'étonner
que tant de gens s'en préoccupent.
Si I'on fait la statistique de tous ceux qui perdent la. ralson, on
verra que le plus grand nombre est précisément du côté de cp-ux qui
ne croient pas à ce lendemain ou qui en doutent, et cel a, par la rai-
son bien simple que la grande majorilé des cas de folie est produitc
par le désespoir et le manque de courage moral qui fait supporter les
misêres de la vie, tandis que la. certitude de ce len demain rend moins
amêres les vicissitudes du préscnt, et les fait considérer comme des
incidents passagers dont Ic moral ne s'afIecle que médiocrement ou
.pas du toul. Sa confiance en l'avenir lui donne une force que n'aura
jamais celui qui n'a pour perspectiva que le néanl. 11 est dans la po-
sition d'un homme qu i, ruiné aujourd'hui, a la certitudc d'avoi r de-
main une fortun e supéricure à. celle qu'jJ vient da perdre. D:l.lls ce
cas, il cn prend aisément son parti, ct reste calme; si au contraire il
n'attend ricn, il se désespêre ot sa raison peut en souITrir.
Personne ne contestem ce principe que: savoir joul' par jour d'ou
\'on vient et oul'on va, ce que I'on a fait la veille et cc que ron fera
demain, ne soit une chose nécessaire pour régler les aITaires journa-
- 35-
li eres de la vie, et qu'elle n'infl ue sur la conduite personnell E'. Assu-
rément le soldat qui saH ou on le condllit, qui yoit son bUl, marche
avec plus de fe rmelé, plus d'entrain, pllls d'enthousiasme que si ou
le conduisait en aveugle. 11 en est ainsi du pelil au grand, de I'ind.i-
vidualité à I'en semble; savoir d' ou 1'00 vient et ou 1'00 va o'est pas
moins néccssaire pour régler les aITai res de la vic collective de I'hu-
mallilé. Le jour ou I'humanité tout entiêre aurait la certit ude que la
mort est saos issue, verrait un désarroi général, et [es hommes se
ruer les uns sur les aatres, en se disant : Si no us ne dcvons vivre
qu'un jour, vivons Ic mieux possible, n'impol'tc aux dêpens de qui!
Le journal la Libre pensée déclare qu'il eoteod rester SUl' la terre,
et que, s'il eo 50rt parfúis, ee sera pour réfuter ccux qui ne pensent
pas comme lui, mais que ses excursions hol's du récl serOl1t de courte
durée. Nous compreodrions qu'il co mt ainsi d'un journal exclusive-
ment scien tifique, traitant de matieres spéciales ; il est évident qu'il
serait intempestif de parler de spiritualité, de psychologie ou de Ihéo-
gonie à propos de mécanique, de chimie, de physique, de calcu ls
mathématiques, de commerce ou d'induslrie; mais des lors qu' il fait
entrer dans son programme la pllllosophie, il ne saurail le rcmplir sans
aborder les questions métaphysiques. Bien que le mol pltilosoplúe
soit tres élastique, et qu'il ait éte singulierement détourn é de son ae-
ception étymologique, il implique, par sor: essence même , des re-
cherchcs eL de~ études qui ne sont pas exclusivemcnt matérielle~ .
Le conseil d' Helvétius : . Il faut avoir \e courage d'ignorel" ce qu'oll
ne pcut savoir, » est tres sage, ct s'adrc~se surtout aux savants pré-
som ptueux qui pel1sent que rien ne pcut être caché à I'homme, et que
ce qu'ils ne savent pas ou ne compren nent pas ne doit pas exister. 11
serait plusj llste eependant de dire : « II faut avoir le couragc d'avouer
SO/l igJlorance surce qu'on ne sait pas. » Tel qu'iI est fo rmulé, on pour_
rait le traduire ainsi : 111 fa ut avoir le courage de conserver son igno-
rance, I d'ou ceLte conséquence: cI I e5t inutile de chercher li. savoi r cc
qu'on ne sait pas. » Sans doute, il est des choses que I'homme ne saura
jamais tant qu'il sera sur la terre, parce que, qllclle que soit 5a pl'é-
somplion, I'humanité y cst encore à I'état d' adolcscence; m:lisqui 05e-
rait poscrdes bornes absolues à cc qu'il peut savoir? Puisqu'ü en sail
infiniment plus aujourd'hui que Ics hommcs des temps primitifti, pour-
quoi, plus tard, n'cn saurait-il pas plus qu'il n'en sail maintenant?
e'est ce que ne pcuvcnl comprendrc ceux qui n'a1mellcnt pas la per-
pétuité e1 la perfectibilité de fêlre spirituel. Beaucollp se disent : J e
suis au sommet de I'échelle intellectuelle; ce que je ne ,'ois pas et ne
- 36-
comprends pas. personne IIC peut le vair el le compr endre.
Dans le paragraphe rapporté ci.dessus et relati f au journallaLibre
conscience, iI csL di t : • Nous ne comprenons pas plus la libre con-
science que la. libre pensée avec une limite dogmatique assignée à
,'avance. Quand 00 se déclare discip!e de la scicnce, il esl irration ncl
de poser comme un dogme une croyance quelcollque impossible à
prouver scientifiquement. Laliberté limitée de la sorte !l'cSl pas la
liberté.•
Taule la doctrine csl dans ces mots; la profession de fo i csl DeUe
cl catégoriquc. Ainsi , parce que Dieu ne peul êlrc démontré par une
équalion algébrique, que l'Ame n'cst pas sai!:issablc à ,'aide d'un
réaclif, il c5Labsurde de croire à. Dieu cl ti. r Ame. Tout disci!}1e de
la scicncc doit par conséquent être athée et matérialiste. Mais, pOLIr
ne pas sorti r de In. matérialité, la science cst-elle touj ou rs infaillible
dans ses démonstrations? Ne l'a-l-oo pas maintes foi s vue donnel' pour
des vérilés cc qui plus lard a élé reconnu êlre des erreurs, ai vice
versa ? N'esl-ce pas au nom de la sciellce que le systeme de Fultoll
a été déclaré une chimere? Avant de connattre la loi de la gravitation,
ne démootrait-cUe pas scientifiquemell t qu'il ne pouvait pas y avoir
d'antipodes? Avaot de connattre ccUe de l'éleclricilé, Jl'eul-elle pas
démontré par a plus b qu'i1n'existait pas de vitesse capable de trans-
meUre une dépêche à. cinq cents lieucs cn quelques minutes?
On avait bien expérimenté la lumiere, et cependant, iJ y a. peu
d'années encore, qui eut soupçollné les prodiges de la photographie?
Pourtant cc ne sQnt pas deR savanls officiels qui ont fail celte prodi-
gieuse découverte, non plns que celles du télégraphe électrique et
des mach ines à. vapeur, La scicnce connaH-elle encore aujourd'hui
loules les lois de la nature? Sa.it-elle seulemen t loutcs les ressources
qu'oo peul tirer de.'i lois connues? Qui oserait le dire ? Ne se peut-il
<iu'un jour la connaissaoce de nouvell es lois rende la vie eXll'a-Corpo-
relle allssi évidente, aussi rationnelle, ausai intelligible que cclle des
antipodes? Uo tel résultat coupant court à. toutes les incertitudes,
serait-i1 donc à. dédaigner? Serait-.i1 moins important pour I'humanilé
que la. découverte d' un nouveau con tinent, d' une Ilouvellc planete ,
d'lln nouvel engin de destruction? Eh bieo! celte hypothese s'est faite
réalité; c'est au Spiritisme qu'on le doit, et c'esl grAce à lui que tant
de gens qui croyaient mourir une fois pour toutes, 50n t mai ntenant
certains de vivre toujours.
Nous avons parlé de la force de gravitation, de celte rorce qui ré_
git. l'univers, depuis le graill de sable jusqu'au.I mondes j mais qui "a
- 37-
vue, qui a pu la suivre, j'analyser? Eu quoi consiste-t- ellc? Quelle
est sa. nature, sa cause premiere? Nul nc le sait, et cepcndant nul u'en
doute aujourd'hui. Comment j'a- t-on recon nue? Par ses etTets ; des
eITels OH Il. conelu à la cause ; 00 a. fait plus : en calculant la puissance
deseffets, 0 0 a calculé la puissance de la cause qu'oo o'a jamais vue.
11 eo est de mêmc de Dieu et de la vie spirituclle que J'oo juge aussi
pa.r leurs cffp.!s. selou cet axiome : « Tout eITet a une cause. Tou t
elfet inlel ligen t a une cause intelligente. La puissancc de la cause in·
telligente est eo raiso o de la grandcur de I' effct. . Croire eu Dieu et
eu la vie spirituelle n'est done pas une croynnce puremcnt g ratuite,
mnis UIl résultat d'observations toul aussi positir que celui qui fail
croire :.~ la force de gravitation.
Puis, à défaut de preuvcs matéricl1es, ou concurremmenl il. cellet;-ci.
la philosop hi e n'admel-elle pas les preuves llIorales qui) parfois, ont
Rut.1.nt ct plus de valeur que les a utres? Vous, qui ne tenez pou r vrai
que cc qui esl prouvé matériellement. que diriez-vous si, étanl i njus-
temcnt accusé d'uu crime donl loutes les apparences seraient contre
,'ous, ainsi que cela se voit souvent en justiee, les ju ges ne lenaient
aUCU Il compte des prcuves morales qui seraient cn votrc faveUl'? Ne
seriez-vous pas le premier à los invoquer? à fui re valoir leu r prépon_
déranee sur des elTets purement malériels qui peuvent faire illusion ?
à prouver que les sens peuvent abuseI' le pl us clairvoyan t? Si done
vous ad mettcz que les prcuves morales doivent peser d ans la balance
d'un jugement, vous ne se riez pas eOllséquent avee vous- méme d'eo
denier la \'aleu r quand iI s'agit de se faire une opinion sur les choscs
qui, par leur nalure, écbappenl à la maléria lité.
Quoi de plus Jibre, de plus indépendan t, de moins saisissable par
son essence même, que la pensée ? El pourtant voi!1t une éco le qui
préLcnd l' émanciper cn l'enchaillant à la matiel'e j qui avance , au
nom de la. raison, que la pensée eirconscl'ite SUl' les choscs terrestres
est plus liure q ue celle qui s'élance dans t'infini, et veut voir au ddà
de l'horizon malériel! Autant vaudrait dire q ue le prisonn ier qui ne
peut faíre que quelques pas dans so n cachot est plus li bre que celui
qui (;ourt les cham ps. Si, croire nux choscs tl u monde spirilu el q ui
est in!lni, c'csl n'êtl'e pas libre, vous l'êtes cent fois moins, vous qui
vous eirconserivez dans la limite étroite du tangible, qui dites à
la pensée : Tu ne sortiras pas du cercle que nous te traçons, et si tu
en 50rs, nou s déclarons que tu n'es plus la pensée saine, mais ta folie,
la sotlise, la tlérai son, cal' à nous seuls appal'tient de discel'llcr te faux
du vrai.
- 38-
A cela lo spiritualisme répond : Naus fOrm0l15 !'immense majorité
des hommes dont vaus êtes à reine la miJlionieme partie; de quel
droit vaus atlribuez-vous le monopole de la ra i ~o ll? Vaus voulcz,
dites-vaus, émanciper nos idécs CIl nous imposant les vôlres? Mais
vaus ne naus apprcnez rien; nous savons cc que VQUS savez ; naus
croyol1s sans reslriction à. loul ce qu e vaus croyez : à. Ia. mat iêre cf 11
la valeur des preuves tangibles, et de plus que vous : à quelque chosc
cn dehors de la maliere; à une puissance intelligente su périeurc à
I'h umanité; à des causes inappréciables par les sens, mais pcrcep-
tibles par la pensee; à. Ia perpétuité de la vie spirituellc que vaus
limitez à la durée de la vie du corps. Nos idées 50nt done infinimen t
plus larges que les vólres; tand is que vous circonscrivez volre poin!
de vue, le nólre embrassc des borizom: sans bornes. Comment celui
qui concentre sa. pensée sur nn ordre déterminé de faits, qui pose
ainsi un painl d'arrêt à ses mouvements intellecluels, d ses investi·
gations, peul-il prélendre émaf'.ciper cel ui qui se meutsans entraves,
ot donl la pensée sonde les profondeurs de l'inCini? Reslreindl'e la
champ d'ex ploration de la pensée, c'est restreindre sa liberlé, et c'es!
ce que vous faites.
Vous voulez, dites-vous encare, arracher le monde au joug des
croyances dogmatiques; faites- vous au moins une distinction entre
ces croyances? Non, car vous confondez dans la même réprobation
tout ce qui n'est pas du domaine exclusif de la sciencc, tont ce qui
ne se voit pas par les yeu x du corps, en un mot lout ce qui est d'cs-
sence spirituelle, par conséquen t Dieu, l'âmc el la vie future. Mais si
loute croyance spirituellc est une enlrnve à la libcrté de penser, il en
est de même de 10uLe croyance malériclle; celui qui croit qu'une
chose est rauge , parce qu'il la voil rouge, D'es! pas libre de la croire
verte. Des lors que la pensée est arrêtée par une conviction qu elcon.
que, e1\e n' est plus libre; pour être conséquent avec voLre lhéorie, la
Iiberté absolue consisterait à ne rien croire du tout, pas même à
sa propre existence, cal' ce serait encore une reslriction; mais alors
que deviendraiL la pensée?
Envisagée à. ce point de vue, la Iibre pensée serail un non -senso
EIle doit s'enlendre dans un sens plus large et plm; vl'ai; c'est.à-dire
du libre usage que 1'011 faU de la facul lé de penser, eL non de son
application à. un ordre quelconque d'idées. EUe consiste. non pas à
croi re une chose plutêt qu'une autre, ni à excl ure te11e ou telle
croyance, mais dans la liberlé abso/uc du c1wix des croyances. C'est
done abusivement que quelqucs-uns co font I'applicalion exclusive
- 39 -
aux idées antispiriluaJistes. Toute opinion raisonnée, qui n'est oi
imposée, ni enchajnée aveuglemenL à celle d'autrui, mais qui est vo-
IOlltairemcnt adoptée eo vertu de ['excreico du jugement pcrsonnel,
est une pensée libre, qu'elle soit religieuse, politique ou philosophique.
L'l. libre pens~e, dans son acception la plus large, signific: libre
exameu, liberté de conscicncc, foi raisonnée; elle sy mbolise ]'éman-
cipation intellectuelle, l'indépendance O1orale, comp lément de l'indé-
pendance physique; elle ne veut pas plus d'esclaves de la pctlsée que
d'esclaves du corps, cal' ce qui cal'aclérise le libro pensem", c'esL
qu'il pense par lui-mêOle ot non par les autres, on d'autres tel'mes
que son opinion lui appartient en pl'opre. 11 peuL donc y avoir des
libres pcnseurs dans loules les opinions eL dans loutes les cl'oyances.
En ce sens, la libre pensée releve la dignité de I'hommc; elle eu fait
un cire actif, inlelligent, au lieu d'une maclline à croire.
Dans le sensexc\usif que quelques-uns lui donnent, au lieu d'éman.
ciper !'csprit, elle restreint son activité, elle en fai t I'csclave de la
matiere. Los fanatiques de I'incrédulité fo nt dans un sens cc que los
fanatiqucs de la foi aveugle font dans un autre j alor:; que cClIx-ci
disent: Paul' être selotl Dieu il faut croire à. tout ce que nous croyons:
hors de notl'o foi il n' ya point de sa lu t, les autres disent : Pour êl re
selon la raison, il faut penscr comme nous, ne croil'e qu'à ce que
nous croyons; hors des limites que nous traçons à la croyance, il n'y
ani liberlé ni bon sens, doctrinc qui se formule par cc paradoxe: Votre
esprit n'cst libre qu'à la condition de ne pas croirc à cc qu'il veut, ce
qui revienl à dirc à un indi vidu : Tu es le plus libre de tous les hom-
mes, à la condition de ne pas alieI' plus loin que le bout de la cordc
it. laqueJle nous t'attachons.
Assurément nous ne conleslons pas aux incrédulos le droit de ne
croire à. "ien autrc fJu'à la maliere, mais on conviendra qu'il y a de
singulieres contradiclions dans leu r prélcntion à s'altribuer Ic mono ...
pole de la liberté de peuser.
Nous avons dit que par la qualité de libre penseur cerlaines per-
sonHes chcrchaient à a.tténuer cc que I'incrédulilé absolue a de ré-
pulsif pour l'opinion des masses; supposons, en elTet, qu'un journal
s'intitule ouvertement; l' AIMe, l'Incrédule ou le J.lfatérialiste, on
peul juger de I'impression que cc litre ferait sur le public; mais
qu'il abritc ces mêmcs doctrines sons le couvert du libre penseur, à
cette enseignc on se dit: C'est le drapeau de l'émancipation morale ;
cedoit étre celui de la libcrté de conscience et surtout de la tolérance;
vo)'ons. On voit qu'il nc faut pas toujours s'en rapporter à l'étiquetle.
- 40 -
On aurait tort, du reste, de s'eJTrayer outre mesure des consé-
quences de cerlail1cs doclrines; elles peuvent momcntanément séduire
quelques individus, mais elles nc séduiront jamais les masses qui 'i
50nl opposées par instinct ct par besoin . 11 esl utile que tons les sys-
temes ~ montrent au grand jour, afi o que chacun pui.sse cn juger le
forl eL le faible, el, en vertu du droiL de libre examen, puissc les
adopter 011 les rejeteI' cn connaissance de cause. Quand Ics utopies
auront été vues à l'reuvre, et qu'elJes auront prouvé leurimpuissance,
elles tomberonl pour ne plns se relever. Par leu r exagération même,
elles remuent la société eL préparent la rénovation. e' est encore 111.
un signe des tcmps .
Le spiritisme esl-il, comme quelques- uns lo pensen t, une nouvelle
foi avcugle substituée à une autre foi av euglo; autrem en t dit UH nou-
vel esclavage de la penséc sous ulle nouvell e forme? Pour le croire il
faut en ignorer les premiers élémen ts. En erret, le Spiritisme pose en
pl'incipe qu'avant de croirc il faut compl'endre; or, pOUl' compren-
dre, i1 f:tut fa.ire usage de son jugemen t; voi1à pourquoi il cherche àse
l'endre compte de tout avant de rien admellre,à i>avoir le pourquoi et
le comment de chaque chose ; aussi les Spirites sont·i1s plus seepti-
qu es que beaucou p d'aull'es à l'endl'oit des phénomenes qu i SOl'tent
du cerele des observations habituelles. 11 no reposo sur aucune théo -
rie pl'éconçue et hypothétique, mais sur l'expérience et l' obsel'vation
des fai ts ; au licu de dire : • Croycz d'abol'd, e1 vous comprendrcz
ensuite, si vous le pouvez, • il dit: Comprenez d'abord , et vous oroi-
rez ensuite si vous le voulez . • TI ne s'impose à personne; il dit (l
tOl1s : • Voyez , observez, compnrez et venez à nous librcmcn l si
cela vous convicnt. ) En parlant ainsi, i! se mel SUl' les rangs et
court les chances de la concurrence. Si beaucoup vont à lui, c'est
qll'il en satisfait beaucoup, mais nul nc I'accepte les yeux fel' més. A
ceux qui ne j'acceplent pas, il dit : « Vous êtcs libres, e1 je ne vous
en veux pas; tout ce que je vous dem ande, c'est de me laisser ma li-
berté, comme je vous laisse la vôtre. Si vous chel'chez oi m'évincer,
par la crainle que je ne vous supplan te, c'estque vous n'ótes pas bien
surs de vous .•
Le Spiritisme ne cherchant à écarter a.ucun des concurrents da ns la.
li ce ouverte aux idées qui doivent prévaloir dans le monde régénéré,
estdans les conditionsue la véritable libl'epensóe; n'admeltantaucune
théol'ie qni ne soil fond ée sur l'observation, il est cn mOme tcmps
dans celles du plus ri goureux positivisme ; i\ a enfin sur ses adversaí-
r es des deux opinions contraíres extrêmes,l' avantage de la tolérance·
- 41 -
No/a. Quelques pCl'sonnes nous ont reproché tes ex plications théo.
riques que naus avons, dcs le principe, cherché à donner des phéllo-
mEmcs spirites. Ces explications, basées SUl' une observation attenlive,
eo remontant das eITets à. Ia cause, prouvaient, d'une part, que nous
vouliolls nous rendre compte et non croire eo aveugle; de l'autre,
que nous voulions faire du Spiritisme une scicllce de raisonnement
et nan de crédulité. Par ces explications que le temps a développées,
mais qu'i] a cons1l.crées eu principe, cal' aucune !l'a été contredite
par l'expérience, les Spirites ont cru, parce qu'i!s oot compris, ct it
o'est pas douteux que c'e5i à cela qu'il faut altribuer I'accroissement
rapide du !lombre des adeptes séricux. C'est à ces explications que
le Spiritisme doit d'être sorti du domaine du merveilleux, et de s'être
raUaché aux sciences positives; par elles iI esl démonlré a.u'x in-
crédules que ce n'cst pas une ceuvre d'imaginatian ; sans elles nous en
serions encare à comprend re les phénomenes qui surgissent chaque
jour. 11 était urgent de poser, des le príncipe, le Spiritisme sur sou
vérilable terl'ain. La théorie fondée SUl' I'expérience, a été le frein qui
a empêché la crédulité superstiticuse, aussi bicn que la. malveillance.
de le faire dévoyer de sa roule. Pourquoi ceux qui nous reprochent
d'en avoir pris !'Ínitiative. ne i'ont- ils pas prise cux-mêmes?

Les trois filiei de la Bible.


Sous ce litre, M. Hippolyte Rodrigues a publié un ouvra.ge dans le-
quel il prévoit la fusion des trois grandes religions issucs de la. Dible.
Un des écrivains du journalle P ays fait à ce sujet les réncxions sui-
vantes dans le numéro du t O décembre f 866 :
• Qu'est-ce que les trois filles de la Bible? La premiêre csl juive.
la seconde est catholique, la troisiême est ma.hométane.
<I Ou comprend de suite qu'il s'agit ici d'ulI livre gl'ave , et que

I'reuvre de l\I. Hippolyte Rodrigues intéresse spécialement les esprits


sérieux qui se complaisent dans les méditations morales et philoso -
phiques SUl' la destinée humai ne.
• L'auteur croit à une prochaine fusion des trois grandes religions
qu'on appelle les trois fil ies de la Bible, et il trava.ilIe à. amener ce ré-
sultat, dans lequel iI voit un progres immense. C'est de cette fu sioo
que sortira la religion nouvelle qu'iI considere comme devant être la:
religion définitive de l'humanité.
• Je ne veux pas entamer ici avec M. Hippolyte Rodrigues une po-
lémique inopportune sur la question religieuse qui s'agite depuis tant
- 42 -
d'années au fOlld dos consciences et dans les entrailles de la sociélé.
Je me permettrai cependant une réflexion. 11 veut faire accepler la
croyance nouvelle par le raisonnement. Jusqu'à ce jour, il n'y a que
la foi qui aH fondé et mainlenu les religions, par ceUe raisoo suprême
que, /orsqu'on raiwrme, on 1ie eroi! p/us, et que lorsqu'uo peuple,
une époque, a cessé de croirc, on voit bientôt s'écrouler la rcligion
exislante, on ne voit pus s'élever de religion nouvelle.•
A. DE CÉSENA..

Cette tcndance, qui se généralise, à prévoir l'unificutioll des cultos,


comme tout ce qui se raltache à la fusion dos peuples, à l'abaisse-
ment des barrieres qui los séparent moralement et commercialemenl'l
est aussi un des signes caractérisques des lemps, Nous ne jugorons
pas I'reuvre de 1\1. Rodrigues, atlendu que nous no la connaissons
pus; nou!!: n'a,vons pas non plus à examiner, pour le moment, par
quelles circonslances pourra être amené le résultal qu'iJ espere, et
qu'il considere à juste titre comme un progres; nous voulons seule-
meut présenter quelques observations sur I'article ci-dessus.
L'auleur esl dans une grande erreur quaod il dit que. lorsqu'oo
raisonne on ne eroit plus. 1) Nous disoos, au contraire, que lorsqu'on
raisonne sa croyance,.on croit plus fermement, parco que 1'00 com-
prend j c'csl en vertu de cc priocipe que nous avons dit : Jl n' y a de
foi inébro.nlnble que celle qui peut regarder la raison face à face à
tous les âges de 1'!1Umanité.
Le tort de la plupart des religions est d'avoir érigé CI} dogme ab-
solu le principe de la foi aveugle, et d'avoir, à la faveur de cc prin-
cipe, qui annihile l'acHon de l'intelligenw, fait acceptel', pendant uo
temps, dos croyances que les progres ullél'ieurs de la. science sont
venus contredire. 11 en est résullé, chez un grand nombre de per-
sonnes, cette prévention que toute croyance religieuse ne peut sup-
porter le libre examen, eonfondant, dans une réprobation générale,
ce qui n'élait que des eas particuliers. Cetle maniere de juger les
choscs n'est pas plus rationnelle que si I'on condamnait tout un poeme,
parce qu'iJ renfermerait quelques vers ineorreets, mais elle est plus
eommodc pour ceux qui ne veulent croire à rien, pa.rce que, rejetant
tout, ils se croienl dispensés de rien e.xaminer.
L'auteur commet une autre erreur capitale quand il dit: I Lors-
qu'un peuple, une époque a cessé de croire, on voit bientôt s'écrouler
Ia reJigion e.xistante, on ne voit pns s'élever de religion nOllvelle . •
Ou a-t-il vu, dans l'histoire, un pcu plc, une époquc sans religioo?
- 43 -
La plupart dts religiolls ont pris naissance dans les lemps reculés,
ou les con naissanccs scientifiques élaient tres bornées ou Ilulles; elles
ont érig:é en croyances des Ilotions erronées, que le lemps seul pou·
vaitrcct ifier. Malheureusemcnt lautes se sQnl fondées SUl' le principe ele
1'immuabilité, et comme presque toutes oot confondu , dans un même
codc, la loi civile et la loi religieusc, il en esll'éslIllé qu'â UH moment
donné, ['esprit humnin ayant mal'ché •.tandis que lcs religiotls son l res-
tées stationnaires . celleg-ci ne se sant plus trouvées à. la bauleur eles
idécs nouvelles. Elles tombent alors par la force des choses, comme
tombent 1es lois, lcs mceurs sociales, lessystêmes pol itiques qui ne peu-
vent répondrc aux besoins nouveaux. Mais comme les cl'oyances re·
ligieuscs wnt instinclives chez I'homme, et consti luent, poul' le creur
et l'esp rit, un be::oin auss; im périeux que la législation civile pour
I'onlre social, elJes ne s'anéantissent pas : ellesse transforment.
La transition ne s'opere jamais d'llnc maniere brusquc, mais
par le mélange lempornire des idées anciennes et des idées nou-
\'ellcsj c'est<!' abord une foi mixte qui pal'licipe de:> unes ct des aulres;
peu à peu la. vieillc croyancc s'éteint, la nouvellc grandit, jusqu'à. ce
que la subsLHutioll soit complete. Parfois la transformation D'est que
particl!c; cc sont alars dcs sccles qui se séparenl de la l'eligian mere
en modifian t quelqllcs points de détail.C'est ainsi que 1e Christianismc
a succédé au paganisme, que l' Islamisme a sllccédé au fétichisme
arabe, que le Protestantisme, la religion grecque, se sont séparés du
Catholicismc. Partoul on voit les peuples ne quitter une croyance que
pOUI' en prendl'e une appropriée à. leU!' ctat d'avancemcnl moral et
intel1eclucl; mais nullc part il n'y a solution de continuité.
De nos jours on voit, il est vrai, l'in cl'édulilé absolue él'igée cn
doctrine el professéc par quelques sectes philosophiques; mais ses
représentants, qui constiluent une infime minorité dans la populatioll
intclligente, ont le tort de se croire tout Ull peuple, tOllte une époque,
et pal'ce qu'ils nc vculent plus de religion, s'imagincnt que leur opi-
nion personneHe est la clóture de,;; tempsreligicux, tnndis qu'elle n'est
qu'une transition partielle à. un autre ordre d'idées.

L'abbé Lacordaire et les tables tournantes.


ElIrai\ d'une ICUrc de l'abbê Lacordairc il madarne Swctchinc, datée de f<'lavigny,
29 juio 1853, \irêe de $a corres(londauee publiéc eo 1865 .

• Avez-vous vu lourner ct entendi! parler des tab!es? - J'ai dé-


daigné de les voir toumer, comme une chose trop simple, maisj'en
ai entendu et fait parler. Ellcs m'ont dit des choses assez remarqua-
- 44-
bles sur le passó et sur le présent. Ouclque extraordinaire que cela
sait, c'est pour un chrétien qui crait aux Esprits, un phénomên(" tres
vulgaire at tres pauvre. De tous temps il y a eu des modes plus ou
moins bizarres paur communiquer avec lea Esprits; seulement autre-
fois, on faisait mystêre de ces procédés, comme on faisait mystêre de
la chimie; la justice, par des exécutions terribles, refoulait dans ,'om-
bre ces étranges pratiques. Aujourd'hui, grâce à. Ia liberté des cultas
et à la publicité universellc, ce qui était un secrel cst devenu une
formule populaire. Peut-être aussi, par cette divulgation, Dieu vcu!-
iJ proporlionner le déveJoppement des forces spirituelles au dévelop-
pement des .forces matérielle~, afio que I'h omme n'oublie pas, cn
présence des merveilles de la mécanique, qu'il y a deux mondes in-
elus I'un dans I'autre : te monde des corpa et te monde des Esprits.
( 11 est probable que cc développement paral1ele ira croissanljus·
qu'ã la fin du monde, ce qui amenera uo jour le regn e de l'antechrisl,
ou 1'00 verra , de part et d'autre, pour le bien et le mal, "emploi d'ar·
mes surnaturelles, et des prodiges effrayants. Je n'en conelus pas que
I' Antechrist soit proche, parce que les opérations doot nous sommeS
témoins n'ont rien, sauf la Jlublicilé, de plns extraordinaire que ce
qui se voyait aulrefois. Les pauvres incrédules doivent êlre assez in-
quiets de leur raison; mais ils ont la ressource de tout croire pour
échapper à la vraie foi, et ils n'y manqueront pas. O profondeur des
jugcments de Dieu! J
L'abbé Lacordaire écrivait ceci en f 8~3, c'est-à·dire presque au
débllt des manifeslations, à une époque Oll ces phéoomencs étaient
bien plus no objet de curiosilé qu'uo sujet de méditalions sérieuses.
Bien qu'alors ils ne fussenl constitués oi en science ni eo corpsde doe-
trine, il en avait entrevu la porlée, et loin de Ics considérer comme
une chose éphémere, iI co prévoyait Ic développement dans I'avenir.
Son opillion sur I'existence ct la manifestation des Esprits est ca légo--
rique; or, comme il est généralement leou par tout le monde pour
une dcs hautes intelligences de ce siccle, iI paraít difficile de le ran_
ger parmi les fous apres l'avoir applaudi eomme homme de grand
sens et de progres. On peut done avoir le sens commun et croire aUI
Esprils.
Les tables parlanle! sont, dit~iI, (un phénomene tres vulgaire el
tres pauvre; » bien pauvre en eITet quant au moyen de communi·
quer avec lesEspri ts, cal' si 1'00 n'en eut pas en d'autres,le Spiritisme
ne serait guere avancé; alors on eonnaissait à peine les médiums écri.
vains, et I'on ne soupçonnait pas ee qui allait sortir de ce moyen en
- 45 -
apparence si puéril. Quant au regne de I'Antcchrist, La.cordaire ne
para.lt pas s'eu elfrayer beaucoup, car il ne le voit p:\s venir de sitôl.
Pour lui ces manifestations 500 1 providentiel/es; elles doivent troubler
el CQ11folldre les incrédules; il y admire la profondcur des jugementg
tle Dicn; elles ne 60nt done pas \'reuvre du diable qui doit pousser
renier Dion el noo à recollnaHre 50. puissance.
L'extrait ci-dessus de la correspondance de Lacordai re a été lu à la
Sociélé de P aris, dans la séance du 18 janvier; dans celte même
séance, M. l\lorin, uo de ses médiums écrivains Illbitués, s'cndormit
spontanément sous l'aetioo magnélique dcs Esprits; c'était la. troi-
siêmc fois que ce phénomêne se produisail chez lui, car habiluelle-
ment i! ne s'en dortque par 1(\ magnétisation ordinaire. Dans 50n som.
meil iI paria. sur diITérents sujets, et de plusieurs Esprits présentsdonl
ill10us transmit la pensée. 11 dit entre autres choses cc qui sui t :
• Un Esprit que vous connaissez Lous, et que je reconnais aussi; un
I!:sprit de grande réputation terrestre, élevé dans l'éehel1 e intellec-
tuel1e dcs mondes est iei. Spirilc avant le Spirilisme, je I'ai vu en·
&eignant la doctrine, non plus comme inearné, mais commc Esprit.
Je I'ai vu prêchant avec la même éloquence, avec le même sen liment
de conviction iutime que de 50n vivant, ce qu'iI n'eul certainement
pas osé pr~cher eu chaire ouvertement, mais ce à quoi conduisaient
ses enseignements. Je I'ai VlI prêcher la doctrinc aux siens, à sa ra.
mille, à. 10us sesamis. Je l'ai vu s'emporter, bien qu'à.l'ét~t spirituel,
lorsqu'il rencontrait un cerveau réfraclaire , ou une résislance obsti-
née aux inspirations qu'i l soumait j tooj ours vir el pétulant, voulant
faire pénétrer la conviction dans les inlelligences, comme on fait pé-
nélrer dans le roc vir le ciseau poussó par un vigoureox coup de mar-
leau. Mais cela n'entre pas si vite; cependan t 50n éloquence en a
converti plus d'un. Ce! Esprit c'est celui de I'abbé Lacordaire.
« 11 demande une chosc, non par Espritd'orgueil , non par un inté-
rêt personnel quelconquc, mais dans I'intérêt de tous ct pour le bien
de la doctrine: I'insertion dans la Revue, de ce qu'il a écril Hy a
trcize ans. Sij e demande cette in scrtioll, dit-il. c'est pour deux mo·
tifs ; le prcmier c'cst que vous montrerez au monde que, com me
vous le dites, on pcut ne pas êll'c un sot ct craire aux Esprits. Le
second, c'est que la publication de cette premicre citatian fera dé-
couvrir dans mes écrits d'autres passages qui vous serant signalés,
commc étant d'accord avec les pri ncipcs du Spiritisme. •
- 46 -

RéfotatioD de l'interv6ntioD du démon.


par MBr Frey&Sinou~ . évêque d'Hermopolis.
En réponse 1l. l'opinion qui a ttribue à une ruse du démon [es tran5-
formatio ns morales opérées par l'enseignement des EsprHs, nous
avons maintes Cois dit que le diable scrait bictl peu habiJ e si, pOli r
arriver à perdre l'homme, il commen çait par le tireI' du bourbier de
I'incrédulitó et le ramCDer à Dieu; que cc serait la conduite d'un sol
ct d'uu njai ~. Acela 00 objecle que c'est précisément 11'1. le chef-d'ceuvl'c
de la mal ice de cet ennem i de Dieu et des hommes. Naus avouons ne
pas comprend re la malice.
Un de nos correspondants naus adrcsse, à l'appui de notrc rai-
sonncmcllt, les paroles ci-apres de Mg r de Freyssinous, évêque
d'Hermopolis. tirées de ses Con(ércnces sur la re!igion, tome lI ,
page 34 1; Paris , t 825 .
• Si Jésus-Christ a\'ait opéré ~es miracles par la vertu du démon,
te démon aurait donc travaillé à détruire son empire, el il aurait em-
ployé sa pui!'-sance eontre lui- même. Certes, un d émon qui cherche-
r ail à. dét ruil'c le regne du vice pour établir eel ui de la ver tu, serait
un étrange démon. Voilà pourquoi Jesus , pour repousscl' I'absurde
accusation des J uif:'l, leur disait : . Si j'opêre des prodiges au nom du
• démon, le clémon esl done divisé avee lui-rnêmc ; il cherche donc à
• se détruire, » réponse qui ne sOll/lre pas de réplique. »
Merei à nOlre corrcspondan t d'avoir bicn voulu nous signaler cel
important pa~sage donl nos Iceteur:, feront leur profit à I'ocf:asion .
Merei allssi à tous ceux qui nous tral1~ mettent ee qu'ils trou l'ent., dans
leur" leelures, d ' intére ~sant pour la doetrine. Rico ll'csL perdu.
Tous [es ecc1ésiasliques, comme on le voit, sont loin de professeI',
sur la doelríne démoniaque, des OpilliollS aussi absolues qlle certair.s
mcrnbres du clergé; Mgr d ' Hermopolis est , en ces matieres, Ulle au-
torilé dont ils ne sauraient recuseI' la valeur. Ses a rguments sont pré-
cisémcnt lcs mêmes qu'opposent [es Spirites à ccux qui attribuent au
démon les bons conseiJs qu'i1s reçoil'ent des Esprits. Que font, co
effet, les Esprits, si ce n'est détruire le regne d u vice pour établir
celui de la vertu? de ramencr à Dieu ceux qui le méeonnaisscnt et le
renient? Si tclJe était I'ceuvre d u d émoo, il agirait comme uo voleur
de profession qui rcstituerait cc qu'il a volé, et engagerait les autres
voleurs à devcnir d'honnêtes gens. Alors iI faudrait le féliciter de sa
transformation. Soutenir la coopération volontaire de l'Esprit du mal
pour produire le bien, c'est non-seulement un non- sens, mais c' est
renier la plus haute autorité chrétienne : celle du Christ.
Que les Pha risiens du temps de Jésus aient cru cela de bonne foi,
on pourrait le eoncevoir, parce qu'alors 00 n'était pas plus éclairé
- 47 -
sur la naturc de Sat:m que sur ceHe de Dien, ct qu'il entl'ait dans la
théogo nie dos Juifs d'en falre dClIx puissances rivales. Mais aujour-
d'hui une tc!1e doctl'ine esl aussi inadmissible que ccUe qui atlribuait
iL Satan cerlaincs inventions indus tl'ielles, comme l'imprimerie, par
exemplc; cem: mêmes qui la défendcnl 50nt peut-être les derniers à y
croire; déjà ellc tombe dans le ridicule ct ll'effl'ayc pcrsollnc, el a.vant
qu'il soit longtemps 011 o'osera plus 1'invoqucr séri eU5em~n t.
La doctrine spirite n'adrnct pas de puissance rivale à cclle de
Dieu, cl en core moins pourrait-elle admeltre qu'un êtrc dóchu, pré-
cipité par Dieu dans J' abime, püt avolr rccouvré flSSCZ d e pouvoi!'
pour contre-balancer 5CS desseins, ce qui ôleraiL à Dieu sa toute-
puissance. Selon cette doetrine, Satan est la persomzification al/é.1o ~
rique dn mal, eomme chez les PaYens Saturn e étaitla p er.5onnifica ~
tion dil tcmps, Mars eelle de la guerre, Vénus de la beauté.
Les Esprits qui se manifeslent sont les Ames des hommes, et dans
lo nombre il y en a, comme panni les hommcs, de bons et de per-
I'crs, d'av ancés et d'arriérés j les bons disent de bonne!l t.:hoses,
donnent de bons conseils; les p erv€rs en disenl de mauvaises, in-
spirent de mauvaises pensées, et font le mal comrue ils le raisaient
SUl' la ferre; cn voyant la méchaneeté, 18 fourberie, l' ingntitude, la
perversité de ccrtains hommes, on reeonnaíl qu' ils ne valent pas
mieux que les plus mauvais Esprits; mais incarnés Oll désinearnés,
ccs mnuva.is Esprits arri veront un jour à. s'améliorcr lorsqu'ils au-
ronl éló touchés par le rcpentir.
Comparez rune et l'nutre doetrine, et voyez celle qui eslla plus
rationnclle , la plus respeclueusc envers la divinilé.

VARIÉTÉS
Eugénie Colnmbe. Précn,ilé ph(noménale.
Plusicurs jl)urnaux ont reproduit le fait suivanl:
I La. Scntinelle, de Toulon, parl e d'u n jeune phénomene qu'on
admire en cc momcnt dans ceUe villc.
• C'est une petite filie â;;ée de deux ans el onze mois, nommé :'
Eugénie Colombe.
• Cetlc cnfant sait déjà parfaitemenllire et écrire, ellc est de plus
en état de soutcnir le p!us sériellx examell SUl' Ics principcs de la reli-
gion chrétienne, SUl' la grammairc française, la géographie , l'histoire
de France et les qnatre regles de l'arilhmétique.
« Elle connait la rose des vents et soutient parfai temcn t un e diE-
cussion seientifique SUl' tous ces sujets.
• Cette étcnnilnte petite filie a commencé à. parler tres dislincte -
men Là I'âge de quatre moi~.
- 1,8-
• Présenlée dans les salon:; de la préfecturc maritime, Eu génie
Colombe, riouéc d'une figure charmante, a obtenu UH sueces d'en-
thousiasme . •
Cel arlicle naus avait paru, ainsi qu'à beaucoup d'autres persollncs,
cmpreint d'une telle exagération, que naus n'y aviolls aUaché aucune
importance. Néanmoins, pour samir positivemen t u. quoi naus cn
tenir, naus avons prié un de nos corl'espondants, ofOcicl' de marine à
Touloll, de "aulai!' bicll s'enquérir du fait. Vaiei ce qu'il naus a
répondu;
• Pour m'assurer de la vérité, je me suis rendu chez les parents de
la J?etite filie signalée par la Senlinelle l'oulonnaise du f 9 novembre;
j'ai vu cette charmanle enfant dont le développement physique est rr.
J'apport avec son âge i elle n'a CJue trais nns. Sa mere est institutrice;
c'es! elle qui dirige son inslruction. Ell e I'a interrogée eu ma pl'ésencc
sur le catéchisme, l'histoil'C sainte depuis la créalion du monde jus-
qu' au déluge, les huit premicrs rois de Fra.nce et différentes circon-
stances relative8 à. leu]' regne et l~ celui de Napoléon 1« . Po ur la
géographie, l'enfan t a nommé les cillq partics du monde, les capi-
tales des conlrées qu'e!!es renferment, plusieurs chefs-lieux des dépar·
lements de la France, Elle n aussi parfai tement répondu sur les pre-
miêresnotions de la gram maire française cL le systeme méll'iquc. Celle
enfant a fait tOlltes ces réponses sans la moindre hésitatioll, toul cn
s'amusanl avec Ics joujoux qu'elle lenait dans ses mains. Sa mere
m'a ditqu'elle sait Jirc depuis J'âge de deux ans et demi, et m'a assuré
qu'elle peut répondrc de la mêmc manierc à plus de cinq cents
questions . J
Le fait dégagé de I'exagération du récit des joul'l1aux, et réduit
aux proportiolls ci-dessus, n'eu est pas moins remarquabte et imo
portant dans .ses con~équenccs . 11 appelle forcémcnt l'atlention sur
les faHs analogues de précocité intellectuelle et les connaissanccs
innées. ln volontairemeut on cherche 1\ se les expliquer, et avec Ics
idées de pluralité d'exislences qui circulent, on arrive à. n'en trouver
de solulion rationnelle quc dans une existence antéricure. 11 faut ranger
ces phénomencs au nombre de ceux qui sont annoncés comme devant,
par leur multiplicité, confirmeI' les croyances spil'iles, et contribuer
à leur développement.
Dans le cas dOllt il s'agit 1 la mémoire paratt cel'tainement jouer un
rôle important. La mere de celte enfant étant institutrice, la petitc
filie se trouvail snns doute habituellcment dans la classe, et aura re-
tenu les Icçolls faites aux éleves par sa mere, landis qu'on voit cer-
lains enfants posséder, par intuition, des connaissanccs en quelque
sorte nativcs, et co dehors de tout enseignemcnt. Mais pourquoi,
chez elle plulôt que chcz d'autres, cetle facilité exceptionnclle à. s'as-
- 49 -
similer ce qu'elle entendait, et qu'on ne songeait probablement pas à
lui apprendre? C'est que cc qu'elle entendait ne faisait que réveiller
cn clle le souvenir de ce qu'clle uvait 5U. La précocité de certn.ins
enfants pOUl" les langues , la musique, les mathématiques, elc.• toutes
les idées innécs, co un mot, ne 50nt également que des souvcnirs; ils
se souviennenl de cc qu'ils ont 5U , comme 011 voil certaines personnes
se souvcnir, plns ou moins vaguemen!, de cc qu'elles ont fait , ou de
cc qui leur cst arrivé. Naus connaissons uu petit garçon de cinq ans
qui, étant à lable , ou ricu dans la convcl'sation n'avaiL pu provoqueI'
une idée SUl' ce sujct, se mit à dire: ~ Moi, j'ai élé marié, je m'cn
souviens bien ; j'avais une Cemme, pclite, jeune et jolie, et j'ai eu
plusieurs enfanls. • On n'a certaincmenl a.ucun moyen de conlrôler
son assertion, mai s on se demande d'ou a pu lui vcnir une pareme
idée, alors qu'aucune circonstance n'avail pu la. provoquer.
En fa ul-il conclure que les cnfants qui n'apprennent qu'à, force de
travail oot élé ignoranls ou stupides dans leur précédente existence?
Non assurément; la faculté de se souvenir est une aptitude inhércnte
à. I'étal psychologiquc, c'est.à.dire au plns facile dégagem~nl. de
I'âme chcz cert..1ins individus que chez d'autres, une sorte de vuc
spirituel!e rélrospeclive qui leu r rappclle le passé, landis que pour
ceux qu i ne la possedent pas, ce passé ne laisse aucune trace oppa -
rente. Lc passé est comme un rêve dont 011 se souvienl plus ou moins
exactement, ou dont 011 a lotalement pel'd u le souvenir. (Voir Rcvue
spirit,! de juil!ct 1860, page 20&; ido de novembre t 864, page 328.)
Au momcnt de meUre sous presse, nous recevons d'uu de nos cor-
respondants d' AIgérie, qui, à. son passage à. Toulon, a vu la jeune
Eugénie Colombc, une leUre conlenanl le récit suivant qui confirme
le précedenl, et y ajoule des dél!l.ils qui ne sont pas sans intérêt:
• Cettc enfant, d'lllle beauté remarquable, est d'une vivacilé ex-
lrêmc, mais d'une douceur angélique. Placée sur les gcnoux de sa.
mere, elle a répond u à. plus de cinquante questiolls SUl' l'Évangile.
Interrogée SU l' la géograpb ie, clle m'a désigné toutes les capitales
d' Europe ct des divers étals de I' Amérique; Lous les chefs-lieux des
départements français cL de l'Algérie; elJe m'a. expliqué le systême
décimal , le systeme mélrique. Eu grammaire, Ics verbes. les par-
ticipe.,; ctles adjectifs. EJlc connait, ou du moins définit les quatre
premieres regles. Elle a écrit sous ma dictée, mais avec une rapidité
teHe queje suis porté à. croire qu'e!le écrit médianimiquement. A la
cinquieme ligne e\1e a posé sa plume ; elle m'a regardé fixement avec
ses grands yeux bleus, en me disallt brusquement: • Monsieur 1 c'est
- 50 -
assez ; . puis elle e!3l dcscendue de SOIl siége et a couru à scs joujoux.
t'( CeUe enfant esL certai ncment un Espril tres avancé, car on voit

qu'elle répond et cite sans le moindre elTort dc mémoire. 5a mere


m'a dit que depuis l'àge de 12 à 15 mois elle rêve la Iluit e1 p,wait
Cai re la cOllscrvation, mais dans un langagc qui IlC permct pas de la
com prcndrc. Elle asl charitable par inslinct: e1!e aUire tOUjOUI'S I'at-
tenlion de sa mere lorsqu'ellc aperçoi t un pauvre; eHe ne peut soulTrir
que I'on frappe ni chiens, ni chats, lli aucun animal. Son pere est un
ouvricr de I'arsenal maritimo. I
Dos Spirites éclairés, comme nos dem: corrcspondant~, pouvaient
seuls apprécier le phénomene psychologique que préscntc celtc jeune
enfanl, et en sonder la cause; car, de même que pour juger un mé-
canisme, iI faut un mécanicien, pour juger les faits spiritcs, il faul
êtrc Spirite; or, qui charge-t-on en général de la conslalation et de
l'expli cation des phénomenes de cc genre? Précisémcnt des personnes
qui no lcs onl pas étudiés, ctqui niant la cause pl'emiêrc n'en pcuvent
admeUre les conséquences.

Tom raveugle, mus!ciel naturel.


On lit dans le Spin'/ual Magozine de Londres:
r
• La célébrité de Tom Aveugle qui, depuis peu, a fait son appa-
rilion à Londres} s'était déjà répandue id, et iI y n quelques nnnées,
un article dans le journnl A li l!te year round, avait décrit ses remar-
qunbles facultés et la sensation qu'elles u.vaient produites en Amé-
Tique. La. maniere don t ces facultés se sont développées chcz cc negre,
esclave ct aveugle, ignoranl ct tolalement iIlettré; comment , tou1
en fant, surpris u:} jour par tes sons de la musique dans la. maison de
50n maHre, il cooruL sans cé ré moni~ prendre sa place au piano,
reproduisant note par note cc qui venait d'êlre joaé, riant et faisant
des contorsions de joie en voyant le nouveau monde de jouissances
qu'il vellai t dedécouvrir, toul celaa été si fréquemmcnt raconlé, que
je crois inulile dp. le mention:ler de nouveau; mais un fai t sig nificati f
et intéressant m'a été raconté par un ami qui fuL le prem icr témoin et
appréciateur de la faculté de Tom. Un jour un e muvre de Hacndel
lui futj ouée , Immédiatemen t Tom la rejou!\' correctcmcut, et quand
iI eut terminé, iI se froUa les mains avec une expression de joie indé-
fi nissable eu s'écriant: • Je le vois, c'csl un vieillard avec une grande
perruque; il ajoué d'abord et moi apres .• 11 est incontestable que
Tom avai t vu Ilaendel , el l'avait cntendl1 jouer.
- - 51 -
• Tom s'cst produit plusieurs fois en public, et la maniere dont il
exécute les morccaux le:; plus difficiles ferait presque douler de son
infirmité. 11 répete sans faule sur le piano, ct uécessairemcnt de mé-
moire, lout cc qu'on lui jouc, sait des sonates classiqucs anciennes,
sait des fanlaisies modernes; or., nous voudrions bicn vair celui qui
pourrait apprendre de cetle maniere les variations de Thalberg Jes
ycux fermés comme il1'a fait..
«Ce fait surprenan t d'un avcugle, ignorant, dépourvu de taute
instruction . moniran! un tulenL que d'anlressont incapables d'acquérir
avec lous les avan tages de I'étudc, sem. probablement expliqué par
un grand nombre d'apres la maniere ordinaire d'cnv:isager ces choses,
co disant; c'cst un génie et une organisíltion exceplionnelle; mais CC
n'est quc le Spil'Hisme qui puisse donner la def 'de ce phénomene
c'une maniere compréhensibJe et rationnelle .•
Les rcflexions que nous al/ons faltes à propos de la. petite filie di
Tou lon, s'appliqucnt nalurellement à Tom I'avcugle. Tom a dli êlre
un gl'and musicien auquel il sumt d'entendre pour être SUl' la. voie de
cc qu'iI a su. Ce qui rend le phénomêne pIos extraordinaire , c'est
qu'iI se présente chcz un negl'e, esclave et aveugle, tripl e cause qui
s'opposait à la culture de ses fLptitudes nati ves, et maigré laquelle
elles se sont manifestécs à la premiere occasion favo rablc, comme unc
graine ger me aux rayons du solei\. Or, comme la race nêgre en
général, ct surtout à l'ctat d'escla\'age, ne brille pas par la culture
dcs arts, il eo faut cooclure que j'Esprit de Tom n'appartient pas à
cette racci mais qu'il s'y sera incarné soit comme el pia.tion , soit
commc moyen pro·videntiel de réhabilitation de ceUe race dans l'opi-
Dion, en monlrant co dont elle est capable.
00 ri. beaucoup dit etbeaucoup écrit contre l'esclavage et le préjllgé
de la couleur; tout cc qu'on a dit estjuste et moral; mais ce n'était
qu'une thêse philosophique. L.a. loi de la. pluralité des existences el de
la. réincarnation vien t y ajauter l'irréfutable sanction d'une loi de la
nature qui consacre la. fraternité de tous les hommes. Tom I'esclave.
né et acclamé en Amérique. esl une protestation vivante contre les
préjugés qui rcgnent encore dansce pays. (Vair la RelJue d'avriJ t 862,
page 97: Perfcctibilité de la race negre. Phrénologie spiritualiste. )

Suicide des animaUI


• Le ~lorning·Post raconlait, il 'i a quelquesjou l's, l' histoire étrange
ô'un chien qui se scrait suicidé. L' animal appartenait à un .M. Home,
- 52 -
de Frinsbury, pres de Rochester. 11 parait que certaines circonslanccs
J'avaient fait soupçonner d'être atleint d'hydrophobie, et que par
suite on I'évitait et on le tenait éloigné de la maisoll aulan t que pos-
sible. 11 semblail éprouver beaucoup d'ennui d'être traité de la sorte,
e1 pendant quelques jours on remarqua qu'i1 élait d'humeur sombra
et chagrine, mais sans montrer encore aucun symptôme de rage.
Jeudi on le vii quitter sa niche et se diriger vers la résidence d'un
ami intime de son maitre à Upnor, oil on refusa de j'accueillir, ce qui
lui arracha lUl cri lamentable.
• Apl'es avoir atlendu quelque temps devant la maison sans obtenir
d'être admis à I'intérieur, il se décida à partir, et 011 Ic vil a11er du
côté de la riviere qui passe pres de là, descendre sur la berge d' un
pas délibéré , puis, apres s'être retourné et avoir poussé une sorte de
hurlement d'adieu, entrer dans la riviêre, plonger sa têle sous I'cau,
et, au bout d'une minute ou deux , reparaitl'e sans vie à. Ia. sUl'face,
• Cet acte de suicide cxtraordinaire a eu, dit-on, pour lémoins un
grand nombre de personnes. Le genre de morl prouve clairemenl
que I'animal n'était point hydrophobe.
• Cc fait parait bien extraordinaire; il rencontrera sans doute des
incrédules. Néanmoins, dit le Droit, iI n'est pas sans précédent.
• L'hisloire nous a conservé le souvenir de chiens fidêles qui se 50nt
voués à une mort volontaire pour ne pas survivre à leurs mattres.
l\Iontaigne en cite deux. exemples empruntés à l'antiquilé: • Hyrca-
nus, le chieo du roy Lysimachus, son maistre mort, demeura obstiné
sur son lict, sans vouloir boire ne manger, et le iour qu'on en brusla
le corps, il print sa. course el se iecta dans le fe u, oil it feul bruslé;
comme feH aussi le chien d'un nommé Pyrrhus, car il ne bougea de
dessus le lict de son maistre depuis qu'il feut mort; el quand on l'em-
porta, iI se laissa enlever quand et luy, et finalement se lança dans
le buchier ou bruslai L le corps de son maistre. J (Essais, liv. 11,
chap. XII.) Nous avons nous-même enregistré, il y a quelques an-
nées, la fin tragique d'un chien qui, ayant encouru la disgrâce de
son maítre , et ne pouvanl s'en conso\er, s'élait précipité du haut
d' une passcrelle dans le canal Saint-l\1artin. Le récil. três circon-
tancié que nous ftmes alors de cet événement nta. jamais été con·
tredit et n'a donné lieu à aucune réclo.mation des parlies intéressées.•
(Petit JournaL, 15 mai 1866.)
Le suicide n'esl pas sans exemple chez les animaux. Le chien,
comme iI cst dit cj·dessus, qui se laisse mourir d'inanition par le
chagrin d'avoir perdu son maitre, accomplit un ,,·érilable suicide.
- 53 -
Le scol'pion, entouré d'un cerele de charbons ardents, vOj'ant qu'i\
n'en peul sortir, se tue lui-même. C'est une analogie de plus à con-
stateI' entre l'esprit de !'homme el celui des animaux .
La mort volontaire chez uo animal prouve qu'iI a la conscience
de son existence et de 50n individualité; il comprend cc que c'cst que
la vic et la. mort, puisqu'il choisit librcrncnt entre ('une et I'autre; iI
D'cst done pas aussi mat:hinc, et fl'obéil pas a ussi exclusivement à
uo instincl aveuglc qu'on lc suppose. L' instinct pousse à iJ. recherche
des moyeos de conservation, et lluO de sa. propre destruction.

Poésies Spiritea.
(SoeiHê de Paris, 20 juillel l866, méd. M . Vllvasscur.)
Souvenir.
Dcux cnfanls, la S(l'.ur et le frere ,
Rentraient ensemble à la chaumiere
Un soir d'été. Déjà la nuit,
A pllS lents, s'avançait sans bruit,
Derriere eux, blanche et vaporeuse
Comme une ombre rnystérieuse.
L'oisf'llu dorrnait au fond des bois,
Et la bise gtissait sans voix;
Tou! rêvait dans un doux mystere.
La sreur dit teut bas à "on frere :
Frére, j'ai peur; n'entends·lu pas
Une clochc pleurer là·bas?
C'es! le lllgubre et triste glas
D'un trép<lssé. - Ne trembla pas,
Sreur, dit le Crere, c'est une àme
Qui fuit la terre et qui réclame
Une priere. pour payer
Sa placc à l'éternel Coyer.
Allons, soour, prior à 1'J.':glise
Sur la dalle poudrellse et grise
OÚ l'on nous vit, un jour de deuil,
Tous deux dcrrierc un loug cercuei!
Ou dormait notre pauvre mere.
Allons prier pour les morls, soour;
Cela nous portera bonhcur.
Allons, allous! - Et sreur ot Crere,
Une larme seus la paupiére,
Tous deux se tenant par la main,
Prirent l'élroit el vert cheroin
Qui menait à la vieille église.
Une seconde fois la bise
Leur apport..1. lc triste adieu
Du trépassé cherchant son Dieu ,
Et la cloche cessa. sa plainte;
Et muets et tremblants de crainte
- 54 -
Nos deux enfanis silencieux
Marchaient en regnrdant les cieux.
Arrivés au seu il de l'église
lls virent une ferome assisfl
A I'ombre du trislfl pilier
Qui portait le gl'and bénilier.
Les pieds nus, la face voilée,
Pllle, folle et échevelée,
ElJe [l.'écl'iail : O mon Dieu !
O vous qu'on adore en tout !íeu,
En touL temps. partout sur la terre
Comme au ciel, une paune mere
Tre.:i1blanl e, aux pieds de vos autels,
:tevant vos desscins eterllels,
Ose à peine, en votre présence,
Se plaindre et conter Isa soultrance,
Seignellr! Je n'avais qll'un eo/ant,
Un seul; il était rose et blanc
Comme un blanc rayoo qni colore
Un frais matin il. son alll"ore .
Le miroir de s(>s grands yeux bleus
Reflétait j'azul" de vos cieux,
Et SUl" sa bouche un dou:;: sou rire
8emblait se poser et me dire:
Ne pleure plus A ton foyer;
C'est Dieu qui vient de m'envoyer.
Vois, l'orage est dissipe. mcre ;
Le ciel est sans nnagei espereI
Et j'espérais. Mais, p!luvre enfant,
Tu te trompais eo me Irompant~
Quand le \'eot soume SUl' la plnge
11 détroit toul sur son passage,
Ne laissanl que quelquefl roseaux
PaUl" pleurer aux bords de leurs eaux.
EL quand In morl frap pe à la porte
D'lln foye~, elle enlreet emporte
Ton t! lout1. .. Ne laissant à SOtl senil
Cu 'un drap noir pour encher sou deuil.
J e savais pourtant qu'un beau rêve,
S'il commence un matin, s:acheve
Un soil" ici·bas; que la nuit,
Jalouse du soleil qui luir,
Et qui fait pâlir sa triste ombre
Étend bientót un voile sombre
Pour obscurcil' ses mille feux
Et le voiler à tous les yeux.
Oui, je le savais; mals la mere
Ignore lout; qlland elJe espere,
La pauvre mere croit à tout;
Pour un fils, au bonhem SUltoUt.
J'avai s sou(fert toute ma vie,
Ne pouvais-je pas sans folie
- 55-
Espércr un jour debonheur?
11 ('fi fut aulrement! Seigncur
Quo volre volonlé sait faite!
Saulo, dans cette humble retraite,
Ou fui Vl1 rnourir un époux ,
OiL, pâle et tJemblante, à genoux ,
J'ai raçu les ad ioux d'un pere,
Ou vaus enlevcz à la mero
Son dernier cspoir, sou enCanto
Dc\'anl sou hourreau triomphant,
La mort qui contemple sa praia
Avce uo sourire de joio,
Seigneur! je demande à 1-1. maio
Qui frappe tous los miens, demain
De ne paiot épar~cr la m~re
Demandaot sou fils à la terre .
La cloehe une derniere Cais,
A cos maIs, fit parler sa vú ix.
L'Ame de l'enfant SU l' la terre
Hevenait consoleI' la mere
Enlui disant: Jo suis aux cieux !
Quand sreur ot frere soucieux
Sorlirent de la vieille église,
La Cemme ét.nit enCOro o.ssisc.

Dissertations spirites
Les trais causes principales des maladtes.
(ParilJ, 2;\ oçlobre 1866. _ Médillm. M. Dcsliens).

Qu'esl-ce que I' homme 1... Un composé de trois principes essen-


tiels : l'Esprit, le périsprit et Ie corps. L'absence de 1',.lO quelconque
de ces trais principes entra'inerait nécessairement I'anéantissement de
I' être à I'état humain. Si Ie corps n'est plus, il y a l'Esprit el non plus
I'homme; si le périsprit manque ou ne peu t fonctionner, J'immatériel
ne pouvant agir direcLement sur la matiere et se trouvant ai nsi dans
I'impossibilité de se manifesler, il pourra y avoi r quelque chose dans
Ic genre du créli n ou de l'idiot, mais il n'y aura jamais uo être io1el-
ligent. Enfin, si l'Esprit manque} 011 aura un frellJs vivan! de la vie
animale et non un Esprit ill carné. Si done naus avons trois principes
en prcsence, ces troi s principes doivent réagir I'un sur I' autre, et iI
s'ensuivra la santé ou la maladie, se!..:m qu'il y aura entre eux harmo-
nie parfaite ou désaccord partiel.
Si la. maladie ou le désordre organique, comme on voudra I'appe-
ler, procede du corps, les médicaments matériels sagemcnt employés
suffiront à, I'élablir \' harmonie générale.
- 56 -
Si le tfüuble vien t du périspl'it, si c'cst une modification du principe
fluidique qui le compose, qui se trouve altéré, il faudra une médica-
tion cn rapport avec la nature de l'organe lroublé pour que les fone-
tions puissent reprendre leu r état no~mal. Si la maladic procede de
l' Esprit, on nc saurait emptoyer pour la com battre nutre chaso qu'unc
médicatioll spiriluelle. Si enfin, comme c'cst 10 cas lo plus général,
et on peut même dirc celu! qui se préscntc exclusivemen t, si la ml la.
d ie procede du COl'pS, du p6risprit et de ]'Esprit, il faud ra que la
médication combatte H. Ia fo is toutes los causes du désordre par des
rooyens divers pour obteni r la g uérison. Or que font généralemcnt
les médecins? 115 soignent le COl'p5, ils Ic guérissen t: mais guérissellt-
ils la maladie? NOIl. Pourquoi? Parce que le périsprit étant un
principe supérieul' à. la matiêre proprement di te , pou rra devenir
cause par rapport à celte.ci; et s'il cst entravé, lcs organcs matériels
qui se trouvent en rapport a vcc lui seront égalcmen t frappés dans
leul' vilalité. En soignu.nt le corps , vous détruisez l'eITct; mais la
cause résidant da ns le périsprit, la maladie rcviendra de nouveau
lorsque les soins ccsseron t, jusqu'à cc qU'OIl se soit aperÇu qu'iI faul
porteI' ai!!eurs son atl ention , cn soignant fluidiqu ement le principe
fluidi quc morbide.
Si enfln la maladle procêde du mens, de l'Esprit , [e périsprit el le
corps, placés sous sa dépendance, seront entraves dans leur s fone-
tion5, et ce n'est !li en soignant I'un ni en soignant l'!Luire qu'on fera
disparaHre la cause.
Ce n'est dOllc pas en meltant la camisole de force à uu fo u, ou cn
lui donnant des pi lul es ou des douches, qu'on parviendra à le remettro
dans son état normal; on apidsera seulcmcnt 50S sens révo\tés ; on
calmera ses acces, mais on ne détruira le germe qu'en le combaltan t
par scs semblables, on faisant de l'homrepathie spirituellement et fl ui-
diquement, comme 0 /1 en fa it maléricllement, CIl donn ant au 19a1ade,
par la priêre, une dose inflnitési male de patience, de cal me, de rési-
gnation , suivant les cas, comme on lui donnc une dose inflnilésimalc
de brucine, de digitale ou d'aconit.
Pour détruire une cause morbide, iI faut la combatlre sur son
terrain. Doctellr MOREL LAVAL LHE.

La Clarl!.
(Sociêlê d8 Paril, 5 jan~ier 1866. - Médium, M. L8ymarie.)

M'accorderez-vous bicn l'hospitalité pour votrc premiêre séance


de t 866? Je désire, avec I'accolade fralern elle , vous présenter des
vreux amis; puissiez- vous avoir beaucoup de satisl'a ct ions morales,
beaucoup de volonté et de charité persévérante.
- 57 -
Dans cc siec1c de lumiêre, cc qui manque le plus, c'esi la clarlé I
Les demi-savanls. Ics Croquemitaineo:: de la presse , on t vaillamment
fait [e trav ..il de ]'araignée pour obscurcir, à. !'aide d' un lis5U soif-
disanl libéral, toul cc qui est elair, toul cc qui éclaire.
ChCfS Spiriles, avez- yous lrouvé d ans toutes les cauches sociales
cclte force de raisonncment qui est la marque intel!igentc dcs êlres
arrivés? N'avez-vous pas, au contraíre, la certitude que la grande
majorité de vos freres croupit dan s une ignorance malsaine? Partout
les hérésies et les mauvaises actions! Les ban nes intelltions, viciées en
leur príncipe, tombcnt ulle à une, semblables à ces bcaux fr uits
donl un ver range le creuret que le vcntjetle à. terl'e. La clal'lé, dans
les argument s, dans le savoir, aurait·ellc fait par hasard élection de
domicile dans Ics académies, chez Ics p hilosophes, Ics journalistes ou
Ics pam phlétaires? .. . On pourrait en dou ter, ce me semble, en les
voyant , à l'instar de Diogcne, la lanterne à la main, chercher une
vérité en plein soleil.
Lumiere, clarté, vous êtes I' essence de toul mouvement intetligenl !
Bienlôl VOIIS inondercz de vos rayons bienfaisants les rccoins les plus
obscurs de ceUe pauvre humanité ; c'cst vous qui sortirez de la fa nge
tant de terricns ahuris, abrutis, e!;prits malheureux qui doivenl être
lavés par l'instruction, par la liberté, surtout par la conscience de
leur valeu r spirituelle. La lumicre chassera les lal'mes, les peines, lcs
sombros désespoirs, la. négat ion des choses divines, toutes Ics mau·
vaises volontés ! En assiégennt lo matérinlisme, elle le for cera à ne
plus s'abriler derriere cc rempart fadice, vcrmoulu, d'oü il décocho
maladroitement ses trails sur toul cc qui n'esl pas son ceuvrc.
Mais les masques seront arrachés et nous saurons alors si les jouis-
sances, la for tune et le sensualisme, son t bien les emblemes de la vie
el de la libcrlé. La clarté cst utile en lout et à tous; à l'embryon
comme à I' hommc, iI faut la lum ierc ! sans elle (out marche d tdtons ,
el rtime, à tdlom, cherclw l'ame.
Qu' une nuit étel'llclle se fasse ! aussilôt les couleurs harmonieuses
disparattront de votrB globe, les fleurs s'ótioleront , les grands arbres
scront détruits; Ics in sccles, la nature entiere ne donneronl pl us ees
millc bruits, I'étcrnelle chansoll à Dieu ! les r uisseaux baigneront
des rives déso!ées; le froid aura lout momifté, la vie aura. disparu L . .
1\ en est de memc pour I' Esprit. Si ,'ous faites la nuil autom' de
lui, il en sera malade; le froid pétrifiera. sos tcndan ces divines; l'h()m:ne,
comme au moyen âge , s'engourdira, semblable ell son <lme aux soli-
tudes sauvages et désolées des contrées boréales!
C'est pour cela, Spirites, que vous vous devez à toulos les clarlée::o
Mais avant de consciller et enseigner, commencez d'abord par éclai-
reI' los moindres replis de votl'C âme. Lorsque, assez épurés pour ne
- 58-
rien craindre, vous pourrez elever la "oix, le regard, lo gesle, vous
ferez une guerre. implacable à. I'ombre, à la tristes!'e, à I'absence dc
vie; vous apprendrez Ics grandes lois spirites aux freres qui ne savent
rien du rôle que Dieu leur assigne.
1866, pui~ses-lu, pOUf los annees à venir , êlrc cette etoile lumi-
ncuse qui conduisait les rois mages vers la c n~ cho d'un humble enfant
du peuple; ils venaienl rendre hommage à I'incarnation qui dcvait
representeI' dans le sens le plus largc I'esprit de verite, ce1tc lumiere
bienfaisallte qui a transforme I'humallité. Par cet enfant, tout a ele
compris! C'est bieo lui qui élern ise la grã.ce ella simpliciLó, la cha-
rité, la bienveillance, I'amou!' ella. liberté.
Le Spiritisme, éloite lumin€llSe aussi, doit, comme celle qui a dé-
chiró, il y a dix·huit siecles, le voile sombre des siêcles de fer, con-
duire les terriens à la conquête des vérites promises. Saura-t-il bien
se degagel' des orages que nous promettent les evolulions humaines et
Ics résistanccs déscsperées de la. science aux abois? C'est ce que vous
lous, mes amis, et nous vos freres de I'erraticité, sommes appeles à
mieux accuser, en inondant cette année eles clartés acquiscs.
Travailier dans ce but, c'est êtrc adeptes de l'Eofant de Beth-
léem, c'est être fils de Dieu, de qui émanent toute lumiere et toute
clarté.
SONNEZ.

CornmuDicatioD provideDtiel!e des Esprits.


(GrouFe Delallue. - Paris, 8 janvitr 1865. - Médium, madame Dr . . )

Les temps soot venus OU ceUc parole du prophete doit être accom-
pHe: (( Je répandrai, dit le Seigneur, de mon Esprit sur tou1e chair,
et vos enfanls prophelÍfieront, vos vieil1ards auront des songes.• Le
Spirilisme esl cetle diffusion de l'Esprit divin venant instruire et mo-
raliser tous ces pauvres deshérités de la vie spirituelle qui, ne voyant
que la matiere , oubliaient que l'homme ne vit pas seulement de pain.
11 faut au corps un organisme matériel au service de I'ilme, une
Ilourrilure appropriee àsa nature; mais à l'âme, émanation de I' Esprit
Créaleur, il faul un aliment spirituel qu'elte ne trouve que dans la
contemplation desbeautes celcsles, résultant de I'harmonie des facultés
intelligentes dalls leur complet epanouissement.
Tant que I'homme neglige de cultiver son esp rit etreste absorbé par
Ia. l'echerche ou la. possession des biens matériels, son âme est en quel.
que sorte statioonail'e, et illtli faut un grand nombre d'incarnations
avallt qu'elle puisse,obéissant insensiblemcn1 et comme parforce à. la
loi inévitable du progres, aITiver à ce commcocemenl de vi talité in -
tellectuello qui la. rend la directrice de I'être matériel auquel elte es!
- 59-
unie. C'est pour cela que, malgré les enseignements donnés par le
Christ pour faire avancer !'humanité, elle est encore si cn arriere, l'é-
goi"sme n'ayant pas voulu s'efTacer devant celte loi de charité qui doil
changer la face du monde, ct co rai re IIn séjour de paix et de bon heur.
Mais la bonlé de Dieu esl infi nie, E::lIe surpasse ]'indifférence et I'ingra-
titudc de scs enfants; e'est pourquoi il leur envoie ces messagers
di\'ins qui viennent lem' rappeler que Dieu ne les a pas créés pour la
terre, qu'i ls n'y 80nt que pour lU] lemps, afio que, par le travail, ils
développent les qualités déposécs eo germe daos leur â.me , et que ,
citoyens des cicux, ils ne doivent pas se complai re dans une stalion
inférieure à teur ignorance ou leurs faules seulcs les retiennent.
Remerciez donc le Seigneur, et saluez avecjoie l'avénement du
Spiritbme, puisqu'il est l'accomplisscment des prophélies, le sig ne
éclatant de la bonté du Pere de miséricorde, et pour vous un nouvcl
appel à ce dégagement de la maticre, si désirable, puisque seul il
peut vous procureI' un véritablc banhcur. LoUls DE FRANCE.

Notlces bibliographiques
Mirette
Iloman spirite par M. t lio Sa uvagc, membre <.lc la Socii:t(·
<.lc~ gcn.! <.le lcitres (I) .

L'annéc t 867 s'cslouverte, pau r [e Spiritisme, par la publication


d'un ouvrage qui inaugure en flue [que sorte la voie nouvelle ouverle
à la litlérature par la doctrine spirite. ~fil'e"e !l'est poiol uo de ces
livres ou ]'idée spirite n'est qu'accessoi re, et co mmejctée, pOlll'Feflel,
au hasard de l'imagillation, sans que la eroyance vienne l'animer et
la réchaufTer ; c'esi ceUe idée même qui eo forme la donnée pl'inci -
pale, moi os encore pour l'action que pour les conséquences géné-
rales qui cn découlent.
Dans Spli'ite de Théophile Gautier, lc fanta stique l'emporte de
beaucoup sur lI:! réel et le possibte au poiot de vue de la doctrine.
e'est moios un romao spirite que le roman du Spiritisme, et que ce-
lui-ci lIe peut acceptercomme une pcinture fidelc dcs manifestations;
de plus, la donnée philosophique e1 monde y est à peu pl'CS llulle.
Cet ouvrage !l'en a pas moios été tres ut.ile à la vulgarisatioo de l'i-
dée, pai' l'autorité du nom del'auteurqui a. su y donnerle eachet de son
incootcstable talent, et par sa publication dans lejournal officiel. C'é-
lait eo outre le premier ouvrage de ce gen re d'une importancc réeJle,
ou I'idée étail prisc nu sérieux.
Ce!ui de M. Sauvage est conçu sur un tout aulre plan ; e'est une
(I ) 1 vol. in'12. Librairie des Auteurs, H~, rue dt: la Bourse . Prix: 3 Ir. Par la
pO:i:e, pour la France et ]'Algêrie, 3 Ir. 30 c.
- 60-
peinture de la vie réclle ou rico ne s'écarle du possible, et dont Ic
Sp iritisme peul tout aecepter. C'esi uh récit sim pIe, nai'f, d'un inté·
rêt soutcnu , et d'autant plus aUachant que tout y cst naturel et vrai -
semblable; 00 n'y trouve poinL de situations romanesques, mais des
scenes altendrissantes. des pensées élevées. des caracteres tracés d'a-
prês nature; Oll y voit les sentiments les plus nobles et les plus pUfS
nux prises avcc I' égoisme et la basse méchanceté, la foi luUant coutra
j'incrédulité. Le style en est clair, concis, sans longueurs oi acces-
soifes inutiles, sans ornements superflus, et sans pl'étentions à l'elfet.
L'nuteur s'cst proposé avant toul de (ai re un livre moral, et il co a
puisé lcs éléments dans la philosophie spirite et ses conséquell cc:::,
bien plus que da.ns le f<til dcs manifestations; il montre à quclle élê-
valioo de pcnsées conduiscnt ces croyanccs. Sur cc poinl nous l'ésu-
mOlls nolre opinion cn disant que : ce livre peut être lu avec fruit par
laj cunesse des dcux sexes qui y trouvera de beaux modeles, de bons
exemples, et d'utiles instruetions, sans préjudiee du profit el de I'a-
!;rément qu'on en peut tirer à tout âge. Naus ajouterons q ue paul'
avoir écrit ce livre dans!e scns ou il est Cait, il faul êtreprofondément
penélré des principes de la doetrine_
L'auteur place son aetiol1 en 1831; il ne peut done nominalement
parler du Spiritisme, ni des ouvrages Spirites aCluels; aussi a-t-il dü
faire remonter son point de dél-'art apparent à Swedenborg i mais toul
y esl conforme aux données du Spiritisme moderne qu'il a étudié
avee sai n.
Voiei en deux mais le sujei de I'ouvrage.
Le comte de Rouville, foreé de quilter subitement la Franco pen-
dant la. révolution, avait confié, cn parlant pour l'cxil, une somme
importante et ses litres de Camille à lIn bomme sur la loyauté duquel
il croynit pouvoir compter. Cel homme, abusant desa confiance, s'ap-
propl'Íc cetle somme avec laquellc il s'enrichit. Lorsque I'émigré I'e·
vien!, le dépositaire déelare no pas le connaltre et nie te dépõt. M. de
Rouvil1e, dénué de toutes ressources par ceUe infidélité, meurt de
désespoir, laissant une petite fil1e de trois ans, nommée t\lirette. L'cn-
fant esl recueillio par un aneien servi teu r de la familJe q ui I'éleve
comme sa filie, CelJe- ci ava.it à peine seize ans qU9.nd son pêre adop-
tif, tres pauvre lui- même 1 vint à mourir. Lucien, jeune étudiant cn
droit, à l'ãme grande ct noble, qui avait nssisté le vieillard à sos der-
nicrs momenls, devient le protecteur de Mirette restée sans applli ot
sans asile; il la fnit admetlre chez sa mere, riche boulangêre, au coour
dur et égoisl~. OI', il se découvre quo Lueien est le fils du spolia-
teur; cc dOI'oier, cn apprenant plus tard que Mirette csi la fllle de
cellli donl il a causé la ruine et la mort, tombe maladp. et meurl hour-
rclé de remords dans Ics convulsions d'une eITra.yanle agonic. Do là
- 61-
des complications, car Ics deuxjeunes gens s'aiment, mais ils finissent
néanmoins par se maricr.
Les principaux pel'sunnages sont : Lucien et 'Mirette, deux times
d'élitc; la mere de Lucien, type parfait de l'égoisme, de la cupidité,
de j'étroitesse des idées, co lulte avec j'amour ma.ternel; le pere
de Lucien, exactc personnification de la conscience troublée; une
portcuse de paios bassement méchante et jalousc ; un vieux módccin,
excellenl homme, mais incrédule ei railleur; un éllldiant eo médecinc,
soo éleve, spiritualiste, homme de cre ur, et habile mag nétiseur; une
somnambul c tres lucide, et une sreur de charité aux idécs larges et
éJevées, Lype modêle.
Nous avons entendu f<~ire SUl' ccl ouvrngc la critique suivantc :
L'aclion débutc, saos préambule, par un de ces faits de manifes-
tatioos spontanécs comme CIl en voit souven t de nos jours , et q'Ji
cOllsistent dans des cou ps frappés dans la muraille. Ces bruits ame-
nent la rencontre dcs deux principaux personnages de I'histoire, Lu-
cien et Mirctle, qu i se déroule em:uite. L'auteur aurait da, di t-on,
donner un e explicatioll du phénemênc à I'usage des personnes étran-
geres au Spiritisme, et qui se trou"cnt avoir un point de dépar t
qu'elles ne comprCllllcnt pas. Nous no parlageons pas celte opinion,
cal' il faudrait cn tiire autant des scenes de visions extatiques cl de
somnambulisme. L' auteur n'a point voulu, et ne pouvait, i:L propos
d'un roman, faíre un traité didactique de Spiritistllc. Tous Ics jOllrs
les écrivains appuient leurs c\lllceplions sur des faits scientifiques,
historiques ou autres, qu'ils ne peuvent moins fair e que de supposer
connus de leurs lecteurs, sous pei ne de transformer leu1's ouvragcs en
encyclopédics; c'cst à eeux qui ne les connaissent pas à en cher-
cher, ou à en demander I'explicalioo. AI. Sauvage, plaçant SOIl sujet
en t 831, Ile pouvait développcr dcs théories qui ne rurent eonnues
que vingt aos plus tardo Les Esprits frappcu rs ont, d'ailleurs, de
nos jours, assez de reteotissement, grâ.ee même à la presse hostile,
pour que pcu de personnes n'en aicn t entendu parlcr. Ces faits sont
plus vulgail·es aujourd'hui que beaueoup d'autres que I'on ci te jou\"-
nellement. L'auteur nous semble avoir, au contraire, rehaussé le Spi-
ritisme en posant le fait comme suffisamment a.cquis pour l]'avoir pas
besoin d'être expliqué.
Nous ne partageolls pas nOll plus I'avis de ceux qui lui r epro-
chent son cadre IJIl peu familier et vulgaire, le peu de complica-
tion des ressorls de I'intrigue, en un mol de n'avoir pas fait une
ceuvre littéraire plus magistrale, ainsi qu'il en était certainement ca-
pable. Selon noug, I'ouvrage est ce qu'il devait être pour atteindl'e le
but proposé; ce n'est pas un monument que I'auteur a. voulu élever,
mais une sim pie et gracieuse maisonnette ou te cceur peut se reposer.
- 62-
Tel qu'il eSl, il s'adresse ã 10u1 le monde: grands et petits, riches et
prolétaires, mais surtout à. une c\>J.sse de leGteurs nuxquels il e\lt
moins convenu s'il eu! revêtu une forme plus acadcmique. Nous pcn-
sons que la lecture peul eo êt re tres profitable à. la classe laborieuse,
ct à ce titre nous voudrions lui voir la popu larité de certains écrils
dont la lecture cst moins saine.
Les deux passages suivants pem'en l donner une idée dc l'esprit
dans leque I est conlju I'ouvf!l.gc. Le premier esl UIl C sceue entre ).u-
den et l\JireUe à I'enterrement du pere adopl.if de celle·ci :
• l\lon pauvre pere, je ne te verrai done plus ! dit l\liretle cn san -
glolant.
. l\1irelte, répondit Lll cien d'une voix douce et grave, ceux qui
croient à Dieu et à I'irnmortalité de I' â.me humaine ne doivcnt pas
se désoler commc les malh eureux qui o'ont pas I'cspérance. Pour les
vrais ch réticns, la morl n'existe pas. Rcgardez autour de nous : nous
sommes assisau mi licu des tombeaux, dans le lieu terrible et fu nêbrc
que I'ignoflmce et la peur appellent le cham p des morts. Eh bico!
Ic solei! du mois de mai y resplendit comme au sein des plus riantes
eampagnes. Los arbres, les arbustes et les fleurs inondent I'ai r des
plus doux parfums; depuis l'oiseau jusqa'à I'insecte imperceplible,
chaque êlre de la création jette sa notedans celte grande symphonie
qui chante à. Dieu l'hymne sublime de la vie universelle. N'esl-ce pas
lã, dites-moi, une éclalanlc protestation con lre le néant. contre la
morL ? La mort est une transformaLion pour la matiere, pour lesêtres
bon s et intclligents, e'est ulle tramfiguralion, Votre pere a rempli la.
lâche que Dieu lui avait confiée: Dieu 1'30 rappelé à lui; que notre
amou!' égolsle n'envie pas la palme au martyr, la couronne au vai o-
queur !. .. Mais ne croyez pas qu'i1 vous oublie. L'amour es! le lien
mystérieux qui relie tous les mondes. Lo pere de fami lle, forcé d'ac.
complir un grand voyage, ne pense-l-i l pas à ses enrants chéris? Ne
veille-l-i l pas de loin sur leur bonheur? ~ui, Mirelle, que eelte pensée
vous cOllsole; nous ne sommes jamais orphelins su r la terre; nous
avons Dieu d'abord qui nous a permisde I'appeler notre pere, et puis
les am is qui nous onl précédés dans la vicéternel1e. - Celui que vous
pleurez , il est lã, je le vois ... iI vous sourit avcc une lendresse
ine[fable, ,'0 iI vo us parle... écoulez ...
• Le visage de Lucien prit louL à. coup une expression extatique;
son regard fixe, 50n doigt levé en I'air, monlrait quelquc chose dans
I'espace; son orcil le tendue semblait cntcndre des paroles mystérieuses.
• Enfant, dit·iI, avec un e voix qui n'était plus la sienne, pourquoi
fixer 10n regard voilé de lar mes sur ce coin de terre ou 1'011 a déposé
ma dépouil1c morlelle? Lêve les yeux vers le ciel; c'est Ià. que rEs.
prit purifié par la sou[france, par I' amour et par la priere , s'cnvole
- 63-
ver:; I'objet d e 5es sublimes aspiralions ! Qu' importe au papillon qu i
déploic au soleil 5es ailes radieuses. que 1ui imporlent lcs débris de sa
grossit:rc cnvcloppe? La poussiêre reto ul'llc à la pous!i'iere, ['étin cellc
remon te à SOIl d'i vin foyer . Mais ['Esprit dail passer par d e terriblcs
óprcuves :wanL d e recevoi r sa cauronnc. La terre SUl' laquellc ra mpe
la fourmilicre humaine csl uo lieu d'cxpiation et de préparation àla
vie bienhclIreusc. De grandes [uHes t'altendent, pauvre enfant, mais
aie con fiance : Dieu et lcs bons Esprils ne t'abandonneront pas. Foi,
espérance, amou 1', que cc 50 it lã. ta dcvise. Adicu . •
L'ouvragc se term ine par 10 réci t suivant d'une excu rsion exlalique
des deux jcunes gens , alo!'s mal'iés :
• Aprês UIl ~'oy agc donl ils ne purent apprécier la durée , ces deux
navigatcurs aél'iens aborderent une terre i nconnue et merveilleuse ou
toul élait lumierc, harmonie ct parfums, ou la végétation était si belle
qu'e!lü dilTé/'ait aula11 t de celle de notre gllJbe que la flore des tropi-
ques diITere de cellc du Groenland et des terres a ustrales. Les êLre.s
qui habitaient cc monde perdu ao milieu des mondes ressemblaien t
assez à ]' idée qu'ici-bas nous naus faisons des a.nges. Leurs corps lé-
gers et transparenl3 n' avaien t ricn de Ilotre grossiere enveloppe ter-
restre, Icul' vis'lgc rayonnail d'inlelligence et d'amour. Les uns
reposaicnt sous l'ombrage d'arbres chargés de fruils et de Oeurs, d' au-
tres se promenaienl commcces ombres bienhcureuses quc na us montrc
Virgile dans sa ravissante description des Cbamps-Elyséens. Les
deuiC pcrsonnages que Lucicn avait déjà. vus plllsicurs foi s dans sc:,;
visions précédentes s'avancerent Ics bras tend us vers les d eux voya-
geurs. Le sourire dou! ils les em brasscrent les remp lit d'lIne joie cé-
leste . Celui qui avait été le pere adoptif de l\liretle leur dit avec une
douceur inefrable : • Mes chcrs cnfan Ls, vos priêres el vos bonncs
teuvres on t trou\'é g râce devant Dieu. 11 a touché l'âmc du coupa-
blo ot la renvoie dans la vie terrestre pour expier ses (/lutes et se pu-
rifier par de nouvelles épreuves, car Dieu ne punit pas élcrnel le-
mont, et sn j ustice cst toujours tempérée par la miséricol'de. 1
Voici muintenant !'opinion des Esprits sur cel ouvrage, donnée à la
:-ociété de !)aris d uns la séancc ou iI en fu I rendu compte.
(Socié t6 de P aris, '" janvier 1.867. M éd.~!. Oesli~ n s . )

Clmque jour la croyance détache des idées adverses un espril irré-


saIu; chaquc jour d e nouveaux ad eptesobscurs ou iHuslres, viennent
s'abriter fiOUS sa banniere; les faits se multiplien l, et la foule réOéchi t.
Puis Ics trcmblenrs prennent leur courage à. deux mains, et alors ils
crient: En avantl de toute la force de leurs poumons. Los hommes
sél'ieux tra\taillent, et sciencc morale ou matérielle, romans et nuu -
vel!os, laissent percer les principes nouveaux dans des pages élo-
quentes. Que de Spirites sans le savoir parmi les sp iritualistes moder-
- 64 -
ne:.! Que de publications auxquelles il na manque qu'Utl mol pour
étTC désignées à. l'attention publique comme émanant d'une SQUfCe
spi rite !
L'année i 866 présente la philosophic nouvelle sous lautes ses for -
mes; mais c'est encore la lige verle qui renferme l'épi de blê, et
attend ponr le montrer que la. chaleur du prinlemps l'ait fait mürir el
s'enlr'ou \'rir. t 866 a préparé, 1 Sti7 môrira et réalisera, L'année
s'ouvre sous les auspices de Mirette, et elle ne s'écoulera pas saus
vai r apparaitre de llouvelles publications du même genre, et de plus
séricuses encore, eo ('.6 sens que le Torna0 se fera philosophie, ct que
la philosophie se fera histoire.
00 ne fera plus du Spiritisme une croyance ignorée et acceptée
seulemenl par quelques cerveaux soi-disant malades : ce seraune phi-
losophie adm ise au banque,t de l'intelligencc, une idée nouvelleayant
rang à côlé des idées progressivos qui marquent la seconde moitié du
dix-neuvieme siecle, Aussi félicitons-nous vivement celui qui a su, lo
premior, mettre de côlé tout faux rospect humain, pour arborer
fran chement ct carrément sa. croyance intime.
Doclcur MonBL LA VALLÉR.

Echos poétiques d'outre-Iombe


Bccueil de poésies médianirniques obtcnues r,ar M. VQ\'asseur; précédé d'une Étude
sur la poésie mtdianimique, par M. Al.LAN K AnDEc. 1 ~ol.in-12, prix i rr, Par lo poste,
pour la France ct l'Algérie, i fr, 20 c. - Paris, libr:lirie centrale, 14, boule~ord des
Itolicns; nu b'lreau de la Rtuue Spil'ite, et chc'L l'auleur, 3, rue de la Mairie, à Paris-
Monlmarlre .
CC! OUYT3se dont nOU 3 3vons par!é dans nolre ..Iernier numéro, el dont l'impre~i on
li été retardéc, est en ,'enle.

Nouvelle Ihéorie medico-spirite


par la doc!cur BRlZlO, de Turill.
Nous ne connaissons cc! OU\T3se que par le prospeclus en lanJ;ue italiennc qui nous
a été arlrcSié, mais nous ne pouvons que nou~ réjoulr de voir l'empressclllcnt dcs na-
lions étrangêres à suivre le mouvemenl spirite, et fé liciter les hommes de talent qui
entrent dans la voie des applications du Spiritisme 11 ta science. I.'ouvragc du doclcur
Drizio seta publié en 20 ou 30 livraisons à 20 c. chacune, el I'imprcssion en sera
commencée dês qu'il y aura 300 souscripleurs . On sou5crit 11 Turin, à la librairie De-
siorgis, ,'ia NU O~3 .

Le Livre d e8 HédluIIl8, traduction en espagnol sur la 9° édition franç3i.;c;


Madrid, - llarcelone, - àlarstille, - Paris, au bureau de la llerue $pinte.
A LLAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge rr~res , Dupon et Frtsné, rue du Four-Saint-Germaln, 4-3.


REVUE SPIRITE
JO URNAL

to- ANNÉE . No 3. III A RS t SS 7.

De I'Homéopathie d ans les m aladies morates.

L'hoffiooopalhie pcut-el1e modificr les dispositions morales? r elle est


la question que se 50nt posée certains médecins homooopathes, et à
laquelle ils n'hésitcnt pas à répandre affirmativcmcnt, co s'appu yan t
sur dos falts. Vu son extrêmc gravité, nous al lons J'examiner avec soio
à uo point de vue qui nous semble avoir élé négligé par ccs mes-
sieurs, toutSpiritualistcs et même Spiritesqu'ils 50nl sans dou te, cal' il
ya bicn peu de médecins homreopalhes qui ne soient J'un ct I'autre.
Mais pOUI' l'intelligence de nos conclusions, quelquesexplicalions pl'é-
limin aires SUl' los modificatiúns des organes cérébraux. 50nt néces-
saires. surtout pour lespersonnes él rangeres à. Ia. physiologie.
Un principe que la sim pie ra.ison fait ad metlre, que la. science con-
state chaquejour, c' est qu'i( n'y a. rien d'inutile dans la. nature, quc,
jusque dans ICH plus imperceptibles détails, tou! a un but, une raison
d'êlnl, une destinalion. Ce principe est parliculieremenl évidenl pour
ce qui se ratlache à ['organisme des êtres vivants.
De lou1 temps, le cerveau a été considéré comme l'organe de la
transmission de la. pensée, ct lc siége des facultés intel!ecluelles et
moralcs. 11 est aujourd'hui reconnu que cerlaines parties du cerveau
onl dcs fonctions spéciales, et sont aITectées à. un ol'dl'e particulier de
pemées et de senlimcnts, au moins en ce qui conceme la générulité;
c'csl ainsi qll'instinclivement on placc, duns la partie antérieure,
les facultés qui sont du domaine de l'intelligence, et qu'uo front
fortement déprimé et rétréci est pOUl' tout le monde un signe d'infé-
riorité intellecluelle. Les facultés aITectives, les scntiments et les pas-
- ij6 -
sions se trouvent par cela mêmc a voir leur siége dans 1es aulres par-
ties du cerveau.
Or, si ]'on considere que lcs pcnsécs ot los scnliments 50nt exces-
sivement muhipl es, e1 cn partant de cc pril~ c ipe que loul asa. desti-
nation et 50il Ulilité, il esl permis de conclure que, non- seulement
cnaque faisceau flbl'cux du cerveau correspond à. une fa culté générale
distincte, mais que chaquc fibra corrci3pond à la manifeslnlion d'unc
dcs nuallces de celte facullé, comme chaquc corde d' un inslrumcnt
correspond à. llll son particulier. C'est une hypothCse sans doute ,
mais qui a tous les cal'acteres de la probabilitá, e1 dont la. négalion
n'infi,'merait pas les conséqucnccs que llOUS déduirons du principc
général; elle nous ai dera dans notre ex plication .
La pensée est-elle indépendante de l'organisme?Nolls n'avons pas
à discu ler ici cetle question, ni à rMuter l' opinion matérialiste selon
laquelle la pensée est sécl'étée par le cen'eau, commo la bile ['est par
le foie, naU el meurt nvec cel orgone; oulre ses funestos conséquenccs
morales, ceHe doclrine a contre clle de ne rien ex pliquer.
Selon les doct rines spiritualistes, qui 50nt ceUes de l'immense ma -
jorité des hommes, la maticre ne pouvant produire la pensée, ceUe-
ci est un attribut de l'Esprit, de l' être intelligen l,qui, lorsqu'il estuni
au corps, se sert des organes spécialemcnt afTectés à sa, transmission,
comme il se ser t des yeux pour voir, des pieds pour marcheI'. L'Esprit
survivant au corps, la pensée lui survit aussi.
Selon la doclrine spirile, non-seulement l'Esprit survit 1 mais
préexiste au corps; ce n'est point uu êlre nouveau; il apporte en nais-
Sant les idées, les qu alités et les imperfections qu'il possédait j ainsi
s' expliquent les idées, les aptitudcs el les penchanL'l innés. La pensée
est doncpréexistante e/ sUl'vivante à l'organisme. Ce point est capi-
tal, et e'est faute de J'avoir reconnu que tant de questions sont
demeurées insolubles.
Toules les facultés et toutcs les aptiludes étant dans la nature, le
cCl'veau renferme les organes, ou au moin s le germe des organes né -
cessaires à la. manifestation de toutes lcs pensées. L'activité de la.
pensée de I"Esprit sur un point détenninr. pousse au développemenl
de la. fibre ou, si I'on veut, de I'ol'gane cOl'respondant; si une facu lté
TI'existe pas chez l'Esprit, ou si, existanl, elle doit resler à l'état la. -
tenl, l'ol'gane correspondant, étaut inaclif, ne se développe pus ou
s'alrophie. Si I'organe est all'Úphié congén ialement, la faculté ne
pOllvant se manifesteI', I'Espritsembleen être pl'ivé, bien qu'j[ la P05-
sMe cn l'éalité, puisqu'elle lui est inhércnte_ Enfin, si l'organe pri-
- 67 -
milivement dans son élat normal, se détériore dans 10 coura de la
vic, la faculté, de bri\lan te qu'clle était, se ternit, puis s'cfTace, mais
no se dótruil pas; cc n' esl qU'Ull voil e qui ]'obscurcil.
Selon Ics individus, il y a dcs facultés, dcs a pt iludes, dcs tcndan-
ces qui se manifeslent dês ledébut méme de la vie, d'nulres se réve-
lenl à dcs époqucs plus tardives, 01 produisent les cha.n gemcnts de
caractere ct de dispúsitions que ]'011 remarque chez cerlaines pcr-
SOIlIlCS. Dans cc dornicr cas, cc Ile sont généralem cn l pas dcs dispo-
sitions nouveHes, mais dcs aptiludes préexislantcs qui sommcil1aient
jusq u'á cc qu'une circonstance vicnnc los stimul er et les révcillcr.
00 peut êtrc certain que les dispositions vicieuses qui se mani festenl
parfois subitement cL lardi vemcnt , avaient leu r germe »l'écxistant
dans les imptrfcctions de l'esprit} cal' celui-ci, marcha nt toujou rs au
progl'ês, s'U esl fOllciêl'emcnt bon, ne peut dcvcnir mauv ai~, tandis
que de mau vais il peut dcvenil' bOIl.
Le développement ou la déprcssion des ol'ganes cé rébraux suit le
mOllvcrncnl qui S'Opel'C dans l'Esprit. Cesmodifications sont favol'isées
à toul àge, mais surtout dans le jeune âge, par le travail intime de
róno vation qui s'opcre incC'ssammenl dans l'organisme de la manicl'e
suivantc :
Les pl'in cipaux élémenls de I'ol'ganisrnesont, comme on le sait, l'ox i-
g~ n e ,l'hydl'ogene, l'azotc el lecarbone qui, par Icurscombinaisonsmul-
típles, fo)rmc nl le s:wg, les ne! fs, les Illuscles, tes humeufs, ct les diffé-
rentes varíetes de subslanccs. Par ]'actívíté de~ fonctions vitales, lcs
moléculcs organ iques mut incessammenl cx pulsées du corps par la
transpit'ation,l'exhalatioll et loutes lessécl'étiolls, de sorte que si e/lcs
n'étaicnt pas l'emplacees, Ic corps s'amoind ril'ait et fillirait par' dépérir.
La nourri lurc e1 l'aspirntion apporlent sans cesse de nouvelles molé -
eules destinée:s à rem plaecl' cellc3qui s'cn vont; d'ou. il suil qu'cn un
lemps donné , IOU tC5 les m o l éc ul e~ organiques son t entiêrement rc-
nou velécs, et qu'à, uu ccr1ain âgc, il n'eo exis1e p!us un e seute de
cellcs qui formaient le corps à son origine, C'est le cas d'une mai50n
donl on urracherait les pierres une à une en les I'emplaçan l à me-
sure par une nouvclle picrre de mêmc forme et de même gt'andeu r,
et ainsi de suite jusqu'à la. derniere. On aurait loujours la même mai-
50n, mais formée de pierres dilféreotes.
Ainsi en est-il du corps dont !es élémcnts cOlls!ilutifs sont, disenl
les physíologistcs, totalemeo t I'cnouvclés lous lcs sept ans, Les di-
verses par1ics de l'organisme subsistent toujOUI'S, mais Ics matériaux
sont changés. De ces changements génél'aux ou parlieIs naissenl les
- 68-
modifications flui sUl'Viennent, avec l'Age, dans 1'étal sanitaire de
certains organes, les variations que subissent les lempéramenls, les
goüt.!', les désirs qui influenL su r le caractere.
Les acquisitions et les pertes ne 50n1 pas toujours cn pal'fait équi-
/ibrc. Si les Ilcquisitions ]'cmporten t SUl' les perles, le corps grandit
ou grossitj si lecont rai re fi. licu,le corplt dimin1le. Ainsi s'cxpli quent
la croissance, ]'obésité, 1'amaigrisscmcnL , la décrépit.udc.
La mêmc cause prodllit l'expaJlsion ou l'arrêl de développement
des organes cérébraux, 5(!lon les modificat.ions qui s'opl~ J'P, n l dans lcs
préoccupations habitucllc:::, les idées et lc caractere. Si les ci rcoll-
slances et les causes qui agissent d ireclement SUl' l' Espril, provo-
q uanl I'cxcrdcc d'une aptiludc ou d'une pnssion, r estée jusqu'alors
à. l'état d'inertie, I'aclivité qui se produit dans I'organe correspon-
dant, y fait amuer le sang ct avcc lui les molécu!cs constitutives de
l'organe qni croil c1 prenJ de la force en proportion de ccttc activite,
Por lamême raison, I'inacti\'ilé de la faculté produit I'affaibli::isement
de I'ol'gane j comme aussi une aeti vité lrop grande ct trop persi~ t ante
peut en a mene!' la désol'ganisation ali l'aITaiblissemelll, par une sorte
d'usure, ainsi qu'i! nrrive à une corde trop tendue.
Les aptitll.dcs de j'Esprit sont dane lOlljours une cause, et I'étnt des
organes un eflel. 11 pell1 arriver ccpendant que I'état dcs organes soit
modifié par une cause étrangere à I' Esprit, telle que maladie, acci-
dent, innuence atmosphéri que ou climatérique i ce sonL alors les 01'-
ganes qui réagissent sllrl'Esprit,lIon en altéra//{ ses tacullés, mais en
en troubl ant la mamfeslation.
Un effet semblable peut résuller des substances ingérées llans I'es-
tomae comme aliments ou médicaments. Ccs substancess' y décompo-
sen t, et les pri ncipes essentiels qu'clles renferment , mê!és au sang,
sont portés, par le eourantdc la ci rculation dans loutcs les parLiesdu
cor ps . 11 est reconn u, par l'cxpérience, que les prineipcs actifs de
certaines substances se porlent plus parliculicrement SUl' tel ou tel
viscere: le creur, le foie, les poumons, etc.• et y produisent des
etTets répa\'atelll's Oll cléléteres selo n leur nature et leurs propriétés
spéeialcs. QlIelques-unes, agissant de ccttc maniere sur le cervp.au,
peuvenl exercer SUl' !'ensemble ou SU l' des parties déterminées, une
action slimulante Oll stupéfiante, suiva nt la dose ei 1e tempéramment,
comme par exemple, les boissons alcooliques, I'opium et autres.
Nous nous Rommes quelque peu élendu sur les détails qui precectent
afin de fairc comprendre le principe sur lequcl peut s'appuyer, avec
une apparcnce de logique, la théorie des modifications de l'étaL mo-
- 69 -
ra! par des moye ns théra peuliq ues. Cc principe csl cclui de l'actiou
directc d'u nc substance SUl' une pal'lie de j'organ isme cérébral a ynnt
pOUI' fo nction spéciale de i;cl'vir à la manif0Slation d'une I'a culté, d' un
senlimcnt oa d'une passioll, cal' il ne peu! venir à. Ia pensée de per-
sonne que cclte suLstance puisse agir SUl' \' Esprit.
Étnnt done admis q ue le principe des facultés est dans J'Esprit, et
llon dans la matiere, Sll ppOSOtlS que \'on reconnaisse à. une sub5tance
la propriélé de modiner Ics d ispositions morates, de neutraliser un
mauvais pcnchan t, ce ne pourrait être que par sou aclion SUl' l'organe
corrcl?ipondant à. ce penchant, actioll qui aurait pour eITet d'arrêler le
développcment de cet organc. de ['atroph ier ou de le pll.ralyscr s'i!
cst dé\" cloppé ; il dcmeurc év idenl que, uans ce cas, 0 11 ne sUJlpl'ime
pas le penchan t. m:ü;; sa manifestation , abs:.ll ument comme si I'on
ôtait à lltl m u ~icicn son instrumen l.
Cc sont probablement des eITets de cetlc na1ure qu"; n~ o b~e r vés
ccrlains homreopalhes, ct leur on1 fait croire li. la pnssibi1 ité de corri-
ger. li. I'ai de de médicaments appropriés, Ics vices tels que lajalousip:,
la haine, I'orgueil, la colere, etc. Une telle doctrin e, bi cllc élait
vrait:, serailla négation de toule responsabilité rnornle, la !:ancti'"ln du
matériali;;me, cal' alorl) la cause de nos imperfecti'Jns sera it unns la
matiere seule ; l'éd'.lcalhn moral e se l'ódllirait ~~ Im traitcment méd i-
cal; " hommc le plus mauvais pOllrraitdevenir bon sansgmnds efTorts,
ct I' humanité pou rrail êlrc régéné" ée li. I'aide d"" quclqlles pilules.
Si, au contraire, c')mme cela n'cst pas d c,uleux, les impcrfecLions
sont inhérentes à l" inférioriLê même de l'Esprit, 011 ne I'améliorera
pas pIus cn modifianl son cllveloppc chat'ncl1c, qu'on ne rcdresserait
un bossu, e n dbsimulant so. dilTormité sous la coupe de se,; hil bils. ,
Nous ne dOlltons (las cependant que de tels résultats aient elc ob-
tcnus dans qllelqllcs CaS particuliers, car, pour affi!'mcr un fait anssi
grave, il faut av oir abservê; maifl nous sommes convaincll qu'olt s'cst
mépris sur la cause ct SUl' I'efl"et, Les médicaments homreop:ühiques,
par leu r n:t.ture éthérác, onl uncaclioncn quelque sorte lllo1éculaire ;
ils peu\'ent sans conlredit, plus llue d'au tres, .agir sur les parties élé-
menlaircs ct Ouidiques des organe;;, et en modifier la constitution in-
time. Si donc, comme il cst rationnd de l'admettre, tous les sentiments
de I'âme ont leur fibre eérébrale correspondante pour leUl' manifrsLa-
tion , ua médicamentqui agirait SUl' cetlefibre, soit pour la paralyscr,
soit pour cn exaltcr la sensibilité , pll'alyserait ou exalterait par cela
même I'expression dl! senliment donl el1e serait ['instrument, mais le
sentiment n'cn subsistcrait (l a.5 !l1oin~ , L'individll scraitdans la po.õi -
- 70-
tion d'un meurtrier auquel on ôterait la possibilité de commettre des
meurtres cn lui cO!J plnt [es bras, mais qui n' en cO lIservcl'ait pas
moins le dési r de tuer. Cc sE'rai t done uo palliatif, mais noo un I'C·
mede curalif. On nc peut agir SUl' l'être spiri tuel que par de;.; moyens
spirituels; l'ulililé des moyens matériels, si I'olfot ci-dessus étai t con-
staté. serait peut-êlrc de domineI' plus fa ci lement I'Espril, de le I'en -
dre plus soupie, plu5 docilc eL plus accessihle aux in fl uen ces moral es;
mais 0 0 se berccrait d'illusions si I'on attendait d' unc médication quel -
eonque UIl resuILat déüniti f ct durable.
11 en serait autrcment s'il s'agissait d'uider à la m ani fe:itatio ~l d'unc
faculté exislante. Su pposons nfi Esprit int elligent incarné, n'aya.nt à
son senice qu'un cer'lea.'l atroph ié, e1 nc pouvant, par co nséquent,
In,mifesler ses idées, il sera pour nous un idiot. En admellant, ce que
nous cl"lJyons possiblc à I'homceopalhie plus qu'à 10ut aulregenre de
méd ication, qu'on puisse donner rlus de fle xibilité et de sensibi lité
aux fibres c~rébrales , I' Espril mani feste :" a.it sa. pensée, comme U11
Illuct auquel on aurait délié Ia.langue. Mais si l' Espri t Mait idiot pÚ.r
lui-môme, eOl-il à son se rvice Ic ccrveau du pl us grand gênie, il n'cn
sCl'ail pns rnoills idiot.. UIl médicnment quelconque ne pouvan t agir
SUl' ]'E:;prit, nc saurait !li lui donner cc qu'il n'a pas, ní lui Oler cc
qu'i! ai mais en a.gissa.nt SUl' l'organe de lransmission de la pensée,
il pcul faci liteI' celtc transmission sans que, pou r cela, ri en soit chan-
gé h ]'étal de" I"Esprit. Ce qui est difficile, le plus sou vent même im-
p05Sib!e chez l'jdiot de naissance, parce qu'il y ti. arrêt compJet cl
prcsque toujoul's génél'a.! de développcmen t duns les organcs, devient
pos~ib l e lorsque l"altóration est acciden telle et partielle. Dans cc cas,
ce n'cst pas l'Esprit que I'on pcrfectionn e, cc sont seR moyens de
comrnuni catioll.

Explo!tdioll des idée s sp irites ,


A propos d~ Co r.pies reodus de MireUe.

Plusieurs journaux ont rcndn comf)te avec éloge du rorn ao de Ali.


rctte dont nous avons padé dans la Reuuc de fêvrier 1867. Nous no
po uvons que féliciter les écrivains que n'ont pas arrêtés les idées
contcnues dans cel ouvl'age, quoique con traires à leurs convictions.
C'est un progres, car il fut un lemps ou la seu le couleur spirite eM
été un motif de réprobation . On a vu avec quell e parcimonie et queHe
contenance cmbarrassée le5 amis même de Théophile Gau tier ont
- 71 -
parlé de son roman de Spirite. li est vrai qu'cn dehors de ce qui
touche au monde spirituel, le caractere essentiellcment moral de
Mirelfe. prêtait peu la fiane à la raillcrie. Quelque sceptique que
I'on soil, 00 ne Tit pas de cc qui a pOUl' conséquence le bicn.
La cri tique a principalcmcnt porté SUl' cc paioL: Pourquoi méler le
surnaturel à. cc simple récit? Était-il utile à I'action de s'appuyer SUl'
des faits de visiollS et d'apparitiotls? Quel besoin avait l'auleur de
transporteI' 5es héros dans le monde imaginaire de la vic spil'ituelle
pour arriver à l'accompl isseme nt de la réparation décrétée par la Pro~
vidence? N'avons-Ilous pas des milliers d'hisloires tres édifiantes
sans ['emploi de pareils réssorts?
Assurément cela n' était pus nécessail'e; mais nous dirons à ces
mcssieurs : si M. Sau\'age erH fait un roman catholique, lui feriez-
vous, toul sceptiques que vous êtes, un reproche d'employer comme
ressort de]' action I'enfer, le paradis, les anges, les démons, et to us
les symboles de la foi? De fuire intervenir les dieux, les déesses,
I'QI)'mpe e1 le Tartare dans un roman paien? Pourquoi donc trouver
mauvais qu'un écri vai n, qu'il soil Spirite ou non , ulilise les éléments
que lui olTre le Spiritisme, qui est une cl'oyance comme une au tre,
ayant 50 pl uce au soleil, gi cetle croyance se prêle à son sujet? A
moins forte raison peut-on le blâmcl' si, dans 50. eonviction, il y voit
des moyens providentiels pOUI' arriver nu châtimenL des coupables
el à la récompense des bons.
Si done, dans la pensée de I"écrivain, ces croyances sont des véri-
t63, pourquoi ne les exposerait-il pas dans un roman uussi bien
que dans un ouvragc philosophique ? Mais il y a plus : c'est que,
com me nous l'avons dit mainles fois, ces mêmes croyances ouvl'ent
à la IiLtérature et aux arls un champ vaste et Ilouveau d'ex ploration,
ou ils puiseront à pleines mains dcs tablcaux saisissants et les situations
les plus atlachanles. Voyez le parti qu'en a. tiré Barbara, tout incré-
du\e qu'iI ét<.it , dans son roman de l'Assassina! du POllt~Rouge.
(Revue de janvier 186 7, page 14). Sculement, commc il en a été de
l'art chrétien, ceux qui aUl'ont la fo i, les mettront mieux à. profit; ils
y trouveront des molifs d'inspiratioll que Il'auront jamais ceux qui ne
fonl que dcs c:euvres de fantaigie.
Les idées ~pirites sont dans rair; elles abondent, comme on le
sait, dans la liUérature acluelle ; les écrivuins les plus sceptiques y
oot recoul'S sans s'en doutcr, poussés, par la. fo rce rnême du raison-
Demcnt. à Ics employer comme cxplicalions ou moyens d'action.
C'est ainsi que touL récemment M. POlleon dLl 'ferrail, qui s'est plus
- 72 -
d'une fois éga)'é aux dépens du Spiritisme et de scs ndcples, dans
un romao feui1!eto n intitulé Mon Vil/a,flc, publié dans lo Monúeur du
soir (7 ianvicr 1867), s'exprime ainsi :
• Ces deux enfanls s'aimaicnt déjà . et pcu l- étre n'oscraicn t·ils
jamais se le dire.
• L'amour est rarfais inslanlan6. et ferait voJo ntiers craire :\ la
tr:msmissioll des ames ot à la plura/ilé des e,âsf .'mce,~ . Qui snit? Ces
deux Am es qui frémissent nu premieI' conlacl et qui , naguerc , se
cl'oyaient inconnues I'une à I'autre, Jl' On l-e/les ptJs été ${J}II/'S ((U-
' rerois?
• Et, comme ils arl'ivaien t dans la Grand'Ruc de Saint- Fl orcntin,
il s se croiserent avec uo homme qui marchait assez rapidcmcnt c!
qui, 1~ leur vue, éprouva. une espece de commotioll électriquc . Cct
hom me, c'était Ie Mulot qu i sortait uu café de l'Uni ver:,. Mais
M. Analole ct Mignonne ne le vircnt [Joint. RecueiBis ct silencieux,
vivant pour ainsi di rc en eux-mêmes, lcurs timcs é/aiellt /0111 sans
doute de celte fel're qu'ils foulaient . •
L'aulcul' a do ne vu dans le monde des si tuations semblablcs iI
eelles qu'i l veut dépeilld re, ct qui sont un probleme paul' te moralistc ;
il n' y trouve de solution logique qu'cn admettant que ccs dctl x flmes
incarnées, sol licitées l'une vcrs I'autre par un e irrésistible attraction,
ont pu êLre sceurs dans une autre existence. Ou a-t-i! puisé ccHe
penséc? cc l1'cst sallS doute pas dans Ics ouvragcs spirilcs qu'it n'a
probablement [las lus, ainsi que Ic prouvcnt Ics Cl'rCllrS de fail flU'il
a commises chaque fois qu'il a parlé de la doct rine. I ( ]'a puisée dans
cc courant d'idées qui travcrscnt le monde, auxquel1es les in crédu les
eux -mêmes ne peuvent échappc l' ~ ct qu'il croien! de bonne foi tireI'
de letlr propre fond . 'fúu t cn com battant le Spiritisme, il s tl'availlcnl ,
~ans le vouloir, à eo nccréditer !es principes. Peu imporle la voie par
laqllelle ccs principes s' infiltl'ent ; plus tard 011 reconnaitra qu' il n' y
manque que le nom .
Soas le ti tre ue Conte de Noel, ]'Avem·r National du 2(1 décem-
bl'c t 8(16 , pub!iait un arlicle de M. 1'axilc Delort, écrivain trcs peu
spiri le, comme on le sait, dans leC]uel l'autell r soppose un journa-
lisle assis, ta veille de Noel, au coin du feo , se dcmandant ce qu'élait
deven ue la bonne nouvelle que les angcs, à pareil jou r, étaien t \·enus,
il y a ueux mille ans, annoncer au monde. Comme il se li\'rait à scs
réOexio ns, le journ aliste cntcndit un e yoix ferm e et dOllce qui lui
disait :
I J e suis l'Esprit; ccllli de la Révulution ; l'E ~p ril qui rlllTermit
- 73 -
les individus et les peuples ; travaillcurs, deboull le passé conserve
cncore un souftle de vic, il dcfie I'avenir. Le progres, mensonge ou
utopie! vous crie-t-on j n'ccoutcz pas ces voix trompeuses ; pour
prendrc des forces el marcher cn avant, regardez un moment der-
riêre vo u ~ ,
• La pro!JI'Cs est invincible ; il se serL méme de ceu:r qui lui ,,6súten"t
polir avance1', •
Naus ne suivrons pas Ic journa\iste et J'Esprit dans \c dialogue qui
s'étaiJlil cntre eux , el dans l-rque\ cc dernier dcrouln \'avenir, parce
qu'ils marchenl sur un lerrain qui nous est in lerdit ; nous ferons
seulement remarqueI' que! rcssort cmploic I'auteur pou r arrirer à scs
fins, Ce rcssort est à ses yeux de pure fan taisic, mais nous IlC serions
pas su rpris qu'un vérilable Espl'il lui ait sou rné la phrase ci-dessus
que naus avons soulignée.
On joue cn cc momcnt, au théil.trº de \' Ambigu, un drame des plus
émouvo.nts, intilulé LJ[axwel, par M, Jules Barbier, et donl voici en
dcux mots lc nreud de I'intrigue.
Un pauvre tisserand , nomme Butlcr, est accusé du meurlre dtun
genli lhomme, ct loules Ics appa rcnces sonl teHemenl, contre lui qu'il
cH condamné par Ic juge i\Iaxwel à êlre pendu. Un homme seul pOUl'-
rait Ic juslifier, mais on ne sait cc qu'i l ~t devenu. Ccpelldant la
remme du tisscrand, dans un accês de sommeil somnambulique, a vu
cet homme ct 1'0. dépeint; on pourrail done le retrou ver. Un bon et
savnnl docteUl' qui croit au somnambulisme, ami du juge Maxwel,
vicnt l'informer de cel inciden l afin d'oblenir un sUl'sis fi. I' exécutivn j
mais ~l a x we l, sceptique à I'endroit des facultés qu' il regarde COlnme
surnaturcllcs, maintient son arrêl, et I'exécution a lieu. A quelques
semaines de lã cet homme reparntt el racon te cc qui s'cst passé, L'i n-
nocence du condamné esl démontrée, et la. vision de la somnambulc
\'éri fiée.
Ccpcndnllt le véritable meu rtrier cst resté inconnu. Quinze ans se
pa~ nt, durant lesquels s'accomplissent une foule d'illcidcnt:;, Le
juge, accablé de remords, voue sa vie iJ. Ia reeherche du coupable, La
\'euve de liut lcr, qui s'est expatriée en emmenant sa filie , est morte
de miscre, Pl us tal'd eette filie devien t courlisanc à la mode sous un
autre nom, Une circunstanee fo rtuite lui mel entre les mains Ic eou-
leau qui avait servi au meurtre ; comme sa mere, elle entre en som-
nambulisme, ct cet objct, com me un fi! conducleur, la rcportant au
pa&:c, clle raconte toules les péripéties du crime et révele Ic "rai cou·
pablc qui n'est autre que Ic frere même du juge Maxwel.
- 74 -
Ce n'cst pas la premiêre fois que le somnambulisme a été mis eo
scene; mais Cc qui distingue le drame nouveau, c'cst qu'il y asi re-
préscnté sous un jOIlT éminemment sérieux et pratique, sans Rueun
mélange de merveilleux, et dans 5es conséquences les plus graves,
-puisqu'il y sert de moyen de protcstation contre la peine de morto En
prouvant que cc que los hommos ne peuvcnt voir par los ycux du
corps, n'cst pas ~ac hé à. ceux de r ã.mo, e'est démonlrer I'existence
de r ime, ot so n ae tiao indépendante de la matiere. Du sOffiuambu-
lismc au spiritisme la distance n'c~t pas grande, puisqu'ils s'expli-
quent, se démontrent, e1 se complêtcllt I'uo par ['autre; loul cc qui
tend à. propage r I' ull, tend également 11 propagor I'nutre. Lo;; Esprits
ne se sont pas trompés quan d ils ont anlloncé que l'idée spil'itc se fe·
rait jour par toutes sortes de vaies. La double vue et la pluralité dcs
existences, c,1nfirm ées par Ics fails, et accréditées par une foule de
plIblications, entreul chaque jour plL:s avant dans lcs croyances, et
n'élOllncnt plus ; ce 50nt dcux portes ouvel'tes b. dcux battal1Ls au Spi.
rilisme.

RobiDson Cru soe spirí te.


Qui 'EC ::;erait douté que l'innocent li vre de Robinson füt cntaché
des pri ncipes ,du Spiritisme, et que la jellncssc entre lcs mains de
de laquel1 e on le mel sans déflance, pouvai t y puiscl' la doctrine
malsaine de l'existence des Esprits? Nous I'ignorerions Jlolls-même
encore si un de nos abonllés ne nous a\'ait sign<t lé les passagcs
slIivanls qui se trouvent dan s lcs éditions completes, mais non dans
les éditions abrégécs.
Cet ouvragc, dans lequel on a vu pri ncipalcment dcs a l'entures
curieu ses proprcs à amuscr les petits enfanls,esLcmpreint d' ulle haute
philosophlC morale ct d'un profond scntiment rel igieux.
On lit, page f6i (édition iBuslrée par Granvil1e) :
« Ces pen~ées m'inspiraient une tristesse qui d ura a ~se z longlempsj
mais enfin e/lcs prirent une nutre directi on; je sentis ce que j e de-
vais de recOnnaiS5allCe a u ciel, qui ffi'avait cmpêché de me li vrer
à. un dangel' don l j'i gnorais l'existence. Ce sujet flt rcnaitre el! moi
lme réfl exion qui m'était déjlt venuc pl us d'une [ois, depuis qucj'avais
r CCOJlIlU combien , dans tous les dungcrs de la vie , la Providence
monll'c sa. bonté par des disposilions donl nous l1e cumprenons pas
la fin. Souvcnt, en eifet, nous sortons des plus grands périls par des
voies merveill ellses; souvent une impu/sion secr,::e naus décide tout
- 75 -
à COllp, dans un momenl de grave inccl'tiLude, 11 pl'endrc lei che~
min plulôt que tel aulrc qui nous eut conuuits li. notre perte.
I Je me fis donc une loi de ne jamais résisler à ces voix myslê-

I'ieuses qui nous inv itcnl à prendre tel parti, à faire ou li. nc pas faire
telle chose, bien que nulle raison n'appuic cette impulsion secrete.
Je pourruis citeI' pl us d' un exe mp t~ ou la déférence à de pareil !'!
averlissemcn ts eut un plein succes, surtout dans la derniere partie de
mon séjou r en ceUe tio malheurcuse, sans comptc~1' bien d'aulres
occasions qui ont dO. m'échapper et auxquelles f'aurais fait. altcntion
si mes yeux avaient &lê dcs lors ouverls SUl' ce poinl. Mais iI n'est
jamais trop lard pour être sage , et je conseil le à tou s Ics hommes
réfléchis dout I'existence serait assujeltie , comme la mienne, à des
accidents eXlraol'dinaires, même 11 des vicissitudes pl us communes ,
de ne jamais négliger ces ovis ~'lItimes de la Providence, Ijuelle que
soit t:intelligt1nce úwisible qui nous les tronsmel.
Pago 28/~ :
• J'avais so uvcnt entendu dcs gens tres-sensés dire que tout cc
qu'on raco ntc des rcvcnants ct des apparition s s'cxpliquepar la force
de l'illlagination; que jamais un Esprit n' est apparu à pcrso nne;
mais. qu'en songeant assido.meut 11 ceux qu'on a perdus, i1s dc-
viennent Icllement présenls à. la pcnscc, que, daos certaincs circons-
tances , on croit les voi r, leul' parlel', entendre Icurs repOIlSeS , ot que
toul cela u'cst qu'une illusion, une ombrc, UIl souvenir .
• ])our moi, jc nc puis dire s'il existe dans le lemps présent des
opparilions véritallN , des spec!res, des persoJ/lles mortes qui revim -
nemerrcl' par le 11, om/e, ou si les histoircs qu' on failsur ces sortes de
fai ts 80nt fondées seulcmc nt SUl" Ics visionsde ce rveaux malades,d'ima-
ginations exal tées e1 désordonnées ; mais, jc sais que la micnne arriva à.
un tel poiut. d'escitation, me jelaen de leI s oxcesdevapcurs fantal'ti-
ques, ou n'importc quel nom 00 voudra leur don ner, quc je croyais
parfois êlre dans mon ile, Juos mon vicux châteall dcrriêrc le bois;
je voyais motl Espagnol, le pere de Vendredi, et les réprotlvés de
matclols que j'M'ais laissés !iur ces hords ; je cruyais même causeI'
avec cux. et quoique je fussc bien éveillé, je les regal'uais !1xemcnt ,
comme s'ils cussent été devant moi. Cela arl'iva asscz souvent pour
m'eITruyer. L:ne fois , dans mon sommeil, le premier Espagnol et lo
vieux sauvage me racolltcrent en des termes si nalurcls ct si éner-
giques los méchuncetés des trois ma~e!ots pirates, que c' était cn
erret surprenant. IIs me dircnt common t ces hommes pervers avaient
tenté d'assassincl' les Espagnols, ensuile avaient bnjlé toutes
- 76 -
leurs provisions 1 dans lc dessein de les faire mourir de faim;
et cc fait, que ia nc pouvaú savoir a/ors cf qui se !rollvail vrai, me
rul montl'é si clail'emen t par mon imagination, q ue je restai con-
vaincu de sn réalité. J'y crus de même à la suile de ce rê ve. J'écou-
tai les plaintes de l'Espagno l avec ulle profonde émotion; je fis venir
les trais coupables devanl moi, el les condamnai à être pendus. On
verra co SQ Il Ii eu ce qu'iI y avait d'cxact dans ce songe. Mais com-
mcnl ces fa its me furenl-ils a insi révélés ? Par quelle secrelc CQmmu -.
nicatioll des Esprits illvi sihles, m'étaient-il s apportés ? C'est cc que
je ne puis expliqueI'. Le lout n'ctait pas litt6ral ement vrai; mais las
poinls pl'incipaux élaient conformes à. Ia réalité, et la. eonduite infàme
de ces h'ois scé[érats cndul'cis avait é lé fort au delà de ce que ['011
pourrait supposer. Mon rêve, à cel égard, n'avail (!ue trop de res-
semblance avec les faits j de plus, jc voulus, quand je me trouvai
dans I'He, les punir tres-séverement, et, si je Ics avais fait pendl'c,
j'aurais été justifié par les lois divines et humaines. •
Page 289 :
« Rien ne démontre plus c1ail'ement la réalité d'une "ie futuro ct
d'lm mrmele i/l visible que le concours des causes seconde!> a vcc ccr-
taines idées que nous nous sommes form ées intérieu rement , snn5
avoir roçu ni donné à leur sujet aucune communicatioll humainc . •

Tolé rance et Cb"lrilé.


Latire du nouvel archav êque d'AIger.
La lléril,! de Lyon, du 17 févriel', publie la lettre suivante, que
l\lgl' Lavigerie, évêque de Nancy, nommé à I'al'chcvêché d'AI-
ger, a écri te à. 1\1. le maire d' Alger à la dale du 1.5 janviu demicr:
~ l\1onsieur le Maire,
Ir Jc ,'icns d'apprendre, par le jJfonilellr, la llouvelle officielle de

ma promolion à ['archevêché d' Al ge l', et quoique je ne puisse exer-


cer <i. ucun acte de mon minislcre uans le dioci:se, sa.ns avoil' reçu tout
d'abord la mission eL I'institution du Saint· Siége, cependanl je nc puis
rester inscnsible aux accents doulollreux qui relenLissell t dans toule
la Fran ce et qui nous arrivent du pied de l'Atlas. L'ad minislration
municipale d'Alger a pris la. génércuse initialivc d'une souscriplioll
publique, pau r lcs victimcs du dernier tremblement de terre. Per-
meUcz-moi de lui envoycl' roon obole par volre cntl'cmise. Vous 1rou-
vercz. sous ce pli une somme de mill e franes : c'est tout c c que ma
- 77 -
pauvrelé me permet de faire, mais ce peu, jc le fais du moins de
grand creur.
• Jc dédre que celte sommc 50it distribuee également, et sans dj s~
linclion de races ni de cultes, entre tous ceux qui ool été frapp és par
le fléau. Si Lous ne doi\'cn t pas , plns tard, me recollnai tre pour leur
pêre. moi, je réclame le privil ége de les aimer également comme mes
fils. J'ai pris pOUI' devisc de !llCS armes épiscopales UIl seul ffiJt:
charité ! et la charilé nc cOõlnail!li Grccs, ni barbares ,lli iufideles, ni
israelites; ain si lJuc parle l' apôtre saint Paul , clle ne voi t dans tous
les hommes qu e l'image vivante de Dieu! Puissé -je, 5'[1 m'appelle
bientôt au milieu de ,·ous, dOllncr à tous, par rues aetes ct pnr mes
parolcs, l'cxempl c et ,' amo uf de cette vertu qui prépare !outes les
aulres.
• Vcuill ez ngréer, Monsieur le Maire, r cx pression des senti rncnts
de respect ueux dévoucment avec lesquels j'ai l'hon neur d'être volre
humble cL obéissant servileur.
• CUAnl.Es,
• Évêque de Nancy, nommé à
I'archevéché d'AIger • •
Le nOllvel archevêque d'AIger s'annonce par un aele de bienfai-
sance qui esLune digne introduelion ; mai:; ce qui vaut encore mieux ,
cc qui scra surtout apprécié, ce 80nl les prillcipes de tolérance par
lesquels il in;,ugure SO Il administration. Au lieu de I'anathême, c' est
la charité qui eonfolld tous les hommcs dans UI1 mêmc sCll timcnl
d'amour, sans distinction de croyaflce, parce que tOIlS sont la. vivantc
imagc de Dicu. Ce sonl lã. de v~ritables paroles évangéliques. 11 ne
I)arle pas de~ Spi ritcs, contre lesquels ~on prédécesseu r ava.H lancé
laules les foudrcs de 1t, malédictioll. (Voir la Rcvuc dc llovembre t 863,
pagc 336. ) Mais il est pl'obable que si 5a tol êrance s'óle lld allX juif::
cl aux infideles , clle ne peul faire exceplioll paul' ccux qui, cn conror-
milé dcs pal'ol es du Christ, inscrivent sur leur drapeau : Hors la
charité, point de salut.

Lincoln et SOD meurtrier .


Extrait du Bauner or light de BoslolI.
Anaf!jst (['une COIlmlUII;eotion Ir Abml' flm L itlco/n oble>me ]JOI> UlI ItItdium de IIw:I!1I$V.H.!Qd

• Lorsque Li ncoln rcvint de son étourdisscment. et se réveilla


dans le monde des Esprils, il fu~ três surpris et t.roll blé, car i1 n'a-
vait pas la moindrc idée qu' il ftil morto Le coup qui I'a frappé avait
- 78 -
suspendu instantanément laute scnsation, ot il ne comprit pas cc qui
lui élait arrivé. Cettc confusion et ce trouble ne durerenl cependant
pas longtcmps. 11 étail assez spiritualiste paul' comprendre cc qu'est
la mor!, et il ne fuI pas, com me bicn d'au~res , éton né de la Iloltvelle
existence dans laquelle il se Irouvait transporté. Jl se vil entouré par
beaucou p de personn es gu'il savail morles depuis longlcm ps , 01 il
apprit bicnlôt la cause de sa morto 11 ful reçu cordialcmcnt par bcau-
eQup de gcns pau r lasqueIs il avait eu de la sympathie. 11 comprit
leur afTectioll paul' Jui, et d'un coup d'reil il pul embrasser lo monde
hcureux dans lequel il était enlré.
c Dans le mêrnc instani il éprouva un sentiment d'angoisse p Olll' la
dou leur que devait éprouver sa famil1e, et une grande anxiété .lU
s!.Ijet des com:équences que 50. mort pouvnit avoir pour son pays. Ces
pensées le ramenerent violemment SUl' la terre.
« Ayant appris que WiJl iam [30011\ était morlellcmcnt blcssé, il vint
vers Iui el se pcncha SU l' son li t de morto Dans ce momcnt, Li ncoln
avait recouvré la parfaite conscience el la tranquillité de son Espril,
et atlendit avcc calme le révcil de Booth à, la: vie spirituclle.
« 800th ne fu l pas étonné el1 se réveillanl, car il s'alten dait à. sa
morto Le premieI' Esprit qu ' j] rencontro. ful Lincoln j il le regnrda
avec une grande hardicsse, et comme s'il se glorifiail ue I'aeie qu'il
avait commis. Le scn timent de Lin co!n , à son égard , ne respirait
cepcndant aucune idée de vengeance, bicn au contraire j iI se mon-
tI'a dotlx et bon, eL sans In moindre animosité à, son égard , lloolh ne
pul supporler cel étal de choses, ei 10 quitta rcmpli d'émoli oll.
a L'acte qu'i! a commis a eu plur"icurs nlGbi~cl'i; d'abol'd 50n dé·
faul de jugement qui Ic lui faisait considérer comme méritoiro , el
cnsuite son amou f déréglé dcs louanges I'avail persuaué qu'iI serait
comblá d'éloges ei regardé com me un martyr.
I Apfes avoir erré, iI se lrouva de nouVCau attiré vcrs Lin coln ,
Quelquefois il eslrempl i de repcntir, d'autrcs fois son orgueill'em-
péche de s'am~'!Ilde r . Pou rtanl il comprf!nd combien son orgueil esl
vain, sachan t surlou! qu'iI ne peul racheI', comme de son vivant,
'\ucun des sentimen ts qui I'agitent, ct que ses p~nsées d'orgueil, de
1I0nte ou do remords sont connues de ceux qui I'enlourent. Toujours
en pré5enco de sa victime, ct n'on reecvoir quc des marques de
bonté, voilà son étal actuel et sa pun ilio n. Quant à. Lincúln, son
bonh eur su rpasse ce qu'il avait pu espércr. »
Remarque. V\ situation de ce.:; deux Esprits est de tous points
conforme à. celle donl nous voyons journellement des exemples
- 79 -
dans les r écils d'outrc-lombe. ElIa est parfaitement rationnetle, et
en rapport a vec le carne tere des deux individus .

P oésies Spir ites.


A Bernard Palissy.
Quand SUl' nolrtl a vcnit', incel'taiue 01 fio Unnte,
J e JDulais malg r6 moi de l'immOI'talité,
Tu " ius ti mou appel, el ta main bicnfuisanlc
Déch ira le bandeau de l'incrédulilé;
Dis-moi done; O'oú venai t la douce sympathie
Qui Le fnisait quilLcl' un céleste séjo ul'?
Ét;IiL-ce uo sallvenir d ' une antél'icnrll vie
Qui laissaiL datlll tOIl creul' un fral erncl amour!
Peut-êlL'(-': chcr Esp rif" dnus une autre existence
Pus-tu m QU protccLeur, mou guide, mOIl a ppui.
Mais j 'interroge an vain : Dicu, dans S3 pr é'foyance,
A mis sur mes regards lo ,'oile de l'anbli
EII alLcndant le lCnlps ou je vcrrai ta sphcl'c,
Ou moo Espl'iL poul'I'a s'élcvcl' jusqu'à toi!
Si je doi;; revenil' SUl' ceLtc triste tcmJ,
Moo bien-aimé Bel'nard, Ilcnsc toujoul's à iilOi.
Mil. L. O. LUWTAUIl, do Houen.

La Hgue de l'Ensei gn em ent.


Pl usicurs de nos corrcspondan ts se sont éton nés que naus n'ayons
pas encore parló de I'association uésignée SOJS le titre de Ligue de
fcn sei[jl1emeot. Par son caractere progressif, ce projelleu l' semble
méritcr Ics sympalhics du spirilisme; ccpel Ldant, avanl d'y prendre
part, ils désireraie!lt avoil' !lolre opinion . Eu les remerciant de ce
llouve"'lI témoignage de confiance , nous leu!' répet erons ce que nous
nvons dit main tes fois, savoi r: que nous n'avolls jamais cu la pré -
tention d'e nchai ner la tiberlé de personn e, oi u'imposcr nos idées à
qui qu e cc soit, Jle les considérant pus com me devant f.:tire loi. En
gardant le silence, nous a VO/lS voulu ne pas préj uger la lluestion ct
Jaissor plus enticre ta liberté de chacun. Quanl au motif de 110tre
abstcntion persunnel le no us Il'avons aucune rai:)on de le laire, e1puis~
qu'on désire te conn attre, nOlls le di rons franchement.
NoLre sy mpitl hie, comme ce!le de tOllS les Spirites, esl naturelle-
ment acquise à. toulcs Ics idees progrcssivcs, et à toutes les institu ~
- 80 -
tions qui lendenl à les propagor; mais encore raul-il que ccUe sy m-
pnthie ait lIn objet déterminc. Or, jusqu'à préscnt, la ligue de "eo-
se ignement ne nous olTrc qu'un !iire, seduiEant il csl vrai, mais au-
cuo programme defini, aueuo pia0 trace, a ueuo but préciso Cc titre
a même J' inconvénicnl d'ôtrc si élaRtique, qu'il pourrail se pr~ ter â.
<.lcs combinaisons Ires divergent('s dans 1eurs tendances c1 duns leurs
résultals. Chacun peul ]'cnlcnd rc à 50. guise , e1 se fait sans doute
par anticipation lIn pl nn conforme à sa maniere de voi r; il pourrait
done se fairc que lorsq u'on co sera à l' exéclIlion, la chose nc reponde
pas à l'idéc que certaines personnes s'en étaicnl faitc; de lã dcs dê-
fcction s inévitable!i'.
Mais, dil-on, 00 ne risque rico, puisque ce sonl Ics souscriptcurs
eux· m6mes qui regleron LI'em ploi eles fo nds. - Raison d e plus pour
qu'o n ne s'entende pas , et duns cc con fli t d'opi nioJls ct de vues di-
verses it y aura forcément des déceptions.
Avee un but bien défini au contraire, UIl plan claircmenl lracé, on
sait à qUQi t'on s' ellgage, ou loul au moin .5 on sait si l'on dOllne son
adltésion 11 une chose p ratieable ou à une utopie ; 00 peut a ppréeier
la sinecriló de l'inteotion, la valeur de l' idée, la combinaison pllls ou
moins hcu l"cuse des rouages, les garallties de slabilité, ct supputer
les chances de réussite ou d'i nsuccês. Or, dans l'especc, ccltc a ppré·
cia tioll Il 'e..st pas possible , pui5qlle I'id ée fOlldamcntalc cst cntouréc
de mystcl'c, et qu'il faut I'accepler SUl" parolc comll1C bonne. Nous
vuul olls bien la croí re pal'faitc, nous te d é~i ro n s sincercmcllt, ct lorsque
te Lien qui doit ell sorti r nous sera démontré, e1 que nous en verrons
5\l l'toul le côtc /JI'atique, nous yapplaudirons de tout co.:ur; mais avan t
CC dOllll er nOlre adhésion à quoi que cc soit, n OIlS \'oulQns pouyoir le
faire CIl cOllnaissance de cause ; IlIJUS tenons à \'oil" lres clair dans
10ut cc q ue IlIJ!..IS faisolls, cl i~ savoir ou nous posons le pied . Dans
]'étal des choscs, n'a.yant pas les éléments n éce~sa ires pour louer ou
b lâmcr , nous ré3ervons nolre jllgemcn l.
Cclte mtmierc de voi.. qui estloule pcrsonnclle, ne sauruit cngager
ccux qui se croiraicnl su ffi sa mment édairés.

D is sert8tion s bpiri tes


Cf'mmUnical!On collectiv~.
(Soci':lê d~ PaJ'i ~, I" lIo\"emllru Hi6G. !\!i'di llm :-'1. BetLnnd .)
Le t " 110vembre derniel', la Société s' étant réunie, comme d'ha-
bilutle , pour la commémoration dcs mort5, reçut UII grand nomhre
- 81 -
de communicatioll s, parmi lesquelles une surloul se distinguait par
sa facture tout à. fail nouvelle, et qui consiste dans une suite de pen-
sées détachées, chacune signée d' un Ilo m diITérenl, qui s'enchainent
e1 se completen t les unes par les nutres. Vaiei celte communication :
Mes amis, que d'Espri ts autour de vaus qui voudraient se comm u-
níquer à vaus c1 vaus dire qu'il s vaus aiment; el cambien vOus seriez
beureux si le nom de tous ccux qui VGUS 50n t chers était prononcé à. la
lablc des médiums ! Que! bonheur! quclle j oic, pour chacun de VQ US,
si votre pere, votre mere, votre fre re, votre sre ur, vos enfants et vos
amis venaicnl vous parler! Mai s \'OUS comprcnez qu'il est impossible
que vaus soyez tOU5 satisf<Lils; It! !lombre des méd inms !l' y su rfirait
pas; mais cc qui n'est pas impossible, c'cst qU'Ull Esp rit au nom de
tous vos pal'ents et arois vienne vous dire : Merei de votre bon sou -
venir ct de vos fcrventes pricrcs; couragc ! ayez I'cspoir qu'unjour, à
la suite de volre délivrance, nous viend rol1!; tous vous tendre la main.
Soyez pCl'suadés que ce que VOllS enseigne le Spiri tisme est 1'6cho des
lois du 'fout·Puissant ; par I'amou r, rendez-vous tous Creres, el vous
allégercz le lílurd fardeau que vous portez.
J.]ai nlenau t, chers am is, tous vos Esprils protecteurs vou! venir
donncr leu r pellséc. Toi, médium, écoute, et laisse ailer ton crayon
suivanl leur iJ ée.
La médccine fail ce que font Ics écrevisses effl'ayées;
D' DElIEvfl.E.
Parce que le magnétisme progl'esse, etqu'en progressant il écrase
la. médccine actuelle pour la remplaccr prochainement.
MESllEfl.
La guerre csl un duel qui ne cessera. que lorsque les combattants
serunt de force égale ; NAl'O I.ÉON.
De force ég<.\.le matériellement ot moralcmcnl.
Gtlli Éfl.AI. B EIITn.u\D.
L'égalité marale regnem lo r~que l'orgucil sera destitn é.
GÉ:'iÉIt H BnuNE.
I cs révolutions sonl dos abus qui détrlli~elll d'autrcs <.\.bus
;
LOOlS XVI •
.!\Iais cos abus fOl1t nattl'e la liborté. (Pas de llom) .
Paul' êtl'c égaux il faut étre freres; saus fratern ité, nll llo égalité et
nullc liberte. LAt·,\ YIH'TE.
La scicnco cst le progres de I'jntell igencc ; NEWTON .
Mais cc qui lui est préférable, C'CiL le progres moral.
J EAN R F.YNAUD.
- 82 -
La science restefa st.:l.lionnaire jllsqu'à cc que la morale I'ait
attei llte. FR!NÇOIS AnAGo.
Paur déveloPPcl' la morale, iI faul d'abord déraciner le vice.
B ÉRA/liGBR .
Paul' déraciner le vice, iI faut le démasq uer ;
EUf;.ENE StlE.
C'est cc que tous les Esprits fur ts ct SU p ÜiC llfS cherchent à fai
JA CQUBS AII.AGO.
Trais choses doivent progresser : la musique, la poésie, la pein-
turco La musique transporte I'àme cn frappant J'ouie;
M E )' l!.R UEER .
La poésie transporte I'ime cn ouvrant le c(Cur ;
C ,\ SIMIR DH.A\'JGNB.
La peintu re transporte l'âme cn f1atta nt les yeux.
FI.,\ND IIIN.
Done la poésic, la musique ct la peinture sanl sre ul's et se donnent
la main; l'une pour adouci r le cccur, l'au1ro pOUI' adoucir les mreurs,
et la derniere pau l' ouvrir l'âme; toulcs trois pour vaus élcvcr vers
volre Créaleul'. ALFR.HD DB AtUSSET •
.Mais rien, rien ne doit momentanément plus progressor que la
phi losophic ; eHe doit faire un pas immensc, laissant stalionncr la
science el les arls , mais pour les é!ever si llaut, quand il cn sera
temps, que celte élévation seraH trop subite pour vaus aujourd'hui.
Au nom de lous, S AI NT Louls.
Le 6 Décembre, 1\1. Bertral1d obtinl, dans lo groupe de ~1. Des~
licns, une communication du même genro , qui cst en qucl quc sorte
la suitc de la précédcnte.
L'amou\' cst une Iyre donl les vibrations sont des acco rds divins ,
ll ÉI.Oi'sE.
L'amour a. trois cordes à. sa Iyre : J'émanation divine, la poésie et
lo chant; si I'une d'elles manque, les accords sont imparfaits.
A lllí LAUD.
L'amour vrai est harmonieux; ses harmonics enivl'cnl le crour en
élevant l'âme. La passion noio les accords en abaissant I'ime.
B l>RNAII DlN DE SA I NT- PIE Il Il E.
C'úait l'amour que chorchait Diogene cn cherchan! un homme...
qui esl venu quolques siecles plus tard, et quo la ~H\ine, l'orgueil et
l'hypocrisie ont cl'ucifié. Socn ,\ TI!.
Les sages de la Grece le fu ren l quelquefois plus duns leursécl'its
et dans leurs paroles que dans leur persúnne. PLATOi'l'.
- 83 -
Etre sage , c'est aim cr ; cherchons dane \'amouf par la voie de la
sagesse. F tNE T.ON.
Vous ne pouvez être sages, si vous ne savez vous élever au-dessus
de la méchanceté des hommes. VOLTAIRE.
Le sago esi celui qui ne croit pas \'être. CORNEH.LE.
Qui se CI'oit petit cst grand; qui se croit grand esl peli!.
L AFOHA INB.
Le savant se cl'Oil ignoran t, et qui se cl'oil SD.vant est ignoranL
Eso!'E.
L'humilité se croit encare orgueilleuse. et qui se croit bumble ne
l'e51 pas. RACII\:E.
Ne confondez pas avec les Immbles ceux qui discn t, par fcinte
modcstic, ou pa r in térêt, le contrai re de cc qu'ils sant ; vaus seriez
dans ]'crreur. Dans cc eas la vérité se lait. BONNEfOND.
Le génie se possêde pai' inspiration et ne s'acquicrt pas j " Dicll
veul que los chases les plus grandes soient découvertes ou illvenl.ées
par des êlres sans instruction, afi n de paralyser I'orgueil, lout en
rendanll'bomme solidaire de I'homme. FRA.NÇOIS AlUGO.
On ne lraite de fou que ceux dont les idées ne son1 pas timbrées
par l'aulori lé de la science; e'est ainsi que ceux qui croient loul sa-
voir, rejeltenlles pen sées de génie de ceux qui ne savent den.
BÉRAl'\GER .
La critique eSlle stim ulan1 de l'étude, mais elle r.slla. paralysatioll
du gén ie. MOI..!lmE.
La science apprise n'cst que l'ébauche de la scicnce innée; el!e ne
devienl intelligence que dans la nouvelle incarnation.
J.-J. R OUSSEAV.
L'incarnatioll cs1 le somme i! de I'â.me; les péripéties de la vie en
sont les rêves. BA LZAC.
Quelquefois la vie n'cst qu'un alfreux cauchemar pour I' Espril , e1
souvent ill ui tardequ'il soi1 fiui; L A ROG UEFOU G.iUU.
Lã cst son épreuve j s'i! résistc, il fail un pas vcrs le pr0gres, si-
nO I1 il entrave la roule qui doit le conduire a u port.
M ,\RTIN.
Au réveil de l'Ame qui eü sorlie victorieuse des lultes terrestres,
l'Esprit cst plus grand et p!us élevé; s'i! succombe, i1 se retrouve
lei qu'il élait. P ,\ SC,\I ..
C'est renier le progres de voul oi r que la. langue soiL l'embleme de
I'immuabililé d'une doctrine religieuse i de plu s, c'est furcel' l'homme
à prier plus des levres que du creur. D F.SCA RTE S.
- 84 -
L'immuabililé ne I'éside pas duns la forme des mots, mais bien
dans te verbe de la pensée . LMI I!NN ..l. IS.
Jésus disai t à. ses apõ lres d'aller prêcher I" Évangile dans leur lan.
gage, et que t OU5 les peuples les comprendraient.
LACORO,\IIm.
La foi désintél'essée faiL Jes miracJcs. BO ILE,\U.
La doctrine de Jésus ne se sent ct ne se compl'cnd que par te
creu!'; quelle que soit done la manierc dOllt on la parle, clle csl tou·
jours I'amour et la charité. BOSSU&T.
Lcs prieres dites ou écrites que I'on nc comprend pas, laissent \'a-
guer les pcnsées, en permeUanL aux ycux de se distraire par le raste
des cérémonie~ . MASSII.LON.
Tout cl1angera, Silns tauterais rcvenir à la simplicité d'nulrefois,
ce qui semit la négalion du progrcs. ]~es chases se feroot snns fasle
ct sans orgucil. SIUOU[l.
L'amour triomphera , et viendront avcc lui : la sagcsse, lach:trité,
la prudence, la force. Ia science, I'humililé, le calme, la justice, le
génie , la lulérance, l'enthousiasme, et la gloire majcstucuse et di-
vinl" écrasera, paI' sa splendeur: l'orgueil , l'envie, I' hypocrisie, la
méchancet.é et la jalousie qui enlraÍncnt à leur suitc la paresse, la
gourmandise e1la luxure. EUG. StH!.
L'amour l'egnera, ct pour qu'il nc tarde, il faut, COUl'ageux Dio-
gene, prendre d'une main le fhmbcau du Spirilisme, et montrer aux
humains les vers rongeurs qui forment plnie SU l' leur âme.
SAINT LOUls.
Remarque. Cc genre de communication soulêve une question im-
portante. Comment les l1uidcs d'Ull aussi grand nombre d'Esprils
peuvent-ils s'assimilel' prcsque instnnlanément avcc lc fluide du mé-
dium pour lui lransme1tre leul' pensée,alors que celte assimilalion es!
souven t dirficile de la pari d' un seul Espril, el ne s'établit généralc-
meot qu'à.la longue?
Le guide spirituel du médium scmble J'avoir prév ue, cal' le sur-
lendemain illui donna. spontanément I'expl ication ci-apres .
• La communication que tu as oblenue le jour de la TOllssaint, ainsi
que la dcrniere qui en esl le complément, quoiqu' il y ai! des noms
répétés, ont été oblcnues de la maniere suivante : com me je suis tOI1
Esprit protecteur, mon fluide est sirnilail'e du tien. Je me suis placé
au-de~sus <.le toi, te transmetlant le plus exactement possible les pen-
sées et les noms des Esprits qui désiraient se manifesteI'. 115 out
forroê autou!' <.le moi une assemblée donl les membres dictaient tour
- 85 -
à tour les pensées que je t'ai trallsmises. Cela. a été spontané, ct cc
qui rcndail cc jour-là les comm u nications plus faciles, c' cst que Ics
Esprits présenl s avaicnt soturé l'apparlcmcnt d e IcUl's fluides.
«Lorsqu' un Espritse communique à un médium, illc fait avec d'au·
tant rlus de faciliti! que les rapporls fluidiq ues sont mieux élablis
eotre CllX, !'linon l'Esprit cst obligé, pour comm uniqucr SDn fluide au
médium, d'établir ulle espece úe courant magnétique qui aboutit au
cerl'cau de cc dernicfj ot si l'E5prit, cn raison de son infériorité, ou
de loute aulre cause, no peut établi r cc cournnt Illi-même, il are·
cours i~ ['assistancc du guide du médium, ot los rapporlR s'étab li ss~nt
comme je ... icns de I'indiquel', • SLENEn.
Une autrp. qllcstion esl ccl lc-ci : Dans te l1ombro de ces Esprits,
n'yen a-t-i1 point qui soient incarnés eu ce monde ou en d'autres,
et, dans cc cas, commr.nt peuvenl-ils se communiquer '! Voici lu. ré-
ponse qui y a élé faitc :
I Les Esprils d'l)ll c\!rtnin dcgl'é d'avancemcnt ont Ull rayonnemcnt
qui tcu!' pCl'meL de so commllnique r simll1ta n ~mcnt sur plusieurs
points. Chcz qtlclques-uns, I'état d'illca1'11ation n'amortit pas cc
rayollnemcnt d'llllC manic re assez cOmpleLe pour leur empêchcr de
se man irester lllôme <'1, t'éla! do veitlo. Plus l'Espl'it csl a\'ancé, plus
50nt faibtos les liclls (pli l'uni!;:;.cnt i\ la mati cre du COI'pS; il cst dans
un r';Lat prcsquc COllslant de dégagcmcllt, et l'on poul di l'e qu'il est
là oi! 50 po rle sa pensée. lJ UN ESI'llIT.

Mangin le Cbarlatan,
Tout le monde a connll cc vendeur de crayons qui , montê sur ulle
voi lure richcment décorée, a O'ublé d' ull casque brillant et d' un cos-
lume éLrange a été pcndant de longues an nécs, une d cs célébrités
des r ues de Paris, Ce l1'était pas un charlatan vu!gairc, cl ceux qu i
l'ont counu personnelle ment s' accordaient à. lui reconnaitre une in-
lelligcnce peu commu ne, une cer/aiue élévaliotl dans la pen.-;ée , et
des qllaliLés morales au-lIessus de sa pl'úfessiou nomauc_ 11 cst 1lI0rt
J'ann éc dCI'n ierc , ct dcplIis iJ s'est communiqué pluflieurs fois spo n-
tan ément à I'uo de nos méd iums. D' aprcs le caractere qu'on lui a
connu, on no sera passurpl'is du vCl'nis philosophiqucque l'on Il'ouve
dans ses comm unications.
Paris, 20 dúcl'mbrc 1SGG, groupe de M. Dcs1icns, médium, M, Bertrand.
LE eRA YON .

Le crayon, c'est la parole de la pensée. Sans lc crayon la p'!llsée


- 86 -
reste mucUe ct incomprisc de vos sens grossiel's. Lo crayon est ('Ame
ofl'ensive e1 défcnsive de la pensée ; c'csl la main qui parle ct se dé-
fend o
Lc crayoll 1. •• .• et surloul le crayon l\tang-in I.. . Oh! pardon .. ,
voilà que je deviclls égoiste!. . . Mais pourquoi ne pou rrais-je pas,
comme aulrcfois, faire l'éloge de mes crayons? Ne 50n1 ils pas
bons? .. Avez·vous à vous en plaindn:? Ah ! si j'étais encore sur
mon véh icule fran çais a.vec mon costume romain." vous me croiricz .. •
Je savais si bicn faire mon boniment, et le pauvre badaud cl'oyait
blanc cc qui Jtait noir, tou1 simplcment parce que Ab.n gi n, le céle-
bre charlatan , I'avait dit 1.. . .. J'ai dit charlalan. . . Non , il faul dire
bonisseür.. . Allons! Ics chalands, dr-Ilouez les cordons de votre
bourse ; achelez do ces superbes crayons plus nojrs que I'encre ct
durs comme pierre.. • Acco'Jrer., accourez. Ia vente va li nir!". Ah!
çà., qu'est-ce que je dis donc? .. Je crois, ma foi, queje me trompe
de rôlc, eL que je finis rOl't mal, ap rel? avoi r bien commcncé."
Vous tous, armés de crayons, as...is .autour de celle lab! e, allez
clire et prouvez aux jou rnalistes orgueitleux que Mangin lI' csL pas
morto Altez dire à ccux qui ont oublié ma mal'chandise, parce que
je n'étais plus lã pour leU!" rai re eroi re à. ses élollnantes qualités,
allez dire à tout ce monde que je vis encore ot que, si je suis mort,
c' était pour micux vivre. ..
Ah ! 1\11\1. les journalistes, vous vous moquier. de ,moi, eL pou rtant
si) au lieu de me considér6r comme lIn charlatan escamotant la
monnaie humaine, vous m'eussiez ét udié plus allentivement et phi-
losophiquement vous auriez l'cconnu un êlrc ayant des l'émi niscenccs
de so n passe. Vou s auricz co mpris le pourquoi do mon go út pour co
costumc guer rior rom:tin, le pourquoi de cet amour des harang ues
en pInce publi qu e. Vous aurier. dit al01'5 que, sans doute, j'avais été
sold at ou génél'al romain ct vous ne vous sericz pas trompés.
AlIons! allons! achetez donc des crayons, usez -en ; mais se r vez ~
vous-cn utilemenl, non comme ,moi pour pérorcr S3..ns motir, mais
pour propager ce lte be11e doctrine que beaucour.. d'culrc VQUS ne
sllivent que de trop loin.
Armez·vous donc de vos crayolls, et frayez-vous une large I'oute
dans ce monde d'incréd ulité. Faites touchcl' du doigt, à tous ces
sain t Thomas incrédulcs les sublimes vérilés deSpil'itisme qui reront
qu'un jour lous Ics hummes sel'on1 rreres.
i\lANG I1'I.
- 87-

(GNUpe de M. Del.noe; 1I jaoyier 1861, Médium, !\lo Bcrtro.nd).


L E PAPIER .

J'ai parlé de crayoll c1 de charlata nismc , mais je n'ai ptLS encore


parlé d u papier. C'est que sans doute je me r6servais cela pour ce
soir.
Ah ! que je voudrais être papier; non lorsqu'il s'a,vilit à (aire lo
mal, mais, au conlraire, quand il rcmplit son véri lablc rôle qui csl
de faire lo bi en ! En clTet, lo papier est ['insLrumenl qui, de concert
R\'CC lo crayon, seme çà. et lã. los nobles pensécs de I'csprit. Le pa-
pieI' est lo livre ouverl ou. chacun pcut puiser du regard les conscils
uliles à son voyage terrestre L ..
Ah! que je voudr,lÍs êlrc papicr, a lin de ramplir commc [ui le rôle
de mOt'alisalcur e1 d'inst ruclcur, donnallt à chacuu les encourage-
ments néccssai res pour Sllppo rter courageusement les maux qui sont
si souvell t causes de tant de honteuses faiblesses L"
Ah! si j'étais papier, j'abolirais toutes les lois ógoistes et tyran -
niques, paul' ne laisser raj'on ner que celles qui procla me!lt I' ógalité,
Je nc voudrais parl..:r qu..: à'amour ct de charité, Je \'oudrais que
tous soicn t humbles eL bons, <Iue le méchant de\'iennc meilleu r,
que I' orgueillcux devien nc h umblc, que le pauvre dcvicnnc riche,
que I'ógal iló enli n se fasse jour cl soi t, dans toutcs Ics bOliches,
comme !'ex pression de la vérité, et nOIl dans I'espérance de cacher
l'égoismc e1 la tyrallnie qui possMent le Ct.Cur,
Si j'étais papier, jc VOUdl\, is être blanc pour l'innoccnee, VCI'l paul'
celui qui n'a pa3 1'espérancc d'u n souJagemcnt à scs m<lllX, J e vou-
drais êLI'C de I'or dans les mains du pa uvre. du bonhour dans les
mains de I" amigé, du baumc d!l.llS cellcs d u malade, Jc vou d"llis être
le pardon de Loules les olTcnses. Je ne eondamnerais poiuL, je ne
maudirais point , je ne laneerais poinL l'anaLhemej jc no criti ~l u erais
poinL avec malveillance; je ne dil'ais rien qu i puisse f"i re to rt à au-
tru i. Enlin. je fe rais ce que vaus faitcs; je nc vOlldrais qu'enscigller
le bicn el parler de ectte belle doctrine qui vous réun iL tous el sous
taules les formes ; je professerais toujours celte sublime maxi me ;
Aimcz-vous lcs uns et les outres,
Celui qui voudrail revenir SUl' terre , non eharlatan, non pour
vendl'e seulement des crayolls, mais pour y joindre la vente du pa-
pier, e1 qui dirait à tous ; I~ crayon na peut être utile sans le papier
et Ic papier ne peut se \>a.5ser du crayon,
M ... NGI~ ,
- 88 -
La Solidarité.
(Paris, 2G nOI'c mbN! 1866, mêdium M. Sabb..... )

Gloirc à Dieu, et paix nux hommes de bonnc volonlé!


L'étnde du Spiritisme ne doit pns êlre vain e. Pour certains hom-
mes légers, clle est un amuscmcnl; pOUl' les hommes sérieux, elle doit
êlre sdrieuse.
Réf1échisscz à une chose avant toutes. Vaus Il'êtes pas SU l' la terre
pour y vivre à la façon des bêles, pour y végéter à. Ia maniêrc des
grnminées ou des al'brcs. Les grami nées et les arbrcs onl la vie
organique, il s n'ont pas la vie intelJigente, de même que lcs animaux
n'ont pos la vie morale. Tou t vil , tout respire ôuns la natu rc ,
j'homme seul sent et se senL
QlI e ceux-Ià 50nt inscnsés el à plaindre, qui se méprisent assez
pOUI' se compareI' à un brin d'herbe, ou it un éléphant I Nc conron-
don s ni les genres ni les especes. Cc ne sont pas de grnnds philo-
sophes et de grands naturalistes qui voicnt dans le Spiritisme, par
exemple, une nouvelle êdilion de la m élemp~ycose, el surloul d'unc
mélempsycose absurde, ] ,a. métempsycose esti e rêved' un 110mme
d'imagi nation. elle n'csI pas autre chose, Un ani mal. un végétal
pr'ldui t ron congénere, rien de plus ni rien de moin s. Ceci soit dit ,
pour empêcher de vieilles idées fau~ses de s'accréditer de nouvcau, à.
l'ombre du Spirilisme.
Homme, soyez hom me; sachel d'ou. vous venez et ou VQU S allez.
Vous êtes l'enfant aimé de celui qui a tout fail et qui vous a donné
une fin , une dcslinée que vous devez accomplir sans la conn aHre
absolumenl. Ét iez-vous néccssai re à sos desseins, 1t sa gloire, à. son
propre bon heur ? Questions oiscuses, puisqu' clles sont insolubles.
Vous fm~s , soyez-en reconn aissant; mais é/te !l'est pas tout, il fau t
êtro selon les lois du Créateur qui sont vos propres lois. Lancé dans
I'exislence, vous êtes tout à la foiscause et eJTet. Ni comme cause, ni
comlllC cITeI, vous ne pouvez, au moi ns quant à. présent, délerminer
vot!'e rôle, mais vos lois vous pou\'ez les suivre. OI', la prin cipale esl
celle·ci : L'homme Il'esl pas UIl étrc isolá, il est Ull êlre collectif.
L'hommc esl solidaire de I'hommc. C'est co va.in qu'il chcrche Ic
compl émcnt de sou êtl'e , c'est-à...dire lo bonheur co lui-même ou dans
cc qui I'coto urc isolément: iI ne peut le trouver que dans I' UOMlIE
ou 1'/lUmunité. Vous ne faitc5 donc rien pour être persollllellemcnt
heurcux, Lant que Ic malheur d'un membre de I'hu ma n i~ c , lI'une
partie de vous-même, pourra vous amiger.
- 89 -
C'est de la. momlc que je vous enseigne lã, me direz·vous, ar la.
momla cst UIl l ieux licu commun. Regardez aulour de vous, qu'y
a·t-il de plus ordinail'c, de plus commun que te retol]r périodique ctu
jour ot de la Iluit, que le besoin de vons nourrir el de VOll~ vêtil'?
C'est à cela que tendent tous vos sains, tous vo<; elTorts. IIle fa ut, la
partie matériclle de votre étre l'cxige. Mais votre nature n'esl-elle
pas doublc, et n'êles-vous pa.!' plus esprit quo corps? Comment done
se fait-il qu'il vous soit plus dur de VOtlS entelldrc rappeler les lais
mori\les que d ' appliquel' à. tO\lt instant lcs lais physiquc<? Si vous
étiez moi os préoccupês et maios distraits, ceHe répétition IlC scrait pas
aussi néccssai re.
Ne nous écal'tons pas de !lotro sujet : Le Spil'itisme bien compris
est à la vic de I'âme cc que le tro.vail malériel est à la vic du corps.
Occupez-vous.en dnns ce but, 6t tenel pOUI' certain que lorsque vous
aurcz fai t, pour vous améliorer mo:,alemcnt, la moitié de ce que vous
faitcs pour améliorer volre existence matérielle, vous aurez fait faire
un grand pas à. I'humanité. tlN ESPRIT.

Toul vient eu ~on temps.


(Odcssa, grou pe de rllmiUe, 1806. Médium, mllJemoiscllc 111. .. )

Question. - En lisant, duns la Vérité de 1866, les expéricnces


magnétiqucs, j'Cll étais émervcillé, et je pensais en moi.même que
celte force si étonnante pouvait peut -êLre être la cause de loutes les
merveilles, de loutes les bcaulés, incompréhcnsiblcs pour nous, des
planelCS supérieurcs, el dont les li:sprits llousdunnent des descriptions.
Jc prie les bons Esprits de m'êclairel· à cc sujet?
RépoJ1se. - Pauvres hommes! L'avidité de savoir, l'impatience
dévoran te de lire dans le livre de la créaLioll , toul vous toume la. tête
e1 ébltluit vos yeux ha.bi!ués à ['ob.~cnrité, lorsqu'ils tombent sur que!-
ques passages q ue votre esprit, encare esclnve de la matiere, ne l)eut
comprendrc. Mais, ayCl patience, [es lemps sont arrivés. Déjà le
grand archilecLe cammcllce à dérouler peu à peu devant vos yeux lo
plan dc l'éd ince de l'univers, déjb. il souleve un coin du voile qui vaus
cache la vérilé 1 et un rayon de lllmiêre vous éclaire. Contentez-vous
de ces prémices; habitucz vos yeux à la douce clarté de !'aurorc, jus-
qU'iL cc qu'ils pllissentsupportel' la splendeur du solei I bl'ill ant duns
toul son éc1at .
Remerciez le Tout-Puissant, dont la bonté infinie ménuge "otre
faible vue, en levant gl'aduellemcnt le voile qui la couvrc. S'ill'cnle-
vai t tout d'un coup, Vaus sericz éblouis et ne vcrriez rien; vous retom-
- 90-
beriez dans le doute . dans la confusion, dans ]' ignorance dont vaus
sortcz à peine. 11 vaus a été dit déjà que laut vicnt cn sou lcmps : ne
le devaneez pas par votre trop grande avidité de laut savoir. Laisscz
au .l\Iaitre le choix de la méthode qu'i ] juge la plus convcnable pour
vaus instruire. Vaus avez dcvant vaus nn s'lblimc ouv rage : • la na-
ture, son es::;ence. ses forces; • il commctlce par I' A B C. Apprenez
done d'abord à. épeler, à comprcndre ces pl'cmiêres pages ; progressez
avcc patience et persévérance, et VQUS arriverez jusqu'à ,la fin, tandis
qu'en sautant des pages et des chapitres, l'cnsemble vaus parait in-
compréhensible. 11 n'cst pas d'aillcurs dans Ics desscins du Tout-
Puissant que ]'homme sache tout. Conformez- vous done à sa volonté,
elle a ponr but votre bien.
Lisez dans le gra.nd livre de la nalure; instrui sez-vaus, éclairez
volre esprit , cantentez-vous de savoir ce que Dieu jugc à propas de
vaus apprend rc pendant volre séjour SU l' la lerre; vous n'aurcz pas le
temps d'arriver j usqu'à la del'l1icre pagc, et vaus ne la lirez que 101'5-
que vous serez délachés de la. maliêre, lorsque vos sens spiritualisés
vous perm ettront de te comprendre.
Oui, mes amis, apprenez et instruisez-vous, et, avant tout, pro-
gressez en moralité par l'amour du prochai n, par la charilé, par la
foi: c'est !'essenLiel, c'est le passeport à la Vlle duqucllcs portes du
sanctuaire infini vaus sont ouvertcs.
HUMBOLT.

Respecl dll aUI croyances pass~es_


(Paris, groU]lC 0011l1lno, 4 fêvricr 1867. M~dium, 111. :'IIOI·ill.)
La foi aveugle cst le plus mau vais de tous les lH'in cipcs ! Croire
avec ferveur à. un dogme que!conque,lorsque ta saine raison se refusc
à l'acceptcr comme une v6rilé. c'est faire ncle de Ilutl ité et se priver
volontairement du plus bcau de tous les dons que nous ait faits le Créa.
teur; e'est renoncer 11 la liberté de juger, au libre arbitre qui doit
présicler à loutes choses dans la mcsurc de la. justice et de la raison.
Généralement, les hommf"s 50nt insouciants et ne croient à une
religion que par ncquit de conscience, el p OUl' ne pas rejetcr tout à
fait ces bonn es et douces priêres qui ont bercé lcur jeuncsse, el que
leur mere leur apprenait nupres du foyer, lorsque le soir appor lai~
a vcc lui I'heure du sammeil j ma.is si ce souvenir se pl'6sente qucl-
quefoi s à leur esprit, c'est le plu s souvent avec un sentiment de regret
qu'ils font un relou r vers ce passé ou les souci5 de l'âge muI' elaient
encore enfouis dans la nuit de l'avenir.
- 91 -
~ui, 10ul hommc reg l'clte cet âge d'insouciance, et bicn pcu peu-
ycnl songel' à lem's jeunes années L.. Mais qu'cn reste-l-il uo insta!!t
apl'cs? .. - Rien!. . .
J'ai commcncé à dire quI'! la foi aveugle était pcrnicieuse; mais il
ne faudrait pas toujours rej eter comme foncierement mauvais 10u1 ce
qui pamtl cnlaché d'abus, composé d'erreurs el surtout inventé à
plaisir pour la g loire des orgucilleux c1 le bénéfice des intél'essés.
Spi rites, VD US devez savoir mieux que personne que rien ne s'ac-
complit sans la volon16 du ~1a i tl'e suprême ; e'esl done à. vous de bien
réllóch ir avant de formuler votre j ugemen t. Les hommcs 80nt vos
frêr es incarnés. ot il est possible que 110mb}'!! de lravaux des lemps
QlIciens soient vos awvres flccomplies dam une existence antérieure.
Les Spirites doivent avallt tout être logiques avec leur enseigoement,
el ne point jetcr la picrrc aux institutions et aux croyances d'un autre
âge, par cela seu l qu'eJles sont d'un autre âge. La société actuelle a
eu besoin, pOUl' devenil' ce qu'elle eSl, que Diou lui déparlH peu à peu
la lumiere et le savoir.
11 ne vous apparlient done pas de jugersi les mo~'ens employés par
lui étaien1 bons ou mau vais . N' acccplez que cc qui vaus semblc ra.-
tionnel et logique j mais n'oubl iez pas que les vieilles choses oot eu
leur jp.une~se, ct que Cf: que vous ensci gncz aujourd'hui deviendra
\'ieux u. so n touro Rcspeel donc à. Ia vicill essc ! Lcs vieillards sOlll vos
peres, comme les vi eillcs choses ont été les précurseurs des choses
nouvcllcs. Ri en nc vieillit, ct si vaus manquez à ce principe pOl1l' loul
00 qui est vénérable, I'OUS rnanqllcz à \'otre devoir, vaus mentez à
la doet rin c que vous professez.
Los vieill cs croyances ont élaboré la rénovation qui commence à
s'accom pli l·!. . . Toutes, en tant qu'clles Il'étaient pas exclusivement
matériell cs , pos~ édaicnt une étincelle de la. \'érité. Regreltez lcs
abus qui se sont introduits dans ['cnseignement philosophique, mais
pardonnez aux crreurs d'un autre âge, si I' OUS voulez à vo1re tour
êlre excusés dans les vôlres u\téríeurement. Ne donnez pas votre
fJi ü ce qui vous parall mauvais, mais ne croyez pas non plus que
toul cc qui vous est enseigné f\ ujourd'hui soit l' expl'cssion de la vérilé
absolue. Croycz qu'à chaqlle époque Dieu élargill'horizon dcs con-
naissanccs ell raison du développement in tcllectucl de l'humanité.
L4.CORDAlIlE.
- 92 -

La Comédie humaine.
(paris, groupe Dilslielli, 2!l no\'cmb re iSG6. Médium, M. Dcslicns).

La vie de ]'Espri t incal'né est comme un roman, ou p!ulól comme


une picce de lhéàtre, donl chaque iaur 011 parcourráit un feui!let con-
tenant une scene. L "auteur, e'est J'homme; les personnages 50nt les
passions. Ics vices ct les verlus, la matiere et l'inlclligence , se dispu-
lanlJa. possession du héros qui esl ]'Esprit. Lc public, c'cst le monde
en général pendant l'in carnation, les Esprits dans [' crraticité, et le
censeur qui examine la piêce POUI' la juger eu dernier fcssort ci dê·
cerner un blâmc ou U!le Jouange t;, ]'auteur, e'est Dieu.
Faites done co sor te de YQUS faire applaudir lo plus souvcn ~ pos-.
sible el de n'cntendre que rarement le bruit du siftlct résonner
désagréablcmcnt à votre oreille. Que l'intrigue soil loujoul's simple,
et ne chcl'chez I'i nlérêt que dans les situations natul'elles qui p:.lis-
senl servir à. fai re lriompher la verlu, à développer l'inlelligence et
à. mCl'aliSel' le publico
Pendanll'execulion de ]'O!uvre, la cabale mise co mouvcment par
l'cnvic, peul cssn,yer de critiqueI' lcs meilleurs passages, ct n'cn ccnscr
que ceux qui 1'ont médiocres ou mauvais. Fel'mez I'oreille à ces fiat·
teries, c1 souvenez-vous que la postérité vous appréciera à "otre juste
valeU!' ! Vous laisserez un nom ohscul' ou illustre, entaché de honte
ou couvert de gloil'e selon le mondc ; mais, lorsque la piece sera fini c
et que le ridcau, tiré sur la derniere seene, vnus mettra eo préscnce
du régisseul' uni versel, du direeleur infiniment pui s~ant du théâtre ou
se passe la comédie humaine, il o'y aura !li fiatteurs, ni courli::ians, ni
envicux, ni jaloux : vous screz seuls avec le juge suprême, impartial,
équitable, juste.
Que votre reuvrc soit sél'icusc ct moralisalrice, cal' e'est la sculc
qui ait quelque poids dans la balance du Tout-Puissant.
11 faul que ehaeun rende à la société au !nojns ce qu'il cn reçoit.
Cclui qui, CIl ayant reçu l'assistance corporelle et spirituelle qui [ui
permct de vivre, s'en va sans restitucr au moins ce qu'i! a dépensé,
est un voleu]', cal' i1 a gaspillé une part du capital intelligcot ct i! n'a
r ieo produit.
'foul le monde ne peut pas être homme de gênie, mais tous peuvellt
et doiv~nt êlre honnêtes, bons citoyens, et rendre à la sociélé ce que
la société lcur a prêté.
Pour que le monde soit co progrês , il faut q ue chacun lais~e un
souvcnir utilc de ~a pcrsollllalité, une scenc de plus à ce llombl'c in·
- 93-
fini de scencs util cs que les membres de J'humanilé ont laissées depuis
que votre terre 5ert de licu d'hauitat.ioll i.~ des ESjlrits.
Faites done qu'on liso avcc intérêt chacu n des fl!uillets de votre
roman, et qu'o n ne le parCOlll'C pas sculcmcllt du regard, pour le
fermer nvec ennui, avant d'cn avoir lu la moitié.
EUGEI\E SUB.

Notices bibJio graphiqu es


Lumen
lI~cjt d·O"IY<l.I~rrc

Par Cami!1e Flammarioll, profu,sr.u:- "'aslronomie, attach~ ... rOL>,;{lI'\"atoiro do Pari~.

Ceci o'cst paint no livre, mais un nrticlc qui pourl'ait faire lln livre
interessant et surtout instruetif, parce que lcs donllees en sont íour-
nies par la science positive, ellraitécs avcr.la clarté ct l'élégance que
le jClIne savant apporlc dans lOlls ses écrits. M. Camille Flammarion
est connll de tous nos lecteul':õ par 50n excellcnl ouv rag~ sur la
Plu/'G/ilé des mondp.s IU/bités, et par les arlides scienlifique s qu'il pu-
blie dana le SiJcle. Celui dont nous o.l1ol1s rcndrc comple csl publié
dans la Revue da X IX· siJcte <lu I" févriel' 18G7 (1).
L'auteur su ppose un entreticll entre UIl individu vivan t nommé
Sitiel/s, et I' Esprit d'un de ses amis nommé Lumen , qui lai décrit
ses dernieres pensécs terrestres, les premieres sensalions de la vie
spiritucl\c, et c::\ les qui accom pagnent le phénomcne de la sépara-
tion. Ce tableau est d'une conformité parfaite avec cc que les Esprits
nous ont appris à cc sujet; c'cslle Spiritisme le plus cxact, moins le
mal qui B'esl pas prononcé. On en jugera par lcs cilalions suivantes !
a La. premiere sensatiou d' identité que l'on éprouve apres la morl
ressemble à celle que l'on ressent au réveil pelldant la vie, lf\1'sque,
revenant peu à peu à la conscience du matin, 0 11 esl encore traverse par
les visions de la nuit. Sollicité par j'avenir ct Ic pnssé, I'Espril chel'che
à. Ia fois à. reprend re pleine po sse~sion de lui -même et i.t. saisir les
impressions fugitives du rêve é\'anoui, qui passent encore en lui avec
leur corlége de lableaux et d'événemcnts. Parfuis, ab::lorbé par ceUe
rétrospection d'un songe captivunt, il sent sous la paupiere qui se re-
ferme, les chalnes de la vision se renouer, et le speclacle se conti-
nuer; il r ctombe à. Ia foi s dans le rêve el dans une sorle de demi-
sommcil. Ainsi se balance llotre faculte pensante au sortir de cette
<I) Chaqlle 1I11méro fornle 1111 volume IIc 160 pagea gr;J,nll in-S . Prix : 2 fr. Paris, li·
br;lirie iulcrnationale, 15, boulcvart MOlltmartre, et 18, Ill'CUlIe Montaiglle, P Jlais Poml,êiC!I.
- 94 -
vie, entre une réalité qu'elle ne comprend pas encore, et uo rêve qui
n'est pas complétement dispam . •
Remarque. Dans celte situatioll de l'Esprit, il o'y a rico d'étonnant
à cc que quelqucs-uns ne croient pas être mor ts.
« La mort o'csl pas. Le fail que vous désignez sous cc nom, la
séparat inll dn corps et de l'àmo, ne s'eITcclue pas, à vrai dire, sous
une forme malel'i el!e compa rable aux séparalions chimiques des élé-
ments dissociés que ['a o observe dans le mond e physique. On ne s'a-
pCl'çoit guere plu!; de celte séparatioll définit ive, qui nous scmble si
cruelle, que l'enfant nouvcau-né ne s'aperçoit de sa naissancc; 1I0US
$ommes en(antés li la vie (uture CQmme 1I0US le (times à la vie Lerres-
tre. Seulemcnt, l'Ame n'étanl p!us envelop pée des langcs cOl'porels
qui la revêten l ici-bas. acquiert plm; promptement la notion de son
état ct de sa. personnalité. Cettc faculté de percep1ion varie tOll lefois
essentiellemenl d'ulle âme à l',,"utre. 11 en cst qui, pendan t la vic du
COI'pS, ne s'éleverent jamais vers le cie l et ne se selltircn~ jamais
anxiellses de pé nétrcr les lois de la création. Celles-Ià, encore domi-
nées par les appélits corpol'els, demeurent longtemps à l'état de
trouble inconscient. 11 en est d'autres, heureusement, qui, dõs cette
vie, s'envolcnt 5'] 1' leurs aspirations ailées vers les cimes du bcll.u
élernel; celles-Ià voient arriver avec calme et sérénité I'installt de la
sépm'ation; elles sa.venl que le progres est la loi de l'existence et
qu'eUes entreront, au delà, dans une vie supéricurc à celle d'cll
deçàj eHes suivent pas à pas la. léLhal'gie qui monte à [eur creur, et
!orsque le dernier battement, len1 et insensible, l'arrêLe en so n cours,
el1es son1 déjlt au-dessus de leur corps, dOl1 t elles ont obsel'vé l'el1dor-
missemcnt,et, se dólivrant des Jiens magnétiques, ellcs se senlen1 rapi-
demcnt emportéel'l, par une {urce illconnuc, VCI'S le point de la création
ou leurs aspiratio:ls, Icurs sentiments, leurs espéwnces, les attirent .
• Les années, les jours et les IIeures sont cOllstitués par les mOIl-
vements dn la terre. En dehors de ccs mou vements lc temps terrestre
n'e.xis{e plu8 da ns l'espace; il est donc absolument impossible d'avoir
!lotion de ce remps. »

Remarque_ - Ceci cst rigoureusement vrai; aussi lorsque les


Esprits veulent nous spéci fiel' une durée intelligible pour nous, sont-
ils obligés de s'iden1ifier à nouveau avec les habitudes terrest res,
de se refaire hommcs, pour ainsi dire, afin de se servir des mêmes
points de eomparaison. Aussilôt a'pros sa d élivr an~e, l'Espril de
- 95 -
Lumen est lram:porLé avcc la I'apidité de la pellsée dans le groupe
de mondes composant le systeme de l'étoile désignée cn astronomie
sous le nom de Ca}Jrlla ou la C1tevre. L"" lhéorie qu'iI donne de la.
vuc de l'àme est rem[l.rquable.
« La vue d e mon âme élait d'une pUisslllce incomparablement
supérie ure à. ceHe des yeux de l'organisme terrestre que je venais de
quittcl'; et, remarque surpl'cnante, sa. puissance me paraissait sou-
mise à la volonté. Qu'il me sumse de vous fai re pressentir qu'au lieu
de vai!" sim plem ent les étoiles dans le ciel, comme vaus les voyez
SUl' la terre, je distinguais clairement les mondes qui gravitent a lt:! l1_
taur; lorsque je désirais ne plus voir !'éloile afin de Il'être pas g0né
pOUl' l' examen de ces mondes, elle disparaissait de ma vision, et me
laissail en d'excellcnles conditions pour observer t'un de ces mondes.
De plus, lorsque ma vue se eoneentrait sur un monde par1iculier,
j'arri vais à di stinguer les détails de sa. surface, les continenLs e1 les
mere' , les nunges et les fleuves. Par une intensité part.iculiêre de eOI}-
cenlration dans la vue de mon âme, je parvenais à voir l'objet SUl' le~
quel elle se eoncentrnit, eOffiree par exemple, une vil1e, une campa-
gne, las édi(ices, I(!s rues, les maisolls, les arbres, los sentiers ; je re-
cOllllaissais même les habitants ot je suivais les personnes dans los
rues at dans les habitalions. 11me suffisait, pour cela, de borncr ma
pensée au quartier, à la mai son , ou à l'individu que je voula.is obser-
ver. Dans le monde à bord duquel je venais d'arriver, les êtres, nou
inearnés dans une cnvoloppe grossie re comme ici-bas, mais, libres,
et doués de racullés d'aperceptions élevées à. uo éminent degré de
puissance, peuvent apereevoir distinetement des détails qui, à cet
éloignement, scra.ient absolument dérobés aux ycux des organis:ttions
terreslres.
S ITll>NS. Est-ce qu'ils se servent pour cela d'in struments supérieurs
à nos télescopes?
Lml~N. Si, pour êlre moins rebelle à l'a.dm ission de eette merveil-
leuse faeulté, il vous es1 plus fac He de les concevoir muni" d'instru-
ments , vous le pouvez par théorie. Mais je dois vous ayertir que ces
sorfes d'instrumcnts ne 50nt pas ex/érieurs à ces tlres, ei qu'ils ap-
par1iennent à l'organisme méme de leur vI/e. Il esi bicn entendu que
ec lte eonstruction oplique ei ceHe puissance de vue sont ll aturellcs Cll
ces mond es, et non pas su rnalurelles. Pensez llll peu aux insectes qui
jouissent de la propriété de raeeourcir ou d'al!onger leurs yeux comme
los tubes d'une lunette , d'enfler ou d'aplatir leur cristallin pour en
- 96 -
faíre. une loupe de difTérents degrés, ou encore de concentrer au même
forer une multituue d'yeux braqués com ma autanl de microscopes
pour saisir ['infiniment pelit, ct vous pourrez plus tégilimement ad-
mettre la facullé de ces êtres ultra-terrestres. •
Le monde ou se trouve Lumen cst à une distance telle de la terre
que la lumiel'e n'arrive de ['UO;L ['autre qu'au bout de soixante ·douze
ans. Or, né cn t 79 3 at tnort cn 18ti4, à 50n arl'ivée dans CapeUa,
d'ou il porte sa vue SUl' Paris, "I.umen ne reconn ait plus le Paris qu'il
vienl de quitter. Les rayoos lumineux partis de la terre, n'arl'ivanl ll
Capellaqu'apres soixantc-douze ans, lui apportaient l'ima ge de Cc qui
5'y passait co 1. 793.
Lã est ta parti0 réellemenl scientifique du récit; loulcs les difli-
cullés y sont résol ues de la maniere la plus logique. Les données,
admises en lhéorie par la science, y sonl démontrées par l'expériencc;
mais celle expérience ne pouvant êlre faile directemenl par les hom-
mes, l'auleur suppose un Espl'iL qui rend comple de ses sensations,
el placé dans les conditions à. pouvoir établir une com paraison entre
la terre e1 le monde qu'il habite.
L'idée est ingénieuse et ncuve. C'cst la prcmiere fois que le Spi -
rilisme vrai et sérieux, quoique sous I'anonyme, est associé à la
science positive, et cela par un homme capable d'apprécier l'un et
l'aut,re, et de saisir le trait d'union qui doit les relier Ull jour. Ce
travail, auqucl nous reconnaisgons, sans restriclion; une importance
capitale , nous parait êlre Ull de ceux q1le les Esprils nous ont
annoncés comme devant marqueI' la présentc année. Nous analysc-
rons cellc secondc parti0 dans un prochain arliclc.

Nouvel.le théorie medlCO-spirite


par lo docteur BRIZIO, de Turin.
Nous ne conllaissons cel oun age quc par le prospectus eu langue italienne qui noll.'
a été allrcs:;ó, mais nous ne pouv ons que nnus réjouir de \'oir I"cmpresscment des na·
tions étrangcres à suivrc le mOll vemenl spirite, el féliciter les hommes do! talent qui
entrem dans la \'oie des applications du Spiritisme ~ la science. L'ouvrage du docteUI
Briúo sera publié eu 2.0 ou 30 livraisons à 2.0 c. chacune, el rimpre5sion cn seJa
commencée dill; qu'iJ y aura 300 souscriplcurs . On souscrit à Tudn, 11 la librairio De·
giorgi~, \'ia Nuova .

Lc Lh' l'c des M é dlunuJ, traduclion en cspagnol sur la 9" édition françaiõe:
Madrid, - Barcelone, - Marstille, - Paris, ali burcau de la Revue spirilc.
AI.LAN KAl\DEC.

PHis. - Typ. de ROlI ge freres, DUllon et Fresn!!, rue du FQur·Saint-GermaiD, n.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

10e ANNÉE. j'io 4. AVRIL 1867.

Galilée
A propos du drame de M. Ponsard.
L'événement Iittéraire du jour est la représentation de Galilée,
drame en vers de M. Ponsard. Quoiqu'il n'y soit point question du
Spiritisme, il s'y rattache par un côté essentiel: celui de la plura-
lité des mondes habités, et à ce point de vue nous pouvons le consi-
dérer comme une des ceuvres qui sont appelées à favoriser le déve-
loppement de la doclrine, en popularisant un de ses principes fonda-
mentaux.
La destinée de l'humanité est liée à l'organisation de I'univers,
comme celle de l'habitant l'est à son habitation . Dans l'ignorance de
cette organisation, l'homme a dã. se faire sur son passé et sur son
avenir, des idées en rapport ave c l'état de ses connaissances. S'il
avait toujours connu la structure de la terre, il n'aurait jamais songé
à placer l'enfer dans ses entrailles; s'il avait connu l'infini de I'es-
pace et la mullitude des mondes qui s'y meuvent, il n'aurait pas 10-
calisé le ciel au-dessus du ciel des étoiles,. il n'aurait pas fait de la
terre le point central da l'univers, l'unique habitation des êtres vi-
vants; il n'aurait pas condamné la croyance aux antipodes comme
une hérésie; a'H avait connu la géologie, jamais il u'aurait cru à la
formation de Ia terre en six jours, et à son existence depuis six mille
ans.
L'idée mesquine que l'homme se faisait de la création, devait Iui
donner une idée mesquine de Ia divinité. 11 n'a pu comprendre la
grandeur, la puissance, la sagesse infinies du Créateur que Iorsque sa
pensée a pu embrasser l'immensité de l'ullivers et Ia sagesse des lois
- 98-
qui le régissent, comme on juge le génie d'un mécamclen sur l'en-
semble, I'harmonie et la précision d'un mécanisme, et non à la vue
d'un sp,ul rouage. Alors seulement ses. idées ont pu grandir, et s'é-
leveI' au-dessus de son horizon borné. Ses croyances religieuses ont
de tous temps été calquées sur l'idée qu'il se faisait de Dieu et de son
reUVl'e; 1' erreur de ses croyances sur I'origine et la destinée de l'hu-
manité avait pOUl' cause son ignorance des véritables lois de la na-
ture; s'il eut, des l'orígine, connu ces lois, ses dogmes eussent été
tout autres.
Galilée, en révélant un des premiers les lois dn mécanisme de
I'univers, non par des hypotheses, mais par une démonstration irré-
cusable, a ouvert la voie à de nouveaux progres; iI devait, par cela
même, produire une révolution dans les croyances en détruisant 1'é-
chafaudage des systcmes scientifiques erronés SUl' lesquels elles
s'appuyaient.
A chacun sa mission. Ni Mo'ise, ni le Christ n'avaien t celle d'en-
seigner aux hommes les lois de là science; la connaissance de ces
lois devait être le résultat du travail et eles recherc!tes de 1'1wmme, de
l'activité et du développement de son propre espril, et non d'une
révélalion à pTÍol'i, qui lui etH donné le savoíl' sans peine. I1s n'ont
du et pu lui parler qu'un langage approprié à son état intellectuel,
autrement ils n'en eussent pas été compris. Mo'ise et le Christ ont eu
leur mission moralisatrice; à des génies d'un autre ordre sont dé-
férées les missions scientifiques. Or, comme les lois morales et les
lois de la science sont des loís divines, la religion et la phitosophie
ne peuvent être vraies que par l'alliance de ces lois.
Le Spiritisme est fond é SUl' l'existence du príncipe spirituel, comme
élément constitutif de 1'univers ; il repose sur l'universalité et la per-
pétuité des êtres intclligents, SUl' leur progres indéfini à travers les
mondes et les générations; SUl' la pluralité des existencf'S corporelles
nécessaires à leu1' prog1'es individueI; sur leur coopé1'ation relative,
comme incarnés ou désincarnés, à l' reuvre générale dans la mesure
du progres accompli; SUl' la solidarité qui relie tous les êtres d'un
même monde et des mondes entre eux. Dans ce vaste ensemble, in-
carnés et désincarnés, chacun a sa mission, Eon rôle, des devoirs à
rempli1', depuis le plus infime jusqu'aux anges qui ne Bont aulres que
des E ~ prit.s humains arrivés iL J'état de {lurs Esprits, et auxquels sont
confiés les grandes missions, les gouvernements des mondes ,
comme à des généraux expérimentés; au lieu des solitlldes désertes
de l'espace sans bornes, partout la vie ct l'activité, nulle part l'oisi-
- 99-
veté inutile; partout I'emploi des connaissances acquises; partout le
désir d'avaocer encore, et d'augmenter la somme du bonheur, par
I'utile usage des facultés de l'intelligen ce. Au lieu d'une existence
éphémere et uni que, passée sur un retit coin de terre, qui décidc à
tout jamais de son sort futur, impose des bornes à son progres, et
rend stérile , pour l'avenir, la peine qu'il se donne de s'inslruire,
I'homme arour domaine l'univers; rien de ce qu'il sait et c.e ce qu'H
fait n' est perdu : l'avenir est à lui; au lieu de l'isolement égolste, la
solidarilé universelle; ª u lieu du néant, selon quelques-uns, la vie
étel'l1elle; au lieu d'une béatitude contemplative perpétuelle, selon
d'autres, qui en ferait une inutilité perpétuelle, un rôle actif p1'o-
portionn é au mérite acquis ; au lieu de châtiments irrémissibles pOUl'
des fautes tempo1'aires, la positiol1 que chacun se fait par sa persé-
vérance dans le bien ou dans le mal; au lieu d'une tache originelle
qui ren d passible de fautes que l'on n'a pas commises, la conséquence
naturelle de ses propres imperfections natives; au lieu des flammes
ele l' enfer, l'obligation de réparer le mal qu'on a fait, et de recom-
menceI' ce qu'on a mal fait; au lieu d'un Dieu colhe et vindicatif,
UI1 Dieu juste et bon, tenant compte de tous les repentirs et de toutes
les bonnes volontés.
Tel est, en abrégé, le tableau que présente le Spiritisme, et qui
ressort de la situation même des Esprits qui se manifestent; ce n'est
plus une simple théorie, mais un résultat d'abservation. L'homme
qui envisage 1es choses à ce point de vue se sent grandir; il se releve
à ses propres yeux; il est stimulé dans ses instincts progressifs en
voyant un but à ses travaux, à ses efforts pour s'améliorer.
Mais pour comprendre le Spiritisme dans son essence, dans l'im-
mensilé des choses qu'il embrasse, pour comprendre le but de la vie
et la destill ée de l'homme, il ne fallait pas reléguer I'bu manité SUl'
UII petit globe, borner l'existence à quelques années, rapetisser 1e
créateur et la créature; pour que l'homme put se faire une idée
juste de son rôle dans l'univers, il fallait qu'il comprit, par la plura-
llté de::; mondes, le champ ouvert à ses explorations futures et à l'ac-
tivité 'de son esprit; pour reculer indéfiniment les bornes de la créa-
tíon, pour détruíre ses préjugés SUl' les lieux spécíaux de récompense
et de punilion, sur les différents étages des cieux, il fallait qu'il pé-
nétrât les profondeurs de I'espace; qu'au li eu du cristallin et de
l'empyrée, il y vit circuleI', dans une majestueuse et perpétuelle har-
monie, les mondes innombrables semblables au sien; que partout sa
pensée rencontrât la créature intelligente.
- 1.00-
L'histoil'e de la terre se lie à celle de I'humanité; pour que
l' homme pút se défaire de ses mesquines et fausses opinions SUl' l'é-
poque, la durée et le mode de créatian de notre globe, de ses
croyances légendaires SUl' le déluge et sa propre origine; pour qu'il
consentIt à délager du sein de la terre l'enfer et l'empire de Satan,
il fallait qu'il pút lire dans les couches géologiques l' histoire de sa
formation et de ses révolutions physiques. L'astronomie et la géolo-
g ie, secondées par les découvertes de la physique et de la chimie,
appuyées sur les lois de la mécanique, sunt les deu x puissants leviers
qui ont battu en breche ses préjugés sur san origine et sa destinée.
La matiere et l' esprit sont les deux principes constitutifs de l'uni-
vers; mais la connaissance des lois qui régissent la matiere devait
précéder celle des lois qui régissent l'élément spirituel; les pre-
mieres seules pouvaient combattre victorieusement les préjugés par
l'évidence des faits. Le Spiritisme, qui a pour objet spécial la con-
llaissance de l'élément spirituel, ne devait venir qu'en second; paul'
qu'il pút prenc1re san essor et porter des fruits, pour qu' iI pôt
être compris dans son ensemble, iI fallait qu'iI trouvât le terrain pré-
paré, le champ de l'esprit humain déblayé des préjugés et des idées
fausses, Sill011 en totalité, du moins en grande partie, sans cela 011
n'aurait eu qu'un Spiritisme étriqué, bâtard, illcomplet, et mêlé à
des croyances et à des pratiques absurdes, comme il I' est. encore
aujourd'hui chez les peuples arriérés. Si 1'011 considere la situation
morale actuelle des nations avancées, on reconnaitra qu'il est venu
en temps oppartun pour combler les vides qui se font dans les
croyances.
Galilée a ouvert la route; en déchirant le voile qui cachait I'infini,
il a élargi le domaine de l'intelligence, et porté UH coup fatal aux
croyances erronées; il a détruiL plus de superstitions et d'idées
fausses que tOlItes les philosophies, car il les a sapées par la base en
montrant la réalité. Le Spiritisme doit le placer au rang des grands
génies qui lui ont frayé la voie en abaissant les barrieres que lui op-
posait I'ignarance. Les persécutions dont il fut l'objet, et qui sont le
lot de quiconque s'attaque aux préjugés et aux idées reçues, l'ont
grandi aux yeux de la postérité, en même temps qu'elles ont abaissé
les persécut~urs. Qui est aujourd'hui le plus grand, d'eux ou de lui?
Nous regrettons que le défaut d'espace ne nous permette pas de
citeI' quelques fragments du beau drame de M. P onsard. Nous le fe-
rons dans le prochain numéro.
- 101 -
De l'Esprit prophétique.
Par le comte J oseph de Maistre.

Le comte Joseph de Maistre, né à Chambél'Y en 1753, mort


en 1821, fut envoyé par le roi de Sardaigne, comme ministre pléni-
potentiaire en Russie, en 1803. 11 quitta ce pays en 1817 lors de
l'expulsion des Jémites dont iI avait cmbrassé la cause. Parmi ses
ouvrages, l'un des plus connus dans la littérature et dans le monde
religieux, est celui qui est intitulé : Soirées de Saint-Pétersbourg,
pub!ié en 1821. Quoique écrit à un point de vue exclusivement ca-
tholique, certaines pensées semblent inspirées par la prévision des
temps présents , et à ce titre méritent une attention particuliere. Les
passages suivants sont tirés du onzieme entretien, tome 11, page 121,
édition de 1844 .
..... Plus que jamais, Messieurs, nous devons nous occuper de ces
hautcs spéculations, car il nous faut tenir p;oêts pour un événement
immense dons l' ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vi-
lesse accélérée qui doit jrapper tous les observateurs. 11 n'y a plus de
religion sur la tene : le geme humain ne peut demeurer dans cet
état. Des oracles l'edoutables annoncellt d' ailleurs que les temps sont
arrivés.
Plusieurs théologiens, même catholiques, ont cru que des faits du
premier ordre et peu éloignés étaient annoncés dans la révélation de
saint Jean, et quoique les théologiens protestants n'aient débité en
général que de tri:ltes rêves SUl' ce même livre, ou ils n'ontjamais vu
que ce ql~'ils désiraient, cependant , apres avoir payé ce malheureux
tribut au fan atisme de secte, je vois que certains écrivains de ce parti
adoptent déjit le principe que : Plusieurs prophéties contenues dans
l' Apocalypse, se rapportaient à nos temps modernes. Un de ces écri-
vains m~me est allé jusqu' à dire que l' événement avait dqjà commencé,
et que la nation française devait étre le grand instrument de la pias
grande des révolutions.
li n'y a peut être pas un homme véritablement religieux en Eu-
rope (j e parle de la classe instruite), qui n' attende dans ce moment
quelque chose d'extraordinaire; or, dites-moi, Messieurs, croyez-
vous que cet accord de tous les hommes puisse être méprisé? N' est-
ce rien que ce cri général qui annonce de grandes choses? Remontez
aux siecles passés; transportez-vous à la naissancc du Sauvem. A
cette époque une voix haute et mystérieuse, partie des régions orien-
tales, ne s'écriait-elle pas : « L'Orient est sur le point de triompher ?
Le vainqueur partil'a de la J udée; un enfant divin nous est donné ; il
- 102-
va paraí:tre; il descend du plus haut des cieux; il ramenera I' âge d'or
sur la terre. » Vous savez le reste.
Ces idées étaient universellement répandues, et comme elles prê-
taient infiniment à la poésie, le plus grand poete latin s'en empara et
les revêtit des couleurs les plus brillantes dans son Pollion, qui fut
depuis traduit en assez beaux vers grecs, et lu dans cette langue au
concile de Nicée par l'ordre de l'empereur Constantino Certes il était
bien digne de la Providence d'ordonner que ce grand cri du genre
humain retentit à jamais dans les vers immortels de Virgile; mais
l'incurable incrédulité de notre siecle, au lieu de voir dans cette piece
ce qu'clle renferme réellement, c'est-à-dire un monument ineffable
de l'esprit prophétique qui s'agitait alors dans l'univers, s' amuse à
nous prouver doctement que Virgile n'était pas prophete, c'est-à-dire
qu'une flute ne sait pas la musique, et qu'il n'y a rien d'extraordi-
naire dans la onzieme églogue de ce poete. Le matérialisme qui
souille la philosophie de notre siecle l' empêehe de voir que la doe/rine
des Esprits, et en partieulier, eelle de l' esprit proplzétique, est tout à
(ait plausible en elle-rnêrne, et de plus, la mieux soutenue par la tra-
dition la plus universelle et la plus imposante qui fut jamais. Comme
l'éternelle maladie de l'homme est de pénétrer l'avenir, c'est une
preuvecerlaine qu'il a des droits sur cet avenir, et qu'il a des moyens
de l'atteindre, au moins dans de certaines circonstances. Les orades
antiques tenaient à ce mouvement intérieur de l'homme qui l'avertit
de sa nature et de ses droits. La pesante érudition de Van Dale, et
les jolies phrases de Fontenelle furent employées vainement dans Je
siecle passé pour établir la nullité générale de ces oracles. Mais, quoi
qu'il en soit, jamais l'homme n'aurait eu recours aux oracles, jamais
il n'aurait pu les imaginer, s'il n'était parti d'une idée primitive en
vertu de laquelle il les regardait comme possibles, et même comme
existants.
L'homme est assujetti au temps, et néanmoins, par sa nature,
étranger au temps. Le proph8te jouissait du pri vilége de sortir du
temps; ses idées n'étant plus distribuées dans la durée, se touchent
en vertu de la sim pie analogie et se confondent, ce qui répand né-
cessairement une grande confusion 'dans ses discours. Le Sauveur
lui-même se soumit à cet état lorsque, livré volontairement à l'esprit
prophétique, les idées analogues de grands désastres, séparées du
temps, 1e conduisirent à mêler la destruction de Jérusalem à celle du
monde. C'est encore ainsi que David, cOl1duit par ses propres 100uf-
frances à méditer sur « le juste persécuté, »sort tou.t à coup du temps.
- 103 -
et s'écrie, présent à l'avenir : « Ils ont percé mes pieds et mes mains;
ils ont compté mes os; ils se sont partagé mes habits; il ont jeté le
sort sur mes vêtements. I) (Ps. xxv, v. 17.)
On pourrait ajouter d'autres réflexions tirées de l'astrologie judi-
ciaire, des oracles, des divinations en tons genres, dont I'abus a sans
doute déshonoré 1'esprit humain, mais qui avaient cependant une
racine vraie comme toutes Ies croyances générales. L'esprit prophé-
tique est natureI à l'homme, et ne cessem de s'agiter dans le monde.
L'homme, en essayant, à toutes les époques e! dans tous les lieux,
de pénétrer dans l'avenir, déclare qu'i! n'est pas fa.it pour le temps,
cal' le temps est quelque chose de foreé qui ne demande qu'lt finir.
De lã vient que, dans nos songes, jamais naus n'avans l'idée du
temps, et que 1'état du sommeil fut toujours jugé favorable aux com-
munications di vines.
Si vous me demandez ensuite ce que e'est que eet esprit prophé-
tique que je nommais tout à 1'heure, je vous répondrai que « jamais
il n'y a eu dans le monde de grands événements qui n'aient été pré-
dits de quelque maniere. » Machiavel est le premier homme à ma eon-
naissance qui avait avancé cette proposition; mais si vous y réflé-
chissez vous-mêmes, vous trouverez que son assertion est justifiée par
toute I'histoire_ Vous en avez un dernier exemple dans la RévoIution
française, prédite de tons les côtés et de la maniere la plus in contes-
table.
Mais pour en revenir au point d'otl je suis parti, croyez-
vous que le siecJe de Virgile manquât de beaux esprits qui se mo-
Cjuaient e1 « de la grande année, et ' du siecle d' or, e1 de la
chas1e Lucine, et de 1'auguste mere, et du mystérieux enfant?»
Cependant tout cela était arrivé: « L'enfant, du haut du eiel, était
pré! à descendre. » Et vous pouvez voir dans plusieurs écrits, nom-
mément dans les notes que Pope a jointes à sa traduction en vers
du Palliún, que cette piece pourrait passer pour une version d'Isale.
Pourquoi voulez-vous qu'il n' en soÜ pas de même alljourd' hui? L'u-
nivers est dans l' attente. Comment rnéprisen"ons-nous cette grande
peJ'suasion; el de quel droit condamnerions-nous les homrnes qui.
aVfwtis par ces signes divins, se livrent à de sainles recherches?
Vaulez-vous une nouvelle preuve de ce qui se prépare? Cherchez
dans les sciences; considérez bien la marche de la chimie, de l' as-
tronomie même, et vous verrcz ou elles nous eonduisent. Croiriez-
vaus par exemple, si vous n'en étiez averti, que Newton nous ra-
mime à Pythagore, et qu'ineessamment il sera démontré que les
- f 04 -
corps cé/estes sont mus préeisément comme les eorps humains, par des
intelligenees qui leur SOTl t unies, sans qu' on saehe eomment? C' est
cependant ce qui est sur le point de se véri~er, sans qu'il y ai! bientôt
aucun moyen de disputer. Cette doctrine pourra sembler paradoxale
sans doute, et même ridicule, pare e que l'opinion environnante en
impose; mais attendez que l' a(finité naturelle de la religíon et de la
science les l'éunisse dans la ,téte d' un seul !wmme de génie; l' appari-
tíon de cet homme ne saurait étre éloignée, et peut-être même existe-
t-il déjd. Celui-Ià sera fameux et mettra fio au dix-huitiême siecIe
qui dure toujours; car les siecles intellectuels ne se reglent pas sur
1e calendrier comme Ies siecles proprement dits. Alors les opinions
qui nous paraissent aujourd' hui ou bizarres ou insensées, sel'ont des
axiomes dont il ne sera pas permis de dou/er, et l'on par/era de notre
stupidité actuelle comme nous parlons de la superstition elu moyen
âge. Déjà même la (orce eles e!wsas a eontraint quelques savants de
l' éeole matérielle à (aire des concessions qui les rappl'ochent da l' es-
prz't. Et d'autres, ne pouvant s'empêcher de pressentir cette ten-
dance sourde d'ulle opinion puissante, prennent contre elle des pré-
cautions qui font peut-être sur les véritables observateurs plus d'im-
pression qu'une résistance directe. De là leur attention scrupuleuse
à n'employer que des expressions matérielIes. II ne s'agit jamais,
dans leurs écrits: que de lois mécaniques, de principes mécaniques,
d'astronomie physique, etc. Ce n'est pas qu'i1s ne selltent à mer-
veille que les théories matérielles ne contentent nullement l'intelli-
gence, cal' il y a quelque chose d'évident pour l'esprit humain non
préoccupé, c'est que les mouvements de l'univers ne peuvent s'ex-
pliquer par les seules lois mécaníques; mais c' est précisément parce
qu'i1s le sentent, qu'ils mettent pour ainsi dire des mots en gal'de
contre la vérité. On ne veut pas l' avouer, mais on TI' es! plus retem!
que par l'engagement ou le l'espec! !zumain. L es savanLs europécns
sont dans ce moment des espêces de conjurés ou d'initiés~ comme
il vous plaira de les appeler, qui ont fait de la science une sorte de
monopole, et qui 11e veulent pas absolument qU'011 sache plus ou au-
trement qu'eux. Mais cette science sera incessammellt honnie par
une postérité iIluminée qui accusera justement les adeptes d'aujour-
d'hui de n'avoir pas su tireI' des vél'ités que Dieu leur avait livrées
les conséquences les plus précieuses paul' l'homme. Alors toule la
scienee changera de face; l'esprit long/emps délrÔllé reprendra sa
place.
II sera démont1'é que les traditions antiques 50nt toutes vraies; que
- 105-
les paganisme entier n' est qu'un systeme de vérités corrompues et
déplacéesj qu'il suffit de les nettoyer pour ainsi dire et de les remet-
tre à leu r p/ace, pour les voir briller de tous leurs rayons. En un mot,
toutes les idées changeront ; et puisque de tous côtés une foule d'élus
s' écrient de concert: «Venez, Seigneur, venez I II pourquoi blâme-
riez-vous ces hommes qui s'élancent dans cet avenir majestueux et
se glorifient de le deviner. Comme les poetes qui, jusque dans nos
temps de faiblesse et de décrépitude, présentent encore quelques
lueurs pâles de l'esprit prophétique, les hommes spirituels éprouvent
quelquefois des mouvemellts d'entlzousiasme et d'inspiration qui les
transportent dans l' avenir, et leur permettent de pressentir les évé-
nements que le temps m'Ctrit dans le lointain.
Rappelez-vous, monsieur le com te, le compliment que vous m'avez
adressé sur mon érudition au sujet du nombre trois. Ce nambre, en
eITet, se montre de tous côtés, dans le monde physique comme dans
le monde moral, et dans les choses divines. Dieu parIa une premiere
fois aux hommes sur le mont Sinal, et cette révélation fut resserrée,
par des raisons que nous ignorans, dans les limites étroites d'un seul
peuple et d'un seul pays. Apres quinze siec1es, une seconde révélation
s'adressa à tous les hommes sans distinction, et c'est celle dont naus
jouissons. Mais l'universalité de son action devait être encore infini-
ment restreinte par les circonstances de temps et de lieux. Quinze
siecles de plus devaient s'écouler avant que l' Amérique vil la lu-
miere, et ses vastes contrées recetent encore une foule de hordes
sauvages si étrangeres au grand bienfait, qu'on serait porté à croire
qu' elles en sont exclues par nature en vertu de quelque anatheme pri-
mitif inexplicable. Le grand Lama seul a plus de sujets spirituels que
le Pape; le Bengale a soixante millions d'habitants, la Chine en a
deux cents, le Japon vingt-cinq ou trente. Contemplez ces archipels
du grand Océan qui farment aujourd'hui une cinquieme partie du
monde. Vus missionnaires ont fait sans daute des effarta merveilleux
pour annoncer l' Evangile dans quelques-unes de ces contrées lointai-
nes, mais vaus voyez avec quel succes. Combien de myriadesd'hommes
que la bonne nouvelle n'atteindra jamais! Le cimeterre du fils d'Is-
mael n'a-t-i! pas chassé entierement le chrístianisme de I' Afrique
et de I' Asie? Et dans notre Europe, quel spectac1e s' o[re à l' reil re-
ligieux! ••.••
Contcmplez ce tableau lugubre; joignez-y r attente des hommes
choisis, et vous verrez si Ics illuminés ont tort d'envisager comme
plus ou moins prochaine une tl'oisieme explosion de la toute-puissante
- 106-
bonté en fa1)eur du genre humain. Je ne finirais pas si je voulais ras-
sembler toutes les preuves qui se réunissent pour justifier cette grande
attente. Encore une fois, ne blâmez pas les gens qui s'en occupent
et qui voient dans la révélation même des raisons de prévoir une
révélation de la révélatian. Appelez, si vous le voulez, ces hommes
illuminés, je serai tout à fait d'accord avec vous, pourvu que vous
prononciez ce nom sérieusement.
Tout annonce, et vos propres observations le démontrent, je ne
sais quelle grande unité ve1's laqu'elle naus ma1'chons à ,qrands pas.
Vous ne pouvez donc pas, sans vous mettre en contradiction avec
vous-même, condamner ceux qui salllent de loin cette unité, et qui
essayent, suivant leurs forces, de pénétrer des myslêres si redouta-
bles, sans doute, mais tout à la fois si consolants pour nous.
Et ne dites point que tout est dit, que tout est 1'évélé, et qu'il ne
nous est pas permis d'attendre rien de nouveau. Sans dvute que rien
ne nous manque pour le salut; mais du cóté des connaissances divines,
il nous manque beaucoup)' et quant aux mal1i/estations futures, j' ai,
comme vous voyez, millé 1'aisons pour m'y attendre, tandis que vous
n' en avez pas une pour me p1'ouver le cont1'aire. L'hébreu qui accom-
plissait la loi n'était-il pas en sureté de conscience ? Je vous r.iterais,
s'il le fallait, je ne sais combien de passages de la Bible qui promet-
tent au sacrifice judarque et au trône de David une durée égale à
celle du solei!. Le juif, qui s' en tenait à l' éco1'ce, avait toute raison,
jusqu'à l'événement, de croire au regne temporel du Messie ; il se
trompait néanmoins, comme on le vit depuis; mais savons-nous ce
qui nous attend nous-mêmes? Dieu sera avec nous jusqu'à la con-
sommation des siecles; les portes de l'enfer ne prévaudront point
comre l'Église, etc. ; fort bien ! En résulte-t-il, je vous prie, que Dieu
s' est imerdit toute manifestatz'on nouvelle, et qu'il ne lui est plns per-
mis de nous apprendre rien au delà de ce que nous savons ? ce serait,
il faut l'avouer, un étrange raisonnement.
Une nouvelle effusion de l' Esprit-Saint étant désormais au rang
des c!wses les plus raisonnablement attendues, il faut que le~; pl'éclica-
teurs de ce don nouveau puissent citer I'Écriture sainte à tous les
peuples. Les apôtrcs ne 80nt pas des traducteurs; ils ont bien d'autres
occupations; mais la Société biblique, instrument aveugle de la Pro-
vidence, prépare ses différentes versions que les véritables envoyés
explique1'ont un jour en vertu d'une mission légitime, nouvelle ou
primitive, n'importe! qui chassera le doute de la cité de Dieu; et c' est
ainsi que les ter1"ibles ennemis de l'unité travaillent à !' établir.
- 1M -
Remarque. - Ces paroles sont d'autant plus remarquables qu'elles
émanent d'un homme d'un mérite incontestable comme écrivain, et
qui est tenu en grande estime dans le monde religieux. Peut-être n'y
a-t-on pas vu tout ce qu'elles renferment, car elles sont une protesta-
tion évidente contre l'absolutisme et l'exclusivisme étroit de certaines
doctrines. ElIes dénotent chez I'auteur une ampleur de vues qui frisent.
I'indépendance philosophique. L'orthodoxie s'est maintes fois scanda-
lisée à moins. Les passages soulignés sont assez explicites pour qu'il
soit superflu de les commenter; les Spirites s urtout en comprendront
facilement la portée. Il serait impossible de n'y pas voir la prévision
des choses qui se passent aujourd'hui et de celles que l'avenir réserve
à l'humanité, tant ces paroles on1 de rapports ave c l'état actuel, et
avec ce qu'annoncent de toutes parts les Esprits.

Communication de Joseph de Maistre.


(Société de Paris, 22 mars 1867. Méd. M. Desliens.)

Demande. D'apres les pensées contenues dans les fragments dont


il vient d'être donné lecture, vous paraissez avoir été animé vous-
même de l'esprit prophétique dont vous parlez, et que vous décrivez
si bien. Un demi-siecle à peine naus sépare de l'époque ou vous
écríviez ces lignes remarquables, que déjà nous voyons nos prévi-
sions se réaliser. Peut-être n'est-ce pas au point de vue exclusif ou
vous plaçaient alors vos croyances, mais à coup sur tout nous montre
comme imminente et en voie de s' accomplir ,_ la gran de révolution
morale que vous avez pressenlie, et que préparent les idées nouvelles.
Ce que vous dites a un rapport si évident avec le Spiritisme, que nous
pouvons avec toute raison vous considérer comme l'un des prophetes
de son avénement. Sans doute que la Providence vous avait placé
ou,
dans le mi li eu par le fait même de vos principes, vos paroles
devaient avoir plus d'autorité. Ont-elles été comprises par votre
parti? Les com prend -il encore maintenant? 11 est permis d' en
douter.
Aujourd'hui que vous pouvez envisager les choses d'une maniere
plus large, et embrasser de plus vasles horizons, nous serions heu-
reux d'avoir votre appréciation actuelle sur l' esprit proplzétique, et
sur la part que doit avoir le Spiritisme dans le mouvement régéné-
rateur.
Nous serions de plus tres honorés si nous pouvions vous compter
- 108-
désormais au nombre des bons Esprits qui veulent bien concourir à
notre instruction.
Réponse. Messieurs, bien que ce ne soit point la premiere fois que
je me trouve parmi vous, comme je m'y introduis officiellement au-
jourd'hui, je vous prierai d'agréer mes remerciements pour Ies paroles
bienveillantes que vous avez bien voula prononcer à mon intention,
et de recevoir mes félicitations pour la sincérité et Ie dévoument qui
président à vos travaux.
L'amour de la vérité fut mon seul gúide, et si je fus de mon vivant
le partisan d'une secte que l'on a appris à juger avec sévérité, c'est
que je croyais trouver en elle Ies éléments, Ia force d'action néces-
saires pour arriver à la connaissance de cette vérité que je soupçon-
nais. - J'ai vu la terre promise, mais je n'ai pu y pénétrer de mon
vivant. PIus heureux que moi, messieurs, profitez de Ia faveur qui
vous est accordée pour votre bonne volonté, en améliorant votre
creur et votre esprit, et en faisant partager votre bonheur à tous
ceux de vos freres en humanité, qui n'opposeront à votre propagande
que la réserve naturelle à chaque homme placé en face de l'inconnu.
Comme eux, j'aurais voulu raisonner votre croyance avant de
l'accepter, mais je ne l'aurais pas honnie, quelque bizarre que soient
8es moyens de manifestation, par la seule raison qu'elle pouvait
nuire à mes intérêts ou qu'il me plaisait d'en agir ainsi.
Vous avez pu vous en convaincre, j'étais avec Ie clergé, adepte de
la morale de l'Évangile, mais, je n'étais pas avec lui 1 partisan de
rimmuabilité de l'enseignement et de l'impossibilité de nouvelles
manifestations de la volonté divine. Pénétré des saintes Écritures
que j'ai lues, r elues et commentées, la lettre et l'Esprit me faisaient
prévoir l'avénement nouveau. J'en remercie Dieu, car j'étais heureux
en espérance, pour moi qui sentais intuitivement que je participerais
au bonheur de connaitre les nouvelles vérités, en quelqu'endroit
que je fusse; pour mes freres en humanité qui verraient se dissiper
les ténebres de l'ignorance et de l'erreur devant une évidence irré-
cusable.
L'Esprit prophétique embrase Ie monde entier de ses eff1uves régé-
nératrices. - En Europe comme en Amérique, en Asie, partout, chez
les catholiques comme chez Ies musulmans, dans tom; Ies pays, dalis
tous Ies climats, dans toutes les sectesreligieuses, la nouvelle révélation
s'infiltre, avec l'enfant qui nait, avec le jeune homme qui se déve-
loppe, avec le vieillard qui s'en va.- Les uns arrivent avec les maté-
riaux nécessaires pour l' édification de l' reuvre; Ies autres aspirent à. un
- 1.09 -
monde qui leur révélera les mysteres qu'ils pressentent. - Et, si la
perséculion morale vous plie sous son joug, si l'intérêt matériel, la
position social e arrête quelques-uns des fils de I'Esprit dans leur
marche ascendante, ceux-Ià seront les martyrs de la pensée, dont les
sueurs intellectuelles féconderont l'enseignement, et prépareront les
générations de I'avenir à une vie nouvelle.
Le Spiritisme, en France, se manifeste sous un autre nom en Asie.
Il a des agents dans les différentes nuances de la religion catholique,
comme il en a parmi les sectateurs de la religion musulmane. -
Là-bas, la révélation, à un degré inférieur de développement, est
noyée dans le sllng; mais, elle n'en poursuit pas moins sa marche,
et ses ramifications entourent le monde dans un vaste réseau, dont
les mailles vont se resserrant à mesure que l'élément régénérateur se
dévoile davantage. - Des catholiques, des protestants, cherchant à
faire pénétrer la nouvelle croyance chez les fils de l'Islam, eussent
rencontré des obstacles insurmontables, et de bien rares adeptes
fussent venus se ranger sous leur drapeau.
L'esprit prophétiqlle y a pris une autre forme; il a assimilé son
langage, ses instrllctions, aux formes matérielles et aux pensées inti-
mes de ceux auxquels il s'adressait. - Bénissez-en la Providence
qui voit mieux que vous comment et par qui elle doit amener le mou-
vement qui pousse les mondes vers I'infini.
L'aspiration à de nouvelles connaissances est dans I'air qu'on res-
pire, dans le livre qu'on écrit, dans le tableau que l'on peint; l'idée
s'imprime SUl' le marbre du statuaire, comme sous la plume de l'his-
torien, et tel, qui serait bien étonné d'être rangé parmi les Spirites,
est un instrument de la Toute-puissance pour l'édification du Spiri-
tisme.
J'interromps cette communication qui devient fatigante pour le
médium qui n'est pas habitué à mon influx fluidique. Je la continuerai
une autre fois, et je viendrai, puisque tel est votre désir, apporter
ma part d'action à vos travaux, ne me contentant plus d'y assister,
témoin invisible, ou inspirateur inconnu, comme je l'ai déjà fait
maintes fois.
J. DE MAISTRE.
- HO-

La Ligue de l'Enseignement.
2" Article.
(Voir le na précédent, page 79.)

A propos de l'artic\e que nous avons publié sur la ligue de I'ensei-


gncment, nous avons reçu de M. Macé, SOI1 fondateur, la lettre sui-
vante que nous nous faisons un devoir de publier. Si nooJs avons
exposé les motifs sur lesquels nous appuyons I'opinion restrictive que
nous avons émise, il est de toute équité de mettre en regard les
explicatinns de l'auteur.
Beblenheim, 5 mars i 867.
Monsieur,
M. Ed. Vauchez me com muni que ce que vous avez dit de la l(que
de l' enseignement dans la Revue Spirite, et je prends la Iiberté de
vaus adresser, non paR ulle réponse à publier dans votre Hevue,
mais quelques explications personnelles SUl' le but que je poursuis,
et le plan que j'ai dressé. Je serais heureux si elles pouvaient dissi-
peI' les scrupules qui vous arrêtent, et vous rallier à un projet qui
n'a pas, dans mon esprit du moios, le vague que vous y avez vu.
I! s'agít de grouper, dans chaque localité, tous ceux qui se sentent
prêts à faire acte de cítoyens eo contribuant personnellement au dé-
veloppelflent ue l'instruction publique autour d'eux. Chaque gr0upe
aura nécessairement à se faire lui ·même son programme, la mesure
de son action étant nécessaireme~t déterminée par ses moyeos d'ac-
tions. Là, il m'était bieo impossible de rien préciser; mais la natUl'e
de cette aClion, le poiot capital, je I' aí précísé de la maniêre la plUS
claire·et la plus nette : Faire de l'instruction pure et simple, en de--
hors de toute préoccupation de secte et de parti; e'est là un premieI'
article uniforme, inscrit d'avance en tête de tous les prospectus; lã
sera leur unité morale. Tout cercle qui viendrait à I' enfreindre sorti··
rait de pleio droit de la ligue.
Vous êtes, je ne saurais en douter, trop loyal pour ne pas coovenir
qu'il n'y aura placfl apres cela pour aucune déception quand 011 en
viendra à I'exécution. 11 ne pourrait y avoir de déçus que ceux qui
seraieot entrés dans la ligue avec I' espoir secret de la faíre servir au
triompbe d'une opinion particuliere': ils sont prévenus.
Quant aux intenlions que pOl!rrait avoir l'auteur du projet lui-
même et à la confiance qu'i! convient de lui aceorder, permettez-moi
de m'en tenir à la réponse que j'ai déj ~L faite une fois à un soupçon
émis dans les Annales du travail, et dont je vous prie de vouloir
- Ui-
bien prendre connaissance. ElIe s'adresse à un doute SUl' mes ten-
dances libérales; elle peut s'adresser tout aussi bien aux doutes qui
pourraient s'élever dans d'autres esprits SUl' la loyauté de ma décla-
ration de neutralité.
J'ose espérer, monsieur, que ces explications vaus paraitront suffi-
samment nettes pour modifier votre impression premiere, el que vous
croirez bO Il , s'i! en est ainsi, de le dire à vos lecteurs. Tout bon ci~
toyen doit l'appui de son influence personnelle 1:1, ce qu'il reconnait
utile, et je me sens si convaincu de l'utilité de notre projet de Ligue,
qu'il me parait impossible qu'elle puisse échapper à un esprit aussi
exercé que le vôtre.
Recevez, monsieur, mes bien cordialeõ et fraternell es salutations;
JEAN MACÉ.

A cette letlre, M. Macé a bien voulu joindre le n° des Annales du


travail, ou se trouve la réponse mentionuée ci-dessus, et que naus
reproduisons intégralement.
lleblenheim, le 4 janvier 1867.
Monsieur le rédacteur,
L'obj ection qui vaus a été faite relativement à une modification
possible de mes idées libérales, et par suite au danger, possible
aussi, d' une direction mauvaise donnée à l'enseignement de la Ligue,
cette objection me parait affligeante, et je vous demande la permis-
sion de répondre à ceux qui vaus I'ont faite, non pas pour ce qui me
concern e, - je le juge inutile, - mais pour I'honneu\' de mon idée
qu'ils n'ont pas comprise. La Ligue n'enseigne rien, et n'aura pas de
direclion à donner; il est donc superflu de s'inquiéter des à présent
rles opinions plus ou moins libérales de celui qui cherche à la fonder.
Je fais appel à tous ceux qui prennent à creur le dévc\oppement
de l'inslJuclion dans leu\' pays et qui désirent y travailler, soit sur
les autres, ell enseignant, soit SUl' eux-mêmes, en apprenant. Je les
invite à s'associer sur tous les points du territoire; à faire acte de
citoyens, en combaliant I'ignol'ance, et de leur bourse, et de leur
personne, cc qui vaut mieux encore; á pourchasser homme à homme,
les mauvais peres qui n'envoient pas leurs enfants à l'école; à
faire honte aux camarades qui ne savent ni lire, ni écrire, et à leur
rappeler qu'il est toujours temps; à lem mettre au besoin le livre et
la plume à la main, en s'improvisant professeurs, chacun de ce qu'il
sait; à créer des cours et des bibliotheques, au profit des ignorants
qui désirent cesser de l'être; à former enfin par toute la France, un
- 112-
seul faisceau pour se prêter un mutuel appui contre les influences
ennemies, - iI y en a malheureusement d'une élévation, censée dan-
gereuse, dans le niveau intellectuel du peuple.
Que tout cela parvienne à se faíre, en quoi, s'il vous plalt, et dans
quel sens inquiétant, ce mouvement uni verseI pomrait-il être dirigé
par n'importe qui? Qu'il s'organise, par exemple, à Paris, entre ou-
vriers, des Sociétés de culture intellectuelle comme celles qui exis-
tent par centaines dans les villes d'Allemagne, et dont M. Edouard
Pfeiffer, le président de l'association d'instruction populaire de Wur-
temberg, expliquait lE~ fonctionnement d'une façon si intéressante
dans le n° de la Coopération du 30 septembre dernier; que, dans
le faubourg Saint-Antoine, dans le quartier du Temple, à Montmar-
tre, aux Batignolles, des groupes de travailleurs, entrés dans la Ligue,
s' entendent ensemble pour se donner, à certains jours, des soirées
d'instruction avec des professeurs de bonne volonté, ou même rétri-
bués, pourquoi pas? - les ouvriers anglais et allemands ne se refu-
sent pas ce luxe-Ià, - je voudrais bien savoir ce que viendront faire
là-dedans les doctrines d'un professem de demoiselles qui fait sa
classe à Beblenheim, et qui n'a aucune envie de changer d'élêves.-
Est-ce que ces gens-Ià: ne seront pas chez eux? Est-ce qu'ils auront
des permissions à me demander?
Ce n'est pas que je me défende d'avoir une doctrine en matiêre
d' enseignement populaire. J' en ai une assurément; je ne me serais pas
permis, sans cela, de me mettre de mon propre chef, à la tê te d'un
mouvement comme celui-ci. La voiei telle que je viens de la formuleI'
dans l' Annuaire de l'association de 1867. C'est la dénégation même de
toute direction ((dans tel sens plutôt que dans un autre » pour me servir
de l'expression de ceux qui ne sont pas entierement surs de moi, et
je me déclare prêt à mettre à son service tout ce que je puis avoir
d' aulorité personnelle, - je ne crains pas d'en parler parce que j'ai
conscience de l'avoir légalement gagnée :
cc Prêcher I'ignorant dans un sens ou dans un autre n' avance à rien

« et ne l' avance pas. li dememe ensuite à la merei des prédications


« contraires, et n'en sait guêre plus long qu'avant. Qu'il apprenne
« ce que savent ceux qui le prêchent, c'est tout autre chose; il sera
cc en état de se prêcher lui-même, et ceux qui craindraient qu'il soit

« à lui-même un mauvais prédicateur peuvent se rassurer d'avance.


(( L'ins!ruction n'a pas deux maniêres d'agir sur ceux qui la possê-
« dent. S'i1s s'en trouvent bien pour leur compte, pourquoi ne ren-
« drait- elle pas le même ser vice aux autres? »
- H3-
Si vos correspondants « du dehors » connaissent une façon plus
bérale d'entendre la question de l'enseignement populaire, qu'ils
nuillent bien me l'apprendre. Je n'en connais pas.
JEAN MACÉ.
P.-S. Vous me priez de répondre à une question qui vous été faite
ur la destination future des sommes souscrites pour la Ligue.
La souscription ouverte présentcmcnt est destinée à couvrir les
frais de propagande du projeto Je publierai dans chaque bulletin,
comme je viens de le faire dans le premier, I' état des recettes et des
dépenses, et je rendrai mes comptes, avec piêces à l'appui, à la com-
mission qui sera nommée à cet effet, dans la premiêre assemblée
générale.
Quand la Ligue sera constituée, l'emploi des catisations annuelles
devra être déterminé- c'est du moins mon avis- au sein des grou-
pes d'adhéren!s qui se forment. Chaque groupe fixerait lui-même la
part qu'il lui conviendrait de verser au fonds général de propagande
de l' reuvre, ou iraient également les cotisations des adhérents qui ne
jugeraient pas à propos de s'engager dans un groupe spécial.
Réflexions sur les lettres précédentes.
Cela tient sans doute au défaut de perspicacité de notre intelli-
gence, mais nous aVOtlons en toute humilité n'être pas plus éclairé
qu'auparavant; nous dirons même que les explications ci-dessus
viennent confirmeI' notre opinion. Il nous avait été dit que l'auteur
du projet avait un programme bien défini, mais qu'i! se réservait de
le faire connaitre lorsque les adhésions seraient suffisantes. Cette ma-
niere de procéder ne nous paraissait ni logique, ni pratique, cal' on
ne peut rationnellement adhérer à ce que 1'0n ne connait pas ; 01', la
lettre que M. Macé a bien voulu nous écrire, ne donne nullement à
entendre qu'i! en soit ainsi; elle dit au contraíre: Q Chaque groupe
aura nécessairement à faire lui-même son programme, ce qui signifie
que 1'auteur n'en a pas un qui lui soit personnel. 11 en résulte que
s'il y a mille groupes, il peut y a voir mille programmes; c' est la porte
ouverte à l'anarchie des systêmes.
Il ajoute, il est vrai, que le point capital est précisé de la maniêre
la plus claire et la plus nette par l'indication du but qui est de :
« Faire de l'instruction pure et simple, en dehors de toute préoccu-

pation de secte et de parti.)) Le but est louable, sans doute, mais


nous ,n'y voyons qu'une bonne intention, et non la précision índis-
pensable dans les choses pratiques.
- 114-
({ Tout cercle, ajoute-t-il, qui viendrait à l'enfreindre sortiraiL de
plein droit de la Ligue.)) C' est lã la mesure comminatoire ; eh bien ! ces
cercles en seront quittes pour sortir de la Ligue, et pour en former
d'autres à côté, sans croire avoir démérité en quoi que ce soit; voilã
donc la Ligue principale rompue des son principe, faute d'une unité
de vue et d'ensemble. l,e but indiqué est si général qu'il se prête à
une faute d'applications tres contradictoires, et que chacun I'inter-
prétant selon ses opinions personnelJes, croira être dans le vraÍ. Ou
est d'ailleurs I'autorité qui peuL légalement prononcer cette exclu-
sion? II n'y en a pas ; il n'y a aucun centre régulateur ayant qualité
pour apprécier ou contrôler les programmes individueIs qui s'écar-
teraient du plan général. Chaque groupe étant sa propre autorité, et
son centre d'action, est seul juge de ce qu'il fait; dans de telles
conditions, nous croyons une entente impossible.
Nous ne voyons jusqu'ici, dans ce projet, qu'une idée générale;
01', une idée n'est point un programme. Un programme est une ligne
tl'acée dont nul ne peut s'écarLer consciemment, un plan arrété dans
les plus minutieux détails, et qui ne laisse rien á I' arbitraire, ou toutes
les difficultés d'exécution sont prévues, ou les voies et moycns sont
indiqués. Le meilleur programme est celui qui laisse le moins possi-
ble à I'imprévu.
« II m'était bien impossible de rien préciser, dit l'auteur, puisque
la mesure d'action de chaque groupe sera nécessairement déterminée
par ses moyens d'action; )) en d'autres termes, par les ressources
matérielles dont il pourra disposer. Mais ce n'est pas lá un e r aison.
Tou s les jours Oll fait des plans, on élabore des projets subordonnés
aux moyens éventuels d'exécution ; c'est seulement en voyant un
plan, que le public se déci de à s'y associeI' seion qu'i1 en comprend
i' utilité et y voit des éléments de succes. '
Ce q u'il aurait faliu faire avant tout, c'eut été de sign aler avec
précision les iacunes de l'enseignement que I'on se proposait de COI11-
bier, ies besoins auxquels 011 voulait pourvoil'; dire : si l'on cntendait
favoris cr la gratuiLé de l'enseignement en rétribual1t ou indemni-
sant les instituteurs et les institutrices ; fond er des écoles oü il n' y
en a pas; suppiéer à, l'insuffisance du matériel d'instruction dans les
écoles trop pauvres pour s'en pourvoir; fournir les livres aux ellfants
qui ne peuvent s'en procllrer ; fonder des prix d'encouragernent
pour les éleves et les institu!.eurs; créer des cours d'adultes; payer
des hommes de talent pour alieI', comme' des missionnaires, faire
des conférences instructi"es dans les carnpagnes, y détruire les idées
- i15-
superstitienses à l'aide de la science; définir l'objet et l'esprit de ces
cours et de ces conférences, etc., ces choses-Ià ou d' autres. Alors
seulement le but aurait été nettement spécifié. Puis on aurait dit :
I Pour I' aUeindre, il faut des ressources matérielles; nous faisons
appel aux hommes de bonne volonté, anx amis du progres, à ceux
qui sympathisent avec nos idées; qú'ils forment eles comités par dé-
partements, arronelissements, cantons ou communes, chargés de
recueillir les souscriptions. 11 n'y aura point de caisse générale et
centrale, chaque comité aura la sienne clont il dirigera l'emploi s610n
le programme tracé, en raison des re~ sol!lrces dont il pourra dispo-
ser; s'il recueille beaucoup, il fera beaucoup, s'il recueille peu, il
fera moins. Mais il y aura un comité directeur, chargé de centrali-
seI' les renseig nements, de trallSll1ettre les avis et les instructions né-
cessaires, de résoudre les difficultés qui pourraient surgir , d'impri-
mer [~I'ensemble le cachet d'unité, saús lequeIla ligue seraitun vain
moto Une ligue s' entend d' une association d'individus marchant d'un
commun aecord et solidairement vers la réalisation d'un but déter-
miné; 01', eles ,'instan t que chacun peut entendre ce but à sa ma··
niere, et agir à sa guise, il n'y a pl ~l S ni ligue, ni association.
Il ne s'agit pas seulement ici d' un but à aUeindre; des l'instant
que sa réalisation repose S Ul' eles capitaux à recueillir par voie de
souscription s, il y a combinaison financiere; la partie économique
du projet ne peut être laissée au caprice des individus, ni au hasard
des évéllements sous peine ele péricliter; elle demande une élabora-
tion préalable sérieuse, un plan conçu avec prévoyance en prévision
de loutes los éventualités.
Un point essentiel auquelon ne parait pas avoir songé, est celui-
ci : Le but qu' on se propose étan t permanent, et non temporaire
comme lorsqu'il s'agit d'une infol'tune à soulager, ou d'un rnonu-
ment à. élever, exige eles ressourcespel"manentes. L'expérience prou-
vant qu'il ne faut jamais compter sur des souscriptions volontaires
régulieres et perpétuelles, si I' on opérait directement avec le procluit
des souscl'iptions, ce produit serait bientôt absorbé. Si 1'on veut que
I'opération ne soit pas arrêtée dans sa source même, il faut consti·
tuer uo revenu pour ne pas vivre SUl' son capital; par conséquent,
capitaliser les sO'lscriptions de la maniere la plus sure et la plus pro-
ductive. Comment? avec quelle garuntie et SOilS quel contrôle?Voilà
ce que tout projet reposant SUl' un mouvement de capitaux, doit
avant tout l:.révoir et déterminer avant de rien encaisser, comme il
doit également déterminer l'emploi et la répartition des fonds ver-
- 116 -
sés par anticipation, dans le cas 011, par une cause quelconque, il n'y
serait pas donné suite. Par sa nature, le projet comporte une partie
économique d'autant plus importante, que c'est d'elle que dépend
son avenir, et qui fait ici totalement défaut.
Supposons qu'avant l'établissement des sociétés d'assurance, un
homme eut dit :« Les incendies font journellement des ravages; j'ai
pellsé qu'en s'associant et en se cotisant on pourrait atténuer les
effets du fléau; comment? je l'ignore; souscrivez d' abord, et nous
aviserons ensuite; vous chercherez vous-mêmes le moyen qui vous
conviendra le mieux, et vous tâcherez de vous entendre. )) Sans
doute, l'idée eut souri à beaucoup ; mais quand on se serait mis à
l'reuvre, à combien de difficultés pratiques ne se serait-on pas
heurté, faute d'avoir eu une base préalablement élaborée! Il nous
semble que le cas est ici à peu pres le même.
La lettre publiée da.ns les A?males du travail, et rapportée ci-
dessus, n'élucide pas davantage la question; elle confirme que le
plan et l'exécution du projet sont laissés à l'arbitraire et à l'initiative
des souscripteurs ; or, quand l'initiati ve est laissée à tout le monde,
personne ne la prendo D'ailleurs, si les hommes ont assez de juge-
ment pour apprécier si ce qu'on leur offre est bon ou mauvais, tous
ne sont pas aptes à élaborer une idée, surtout lorsqu'elle embrasse
un champ aussi vaste que celui-ci. Cette élaboration est le complé-
ment indispensable de l'idée premiere. Une ligue est un corps orga-
nisé qui doit avoir un reglement, des statuts, pour marcher avec
ensemble, si elIe veut arriver à un résultat. Si M. Macé eut établi
des statuts, même provisoires, sauf à les soumettre plus tard à l'ap-
probation des souscripteurs qui eussent été libres d8 les modifier,
ainsi que cela se pratique dans toutes les associations, il eut donné
un corps à la Ligue, un point de ralliement, tandis qu'elle n'a ni
l'un ni l'autre. Nous disons même qu'elle n'a pas de drapeau, puis-
qu'il est dit dans la letfre précitée: La ligue n' enseignera rien, et
n' aura pas de direetiun à donner; il est done super(lu de s' inquiéter des
á présent des opinions plus ou moins libérales de celui qui c/zere/ze â
la (onder. Nous concevrions ce raisonnement s'i! s'agissait d'nne
opération industrielle; mais dans une question anssi délicate que
l'ellseignement, qui est envisagé à des points de vue si controversés,
qui touche aux pIus graves intérêts de I'ordre social, nous ne com-
prenons pas qu'i! puisse être fait abstraction de l'opinion de celui
qui, à titre de fondateur, doit être râme de l'entreprise. Cette asser-
tion est une erreur regrettable.
- 117-
Du vague qUI regne dans l'économie du projet, il résulte qu'en
souscrivant, nul ne sait à quoi ni pour quoi il s'engage, puisqu'il ne
sait quelle direction prendra le groupe dont il fera partie; qu'il se
trouvera même des souscripteurs ne faisant partie d'aucun groupe.
L'organisation de ces groupes n'est pas même déterminée; leurs cir-
conscriptions, leurs attributions, leur sphere d'activité, tout est laissé
dans l'inconnu. Personne n'a qualité pour lesconvoquer; contrairement'
à ce qui se pratique en pareil cas, aucun comité de surveillance n'est
institué pour régler et contrôler l'emploi des fonds versés par antici-
pation et qui servent à payer les frais de propagande de l'idée. Puis-
qu'il y a des frais généraux acquittés avec les fonds des souscripteurs,
il faudrait que ces derniers sussent cn quoi ils consistent. L' auteur
veut leur laisser toute latitude pour s'organiser comme ils l'enten-
dront; il ne veut être que le promoteur de l'idée; soit, et loin de naus
la pensée d'élever contre sa personne le moindre soupçon de défiance;
mais nous disons que pour la marche réguliere d'une opél'ation de ce
genre et pour en assurer le succes, il est des mesures préliminaires
indispensables qui ont été totalement négligées, ce que nous voyons
ave c regret, dans l'intérêt même de la chose; si c'est à dessein, nous
croyons la pensée mal fondée; si c'est oubIi, c'est fâcheux.
Naus n'avons qualité pour donner aucun conseil dans cette ques-
tiun, mais voici généralement comment on procede en pareil caso
Lorsque I'auteur d'un projet qui nécessite un appel à la confiance
publique, ne veut pas assumer SUl' lui seul la responsabilité de l'exé-
cutiol1, et aussi dans le but de s'entourer de pIus de lumieres, il réu-
nit lout d'abord autour de lui un certain nombre de persol1nes dont
les noms sont une recommandation, qui s'associent à son idée et l'é-
laborent avec luí. Ces personnes constituent un premieI' comité, soit
consultatif, soit coopératif, provisoire jusqu'à la constitution défini-
tive de I'opération et à la nomination d'un conseil permanent de sur-
veillance par les intéressés. Ce comité est pour ces derniers une ga-
rantie par le contrôle qu'il exerce SUl' les premieres opél'ations dont il
est chargé de rendre compte ainsi que des prernieres dépenses. C'est
en outre un appul et une décharge de responsabilité pour le fonda-
teur. Celui-ci parlant au Dom, et s'étayant de I'avis de plusieurs,
puise, dans cette autorité collective une force morale toujours plus
prépondérante SUl' l'opinion des rnasses que l'autorité d'un seul. Si
l'on eut procédé ainsi pour la Ligue de l'enseignement, et si ce projet
eut été présenté dans les formes usitées, et dans des conditions plus
pratiques, les adhérents auraient sans aucun dou te été plus 110m-
- 118-
breux, mais tel qu'il est, il laisse trop à I'indécis, selon nous.
Quoique ce projet soit livré à la publicité, et par conséquent au libre
examen de chacun, nous n'en aurions point parlé, si nous n'y eus-
sions été en quelque sorte contraint par les demandes qui nous étaient
adressées. En principe, sur les choses auxquelles, à not1'e point de
vue, nous ne pouvons donne1' une approbation entiere, nous préférons
garder le silence afin de n'y apporter aucune entrave. De nouvelles
explications nous ayant été demandées à propos de notre dernier
article, naus avons cru nécessaire de motiver notre maniere de voir
avec plus de précision. Mais encore une fois, nous ne donnons que
notre opinion qui n' engage personne; nous serions heureux d' être
seul de notre avis, et que I'événement vint prouver que nous nous
sommes trompé. Nous nous associons de grand coour à l'idée-mere,
mais non à son mode d'exécution.

Manifestations spontanees.
Moulin de Vicq-sur-Nahon.
Sous le tltre de : Le diable au maulin, le il10niteur de l' lndre de
février 1867 contient le récit suivant :
« Le sieur Garnier, François, est fermier et meunier au bOllrg de
Vicq-sur-Nahon. C' est, nous aimons à le penser, un homme paisible,
et cependant, depuis le mois de septembre, son monlin est le théâtre
de faits miracul eux, propres à faire supposer que le Diable, ou toat
au moins un Esprit facétieux, y a fait élection de domicile. Par exem-
pie, il paralt hOl's de doute que, diable ou Esp1'it, l'auteur des faits
que nous avons à raconter, aime à dormir la nuit, cai' il ne travaille
que le jour.
« Notre Esprit aime à jongler avec les draps des lits. 11 les prend
sans que per~ onne s'cn aperçoive, les emporte et va les cacher snit
dans un poinçon, soit dans le four ~ soit sous des bottes de foin. II
transporte d'une écurie dans une autre les draps du lit du garçon
d'écurie, et on les retrouve plus d'une heure apres sous du foin ou
dans un râlelier. Pour ouvrir leB portes,"I'Esprit de Vicq-sur- Nahon
n'a pas besoin de clé. Un jour le sieur Garnier, en présenee de ses
domestiques, ferme à dOllble tour la porte de la bOlllangerie et met
la clé dans sa pache, et cependant cette porte s'ouvre presque im-
médiatement sous les yeux de Garnier et de ses domestiques sans
qu'i!s puissent s'expliquer comment.
(( Une aulre fois, le ler janvier, - façon tont à fait neuve de sou-
hailer la bonne année à quelqu'un, - un peu avant la nuit, le lit de
plumes, les draps, les couverLures d'un lit placé dans une chambre
- H9-
sont enlevés sans que le lit soil dérangé, et on retrouve ces objets à
teITe pres de la porte de la cbambre. Garnier et les siens imaginent
alors, dans I' espérance de conjurer toute cette soreellerie, de chan-
ger les lits de ehambre, ce qui a lieu en effet; mais le déménagement
opéré, les faits diaboliques que nous venOllS de raconter recommen-
cent de plus be!le. A différentes reprises, un gareon d'éeurie trouve
ouvert le coffre ou il Serff\ ses effets, et eeux-ei épars dans l'éeurie.
« Mais voiei deux circonstanees ou se révele toute l'habileté dia-
bolique de I'Esprit. Au nombre des domestiques du sieur Garnier se
trouve une petite filie de 13 ans, nommée Marie Riehard. Un jour,
cette enfant, étant dans une ehambre, vit tout à coup se dresser sur
le lit une petite chapelle, et tous les objets placés sur la cheminée,
4 vases, 1 christ, 3 verres, 2 tasses, dans I'une desquelles était de
I'eau bénite, et une petite bouteille remplie aussi d'eau bénite, aller
suceessivement, comme obéissant à l'ordre d'un être invisible, pren-
dre place SUl' l'autel improvisé. La porte de la chambre était entr'ou-
verte, et la femme du frere de la petite Richard prês de la porte.
Une ombre est sortie de la chapelle, au dire de la petite Richard,
s'est approchée de l'enfant et \'a chargée d'inviter SéS maitres à
donner UH pain bénit et à faire dire une messe. L'enfant le promit;
pendant neuf jours le calme régna dans le moulin; Garnier fait dire
la messe par le curé de Vicq, offre un pain bénit, et des le lende-
main, 15 janvier, les diableries reeommencent.
« Les clés des portes disparaissent; les portes qu'on a laissées ou-
vertes se trouvent fermées, et un serrurier appelé pOul' ouvrir 1<1
porte du moulin, ne peut y parvenir et se voit dans la nécessité de
dérnonter la serrure. Ces derniers faits se passaient le 29 janvier. Le
même jour, vers mídi, comme les domestiques prenaient leurs re-
pas, la fili e Richard prend un broe de boisson , se sert à boire, et
la montre du sieur Garnier, aceroehée à un clou de la eheminée,
tom be dam, son verre. On replace la montre à la cheminée ; mais la
fili e Richard, en se servant d'un plat servi SUl' la table, amene la
montre avec sa cuillere. Pour la troisieme fois, on aeeroche la mon-
tre iL sa place, et, pour la troisiême fois, la petite Riehard la trouve
dans un pot qui bcuilll;iit devant le feu, ainsi qu'une petite bouleille
renfermant un médieament, et dont le bouehon lui saute au visage.
q Bref, la terreur s'empare des habitants du mOlllin; personne ne

veut plus rester dans une maison ensorcelée. Enfin Garnier prit le
parti de prévenir M. le commissaire de police de Valençav qui se
rendit à ViCq1 accompagné de deux gendarmes. Mais le dlable n' a
pas jugé à propos de se montrer aux agents de I'autorité. Seulement,
eeux-ci OJ1t conseillé à Garnier de renvoyei' la filie Richard, ee qu'il
a fait aussilôt. Cette mesure aura-t-elle suffi à mettre le dia-
- 120-
ble en déroute? Espérons-Ie, pour le repos des gens du moulin.
Dans un numéro postérieur, le .lI1oniteur de l' lndre contient ce qui
suit:
« Nous avons raconté, en leur temps, toutes les diableries qui se
sont passées au moulin de Vicq-sur-Nabon, dont le sieur Garnier est
locataire. Ces diableries, jusqu'à présent comiques, commencent à
tourner à la tragédie. Apres les farces, Ies jongleries, les tours de
prestidigitation, voici que le diable a recours à I'incendie.
« Le 1.2 de ce mois, deux tentatives d'incendie ont eu lieu presque
simultanément dans les écuries du sieur Garnier. La premiere a eu
lieu vers cinq heures du soir. Le feu a pris dans la raiIJe, au pied du
lit des garçons meuniers. Le second incendie a éclaté environ une
heure apres le premier, mais dans une autre écurie. La feu a pris
également au pied d'un lit et dans la paille.
« Ces deux incendies ont été heureusement éteints par le pere de
Garnier, âgé de quatre-vingts ans, et ses domestiques, prévenus par
la nommée Marie Richard.
« Nos lecleurs doivent se rappeler que cette jeune filie, âgée de
quatorze ans, s'apercevait toujours la premiere des sorcelleries qui
avaíent lieu au moulin, si bien que, SUl' les conseils qui lui avaient
été donnés, Garnier avait renvoyé de chez lui la filie Richard.
Lorsque les deux incendies ont éclaté, cette filie était rentrée depuis
quinze jours chez le sieur Garnier. C'est elIe encore qui s'est aperçue
la premiêre des deux incendies du 12 mars.
(i D'apres les recherches faites au moulin, Ies soupçons se pbrte-
rent sur deux domestiques. I
«La famille Garnier est tellement frappée des événements dont son
moulin a été le théâtre, qu'elle s'est persuadée que le diable, ou tout
au moíns quelque Esprit malfaisant a élu domicile dans leur demeure."
Vn de nos amis a écrit au sieur Garnier, en le pl'iant de lui faire
savoir si les faits rapportés par le journal étaient réels ou des contes
faits à plaisir, et dans tous les cas, ce qu'il pouvait y avoir de vrai
ou d' exagéré dans ce récit.
M. Garnier a répondu que tout était d'une parfaite exactitude et
conforme à la déclaration que lui-même avait faite au commissaire
de police de Valençay. 11 confirme aussi les deu x incendies et ajoute:
Le journal n'a même pas tout raconté. Selon sa lettre, les faits se pro~
duisaíent depuís quatre à cinq mois, et ce n' est que, poussé à bout par
leul' répétition, sans pouvoir en découvrir I' auteur, qu'il a fait sa dé-
claration. 11 termine en disant : « J e ne sais, monsieur, dan s quel
but vous me demandez ces renseignements; mais, si vous avez
quelques connaissances dans ces choses-Ià, je vous prie de prendre
part à mes peines, car je vous assure que nous ne sommes pas à notre
- 121 -
aise dans notre maison. Si vous pouvez trouver un moyen de décou-
vrir l'auteur de tous ces faits scandaleux, vous nous rendriez un
grand ser vice. »
Un point important à éclaircir était de savoir quelle pouvait être
la participation de la jeune filie, soit volontairement par malice, soit
inconsciemment par son influence. Sur cette question, le sieur Gar-
nier dit que l' enfant n' ayant été hors de la maison que pendant quinze
jours, il n'a pu juger de I'effet de son absence; mais qu'il n'a aucun
soupçon sur elle J comme malveillance, non plus que sur ses autres
domestiques; qu'elle avait presque toujours annoncé ce qui se pas-
sait hors de sa portM; qu'ainsi, elle avait dit plusieurs fois: «Voilà
le lit qui se bouleverse dans telle chambre, » et qu'y étant entré sans
la perdre de vue, on trouvait le lit bouleversé; qu'elle a pareillement
prévenu des deux incendies arrivés depuis son retour.
Ces faits, comme on le voit, appartiennent au même genre de phé-
nomenes que ceux de Poitiers (revue de février et mars 1864, pages 47
et 78, - id., mai 1865, page 134); de Marseille (avril1865, page
1 ~ 1) ; de Dieppe (mars 1860, page 76), et tant d'autres qu'on peut
appeler manzfestations tapageuses et pertul'batl'ices.
Nous ferons d'abord remarquer la différence qui existe entre le
ton de ce récit et celui du journal de Poitiers à l'occasion de ce qui
s'est passé dans cette ville. On se rappelle le déluge de sarcasmes
gu'il fit pleuvoir à ce sujet SUl' les Spirites, et sa persistance à soute-
Bir contre I'évidence que ce ne pouvait être que l'reuvre de mauvais
plaisants qu'on ne tardeI'ait pas à découvI'ir, et qu'en définitive 011
B'a jamais découverts. Le Mon iteur de l'Indre, pIus prudent, se
borne à nn récit qui n'est assaisonné d'aucune plaisanterie déplacée,
et qui implique plutôt une affirmation qu' une négation.
Une autre remarque, c'est que des faits de ce genre ont eu lieu
bien avant qu'il ne fUt question du Spiritisme, et que depuis ils se sont
presque tonjours passés chez des gens qni ne le connaissaient même
pas de nom , ce qui exclut toute influence due à la croyance et 1;.
I'imagination. Si l'on accusait les Spirites de simuleI' ces manifesta-
tions dans un but de propagande, on demanderait qui pouvait les
produire avant qu'il n'y eut des Spirites.
Ne conn aissant ce qui s'est passé au moulin de Vicq~sur-Nahon
que par le récit qui en est fait, nous nous bornons à constateI'
qu'ici rien l1e s'écaI'te de ce dont le Spiritisme admet la possibilité,
ni des condiLions noI'males dans lesquelles de pareils faits peuvent se
produire; que ces faits s'expliquent par des lois paI'faitement natu-
relles, et n'ont par conséqllent rien de merveilleux. L'ignoI'ance de
ces lois a seule pu, jusqu'à ce jour, les faire considérer comme des
effets surnaturels, ainsi qu'il en a été de presquc tous les phéno-
menes dont la science a plus tard révélé les lois.
- t22-
Ce qui peut sembler plus extraordinaire, et s'explique moins faci-
lement, c'est le fait des portes ouvertes apres avoir été soigneuse-
ment fermées à clef. Les manifestations modernes en offrent plu-
sieurs exemples. Un fait analogue s'est passé à Limoges, il ya ql1s1-
ques années (Revue d'aoút J 860, page 249). De ce que l'état de
nos connaissances ne nous permettrait pas d'en donner encore une
explication concluante, cela ne préjugerait rien, cal' nous sommes
loin de connaitre toutes les lois qui régissent Ie monde invisible,
toules les forces que receie ce monde, ni toutes les applications des
lois que nous connaissons. Le Spiritisme n'a pas encore dit son der-
nier mot, tant s'eo faut, pas pIus sur les choses physiques que sur
les choses spirituelles. Bien des découvertes seront Ie fruit d'obser-
vations uItérieures. Le Spiritisme n'a fait el1 quelque sorte, jusqu'à
présent, que poser les premiers jalons d'une science dont la portée
est inconnue. A l'aide de ce qu'il a déjà découvert, il ouvre à ceux
qui viendront apres nous Ia vaie des in vestigations dans un ordre
spécial d'idées. Il ne procede que par observations et déduc-
tions et jamais par supposition. Si un fait est constaté, il se dit qu'il
doit avoir une cause, et que cette cause ne peut être que naturelle,
et alors il la cherche. A défaut d'une démonstration catégorique, iI
peut donner uné l{ypothese, mais jusqu'à confirmation , il ne Ia donne
que comme hypothese, et non comme vérité absolue. A l'égard du
phénomene des portes ollvertes, comme à celui des apports à travers
les corps rigides, il en est encore réduit à une hypothese basée SUl'
les propriétés fluidiques de Ia matiere, tres imparfaitement con--
nues, ou, pour mieux dire, qui ne sont encore que soupçonnées.
Si le fait en queslion est confirmé par l'expérience, il doit avoir,
comme nous l' avons dit, une cause naturelle; s'il se répete, c' est
qu'il n'est pas une exception mais la conséquence d'une loi. La pos-
sibilité de la dálivrance de saint Pierre dans sa prison, rapportée aux
Acles des apôtres, chap. XII, serait ainsi démontrée sans qu'il fUt
besQin d'avoir recours à un miracle.

De tous les effets médianimiques, les mauifestations physiques


sont les plus faciles à simuleI'; aussi faut-il se garder d'accepter
trop légerement comme authentiques les faits de ce genre, qu'ils
soient spontanés comme ceux du moulin de Vicq-sur-Nahon,
ou consciemmenl provoqués par uo médium. L'imitation ne
sallrait, il est vrai , être que grossiere et imparfaite, mais avec de
l'adresse ou peut aisémenl donner le change, COlflme on I'a faü dans
un temps pour la double vue, à ceux qui ne connai~sent pas les con-
ditions dans Iesquelles les phénomEmes réels peuvent se produire.
NOU3 avons vu de soi-disant médiums d'uoe rare habilelé à simuler
les apports, I'écriture directe et autres genres de manifestations. 11
-123 -
faut donc n'admettre qu'à bon escient l'intervention des Esprits
dans ces sortes de choses.
Dans le cas dont il s'agit, nous n'affirmons pas cette intervention;
nous nous bornons à dire qu'elle est possible. Les deux commence-
ments d'incendie pourraient seuls faire suspecter un acte humain
suscité par la malveillance, que l'avenir fera. sans doute décou-
vrir. II est bon toutefois de remarquer que, grâce à la clairvoyance
de la jeune filie, les suites en ont pu être prévenues. A I'exception de
ce dernier fait, les autres n'étaient que des espiêgleries sans consé-
quences fâche uses. S'ils sont l'reuvre des Esprits, ils ne peuvent. pro-
venir que d'Esprits légers, s'amusant des frayeurs et des impatiences
qll'ils causent. On sait qu'il y en a de tous les caracteres comme .
ici ·bas. Le meilleur moyen de s' en débarrasser, c' est de ne pas s' en
inquiéter, et de lasser leur patience qui n'est jamais de bien longue
dllrée, quand ils voient qu'on n'en prend nul sOllci, ce qu'on leur
prouve en riant soi-même de leurs malices et en les mettant au défi
d'en faire davantage. Le plus SUl' moyen de les exciter à persévérer,
e'est de se tourmenLer et de se mettre en colere contre eux. On peut
encore s'en débarrasser en les évoquant à l'aide d'un bon médium,
et en priant paul' eux; alors, en s'entretenant avec eux, on peut
savoir ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent, et leur f,lire entendre raisun.
Ces sortes de manifestations ont, du reste, un résulLat plus sérieux;
celui de propager I'idée du monde invisible qui nous entoure, et
d'affirmer son action sur le monde matériel. e'est pour cela qu'elles
se pl'Oduü'ient de préférence chez les gens étrangers au Spiritisme,
plulôt que chez les Spirites qui n'en ont pas besoin pour se con-
vaincre.
La fra.ude, en pareil cas, peut quelquefois n'être gu'une innocente
plaisanterie, ou un moyen de se donner de l'importance en faisant
croire à une fa,culté qu'on ne possede pas, ou qu'on ne possMe
qu'imparfaitement; mais le plus souvent elle a pour mobile un intérêt
patent ou dissimulé, et pour but d'exploiter la confiance de gens
Irop crédules ou inexpérimentés ; e'est alors une véritable escro-
querie. li serait superflu d'insister pour dire que ceux qui se rendent
coupables de trompE?ries quelconques en ce genre, n'y fussent-ils
sollicités que par I'amour- propre, ne sont pas Spirites, lors même
qll'i1s se donneraient· pour tels . Les phénomenes réels ont un
caractel'e sui generis, et se produisent dans des circonstances qui
défient toute suspiciun. Une connaissance complete de ces caracteres
et de ces circonstances peut facilement faire découvrir la super-
cherie.
Si ces explications vont à la connaissance du sieur Garnier, il y
trouvera la réponse à la demande qu'il fait dans sa lettre.
Vn de nos correspondants nous transmet le récit, écrit par un té-
- 124-
moin oculaire, de manifestations analogues qui ont eu lieu en janvier
dernier au bourg de la Basse-Indre (Loirt3-Inférieure). Elles ont
consisté en des coups frappés avec obstination pendant plusieurs
semaines, et qui ont mis en émoi tous les habitants d'un e maison.
Toutes les .recherches et les investigations de l'autorité pour en
découvrir la cause, n'ont abouti à rien. Ce fait 11e présente du reste
aucune particularité bien remarquable, si ce n'est que, comme toutes
les mauifestations spontanées, il appelIe l' attention SUl' les phéno-
menes spiritcs.
:Eri fait de manifestations physiques, celles qui se produisent ainsi
spontanément, exercent sur l'opinion publique une influence infini-
ment plus grande que les effets provoqués directement par un mé-
dium, soit parce qu'elles ont plus de retentissement et de notoriété,
soit parce qu'elles donnent moins prise au soupçon de charlatanisme
et de prestidigitation.
Ceci nous rappelle un fait qui s'eet passé à Paris au mois de mai
de l'année derniere. Le voici l tel qu'il a été rappoI'té elans le temps
par le Petit Journal.

Manifestations de Ménilmontant.
«Un fait singulier se renouvelle fréquemment elans le quarLier
Ménilmontant,sans qu'on ait pu encore en expliqueI' la cause.
« M. X ... , fabricant de bronzes, habite un pavillon qui s.e tronve
au fonel de la maison; on y entre par le jardino Les ateliers 80nt à
gauche et la saIle à manger est à droite. Une sonnette est placée au-
dessus de la porte de la salle à manger; naturellement, le cordún est
à la porte du jardino L'allée C8t assez longue pour qu'une peI'sonne
ayant sonné ne puisse s'enfuiI' avant qu'on ne soit venu ouvrir.
« Plusieurs fois le contrc-mai tre, ayant entenda la sonnette, alia
à la porte et ne vil personne. On crut d'abord à une mystification;
mais on eut beau être aux aguets et s'assurer qu'aucun fil conducteur
n'aboutissait à la sonnette, on ne put rien décollvrir, et le manége
continuait toujours. Un jour même la sonnette s'agita pendant que
M. et Mme X•.• se trouvaient précisément au-dessous et qu ' un ap-
prenti était dans l'allée devant le cordon. Cc fait s'est renouvelé trois
fois dans la même soirée. Ajoutons que parfois la sonnette s'agitait
tout doucement, parfois d'une mani.ere tres bruyante.
« Depuis quelques jours, ce phénomene avait cessé, mais avant-
hier au soir il s'est renouvclé avec plus de persistance.
« Mme X... est une femme tres pieuse; c' est une croyance dans
son pays que les morts viennent I'éclamer les prieres des parents. Elle
pensa à une tante défunte et crut avoir trouvé l'explication; mais
prieI'es, messes, neuvaines, rien n'y a fait; la sonnette tinte toujours.
- 125-
« Un métallurgiste distingué, à qui le fait était raconté, pensait que
c'était un phénomene scientifique et qu'une cerlaine quantité d'eau-
forte et de vitriol, qui se trouvait dans I'atelier, pouvait dégager une
force assez grande paul' faire mouvoir le fil de fel'; mais ces substances
ayant été éloignées, le fait n'a pas cessé de se produ ire.
« Nous ne chercherons pas à l'expliquer, c'est l'affaire des savants,

dit la Patrie, qui pourrait bien se tromper. Ces sortes de mysteres


s'exp liquent souvent tL la fin sans que la science ait à y constateI' le
moindre phénomene encore inconnu. »

Dissertations spirites
Mis8ion de la femme.
(Lyon , 6 juillet 1866, groupe de Mad. Ducard, méd . Mad. R ... )

Chaque jour les événements de la vie vous apportent des ensei-


gnements de natllre à vaus servir d'exemple, et cependant vous passez
sans les comprendre, sans tirer une déduction utile des circonstances
qui les ont provoqués. P ourtant, dans cette union intime de la terre
et de I' espace, des Espri ls Iibl"es et dos Esprits captifs, attachés à
I'accomplissement de leur tâche, il y a de ces exemples dont le sou-
venir doit se perpétuer parmi vaus: c'esl la paix proposée dans la
guerre. Une femme dont la posilion sociale attil"e tous les yeux,
s'en va, humble smur de charité, porter à tous la consolation
de sa parole, l'affection de son cmur, la caresse àe ses yeux. Elle est
impératrice, SUl' son front brille la couronne de diamants, et elle ou-
blie son rang, elle oublie le danger pour accourir au milieu de la
soulfrance, dire à tous : « Consolez-vous, me voilà! Ne souífrez plus,
je vous parI e ; soyez sans inquiétude, je prendrai soin de vos 01'-
phelin s !. .. » Le danger est imminent, la contagion est dans l'air, et
pourtant, elle passe , calme et radieuse, au milieu de ces lits, Olt git
la doul eur. Elle n'a r1en caicuié, rien appréhendé, elIe est all ée ou
I'appelait son coeur, comme la brise va rafralchir les fleurs flét1'ies
et redresser leurs tiges chancelantes.
Cet exemp le de dévoument et d'abnégation, alors que les splen-
deurs de la vie devraient engendreI' l'orgueil et l'ég·olsme, est certes,
un ~timulant pour les femmes qui sentent vibrer en elles cette exqui-
sivité de sentiment que Dieu leur a donnée pour accomplir leur tâche;
car ell es sont principalcment chargées de répandre la consolation et
surtout la conciliation . N'ont-elles pas la grâce et le sOUl·ire, le charme
de la voix et la douceur de l'âme? C'est à elles que Dieu confie les
premiers pas de ses enfants; il les a choisies comme les nourrices
des douces créatures qui vont naitre.
Cet Esprit rebelle et orgueilleux, dont l' existence sera une lutte
- f26-
constante contre le malheur, ne vient-il pas leur demandeI' de lui
inculqueI' d'autres idées que celles qu'i! apporte en naissant? C'est
vers e1les qu'il tend ses petites mains, et sa voix jadis rude et ses ac-
cents qui vibraient comme un cuivre, s'adouciront comme un doux
écho lorsqu' il dira : maman.
C'est Ia femme qu'il implore, ce dou x chérubin qui vient apprendre
à !ire dans le livre de la science ; c' est pour lui plaire qu'il fera tous
ses etIorts pour s'instruire et se rendre ulile à l'humanité. - C'est
encore vers elle qu'il tend les mains, ce jeune homme qui s'est égaré
dans sa route, et qui veut revenir au bien ; il n'oserait implorer S011
pere dont il redoute la colere, mais sa mere, si dOut~e, si généreuse,
n'aura pour lui qu'oubli et pardon.
Ne sont-elles pas les fleurs animées de Ia vie, les dévoumen ls
inaltérables, ces âmes que Dieu a créées femmes. Elles attirent et
elles charment. On les appelle la tentation, mais on devrait les nom-
mer le souvenir; car leur image demeure gravée en caract(~res inef-
façables dans le creur de leurs fils, lorsqu'elles ne sont plus ; ce n'est
pas dans le présent qu'elles sont appréciées, e'est dans le passé, 101'8-
que Ia mort les a rer-dues à Dieu. - Alors leurs enfants les cher-
cbent dans I'espace, comme le marin cherche l'étoile qui düit le con·
duire au porto Elles sont la spMre d'attraction, la boussole de l'Es-
prit resté sur la terre, et qui espere les retrouver au ciel. Elles sont
enCQre la maio qui conduit et soutient, l'âme qui inspire et la voix
qui pardonne, et de même qu'elles ont été l'ange du foye1' terrestre,
etles deviennent l'ange consolateur qui apprend à prier.
Oh! vous qui avez été accablées sur terre, femmes qui vous êtes
crues les esclaves de l'homme, parce que vous étiez soumises à 8a
domination, votre royaume n'est pas de ce monde! Contentez-vous
dane du sort qui vaus est réservé; continuez votre tâche; restez les
médiatrices entre I'homme et Dieu, et comprenez bien l'influence de
votre intervention. - Celui-ci cst un Esprit ardent, impétueux, le
sang bouillonne dans ses veines; il va s'emporter, il sera inj uste;
mais Dieu a mis la douceur dans vos yeux, la caresse dans votre
voix; regardez-le, parlez-lui, la colere s'apaisera et l'injustice sera
écartée. Vous aurez souffert peut-être, mais vous aurez épargné une
faute à votre compagnon de route et votre tâche s'accomplit. Celui-là
encore est malheureux, iI souffre, la fortune I' abandonne, il se croit
Ui1 paria! ... Mais, il y a là, un dévoument à l'épreuve, une abnéga-
tion constante pour relever ce moral abattu, pour rendre à cet Es-
prit I'espérance qui l'avait abandonné.
Femmes, vous êtes les compagnes inséparables de I'homme ; vous
formez avec lui une chaine indissoluble que le malheur ne peut
rompre, que l'ingratitude ne doit pas souiller, et qui ne saurait se
briser, car Dieu lui-même l'a formée, et, bien que vous ól,yez parfais
- 127 -
dans l'âme, ces sombres soucis qui accompagnent la lutte, réjouissez-
vous cepelldant, car dans cet immense travail de l'harmonie terres-
tre, Dieu vaus a donné la plus belle parto
Courage donc! O vous qui vivez humblement en travaillant à
améliorer votre intérieur, Dieu vous sourit, car il vous a donné cette
aménité qui caractérise la femme; qu'elles soient impératrices, smur.s
de charité, humbles travailleuses ou douces meres de famille, elles
sont toutes enrólées sous la même banniere, et portent écrit au front
et dans le creur, ces deux mots magiques qui remplissent l'éternité :
Amour et charité. CARITA.

Bibliographie.
Changement de titre de la VÉ RITÉ de Lyon.
Le journal la Vérité, de Lyon, vient de changer son titre; à
partir dn 10 mars 1867, elle prend celui de La tribune universelle,
journal de la libre conscience et de la libre pensée. Elle l'annonce et
en expose les motifs dans la note suivante insérée dans le numéro du
24 février.
A nos freres et sceurs Spirites.
Philaléthes, le c.hampion infatigable que vous connaissez, a cru
devoir vous informer qu'il dirigerait désormais ses investigations vers
la philosophie générale et non plns seulement vers le Spiritisme dont,
grâce à leurs préjugés, les sava.nts ne veulent pas même entendre
prononcer le nom. Mais il ne faudrait pas vous imaginer, chers freres
et sreurs, qu'en enlevant l'étiqueLte du sac, apres tout fort indifférente,
il veuille en jeter, pas plus que nous-même, le contenu aux orties!
En ce qui nous concerne personnellement, nous serions désolé que
nos lecteurs puissent nous soupçonner un seul instant de vouIoir dé-
ser ter une idée pour laquellc nous avons dépensé toutes les forces
vives dont nous étions capable. L'idée spirite fait aujourd'hui partie
intégrale de nolre être, et nous l'enlever serait vouer à la mort notre
cceur, notre esprit.
Si nous sommes spirites, néanmoins, et précisément parce que
nous croyons l'être dans le vrai sens du mot, nous voulons nous
montrer charitables, lolérants pour tous les systemes opposés, et
nous vouions courir vers eux puisqu'ils refusent de venir à nous.
L'étiquette de Spirites coIlée à notre front est pour vous un épou-
vuntail, messieurs les négateurs? eh bien, nous consentons volon-
tiGrs à l'enlever, nous réservant de Ia porter haut dans nos âmes.
Nous ne nous appellerons donc plus LA VÉRITÉ , journal riu Spiri-
- 128-
tisme, mais IA TRIBUNE UNlVERSELLE, journal de la libre conscience
et de la libre pensée. Ce terrain est aussi vaste que le monde, et les
systêmes de toute sorte pourront s'y débattre à leur aise, risquer des
passes d'armes avec les transfuges de la Vérité, qui réclameront
pour eux-mêmes le droit accordé à tous : la discussíon. C'est alors
qu'enflammés par la luUe, inspirés par la foi et guidés par la raisoll,
nous espérons faíre briller aux yeux de nos adversaires une si vive
lumiere, que Dieu et l'immortalité se dresseront devant eux non plus
comme un hideux fantôme produií; des siecles d'ignorance, mais
comme une douce et suave vision ou se reposera enfin l'humanité
entiere. E. E.
Carta de un Espiritista
(Lettre d'un Spiritc)
Au Docteur Fraucisco de Paula Canalejas.
Brochure imprimée à Madrid (J), en langue espagnole~ contenant
les principes fondamentaux de la doctrine spirite, tirés du Qu' est-ce
que le Spiritzsme? ave c cette dédicace :
c( A monsieur Allan Kardec, le premier qui a décrit avec méthode,

et coordonné avec clarté les principes philosophiques de la nouvelle


école, est dédié ce faible travail, par son dévoué coréligionnaire. »
Malgré les entraves que les idées nouvelles rencontrent dans ce
pays, le Spiritisme y trouve des sympathies plus profondcs qu'on ne
pourrait Je supposer, principalement dans les classes élevées, ou il
compte des adeptes nombreux, fervents et dévoués; car là, en fait
d'opinions religieuses, les extrêmes se touchent, et, com me partout
ailleurs, les exces des uns produisent des réactions contraires. Dans
l'ancienne et poétique mythologie, on aurait fait du fanatisme le pere
de l'incrédulité.
Nous félicitons l'auteur de cet opuscule de son zele pour la propa-
gation de la doctrine, et le remercions de sa gracieuse dédicace,
ainsi que des bonnes paroles qui accompagnaient l'envoi de la bro-
chure. Ses sentiments et ceux de ses freres en croyance se refletE;nt
dans cette phrase caractéristique de sa leUre: « Nous sommes prêts
à tout, même à baisser la tête pour recevoir le martyre, de même que
nous la levons tres-haut pour confesser notre foi. » .
(1) Imprimerie de I\lanuel Galiano, Plaza de los Ministerios, 3.
ALLAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge freres, Dunon et Fresné, rue du Four-Saint·Gel'main, 43.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

10' ANNÉE . No 5. l\U! 1867 .

Atmosphe re fJpirituelle.

Le Spiritisme nous apprend que les Esprits constituent la popula -


líon invisible du globe, qu'ils sont dans l'espace et parmi nous,
nous voyant et nous coudoyant sans cesse, de telle sorte que, lorsque
nous nous croyons seuls, nous avons constamment des témoins se-
crets de nos actions et de nos pensées. Cela peut paraitre gênant
pour cert.aines personnes, mais puisque cela est, on ne peut empê-
cher que cela soit; c'est à chacun de faire comme le sage qui n'aurait
pas craint que sa maison mt de verre. C'est sans aucun doute à
cette cause qu' il faut attribuer la révélation de tant de turpitudes et
de méfaits que 1'0n croyait ensevelis dans l'ombre.
Nous savons en outre que, dans une réunion, outre les assistants
corporels, il y a toujours des auditeurs invisibles; que la perméabilité
élant une des propriétés de l'organisme des Esprits, ceux-ci peuvent
se trouver en nombre illimité dans un espace donné. Souvent, il
nous a été dit, qu'à certaines séances ils étaient en quantités innom-
brableso Dans l'explication donnée à M. Berlrand à propos des com-
munícations collectives qu'il a obtenues, il est dit que le nombre
des Esprits présents était· si grand, que I'atmosphere était pour
ainsi dire saturé de leurs fluides. Ceci n'est point nouveau pour le 3
Spirites, mais 011 11'en a peut-être pas déduit toutes les conséquences.
On sait que les fluides émanant des E~prits SOl1t plus ou moins sa-
lulaires selon le degré de leur épuration; on connalt leur puissance
curative en cerlains cas, et aussi leurs effets morbides d'individu à
individu o Or, pllisque l'air peut- être saturé de ces fluides, n'est-il
pas évidenl que, suivant la nature des Esprits qui abondent ell un
- 1:30 -
lieu déterminé, I'air ambiani se trouve chargé d'éléments salutaires
ou malsains, qui doivent exercer une influence SUl' la santé pbysique
aussi bien que Eur la santé moral e? Quand on songe à l'énergie de
l'action qu'un Esprit peut exercer SUl' un homme, peut-on s'élonnec
de celle qui doit résulter d'une agglomération de centaines ou de
milliers d'Esprits? Cette action sera bonne 011 malilvaise selon que les
Esprits déve;rseront dans un milieu donné un flu ide bienfaisant 011
malfaisant, agissant à la manjere des émanations fortifiantes ou des
miasmes déléteres qui se répandent dans l' air. Ainsi peuvent s'ex-
pliquer certains effets collectifs produits sur des masses d'individus,
le sentiment de bien-être ou de malaise que I'on épro Llve dans cer-
tains mili eux, et qui n'ont aucune cause apparente connue, I' enlrai-
nement collectif vcrs le bien ou le mal, les élans généraux, I' enthou-
siasme ou le découra:gement,. p'arfois I'espece de vertige qui s'em pare
de toule une aEsemblée, de toute une ville, de tout un peupie rnême.
Chaque individu, en raison du degré de sa sensibiliLé, subit l'influence
de cette atmospMre viciée ou vivifiante. Par ce fait, qui parait ho.rs
de doute, et que confirm cnt à la fois la théorie et l' expérience, nous
trouvons dans les rapports duomonde spirituel avec le.monde cOl'porel,.
un nouveau principe· d'hygiene que. Ia science fera :ians doute un jour
entreI' eu ligne de compte ..
Pouvons-nous donc nous soustraire à ces influences érnanant d'une
sou1'ce inaccessible aux moyens matériels? Sans aucun do ute ; car de
même que nous assainissons 1.es lieux insalubres en détruisan.t la
sou1'ce des miasmes pestilentiels., naus pouvons assainir l'atmosphere
morale qui nous environne, naus soustraire aux influences pernicieu-
ses des fluides spirituels malsains, et cela p!us facilement que nous
ne pouvons échapper aux exhalaisons marécageuses, parce que cela
dépend uniquernent de not1'e volonté, et là. ne 15era pas un des moin-
dres bienfaits du Spil'ilisme \'orsqu'il Hera univeFseilemenl compris et
surtout pratiqué.
Un principe pa1'faitement avéré pour tout Spirite, c'est que les
qualités du fluide périsprital sont en raison direde des qualités de
l' Elsprit incarlllé: ou. désincarné; plus ses sentiments sont élevéset
uégagés des i,nfl.uences de la matiere, plus son fluide est épuré. Selon
les pensées qw dominent chez un incarné, il rayonne des fluidf'sim-
prégnés de ces mêmes. pensées qui les vicient ou les assainissent,
fluides réeILemenlmatériels, quoique impalpables, invisibles pour le~
)'eux du corps,. mais pe1'ceptibles p0u1' les sens périspritaux, et visi-
bles pour les yeux de I'âme, puisqu'ils impressionnent physiquement
- 131 -
et affectent des apparences tres ditTérentes pour ceux qui sant doués
de la vue spirituelle.
Par le seul fait de la présence des incarnés dans une assembl ée,
les fluides ambiants seront donc salubres ou insalubres selon que les
pellsées dominantes seront bonnes ou mauvaises. Qillconque apporte
ave c soi des pensées de haine, d'envie" de jalousie, d'orgueil, d':é-
gOlsme, cl'animosité, de cupidité, Ide flusseté, d'hypocrisie , de mé-
disance, de malveillance, en un mot des pensées puisées à la source
des mauvaises passions, répand autour de soi des eff1uves fluidiques
malsaines, qui réagissent surceux ,qui l' entourent. Dans une assem-
blée, au cont.raire, ou chacun n'apporterait que des sentiments de
bonté, de charité, d'hcumüité, de dévournent dé~in,téres8é, de bien-
veillance et d'amour du prochain , l'air ,est imprégné d'émanatiol1s
salubres au milieu d.esquelles 011 se sent vivre plus à I'aise.
Si I'on considere maintena:nt que Jes pensées attirent les pensées
de même nature, que les fluides attirent les fluid es similaires, 00
comprend que chaque individu frInene avec soi un cortége d' Esprits
sympathiques b0ns ou mauvais, et qu'ainsi l'ai1'est saturé de fluides
en rapport avec les pensées qui prédominent. Si les mauvais.es pen-
sées sont en minorité, elles n'empêchent pas les bonnes influences
de se produire , mais elles les paralysent. Si elles domin en t, elles
affaiblissent le rayonnement fiuidique des bons Esprits, ou même
parfois, empêchent les bons fluides de pénétrer dans ce milieu,
comme le brouillard affaiblit ou arrête les rayons du sol eil.
Quel est donc lc moyen de se soustraire à J'influence des mauvais
fluides? Ce moyen ressort de la cause même qui produit le mal. Que
faÍt-on lorsqu'on a reconnu qu'un aliment est contraire à la santé?
On le rejette, et on !I.e remplace par un alimenl 'plus sain. Puisque ce
sont les mauvaises pcnsées qui engen dren t les mauvais fluid es et les
attirent, il faut s'efforcer de n'en avoir que de bon nes, repousser tout
ce qui est mal, comme on 1'epousse une nourriture qui peut nous ren-
dre malades, en un mot travailler à 80n amé1ioration morale, et pour
nous servir d'une comparaison de l'Évangile, cc ne pas seulement
neltoyer le vase au dehors, mais le nettoyer surtout au dedans. »
L'bumanité en s'améliorant,verra s'épurer I"atmospbere flui-
dique nu milieu de laquelle elle vit, parce qu'e1\.e ne lui enverra
que de bons fluides, et que cca derniers opposeront une barriere à
I'invasion des mau vais. Si un jour la terre arrive à n'être peuplée
que d'hommes pratiquant entre eux les lois divines d'amour et de
charité, nul doute qu'ils ne s'y trouvent dans des conditions d'h y-
- 132-
giene physique et morale tout autres que celles qui existent aujour-
d'hui.
Ce temps est encore loin sans doute, mais en attendant, ces con-
ditions peuvent existe r partiellement, et c'est aux as~emblées spirites
qu'il appartient de donner l'exemple. Ceux qui auront possédé la lu-
miere seront d'autant plus répréhensibles qu'ils auront eu entre les
mains les moyens de s'éclairer; ils encourront la responsabilité des
retards que leur exemple et leur mau vais vouloir aurout apportés
dans l'amélioration générale.
Ceci est-il une uiopie, une vaine déclamation? Nan; c'est une
déduction logique des faits mêmes que nuus ré vele chaque jour le
Spiritisme. En eiTet, le Spiritisme nous prouve que l'élément spiri-
tuel, que l'on a jusqu'à présent considéré comme l'antithese de l'élé-
ment matériel, a, avec ce dernier, une connexion intime, d'ou ré-
sulte une multitude de phénomenes inobservés ou incompris. Lorsque
la science se sera assimilé les éléments fournis par le Spiritisme, elle
y puisera de nouvelles et importantes ressources pour I'amélioralio n
même matérielle de l'humanité. Chaque jour nous voyons ainsi s' é-
tendre le cercle des applications de la doctrine qui est loin, comme
quelques-uns le croient encore, d'être restreinte au puéril phénomene
des tables tournantes ou autres eiTets de pure curiosité. Le Spiritisme
n'a réellement pris son essor, que du moment ou il est entré dans la
voie philosophique; il est moins amusant pour certaines gens, qui n'y
cherchaient qu'une distraction, mais il est mieux apprécié des gens
sérieux, et le sera encore plus à mesure qu'il ser a mieux compôs
dans ses conséquences.

De l' emploi du mot mira ele.


Le journal la Vérité, de Lyon, du 16 sept.embre 1866, dans un
article intitulé, Renan et son école, contenàit les réflexions suivantes
à propos du mot miracle.
« Renan et son école ne prennent pas même la peine de discuter
les faits, ils les rejettent tous à priori, les qualifiant à tort de surna-
turels, et partant impossibles et absurdes; ils leur opposent une fin
de non-recevoir absolue, et un dédain transcendant. Renan a dit là-
dessus, une parole éminemment vraie et profonde : (( Le surnaturel
u ne serait autre chose que le surdivin. » Nous adhérons de toute

notre énergie à cette grande vérité, mais nous faisons observer que
le 11:0t même de miracle (mirum, chose étonnante et jusqu'alors
- i33 -
inexpliquée) ne veut pas dire, tant s'en faut, interversion des lois de la
nature, mais bien plutôt flexibilité de ces mémes tois encore inconnues
de l' esprit /wmain. Nous disons même qu'il y aura toujours des mi-
raeles, car l'ascellsion de l'humanité vers la connaissance de plus en
plus parfaite étant toujours progressive, cette connaissance aura
besoin constamment d'être devancée et aiguillonnée par des faits qui
paraitront merveilleux à l'époque ou ils se produiront et ne !':eront
compris et expliqués que plus tardo Un écrivain tres accrédité de
notre école s'est laissé prendre à cette objection; (Allan Kardec)
il répete dans maints passages de ses reuvres qu'il n'y a ni merveil-
leux, ni miracles; c'est une inadvertance résultant du faux sens de
surnatul'el repoussé complétement par l'étymologie du moto Nous
disons, nous, que si le mot miracle n'existait pas, pour qualifier des
phénomenes encore à l' 8tude et sortant de la science vulgaire, il fau-
drait 1'inventer commo le plus approprié et le plus logique.
« Rien n'est surnaturel, nous le répétons, car en dehors de la na-
ture créée et de la nature incréée, il n'ya rien absolument de conce-
vable; mais il y a du sur/zumain, c'est-à-dire des phénomenes qui
peuvent être produits par des êtres intelligents autres que les hom-
mes, selon les lois de leur nature, ou bien produits, soit médiate-
ment, soit inlmédiatement par Dieu, selon sa nature encore et d'a-
]ires ses rappor!s naturels avec ses créatures. II
PHILALETHES.

Nous n'en sommes pas, Dieu merci, à ignorer le sens étymologi-


que du mot miracle~' nous l'avons prouvé dans maints articles, et
notamment dans celui de la Revue du mois de septembre 1860,
page 267 .Ce n'est donc ni par méprise ní par inadvertance que nous
en repoussons l'application allX phéilOmenes Spirítes~ quelque extraor-
dinaires qu'ils puissent paraitre au premier abord, mais bien en
pal'faite connaissance de cause et avec intention.
Dans son acception usueIle le mot mzracle a perdu sa significa-
tion primitive comme tant d'autres, à commencer par le mot philoso-
]Jhie (amour de la sagesse), dont on se sert aujourd'hui pour expri-
mer les idées les plus diamétralement opposées, depuis le plns pur
spiritualisme, jllsqu'au matérialisme le plus abso\u. 11 n'est douteux
pour personne que, dans la pensée des masses, miracleimplique
l'idée d'un fait extranaturel. Demandez à tous ceux qui croient aux
miraeles s'ils les regardent comme des eITets naturels. L'Église est
tellement fixée SUl' ce point qu'elle anathématise ceux qui prétendent
- 134 -
expliqueI' les miracles par lcs lois de la -nature. L' Académie elIe-
même définit ce mot : Acte de la puissance divine, contmire aux lois
connues de lá nature. - Yrai, (aux miracle. - Miracle avéré. -
Opérer deJ miracles.- Le don des miracles.
Paul' être compris de tous, iI faut parler comme tout le monde ;_
or, il est évident que si nous eussions qualifié les phénomenes Spirites
de miraculeux , le public se serait mépris sur leur véritable caractvre,
à moins d'employer chaque fois une circQnlocution et de dire que ce
sont des miracles qui ne sont pas des miracles comme on I' entend
généralement. Puisque la généralité y attache !'idée d'une déroga-
tion aux lois naturelles, et q!1e les phénomenes Spirites ne sont que
l'application de ces mêmcs lois, il est bien plus simple et surtout
plus logique de dire carrément : Non, le Spiritisme ne fait pas de
miracles. De cette maniere, il n'y a ni méprise, ni fausse interpréta-
tion. De même que le progres des sciences physiques a détruit une
foule de préjugés, et fait rentrer dans I' ordre des faits naturels un
grand 110mbre d'effets considértSs jadis comme miraculeux,le Spiri-
tisme, par la révélation de 110uvelles lois, vient restreindre encore
le domaine du merveilleux ; nous disODS plus : il lui porte le dernier
coup, c'est pourquoi il n'est pas partout en odeur de sainteté, pas
plus que l'astronomie et la géologie,
Si ceux qui croient aux miracles entendaient ce mot dans son ac-
ception étymologique (chose admirable), ils admireraient le Spiri-
tisme au lieu de lui jeler I' anatheme; au lieu de mettre Galilée en
prison ponr avoir démontré que Josué TI'a pu arrêter le soleil, ils lui
auraient tressé des courOlJnes paul' avoir révélé au monde des choses
bien autrement admirables , et qui attestent infinirnent mieux la
gÍ'andeur et la puissance de Dieu.
Par los mêmes motifs, nous repoussons le mot surnaturel du vaca.
bulaire spirite, Miracle aurait encore sa raison d'être dans son éty-
mologie, sauf à en déterminer l'acception; sumaLUrel est un non-
sens au point de vue du Spiritisme.
Le mot surhumain que propose PhilatétMs est égaiement impro-
pre, à notre avis, car les êtres qui sont les agents primitifs des phé.,
nomenes Spirites, bien qu'à l'état d'Esprits, n' el1 appartiennent pas
moins à l'humãnité. Le mot surhumain tendt'ait à sanctionner l'opi-
nion longtemps accréditée, et détruite par le Spiritisme, que les Es·
prits sont des créatures à. part, en dehors de l'bumanité. Une au tle
raison préremptoire c'est que beaucoup de ces phénomtmes sont le
prod~lÍt direct des Esprits incarn és, par conséquent des hommes, et
- 135-
d:lIJs tous les cas, requierent presque toujours le cOl'I'cours d'un in-
carné ; donc, ils ne sont pas plus surhumains que surnaturels.
Un mot qui s'est aussi complétement écarté de sa significa:tion pri-
mitive est celui /de démon. On sait que dazm6n se disait, chez les An-
ciens, des Esprits d' un certain ordre, intermédiaires entre les hommes
et ceux que I'on appelait dieux. Cette désignation n'impliquait dans
l'origine, aucune mauvaise qualité; elle était au contraire prise en
bonne part ; le démon de Socrate n'était certainement pas un mauvais
Esprit; tandis que selon l'opinion moderne, issue de la théologie
calholiquc, les démons sont des anges déchus, des êlres à part,
essentiellement et perpétuell ement voué.s au mal.
Pour être conséquent ave c l'opinion de Philatéthes, il faudrait que,
par rel'pect pour l'étymologie, le Spiritisme conservât altssi la quali-
fiéation de démons. Le Spiritisme appelant ses phénomenes cles mi-
raeles , et les Espritsdes démons, ses aJdversaires aJl!lraienteu beaujeu'!
li aurait été repcmssé par les trais quarts de ceux qui I'acceptent au-
jourd'hui, parce qu'ils y auraient vu Im retour à des croyances qui
ne flont plus de notre temps. HabHl er le Spiritisme avec des véte"
ments usés, eut été une maladresse ; c'eut élé porter un coup funeste
à la doctrine qui aurait eu de la pein e à dissiper les préventions que
des appellations impropres auraient entretenues.

R~vue rétrospective des idées spirites


Punition de l' athée.
« Voyage pittoresque et sentimental au Champ du repos S0US
Montmartre et au Pere-Lachaise ; par Ans. Caillot, auteur de I".En-
cyc\opéelie des jennes demoiselles, et des nouvelles leçons élémen-
laires de l'histoire de France. li Tel est le titre d'un livre publié à
Paris en 1808 et qui doit être tres rare aujourd'hui. L'auteur, apres
avoir donné I'histoire et la description de ces deu x cimetieres, cite
un granel nombre d'inscriptions tombales sur chacune desquelles il
fait des réflexions philosophiques, empreintes d'un profond senti-
ment religieux, provoquées par la pensée qui les a dictées. Nous y
aVOllS d'abord remarqué le passage suivant ou se trouve nettement
exprimée I'idée de la réincarnation :
u Quel sage et quel homme profondément religieux nomma la pre-
mier Champ de l'epos, le dernier asile de cet être dont l'existence, jus-
qu'à son dernier30upir, est tourmentée par les êtres qui .I'eovironnent
et par lui-m ême! lei tolis reposent dans le sein de la mere commune,
- 1:-:16-
et dans un sommeil qui n' est que l' avant-coureur du réveil, c' est-à-
dire d'une nouvelle existence. Ces débris vénérables, la terre les
conserve comme un dépôt sacré; et, si elle se hâte de les dissoudre,
c'est pour en épurer les éléments, et les rendre plus dignes de l'in-
telligence qui les ranimera un jour pour de nouvelles destinées. J
Plus loin, il dit: c Oh! combien l'aveugle et audacieux mortel
qui osa te chasser de son esprit et de son creur (I' athéc qui renie
Dieu), fut étonné quand son âme comparut devant la Majesté infinie !
Comment ne vit-on pas sa dépouille s'agiter et frémir de surprise et
de terreur? Comment sa. langue glacée ne se ranima-t-elle pas pour
exprimer I'épouvante dont elle était frappée quand la chair ne se
trouva plus entre elle et tes divÍ!1s regards! Grand Dieu I cause uni-
verselle, âme de la nature! tous les êtres te reconnaissent et te céle-
brent comme leur uni que auteur: l'homme seul détournerait-il de
toi l'esprit inlelligent et raisonnable que tu lui donnas pour te glori-
fier? Ah! sans doute, et j'aime à le croire, il n'y eut pas un seul des
quarante mille mortels dont les corps gisent ici dans la poussiere,
qui n'eut la conviction de ton existence et le sentiment de tes ado-
rables perfections .
• Comme j'achevais de prononcer avec émotion ces dernieres
paroles, un bruit se fit entendre à mon côté. Je jetai les yeux vers
l'endroit d'ou il venait, et j'aperçus, chose admirable et inouie! un
spectre qui, enveloppé de son linceul, était sorti d'un tombeau, et
s'avançait gravement vers moi pour me parler. Cette apparition ne
fut-elle qu'un jeu de mon imagination? C'est ce qu'il m' est impJssible
d'assurer; mais le dialogue suivant, que j'ai bien retenu, me fait
croire que je n'étais pas le seul interlocuteur pour deux rôles à la
fois. J
Ici nous ferons une petite observation critique, d'abord sur la
qualification de spectl'e donnée par l'auteur à l'apparition, réelle ou
supposée; ce mot rappelle trop les idées lugubres que la superstition
attache au phénomlme des apparitions , aujourd'hui parfailement
expliqué d'apres la connaissance que 1'on a de la constitution des
êtres spirituels. En second lieu, sur ce qu'il fait sortir cette appa-
rition du tombeau, comme si l'âme en faisait son habitation. Mais
ceci n'est qu'un détail de forme qui tient à des préjugés longtemps
enracinés; l'essentiel est dans le tableau qu'il présente de la situation
morale de cette âme, situation identique à celle que nous révelent au-
jourd'hui les communications avec les Esprits.
- 137-
L'auteur rapporte ainsi qu'il suit le dia.logue qu'il eut avec l'être
qui lui était apparu.
Quand le spectre se fut approché de moi, il me fit entendre ces
paroles d'une voix telle qu'il m'est impossible d'en spécifier le son,
n'en ayant jamais entendu une pareille parmi les hommes :
• Tu fais bien d'adorer Dieu; garde-Loi de jamais m'imiter, ear ie
ius un athée. »
MOI. Tu ne croyais done pas qu'il existait un Dieu?
LE SPECTRE. Non; ou plutôt, je fis semblant de ne pa.s le eroire.
MOI. Quellel' raisons avais-tu pour ne pas croire que l'univers a
été produit et qu'i! est gouverné par une suprême intelligenee?
LE SPECTRE. Aueune. J'avais beau en ehereher, je n'en trouvais
point de solides, et j'étais réduit à ne répéter que de vains sophis-
mes que j'avais lus dans les ouvrages de quelques prétendus phi-
losophes.
MOI. Si tu n'avais point de bonnes raisons pour être athée, tu
avais done des motifs pour le paraitre?
LE SPECTRE. Sans doute. Voyant tous mes semblables pénétrés de
l'idée d 'un Dieu et du sentiment de son existence, l'orgueil qui m'a-
veuglait me porta à me distinguer de la multitude, en soulenant à
quiconque voulait m'entendre que Dieu n' existait pas, et que l'uni-
vers était l'ouvrage du hasard, ou même qu'il avait toujours existé.
Je regardais comme une gloire de penser sur ee grand sujet autre-
ment que tous les humains, et je ne trouvais rien de plns flatteur que
d' étre considéré dans le monde comme un E sprit assez fort pour
s' élever contre la croyance commune de tous les hommes et de tous
les siecles.
MOI. N'avais-tu pas un autre motif que l'orgueil, pour embrasser
l'athéisme?
LE SPECTRE. Oui.
MoI. Quel était ce motif! Dis la vérité.
LE SPECTRE. La vérité I !. .. Sans doute, je la dirai; ear il m'est
impossible dans l'ordre de choses ou j'existe de la eombattre ou de
la dissimuler.
Comme tous mes semblables je naquis ave c le sentiment de l'exis-
tence d'un Dieu, auteur et principe de tous les êtres. Ce sentiment,
qui n'était d'abord qu'un germe ou mon esprit ne découvrait rien,
se développa peu à peu; et quand j'eus atteint l'âge de la raison, et
acquis la faeulté de réfléehir, je n'eus aucun effort à faire pour m'y
Iivrer. Combien les leçons de mes parents et de mes maitres me
- 138 -
plaisa,ient, {~uand Dieu et ses perfections infinies en élaient le sujel!
Comme le spectacle de la na ture m'enchantait et quelle douce satis-
faction j'éprouvais quand on me parlait de ce grand Dieu qui a tout
créé par sa puissance, sontient, gouverne et conserve tout par sa
sagesse!
Cependant, je parvins à l'ado.!escence, et les passions cornmen-
cerent à. me faire entendre leur voix séduclrice. Je formais des liai-
sons avec des jeunes gens de mon âge; je suivis leurs funesles con-
seils et je me co<nformai à 1eurs d:;J:n~erel1x exemples. Entré dans le
monde av,ec ces compables dispositiof'ls, j.e ne pensai plus qu'à leur
faire le sacrifice de tous les príncipes de verlu et de sagesse que
1'o,n m'avait d'abord inspirés. Ces principes, chaque jour attaqués
par mes passions, se réfugierent dans le fond de ma conscience et
s'y changere'ot en remords. Ces remords ne me laissant aucun repos,
je résolus d'anéantir, autant qu'il était en moi, la cause qui les avait
fail naítre. Je trouvai que cetle cause n'était autre que J'idée d'un
Dieu rémunérateur de la vertu et vengeur du crime; et je l'attaquai
avec tous les sophismes que mon Esprit put inventer ou découvrir
dans les ouvrages deslinés à étendre la doctril1le de I' ath éisme.
MOI. Devins-tlll plus tranq:llille quand tu eus entassé sopbismes
SUl' sophismes contre I'€xistence de Dieu?
LE S'PtECTRE. J'avais beau faire, le repo!, me fuyait sans cesse;
j'étais convaincl:! mal,gré moi, et quoique ma bouche ne prononçât
pas une par.oIe qui ne fut un blasphemlc , je n'avais pas un sentiment
qui ne combaLtlt contre moi, eu faveur de Dieu.
MOI. Que se passa-l-il en toi pendant la maladie dont tu mourus?
LE SPECTRE. Je voulus soutenir jusqu'à la fin le caractere d'esprit
fort; et l'orgueil m'empêchait de faire l'aveu de mon errenr, quoi-
que j'en sentisse intérieuremenl la pressante nécessilé. Ce fuL dans
ceUe criminelle et fausse disposition que je cessai d'exister.
Mor. Que t'arriva-t-il quand tes yeux se furellÍ pour toujours fer-
més à la lumiere?
LE SPECTRE. Je me lrouvai tou:t~J.}'vesti de la majesté de Dieu, et
je fus sai!::i d'une terreur si profonde que je n'ai aucun terme qui
puisse fen donner une juste idée. Je m'attendais bien à êLre rigou-
reusement p1.mi .; mais, le souverain juge dont la miséricorde adoucit
la justice, me relég1Jla dans une ténébreuse région habitée par les
Esprits qui eurent des mains innocentes et Ull cerveau malade .
MOI. Quel est lo sort des athées qui commirent des crimes envers·
la société de leurs semblables?
- 139 -
LE SPECTRE. L'1ttre des ctres les punit pour avoir été méchants
et non pour s'être trompés; car iI méprise les opiníons et ne réeom~
pense ou ne punit que les aeUons.
MOI. Tu n'es done pa'S puni dans le séjour ténébreux ou tu es
exilê?
LE SPECTRE. J'y subis une peine plus cruelle que tu ne peux
l'imaginer. Dieu, apres m'avoir condamné, s'éloígr1a de moi; et aus-
sitôt, je perdú loute idéé de son existence, et le néant se présenta
devant moi dans loute son IlOrreur.
MOI. Quoi! tu perdis entierement l"idée de l'existence de Dieu?
LE SPECTRE. Oui. C' es! le plus grand supplice qu'un E sprit im-
mortel puisse endurer, et rien ne peul (ail'e cOllcevoir l' éta! d' aban-
don, de douleur et de désordre dans lequel il se trouve.
MOI. Quelle est done ton oecupation avec les Esprits fivrés au
même supplíee?
LE SPECTRE. Nou:> ,nous dfsputans sans "cesse sans pouvoir nous
entendre; la déraison et Ia fone président à tous nos débats; et,
dans la profonde obseurité ou notre intelligenee se trouve ensevelie,
il n'est aueune opinion, aucun systeme qu'elle n'adopte, pour les re-
jeter bientôt et concevoir de nouvelles extl'avagances. C'est done
l'agitation perpétuelle de ee flux et de ce l'eflux d'idées sans fonde-
ment, sans suite 1 sans liaison, que consiste le châtiment des philo-
sophes qui furent des athées.
MOI. Tu raisonnes pourtant en ce moment-ei.
LE SPECTRE. C'e'SL parce que mon suppliee va bientôt finir. li a
été bien long, ce supplíee; ear, qu'oique I'on ne compre SUl' la terre
que deux années depuis ma mort, j'ai tellement soufrert de toutes ees
folies que j'ai dites et en\endues qn.'il "me se:mble avoir déjà passé
des miiliers de sieeles dans la région des systemes et des disputes.
Quand le Spectre eut ainsi parlé, il s'inclina, adora Dicu et dis-
parut.
Quand je fus remis de l'émotion que ce que je venais de voir et
d'entendre m'avait causée 1 mes pensées se reporterent vers les choses
élonnantes que le speetre m'avait apprises. Ce qu''il m'a dit du pre-
mier 1ttre répond-il à l'idée qu'un si grand nombre d'hommes
s'en sont formée? Que viens-je d'entendre? Quod I' athée Itli-même 1
l'horreur de ses semblables, finit par trou ver grâee aux yeux de
ceUe Divinité que l'on me représente comme une nature vindieative
et jalouse! Eh! qui osera maintenant me dire : Si tu n'adoptes pas
telle ou ielle úpinion, tu seras condamné à d'éterncJs suppliees? Quel
- 140-
barbare osera dire : Hors de ma communion, il n' est point de salut?
lttre incompréhensible et tout miséricordieux, as-tu chargé quelqu'un
du soin de te venger? Est-ce à une vil e créature qu'il appartient de
dire à ses semblables: pensez comme moi, ou soyez à jamais ma\-
heureux! Quelles limites, grand Dieu! pouvons-nous, êtres bornés
que nous sommes, fixer à ta clémence et à ta justice? Et de que\
droit te dirais-je: Ici tu récompenseras, lã tu puniras? Répondez,
ô morts qui gisez dans cette poussiere! vous fut-i! possible d'avoir
tous la croyance dans laquelle je suis né? Vos intelligences furent-
elles toutes également frappées des preuves qui établissent les mys-
teres que j'adore et les dogmes que je crois? Eh! comment les
degrés d'une croyance seraient-ils partout les mêmes, ainsi que les
degrés de conviction? Homme intolérant et cruel, viens, si tu en as
le courage, t'asseoir à mon cõté, et ose dire aux victimes de la mort
dont je suis venu écouter les leçons, ose leur dire: «Vous êtes ici
quarante mille; eh bien! i! n'en est que dix, que cinquante, que cent
parmi vous, que le Dieu vengeur n'a pas dévouées aux flammes éter-
nellesl J
Si ce discours n'était pas d'un insensé, à quoi servirait Ia religion
des tombeaux? Pourquoi devrais-je respecter les cendres de ceux qui
n'adorerent pas le grand Être à ma ma,niere ? Est-ce dans cette en-
ceinte, ou les ennemis de ma croyance reposent, confondus avec ses
sectateurs, que je pourrais entendre les leçons de la véritable sagesse?
Et de quelle impiété me rendrais-je coupable tim communiquant avec
des intelligences réprouvées, aux dépouilles desquelles je viens ren'
dre un hommage inspiré par la religion comme par l'humanité ?

Une expiatioD terrestre.


Le jeune François.
Les personnes qui ont lu eiel et Enfer, se souviennent sans doute
de la touchante histoire de Marcel, l'enfant du n° 4, rapportée au
chapitre VIII des Expiations terrestres. Le fait suivant présente un
cas à peu pres analogue et non moins instructif, comme application
de la 80uveraine justice, et comme explication de ce qui souvent pa-
raí:t inexplicable dans certaines positions de la vie.
Dans une bonne et honnête famille, mourut au mois d'octohre
1866, un jeune enfant de douze ans, dont la vie, pendant neuf ans,
n'avait été qu'une souffrance continue que ni les soins afIectueux
dont il était entouré, ni les secours de la science n'avaient pu
- 141 -
même adoucir. Il élait atteint de paralysie et d'hydropisie; son
corps était couvert de plaies envahies par la gangrene, et ses
chairs tombaient en lambeaux. Souvent, dans le paroxysme de la
douleur, il s'écriait: (( Qu'ai-j e donc fait, mon Dieu, pour mériter
de tant souffrir? Depuis que je suis au monde, je n'ai cependant
fait de mal à personne !» Instinctivement, cet enfant comprenait que
la souffrance devait être une expiation, mais dans l'ignorance de
la loi de solidarité des existences successives, sa pensée ne remontant
pas au delà de la vie présente, il ne se rendalt pas compte de la
cause qui ponvait justifier en lui un si cruel châtiment.
Une particularité digne de remarque, fut la nai8sance d'une sreur
alors qu'il avait environ trois ans. C'est à cette époque que se décla-
rerent les premiers symptômes de la terrible maladie à IaquelIe il
devait succomber. Dês ce moment aussi il conçut pour ~a nouvelIe
venue une répulsion telIe qu'il ne pouvait supporter sa p~ésence, et
que sa vue semblait redoubler ses souffrances. Souvent il se repro-
chait ce sentiment que rien ne justifiait, cal' la petite filIe ne le par-
tageait pas; elle était au contraire pour lui douce et aimante. 11 di·
sait à sa mere : «Pourquoi donc la vue de ma petite sreur m' est-
elle si pénible ? Elle est bonne pour moi, et IlJalgré moi je ne puis
m'empêcher de la détester. » Cependant il ne pouvait souffrir qu'on
lui fi! le moindre mal, ni qu' on la chagrinât; loin de se réj ouir de ses
peines, il s'affiigeail quand illa voyait pleurer. 11 était évident que
deux sentiments se combaUaient en lui; il comprenait l'injustice de
son antipathie, mais ses effort$ pour la surmonter étaient impuissants.
Que de telIes infirmités soient, à un certain âge, les suites de l'in-
conduite, ce serait une chose toute naturelIe; mais de quelIes fautes
assez graves un enfant de cet âge peut.il s'être rendu coupable pour
endurer un parei! martyre? D'ou pouvait en outre provenir cette ré-
pulsion pour un être inoffensif? Ce sont là des problemes qui se pré-
sentent à chaque instant, et qui portent une foule de gens à doutel' de
la justice de Dieu, parce qu'ils n'y trouvent de solution dans aucune
religion; cesanomalies apparentes trouvent au contraire leur complete
justification dans la solidarité des existences. Un observateur spirite
pouvait donc se dire, avec toute apparence de raison, que ces deux êtres
s'étaient connus, et ilvaient été placés à côté l'un de l'autre dans l'exis-
tence actuelle pour quelque expiation et la réparation de quelque torto
De l'état de souffrance du frere, on pouvait conclure qu'il était le
coupable, et que les liens de proche parenté qui l'unissaient à l'objet
de son antipathie lui étaient imposés pOUl' préparer entre eux les voies
- 142 -
d' un rapprochement; au'Ssi' voit-on dejà chez l'e frere une tendance
et de's effor',s pour surmonler'son éloignement qu'il reconnait injuste.
Cette anLipalhie n'avait point les caracteres de la jalúUsie qu'on remar-
qu e parfais chez les enfants d~un même sang; elle'prO'venait donc', se-
lon tante probabilité, de souvenírs 'Pcnibles, et lDeut-êlre de remords
qu' éveillait la presence de la petile filIe. Tellcs sont Jes d'éductions
qu'on pouvait rationnel!ement tirer, par analogre, de t'observa.tioll
d'es faits, et qui ont été confiTmées par l''Esprit de' I' enfant.
Évoqué presque immédiatelnent apres sa ffiôrt par une amie de la
famille à laquellB il púrta'Ít h'eaucoup cl'atTecbion, il ne put d'abord
s"expliquer d"une mani'ere 'compi.e'~e·, et promü de donn er ultérieure-
ment des détails plus drconslanciés. Parmi les diverses communica·
tiOllS qu'il a données, vo-ici lei> deu" qui se' rapportent plus partieu-
liêrement à la questiun.
a Vous attendez de moi re réeit que Je vous ai' promis de' ce que
j'ai été dans une existenc-e antérieure et l' explication de l'a cause de
mes grande's sauffrances; ce sera pour tons un enseignemerrt. Ces
enseignements sont partout, je le sais; il s'en trouve de Lous cutés,
mais le récit de faits dont O'n a ,," u soi-mêare les suítes, est toujoors,
pour ceux qui existent, une preuvebfen phlS f,'appan te.
« J'ai péch'é, oui .fai pécl'nn SalVez-vous CB que c' est que d'avoir
eté assassin, d'avoinlt'terrté à la vie de sou semblable?' Je ne l'ai pas
fàit de la maniere que les a'SsassÍ11s emploient en' tuant de suíte, soft
ave c une coràe, 'Sorr ,ave-c un couteau, ou tout autre instrument; 11011,
ce n'est pas d'e cette maniere. J' ai tué, mais j'ai tué lenteme11t, en
faisant sautfrir un être que je dét(!, tais ! Oui, je le détcstais, eet en-
fant que je croyais ne pas m'app ,rtenir! Pauvre innocenh! avait-jl
mérité ce triste sort? Non , mes paunes amis, il ne I'avait pas mé-
rilé, ou du moins ce n" était pas à moi à: lui fa,i re subir ces tourment.s.
Je I' ai fait, pourtant, ei V'oilà pOl1rquai j' ai été obligé de sou{frir
~omme vaus avez vu.

«J'ai souffert, O1on Dieu! est· ce l:lssez?' vous êtes trop b011, Sei-
gneur! oui, en présence de mou crime et d;e l~exp'Íation,je trouve que
vous a vez été trop miséricordi'eux .
Priez pour mui, chers parents, C'hers amis; maintenant mes sout'-
frances sont passé'es. Pauvre madame D ... , je vous fai s souirrir!
c' est qu'il était bien pénible paUl' moi de venir faire I'aveu de ce
crime immense !
« Espérance, mes bons amis, Dieu m'a remis ma faute ; je suis
maintenant dans la joie, et cependant aussi dans la peine ; voy ez-
- 143 -
vous ! ma a beau êtredans un état meiIleul', avoir expié: la pensée,
le sOllvenir de ses crimes laissent une telle impression, qu'iil est im-
possible qu'on n'en ressente pas longtemps encore taute l'horreur,
cal' ce n'est pas seulement sur terre que j'ai soutTe;-t, mais' avant,
dans eette vie spirituel1e! Et, quelle peine j'ai eue à me décider à
venir souffrir celte expiation terpi:ble! je ne :pui'S vol'ls narreI' tout
cela, ce serait trop affreux! La \"ue constante de Hla victime, et
I'autre) la pauvre mere! Enfin, mes amis : prieres paul' moi et
grâccs au Seignem! Je vous a'Vais promis ce récit; il fallait jus-
qu'au bout que j'acquitasse ma detle, qnoi qu'il put m'en couter.
(Jusqu'ici le médium avait écrit S0U€ l'elnpire d'une vive émotion;
il continua av'ec plus de calme.)
Et mah,tenant, mes bons parents, un mot de consolafion. Memi.
oh merci! à. vous qui m'avez aidé dans cette expiation, et qui em
avez porté une partie ; vaus avez acto~ci, a:utant qu'il dérendait de
vaus, ce qu'il y avait d' wmerclans ffi:(i)D état. Ne V0U'S chag.rinezpas,
c'est une chose p2Jssée; Je suis heureux, je vaus I'ai dit, surlout an
comparant I' état passé à. l' état présent. Je vaus aime tO{llS; je vous
remercie; je vous embrasse; aimez-moi toujours. Nous nous retrou~
verons, et, tous ensemble, naus continuerons celte vie éternelle, en
tâchant que la vie future rachete enticrernent la vie passée.
Votre fils, FRANÇOIS E.

Dans une autre communication I'Esprit da jeune F'l"ançois com-


pléta les renseignemenís ci-dessus:.
Demande. Cher enfant, tu n'as pas d'it d'ou venai't ton antipa-
thie pour ta petite SCBtlf.
Réponse. Ne le devinez-vous p'as? Oette pauvre et innocente créa-
ture étaít ma victime que Dieu avaSt attachée à. ma derniere exis-
tence comme un remords vi vant; voíIà pourquoi sa vue me faisait
tunt souITrir.
Demande. Cependa'Ilt tu I'l'e savai's pas qui elle éta:it.
Réponse. Je ne le savais pas à l'état de veille, sans cela mes
tourments eussent été cent fois rIl1s affreux; atlssi affreux qu'i1s I'a-
vaient été dans la vie spirituelleotl je la vayais sa:ns cesse; mais
croyez-vons que mon Esprit, dans 1es moments ou il était dégagé,
ne le sa'Vait pas? C'était la ca:tl'se de ma répulsion, et ~i je m'effor-
çais de la combattre, c'est qu'instinctívement je sent-ais qu'elle éta'Ít
injuste. Je n'étais pas encore assez fort pour faire du bien à. celle
que je ne pouvais m'empêcher de détesler, mais je ne voulais pas
- 144-
qu'on lui fit du mal: c'était un commencement de réparation. Dieu
m'a tenu compte de ce sentiment, c'est pourquoi il a permis que je
fusse délivré de bonne heure de ma vie de souffrance, sans cela j'au-
rais pu vivre encore de longues années dans l'horrible situation Oll
vous m'avez vu.
Bénissez donc ma mort qui a mis un terme à I'expiation, car elle
a été le gage de ma réhabilitation.
Demande (au guide du médium). Pourquoi I' expiation et le re-
pentiI' dans la vie spirituelle ne suffisent-ils pas ponr la ré habilita-
tion, sans qu'i! soit nécessaire d'y ajouter les souffrances corporelles?
Réponse. Souffrir dans un monde ou dans un autre, c'est touj ours
souffrir, et I'on sQuffre aussi longtemps que la réhabilitation n'est
pas complete. Cet enfant a bien souffert sur la terre; eh bien! ce
n'est rien en comparaison de ce qu'il a enduré dans le monde des
Esprits. l ci il avait en compensation les Boins et I'affection dont il était
entouré. 11 y a encore cette différence entre la soufTrance corporelle
et la souffrance spirituelle, que la premiere est presque toujours
volontairement acceptée comme complément d'expiation, ou comme
épreuve pour avanceI' plus rapidement, Landis que l'autre est im-
posée.
Mais il ya d'autres motifs à la souffrance corporelle : c'est d'a-
bord afin que la réparation ait lieu dans les mêmes conditions ou le
mal a été fait; puis pour servir d'exemple aux incarn és. En voyant
leurs semblables souffrir et en en sachant la raison, ils en 80nt bien
autrement impressionnés que de savoir qu'ils sont malheureux
comme Esprits; ils peuvent mieux s'expliquer la cause de leurs
propres souffrances; la justice divine se montre en quelque sorte
palpable à leurs yeux. Enfin Ia souffrance corporelle est une oeea-
sion pour les incarnés d'exercer entre eux la charité, une épreuve
pour leurs sentiments de commisération, et souvent un moyen de
réparer des torts antérieurs; car, croyez-Ie bien, lorsqu'un infortuné
se trouve sur votre chemin, ce n'est point I'effet du hasard. Pour les
parents du jeune François, c'était une grande épreuve d'avoir un
enfant dans cette triste position; eh bien! i1s ont dignement rempli
leur mandat, et ils en seront d'autant mieux récompensés qu'ils ont
agi spontanément, par la propre impulsion de leur creur. Si les Es-
prits ne souffraient pas dans I'incarnation, c'est qu'il n'y aurait que
des Esprits parfaits sur la terre.
- 145-
Galilée
Fragments du drame de M. Ponsard.
(Voir le nO précédenL)
Vn siecle avant Galilée, Copernic avait conçu le systeme astrono-
mique qui porte son nom (1 ). Galilée, à l'aide du télescope qu'il avait
inventé, ajoutant l'observation directe à la théorie, compléta les idées
de Copernic et en démontra la vérité par le calculo Avec son instru-
ment, il put étudier la nature des planetes, et de leur similitude avec
la terre : il conclut à leur habitabilité. Il avait également reconnu que
les éloiles sont autant de soleils disséminés dans l' espace sans bornes,
et pensa que chacun devait être le centre de mouvement d'un systeme
planétaire. 11 venait de découvrir les quatre satellites de J upiter, et
cet événement mit en émoi le monde savant et le monde religieux.
Le poete s'attache à peindre, dans son drame, la diversité des senti-
ments qu'il excita selon le caractere et les préjugés des individus.
Deux étudiants de l'Université s'entretiennent de la découverte de
Galilée, et comme ils ne sont pas d'accord, ils prennent l'avis d'un
professeur en renom.
ALBERT .
Sur certain point, docteur, nous sommes en dispute,
Et voudrions savoir ce que vous en pensez.
POMPÉE .
Il sied de. demander:.. consei! aux gens sensés,
- Çà, de quoi s'agit-il ~
VIVIAN .
De quatre satallites
Autour de Jupiter décrivant leurs orbites.
POMPÉE .
Ils n'existent pas .
VIVIAN .
Mais .. ..
POMPÉE .
Ne sauraient exister.
VIVIAN.
On peut les voir pourtant et l'on peut les compter.
POMPÉE .
On ne peut les compter puisqu'ils ne sauraient être.
(I) Copernic, astronome polonais, né à Thorn (États prussiens) en f473, mort en
1M3. - Galilée, né à Florence en 1564, condamné en 1633, mort aveugle en 1644.
Le systeme de Copernic était déjà condamné par I'Église.
- 146-
ALBERT.
Tu l'entends, Vivian?
VIVIANT .
E t pourquoi cela maitre?
POMPÉE.
Parce que, soutenir que Di eu peut avoir fait
Quatre globes en sus des sept globes qu'on sait
Est un propos méchant, un thême chimérique,
Antireligieux, antiphilosophique.
(Apr-rcevant GaWée escorté d'un grand nombre d'étIJdiants.)
Gobes-mouches nia:is ! et charlatan infâme !
ALBERT A VrVIAN
Tu vois que le docteur Pompée est contre toi .
"' IV1AN
Tant mieux pour la .doctrine eu laquelle j'ai foi;
J)e touie vgr itOa ma-r.che naturelle,
E st d'ameutel' â' abo1'd tous les péda-nts conl1'e elle.
C'est bien lã la force de raisonnement de certaios négateurs des
idéesnou,velles : cela n' est .pas, parce que cela ne peut pas être. On
demandait à un savant: Que diriez-vous si vous voyiez une table s'e11-
lever sans poiot d'appui? - Je n'y croirais pas, répondit-il, parce
que je sais que cela ne se peut pas.
UN MOlNE, lwranguant la (oule.
Écoutez ce que dit l'Apôtre : Dans les cieux
Pourquoi, Galiléens, ,promenez-vous vos yeux ?
C'est ainsi, que d'avance illançait l'anathême
Contre toi, Galilée, et contre ton systême.
Nous- mêmes, auj ourd'hui, nous voyons clairement,
Eu quelle horreur le ciel a cet enseignement,
Et l'Arno débordé, la grêle SUl' nos vignes,
Sont du courroux divin les lamentables signes .
- Mes frêres, méprisez ces mensonges grossiers ;
P our que la terr e marche, est- ce qu'elle a des pieds?
Si la lune se meut, c'est qu'un ange la guide;
Cal' à chaque planete uu conducteur preside;
Mais la terre, ou serait son ange ? - SUl' les monts?
On l'y verrait. - Au centre; Illoge les démons .
Livie, femme de Galilée, est le type des gens à eRprit borné, plus
soucieux de la vi,e ma.térieIle que de la gloire et de la vérité.
LIVIE, à Galilée.
. Pourquoi, cbauffez-vou:s les cervelles,
Eu débitant un tas de maximes nouvelles ?
- t47-
To.utes ces no.uveautés sont, po.ur trancher- le mot".
lnventio.n du diable ·et seRtent le f8lg'0t.
A la faço.n déjà, do.nt 3haoun vo.us regarcle,
Cela flnira mal, si. V0US n'yprenez garde:.
Oh! que n'imit.ez-vous ces digrues professeurs
Qui disent cequ'o.nt dit to.us leurspl'édécesseurs,?
Vo.il~ des gens ohez qui l'ordre et 1e .bou sens Ilegnent;
Ils enseignent sans bruit ce qu'o.n veut qu'ils enseiglil.eJ.1t,
Et, sans se travailler à débattre en public
S'il faut cro.ire Aristote Oli cIlo~re Co.pelmic,
Ils tiennent sagement que 1'0.piniol1.vraie
Do.it étre celle-Ià po.ur laquelle o.n.les paie,
Et que, puisque Aristote o.uvre le c0:ffire-fort,
Aristo.te à raiso.n, et Co.pernic à to.rt.
Aussi ne se font-ils d'affaire avec perso.n:líll!l:j
Ils embo.ursent en paix les florins qu'on le.1iL1' d0Jlna;
Ils pro.spêrent; ils so.nt bien lo.gés, bien no.urris;
Leurs flUes o.nt d.es do.ts et tro.uvent des maris ;,
Leur audito.ire est düux et jamais ne s'attro.upe;.
Ils rentrent au logis aux heures oÚ.I'o.n so.upe;
Mais vo.us, vo.us faites rage, et 1'o.n vo.us applaudit,
Et, pendant ce temps-là, le diner refro.idit.,
Fragments du monolo'gue de Galilée au camrr:rencement dusecondacte:
No.n, les temps ne so.nt plus o.u, reine so.litaire,
Sur so.n trõne immo.bile o.n asseyait la terre ;
No.n, le rapide cha1', po.rtant l'astre du jo.ur,
De l'auro.re au co.uchant ne décrit plus so.n to.ur;
Le flrmament n'est pIus la vo.úte cri:staIline,
Qui, co.mme un pIafo.nd bleu, de lustres s'illumíne ;
Ce n 'est plus pour nous seuls que Dieu fit l''uni'vers;
Mais lo.in de no.us tenir abaissés, so.yo.ns flers!
Car, si no.us abdiquo.ns une ro.yauté fausse,
Jusqu'au regne du vrai la science nous hausse ;
Plus le corps s'amo.indrit, plus l'Esprit devient grand;
Notre noblesse crolt o.U décroit no.tre rang.
Il est plus beau po.ur l'ho.mme, infime créature,
De saisir les secrets vo.i:lés par la nature,
Et d'oser embrasser dans sa co.nceptio.n
L'universelle lo.i de la création,
Que d'etre, comme aux jo.urs d' un vaniteux'mensonge,
Roi d'une illusio.n et possesseur d'un so.nge,
Centre ignorant d'un to.ut qu'il croyait fait po.ur lui,
Et que par la pensée il co.nquiert aujo.urd'hui.
- 148-
Soleil, globe de feu, gigantesque fournaise,
Chaos incandescent ou bout une genese,
Océan furieux 011 ftottent éperdus
Les liquides granits et les métaux fondus,
Heurtant, brisant, mêlant leurs vagues enftammées
Sous de noirs ouragans tout chargés de fumées,
Houle ardente, oii parfois nage un tlot vermeil,
Tache aujourd'hui, demain écorce du soleil ;
Autour de toi se meut, ô fécond incendie,
La terre, notre mere, à peine refroidie,
Et, refroidis comine elle, et, com me elle habites,
Mars sanglant, et V énus, l'astre aux blanches clartés ;
Dans tes proches splendeurs, Mercure qui se baigne,
Et Saturne en exil aux confins de ton regne,
Et par Dieu, puis par moi, couronné dans l'éther
D'un quadruple bandeau de lunes, Jupiter.

Mais, astre souverain, centre de tous ces mondes,


Par delà ton empire aux limites profondes,
Des milliers de soleils, si nombreux, si touifus,
Qu'on ne peut les compter dans leurs groupes confus,
Prolongent, comme toi, leurs immenses crateres,
Font mouvoir, comme toi, des mondes planétaires,
Qui tournent autour d'eux, qui composent leur cour,
Et tiennent de leur roi la chaleur et le jour.
Oh! oui, vous êtes mieux que des lampes nocturnes,
Qu'allumeraient pour nous des veilleurs taciturnes,
lnnombrables lueurs, étoiles qui poudrez,
De votre sable d'or les chemins azurés;
Chez vous palpite aussi la vie univ6l'selle,
Grands foyers, ou notre reil ne voit qu'une étincelle.

Et partout l'actiorr, le mouvement et l'âme!


Partout, roulant autour de leurs centres en ftamme,
Des globes habités, dont les êtres pensants,
Vivent comme je vis, sentent ce que je sens,
Les uns plus abaissés, et les autres peut-être
Plus élevés que nous SUl' les degrés de l' être!
Que c'est grand! que c'est beau ! Dans quel culte profond
L'Esprit, plein de stupeur, s'abime et se confond I
Inépuisable auteur, que ta toute-puissance
S'y montre dans sa gloire et sa magnificence !
- 149 -
Que la vie, épanehée à fiots dans l'infini,
Proclame vastement ton nom partout béni !

Allez, perséeuteurs ! laneez vos anathemes !


Je suis religieux beaueoup plus que vous-mêmes.
Dieu, que vous invoquez, mieux que vous je le sers:
Ce petit tas de boue est pour vous l'univers;
Pour moi sur tous les points l'amvre divine éclate;
Vous la rétréeissez, et moi, je la dilate;
Comme on mettait des rois au char triomphateur,
Je mets des univers aux pieds du Créateur.
Fragments du dialogue entre l'inquisiteur et Galilée.
L'INQUISITEUR
Il n' est de vérité que dans les Écritures;
Tout le reste est erreur, visions, impostures;
Ce qu'on croit de contraire à leur enseignement
N'est pas une clarté, c'est un aveuglement.
GALILÉE
~ui, la foi du chrétien par leur regle est régie ;
Leur seule autorité rêgne en théologie,
Et l'adoration doit eourber nos esprits
Sous les dogmes divins que 1'0n y voit inscrits;
Mais le monde physique échappe à leur domaine;
Dieu le livre en entier à la dispute humaine;
Comme il s'agit d'objets qui tombent sous les sens,
Les sens et la raison s'y montrent tout-puissants ;
L'autorité se tait; nul ordre ne peut faire
Des rayons inégaux au centre de la sphére,
Nul ne peut d'hérésie accuser le compas,
Ni décréter qu'un corps tournant ne tourne pas.
L' alil est juge, en un mot, de l'univers visible.
Si le dogme immuable est fixé par la Bible,
La seience répugne à l'immobilité,
Et, mourant dans les fers, vit par la liberté.

I:INQUISITEUR

)r, ne vois-tu donc pas que ton nouveau systéme,


Troublant l'astronomie, ébranle la foi même?
L' erreur matérielle, admise sur un point,
Dans tout le Testament rend suspeet le témoin ;
Qui peut avoir failli n'est done plus infaillible;
Le doute est done permis, l'examen est possible,
- 150-
Et ron conclut bientôt, dês qu'on osejugerr
De la fausse physique au dogme mensonger.
GALILÉE
Moi, détruire la foi, quand j'agrandis le culte!
Montrer Dieu dans son reuvre, est-ce lui faire insulte?
Ah! la comprendre mieux, c'estla mieux adorer,
Et c'est l'honorer mal que la défigurer.
Les cieux, selon la Bible en qui nous devons croire,
Les cieux de leur auteur nous racontent la gloire ;
Eh bien, j'ai mieuxqu'un autre écouté leur récit,
Etje l'ai répété comme les cieux l'ont dito

Peut-on barrer le cours d'une vérité neuve?


Arrêter une goutte, est-ce arrêter un fleuve ?
Croyez-moi, respectez ces aspi.rations,
Elles ont trop d' élans et trop d' expansions
Pour souffrir qu'Un geôlier les tienne prisonniêres;
Laissez-Ieur le champ libre, ou malheur aux barrieres!
- Ah! Rome, aux premiers jours de ton culte proscrit,
Tu disais n'opposer au glaive que resprit;
N'as- tu donc triomphé que pour changer de rôle,
Et toi-même opposer le glaiv:e à la parole ?
Antonia, filie àe 'Galilée, V'oyan.t Bon pere proserit, lui dit:
Voici ton Antigone. ~ui, mon amour pieux
Conduira le proscrit, vainq,u eur du sphinx des cieux.
Dirigeant ton ·Mton de vallée en vallée,
Je dirai : « Donnez-moi du pain pour Galilée,
Pour celui qui, privé d'un toit par des chrétiens,
Aurait-eu des autels chez les peuples palens. »

Galilée sonda les profondeurs des cieux et révéla ta pltlralité des


mondes matériels. Ce fut, comme nous I'avons dit, toute une révolu-
tion dans les idées; un nouveau cbamp d'exploration fut ouvertàla
science. Le Spiritisme vient en opérer une non moins grande en révé-
lan! l'existence dt} monde spiri'tuel qui nous enviro.nn e ; grâce à lui
l'homme connait son passé et sa véritable destinée. Galilée a renversé
les barriercs qui circonscrivaient \'univers: le Spiritisme le peuple et
comble le vide des espaces infinis. QtlOique plus de deux sh~cles nous
séparent des découvertes de Galilée, bien des préjugés so.nt encore
vivaces; la nouvelle doctrine émancipatrice rencontre les mêmes ob-
stacles; o.n l'attaque ave c les mêmes armes, o.n lui oppose les mêmes
arguments. En lisant le drame de M. Ponsard, o.n pourrait mettre
- 151 -
des noms propres modernes à chacun de ses personnages. Cependant
le mauvais vouloir et la persécution n'ont pas empêché la doctrine de
GaJi: ée de triompher parce qu'eUe ,était la vérité; il en sera de même
du Spiritism e, parce que c'est aussi une vérité. Ses détracteurs seront
regardés, par la génératioifi future, du même reil qu e nous regard.ons
ceux de Galilée.
Lu ooe n
Par CAMI LLE FLAMARJON .
(2" article. V oir lo Ilum él'o de mal'S, pago 93 .)
Nous avons laissé Lumen dans Capella, occupé à considérer la
terre qu'il venait de quitter. Ce monde étant situé à f 70 trillions 392
milliards de lieues de la terre, et la lumiêre parcourant 70,000 lieues
par seconde, celle- ci ne peut arriver de l'un à l'autre qu'en 71 ans
8 mois et 2 í jours, ~oit environ 72 ans . 11 en résulte quê le rayon
lumineux qui porte l'empreinte de I'image de la ter1'e n'arrive aux
habitant.s de Capella qu' au bout de 72 amo Lumen étant mort en
1864, et portant sa vue SUl' Paris, le vit tel qu'il était 72 ans aupara-
vant, c' est-à-dire en 93, année de sa naissance.
11 fut donc d'abo1'd tres surpris de le trouver tout différent de ce
qu'il I' avait vu, de voir des ruelles, des couvents, des jardins, des
champs à la place des avenues, des nouv eaux boulevards, des gares
de chemins de fer, etc. 11 vit la place de' la Concorde occupée par
une foul e immense, et fut témoin ocul ai re de l'avénemen t du 21 jan-
vier. La théorie de la Jumi ere lui donna la clef de cet étrange phéno-
mene. Voici la solution de quelques-unes des difficultés qu'il sou-
leve ('I ) .
Sitiens. Mais alors, si le passé peut se eonfondre ainsi dans le
présent; si la réalité et la vision se marient de 1a sorte; si des person -
nages morts depuis longtemps peuvent encore être vus jouant SUl' la
sc~ne; si les constructions nouvelles et les métamorphoses d'ulle ville
comme Paris peuvent disparaítre et laisser voir à leur place la cité
d'autrefois; si enfin le présent peut s'évanouir pour la résurrection du
(I) D'~pr es le calcul, el en raison dtl la dbtan ce du solei I qui est de 38 millions
2~ O mine lieues, de 4, kilomelres, la lumiere de cet astre nous arri,e en 8 minutes
13 secondes. 11 en résulle qu' un phénom en e qui se passel'ait à .a slcrTface Ih\ nOliS
apparaltrail que 8 m. i3 s. plus tard, et qu.e si le phénomene était instantanéjl u'exis-
terait déjà plus lorsque nous le verrions, La distam'e :le la lune n' étant que de 85 mille
Iieues, sa lumiere nous arrive à peu pres en une seconde, et un quart, les perturba-
tions qui pourraient s'y prodllire nOl:ls apparaltl'aient, p~r conséquent, à peu de chose
pres au mome.nt ou elles ont lieu. Si Lumen ~e fUllrouvé dans la lun.e, il aurait vu
le PaIis de i86~ et non ele 93; s'il eut été dans un monde dllux fois plus éloigné que
Capella,l1 aurait vu la Régence.
- 152-
passé, sur quelle certitude pouvons-nous désormais naus confier? Que
deviennent la science et I' observation? Que deviennent les déductions
et les théories? Sur quoi sont fondées nos eonnaissanees qui nous
paraissent les plus solides? Et si ees ehoses sont vraies , ne devons-
nous pas désormais douter de tout ou eroire à tout ?
Lumen. Ces eonsidérations et bien d'autres, mon ami , m' ont
absorbé et tourmenté; mais elles n' ont pas empêché d' être la réalité
que j'observais. Lorsque j'eus la cel'titude que nous avions p résenle
sous Ies yeux l'année 1793, je songeai de suíte que la science elle·
même, au lieu de combattre cette réalité (car deux vérités ne peuvent
être opposées l'une à l'autre), devait m'en donner)' explication. J'in-
terrogeai donc la ph ysique, etj'attendis sa réponse. (Suit la démon-
stration scientifique du phénomene.)
Si!ü!ns. Ainsi, le rayon lumineux est comme un courrier qui nous
apporte des nouvelles de I'état du pays qui l'envoie, et qui, s'il mct
72 ans à nous parvenir, nous do nne l'état de ce pays au moment de
son départ, c'est-à-dire pres de 72 ans avant le moment ou il naus
arrive.
Lumen. Vous avez deviné le mystere. Pour parler plus exactement
encore, le rayon lumineux serait un eourrier qui nuus apporterait,
non pas des nouvelles écrites, mais la photographie, ou plus rigou-
reusement encore l'aspecr lui-méme du pays d'ou il est sorti. LOl'8
donc que nous examinons au télescope la surface d' un astre , nous ne
voyons pas encore cette surface telle qu'elle est au moment même ou
nous l'observons, mais teUe qu' elle était au moment ou la lumiere qui
nous en arrive fut émise par cette surface.
Sitiem. De sorte que si une étoile donl la lumiere met, je suppose,
dix ans à nous parvenir, ~ tait subitement anéantie aujourd'hui, naus
la verrions encore pend ant dix ans, puisque son dernier rayon ne
nous arriverait que dans dix ans.
Lumen. C'est 'précisément cela. Il y a done là une surprenantc
transformation du passé au présent. Pour l'astre observé, e'est le
passé, déjà disparu; pour l'observateur e'est le présent , l'actuel.
Le passé de l' astre est rigoureusement et positi vement Ie présent de
l'observateur.
Lumen se voit lui-même pIus tard, enfant, à l'âge de six an s , jouant el
se disputant avec une Iroupe d'autres enfants sur la place du Pan théon.
Sitiens. Je vous avoue qu'il me paralt impossible que I'on puisse
se voir ainsi soi-même. Vous ne pouvez être deux personnes. Puis-
que vous aviez 72 ans quand vous êtes mort, votre état d'enfance
- 153 -
élait passé, disparu, évanoui depuis longtemps. Vous ne pouvez voir
une chose qui n' est plus. On ne peut se voir en double, enfant et
vieillard.
Lumen. Vous ne réfléchissez pas assez, mon ami. Vous avez assez
bien comprisle fait général pour l'admettre; mais vous n'avezpassuf-
fisamment observé que ce dernier fait particulier rentre absolument
dans le premier. Vous adm ettez que l'aspect de la terre emploie 72
ans à venir à moi, n' est-ce pas ~ que les événements ne m'arrivent
qu'à cet intervalle de temps apres leur actualité ? En un mot, que je
vais le monde tel qu'il était à cette époque. Vous adm ettez pareille-
ment que voyant les rues de cette époque, je vois en mêwe temps
les enfants qui couraient dans ces rues ~ Eh bien! puisque je
vais cette troupe d' enfants, et que je faisais alors partie de cette trou-
pc, pourquoi voulez-vous que je ne me voie pas aussi bien que je vois
Ics autres ~
Sitiens. Mais vous n'y êtes plus, dans cette troupe ?
Lumen. Encore une fois, cette troupe elle-même n' existe plus
maintenant, mais je la vois telle qu'elle existait à l'instant ou est
parti le rayon lumineux qui m'arrive aujourd'hui, et puisque je dis-
tingue les quinze ou dix-huit enfants qui la. composaient, il n'y a pas
de raison pour que l' enfant qui était moi disparaisse, parce que c'est
moi qui le r egarde. D'autres observateurs le verraient en compagnie
de ses camarades. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait exception quand
e'est moi qui r egarde ? Je les vois tous, et je me vois avec eux.
Lumen passe en revue la série des principaux événements politiques
arrivés depuis i793 jusqu 'en i864, OÚ il se voit lui-même sur son lit de
morto
Sitiens. Est-ce que ces événements passerent rapidement sous vos
J'egards?
Lumen. J e ne saurais apprécier la mesure du temps ; mais tout ce
panorama rétrosp ectif se succéda certainement en moins d'un jour ...
en quelques heures p eut-être.
Sitiens. Alars je ne comprends plus. Si 72 années t.errestres ont
passé sous vos yeux, elles auraient dú mettre exactement 72 ans à
vous apparaitre, e t non quelques heures. Si l'année 1793 vous appa-
raissait seulement en :1864, l'année 1864, en retour, ne devrait par
conséquent vous apparaHre qu' en 1936.
Lumen. Votre objection est fondée, et me prouve que vous avez
bien compris la théorie du fait. Aussi vais-je vous expliquer comment
il ne me fut pas nécessaire d'attendre 72 nouvelles années pour re-
- 154 -
voir ma vie, et comment, s:)us l'impulsion d'une force inconsciente,
je l'ai elTectivement revue en moins d'un jour.
Continuant de suivre mon existence, j'arrivai aux dernieres ano
nées rcmarquables par la lransformation radicale que Paris à subie;
je vis mes derniers amis et vous-même; ma famille et mon cercle de
connaissances; et enfin Ie moment arriva ou je me vis couché Sllr
mon lit de mort et ou j'assistai à la den1Í'ere scene. C' esl vous dire
que j'étais revenu sur la ten e.
Attirée par la contemplation qui l'absorbait, mon âme avait vite
oublié la. montagne des vieillards et Capella. Comme on le ressent
parfois en rêve, elle s'envola:it vers le but de ses regards. Je ne m'en
aperçus pas d'abord, tant l'élrange vision captivait toutes mes facul-
tés. Je ne puis vous dite ni par qu elle loi, ni par quelle puissance les
âmes peuvent se transporter aussi rapidement d'Ull lieu à un nutre;
mais la vérilé est que j' étais revenu à la ferre, en moins d'un jour, et
que je pénétrais dans ma chambre au moment même de mon ense-
velissement.
Puisque, dans ce voyage de retour, j'allais au devant des rayons
lumineux, je raccourcissais sans cesse la distance qui me séparaiL de
la tene, la lumiere av-ait de moins en moins de chemin à parcourir,
et resserrait ainsi Ia succession des:événements. Au milieu du chemin
m'arrivant de 36 ans seulement, ils ne me montraient plus la terre
de 72 uns auparavant, mais de 36. Aux trois quarts du chemin, les
aspects n'étaient pIus en retard que de 18 an8. A la moitié du dcrnier
quart, ils m'arrivaient seulement 9 ans apres s'êtrc passés, et a:Ínsi
de suite; de sorte que la série entiêre de mm1 existence se trouva
condensée en moins d'un jour par suíte du retour rapide de mon
âme, allant au-devant des rayons lumineux.
LlJrsque Lumen arriva dans Capella, il vit un groupe de vieillards accn-
pés à considérer la terre, et dãsser.tant sur l"événement de 93; l'un d'eux
dit à,ses c'ompag.nons :
« A genoux! mes freres; demandons, l'indulS1ell'c'e a:u Dreu ul1i-
verseI. Ce monde, cette nation, e:ette e-ité s;est sO'uillée d'u:n grand
crime; la tête d'un roi innocent vieli1t de tomber. u Je m'appFochai
de l'ancien. dit Lumen, et lui demanda;1 de me faiL'e le récit de ses
observations...
« II m'apprit que, par l'intoition dont s0nt domés l'es Esprits '(;J u
degré de ceax qui habitent ce monde, et par la: faculté intime d'a-
perception Gi,u'ils O'l1t reçue el1 pa:rtage,. ils pOSSMel'lt une sorte de
relation mag1;J.'éti:que avec les étojles 'avoisirrantes. Ces étoiles sont au
- 155-
nombre de douze ou quinze; ce sont les plus rapprochées; hors de
celte région l'apercepüon devient confuse. Notre solei! est I'une de
ces étoiles voisin.es (1). Ils connaissent dane" vaguement mais s8nsi-
blemeut. l'état des humanités qui habitent les planetes dépendantes
de ce soleil, et leur degré relatif d' élévation intellectuelle 'et morale.
« De plu s, lorsqu'une grande pertul'bation traverse l'une de ces

hwnanüés, soit dans l'ordre physique, soz'! dflns l'ol'dl'e moral, ils
en subissent une sorte de cummotz'on últime, com me on voit une
cOl'de vibrante faiTe entrer e.n vibration une aulre corde située d dis-
tance.
« Depuis un an (l'année de ce monde est égale à dix des nôtres) ,
ils s' étaient sentis attirés par une émoüon particuliêre vers la planete
terrestre; et les observateurs avaient suivi avec intérêt et inquiétude
la marche de ce monde. »
On serait dans l'erreur si l'on indllisait de ce qui, préoede que les
habitants des différentes sphêres portent, du point ou ils sont, un
regard ü1Vestigateur sur ce qui se passe dans les autres mondes, et
que les événements qui s'y accomplissent passent sous leurs yeux
comme dans le champ d'un e lune tte. Chaque monde d'ailleurs, a ses
préoccupations spéciales qui captivent l'attention de ses habitants,
selou leurs besoins propres, leurs moours toutes difTérentes, et leur
degré d' avancement. Lorsque les Esprits incarnés dal15 une planete
ont des motifs personnels de s'intéresser à ce qui se passe dans un
autre monde, ou à quelques-uns de ceux qui J'habitent, leur âme s'y
lransporte, comme le fi t ceBe de Lumen, à l'état de dégagement, et
alors ils redeviennent momentanément, pour ainsi d.ir'e habitants
"pirituels de ce II!0nde, ou bien ils s'y incarnent el1 mission. Voilà,
riu moins, ce qui résulte de l'enseignement des Esprit~.
(I) 170 trillions, 392 milliards de lieues ! Par la distance qui sépare les éloileg va i
sines on peut juger de l'étendue occu pée par l'elEelOb!e de celles qui nous pardissent
cependant à la vue si pres les uneô des au lres, sans compter le nombre inüniment
plus grand de celles qui ne sont percep libles qu'à J'nide du télescope, et qui ne sont
elles-mêmes qu'une infime fraction de ce ll ~s qui, perdues dans les profondeurs de !'in-
lini, échappent à tous lIOS moyens d'investigalion. Si J'oa considere que chaque étoile
est un solei!, centre d' un tour.billon plan é t~ ir e, 01\ comprendra que nolr6 propl'e lom-
hilton n'est qu' un point dans celte immensilé. Qu'est donc notre globe de 3,000 lieues
de diametre parmi ces milliards de monde? Que sont ses habitants qui ont cru longo
iemps leur petit monde le poiot central de J'unive,rs, et se sont crus tl ux-mêmes les
sculs êtres vivanls de la création, concentrant en eux seuls les préoccupations et la
sollicitude de r Éternel, et croyanl de bonne foi que le speclacIe de, cieux n'était fait
que pour récréer leur vue? Tout ce systeme égolste et mesq uin, qui a'fait pendant de
longs siecles le fondement de la foi religieuse, s'est écroulé devanllell découvertes de
Galilée.
- 156-
Celte derniere partie du récit de Lumen manque donc d'exacti-
tude; mais il ne faut pas perdre de vue que cette histoire n'est
qu'une hypothêse destinée à rendre plus accessibles à l'intelligence,
et en quelque sorte palpables par la mise en action, la démonstratioll
d'une théorie scientifique, ainsi que nous I'avons fait observeI' dans
notre précédent article.
Nous appelons l'atten lion sur le paragraphe ci-dessus ou il est dit
que : (( Les grandes perturbations plzysiques et morales d'un monde
produisent sur les mondes voisins · une sorte de commotion intime,
comme une corde vibrante fait vibrer une autre corde placée à dis-
tance. » L'auteur, qui en matiere de science ne parle pas à la légere,
énonce là un principe qui pourrait bien un jour être converti cn loi.
Déjà la science admet, com me résultat d'observation, l'action réci·
proquc malérielle dcs astres. Si, co mme on commence à le soup çon-
ner, cette action, augmentée par le fait de certaines circonstances,
peut occasionner des perturbations et des cataclysmes, il n'y aurait
rien d'impossible à ce que ces mêmes perturbations eussent leul'
contre coup . Jusqu'à présent la science n'a considéré que le principe
matériel; mais si l' on tient compte du principe spirituel comme élé-
ment actif de l'univers, et si \'on songe que ce principe est tout aussi
général et tout aussi essenliel que le principe matériel, on conçoit
qu'une grande effervescence d e cet élément et les modificatiqns qu'il
subit sur un point donné puissent avoir lem réaction, par suite de la
corrélation nécessaire qui existe entre la matiere et l' esprit. li y a
certainement dans cette idée le germe d'un principe fécond et d'unc
étud e sérieuse dont le Spiritisme ouvre la voie.
DissertatioDs spirites
La vie spirituelle.
(Groupe-Lampériel'e, 9 j anvier 1861. Médium, M. Delanne.)
Je suis là, bienheureux de venir vous saluer, vous encouragel' ct
vous dire :
Freres, Dieu vous comble de ses bienfaits, en vous perm ettant en
ces temps d'incrédulité, de respirer à pleins poumons l'air de la vic
spirituelle qui souffle avec vigueur à travers les masses compactee.
Croyez votre ancien sociétaire, croyez votre ami intime, votrc
frere par le creur, la pensée, la foi; croyez aux vérités enseignées:
elles sont aussi sures que logiques; croyez en moi qui, il y a quel-
ques jours, me contentais com me vous de croire et d' espérer, tan dis
qu'aujourd'hui la douce fiction est pour moi une immense et pro-
fonde vérité. Je touche, je vois, je suis, je possede, donc cela est;
- 157 -
j'analyse mes impressions d'aujourd'hui et les compare avec ceIles
loutes frakhes encore de la veille.
Non-seulement, il m'est permis de comparer, de synthétiser, de
peser mes actions, mes pensées, mes réflexions, de les juger par le
critérium de mon bon sens, mais je les vois, je les sens, je suis té-
moin oculaire, je suis la chose réalisée; ce ne sont plus de consolan-
tes hypothooes, des rêves dorés, des espérances, c'est plus qu'une cer-
tilude moral e : c'est le fait réel, palpable, le fait matériel que 1'011
louche, qui vous saisit sous sa forme langible, et qui nous dit : cela est.
lei tout respire le calm e, la sage·sse, le bonheur; tout est harmo-
nie, tout dit : Voilà le summum du sens intime ; plus de chimeres,
de fausses joies, plus de craintes puériles, plus de fausse honl e, plus
de dautes, plus d'angoisses, plus de parjures, rien de ce vilain cor-
tége de fabul euses doul eurs, de grossieres erreurs, comme on en voit
journellement sur la terre.
Ici on est pénétré d'une quiétude ineffable ; 011 admire, 011 prie, on
adore, on r end des actions de grâce au sublime auteur de tant de
bienfaits, on étudie, et I' on entrevoit toutes les puissances infinies; on
voit le mouvement des loi:=; qui régissent la nature. Chaque reuvre a
un but qui conduit à I'amour, diapason de I'harmonie générale. On
voit le progrrs présider à toutes les transformations physiques et
morales, car le progres est infini comme Dieu qui I'a créé. Tout est
compréhensible ; tout est net, précis; plus d'abstractions : on touche
da doigt et de la raison le pourquoi des choses humaines. Les lé-
gions spirituelles avancées n'ont qu'un but, celui de devenir utiles à
leurs freres arriérés pour les élever vers elles.
Travaillez donc sans cesse, suivant vos forces, mes bons freres, à
vaus améliorer, à être utiles à vos semblables; non-seulement vous
ferez faire un pas à la doctrin e qui fait votre joie, mais vous aurez
puissamment contribué au progres de votrc planeie; à l'exe mple du
grand législateur chrétien, vous serez hommes, hommes d'amour, et
rous concourrez à implanter le r egne de Dicu sur la terre.
Celui qui est encore et plus que jamais votre condisciple.
LECLERC.
Remarque. Tel est, en effet, le caractere de la vie spirituelIe ;
mais ce serait une erreur de croire qu'il suffit d' être Esprit pour I'en-
visager à ce point de vuc. Il en est du monde spirituel comme du
monde corporel: pour apprécier les choses d'un ordre élevé, iI fau!
nn développement intellectuel et moral qui n' est le propre que des
Esprits avancés ; les Esprits arriérés sont étrangers à ce qui se
-158 -
passe dans les ha:utes sph8res spiritu elles, comm.e ils r étaient sur la
terre à ce qui fait l'admiration des hommes éclairés, parce ce qu'ils
ne peuvent le comprendre ; leur pensée circonscrite dans un horizon
borné, ne pouvant embrasser I'infini, ils ne peuvent avoir les jouis-
sances qui résultent de I'élargissement de la sphere d'activité spiri-
tuelle, ta somme du bonheUl', dansl e monde des Esprits, y est
donc, par la force même des choses, en raison du développ ement
du ~ens moral; d'oll i\ résult e qu' en travaillant ici-bas à notre arn é-
lioration et à notre instruction, nous augrnentons les SOUTces de fé-
licité pour la vie future, Pour 1e matérialiste, letI'avail n'a qu'un
résultat borné à la vie pI"ésente qui peat finir ,d' un instant à I' autre ;
le Spirite, 8fO contraire, sait que ricn de cc qu'il acquiert, même à la
derniere hcure, n' cst en pure perte, et que tout progres a-ccompli lui
sera profitable.
Les profQndes considérations de notre ancien colle,gue, M. Leclerc,
sur la vie spirituelle, sont donc une preuve de son avancement dan~
la hiérarchie des Esprits, et nous r en félicitons.
Épreuves terrestres des h01Jlmes eu mission.
(DouaYJ S mars ~867. Médium Ma.dame M ..•.)
,.. 'o Il faut, mes enfants, que 1e sang épure la terre .;, terrible lutte,
plus horrible encore par la splendeur de la civilisatio.n au milieu de
laquelle elle éclate. Quoi, Seigneur ! lorsque tout se prépare pOUl'
resserrer les liens des peuples d'un bout du monde à l'autre I 101'5-
que dans l'auror.e de la fraternilé matérielle on voit les lignes de
démarcation de races, de coutumes, de langage tendre à l'unité , la
guerre arrive, la guerre et son cortége de ruines , d'incendies, de
divisions profondes, de haines religieuses ; oui, tout cela parce que
riell, dans nos progres, n'a élé suivant I'Esprit de Dieu; parce que
vos liens n'ont été serrés ni par la bonté, ni par la loyauté, mais par
l'intérêt seul; parce que ce n'est point la vraie charité qui impose
silence aux haines religieuses, mais J'indifférence; parce que les bar-
rieres n'ont poin-t été abaissées à vos frontieres pu l'amour de tous,
mais par les calculs mercantiles ; enfin, parc.e que les vues sont hu-
maines et instinctives et non spirituelles et charitables; par ce que
les gouvernants ne cherchent que leurs profits et que cha.cun parmi
les peuples en fait autant,
Sublime désintéressement de J ésus et de ses apôtres, ou es-tu ? -
Vous êtes a.tlristés, mes enfants, en pensant quelquefois à la ru de
mission de ces Esprits sublimes qui viennent rel'e'\ler le com'age de
l'humanité et mourir à la tâche apres avoir vidé jusqu'à la lie la
coupe des ingratitudes humaines. Vous gémissez de voir que le
Seigneur, qui les envoya, semble les abandonner au moment ou sa
protection parait le plus nécessaire; ne vous a-t-on point parlé des
- 159 -
épreuves que subi~sent les Esprits élevés au moment de franchir un
degré plus haut dans l'initiative Epiri tuelle ? Ne vous a-t-on pas dit
que chaque grade de la hiérarchie céleste s'acheLe par ]e mérite, par
le dévaúment, COmme chez vous, dana l'armée, par le sang répandu
et par les services accomplis? Eh bien! c'est le cas ou se trouvent
les Messies sur cette terre de dauleurs; ils sont soutenus tant que
dure leur ceuvre humanitail'e, tant qu'ils travaillent pour I'homme et
pour Dieu, mais, brsqu'eux seuls sont en jeu, lorsque leur épreuve
devient individuelle, le secours visibl e s'éloigne, la lutte se montre
âpre et rude comm e l'homme doit la subir.
VoiIà l'explicatiün de cet abandon apparent qui vous afflige dans
la vie des missiannaires de tous grades de votre humanité. Ne pen-
sez pas que Dieu abandonne jamais sa créature par caprice ou im-
puissance ; non, mais dans l'intérêt de sou avancement iI la laisse à
ses propres forces, à l'usage entier de son libre arbitre.
CURÉ. D' ARS.
Le Génie.
(Douai, 13 mal's 1867. Médium, Madam e M ... )
Question. Le génie est-il départi à chaque Esprit suivant san
acquis, ou suivant une l::Ji divine en rapport avec les besoins d'un
pcuple ou d' une humanité?
R éponse. Le génie, chers enfants, est le rayonnement des ac-
quis antérieurs. Ce rayonnement est l'état de \' Esprit dans le déga-
gement ou da ns les incarnations supérieures : il y a donc deux
dislinctions à faire. Le génie le plus ordin aire parmi vaus est sim-
plement l'état d'un Esprit dont une ou deux facultés sont restées
dévoilées et en état d'agir libl'ement; il a l'eçu un corps qui permet
leur épanouissement dans sa plénitude acquise. L'autre espece de
génie est l'Esprit qui vient des mondes heureux et avancés, ou l'ac-
quis est uni verseI SUl' tous les points; ou toutes les facultés de I' âme
sont arrivées à un degré éminent, inconnu sur la terre. Ces sortes de
génie se distinguent des premiers, par une aptit ude ho1's ligne à tous
les talents, à toutes les études. I1s conçoivent toutes choses par une
intuition sure et qui confond la science apprise des plus savants. Ils
excellent en bünté, en grandeur d'âme, en vraie noblesse, en reuvres
excellentes. lIs sont des flambeaux, des initiateurs, des exemples. Ce
80nt des hommes d'autres terres, venus pour faire rcsplendir la lu-
miere d'en haut dans un monde obscur, de même qu'on envaie
parmi des barbares paul' les instruire, quelques savants d'une capi-
tale civilisée; tels furent chez vaus, les hammes qui, à diverses
époques ont fait avancer I'humaniLé, les savants qui ont reculé les
bornes des connaissances, et dissipé les ténebres de l'ignorance. Ils
virent et pressentirenUa destinée terrestre,. si loin qu'ils fussent de
- 16Ü -
l'accomplissement de cette destinée; tous ont jeté les fond emen ts
de quelque science, ou en furent le point culminant.
Le génie n'est donc point gratuit, et n'est pas subordonné à une
loi; il sort de l'homme même et de ses antécédents. Réfléchissez que
les antécédents sont tout l'homme. Le cri mineI l'est par ses antécé-
dents; l'homme de mérite, l'homme de génie sont supérieurs par la
même cause. Tout n'est pas voilé dans l'incarnation au point qu'il ne
transperce rien de notre être antérieur. L'intelligence et la bonté
sont des lumieres trop vi ves, des foyers trop ardents pour que la vic
terrestre les réduisse à I' obscurité.
Les épreuves à subir peuvent bien voiler, atténuer quelques-unes
de nos facultés, les endormir, mais, si elles sont arrivées à un haut
degré, l'Esprit n'en peut perdre entierement la possession et l'exer-
cice; il a en lui l'assurance qui les tient toujours à sa disposition;
souvent même, il ne peut consentir à s'en privei" C'est là ce qui
cause les vies si douloureuses de certains hommes avancés qui ont
mieux aimé sou1Irir par leurs hautes facultés que de les laisser s'éva-
nouir pour un temps.
~ui, tous nous sommes par l'espoir, et quclques-uns par le sou-
venir, citoyens de ces hautes spheres célestes ou la pensée rayonne
pure et puissante. ~ui, tous nous serons des Platons, des Aristotes,
des Erasmes ; notre Esprit ne verra plus pâlir se:~ acquis sous le poids
de la vie du corps, ou s'éteindre sous le poids de la vieillesse et des
jnfirmités.
Amis, voilà vraiment la plus sublime espérance; que sont aupres
de tout cela les dignités et les trésors qu'on mettait aux pieds de
ces hommes; les souverains mendiaient leurs reuvres, s'arrachaient
leur présence. - Croyez-vous que ces vains honneurs les flattaient ?
non; le souvenir de leur glorieuse patrie était trop vif. lls remonte-
rent heureux sur le rayon de leur gloire, dans ces mondes que leur
Esprit regrettait sans cesse.
Terre! terre! région frúide, obscure, agitée; terre aveugle, in-
grate et rebelle! tu ne pau vais leur faire oublier la patrie céleste ou
ils avaient vécu, ou ils retournaient vivre.
Adieu, amis, soyez surs que tout homme de bien~ deviendra ci-
toyen de ces mondes heureux, de ces Jérusalems splen<iides, ou l' Es-
prit vil libre dans un corps éthéré, possédant sans nuages et sans
voile, tous ses acquis; alors, vous connaltrez tout ce que vous
aspirez à connaitre , vous comprendrez tout ce que vous cherchez à
comprendre, même mon nom, cher médium que je ne veux pas te
dire. UN ESPRlT.
ALLAN KARDEC.
Paris, - Typ. de Rouge Creres, Dunon et Fresné, rue du Four-Saiot-Germain, 43.
REV-UE SPIRITE
JOURNAL

lO" ANNÉE. No 6. JUIN 1.867.

ÊmancipatioD des femmes aux États-Unis.

« On mande de New-York que, dans le nombre des pétitions


adressées récemment au président des États-Unis, il s'en trouve une
qui a soulevé de nouveau la question de l'admissibilité des femmes
aux emplois publics. Mademoiselle Françoise Lord, de New-York, a
demandé à être envoyée comme consul à l'étranger. Le Président a
pris sa demande en considération, et elle espere que le Sénat lui sera
favorable. Le sentiment public ne se montre pas aussi hostile à cette
innovation qu' on aurait pu le supposer, et plusieurs journaux soutien-
nent la prétention de mademoiselle Lord. ))
(Siecle, 5 avriI1867.)
( Dans le district comrnandé par le général Shéridan, formé par
\es états de la Louisiane et du Texas, les listes électorales ont été
ouvertes, et Ia population blanche ou de couleur a commencé à fi'y
faire inserire sans élever d'objection au sujet de l'ingérence de l'au-
lorité militaire dans toute cette affaire. Malgré les efforts des législa-
teurs de Washington, Ia population du nord garde une grande partie
de ses préjugés à l'endroit des noirs. A Ia majorité de 35 voix
contre, la chambre des députés du New-Jersey leur a refusé la jouis-
sance des droits politiques, et le sénat de l' état s' est associé à ce
vote, qui est l'objet des attaques les plus vives dans toute la presse
républicaine. En revanche, l'un des états de l'Ouest, le Wisconsin,
a donné le droit de suffrage aux femmes âgées de plus de vingt et
un ans. Ce principe nou veau fait son chemin aux États -Unis, et il
ne manque pas de journalistes pour approuver la galanterie politique
des sénateurs du WiscoIlsin. Faisant allusion à un roman célebre, un
- 1.62-
oraleur d'un meeting s'est écrié : « Comment refuserions-nous la
• capacité poli tique à madame Beecher Stowe, lorsque nous la re-
I r.onnaissons à l'oneIe Tom? »
(Grand Moniteur, 9 mai f 867. )
La chambre des Cúmmunes d' Angleterre s'est aussi occupée de
cette qucstion dans sa séance du 20 mai dernier, sur la proposition
d'un de ses membres. On lit dans lc compte reudu du MOr'nin!J-
Post:
« Sur la clause 4, M. 1\1ILL demande qu'on retranche le mol
homme et qu'on insere celui de personne.
(( Mon but est, dit-il, d'admettre à la franchise électorale une
tres grande partie de la population qui est maintenant exclue du gi-
ron de la constitution, c'est-à-dire les femmes. Je ne vois pas paur-
quoi les ladies non mariées, majeures, et les veuves n'auraient pas
une voix dans I'élection des membres du Parlement.
I On dira peut être que les femmes ont déjà bien assez de pou voir,

mais je sOLltiens que si elles obtenaient les droits civils que je pro-
pose qu'on leur accorde, on éleverait par là leur condition, et on
les débarrasserait d'un obstacle qui empêche aujourd'hui I'expailsion
de leurs facultés.
« J"avoue que les femmes ont déjà un grand pouvoir social, mais
elles n'en ont pas trop, et ne sont pas des enfants gâtés tels qu' on le
suppose généralement. Du reste, quel que soit leur pouvoir, je veux
qu'il soit responsabl-e, et je leur donnerai le moyen de faire connaltl'e
leurs besoins et leurs sentiments •
• M. LAING. - La proposition est, selon lui, insoutenable, et il
est persuadé que la grande majorité des femmes elles-mêmes la re-
jetterait.
« Sm JOBN BOWYER pense ditTéremment. Les femmes peuven(
être maintenant surveillantes direclrices des pauvres, et il ne voit pas
pourquoi elles ne voteraient pas pour les membres du Parlement.
L'honorable baronnet cite le cas de miss Burdetts Coults pour mon-
trer que la propriété des femmes, quoique imposée COIlllne celle eles
hommes, n'est pas du tout représen tée.
« II e?t procédé au vote : l'amendement est rejeté par f 96 voix
contre 73, et il est ordonné que le mot homme fera partie de la
clause. »)
Le journal la Liberté , du 24 mai, fait suivre ce compte rend I! eles
judicieuses réflexions suivantes :
Cl Est-ce que déjà les femmes ne sont pas admises à siéger et à
- t63 -
voter duns les assemblées d'actionnaires, au même titre que les
hommes?
« Fut-i) vrai, ainsi que \'a prélendu l'honorable M. Laing, que
les femmes ne voulussent pas du droit que M. SLuart Mill pro pose de
leur reconnaitre, ce ne serait pas une raison pour ne pas le leur at-
tribuer s'il leur appartient légitimement. Celles à qui il répugnerait
de l' exercer en seraient quittes pour ne pas voter, sauf, plus tard, à
se raviser quand l'usage les aurait fait changer d'avis.
« Les Laing, dont les yeux sont couverts par le bandeau de la
routine, trouvent monstrueux que les femmes votent, et ils trouvent
toat naturel et parfaitement sim pIe qa'une femme regne !
« O inconséquence humaine ! ô conlradiction sociale!
«A. FAGN AN.»
Nous avons traité la question de I'émancipation des femmes dnns
l'arlicle intitulé : L es (émmes ont- elles une âme? publié dans la Re-
vue de jltll vier 1866, et auquel nous renvoyons pour ne pas nous
répéter ici; les considérations suiva!; tes serviront à le compléter.
II n' est pas douteux qu'à un e époque ou les priviléges, uébris
d'un aulre âge et d'aulres mreurs, h)H}bent devant le príncipe de
I'égal ité des droits de iaute créatllre hu m'1ine , ceux de la femme ne
sallraient tarder à être reconnus, et que, clans un avenir prochain,
la loi ne la traitera plus en mineure. J usqu'à pré;:;ent, la reco nnais-
san ce de ces c1 roits est considérée com me Ulle concession de la force
11 la faibl esse, c'est pourquoi elle est marchandée avec tant de par-
cimonie. OI' , comme tout ce qui est octroyé l?énévalement peut être
retiré, cetle reconnaissance ne sera définitiv e et imprescriptible que
lorsqu'elle ne sera pIus subordonnée au caprice du plllS fort, mais
fondée SUl' un principe que nul ne puisse contester.
Les pri viléges de races ont leur origine dans l'abstraction que les
hom mes font en général du príncipe spirituel, pour ne considérer
que l'être matériel extérieur. De la force ou de la faiblesse constitu-
tionnell e chez les uns, d'une différen ce de couleur ch ez les autres, de
la naissance dans l'opuIence ou la misere , de la filiatiol'l consanguine
noble ou roturiere, ils ont conelu à un e supériorité ou à une infério-
rité naturelle; c' est sur cette donn ée qu 'ils OHt établi leurs lois 80-
ciales et les priviléges de races. A ce point de vue circonscrit, i1s
sont conséquents a'iec ellx-mêmes, car, à ne considérer que la vie
malérielle, certaines classes semblent appartenir et appartiennent en
effet à des races différentes.
Mais si l'on prcnd son point de vue de l'être spirituel, de l'être es-
- 164-
sentiel et progressif, de I'Esprit en un mot, préexistant et survivant
à tout, dont le corps 11'est qu' un e enveloppe temporaire, variant
comme l'habit de form e et de couleur; si de plus , de I' étude des
êtres spirituels ressort la preu ve que ces êtres sont d'une nature
et d'un e origine identiques, que leur destinée esl la mêm8, que tous
partant d'un même poinl tendent au même bul, que la vie corporelle
n'est qu'un incident, une des phases de la vie de I'Esprit, nécessaire
à son avancement intellectuel et moral ; qu'en vue de cet avancement
I'Esprit peut successivement revêtir des envelopes diverses, naitrc
dans des positions différentes, on arrive à la conséquence capital e de
}'égalité de nature, et de là à !'égalité des droits sociaux de toutes
les créaLures humaines et à l'abolition des priviléges de races. Voilà
ce qu'enseigne le Spiritisme.
Vous qui niez I' existence de l'Esprit pour ne considérer que
l'homme corporel, la perpétuité de l' être intelligent pour n'envisager
que la vie présente, vous répudiez le seul principe sur lequel soit
fondée en raison l'égalité des droits que vous réclamez pour vous-
mêmes et pour vos semblables.
Appliquant ce priucipe à la position sociale de la femme, nous dirons
que de toutes les doctrines philosophiques et religieuses, le Spiritisme
est la seule qui établisse ses droits sur la nature même, en prouvant
}'identité de l' être spirituel dans les deux sexes. Dês lors que la femme
n'appartient pas à une cl'éation distincte, que I'Esprit peut naitre à
volonté homme ou femme, selon le genre d' épreuves auquel il veut se
soumettre pour son avancement, que la différence n'est que dans
l'enveloppe extérieure qui modifie ses aptitudes, de l'identité dans la
nature de l'être, il faut nécessairement conclure à l' égalité des
droits. Ceci découle, 11011 d'U11e simpl e théorie, mais de l'observation
des faits, et de la connaissance des lois qui régissent le monde spiri-
tuel. Les droits de la femme trouvant dans la doctrine spirite une
consécration fondée sur les lois de la nature, il en résulte que la pro-
pagatio11 de cette doctrine hâtera son émancipation, et lui donnera
d'une maniere stable la position social e qui ltii appartient. Si toutes
les femmes comprenaient les conséquences du Spiritisme, elles se-
raient toutes spirites, car elles y puiseraient le plus puissant argument
qu'elles puissentinvoquer.
La pensée de l'émancipation de la femme germe en ce moment
dans un grand nombre de cerveaux, parce que nous sommes à une
époque ou fermentent les idées de rénovation sociale , et ou les
femmes, aussi bien que les hommes, subissent l'influence du souffic
progressif qui agite le monde. Apres s'être beaucoup occupés d'eux-
- 165-
mêmes, les hommes commencent à comprendre qu'il serait juste de
faire quelque chose pour elles, de relàcher un peu les liens de la tu-
telle sous laquelle i1s les tiennent. Nuus devons d'autant plus féliciter
les États-Unis de I' initiative qu'ils prennent à ce sujet qu'ils ont éLé
plus longs à concéder une position légale et de droit commun à toute
une race de l'humanité.
Mais de I'égalité des droits, il serait abusif de conclure à I' égalité
des atlributions. Dieu a doué chaque être d'un organisme approprié
au rôle qu'il doit remplir dans la nature. Celui de la femm e est tracé
par son organisation, et ce n'est pas le moins important. 11 y a donc
des attributions bien caractérisées dévolues à chaque sexe par la na-
ture même, et ces atlributions impliquent des devoirs spéciaux que
les sexes ne sauraient remplir efficacement en sortant de leul' rôle.
Il en est dans chaque sexe commc d'un sexe à l'autre : la constitu-
tiOI1 physique déterrnine des aptitudes spéciales; queIle que soit leur
constitutiol1, tous les hommes ont certainement les mêmes dl'Oits,
mais il est évident, par exemple, que celui qui n'est pas organisé
pour le chant ne saurait faire un chanteur. Nul ne peut lui ôter le
droit de chanLer, mais ce droit ne peut lui donner les qualités qui lui
manquent. Si donc la nature a donné à la femme des muscles plus
faibles qu'à l'homme, c'est qu'elle n'est pas appelée aux mêmes
exercices; si sa vüix a un autre timbre, c'est qu'elle n'est pas desti-
née à pl'Oduire les mêmes impressions.
01', il est à craindre, et c'est ce qui aura lieu, que dans la fievre
d'émancipation qui la tourmente, la femme ne se croie apte à remplir
toutes les attributions de l'homme et que, tombant dans un exces
contraire, apres avoir eu trop peu, elIe ne veuilIe avoir trop. Ce ré-
sulLat est inévitable, mais il ne faut nullement s'en effrayer; si les
femmes ont des droits incontestables, la nature ales siens qu'elIe ne
perd jamais; elles se lasseront bientôt des rôles qui ne sont pas les
leurs; laissez-Ies donc reconnaUre par l'expérience leur insuffisancc
dans les choses auxquelles la Providence ne les a pas appelées; des
essais infructueux les rameneront forcément dans la route qui leur
est tracée, route qui peut et doit êlre élargie, mais qui ne saurait
êtl'e dévoyée, sans préjudice pour elles-mêmes, en portant atteillte à
l'influence toute spéciale qu'eIles doi vent exercer. Elles reconnaitront
qu'elles ne peuvent que perdre au change, car la femme aux allures
trop viriles n'aura jamais la grâce et le charme qui font la puissance
de celle qui sait rester femme. Une remme qui se fait homme abdique
sa véritable royauté; on la regarde comme un phénomêne.
Les deux articles rapportés ci-dessus, ayant été lus à la société
- 166-
de Paris, ceLte question fut proposée aux. Esprits comme suj el
d'étude :
Quelle influence le Spiritisme doit-il avoir sur la condition de la
jemme?
Toutos les communications obtenues concluant dans le même sens,
nous ne rapportons que la suivante, comme étant la plus développée.
(Société de. Paris, 10 mai 1867; méd. M . Morin, en somnambulisme spontané ;
dissertation verbal e.)
«Les hommes ont de tout temps été orgueilleux; c'est UH vice
constitutionnel inhérent à leur nature. L'homme, je parle du sexe,
I'homme fort par le développement de ses muscles, par les concep-
tions un peu hardies de sa pensée, n'a pas tenu compte de la fai-
blesse à laquelle il est faH allusion dans les saintes Écritures, faibl esse
qui a fait le malheur de toute sa descendance. 11 s'estcrufort, ets'est
servi de la femme, non commo d'u ne compagne, d'une famill e : il
s'en est servi au point de vue purement bestial; il en a fait un animal
assez agréable, et a essayé de la tenir à distance respectueuse du
maltre. Mais comme Dieu n'a pas vol1111 qu'une moitié de l'humallité
fUt dépendante de l'autre, il n'a pas fait deu x créations distin cles :
l'une pour être constamment au servi co de l'autre; il a voulu que
toutes ses créatures pussent participeI' au banquet de la vie et de
l'infini dans une même proportion.
« Dans ces cerveaux que l'on a tenus si)ongtemps éloignés de toute
science, comme impropres à recevoir les bienfaits de I'inslructioll,
Dieu a fait naitre, comme contre-poids, des ruses qui tiennent cn
échec los forces de I'homme. La femme est faible, l'homm e est fort,
iI est sa vant ; mais la femme est rusée, et la science contre la ruse
n'a pas toujours le dessus. Si c'était la vraie scieilce, elle l' emporte-
rait; mais c' est une science fau sse et incomplete, et la femm e trouve
facilem ent lo défaut de la cuirasse. Provoquée par la position qui lui
était fai te, la femme a dé velop pé le germe qu' elle sentait en elle; le
besoin de sortir de son abaissement lui a donné le désir de rompre
ses chaí:!1es. Suivez sa marche; prenez-Ia depuis l' ere chrétienne et
observez-Ia : vous la verrez de plus en plus dominante, mais elle n'a
pas dépensé toute sa force; elle l'a conservée pour des temps pl ll ~
opportuns, et l'époque approche ou elle va la déployer à son touro Du
reste, la générationqui s'éleve porte dans ses flan cs le ch angement
qui nous est annoncé depuis longtemps, et la femme actuelle veut
avoir, dans la société; une place égale à celle de l'homme.
« Observez bien; regardez dans les intérieurs, et voyez combien
la femme iend à s'affranchir du joug; elle regne en maitre, par[ois
- 167 -
en despote. Vous I'avez trop longtemps tenue ployée: elIe se redresse
comme un ressort comprimé qui se distend, car elle commence à com-
prendre que son heure est venue.
«Pauvres hommes !:si vous réfléchissiez que les Esprits n'ont pas de
sexe; que celui qui e!"t homme aujourd'hui peut être femme demain;
qu'i1s choisissent indifTéremment, et qu elquefois de préférence, le sexe
féminin, vous devriez plutôt vous réjouir que vous amiger de l' éman-
eipation de la femme, et l'admettre au banquet de I'intelligence en
lui ouvrant toutes grandes les portes de la seienee, car elle a des
eoneeptions plus fin es, plus douces, des attouchements plus délicats
que ceux de l'homme. l'ourquoi la femme ne serait-elle pas méde-
cin? N' est-elIe pas appeI ée naturellement à donner des soins aux ma-
lades, et ne Ies donnerait-elle pas avec pIus d'intelligence si elle
avait les eonnaissances nécessaires ? N'y a-t-il pas des cas ou, quand
iI s'agit des personnes de son sexe, un médecin-femme serait préfé-
rable? Nombre de femmes n'ont-elIes pas donné la preuve de leur
aptitude pour eertaines sciences? de la fin esse de leur taet dans les
atraires? Pourquoi donc les hommes s' en réserveraient-ils le mono-
pole, si ce n'est par la crainte de les voir prendre la supériorité?
Sans parler des professions spéciales, la premiere profession de la
femme n' est-ell e pas celle de mere de famille? Or, la mere instruite
est plus à même de diriger I'instruetion et l'éducation de ses enfants;
en même temps qu'elle allaite le corps, elIe peut développer le cceur
et l'esprit. La premiere enfanee étant nécessairement confiée aux soins
de la fem me I quand elle sera instruite, la régénération sociale aura
fait un p as immense, et c'est ce qui s~ fera.
« L' égalité de l'homme etde la femme aurait encore un autre ré-
sultat. Être maitre, être fort, c'est tres bien ; mais c'est aussi assumer
une grande responsabilité; en partageant le fardeau des afTaires de
lafamille ,avec unecompagne capable, écIairée, naturellement dévouée
aux intérêts communs, l'homme allége sa charge et diminue sa res-
ponsabilité, tandis que 'la femme étant sous la tutelle, et par cela
même dans un état de soumission foreée, n' asa voix au chapitre qu' au-
tant qu e l'bomme veut bien condescendl'e à la lui donner.
« Les femmes, dit-on, sont trop parleuses e(trop frivoles; mais à
qui la faute, si ce n'est aux hommes qui ne leur permettent pasla
réflexion? Donnez-Ieur la nourriture de I' esprit, et elles parleront
moins ; elles méditeront et réfléchiront. Vous les accusez de frivolité?
Mais qu' est-cc qu'clles ont à faire ?-Je parIe surtout ici de la femme
du monde. - Rien, absolument rien. A quoi peut-elle s'occuper?
Si elle réfléchit et transcrit ses pensées, ou la traite ironiquement de
- 168-
bas-bleu. Si elle cultive les sciences ou les arts, ses travaux ne sont
pas pris en consídération, sauf quelques bien rares exceptions, et
cependant, tout com me l'homme, elIe é1. besoin d'émulation. Flalter
un artísle. c'est lui donner du ton, du conrage; mais pour la femme,
cela n'en vaut vraiment pas la peine! alors il leur reste le domaine
de la frivolitú dans lequel elles peuvent se stimuler entre elles.
" Que I' homme détruise les barriêr<;s que son amour-propre oppose
à l'émancipation de la femme, et il la verra bientôt prendre son es-
SOl', au grand avantage de la société. La femme, sachez-le, a l'étin-
celle divine tout comme vous, car la femme c'est vous, comme VOlt S
êtes est la femme. »

De l'Homooopathie dans le traitement des malsdies


morales.
(Voir le nO ue mars 1867, page 65.)
L'article que nous avons pubhé dans le numéro de mars sur I'ac·
tion de l'hommopathie dans les maladiesmorales, nous a valu d'un des
plus ardents partisans de ce systeme, et en même temps I'un das
plus ferv ents adeptes du Spiritisme, le docteur Charles Grégory, 13.
lettre suivante que nous nous faisons un devoir d'insérer, en raison
de la lumiere que la discussion peut amener dans la questiono
a Cher et vénéré maitre,
« Je vais tâcher de vous expliquer comment je comprends l'acliull
de l'hommopathie sur le développement des facultés morales.
« Vous admettez, comme moi, que tout homma, en santé, possede
des rudiments de toutes les facullés et de tous les organes cérébraux
nécessaires à leur manifestation. Vous admettez aussi que certaines
faculté s vont toujours se développant, tandis que d'autres, celles qui
ne sant sans doute que rudimentaires, apres avoir à peine dOl1l1é
quelques lueurs, paraissent s'éteindre tout à fait. Dans le premier cas,
selon vous, les organes eérébraux se rapportant aux faeultés en plein
dé\'eloppement, auraient leur Iibre manifestation, tandis que ceUI
qui sont rudimentaires, et qui le pius souvent se rapportent aussi à
des aptitudes rudimentaires, s'atrophieraient eomplétement avec le
progres de l' âge, par manque d' aetivité vitale.
« Si dane, au moy en de médieaments appropriés, j'agis sur les
organes imparfaits, si j'y développe un surcroit d'activité vilale, si
j'y appelle une nutrition plus puissante, iI est bien c\air que, augmcn·
tant 1e vo lum e, ils permettront à la faculté rudimentaire de mieux se
manifester, et que, par la transmission des idées et des sentÍments
qu'ils auron~ puisés, par les sens, dans le monde extérieur, ils impri-
- f69-
meront à la faculté correspondante une influence salutaire et la déve-
lopperont à son tour, cal' tout se Iie et se tient chez I'homme ; I'âme
influe SUl' le physique, com me le corps influe SUl' I'âme. Donc, déjà,
par cela même, premiere influence des médicamenls au moyen de
I'agra ndissement dcs organes sur les facultés correspondantes de
I'âme ; donc, possibilité d'augmenter l'homme par des forces tirées
du monde matériel, de l'augmenter, dis-je, en virtualités et en apti-
tudes.
« Maintenant, iI ne m' est pas du tout prouvé que nos petites doses
arri vées à un éta t de sublimation et de subtilité qui dépassent toutes
les limites, n'aient pas en elles quelque chose de spirituel, en quel-
que sorte, qui agit 1-1 son tour sur I'Esprit. Nos médicaments, donnés
à I'état de division que I'art leur fait subir, ne sont pius des substan-
ces matérielles, mais bien des forces qui doivent nécessairement, à
mon sens du moins, agir SUl' les facultés de l'âme qui, elles aussi,
sont des forces.
« EL puis, comme je crois que l'Esprit de I'homme, avant de s'Ín-

carner dans I'humanité, monte tous les degrés de l'échelle et passe par
le milléral, la plante et I' animal et dan s la plupart des types de chaque
espece ou il prélude à son complet développement comme être hu-
main, qui me dit qu'en donnant médicalement ce qui n'est plus ni le
minéral, ni la plante, ni I'animal, mais ce qu'on pourrait app eler leur
es~ e nc e , et en quelque sorte leur esprit, on n'agit pas sur l'âme
humaine composée des mêmes éléments? Car, on aura beau dire,
l'esprit est bien quelque chose, et puisqu'il s'est développé et se dé-
veloppe sans cesse, il a dO. prendre ses éléments quelque parto
e< Tout ce que je puis dire, c'est que nous n'agissons passur I'âme,

avcc nos 200' et 600' dilutions, matériellement, mais virtuellement


et en quclque sorte spirituellement.
« Maiutenant, les faits sont là, faits nombreux, bien observés, et
{Iui pourraient bien démontrer que je n'ai pas tout à fait tort. Pour
me citer moi-même, quoique je n'aime pas beaucoup les questions
personnelles, je dirai qu'expérimentant SUl' moi, depuis trente ans,
les rem edes h0mooopathiques, j'ui en quelque sorte créé en moi de
nouvelles faculLés, rudimentaires sans doute, mais que dans ma plu~
luxuriante jeunesse, je n'avais jamais connues, alors que j'ignorais
l'hornooopathie, ct qu'aujourd'hui, à cinquante-deux ans, je trouve
bien développées: le sentiment de la couleur et des formes.
« J'ajouterai encore que sous l'influence de nos moyens, j'ai vu des
caractere~ changer complétement; àlalégereté succéderent la réflexion
et la solidité du jugement; à la lubricité, la continence; à la mé-
- 170-
cbanceté, la bienveillance; à la baine, la bonté et le pardol1 des in-
jures. Ce n'est pas évidemment l'atTaire de quelques jours; il faut
bien quelques années de soins. mais on arrive à ces beaux résultats
par des moyens si commodes, qu'il n'y a aucune difficulté à y déci-
der les c1ients qui vous sont dévoués, et un médecin en a toujours.
J'ai même remarqué que les résultats obtenus pas nos moyens étaient
acquis à jamais, tandis que ceux que donnent l' éducation, les bons
ccnseils, les exbortations suivies, les livres de mOl'ale, De tenaient
guere devant la possibilitú de satisfaire une arden te passion, et les
tentaliJns en rapport avec nos hiblesses, plutôt endormies et engour-
dies que guéries. Si des triompbes 1 de ce dernier cas, se manifes-
taient, ce n'était pas sans luttes violentes qu'i1 n'élait pas bon de
prolonger trop longtemps.
«Voilà, cber maitl'e, les observations que je tenais à vous soumettre
sur cette question si grave de I'influence de l' homreopathie sur le
IDJral humain .
u Pour conclure : que ce soit par le cerveau que le médicament
agisse sur les facultés, O!J qu'il agiE'se à la fois et sur la fibre céré-
bral e et SU l' la faculté correspondante, il n'en est pas moins démontré
pour moi, par des centaines de faits, que l'aclion subtile et profonde
de nos doses SUl' 1e moral humain est bien réelle . II m' est démontré,
en outre, que I'homreopathie déprime cerlaines facultés, certains sen-
timents ou certaines passions tro p exa1tés, piJ ur eo relever d'autres
trop afTais~és, et com me paralysés, el, par cela même , conduit à l'é-
quilibre et à l'harmonie, d'ou : amélioration réclle et prugres de-
l'ho mme dalls toutes ses aptitudcs, et facilité à se vaincre lui-même.
u Ne croyez pas que ce résu ltat anéantisse la responsabilité hu-
main e, ct qu'on aITive ~L cc pl'ogres tant désiré s:tTlS soufTrances et
sans combals ; il ne suffit pas de prendre un médicamcnt el de se
dire : a .l e vais triom pher de lJlíJn penchalit à la colere, à la jalousie,
q à la Illxure. "Oh! non pas ! Le remede approprié, une fuis introduit

dans l'organismc, n' y amene une modifieation profondc qn'au prix


de vz'o/entes souf!rances mOTa /es et plzysiques . et souveJlt de lOi/()ue cl
t1'6S [{in,flue durée ; soufTrances qu'il faut répéter plusieurs fois, en
vari ant Ics médicaments et les doses, r:t cela pcnchmt des mois, et
qu elquefois des années, si l'on veut arri ver à eles résLlltat~ cOll cluants.
C'esl 1:1 le salaire dont il faul paycr son amélioration mOl'alc ; e'est
là l' épreuve et I'expiation par lcsquelles tOlll s':1chcte en cc bas
mond e, et je vous avouc ~]<] e ce n' est pus clltlsC faeil c de se corriger,
même pw J'homreopal hie . Jc lle sais pas si, par les angoisses inté-
J'ieures qu'on subit, 011 ne paye pas plus cher cc progres que par la
- 171 -
modification plus lente, il est vrai, mais à COllp StH' pIus douce et
pIus supportable de I'action purement morale de tous Ies jours, plr
I'observation de soi -même et le désir ardcnt de se vaincre.
~ Je termine ici; pIus tard, je vous raconterai nombre de faits
qui pourront bien vous cOllvaincre.
« Recevez, e~c. ))
Cette Iettre ne modifie en rien l'opinion que nous avons émise SUl'
I'action de l'hommopathie dans le traitement des rnaladies morales,
et que viennent confirmer, au contraire, les arguments mêmes de
M. le docteur Grégory. Naus persistons donc à dire que: si Ies mé-
dicaments homaJopathiques peuvent avoir une action sur le moral,
c'est en agissant sur les organes des manifestations, ce qui peut a voir
son ulilité dans certains cas, mais non SUl' l'Esprit; que les qualités
bonnes ou mauvaises et les aptitudes sont inhérentes au degré d'a-
vancement ou d'inferiorité de l'Esprit, et que ce n'est pas avec un
médicametlt queIcollque qu'on peut le fairc avancer plus vite, !li lui
donner les qualités qu'il ne peut acquérir que successivemelJt et par
Ie travaiI; qu'une telle doctrine, faisant dépendre les dispositions
mondes de l'organisme, ôte à l'homme toute responsabilité, quoi
qu'en dise M. Grégory, et le dispense de tout travail SUl' lui-même
p OUl' s' améliorer, puisqu'on pourrait Ie rendre bon à son insu en lui
adminÍ!:trant ter ou tel remêde; que si , à. l'aide eles moyens malé-
riels, 011 pcut múdifier les organes des manifestationf:, ce que nous
admetlons parfaitement, ces moyens ne peuvent changer les ten-
dances inslinctives de I'Esprit, pus plus qu'en coupant la Jatlgue à un
bavard on ne lui ôte l'envie de parler. Dn usage d'Orient vient con-
firmer notre assel'tion par un fait matériel bien connu.
L'état pathologique influe cCltainement SUl' le moral à cel'tains
égards, mais les dispositions qui ont cette source sont accidenlelles,
etne constitnent pas le fond du caractere de l'Esprit; ce sont celles-là
surtout qu'une médication appropriée peut modifier. 11 ya des gens
qui ne sont bienveillants qu'apres avoir bien diné, et à qui il ne faut
rien demander quand ils sonL à jeun; en faut-i! conclure qu'un bon
dlner e:=: t un remede contre l'égoi'sme? Non, cal' cette bienveillance,
provoquée par la plénitude de la satisfaction sensuelle, est un efIet
même de l'égoi'sme; ce n'est qu'une bienveillance apparente, Un
produit de celte pensée : « Mailltenant que je n'ai plns besoin de
rien, je puis m'occllper un peu des autres. li
En résumé, nous ne contestons pas que cortaines médications, et
l'hommopathie plus que toute autre, ne produi~ent quelques-uns des
eITets indiqués, mais nous en contestons plus que jamais les résultats
- 172-
permanents, et surtout aussi universe!s que quelques-uns le préten-
dent. Un cas ou l'homreopathie surtout nous semblerait particuliêre-
ment applicable ave c succes, c'esi celui de la folie pat/lOlogique,
parce qu'ici le désordre moral est la conséquence du désordre phy-
sique, et qu'il est constaté maintenant, par I'observation des phéno-
menes spirites, que I'Esprit n'est pas fou; iI n'y a pas à le modifier,
mais à lui rendre les moyens de se manifester librement. L'action de
l'homreopathie peut être iei d'autant plus efficace qu'elle agit princi-
palement, par la nature spiritualisée de ses médicaments, sur le pé-
risprit qui joue un rôle prépondérant dans cette affection.
Nous aurions plus d'une objection à faire sur quelques-unes des
propositions contenues dans cette leUre; mais cela nous entrainerait
trop 10in; nous nous contentons donc de mettre les de~x opinions en
regard. Com me en tout, les faits sont plus concluants que les théo-
ries, et que ce sont eux, en définitive, qui confirment ou renversent
ces dernieres, nous désirons ardemment que M. le docleur Grégory
publie un lraité spéeial pratique de l'homreopathie appliquée au trai-
tement des maladies morales, afin que l'expérience puisse se géné-
raliser et décider la questiono Plus que tout autre, iI nous semble
capable de faire ce travail ex-professo.

Le Sens spirituel.
Une seconde lettre du docteur Grégory contient ce qui suit :
Ii Eraste, dans une communication, a énoncé une idée qui m'a

frappé et m'a donné à réfléchir. L'homme, dit-il, a sept sens : les


sens bicn connus de l'oui'e, de I'odorat, de la vue, du gout et du
toucher, et de plus, lo sens somnambulique et le sens médianimique.
G J'ajoute à ces paroles que cea deux derniers sens n'existent que

par exception suffisamment développés chez quelques natures pri-


vilégiées, en cas qu'ils existent chez tout homme à l'état rudimen-
taire. OI', il est en moi une conviction acquise par plus d'une obser·
vation et par une assez longue expérience des puissances homreopa-
thiques, c'est que nos médicaments bicn choisis. pris longtemps, pell-
vent développer ces çieux admirables facultés. »
Ce serait à tort, selon nous, que I'on considererait le somnambu-
lisme et la médiumnité comme le produit de deux sens différents,
attendu que ce ne sont que deux efTets résultant d'une même cause.
Cette double faculté est un des aUributs de I'âme, et a pour ol'gane
le périsprit, dont le rayonnement transporte la perception au delà
des limites de l'action des sens matériels. C'est à proprement parler
le sixiemo sons, qui est désigné sous le nom de sens spirituel.
-in -
Le somnambulisme et la médiumnité sont deux variétés de l'acti-
vité de ce sens, qui présenlent, r,omme on le sait, des nu ances innom-
brables, et constituent des aptitu<les spéciales. En dehors de ces deux
fac ultés, plus remarquées, parce qu'ellcs sont plus apparentes, ce
serait une erreur de croire que le sens spirituel n' exisLe qu'à I'élat
rudimentaire. Com me les autres sens, il est plus ou moins développé,
plus ou moins subtile selon les in<lividus, mais toul le mond e le pos-
sede, et ce n' est pas celui qui rend le moins de service, p,lr la nature
toute spéciale des perceptions dont il est la source. Loin d'être la re-
gle, son atrophie est l' exception, et pcut être cODsidérée comme une
infirmité, de même que l'absence de la vue ou de l'oui'e. C'es! par ce
8ens que nous recevons les ertluves fluic.iiques des Esprits, que nous
nous in spirons à notre insu de leurs pensées, que nous sont donnés
les avertissements intimes de la conscience, que nous avons le pres-
sentiment et l'intuition des choses flllures ou absentes, que s' exercent
la fascination, l'action magnétique inconsciente et involontaire, la
péné tralion de la pensée, etc. Ces perceptions 80nt données à l'homme
par la Providence, de même que la vue, I'oui'e, I'odorat, le gout et
le toucher, pour sa conservation; ce sont des phénomenes tres vul-
gaires qu'il remarque à peine par I'habitude qu'il a de les éprouver,
e! dont il ne s'est pas rendu compLe j usqu'à ce jour, par suite de son
ign orance des lois du principe spirituel, de la négation m~me , chez
quelques-uns, de l'existence de ce príncipe; mais quiconque porte
son attention sur les eITets que nous venons de citeI' et SUl' beaucoup
d'aulres de même nature, reconnaitra combien ils sont fréquents et
qu'ils sont complétement indépendants des sensaLions perçues par les
Ol'ganes du corps.
La vue spirituelle, vulgairemcnt appelée double vue ou seconde vue,
est un phénomene moins rare qu'on ne le croil ; beaucoup de person-
nes ont cette faculté sans s' en dou ter ; seulement elle est plus ou moins
accentuée, et il est facil e de s' assurer qu' elle est étrangel'e aux organes
de la vision, puisqu' eIle s' exerce sans le secours de ces organes, que les
aveugles même la possêdent. Elle existe chez certaines persunnes dans
l'élat normalle plus parfait, sans la moindre trace apparenle de som-
mei! ni d' état extatique. Nous connaissons, à Paris, une dame chez la- ,
queIle elle est permanente, et aussi nalurelle que la vue ordinaire; eIle
''oU sans eITor! et sans coneen tration le caractere, les habitudes, les an-
técédents de quiconque l'approche; elle décrit les mal adies et prescrit
des traitements efficaces avec plus de facilité que beaucoup de som-
nambules ordinaires; il suflit de penseI' à une personne absente pour
qu'elle la voie et la désigne. Nous étions un jour chez elle, et nous
- 174-
vimes passer dans la rue quelqu'un avec qui nous sommes en relation
et qu'elle n'avaitjamais Vll. Sans y être provoquée par aucune ques-
tion, elle en fit le portrait moral le plus exact, et nous donna à son
sujet des avis tres sages.
Cette dame n' est cependant pas somnambule; elle parle de ce
qu'elle voit, comme e!le parlerait de "toute autre chose, sans se dé-
ranger de ses occupations. Est-elle médium? elle n'en sait rien elIe·
même, car iI y a peu de lemps, elle nc connaissait pas même de nom
le Spiritisme. Cette faculté est donc chez elle aussi nalurelle et aussi
spontanée que possible. Comment perçoit· elle, si ce n'est par le sens
spiritu el?
Nous devons ajouter que cette dame a foi aux signes de la main ;
aussi l'examine-t-elle qU:ll1d on l'interroge; elle y voit, dit-elle, l'il1-
dice de~ maladies. Comme elle voit juste, et qu'il est évident que
beaucoup des choses qu'elle dit ne peuvent avoir aucune relation
physiologique avec la main, nous sommes persuadéquec'est simple.
ment pour elle un muyen de se mettre en rapport, et de dé,'elopper
sa vue en la fixant sur un point déterminz; la main fait I'office de
miroir ma,qique ou psychique)' el\e y voit comme d'autres voient
dans un vase, dans une carafe ou autre objet. Sa faculté a bea ucoup
de rappol't avec celle du Voyant de la jorêt de Zimmerwold, mais
elle lui est supérieure à certains égarcls. Ou r este, comme eJl e II'en
tire aucun profit, celle considération écarte tout souçon de charlata-
nisme, et aLlendu qu'elle ne s'en sert que poul' rendre sel'vice, clle
doit êlre assi6tée par de bons Es prit~. (Voir la Revue d'octobre j 864:
L e Sixieme ' ens ei la vue spirituel/e ). octobre 1865: Noul'elles é/udes
SUl' les mil'oil's psychiqlles. Le Voyant de la jorét de Zimmeru'alr/.)

Groupe guédss f ur de Marmande.


Intervention des proches dans les guérisons,
« l\'lal'manue, 12 m ai 1867.

« Cher l110nsieur Kardec,


u Il y a déjà quelque temp~ q ne je ne vaus ai entretenu du résultat
de nos travaux Spirites CJue nouspoursuivons avec persévérance, et,
je suis heureux de le dire, avec des succes satisfaisant~. Les obsédés
et les malades sont toujours l'objet de nos soins exclu~ifs. La mora-
lisation e t les fluid es sont Ies priocipaux moyens indiqués par n09
guides.
« Nos bons Esprit~, qui se sont voués à la propagatioo du Spiritisme,
ont aussi pl'is à tâche de vulgarisel' le magnétisme. Dans presqlle
- 175 -
toutes les consultations, pour les di vers cas de maladies, ils deman-
'lent le concours des proches : un p'ere, une mere, un frere ou une
sreur, un voisin, un ami, sont requis pour faire des passes. Ces braves
gens sont tout surpris d' arrêter des crises, de calmer des douleurs.
Ce moyen est, ce me semble, ingénieux et sur pour faire des adeptes,
aussi la confiance s'étend chaque jour davantage dans notre pays.
Les groupes qui s'occupent de guérisons feraient peut-être bien de
dOTlner les mêmes conseils; les heureux résullats oblenus prouveraient
d'uDe façon évidente la vérité du mag nétisme, et donneraienl la cer-
titude que la faculté de guérir ou de soulager son semblable n'est pas
le privilége exclusif de quelques personnes; qu'il ne faut, pour cela,
qu'un bon vouloir et de la confiance en Dieu; je ne parle pas d'une
bonne santé qui esl une condition indispensable, on le comprend. En
reconnaissant que I'on a soi-même ce pouvoir, on acquiert la eerti-
tude qu'il n'y a ni jonglerie, ni sortilége, ni pacte avec le diable.
C'est done un moyen de détruire les idées supers!itieuses.
(( Voiei quelques exemples de guérisons obtenues.
« Une petite filie de 6;à 7 ans était alitée, ayant un mal de tête con-
iinuel, la fievre, une toux fréquent e avec crachats, une douleur vive
au flanc gauche; douleur aussi aux yeux qui se recouvraient de temps
en lemps d'une substance laiteuse formanl une s0rte de Laie. Sous
les cheveux la peau du crâne était reco uverle de pellicules blnnches;
I'urine épaisse et trouble. L'enfant chélii et abattu nemangeaitni ne
dormait. Le médecin avait uni par suspendrc ses visites. La mere,
paum"e, ell présence de son enbnt malade et abandonné, vint me
trouver. Nos guides consulLés prescrivirent pour tout remede I'impo-
silion des mains, les passes fluidiqu es de la part de la mere, en me
reeommandant d'aller, pendant quelques jours, Iui faire voir com-
ment elle devait s'y prendre. Je commenç:tÍ par faire leveI' les vési-
catoires et les faire sécher. Apres trois jours de passes et d'im posi-
Lions de mains sur Ia tête, les reins et Ia poitrine, effectuées â titre de
leçol1s, mais faites avec âme, I'enfunt demanda à se lever; la fi evre
était arrêtée, et tous les accidenls décrits pl us haut disparl1rent au
bout d-e dix jours.
« Celte gu~rjson, que Ia mere qualifiait de miracul euse, me fit appe-

ler, deux jours pIus tard, au pres d' une autre petite lille de 3 ou 4 ans
qui aVclit la fievre. Apres les passes et impositions des mains, Ia
fievre cessa dês le premier jour. '
« Les cures de quelqucs obsessions ne nous donnent pas moins de
satisfactioll el de confiance. Marie B... jeune Cemme de 2\ ans, de
Samazan, pres Marmande, se meltait nue comme Ull V21', courait les
- t76-
champs, et al1ait se coucher à côté du chien dans un trou de pailler.
La moralisation de l'obsesseur de notre part, et des passes fluidiques
faites par le mari d'apres nos instructions, 1'ont bientôt délivrée.
Toute la commune de Samazan a été témoin de l'impuissance de la
médecine à la guérir, et de l'efficacité du moyen simple employé pour
la ramener à l'état normal •
• Mme D..• âgée de 22 ans, de la commune de Sainte-Marthe,
non loin de Marmande, tombait dans des crise~ extraordinaires et vio-
lentes; elle rugis3ait, mordait, se roulait, éprouvait des coups terri-
bles dans l'estomac, s'évanouissait, et restait souvent quatre ou cinq
heures sans connaissance; une [ois elle fut huit jours sans recouvrer
sa lucidité. M. le docteur T •.. lui avait vainement donné ses soins.
1e mari à bout de courses aupres des gens de l'art, des prêtres de
nos contrées réputés guérisseurs et exorciseurs, des devins, car il
avoua en avoir consulté, s'adresse à nous avec priere de vouloir bien
nous occuper de sa femme si, comme on le lui avait rapporté, il était
en notl'e pouvoir de la guérir. Nous lui promlmes de lui écrire pour
lui indiquer ce qu'il devrait faire.
« Nos guides consultés nous dirent: Qu'on cesse tout traitemellt
médical : les remedes seraient inntiles; quele mari élêve son âme 11
Dieu, qu'il impose les mains sur le front de sa femme et lui fasse des
passes fluidiques ave c amour et confiance; qu'i! obse rve poncluelle-
ment les recommandatíons que nous allons lui faire, qu elque contra-
riété qu'i! eu puísse éprouver (suivent ces recommandations qui sont
toutes personnelles), et s'i! se pénêlre bien de ['idée qu'ell es sonl
nécessaires au profit de sa pauvre affligée, il aura bienlôt sa récom-
pense.
a Ils nous dirent aussi d'appeler et de moraliser I' Espl'it obsesseur
sous le nom de Lucie CMar. Cet Esprit rév éla la cause qui le porlait
à tourmenter Mme D ... Cette cause se rattachait précisément aux re-
commandations faites au mari. Ce dernier s'étant conformé ~l toul,
eut la satisfaction de voir sa femme compl étement déli vrée dans I' es-
pace de dix jours. 11 me dit : Puisque les Esprils se communiquenl,
je ne m'étonne pas qu'ils vaus aient dit ce qui n' était comlU que de
moi, mais je suis bieo plus étonné qu'allcun remêde n'ait pu guél'il'
ma femme ; si je m'étais adressé à vous dês le début, j'aurais 150 f1'.
dans ma poche, qui n'y 50nt plus, et quej'ai dépensés en médica-
ments.
te Je vous serre bien cordialement la main,

te D OUBRE. D
- 177 -
Ces faits de guérisons n'ont rien de plus extraordinaire que ceux
que nous avons déjà' cités provenant du même centre; mais i1s
prouvent, par la persistance du sueces, depuis plusieurs années, ce
que I'on peut obtenir avec la persévérauce et le dévoument, aussi l'as-
sistance des bons Esprits n'y fait-elle jamais défaut. I1s n'abandon-
ncnt que ceux qui quittent la bonne voie, ce qu'il est facile de recon-
naitre au déclin des succes, tandis qu'ils souliennent jusqu'au dernier
moment, même contre les attaques de la malveillance, ceux dont le
zele, la sincérité, l'abnégation et I' humanité sont à 1'épreuve des vi-
cissitudes de la vie. Ils élevent celui qui l' abaisse, et ils abaissen t
celui qui s'éleve. Ceci s'applique à tous les gcnres de médiumnité.
Rien n'a rebuté M. Dombre; il a lutté énergiquement canlre toutes
les entraves qu'on lui a suscitées, et il en a triomphé; il a méprisé
les injures eL les menaces de nos adversaires communs, et il a forcé
ceux-ci au silence par sa fermeté; il n' a épargné ni son temps, ni sa
peine, ni les sacrifices matédels; jamais il n'a cherché à se préva-
loir de ce qu'i1 fait pour se donner du relief ou s'en faire un rnarche-
pied quelconque; son désintéressement moral égale son désinléres-
sement matériel; s'il est heureux de réussir, c'est parce que chaque
succes en est un pour la doctrine. Ce sont là des titres sérieux à la
reconnaissance de tous les Spirites présents et futurll, titres auxquels
il faut associer les membres du groupe qui le secondent avec autant
de zele qu e ct'abnégation, et dont nous regrettons de ne pouvoir ci-
ter les noms.
Le fait le plus caractéristique signalé dans cette lettre, c'est celui
de 1'intervenlion des parents et amis des malades dans les guérisons.
C'est une idée neuve dont l'importance n'échappera à personne, cal'
sa propagation ne peut manquer d'avoir des résultats considérables;
c'est la vulgarisation annoncée de la médiumnité guérissanle. Les
Spirites remarqueront combien les Esprits sont ingénieux dans les
moyens si variés qu'ils emploient pOU\' faire pénétrer l'idée dans les
masses. Comment n'y arriv erait-elle pas, Pllisqu'on lui ouvre sans
cesse de nouveaux canaux, et qu'on \ui donne les moyens de frapper
à toutes les portes?
Celte pratique ne saurait donc êlre trop encouragée; toutefois il
nc faut pas perdre de vue que les résulhts seront eu raison de la
bonne dil'ection donnée à la chose par Ics chefs des groupes guéris-
seurs, et de l'élan qu'ils sauront imprimer par leur énergie, leu r
dévoument et leur propre exemple.
- 178-

Nouvel1e Société spirite de Bordeaux.


Depuis le mois de Juin 1866, une nouvclle Société Spirite, déjà
nombreuse, s'est formée à Bordeaux sur des bases qui atteslenl le zele
et le bon vouloir de ses membres, et une parfaite entente des véri-
tables principes de la doctrine. Nous extrayons du compte rendu
annuel publié par le Président, quelques passages qui en feronl con-
naitre l'esprit.
Apres avoir parlé des vicissitudes que le Spiritisme a éprouvées
dans cette ville, des circonstances qui ont amené la formation de la
société nouvelle et de son organisation qui «permet à ceux de ses
membres qui s' en sentent la force, de développer par des causeries,
au commencement de chaque séance, les grands principes de la
doctrine, principes que beaucoup ne combattent que parce qu'ils ne
les connaisse:~t pas,» il ajoute :
« Ce sont ces causeries qui nous ont attiré jusqu'ici de nombreux
auditeurs étrangers à la Société. Certes, je n'ai pas la prétention de
croire que tous nos auditeurs viennent chez nous pour s'inslruire;
beaucoup, sans doute, y viennent pour chercher à nous prendre en
défaut; c'est leur alfaire. La nôtre, à nous, c'est de répandre le Spi-
ritisme dans les masses, et l'expérience nous a prouvé que le meil-
leur moyen, apres la mise en pratique de la sublime moralo qui en
découle, et les communications des Esprits, c'est de le faire par la
parole.
« Depuis que nous sommes constitllés, nous avons deux séances
par sernaine. Cette doubl e bcsogne nous a été imposée par la néces·
sité de consacrer une séance particuliere (celle du jeudi) aux Esprits
obsesseurs et au traitement dos maladies qu'ils occasionnent, et de
réserver une autre séance (celle du samedi) aux ét.ujes scientifiques.
J'ajouterai, pour justifier nos séances du j eudi, que nous avolls le
bonbeur de posséder parmi nous un médium guérissour à facultés
bien développ ées, et connu par sa charilé, sa l1lodestie ot son déún·
téressement ; il est aussi connu au dehors que dans le sein de llolre
société, de sorte que les malades ne lui manquent pas.
«ll y a du reste, à Bordeaux, beaucoup de cas d'obsessions, ot une
séance par semaine spécialement consacrée à I'évocation et à la mo-
ralisation des ob~ esseurs est loin d' être suffisante, pnisque le médium
guérisseur, accompagné d'un médium écrivain , d'un évocateur et
SOllvent de certains de nos freres, se rend au domicile des malades
afin de tenir les obsesseurs en haleine et d'en venir plus facilementà
bout.
- 179 -
« Au médium guérisseur est venu se joindre un de nos freres, ma-

gnétiseur d'une gl'ande puissance et d'un dévoument à toute épreuve


qui, aidé aussi par les bons Esprits, supplée le premieI', de telle
sorte que nous pouvons dire que la Société possede deux médiums
guérisseurs, quoique à des degrés difTéren ts. •
Suit le récit de plusieurs guérisons, parmi lesquelles nous cite-
rons la sui vante :
Mademoiselle A... , âgée de àouze ans.
Cette enfant, orpheline, à la charge de parents tres pauvres, nous
fut présentée dans un état pitoyable. Tout son COl'pS était en proie à
des mouvements convulsifi', sa figure sans cesse contl'actée faisait
des grimaces horríbles; ses bras et ses jambes étaient constamment
agités, au point d'user les draps de son lit dans I'espace de huit
jours. See mains, qui ne pouvaient saisir le moindre objet, pivotaient
sans cesse aul.our des poignets. Enfin, à la suite de S3. maladie, sa
langue était devenue d'une épaisseur exti ême et le plus complet mu-
tisme s'en élait suivi.
A premii:~re vue naus comprimes qu'il y avait là aussi un ~-; obses-
sion et r,os guides ayant confil'mé cette opinion, nous agimes en con-
séquence.
De l'avis d'un médecin qui se trouva incognito chez la malade
pendant que nous lui faisions subir un traitement fluidique, la mala-
die devr.tit se traduire, sous trais jours, en danse de Saint-Guy et, vu
l'état de faiblesse dans lequel se trouvaít la malade, I'enlever impi-
toyablement au plus tard dans huit jours.
Je ne détaillerai pas ici ks innombl'ables incidents auxquels donna
líeu cette cure. Je ne vous parlerai pas des obstacles de loutes 1'01'-
tes amoncelés sous nos pus par des influences contraires et que nous
avons du SLlrmonter. Je dirai seulement que, deux mais apres notre
entrevue avec le médecin, l'enfant: parlait comme vous et moi, se
servait de ses mains, allait Il l'école et était parfaitement guérie.
Voiei, ajoute M. Peyranne, les principétllX enscignements qui sont
sortis pour nous des séances consacrées aux Esprits obsesscurs :
« Poul' agir efficacemellt sur un obses5eur, il faut que cC'ux qui le
moralisent et le combattenL par les f1uides, vaillent mieux que lui.
Cela se comprend d'autant mieux que la puissance des fJuides ('st en
rapport direct avec I'avancement moral de celui qui Ics émet. Un Es-
prit impur appelé dans une réunion d'hommes moraux n'y est pil S à
son aise; il comprend son infériorité, et s'il essaye de braver l'évo-
eateur comme cela arrive quelquef'ois, soyez persuadés qu'i1 aban-
donnera vite ce rôle, surtout si lcs personnes composant le groupe ou
- 180-
il se communique se joignent à I' évocateur par la volonté et par la
foi.
« Je crois que nous ne comprenons pas bien encore tout ce que
nous pOUVOIlS SUl' les Esprits impurs, ou plutôt, que nous ne savol1s
pas encore nous servir des trésors que Dieu a mis entre nos mains.
« Nous savons encore qu'une décharge fluidique faite sur un oh-
sédé par plusieurs Spirites, au moyen de la chaine magnétiqlle, peut
rompre le lien fluidique qui le relie à I'obsesseur et devenir pour ce
dernier un remecte moral três efficace, en lui prouvant son impuis-
sance.
li Nous savons également que tout incarné, animé du désil' de

soulager son semblable, agissant avec foi, peut, au moyen de passes


fluidiques, sinon guérir, du moins soulager sensiblement un malade.
li Je finis avec les séances du jeudi, en faisant remarquer que pas

un Eeprit obsesseur n' est reslé rebellc. Tous ceux dont nous nous
sommes occupés ont fini par r econnaitre leurs torts, ont abandonnc
leurs victimes, et sont entrés dans une voie meilleure. »
Au sujet eles séances du samedi il dit :
« Ces séances sont ouvertes, vous le savez du reste, par une cau·
serie faite par uo membre de la Société, SUl' un sujet spirite, et ter-
minées par un résumé succinct que fait le Président.
li Dans la causerie, toute Iiberté de langage est laissée à r orateur,

pourvu loutefois qu'il ne sorte pas du cadre tracé par 110tre regi e-
ment. 11 envisage à son point de vue personnel les divers sujets qu'il
traite; illes développe comme il I'enteod et en tire telles conséquen-
ces qu'i1 juge convenables; mais il ne saurait jamais par là engager
le responsabilité de la Société.
« A la fin de la séance, le Président résume les travaux, et s'il
n'est pas de l'avis de I'orateur, il le combat, en faisant remarqucrà
l'auditoire que, pas plllS que le premier, il n'engage d'autre respon-
sabilité que la sienne, laissant à chaque homme l'usage de son Iibre
arbitre et le soin de juger et de décider dans sa conscience de quel
côté est la vérité ou, du moins, ce qui s'en rapproche le plus; car,
pour moi, la vérité e'est Dieu : plus nous nous rapprocherons de lui
(ee que nous ne pouvons faire qu'en nous épurant et en travaillant
à nolre progrês) et plus nous serons pres de la. vérité. »
Nous appelons encore l'attention SUl' le paragraphe suivant :
• Bien que nous ayons d'exceJlents instruments pour nos études,
nous a vons compris que 1e nombre en était devenu insuffisant, SUf-
tout en présence de l'extension toujours croissante de la Société. La
pénurie des médiums est venue souvent apporter des obstacles à la
- 181 -
marche réguli ere de nos travaux, et nous avons compris qu'il fallait
autant que possiple développer les facultés qui dorment latentes dans
l'organisation de beaucoup de nos freres. C'est pour cela que nous
venons de décider qu'une séance spéciale d'e~sais médianimiques,
aurait lieu le dímanche, à deux heures de l'apres-midí, dans la saIle
de nos réunions. J'ai cru devoír y inviter non-seulement nos freres en
eroyance, mais encore les étrangers qui désireraient se rendre utiles.
DéjiL ces séances ont donn é des r ésultats qui ont dépassé notre
attente. Nous y faisons de l"écriture, de la typtologie, du magné-
tisme. Plusieurs facultés tres di verses s'y sont découvertes, et il en
est sorti deux somnambules qui paraissent devoir être tres lu cides.»
Nous nc pouvons qu'applaudir au programme de la Suciété de
Bardeaux et la féliciter de son dévoumenL et de l'intelligente direc.
tion de ses travaux. Un de nos collegucs, de passage en cette ville,
a dernierement assisté à quelques-unes de ses séances et en a rap-
porté la plus fa'iorable impressiono En persévérant dans cette voie,
e1!e ne. peut qu'obtenir des résultats de plllS en plus satisfaisants, et
ne manquera j amais d'élémenls à son activité. La maniere dont elle
procede pour le traitement des obsessions, est à la fois remarquable
et instruclive, et la meilleure preuve quc cette maniere est bonne,
e'est qu'elle réussit. Naus y reviendrons ultérieurement dans un
article spécial.
11 serait superflu de faire ressortir l'utilité des instructioIlS ver-
bales qu'elle désigne sous le simple nom de causeries. Outre l'avan-
tage d'exercer au maniement de la parol e, elles ont celui non moins
grand de provoquer une étude plus complete et plus série.use des
principes de la doctrine, d'en faciliter l'intelligence, d'en fair e res-
sortir l'importance, et d' ameIler, par la discussion, la lumiere sur
les points controversés. C'est le premier pas ver;;; des conférences
régulieres qui ne peuvent manquer d'avoir lieu tôt ou tard, et qui,
tout en vulgarisant la doctrine, eontribueront puissamment à redres-
ser l'opinion publique faussée par la critique m3.lveillante, ou igno-
rante de ce qu'il en est.
Réfuler les objections, discuter les systemes divergents, sont des
points essentiels qu'il importe de ne pas négliger, et qui peuvent
fournir la matiere d'utiles instructions; c' est non-seulemellt un moyen
de dissipeI' les erreurs qui pourraient s'accréditer, mais c'est se for-
tifier soi-même pOUl' les discussions particulieres que l'on peut avoir
à sou!.enir. Dans ces instructio ns orales, beaucoup seront sans doute
assistés par les Esprits, et il ne peut manquer d' en sortir des médiums
parlants. Ceux qui seraient retenus par la crainte de parler devant
- 182 -
un auditoire, doivent se souvenir qne Jésus disait à ses apôtres:
«Ne vous inquiétez pas de ce que vous direz; les paroles vous seront
inspirées au moment même. »
Un groupe de province, que 1'011 peut ranger parmi les plus sé-
rie'lx et les mieux dirigé:: , a introduit cet usage dans ses ré unions,
qui Ol1t également lieu deux fois par semaine. 11 est exclusi vement
composé des officiers d'un régiment. Mais lã ce n'est point une fa-
clllté laissée à chaque membre; c'est une obligation qui lem est im-
po:;ée par le reglement de parler chaclln à leur louro Achaque
séance I'orateur désígné pour la prochaine réunion doit 50 prépam
à développer et à commenter un chapitre ou un point de Ia doctrine.
II en réslllte pour eux une plus grand e aptitude à faire de la propa -
gfttion et à défendre Ia cause au besoin.

Nécrologie.
M. Quinemant, de Sétif.
On nous écrit de Sétif (Algérie) :
« Je vie' lS raíre part de Ia mort d'un fervent adep te du Spiri-
tísme, M. 0. , mant, décédé le samedi saint 20 avri11867. C'estlc
premier qui s'en est occupé à Sétif avec moi; il l'a constammen t dé-
fendu contre ses détracteurs, sans se soucier de leurs attaques !li du
ridicule. C'était en même temps un tres bon magllétiseur, et il a
rendu, par son dévoument tout désintéressé, de nOl1lbreux services
aux personnes souffrantes.
11 était malade depuis le mois de novembre; il aVilit Ia fi evre tous
les deux jours, et quand il ne I'a vai t pas, il salivait constamment de
l'eal1. I1 mangeait et digérail bien, trouvait bon tout ce qu'il prenait,
et malgré cela, il maigrissait à vue d'ooil; homme d'une assez forte
corpul ence, ses membres étaient arrivés à n'avoir que la, grosseur de
ceux d'un enfant. 11 s"l:'teignait à petit feu, et comprenait tres bien sa
posilion j il avait dit qu'il voulait mouril' le jour ou mourut le Christ.
11 a conservé toute sa lucidité d'esprit et causait comme s'il n'eUt
pas été malade. 11 est mort, presque sans souffrances, av ec la tran-
quillité et la résignation d'lln Spirite, disant à sa femme de se con-
sol eI', qu'ils se retrouveraient dans le mo nde des Esprits. Cependant,
à ses derniers moments, il a demandé le curé, quoiqu'il aimât peu
les prêlres en général, et qll'il aiteu avec celui-ci d'assez vives alter-
cations touchant le Spiritisme.
(( Vous m'obligerez beaucoup de l'évoquer, si cela se peut; je ne
doute pus qu'il ne Ee fasse un plaisir de se rendre à volre appel, et
- 1.83 -
comme c'était un homme éclairé et de bon sens, je pense qu'il
pourra nous donner d'utiles conseils. Son opinion était que le Spiri-
tisme grandirait malgré toutes les entraves qu'on lui suscite. Veuillez
aussi lui demander la cause de sa maladie que personne n'a con-
nue. (DUMAS.) »
M. Quinemant, évoqué d'abord en particulier, a donné la commu-
nicalion sui vante, et le lendemain il a donné spontanément à la So-
ciété celle que nous publions séparément sous le titre de: Le Ma-
gnétisme et le Spiritisme comparés.
(Pari s, 1.6 mai 1. 867. Médium, M. Desliens.)

« Je m'empresse de me rendre à votre appel avec d'autant plus de


facilité que depuis l'ensevelissement de ma dépouille mortelle, je suis
venu à toutcs vos réunions. J'avais Ull grand désir de juger du dé-
veloppement de la doctrine dans son centre naturel, et si je ne l'ai
point fait du vivant de mon corps, mes affaires matérielles en ont été
la seule cause. Je remercie vivemement mou ami Dumas de la pensée
bienveill an te qui l'a porté à vaus signaler mon départ et à vous de-
mander mon évocalion; il ne pouvait me faire un plus sensible
plaisir.
«Bien que moo retourdans le mondedes Esprits soit récent,jesuis
suffisarnrneot dégagé pour me communiquer avcc facilité; les idées
que je po ssédais sur le monde invisible, ma croyance aux com-
munications, et la lecture dcs ouvrages spirites m' a vaient pré-
paré à vüir Sa!lS étonnement, mais non sans un bonheur infini, le
spectacle qui m'atlendait. Je suis heureux de la confirmation de mes
pensées les plus intimes. J'étais convaincu, par le raisonnement, du
déve!oppemcnt ultérieur, et de l'importance sur les générations fu-
tures, de la doctrine des Esprits; mais, hélas! j' apercevais de nom-
breux obslacles, et j'assign::tis une époque indéfiniment éloignée à la
prédominancp. ue nos idées : dJ'E,t de ma COut'te vue e1 des bornes
assignées par la matiere à ma conception de l'avenir. Aujourd'hui
j'ai plus que la conviction, j'ai la certiLucl c. Je ne voyais naguere que
des efl'ets trop lents au gré de mes désiri'; je vais auj0urd'hui, je
touche les causes de ce~ effets, ct mes senliments se sanl modifiés.
~ui, il faudra encore longtemps pour que notre terre soit une terre
~pirit e , dUlls loute l'acception du mol; mais il faudra un temps re-
lativemcrlt tres cOllrt pour apporter une modification considérable
dans la manicre d"être des individu<ó et des nationalités .
• Les enseignements que j' ai recueillis chez vous, le développement
important de certaines facultés, les conci!iabllles spiri!uels auxquels
- 184-
il m'a été permis d'assisler depuis mon arrivée ici, m'ont persuadé
que de grands événements étair.nt prochef', et que dans un lemps peu
éloigné, nombre de forees latentes seraient mises en aetivité, pO UI'
aider à la rénovation générale. Le feu couve p artout sous la eendre;
qu'une étineelle jaillisse, et elle jaillira, et la contlagration deviendl'a
uni verselle.
« Des éléments spirituels aetuels, trilurés dans l'immense fournaise
des cataclysmes physiques et moram: qui se préparent, les uns plus
épurés suivent le mouvement aseensionnel; les autres, rejetés au
dehors avec les scories les plus grossiêres, devront subir encore plu-
sieurs distillations sueeessives, avant de s'adjoindre à leurs freres plus
avaneés. Ah I je compre.nds, devant les événements que l'avenir nous
réserve, ces paroles du fils de Marie : 11 y aura des plcurs et des
grincements de dents. Faites done en sorte, mes amis, d' être lous
conviés au banquet de l'intelligence et de ne p::>int faire parLie de
ceux qui seront rejetés dans les ténêbres extérieures.
(( Avant de mourir, j'ai cédé à une derniere faiblesse,j'ai obéi à Ull
préjugé reçu, non que ma croyance ait faibli devant la crainte de "in-
connu, mais pour ne point me sir;gulariser. Eh puis ! apreô tout, la
parole d'un homme qui vous parle d'avenir est bonne à entendre au
moment du grand voyage; cette parole est entollrée d' enseignements
vi(;)illis, de pratiques usées, j e le veux bien, mais ce n'en est pas
moills la parole d'espérance et de consolation.
« Ah I je vois avec les yeux de l'esprit, j e vois un temps ou le Spirite
à son départ sera aussi entouré de freres qui lui parlcront d'avenil',
d'espérance de bonhem! Mon Dieu, merei, puisque vous m'avez per-
mis de voir la Illeur de la vérité à mes demiers instants; merei, pour
eet adoueissement à mes épreuves. Si j'ai fait quelque biea, e'est à
cette eroyance bénie que je le dois, c'est elle qui m'a donné la foi,
la vigueur malérielle et la puissance morale nécessaires pour guérir;
c'est elle qui m'a laissé ma lueidité d'esprit jusqu'à mes derniers
moments, qui m'a permis de supporler sans murmureI' la eruelle ma-
ladie qui m'a enlevé.
(( Vous demandez quelle est cclte affection tL laquelle j'ai sue-
combé; eh! mon Dieu. c' est bien simple; les visceres dans les-
quels s'opêre l'assimilation des éléments nouveaux, n'ayant plus la
force nécessaire pOUl' agit', les molécules usées par l'action vitale
étaient éliminées sans que d'autres vinssent les remplaeer. Mais
qu'importe la maladie dont 011 meurt, lorsque la mort est un e déli-
vrance! Merei encore, eher ami, de la bonne pensée qui vous a
porté à demander mon évocation; dites à ma femme que je suis
- 185 -
heureux, qa'elle me retrouvera I'aimant touj,>urs, et qu'en attendant
san relour, je ne cesserai de l'entourer de mon affection et de l'aider
de mes conseils.
" Maintenant, quelques mots pour vou!'! personnellement, mon cher
Dumas. Vous avcz été appelé un des premiers à planter le drapeau
de la doctrine dans ce pays, et tout naturellement vous avez rencontré
des obstacles, des difficultés; si votre zele n'a pas été récompensé
par aulant de s!lcces que vous l'espériez et que semblaient promettre
les débuts, c'est qu'il faut du temps paul' déraciner les préjugés et
la routine dans un milieu tout adanné 11 la vie matérielle; il faut être
déjà avancé pour s'assimiler promptement de nouvelles idées qui
changent les habitudes. Souvenez-vous que le premier pionnier qui
défriche est bien rarement celui qui récolte; il pré pare le terrain
paur ceux qui viennent apres lui. Vous avez été cc pionnier : c'était
votre mission; c'est un honneur et un bonheur que je suis heureux
d'avoir un peu partagé et que vous apprécierez UI1 jour, comme je
puis le faire aujourd'hui, car il vous sera tenu compte de vos efforts.
Mais ne croyez pas que nous nous sommes donné une peine inutile ;
non, aucune eles semences que nous avons répandues n'est perdue;
elles germeront et fructifieront quand le moment d'éclore sera venu.
L'idée est lancée et elle fera son chemin; félicitez-vous d'avoir été
un des ouvriers choisis pour cette reuvre. Vous avez eu des déboires,
des mécomptes : c'était l'épreuve de votre foi et de votre persévé-
rance, sans cela, ou serait le mérite à accomplír une mission, si l'on
ne trouvait que eles roses sur son chemin?
« Ne vous laissez donc pas abattre par les déceptions; ne cédez
pas surtout au découragement et souvenez-vous de cette parole du
Christ: «Bienheureux ceux qui perséverent jusqu'à la fin» et de
celle-ci: «Bienheureux ceux qui souffriront pour mon nom.» Persé-
vérez donc cher ami, poursuivez votre reuvre et songez que les frllits
que l'on ramasse pour le monde ou je suis maintenant, valent mieux
que ceux que l'an récolte sur la terre ou on les laisse en partant.
«Dites, je vous prie, à tous ceux qui m' ont témoigné de l' affection
et me gardent une bonne placc dans leur souvenü', queje ne les oublie
pas et que je suis souvent au milieu d' eux ; dites à ceux qui repoussent
encore nos croyances, que lorsqu'ils seront ou je suis, ils reconnai-
tront que, c'était la vérité, et qu'ils regretteront amerement de I'avoir
méconnue, car il leu1' faud1'a recommencer de pénibles épreuves;
dites à ceux qui m'ont fait du mal que je leur pardonne et que je
prie Dieu de leur pardonner.
« Celui qui vaus sera toujours dévoué, E. QUINEllIANT ••
- '1 86-
Le camte d'Ourches.
M. le comte d'Ourches est un des premiers qui se sont oeeupés
des manifestations spirites à Paris des le moment ou y parvinrent les
récits de celles qui avaient lieu en Amérique. Par le erédit que lui
donnaient sa position sociale, sa fortune, ses relations de famill e, et
par-dessus tout la loyauté et l'honorabilité de son caractere, il a
puissamment contribué à leur vulgarisation. Au temps de la vogue
des tables tournantes, son nom avait aequis une grande notoriété et
une certaine autorité dans Je monde des adeptes; il a done sa place
marquée dans les ann ales du Spiritisme. Passionné pour les manifes·
tations physiques, il y apportait une confiance naive un peu trop
aveugle et dont on a parfois abusé par la facilité avec laquelle elles se
prêtent à I'imitation. Exclusivement adonné à ce genre de manifes·
tations au seul point de vue du phénomene. il n'a pas suivi le Spiri·
tisme danR ~a nouvelle phase scientifique et philosophique, pour la-
quelle il a vait peu de sym pathie, et il est demeuré étranger au grand
mouvement qui s' est opéré depuis dix ans.
Il est mort le 5 mai 1.867 à l'âge de 80 ans. L'Indépendance Belge
a publié sur lui un tres long et tres intéressant article biographique,
signé Henry de Pene, et r eproduit dans la Gazette des Etrangers de
Paris (5, rue Seribe) du jeudi 23 mai; il yest rendu pleine justice à
ses éminentes qualités, et sa croyanee aux Esprits y est jugée avec
une modération à laquelle le premier de ces journaux ne nous avait
pas habitués. L'article se termine ainsi :
« Tout cela, je!e sais, fera lever les épaules à un certain nombre
d'esprits positifs qui disent: « 11 est fou! » de tout cerveau qui a
des cases qu'ils n'ont point. 11 est fou est bientôt dito Le eomte
d'Ourchcs était un homme sup érieur qui s'était proposé pour but de
l'emporter sur ses semblables en unissant les lumieres positives dela
science aux lueurs et aux visions du sumaturel. »

Dissertations spirites
Le Magnétisme et le Spíritisme comparés.
(Société de Paris, 1.7 mai t867, méd. M. Desliens.)

« Je me suis occupé de mon vivant de la pratique du magnétisme


au point de vue exclllsive ment malériel; du moins, je le croyais ainsi;
je sais aujourd'hui que I' élévation volonlaire ou involontaire de l'âme
qui fait désirer la guérison du malade, est une vérilable magnéti-
sation spirituelle.
«La guérison tient à des causes excessivement variables: Tellema-
- 187 -
ladie, tra itée de tdle maniere, cede devant la puissance d' ac tion ma·
térielle; telle autre, qui est identique, mais moins accentuée, nc
subit aucune espece d'amélioration, bien que les,moyens curatifs em-
ployés soient peut-être plus puissants encore. A quoi tiennent
donc ces variations d'influencea? - A une cause ignorée de la plu-
part des magnétiseurs qui ne s'attaquent qu'aux principes morbides
matériels; elles soot la conséquence de la situa ~ ion morale de I'in-
dividu.
« La maladie matérielle est un effet; pour détruire cet effet, il ne
suffit pas de s'attaquer à lui, de le prendre corps à corps et de l'a-
néantir; la cause existant toujo urs, reproduira de nouveaux effets
morhicles lorsque I'action curative sera éloignée.
«Le flui de transmetteur de la santé dans le magnétisme est un in-
termédiaire entre la matiêre et la parlie spirituelle de l' être, et que
I'on pourrait comparer au périsprit. 11 unit deux corps l'un à I'autre;
c'e3t un ponl sur lequel passenl Jes éléments qui doivent apporter
la guérison dans les organes malades. Etant un intermédiaire entre
I'Esprit et la matiere, par suite de sa constitution moléculaire, ce
fluide peut transmettre tout aussi bien une influence spirituelle qu'une
influence purement animale.
« Qu'est-ce que Je Spiritismeen défini tive , ou plutôt qu' est-ce que

la médiumnilé, celte faculté incomprise jusqu'ici, et dont l'extension


considérable a établi sur des bases incontestables les principes fon-
damentaux de la nou velle révé lation? e 'est purement et simplement
une variété de I'action magnélique exercée par uo ou plusieurs ma-
gnéLiscurs déúncarnés, sur un suj et humain agissant à l'état de veille
ou à J' état e.xtatique, consciemment ou inconsciemment.
« Qu'est-ce , d'autre part, que le magnétisme ? une variété du
SpiritJsme dans laquelle des Esprits incarnés agissent SUl' d'autres
Esprits incarnés.
« Il existe enfin une troisieme variété du magnétisme ou du Spiri-

tisme, selon que 1'0n prend pour point de départ l'action d'incarnés
sur incarnés, ou celle d'Esprits reJativement libres sur des Esprits
emprisonnés dans un corps ; cette troisiême variéié, qui a pour prin-
cipe I'action des incarn és sur les Esprits, se révele dalls le traitement
et la moralisation des Esprits obsesseurs.
« l.e Spiritisme n'est donc que du magnétisme spirituel, et le
magnétisme n'est aulre chose que du Spiritisme humain.
« En erret, comment procede le magnéliseur qui veut soumettre
à son influence un sujet somnambulique ? 11 l' enveloppe de son
fluide; il lc possêde dans une certaine mesure, et, remarquez-Ie, sans
- 188-
jamais parvenir à anéantir son libre arbitre, sans pouvoir en faire sa
chose, un instrument purement passif. Souvent le magnétisé résiste
à l'influence du magnétiseur et i1 agit dans un sens lorsq ue celui-ci
désirerait que 1'action fUt diamétralement opposée. Quoique géné-
ralement le somnambule soit endormi, et que son propre Esprit
agisse pendant que son corps demeure plus ou moins inerte, il arrive
aussi, mais plus rarement,que le sujet simplement fasciné, illuminé,
demeure dans l'état de veille, bien qu'avec une plus grande tension
d'esprit et une exaltation inaccoutumée de ses facultés.
II Et maintenant, comment procede I' Esprit qui désire se commu-

niquer? II enveloppe le médium de son fluide; ille possede dans une


certaine mesure, sans jamais parvenir à en faire sa chose, Ull instruo
ment purement passif. VOllS m'objecterez peut-être que da.ns les cas
d'obsession, de possession, 1'annihilation du libre arbitre parait êtrc
complete. II y a.urait beaucoup à dire sur cette question, car l'aetion
annihilante porte plus sur les forces vitales matérielles que sur l'Es-
prit, qui peut se trouver paralysé, terrassé et dans 1'impuissance de
résister, mais, dont la pensée n'est jamais anéantie, ainsi qu'on a pu
le remarquer en maintes occasions. Je trouve dans le fait même de
l'obsession une confirmation, une preuve à 1'appui de ma théorie, en
rappelanfque i' obsession s'exerce aussi d' incarné d incarné, et que 1'011
a vu des magnétiseurs profiter de i' empire qu'ils exerçaient pourfail'e
commettre des actions blâmables à leurs somnambules. lei comme
toujours, l'exception confirme la regle.
Bien que généralement le sujet médianimique soit éveilIé, dans
certains cas, qui deviennent de plusen plus fréquents, le somnambu-
lisme spontané se déclare chez le médium, et il parI e de lui-même
o.u par suggestion absolument comme le somnambule magnétique
se conduit dans les mêmes circonstances.
« Enfin, comment procédez-vous à 1'égard des Esprits obsesseurs
ou simplement inférieurs que vous désirez moraliser? Vaus agissez SUl'
eux par attraction fluidique; vaus les magnétisez, inconsciemment le
plus souvent, pour les retenir dans votre cercle d'action; consciem-
ment quelquefois, larsque vous établissez autour d'eux une nappe
fluidique qu'ils ne peuvent pénétrer sans votre permission, et vaus
agissez sur eux par la puissanee marale qui n'est autre qu'une actian
magnétique quintessenciée.
u Comme on vous l'a dit maintes fois, il n'y a pas de lacunes dans
l'reuvre de la nature, pas de sauts brusques, mais des transitions iu-
sensibles qui fant que 1'on passe peu à peu d'un état à un autre, sans
- 189-
s'apercevoir du changement autrement que par la conscience d'une
situation meilleure.
«Le magnétisme est donc un degré inférieur du Spiritisme, et qui
se confond insensiblement avec ce dernier par une suite de variétés
dilférant peu l'une de l'autre, comme l'anims.1 est un état supérieur
de la plante, etc. Dans I'un comme dans l'autre cas, ce sont deux
échelons de I'échelle infinie qui relie toutes les créations, depuis l'a-
tome infime jusqu'au Dieu créateur! Au-dessus de vous, c' est la lu-
miere éblouissante que vos faibles yeux ne peuvent encore supporter;
au-d essous, ce sont des ténebres profondes que vos plus puissants
instrllrnents d'optique n'ont pu encore éclairer. Hier, vous ne saviez
rien; aujourd'hui, vous voyez I'abime profond dans lequel se perd
votre origine. Vous pressentez le but iufiniment parfait aUCJuel ten-
dent toutes vos aspirations; et à qui devez-vous toutes ces connais-
sances? au magnétisme! au Spiritisme! à toutes les révélations qui
découlent d'une loi de relation uuiverselle entre tous les êtres et leur
créateur! à une science éclose d'hier pour votre conception, mais
dont I' existence se perd dans la nuit des temps, cal' elle est une des
bases fondamentales de la création.
« De tout cela, je conclus que le magnétisme, développé par le Spi-
ritisme est la clef de voute de la santé morale et matérielle de l'hu-
manité future.
cc E. QUINEMANT.»
Remarque. La justesse des appréciations, et les profondeurs du
nouveau point de vue que renferme cette communication n' échappe-
ront à personne. M. Quinemant, quoique parti depuis bien peu de
temps, se révele tout d'abord, et sans la moindre hésitation, comme un
Esprit d'une incontestable supériorité. A peine dégagé de la matiere,
qui ne semble avoir laissé sur lui aucune trace, il déploie ses facultés
avec une puissance remarquable qui promet à ses freres de la terrc
un bon conseiller de plus.
Ceux qui prétendaient que le Spiritisme se trainait dans l'orniêre
des lieux communs et des banalités, peuvent voir, par les questions
qu'il aborde depuis quelque temps, s'il reste stationnaire, et ils le
verront encore mieux à mesure qu'il lui sera permis de développer
ses conséquences. Cependant il n'enseigne à proprement dire rien de
nouveau; si I'on étudie ave c soin ses principes constitutifs fondamen-
taux, on verra qu'ils renferment les germes de tout; mais ces germes
ne peuvent se développer que graduellement ; si tous ne fl eurissent pas
eu même temps, c'est que l'extension du cercle de ses atlributions ne
dépend pas de la:volonté des lwmmes, mais de celle des Esprits, qui
- 190 -
reglent le dcgré de leur enseignement sur I'opportunité. e'est en
vain que les hommes voudl'aient antieiper sur le temps; i1s ne peu-
vent eontraindre la volonté des Esprits qui agissent d'apres des in-
spirations sllpérieures, et ne se lai~sent pas aller à l'impatiellce des
incarnés; ils savent, s'il le faut, rendre cette impatience stérile. Lais-
sons-Ies donc agir; fortifions-nlJus dans ce qu'ils nous enseignent,
et soyons certains qu'ils sauront faire donner en temps utile, par le
Spiritisme, ce qu'il doit donner.

Bibliographi~.

Union spirite de Bordeaux.


Le del'l1ier numero de l' Union, qui nous parvient à l'inslant, et
qui termine sa deuxieme année, eontienL l'avis suivant :
« Absorbé par le travail matériel que nous impose la nécessité

de pourvoir à. 'nos besoins et à ceux de la famille, que nous avons la


tâche d'élever, il ne naus a pas été pcrmis de faire paraitre régulie-
rement les de.rniers numéros de l' Uniún Spirite. Nous ne le cachc-
rons pas, en présenee de cette tâche à la fois si pénible et si ingeate
que nous nous sommes imposée, nous nous sommes demandé si llOUS
ne devions pas nous arrêter en route et laisser à d'autres, plus favo-
ris és de la fortune que nous, le scin de continuer l'ceuvre que naus
avons entreprise avec autant d'ardeur que çle conviction et de foi.
Mais, cédant aux instances de beaucoup de nos lecteurs, qui pensent
que l' Union Spirz'te, 110n-seulement a sa raison d'être, mais a rendu
déjà, et est appelée à rendre, dans un avenir peut-êlre tres prochain,
de grands services au Spiritisme, nous aVUllS résolu de marcher en-
core en a vant, et d' affronter encore les difficultés de toutes sortes qui
s'amoncellent sous nos pas. Seulement, afin de nous rendre possible
une pareille tâ\~he et pour éviter l'irrégularité dont malheureuscment
jusqu'ici, nous avons été si souvent la victime, nous avons du appor-
ter de grands changements à notre mode de publication.
«( L' Ullion Spirz'te qui, en juin prochain, commencera Sft troi-
sieme année, paraitra désormais une fois par mois seulement, par
cahiers de 32 pages, grand in-S·. Le prix de l'abonnement sera fixé
à 10 franes par ano
« Nous espérons que nos abonnés voudront bien accepter ces
conditions qui sont, du reste, celles de la Revue Spirite d' A11 ali
Kardec, et de- presque toutes les publicatons ou revues philosophi-
ques de Paris, et qu'en nous envoyant le plus tôt possible leur adh(
- i91-
sion, ils nous rendront aussi facile que possible l'accomplissement de
I'reuvre à laquelle, depuis plus de quatre ans, nous avons fait de si
grands sacrifices.
« A. BEZ. 11

Nous sommes de ceux qui regardent ce journal com me ayant sa


raison d' être et son utilité; par I' esprit dans lequel il est rédigé, il
peut et doit rendre d'incontestables services à la cause du Spiri-
tisme. Nous félicitOllS M. Bez de sa persévérance, malgé les diffi-
cultés matérielles qu'il rencontre dans sa position même. II a pris, à
nolre avis, un tres sage parti en ne le faisant paraitre qu'une fois par
mois, tout en donnant la même quantité de matieres. On ne peut se
figurer le temps et la dépense qu'entralnent les publications qui pa-
raissent plusieurs fois par mois, quand on est obligé d'y suffire seul
ou à peu pres; il faut absolument n'avoir rien autre chose à faire,
et renoncer à toute autl'e occupation. En paraissant le 15 de chaque
mois, par exemple, il alternera avec notre Revue; de cette maniere
ceux qui voudraient que celle-ci parut plns souvent, ce qui est im-
possible, y trouveront le complément de ce qu'ils désirent, et ne
seront pas privés aussi longtemps de la lecture des sujets auxquels
i1s s'intéresscnt. Nous faisons appel à leul' concours pour soutenir
cette publication.

progres spiritualiste.
Nouveau journal paraissant deux fois par mois, depuis le 15 avril,
dans le format de l'ancien Avenir auquel il annonce succéder.
L' Avenir s'était fait le représentant d'idées auxquelles nous ne pou-
vions donner 110tre adh ésio n. Ce n' est pas une raison pour que ces
idées n'aient pas leur organe, afin que chacun soit à même de les ap-
précier, et qu'on puisse juger de leur valeur par la sympathie qu'elles
trouvent dans la majorité des Spirites et leur concordance ave c 1'en-
seignement de la généralité des Esprits. LeSpiritismen'adoptantque
les principes consacrés par 1'universalité de I'enseignemenl, sanc-
tionnépar la raison et la logique, a tOlljOurS marché, et marchera
toujours avec la majorité; c'est ce qui fait sa force. li n'a donc rien
à redouter des idées divergentes; si elles sont justes, elles prévau-
dron~, et illes adoptera ; si elles sont faUE:ses elles .tomberont.
Nous ne pouvons encore apprécier la Iigne que suivra, SOIlS ce
rapport, le nouveau journal; dans tous les cas, nous nous faisons un
- 192-
devoir de signaler son apparition à nos lecteurs, afin qu'ils puissent
le juger par eux-mêmes. Nous serons heureux de trouver en \ui un
nouveau champion sérieux de sa doctrine, et dans ce cas, nous
lui souhaiterons bon succes.
Bureau : rue de la Victoire, n° 34. - Prix : 10 francs par an o

Recherches sur les causes de l'atMisme.


En réponse à la brochure de Mgr Dupanloup, par une Catholique.
Brochure in-So, cbez MM. Didier et Compagnie, 35, quai des Augus-
tins, et au bureau de la Revue Spirite. -Prix : 1 fI'. 25 cento ; par la poste:
i fr. 45 cento
L'auteur de ce remarquable écrit, quoique sincerement attaché aux
croyances catboliques, s'est proposé de démonlrer à Mgr Dupanloup
quelles sont les véritables causes de la plaie de l'athéisme et de l'incrédu-
lité qui envahit la société; selon lui, d",_ns des interprétations inadmissibles
aujourd'hui, et inconciliables avec les données posiLives de la science. 11
prouve qu'en beaucoup de points l'Eglise s'est écartée du sens l'éel des
Ecritures et de la pensée des écrivains sacrés; que la religion ne peut
que gagner à une interprétation plus rationnelle qui, sans toucher aux
principes fondamentaux des dogmes , se concilierait avec la raison; que le
Spiritisme, fondé SUl' les lois mêmes de la nature, est la seule clefpo ssible
d'une suine interprétation, et, par cela même, le plus puissant l'emede
contre l'athéisme. Tout cela est dit simplement, froidement, sans emphase
ni exaltation, et avec une logique serrée. Cet écrit est un complément à La
Foi et la Raison, par M. J. B., et aux IJogmes de l'Eglise du Christ expliqués
d'apres le Spiritisme, par M. de Bottinn.
Quoique femme, rauteur fait preuve d'une grande érudition théologi-
que; il cite et commente avec une remarquable justesse les écrivains sa-
crés de tous lei> temps, et uvec presque autant de facilité que M. Flamma-
rion cite les auteurs scientifiques; on voit qu'ils lui sont familiers, ce qui
naus faít dire qu'il n'en est probahlement pus à ses débuts en ces matieres,
et qu'il doit uvoir été quelque éminent théologien dans sa précédente exis·
tence. Sans partager toutes ses idées, nous disons, qu'au point de vue ou
il s'est placé, il ne pOU"iait parler ni mieux, ni autrement, et qU'll a fait une
chose utile pour l'époque OÚ nous sommes.

ie Roman de l'avenir.
Par E. BONNEMERE.

Un volume in-i2. Librairie internationale, 15, houlevard Montmartre.


- Prix : 3 fr. ; par la poste: 3 fr. 30 cento
Le défaut d'espace nous ohlige à remettre au prochain numéro le compte-
rendu de cet important ouvrage, qu e nous reeommandons à raltelltion de
nos lecteurs, comme tres intél'essant pour le Spiritisme.

ALLAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge fferes, Dunon et Fre~né, rue du Four-Saint·Germai n, 4:l.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

we ANNÉE . "'0
"
~
I. JUILLET -1867.

Courte exoursion spirite.


La société de Bordeaux, reconstituée ainsi que nous I'avons dit
dans notre précédent numéro, s'est réunie cette année, comme l'an~
née passée, en un banquet qui a eu lieu le jour de la Pentecôte,
banquet simple, disons -le tout de suite, comme il convient eo pa-
reille circonstance, et à des gens dont le but principal est de lrouver
une occasion de se réunir et de resserrer les liens de con fr a ternité;
la recherche et le luxe y seraient un non-sens. Malgré les occupa-
tions qui nous retenaieIit à Paris, nous avons pu nous re i c1 re à la
gracieuse et pressante invitation qui nous a été faite d'y assister.
Celui de I'unnée derniere, qui était le premier, n'avait réuni qu'une
trentaine de convives; à celui de cette année, il y en avait quatre
I'Oi8 plus, dont plusieurs venus d'nne grande distance ; Toulollse, Mar-
mande, Villeneuve, Liboume, Niort, Blaye et jusqu'à Carcassonne,
qui est à 80 lieues, y avaient leurs représentants. Tous les rangs de
la Bociété y étaient confondus dans une communauté de sentiments;
là se trouvaient l'artisan, le cultivateur à côté du bourgeois, du né-
gociant, du médecin, des fonctionnaires, des avocats, des hommes de
science, etc.
I1 serait superflu d'ajouter que tout s'est passé comme cela devait
être entre gens qui ont pour devise: «Hors la charité point de sa-
lut, » et qui pro[essent la tolérance pOUI' toutes les opinions et toutes
les convictions. Aussi, dans les allocutions de circonstance qui ont
été prononcées, pas une parole n'a été dite, dont la susceptibilité la
plus ombrageuse aurait pu s' effaroucher; nos plus grands ad \'ersai-
res même s'y seraient trouvés, qu'ils n'auraient pas entendu un
mot, ni une allusion à leur adresse.
- 19!( -
L'alltorité s'était montréc pleine de bienveillance et de cOllrloisie
3. l'égard de cette réunion, et nous devons I'en remercier. Nous igno-
fons si elle y était représentée d'une maniere occulte, mais à COllp
sur elle a pu se convaincre là, comme toujours, que les doctri nes
professées par les Spirites, loin d' êlre subversives, sont une garantie
de paix et de tranquillité; que l'ordre public n'a rien à craindre de
gens dont les principes sont ceux du respect des lois, et qui, dans
aucuue circonstance, n'ont cédé aux suggestions des agents provo-
cateurs qui cherchaient à les compromettre. On les a toujours vus se
retirer et s' abstenir de toute manifestation ostensible, toutes les fois
qu'ils ont pu craindre qu'on n'en fH un prétcxte de scandale.
Est-ce faiblesse de leur part? Non certes; c'est a,u contraire la
conscience de la force de leurs principes qui les rend calmes, et la
certitude qu'i1s ont de I'inutilité des efforts tentés pour lcs éloll fTer;
quand ils s'abstiennent, ce n'est pas pour mettre leurs personnes à
I' abri, mais pour éviter ce qui pourrait rejaillir sur la d"lctrine. lIs
savent qu'elle n'a pas besoin de démonstrations extérieures pour
triompher. Ils voient leurs idées germer partout, se propager avec
une puissance irrésistible ; qu' auraient-ils besoin de faire du bruit? Ils
laissent ce soin à leurs antagonistes , qui, par leurs clameurs, aidenl
à la propagation. Les persécutions même sont le baptême néces·
saire de toutes les idées nouvelles un peu grandes; au lieu de leur
fluíre, elles leur donnent de I'éclat; on en mesure I'importance 11
l'acharnement qn'on met à les combattre. Les idées qui ne s'accJima·
tent qu'à force de réclames et de mises en scene, n'ont qu'un e vittt·
lité factic e et de courte durée; celles qui se propagent d'elles-mêmes
et par la force des choses ont la vie eu elles, el sont seules durables;
c' est le cas ou se trouve le Spiritisme.
La fête s' est terminée par une collecte au profit des malheureux,
sans distinction de croyances, et avec une précaution dont 011 ne
peut que louer la sagesse. Puur laisser toute liberté, n'humilier per-
sonne, et ne pas stimuler la vanité de ceux qui donneraient plus que
les autres, les choses ont été disposées de mailiere à ce que personne,
pas même les collecteurs, ne sut ce que chacun avait donné. La receite
a élé de 85 fr., et des commissaires ont été immédiatement désígnés
pour en faíre l'emploi.
Malgré la brieveté de notre séjour à Bordeaux, nous avons pu assis·
ter à deux séances de la société : l'une consacrée au traitement des
malades, et l'autre aux études philosophiques. Nous avons ainsi pu
constater par nous ·même les bons résultats qui sont toujours Ie fruit
-195 -
de la per5évérance et de la bonne volonté. Au compte rendu que
nous avons publié dans notre précédent numéro sur la socióté borde-
laise, nous pouvons, en connaissance de cause, ajouter nos félicita-
tions personnelles. Mais elle ne doit pas se dissimuler que plus elle
prospérera, plus elle sera en butte aux at.taques de nos adversaires ;
qu'elle se défIe surtout des sourdes manreuvres que l'on pourrait
ourdir contre elle, et des pommes de discorde que, sous l'apparence
d'un zele exagéré, on pourrait lancer dans son sein.
Le temps de notre absence de Paris étant limité par l'obligation
d'y être de retour à jour fixe, nous n'avons pu, à notre grand re-
gret, nous rendre dans les différents centres ou nous étions convié;
nous n'avons pu que nous arrêter quelques instants à Tours et à 01'-
léans qui se trouvaient sur notre route. Là aussi nous avons pu con-
stater l'ascendant que la doctrine acquiert chaque jour dans t'opi-
nion, et ses heureux résultats qui, pour n'être encore qu'individuels,
n'en 80nt pas moins satisfaisants.
A Tours la réunion devait être à peu pres de cent cinquante per-
sonnes, tant de la ville que des environs, mais par suite de la préci-
pitatioll avec laquelle la convocation a été faite, les deux tiers seu-
lemenL ont pu s'y rendre. Une circonstance imprévue n'ayant pas
permis de prollter de la salle qui avait été choisie, on s'est réuni,
par une magnifique soirée, dans le jardin d'uu des mernbres de
la société. A Orléans les Spirites sant moins nombreux, mais ce
centre n'en compte pas moins bon Ilombre d'adeptes sincêres et dé-
voués allxquels nous avons été heureux de serrer léj. main.
Un fait constant et caractéristique, et que I'on doit considérer
comme un grand progres, c'est la diminution graduelle et à peu prês
générale, des prévenlions contre les idées spirites, même chez ceux
qui ne les partagent pas; on reconnait maintenant à chacun le droit
d'être Spirite, comme on a celui d'être juif ou protestant; c'est quel-
que chose. Les localités ou, comme à IlIiers, dans lo département
d' Eure et-Loir, on ameute les gamins pour leur courir sm; à coups de
pierres, sont des exceptions de plus en plus rares.
Vn autre signe de progrês non moins caractéristique, c'est le peu
d'importance que partout les adeptes, même dans les classes les
lIloins éelairées, attaehent aux faits de manifestations exlraordinaires.
Si des errets de ce genre se produisent spontanément. on les constate,
mais on ne s'en émeut pas, on ne le!'; recherche pas, et l'on s'atlache
encore moins à les provoquer. On prise peu ce qui ne satisfait que les
yeux et la curiosité; le but sérieux de la doctrine, ses conEéquences
- 196 -
morales, les ressources qu'elle peut oITrir pour le soulagement de la
souITrance, le bonheur de retrouver les parents ou amis que l'on a
perdus, et de s'entretenir avec eux, d'écouterlesconseils qu'ilsvien-
l1ent donner, fúnt l'objet exclusif et préféré des réunions spirites.
Dans les campagnes même et parmi lesartisans, un puissantmédium
à eITets physiques serait moins apprécié qu'un bon médium écrivain
donnant, par des communications raisonnées, la consolation et I'es-
pérance. Ce qu'on cherche dans la doctrine, c'est avant tout ce qui
touche le creur. C'est une chose remarquable que la facilité avec la-
quelle les gens même les plus illustres comprennent et s'assimilenl
Ics principes de cette philosophie; c'est pare e qu'i! n'est pas néces-
saire d"être savant pour avoir du creur et du jugement. Ah! disent-
ils, si I'on nous avait toujours parlé ainsi, nous lJ'aurions jamais douté
de Dieu et de sa bonté, même dans nos plus grandes miseres !
C'est quelque chose sans doute de croire, car c'est déjà. un pied mis
dans la bonne voie; mais la croyance sans la pratique est une leltrc
morte; or, nous sommes heureux de dire que, dans notre courte ex-
cursion, parmi de nombreux exemples des eITels moralisateurs de la
doctrine , nous avons rencontré bon nombre de ces Spirites de creur
qu'on pourrait dire complets s'H était donné à I'homme d' être complet
en quoi que ce soit, et qu'on peut regarder comme les types de la
génération future transformée; il y en a de tous sexes, de tous âges
et de toutes conditions, depuis la jeunesse jusqu'à la limite exlrême
de l'âge, qui réalisent descette vie les promesses qui nous sont faites
pour l'avenir. IIs sont faciles à reconnaitre; il y a dans tout leur être
un reflet de franchise et de sincérité qui commande la confiance ;
des l'abord on sent qu 'i\ n'y a aucune arriere-pensée dissimulée saU5
des paroles dorées ou d'hypocrites compliments. Autour d' eux, et
dans la médiocrité même, ils savent faire régner le calme et le can o
tentement. Dans ces intérieurs bénis on respire une atmosphêre se-
reine qui réconcilie avec l'humanité, et I'on comprend le regn e de
Dieu sur la terre; bienheureux ceux qui savent eu jouir par antici·
pation! Dans nos tournées spirites, c'est moins Lle nombre des
croyants que nous supputons, et qui nous satisfait le plus, que celui
de ces adeptes qui sont l'honneur de la doctrine, et qui en sont en même
temps les plus fermes soutiens, parce qu'ils la font estimer et res·
pecter en eux.
En voyant le nombre des heureux que fait le Spirítisme, nous ou-
blions facilement les fatigues inséparables de notre tâche. C'est 111
une satisfaction, un résultat positif, que la malveillance la plus
- 197-
acharnée ne peut nous enlever; on pourrait nous ôter la vie, les
biens matériels, mais jamais le bonheur d'avoir contribué à ramener
la paix dans des coours ulcérés. Pour quiconque sonde les motifs se-
crets qui font agir certains hommes, iI y a des boues qui salissent
ceux qui la jettent, et non ceux à qui i1s la jettent.
Que tous ceux qui nous ont donné, dans ce dernier voyage, de si
touchants témoignages de sympathie, en reçoi vent ici nos bien sin-
ceres remerciments, et soient assurés qu'ils sont payés de retour.

L:a loi et les médiums guérisseurs.


Sous le titre de Un Mystere, plusieurs journaux du mois de mai
dernier ont rapporté le fait suivant :
u Deux dames du faubourg Saint-Germain se présenterent, un de
ces jours derniers, chez le commissaire de leur quartier et lui signa-
lerent le nommé P •.• , qui avait, dirent-elles. abusé de leur confiance
et de leur crédulité, en leur affirmant qu'illes guérirait de maladies,
contre lesquelles ses soins avaient été impuissants.
u Ayant ouvert à ce sujet une enquête, le magistrat apprit que
P... passait pour un habile médecin, dont la clientêle augmentait
chaque jour, et qui faisait des cures extraordinaires.
u D'apres ~es réponses aux questions du commissaire, P ... parait
convaincu qu'il est doué d'une faculté surnatureIle qui lui donne le
pouvoir de guérir rien que par l'apposition des mains sur les organes
malades.
( Pendant vingt ans il a été cuisinier; il était même cité pour un
des habiles dans son métier, qu'il a abandonné depuis un an pour ~e
consacrer à l'art de guérir •
• A l'en croire, il aurait eu plusieurs visions et apparitions mys-
tériellsesdans lesquelles un envoyé de Dieu lui aurait révélé qu'il avait
à accomplir sur la terre une mission d'humanité, à laquelle il ne de-
vait pas faire défaut sous peine d'être damné. Obéissant, dit-il, à cet
ordre venu du ciel, l'ancien cuisinier s'est installé dans tin apparte-
ment de la rue Saint-Placide, et les malades n' ont pas tardé à abonder
à ses consultations.
u 11 n'ordonne pas de médicaments; il examine le sujet qu'il doit
traiter lorsqu'il est à jeun, le palpe, cherche et découvre le siége du
mal, SUl' lequel il applique ses mains disposées en croix, prononce
quelques paroles qui sont, dit-il, sou secret; puis, à sa priere, un
Esprit invisible vient et enleve le mal.
- 19& -
« P ..• est certainement uo' fou; mais ce qu'il y a d'extraordinaire,
d'inexplicab\e, c'est qu'il a prouvé, ainsi que le constate I'enquête,
que, par ce singulier procédé, il a guéri plus de quarante personnes
affectées de mal adies graves.
« Plusieurs \ui ont témoigné leur reconnaissance' par des dons en
argent; une vieille dame, propriétaire aux environs de Fontaine-
bleau, l'a, par un testament trouvé chez lui, ou une perquisition a été
pratiquée, fait son héritier pour une somme de 40,000 fr.
« P ... a été maintenu en état d'arrestation, et son proces, qui ne

tardera pas.sans doute à avoir li eu en police correctionnelle, promet


d' être curieux. »
Nous ne nous faísons ni l'apologiste ni le détracteur de M. P...
que nous ne connaissons pas. Est-il dans de bonnes ou de mauvaises
conditions? Est-il sincere ou charlatan? Nous l'ignorons ; c'est \'ave·
nir qui le prouvera; nous ne prenons fait et cause oi pour ni contre
lui. Nous mentionnons le fait tel qu'il est rapporté, parce qu'i! vient
s'ajouter à tous ceux qui accréditent l'idée de l'existence d'une de ces
facultés étranges qui confondent la science et ceux qui ne veu\ent
rien admettre en dehors du monde visible et tangib\e. A force d'en
entendre parler et de voir les, faits se multiplier, on est bien forcé
de convenir qu'il y a quelque chose, et peu à peu on fait la distinc-
fion entre la vérité et la jong\erie.
Dans le récit qui précede, on a sans doute remarqué ce curieux
passage, et la contradiction nOB moins curieuse qu'i1 renferme :
« P ... est certainement un fou, mais ce qu'i1 ya d'ex traordinaire,

d'inexplicable, c'est qu'il a prouvé, ainsi que le constate l' enquêll',


que, par ce singulier procédé, il a guéri plus de quarante per-
sonnes aiTectées de maladies graves. ))
Ainsi I' enquête constate les guérisons; mais parce que Ic moyen
qu'i1 emploie est inexplicable et n'est pas reconnu par la Faculté,
il est certainement rou. A ce compte, l'abbé prince de Hohenlohe,
dont nous avons rapporté les cures merveilleuses dans la R evue de
décembre 1866, p.368, était un fou; le vénérable curé d' Ars, qui,
lui aussi, faisait des guérisons par ces singu\iers procédés, était 1111
fou, et tant d'autres; le Christ, qui guérissait sans diplôme et n'em·
ployait pas de médicaments, était fou, et eut payé bieo "eles am endcs
de nos j.ours. Fous ou non, !orsqu'il y a guérison, il y a bien eles
gens qui préfêrent être guéris par 1In fou que d' être enterl'és par un
homme de bon senso
Avec uo diplôme, toutes les excentricités médicales sont permisc8.
- 199 -
Un méd ecin, dont nons avon s oub'l:íé le nom, mais qui gagne bcau-
coup d'argent, emploie un procédé bien autrement bizarre; avec un
pinceau il maquille la figure de ses malades de petits losanges
rouges, jau nes, verts, bleus dont il entoure les yeux, le nez, la bouche
en quantité proportionnée à la nature de la ma·ladie. Sur quelle
donn ée scientifique est fondé ce genre de médication? Un mauvais
plaisant de rédacteur a prétendu que pour s'épargner d'énormes
fl'ais de réclames, ce médecin les faisait porter gratis par ses malades,
sur leur figure. En voyant dans les rues ces visages tatoués, on de-
mand e l1'lturellement ce que c'est? Et les malades de répondre : C'est
le procedé du célebre docteur un tel. Mais il ef.t médecin; que S011
procédé soit bon, mauvais ou insignifiant, là n'est pas la questio11 ;
tout lui est permis, même d 'être charlatan : il y est autorisé de 'par la
Faculté; qu'un índividu non diplômé veuille l'imiter, il sera pour-
sui vi pour escroquerie.
On se récrie sur la crédulité du public à l'endroit des charla-
tans; on s'ét.onne de l'aftluence qui se porte chez le premier venu qui
annon ce un nouveau moyen de guérir, chez les samnambules, re-
bouteurs et autres; de la prédilection pour les remêdes de bonne
femme, et I'on s'en prend à l'ineptie de l'espece humaille! La véri-
table cause tient à l'envie bien naturelle que les malades ont de gué-
rir, et à J'insucces de Ia médecioe dans un trop grand nombre de
cas; si les médecins guérissaient plus sauvent et plus surement, on
n'irait pa.s ailleurs; il arri ve mêm e presque toujours qu'on n 'a recours
à des moyens exceptionnels qu'apres avoir épuisé inutil ement les
ressources officielles ; or, le malade qui veut être guéri à tout prix,
s'inqui,e te peu de l'être selon la regle ou cantre Ia regle.
Naus ne répéterolls pas ici ce qui est aujourd'hui clairement dé-
montré sur les causes de certaines guérisons, inexplicables seulement
pourceux qui ne :veulent pas se donner la peine de remonteI' à Ia source
du phénomene. Si Ia guérison a lieu, c'est un fait, et ce fait a une
taiUse; est-il pl as rationnel de Ia nier que de la chercher? - C' est
le hasard, dira-t-on; le malade eut guéri tout seul. - Soit; mais
alors le médecin qui le déclarait incurable faisait preuve d'une grande
ignorance. Et puis, s'il y a vingt, quarante, cent guérison s pareilles,
est-ce tOlljours le hasard? Ce serait, iI faut en convenir un hasard
singulierement persévérant et intelligent, auquel on pourrait donner
le nomde docteul' Hasard.
Nous examinerons la quc3fion sous un point de vue plus sérieux.
Les personnes non diplomées qui traitent les malades par le ma-
- 200 -
gnétisme; par l'eau magnétisée qui n'est qu'une dissolution de fluid e
magnétique; par l'imposition des mains qui est une magnétisation
instantanée et pui~sante; par la priere qui est une magnétisation
mentale; avee le eoneours des Esprits, ee qui E.st encore une variété
de magnétisation, sont-elles pa8sibles de la loi eontre l'exercice illé-
gal de la médecine?
Les termes de la loi 80nt certainement tres élastiques, car elle ne
spécifie pas les moyens. Rigoureusement et logiquement on IlC
peut considérer eomme exerçant l'art de guérir, que ceux qui en
font profession, c'esl-à-dire, qui en tirent profit. Cependant on a vu
des condamnations prononcées contre des individus s'oceupant de
ces soins par pur dévoument, sans aucun intérêt ostensible ou dissi·
mulé. Le délit est done surlout dans la prescription des remedes.
Toutefois le désintéressement notozre est généralement pris ell
considération comme circonstance atténuante.
Jusqu'à présent, on n'avait pas pensé qu'une guérison put être
opérée sans l'emploi de médicaments; la loi n'a done pas prévu le
eas des iraitements euratifs sans remed es, et ee ne serait que par
extension qu'on l'appliquerait aux magnétiseurs et aux médiums
guérisseurs. La médecine officielle ne reeonnaissant aueune effica·
cité au magnétisme et ses annexes, et encore moins à l'interventioll
des Esprits, on ne saurait légalement eondamner pour exercice
ilIégal de la rnédecine, les magnétiseurs et les rnédiums guérisseurs
qui ne prescrivent rien, ou rien autre que l'eau magnélisée, cal'
alors ce serait reeonn altre offieiell ernent une vertu à l'agent magne-
tique, et le plaeer au rang des rnoyens euratifs ; ce serait eomprendrc
le magnétisme et la médiumnité guérissante dans l'art de guérir, et
donner un démenti à la faculté. Ce que l'on fait quelquefois en parei I
cas, c' est de eondamner pour délit d' escroquerie, et abus de COIl-
fianee , comme faisant payer une ehose sans valeur, eelui qui en tire
un p ro fit direet ou détourné, ou même dissimulé sous le nom de
rétribution faeultative, voile auquel il ne faut pas toujours se fier.
L'appréciation du fait dépelld entiêrement de la maniere d'envisager
!a ehose en elle-mêrne; e'est Gouvent une question d'opinion pel'S oil"
nelle, à moins qu' il n'y ait abus présumé, auquel cas la questiofl de
bonne foi entre toujours en ligne de compte; la justice alors ap'
précie les circonstances aggravantes ou atténuantes.
II eu est tout autrement. pour celui dont le désintéressement esl
avéré et eomplet; d es 10rs qu'i! ne preserit rien et ne reçoit rien , la
loi ne peut l' atteindre, ou bien il faudrait y donner une extension que
- 201 -
ne eomportent nil'esprit ni la lettre. Ou il n'y a rien à gagner, on ne
saurait voir du charlatanisme. 11 n'y a aueun pouvoir au monde qui
puisse s'opposer à l'exercice de la médiumnité ou magnétisation gué-
rissante, dans la véritable acception du moto
Cependant, dira-t-on, M. Jaeob ne faisait rien payer, et il n'en a
pas moins été interdito Cela est vrai, mais il n'a été ni poursuivi, ni
eondamné pour le fait dont il s'agissait; l'interdietion était une me-
sure de discipline militaire, à cause du trouble que pouvait causer au
eamp I'affluenee des personnes qui s'y rendaient, et si depuis, il a
excipé de eette interdiction, c'est que cela lui a convenu. S'il n'eut
pas appartenu à l'armée, personne ne pouvait l'inquiéter. (Voyez,
Revue de mars 1865, page 76 : Le Spiritisme et la Magistrature.)

IlIiers et les Spirites.


Sous ce titre, le Journal de Chartres, du 26 mai dernier, conte-
nait la correspondance suivante :
« IlIiers, 20 mai i 867.
fi SOITimes-nOus au mois de ma! ou au carnaval? Je me suis cru à

cette derniere époque dimanche dernier. Comme jc traversais Illiers,


vers quatre heures du soir, je me trouvai en face d'uo rassemblement
de soixante, quatre-vingts, cent gamins peut-être, suivis d'unc foule
Ilombreuse criant à tue-tête SUl' I'air des Lampions : V'là le sorcier !
v'là le sorcier! v'là l'chien fou! v'là Grezelle I et accompagnant de
Illlées uu brave et placide paysan, à I'reil hagard, à I'air effaré, qui
fut fOl't heureux de rencontrer une boutique d'épicier pour lui servir
de refuge. C'est qu'apres les chants et les huées venaient les injures
ct volaient les pierres, et le pauvre diable, sans cet asile, allait peut-
être avoir nu mauvais parti.
(( Je demandai à un groupe qui se trouvait là ce que cela voulait
dire; on me raconta que depuis quelque temps il y a vait tous les ven-
dredis une réunion de Spirites à la Sorcellerie, commune de Vieu-
vieq, à la porte d'llliers. I~e grand Pontife qui présidait à ces réu-
nioos était un maçon nommé Grezelle, et c'était ce malheureux qui
venait de se voir si malmené. C'est que, disait-on, il s'était passé
clepuis quelques jours des choses fort drôles. Il aurait vu le diable, il
aurait évoqué des âmes qui lui auraient révélé des choses peu flat-
teuses pour certaines familles.
Bref, plusieurs femmes seraient devenues folles, e.t certains hommes
marchaient SUl' leurs traces; il parait même que le Pontife ouvre la
- 202-
marche; toujours ast-il qu'une jeune femme d'lIIiers a totalement
perdu la tête. On lui aurait dit que pour certaines fautes iI fall ait
qu' elle all ât en purgatoire. Vendredi, elle faisait ses adieux à tous ses
parents et voisins, et samedi, apres avoir fait ses préparatifs de dé-
part, elle allait se jeter à la riviere; heureusement on la surveillait et
l'on arriva assez à temps pour retarder le voyage.
cc On comprend que cet événement ait ému l'opinion publique. La
famille de cette jeune femme s'était monté la tête, et plusieurs mem-
bres armés d'un bon fouet firent la conduite au Pontife, qui eut le
bonheur de s'échapper de leurs mains. II voulait quitter la Sorcellerie
de Vieuvicq pour venir établir son sabbat à IlIiers, au lieu dit la Folie-
Valleran. On dit que deux braves peres de famille qui lui servaient
d'enfants de chreur l'ont prié de ne pas venir à la Folie, c'est la folie
qui ira chez lui; on parlait aussi que la police allait s'en occuper.
~ Laissez donc [aire les gamins d' Illiers. Ils sauront bien en venir
à bout. 11 y a de ces choses qui meurent assommées par le ridicule.
«LÉON GAUBERT. »

Le même journal, dans son numéro du 13 juin 1867, contient ce


qui suit :
En réponse à une leUre portant la signature de M. Léon Gaubert,
publiée dans notre numéro du 26 mai dernier naus avons reçu la
communicaLion suivante, à laquelle nous conserVOllS scrupuleuse-
ment son originalité :
cc La Cerlell el'ie, 4 j uin 1867.

cc Monsieur le Rédacteur,
« Dans votre journé\.l du 26 mai, vous rendez publique une leltre
dans laquelle votre correspondant m'assomme pour faire voir com-
ment j'ai été maltraité à llliers. Maçon et pere de famille, j'ai droit
à réparation apres avoir élé si violemment attaqué, ei j'espcre que
vous voudrez bien faire connaitre.Ia vérité apres avoir laissé pro·
pager I'erreur.
« 11 <.:st bien vrai" COlnme cette lettre le dit, que les enfants de
l'école eL bien des personnes que j'estimais me poursuivent 11
ehaque fois que je passe à IlIiers. Deux fois surtout j'ai manqué de
succomber aux coups de pierres, de bâtons et autres objets qu'on
lançait sur moi, et aujourd'hui encore, si j'allais à IIJiers ou je suis
tres connu, je serais entouré, menacé, maltl'aité. Outre les matériaux
qui pleu vent" 011 remplit l'air d'injures : (ou, sOl'cier, spzi,ite,
-- 203 -
telles son1 Ies douceurs Ies pIus ordinaires dont ou me régale. Heu-
reusement il n'y a que cela de vrai, tout ce que volre correspondant
vous écrit (Ie texte porte: tout ce que votre correspondant ajout e) ,
est faux et n'a jamais existé que dans l'imagination des pers.onnes
qui on1eherché à ameuter la population ,contre nous.
« M. Léon Gauber1 qui a signé votre lettre est complétemen t in-
connu dans le pays; on me dit que c'est un anonyme, si j'ai bien
retellu Je moto .Te dis que si 1'011 se cache, c'est qu'on sent qu'on ne
fait pas bien ; je dirai donc en toute franchise à M. Léon Gaubert :
Faites comme moi, mettez votre vrai nom.
« M. Léon Ganbert ditqu'une femme, par saiLe d'excitations et de
pratiques spirites, est devenue folle et a voulu se Doyer. Je ne sais
si réellement elle a voulu se noyer ; beaucoup de personnes me disent
,que ce n'est pas vrai, maisquand même cela serait, je n'y puis abso-
lumen! rien. Cette femme est une revendeuse, sa réputation est faite
iei depuis fort Jongtemps,et. on ne parIait pas encore de Spiritisme
que déjà elle était comme ici (le texte porte connue ici), comme elle
1'e8t à cette hem'e. Ses sreurs l'aident à me poursuivre. Je vous dé-
clare qu'elle ne s'e5t jamais occupée de Spiritisme : ses instincts la
portent dans une direction contraire. ElIe n'a jamais assisté .à nos
réunions, et jamais elle n'a mis les pieds dans la maison d'aucun Spi-
fite du pays. '
« Pourquoi donc, me direz-vous, vous en veut-elle. et pourquoi vous
en veut-on tant à llliers? C'est une énigme pour moi; je ne me suis
aperçu q ue d'une chose, c'est que beaucoup de personnes, avant que
la premiere scene éclatât, en paraissaient instruites d'av,ance, et ce
jour, quandje suis en:lré dans les rues d'IlIiers, je remarquai bien du
monde sur les portes et aux fenêtres.
«Je suis un honnête ouvrier, Monsieur; jc gagne honora.blement
mon pain. Le Spiritisme ne m'empêche nullement de travailler, ct
si quelqu'un a le moindre repl'oche sérfeux à m'adresser, qu'il ne
craigne rien. Nous avons des lois, et, dans les eirconslances ou je
me trouve, le premier je demande que les lois du pays s01ent bien
observées.
« Quant à être Spirite, je ne m'en cache pas; c'est tres vrai, je suis
Spirite. Mes deux garçons, jeunes gens actifs, mngés et florissants,
80nt l'un et 1'autre médius. L'un et l'autre aiment le Spiritisme et,
comme leur pere, croient, prient, travaillent, s'améliorent et tâchent
de ~'élever. Mais quel mal y a-t-il là ? Lorsque la colere me dit de
me venger~ le Spiritisme m'arrêle et me dit : Tous les hommes sO,nt
- 204 -
frerE)s; fais du bien à ceux mêmes qui te font du mal, et je me trouve
plus calme, plus forte .
«Le curé me repousse du confessionnal, parce que je suis Spirite;
II si je venais à lui chargé de tous les crimes possibles, il m'absotl-

« drait; mais Spirite, croyant en Dieu et faisant le bien selon mon


« pouvoir, je ne trouve point grâce à ses yeux. Bien des g ens d'Il-
« liers ne font pas autrement, et tel de nos ennemis qui, à cette
«heure, me jette la pierre parce que je suis Spirite, ferait mieux
« que m'absoudre, et m'applaudirait le jour ou il me rencontrerait
« dans une orgie. »
R emarque. Ce paragraphe guillemelé, qui était dans la letll'e
originale, a été supprimé par le journal.
«Pour plaire, je ne saurais díre noiI' quand je vois blanc ; j' ai des
convictions ; Ie Spiritisme est pour moi Ia plus b elle des vérités ; que
voulez-vous? Veut-on me forcer à dire le contraire de cc qu e je
pense, de tout ce que je vois, et lorsqu'on parle tant de liberlé,
faut-i) qu'on la supprime en pratique?
« Votre correspondant dit que je voulais quitter la Sorcell erie pour
aller établir mon sabbat à la Fúlie-ValIeran . A voir M. Léon Gau·
bert inventer.t ant de mots désagréables, on diI'ait vraiment qu'il est
possédé de la rage de donner SUl' Ia tê te de tout le mon de les plus
maladroits COllpS de truelle. M. Valleran est un des propriétaires les
plus respectables du pays, et, en élevant une construction magll i-
fiqu e, il a fait gagner de I'argent à bien des ouvI'iers par un travail
honnête et lucratif. Tant pis pour celui qui en est vexé ou ne l'i mile·
rait qu' à reculons.
I( Soyez assez bon, Monsieur, pour faire part de ma lettre à vos

lecteurs, et détromper comme de juste les person nes que la premicre


lettre publiée par vous a. induites en erreur.
« Agréez, etc.
,( GREZELLE. I)

Le rédadeur du journal dit qu'il conserve scrupuleusement ~t celte


lettr,e son originalité; il veut sans doute dire par 111 la forme du style
qui, chez un maçon de village, n'est pas celle d'UIl littératenr. 11est
probable que si, et d'un st)'le plus incorrect encore, cc maçon avait
écrit contre le Spiritisme, ou ne l' aurait pas trouvé ridicule. Mais
puisqu'on ten ait si scrupul eusement à conserver l'originalité de la
lettre, pourquoi supprimer un paragl'aphe? En cas d'in exactitu de la
responsabilité en retombait sur son auteur. Pour être rigoureusemenl
dans le vrai, le journal aurait dO. ajouter qu'i! s'éLait d' a bord refusé
- 205-
à la publication de cette lettre, et qu'i1 n'a cédé que devant l'immi-
nence de poursuites judiciaires dont les conséquences étaient inévi-
tables, puisqu'il s'agissait d'un homme estimable attaqué par le
journal même, dans son honneur et sa considération.
L' auteur de la premiere lettre a sans doute pensé que le travertis-
sement burlesqlle des faits ne suffisait pas pour jeter le ridicule SUl'
les Spirites; il y a ajouté une grosse malice, en transformant le nom
de la localité, qui est la Cerlellerloe en celui de la S orce/lerie; c'est
peut-être tres spirituel pour les gens qui aiment le sei à gros grains,
mais ce n' est pas du seI attique, et encore moins de I' adresse ; ce genre
de ridicule n'a jamais rien tué.
Faut-i! considérer ces faits comme regrettables? Ils le sont sans
doute pour ceux qui en ont été les victimes, mais non pour la doc-
trine à laquellc ils ne peuvent que profiter.
De deux choses l'une : ou les personnes qui se réunissent dans
eette localité se livrent à une indigne comédie, ou ce sont des gens
honorables, sincêrement Spirites. Dans le premier cas, c'est rendre un
grand service à la doctrine que de démasquer ceux qui en abusent
ou qui mêlent son nom à des pratiques ridicules. Les Spirites sin-
eeres ne peuvent qu'applaudir à tout ce qui tend à débarrasser le
Spiritisme des parasites de mauvaise foi, sous quelque f\)rme qu' ils se
présentent, et .i amais ils n'ont pris fait et cause pour les jongleurs et
les eharlatans . Dans le second, il ne peut que gagner au r etentisse-
ment que lui dOlme une persécution appuyée sur des falls con-
trouvés, parce qu'elle excite les gens à s'enquérir de ce q u' il en
est; OI', le Spiritisme ne demande qu'à être connu, bien certain
qu'un examen sérieux est le meilleur moyen de détruire les préven-
(ions susciLées par la malveillance chez ceux qui ne le connaissent
pas. Nous ne serions donc pas surpris que cette éehauffourée n'ait
Ull résultat tout uutr@ que celui qu'en espéraient ceux qui 1'0Et pro-
voquée, etqu'elle ne soit la cause d'une recrudescence dans le nombre
des adep tes de la localité. C'est ainsi qu'il en a été partout ou une
opposiLiol1 un peu violente s'est manifestée.
Que faire alors, se diront les adversaires? Si nous laissons faire, le
Spiritisme marche; si nous agissons conlre, il marche plus fort. -
La répo nse est bien simple : reconnaltre que ce qu'on ne peut em-
pêeher est duns la volonté de Dieu, et ce qu'il y a de mieux à faire
e'est de le laisser passer.
Deux de nos correspondants, étrangers l'un à l'autre, nous ont
transmis SUl' ces faits des renseignements précis et parfaitement con-
eordants o M. Quômes d'Arras, I'un d'eux, homme de science et
éerivain distingu é, au premier récit de ces événements rapportés
par ie journal de Chartres, ignorant la cause du conflit, ne voulut
- 206-
point se hâter de prendre la défense à es faits ni des personnes qu'il
a.bandonnait à la sévérité de la critique s'ils le méritaient; mais il
prit ce,llp. da Spiritisme. Dans une leltre pleine de modération et de
con venanee adressée aa journal, il s'attacha lJ démontrer que si les
faits étaient tels qu'ils étaient rapportés par M. Léon Gauberl, le
Spiritisme n'y était pour rien, 101's même qu'on en aurait pu pris le
nom. Toute personne impartiale aurait regardé eomme un devoir de
donn er place à une re etificil tion aussi légitime. II il'en fat point
ainsi, et les instances réi,térées n'aboutirent qu'à un rerus formeI. Ceci
se passait avant la lettre de Grezelle, qui, ainsi qu'on l'a vu, devait
avoir le même sort. Si le journal craignait de soulever dans ses co-
lonnes la question du Spiritisme, il ne devait pas admetlre la leUre
de M. Gaubert; se réserver le droit d'attaquer, et refuser celui de
la défense, c' est un moyen facile, mais tres peu logique, de se donner
raison.
M. Quômes d'Arras, afin de se rendre compte par lui -même de l'état
des choses, se rendit sur les lieux. 11 a bien voulu nous en voyer une
relation détaillée de sa visite; nous regrettons que l'élendue de ce
document ne nous permette pas de le publier dans ce num éro, ou déjã
tout ce qui devait y être n'a pu trouver place; nous cn résumo ns les
conséquences prineipales. Voiei ce ((u'il apprit à llIiers aupres de
différentes personnes honorables, étrangeres au Spiritisme.
GrezeIle est un excellent maçor!, propriétaire à La Certellerie.
Loin de déraisonner, tous ceux qui le connaissent ne peuvent que
rendre justice à son bon sens, à ses habiwdes d'ordre, de travail, de
régulórité. C'est un bon pere de famille ; tout son tort est d'inqui éter
les matérialistes et les indifférents du pays par ses affirmations éner·
giques, multipliées, SUl' l'â me, sur ses manifestations apres la mort,
et sur nos destinées futures. 11 est loin d'être, dans la contrée, I'u-
nique partisan du Spiritisme qui y compte, à Brúu surtout, des
adeptes nombreux et dévou és.
Quant aux femmes que, selon le Journal de Clzartl'es , le Spiri-
tisme aurait rendues foll es ou entrainées à des actes coupables, c'est
une pure invention. Le fait auquel il fait allusion est une reve ndeuse
bien connue à llliers, adonnée à la boisson, et dont la raison a tOIl-
jours été faible. Elle en veut à Grezelle et dil du mal de lui, on ne
sait pourquoi. Com me les idées spirites circulent dans le pays, rUe a
dO. en entendre parler, et elle les mêle à ses propos incoh érenl s, mais
elle ne s'en est jamais occupée sérieusement. Quant à a voir voulu se
noyer, cette pensée n'aurait rien d'impossible, vu son état habituei ;
mais le fait parail controuvé.
De là , M, Quômes d' Arras se rendit à La Cerlell eri e, à cin q kilo-
metresau delà d'llliers. cc En arrivant, dit-il, je demand ai I' habitation
- 207-
de madame Jacquet dont on m'avait dit le nom à IlIiers. Elle était
au jardin avec son enfant au milieu des fleurs, occupée à des travaux
d'aiguill e. Aussitôt qu'elle sut le motif de mon voyage, elle me con-
duisit à sa maison ou nous fUmes bienlôt rejoints par sa servante,
jeune fillp, de vingt ans, médium padant et Spirite fervente, par Gre-
zelle et son fils :dné âgé de vingt ans. 11 ne fut pas besoin de causer
longtemps ave c ce groupe de personnes pour s'apercevoir que 1'on
se trouvait en rapport, non avec des esprits agités, chagrins, singu-
liers, exaltés ou fanatiqu es, mais avec des personnes sérieuses, rai-
sonnables, bienveillantes, d'une socialité parfaite ; franchise, netteté,
simplicilé, amour du bien, teIs étaient les traits saill ants qui se pei-
gnaient duns leur extérieur, dans leurs paroles, et, je l'avouerai à
ma confusion, je ne m'attendais pas à si bien.
li Grezelle a qua::rante-cinq ans, il est marié et a deux garçons;

tous les deux sont médiums écrivains ainsi que lui. 11 me raconta avec
calme les s\)ufTrances qu'i1 endurait et les menées dont il était l' objeto
Madame Jacquet me dit aussi que dans le pays~ bien des pel'sonnes
noul'rissaient contre eux les plus mau vais sentimenls parce qu'ils soni
Spirites. Ames yeux il parut tres probable, et dans la suíte
j'acquis la plus entiere certituJe, que ces diverses familles son t tran-
quiltes, bienveillantes pour tout le monde, incapables le faire de mal
à perso nne, sinceremenl aUacháes à tous leurs devoirs; j'admirai,
en rendant grâce au ciel, la ferm eté, la force de caractere, la soli-
dité des convictions, le profond attachement au biel1 de ces excel-
lentps gens qui, à la campagne, sans grande in struction, sans encou-
ragemen t et sans ressources visibles, entourés d'ennemis et de
railleurs, maintiennent haut, depuis quatre ans, leurs principes, leur
foí, leurs espérances; ils ont pour défendre leur drapeau contre les
rires un courage qui, trop sOllvent malheureusement, fait encore
défaut á nos savants des villes, et même à bien des Spirites avancés.
li Grezcllc qui seul a élé positivelllent maltraité, quoiqu'il y aít

trois ans qu'il est Spirite, a toute la ferve ur d'un néophyte, 101lt le
zele d'un apôtre, et aussi toute l'activilé exubéranle d'un e nature
pl'omple, énergique et entreprenante. A raison de ses afTaires, il est
continu ellemen t mêlé à la population elu pays, et. plein du Spiri-
tisme, l' aim ant plus que la vie, iI ne peut s' empêcher d'en parler, de
le faíre ressortir, d'en montrer les b e ~tUté s , les grandeurs. lcs mer-
veilles. D'un e parole réellement pressn.nle et forte, ij prodLlit au mí-
Iieu des inelifTérents qui I'environn ent I' effe t du feu SUl' l'eau. Comme
il ne tient compte ni du tel1lps, n i eles circonstances contraires, on
pourrait dire qu'il peche un peu par exces de zele, et peut-être aussi
par défaut de prudence. »
Le Iendemain, dans la soirée, M. Quômes assista, chez Grezelle, à
- 208-
un e séance spirite composée de dix-huH à vingt personnes, parmi
Jesquelles se trouvaient le maire, des notabilités de I'endroit, des
gens d' une honorabilité notoire, qui ne fussent certainem ent pas ven us
dans une assemblée de fous et d'illuminés. Tout s'y est passé daus le
plus grand ordre, ave c le plus parfait recueillement, et sans le moin dre
vestige des pratiques ridicules de magie et de sorcellerie. On débutc
par la priere, pendant laquelle tout le monde se met à genoux. Aux
priêres tift~es de I'Évangile selon le Spiritisme, on ajoute la priere
du sair et d' autres, tirées du rituel onlinaire de I'Église. « Nos dé-
tracteurs, surtout les ccclésiastiques, ajoute M. Quõmes, n'auraient
peut-être pas remarqué sans embarras et san8 étonnement la fer vem
de ces âmes sinceres, et leur attitude recueillie dénolant un sentiment
religieux profond. II y avait six médiums dont quatre homrnes et deux
femmes, parmi lesquelles la servante de madame Jacquet, médium
parlant et écri vain. Les communications sont en général faibles de
style, les idées y sont délayées et sans enchainement; quelques ma-
nies même se font jour dans le mode de communication; mais, somme
toute, il n'y a rien de mauvais, de dangereux, et tout ce qui s'obtient
édifie, encourage, for/ifie, porte l'esprit au bien ou l'éleve vers Dieu. ,
M. Quõmes a trou"é chez ces Spirites la sincérité et un dévou-
ment à loute épreuve, mais aussi un défaut d'expérience auquel il
s'est elforcé de suppléer par ses conseils. Le fait essentiel qu'il a
constaté, c'esl que rien, dans leur maniere d'agir, 11 03 justifie le ta·
bleau ridicule qu'en fait le Journal de Chartres. Les aetes sauvages
qui se 80nt passés à Illiers ont dane évidemment été suscilés par la
malveillance, et paraissent avoir été prémédités.
Naus sommes heureux, pour notre part, qu'il en soit ainsL et nous
félicilons nos freres du eanton d'llliers des exeellenls senlimenls qui
les animent.
Les p ers~cutions, comme naus l'avons dit, sont le lot io évitable de
toutes les grandes idées nouvelles, qui toutes ont eu Iems marlyrs;
eeux qui les endurent seront heureux un jour d'avoir souffert pour le
triomphe de la vérité. QIl'ils perséverent dane sans se rcbuter et sans
faiblir, et ils serout soutenus par Ies bons Esprits qui les observen t;
mais aussi qu.'i!s ne se départissent jamais de la prudenee que co m-
mandent les eirconstances, ct qu'ils évitent avee soin tout ce qui
pourrait donner prise à nos adversaires ; e'pst dans l'intérêt de la
doetrine.

Épidémie de l'ile ~1aurice


II y a quelques mais, un de nos médiums, M. T ... , qui tombe
souvent en somnambulisme sponlané sous la magn étisation des Es-
- 209-
prits, nous dit que l'ile Maurir.e était en ce moment ravagée par une
épidémie terrible qui décimait la population. Cette prévision s' est réa-
lisée, même avec des circonstances aggravantes. Nous venons de
recevoir d'un de nos correspondants de l'ile Maurice, une lettre datée
du 8 mai, et dont nous extrayons les passages suivants.
« Plusieurs Esprits nous ont annoncé, les uns clairement,les autres
en termes prophétiques, un fléau destructeur prêt à nous frapper.
Nous primes ces révélations au point de vue moral et non au point
de vue physique. Soudain une maladie étrange éclate sur cette pau-
vre ile; une fievre sans nom, qui revêt toutes Jes formes, commence
doucement, hypocritement, puis grandit et renverse tous ceux
qu'elle peut atteindre. C'est maintenant une véritable peste; les mé-
decins n'y entendent rien; tous ceux qui en sont frappés n'ont pu
guérir jusqu'à présent. Ce sont de terribles acces quí vous brisent
et vous torturent pendant douze heures, au moins, en attaquant à
tour de rôle, chaque organe important; puis, le mal cesse pendant
un jour ou deux, laissant le mala de accablé jusqu'à son prochain
retour, et l' on marche ainsi, plus ou moins rapidement, vers le
terme fatal.
Pour moi, je vois en tout ceci un de ces fléaux. annoncés, qui doi-
vent retirer du monde une partie de la génération présente, et des-
tinés à opérer un renouvellement devenu nécessaire. Je vais vous
donner un exemple des infamies qui se passent ici.
La quinin e li tres forte dose enraye les acces, pour quelques jours
sculement; c'est le seul spéciflque capable d'arrêter, momentané-
ment du moins, les progres de la cruelle maladie qui nous décime.
Les négociants et les pharmaciens en avaient une certaine quan-
tité qui leu r revenait à peu pres à 7 fI'. l'once, 01', com me ce remecte
était forcément acheté par tout le monde, ces messieurs profiterent
de l'occasion pour élever le prix de la potion d'un individu, de 1. fI'.
prix ordinaire, jusqu'à 15 fr. Puis la quinine vint à manqueI'; e'est-
li -dire, que ceux qui en avaient, ou qui en recevaient par les malles,
la vendirent au prix fabuleux de 2 fI'. 50 c. le grain au détail, ct
en gros 6'í5 et 800 f. l'once. Dans une potion iI entre au moios 30
gt'ains, ce qui fait 75 fI'. la potion, Les riches seuls pouvaicnt donc
s'en procureI', et ccs marchands voyaient avec indifférence des mil-
liers de malheureux expirer aulour d' eux, faute del'argent nécessaire
pour se procurer ce méc1icament.
Que dites-vous de ceci? Hélas! c'est de l'histoire! Encore en ce
moment, la quinine arrive en qua:ntité; les boutiqucs des pharma-
- 210-
ciens en regorgent, mais néanmoins ils ne veulent pas donner une
dose à moins de 12 fr. 50 c.; aussi les pauvres meurent toujours, en
regardant d'un ooil désolé ce trésor qu'ils ne peuvent aUeindre!
Moi-même, j'ai été atteinte par l'épidémie, et j'en suis à ma qua-
triême rechut,e. Je me, ruine en quinine; cela . prolonge mon exis-
tence, mais 8i, comme je le crains, les rechutes continuent, ma foi,
cher monsieur, il est assez probable qu'avant peu, j'aur;).i le plaisir
d'assister en Esprit à vos séances parisiennes, et d'y prendre part,
si Dieu le permel. Une fois, dans le monde des Esprits, je serai plus
prês de vous et de la société, que je ne le suis à l'ile Maurice; en une
pensée je me rends à vos séances sans fatigue, et sans craindre le
mauvais temp8 .. Du reste, je n'ai pas la moindre crainte, je vous le
jure; je suis trop sincêrement Spiritc pour cela. Toutes mes précau·
tions sont prises,. et si je viens à quitter ce monde, vous en serez
instruit.
En attendant, cher monsi eur, veuillez avoir la bonté de prier mes
freres de la société Spirite de joindre leurs prieres aux nôtres paul'
les malheureuses victimes de l'épidémie, pauvres Esprits biRl1 ma.-
tériels, pour la plupart, et clont le dégagement doit être pénibl c i.'l
long. Prions aussi pour ceux" bien autrement malheureux, qui ;\'l
fléau de la rnaJadie~ ajoutent celui de I'inhumanité.
Notre petit groupe est disséminé depuis trois mois; tous les mem-
bres ont été plus ou moins frappés, mais aucun de nous n'est mort
jusqu'à présent.
Recevez . etc.
11 faut être vraiment Spirite pour envisager la mort avec cc sang-
froid ct cette indifference alors qu'elle étend ses ravages autour de
nous, et qu'on en a ressenti les atteintes; c'est qu'en pareil cas, la fo i
sérieuse en l'avenir,telle que le Spiritisme seul peut la donnel', procure
une force morale qui est elle-même un puissant préservatif, ainsi que
cela a été dit à propos clu choléra. (Revue de novembre 1.865, page
336). Ce n'est pas à dire que, dans les épidémies, les Spirítes soient
nécessairement épargnés, mais il est certain qu'en parei! cas, ils ont
jusqu'à présent été les moins frappés. 11 va sans dire, qu'il s'agit
des Spirites de creur, et non de ceux qui n'en ont que l'apparence.
Les fléaux destructeurs, qui doivent sévir contre I'humanité, 11011
sur un point du globe, mais partout, sont pressentis de toutes parts
par les Esprits,
La communication suivante, verbale et spontanée, a été donnée
sur ce sujet et à la suíte de la lecture de la lettre ci-dessus.
- 2H-

(Société :ue P aris , 21 juin i867; m<Íu. M. MOl'in, ou somnambulism e spontan é.)

u L'heure s"avance, 1'heure marquée au grand et perpétuel cadran


de l'infini, l'heure à laquelle va commencer 11 s"opérer la tr<\nsfor-
mation de volre globe pour le faire gra.viter vers la perfection. 11
vous a été dit souvent que les plus terribles fléaux décimeraicnt les
populations; ne faut-i! pas que tout meure pour se régénérer? Ma.is
qu' est-ce que cela? La mort n' est que la transformation de la ma-
tii~re, I'Esprit ne meurt pas : il ne fait que changer d'habita-
tion. Observez, et vous verrez commencer la réalisation de toutes
ces prévisions. Oh! qu'ils sont heureux, ceux qu'en ces terribles
épreuves la foi spirite sincere a touchés! Ils demeurent calmes au
milieu de la tourmente, comme le marin aguerri devant la tempête.
a Moi, en ce moment personnalité spirituelle, accusé souvent par
les peisonnalités terrestres, de brutalité, de dureté, d'insensibilité I••
Il est vrai, je contemple ave c calme tous ces fléaux destructeurs, tou-
tes ces terribles souffrances physiques; oui, je traverse sans m'émou-
voir Loutes ces plaines dévastées, jonchées de débris humains! Mais
si je puis le faire, c'est que ma vue spirituelle se porte au delà
de ces souffrances; c'est qu'anticipant sur I'avenir, elle s'appuie sur
le bien-être général qui sera la conséquence de ces maux passagers
pour la génération future, pour vous-mêmes qui ferez partie de celte
genération, et qui recueillerez alors les fruits que vous aurez sem és.
«Esprit de I'ensemble, regardant du haut d'une sph8re qu'il habi-
tait (souvent il parle de lui à la troisieme personne), son rei! reste
sec; cependant son âme palpite, son creur saigne en face de toutes
les miseres que l'humanité doit traverser, mais la vue spirituelle se
repose de l'autre côté de l'horizon, en contemplant le résultat qui
en sera la suite certaine.
« La grande émigration est utile, et l'heure approche ou elle doit

s'effectuer ... déj à elle commence... A qui sera-t-elle fatale ou profi-


table? Regardez bien, observateurs; considérez les actes de ces
exploiteurs des fléaux humains, e1 vous distinguerez, même avec les
yeux du corps, les hommes prédestinés à la déchéance. Voyez-les
,âpres à la curée, roides au gain, attachés comme à leur vie à toutes
les possessions terrestres, et souffrant mille morts à la perte d'une
parcell e de ce qu'ill eur faudra cependant quitter... Combien elle sera
terrible pour eux la peine du talion, car dans l'exil qui les attend, ils
se verront refuser un vcrre d' eau pour étancher leur soif! ... Regar-
dez-les, ceux-là, et vous reconnaitrez en eux, sous les richesses qu'ils
- 212 -
accumulent aux dépens des malheureux, les futurs humains déchus t
Considérez leurs travaux, et volre conscience vous dira si ces tra·
vaux doivent être payés là-baut, ou en bas! Regardez-Ies bien, hom-
mes de bonne volonté, et vous verrez que I'ivraie commence, des
cette terre, à être séparée du bon grain.
« Mon âme est forle, ma volonté est grande! - mon âme est forte,
parce que sa force est le résultat d'un travail collectif d'âme à
âme; ma volonté est grande, parce qu'elIe a pour point d'appui I'im-
mense colonne formée de tous les sentiments de justice ot de bien,
d'amour et de cbarité. Voilà pourquoi je suis fort, voilà pourquoi je
suis calme pour regarder; voill;. pourquoi son creur qui bat à se rom-
pre dans sa poitrine ne s' émeut pas. Si la décomposilion est l'inslru·
ment nécessaire de la transformation , assiste, ô mon Ame, calme et
impassible, à cette destruction ! »

VARIÉTÉS
Fait d'idenlité .
Un de nos correspondants de Maine-et-Loire nous transme! le fait
suivant, qui s'est passé sous ses yeux, comme preuve d'idendité.
M. X..... était depuis quelque temps gravement malade à C..... ,
en Touraine, et I'on attendait sa mort à cbaque instant. Le 23 avril
dernier, nous avions à notre groupe, pour quelques jours, une dame
médium à qui nous devons de tres intéressantes communications. 11
vint à la pensée d'un des assistants, qui connaissait M. X ... , de de-
mander à un Esprit familier de notre groupe, Esprit léger, mais Don
mauvais, si ce Monsieur ét.ait morto - ~ui, fut-il répotldu. - lVh is,
est-ce bien vrai, car tu parles quelquefois légerement? - L' Esprit
répondit de nouveau affirmativement. Le lendemain, M. A. C... , qui
jusqu'alors avait été peu croyant, et qui cannaissait ~ussi parliculie-
rement !VI. X... , voulut essayer de l'évoquer lui-même, si en eire! il
était morto L'Esprit vint à l'instanl à son appel et dit: « De grâce,
ne m' oubliez pas; priez pour moi. » - Depuis combien de temps êtcs-
vous mort? demanda M. A. C. - Un jour. - Quand serez-vous
enterré? - Ce soir, à quatre henres. - Souffrez-vous? - Tout ce
qu'une âme peut souffrir. - .Me conservez-vous rancune? - Oui. -
Pourquoi? - J'ai toujours été trop roide avec vous.
Les relations de ces deux Messieurs avaient toujours été froides,
quoique parfaitement polies. L'Esprit, prié de signer, donna les trois
initiales de ses prénoms et de son nome Le jour même, M. A. C. re-
- 213 -
çut une letlre lui annonçant la morl de M. X .•. Le soir, apres Ie di-
ner, des coups se firent enlendre. M. A. C. prit la plume et écrivit
sous la dictée frappé e de i' Esprit :
J e fus amhitieux, tout homme l'e st sans doute;
Mais jamais roi, pontife ou chef ou citoyen,
N'ont conçu un projet aussi grand que le mien.
Les frappements étaien t forts, accentués, presque impél'Íeux,
comme venant d'un Esprit inilié depois longtemps aux rapports du
monde invisible avec les hommes. M. X ..... avait rcmpli de hauf.es
fOl1 ctions administratives; peut-être, dans les loisirs de la retraite ct
sous l'influence du souvenir de ses anciennes occupations, son Esprit
avait-il élaboré quelque grand projeto Une lettre reçue il y a deux
jours confirme tous les détails ci-dessus.
R emarque. Ce fait n'a sans doute rien d' extraordinaire et qui ne
se rencontre souvent; mais ces faits intimes ne 80nt pas toujours les
moins instructifs et les moins convaincants; ils font plus d'impres-
sion dans les cercles ou ils se passent que ne le feraient des phéno-
mImes étranges qu e I'on regardait comme exceptionnels. Le monde
invisible s'y révele dans des conditions de simplicité qui le r appro-
chen l de nous, et convainquent mieux de la continuité de ses r ap ports
ave c le monde visible ; en un mot, les morts et les vivants y sont plus
en famille et 8'y reconnaissent mieux. Les faits de ce genre, par leur
multipl icité et la faci lité de les obtenir, Ol1t plus conlribué à la pro-
pagation c1 :l Spiritisme que les manifestations qui ont les apparences
du mervei lleux. Un incrédule sera bien plus frapp é d'une simple
preuve d' identité donnée spontan ément, dans l'intimité, par quelque
parent, ami ou connaissance, que par des prodiges qui ne le touchent
que peu, et auxquels il ne croit pas.

Poésie -Spirite.
Aux Esprits protecteurs.
Plus hau t, plus haut encor ! Prends ton voI, ô mon âme
Vers ce p ur idéal que Dieu t'a révélé!
Par de lã tous Ies cieux, et ces mondes de flamme,
Vers l'absolu dívin, je me sens app elé.

De Jacob, endo rmi je gravirai l'échelle,


J e monterai toujours et ne descendrai pas ;
Car, bienveillant et doux, d'une mnin fraternelle,
Sur la ro ute, nn Esprit assurera mes pas.
- 214-
11 me montre le but, il m'aime, il me console ;
II est là, je sens, et j'éeoute sa voix
Résonner dans mon ereur, eomme un souffle d'EGlle
Résonne sur les mODts, les plaines et les bois I

Que m'importe son Dom! n n'est pas de la terre;


Ange mystérieux des eélestes amours,
II a de l'ineonnu, 1e charme solitaire;
11 habite bien loin, d'ineffables séjours I
Là I.•. son eorps, qu'un rayon de gIo'ire transfigure,
A la subtibilité de l'impalpable éther;
n ignore les maux de la faible nature,
Et pourLant, il est bon, paree qu'il a souffert.
Tu me parles dans le silenee,
Je te vois dans l'obseurilé;
Tu me fais pressentir d'avanee
Les gloires de l'éternité.
Si je fais mal, tu me releves:
Dans mes veilles et dans mes rêves,
Ce que j'entreprends tu l'acheves;
Flambeau qui, dans une ·o mbre, luit,
C;esttoi qui soutiens mon eourage,
Qui pOllsses ma nef au rivage,
Qui me préserves dans l'orage,
.Et qui m'éelaires dans la nuit.

Tu dis : amour; tu dis : priere;


Tu dis: espoir; tu dis : vertu,
Et tu donnes le nom de frere
A l'humble enfant, faible, abattu;
Si fort, tu eherehes ma faiblesse,
Si grand, tu eherehes ma bassesse
Et si fortuné, ma détresse.
Ange Mni, gardien saeré,
Ton flui de épuré se mêle
A mon enveloppe mortelle,
Et je sens le vent de ton aüe
Passer sur mon ereur enivré.

Qui que tu sois, merei, ehere àme,


Merei, mon frere d'au deI à ;
Enfant, vieillard, ou jeune femme,
Que m'importe I n'es-tu pas là?
- 215-
Tu planes 'souvent sur ma tête,
Toi qui, dans ta eourse inquiete
A traversé quelque comete,
Quelque terre en form ation;
Habites-tu dans l'atmosph8re,
Mars ou Saturne , énorme sphere,
Descends-iu de l'Ourse polaiTe,
D'Aldébaran ou d'Orion?

Et que me fait OÚ tu résides [


Et que m'importe d'ou tn viem! [
Quels cieux inouIs et splendides,
Quand je te sens, valentles miens ?
Salut done , ô ma douee étoile;
Guide mou incertaine voile,
Sur la mer que la brune voile,
Loin des éeueils" loin du péril.
Sois uu pbare dans la tourmente,
Dressant SUl' la vague écumante,
La lumiere amie et tremblante,
Et vÍ'ens me prendre apres l'exil.

J ULES-STANY DOlNEL. (d ' Aurillac).

Notices bibliograpbiques
1e Boman de l'avenir.
Par E , BON NEMER E.

L'année derniêre, les Esprits nous avaient dit qu'avant peu la lit-
térature entrerait dans la voie du SpiritÍot.lme, et que 1867 verrait
paraitre plusieurs ouvrages importaots. Peu apres parut en effet
le SpirÜe, de Théophile Gautier; c'était, comme nous l'avons dit,
moins un roman spirite que le roman du Spiritisme, mais qui a eu
son importance par le nom de l'auteur.
Vint ensuite, au commencemeot de cette année, la touchante et
gracieuse histoire de lJ1irette. A cette occasion, l'Esprit du do cteur
MoreI Lavallée dit à la société :
«L'année 1866 présente la philosophie nouvelle sous toutes les
formes; mais c'est encore la tige verte qui renferme l'épi de blé, et
attend pour le montrer que la chaleur du printemps l'ait fait murir
et s'entr'ouvrir. 1866 a préparé, 1867 murira et réalisera. L'année
- 2l6-
s'ouvre sons les aUEpices de Mirette, et elle ne s'écoulera pas sans
voir apparaitre de nouvelles publications du même genre, et de plus
sérieuses encore, en cc sens que lo roman se fera philosophie et que
la philosophie so fera histoire. " (Revue de février 1867, page 64.)
Ces paroles prophétiques se réalisent; nous tenons pour certain
qu'un ouvrage important paraitra avant peu; ce ne sera pas un ro-
man, qu'on peul considérer r,omme une reuvre d'imagination et de
fantaisie, mais la philosophie même du spiritisme, hautement pro-
clamée et développée par un nom qui pourra donner à réfléchir à
ceux qui prétendent que tous les partisalJs du Spiritisme 80nt des
fous.
En attendant, vaici un ouvrage qui n'a du roman que le nom,
car l'intrigue y est à peu pres nulle, et n'est qu'un cadre pour déve-
lapper sous forme d'entretien los plus hautes pensées de la philoso-
phie morale, sociale et religieuse. Le titre de Roman de l' avenil' ne
parait lui avoir été donné que par allusion aux idécs qui régiront 1,\
société dans l'avenir, et qui ne sont pour l'instant qu'à l'état de
romano Le Spiritisme n'y est pas nommé, mais il peut d'autan t
mieux en revendi quer les idées, que la plupart sembleot puisées
textuellement dans la doctrine, et que s'il en est quelques-unes
qui s'eo écartent uo peu, elles sont en petit nombre et ne touchent
pas au fond de la questiono L'auteur admet la pluralité des exis-
tences, noo-seulement commo ratioonelle, conforme à la juslice de
Dieu, mais comme nécessaire, indispeosable à. Ia pro gression de
l'âme, et acquise à la saine philosophie; mais l'auteur paralt pen-
cher à croire, quoiqu'il ne le dise pas oettement, que la succe8sion des
existences s'accomplit plutôt de monde en monde que da ns le même
milieu, car il ne parle pas d'une maniere explicite des existence3
rnullipl es sur un même monde, bien que ceUe idée puisse être sous-
entendue. C'cst peut-être lã Ull des points les plus divergents, mais
qui, du r este, ne préjudicie nulIement au fond, puisqu'cn définitive
le principe serait le même.
Cct ouvragc peut donc être mis au rang des livres les plus sérieux
destinés à vulgariser les principes philosophiques de la doctrine dans
le monde littéraire ou l'auteur tient uo rang distingué. On nous a dit
que lorsqu'ill'a écrit, iI ne conna:ssait pas le Spiritismc; cela paralt
difficile, mais s'il en cst ainsi, cc serait une des plus édlatanLes
preuves de la fermentation spontanée de ces idées et de leur irrésis-
tible puissance, cal' le hasard seul ne fait pas rencol1trer tant de
chercheurs sur le rnêrne termino
- 217 -
La préface n'est pas la partie la moins curieuse de ce livre. L'au-
teur y explique I'origine de son manuscrito «Quelle est, dit-il, ma
collaboration dans le Roman de l' avenir? Sommes-nous deux, ou
trais, ou bien l'auteur ne s'appelle-t-il pas légion? Je Iaisse ces
choses à l'appréciation du lecteur, apres que je Iui aurai raconté une
aventure três véridique, biún qu'elle ait toutes les apparences d'une
histoire de l'autre monde. »
S'étant un jour arrêté dans Ull modeste village de Ia Bretagne, Ia
maItresse de l'auberge lui raconta qu'il y avait dans le pays un jeune
hommc qui faisait des choses extraordinaires, de vrais mirac\as.
« Sans avoir rien appris, dit-elle, il en sait plus long que le recteu~,
le médecin et le notaire ensemble, et que tous les sorciers réunis. 11
s'enferme tous les matins dans sa chambre; on voit sa lampe à tra-
vers ses rideaux, car il lui faut sa lampe, même quand il fait jour,
et alors il écrit des choses que jamais personne n'a vues, mais qui
sont superbes. II vous annonce des six mois à I'avance, le jour,
l'heure, la minute ou il tombera dans ses grands accês de sorcellerie.
Une fois qu'i1I'a dit ou écrit, il !l'en sait plus rien, mais c'est vrai
comme parole d'Evangilc, et infaillible comme décision du pape, à
Rome. 11 guérit du premieI' coup, et sans se faire payer 1 ceux qui lui
sont sympathiques, et à la barbe du médecin, les malades que
celui-ci ne guérit pas pour leur argent. M. le recteur dit que ce ne
peut être que le diable qui lui donne le pouvoir de guérir ceux à qui
le bon Dieu cnvoie des maladies pour leur bien , afin de les éprouver
ou de les châtier. »
« J e fus le voir, ajoute I' auteur, et ma bonne étoile voulut que je
lui fu sse sympathique. C'était un jeune homme de vingt-cinq ans,
auquel son pera, riche paysan du canton, avait fait donner une cer-
taine éducation, quoi qu'en ait dit mon hôtesse; simple, mélanco-
Iique et rêveur, poussant la bonté jusqu'à I'excellence, et doué d'un
tempérament chez lequel le systeme nerveux dominait sans contre-
poids. 11 se levait à l'aube, en proie à une fiêvre d'inspiration qu'il
ne pouvait maltriser, et répandait à flols SUl' le papier les idées
étranges qui germaient d'elles-mêmes, à son insu et souvent malgré
lui, dans son cerveau.
~ Je le vis à l'muvre. Dans l'espace d'une heur'e, il couvrait inva-
riablern ent son cahier de quinze ou seize pages d' écriture, sans hési-
tation, sans ratures, sans s'arl'êter une seconde à chercher une idée,
une phrase , un moto C' était un robinet ouvert, d'ou l'inspiration
s'écoulait en jet toujours égal. Absolument muet pen.dant ces heures
- i 18-
de travail acharné, les dents serrées et les levres eontraetées, la parole
lui revenait à l'instant ou la pendule sonnait la reprise des travaux
champêtres. 11 rentrait alol's dans la vie de iout le monde, et tout ce
qu'i1 venaít de penser ou d'écrire pendant ees deux ou trois heures
d'une autre existence s'efi'açait peu à peu de sa mémoire,comme le
rêve qui s'évanouit et disparait à mesure que I'on s'éveille. le I"n-
demain, chassé de sa couche par une force invincible, ilse remettait
à l'ouvragc et continuait la phrase ou le mot commencé le jour pré-
cédent.
« 11 m'ouvrit une armoire dans laquelle s'accumulaient des eahiers
chargés ainsi de SOIl écriture. - Qu'y a-t-il dans tout cela? lui de-
mandai-je? - Je l'ignore auLant que vous, me répondit-i1 en souriant.
- Mais comment tout cela vous vient-il? - Je ne puis que vous re-
nouveler la même réponse : je l'ignore autant que vous. Parfois je
sens que c'est en moi; d'autres fuis j'entends qu'on me le dito Alors,
sans en avoir eonseience et sans entendre le bruit de mes propres pa-
roles, je le répete à ceux qui m'entourent ou bien je l'écris.
« Cela constituait dix-sept mille pages environ, écrites en quatre
années. li s'y trouvait un e centaine de nouvelles et de romans,
des traités sur di vers sujets, des recettes médicales et autres, des
maximes, ete. J'y remarquai surtout ceci:
« Ces choses m(sont révélées, à moi simple d'esprit etd'instruction,
(I parce que, n'en sachant rien, n'ay:wt pas à leur égard d'idées pré-
" conçues, je suis plus apte à m'assimiler les idées des autres.
« Les êil'es supérieurs, partis les premiers, épurés encore par la
« transformation, viennent m'envelopper et me dire :
" On vaus donne tout ce qui ne s'apprend pas et quí peut éclairel'
« l'c monde ou naus avons en pariant laissé notre empreinte ineffa-
• çahle. Mais íl faut réservcr 8a part au travail personnel, sans em-
• piéter sur la science acquise, ni sur le labeur que chacun peut et
{( doi! faire. »
«Dans cet immense fouillis, j'ai choisi une sim pIe idylle, reuvre
de fantaisie, étrange, impossible, et dans laquelle sonl jetées, sous
un e forme plus ou moins légere, les bases d'nne nouvelle eosmogo-
l1ie tout entiere. Dans ses eahiers, cette étude portait pour titre :
I' Unité, que j'aí eru devoir remplacer par eelui de Rornan de I'Ave-
nil'. » Voiei la dunnée principal e dn sujet.
Paul de Villeblanche habitait en Normandie, ave e son pere, les
restes d'un vieux château, jadis demeure seigneuriale de sa famílle,
ruinée et dispersée par la Révolution. C'était un jeune homme d'une
- 219-
vingtaine d' années, d'une haute intelligence, aux idées les plus-
larges et les plus avancées, et qui avait mis de côté tous les pré-
jugés de race.
Dans le même canton" vivait, une vieille marquise tres dévote,
qui, paul' racheter ses péchés et sauvel' son âme, avait imaginé de
tirer de la mísere et de la fange sociale une petite Bohémienne pour
en faire une religieuse; de cette maniere, pensait-elle, elle serait
assurée d'avoir quelqu'un qui, par reconnaissanco ot par devoir,
prierait sans cesse pour elle, pendant sa vie et apres sa mort, Celte
jeune filie était donc élevée au couvent depuis environ huit ans, et
eo attendant qu'elle prit le voile, elle venait tous les deux ans passer
six semaines chez sa bienfaitrice. Mais cette jeune filie, d'une rare
intelligence, avait intuitivement sur bien des choses des idées à la
hauteur de celles de Paul. ElIe avait alors seize ans. Dans une de
8es vacances, les deux jeunes gens se rencontrent, se lient d'une
aifection toute fraternelle, et ont ensemble des entretiens ou Paul
développe à son intelligente compagne des príncipes philosophiq:ues
nouveaux pour elle, mais que celIe-ci comprend sans effort et de-
vance même souvent. Ces deux âllles d'élite S0 nt à la hauteur l'une
de l'autre. Le roman finit par un mariage, comme de raison, mais
là encore ce n'est qU'tlD prétexte pour donner une leçon pratique
sur un des points les plus importants de l'ordre social et les préjugés
de castes.
Nous inscrivons volontiers ce livre au nombre de ceux qu'il est
utile de propager, et qui ont leur place marquée dans la bibliotheque
des Spirites.
Ce 80nt ces entretiens qui font le sujet principal du livre; le reste
n'est qn'un cadre tres simple pour l'expúsition des idées qui doivent
un jour prévaloir dans la société.
Pour rapporter tout ce qui, à ce point de vue, mériterait de l'être,
il faudrait citer la moitié de l'ouvrage ; nous reproduisons seulement
qu elques-unes des pensées qui pourront faire juger de l'esprit dans
lequel il est conçu.
« Trouver, c'est la récompense d'avoir cherché, et tOl1t cc que
nous pouvons faire nous-mêmes, il ne faut pas le demander aux
autres. »
a Le monde est un vaste chantier dans lequel Dieu distribue i
chacun sa besogne, nous dispensant notre t.âche suivant nos forces.
De cet immense froUement d'intelligences di verses, opposées, hostiles
- 220-
en apparence, la lumiere jaillit, sans qu'elle s'éteigne à l'heure de
notre dernier sommeil. Au contraíre, la marche constante des géné-
rations qui se succêdent apporte une nouvelle pierre à l'édifice social;
la lumiêre devieut plus brillanle lorsqu'un enfant naU en apportant,
pour continuer Ie progres, le premier élément d'une intelligence tou-
jours renouvelée. »

(( Mais la marquise me répete sans cesse (dit la jeune filie) que


nous naissons tous mauvais, que nous ne différons que par le plus
ou Ie moins de propension vers le péché, et que I' existenee tout
'e ntiere est une lutte contre nos penchants, qui tous tendraient à
l'éternelle damnation, si la religion qu' elle m'enseigne ne nous
retenait sur le bord de I'ablme.
«- Ne crois pas ces blasphémateurs. Dieu serait l'agent du mal,
'8'il n'avait pas placé en chaeun de nous la boussole qui doit guider nos
pas vers l'accomplissement de nos destinées, et!'li l'homme n'avait
pu marcher dans sa voie jusqu'au jour ou I'Église est venue corriger
'l'ceuvre imparfaite et mal réussie de I'Éternel. ))
« Qui sait si, dans I'immense rotation du monde, nos fils ne de-
viendront pas nos peres à leur tour, et s'ils ne nous r estitueront pas
intacte cette somme de miseres que nous leur aurons Iaissées eu
partant? »
« Aueun mal ne peut venir de Dieu, dans le temps ni dans l'éter-
nité. La douleur est notre reuvre, c'est la protestation de la nature
pour naus indiquer que nous ne sommes plus dans les voies qu'elle
assigne à l'activité humaine. Elle devient un moyen de salut, car
c'est son exces même qui nous pousse en avant , incite notre pares-
seus e imagination, et nous fait faire les grandes décollvertes qui
ajoutent au bien-être de ceux qui doivent passer sur ce globe apres
nous. »
« Chacun de nous est un des annneaux de cette chaine sublime et
mystérieuse qui relie tous les hommes entre eux, comme aussi avec
la création tout entiere, et qui, jamais ni nulle part, ne saurait être
brisés. "
« Apres la mort, les organes usés ont besoin de repos, et le corps
rend à la terre les éléments dont se constituent à l'infini les êtresqui
se succedent. Mais la vie renait de la morto ))
« Nous partons, emportant avec nous le souvenir des connais-
- 222-
(A propos d'une jeune filie qui, encore enfant, opérait des gué-
risons surprenantes en indiquant les remedes par intuition.)
Cela fit du bruit, et la principale autorité, le cnré, s'émut et in-
tervint. Une enfant faisait, par des moyens naturels, ce que ni le mé·
decin avec sa science, ni lui ave c ses priêres ne pouvaient obtenir! ...
Évidemment elle était possédée. Pour les hommes de petite foi et d'in·
telligence obtuse, c'est Dieu qui, dans le but de nous châtier, comme
s'il n'avait pas l'éternité devant lui, ou de nous éprouver, comme
s'il ne savait pas ce que nous allons faíre, nous envoie tous les rnllUX ,
les fléaux de tout geme, les ruines, la perte de ceux qui nous sonl
chers; c'est Satan, au contraíre, qui donne la prospérité, fait trouver
les trésors, guérit les maladies, et nous prodigue tous les bonheurs,
toutes les joies de ce monde. Dieu enfin, suivant eux, fait le mal,
tandis que le diable est l'auteur de tout le bien. Marie fut donc exor·
cisée, rebaptisée à tout hasard, afin qu'elle ne put plus soulager ses
semblables. Mais rien n'y fit, et elle continua à faire du bien autour
d'elle.
- Mais toi qui sais tout, Paul, que dis-tu de tout cela?
- Si je ne crois jamais ce que ma 1'aison repousse, répondit le jeune
comte, je ne nie pas les faits attestés par de nombrellx témoins, par
ce seul motif que la science ne sait pas encore les expliquer. Dieu a
donné aux animaux l'instinct d'aller droit vel's la plante qui peut
guérir les rares mal adies qui les atteignent; pourquoi nous aurait-il
l'efusé ce précieux privilége? Mais I'homme esc sorti des voies que le
Créateur \ui avait assignées; il s'est mis en hostilité avec la nature
dont il a cessé d'écouter \es avertissements. Ce flamb eau s'est éteint
eo luí, et la science est venue remplacer l'instinct que, daos sa fierté
de parveoue, elle a nié, combattu, persécuté, anéanti autant qu'i! est
en elle de le faíre. Mais qui peut affirmer qu'i\ ne survit pas chez
quelques êtres simples et primitifs, décidés à s'éclairer docilement
de toutes les lueurs qu'ils entl'evoient eux-mêmes, animés qu'ils sont
du désir de venir en aide aux souffrances d'autrui? Qui sait si Marie
ayant dÁjà vécujadis parmi ces peuplades en enfance chez lesquelles
l'instinct survit encore et qui savent de merveilleux :;ecrets, ou biell
dans quelque mOIíde plus avancé d'ou ses fautes l'ont fait déchoir,
Dieu ne lui accol'de pas de se l'essouvenir des choses que les autres
ont oubliées?
« N'est-il pas, poul' chacun de nous, certaÍnes connaissances que
nous selnblons retrouver en nous-mêmes, tant l'étude nous en est [a·
cile, tandis que d'autl'es ne peuvent pénétl'er dans notl'e esprit, sans
- 221. -
sances acquises ici-bas; le monde ou nous irons nous donnera les
siennes, et nous les grouperons toutes en faisceau pour en former le
progrês. »
« Pourtant, hasarda la jeune filie, iI y aura un terme, une inévi-
lable fin, si éloignée que tu la supposes.
- Pourquoi limiter l'éternité, apres l'avoir admise en principe?
Ce qu'on appelle la fin du monde n' est qu'une figure. Il n'ya ja-
mais eu de commencement, iI n'y aura jamais de fin du monde;
lout vit, tout respire, tout est peuplé. Pour que le jugement dernier
put arriver, il faudrait un cataclysme général qui flt rentrer l'univers
laut entier dans le néant. Dieu qui a tout créé ne peut détruíre son
reUVl'e. A quoi bon l'anéantissement de la vie? »
a La mort, sans doute est inévitable. Mais mieux comprise dans
l'avenir, ceUe mort qui nous épouvante ne sera plus que l'heure
prévue, attendue peut-être du départ, pour fournir une nouvelle
étape. L'un arrive, I'autre se met en route, et l'espérance essuie des
pleurs qui coulent à l'instant des adieux. L'immensité, l'infini, l' é-
ternité prolongent à nos regards avides leurs perspeetives, dont )'in-
connu nous attire. Plus perfectionnés déjà, nous ferons un plus beau
voyage, puis nous repal'tirons encore, et nous marcherons toujours
po ur naus élcver sans cesse. Cal' il dépend de nous que la mort soit
la récompense du devoir accompli, ou le châtiment, quand l'ceuvre
command ée n'aura pas été faite. li
« En quelque lieu que nous soyons de l'univers, nous nous tenons
par des Iiens mystérieux et sacrés qui nous rendent solidaires les uns
des autres, et nous récoltel'ons fatalement la moisson de bien et de
ma l que chacun de nous a semée derriere soi avant de partir pour le
grand voyage. J
• L'enfant qui naU apporte son germe de progres; l'homme qui
meurt )aisse sa place pour qu'apres lui le progres s'accomplisse, et
qll'i l aille continueI' d'y travailler lui-même, en apportant ailleurs,
et chez un autre ~, tre, son âme perfectionnée. "
" Ceux à qui tu dois le jour ont expié dans cette vie les fautes
d'un passé mystérieux. Ils ont souffert, mais souffert coul'ageusement.
Le Dieu d'amour et de miséricorde avait besoin d'eux, sans doute,
p OU\' une mission plus importante dans un autre monde. 11 les a ap-
pelés à lui, leur accordant ainsi)e s3.1aire mérité avant que lajournée
[Clt fini e tout entiere. J
') 9 '-'
- -- '. -

110ute parce qu'elles viennent le frapper pour la premiere fois, ou


parce que plusieurs générations ont accumulé surelles des montagnes
d'ignorance et d' oubli? ))
(A propos des visions dans les rêves.)
« e'est l'âme demeurée dans son exil qui cause avec l'âme dé-
gagée de sa pll.ftie terrestre; aussi ces visions sont óclairées par un
rayo n \umineux qui laisse entrcvoir aux pauvres humains combien est
resplendissant le point ou sont arrivés ceux qui surent diriger leur
esquif sur les océans périlleux 011 fIoUe I' existence. »
(( Sans doute, dans des mondes différents, nos corps se consti-
tuent d'éléments différents, et nous y revêtons une auLre enveloppe,
plus parfai te ou plus imparfaite, suivant le milieu ou ils doivent agire
Mais toujours est-il certain que ces corps vivent, animés Lous par le
même soume de Dieu; que la transmission des âmes se fait, dans les
unes comme dans lesautres des planetes sans nombre qui pcuplent
l'espace infini, et qu'étant l'émanation même de Dieu, elles existent
identiquement les mêmes daIls tous les mondes. De I'autre côtéde la
vie , il nous rend une âme toujours purifiée, qui nous permet de nous
rap procher incessamment du ciel; notre volonté seule la fait dévier
parfois du droit chemin.
- Pourlant, Paul, on nous enseigne que nous ressusciterons avec
nos corps d'aujourd'hui!
- Folie et orgueil que tout cela! Nos corps ne sont pas fi naus,
mais à tout lo monde, aux êlres que naus avons dévorés hier, à
ceux qui nous dévoreront demain. IIs sont d'un jour; la terre nous
les prêto, ell e nous les reprendra. NoLre âme seule nous appartient;
elle se ule est éternelle, comme tout ce qui vient de Dieu et y re-
tourne. Jl
Dissertations spirites
Lutte des Esprits pour revenir au bien.
(Paris,24 mars i 867. Médium M. Rulo)]

Merei, cher frere, de votre eompassion pour colui qui expie par
la souffrance les fautes qu'il a commises; merci pour vos bonnes
prieres inspirées par votre amour pour vos freres. Appelez-moi quel-
quefois, ce sera un rendez-vous auquel je ne manquerai jamais,
soyez-en assuré. J e vous ai dit dans une communication donnée à la
société qu'apres avoir souffert il me serait permis de venir vous don-
ner mon opinion dans quelques-unes des questions dont vous vous
oceupez. Dieu est si bon, qu'apres m'avoir imposé l'expiationpar la
- 224-
souffrance, il a eu pitié de mon repcntir, car il sait que si j'ai failli ,
ce fut par faiblei:lse, et que l'orgueil est fils de I'ignorance. Il m'est
permis de m'instruire, et si je ne puis, comme les bons Esprits qui
ont quitté la terre, pénétrer les mysteres de la création, je puis étu-
dier les rudiments de la science universelle, afin de progresser ct
d'aider mes freres à progresser aussi.
J e vous dirai le rapport qui existe entre l' état de l' âme et la naturc
des fluid es qui l'enveloppent dans chaque milieu ou elle se troU\ e
momentanément placée; et si, comme cela vous a été dit, l' âme
pure assainit les fluides, croyez bien que la pensée impure les vicie.
Jugez quels efforts doit faire l'Esprit qui se repent, pour combaltre
l'influencc de ces fluides dont il est enveloppé, augmentée encare
par la réunion de tous les mauvais fluid es que lui apportent, paur
l'étouffer, les Esprits perverso - Ne croyez pas qu'i1 me suffise de
vouloir m'améliorer, pour chasser les Esprits d'orgueil dont j' étais
entouré pendant mon séjour sur la terre. Ils sont toujours pres de
moi , cherchant à me retenir dans leur atmosphere malsaine. Les
bons Esprits viennent m'éclairer, m'apporter la force dontj'ai besain
pour lutter contre l'influence des mauvais Esprits, puis ils s'éloignent
me laissant livré à mes propres forces pour lutler contre Ic mal.
C'est alo rs que je ressens l'influence bienfaisante de vos bon nes
priêres, car, sans le savoir, vous continuez l'muvre des bons Esprils
d' outre-tombe. '
Vous voyez, cher frere, que tout 5' enchainc d ans l'immensité;
que tous naus sommes solidaires les uns des autres, et qu'il n'y a pas
UD e seule bonne pensée qni ne porte avec ell e des fruits d'amouJ',
d'amélioratiou et de progres moral. Oui, vaus avez raisonde di re à
vos freres qui souffrent qll'un mot suffit pour expliquer le Créatcul' ;
que ce mot doit être l'étoile qui guid e chaqlle Espdt, à quelque
degré de I'échelle spirite qu'il app artienn e par toutes ses pensées,
par tous ses acles, dans les mondes infé rieurs comme dans les mond es
supérieurs ; que CP- mot, l' évangile de tous les siecles, I' alpha et 1'0-
méga de toute science, la lumiere de la vérité éternelle, c'est amour !
Amour de Dieu, amour de ses freres. Heureux ceux qui prient paul'
leurs freres qui souffrent. Leurs épreuves de la tene deviendranl
légeres, et la récompense qui les atlend sera au-dessus de lcul's
, I
esperances ....
Vaus voyez, cher frere, combien le Seigneur est plein de miséri-
corde, puisque, malgré mes souffrances, il me permet de venir vaus
parler le langage d'u!) bon Esprit.
A ...
AUAN KARD EC.

Par'is. - Typ. de Ro uge rreres. Dunon ct Fr~sn é , rue du Four-Saint-GerGlain, 43.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

we ANNÉE. N" 8. AOUT 1867

--------------------------------------------------.-
FeToaode.
NOUVELLE . SPIRITE

Tel est le titre d'un roman-feuilleton, par M. Jules Doinel (d'Au-


rillae) , publié dans le Moniteur du CantaI des 23 et 30 mai, 6, 13
et 20 juin 1866. Çomrne 011 le voit, le 110m du Spiritisme n'est pas
dissimulé, et I'on doit d'autant plUS en félieiter l'auteur, que ce cou-
rage de l' opinion est plus rure chez les écri vains de province, 01I les
influences contraires exercent une pression plns grande qu'à Paris.
Naus regrettons qu'allres avoir été publiée en feuilleton~, forme
sous laquelle une idée se répand plus facilement dans les masses,
cette nouvelle n'ait pas été mise en volume, et que nos lecteurs SOiCl1t
privés du plaisir de se la procureI'. Quoique ce soit une reuvre sans
préientions et circonscrite dans UI1 ires petit cadre, c'est une pein-
ture vraie et atlacbante des rapports ctu monde spiriluel et dL1 monde
corporel, qui upporte son contingcnt à la vulgarisation de l' idée spi-
rite ali point de vue sérieux et moral. Elle montre les purs et nobles
sentiments que cetLe croyance peut développer dans le creur de
l'homme, la sérénité qu'elle donne dans les afflictÍons par la certi-
tude d'un avenir répondant à toutes les aspirations de l'âme, et don-
nant pleine satisfaction à la 1'ai50n. Pour peindre ces aspirations
avec vérité, comme le fait I' auteur, iI faut avôir la foi en ce qu' on
di! ; un éerivain, pour qui un pareil sujet ne serait qu'un cadre ba-
nal, sans eonviction, croirait que pour faire du Spiritisme il suffit
d'accumuler le fantastique, le merveilleux et les aventures étranges,
comme certains peintres croient qu'i! suffit d'étaler des couleurs
voyantes pour faire un tablcau. Le Spiritisme vrai est simple; il
- 226 -
touehe le erellf et ne frapp e pas I'imagination ~~ COllpS de mnl'teau.
C'est ce qu'a compris I'auteur.
Lesuj et de Fernand e cst fort simple. C'est une jeune filie tendl'c-
ment aimée de sa merA , enlevée à la fl eur de l'âge à sa tendrpsse et
à l'amom de son fi aneé , et qu i relhe leul' ~oU fage en se manifeslant
à leur VUC', et CI1 dictan t à son am nnt, qui duit bieniô t la rejoindl'e,
le tableau dn monde qui l' altend. Naus eilcrons quelqlles-unes eles
pensées qllO nous y avons rcmarqu ées.
« J' étais devenu, depuis l'apparition de Fe rn ando, UI1 ade ptc ré·
saIu de la seienee d'outre-tombe. Pourquoi, du reSle, en aurais-je
douté ? L'holl1l1le a- t-il le uroit de mu. rqu cr des li mites fi. la pemée,
et de clire '3, DieLl: Tu n'ira'; pas plu s ! ~ in ? »
(( Pt1 isque nous som mes pres d'ellc ct que naus foubns une terre
qui est sainle, je vais, mo n cber ami, le p::l.l'lcl' h cume ouvert, en
prenant Dieu á témoin de la sincéri té de lout cc que ta vas,entendre.
Tu crais aux Esprits, je le sais, et plus d'une fois lu m' as demanclé de
préciser ta cl'oyance SUl' c'e point. Je ne I'ai pas fait, et il faut bien
te le dire, Eal1S les rnani festalic?l1s étra nges que lu as eue8, je ne I' e ll~sc
jamais faiL Mon am ;, j e crois que Din l a do,lné à cCl't "incs âmes
une forc e de sympalhie teli emcnt grande qll' elle peut se prop ager
dans lcs régioi1s in conn ucs de I' au lre vic. C'est su r ce 'fon dcmrnt qne
rcpose toute ma doctrinc_ te cha rl iltanisme et la jongl.:! rie de C~I'·
ta;ns adeptes me font mal, cal' je ne com prends pas qUf' 1' un p ui~so
profaneI' un e chose aussi sainle. I)
« Oh! Slephen Stany (le fiallc é) avait bi en r aison de dirc que le
ch arlabnisme et la jonglcri e pro fanen t lcs choscs Ics plus saintes, La
eroyancc aux r>p rits doi t rClldrc I'àme sereil1c ; d'ou vient done que,
duns l'obscul'íté, le moindre brnit m'époll vanle? J'ai vn se dessincl'
parfois, dans la pén om bre de rDon alc0ve , :::oii le fa ntôme de Fer~
nan de ele 1I1mri:" soit le profil vague ele ma merc. A ceux-H\ j'ai
sour;. Mais bien so uvent aussi, ma vue s'e::t détournée avec em'oi til'
la Cace gl'ima çante de quelq ues Espri ts mauvais, venus là pour m'é·
carter du bien et me détourncr de Dieu. li
(( Sla ny, 811 me parl ant etait cal me . Je ne rernarquai SUl' E:tngure
aU CUlle trace d'exallati (ln. Mais, pres de cctle p:cl're , s:t dia phncéilé
devenait plus visible encore. L' âme de mon ami se rnonlr1it tout en-
tiere ~~ mes regarus. Celte bel!e âa1C n' avai t rien it cacher. Je con:·
prenais que lo lien qui l' enchainait à co cof[)s de boue était bico
fai ble , et que l' heure n'était pas loin oli ellc s'envolerait vers l'awl'e
monde. ,)
- 227 -
I, Elle m' avait dit: «Va chez ma merc. » - Cela. me cauta, je le
confesse; quo ique fiancé à Fernande, je n'ét nis pas t:es bien avec
ta cousine. Tu sais combien ell e était .ialouse de tout ce qui lui rete-
nait une partie de l'atTcctian de sa filie. Te le dirai-je, clle me reçut à
bras ouvcrts et me dit en pleurant: «Je I'ai revue ! »La glace était
brisée ; nous allions nous comprendre pour la premiere fois. - Man
cher Stéphen, ajaula-t-elle, je crois avoir rêvé I mais enfin je I'ai
revue, et voiei ce qu'elle m'a dit: «Mere, tu prieras Stéphen Stany
de resteI' huit jours dans la chambre qui fut à moi. Pendant cea huit
jour5 tu ne souffriras pas qu'on le déra.nge. Pendant ectte rctraite,
Dieu lui révéleru bi en dés ch oses.• - On me canduisit immádiate-
ment duns la chambre de ta eousine ; et depuis ce jour-là rnême
jusqu'à hier, jour 011 je t'ai rev u, son âme a élé sans interruption avec
mai-même. Ja I'ai vue et bien vue, des yeux de mon Esprit et non
pas de ceux de mon corps, bien qu'ils fussent ouverts. ElIe m'a parlé.
Quand je dis qu'elle m'a parlé, je veux dire qu'i1 ya eu entre nous
11'ansmission depensée. Je sais maintenant tout ce qu'il me fallait sa-
vair. Je sais que ce globe n'a plus rien pour moi, et qu''Une exis-
'ence meilleure m'attend. ))
( J'ai appris à estimer le mon de á sa juste valeur. Retiens ces
pal'oles , man ami: Tout Esprit qui veut p::trvenir à la félicité supé-
rieUl'e doit garder son corps chas te, son cocur pur, son âme li bre.
Heureux qui sait apercevoir la form e immatériclle de Dieu à. tra vers
les ombres de ce qui passe! »
« N'oubli ons jamais, ô freres, CJue Dicu est Esprit, et que plus on
devient Esprit, pIus on se rapproche de Dieu. Il n'est pas permis à
I'homme de briser vioIcmment les li en~ de la matiere, de la cLair et
du sang. Ces liens supposent des devoirs; mais il lui e:,t permis de
s'en détacher peu à peu par I'idéalisme de ses aspirations, par la
purelé de ses intentions, par le rayonncment de son âme, reflet sacré
donlle devoir est le foyer, jusqu' à, ce que, libre colombe, son Esprit
dégagé des chaines mortel Ies s'cnvole et plan e dans les espaces
agrandis. »
Le manuscrit dicté par I'Esprit de Fernande, pen3ant les huit
jours de retraite de Stephen, contient les passages suivants:
d Je mourus dans le troubl e, je m'éveillai dans la joie. Je vis mon

corps à peine refroidi s'étendre sur le Iit fun ebre, et je me sen tis
COlTImc c1échargée d' un lourd fardeau. C' e~ t alors que je t aper-us,
man bien -aim é, et que par la permission de Dien, unie au libre e Yer-
cice de ma volonté, je t' aperçus aupres de mon cadavre.
- 228-
« Pendant que les vcrs poursuivaient leur ceuvre de corru ption,
je pénétrais, curieuse, les mysteres du monde nouveau que j' habi-
tais. Je pensais, je sentais, j'aimais comme sur la terre; mais ma
pensée, ma sensation, mon amour s'étaient agrandis. Je comprenais
mieux Ics desseins de Dien, j'aspirais sa volonté divine. Nous vivons
d'une vi€:: presque immatérielle, et nous sommes supérieurs à vous
autant que les anges le sont à nous. Nous voyons Dieu, mais \1on pas
clairement; nous le voyons comme on voit le solei I de votre terre, à
travers un nuage épais. Mais cette vue imparfaite suffit à notre âme
qui n'est pas encore purifiée.
eLes hommes nous apparaissent comme des fantâmes errant
dans une brume crépusculaire. Dieu a fait à quelques-uns d'entre
nous la grâce de vair plus clairement ceux qu'ils aiment de préfé-
rence. Je te voyais ainsi, cher amour, et ma volonté t'entourait
d'une sympathie amaureuse à tout momento C'est ain~i que tes pen-
sées venaient de moi, que tes actes t'étaient inspirés par moi, que la
vie, en un mot, n'était qU'lIn reflet de ma vie. De même que nous
pouvons communiquer avec vous, les Esprits supérieurs peuvent se
révéler à nos regards. Parfois, dans la transparcnce immatérielle,
nous voyons passer la silhoueUe auguste et lumineuse d~ quelqne Es-
prit. II m'est impossible de te dépeindre la respect que cette vue
nous inspire. Heureux ceux d'entre nous qui sont honorés de ces vi-
s.ites di vines. Admire la bonté de Dien ! les mondes se correspondent
tous. Nous nous montrons à vous ; eux se montrent à nous: c'est
l' échelle symbolique de J acob. »
c 11 en est qui, d'un seul coup d'aile, se sont élcvésjusqu'à Dieu,
Mais ceux-Ià 80nt rares. D'autres subissent les longues épreuvcs eles
existences successi ves. C' est la vertu qui donne les rangs, et le m ClI-
diant courbé vers la terre est parfois, aux regards du Dieu .iuste et
sévere, plus grand que le rui superbe ou le conquérant invaincll.
Rien ne vaut que par l'âme; c'est le se']l poids qui l'emporte dans
la balance de Dieu. »
Maintenant que nous avons fait la part de l'éloge, faisons celle de
]a critique; elle ne ser a pas longue, car elle ne porte que sur
deux ou trois pensées. Au début, dans un dialogue entre les deux
amis, nous trouvons le passage suivant:
« Avons-nous des existences antérieures? J.e ne le crois pas: Dietl.
nous tire néant ; mais ce dont je suis sur, c'est qu'aprês ce que
110US nommons la mort, nous commençons, - et quand je dis nous,
je parle de l'âme, - nous commençons, dis-je, une série de nou-
- 229-
velles existcnces. Le jour ou nous sommes assez purs pour voir,
comprendre et nimer Dieu entierement, ce jour-Ià seulement n.ous
maurons. Note bien que ce jour-Ià nous n'aimons plus que Dieu et
rien 'que Dieu. Si donc Fernande était purifiée, elle ne songerait,
elle )~e pourrait songer à moi. De cc qu'elle s'est manifestée je
conc\us qu'elle vit. Ou? je le saurai bientôt! Elle cst heureuse de
sa vie, je le crais, cal' tant que l'Esprit l1'a pas été épuré compléte-
ment, il ne peut comprendre qu~ le bonheur n'est qu'en Dieu. 11
peut être heurelJx re\ativement. A mesure que nous monLons, l'iàée
de Dieu s'agrandit en nous de plus el1 plus, et nons sommes, par lã
même, de pius en plus heureux. Mais ce bonhem n'est jamais qu'un
banhem' relatif. Ainsi ma fiancée vit. QuelIe est sa vie? je l'ignore :
Dieu seul peut dire aux Esprits de révéler aux hommes ces mys-
teres. J
Apres des idées comme celles que renferment les passages préci-
tés, ou s'étonne de trouver une ductrine comme celle-ci, qui I'ait du
banheur parfait un bonheur égolste. Le charme de la doctrin e spi-
rile, ce qui en fait une suprême consolation ~ c'est précisément la
pens~e de la pcrpétuité des afTections, s'épurant et se ressermnt à
mesure que I'Esprit s'épure et s'éleve; id, au contraire, l ' Espri~,
quand il est parfait, oublie ceux qu'il a aimés, paul' ne penseI' quià
lui; il est mort à tout autre senti meut q'l'à celui de son bonheur; la
perfection !ui ôterait la l'0ssibzlité, le désir méme de vebir consoler
ceux qu'i!laisse dans I'afíliction. Ce serait lã., i! faut en convenir,
une triste perfectiotl, ou, pour mieux dire, cc serait une impel'fec-
tion. Le bonheur éternel, ainsi conçu, ne serait guere plns enviable
que celui de la contemplation perpétue!le, Jont la réclllsion cJaus-
trale nous dO!11}e I'image p::l r la mort anticipée aux plus saintes nf-
fections de la familtc. S'i! en était ainsi, une mere ell serait réduite
à rcdauter au Iieu de désirer la complete épmation des êtrcs qui lui
S:ll1t le plllS chers. Jamais la généralité des Esprits n'a enseigné
chosa semblable; on dirait une transaction entre le Spiritisme et la
croyance vulgaire. Mais coUe transaclion n'est pas heureuse, car, l1e
satisfaisant pa~ les aspirations intimes de l'âme, elle n'a aUCllne
chance de prévaloir dans I'opi nion.
Quand l'auteur dit qu'ilne croit p:1. S aux existellces antérieures,
mais qu'il est SUl' Cjq'apres la mort, nous commençons une série de
nouvelles existences. i! ne s'est pas aperçu qu'il commcttait une con-
tradiction flagrant e ; s'i! admet, comme chose logique et nécessaire
au progres, la pluralité des existcnces postérieures, SUl' (IUoi se
- 230-
ronde-t-il poul' ne pas admettre les existenees antérieures? Il ne dit
pas comment il ex plique d'une n:aniere conforme à la justiee de
Dieu, l'inégalité native, intellectuelle et morale, qui existe entre les
hommes. Si cette existence est la premiere, et si tous sont sor!is du
néant, 011 retombe dans la doctrine absurde, ineonciliable avec Jn.
souverainc justiee, d'un Dieu partial, qui favorise certaines de ses
créatures, en créant des âmes de toutes qualités. On pourntit égale-
ment y voir une transaction avec les idé~s nouvelles, mais qui n'est
pas plns heureuse que la précédente.
On s' étonne enfin de voir Fernande, Esprit avancé, soutenir celte
propJsilion d'un autre temps: «Laura devint mere; Dieu eut pitié
d'ell c, et appela à lui cet enfant. Il vient la revoir parfois. 11 est
tri1:' tc, ca r ~tant mort sans baplême, il ne jouira jamais de la cou-
templation divine. \l Ainsi voilà. un Esprit que Dieu appelle â fui, et
qui est à jamais malheureux et privé de la contemplation de Dien,
parce qu'il n'a pas reçu le baptême, alors qu'il n'a pas dépendu de
lui de le reeevoir, et que la faute en est à Dieu même qui l'a rappelé
trop te,t. Cc Bont ees doetrines qu~ ont fait tant d'incrédllles, et si
1'011 espere les faire passer à la faveur des idées spirites qui prennent
racir.c, ou se trompe; on acceptera des idées spirites que ce qui est
rationnel et sanetionné par l'universalité de l'enseignement dos
Esprits. Si e'est encore là de la transaction, elle est rn::dudroite.
Nous posons en fait que sur mil1e cent.res spirites ou les propositions
que nous venons de critiquer s'::raient soumises aux Esprits, il y en
ti neuf cent quatre-vingt-dix ou elles seront ré.solul!S el1 sens con-
t.raírE'.
C'est I'universalité de I'en:oeignement, sanctionné en outre par la
Jogique, qui a (ait et qui coml'lélera la doctrine spirile. Cette doc-
trine puise, dans celte uni versalité de l' enseignement donné sur
tous les poi;Jts d li globe, par des Esprits diiIérents, et dans des
centres complétement élrangers les uns aux autres, et qui ne SUblS-
senl aucune pression eommune, une force contre laquelle lutteraicnt
en vain les opinions individuelles, soit des Esprits, soit des hommes.
L' allümce que I'on prétendraít établir des ídées spiriles avec d~s
idécs contradictoires, ne peut être qu' épIJernere et localísée. Les
opinions individllelles peuvent rallier que lques inàividus, mais [or-
cément circonscriles, elles ne peuvent rallier lu majurité, à moi ns
à'a voir la sanction de cette majorité. Repoussées par le .plw; grand
n011.b1'e, e lle~ sont sans vi t a lité ~ et s'éteignent avec le urs représen-
tants.
-~ -~ :~ :j 1 _.. -
Ceci est le résultatd'un calcu l lo u. t ti1aLhé matique. Si, sur mine
centres, il y cn a 990 ou I'oh enseigne de la mêm e façon, et dix d'une
façon _contraire , il est évident que l'opinlon dom inante sera celle de
990 SUl' 1,000, c'est-à-dire la prei-'que unanimité. Eh bien! naus
sommes certain de faire une part trop large aux idées di verg entes,
cn les portant à un centieme. Ne [ormulant jamais un príncipe
avant d' êLre assuré de l' assentiment général, nous sommes toujol!rs
d'accord avec I'opinion de la majorité.
Le Spiritism e est aujourd' blli en possession d'une somme de vé·-
rités tellement démontrécs par l'expérience, qui satisfont en même
lem ps si complétement la raison, qu'elles sont passées cn al'licles de
foi uans l'o pinion de I'imm ense majorilé des adeptes. 01', se mettre
en hosliliLé ouverte avec ceIte majorilé, froisser ses aspiratio ns ct ses
COll victi ons les plus cheres, c' est se préparer un écbec inévitable.
Telle est la cause el e I'insucces de cerlaines publications.
Mais , dira-t -oo , est-il done défendu à celui qui ne partage pas les
idécs de la majorité de publier .ses opinions? Assurément nOI1 ; il
esl mêllle uLile qu'il le fasse ; mais alors il doille faire à ses risques et
périi::: , cl ne pas co:npter s ur l' appui moral et matériel de ceux dont
il veul ])altre el1 breche les croyan ces.
Pour en rcvenir à Fcrnande, les poin ls de doctrine que no us avons
combaLt us paraissent être des opinions personne lles à l'auteur dont
il n'a pas senti le côté faíble . En nous adres3an I son ceuvre, début
d'Ull jcuile homme, il nous a dit que lorsqu'il uvait écriL celte nou-
veile, il n'avait qu'une connaissan ce su pe dicíelle de la doctrin e spi-
ri te, et que DOUS y trouverions sans do ute plusieurs choses à redire
SU l' lesqll elles il sol!idtait notre avis; que, plus éclairé ulJjourd'hui, il
est des príncipes qu'il fo rm ulerait autrement. En le félicitant de sa
franc bise et de sa madestie, naus i' avons inlormé que, s'i l y avait
lieu de le réfuter, na us le fcl'i alls dans la. Revue pour l'inslruction de
tous.
A p::trt les points que naus veno ll S de citer, il n'en est au cu n que
la.docll';:lc spil'ite ne puisse accepter ; naus f81icitons I'aule ur c1u poinl
de Vi lC mural et phil osophique ou il s'est placé, et naus tenons 80n
travail p OUl' émincmmcn t utile à. Ia diITllsion de l'idée, parce qu'il la
fai t cllvisa.ger sous son véritable j our qui est le point de vue séri eux.
(Voir dans le numéro précéclent, page 21 3, la piece de poésie du
même étuteuI', intitulée : A ux E spl'its protec.'eun.)
- 232-
Sirnonet,
Médium guérisseur de Bordeaux.
1,e Fl[!arO du 5 juillet dernier rendait eompte en ees termes d'u l1
jugement rendu par le tribunal de Bordeaux :
« Da.ns ces derniers temps, la furem' à BOl'deaux était d'aller C(JIl-
sulter le soreier de Cauderan. On évalue ti. mille ou douze eenls Ic
nombre des visites qu'il recevait chaque jour. La police, qui fait pro-
fession de scepticisme, s'est émue d'un parei! succes, et elle n voul u
opérer une deseente au château de Bel-Air ou le sorcier avait élu
domicile. Aux alentours de la demeure du sorcier on renconlrait une
foule de gens se disant alteints de loute espece de maladies ; dcs
grandes dames y venaient aussi en ealeche pour consulter I'illu-
miné .
« Les magistrats, des qu'ils euren t interrogé le sorcier, lIe dou-
terent pas qu'ils n'eussent affaire à un pauvre fou qui était exploilé
par eeux mêmes qui lui donnaient l'hospitalité; l.I.ussi, le Borcier Si-
monet n'a-t-il pa::; été compris dap..s la poursuÍtc qU'GU s'est co:d.crM
de diriger eontre les freres Barbier 1 adroits eomperes qui rccu:cil-
laient tous les profits de la crédulilé gasconne.
« Leur maison, qu'en vrais Gascons ,qu'ils sont ils décora.ic!ll du
nom de château, avait été eonvertie en auberge; seulement, les vins
qu'ils y débitaient n'avaient rien de- commun avec ce qu'oll appelle
en Languedoc des vins de Château; et puis ils avaient oublié de se
pourvoir d'une licence, si bien que l'administration des c'Hltribution~
indirectcs leur faisait un proces.
« 1.e sorcier Simonet était cité com me témoin .
- u Ou avez-vous appris la médecine, vaus qui étiez un simple
chaudronnier?
- « Et que pensez-vous de la révélation? Qu'élaient donc les dis-
ciples du Chl'ist? Que faisaient-ils, ces pauvres pêchcurs qui ont con-
verti le monde? Dieu m'est apparu; il m'a donné sn. science, je n'ai
même pas besoin des remedes, je suis un médecin guérisseur.
- « Ou avez·vous appris tout cela?
- «Dans AlIan Kardcc ... et même, Monsieur \e président, je vousle
dis avec tout le respect possible, vous ne paraissez pa.s conn:l ltre la
science du Spiritisme et je vous engage tres fort á l'étudier. (Hila-
rité à laquelle ne résistent pas les juges eux-:nêmes,)
- « Vous abusez de la crédulité publique. Ainsi, pour nc citeI'
qu'un exemple, il y a un pauvre avellgle que tout Bardeaux connalt.
II a eu la faib les8e d'aller chez vous, e.t il vous portait lcs oboles
qu'il recevait de la charilé publique. Lui aveZ-VOllS rendu la vue?
- « Je nc guéris pas tout la monde, n il fc1l1t croirc que jc
- 233 -
fais des cures, puisque le jour ou la justice est venue, il y aV[~it plus
de 1,500 personnes qui attendaient leur touro
- (C C'est malheureusement vrai.
cc M. le procureur impérial. - Et si cela continue, nous pren-
drons une ele ces deu x meSllres : ou nous vous traduirons ici pour
escroquerie, et la j ustice appréciera si vous êtes fou, cu nous ferons
prendre une rnesure admillistrati ve eontre vouS. li faut protéger les
'honnêtes gens contre leur ineréduli lé.
« Au château de Bel·Air 011 ne demandait pas d'argent aux cOl1sul-
tants; Oll leur distribuait seukment un numéro d'ordre, qu'on fai-
sait payer vingt centimes ; puis il y en avait qui trafiquaient ele ces
numéros, les revendant jusqu'à quinze franes. Enfin, 011 dOl1nait b,
manger aux pauvres paysans venus quelquefois des extrémités du
déparlement. Enfin, il y avait un tronc pour les pauvres; 11 n'est pas
be:::oin de dire que les hôtes du sorcier s'appliquaient l'argellt des
pauvres.
" Le tribunal a condamné les sieurs Barbicr en deux mois et un
mois ele prison et 300 fr. envers les contributions indirectes.
(C Ad. ROCrIER. J)

Voiei la vérité SUl' Simonet, et de quelle maniêre sa faculté s'cst


révélée.
Les sieurs Barbier font construire à Caudcran, faubourg de Bor-
deaux, lln vaste établissement, com me il yen a plusieurs dans le
quartier, destiné à des bals, noces et repas de corps, et auque l ils
ont douné le nom de Cilâteau du Bel-Air, ce qui n'est pas plus
gascon que le Château-Rouge ou le Château eles Fleurs de Paris.
Simonet y travaillait comme menuisiel' et non clzaudronnier. Pcndunt
les travaux de construclion, iI arri vait assez souvent que des ou-
vriersétaientblessés ou malades; Simonet, Spirite depuis longtemps,
et connaissant un peu le magnétisme, fut porté instinctivemen t et
sans desseio prémédité à les soigner par l'influence fluidiqce, et il
en guérit beaucoup. Le bruit de ces guérisons se répandit, et
bientôt il vit une foule ele malac1 es accourir tt lui, tant iI est vrai que,
quoi que 1'on fasse, 00 n'ôtera pas aux malades l' envie d'être guéris,
n'importe par qui. Nous tenons de témoins oculaires que la moyenne
de ccux qui :::e présentaient était de plus de mille par jour. La route
était encombrée de voitures de toutes sortes venant de plusieurs
lieues à la ronde, de charrettes à côttS des t~quipages. Il y avait des
gens qui passaient la nuit pour attendre leur touro
Mais dans cette foule, il se trouvait des gens qui avaient bef'oin de
boire et de manger; les entrepreneurs de l'établisscment y pourvu-
rent, et cela devint pour eux une tres- bonne affaire. Quant à Simonet,
qui était une source de profIts indirects, i1 était logé et nOUlTi, c'était
- 23'1· -
bien le moins, et on ne saurait lui en faire un reproche. Comme on
se bouscoulait lt la porte, pOllr éviler ltLC0.nfllsion, on prit le s:lge
parti de donnel' un numéro d'ordre allX arrivants; mais on eut !'ic!ée
moins heureuse de faire payer ce numéro dix centimes, et plus tald
vingt centimes; ce qui, vu l'aftluence, "faisait par jour une somme
assez ronde. Que1que mi nime que fut celte rétribution, tous les Spi-
rites, et Simonet lui-même qUi n'y était pour rien, la vircnl avec
peine, pressentant 1e mauvais efl'et que cela prodnirait. Quall t au
trafic des bilJets, il parait certain que quelques perSOrjMS plus
pre~sées , pour passer plus tôt, onl acheté la place de pauvres gens
qui étaient avant eux, tres contents de cette aubain e ; à cela il n'y a
pas grand mal, mais il pOLlvait et devllü nécessairement en résultcr
des abuso Ce sont ces abus qui ont motivé l'instancc judiciaiJ'c, diri-
gGe contre les sieurs Barbicr, comme ayant ouvert un établissrmcnt
de l~on so mmation avant de s'être pourvus d'une patente. Q U: lnl li.
Simonet, il n'a pas été mis en ~ause, mais simplement cité comme
témoi:l.
La réprobation générale qui s'attache à l'exploitation, dans les cas
anal ogues à celui de Simonet, est digne de r emarque; i1 sembl e (j q'un
sen ti ment instinctif porte les incréd ules mêrne li voir dans le dési n-
téressement absolu une preuve de sincérité qui inspire une sorte de
respect involontaire; ils ne croient pas à la facult é ; ils la J'aill ent,
mais quelque chose leur dit que si elle 8xiste, ce doit être un e d ose
sain le qui ne peut, sansprofanution, develJir un métier; ils se bOr!l cnt
à dil'e : C'est un pauvre fou ql!i est de bonne foi; mais tautes lzs
fois CJue la. spéculation, sous quelCJlle forme que ce soit , s'est m61éc à
une rnédiumnité quelconque, la critique s'est crue dispensée ele lout
ménagemen t.
Simon et guérit-i1 réellement? Des personnes dignes de foi, três
hOllorables, et qui avaient p1utôt intérêt à elémasquer la framlc r; U'!b
la. pl'éconiser, nous ont cité ele n0mbreux cas ele guérisons pal'fi,ile-
mellt a.uthentiques. Il nous semble d'aillellrs, q ue s'il n'avait guéri
pel'sonne, il aurait déjà perdu tout crédito Du reste, iI n'a pas la pl'é-
ter;tío n de guéril' tout le monde; il ne promet ri el) ; il d it que la gué·
1'i80n ne dépend pas ele Ipi, mais de Dieu don t il n'est que l'in:;tru-
ment, et dont il faut implorer l' assistance; i1 rccommallde la priere
et pl'ie lui-même. Nous regrettons beaucoup de n' av oir pu ll! voir
pendullt notre séjoul' à Bordeau x ; mais tous ceux qui le con fl a b~en t
s'accordent à dire que c'est un homme doux, sim ple, modeste, t'íLIlS
jacLallee ni forfanlerie, qui ne cherche point à se prévaloir d'lI tH; fa-
culté qu'íl suit pouvoir lui être retirée. li est bienveillant pour les
ma1ades qu'il encourage par de bonne'3 paroles; l'intérêt ql!'il leur
porte n'cst point basé ,s!.l l' le rang q!l'il s occupent; il íl. nut:l ::t de ~ ol-
- ~35-
licitude pOLlr le plus misél'able que pour le plus 1'iche; si la guérison
n'est pas inst'll1tanée, ce qui arrive te plus souvent, il y met touLe la
suíte nécessaire.
Voilà cc qui nous a été dito Nous ignorons quelles serr;,nt pour lui
les suítes de ceLte affaire, m:lÍs il est certain que, s'il cst sincerc, et
s'il persévere dans les sentiments dont il parait animé, l'assistance
et la protectiun des bons Esprits n8 lui feront pas dérauL; il verra sa
facult~ se développer et grantlir, tandis qu'il la verrait décliner et se
perdre, s'il entraít dans une m auvai~e voie; si surtout il songcait tt en
tirer vanité.
Nota . - Au moment de meltre sous presse, nou s apprenons q ue, p ar
suite de la fa tigue qui est résu ltée pour lui du Jong et pénible exercice de
sa faculLé, plus encore qu e pour éc happ er aux lracasseries dont il était
l'objet, Simonel a résolu de s u~pe o dre toute Jéception jnsqu'à nOllvel
ordre. Si des malades souffrent de cette absiention, un gra nd eITei n'en
a pas m oios élé produiL. .

Entrée d'incrédules d an9 le monde des Espdts.


La docteur Cle.udius.
Société de Paris. Méd . 1"1. MOl'in cn somnambulismc sponlané.

Un mrdecin, que nous désignerons sous le 110m de docteur Clau-


dius, C0nnu de que!ques-uns de nos collegues, et don t h "ie avait
élé une profession de foi matérialiste, est mort il y a quelquc tem ps
d'une affection orgll nique qu'il savn.it être incurable. Appclé , 8ans
doute, par la pCtlsée ele ceux qui I' é.vaicnt connu et qui déó'i raient
connaltre sa. position, il s'est manifesté spàl1ta,n ément par i'enl]"emise
de M. Morin, ]'un des médiullls de la société, en état de somna rn bu-
lisrne spontané. Déjil plusíeurs fois ce phénomene s'est prorluit par
cc médium et d'autres elldormis clu sommeil spirituel.
L'Esprit qui se mani feste ainsi s'empal'e de la pel'sol1nc ôu mé-
dium, se 5ert de ses organcs comme s'i l étcât encore vivant. Ce n'est
plus alors un e fmide co mmunicalion écrite; c'est l'exprcssion , la
pantomime , l'inflexion de voix de l'individu que 1'011 a dcvant les
yeux.
C'est dans ces conditions que s' est manifesté le doc leul' Clauc1ius
sans avoir été évoqué. Sa cümmunication, que nous rapportons tex-
tuellement ci-apres, est instructive à plus d'Ull ti tro, principa!crn ent
en ce 'lU' elle dépein t les seuti men Is qui l'agitent; le dou te fait encore
son tourm cnt ; I'incertitllde de fia situalion le plon ge dans une ter-
rible perp! exité, et c'e~t lã sa punition . C'est UH exernpl c de pius qui
vient confirmer ce que i'on a vu maill tes fois eo pareil C<1.S .
- 236-
Apres une dissertation SU l' un autre sujet, le médium absorbé se
recueille queIques instanls, puis, comme s'il se réveillait pénible-
ment, s'exprime ainsi, se parIant à lui-même :
Ah! encore un systeme L.. Qu'y a- t-il de vrai et de fanx dans
I'existence humaine, dans la création, dans la cré:lture, dans le
créatellr ? •. La chose est-ellc? .. La matiere est-elle bien vraie? ..
La science, est-ce une vérité? ... Le savoir, un acquis? ... L'âme...
I'âme existe-t-elle?
Le créateur, la divinité, n'est-ce pas un mythe? ... l\Jais, que
dis-je?.. pourquoi ces blasphemes multipliés'?.. Pourquoi, en
face ele la matiere, ne puis-je croire, ô mon Dieu, ne puis-je voir,
sentir, comprendre? ..
Matiere!. .. matiere! ... rnais, oui, tout est matiere... Tout est ma-
tii:~ re! ! !. .. et pourtant, I'invocation à Dieu est arrivée itlna boucbe L ..
Pourquoi donc ai-je.dit : ô mon Dieu ? .. POurqllOi cc mot, puisque
tout est maliere? ... Suis-je? •. N'e:;t-ce pas UIl écho de ma pensée
qui résunne et qui s'écoute? .. Ne sont-ce pas les derniers tintemenls
de Ia clocbe que j'agitais '?
Maliere!... Oui, Ia matiere existe, je le sens !. .. La maljere existe;
je l'ai touchée!. .. mais!. .. tout n'est pas matiere, et pourtant...
pourtant, tout a été ausculté, palpé, touché. analysé, disséqué Obre
à Obre, et rien 1... Rien que Ia chair, la matiere [oujours, qui , dês
l'in stant que le grand mouvement étnit arrêté, s'arrêtait aussi1. .. Le
mouvement s'arrête, 1'air n'arrive pIus ... Mais!. .. si tout est matiere,
pourquoi ne se remet-elle plus en mouvemenl, puisqllc tout cc qui
existait lorsqu'clle s'agitait, existe encare? ... Et pOllrta.nt. .. há
n'existe plus !...
Mais si, je suis 1... tout n'est pas uni avec le corps!. .. En vérité ...
suis-je bicn mort? .. pour/ant ce ron geur que j'ai nOllrri, que j'ai
soigné de mos mains, il ne m'a point pardonn é!. .. C'cst \Tai; je suis
mo~t! ... Mais ceUe maludie que j'ai vue naltre ... grandir ... avait·cllc
une àlll e?
Ah! le doute! toujours lo douto L. en répo nse i.L toutes mas ~ c ·
cretes a:-;;pirations!. .. Mais, ~i je t:iu is, ô mIm Dicli, si jo~ suis, ... ali !
faites-rnoi me r2conmdtre !. .. faites-rnoi VOIIS pre:"sl.:nlir ! ... cur, "i jc
suis, qucl le 10n guc~ l1ccessioll de bla~phemes !. .. Cf ':r Ik long-i! c n6ga·
tion de votre sagesse, de votrc bon tó, dc votrcju ~ ticc!. .. Quelle il1l-
men ~ e rcsponsabilité d'orgueil .i'ai assu mée sur ma tete, õ mon Dieu! ...
lVlais si, fai encore un moi, moi qui ne voulais den adrnctlre en de-
ho1's du possib!e au toucher... J'ai douté de vot rc sagesse, Ô 1110n
- 237-
Dieu I il est juste que je doute I••. Oui, j' ai douté; le doutc me pour-
suit et me pUllit.
Oh! mille morts plutôt que le doute dans lequel je vis !... Je
vois, je rencontre d'anciens amis ... et pourtant, ils' sont tous morts
avanL!. .. Méry I mon pauvre fou! ... mais ne le suis-je pus plutôt,
moi? .. l'épithete de fou s'adapte-t-clle à. sa personnalité?-Voyons
donc; qu'est-ce que la folie? ..
La folie!. .. la folie! ... décidément, la folie est universelle !!! tous
Jes hommcs sont fous à un degré plu;.; ou moins gr:md ... mais sa
folie, â lui, n'élait-elle pas de la sagesse à. côté de ma foli e à moi? ...
Alui, Ies songes, les images, les aspiralions au delà de.... mais,
e'est justice !... Connaissais-j e cel ineonnu qui se présente in opiné-
ment à moi? .. Non, non, le lléant n'existe pas, cal' s'il existait,
eeite inearnation de négalion, de crimes, d'infamie, ne me torture-
rait pas ainsi!. .. Je vois, mais je vois trop tard, tout le mal que fui
fait!. .. Le voyant aujourd'hui, et le répnrant peu à peu, peut-être
serai-je digne unjour de voir et de faire le bien!. ..
Systemes!... systemes orgurillellx, prodllits des eerveaux hu-
mains, voilà ou vous nous menezl ... Chez ['Ull, c'est la divinité;
ehez i'aulre, la divinité maté rielle et sensuelle ; chez un autre, le néant ,
rien!... Néant, divinité matérielle , di vinité spirituelle, sont,ce des
mots? .. Oh!je demande à voir, mon Dieu! ... et si j'existe, si vous
existez 1 accordez-moi la fav eur que je vous demand e ; agréez ma
priere, car je vous prie, ô mon ,Dieu, de me faire voir si j'existe, si
je suis! ... (Ces dernieres paroles sont dites uvec un accent déchirant.)
Remarque. Si M. Claudius a persévéré jusqu'à la fio dans son in-
erédulité, ce ne sont pas les moyens de s'é'clairer qui 'Iui ont man-
qué; comme médecin, il avait nécessaircment l'espritcultivé, l'intel·
ligence développ~e, un savoir au-desilus àu vulgaire, et pourtant cela
ne lui a pas sumo Dans ses minutieuses investigations de la l1ature
morte et de la nalme vivante, il n'", pas entrcvu Dicu, il n'", pas r.n-
trevu l'âme ! En voyant les efIets, il l1'a. pas su remonteI' ~~ la cause !
ou, pour mieux dire. il s' était fait une caus!") à sa maniere, et son or-
gueil de savallt I'empêchait de s'avouer ~. lui-même, d'avouer su1'-
tout à la face du monde qu'il pouvait s'être trompé. Circonstallce
digne de remarCJue, il est mort d'un mal org'anique qu'i\ savait , par
sa science même, etre incurable; ce mal qu'il soignait était un aver-
tiss.Jmcnt pcrmanent; la douleur qu'i! lui causait était une voix qui
lui criait sans cesse de songer li. l'avenir. Cependant rien n'a pu
triompher de sou obstinatioll; il a fermé les yeux jusqu'au dernier
- 238 -
momento Est-ce que eet homme eut jamais pu devenir Spirite? a~su­
rément non; ni faits, ni raisonnements n'eu8sent pu vaincre une opi-
nion arrêlée de parti pris, et dont il était résolu de ne pas dévier. II
étaiL de ees hommes qui ne veulent pas se rendre à l'évic1ellce, parce
que l'illcrédulité est innée en eux, eommechc7. d'autres la croyancc;
le sens par lequcl ils pourront Ull jour s'assimiler les principes spiri-
tueb lI'est pas encore éclos; ils sont pour la spiritualité cc que sont
les aycugles-nés pour la lumiere : ils ne la eomprenl1e nt pas.
L'intelligence ne suffit done pas pour con9uire sur le chemin de
la vérilé; elle est comme un cheval qui nous mêne, et qui suit la
route sur laquelle on l'a Ianeé; si cette route conduit à un e fondriere,
elle y précipite le cavalier ; mais , en rnême temps, elle lui dOlll1e
les moyens de se relever. .
M. Claudius étant mort volontairement en aveugle spirituel , il
H'est pas étonuant qu'il n'ait pl.S vu toul de suite la, Jumiere; qu'ilne
se rccollna,isse pas clans ua monde qu'il n'a pas voulu étudiel'; que,
mort avec I'idée du néant, i! dou te de sa propre existence; incerti·
tucle poigllante qui fait son tourment. li est tombé dans le précipice
ou il a pous~é sou coursier-intell igen ce. Mais il peut se relevcrde
celta cbute, et déjà il semble <:ntrevoir une lueur qui, s'illa. Eui t, le
conduira. au porto C'est dans ses lo ua bles elforts qu'il fa ut le svulenir
par la. priere; quand une [ois il aura joui des bienfaits de la. lu-
micre spirituelle, il aura horreur des ténêbres du rnatériali5mc; et
s'il revient 11 n jOlll' SUl' la. terre, cc sera. àvec des intuitioíls l l des as·
piratioll:3 tout autres QUi3 celles qu'il avait dons sa dernie..'e r,xis-
tener.
Un Oll vr:et de Mmeille.
Dans nn gl'oupe spirite de Mar,3ci ll e, l\h\d. T ... , I'un des me·
dium:::, écrivit spontan émcll t la corlllllnnication !"uivantc :
F.COlltcz un malb eureux qui a été arraché violemm cnt du milieu
de sa famille, ct qui ne Silit (l U il ost.... Au milieu eles lénell:'es oüje
me teouve, j'ai pu suivre U Il rayol1 ILlmin eux d'un Esprit, f1 ce que
1'011 me dit; mnis je ne crois pas a ux Esprit:'l. Je sais bien que c;'est
une I'able inventée pour les têtcs fê lées et crédules ... POUl' ma part,
je n'y compr8nds plus rien ... Je me vais double; un corps mUl ilégit
à côté de moi, ot cependantje su is vivnnt. .. Je vais les miens q,Ji se
désol ent, snns cOl1lpt er mes compn,glion s d'i"fort.une Cflli ne
voient pas si clair qile moi; aussi .i' ai prol1té de In. lum!cre qui m'a
condllit ici pour vellir puiE:er des ren~ e igllemellts aupres de VOll~,
- 2:-W-
li me semble que ce n' est pas la premiêre [ois que je vous yois; mes
idées sont encare tl'Oubles ... Ou me permet de revenir une aulre fois
quand je serai mieux habitué à ma pasitian acluelle ... C'est égal,
je m'en vais à regret; je me trauvais dans man centre... mais je
sens qu'il faut obéir; cet Esprit me parait bon, mais sé vere. Je
vais m'eiTorcer de gagner sa bonne grâce poul' pouvoir parler plus
s()uvent avec vous.
Un ouvrier du cours Lieutaud.
Dans l'écTOIJlement d'un pont qui avait eu lieu peu de joul's aupara-
van t, six ou \'fiers Qvaient póri; c' est l'un d'eux qui 5' esl malJifesté.
Apres celte communication, le guide du médium lui dieta ce qui
suit :
Chere smur, ce malheureux Esprit a été conduít vers toi pour exer-
cer la charité. Comme naus la praliquoos cnvers les incarnés, la
vôlre doit s'éxercer envers les désincarnés.
Bien que ce malheureux soit soutenu par son ange gardien, celui-
ci ,doit. lui rester invisible, jusqu'à ce qu'il se reconnaisse bien dans
sa sÍlualion. Pour cela, chere smur, prends-Ie sous ta protection, qui
est encare faible, j'en conviens; mais soutenu par ta foi, cet Esprit
vrrra bientôt reluire I'aurore d'un nouveau joul', et ce qu'il a refusé
de reconnaitre depuis sa catastrophe deviendra bientôt pour lui un
sujtt de paix et de joie. Ta tâche ne sera pas trop difflcile, cal' il a
I'essentiel pour te comprendre : la 'bonté dll cmur.
Ecoute, chere smur, les élans de ton cmur, et tu sortiras victo-
rieuse de l'épreuve que ta nouvelle mission t'impose.
SOlltenez-vous mlltuellement, chers freres et bien-aimées smurs,
et la nouvelle Jérusalem que vous êtes sur le point d' atteindre vous
sera ouverle avec chanls de triomphe, car le cort(ige qui VOllS suivra
vaus rendra victorieux. Mais paur bien combattre les obstacles ex-
térieurs, il faut avant tout s' être vaincu soi-même. Vous devez main-
tenir une di1:'cipliue sé vere envers votre cmur; la moindre infraction
duit être réprimée, sans chercher à atténuerla faute, sinon vous ne
serez jamais vainqueurs des aulres; entre vous, il vous faut faire
assaul de vertus et de vigilance.
Courage, amis; vous n'êtes paS eeulG; vous êtes soutenus et proLé-
gés par les comlnttants spiritueb qui esperent en vous, eL appelIent
sur vous la bénédiction du Tres-Haut.
Vorre Guide.
Ce fait, comme on le voit, a quelque anulogie de situation avec ie
- 240-
précédent; c'est également un Esprit qui ne se reco11nalt pas, qui nc
comprend pas sa situation ; mais li est aisé de vair celui des deux qui
sortira le premier d'incertitud e. Au langage de l' un, on reconnait
le savallt orgueilleux, qui a raisonné son incrédulité, qui, paralt-
il, n' a pas toujours fait de son intelligence et de S011 savoir le meillem
usage pm;sible; l'autre est un e nature inculte, mais bonne, à laql1elle,
sans doute, il n'a manqué qu'une bonne direction. L'incrédulité,
chez lui, n'était }las un systeme, mais une suite du défaut d'enseigne-
ment convenable. Celui qui, de son vivant, eut peut-êtrc pris l'autre
en pitié, paurrait bien le voit' bientôt dans une positiol1 plus hCt1!'cuse
qu e lui. Puisse Dieu les mettre e11 présence paul' leur instruction
muluel!e, cl le savant pourrait bien être tres heure ux de recevoir le3
leçons de l'ignorant.

VARIÉTÉS
La Ligue de J'enseignement.
011 lit duns le Silxle du 10juillet 1867:
" Une seclion de l' association fondée par J ean Macé vient c]'elre
autorisée à Metz par la préfecture~ sous 1e nom de « Cercle messin
de la Ligue de l'enseignement. »
« 011 lit à ce sujet dans la JJfaselle :
« Le comité directeur élu du cercle est entré en fonctions et a.
décidé de commencer ses travaux par la fondation d'un e bib!iotheque
populail'e SUl' le modele de celles qui renden t de si grands services
en Alsace.
/( Puur cette oouvre, le cercle messin réclame le concours de tous
et sollicite I' adhésion' de quiconque s'intéresse au développement de
l'instruction et de l' éducation dans notre ville. Ces adhésions, accom-
pagnées d'une cotisation dont le chiffre et le mode de payeme!Jt sont
facultatifs, et les dons de livres, séront rcçus par r,hacun des mem-
bres du comité. D
Ainsi que nous I'avons dit', quand naus avons p,lrlé ele la Ligue de
l' enseignement (Revue de mtu'oS ct a vI'il1 86 7, pages 79 et 110), DOS
sympathics sont acquises b, toutes ies iJées progressives ; dans ce
projet, naus n'avons critiqué que le mode d' exécution. NoUs serons
donc heureux de voir des applications pratiques de ceLte belle pensée.
Madame Walker. docteur en chirurgie.
Lcs médecins et les internes de l'hôpital de la Charité Ol1t reçu
- 241-
samedi, pendant la visite du matin, un de lc ul's confreres amen-
cains, à qui la derniêre guerre d' Amérique a füit un e certaine répu-
tation,
Ce docteur e11 chir urgie n'était autre que madame Walker qui,
durant la guerre de la !:'écession aux Etats- Unis, a dirigé lln impor-
tant service d'ambulances. Petite , d'une complexion délicate, mise
avec l' élégante simplicité qui distingLle les dames du monde, madame
Walker a été reçue tres sympathiquement et tres respectueusement.
Elle s'est tres vivement intéressée aux deux grands services, l'un
chirurgical, l'autre médica!.
Sa. pl ésence à la Charité proclamait un príncipe nouveau qui a
reçu sa consécration dans le nouveau monde: r égalité de la femm e
devant la science. (Opinion nationale.)
(Voir la R evue de juin 1867, p. 161; janvier 1866, p. 1, sur
I'émnncipation des femm es.)

L']rnan , grand aurnôn1er du Sultan.


Samedi (fi jllillet) , dit la. Presse, I'iman ou grand aumô nier du
sultall , Hairoul ah-Elfendi, a rend u visite à :Mgr Chigi, non cc du
Pape , et à, Mgr l'archevêque de Paris. ))
Le voyage du sultan à Paris est plus qu' un événement politique,
c'est un signe des temps, le préludr. de la dispari tion des préjugés
religieux qui onL si longtemps élevé une barriere entre les pCllples et
ensanglanté le monde. Le Sllccesseur de Mahomet venant, de son
plein gré, visiteI' un pays chrétien, fraternisant avec un souverain
chréticn, c'eut élé de sa parI, il n'y a pas encore lon gtemps, un acte
audacieux ; alljou rcl'hui ce fait semble tout naturel. Ce qui cst plus
signifi catif encare, c' est la visite de l'i man, ~on grand aumônier, aux
chefs de l'Église. L'iniLiative qu'il a prisc <:.n cette circonstance, car
l'étiquette ne I'y obligeait pas, est une preuve du progres eles iàées.
Les baines religieuses sont des anomalies dans le siêcle ou nous S0111-
mes, ct c'est d'un bon augure pour l' avenir, ele voir un eles princcs
de la [rel igion musulmane donner I' exerr;plo de la tolérance eL abju-
re!' des prévcntions séculaires.
Une des cO:1séquences du progres moral sera certainemcnt un joul'
I'unification des crúyances; clle aura lieu CJuand les dilTéren ts cultcs
rccon naitront qu'il n'y a qu'un seul Dicll pour tOllS les hommes, ct
qu' il est absurde et indign e ele lui de Ee jeter l'anathême parce qu'on
ne l'adore pas de la même maniere.
- 242-

Jean Ryzak. Puissance du remords.


Étude morale.
On écrit de Winschoten, le 2 mai 1867, au Journal de B ruxelles:
Samedi passé est arrivé en notre communc un ouvrier lerl'ilSsier
qui s'est préi'enté à la demeure du garde champêtre, ou il a sommé
ce fon ctionnaire de I'arrêter et de le livrer à la justice, devant la-
quelle, disait -i1, il avait à. faire I'aveu d'un crime commis par lui iI
y a plusieurs années. Amené devant le bourgmestre, cet ouvrier,
qui a déclaré se nommer J. Ryzak, a fait le récit Ruivant :
« 11 y a environ dom~e ans, j'étais employé aux travaux de dessé-
chement du lac de Harlem, lorsqu'un jour le brigadier, en me
payant ma quinzaine, me remit la solde due à l'un de mes cama-
rades, avec ordre de la passer à ce dernier. Jc dépensai I'argent, et
voulant m' évíter les désagréments des rccherches, je résolus de luer
l'ami que je venais de vúh~ r. A cet elTet, je I' ai précipité d3.IlS l'un
des gouffres du lac, et le voyan t revenir à la surface et fai re des
efforts pour nager vers le bord, je lui ai donné deux coups de
couteall dans la rmque.
« Aussitôt mon crime accompli, le remords a commencé à se faíre
septir; il est devenu bienlôt intolérable, et il m'a été impossíble de
continuer le travail. J'ai commencé par fuir le théâLre de mon for-
fait, et ne trouvant nuUe parl dans le pays ni paix ni treve, je me
suis embarqué pour les Indes, ou j'ai pris da service duns I'arglée
coloníale. Mais lã aussi le spectre de ma victime m'a poursuivi nuit
et jour; mes tortures ont élé incessantes eL inoules, et aussitôl mon
termc de ser vice terminé, une force irrésistible m'a poussé à. revenil'
à Winschoten et à demander à la jllstice I'apai:;ement de ma COI1-
science. Elle me le donnera en m'impo ~an t telle expiation q11'elle
jugera conven able; et si eJle ordonne que je meure, je préfere ce
supplice à celui que me fait éprouve,' dCPllis douze ans, à toute
heure du jaur et de la nuit, le bourreau que je pane dans mon
sein. ~
Apres cette déclaration, et SUl' l' aSSclrance aequise par le bourg-
mestre que I'homme qu'il avait devantlui était sain d'esprit, ce ma-
gistrat a requis la gendarmerie, qui a arrêté Ryz::tk et référé iml.l1é-
diatement du faít à I'oflicier de juslice.
On attend ici avec émotion les suítes que pourra avo ir cet étrange
événement.
- 243 -
lnstruction:; des Espnts sur ce sujet.
Société de Paris, 10 mai 1867; Méd. Mademoiselle Laleltin.

Chaque être a, corume vous le savez, la libel'té du bien et du


mal, ce que vous appelez le libre arbitre. L'homme a en lui sa con-
science qui l'avertit qualld il a bieo ou mal fait, commis une mau-
vaise action, ou négligé de faíre le bien; sa conscien ce qui, comme
une vigilante gardiennc chargée de veiller SUl' lui, approuve ou dés-
approuve sa conduite. Souvent iI arrive qu'on se montre rebelle à sa
voix, qll'on repousse ses inspirations; on veut I'étouffer par I'oubli;
mais jamaís elle n'est assez comp!étemen t anéantie pour qu' à un
moment donné elle ne se réveille ' plus forte et plus pllissanle, et
;ne fasse un conlrôle sévêre de vos actiolls.
La conscience proJuÍt deux eiTets diííérents : la satisfaclion d'a-
voir bien agi, la paix que laisse le sentiment du de"oil' accompli, et
lle remords qui pénetre et torture quand 011 a fait une action que ré-
prouvent Dieu, les hommes ou I'honneur; c'est à proprement parler
1e sens moral. Le remords est comme un serpent aux mille plis qui
.circule autour du creur et le ravage; c'e::-t le remords qui touj0urs fait
elltendre les mêmes accents et vous crie: Tu as fait une méchante
actioo; tu devras en être puni: ton châtiment ne cessera qu'aprcs la
réparation. Et quand, à ce supplice d'une conscience bourrelée, vient
se joindre la vue constante de la victime, de la personne à laqllelle
-o!l a fait Ju tort; quand, sans rcpos ni trêve , sa présence repJ'oche
au coupHble son indigne conduite, lui répefe sans cesse qu'il souffrira
tant qu'i1 n'aura pa'3 expié et réparé le mal qu'íl a fait., le supp!ice
devient intol érable; c'est alors que, pour mettre fin à ses tortures,
son orgueil pl ie, et il avoue ses crime~ . Le mal porte en lui sa peine
par le remords qu'ilbi:,;se et par les reprochcs que failla scu!c pré-
sence de ceux envers le~qL1els 011 a mill ilgi.
Croyez-moi, éco utez tOlljOIl['8 ccILe vnix qui vous averlitquand vous
êtes pres de faillir; ne l' étouíTez pas Pé.\[' la révo!te de votre ol'gueil,
et si vous fai llissez, ll âtez-vous de réparer le mal, autremen t lo rc-
mords scrait valre pUllitioJl; plus vous tardcrez, ílil15 la répC:lration
:sera péllible et le sllpplice prolongé.
UN ESPRJT .
(i\Ieme súallce; médium !VIme B . .. ).

Vous avez é1ujourd'llUi un (:xcmp:e remarr1üable de la punition que


subísscnt, m(~ me SUl' la te rre , ceux 'qui se sont rendus cou pables
tj'une mauvaise aclion. Ce n'cst pas seulement d:tns le monde invi-
- 244-
sible que la vue d'une victime vient tourmenter le meurtrier pour le
forcer au repentir; lã ou la justice des hommes n'a pas commencé
1'expiation, la justice divine fait commencer, à I'insu de tous, le plus
lent et le plus terrible des supplices, le plus redoutable châtiment.
11 est ccrtaines persollnes qui disent que la punilion infligée au
crimincl, dans le monde des Esprits, et qui consiste duns la vue con-
tinuelle de ;son crime, ne peut êlre bien efficace, et qu'en aucull cas,
ce n'est pas cette punition qui détermine à elle seule le repentir.
Elles diseot qu'un naturel pervers, comme l'est celui d'un cri mineI,
ne peut que s'aigrir de plus en plus par cette vue, et devenir ainsi
plus mauvais. Ceux qui parlent ainsi ne se font pas une idée de ce
que peut J evenir UI1 tel châtiment; elles ne savent pas combien est
cruel ce ~ pectacJ e continuei d'une action que 1'on voudrait n'uvoir
jamais commise. Certainement nous voyol1s quelques criminels s'en-
dureir, mais souvent ce n'est que par orgueil, et pour vouloir parai-
tre plus forts que la ma in qui les châtie ; c' est pour faire croire qu'i1s
ne se laissent pas abattre par la vue de vaines imagcs; mais ce faux
courage n'est pas de longue durée; bieniôt nous les voyons faiblir
en présence de ce supplice, qui doit beaucoup de ses eITels à ::a len-
teur et à su <persistance. Jl n'est pas d'orgueil qui puisse résister à
celte action semblable 3. celle da la goulte d'eau sur le rocher; si
dure que puísse être la pierre, elle est inévitablement attaquée, désa-
grégée, réduite en poussiêre. C'est ainsi que I'orgueil qui fait roidir
ces malheureux contre leur souverain mailre, est tôt ou tard abattu,
et que le repentír peut enfin avoir RCCeS dans leur âme; comme
ils savent que l'orígine de leurs souITrances est dans leur faute, ils
demandent li réparer cette faule, afin d'apporter un adoucissement
à leurs maux.
A ceux qui pourraient en douter, vous n'avez qu' à citer le fait qui
vous élé sígnalé ce soir; là, ce n'est plus l'hypothese seule, ce n'est
plus le seul enseignement des Esprits, c' es L un exemple en quelque
sorte palpable qui se présente à vous; dans cet exemple, le cbâti-
ment a suivi de pres la faule, et il a été tel, qu'au bout de plusieurs
années, il a forcé le coupable [t demandeI' l'expiation de son crime à la
justice humaine, et il a. dit lui-même que toules les pein es , la mort
même , lui sembleraicnt moins cruelles que ce qu'il soufTrait au mo-
ment ou il s'est livré à. la justice.
UN ESPRlT.
- 245-
Remarque. Sans aller chercher des applicalions du remords chez
les grands criminels, qui sont des exceptions dans la société, on en
trouve dans les circonstances les plus ordinaires de la vie. C'est ce
sentiment qui porte tout in di vidu à s' éloigner de ceux envers Iesquels
il sent qu'il a des reproche:;: à se faire; en leur présence, il est mal
àson aise; si la faute n'est pas connue, il craint d'être deviné; illui
semble qu'un regard peut pénétrer Ie fond de sa conscience; il
voit dans toute parole. dans tout geste, une allusion à sa personne ;
c'est pourquoi, dês qu'il se sel1t démasqué, il se retire. L'ingrat, lui
aussi, fuit son bienfaiteur, pan~e que sa vue est un reproche inces-
sant dont il cherche en vain à. se débarrasser, cal' une voix intime Iui
crie au fond de sa consclcnce qu'il est coup:~ble.
Si le rel1lords est déj1l. un supplice SUl' la terre, combien cc sup-
plice ne sera-t-i1 pas pIllS granel dans le monde des Esprits, ou !'on
ne peut se souslraire à la vue de cem que \'011 a oJfensés! Heureux
ceux qui ayant réparé dês celte vic, pourront sans crainte afTronter
tons les regards -dans le monde ou rien n' est caché.
Le rcrnords est une conséfJtlcnce du déveIoppcment du sens
moral; il n'cxiste pas lã ou le sens moral est encore à l'élat latent;
c'est pour cela que les peuplcs sauvages e1 ba,l'bares commettent sans
remords Ics plus méch11lltes acliolls. Celui dCl1c qui se prétendrait
inaccessible all remords, s'assimilerait à Ia brllte. A mesure que
I'homme progresse, le sens moral devient plus exquis; il s'olTusque
de Ia plus petite déviation du droit chemin; de lã le remords qui est
un premieI' pas vers le retour au bien.

Dissertations Spirites.
Plan de campagne. - L'êre nouvelle. - CODsidérations sur le somnaiIlbulisme
spontané.
(Paris, 10 févri cr 1867. Médium M. T ... , eu sommeil spontané.) '
Nota. Dans cette séance, au cune qllestion préalable n'avait provoqué
le sujet qui a été traité. Le médium s'était cl'abord occupé clt; santé, puis,
de procue en proche, il se t1'ol1V11 conclllit aux réflexions dont nous don-
nons ci-apfes l'analyse. II a parlé penr:lant environ une heure sans inter-
ruption.
Les progres du Spiritisme causcnt à ses enncmis un eITroi qu'ils
ne peuvent dissimuleI'. Dans le commrncement ils ont joué avcc les
tables tournantes, sans songer qu'ils cllrcssaienl un cnfant qui dcvait
gl'andir ; ... l'enfant a gralldi ... alors ils ont pressenti son avenir, et
se sont dit qu'ils en auraicnt bientôt raisoll ... Mais I'enfant avait,
comme on dit, la vie dure. 11 a résisté à loutcs les attaqucs, aux ana-
themes, aux persécutions, mêlllc à !,~ raillerie. Semblablc à. certaines
- 246-
graines que le vent emport.e., il a produit d'innombrables rejelons;...
pour un que l'on détruisait., il en poussait cent autres.
On a d'abord employé contre lui les armes d'un autre âge, c.ç lle~
qui réussissaient jadis eontre les idées nouvelles, parce que ces idées
n'étaient que des lueurs éparses qui avaient peine à se faire jour 11
travers l'iglloranee, et qu'elles n'avaient pas encore pris racine ditns
les masses; ... aujourd'hui c'est autre ehose; tout a changé : les mmu rs,
les idées, le caractere, les ero yanees; I' humanité ne s' émeut plus
des menaces qui eífrayaient les enfants; le diable, si redout.é de nos
aieux, ne fait plus peur: on en rito
Oui, les armes antiql1es se sont émoussées contre la cuirasse du
progrês. C'est eomme si, de nos jours, une armée voulait att uquer
une place forLe garnie de c.anons, a vec les fleches, les béliers et les
catapultes de nos aneêtres.
Les ennemis du Spiritisme ont VlI, par l'expérience, l'inutilit.é des
armes vermoulues du passé contre I'idée régénératriee; loin de lui
;Duire, leurs eíforts n'ont servi qu'à l'accréditer.
Pour lutter avec avantage contre les idées du siecle, il falldrai
être ~ la hauLeur du siecle; aux d')ctrines progressi ves, il fa udrai
opposer des doetrines plus progressives encore ... ; mais le moins ne
peut l'emporter sur le plus.
Ne pouvant. donc réussir par la violence, ils ont eu recours à la
ruse, I'arme de ceux qui ont conscience de leur faiblesse... de loups
ils se sont faits agneaux pour s'introdui l'e dans la bcrgerie, y scmer
le désordre, la division, la confusion. Parce qu'ils sont par\'cnus a
jetel' la perturbation d,ms quelques rangs, ils se sont crus trop tô~
maitres de la place. Les adeptes isolés n'en ont pas moins continué
leur ceuvre, et i'idée fait chaque jour son chemin sans beauco up de
bruit... Ce í'ont eux qui ont fait le bruit... Ne la voyez-vous pas
percer partout? danR les journaux, dans les livres, a'J tbé i\.tre, et
même dans la chaire? Elle travaille toutes Ies consciences ; elle en-
traine les espl'its vers de nou,-eaux horizons; on la trouve à l'état
d'intuition cbez ceux mêmes qui n'en oot pas entendu parler. C'est la
uo fait que personne 11e pellt nicr, et qui devient chaque jour plus
évident; n'est-ce pas la. preuve que I'idée est irr,~ sistible, el qu'elle
est un signe dll temps?
L'alléa.lltir est dOllc c!Jose impossible, parcc qu'il faudrait l'anéan·
tir, Ilon pas SUl' un point, mais SUl' le globe entier; et pui s, les ídées
De sont-elles pas portées sur I'aile eles vents, et ccmment les aLtcin-
- 247-
dl'e? On saisit des ballots de marchandises à la douane; mais des
idées ! elles sont insaisissables.
Que faire alors? Essayer de s'en empa,rer pour Ics accornmoder à
8ft. guise... Eh bien! c'est le parti auquel on S'p.st décidé. On s'est dit:
Le Spiritisme est le précu rseur d'une révolution morale inévitable;
avant qu'elle ne soit entierement accomplie, tâchons de la détourner
à notre profit; faisons en sorte qu'iI en soit de celle-ci commc de
certaines révolutiolls poli tiques ; en en dénaturant I' esprit, on pour-
mil lui im prime!' un Ul.lt rc c"urant.
Le plan de campagne est donc changé... Vous verrcz se former
des réunions spiritei', dont le buL avo ué sera la défense de la doclrine,
et dont le but secret sera sa deslruction; de soi-disant médiums qui
aurOfJ t des communications de commande appropciées an but qu'on
se propose ; des publications qui, sous le manteau du Spif'itisme,
s'effurceront de le démolir; des doctrines qui lui emprunteront qucl-
qu cs idées, mais avec la pensée de lo supplanter. Voilà la lutte, la
véritable llltte qu'il aura à soutenir, et qui Fera potirsui vie a vec
acharnement, mais dont il sortira victorieux et plus fort.
Que peuvent les hommes contre la volonté de Dieu? Est.il p~ssible
de la méconnaitre en pl'ésence de ce qui se passe? Son doigt n'c:ót-il
pag visible dêws ce progres qui brave toules les attaques? dans ces
ph énomenes qui sllrgissent de tou tes parts com rne une prote~ tati o n,
comme un démenti donné à toutes les néga.tions ?... La vic des hom-
mes, le sort de l'humanilé ne sont- il ~ pas entre ses mains? .. les
aveugles !... Ils comptent sans la nou ve lle géllératiClD qui s' él eve, et
qui emporte chaque jour la générütion qui s'en va ... encore quei(j ues
années, et ccll e-ci aura di~pélfll, ne laissant apres ell e que le f;OUyeni.r
de ses ten tatives insensées pOUI' arrêler l' élall de l'esprit hurna: n qui
marche, marche quand même ... Ils comptént sans les évéllemen ts
qui von t hâter l'éclosion de In nouvel!g période humanitaire ... sans
les appuis qui vont s'élev(~; Cll faveur de la nouvelle doctrine et
dont la voix puh:sante imposera. silence à ses détmcteurs par 80n
autorité.
Oh! combien la fâce du monde sera. changée pour CCIlX qui ver-
ront le comrnencement du siecle proch ain ! ... Que de ruines ils
verron t derriere eux, et que!s ,~plendides horizo ns ti' ou vriront devant
eux L ce sera eomme l'aurore refoul ant les ombl'cs de la nui L; ... aux
brui ts, allX tumultes, aux mugissements de la tel11pête Euccéderont
des chants d' allégresse; apfes les angoisses ,Ics hommes renaitront
- 2.j& -
à I' espérance... Oui! le vingtieme siecle sera un siecle béni, cai' iI
verra l'ere nauvelle annoncée par le Christ.
iVola. Ici le médium s'arrête, dominé par une émotion indieible,
et comme épuisé de fatigue. Aprcs quelques minutes de repos, pen-
dant Ic!:'quelles il semble revenir au degré du somnambulisme ordi-
naire, il reprend :
Qu'est-ce que je vous di sais donc? - Vous nous parJiez du nou-
veau plan de campagne des adversaires du Spiritisme ; pu;s vaus avez
envisagé l'ere nouvelle. - J'y suis.
En attendant ils disputent le terrain pied li pied. On a à peu pres
renoncé aux: armes d'un nutre âge dont on a reconnu l'ineffieaeité;
on cssaye mai ntenanl de celles qui !:'ont toutes puissantes en cc 3iccle
d'égolsme, d'orgueil et dc cupidité : I'or, la séduction de l'amonr-
propre. Aupres de ceux qui son t inaccessibles à la craintc, on
exploite la vanité, les besoins terrestres. Tel qui s'est roiJi con lre la
menace, prête quelquefois une oreille complaisante à la flatterie, 11
l'appât du bicn-etre matértel... On promet du pain à celui qui n'en
a pas, de l'ouvrage à rartisan, des pratiques au marchand, de l'a-
vancemellt à. l'employé, des honneurs à l'ambitieux 8'ils renoncent à
leurs croyances; on les frappe dans leur position, dnns leurs moyens
d'existence, dans leurs atfections, s'ils sont indociles; puis le mil':lge
de l'or produit sur quelques-uns son eiTet ordinai1'e. Dans le nOlTI-
bre, il se trouve nécessairement quelques caracteres fa ibles qui
succombent à la tentation. 11 y en a qui tombent dans le piége de
bonne foi, parce que la main qui le dresse se cache... II y en a
aussi, et beaucoup, qui ced ent à la dure nécessité, mais qui n'en
pensent pas moins ; leur renoncement n'est qu'app::..rent; ils plient,
mais pOUl' se relever à. Ia premiere occil sion ... D'autres, ceux qui ont
à un plus haut degré le véritable courage de la foi, bravent résolu-
ment le danger; ceux-là réussissent toujours, parce qu'ils sont
soutenus par les bons Esprits .•• Quelqucs-uns, hélas 1. .• mais ceux-Ià.
n'ont jamais été Spirites de creur ... préferent 1'01' de la ter1'e à ror
du ciel; ils restent, pour la forme, a1tachés à. Ia doctrine, et sous
ce manteau, n'en servent que mieux la cause de ses ennemis ... e'est
un triste échauge qu'ils font là, et qu'ils payeront bien cher!
Dans les temps de cruelles épreuves que vous allez traverser,
heureux ceux SUl' qui s'étendra la protection des bons Esprits, cal'
jamais cllen'aU!'a été plus nécessaire!. .. Priez pour les freres égal'és,
afin qn'ils mettent à. profit les courts instants de répit qui leur sont
accordés avant que la justice du Tres-Haut s'appesantisse sur eux ...
- 249-
Quandils verront éclater l'orage , plus d'un eriera grâee! Mais illeur
sera répondu : Qu'avez-vous fa.it de nos enseignements? N'avez-vous
pas, vous médiums, écrit een t [ois votre propre condamnation? ...
Vousavez cu la lumiere, et vaus n'en 3.vez pas profité; nous vous avions
donné un abri, pourquoi l'avez-volJs déserté? Subissez done lc sort
de ceux que vous avez préférés. Si votre creur eut élé tàl1cllé de
nos paroles, vous seriez restés fermes dans la voie du bien qui vous
élait traeée; si vous aviez eu la foi, vous auriez r ésisté aux sédue-
tions tendues à votre amour-propre eL à votre vanité. Avez·vous done
cru pouvcir nous en imposer, com me aux hommes, par de fausses
apparences? Sachez, si vous en avez douté, qu'i! n'est pas un Ecul
mouvement de l'âme qui n'ait son contre-eoup dans le monde dcs
Esprits.
Croyez-vous que ce soit pour rien que se développe la faeulté
voyante chez un si grand nombre de personnes? que ce soit pour
offrir un nouvel aliment à Ia curiosité que tant de médiums aujourd'hui
s'endorment spontanément du sommeil de l'extase? Non, détrom-
pez-vous. Cette facullé, qui vous est annàncée depuis longtemps, est
un signe caractéristique des temps qui s'accomplissent; e'est un pré-
lude de la transformation, car, comme il vous a été dit, ce dait être
un des attributs de Ia nouveIle génération. Celte génératiol1, plns
épurée moralement, lo sera aussi physiquement; la médiumnité sous
toutes les formes sera à- peu pres générale, et la communion avec
les Esprits uo état pOlir ainsi dire normal.
Dieu envoie cette facullé voyante en ces moments de crise et de
transition pour donner à ses fidêles serviteurs uo moyen de déjouer
les trames de leurs ennemis, car les mauvaises pensées que I'on croit
cachées dans I' ombrc des replis de Ia conscience, se ré percutent
duns ces âmes sensitives, comme dans une glr.ce, et se dévoilent
elles-mêmes. Celui qui n'exhale que de bonnes pensées ne craint pus
qu'on les connaisse. Heureux celui qui peut dire : Lisez dans mon
âme comme dans un livre ouvert.
Remarque. Le somnabul isme sponlané, dont nous a vons déjà
parlé, n'est en effet qu'une form e de la médiulTInité voyante dont le
développement était annoncé depuis que)quc temps, de même que
l'apparition de nouvelles aplitudes médianimiql1es. 11 est remarquable
que dans tous les moments de crise générale ou de persécution, les
pcrsonnes douées de cette faculté sont plus nombreuses que dans
les temps ordinaires; il yen a eu beaucotlp au momenl de la révo-
lution; les Camisards des Cévenes, traqués comme des bêtes fauves,
-- 250 -
avaient de nombreux voyants qui les averli ssiient de ce qui se passait
au loin; 011 les a, pour ce f,~it , et par irooie, qualifiés d'i1 lum inés;
aujourd'hui 011 commence à comprendre qne la vue à distance et in-
dépendante des organcs de la vision peut bicn être Ull des attributs
de la nat1,lre humain~, et le Spiritismp, l'cxplique p itr ta faculté cxpan-
si ve ctles propriétés de r âme. Les fails de ce genre se sont tel!cmcnt
multipliés, qu'on s'en étonne moins; cc qui paraissait à quelques-uns
autrefois miracle ou sortilége. est aujo urd'hui considéré comme
eITet naturel. C'est une des mille vaies par lesquelles pénetrc le Spil'i-
tisme, de sorte que, si on l' arrête à une source, il se fait jour par
d'autres issues.
Cette faculté n'est donc pas nouvelle, mais elle lend à se gé::éra-
liser, sans eloute pOUl' te motif indiqué dans Ia communicaLion ci-
dessus, mais aussi comme moycn de prouver aux in crédules l'exis-
tence du principe spirituel. Au dire des E8prits elle dcviendrait même
endérnique, ce qui s' expliquerait naturellel1len t par la trans i'ormation
morale de l' humanité, CGtle transformation devant am cner dans
l'ol'ganbrne des modifications qui faciliterollt l'expansiol1 de l'àme.
Comme d'aulres facültés médianimiques, celle-ci peut ê!Te expiai.
tée par le charlatanisme; il est donc bon de se I.etlir en garde conlre
la supercherie qui pourrait, par un motif quelconqllc, che rcher it la
simul er, at de s'assurer, pélr tous les moyens possibles, de la bonne
. foi de ceux qui disent Ia posséder. Outre le désinléressel11cnt malériel
ct mOl;al, et I'honorabilité notoire de la personne, qui sont Ies pre-
mieres garanties, il convient d'observel' avec soin les condilions et
les cirCollstanccs dans lesqueil es le phénomene se produit, ct de voir
si elles n' ufTrent rien de suspcct.
Les Espi ons.
Société d~ P aris, 12 juillet 18ü7; méd . M . Ma l'in, eu sammei! spon Lun~ .

Lorsque, à la suite d' une terrible convulsion hllmanitaire, la société


entiere se mouvait lentemen t, accabl ée, écrasée, et igllorant la cause
de S011 accablernen t, qllelques Nres pri vi légiés, quelques vieux \'été-
rans du bien, mettatlt en Comlllun leu r expérience de la difficullé
à le reproduire , et ajoutallt à cela 18 respect que elevait provocIuer
leur conduite et leur position~ résolurent de chercher à appr'tJfondir
les causes de cette crise générale dont chacun est frappé en parti-
culier.
L'ere nau velle cornmence, et a vec elle le Spiri tisme (ce mol est
créé; il ne reste plus qu'à le faire comprendre et à en appreudre
- 25 1 -
soi-même la signification). Le temps impassible marche toujours, et
le Spirilisme, qui n'est plus seulement un mot, n'a plus à se faire
comprendre : il est compris !... Mais, les quelques vétérans spirites,
ces créateurs. ces missionnaires, sont toujours à la tête dn l1louve-
ment... Leur petit bataillon est bien faibl e quant au nombre ; mais
patience!. .. de proche en proche il gagne des adhérents, et bientôt
iI sera une armée : l' armée des vétérans du bien! Cal', en général,
le Spiritisme, à son début, dans ses premieres ~nnées, n'a presque
toujours touché que les cceurs déjà usés aux frott emen ts de la vie,
les creurs qui ont souiTert et payé, ceux qui portaient en germe les
pri nci pes du beau, du bien, rl u bon, du gran el.
Deseendant suceessivemerit du vieillard à I' âge mur, de I' âge muI'
iL I' âge viril et de l' âge viril ~)I' adoleseence, le Spiritisme s' est infil tré
dans tous les âges, commedans tous les cceurs, dans toutes les reli-
gions , dans toutes les sectes, partout! L'assimilation a été lente, mais
sure !... Et aujourd'hui ne craignez point qu'il tombe ce drápeau
spirile, tenl1 des son début par une maiil ferme et sure; cal' aujour-
d'hui, les jeunes phalanges des bataillons spirites ne erient pas, commo
leurs adversaires : « Place aux jeunes. » Non , ils ne disent pas : « 50r-
tez, les vieux, pour laisser , monter les jeunes. » I1s ne demandent
qu'llne pl ace au banquet de l'i ntclligence , que k elrait ele s'as"eoir
à côté de leurs devanciers et d' apporter leu!' obale au gran d tout.
Aujourd'hlli, la jeunesse se virilise ; elt e apporte son acquis à I'àge
muI' en éehange de l' expérience de ce demier, en raison de la grande
loi de réciprocité et des conséquences du travail col! cetif pour la
science, la moralité, le bien; cal', en déOniti ve, si la science pro-
gresse, au bénéfiee de qui progresse-t-elle? Ne sant-ce pus les corps
humai ns qui profltent de tautes les élucidations, de tous les proble_
mes résolus, de toutes les inventions réalisées ? et cela proflte à tOllS ,
de même que si vous progressez en moralité, cela profite à tons les
Esprits. Done, auj ourd'hui, les jeuncs gens et les vieill ards sont
égaux devant le progres et doiv ent combaltre côte à côle pour sa
réalisation.
Le bat:lillon est devenu une armée, armée in vuln érable, mais qui
a 11 combatLre, n011 un, mais des milliers d'adversaires coalisés cantre
elle. Dane , jeunes gens, apportez avec confiance la. fa ug ue de vos
convietions , et vous, vieillards, votre sages:se , votre conna.issance
des hommcs et eles choscs, votre expérien ce sans iIluSi011.
L'arm ée est en fro nt debalaille. Vos ennemis sont Ilombreux, mais
ib ne sont pas cn face de vous , front ca ntre front, poitrin e contre
- 252-
poitrine; i1s sont partout lL vos CÕlés, devanl, dcrricrc, au milicu de
vous, au sein même de votre creur, et vous n'avez pour les combatlre
que votre bonne volonté, vos consciences loyalcs et vos tendances au
bien. De ces armées coalisées, l'une a nom : l'orgueil; les n.utres:
l'ignorance, le fanatisme, la superstition, la paresse, les vices de
toute nature.
Et votrc armée qui doil combn.tlre de fronl, doit aussi. savoir
luUer en particulier, car vous ne serez pas un contre un, mais
un contre dix I... La belle victoire à remporter L•. Eh bien! si
vous combaUez tous en massc, avec I'cspéraace de triompher,
combaltez-vous d'abord vous-mêmes, domptez ~vaises teu-
dances; hypocrites, acquérez la sincérité; paresseux, devcnez tra-
vailleurs; orgucilleux, soyez humbles, tendez la main tL la loyauté
vêtue d' uneblouse en lambeaux, et tous, solidairement, prenez et
tenez l'engagement de faire à autrui cc que voudriez qui vous fut
fait. Done, crions, non pas : Place aux jeunes, mais place ~1 taut ce
qui est bean, bien, à tout ce qui tend à s'approcher de la Divinité.
Aujourd'hui, on commence à le prendre en considération, ce pau-
vre Spiritisme qu'on disait mort-né ; on voit cn lui un ennemi sérieux,
et pourquoi donc 7••• On ne le craignait point à ses débuts, cet cn·
fant débile; on se riait de ses elTorts impuissants; mais aujourd'hui
que I'enfant est devenu homme, 011 le craint, parce qu'il a la force
de l'âge viril; c'est qu'il a réuni autour de lui des hommes de tous
les âges, de toutes les positions sociales, de tous les degrés d'intelli·
gence, qui comprennent que la sagesse, la science acquise, peuvent
aussi bien résider dans le creur d'un jeune homme de vingt ans que
dans le cerveau d'un homme de soixante.
Donc, aujourd'hui, ce pauvre Spiritisme est craint, rec1outé; 011
n'ose pus venir en face, se mesurer à lui; on prend les chemins de
détour5, la routc des lâches!... On ne vient pas, à la lumiere du jour,
lui dil'e : Tu n' es pas; on vient au mílieu de ses partisans, dire
comme eux, faire comme eux, applaudir et approuver tout ce qu'ils
fonllorsqu'on est avec eux, pour Ics combaLtre et les trabir qualld
011 a tourné le dos. Oui, voilà ce qu'on fait aujourd'hui I Au début,
on Iui.disait en face ce qu'on pensait iL I'enfant malingre, mais au-
jourd'hui on n'ose plus, car il a grandi, et cependant jamais il !l'a
montré Ics dents.
Si I' on me dit de vaus di re ceci, bien que cela me soit toujoms
pénible, c'est que cela avait son utilité ; rien, pas un mot, pus un geste,
pas une intonation de voix ne s'cíTectuent sans qu'ils n'aicnt lem
- 253-
raison d'être et qu'ils n'appol't.e'n t lem contingent dans I'équilibre
général. L'administration des post.es de là-haut est bien plus intelli-
gente et pl us complête que celle de votre terre; toute parele va à son
but, à son adresse, sans suscription , tandis que chez vous la lettre
qui n' en porte pas 11' arri ve jamais.
Remarque. La communication ci-dessus est, Comme on le voit, une
a12plic.ation de ce qui a été dit c1ans la pl'écédente SUl' I' elret de la
faculté voyante, et ce n'est pas la seule fois qu'il nous a été dor.né
de constater les services que ceHe faculté est appelée à rendre. Ce
n'est pas à. dire qu'il faille ajouter une fCli aveugle à tout ce qui peut
être dit en pareil cas; il y aurait autant d'imprudence à croire sans
réscrve le premier venu, qu'à mépriser les avertissements qui peu-
vent êlre donnés par cette voie. Le degré de confiance qu'on peut
y ajouter dépend des circonstances; celte faculté demande à être étu-
diée; avant tout, il faut agir avec circol1spection, et se garder d'un
jugement précipité. '"
Quant au fond de la communication, sa coYncidence avec celle qui
a été donnée cinq mois auparavant, par un autre médium, eL dans
un autre milieu, est un fait digne de remarque, et nous savons que
des instructions analogues sont données dans différents centres. 11 est
done pl'Udent de se tenir sur la réserve avec les gens SUl' la sincérité
desquels on n'a pas toute raison d'être édifié. Les Spiriles, sans
doute, n'ont que des principes hautement avouables; ils n'ont rien
à cacher; mais ce qu'ils ont à craindre, e'est de voil' leurs paroles
dénaturées et leurs intentions traveslies; ce sont les piéges ten-
dus h leur bonne foi par les gen s qui plaident le faux pour savoit'le
vrai; qui, sous les apparences d'un zêle trop exagéré pour être sin-
cere, tentent d'entrainer les groupes dans une voie compromettante,
soit pour leur susciter des embarras, soit pour jeter la défaveur sur la
doctrine.

La responsabilité morale.
Société de Paris, 9 juillcl iSG7. i\1éd. M . Nivard.

J'assiste 11 toutes tes causeries mentales, mais sans les diriger :


tes pensées sont émises en ma présence, mais je ne les provoque
pas. C'est le pressentiment des eas qui ont quelque chance de se pré-
senter, qui fait n altre en toi le::; pensées propres it résoudre les diffi-
cultés qu'ils pourraient te susciter. C'est Iit Ie lipre arbitre; c'est
I'cxereice de l'Esprit incarné, s'essayant à ré::oudre des problemes
qu'il se pose Illi-même.
En eífet, si les hommes n' avaient que les idées que les Esprits
leur inspircnt, ils auraient peu de respo n~abil ité et peu ele mérilé;
- 25·'1, -
ils n'auraient que la resposabilité d'avoir écouté de mauvais con-
seils, ou le mérite d'.avoir sllivi les bons. o.r, cette' rcsponsabilité et
ce mérite seraieul évidemment moins grands que s'ils étaient le
résultat de l'entier librc arbitre, c'est-à-dire d'actes accomplis dan,~
la plénitude de I'exercice des facultés dtl I'Esprit, qui; dans ce cas,
agit sans aucune sollicilation.
li résulte de ce que je dis qu'~ tres souvent les homm es 011t des
pensées qui leur sont essentiellernen t propres, ct que les calculs aux-
quels ils se li vrent, les raisonnemen ts qu'il s tiennent, les conclusions
auxquell es ils abouLissent, sont le résultat de l'exercice intellecluel
au même titre que le travail manuel est le résultat de I'exercice
corpo reI. 11 ne faudrait pas conclurc de là, que l'homme n'est pas
assisté dans ses pensées et dans ses actes par les Esprits qui l'en-
tourent, bien au contraire; les Esprils, soit bicnveillants, so:t JJlal-
veillants, sont souvent la cause pl'ovocalrice de vos actes et de
vos pensées; mais vous ignorez complétement dans quelles cir-
constances celte influence se produit, en sorte qu' en agissant,
vous croyez Je faire en vertu de votre propre mouvement: vott'e
libre arbitre reste intact; il n' y a de différence entre les aetes
que vous accomplissez sans y êlre poussés, ct ceux que vous accotn-
plissez sous ['influence des Esprits, que duns le degré du mérite ou
de la responsabilité.
Dans l'un et I'autre cas , la respunsabilité et le mérite exislent,
mais, je le répele, ils n'existcnt pas au même degré. Cc prin eire
que j'énonce n'a pas, je croi8, besoin de démonstration; il me suf-
fira, pour le prouver, de prendre une comparaison dans ce qui
existe parmi vous.
Si un hommc a commis un crime, etqu'ill'ait commis, séduit pur
Ie8 conseils dangereux d'un homme qui exerce SUl' lui beaucoup d'in-
fluence , la jusLice humaine saura le reconnaitre en lui accordant le
bénéfice des circonstanees atténuanLes; cl!c ira plus loin : elle pu-
nira l'homme dont les conseils pernicieux ont provoqué le crime,
et sans y avoir aut?~ment contribué, cet homme sera plus sévere-
ment puni que celui qui n'a été que l'instrument, parce que c'est sa
pensée qui a conçu le\crime, et son influence sur un être plus faible
qui l'a fait exécuter. Eh bien! ce que font les hommes dans ce cas,
en diminuant la responsabilité du crimin el et en la partageant avec
l'infàm e qui I'a pOllssé à commettre le crime, comment vOlldri rz-yüus
que Dicu, qui est la justtce même, n'cn flt pas auLant, puisque votre
raison vous dit qu'il est juste d'agir ainsi?
Pour ce qui concorne le mérite <les bon l1 es aetions, qL)e j'ai dit
êll'e moins grand si I'homme a été sollicité li. les faire, c'cslla contre-
partie de cc qlle je viens de dire ali slljet de la responsabililé, et
peut se démontrer en renveraant la pr~posítion .
Ainsi don c, qu and il t'arrive de réfléchir et ele prom ener tes idées
d'u l1 slljc l à un autre ; quand tu discutes mentalement Sllr les faits
que tu prévois ou qui sbr cléj~ accomplis ; quand tu analy,: es, qu and
lu rn iso l1ncs et quand lu j O'OE , l1e ci'(:is pas qu e ce soiellt eles Esprits
qui le dictenl te:3 pensées Ou qui te dirigent; ils sont ili., pres de toi,
ils t'écu utent; il:i voient avec plai:,ú cel exercicc in teilecluel auquel
tu te livres ; leur plaisit' est doublé, quand ils voient que tes conclu-
sions sont co nform es à la vérilé.
lllellt' arrive quelquefois , éviclem ment, do se mêler à cct exercice,
soit pour le faci liter, soil puur donner à l'EsprÍt quelques alimen ts,
ou lui cr6er quelqucs diffJcult6s, afin ele rcndre cette g ymn aslique
inlcllecluelle plus profitable à celui q ui Ia pratique; mais, en génél'al,
l'homme qui cherche, qurtnd il est livré à ses r6í1exio ns, agit pres-
que lOLJj OLli'3 seu l, sous ru;;! vigi lant ele SOI1 E8 prit prot ecleur, qui
intcrvi en t si lo cas est assez gri,lve po ur rendl'e son intcl' vcn lio n n6-
cessaire.
Ton pere qui veille SU l' loi et qui est beure ux de le vai !' ~t peu
I

pres r6tabli. (Le médi um sorlait d'une gr:ivc maladie. )


LoUJs NIVARD.

Réc!amation au Journal La .MarionneL/e.

Lfl Marionnette, nouveau journal de Lyon, avait publié l'article


ci- apres dans S011 num éro du 30 jui n dernier :
« Naus signalons I'arrivéc à Lyon du musée anlhropologi que et
ethnologique de M. A. Nege r, su ccesscu l' de M. Til . Petcl'~ eJ) .
« Entre anlres choses eXll'aordi nai l'es, on voit d cltl S cc musée de
ciro : 1 une infortnnée princesse de la côte de Coromrlnd el qui,
0

rnrtr ié'e à uu granel cbef de tribu, a eu l' infam ie d'oublier ses devoirs
conjugallx avec un EU l'opéen lrop séduitlant, el est morte u Londres
d'unc 1TIu.ladie de langueul' ;
«( 2° Des trichincs vingt foi s plus grosses que nalure clans tontes
les phases ue leur existence , dep uis la plus tend re enfélllce jusqu'à la
.plus extrêmc vieillesse;
- 256-
u 3° La célebre Mexicaine Julia Pastrana morte en couches à
Moscou en l' an de gráce 1860.
« Ce n'est pas sans un étonnement légitime que nous avons appris
cette mort prématurée, - attendu qu'en 1865 Julia Paslrana s('
livrait à des exercices équestres dans un cirque dont les représenla-
tions se donnaient sur le cours Napoléon.
" Comment une femme morte en 1860 peut-clle crever des rOll ds
de papier en 1865? Cela fait rêver!
/I ALLAN KARDEC. »

Ce numéro nous ayant été communiqué, nous avons adressé au


directeur la réclamation suivanle :

Monsieur,
On me communique le numéro 6 de votre journal, ou se trouve un
artic\e signé : Allan Kardec. Je ne pense pas n'avoir d'homonyme;
dans tons les cas, comme je ne réponds que de ce que j'écris, je
vous pl'ie de vouloir bien insérer la présente letlre dans votre pro-
chain numéro, afin d'informer vos lecteurs que M. Allan Kardec,
l'auteur du Livre eles Esprits, est étranger à l'article qui porte son
nom, et qu'il n'autorise personne à s'en servir.
Recevez, monsieur, mes salutations empressées.
ALLAN KARDEC.

Le directeur du journal nous a immédiatement répondu ce qui


suit :
Monsiellf,
Notre ami Acariâtre, auteur de l'arlicle signé par méprise de
votre nom, s'est déjà plaint de la maladresse du correcteur. Vaiei l;t
phrase : Cela (ail réver Allan Kardec, allusion au Spiritisme. Les
embellissemenls de Lyon sont tous signés Acariátre. Dans notre
prochain numéro, nous rectifierons cette méprise.
Recevez, monsieur, mes salutations empressées.
E. B. LABAUME.

NOTA. Ce journal parait tous les dimanches, 5, cours Lafayette, à LYOll.

AL LAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge freres, DUllOn et Fresné, rue du Four-Saint-Gcl'main, 4:).


REVUE SPIRITE
JOURNAL

toe ANNÉE. No 9, IilEPTEMBUE 1867

Caracteres de la révélatioD spidte (I)

1. - Peut-on considérer le Spiritisme comme un e revélation ~ Dans ce


cas, quel est son caractere ~ Sur qu?i est fondée son authenticité ~ A qui et
de quelle maniêre a-t-elle été faite~ La doctrinespirite est-elle une révé-
lation dans le sens liturgique du mot, c'est-à-dire est-elle de tous points
le 'produit d'un enseignement occulte venu d'en haut~ Est-elle absolue ou
susceptible de modifications? En apportan t aux hommes la vérité toute
faite, la révélation n'aurait-elle pas pour effet de les empêcher de faire
usage de leurs facultés·, puisqu'elle leur épargnerait le t~vail de la re-
cherche? Quelle peut être l'autorité de l'enseignement des Esprits, s'ils ne
sont pas infaillibles et supérieurs à l'humanité ~ Quelle est 1'utilité de la
moral e qu'ils prêchent, si cette moral e n'est autre que celle du Christ que
I'on connait ~ Quelles sont les vérités nouvelles qu'ils nous apportent?
L'homme a-t-il besoin d'une révélation et ne peut-il trouver en lui-même
et dans sa conscience tout ce qui lui est nécessaire pour se conduire? Telles
sont les questions sur lesquelles il importe d'être fixé.
2. - Définissons d'abord le sens du mot révélation,
Révéler, dérivé du mot voile (du latin velam), signifie littéralement ôtel'
le voile; et, au figuré: découvl'ir, faire connattre une chose secrete ou in
connue. Dans son acception vulgaire la plus génél'ale, il se dit de toute
chose ignorée qui est mise au jour , de toute idée nouvelle qui met sur la
vaie de ce que 1'on ne savait pas .
A ce point de vue, toutes les sciences qui nous font connaitre les
mystêres de la nature sont des révélations, et 1'on peut dil'e qu'il y a poul'

(1) Cet article est cxtrait d'un nouvel auvrage que naus metlons en ce moment sous
presse et qui paraitra avant la /in de cette annéc. Une ra ison d·opportunilé naus li. engagé
à publier par allti ~ ipation cct extr'ait dans la Ren1e; malgré son étendue, naus avons cru
devoir l'insél'er en une seule rois pour ne pas interrorn pre I'enchalnement des idées,
L·ouvl'aile entier ser:i du fOl'llljt et du volume de C-ie! et Enfe)'.
- 258 -
nous une révélation incessante ; l'astronomie nous a révélé le monde astral,
que nous ne connaissions pas; la géologie, la formation de la terre; la chi-
mie, la loi des aflinités; la physiologie, les fonctions de l'organisme, etc. ;
Copernic, Galilée , Newton, Laplace, Lavoisier, sont des révélateurs.
3. - Le caractere essentiel de toute révélation doit être la vérité . Ré-
veleI' un secret, e'est faire connaitr e un fait; si la chose est fausse , ce n'est
pas un fait, et par conséquent il n'y a pas révélation. Toute r évélation dé-
mentie par les faits n' en est pas une; si elle est attribuée à Dieu, Dieu nc
pouvant ni mentir ni se tromper, elle ne peut émaner de lui; il faut la con-
sidérer comme le produit d'une opinion personnelle .
4. - Quel est le rôle du professeur vis- à- vis de ses élêves, si ce n'est
celui d'un révélateur ? Illeur enseigne ce qu'ils ne savent pas, ce qu'ils n'au-
raient ni le temps, ni la possibilité de découvrir eux-mêmes, paree que la
scienee est l'amvre collective des sieeles et d'une multitude d' hommes qui
ont apporté chacun leur contingent d'observations, et dont profitent ceux
qui viBnnent apres eux. L'enseignement est done, en réalité, la révélation
de cerk'lines vérités scientifiques ou morales, physiques ou métaphysique"
faite par des hommes qui les connaissent, a d'autres qui les ignorent, et (lu i,
sans cela, les eussent touj ours ignorées.
5 . - Mais le professeur n'en se igne que ce 'lu'il a appris : c'est un révé-
lateur de seeond ordre ; l'homme de génie enseig'ne ce qu'il a trouvé lu i-
mo me : c'est le révélateur primitif; il apporte la lumiére q.Ji, de proehe en
proehe, se vulgarise. aú en seraitl'humani té , sans larévélation des hOD1mes
de génie qui apparaissent de temps à autre?
Mais qu'est-ce que les hommes de génie? Pourquoi sont-ils hommes de
génie? D'ou viennent-ils? Que deviennent-ils? Remarquons que la plupart
appo r tent en naissant des facultés tran sce ndantes et des connaissances in-
nées, qu'un peu de travail suflit pour développer. Ils appartiennent ])ien
r éellement à l'humanité, puisqu'ils naissent, vivent et meurent comm e nous,
aú done ont-ils puisé ces connai ssances qu'ils n'ont pu acquérir de lelll'
vivant? Dira-t- on, avec les matérialistes, que le hasard leur a donné la ma-
tiére cérébrale en plus grande quantité' et de meilleure qualité? Dans cc
cas, ils n'auraient pas plus de mérite qu'un légume plus gros et plus savou-
r eux qu'un autre .
Dira-t-on, ave c certains spiritualistes , que Dieu les a doués d'une Ame
plus favorisée que celle du commun eles hommes? Supposition tout aussi
illogiqu e, puisqu'elle accuserait Dieu de partialité. La seuIe solution ration-
nelle de ce probleme est dans la préexistence de l'àme et dans la plul'alité
des existences. L'homme de génie est un Esprit qui a vécu plus long'temps j
qui a, par eonséquent, plus acquis et plus progressé que ceux qui sont moins
avancés. En s'incarnant, il apporte r.e qu'il sait, et comme il sait beaucoup
plus que les autres, sans avoir besoin cl'apprendre, il est ce qu'on appelle
un hom me de génie. Mais ee qu'il sait n'en est pas moins le fruit d'un tra-
vail antérieur et non le résultat d'un privilége . Avant de renaltre, il était
- 259-
donc Esprit avancé; il se réincarne, soit pour fuire profiter les autres de ce
qu'il sait, soit pour acquérir davantage.
Les hommes progressent incontestablement par eux-mêmés et par las
elforts de leur intelligence; mais, livrés à leurs propres forces, ce progrês
est três lent, s'ils ne sont aidés par des hommes plus avancés, comme l'éco-
lier rest par ses professeurs. Tous les peuples ont eu leurs hommes de génie
qui sont venus, à diverses époque8, donner une impulsion et les tirer de leur
menie.
6. -Des lor8 qu'on admet la sollicitude de Dieu pour ses créatures, pourquoi
n'admettrait-on pas que des Esprits capables, par leur énergie et la supério-
rité de leurs connaissances, de faire avancer l'humanité, s'incarneni par la
volonté de Dieu en vue d'aider au progrês dans un sens déterminé; qu'ils
raçoivent une mission, comme un ambassadeur en reçoit une de son souve-·
rain ~ Tel est le rôle des grands génies . Que viennent-ils faire, sinon ap-
prendre aux hommes des vérités que ceux- ci ignorent, et qu'ils eussent
ignorées pendant encore de longues périodes, afin de leur donner un mar-
chepied à l'aide duquel ils pourront s'élever plus rapidemeni? Ces génies
qui apparaissent à travers les siecles comme des étoiles brillantes, laissant
aprês elies une longue trainée lumineuse sur l'humanité, sont des mission-
naires, ou, si l'on veut, des messies. S'ils n'apprenaient aux hommes rien
autre que ce que savent ces derniers, leur présence serait complétement
inutile; les choses nouvelles qu'ils leur enseignent, soit dans l'ordre phy-
sique, soit dans l'ordre philosophique, sont des révélations.
Si Dieu suscite des révélateurs pour les vérités scientifiq ues, il peut, à
plus forte raison, en susciteI' pour les vérités morales, qui sont un des élé-
ments essentiels du progres. Tels sont les philosophes dont les idées ont
traversé les siecles.
7. - Dans le sens spécial de la foi religieuse, larévélation se dit plus par-
ticuliêrement des choses spirituelles que l'homme ne peut savoir par lui-
même, qu'ilne peut découvrir au moyen de ses sens, et dont la connaissance
lui est donnée par Dieu ou par ses messagers, soit au moyen de la parole
directe, soit par l'inspiration . Dans ce cas, la révelation est toujours faite à
deshommes privilégies, désignés sous le nom de prophêtes ou messies, c'est-
à-dire envoyés, missionnaires, ayant mission de la tran smettre aux hommes.
Considérée sous ce point de vue, la révélation implique la passivité absolue ;
onl'accepte sans contrôle, sans examen, sans discussion.
8. - Toutes les religions ont eu leurs révélateurs, et quoique tous soient
lo in d'avoir connu toute la vérité, ils avaient leurs raisons d'être providen-
tielles, car ils étaient appropriés au temps et au milieu ou ils vivaient, au
génie particulier des peuples auxquels ils parlaient, et auxquels ils étaient
relativement supérieurs. Malgré les erreurs de leurs doctrines , ils n'en ont
pas moins remué les esprits, et par cela même semé des germes de progrês
qui, plus tard, devaient s'épanouir, ou s'épanouiront un jour au soleil du
Christianisme. C'est donc à tort qu'on leur jette l'anathéme au nom de 1'or-
- 260-
thodoxie, car un jour viendra ou toutes ces croyances, si diverses pour la
forme, mais qui reposent en r éalité sur un même principe fondamental :
Dieu et l'immortalité de l'âme, se fondront dans une grande et vaste unité,
lorsque la raison aura triomphé des préjugés.
Malheureusement, les religions ont de tous temps été des instruments de
domination; le rôle de prophête a tenté les ambitions secondaires, et l'on a
vu surgir une multitude de prétendus r évélateurs ou messies qui, à la fa-
veur du prestige de ce nom, ont exploité la crédulité au profit de leur or-
gueil, de leur cupidité ou de leur paresse , t rouvant plus commodo de vivre
aux dépens de leurs dupes. La religion chrétienne 11 a pas été à l'abri de ces
parasites. A ce sujet, nous appelons une attention sérieuse sur le cha-
pitre XX[ de l'Evangileselon le Spú'itúme: «Il y aw'a de {allx Clwists rt de
taux propJzetes. »
9. - Y a-t.-il des r év élations directes de Dieu aux hommes? C'est ulle
question que nous n'oserions r ésoudre ni affirmativeme nt ni négativement
d'une maniêre absolue. La chose n'est point radicalement impossible, mais
rie n n'en c10nne la preuve certaine. Ce qui ne saurait être douteux, c'est que
l es Esprits les plus rapprochés de Dien par la perfection se pénêtrent de Sit
pensée et peuvent la. transmettre. Quant aux révélateurs incarnés, selon
l'ordre hiérarchique auxquels ils appartiennent et le degré de leur savoil'
personnel , ils peuvent puiser leurs instructiolls dans leurs propres connais-
sances, ou les recevoir d'Esprits plus élevés, voire même des messagers di-
rects de Di eu. Ceux- ci, parlant au nom de Dieu, ont pu parfois êtrc pris
pour Dieu lui-même.
Ces sortes de communications n'ont rien d'étrange pour quiconque con-
n a'it les phénomênes spirites et la maniêre dont s'établisse nt les rapports
entre les incarnés et les désincarnés. Les inst,ructions peuvent être tl'allS-
mises par divers moyens : par l'inspiration pure et simple, par l'audition tle
la parole, par la vue des Esprits instructeurs dans les visions et apparitions,
soit en rêve , soit à l' état de veille, ainsi qu'on en voit maints exemples dans
l a Bible, l'Evangile et dans les livres sacr és de tons les peuples. Il est cl oae
rigoureusement exact de dire que la plupart des révélateurs <lont eles m6-
diums inspirés, auditifs ou voyants; d'ou il ne suit pas que tous les médiu m:>
soient des révélateurs , et encore moins les intermédiaires directs de la lJ i-
vinité ou de ses messagers.
10. - Les purs E sprits seuls r eçoivent la parole de Dieu avec mission ele
la transmettre; mais on sait maintenant que les Espeits sont lo in d'êtrc t Oll S
parfaits, et qu'i! en est qui se clonnent de fau sses apparences ; c'est cc iJ.ui ;\
fait dire à saint J ean: « Ne croyez point il tont Esprit, mais voyez aupar,m:nt
si les Esprits sont de Dieu. » (Ép . ler , ch . IY, v. 4.)
Il peut donc y avoir des r évéhtions sérieuses et vI'Ries , cOlllme il y cn :\
d'apocryphes et de mcnsongêres. Le caractõre csscnticl de la ré vélati on
divine est celui el e l'éternelle vétité. To ute ré,'dat:on entachée d'erreur Oll
sujette à changem ent ne peut émaner de Dieu. Cest ainsi que la loidu D('ca-
- 261-
logue a tous Ies caractêres de son origine, tandis que les autres lois l11osaiqu cs,
essentiellement transitoires, souvent en contradiction avec la loi du Sinal,
sontl'ceuvre personnelle et politique du législateur hébreu , Les mceurs du
peuple s'adou cissant, ces Iois sont d'elles-mêmes tombúos en dúsuét ude, tan-
dis que le Décalogue est r esté debout OOll1me le phare de l'humanité, Chl"i st
en a fait la base de son édifioe, tandis qu'il a aboli les autres Iois ; si ellos
eussent été l'ceuvre de Dieu, il se serait gardé d'y toucher , Christ et MOIse
sont les cleux grm: :ls r évúlateurs qui ont ohangé la face du monde, et Ià est
la preuve de Ieur mi ssion divine, Une ce uvre pUl'oment humaine n'aurait
pas un tel pouvoir.
11. - Une importante r úvélation s'acoomplit ti l'époque nctuclle ; c'est
ceUe qui nous montre la po ssibilitú de communiqu er avec les etres da
monde spirituel. Cette connaissance n'est point nouvelle, sans douto ,
mais eUe était r estée jusqu'à nos jOUI'S en quelque sorte à l'état de lettre
morte, c'est-à-díre sans profit pour l'humanité, L'ignorance des loi s qui
régissent ce:' rapports l'avaít étouffée sous la superstition; l'homme était
incapable d'en tireI' aucune déduction salutaire; il était réserv ú à notre
époque Jo la débal'rasser de ses accessoires ridícules, d'en comprendre la
portée , et d'en f"ire sortir la lumiêre qui devaít éclairer la r outo de
l'avenir.
1:2, - Le Spiritisme nous ay::mt fait co nnaltre le mondo inYÍ:; ible qui
nous entoure, et au milieu duque1 nous vivio ns sans nou:; en doutor , les loi s
qui 1e r égissent, ses r apports avec 1e monde visible, la nature et l'état des
êtres qui l'habitent, et par suíte la destinée de l'homme apres la mort , est
une véritable révélation dans l'acceptation scientifique du mot ,
13, -Par sa nature, la I'évélation spírite a un c10uble caractêre ; elle tient
à la fois de la révélation divine et de la révélation scientifique. EU o tiellt de
la premiere, en ce que son avénement est providentiel, et nou le rés u1tat
de l'initiative et d'un desseinprémédité de l'homme; que les points fonda-
mentaux de la doctrine sont 1e fait de l' enseignement donné par les Esprits
.chargós par Dieu d'é<::lairer les bommes sur des choses qu'ils ignoraient,
qu'ils ne pouvaíent apprendre par eux- mêmes, et qu'il leul' importe de con-
naltr e auj oul'd'hní qu'il sont mul's pour IGs comprendre, EUe tient de la se-
conde, on ce que cet enseignement n'estI e privilége d'aucun individ u, mais
qu'il est donné à tout le mond e par In. même voie ; que ceux qui le transmet-
tent et ceux qui le reçoivent ne sont poiut dos êtres passif's, dispe nsés du
travail d' observation et de l'echerche; qu'ils ne font point abnégation de
leur jugernent et de leu e libre arbitro; que le contrõle ne leur est point
interdit , m:lÍs au contraire recommanc1é; enfi n que la doctrine n' a point
été dictée de tolttes pieces, ni imposée à la Cl'oyance aveugle; qu' ella est dé-
duite, par le travail de l'homme , de l' observation des faits que Ies Esprits
mettent sous ses ye ux, et des instructions qu'ils lui donnent, instructíons
qu'il étudie , commente, compare , et clont il tire lui··même les consélluences
et les applications , En un mot, ce qui camctàife la l'écélation spi'l'ite, c'e.. t
- 26~-

que la source en est dz'vine, que l'initiative appal'tient aux Esprits, et que l'éla-
boration est le [ait du 11'avail de l'homme.
14. - Comme moyen d'élaboration, le Spiritisme procede exactement
de la même maniêre que les sciences positives, c'est-à-dire qu'il applique
la méthode expérimentale. Des faits d'un ordre nouveau se présentent qui
ne peuvent s'expliquer par les lois connues; illes observe, les compare,les
analyse, et des effets remontant aux causes, il arrive à la loi qui les régit;
puis il en déduit les conséquences et en cherche les applications utiles. lt
n'étabtit aucune théorie préconçue; ainsi il n'a posé comme hypoth êse, ni
l'existence et l'intervention des Esprits, ni le périsprit, ni la réincarnation,
ni aucun des principes de la doctrine; il a conelu à l'existence des Esprits
lorsque cette existence est ressortie avec évidence de l'orbservation des
faits, et ainsi des autres principes. Ce ne sont point les faits qui sont
venus aprês coup confirmer la théorie, mais la théorie qui est venue subsé-
quemment expliquer et résumer les faits. Il est donc rigoureusement exact
de dire que le Spiritisme est une science d'observation, at non le produit
de l'imagin ation.
15. - Citons un exemple. Il se passe, dans le monde des Esprits, un fait
três singulier, et qu'assurément personne n'aurait soupçonné, c'est celui des
Esprits qui ne se croient pas morts. Eh bien! les Esprits supér ieurs, qui
le connaissent parfaitement, ne sont point venus dire par anticipation : « n
y a des Esprits qui croient enCOre vivre de la vie terrestre; qui ont con-
servé leurs gouts, leurs habitudes et leurs instincts ; » mais ils ont provo-
qué la manifestation d'Esprits de cette catégorie pour nous les faire observer.
Ayant donc vu des Esprits incertains de leur état, ou affirmant qu'ils étaient
encore de ce monde et croyant vaquer à leurs occupations ordinaires, de
l'exemple on a conelu à la rêgle. La multiplicité des faits analogues a prouvé
que ce n'était point une exception, mais une des phases de la vie spirite;
elle a permis d'étudier toutes les variétés et les causes de cette singll-
liêre illusion; de reconnaitre que cette situation est surtout le propre des
Esprits peu avancés moralement, et qu'elle est particuliêre à certains genres
de mort; qu'elle n'est que temporaire, mais peut durer des jours, des mois
et des années. C'est ainsi que la théorie est née de l'observation. Il en est de
même de tous les autres principes de la doctrine.
16. - De même que la science proprement dite a pour objet l' étude des
lois du principe matériel, l'objet spécial du Spiritisme est la connaissance
des lois du principe spirituel; or, comme ce dernier principe est une des
forces de la nature, qu'il réagit incessamment sur le principe matériel
et r éciproquement, il en résulte que la connaissance de l'un ne peut être
complete sans la connaissance de l'autre ; que le Spiritisme et la science se
complêtent l'un par l'autre ; que la science sans le Spiritisme se trouve dans
l'impuissance d'expliquer certains phénomênes par les seules lois de la
matiere , et que c'est pour avoir fait abstraction du principe spirituel qu'elle
est arrêtée dans de si nombreuses impasses; que le Spiritisme sans la
- 263 -
'S cience manquerait d'appui et de contrôle, et pourrait se bercer d'illu-
.sions. Le Spiritisme venu avant les découvertes scientifiques eut été une
reuvre avortée, comme tout ce qui vient avant son temps.
17. - Toutes les sciences s'enchainent et se succêdent dans un ordre
rationnel; elles naissent les unes des autres, à mesure qu'elles trouyent
un point d'appui dans les idées et dans les connaisances antérieures. L'as-
tronomie, l'une des premieres qui aient été cultivées, est restée dans les
erreurs de l'enfance jusqu'au moment ou la physique est venue révéler
la loi des forces des agents naturels; la chimie ne pouvant rion sans la
physique, devait lui succéder de prês, pour ensuite marcheI' de concert
en s'appuyant l'un e sur l'autre. L'anatomíe, la physiologie, la zoologie, la
botanique, la minéralogie ne sont devenues des soiences séri euses qu'à
l'aíde des lumieres apportées par la physique et la chimie. La géologie, née
d'hier, sans l'astronomie, la physique, la chimie et toutes les autres, eút
manqué de ses véritables éléments de vitalité; elle ne pouvait venir
qu'aprês .
18. - La scienoe moderne a fait justice des quatr0 éléments primitifs des
Anciens, et d'observation en observation, elle est arrivée à la conception d'un
-seul élément génémteUl' de toutes les transformations de la matiêre ; mais la
matiêre, par elle-même, est inerte; elle n'a ni vie, ni pensée, ni se nti-
ment; illui faut son union avec le principe spirituel. Le Spiriti sme n'a
ni découvert, ni inventé ce principe, mais le premieI', il l'a démontré par
des preuves irrécusables ; ill'a étudié, analysé et en a rencIu l'action évi-
dente. A l'élément matériel, il est venu ajouter l'élément spirituel. Elément
matériel et élément spirituel, voilà désormais les eleux principes, les deux
forces vives de la nature. Par l'nnion indissoluble ele ces deux élé ments
on explique sans peine une foule de faits jusqu'alors inexpliquables.
Par son essence même, et comme ayant pour objet l'étude d'un des deux
eléments constitutifs de l'univers, le Spiritisme touche forcément à la plu-
part des sciences; il ne pouvait venir qu'apres l'élaboration de ces sciences,
et aprês surtout qu'elles auraient prouvé leur impuissance à tout expliquer
par les seules lois de la matiêre.
19. - OIl accuse le Spiritisme de parenté avec la magie et la sorcellerie ;
mais on oublie que l'astronomie a pour ainée l'astrologie judiciaire qui n' est
pas si éloignée de nous; que la chimie est fille de l'alchimie dont aucun
homme sensé n'oserait s'occupel' aujourd'hui . Personne ne nie, cependant,
{).u'il y eút, dans l'astrologie at l'alchimie, le germe des vérités cl'ou sont sor -
ties les sciences actuelles. Malgré ses formules ridicules , l'alchimi e a mis sur
la voie des corps simples et de la loi des affinités; l'astrologie s'ap-
puyait sur la position et le mouvement des astres qll'elle avait étudiés;
mais dans l'ignorance des véritables lois qui r égissent le mécanisme de
l'univers, les astres étaient, pour le vulgaire, des êtres mystérieux auxquels
la superstition prêtait une influence morale et un sens révélateur. Lorsque
üalilée, Newton, Keppler eurent fait connaitre ces lois, que le télescope
264 -
eut déchiré le 'loile, et plon g-é dans les profondeurs de l'espace un regard ,
que certai nes gens trou vêrent indiscret, les planêtes nous apparurent comme-
de sim ples mondes semblables au nôtre, et tout l' échafaudage du merveil-
ienx s'écroul a.
Il en est de même du Spiritisme à l' égard de la magie et de la sorcellerie;
ce11es- ci s'appuyaient aussi SUl' la manifestation des Esprits, comme l'astro-
logie sur 113 rnouvement eles astres; mais dans l'ig-norance des lois qui r égis-
sent le monde spirituel, e11es melaient à ces rapports des pratiques et des
croyances ridicules, dont le Spiritisme moderne , fruit de l'expérience et de
l'observation , a fai t justice. Assurément, la di stance qui sépare le Spiritisme
de la magie et de la sorce11erie, est plus grande que ceUe qui existe entre
l'astronomie et l'astrologie, la cbimie et l'alchimie; vouloir les confondre,
c'est prouver qu'on n'en sait pas le premieI' moto
20. - Le seul fait de la possibilité de communiquer avec les êtres dlt
monde spirituel a des conséquences incalculables de la plus haute gravité r
c·est to~t un monde nouveau qui se r évele à nous, et qui a d'autant plus
d'imp ortance, qu'il attend tous les homm es sans exception. Cette connais-
sance ne peut manquer d'apporter, en se généralisant, une modification
profonde dans les meeurs, le caractêr e, les habitudes , et dans les croyances
qui ont une si grande infiuence SUl' les rapports sociaux. C'est t out une
r évolution qui s'opêr e dans l e~ idées, révolution d'autant plus grande,
d'autant plus puissante, qu'e11e n' est pas circonscrite à un peuple, à une
caste, mais qu'elle atteint simultanément par le Cffiur toutes les classes,
toutes les nationalités , tous les cultes.
C' est donc avec r aison (lue le Spiritisme est considéré comme la troi-
si eme grande révélation. Voyons en q uoi e11es différent , et par fluellien
eUes se r attacbent l'une à l'autre .
21. - Mo"iSE, comme prophête , a révélé aux hommes la connaissance
d'un Di eu unique, souverain maitre et créateur de toutes choses; il a pro-
mulgué la loi du Sinal et posé les fond ements de la véritable foi; comme
homme, il a été le législateur du peuple par lequel cette foi primitive, en
s·épurant, devait un jour se r épandre SUl' toute la terre.
22. - CRRIST, prenant de l'ancienne loi ce qui est éternel et divin, et
r ejetant ce qui n'était que transitoire, purement disciplinaire et de con-
ception humaine, ajoute la révélation de la vie future dont MOlse n'avait
point parlé, celle des peines et des récompenses qui attendent l'homme
aprês la morto (Voir Revue spirite, 1861, p. 90 et 280 .)
23 . - La partie la plus importante de la r évélation du Christ, en ce
sens qn'ell e est la source premiere, la pierre angulaire de toute sa doctrine,
c'est le point de vue tout nouveau sous lequel il fait envisager la divinité.
Ce n'est plus le Di eu terrible, jaloux, vindicatif de MOlse, le Dieu cruel et
impitoyable qui arrose la terre du sang humain, qui ordon ne le massacre
et l'extermination eles peuples , sans excepter les femm es , les enfants et les
vicillul'c1 s, qui châtie ceux qui éparg'nent les victimes ; ce n'est plus le Dieu
- 265 -
injuste Clui punit tout un peuple pour la faute de son chef, qui se venge da
coupable SUl' la per sonne de l'innocent, qui frappe les enfants pour la faute
de leur per e, mai s nn Dieu clément, souverainement juste et bon , plein de
mansuétude et de misérieorde, qui pard onne au pécheur repllntant , et rend
à chacun selon ses /Euvres; ce n'est plus le Dieu d'un seul peuple pr ivilégié,
le Dieu des armées pr ésidant aux combats pour soutenil' sa pro pre cause
contre le Dieu eles autres peuples, mais le pêr e commun du genre humain
qui étend sa protection SUl' tous ses enfants , et les appelle tous à lui; ce
n'est plus le Dieu qui r écompense et punit par les seuls biens de la terre ,
qui fait consister la gloire et le bonheur dans l'ass01'vissement des peuples
rivaux et dans la multiplicité de la progéniture, mais qui dit aux hommes :
« Votr e vél'itable patrie n'est pas en ce monde, elle est dans le royaume
céleste ; c'est là que les humbles de coour ser ont élevés et que les orgueilleuJ(
seront abaissés. » Ce n'est plus le Dieu qui fait une vertu de la vengeance
et ordonne de rendre ooil pour ooil, dent pour dent, mais le Di eu de mi-
séricorde qui dit : « P ardonnez les offenses si vous voulez qu'il vous soit
pardonné ; r enelez le bien pour le mal; ne faites point à autr ui ce que vous
ne voudriez pas qu'on vous fito I> Ce n'est pIus le Dieu mesquin et méticu-
leux qui impose, sous les peines les plus rigoureuses, la maniare dont
il veut être aeloré , qui s'offense ele l'inobservance d'un e form ule, mais
le Dieu gr and qui r ogar cle la ponsée et ne s' hono1'e pas de la forme; cc
n'est plus enfl n le Dieu qui veut être cmint, mais le Dieu qui I"eut être
aimé.
24. - Dicu étant le pivot do toutes los croyances religieuses, le ]Jut de.
tous les c!lltes, le camcte1'e de toutes les 1'eligions eSl conforme à tidée qu' ellf!s
donnent de Die/I. Colles qui en font Uil Dieu vil1dicatif et cruel, croient I'ho-
norer par des acte~ de crua Llté , par les buchel's et les tortures; celles qui en
font un Dieu partial et j aloux, sont intolél'antes ; elles sont plu s ou moins
méticuleuses daris la fo rme, selon qu'elles lo cl'oiont plus ou moi ns entaché
des fai blesses et des petitesses humaines.
25. - 'foute la doctrine elu Chri st est fo ndéo SUl' le caractêre qu'il attri])ue
à la Divinité. Avec un Dieu impartial, so uvel'ainemenl juste , bOll et mi:;él'i-
cordieux , il a pu faire de l'amour de Dieu ot de la. charité envel'i:; lo pl'ochain,
la condition expresse du salut, et c1 ir e : C'est là toute la loi et les pTOpMtes,
il n'y en a pas d'autre, SUl' cetto croyance seule , il a pu asseoir le principe
de l'égalité eles hommes devant Dieu, ct de la fl'aternité universelte .
Cette r évélation des véritables attributs de la divinité, jointo à celle de
l'immortalité de l'âme et de la vie future, modiflait profo ndément les l'ap-
ports mutuels eles hommes, leur imposait de nouvelles obligations, leur fai-
sait envisager la vie présente sous un autre jOUl'; c' était, par cela même,
tout une révolution dans les iclées, r évolntion qui devait forcément réagir
sur les moours et les r elations sociales. C'est incontestablernent, par 8es co n-
séquences, le point le plus capital ele la l'évélation du Christ, et dont on 11'a
pas assez compris l'importance ; il est r egrettable ele 1e dire, c'est aussi celui.
- 266-
dont on s'est le plus écarté, que l'on a le plus méconnu dans l'interpréta-
tion ele ses enseignements .
26. - Cependant Christ ajoute : Beaucoup des ehoses que j e vous dis,
vous ne pouvez encore les eomprendre, et j'en aurais beaucoup d'autres à
YOUS elire que vous ne comprendriez' pas; c'est pourquoi je vous parle en pa-
raboles; mais plus tard je vous enverrai le ConsolateU1', l' Esprit de Vérité qui
1'établim toules choses et vo us les expliquera {outes.
Si Chl'ist n'a pas dit tout ce qu'i! aurait pu dire, c'est qu'i! a cru devoir
laisser eertaines vérités dans l'ombre jusqu'à ce que les hommes fussent en
état ele les eomprendre. De son aveu, son enseignement était donc incom-
pIet, puisqu'il annonce la venue de celui qui doit le compléter; il prévoyait
done qu'on se méprendrait SUl' ses paroles , qu'on dévierait de son enseigne-
ment, en un mot, qu 'on déferait ee qu'il a fait, puisque toute chose doit être
rétabli e; or, on ne rétablit que ce qui a été cléfait.
27. - Pourquoi appelle-t-ille nouveau Messie ConsolateU1' ? Ce nom si-
gnificatif et sans ambigulté est tout un e r évélation . Il prévoyait donc que
les hommes auraient besoin de consolations; ce qui implique l'insuffisance
de celles qu'ils trouveraient dans la eroyance qu'ils allaient se fail' e. J amais
peut-être Christ n'a été plus clair et plus explicite que dans ces elerniêres
paroles; auxquelles peu de personn es ont pris garde, peut- être parce qu'on
a évité ele les mettre en lumiére et d'en approfondir le sens prophétique.
28. - Si Christ n'a pu clévelopp er son enseiguement cl'une maniêl'e com-
plête, c'est qu'il manquait aux hommes des connaissances que ceux-ei ne
pouvaient acquérir qu'avec le temps, et sans lesquelles ils ue pouvaient le
comprenelre ; il est aes choses qui eussent paru un non- sens dans l'état eles
connaissances el'alors. Compléter sou enseignement doit donc s' entendre
dans le seus cl'expliql.l er et de développer, bien plus que dans eelui d'y ajou-
t er elel{ vérités nouvelles; cal' tout s'y trouve en germe ; il manquait la clef
poul' saisir le sens de ses paroles.
20 . - Mais qui ose se permettl'e el 'interpréter les Éeritures saerées? Qui
a ee droit? Qui posséde les lumiêr es nécessaires, si ee ne sont les théolo-
gienf' ?
Qui 1'ose? La seienee el'aborel, qui ne demande de permission à personne
pour faire eonnaitre les lois de la n ature , et saute à pieds joints sur les
erreurs et les préjugés. - Qui a ce elroit? Dans ee siecle d'émancipation
intellectuelle et de liberté de eonscience, le droit d'examen appartient à tout
l e monde, et les Écritures ne sont plus l'arche sainte à laquelle nul n'osait
toucher du doigt sans risquer d'être foudroyé . Quant aux lumiêres spéciales
n 0cessaires, sans contester eelles des théologiens, et tout éclairés qu e fus-
seut ce ux elu moyen âge, et eu particulier les P eres de l'Église, ils ne
l' étaien t cependant point encore assez pour ne pas eondamner, comme héré-
sie, le mouvement de la terre et la croyance aux anti podes ; et sans remon-
t er si haut, ceux de nos jours n'ont-ils pas j eté l'anatheme aux périodes de
l a for mation de la terre ?
- 267
Les hommes n'ont pu expliqueI' les Écritures qu'à l'aide de ce qu'ils
savaient, des notions fausses ou incomplêtes qu'ils avaient SUl' les lois de la
.natura, plus tard révélées par la science; voilà pourquoi les théologiens eux-
mêmes ont pu, de três bonne foi, se méprendre sur le sens de certaines
paroles et de certains faits de l'Évangile. Voulant à tout prix y trouver la
confirmation d'une pensée préconçue, ils tournaient toujours dans le même
<:ercle, sans quitter leur point de vue, de telle sorte qu'ils n'y voyaient que
ce qu'ils voulaient y voir. Tout savants théologiens qu'ils étaient, ils ne
pouvaient comprendre les causes dépendant de lois qu'ils ne connaissaient
pas.
Mais qui sera juge des interprétations diverses et souvent contradictoi-
res, données en dehors de la théologie1 - L'avenir, la logique et le bon
2ens. Les homme s, de plus en plus éclairés à mesure que de nouveaux faits
,et de nouvelles lois vienelront se r évéler, sauront faire la part des systême1J
utopiques et ele la réalité ; or, la science fait connaitre certaines lois; le
Spiritisme en fait connaitre el'autres; les unes et les autres sont indispensa-
bles à l'intelligence des textes sacrés de toutes los religions, depuis Confucius
et Bouelha jusqu'au christianisme. Quant à la théologie, elle ne saurait jueli-
cieusement exciper eles contraelictions de la science, alors qu'elle n'est pas
toujours d'accorel avec elle-même.
30. - Le SPIRITISME prenant son point de départ dans les paroles mêmes
du Christ, comme Christ a pris le sien dans MOlse, est une conséquence di-
recte de sa doctrine.
A l'idée vague de la vie future, il ajoute la révélation de l' existence du
.monde invisible qui nous entoure et peuple l'espace, et par là il précise la
.croyance; il lui donne un corps, une consistance, une r éalité dans 111
pensée.
11 définit les liens qui unissent l'âme et le corps, et lêve le voile qui ca-
chait aux hommes les mysteres de la naissance et de la morto
Par le Spiritisme, l'homme sait d'ou il vient, ou il va, pourquoi il est sur
la terre, pourquoi il y souffre temporairement, et il voit partout la j ustice
de Dieu.
n sait que l'âme progresse sans cesse à travers une série d'existences
successives, jusqu'à ce qu'elle ait atteint le degré de perfection qui peut la
rapprocher de Dieu.
11 sait que toutes les âmes ayant un même point de départ, sont créées
égales, avec une même aptitude à progresser en vertu de leur libre arbitre;
que toutes sont de même essence, et qu'il n'y a entre elles que la différence
du progrês accompli; que toutes ont la même destinée et atteindront le
même but, plus ou moins promptement selon leur travail et leur bonne vo-
,lonté.
11 sait qu'il n'y a point de créatures déshéritées, ni pIus favorisées les
unes que les autres; que Dieu n' en a point créé qui soient privilégiées et dis-
'Pensées du travail imposé à d'autres pour progresser; qu'il n'y a pt.int
- 2Gfs -
d'êtres perpétuellement voués au mal et à la souffranc e ; que ceux désignés
sons le nom de démons sont des Esprits encore arriérés et· imparfaits, qui
font le mal à l'état d'Esprits, comme ils le faisaient à l'état d'hommes, mais
qui avanceront et s'amélioreront; que les anges ou purs Esprits ne sont
point des êtr es à part dans la création,. mais des Esprits qui ont atteint le
but, aprés avoir suivi la filiêre du progrés; qu'ainsi il n'y a pas de créations
multiples de différentes catégories parmi les êtres intelligents, mais que
toute la création ressort de la grande loi d'unité qui régit l'univers, et que
tous les êtres gravitent vers un but commun, qui est la perfection, sans que les
uns soient favorisés aux dép:ms des autres, tous étant les fils de leurs reuvres .
31. - Par les rapports que l'homme peut maintenant établir avec ceux
qui ont quitté la terre, il a non-seulement la preuve matérielle de l'exis-
tence et de l'individualité de l'àme, mais il comprend la solidarité qui relie
les vivants et les mor ts de ce monde, et cellX de ce monde avec ceux des
autres mondes . 11 connait leur situation dans le monde des Esprits; illes
suit dans leurs migrati ulJs ; il est témoin de leurs joies et de leurs peines; il
sait pourquoi ils sont heureux ou malh eureux, et le sort qui l'attellc11ui-
même selou le bien ou le mal qu'il fait. Ces rapports l'initient à la vie future
qu'il peut observeI' dans toutes ses phases, dan:'! toutes ses péripéties; l'ave-
nir n'est plus un e vague espérance: c'est UI1 fait po sitif, une certitude ma-
thúmatique. Alor~ la mort n'a plus rien d'effrayant, car c'e st pour lui la dé-
livrance, la porte de la véritable vie.
32. - Par l'étude de la situation de s Esprits, l'homme sait que le bon-
lt eur et le malh em dans la vie spirituelle sont inh érents au degré de per-
fedion et d'imperfection; que chacun subit les co nséquences directes et
naturelles de ses fautes , autrement dit, qu'il est puni par ou il a péché ; que
ces conséquences dUl'ent aussi lon gtemps que la cause qui le s a proGuites;
qu'ainsi le cOllpable souffrirait éternellement s'il persistnit éterllellement
dans le mal , mai s que la souffrance cesse avec le repentir et la réparation ;
or, comme il cl épenel de chacun de s'améliorer, chacun pcut, en vertu de
son libr o arbitre, prolonger ou abréger ses so uffrances , comme le malac1e
souffre ele ses excês aussi longtemp s qu'il n'y met pas un t erme.
33. - Si la raison r epom;se, comme incompatible avec la bonté de Di ell,
l'id ée ele s peines irrémissibles, per pétuelles et absolues , souy cnt infii gées
pour une seule faute, eles suppl ices de l' enfer que ne peut acloucir le r cpen-
tir le plus arelent et le plus sincere, elle s'in cline elevant cette jllstice distri-
butive et impal'tiale, qui tient compte de tout, ne fe rme j amais la porte c1u
retour, et tenel sans cesse la maill au naufragé, au lieu de le repousser cl,ins
l'abime.
34. - La pluralité des existences, dont Christ a posé le principe dans
l'Évangí'le , mais san s plus le eléfinir que beaucoup ti'autres, est une des lois
les plus imp ortantes révélées par le Spiritisme, en ce sens qu'il en démontre
la réalité et la néce ssité pour le progrés. Par cette loi, l'homme s'explique
tontes les anomalies apparentes que présente la vie humaine; les diffé-
-- ~6g -
renees de position sociale; l os m.:>rts prématurées qui, sans la réinearna-
tion, rendraient inutiles pour l'àme les vios abrégées j l'inégalité des apti-
tudes intellectuelles et morales, par l'anciennete de l'Esprit, qui a plus ou
moins vécu, plus ou moin s appris et progresse , et qui apporte en renaissant
l'acquis de ses existences antérieures. (N" 5 .)
35. - Avee la doetrine de la création de l'àme à chaque naissance, on
retombe dans le systême des créations pri vilégiées j les hommes sont étran-
gers les uns aux autres, rien ne les relie, les iÍens de famille sont purement
charnels ; ils ne sont point solidaires d'un passé ou ils n'existaient pas j
avec ceUe du néant aprês la mort, tout rapport cesse avee la vie j ils ne sont
point solidaires de l'avenir. Par la réincarnation, ils sont solidail'es du
passé et de l'avenir; leurs rapports se perpétuant d:ms le monde spiri-
tuel et dans le monde corporel, la fraternité a pour base les lois mêmcs de
la nature; le bi en a un but, le mal ses consél]uences inévitables.
36. - Avec la réincarnation tombent les préjugés de races et de castes,
puisque le même Esprit peut renaitre riche ou pauvre, grand seigneur ou
prolétaire, maitre ou subordonné, libre ou esclave, homme ou femme. De
tous les arguments invo::jués contre l'injustice de la servitude et de l'escla-
vage , contre la sujétion de la femm e à la loi du plus fort. il n'en est aucun
qui prime en logique le fait matériel de la r éi nearnation. Si done, la réincar-
nation fond e S Ul' une loi ele la natura le princi pe de la fr,lternité universelle,
elle fonele SUl' la même loi celui ele l' égalité des droits soeiaux, et par suite
celui de la liberté.
Les hommes ne naissent inférieurs et subordonnés que par le corps; par
l'Esprit, ils sont égaux et libres. De lã le elevoir de traiter les inférieurs
avec bonté, bienveillance et humanité, parce que celui qui est notre subor-
donné aujourd'hui, peut avoil' été notre égal ou notre sup érieur, peut- être
nu parent ou uu ami, et que nous pouvons elevenir à notre tour le subor-
donné de celui auquel nous commandons.
37. - Otez à l'homme l'Esprit libre, indépendant, survivant à la mati ére,
YOUS en faites une macbine organisé e, sans but, sans r esponsabilité, sans
autre frein que la loi civile, et bonne à e,Tpioiter comme un animal intelli-
gent . N'attendant rien aprês la mort, rien ne l'arrête pour augmenter les
jouissances du présent; s'il souffre, il n'a en perspective que le désespoir et
le néant pour refuge. Avec la certitude de l'ayenir, ceUe de retrouver ceux
qu'il a aimés, la cTainte de ?'cvoiJ' ce!lx qu'il a o({ensés, toutes ses idées
changent. Le Spiritisme n'eut- il fait que tireI' l'homme du eloute touchant la
yie future, aurait plus fait pour son amélioration morule que toutes les lois
disciplinaires qui le brielent quelquefois, mais ne le changent pas.
38. - Sans la préexistence de Li me, la dodrine du péché origineI n'est
pas seulement ir.con ciliable avec la justice de Dieu qui rendrait tous les
hommes respon sables de la faute d'un seul, elle serait un non-sens, et d'au-
tant moins justifiable que l'âme n'existait pas à l'époque ou l'on prétend
faire rern o nt ~ r sa l'esponsabilité. Avec la préexistence et la réincarnation,
- 270-
l'homme apporte en renaissant le germe de ses irnperfections passées, des
défauts dont il ne s'est pas corl'igé, et qui se traduisent par ses instincts natifs,
ses propensions à tel ou tel vice . C'est là son véritable péché origineI, dont
il subit tout naturelIement les conséquences; mais avec cette différence ca-
pitale qu'il porte la peine de ses propres fautes, et non celIe de la faute c1'un
autre; et cette autre différence, à la fois consolante, encourageante, et sou-
verainement équitable, que chaque existence lui offre les moyens de se ra-
cheter par la réparation, et de progresser soit en se dépouillant de quelque
imperfection, soit en acquérant de nouvelles connaissances, et cela jusqu'à
ce qu'étant suftisamment puritié, il n'ait plus besoin de la vie corporelle, et
puisse vivre exdusivement de vie spirituelle, éternelle et bienheureuse.
Par la même raison, celui qui a progressé moralement, apporte, en renais-
sant, des qualités natives, comme celui qui a progressé intellectuellement
apporte des idées innées; il est identitié avec le bien; ille pratique sans
efforts, sans calcul, et pour ninsi dire sans Y l'enser. Celui qui est obligé de
combattre ses mavaises tendances, en est encore à la lutte; le premier a
déjà vaincu, le second est en train de vaincre. La même cause produit te péché
originel et la vel'tu or·iginelle.
39. - Le Spiritisme expérimental a étudié les propriétés des fluides spi-
rituels et leur action SUl' la matiêre. 11 a démontré l'existence du périsprit,
soupçonn é dês l'antiquité, et désigné pa~ saint Paul sous le nom de Corps
Spirituel, c'est- à-dire de corps flui dique de l'Ame aprês la destruction du
corps tangible. On sait aujourd'hui que cette enveloppe est inséparahle de
l'Ame; qu'elle est un des éléments constitutifs de l'être humain; qu'elle est
le véhicule de transmission de la pensée, et que, pendant la vie du corps,
elIe sert de lien entre l'Espl'it et la matiêre. Le périsprit joue un rôle si im-
portant dans l'organisme et dans une foule d'affections, qu'il se lie à la
physiologie aussi bien qu'à la psychologie .
40. - L'étude eles propriétés elu périsprit, eles fluieles spirituels et des at-
tributs physiologiques ele l'àme, ouvre de nouveaux horizons à la science,
et donne la def d'une foule de phénomênes incompris jusqu'alors faute de
connaitre la loi qui les régit; phénomêncs niés par le maLérialisme, parce
qu'ils se rattachent à la spiritualité, qualifiés par d'autres ele miracles ou
de sortiléges, selon les croyances. Tels sont, entre autres , les phénom ênes
de la double vue, de la vue à distance, du somnamhulisme naturel et arti-
ficiel, des effets psychiques de la catalepsie et de la léthargie, de la pre-
science, des pressentiments, des apparitions, des transfigurations, ele la
transmissian ele pensée, de la fasc ination, des guérisons instantanées , des
übsessions et possessions, etc. En démontrant que ces phénomenes l'eposent
S Ul' des lois aussi naturelIes que les phénomênes électriques et les condi-
tions normales dans lesquelles ils peuvent se reproduire, le Spiritisme
détruit l'empire du merveilIeux et du surnaturel, et par suite la source de
la plupart des superstitions. S'il fait croire à la possibilité ele certaines chases
r egardées par quelques-uns comme chimériques, il empêche de craire
- 2i1 -
à beaucoup d'autres dont jl démontre l'impossibilité et 1'irrationnalité .
41. - Le Spiritisme, bien loin de nier ou de détruire 1'Évangile, vient au
contrail'e confirmer, expliquer et développer, par les nouvelles lois de na-
ture qu'il r évêle, tout ce gu'a dit et fait le Christ; il porte la lumiêre SUl' les
points obscurs de son enseigonement, de telle sorte que ceux pour qui cer-
taines parties de l'Évangile étaient inintelligibles, ou semblaient inadmis-
sibles, les comprennent sans peine à l'aide du Spiritisme, et les admettent;
il en voieot mieux la portée, et peuvent faire la part de la réalitó et de l'al-
légorie; Christ leurs parait plus grand : ce n'est plus simplement un philo-
sophe, c'est un Messie divino
42. - Si l'on considêre en outre la puissance moralisatrice clu Spil'itisme
par le but qu'il assigne à toutes les actions de la vie, par les conséquences
clu bien et clu mal qu'il fait toucher du doigt; la force morale, le courage,
les consolations qu'il donne dans les amictions par. une inaltérable con-
fiance enl'avenir, par la pensée d'avoir prês de soi les êtres CJ.ue l'on a aimés,
l'assuraoce de les revoir, la possibilité de s'entretenir avec eux, enfin par
la certitude que de tout ce que 1'00 fait, de tout ce que 1' on acql1i ort en in-
telli gence, en science, en moralité jusqu'à la derniere heure de la vie, rien
n'est perdll, que tout pro fite à l'avancement , on r eco nnalt que le Spiri-
tisme réali se toutes les promesses du Christ à l'égard du Consolateur a n-
noncé. ar, comme c'est l'Espl'it de Vérité qui préside au grand mouvement
de la r égénération, la promesse de son avénement se trouve de même r éa-
lisée, cal', par le fait, c'estlui qui est le véritable Conso/ateu?' (1)0
43. - Si, à ces r ésultats, on ajoute la rapidité inouie de la propagation
clu Spiritisme , malgré to ut ce qu'on a fait pour 1'abattre, on ue peat discou-
venir que sa venue ne soit providentielle, puisqu'il triomphe ele toutes les
forces et de toutes les mauvaises volontés humaines . La facilité avec la-
quelle il est accepté par un si grand nombre, et cela sans co!1trJ.inte, et
sans autres ressources que la puissance de l'idée , prouve qu'il répond à un
besoin : celui de croire, aprês le vide creusé par l'incrédulité, et que, par
conséquent, il est venu en son temps .

(1) Bien des peres de famille déplorent la mort prémalurée dOenfants pour l"éducation
tlesquels ils onl fai! de grands sacrific es, el se disent que toul cela est en pllre perte.
Avec le Spirisisme, i1s ne l'egrettent pas ces sacrifices, et seraient pl'êts à les faire,
même avec la certitude de voir mourir leurs enfants, car ih savent que, si ces dernicrs
ne profitent pas de cette éJucation dans le présent, elle servira, d'abord à leur avance-
lIlent comme Esprits, puis que ce sera autanl dOacquis pour une nouvelle existence, et que
lors'lu' ils reviendront, ils auront un bagage intellectuel qui les rendra plus aptes ~ acqué-
rir de nouvflles connaissanceso Tels sont ces enfants qui apportent en naissant des idées
inoées, et qui savent sans pour ainsi dire avoir beo,oin dOapprendreo Si, comme peres, ils
n'ollt pas la satisfaction immédiate de voir leurs enfants mettre cette éducation à pro/H,
ils eu Jouiront cerLainement plus tard, soit comme Esprits, soit comme hOlllln es o Pellt-
être seront-ils de nouveau Jes pare.nts de ces mêmes enfants qu'on dit heureusement doués
par la nature, el qui doivent Jeurs aptitudes à une pl'écédente éducation; comme aussi,
si des enfaots tOllrnent mal par suile de la négligence Ile leul's parents. ceux-ci peuvenl
avüir à eo sou/frir plus tard par les ennuis et les chagrins qu'ils leur suscitCl'ont dans
nne nouvelle existence.
- 272-
44. - Les aflligés sont en grand nombre, il n'est donc pas surprenant
que tant de gens accueillent une doctrine qui console de préférence à celles
qui désespêrent; cal' c'est aux déshérités , plus qu'aux heureux du monde,
que s'adresse le Spiritisme. Le malade voit venir le médecin avec plus de
joie que celui qui se porte bien; 01', les afiligés sont des malades, et le
Consolateur est le médecin.
Vous qui combattez le Spiritisme, si vous voulez qu'on le quitte poul'
vous suivre, donnez plus et mieux que lui; guérissez plus surement les
blessures de l'àme ; faites comme le marchand qui, pour lutter contre un
eoncurrent, donne de la marchandise de meilleure qualité et à meilleur
marché. Donnez done plus de consolations, plus de satisfactions du creur,
des espérances plus légitimes, eles certitudes plus grandes ; faites de l'avenil'
un tableau plus rationnel, plu s s8eluisant; mais ne pensez pas l'emportel',
vous, avec la perspective du lléant, vous, ave e l'alternative des tlammes de
l'enfer ou de la béate et inntile cOlltemplation perpétuelle. Que diriez-vous
elu marchanel qui traiterait de (ous tons les clients qui ne veulent pas de sa
marchandise, et vont chez son voi sin? Vous faites de même en taxant de
folie et d'ineptie tous ceux qui ne veu! ent pas de vos eloctrines qu'ils ont le
tort de ne pas trouver de leur goút (1) .
(i ) Le Spiritisme r/est-il pus contraire à la croyance dog:mati quc tOllchant la 1l3tllre
da Chl'ist, ct, dans ce ras, pcut-il se dir'e le complémcut de l'Evangiie, s'j] le cúntr'edil.?
La solt.tio/l de cctte que, tiQn ne tduche qu e d'une maniérc acccssoil'e au Spiritis me
qui /l'a pas à. se préoccu]lcr des dognres pal'ticuliers de t e ll~ ou lelle relir ion ; si mple doc-
lI'ine pbilosophique, il ne se pose ni en cll":mpion, ni en adv ersail'c ~ys tématiq uc, tI'au-
Cun culte, tlt la isse il. chacun sa croyancce.
La qu estion de la natul'e du Chri st es t capitale au point de vne chl·él.ien; r.lle ne rellt
MIe traitée à la légere, et ce ne stJnt les opiuions personnelles ni des hornrnes ni des Es-
prits qui peuvent la décid cr; dans tiO pareil sUJe!, ií nc snllit pas d'affil'mer ou de nie r, il
faut pl'onver; OI', de toutes ltJs laisons alléguées pour ou contre, il n'en cst nuc llnc ~ui
ne so it plus ou moins hypol.l lé tiqu c, puisqlle [ou tes sonl. contl'o\'el'sables; Ls n!alér'ialistc:s
o'ont vu la chose qu'a\'cc les ycux de l'incl'édulité et le parti pris dc la négal ioll ; Ics
théologiens avec les yeul de la foi aHugle, et le parti pl'is de I'aftinnalion; ui lc ~ IIlIS ni
les 311trt S n'élaicut dans les cooditions d'illlp:lItia lité nécessail'es ; intércssés à soulenir
lellr opinioll, iI, n'o ut \'u et cherché que ee qui pouvait y être favol'3bl e, el ont ferm é Ics
ycux 5\([' ce qui pouvait y êll'e con trai re. Si depuis le tcmps que la qu estion est agitée,
clle n'est pas enco re lésolue d'une maniel'e pél'emp toirc, c'est qu'on a maoqué dcs élé-
mcntsq ui seul s pouvaient eo donner la clef, ab; olumcnt comme li nl anqu ait aux sa\'3nls
de I'antiqullt! la cunnaissance dcs luis de la lumiere pour expliquer le phénom ene de l'arc-
eu-ciel.
Le S ~ iritisme cst lIeutre dans la lfues tion; iI n'est pus plus intéressé à une solution
qu'a un o autre; il a rnarché sans cela, et il mal'chera encore quel qu 'e n soil le rés llllal;
placé cu dc.llOrs eles dogmlls particuli ers , ce n'est point pour lui un e qucstion de vi e ou
de mort. Qlland il l'abordcr3, appll ya ll t(l utes St'S théol'ies S Ul' les fa its, il la I'ésoutlra par
les fails, Cl cela en temps OppOl'tUII ; s'iI y avait cu urgc/Jce, clle sCl'ait déjà I éso iue.
Les élémcnts tI'une solulion sont l<ujolld 'h ui cornplets, mais le telTai n n'est pas enco re
prêt à re cc \'oir la semence ; une solution JlI'0l11alllrée, quellc qu'clle soit, I'ellco ll tre ra it
trop d'oppo sition de part et ti';; utre, et ali éu rl'ait au Si' iritisme plus de partis31l s qll 'clle
ne lui e/J tlo nllera it; Hli là puul'qu oi la prudc uce IIO US fait un uevoil' de nous abslCllil' de
tOll te [Jolémique Slll' cc Slljd, ju,;qu 'à ce nous soyons ass uré de pouv oil' mettre le pied slIr
un lerra in sol ide. EII all.elJdant, IiOUS laisslllls discuter le pour et le contre en delt01's du
Spi1'itisme sa ns y prcndre pHt, laissJllt les dellx pal' tis ép ui scl' lell /'s argllments. Qllalld
le motnt llt fe ra [lI Gl'ice, 'iIUUS appol'tCf'O tlS duns la bal ance, flo n !Jas notre opin ion per-
- 273 -
45. - La premiere r évélation était pcr sonnifiée dans MOlse, lu secondo
tl.ans le Christ, la troisieme ne l'est dans aucun individuo Les deux premiê-
res sont individuelles, la troisiême est coUective ; c'est lã un earactêre assen-
t iel d'une grande importance. EUe est collective en ce sens qu'elle ll'a été
faite par pri vilége à per sonne ; que personne, par conséquent, ne pent s'en
,dire le prophête exclusif. Elle a été faite simultanément sur toute lu terre, à
des milliol1S de personnes , de tous àges , de to ns t emps et de tontes condi-
tion s, depuis le plns bas jusqu'au plus haut de l' écheUe, selon cette pl'édic-
tioa rapportée par l'auteur des Actes des apôtres : « Dans les derniers tcmps,
dit le Seign eur, j e r épandrai de mon cspl'it S Ul' toute chair; vos fils ct vos
illles proph étiseront; vos j eunes gens aUl'ont des vision s, et vos vicillal'ds
<lnl'ont des songes. » EUe n'est sortie d'aucun culte spécial, afin de servir
U l! j our à tous de point de ralliement (1).

40. - Les deux premiêres r évélations étant le produit d'nn enseign ement
personnel, ont été forcément localisées, c'e::lt-à-clire qu'elle s ont eu lieu SUl'
un seul point, autour duquel l'idée s'est r épandue de proche en proche ;
mais il a fallu bien des siêcles pour qu'elles atteignent les extrémités du
monde, sans l'envahir tout entier. La troisiem e a cela de particulier, que
n'étant pas per sonnifiée da ns un individu, elle s'est produite simultanément
sonnelle qui n'est d'al1cun poids ct ne reut fait'e loi, mais des { aifs jllsq u'à cc moment
in?bsef'1,és, et alors chac ull pourra jugc r (' 11 connarssancp de cause , TlIut ce qu e nous
pOllvons dil'e, sans préjl1 gcr la qU f:s lion , c'est que la solnlion, da ns qll clqlle sells qu 'e llc
soit donnée, ne contrcc!il'a ni les actes ui les parolcs du Chl'ist, llIa :s ali cnntraire lcs
conti r mera en I~s élllcidanl.
A ccux done (P;' 110:IS demandent cc qne lc Spirilismc dit de la natu re du Chl'isl, nOlls
I'épo ndons inv aria blem cnt: « C'est une queslion de dogme étl'angcre au hllt de la doc-
trin e, )) Le but que tO II! Spirite doit pOllrsuivl'e, s'i\ "ellt mél'iter cc ti tre, c'es t sa propre
amélioralion morale, Suis-je meiIJ cw' ql/e je ne l'ét :i s ? Me sllis-je corl'igé rle qlle lque
défaut? Ai-je rait du bicn ou dll mal à mO Il rl'ocha!n ? Voilà ce q !e tout Spirite sin ce re
et co nvain cu doit se demander, Qu'impol'te de savoil' si Christ éta it Di eu ou 110n, si 1'00
est toujOlll'S égoIste. orglleilleux, j aloux, envieI/X, colere, médi sa nt. calomlliatcul' ? La
nlei!Jeure llIani erc d'honorer le Christ, c'es! de l'ill'itcr d ~ ns sa cour!lJi le; plus on
I'élhe dans sa pensée, moins on est di gne de lui, et plus Oli l'i ll3ulle et le pl' IJ rane, en
Caisa nt le contl'aire (ie ce qu'il dit. Le Spiriti sP.l e di! 'Ises adeptcs: « P ra ti:(1H:Zles
Vel'tlls r ecorumall dées par le Christ, et vot.;s Sl!I'e7. plus chrét.iens que beaucollJl de cellX
qui se donncllt pour tels, )) Aux cath ol iqu es, protcslants et allll'f:s, il (Iit : « Si vous
cra ii6 llez que le Sipil'iti sme ne tl'ouble vot re con scie nce, ne vous cn occupe 7. pas.)) II ne
'I
s'adl'esse qu 'à ccux qlli vlennen t lui librement, ct q:d (' f. ont besoin. Il ne s'adf'í:sse poinL
à Cl'UX qui ont une foi quelco ll qu e ct à qui celle Coi SlIffit, mais II CCIIX qui !l'en ont pas
ou qu i doutenl, et il lcuf' dOllne la croy ~ tlce qu i leu r manq ue, 110 11 plus pa l' ti cul icreOl cnt
cclle dli call1\JlicisllIc que du pl'otcsta nti smc, uu jlllh!'ism e ou de l'j, lami slllc, mais la
croY'lnce fOlldamer.tale, base indispcnsable de tOll te Icli ~ io n; li, Jinit son róle. r.ette base
posée, chacun reste libre de .uivre la !'oute qui satisl'a ille nJ IlW X sa rai solJ.
(I) Notre róle pel'soonel . daos le gru nd mouvem l'nt des id,.; ~ s 'Tli se pI'l5 Jl ~; e pai' le Spi-
~ i tism e , el. qui commeoce déjà a s'opél'er, es! cclui li'nu observalc ul' attl'l: til' qui étudie It:s
fai ts pour eo ch€rchc r la cause et eu tirer les conséqUé fl CC:" Nous U\'01l5 confron!é tous
CCltX qu'il nous a éLé possihle de r assemblcr; nOlls ;: I'ons com[laré ct commeoté les
ios lructiolls dOllnées par les Espt'its SU l' tous les points du ~ !o be, pllis nous avons
c<lordonné le tOllt mHhoaiquem ent; eo un mo!, nous avons étudi é et donné :I n public le
fruit de nos recherches, sans attribu<J1' à no travallx d'uutre valeu!' que cellc d'llIw rouv l'e
ptJilosophique déuuite de l'observation et de 1 !'X~él' i e nc e, sans jamais nous ét re posé eu
chcf de doctrin e, ni avoir vou lu imposer n~s idees à persllnne. E n .es publiallt, nous
- 274-
sur des milliers de pOillts ditfér ellts, qui tons sont devellus des centres ou
foyer s de rayonnemellt. Ces centres se multipliallt, leurs r ayons se rej oi-
gnent p eu à peu, comme les cercles formés par une multitud e de pi el'l'os
jetées da ns l'eau; de t elle sorte, qu'en un t emps donné, ils llniron t pai'
couvrir la surface entiere du globe .
Telle est une des causes de la rapide propagatiou de la doetrine, Si rUe
eftt surgi sur uu seul point, si elle eut ét é l'reuvre exclusive d'un homme,
elIe aurait formé secte auteur de lui ; mais un demi-siêcle se serait peut-iMc
écoulé avant qu'elle eut atteint les limites du pays ou eUe aurait pris nais-
sance , tandis qu'aprês dix ans, elIe a des jalons plantés d'un pôle à l'autre,
47. - Cette circonstance inoule dans l'hi stoire des doctrin es , donnc oI
ceHe- ci une fo rce exceptionnelle et une puissance d'action irrésistible; on
efI'et , si on la comprime S Ul' un point, dans un pays, il est matériell cmcut
impossible de la comprimer SUl' tous les points, dans tou s les pay s. POlll' un
endl'oit ou eUe sera entravée , il y en aura mille à côté ou elle fleurira, Bi on
plus, si on l'atteint dans un individu, on ne peut l'atteindre dans les Es-
prits qui eu sont la source . ar, comme les E sprits sont partout, et qu'il y on
aura toujo urs, si, par impossible, on parvenait à l'étoufI'er SUl' tout le globe,
elle r eparaitrait quelque temps aprês , parce qu'elle r epose SUl' un fa it, que
ce (ait est dans la nature, et qu'on ne peut supprimer les lois de lu naturc,
Voilà ce dont doivent se persuader ce ux qui rêvent l' an éanti ~;;eJl]e lll
d LI Spiritisme. (Revue spú'ite, février 1863, p. 38 : Perpétuité du Spil'i-
tisme.)
48 . - Cependant ces centres disséminés auraient pu rester encore long-
temps isolés les uns des autres, confinés que sont q uelques ·uns da ns les paj's
lointains. Il fallait entre eux un trait d'union qui les mit en communi on de
pensées avec leurs frêres en croyance , en leur apprenant ce flui se faisait
aillellrs, Ce trait d'union, qui aurait manqué au Spiritisme dans l'antiql1ité,
se trouve dans les publications qui vont partout, qui eondensent, sons llne

avons usé d'un droit commun, et cel1X q!li les onl ~cceptées l'ont fait libremcnt. Si ces
idées 011t trouvé de nombreuses sympathies, c'est qu'elles ont eu l'avantage de rrpondl'e
aux aspirations d'un grand nombre, ce dont nous ne saurions tireI' vanité, pui sque l'o rL
gine ne naus en appartient pas. Notre plus grafld mérite est celui de la per5évéra nce et
du dtl\'oucment à la cause que nous aVOllS embrassée. En tout cela nous avons fait ce que
d'autres cussellt pu faire comme nous; c'est pourquoi nous n'uvo ns jamais eu la pl'éten·
tion de nous croire pl'ophete UIl messie, et encore moins de nous donner pour teI.
SalJs avoir aucune des qualités extérieures de la médiumnité efl'ec tive, nous ne contes .
tons pas d'être assisté dans nos travaux par les Esprits, parce que nous en avons des
preuves trop évidentes pour en dou ter, ce que nous devons sans doute à notre bonne ro·
lonté, et ce qu'il est donn é lt chacun de ru él'iter , Outre les idées que nous rcconnaissolls
nous être sUllgérées, iI est remarquable que les sujets d'étude et d'observatioIl, en UIJ mot
tout cc qui peut être utile à I'accompli ssemellt de I're uvre. nous arrive toujOUI'S à pl'O pOS,
- en d'autres temps 00 aurait dit : comme par encllantemeut; - de sorte qu e Jes maté·
riaux et les documents du travai l ne nous font jamais défau t. Si nous avons à trailer UIJ
sujet, nous sommes ccrtain que, sans le deruandeJ', les éléments nécessaires à son élaho·
ration nous en soot fournis, et cela par des moyens qui n'ollt rien que de tres lJaturel,
mais qui sont sans doate provoqll ~ s par nos collaborateurs im isibles, comme ta nt de
choses Que le monde attribue au hasard.
- 275-
forme unique, concise et méthodique, l'enseignement donné partout sous
des formes multi pIes et dans des langues diverses.
49. - Les deux premieres révélations ne pouvaient être que le résultat
d'un enseignement direct; elles devaient s'imposer à la foi par l'autorité de
la parole du maltre, les hommes n'étant pas assez avancés pour concourir à
leur élaboration .
Remarquons, toutefois, entre elIes une nuance bien sensible qui tient au
progrés des mceurs et des idées, bien qu'elies aient été faHes chez le même
peuple et dans le même milieu, mais à prés de dix-huit siêcles d'intervalIe .
La doctrine de Mo'ise est absolue, despotique; elIe n'admet pas de discus-
sion et s'impose à to ut le peuple par la force. CelIe de J ésus est essentielIe-
ment conseillere; elIe est librement acceptée et ne s'impose que par la per-
suasion; elle est controversée du vivant même de son fondateur qui ne
dédaigne pas de discuter avec ses adversaires.
50. - La troisieme révélation venue à une époque d'émancipation et de
maturité intelIectuelle, ou l'intelIigence développée ne peut se résoudre à
un rôle passif, ou l'homme n'accepte rien en aveugle, mais veut voir ou ou
le conduit, savoir le pourquoi et le comment de chaque chose, devait être à
la fois le produit d'un enseignement et le fruit du travail, de la recherche
et du libre examen. Les Esprits n'enseignent que juste ce qu'il faut pour
mettre sur la voie de la vérité, mais ils s'abstiennent de révéler ce que
l'homme peut trouver par lui-même, lui laissant le soin de discuter, de con-
trôler et de soumettre le tout aR creuset de la raison, le laissant même sou-
vent acquérir l'expérience à ses dépens. Ils lui donnent le pl'in.::ipe, les ma-
lériaux, à lui d' en tireI' profit et de les mettre en ceuvre (no 15).
51. - La,,; éléments de la révélation spirite ayant été elonnés simultané-
ment SUl' une multituele de points, à des hommes ele toutes conditions so-
ciales et de divers degrés el'instruction, il est bien évident que les observa-
iíons ne pouvaient être faites partout avec le même fruit; queles conséquences
à en tireI', la déduction des lois qui régissent cet ordre de phénoménes, en un
mot la conclusion qui devait asseoir les idées, ne pouvaient sortir que de
l'ensemble et de la corrélation des faits. 01', chaque centre isolé, circonscrit
dans un cerde restreint, ne voyant, le plus souvent, qu'un ordre particulier
de faits quelquefois en apparence contraelictoires, n'ayant généralement
afl'aire qu'à une même catégorie d'Esprits, et, ele plus, entravé par les in-
fluences lo cales et l'esprit de parti, se trouvait elans l'impossibilité maté-
rielle d'embrasser l'ensemble et, par cela même, impuissant à rattacher
les observations isolées à un principe commun. Chacnn appréciant les faits
au point de vue de ses connaissances et de ses croyances antérieures, ou de
l'opinion particuliêre des Esprits qui se manifestent, il y aurait eu bientôt
autant de théories et de systémes que de centres, et dont aucun n'aurait pu
être complet, faute d'éléments de comparaison et de contrôle.
52. - n est en outre à remarquer que nuHe part l'enseignement spirite
n'a été donné d'une maniere complete; il touche à un si grand nombr e d'ob~
- 276-
servatlOns, à des sujets si divers qui exigent soit des connaissances, soit
des aptitudes medianimiques spéciales, qu'il eut été impossible de réunil' SUl'
un même point toutes les conditions necessaires. L'enseignement devant
être collectif et non individueI, les Esprits ont divisé le travail en di ssémi-
nant les suj ets d'étude et d'observation, comme dàns certaines fabriqu es la
confection de chaque parti e d'un meme objet est répartie entre différents
ouvriers.
La r évélation s'est ainsi faite partie11ement, en divers lieux et par une
multitude d'íntermédiaires , et c'est de cette maniére qu'elle se poursllit en-
core en ce moment, C ~lr tout n'est pas révélé. Chaque centre trouve, dans
les autres centres, le complément de ce qu'H obtient, et c'est l'ensemble, la
coordination de tous les enseignements partiels, qui ont constitué la dl)c-
trine spirite.
Il était done nécess:1Íre rl e grouper les faits épars pour voir leur corréla-
!íon, de rm:sembler les do cuments divers, les instrnctions données par Ics
Esprits SUl' tous les points et S Ul' tons les suj ets, pour les compareI', les ana-
lyser, en étudier les analogies et les différences. Les communications étant
donn ees par des Esprits de tous ordres, plus ou moins éclairés, il fallnit
appré cier le clegré de confrance que la raison permettait de leur accor der, dis-
tinguer les id ~e s systématiques individuelles et isolées de ce11es qui avaient
la sanction de l' enseignement géneral des E .o;príts, les utopies des idees pra-
tiques ; élaguer ce11es qui étaient notoirement démenti es par les donnees de
la science positive et la saine logique ; utiliser les erreurs mêmes , les
r enseignements fournis par les Esprits même du plus bas étage, paul' la
connaissance de l'état du monde invisible, et en fo rmeI' un t out homogêneo
il fallait, en nn mot, nn centre d' élaboration, indépendant de toute idée pré-
conçue, de tout préjugé de sede, résolu d'accepter la vérité dcvenue évidellte,
dut- elle être contraire á ses opinions personnelles. Ce centre s'est formá do
lui-meme, par la fo rce des clloses, et sans dessein prémédité (1).
(1) Le Livl'e des Esprils, le premier ouvrage qui ait fait entreI' le Spiritisme dans la voie
philosophique, par la déduction des conséquences morales des fails, qui ait abord é tOllles
lcs parties de I", doctrioe, eo tonchaot aux questions les plus importantes qu·elle soul ~l'e,
a été, des soo apparition, le point de I'alliemeot vers lequel ont spontanément converge
les travaux individueIs. Il est de notoriété que, de la publicalion de ce livre, date l'ére dll
Spiritisme philosophique, resté jusqlle-Ià dans le domaine des expériences de curiosité. Si
cc livre a conquis les sympathiesde la m~jori! é , c'est qu 'il était l'ex(lressiun des sentimcllls
de cctte même majorité, ct qu'j] répondait ases aspiratioos ; c'est aussi p ~ I'c e que chac lIu
y trouvait la confirmatioll ou une explication rationllelle de ce qu'i1 obtenait cn particlllier.
S·j] avait été en désaccord avec l'eoseignement général des Esp!'Íts, il n'aurai! eu aU ClIll
crédit, et serait promptement tombé dans l'ollbli. 01', à qui s'es!-on ralli é ? Cu n'est pas
à l'homme qui n·esl ricn par lui-même, cheville ouvriêre qui meurt et disparalt, mais à
l'idée qui ne périt pas quand elle émaue d'une SOUl-ce supérieure à l'homme.
Cette concentration spontanée des forces éparses, a donn é lieu à une cOI"re.sponda ncc
immense, mor.umellt uniqlle au monde, tableau vivant de la véritable histoire du SpiritisllIC
mOderne, ou se refletent 11 la fois les travallx pal'tiels, les sentim ents mllltiples qu 'a fait
naitre la do ctrine, les résultats morallx, les dévouements et les défaillances; archives pré-
cieuses pOUl' la postérité qui pourra jugcr les hommes et les choses SUl' des pi êces 3:1-
thcntiqlles. En présence de ces témoign;,ges inécIIsables, que deviendront, dans la suitc,
toutes les fausses allégations, les difTamations de l'envie et de la jalousie ?
- 277-
53, - De cet état de choses, il est résulté un double courant el'idées : les
unes allallt des extrémités au centre, les autres retournant du centre à la cir-
conférenee, C'est ainsi que la doetrine a promptemcnt marehé vel'S l'unité,
malgré la diversité eles sour ces el'ou eUe est emanée; flue les systemes diver-
gents sont peu à peu tombés, par le fait de leur isolement, devant l'ascen-
dant de l'opinion de la majorité, faute d'y trouver des échos sympathiqlles,
Une communion de pensées s'est dês lors étal)lie entre les différents centres
partiels; parlant la même langue spirituelle, ils se camprennent ot sympa-
thisent el'un bout du monde à l 'autre,
Les Spirites se sont trouvés plus forts, ils ont lutté avec plus ele courage,
ils ont marche d'un pas pIus assuré, quand ils ne se sont pIus vus isolés,
qllanel ils ont senti un point el'appui, un lien qui les rattachait à la grande
famille ; les phénomên es clont ils etaient témoins ne leu!' ont plus semblé
étranges, anormaux, contradictoires, quand ils ont pu les raUacher à des
lais générales el'harmonie, embrasser d'un coup d'ceill'edifice, et voir à tout
cet ens emble un but granel et humanitaire (1) ,
54, - Il n'est aucune science qui soit sortie de toutes piêces clu cerveau
d' un homme ; toutes, sans exeeption, sont le produit d'observations sueces-
SiVBS s'appuyantsur les observations précédentes, comme SUl' un point connu
pour arriver à l'inconnu, C'est ainsi que les Esprits ont procedé pour le Spi-
ritism e ; c'est pourquoi leur enseignement est gradué; ils n'abordent les
questions qu'au fuI' et à mesure que les principes SUl' lesquels e11eB doivent
s'appuyer sont suffisamment élabores, et que l'opinion est múre paul' se les
assimiler, Il est même remarquable que toutes les fois que les centres parti-
culiers ont voulu abordeI' des questions prématurées , ils n' ont obtenu que
des r éponses eontraeli ctoires non concluant.es, Quand, au contraire, le mo-
(1) Un témoign age significatif, aussi rem arquah le quc touchant de cette communion de
pensées qui s'établit entre les Spirites pai' la co nrol'mité des croyan ccs, ce so nt les de-
mandes de príeres qrli nous vienncnt dcs conl1'ées les plus loinlaines, depu is le Pérou
jusqu'aux ex trémités de I'Asie, de la part de pcrso:llles rle religions et de n~tioualités di-
verses, et que nous n'avons jamais vues. N'e:;t-ce pas là le prélude de la grand~ unifica-
líon qui se prépare? la prel1 ve d ~ s racines sérieuses que prend partout le Spirilisme?
11 est remarquable que, de tou s les gro upes qui se sont formés avec I'intention prémé-
ditée de raire scission en proclamant des principes divergents, de même que cellx qui,
par des raisons d'amour-propre ou autre5, ne voul ant pas avoir I'air dc subil' la loi com-
mune, se sont crus ass~z /"orts pour marcheI' seuls·, assez de lumieres pour se p3sser de
conseils, aucun n'esl parvcnll à constiluer unc unité pr'épondérante ct viable; tOIlS se
sont éteints ou ont végété dans l'ombre. Camment pouva it-iI en êlre autremcnt, dcs 101'5
que, pour se distinguer, au lieu de s'cITorccr de donner l!nc plus grande somrnc de 5a-
tisfactions, ils rej etaient des prin cipes d(~ la docl l'ine précisélllcnt ce qui co fait le pltls
puissant altrait, ce qu'il ya de plu. consolant, de plns cncourllgeant et de plus ratienn el?
S'i1s avaienl compris la puiss3nce des élémcnts maraux q\li ont cJnslitué I'unilé, ils ne
se seraient pas bercés d'une illusion cbimél'ique; mais pl'cnant leu!' pt.lit cel'cle pour
I'univers, i1s n'oot vu dans les adhél'ents qu'une colel'ie qui pouvail facilenH;nt êlre refi-
\'ersée par uu e clJntre-coterie, C'était se méprcndl'e étraugement SUl' les cara cteres
c,sentiels de la do ctrinc, et celte el're ul' ne pOUV:lit amener quc des déccptions, cal' on
Ile froisst~ pas impuném~nt le sentimerit d'une masse qui a de s conviclions assises SUl'
des bases solides; 3\1 Iieu de rompre I'unit é, i1s ont brisé le lien qui seul pouvait leu r
dorlller la force et la vie, (Voi!' /l evue spil'ite, avril 1866, pJges 106 et 111. : Le Spú'z'fisrne
sans les Espr its ; te Spiri/zsme indépendw/Z,)
- 278-
ment favorable est venu, l'enseignement est identique sur toute la ligne,
dans la presque universalité des centres.
Il y a, toutefois, entre la marche du Spiritisme et celle des sciences une
différence capitale , c'est que celles-ci n'ont atteil1t le point OÚ elles sont
arrivées qu'aprês de longs intervalles, tandi s qu'il a suffi de quelques années
au Spiritisme, sinon pour atteindre.le point culminal1t, du moins pour re-
,cueillir une somme assez grande d'observations propres à constituer une doc-
trine. Cela tient à la multitude innombrable d'Esprits qui, par la volonté de
Dieu, se s0nt manifestés simultanément, apportant chacun le contingent de
leurs connaissances. Il en est r ésulté que toutes les parties de la doctrine,
,au lieu d'être élaborées successivement durant plusieurs siêcles, l' ont été à
peu prés simultanément en quelques ann ées, et qu'il a sufil. de les grouper
pour en former un tout.
Dieu a voulu qu'il en fUt ainsi, d'abord pour que l'édifice arrivât plus
promptement au falte ; en second lieu, pour que 1'0n put, par la comparai-
son, avoir un contl'ôle pour ainsi dire immédiat et permanent dans l'univer-
salité de l'cnseignement, chaque partie n'ayant de valeur et d'autoTite (lue
par sa connexité avec l'ensemble, toutes devant s'harmoniser, et arriver
,chacune en so n temps et à sa place . En ne confiant p.1S à un seul Esprit le
soin de la promulgation de la doctrine, il a voulu en outre que le plus petit
comme le plus grand, parmi les Esprits comme parmi les hommes, apportát
sa pierre à l' édiil.ce, afin d'établir entre eux un lien de solidarité coopérative
qui a manqué à toutes les doctrines sorties d'une source unique.
D'un autre côté, chaque Esprit, de même que chaque homme, n'ayant
qu'une somme limitée de connaissan ces, individuellement ils étaient inha-
biles à traiter ex pro(esso les innombrables questions auxquelles touche le
Spiritisme; voilà également pourquoi la eloctrine, pour r emplir les vues du
Créateur, ne pouvait etre l'ceuvre ni d'un seul Esprit, ni d'u n seul médium;
elle ne pouvait sortir (lue de la collectivité des travaux contrôlés les uns
par les autr es. (Voir dans l'Erangile selon le Spil'itisme, introd uction, p. VI,
et RelJue spirite, avril1864, p. 90 : AutoTilé de la doe/rine spú'ite; conll'óle
univeTsel de l'en seignement eles E s/,rits.
55. - Un dernier caractere ele la r évélation spirite, et qui reSSOl't des
conditions memes dans lesfluelles elle est fai te , c'est que, s'appuyant
SUl' eles faits, elle es t et ne peut etr e qu'essentiellement progressive , comme
toutes les sciences d'observation . P ar son essence, elle contl'acte alliance
avec la science, qui, étant l'exposé des lois de la nature, dans un certain
ordre de faits, ne peut etre contraire à la volonté de Dieu, l'auteur de ces
lois. Les déeouveTtes de la scienee glorifien t Dieu au lieu de l'abaisser; e/les ne
détruisent que ee que les /wrnmes ont bâ!i SUl' les idées (ausses qu'ils se sont (aites
de Dieu.
Le Spiritisme ne pose donc en príncipe absolu que ce qui est démontré
·avec évidence, ou ce qui ressort logiquement de l'observation. Touchant
à toutes les branches de l'économie sociale, auxqu elles il prete l'appui de
- 279 -
8es propres clécouvertes, il s'assimilera touj ours toutes les cloctrines
progressives, de qu elque ordre qu'elles soient, arrivées à l'état de vé-
rités pratiques, et sorties du domaine de l'utopie, sans cela il se su iciderait;
en cessant d'etre ce qq'il est, il mentirait à SOll origine et à S011 but provi-o
dontiel. Le S pi1'itisme, mm'chant avec le pl'ogl'es, ne sem /amais débo rdé,parce
que, si de nouvelles decouvel'tes lui démontraient qu'il est dans l'errew' sw' un
po!:nt, il se modifierait sUl'cepoint ; si une nouvelle Vél'ité se révele, ill'accepte (1).

Robinson Crusoé spirite.


- SCITE -

Dans la Revue spirite de mal's 1807, page 74, nous avons cité
quelques passages des aventures de Robinson, empreints d'uoe pen-
sée évidemment spirite. Nous devol1s à l'obligean ce d'un de nos
corres pondants d' Anvers la connaissance du complément de cette
histoire ou les principes du Spiritisme sont exprimés et affirmés d'une
maniere bien plus explicite et ne se trou ve dans aucune des éditions
modernes . L'ouvrage complet., traduit de I'anglais sur I'édition ori-
ginale, comprend trois volumes, et fait parti e d'une collection en
trcnte et quelques volumes inlitulée : V oyages imaginaires, sOlJges,
visions et l'omans eabalistiques , imprimée à Amsterdam en 17 87.
Le titre porte qu'elle se trouve aussi à Paris, rue et hôtel Serpente.
Les deux premiers volumes de cette colleclion contiennent les
voyages proprement dits de Robinson; le troi sieme volume, que notre
correspondant d' Anvers a bien voulu nous confier, a pour titre : R é-
fiexions sérieuses et importantes de Robinson Crusoé. Le traducteur
dit dans sa préface :
« Voiei enfin fénigme des aventures de Robinson Crusoé)' c'est

une espece de Télémaque bourgeois, dont le but est de porler Ics


hommes ordinaires lt la vertu ct à Ia sagesse, par des événements
accompllgnés de réflexions. 11 y a pourtant quelque chose de plus
dans l'histuire de Robinson que dans les aventures de Télémaque ;
ce n'est pas un eimple roman, c'est plulôt une hístoire allégorique,
dont chaque incident est un embleme de quelques parlicularités de-
(i) Devant des déclarations au ssi nettes et aussi catégoriques qu e celles qui sont con-
tenucs dans ce chapitre, tumb ent toutes les allégations de tendance a l'absolutisme et lJ-
J'autocratie des prillcipes, toutes les Fausses assimilations que des gen s prévp. r;us ou ma I
informés prêtent à la doctrine. Ces déclarati ons, d'ailleurs, fi e sont pas nouvellcs; nous
les avons assez souvent répétées dans nos éCl'its, pour ne lai sser aucun doute à cet égard.
Elles nous assign en t en outre nútre véritable rOle, le seul que nous ambitionnons : celu i
de travailleur .
- 280-
la vie de notre auteur. Je n'en dis pas davantage sur cet articIe,
parce qu'ill'a traité à fond lui-même dans sa préface que j'ai tra-
duite de l'anglais, et dont je conseille fort la lecture à. tous ccs hOI11-
mes brusques, qui se sont fait une assez ridicule habitude de sauler
tous les discours préliminaires des livres.
« L'ouvrage qu'on donne ici au public, et qui fait le troisieme
volume de Robinson Crusoé, est tout ditTérent des deux parties
précédentes, quoiqu'il tende à un même but. L'auteur y met, pour
ainsi dire, la derniere main à son projet de réformer les hommes,
et de Ies engager à se conduire d' une maniere digne de l' excellence
de Ieur nature. 11 n'est pas content de leur avoir donné des inslruc-
tions enveloppées dans des fabIes, il trouve bon d'étendre ses pré.
ceptcs, et de les donner d'une maniere directe, afin que rien n' y
échappe à la pénétration clu grand nombre de lecteurs qui n'o nt pas
assez de géllie pour démêl er l'âme de l'allégorie, du COl'pS qui l'e11-
veloppe. »
Ce volume comprend deux parties; dans la premiere, Robi nsoll
rentré dans la vie calme du foyer domestique, se livre à eles mécli-
tations suggérées par Ics péri péties de son exislence agit.ée; ces
réOexions sont empreintes el'une haute moralité et el'un profond sen-
timent religieux, dans Ie ge nre de cellcs-ci :
Page 301. - « Avouons, si l'on veut, que nous ne pouvons pas
comprendl'e l'immulabilité de la nalure et des actions de Dieu, ct
J{u'il nous est absQlull1ent impossible de la concilier avec cette va-
riété de la ProvicJence, qui, dans toutes ses actions, nous paralt
dans une liberLé entiêre et parfaite de former tous Ies jours de
nouveaux desseins, de tou r ncr les événemellts d'un tel et d 'ull
tel côté, comme il plait à la souveraine sagesse. Peut-on conclure
de ce que nous ne saudons concilier ces choses, qu'elles SOll t
absolumenl in compati bl es? 11 vaudrait autant soutcnir que la nalu i'C
de Dieu est cnticrement incompréhensible, pa.rce que nous nc la
comprenons pas, et que, duns la nature, tout phénomene ou nous
ne pénétrons point, est impénétrable. Ou est le philosophe qui l>~e
se vantcr de comprendre la cause qui f<tit tourner vcrs Ie põ!e une
aiguille airnantée, et la malliere dont la vertu mag; :étique est GO I1l -
muniquée par un simple atLouchemenl? Qui me dira pourquoi cellr,
vertu ne peutêtre communiquée qu'au fcr, et pourquoi I'aiguille ne
s'attache pas à 1'01', à I'argcnt et ailx autres métaux? Quel commerce
secret y a-t-i l entre I'aimant et le pôle du nord, et par quelle force
mystérieuse l'aigui:le qu'on y a frottée se tourne-t-elle du côlé du
- 281 -
pôle du sud, des qu'on a passé la ligne équinoxiale? Nous ne com-
prenolls rien à ces opération~ de la nature, cependant nos sens nous
assureot de la maniere du monde la plus incontestable, de la réalilé
de ces opératioos. A moios que de pousser le scepticisme jusqu'au
plus haut degré d'absurdité, nous devons avouer qu'il n'y a rien de
contradictoire dans ces phénom1mes , qlloiqu'il nous soit impossibIe
de les concilier ensembIe, et qu'ils sont campréhensibles, quoique
nous ne les comprenions pas.
« Pourqnoi notre sagesse ne nous engage-t-elle pas à suivre la
même méthode de raisonner par 1'apport ti l'objet de la question? II
cst natu1'el de croire que, malgré cette appa1'ence de cbangement
que nous découv1'::>ns dans les actes de la p1'ovidence, malgré ces
desseins qui paraissent se dét1'ui1'e muluellement, et s'éleve1' I'un SUl'
la ruine de l'autre, 1'ien n'est plus ce1'tain el pIus réel que I'immu-
talité de la nature et des décrets de Dieu. Qu'y a-t-iI de plus
lémél'aire que d'alléguer la faibl esse et la petite étendue de la raison
comme une preuve contre l'existence des choses? Rien n'est plus
bizarre que de raisonner juste SUl' les bornes de notre esprit, par
rapport aux objets finis de la phY3ique, et de ne point faire atten-
tion à la nalure de notre âme, quand il s'agit des opérations d'un
être infini, si supé1'iem à nos faibles lumieres.
u S'il est donc 1'aisonnable de croire que la Providence di vine est
libre dans ses actions, et que, di1'igée par sa p1'opre souveraineté, elle
suit, dans le cou1's ordinaire des choses humaines, ces méi hod es
qu'elle trouve à propos, c'est notre devoir de lier un commerce
étroit avec ceUe partie active de la providence, qui influe directe-
ment dans notre conduite, sans nous embarrasser l'esprit de vain-
nes discussions SUl' la maniere dont cctte pro \'iJence influe sur nos
afTaires, et sur le but quelle se propuse.
r En eotrant dans cette correspondance avec cette vertu aclive de
la sagesse de Dieu, nous devons en examiner les voies, autan t
qu'elles paraissent accessibles à notre pénéLration et à nos recher-
ches; nous devom; prêter la même altention ~L la voix secrele que j'ai
déj ~L cu soin de décrire, qu'à cette voix claire et forte qui nous
parle dans les événements les plus propres à nous frapp er.
« QUicollCJue ne se fai t pas une étude sérieuse de pén6trer dans le
sens de celte voix secrete qui s'oITl'c à son intention, se prive, de
propos délibéré, d'uo grand nombre de conseils utiles, et de fortes
consolations, dont il ~ent si souvent le besoin dans la carriere qu'il
dait courir dans ce monde.
- 282-
« Quelle consolation n' est-ce pas pour ceux qui écoutent celte voix,
de voir à chaque moment qu'un pouvoir in visible et infiniment puis·
sant se fait une occupation de les conserver et de ménager leurs
intérêts! Avec celte attention religieuse, il n'est pas possible de ne
pas s'apercevoir de cetle protection; il n' est pas possible de réflé-
chir SUl' les déli vrances inattendues qUi~ tout homme rencon tre
dans la variété des incidents de la vie humaine, sans voil' évidem-
ment qu'il ne le doit point à sa propre prudence, mais uniquement
au secours efficace d'une puissance infinie, qui le favorise parce
qu'elle l'aime. l)

- La seconde partie,intitulée: Visiondumondeangélique,contient


le récit de faits qui appartiennent plus particuliêrement à l'ordre ues
faits Spirites, et auxquels nous empruntons les passages suivants:
Page 359. - « L'Esprit qui apparut à Saü[ devait être à mal] avis
un bon Esprit, qu'on appelait l'ange d'un homme, comme il pal'alt
par ce que disait cette servante des Actes des Apôtres, en voyant
devant la porte Pierre sorti miraculeusement de la prison. Si I'an
prend la chose de t;ette maniêre, elle confirme mon idée, t0uchant Ic
commerce des Esprits purs avec les Esprits enfermés dans des corps
et touchant les avantages que les hommes peuvent retirer d'un tel
commerce. - Ceux qui prétendent que ce fut un mauvais Espl'it,
doivent supposer en même temps que Dieu peut se servir du diable
comme d' un prophête, mettre dans la bouehe du mensonge les \'é·
rilés qu'i! trouve bon de révéler aux hommes, et soulTrir qu'il prêche
aux transgresseurs de ses lois, la justice des châtimcnts qu'il a résolu
de leur infliger. J e ne sai:; pas de quel biais ces interpretes se servi-
raienl pour sauver tous les inconvénients d'une telle opinion; pOUI'
moi, je ne vois pas qu'il convienne à sa majesté divine de prêlel' !L
Satan son Esprit de vérité, et d'en faire un prédicateur et un pro-
phête. »
Page 365. - l(Les elfets les plus directs de notre commerce a\ec
les intelligences pures, et qui me paraissent si sensibles qu'íl est
impossible de les ni8r, sont : des songes, cerlaines voix, certains
bruits, des avertissements, des pressentiments, des appréhensio ns,
une tristesse involontaire.
Page 380. - II me semble que vous examinez ave c beaucoup
l(

d'attention la nature des songes et les preuves qu'on en peut tirer de


la réalité du monde des Esprits; mais dites-moi, je vous prie, ce
que vous pensez des songes qui nous viennent tout en veillant, trans·
parts, extases, visions, brllits, voix, pressentiments? Ne voyez·vous
pas que ce sont des preuves encore plus fortes de la mêmc vérité,
puisqu'elles nous frappent dans le temps que notre raison est mai-
- 28:1-
tresse d'elle-même, et que sa lumiêre n'est pas enveloppée des va-
peurs du sommeil ? II
Page 393. - «Jevisencore, comme d'un seul coup d'reil, la ma-
niere dont ces mau vais Esprits exercent leur pouvoir; jusqu'à quel
p,)int il s' étend, quels obstacles ils ont à surmonter, et quels autres
Esprits s'opposent à la réussite de leurs abominables desseins ...
« • •• Quoique le diable ait à son service un llombre infini de minis-
tres fideles, qui ne négligent rien pom exécuter ses projets, il n'y a
pas seulement un nombre égal, mai~ infiniment plus grand d' An ges
et de bons Esprits qui, armés d'un pou voir su périe ur, veillent d' un
lieu beaucoup plus élevé, sur sa conduite, et font tous leurs efforts
pour faire échouer ses machinations. Cette découverle fait encore
voir plus clairement qu'il ne saurait rien faire que par subtibilité et
par ruse, soutcnues d'une vigilance et d'une attention extraordinai-
res, puisqu'il a la mortification de se voir à tout moment arrêté et
traversé dans ses desseins par la prudente activité des bons Esprits,
qui ont le pouvoir de le châtier et de le mâtiner, comme un homme
fait à un méchant dogue qui guette les passants pour se j eter sur
eux. »
Page 397. _. « Les inspirations ne sont autre chose, à. mon avis,
que des discours qui naus sont imperceptiblemBnt so ufflés dans 1'0-
reille, ou par les bons anges qui nous favorisent, ou par ces diables
insinuateurs qui nous guettent continuellement paul' nous faire don-
ner clans quelque piégc. L'unique mam'lJre de distinguer les auteurs
de CeS discours , c' est de prendl'e gal'de à la nat ure de ces inspira-
tíons, et d'examiner si elles tendent à nous porter au bien ou au
mal. »
Page 401 . - « Il vaut infiniment mieux pour nous qu'un voile épais
naus cache ce monde invisible aussi bien que la conduite de la Provi-
dence par rapport à l'avenir. La bonté di vine parait même en ce que le
commerce des Esprits et les avertisse ment qu'ils nous donnent sont
eITectués d'une maniére allégorique par des inspirations et par des
songes, et non pas d'une maniere directe, claire, évidente. Ceux qui
souhaitent une vue plus distincte des choses futures, ne savent pas
ce qu'ils souhaitent, et, si leurs vecux étaient exaucés, ils trouveraient
peut-être leur curiosité cruellement punie. »
Page 408. - a Un matin qu'elle s'était réveillée, et qu'une foule
de pensées chagrinantes rentraient dans son esprit, elle sentit avec
force, dans son âme, une espece de voix qui lui disait : Ecrivez-leur
une lettre. Cette voix était si intelligible et si naturelle, que, si elle
n'avait pas été certaine d'être seule, elle aurait cru que ces paroles
avaient été prononcées par quelque créature humaioe. Pendant plu-
sieurs jours, elles lui furent répétées à chaque moment; enfin, se
- 284-
promenant dans la chambre ou elle s'était cachée, remplie de pensées
sombres et mélancoliques, elle les entendit de nouveau, et elle re-
pondit lout haut : A qui voulez-vous done que j'écrivc? Et la voix lui
réplíqua sur le champ : Ecrivez au juge. Ces mots lui furent encare
répétés à difl'érentes reprises, et la porterellt enfin à. prendre la
plume et à se mettre en état de composer une lettre, sans avair dans
l'esprit aucune idée nécessaire à son dessein; mais, dabitur in luec
hora, etc. Les pensées et les expressions ne lui manquercnt pas ;
elles coulerent de sa plume avec tant d'abondance et une si grande
facilité, qu'elle en fut dans le plns grand étonnement et qu'ellc en
conçut les plus fortes espérances d'un heureux succcs. »
Page 413. - « Ce qu'on peut pourtant s'imaginer lã -dessus de
plus raisonnable, e'est que ees Esprits nous donnent, dans ces occa-
sions, toutes les lumieres qu'ils sont en état de nous donner, et qu'ils
nous disent ce qu'ils savent, ou du moins tOllt ce que leu!' mailrc et
le nôtre leur permet de nous communiquer. S'ils n'avaient pas llll
dessein réel et sineere de nous favoriser et de nous garantir du
malheur qui nous pend sur la tête, ils 11e na% diraient rien dn toút,
et, par conséquent, si leurs avertissements ne sant pas plus étcadus
et mieux dévelappés, il est certain qu'il ne dait pas être en leur POIl-
voir de naus en donner de plus utiles .•
Page 41.6. - u Puisque nous sentons des pressentiments qui sont
vérifiés par l'expérience, il füut de nécessité qu'il y &it des K,pritsins-
Lruits de l'avenir; qu'i! yait un séjour pour Ies Esprits OÚ les choses
futures se développent à leur pénétratian, et que naus ne saurions
mieux faire que d'ajouter foi aux nauvelles qui naus viennent de I ~.
Le devoir de prêter atLention à. ces pressentiments n'est pas la seule
conséquence qu'an puísse tirer de cette vérité; il y en a d'antres qui
peuvent nous être d'une utilité tres considérable :
~ 1 Elle nous e.rplique la nature du monde des ESjJl'Íls et nous
0

pl'ouve la certitude de notre âme apres la m01't~·


«2° ElIe naus fait voir que la direction de la Providence, par rap-
port aux hommes et aux événements futurs, n' est pas aussi cücbée
aux habitants du monde spirituel qu'elle 1'est à nous;
«3" Nous en pouvons conclure que la pénélration des Esprits déga-
gés de la matiere est d'une bien plus grande étendue que celle des
Esprits rcnfcrmés dans des corps, puisque les premiers savent ce qui
doit nous arriver, lorsque naus l'ignaral1s nous-mêmes.
« La persuasion de l'existence du mondedesEsprits nous peut êlre
utile de plusieurs manieres différentes. Nous sornmes les maltres
surtout de tirer de grands avantagcs de la certitude ou naus sommcs
qu'ils savent dévoil el' I'avenir, ot nous communiC(uer les lumiôl'es
qu'ils ont lil-d cssus, d'une manierc qui naus fait veiller à notre con-
- 285-
duite, éviter des malheurs, songer à, nos intérêts et même attendre la
mort d'une âme ferme et d'un esprit préparé à la recevoir ave c
constance et avec une fermeté chrétienne. Ce serait aussi un moyen
SUl' d'étendre la sphere de nos lumieres et de nous faire raisonner
avec justesse sur la véritable valeur des choses.
Page 427. - (( Si 1'011 faisait un semblable usage (repentir et
réforme d'une mauvaise conduite) des apparitions réelles du diable,
je suis convaincu que ce serait le moyen de le chasser pOUl'
jamais du monde invisible. II est tres naturel de croire qu'il nous
rendrait des visites fort ral'es, s'il était persuadé, par son expérience,
qu'elles nous porteraient à,la vertu,bien loin de nous faire donner dans
des piéges; du moins, ne viendrait-il jamais nous voir de son propre
mouvement, et il faudrait une force supérieure pour l'y détermin er. »
Page 457. - « Ma conversion vient d irectemenl du ciel. La lumiere
qui environna saint Paul sur le chemin de Damas ne le frappa point
plus vivement que celle qui m'a ébloui. 1\ est vrai qu' elle n'était pas
acco mp agnée p::tr quelque voix du ciel, mais je suis SUl' qu'une voix
secrete a pal'lé efficacement à mon âme; elle m'a fait comprendre que
j'étais exposé àla colere de ce pouvoir, de cette majesté, de ce Dieu
que j'ai renié aupal'avant avec toute l'impiété imaginable. »
Page 462. - «En un mot, des acciclents pareils sont d'une grande
forc e pour nous convaincre de l'influence de la Providence divine
dans les affaires humaines, quelque petites qu' el Jes soient en appa-
rence, de l'existence d'un monde invisible, et. de la réalité du com-
merce des intelligences pures avec les Esprits enfermés dans des
corps..l'espere que je n'amai den dit sur celte matiel'e délícate, qui
soitpropre à, faire donner mes lecleurs dans dcs fantaisies absur-
dcs et l'idicules. Je puis protester du moins que je n'en ai pas eu le
dessein, et que mon íntention a été uniquement d' exci :er dans le coour
des bommes des sentimp-nts r p-spectueux pour la divinité et de la do-
cilité pour les avertissemenls des bons ES]Jl'its qui s'intéressent à ce
qui nous regar de. »
Remarque. - II Y a bientôt un siecle que Daniel de Foe, l' auteur
de Robinson, é~rivait ces choses qu'on dirait empruntées, jusqu'aux
cxpressions, à la doctl'ine spirite moderne. Dans une seconde com-
munication donnée à la Société de Paris, à, la suite de la lecture de
ces fragments, íl a expliqué ses croyances SUl' ce point en disant qu'il
appartenait à la secte des théoslJ]Jhes, secte qui, en effet, professait
ces mêmes príncipes. Pourquoi donc cette doctríne n'a-t ·elle pas pri
alors 1'ex tcnsion qu'elle a aujourd'hui? A cela, il ya plusieurs rai-
sons: 1 0 les tbéosophes tenaienL leurs doctrin es presque secretes;
.20 I'opiníon des masses n'était pas mure pom se les assimiler; 3° il
fallait qu'une succession d'événements donnât un autre c.ours aux
- 286-
idées; 4° il fallait que l'incrédulité préparât les voies, et que, par
son développement, elle fit sentir le vide qu' elle creuse sous les pas
de l'humanité, et la nécessité de quelque chose pour le combler ;
5° enfin, la Providence n'avait pas jugé qu'il fUt encore temps de
rendre générales les manifestations des Esprits ; c' est la généralisation
de cet ordre de phénomenes qui a vulgarisé la croyanee aux Esprits,
et la doetrine qui en a été le corollaire.
Si les manifestations fussent restées le privilége de quelques indi-
vidus, le Spiritisme ne serait pas encore sorti du foyer ou il aurait
pris naissance ; iI serait encore, pour les masses, à l' état de théorie,
d' opinion personnelle, sans consislance; c' est la sanction pratique
que, d'un bout du monde 3. l'autre, et presque instantanémenl, cha-
cun a trouvé dans les manifestations, provoquées ou spontanées, qui a
vulgarisé la doctrine, et lui donne une force irrésistible, en dépil de
eeux qui la combattent.
Bien que les théosophes aient cu peu de retentissement et soient
à peine sortis de l'obseurité, leurs travaux n'ont pas été perdus p OUI'
la cause; ils ont sem é des germes qui ne devaient fructifier que plus
tard, mais qui ont formé des hommes prédisposés à l' acceptation des
idées spil'ites, ainsi que l' a fait la secte des swedenborgiens, et plus
tard celle des fourriéristes. 11 est à remarquer que jamais une idée un
peu grande ne fait une irruption brusque dans le monde. Souvent elle
lance ses ballo:1s d'essai plusieurs siecles avant son éclosion défini-
tive; e'est le travail de l'enfantement.

N otioe bibliographique
Dieu dans la nature
P AR C AM I LLE F L AM M A RI ON (1)
Apres avoir traité, comme on lesait, au point de vue de la science,
la question de l'habitabilité des mondes, qui se lie intimement au
Spirilisme, M. Flammarion aborde aujourd'hui la d émonstration d'une
autre vérité, la plus eapitale sans contredit, cal' c'est la piel're angu-
Jaire de I' édifice social, cclle aussi sans laquelle le Spiritisme n' aurait
pas sa raison d'êlre : L' existence de Dieu. Le ti tre de son ouvrage :
Dieu dans la nature, en résume toute l'économie ; il dií tout d'abord
que ce n'est pas UH livre liturgique, ni mystique, mais philosophique.
Du scepticisme d'un grand nombre de savants, on a conclu à tOft
que la science, par elle-même, est athée, ou conduit fatalement 11
l'athéisme; c'est une erreur que M. Flammarion s'atlache à réfuter,
en démontrant que si les savants n'ont pas vu Dieu dans leurs re-
cherches, c'estqu'i1sn'ont pas voulu le voir. Tous les savants, d'ail-
(1) Un fort volume in-12. Prix," fr. Paris, Didier et Comp., quai des Grands-Au-
gustins, 35.
- 287-
Jeurs, sant loin d'être alhées, mais on confond souvent Je scepticisme
à l'endroit des dogmes particuliers de tel ou lei culte avec l'alhéisme.
M. Flammarion s'adresse spécialement à la classe des philosophes
qui funt ouvertement profession de matérialisme.
« L'iJomme, dit-i1, porte en sa. nature une si impérieuse nécessité
de s'arrêter à une cOllviction, particulierement au poillt de vue de
I'existence d'un ordonnateur du monde et de la des tinée des êtres,
que si nulle foi ne le salisfait, il a besoin de se démuntrer que Dieu
n'existe pas, et cherche le repos de son âme uans l'alhéisme et la
doctrine du néant. Aussi la question actuelle qui nous passionne
n'est-elle plus de savoir quelle est la forme du Créateur, le caractere
de la médiation, I'influence de la grâce, ni de discuter la valeUl' des
argumenLs th éologiques : la véritable question est de savoir si Dieu
existe ou s'il n' existe pas. »
Dans ce travail, l'auteur a procédé de la même maniere que dans
sa Pluralité eles mondes Itabités, il s'est placé sur le terrain même de
ses adversaires. S'il eut puisé ses arguments dans la théologie, dans
le Spi ritisme ou dans des doclrines spiritualistes quelconques, il aurait
posé des pl'émisses qui eussent été rejetées. C'est pourquoi il prend
celle des négateurs et démontre, par les faits mêmes, qu'on arrive à
une conclusion diamétralement opposée; il n'invoque pas de nou-
vcaux arguments controversables ; iI 11e se perd pas dans las nuages
de la mélaphysique, du subjectjf et de l'objectif, dans les arguties de
la dialectique; il reste sur le terrain dn positivisme; il combat les
athées avec leurs propres armes; prenant un à un leurs arguments,
illes détruit à l'aide de la science même qu'ils invoquent. 11 ne s'ap-
puie pas SUl' I'opinion des ho mmes ; son autorité, c'est la nat ure et
il y montre Dieu en tout et partout..
a La nature expliquée par la science, dit-il, nous l'a montré dans
un caractere partieulier. 11 est là, visible, commc la force intime de
toutes choses. Nulle poésie humaine ne nous a paru comparablo iL la
vérité naturelle, et le verbe éternel nous a parlé avec plus d'élo-
quence dans les muvres les plus modes tes de la nature, que l'homme
dans ses chants les plus rompeux. »
Nous avons dit los molifs qui ont engagé ;.\1. Flammarion à se pla-
cer en dehors du Spiritisme, et nous ne pouvons que l'approuver; si
quelques personnes pensaient que e'est par antagonisme pour la
doctrine, il suffirait, pour les désabuser, de citeI' le passage suivant:
« No us pourrions ajouler, pour c\ore le chapitre de la personnalité
humaine, quelques réflexions SUl' certains sujets d'étude encore mys-
tér:eux, mais non insignifiants. Le somnambulisme naturel, le ma-
gnélisme, le Spiritisme, ofTrent aux expérimentateurs sérieux qui
savent les examineI' scientifiquement dos faits caractéristiques qui
suffiraient pour démonLrer l'insuffisance des lhéories matérialisles.
- 288-
II cst triste, lIOUS l'avollons, pour 1'observateur consciencieux, de voi!"
le charlatanisme éhonté glisser son avidité perfide en des causes qui
devraient être respectées; il est triste de constater que quatre-vingt-
dix-neuf faits SUl' cent peuvent être fau x ou imités; mais un seul fait
bien constaté déjoue toute5 les négations. Or, quel parti prennent
certains doctes personnages devant ces faits? I1s les nientsimplement.
« La science ne d'Jule point, dit en particulier M. Buchner, que tOU5
« les cas de prétendue clail'voyance nesoient des eiTets de jonglerie et
" de collusion. La lucidité est, par des raisons naturelles, une impossi-
« bilité. 11 est dans les lois de la nalure que les ciTels des sens soient
u bornés à certaines limites de l' espace qu'ils ne peu vent franchir. Pu-
u &onne n'ala faculté de deviner les penséesni de voir avec les yeux
cc fermés ce qui se passe autour de lui. Ces vérités sont basées sur des
« lois nalurellcs qui sont immuables et sans exceptions. )}

« Eh ! 1l10nsieur le juge, vous les connaissez donc bien, les lois na-
turelles? Heureux homme! Que ne succombez-vous sous l' exces de
votre science! Mais quoi? Je tourne deux pages, et voici ce que
je lis :
« Le somnambulisme est un phénomene dont malheureusement
« nous n'avons que des observations tres-inexactes, quoiqu'il fUtàdé-
« sirer que nous en eussions des notions précises à cause de son impor-
« tance pOUI' la science. Cependant, sans en avoir des données certaines
« (écoutez!), on peut reléguer parmi les (ables tous les faits merveil-
« leux qu'on raconte des somnambules. 11 n'est pas donné à un som-
/( nambule d'escalader les murs, etc. » Ah! monsieur, que vous rai-
~ sonnez done sagement! et que vous auriez bien fait, a vant d' écrire,
« de savoir un peu ce que vous pensez! »
Un compte rendu an alylique de l'ouvrage exigerait des dévelop-
pements que le défaut d'espace nous interdit, et serait d'aill eurs su-
pedIu. 11 nous suffisait de montrer le point de vue ou s' est placé l'au-
teur pour en faire comprendre l'utilité. Réco ncilier la science avec
les idées spiritualiEtes, c'est aplanir leE voies de Eon alliance avec le
Spiritisme. L'anteur parI e au nom de la science pure et non d'une
science fantaisiste ou superficielle, et il le fait avec l'autorité que lui
donne son savoir personnel. SOI1 livre est un de eeux qui ont une
place marquée dans les bibliotheques spirites, cal' c'est une mono-
.qraphip d'une des parties constituantes de la doetrine, ou le eroyant
trouve à s'instruire aussi bien que 1'incrédule. Nous aurOllS plus
d'une fois l'oceasion d'y revenir.
ALLAN KARDEC.

Pari$. - Ty p. de Rouge freres . DUllOII ~t l' l' ~ sll é . rue du Foul' ·Saint·Gerwain, '43,
REVUE SPIRITE
JOURNAL

iO e ANNÉi<:. No 1.0. OCTOnUE f867

Le Spiritisme partout
A propos des poésies de M. Marteau.
C'est une choso vraiment curieuse de voir ceux mêmes qui re-
poussent le nom du Spiritisme avec le plus d'obstination, en semer
les idées ~L profusion. Il n'est pas de jour ou, dans la presse, dans les
reuvres littéraires, dans la poésie, dans les discours, dans les ser-
'llons même, on ne rencontre des pensées appartenant au plus pur
Spiritismc. Demandez à ces écrivains s'ils sont Spiriles, ils répon-
dront avec dédain qu'i1s s'en garderaiellt bien; si vous leur dites
que ce q'l'ils ont écrit est du Spiritisme, i1s répondront que cela ne se
peut pas, parce que ce n'est pas l'ltpologie des Davenport et des
tables tournantes. Pour eux, tout le Spiritisme est là, ils n'en SOI'-
tent pas, et l1'en veulent pas sortir j ils ont prononcé : leur jugement
est sans appel.
lls seraient bien surpris, cependant, s'ils savaient qu'ils font à
chaque instant du Spiritismc sans le savoir, qu'ils le coudoient sans
se douter qu'ils en sont si pres! Mais, qu'importe le nom, si les iclées
fondamentales sont acceptées! Que fait la forme de la charrue,
pOllrvu qu'elle prépare le terrain? Au lieu d'arriver toul d'une piece,
I'idée arrive par fragments, voilà toute la différence; 01', quand plLw
tard, on verra que ces fragments réunis ne sont autre ehose que le
Spiritisme, on reviendra forcément SUl' l'opinion qu'on s'en était
faite. Les Spirites ne sont pas assez puérils pour atlacher plus d'im-
portance au mol qu'à la chose; c'est pourquoi ils se félicitent de voü'
leurs idées se répandre sous une forme quelconque.
Les Esprits qui conduisent le mouvement, se disent : Puisqu'ils ne
veulent pas de la chose sous ce 110m, nous allolls la lem faire accep-
- 290-
ter en détail sous une autre forme; se crúyant les inventeurs de
l'idée, ils en seront eux-mêmes les propagateurs. Nous ferons comme
avec les malades qui ne venlent pas de certains remMes, et qu'on
leurfait prendre sans qu'ils s'en doutent, en en changeant la couleur.
Les adversail'es connaissent en général si peu ce qui constitue
le Spiritisme, que nous mettons en fait que le Spirite le plns fervent,
qui ne serait pas connu pour tel, pourrait, à l'aide de quelques pré-
cautions oratoires, et ponrvu surtout qu'il s' abstint de parl er des
Espríts, développer les principes les plus essentiels de la dodrine, et
se faíre ll.pplaudir par ceux mêmes qui ne lui eussent pas laissé
prendre la parole, s'il se rut présenté comme adepte.
Mais d'ou viennent ces idées, puisque ceux qui les émettent ne les
únt pas puisées dans la doctrine qu'ils ne connaissent pas?
Nous l'avons déjà dit plusieurs fois : lorsqu'une vérité est arrivée à
terme, et que l'espl'it des masses est mur pour se I'assimil er, ['idée
germe partout ; elle est dans I' air, portée SUl' tous les points par les
courants fluidiques; chacun en aspire quelques parcelles, et les émet
comme si elles éta.ient écloses dans son cerveau. Si quelques-uns
s'inspirent de I'idée spirite sans oser I' avouer, il est certain que chez
beaucoup elle est spontanée. Or, le Spiritisme se trouvant être la co 1-
lectivité et la coordination de ces idées partielles, par la force des
choses il sera un jour le trait d'union entre ceux qui les pro-
fessent; c' est une question de temps.
Il est à remarquer que lorsqu'une idée doit prendre rang dans
l'humanité, tout concourt à lui frayer la voie; il en est ainsi du Spi-
ritisme. En observant ce qui se passe dans le monde en ce moment,
los événements grands et petits qui surgissent ou se préparent, il
n'est pas un Spirite qui ne se dise que tout semble fait expres
pour aplanir les difficultés et facilite r son établissement; ses adver·
saires eux-mêmes semblent poussés par une force inconsciente à
déblayer la route, et à creuser un abime sous leurs pas, pOUl' mieux
faire sentir ia nécessité de le combler.
Et qu'on ne croie pas que les conlraires soient nuisibles; loin de
là. Jamais l'incrédulité, l'athéisme et le matérialisme, l1'Ol1t plus hal'-
diment levé la tête, et affiché leurs prétentions. Ce ne sont plus ues
opinions pel'sonl1elles, respeclables comme tout ce qui est du ressort
d e la cO llscic nce intime, cc 80nt des doclrines que 1'on veut il11po ~ ei' ,
et h 1'aide de squelles 011 prétend gouverner les hommes malgré eux.
L' exagération ll1ême de ces doct.rines en est le remede, cal' on se
demande ce que serait la société , si jamais elles venaienl à préva.
- 291 -
loiro II fallait cette exagération pour mieux faire comprendre le
bienfait des croyances qui peuvent être la sauvegarde de l'ordre
social.
Mais aveuglement étrange ! ou pour mieux dire, avellglement pro-
videntiel ! ceux qui veulent se substituer à ce qui existe, comme ceux
qui velllent s'opposer aux idées nouvelles, au moment ou les plus
graves queslions s'agitent, au lieu d'attirer à eux, de se concilier les
sympathies par la douceur, la bienveillance et la persun.sion, sem-
blcnt prendre à tâche de tout faire pour inspirer la répulsion; ils ne
trouvent rien de mieux que de s'imposer par la violence, de compri-
mer les cOIlsciences, de froisser les convictions, de persécuter. Sin-
gulier moyen de se faire bien venir des populatiol1s !
Dans l' élat actuel de notre monde, la persécution est le baptême
obligé de toute croyance nouvelle de quelque valeur. Le Spiritisme
recevant le sien, c'est la preuve de l'importance qu'on y altache.
Mais nous le répétons, tout cela a sa raison d'être et SOI1 utilité: il
faut qu'il en soit ainsi pOUl' préparer les voies. Les Spirites doivent
se considérer comme des soldats SUl' un champ de bataille; ils se
doivent à la cause, et ne peuvel1t atlendre le repos que lorsque la vic-
toire sera remportée. Heureux ceux qui auront contribué à la vic-
toire au prix de quelques sacrifices !
Pour I'observateur qui contemple de sang-froid le travail d'enfan-
tement de l'idée, c'est quelque chose de merveilleux de voir com-
ment tout, même ce qui, au premier abord, parait insignifiant ou
contraire, converge en définitiv e vers le même but; de voir la di-
versité et la multiplicité des ressorts que les puissances invisibles
mettent en jeu pour atteindre ce but; tout leur sert, tout est utilisé,
même ce qui nous semble mauvais.
1\ n'y a donc pas à s'inquiéter des flu ctualions que le Spiritisme
peu! éprou ver dans le conflit des idées qui sont en fermentat.ion;
c'est un effet de l'effervescence même qu'il produit dans l'opinion,
ou i! ne pellt rencontrer partout des sympathies; il faut s'attendre
à ces fluctllations jusqu'à cc que l' équilibre soit rétabli. En atten-
dant, l'idée marche, c'est. l'essentiel; et, comme nous l'avons dit en
commençant, elle se fait jour par tous les pores; tous, amis et
ennemis, y travaillent comme à l'envi, et il n'est pas dou!eux que
sans l'active coopération invalontaire des ad vcrsaires, les progres
de la doctrine, qui n'a jamais fait de réclames paur se faire connaitre,
n'auraient pas été aussi rapides.
On croit étouffer le Spiritisme en proscri vant le nom; mais com me
- 292-
il ne consiste pas dans les mols, Ei on lui ferme la porte à cause de
scm nom, il pénetre S'JUS in forme impalpable de l'idée. Et ce qu'il ya
de curicux, c'est que beaucoup de ceux qui le rcpoussent ne le con·
naissant pas, ne voulant pas 1e connaitre, ignorant, par conséquent,
son but, ses tendances et ses principes les plus sérieux, acclament
certaines idées, qui parfois sont les leurs, sans se douter que souvent
elles font partie essen tielle et intégrante de la doclrine. S'ils le
savaient il est probable qu'ils s'abstiendraient.
Le seul moyen d'éviter la méprise &erait d'étudier la do~trine à
fond pour savoir ce qu'elle dit et ce qu'elle ne dit pas. Mais alors
surgirait un autre embarras: le Spiritisme touche à tant de questions,
les idées qui se gl'Oupent autour de lui sont si multi pIes, que si I'on
voulait s'abstenir de parler de tout ce qui s'y raUache, on se trouve-
rait souvent singulierement empêché, et souvent même arrêté dans
les élans de ses propres inspirations; cal' on se convaincrait, par
ceite étude, que le Spiritisme cst CI1 tout r,t partout, et I'on serait
surpris de le trouver chez les écrivains lcs plus accrédités; bicn plus,
on se surprendrait soi-même à en raire ell maintes circollstances,
sans le vouloir; 01', une idée qui devient le patrimoine commlln est
impérissable.
Nous avons plusieurs fois déjà reproduit les pensées spirites que
l' 011 trollve à profusioll dans la pressc et les écrits de tous gent'es,
et nous continuel'ons à le faire de temps en temps sous ce titre :
le Spiritisme partou!. L'article suivant vient surtout [L l'appui des
réflcxions ci -dessus; il est. extrait du PlwJ'e de la lVlanclw, journal de
Cherbourg, du 18 aout 1867.
L'auteur y rend compte d'un recuei! de poésies de M. Amédée
.&larteau (I), et tL ce sujet il s' ex prime ainsi :
(r Il y a denx mille ans, qllelque temps avant l'établissement clu
Chl'istianisme, la caste sacel'dotale dcs druides enseignait à ses
adeptes une doctrine étrange. Elle disait : Aucun être ne tinira
jamais; mais tons les êtres, excepté Dien, ont commencé. Tout être
est créé au plus bas degré de l'existence. L'âme est d'abol'd sans
conscience d'elle-même; soumise aux lois invariables dn monde phy-
sique, esprit esclave de la matiet'e, force latente et obscure, elle
monte fatalement les degrés de la nature inorganique , puis de la
nature organisée. Alors l'éclair tombe du deI, l'être se connait, il
est bomme.
cc L'âme humaine commence dans un demi-jour les épreuves de

(I) Espoil's et Soul\en il's, chez Hacliette, 77, Loulevard Saint-Germain.


- 293-
son libre arbitre; elle se fait à elle-même sa destinée, ellú avance
d'existence en existence, de transmigration en transmigration, par
la délivl'ance que lui donne la mort; ou bien, elle tourne SUl' elle-
même, elle retombe d'échelon en échelon, si elle n'a pas mérité de
s'élever, sallS qu'aucune chute, néanmoins, soit à jamais irrépa-
rable.
« Lorsque l'âme est arrivée au plus haut point de science, de
force, de vertu dont la con dilion humaine est sllsceptible, elle échappe
au cerc\e des épreuves et des transmigrations, elle attein t le terme
du banhem : le ciel. Une fois parvenu l~ ce terme, ['bommo ne
retombe plus; il monte toujours, il s' éleve vers Dieu par un pl'ogres
éterncl, sans toutefois jamais se confondre avec lui. Bicn loin de
perc1re dans le ciel son activité, son individualité, c'est là que chaque
âme cu acquiert la pleine possessioll, avec la l1lémoire ele tous les
états antérieurs par lesquels elle a passé. Sa personnalité, sa nature
pJ'opre s'y dévcloppent de plus en plus distinctes, au fuI' et tL mesure
qu'elle gravit sur une échelle infinie, dont les degrés ne sont que des
accomplissements de vie qui ne sant plus séparés patO la morto
« Telle était la conception que le druidisme s'était faite de I' âmc
et de ses destinées. C'étaÍt l'idée pythago ricienne ag randie, devenue
dogme et appliquée à l'infini.
« CommenL ceUe opinion, apres avoir sommeillé tant de siecles
dans Ics limbes de l'intelligence humainc , se réveille-t-elle aujom-
d'hui ? peut-être a-t-elle sa raison d' être dans la révolution qui,
depuis Galilée, s'est opérée dans le systeme astronomique; pe ut-être
doit-elle sa ré::mrrection aux séduisantes perspecti ves qu' elIe présente
aux rêveries des philosophes et des penseurs; ou enfin, à cette cnrio-
i:i ité native qui pousse salls cesse l'homme vers l'inconnu.
Quoi qu'il en soit, Fontenelle est le premier dont la plnme spiri-
tuelle a renouvelé ces qucstions dans 5011 charmant badinage SUl' la
pluralité des mondes.
« De l'h abitabi!ité des mondes à. la transmigration des âmes la
pente est g!issante, et 110tre siêcle s'y est laü:sé entrai nel". II s'est
emparé de cetle idée, et, l'étayant SU l' l'astronomie, il essaye de
l'élever à la hauteur d'une science. Jean Reynallcl l'a développée,
sous une forme magistrale, dans Ciel et Terre; Lamen nais l'adopte
et la généralise dans l' Esquisse d'uile pltilosopltie; Lamal'tille et
Hugo la préconisent ; Maxime Ducnmp I'a popularisée dans un roman;
Flammarion a publié un livre en sa faveur; et enfln , .M. Amédée
Marteau, dans une ceuvre poétique, que nous avons lue avec le plus
- 294-
vif iniérêt, rcvêt dcs cou! curs de sa palette séduisanle celte Vasle ct
magnifique utopie.
« M. Marleau est le paNe de I'idée nouvelle ; il est un croyant cn-
thousiaste et dévoué de la transmigration des âmes dans les corps
célestcs, ct il faut convenir qu'il a réussi à trailer de main de maitre
ce splendide sujet. Dieu, l'homme, le tem ps, l'espace sonl. les inspi-
rateurs de sa muse. Ablmes vertigineux, élévations illcommensu-
rab\cs, rien ne l'arrête, ri en ne l'eíTraye. II se joue dans I'ímmensité,
il côLoie sans pâlir les rivages de l'infini. Il voyage dans les aslres,
comme un aigle sur les hautes cimes. II décrit dans un langage har-
monieux, avec une précision mathématique, leurs formes, leur
marche, leur couleur, leul's contours. »
Apres avoÍl' cité un fragm ellt d'une des odes de ce recueil, I' auteur
de l'arlicl e ajoute :
« M. Mal'lean n'est pas seulem ent Ull poete d'une haute distinc-
I.ion, il cst, de plus, un philosophe et Ul1 savant. L'astronornie lui
est familiere ; il émaille sa poé:;ie avec la poudre d'or qu'il fait tomber
des spheres sidérales. Nous ne saurions dire ce qui nous a le plus
captivé, ou de l'intérêt de la diction, ou de l'originalité de la pensée.
Tout cela s'agence, se coordonne d'une maniere si nette, si cJaire,
si naturelle, qu' on demeure comme fasciné sous le charme.
«Nous ne connaissons pasMo Ma rteau ; mais nous pensons CJue si,
pour composer un liue comme celni-ci, il faut être doué d'un grand
talent) il faut aussi être doué d'un grand creur; car, dans cet auteuI',
túut respire l'amour de I'homm e et l' amour de Di eu.
« Aussi ne pouvons-nous trop engager tous ceux que n'absorbclll
pas les soucis et les intérêts matéríels à jeter un coup d'mil SUl' les
reuvres de M. :Marteau. ll s y trouveront des consolations el dcs espé·
rances, sans compter les jouissances intell ectuelles que fail. épl'OlIl'er
la lecture d'une poésie généreuse, riche de conception s, idéale, et
destinée, nous n' en doutons pas, à un brillant succes. »
DIGARD.
L'exposé de la doctrine druidique SUl' les destinées de J' ftme, par
lequel débule I'artícle, est, comme on le voit, un résumé complet de
la doctrine spirite sur le même suj et. L'auteur le sait-i1? 11 est per-
mis d'en douter, autrement il serait étrange qu'il se fUt abstenu de
citer le Spirilisme, à moins qu'il n'ait craint de lui faire une parl clans
les éloges qu'il prodigu e aux idées de J'auteur. Nous ne lui feron
pas J'injure de lui suppo ~e r cetle puérile partialilé; nous aimons
donc mieux croire qu'il en ignore jusqu'à l'cxistence. Quancl ii se
- 295-
demande: «Comment cette opinion, apres avoir sommeillé tant de
siecles dans les limbes de l'intelligence humaine, se réveille-t-elle
aujourd'hui?)) s'il avait étudié le Spiritisme, 1e Spiritisme lui
aurait répondu, et il aurait vu que ces idées sont plus populaires
qu'i! ne le eroit.
« M. Marteau, dit-il, est le poete de l'idée nouvelle; il est un
croyant enthousiaste et dévoué de la transmigration des âmes
dans les eorps célestes, et il faut eonvenir qu'il a réussi à trai ter de
main .de maitre ee splendide sujet. ) Plus loin, il ajoule: « Si, pour
composer un livre com me celui-ei, il faut être doué d'un grand ta-
lent, il faut aussi être doué d'un grand creur, cal', dans cet auteur,
tOllt respire l'amour de l'homme et l'amour de Diell. ) M. Marteau
n'est done pas un fou pour professer de pareilles idées? Jean Rey-
naud, Lamennais, Lamartine, Victor Hugo, Louis Jourdan, Maxime
Ducamp, Flammarion, ne sont done pas des fous pour les avoir pré-
conisées? Faire l'éloge des hommes, n'est-ee pas faire l'é10ge de
leurs principes? Etd'ailleurs, pellt-on faire un plus grand éloge d'lll1
livre que de dire que les lecteurs y puiseront des espérances et des
consolations? Puisque ces doctrines sont eelles du Spiritisme, n'est-
ce pas aceréditer cellcs-ci dans I' opinion?
Ainsi voilà un article ou I'on dirait que le nom du Spirilisme est
omis à dessein, et ou I'on acclame les idées qu'il professe sur les
points les pIus essentiels : la plllraIité des existenees el Ies destinées
de l'âme.

Madame Ia comtesse Adélalde de Clérambert,


Médium médecin.
Madame la comtesse de Clérambert hn.bitait à Saint-Symphorien-
sur-Coise , département de la Loire; elle cat morte il y a quelques
années dans un âge avancé. Douée d'une intelligence supérieure,
elle avait, dês son jeune âge, montré un gout particulier pour les études
médieales, el se complaisait dans la lectul'e eles ouvrages trailan t de
celte science. Dans les vingt de rniel'es allnées de sa vie, ell e s' était
cOllsacl'ée au soulagement de la souITrance avec un dévoÍlment tout
philanthropique et la pIus entiere abnégation. Les nombreuses gué.
rigons qu'elle opérait SlJ r eles perso nnes réputées incurabIes, lui
avaient falt une certaine réputatioD; mais, aussi modesle que chari-
table, elle n' en tirait ni vanité ni prufit.
- 296-
A 5es connaissances médicalcs acquises, dont elle faisait sans doute
usage dans ses traitements, elle joignait une faculté d'intuition qui
ll' était autre qu'une médiumnité inconsciente, car elle lraitait souvent
par correftJondance, et, salls avoir vu Ics malades, décrivait par-
faitement la maladie ; du reste, elle disait elle-même qu'elle recevait
des instructions, sans s' ex pliquer sur la maniere dont elles lui étaienl
transmises_ Elle avait eu maintes fois des manifestations malérielles,
tels que apports, déplacements d'objets et autres phénomenes de
ce geme, quoiqu'elle ne connút pas le Spiritisme. Un jour UI] de
ses malades lui écrivait qu'il lui était SUl'venu des abces, el, pour
lui el1 donner une idéc, cn avait taillé le patron SUl' une feuille ele
papier ; mais, ayant oublié de le joindre à sa ) ettre, cetle dame lui
répondi t par le retom du courrier: « Le patron dont vous m'an-
nonccz l'envoi n'éLant point dans votre lettre, j'ai pensé qu e c'élait
un oubli de votre part; je viens d'en trouver un ce matin duns 111011
tiroil', qui doit être parei! au vôtrc et que je vous adresse. » En efTet,
ce palro n reproduisait exactement la forme et la grandeur des abcc~.
Elle ne traitai(ni par le magnétisme, ni par J'imposition des mains,
ni par I'intervention ostensible de:; Esprits, mais par l'emploi de médi-
camentsque 1e plus souvent elle préparait elle-m ême, d'apres les indi-
cations qui lui étaient foumies. Su médication variait pour la même
maladie selon les indlvidus; elle n'avait point de recette secrete
d'une effic acité uni versell e, mais se gLlidait selon les circonstmces.
Le résllltat était quel quefois presquc instantané, et dans certains cas
11e s'obtenait qu' ap res un traitement suivi, muis toujours court rela-
tlvemen Lá la médecille ordinaire. El\ c a glléri radicalemcnt 1111 gra nel
110mbre d'épileptiques et de malades aLteints d'affections aigues Oll
chroniques abandonnés des médecins.
l\Ia.dame de Clél'ambert n' était donc point un Médium guéris~e Lll'
dans le sens attacb é à ce mot, mais un 1I1édium médecin. ElIe jouis-
sait d' une clairvoyance qui lui faisait vair 1e mal, et la guidait dans
l'ap plication des remedes qui lui étaient inspirés, secondée en outre
par la cOlll1aissance qu'el\e avait de la matiere médicale et SU1'tout
des propriétés des plantes. Par son dévoument, son désintéresse-
ment moral et matériel, qui ne se 80nt jamais démen tis, par son inal-
térable bienveillance pum ceux qui s'auressaielll, à elle, madame de
Clérambert, de même que l'abbé princc de Hoh enlohe, a du de con-
server jusqu'à la fin de sa vie la précieuse faculté qui lui avait été
accordée, et qu' el\e aurait sans doute vue s' affaiblir et disparaitre, si
elle n'e o.t pas persévéré dans le noble usage qu'elle en faisait.
- 297-
Sa position de fortuoe, sans êtl'e três brillante, était suffisante
pour ôter tout prétexte à une rémunération que\conque; elle Ile de-
mandait donc absolument rien, mais elle recevait des riches, rccon-
naissants d'avoir été guéris, ce qu'ils croyaient devoir donner, et elle
l'employait à subvenir aux besoins de ceux qui manquaient du né-
cessaire.
Les documents de la note ci-dessus ont été foumis par une per-
sonne qui a été guérie par madame de Clérambert, et ils ont été con-
firmés par d'autres personnes qui l'ont connue. Cette notice ayant
été lue à la Société spirite de Paris, madame de Clérambert fit la
réponse ci-aprê:o.

(Sociélé spirite de Paris, 5 avril 18G7. Méd. M. Dcslicns.)

Érocation. - Le récit que nous venons de lire nous donne llalu-


relIement le désir de naus enll'etenir avec vaus, et de vous compter
au nambre des Esprils qui veulent bien concourir à 110tre inslructian.
Nous espérans que vous voudrez bien vaus rendre à notre appel, et,
dans ce cas, nous prel1llrons la liberté de vaus adresser les questions
suivanles :
1 Que pensez-vous de la notice qu'on vient de lire et des réf1exions
0

qui I'accompagnent?
2° Quelle est I' origine de vatre gout inné pour les études mé-
dicales?
3 Par quelle vaie receviez-vous les inspirations qui vaus étaicnt
o

données pour le traitement des malades?


4° Pouvez-vous, comme Esprit, continueI' de rendre les services
que vaus rendiez comme incarnée, lorsque vaus seriez appelée par
un malade, à l'aide d'Ull Médium?
Réponse. - Jc vous remercie, mal1s\eul' le président, des paroles
bienveillantcs que vaus avez bien voulu pronancer à. man intention,
et j'accepLc valontiers l'éloge que vaus avez fait de mOll caractr~re.
11 est, je crois, l'expression de la vérité, et je n'aurai point l'orgucil
au la fausse madestie de le récuser. Instrument chaisi par la P rovi-
dence, sans doute à cause de ma banne volonté et de l' ap tilude par-
ticulJi~re qui favorisait l'exercice de ma facullé, je n'ai fait que mon
devoir ell me consacrant au soulagement de ceux qui se réclamaient
à mon secoUl's. Accueillie quelquefois par la recannaisi>ance, sauvcnt
par l'oubli, mon creur ne s'est pas plus enargueilli des suffrages des
- 298-
uns qu'il n'a souffert de I'ingratilude des autres, attendu que je su-
vais fori bien être indigne des uns et me meltre au-dessus des autres.
Mais c'est assez s'ocr:uper de ma persúnl1e; venol1s-en à la faculté
qui m'a valu I'honneur d'êlre appelée au milieu de cetle Société sym-
pathique, ou I'on aime à reposer sa vue, surtout lorsqu'on a été
comme moi el1 butte à la calomnie et aux attaques malveillantes de
ceux dont on a froissé les croyances ou gêné les intérêts. Que Dieu
leur pardonne comme je le fais moi-même !
Des ma plus tendre enfance, et par une sorte d'attrait naturel, je
me suis occupée de I'étude des plantes et de leur action salutaire SUl'
le corps humain. D'ou me venait ce gout ordinairement peu naturel
à múl1 sexe ? Je l'ignorais alors, mais je sais aujourd'hui que ce n'é-
tait pas la premiere foi s que la santé humaine était I'objet de mes plus
vives préoccupatiol1s : j'avais été médecin. Quant à la faculté parti-
culiere qui me permettait de voir à distance le diagtlostic des alTec-
tions de eertains malades (cal' je ne voyais pas pour tout le monde) ,
et de prescrire les médicaments qui devaient rendre la santé, eIle était
toute semblable à cel\e de vos Médiums médecil1s actuels; comme
eux, j' étais en ra pport a vec un être occulte qui se disait Esprit, et
dont l'influence salutaire m'a aidée puissamment à soulager les infar-
tunés qui se rédam aient à moi. 11 m'avait prescrit le désintéresse-
ment le plus complet, sous peine de perdre instantan émen t une
fac ullé qui faisait mon bonheur. Je ne sais pour quelle raison, peut-
êlre parce qu'il eut été prématuré de dévoiler I'origi ne de mes pres-
crjption~, il m' avait également recommandé, de la maniere la plus
form elle, de ne point dire de qui je (enais les ordonnances que j'a-
dressais á mes malades. Enfin, il considérait le désintéressement
moral, l'humilité et I'abnégation comme une des conditions essen-
tielles à la perpétuation de ma facuIté. J'ai suivi ses conscils et m'en
suis bi en trouvée.
Vaus avez raison, monsi eur, de dire que les médecins seront ap-
pelés un jour h jouer un rôle de même nature que le mien, lorsque
le Spirilisme aura pris l'inflLlence considérable qui le fera, dans
l'avenir, I'instrurnent universel dLl progres et du bonh eur des peuples !
Oui, cerbins mécleCÍns auront des facult és de cette nature, et pour-
ront renclre eles services d'autant plus grands que leurs connaisi'ances
acquises leU!' permettront plus facil ement de s'assimiler spirituelle-
ment les instrLlctions qui leur feront données. 11 est un fait que vaus
avez du remarquer, c'est que les ins(ructions qui traitent de sujets
spécinux E(;n t c] 'nutnl!t plus facilcment, et d'aulant plus largcment
- 299 -
développées, que les connaissances personnelles du Nlédium s~nt
plus rapprochées de la nature de celles qu'il est appelé à transmettre.
Aussi, je pOllfrais certainement prescrire des traitements aux ma-
lades qui s'adresseraient à moi paul' obtenir leur guérison , mais je
ne le ferais pas ave c la même facilité avec tous les instruments ; tan-
dis que les uns transmettraient facilement mes ordonnances, d' autres
ne pourraient le faire qu' incol'rectement ou incompl étement. Cepen-
dant, si mon concours j)eut vous être uLil e, en quelque circon-
stance que ce soit, je me ferai un plaisir de vous aiclel' dans vos tra-
vaux selon la mesure de mes connaissan ces, hélas! bien bornées en
dehors de certaines aLtributions spéciales.
AnELE DE CLÉlUMBEI1T.
R emarque, L'Esprit signe Arte/e , tandis que, de SOI1 viv ~ lll, elle
s'appelail AdéLaú!e; lui en ayant demandé la raison, ell e a rápondu
qu' AdNe était son véritable nom, et que ce n' élait que par un e ha-
bitude d'enfance qu'on l'appelait Adélaide.

Les Médecins-Médiums.
Madame la comtesse de Cl érambert, dont nous avons parlé dans
I'arlicle précédent, offrait une des variétés de la facult0 de guérir
qui se présenle sous un8 infinité d' as pects et de nuances appr0[l riées
aux aplitudes spéciales de chaque individu. Elle était, à no trc avis,
le type de ce que p ~ urrai e nt être beaucoup de médecins; de ce que
beaucoup seront sans doute quarld ils entreront dans la v0ie ele la
spiritualité que leur ouvre le Spiritisme, cal' beaucoup vcrront se
développer en eux tles facultés intuitives qui leur sero nt d'un pré-
cieux secours dans la pratique.
Nous I'avnns dit, et no us le répétol1!", ce serait une erre m de
croire que la médiumnité guérissante vient détrôll er la médecine et
les médecins; elle vient lem ouvrir unc nouvell e voie, leur mon irer,
dans la nature, des ressources et des forces qu'ils ignoraient , et dont
ils peuven Lfaire bén éficier la science et leurs malades ; leU!' prouver
en un mot qu'ils ne savent pas tout, puisqu' il y a des gc:ns qui, en
dehors de la science officielle, obtiennent ce qu'ils n'ob lielJIlellL pas
eux-mêmes. Nous ne faisolls donc aucun dou t0 qll'il n'y al t ün jour
des médecins -médiums, comme il y a des médiwns-médecins, qui, à
la science acquise, joindront le don de facultés médiani miques spé-
dales.
Sculement, commé ces facultés l1'Ol1t de valeur effective que par
l'assistance des Esprits, qui peuvent en paraIySCl' le!:! effets en reLil'ant
- 300-
leur concoUl'S, qui déjouent à leur gré les calculs de !'orgueil et de
la cupidité, il est éviàent qu'ils ne prêteront pas leur assislance iL
ccux qui les renieraient, et entendraient se servir d'eux secretement
au profit de leur propre réputation et de leur fortune. Comme les
Esprits travaillent pour l'hlJmanité, et ne viennent pas pour servir
les intérêts égolstes individueIs; qu'ils agissent, en tout ce qu'ils font,
en vue de la propagation des doctrines nouvelles, il leur fallt des
soldals courageux et dévoués, et ils n'ont que faire des poltrons qui
ont peur de I'ombre de la vériLé. tIs seconderont done ceux qui l1let-
tront, sans réticence et sans!arriere-pensée, leurs aptitudes au servicc
de la cause qu'ils s'efforcent de faire prévaloir.
Le désintéressement matériel, qui est un des attributs essentiels
de la médiumnité guérissante, sera-t-i! aussi une des conditions de
la médecine médianimique? Comment alors concilier les exigences de
la profession avec une abnégation absolue?
Ceci demande quelques explica!ions, cal' la POSitiOIl n'est plus In.
même.
La faculté du médium guérisseur ne lui a rien couLé; elle n'a
exigé de Iui ni étude, ni traváil, ni dépenses; ill'a reçu e gratuitement
poul' le bien d'autrui, il en doit user grntuitement. Comme il fallt
vivre avant tout, s'i! n'a pas, par lui-même, des ressources qui Ic
rendent indépendant, il doit en chercher les moyens dans son travail
ordinaire, comme iI l'elit fait avant de connaitre la médiumnité; il
ne donne à l'exerciee de sa faculté que le temps qu'il peut matérielle-
ment y consacrer. S'il prend ce temps SUl'"son repos, et s'i! emploie
à se l'endre utile à ses semblables celui qu'i! aurait consacré à des
distra.ctions mondain es, c'est du véritable dévofIment, et il n'en a
que plus de mérite. Les Esprits n'en demandent pas davantage ct
n'exigent aucun sacrifice déraisonnable. On ne pourrait considércr
comme du dévoúment et de l'abnégation l'abandon de son état pour
se livreI' à un travail moins pénible et plus lucratif. Dans la protec-
tion qu'i1s accordent, les Esprits, auxquels on ne peut en imposer,
savent parfaitement distinguer les dévouments réels des dévolt-
ments faclices.
Tout autre serait la po.-;ition des médecins-médiurris. La médecine
cst une des carriêres socialcs que l'on embrasse pour s'en faire un élat,
et la science médicale ne s'acquiert qu'à titre onéreux, par un labem
assidu souvent pénible; le savoir du médecin est done un acquis
personnel, ce qui n'est pas le cas de la médiumnité. Si, au savoir
humain, les Esprits ajoutent leur concours par le don d'une aptilude
- 301 -
médianimique, c'est pour le médecin un moyen de plus de s'éclairer,
d'agir plus surement et plus efficacement, ce dont il doit être recon-
naii'sant, mais iI n'en est [.las moins toujours médecin; e'est son état,
qu'ilne le quitte pas pour se faire médium; il n'y a donc rien de ré·
préhensible à ce qu'i1 continue d'en vivre, et cela avec d'autant plns
de raison que l'assistallce des E ~ prits est souvent inconsciente, intui-
tive, et que leur intervention se confond parfois avec I'emploi des
moyens ordinaires de guérison.
De ce qu'un médecin deviendrait médium, et serait assisté par les
Esprits dans le traitement de ses malades, il ne s'ensuivrait donc pas
qu'il dut renoncer à toute rémunération, ce qui l'obligerait à cher 4

cher en dehors de la médecine des moyens d'existence, et parle fait


à renoncer à son état. Mais s'il est animé du sentiment des oblíga-
tions que lui impose la faveur qui llli est accordée, iI sallra concilier
ses inlérêts avec les devoirs de l'humanité.
11 n'en est pas de même clu désintércssement mOl'al qui peut et
doit dans tous les cas être absolu. Celui qui, au lieu de voir dans la
faclllté médianimique un moyen de plns d'être utile à ses semblables,
n'y chercherait qu'une satisfaction cl'amour-propre; qui se ferait UH
mérite personnel des succes qu'il ubtienl par ce moyen, en dissimu-
lallt la cause véritable, manquerait à son premieI' devoir. Celui qui,
sans renier les Esprits, ne verrait dans leur concours, dircct ou indi-
rect, qu'un moyen de suppléer à l'insuffisance de sa clientele pro-
ductive, de quelque apparence philanthropique qu'il se COUVl'e aux
yeux des hommes, ferait, par cela mêmc, acte d' exploitation; dans
l'un et l'autre cas de tristes déceptions en seraient la conséquence
inévitable, parce que les simulacres et les faux-fuyants ne peuvent
abuser les Esprils qui lisent au fond de la pensée.
Nous avon:$ dit que la médiumnité guérissante ne tuera ni la mé-
decine ni lcs médecins, mais elle ne ,peut manqueI' de modifier pro-
fondémellt la science médicale. Il y aura sans doute toujours des
médiums guérisseurs, parce qu'il y eu a toujours eu, et que cette
faculté est dans la nature; mais ils seront moins nombreux et moins
recherchés à mesure que le nombre des médecins-médiums augmen-
tera, et lorsque la science et la médiumnité se prêleront un mutuel
appui. On aura plus de confiance dans les médecins quand ils seront
médiums, et plus de confiance dans les médiums quand ils seront
médecins.
On ne peut cOlltester les vertus curatives de certaines plantes et
autres substances que la Providence a mi5es sous Ia main de J' homme,
- 302-
en plaçant le remede à côté du mal; l'étude de ces propriétés est du
ressorL de la médecine. Or, comme les médiums guérisseurs n'agis-
sent que par I'influence fluidique, sans l'emploi de médicaments, s'ils
devaient uu jour supplanter la médecine, il eu résulterait qu'en
dotant les pl antes de propriétés curati ves, Dieu aurait fait une chose
inulile, ce qui u'est pas admissible. 11 faut donc considérer la mé-
diumnité guérissante comme un mode spécial et non comme un moyen
absolu de guérison ; le fluide, comme nu nouvel agent thérapeutique
applicable à certains cas ; et venant ajouter une nouvelle ressource à
la médecine; par conséquent, la médiumnité guérissante et la mé-
decine, comme clevant désorm ais marcheI' concurremment, destinées
à s'entr'aider, à se suppléer et à se compléter l'une par l'autre. VoiilL
pourquoi on peut être médecin sans être médium guérisseur, et mé-
dium guérisseur sans êlre médecin.
Alors pourquoi celte faculté se développe-t-elle aujourd'hui à peu
pres exclusi vement chez les ignorants plutôt que chez les hommes de
science ? Par la raison bien simple que, jusqu'à présênt, les hommes
de science la repou3sent; quand ils l'accepteront, ils la verront se
développer parmi eux comme parmi les autres. Celui qui la posséde-
rait anjourd'hui, irait-il la proclamer? Non; il la cacherait avec le
plns grand soin. Puisqu'elle serait inutile entre ses mains, à quoi
bon la lu! donner? autant vauclrait donn er un violon à un homme qui
ne sait pas ou ne veut pas eu jouer.
A cet état de choses, il y a un autre motif capital. En donn ant à
des ignorants le don de guérir des mau x que ne peuvent guérir les
savants, c· est pour prouver à ceux-ci qu'ils ne savent pas tout, et
qu'il y a des lois nalurelles en dehors de celles que reconnait la science.
Plus la distance enlre l'ignoranGe et le savoir est grande, plus le fait
est évident. Lorsqu'il se produit chez celui qui ne sait rien, c'est une
preuve certaine que le savoir humain n'y est pour rien.
Mais comme la science ne peut être un altribut de la matiere, la
conn a i ~Silnce uu mal et eles remectes par intuition, ainsi que la faculté
voyanle, ne peuvent être les attributs que de I' Esprit; elles prouvent
en I'hol1lme J'existence de l'être spirituel, doué de perception~ indé-
pendantes des organes corporels, et so uvent des connaissances ac·
qui8es antérieurernent, dans une précédenle existence. Ces phéno-
menes ont donc à la fois pour cOl!séquence cl'êLre uliles à l'humanité,
et de prouver l'exislence du principe spiriluel.
- 303-
Le caid Hassan, guérisseur tripolitain
ou la Bénédiction du sang.
Le fait suivant, publié dans le Tour du monde, pages 74 et sui-
vantes, est tiré des Promenades dans la Tripolitaine, par M. le baron
de Krafft.
« J'ai souvent pour guide et pour compagnon de promcnade dan~
mes courses hors de la ville, le cavas-bac!zi (cbef des janissaires) du
consulat de France, que le consul général a I'obligeance de mettre il
ma disposition. C'est un magnifiquc negre du OuadaY, baut de six
pieds, et qui, malgré sa barbe grisonnante, a conservé toute l'acti-
vité et toute l'énergie de la jeunesse. Le caYd Hassan n'est pas un
hommcdu commun : il a gouverné pendant dix-huit ans, au temps
des Caramanlys, la tribu des Ouercbéfâna, et nul n'a su mieux que
lui tenir en bride cette peuplade remuanle. Brave jusqu'à la témérité,
il a toujours défendu les inlérêls de ses adminislrés conlre les tribus
voisincs, et, au besoin, contre le gOllvernement lui-il1ême; mais, en
même temps, les siens ne pouvaient pas davantage se li \'rer à leurs
caprices, et l'on ne badinait pas avec la sévérité du cald Hassan.
Pour lui, la vie d'un homme était iL peine plus préciellse que celle
d'un mouton, et certainement on l' embarrasserait bien en lui deman-
dant lo nombre exact des têtes qll'il a fait tomber de sa main, tant sa
conscience est tranquillc à cet égard. Excellent hOll1me, du reste, et
tout dévoué au consulat qu'il sert depuis dix ans.
« Dans une de nos premieres sorties, je vis un groupe de eil~q ou
six femmes s'approcher de lui d'un aiI' suppliant. Deux d'entre elIes
avaient dans les bras de pauvres pelits enfants à la mamelle, dont le
visage, la tête ct le eou étaient eouverts d'une pia que dartreuse et
de emules purulentes. C'était afTreux et dégoutant à voir.
« - Notre pere, dirent les meres désolées au euYd Hassan, e'est
le prophete de Dieu qui t'amene aupres de notre maison, car nous
voulions aller à Ia ville pour te trouver et voilEL bien dix jours que
nous en attendons l'occasion. Le (jardoun (petit lezard blanc tres
inolTensif) a passe SUl' notre sein, et a empoisonné notre lait; vois
l'état de tes enfants, et gueris les pour que Dieu te bénisse.
«- Es-tu done médecin? dis-je à m0D compagnon.
«- Non, me répondit-il, mais j'ai la bénédiction du san!J sur les
mains, et quieonque l'a comme moi peut, comme moi, guérir eette
maladie. C'est un don naturel de tout homme dont le bras a coupé
quelCJues têtes. - Allons, les femmes, d;Jnnez ee qu'i! faut.
« Et aussitôt, une des meres pl'éS0nte au doeteur une poule
- :~04 -
blanch e, scpt reufs et trois pieces de vingt paras; puis, elle s'ur,crou-
pit à ses pieds, élevant au-dessus de sa têle le petit palient. Hus3an
tire gra.vement de sa ceinture son briqucl et sa pierfe à. fusil, comme
s'i! voulait allumer une pipe. B ismillah ! (au nom de Dieu!) dit·il, et
il se met à faire jaillir du silex de llombrcuses étincelles sur i'enfan;
malade, tout en récitunl le soumt-el-faté/ta, le premier chapitre dli
Coran.
« L'opération terminée, l'autre cnfant cut son tour, moyennant la
méme oO'runde, et les femmes partirent joyeuses apres avoir bai~~
respectueusement la muin qui venait de rendre la santé à lellrs fils.
« 11 parait que ma figure décelait clairement mon incrédulité, cal'
le caid Hassan, tOl1t en ramassant, pour les emporter, les honorail'es
de sa cure mervcilleuse, cria i ses clientes: «Nemanquez "pas de
venir dans sepl jours me présenler vos enfants à. Ia skifa du consu-
lato » (La slrifa est le vestibule exlérieur, la salIe d' atlente duns les
grandes mais0ns.)
«En eITet, ull e semuine plus lard, les pelites créatures me furent
représcntées; I'une était guérie complélemcnt, l'autre n'avait plus
que quelques cicatrices d'une apparence f01'1 salisfaisanle, indiquant
une guél'ison toutc prochaine. Je demeurai stupéfait, mais non con-
vaincu; cependant, plus de vingt expériences semblables m'ont de-
puis forcé de croire à l'incroyable vertu des mains bénies par Je
sang. »
Jl y a des gC11S quc les faits même les pIus patenls 11e peuvent con-
vaincre ; il faut toutefois convenir que, dans celui-ci, il esl logique-
ment permis de ne pas croire à I'cfficacité de lu bénédiction du sang,
obtenue surtout dans de telles condiLions, pas plus qu'à celle des
étincelles du briquet. Cependant le fait malériel de la guérison n'en
existe pas moins; s'il n'a pas celte cause, iI doit en avoir une autre;
si vingt expériences pareilles, à la connaissance du narl'aleul', sont
venues le confirmeI', ceLte cause ne peut être fortui1e, et doil procéder
d'un e loi; 01', cette loi n'est autre que la faculté guérissante dont
cet homme était doné. Dans son ign orance dn principe, i! altribuait
cette faculté à ce qu'il appelait la bénédiction uu sang, cl'oyance en
rapport avec les mreurs du pays ou la vie d'un homme est comptée
poul' rieo". Le briquet et les autres formules sont des accessoires qui
n'ont de valeur que dans son imagination, et qui servent sans doute,
par l'importa.oce Cju'il yattache, á lui donner plus de confiance en
lui-m ême, et, par suíte, à augmenler sa puissanee fluidique.
Cc fail souleve nalurellement une question de principe touchant le
- 30!) -
don de la faculté de guérir, et à laquelle répond la comml1nieation
sllivante donnée à ce sujet.
(Société de Paris, 23 f.ivri er 1867, méd . M. Dcslicns.)

011 s'étonne quelquefois, ave c une apparence de raison, de ren-


cOl1trer chez des individus indignes des facultés remarquablement
rléveloppées, et qui sembleraient devoir êtrc, de préférence, le par-
tage des hommes vertuellX et dépourvllS de préjugés; et cependant
J'histoire des siccles passés présente, pt'esque à chaque page, eles
exempl es de mécliumniLés remarql1ables posséelées par eles Esprits
inférieurs et impun;, par des fanatiques sans raison ! Quel pcut êlre
le motif d'une telle anomalie?
11 n'ya cependant rien là qui puisse étonner, et une étude un peu
sérieuse et réfléehie clu problemc en donncra la clef.
Lorsque des phénomenes saillants, appartenant à I' ordre extra-
corporel, sont produits, qu'arrive-t-il en eITel? - e'est que des in-
c1iviclualités incarnécs servcn t d' organes de transmissz'on à la mani-
festation. Elles sont eles inst1'llments mus par une volonté extérieure.
01', demandem-t-on à un simple instrument Ge que I'on exigerait de
I'artiste qui le met en vibration? .. S'il est évident qu'un bon piano
soit préférable à celui qui serait défectueux, iI nc j'esi, pas moins que
1'on distinguem, sur l'un comme SUl' I'aulre, la touche de l'artisLe de
celle de l'écolier. - Si done, l'Esprit qui intervient dans la gnériso!1
rencontre uo bon instrument, il s'en servira volontiers; sinoo il em-
ploiera celui qui s'otTrira à lui, quelque défectueux qu'il soit.
Il faut aussi considérer que, daos I'exereice de la faelllté médiani-
mique, et en parliculier dans l'exerciee de la médiumnité guéris-
sante, il peut se présenter dellx cas bien distincts: ou le médium
peut être guérissellr de son chef, ou iI peut n'être que l'agent plus ou
moins passif d'un motem extraeorporel.
Duns le premier cas, il ne pourra agir que si ses vertus et sa puis-
sance moral e le lui permettent. 11 sera un exemple dans sa eonduite
privée ou publique, un modele, un missionnaire vcnu pour servir de
guide ou de signe de ralliement aux hommes de bonne volonté. te
Cbrist est la personnification suprême du guérissem.
Quant ~l cellli qui n'est que médium, étanL instrument, il peut être
plus ou 1l1Oins défeelueux, et Ies aeles qui s'operent par son inlel'-
médiaire ne I'empêchent cn aucune façon d'être imparfait, égolsle,
orgueilleux ou fanatiqllc. Membre de la grande famille humaine, au
même titre que Ia généridité, il p arlicipe à. toutes ses faibless es.
- 306-
Souvenez-vous de ees paroles de Jésus: «Ce ne sont pas ceux qui
se portE;nt bien qui ont besoin de médecin. )) li faut done voir une
marque de la bonlé de la Providence dans ces facultés qui se déve-
loppent dans les milieux et chez des gens imparfaits; e'est un moyen
de leul' donner la foi qui les amenera tôt ou tard au bien ; si ee n' est
aujourd'hui, ce sera demain; ce soni des semences qui ne sont pas
perdues, car, vous, Spirilcs, vous savez que rien ne se perd pour
l'Esprit.
S'il n'est pas rare de rencontrer chez les natures les plus abruptes,
moralement ct physiquement, des facultés transcendantes, cela tient
également à ce que ces individualités n'ayant que peu ou point de
volonté personnelle, se bornent à laisser agir l'influence qui les di-
rige. 00 pourrait dire qu'ils operent d'instinci, tandis qu'une inlelli-
gence plus développée , voulant se rendrc compte de la cause qui la
met en mouvement, se mettrait parfois dans des conditions qui ne
permettraient pas un accomp\issement aussi facite des uesseins pro-
videnli els.
Quelque bizarres et inexplicables que soient les effets qui se pro-
duiscnt sous vos yeux , étlldiez-les attentivement avant d'en eonsi-
dérel' un seul comme une infraction aux lois éternelles du Maitre
suprême ! Iln'en est pas un qui n'affirme son existence, sa justice et
sa sagesse étemelles, el, si l' apparence dit le contraire, croyez bien
que ce n' est qu' une apparence qui disparaitra pour faire p1ace à la
réalité, avec Ulle étude plus approfondie des lois connues et la con-
naissance de celles dont la découverte est résel'vée à 1'a\'enir.
CLÉLIE DUPLANTIER.

Le zouave Jacob.
La faculté guéri~sante étant à l' ol'clre du jour, on ne sera pas surprifl
que nous y ayons comacré la plus grande partie de ce lluméro, et
assurément nous sommes loin d'avoir épuisé le sujet; c'est pourquoi
nous y reviendrons.
Pour fixeI' tout d'abord Jes idées d'un grand nombl'e de personnes
intéressées dans la question reI ative à M. Jacob, et qui nous onl écrit
ou pourraient nous éel'ire à son sujet, nous disons :
1. o Que les séances de M. Jacob sont suspendues; qu'ainsi il serait
inutile de se présenter au Jieu OLI itles tenait, rue de la Roquette, 80,
et qU'll ne les a, jmqu'à présent, reprises nulle pari. Le motif a été
l'encombrement excessif qui gênait la circulation dans une rue tres
fréquentée et dans une impasse occupée par un grand nombre d'in-
- 307 -
dustriels qui se trouvaient empêchés dans leurs alTaires, ne pouvant
ni recevoir les clients, ni expédier leu rs marchandises. En ce mo-
ment M. .Jacob n'a de séances ni publiques ni particulieres.
2° Vu I'affiuence, chacun devant atlendre son tour assez long-
temps, à ceux. qui nous ont demandé, ou voudraient nous demander à
l'avenir si, connaissant personnellement M. Jacob, sur notre recom-
mandalion ils pourraient obtenir un tour de fav eur, naus di rons que
nous ne I'avo ns jamais demandé et que nous ne Ic demanderions
jamais, sachant que ce serait inutile. Si des tOUl'S de fave ur eussent
été accordés, c'eut été au préjudice de ceux qui atlendent , et cela
n' eul pas manqué desoulever des réclamations fond ées. M. Jacob n'a
fait d'exception pOUl' personne; le riche de vait attendre com me le
malheureux, parce qu'en défi ni tive le malheureux soulfre autant que
le riche ; il n'a pas, comme celui-ci, le confortable pour compensa-
tion, et de plus, souvent il attend la sanlé pour avoir de quoi vivre.
Nous en félicitons M. Jacob, et s'i! n'efü pas agi ainsi, nous n'au-
rions pas faH, en sollicitant une faveur, une chose que nous aurions
blâmée en lui.
3° Aux malades qui nous ont demandé, ou pourraient nous de-
mande r, si nous leur con seill ons de faire le voyage de Paris, nous
disons : M. Jacob ne guérit pn.s tout le monde, ainsi qu'il le déclare
lui-même ; il ne sait jamais d'avance s'jJ guérira ou non un malade ;
ce n' est que lorsqu'il est en sa pl'éser.ce qu'i! juge de l'action flui-
dique, et voil le résultat; c'est pourquoi il ne promet jamais riBI1 et
ne répond de rien. Engager quclqu'un à faire le voyage de Paris,
ce serait prendre une responsabilité sans certitude de succes. C'est
donc une chance à courir, et si l'on n'obtie!1tpas de résultat, on en
est quitte pOUl' ses frais de voyage, tandis qu'on dépense souvent en
consultations des sommes énormes sans plus de réussile. Si I' on n' est
pas guéri, 011 ne peut pas dire qll' OI1 a payó des soitlS cn pure perte.
40 A ceux qlü nous demandent si, en indemnisant M. Jacob de ses
frais de voyage, j)uisqu'il ne veul point accepter d'honoraires, il
consen lirait à se rendre dans telle ou telle localilé pour soigner un
rnalade, nous répondons: M. Jacob ne se rend point aux in vil ations
de ce genre, par les raisons qui sont développées ci-dessus. Ne pou-
vant répondre d'avance du résultat, il regarderait comme un e indéli-
catesse d'induire en dépense sans certitude ; et en cas de nOfl- réussite,
ce serait donner prise à la critique.
5° A ceux qui écrivent à. M.. Jacob, ou qui nous envoient des leltres
pour les lui faire parvenir, nous disons: M. Jacob a chez lui une
- 308-
armoire pleine de lettres Cju'il ne lit pas, et il ne répond à perSOnilc.
Que pourrait-il dire, en eiTet? 11 ne guérit point d'ailleurs par cor-
respondance. Faire des phrases? ce n'est pas son genre ; dire si telle
maladie est guérissable par lui? il n'en sait rien ; de ce qu'il a guél'i
une personne de telle maladie, il ne s'ensuit pas qu'il guérisse la
même maladie chez une autre personne, parce que les condiliolls
fluidiques ne sont plus les mêmes; indiquer un traitement? il n'e~ t
pas médecin, et il se garderait bien de donner celte arme contra
lui.
Lui écrire est donc peine inuLile. La seule chose à faire, dans le
cas ou il reprendrait ses séances, que I'on a à tort qualifiées de Cúll-
sultalions, puisqu'on ne le consulte pas, c'est de s'y présenter commc
le premieI' venu, de prendre S011 rang, d'attendre patiemment et d'ell
cOUl'ir Ia chance. Si I' on n' est pas guéri, on ne peut se plaindre d' avoir
été trompé, puisqu' il ne promet rien.
11 y a des sources qui ont la propriété de guérir certaines maladies j
on s'y rend; les uns s'en trouvent bien, d'autres ne sont que soula-
gés, d'autres enfin n'en éprollvent rien du tout. II faut considérer
M. Jacob comme une source de fluides salutaires, à l'influence desquels
on va se soumetlre, mais CJuI n'étant pas une panacée universelle, ne
guérit pas tous les ma.ux, et peut être plus ou moins efficace, 8elon
les conditions du malade.
Mais enfi n, ya-t-il eu des guérisons? Un fait répond à ceLte
queslion : Si personne n'avait été guéri, la foule ne s'y serait pas
portée C01mne elle l' a faH.
Mais la foule crédul e ne peul-elle avoir été abusée par de fausses
apparences, et s'y l'endre SUl' la foi d'une réputation usurpée? Des
comperes ne peuvent-ils avoil' simulé des maladies pOUl' avoir l'air
d' être guéris?
Cela s'est vu sans doute, et se voit tous les jonrs, quand des com-
peres ont intérêt ~L jouer la comédie. 01', ici, quel profit en auraient-
i1s tiré? Qui les aurait payés? Cc Il' est pas assurément M. J acob sur
sa paye de musicien des zouaves; ce n'est pas non plus en leur fai-
sant une remise sur le prix de ses consultations, puisqu'il ne recevait
rien. On comprend que celui qui veut se faire une C\ienLele à tout
prix emploie de pareils moyens; mais M. Jacob n' avait aucun intérêt
à attirer la foule à lui; il ne I'a pas appelée, c'est elle qui est venue
à lui, et l'on peut dire malgré lui. S'i1 n'y avait pas eu des fails,
personne l1e serait venu, puisqu'i1 n'appelait personl1e. Les journaux
ont sans doute contribué à augmenter le nombre des visiteurs, mais
- 309-
ils n' en ont parlé que parce que la foule existait déjà, ~ans cela íls
n'en aUl'aient ríen dit, M. Jacob ne les ayant pas priés de parler de
lui, ni payés pour lui faire de la réclame. 11 faut donc écarter to~te
idéc de subterfuges qui n'auraicnt cu aucune raison d'êlre dans la
circon stance dont iI s'agit.
Pour apprécier les aetes d'un individu, il faut chercher l'intérêt
qui peulle solliciter dans sa maniere d'agir; 01', il est f.véré qu'il
n'y en avait aucun de la part de M. Jacob; qu'il n'y en avait pus
davantage pour M. Dufayet, qui donnait son local gratuilement, et
mettait ses ouvriers au service des malades, pour monteI' les in firmes,
et cela au préjudice de ses propres intérêts; enfin que des comperes
n'avaient rien à gagner.
Les guel'isons opérées par M. Jacob en ces derniers temps élant
dans le même genre que celles qu'il a obtenues l'année derniere au
camp de Châlons, et les faits s'étant pas~és 11 peu pres do la rnême
maniere , seulement SUl' une plns grande échell e, nous renvoyon s nos
lecteurs aux comptes rendus et aux appréciat ions que nous el1 avons
donn és duns la Revue d'octobre et de novembre 1866. QU1l.nt aux
incidents particuliers de celte année, nous ne pourrions que répéter
ce que tout le monde a 5U par la voie des journaux. Nous nous bor-
nerons donc, quant á présent, it quol.ques ccnsidél'ations généralcs
SUl' Ic faiten lui-même.
11 ya environ deux ans, les Esprits nous avaiont annoncé que la
médillmnité gllérissante prendrait ele grands développements, et
serail un puissant moyen de prop,tgation pour lo Spirilism8. J usque-Ià
il n'y avait eu que des gllérisseurs opérant poul' ainsi di!'ü dans
l'intimité et 5allS bruit. Nous dimes aux Esprits que, pom que
la propagation fUt plu;:; rapide, il faudrait qu'il en surgit d'assez
puissants pour que los guérisons eussenL du retentissement dans le
pubilc. - Cela aura lieu, naus ful-il répondu, et i! y en aura plus
d'un.
Cetle prévisiün a eu un commencemont de réalisation I'année dcr-
niere au camp de Châlons, et Dieu sait si le retenlissement a manqué
cette année aux guérisons de la rue de la Roqw;tte, Ilon-seulomcnt
cn France, mais à I' étranger.
L'émotion générale que ces faits ont causée est justifiée par la
gravité des questions qu'ils soulevent. 11 ne faut pas s'y tromper, ce
n' est pas ici un de ces événemenls de simple curiosité qui passionnent
un moment la fbule avide de nouveautés et de distractions. On ne se
distrait pas au spectacle des miseres humaines; la vue de ces milliers
- 310-
de malades courant apres la santé qu'ils n'ont pu trouver dans les
ressourccs de la science, n'a rien de réjouissant, et fait faire de sé-
rieuses réflexions.
Oui, il y a ici autre chl)se qu'un phénomEme vulgaire. On s'étonne
sans doute de guérisons obtenucs dans des conditions si exception-
nelles qu'elles sembl ent tenir C\U prodige ; mais ce qui impressionne
plus encore que le fait matériel, c'est qu'on y pressent la révél ation
d'ull principe nouveau dont les conséquences sont incalculables ,
d'une de ces lois lon gtemps restées voilées dans le sancluaire de la
nature, qui, à leur apparilion, changent le cours des idées et mo-
difienl profondément \CS croyanc:es.
Une secrete intuition dit que si les faits en question sont réels, c'est
plus qu'un changement dans les habitudes, plus qu'un déplacement
d'industrie : c'est un élément nouveau introduit dans la société, un
nouve\ orc\l'e d'idées qui s' établit.
Bien que les événements du camp de Châlons aient préparé à ce
qui vient de se passer, par suite de I'inactivité de M. Jacob pendant
un an, on les avait presque oubliés; I'émotion s'élait calmée ; lorsque,
tout à coup, les mt' mes faits éclatent au sein de la capitale, pt pren-
nent subitement des proportions inoules. On s'est pour ain~i cUre
réveillé camme au lendern ain d'une révoluLion, et 1'011 ne s'abordait
qll' en se demandant : Savez-vous ce qui se passe rue de la Roquette?
Avez-vous des nouvell es? On se passait Ics journaux comme s'il s'é-
tait agi d'un grand événement. En quarante-huit hcures, la France
entiere en fut instruite.
Il y a dans cette instantanéité quelque chose de remarquable et
de plus important qU'OIl ne croit.
L'impresbion du premier moment à élé celle de la stupeur : per-
sonne n' a ri. La presse facétieuse elle-même a simplement rei até les
faits et Ics oui-dire sans commentaires ; chaque jour elle cn donnait
le bulletin, sans se prononcer ni pour ni contre, ct I' on a pu re-
marqueI' que la plupar t des al'ticles n'étaient point faits SUl' le ton de
la raillerie ; ils exprimaient le doute, I'incertitude SUl' la réalité de
faits aussi élrange.3, mais en penchant plutôt vers l'affirmation que
vers In. négation. C' est que le suj et, par lui ·même, élait sérieux; il
s'agissait de In. souffrance, et la sou(france a quelque ch ose de sacré
qui impose le respect; en pareil co.s la plaisanterie serait déplacée et
universellement réprouvée. On ne vit jamais la verve railleuse s'exer-
cer devant un hôpital, même de fous, ou un convoi de blessés. Des
hommes de coour et de sens ne pouvaient manqu.er de comprendre
- 311 -
que, dans une chose qui touche à une question d'humanité, la moque-
rie eut été malséante, car c'eut été insulter à la douleur. Aussi est-ce
avec un senliment pénible et une sorte de dégout qu'on voit aujour-
d' hui le spectacle de ces malheureux infirmes reproduit grotesque-
ment sm les tréteaux, et traduit en c;Jansons burlesques. En ndmet-
tant de leur part une crédulité puérile et une espéral1ce mal fondée,
ce n'est pas une raison pour manquer au respect que 1'00 doit à la
soufTrance.
En présence d'un tel retentissement, la déoégation absolue était
difficile; le doute seul est permis à celui qui ne sait pas OlI qui n'a
pas vu; parmi les iocrédules de bonne foiet par igoorance, beaucoup
ont compris qu'il y aurait imprudence à s'inscrire prématurément eo
faux contre des faits qui pouvaient un jOUl' ou I'autre recevoir une
cOllsécra lion et leur donner un démenti. Sans donc rien nier ni afflr-
mel', la presse s'est généralement bornée à consigner I'état des choses,
lttissant à. l'expérience le soin de les confirmeI' ou de les démentir, et
surlout de les expliquer ; c' était le parti le plus sage.
Le premieI' moment de surprise passé, les advérsaires obstinés de
toute chose nouvelle qui contrarie leurs idées, un instanl abasourdis
par la. violence de l'irruption, Ol1t pris courage, quand i1s Ol1t vu sur-
touL que le zouave était palient et d'!1umeur pacifiqu e ; ils '(ont
commcncé l'attaque, et engagé contre Illi une charge à fond
de lrain avec les armes habituelles de ceux qui n'ont pas de
bonnes raisons à, opposer : la raillerie et la calomnie à. oulrance;
mais leur polémique acrimonieuse décele la colero et un em barras
évidont, et lems arguments qui, pom la plupart, portent à faux
et sur des allégations notoiremenl inexacles, ne sont pas de ceux qui
con vainquent, cal' i1s se réfutent par eux-mê mes.
Q.uoi qu'il en soit, iI nc s'ügit pus ici d'une question de personne;
que M. Jacob surcombe ou nan duns la lutte, c'est une queslion de
principes qui est en jeu, qui esl posée avec un immense retentisse-
ment, et qui suivra son cours. Elle remet en mémoire les innombra-
blcs faits du même genrc dont l'histoire fuH mention, et qui se mul-
tiplient de nos jours. Si c'est une vél'ité, elle n'esl pas incarn ée dans
un homme , et rien ne saurait l'étoulfer; la violence même eles atta-
ques prouve qu'on a peur que ce ne soit une véritó.
En cctte circonstunce, ceux qui témoignent le moins de surprise et
s'émeuvent le moins, ce sont les Spirites, par la raison que ces sor-
tes de faits n'ont rien dont ils ne se rendent purfaitement compte ;
conn ais~ant la cause, ils ne s'étonnent pas de l'eifet.
- 312 -
Ql1ant à ceux qui ne connaissent ni la cause du phénoll1cne ni Ia
loi qui le régil, ils se demandent naturellement si c'est une ilIusion
ou une réalité; si M. Jacob est un charlatan; s'il guérit réellement
toutes les maladies ; s'il est doué d'un pouvoir surnaturel et de qui il
le tient; si nous sommes revenus au temps des miracles? En voyant
la foule qui l'assiége et le suit, comme jadis celle qui suivait Jésus en
Galilée, quelques-uns se demandent même s'il ne serait pas le Christ
réincarné, tandisque d'aulres prétendent que sa faculté est uo pré-
sent du diable.
Toutes ces questions sont depuis longlems résolues pour les Spil'i tes
qui en ont la solution dans les principes de la doctrine. Néanrnoins,
comme i\ en peut sortir plusieul's enseignements importants, naus
les examinerolls dans un procbain article, dans lequel nous ferons
également ressortit'l'inconséquence de' certaines critiques.

Dissertations Spirites.
Conseils sur Ia médiumnité guérissante.
I
(P aris. 12 mnrs 1867, group e Desliens; ivléd. M. Deslie ns.)
Comme il vous l'a été dit maintes fois déjà dans différci1tes
instructions, la médiumnité guérissante, de concert avec la faculté
voyante, est appelée tt jouer un grand rôle dans la période actuelJe
de la révélatilJn. Ce sont les deux agents qui coopcrent avec le plus
de puissance à la régénération de l'bumanité et à la fusion de toutes
les croyances en une seule croyance, tolérante, progressive, uni-
verselle.
Lorsque, récemment, je me suis communiqllé dans une réunion
de la Société ou l'on m'avait évoqué, je l'ai dit et je le répete,
tout le monde possedeplus ou moins la faculté guél'issante, et si
chacun voulait se consacrer sérieusement à l'étllde de cetle faéulté,
nombre de médiums qui s'ignorent pourraient rendre d'utiles services
à leurs freres en humanité. Le temps ne m'a pas alo1'5 permis de dé-
velopper toute ma pensée à cet égard; je profiterai de votre appel
pour le faire aujourd'hui.
En génél'al, ceux qui recherchent la faculté guérissante ont pour
unique désir d'obtenir le rétablissement de la santé matérie1le, de
rendre la liberlé de SOI1 action à tel ol'.qane empêché dal1s ses fonc-
tiOI1S par une cause matérielle quelconque. Mais, sachez-le bien, c'est
à le moinàl'e des services que cette facuité est appelée à rendre, et
vous 118 la connuítriez que dans ses préinices et d'une maniere tout à
fait rudimentaire, si vous Xui assigniez ce seul rôle ... Non, la faculté
- 313-
guérissante a une missiol1 plus noble et plllS étendue !... Si elle peut
rendre aux corps la vigueur de la sanlé, elle doit aussi donner aux
âmes loute la pureté dont elles sont susceptibles, et c'est seulement
dans ce cas qu'elle pourra être appelée curative dans le sens absolll
du moto
On vous I'a dit souvent, et vos inslructeurs ne sauraient trop vaus
le répéter, l'effet apparent matériel, la soulTrance, a presque con-
stamment une cause morbide immatérielle, résidan t dans I' état mo-
raI de l'Esprit. Si donc le médium guérisseur s' attaque au corps, il
ne s'attaque qu'à l' eO'et, et la cause premi cre du mal 1'e5tal1t, l'effet
peut se reproduire, soit sous sa forme primordial e, soit sous toute
autre apparence. C' cst souvent lã une des raisons pour lesquelles telle
maladie, subitement guérie par l'influence d'un médium , reparait
avec tOllS ses accidents, dês que l'influence bienfaisante s'éloigne,
parce qu'il ne reste rien, absolllment rien paul' combattre la cause
morbide.
Pour éviter ces retours, il faut que le remede spirituel attaque le
mal dans sa base, comme le fluide matérielle détruit dans ses elTet.3 ;
il faut, ell uo 'mot, trai ter i.L la fois le corps et l'âme.
Pour être bon médium guérisseur, il faut que non-seulement le
corps soit apte à servir de canal aux fluides matériels réparateul's,
mais il faut encore que I' Esprit possede une puissance morale qu'il
ne peut acqllé:-ir que par sa propre amélioratlon. Pour être médium
guérisseur, il faut donc s'y préparer, non-seulement par la priere ,
mais par l'épuration de son âme, afin de traiter physiquement le
corps par des moyens pbysiques, et d'inflllencer l' àme par la puis-
sancc morale.
Une derniêre réflexiOIl. On vous conseille de recherchel' de préfé-
ren ce les pauvres qui n'ont d'autres ressources que la charité de
l'bôpital; je ne suis point tout à fait de ceL a vis. Jésus disait que le
médecill a paul' mission de soigner les malades et non ceux qui sont
en bonne santé ; souvenez-vous qu'en fait de santoS morale, il y a des
malades partout, et que le devoir du médeciu est ele se porter par-
tout ou son sccours est nécessaire.
Abbé Prince DE HOHENLOHE.
II
(Sociélé de Paris, iJ mars i SG7; Méd. M. Dcslicns.)
Dans une communication récen \e, je IXl.rlais de la médiumnité gué-
rissante à un poiht de vue plus large qu'elle n'a été considérée jus-
qu'ici, 8t je la faisais consister plutôt dans le traitement moral que
dans le traitement physique eles malades, ou tout au moins je réu-
nissais ces deux traitements en un seul. Je vous demanderai de vous
dire quelques mots à ce sujet.
- 314 -
La souífraDce, la maladie, la mort même, dans les conditions sous
lesquelles vous les connaissez, ne sontcelles pas plus spécialement le
partage des mondes habités par les Esprits inférieurs ou peu avancés?
Le développement moral n'a-t-il pas pour but principal de conduire
l'humanité au bonheUl', en lui faisant acquérir des connaissances
plus completes, en le débarra8sant des imperfections de toute na-
ture qui ralentissent sa marche ascensionneIle vers l'infini? Or, en
améliorant I' Esprit des malades, ne les met-on pas dans de meil-
leures conditions pour supporter leurs souffrances physiques? En
s'attaquant aux vices, aux penchants mau vais, qui sont la source de
presque tOlites les désorgani8ations physiques, ne mei-oIl pas ces
désorganisations dans I'impossibilité de se reproduire? En détrui-
sant la. cause, on empêche nécessairement I'eífet de se manifester de
nouveau.
La médiumnité guérissante peut donc comporter dellx formes, et
cette fa.3ulté ne sera à son apogée, chez ceux qui la posséderont, que
10rsqu'i1s réuniront en eux ces deux manieres d'être. EUe peut com-
prendre uniquement le soulagement matériel des malades, et alors
eIle s'adresse aux incarnés; elle peut comprendre l'amélioration mo-
rale des individus, et, dans ce cas, elle s'adresse allssi bien aux Es-
prits qu'aux hommes; elle peut comprendre enfin I'amélioration mo-
rale comme le soulagcment malériel, et, dans ce cas, la cause comme
l'effet pourront être combaltus victorieusement. Le traitement des
Esprits obsesseurs est-il autre chose, en eífet, qu'une sorte d'influence
semblable à la médiumnité guérissante exercée de concert par des
médiums et des Esprits sur une personnalité désincarnée?
La médiumnité guérissante embrasse donc à la fois la santé mo-
rale et la santé physique, le monde des incarnés et celui des Esprits.
Abbé Prince DE HOHENLOIIE.
III
I(Paris, 24 mars 1867, Médinm, M, RuI.)
Je viens continuer l'instruction que j'ai donnée à un médium de la
Sociélé. Pourqlloi doutiez-vous que je fusse venu à votre appel? Ne
savez-vous pas qu'un bon Esprit est toujours heureux d'aider ses
freres de la terre dans la voie de l'amélioration et du progres?
Vous connaissez aujourd'hui ce que j'ai dit du rôle étendu réservé
à la médiumnilé guérissante; vous savez que, selon I'état de votre
âme et les aptitudes de votre organisme, vaus pourrez, si Dieu vaus
le permet, guérir, soit les douleurs physiques, soit les souffrances mo-
rales, ou toutes les deu x. Vous doutez d'être capable de faire l'un ou
l'autre, parce que vous connaissez vos imperfections; mais Diell ne
demande pas la perfection, la pureté absolue aux hommes de la terre.
A ce litre, nu! parmi V()US ne serait digne d'êtrc médium guérisseur.
- 3'15 "-
Oieu vous demande de vous améliorer 1 de faire des eífortsconstants
pam vuus purifier, et i' vous tient compte de votre bonne volonté.
Puisque vous désirez sérieusement soulager vos freres qui souf-
frent ph ysiquement et moralement, ayez confiance, espérez que le
Seigneur vous accordera celte faveur. Mais, je vous le répete, ne
soyez pas exdusif dans le choix de vos malades; tous, quels qu'ils
súient, fiches ou pauvfes, cro yants ou incrédules, bons ou méchants,
tous ont droit à votre secoms. Est··ce que le Seigneur prive les mé-
chants do la chaleur bienfaisanle du solei I qui réchauífe, qui ranime,
qui vivifle? Est-ce que la lumiere est n:fusée à quiconque ne se
. prosterne pas devant la bonté du Tout- Puissant? Guérissez done qui-
conque souífre, et profilez du bien que vous avez apporté au corps
pour purifler l'í'lme plus souífrante encore et lui apprendre à prief. Ne
vous rebutez pas par les rerus que vo us rencanlrerez; faites toujours
votre ffillv re de charité ot d'amollr, et no doutez plS que le bien,
quoique retardé pour quelques-uns, ne sera jamais perdu. Arnéliorez-
vous par la priere, par l'amour du Seigneur, de vos freres, et ne
dou tez pas que le Tout-Puissant ne vous donne les occasions fré-
quentes d' exercer votre faculté médianimique. Soyez heureux lors-
que, apres la guérison , volre main serrera celle de votre rrere recon-
naissant, et que tous deux, prostemés aux pieds de votre Pere céleste,
vous prierez ensemble pOUl' le remercier et pour I'adorer ; plu s heu-
reux encare, IlJrsque, accueilli par l'ingratilude, arres avoir guéri le
corps, impuissant à guérir l' âme endurcie, vous éleverez volre pensée
vers lo Cl'éateur, cal' votre priere sera la premiere étincelie destinée
à allumer rlus tard le flamboau qui brill era aux yeux de volre frere
guéri de son aveuglemen t, et vous vous direz que plus un malade
soutIre, plus le médecin doit lui donner de soins.
Courage, frere, espérez et. altendez que les bons Esprits q:.li vous
dirigent, vous inspirent lorsC[ue vo us c1evrez commencer, aup res
de vos [fereS qui souífrent, l'application de volre nOllvelle fn.culté
médianimique. Jusqllc-là priez, progrcssez par la charité morale,
par l'influence de l'exemple, et ne laissez jamais fuir la moindre oc·
casion d'éclairer vos freres. Dieu veille SUl' chacun de vous, ot celui
qui est aujJurd'hui le plus incrédule, pourra être demain le plus fer-
vent et le plus croyant. Abbé PlHNCE DE HOBENLOHE
Les Adieux.
(Soc i(!té de Paris, \6 aout 1.8G7; m M . M. MOI'in, Cl1 so mllambuli srn c sponlallé.)

iVo/a . - Parmi les communications obtenucs dans la derniere


séance de la société, avant les vacances , cell e- ci présente un carac-
tere particlllier qui 80rt de la forme habituell e. Plusiellrs Esprits, de
cellXqui sonl assidus aux séances, et s'y manifestenl quelquefois, sont
venus successivement adresser quelques paroIes aux membres de la
- 316 -
société avant leur séparation, par l'entremise de M. Morin, en som-
nambulísme spontané. C'était comme une troupe d'amis venant
prendre congé, et donner un témoignage de sympathie au momeut
du départ. Achaque interlocuteur qui se présentait, l'interprete
changeait de ton, d'allure, d'expression, de pbysionomie, et au lall-
gage on reconnaissait I' Esprit qui parlait avant qu'il se fUt nommé ;
e'était bieu lui qui parlait, en se servant des organes d'un incarné, et
non sa pensée traduite, plus ou moins fidelement rendue en pas-
sant par un intermédiaire; aussi l'identité étail-elle patenle, et sauf
la ressemblance pbysique, on avait devant soi I'Esprit comme de ~on
vivant. Apres chaqne alloclltion, le médium restait quelques minutes
absorbé; c'était le lemps de la substitution d'un Esprit à un autre;
puis revenant peu à peu à lui, il reprenait la paróle SUl' un autre tono
Le premieI' qui s'est présenté a été notre ancien collégue Leclerc,
décédé au mois de décembre de l'année derniere.

Quelques.uns de vos freres partis viennent saisir I'occa.sion de


vous manifesteI' lem sympathie au moment de votre séparation,
La mort n'est rien lorsqu'elle a pour résultat de faire naltre une
vie beaucoup plus grande, beaucoup plus large, beaucoup plus utile
que la vie humaine !.... Un étourdissement sUfvient, un affaissement
5' cnsuit (allusion à. la maniere dont il est morl) , et, je me releve
plus libre et heureux en entrant dans ce monde in visible que mau
âme avait pressenti, que tout mon être désiraiL!. .. Libre1.., planer
dans l'espace!. .. J'ai vu, j'ai oDservé, et ma joie délirante n'était
lempérée que par le regret exagéré qu'avaient les miens de l'absence
de ma personnalité matériclle; mais aujourd'hui que j'ai pu leur
prouver mon existcnce, et que je leu!' ai démonlré que si mon corps
n'était plus là, mou Esprit y était davantage, aujourd'bui je suis
heureux, bien beu!'eux; cal' cc que n'a pu raíre l'incarné, il a pu
l'obtenir dans Ull état de spiritt'alité. Je suis utile aujourd'hui, bien
ulile, et gl'âce à la. syrnpatbique afIectioll de ceux qui m'ont connu,
mOI1 utilité est plus erficace.
Qu' 11 est hon de pou voi!' servir ses freI'es, et d' être utile ainsi iL
l'humanilé entiere! Qu'il est bon, qu'il est doux à l' âme de pOLlvoil'
faire participei' I' humanité au peu de savoir que l' on a acquis par la
sou[rance! Moi qui, autrefois emprisonné dans ce corps obtus, au-
jourcrhui je suis grand, et si ce n'était la crainte de volre ridi-
cule, je m'admirerais; cal' voyez·vous, être bon, c'est faire partie
de Dicu; et celte bonlé, est-ce que je la possédais? oh! l'épondez-
moi, votre lémoignage sera un bonheur de plus, ajouté au bonhem'
dont je jouis; mais qu'ai-je besoin de vos paroles? ne puis-je lire
dans vos creurs, et voil' vos sentiments les plus intimes? Aujour-
- 317 -
d'hm, grâcc à ma dématérialisation, ne puis-je voir vos pensées les
plus secretes?
Oh! Dieu est grand, et sa bonté est i:iublime ! Mes amis, comme
moi inclin ez-vous devant sa majesté ; tra vaillez à l'accomplisse-
menl de ses desseins, en faisant plus et mieux que je n'ai pu le faire
moi-même. LECLEfiC.
Paul' I' âme qui aspire à la liberté, que le temps est long sur la
terre, et combien le moment tant rêvé se fait attendr~ ! Mais aussi,
une fois le lien rompu, avec quelle rapidité l'Es prit s'euvolc et CO'Jrt
vers le royaurnc céleste, que de SOB vi vant il voyait Cll rêve , et au-
qllel il aspirait sans cesse! Le beau, l'infi ni, l'impalpable, tous les
sentiments les plus purs, voilà quel est l'apanage de ceux qui mé-
prisent les trésors humains, voulant marcheI' dans la vie sainte du
bien, de la charité et du devoir. J'ai ma récompense et je suis bien
heul'euse, cal' maintenant, je n'altends plus les visites de ceux qui
me sont chers; mainteuant il n' est plus de bornes pour ma vue, et
cette souffrance, ce long amaigrissement dn corps n'est plus ; je suis
joycuse, all egre, pleine de vivacité. Je n'aUends plus les visiteurs, je
vais les visiter. EnNESTlNE DOZON.
IIs sont bieu heureux ceux qui, en Cê jour, peuvent venir sans
honte au milieu de vous, vous faire part de leur joio, de lem plaisir,
cn entrant ici! Mais moi qui ai pris la route des IAches pour
éviter le chemin battu; moi, qui suis entré par surprise d'1ns Ull
monde qui ne m'était pas inconnu; moi, qui ai brisé la porte de la
prison, aulieu d' atlendre qu' e\\e me fút largement ouverte, c'est eu
raison même de cette honte qui me COllvre le fr ont, que je víens à
cette table, parce quo j'y trouve le moyen de vous dire : Merci pOUl'
votre pardon sincere, merci pour vos prieres, pour I'intérêt que vous
m'avez prodigué et qui ont abrégé mes souITrances ! Morei encore,
pour les pensées d'avenir que je vois germer dans vos creurs, pOUl"
la co\lectivité fratern e\lo de vos sympathies dont je bénéficierai!
Auj ourd'hui, la lueur à peine entrevue est devenue uu phare lumi-
neux, aux rayons larges et brillallts ; désormais je vais la route, ot
si vos pri eres me soutiennent comme je le preesens, si mou humilité
et mon ropentir ne se démen tent pas, vous [Jouvez compler sur Ull
voyageur de plus SUl' cette large route qu'on appelle le bien.
D.
J'ai failli ..• j'ai péché... bien péch é !... et pourtúnt si Dieu place
dans le cerveau d'un homme une iutelligence, et qu'à côlé il meUe
dos désirs à assouvir, des penchants impossibles à surmonter, pour-
quo i ferait-il su pporler à \' Esprit Ics conséquences de ces obstades
qu'il n'a pu vaincre? , . Mais je m'égare, ie bl aspheme L .. car, puis-
qu'il m"avait donné une intelli~ence, c'était l'instrument à l'aide
- 318 -
duquel je pouvais vaincre les obstacles... Plus cette intelligence était
grande, moins je suis excusable ...
Mou intelligence même, ma présomption surtout m'ont pcrdu ...
J'ai souffert moralement de toutes mes déceptions, bien plu s que
physiquement, et ce n'est pas peu dire!. .. En vous faisan t ces
aveux, je souffre du passé e1 de toutes les poufi'rances des miens qui
viennent augmenter le bagage des maux qui m'écrasent cléjà ... Oh!
pri(!z paul' moi! Aujourd'hui, c'est un jour d'indulgence; eh bien! je
réclame la vôtre. Que ceux que j'ai offensés et méconnus me par-
donnent ! x.
Spectateur invisible, j'assiste depuis quelque temps à vos études
avec Ull bien granel bonheU!' ! Vos travaux absorbent encore davun·
tage mes facultés intellectuelles qu'ils ne le faisaient de mon vivant.
Je vois, j'observe, j'étudie, et aujourel'hui que mes fibres cérébralcs
ne sont plus obstruées par la rnatiere, j'ai ouve)'t mes yeux spirituels,
et je puis voi r les fluid es que j'avais en vain cherché à percevoi!' de
mon vivant.
Eh bien! si vous pouviez le voir cet immense réseau, cet enche-
vêtrement flui clique, vos rayons visuels seraient tellement anéantis
que vous n'apercevriez que des té nebres. Moi je vois, je sens, je res-
sens!.., ei dans ces molécules fluidiqu es, atomes impalpables, je dis-
tingue les différentes forces propulsi ves ; je les anal yse, j' en form e un
toul que j'emploie encore au bénéfice des pauvres corps souffrants;
j ~ réunis, j'agglomere les fluidos sympathiques, et je vais simple-
ment, gratllitement, les déverser sur ceux qui en ont besoin.
Ah! I' étude des fluides est une belle chose! Et vous comprendriez
combien tous c'es mysteres ont de prix pour moi ,si, com me mei, vous
aviez r;onsacré en vain toute votre exislence h les pénétrer. Grâce
au Spiritisme, le cbaos apparent de ces connaissances a été mis en
ordre; le Spiritisme a distingué ce qui est du dornaine physique de
ce fiui appartient au monde spirituel ; il a reconnu deux parties bien
distinctes duns le magnétisme; il a rendu ses efrets faciles à reCOll-
naitre, et Dien sait ce que I'avenir llli réserve!
Maisje rn'apel'çois que j' absorbe tout volre temps à mon bénéfice,
tandis que cl'alltres Esprits clésirent encore vous parler. Je reviendrai ,
par I'écriture, continueI' à vous développer mes ídées SUl' ces études
dont j'aimais tant à m'entretenir de fion vivant.
E. QUINEMANT.

Mcs chers enfants, l'année sociale spirite a été fructueuse pour vos
études, et je viens avec plaisir vous el1 témoigner toute ma satisfac-
tion. Bien des faits ont été analysés, bien des choses incomprises
ont été élucidées, et vous avez touché certail1es questions qui ne tar-
- 319-
deront pas à être adraises en principe. Je suis, ou plutôt nous íO om-
mes satisfaits.
Malgré tou te l'ardeur employée jusqu'ici, aumilieu de vous et par
vos ennemis, contre vos bonnes intentions, votre phalange a été la
plus forte, et, si le mal a fait quelques victimes, c'est que la lepre
existait déjà en elles; mais déjiL la plaie se cicatrise; les bons el1-
trent et les mau vais s'en vont; et paul' les mau vais qui demeurent
parmi vous, plus tard le remords sera terrible, car ils joignent à leurs
tares celle de l'hypocrisie; mais ceux qui sont sinceres, ceux qui se
joignent à vous aujourd'hui, ceux qui apportent lem dévoúment à
la vérité et le désir de la communiquer à tous, ceux·là, je vous le dis,
mes enfants, seront bien heureux, car ils porteront le bonheur non-
seulement pour eux, mais pour tous ceux qui les écoutent. Regardez
dalls vos rangs et vous verrez que les vides créés par les dMections
,ont bien vile remplis ave c avantage par de nouvelles individualités,
et ceux-Ià jouiront des bienfaits qui 8eront l'apanage de la généra-
tion futurc.
AlIez mes enfanls! vos éludes ne sont encore que tres élémenlai-
res; mais chaque jour apporte les moyens d'approfondir davantage ,
et pour cela de nouveaux instruments viendront s'ajouter à ceux que
vous avez déjà. VIJUS aurez des instructions plus étendues, et cela à la
plus grande gloire de Dieu, et pour le plus grand bien-être de I'hu-
manité.
II y a parmi vous plusieurs de ces instruments qui prendront
place à votre table à la rentrée; ils n'osent pas encore se dé-
dareI'; mais encouragez-Ies; amenez à vos côtés les timides et les
orgueilleux qui croient faire mieux que les autres, et nous verrons
alors si les timides ont peur, et si les orgueilleux n'auront pas à ra-
battre de leurs prétentions.
SAINT- Lo VIS.

L'épidémie qui vient décimer le monde à certains moments et que


vous êtes convcnus d' appeler choléra, frappe de nauveau et à coups
redoubIés sm l'humanité ; ses effets sont prom pts ct S011 action ra-
pide. Sans aucun avertissement l'ho mme passe de vie à trépas, ct
ceux , pl us pri vilégiés, qu'épargne sa main foudroyante , restent stu-
péfaits, tre mblanls, devant les épouvantables conséquences d'u n mal
inconnu dans ses causes et dont on ignore co mplétement le remedc.
La peul' s'empare, dans ces tristes moments , de ceux qui n'envi-
sagent que l' action ele h mort, sans songcr <tu cl cJà, et qui, In1' cc
seu l fait, prêten t plus facilement Ic flanc au mal; mais comme
- 320-
I'heure de chacun de nous est mal'quée, il faut parlir l11algré tout, si
elle est sonnée. L'heul'e est marquéG pour un bon nombre d'habi-
tanls de l'univers terrestre; il en part tous les jours; le fléau gagne
de proche en proche et va s'étendre SUl' tout.e la surface du globe.
Ce mal est inconnu, et il l'est peut-être plus encore aujourd'huij
car, à sa constitution propre, s'ajoutent journellemE;nt d'autres élé-
ments qui confondent le savoir hUl11uin et empêchent de trouver le
remede nécessaire pour l'arrêter dans sa marche. Les hommes donc,
malgré leur science, doivent en subir les conséqucnces, et ce í1éau
destrllcteur est tout simplement un des moyens paul' activer la réno-
vation humanitaire qd doit s'accomplir.
Mais, soyez sans inquiétude; pour vous Spirites qui savez que
mourir c' est renaitre, si vous êtes atteints et que vous partiez, n'irez-
vous pas au bonheur? Si, au contraire, vous êtes épargnés, remer-
ciez-en Dieu qui vous permettra ainsi d'ajouter à la somme de vos
souffrances ct de payer davantage à I'épreuve.
D'un côté comme de I'autre, que la mort vous ffappe ou qu'elle
vous épargne, vaus n'avez qu'à gagner, ou alors ne vaus dites pas
Spirites.
Docteur DmmuRE.
Ceci est paul' lui (Ie médium parle de lui-mêl11e à la troisieme
personne). - Voyez-vous, il vous a été dit qu'un mOl11ent viendrait
ou il pourrait voir, entendre, se repose r à son touro Eh bien! ce mo-
ment est arrivé, envers vous et non pas envers les autres j à la rcntrée
iI ne s'endormira plus, sauf quelques cas exceptionnels 011 l'utilité
s'en feri1 sen tir; en ce mOll1ent, ille regrelte, mais lorsqu'il le saura
tout ~t l' heure, quand il sera réveillé, il en sera bien joyeux .....
l' égolste!. .... Pourtant, il a encore beaucoup à faire; d'ici là, il dor-
mira; il félicitera rarement et fustigera bien souvent : c'est sa
tâche. l)riez pour qu' elle lui soit facile; pour que sa. parole porte ou
cela sera nécessaire, la paix, Ia consolation et la conciliation. Aidez-
Ie par voLre pensée; à son retour il mettra toute sa bonne volonté
à vous seconder, et il Ie fera de tout cceur; mais souienez-Ie, cal' il en
a grand besoin. Du reste, Ies circonsiances exceptionnelles ou iI dor-
mira, ne seront peut-être mülh eureusement que trop souvent moti-
vées. Enfin, dites comme lui : Que la volonté de Dieu soit faite!
MORIN.
ALLAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge freres, Dunon et Fresné, rue du Four-Saint-Germain, 43.


REVUE SPIRITE
JOURNAL

10" .A NN É E. No 11 . NOVEMBRE 1867

Impressions d'un médium inconscient


à propos du Roman de l'avenir
Par M. Eug. Bonncmêre.

M. Bonnemere a bien voulu nous transmettre, SUl' le jeune breton


dont il est question dans la préface de l'intéressant livre qu'il a pu-
blié sous le titre de Roman de !'Avenir, des détails circonstanciés
qui complêtent ceux que nous avons donnés à ce sujet dans la Revue
de juillet 1867, page 215. Ces nouveaux renseignements sont du
plus haut intérêt, et nos lecteu1's sauront gré à l'auteul', comme nous
le remercions nous-même, de les avoir mis à notre disposilion. Naus
les ferons suivre de quelques remarques.
Monsieur,
Vn ami m'envoie fo1't tardivement le numéro de la Revue spirite
dans lequel vous rendez comp1e du Roman de l' Avenir que j'ai signé
de mon nom. Permett.ez-moi de vaus donner quelques éclaircisse-
ments au sujet d'un passage de cet article ou se trouve cette ré-
flexion: «On nous a dit que, 10rsqu'i1 a écrit ce livre, l'auteur ne
connaissait pas le Spiritisme; cela parait difficile , etc. II
Cela est cependant rigoureusement vrai. Je ,'avoue en toute sin-
cé1'ité e1 humilité, Monsieu1', j'ai eu le tort de nc pas vous olT1'ir ce
volume; je ne suis jamais allé chez vous; je ne connaissais pas même
le titre de Ia. Revue spirite, et ma bibliotheque ne possede aucun ou·
vrage sur lcs questions que I'on y traite ; c' est pourquoi j'ai appelé
mon jeune breton un extatique natmel, tandis qu'il eE't pour vaus un
médium.
J'ai raconté, dans Ia préface du Roman de !'Avenir par suite de
quelle aventure étrange, moi qui fus un Ílistorien dans la maturilé de
- 322 -
ma vie, j'allais devenir un romancier apres avoir dépassé la cinquan-
taine. Les lecleurs n'ont vu là qu'un de ccs procédés familiers aux
auleurs pour donner quelque piqu(l,nt à leur récit. J'atteste sur I'hon-
neU!' qu'à I'exception d'un détail qui ne fait rien à I'aífaire, el qu'il
ne m'est p:lS permis de révéler encore, tout ce que j'avance dans
cette préface est vl'ai, et bien loin d'exagérer, je ne dis pas tout.
Mon jeune bl'eton explique duns vingt passages de ses volLlmineux
munuscrits (pres de 18,000 pages) les causes et les eITcts de celte
sorte de condamnation aux travaux forcés qu'il subit cn la maudis-
santo
« Chaque soir, a-t-il écrit à la date du 24 aout 1864, je me eou-
che tres fatigu é apres une journée de travuil; je m'endors; UDe heurc
apres je me réveille ; je suis triste, un crêpe Iloir semble m'envelop-
per; je suis sans parote, mais je ne souífre pas. Quelque chose de
vague est duns mon ccrveau; e'est sous cette impression que mes
yeux se referment souvent avec des L1l'lnes dans le creur. Puis au
matin je m'éveille avec un mutismepersistant, c'esl-j-dire avee d'iJ1-
tolérables souffrances dans le côté gauche e t dans le cctur qui ne me
permeltcnt pus de retrouver l ~ sommeil. J'éprouve un état d'angoisse
into : (~ r able qui me force à me lever. J'étouífe ; iI y a du tl'Op plein
en f:l oi qu'il faut déverser. Alors je vais à mon bureau, et là je sui '
cOlltraint de travailler.
cc Plus je souífre, plus et mieux je travaille. J'ai alors un débor-

dement d'imagination extrême. Q:land une reuvre est composée, et


qu' elle n'a plus besoin que d' être jetée sur le papier, j'en invente une
aulre, sans la chercher jam ~tis, et tout en écri vant mécaniqucmenl
celle qui est arrivée à malurité.
« Lors'lue je dois servir d' illstrument d quelqu'un des amis disparus,
son nom résonne à mon orezlle. Quand j'écl'is, ce nom ne me quilte
pas, el j'épl'úuve, même au milieu de mes soufTrances phytiiqllCS,
parfois aigues, surto ut dans le cre ur, un e sorte de douceur à écrirc
ce qu'il met cn moi. C' est comme une inspiration, mais bien invo-
lontaire. Toutes le<5 fibr es de mon être moral sont mises en éveil.
Alors jc ressens plus vivement; il me sembl e que je vibre; tous Ics
bl'uib sont plus forts, plus perceptibles; je vis de vibrations intellcc-
tuelles et morales à la fois.
cc Lorsqueje suis dan s cet état de mutisme,jc me sens commc en-

veloppé d ' UI1 réseau qui établit une séparation en tre mon être in lel-
lectuel et la masse des objet:3 matériels ou des pcrsonnes qui m'en -
vironnent. e'est un isalcrnent absolu au milicu de la faule ; ma parolc
-- 323 --
et mon esprit sont ailleurs. L'être inspirateur qui vient en m0i ne me
quilte plus; c' est une sorte de pénétratioft intime de luz' à moi; je suis
oomme une éponge imbibée de,sa pensée. Je la presse, et il en sort la
quintessence de son intelligence, dégagée de toutes les me.::iquineries
de notre vic d'ici-bas.
« Parfois, même sans mutisme, que je sois seul ou avec d'autres,

peu importe, je cause, je ris, je parais tout à la conversation eles


autres, et pourtant je travaill e ; les idées s'accumulent, mais fugi-
tives ; j'y suis et n'y suis plus; je reviens 11 moi, et n'ai plus SOUVQ-
nance de rien; mais I'état de mutisme fait revivre les images eITacées.
« Si c'est un roman que je dois écripe, le titre me vienl d'abord ,
les événemenls arri vent ensuite ; c'est quelql1wfois l'alfaiI'e d'ul1 ou
deux jouI's pour le composer en elltier. S'il s'agit de choses plus sé·
ricuse::" le titre également m'est dicté, puis les pensées surabondent,
voire même quandje semblele plus fortement distrait. L'él"borali on
se faità son heure jusqu',à l'instant ou le trop plein déborde SUl' le
papier.
« II m' etit arri vé sou ver!t, apres un lon g roman .terminé, et lorsque
je n'avé1 is ricn aulre chose de tout prêt 11 êlre '..-ersé SUl' mes cahier,;;,
d'éprouvcr cette éll'ange sensation, comme si, dans mOI1 cel'veau, il
y avait une case vide. Je sou(fl'e bcaucoup plus alors; c'etit un ébt
d'atonie comp lete jusqu'au moment ou ma tête se l'emplit d'autre
chosa . .
« Générnlement, des lo soir même, ou le matin dans mOI) lit, je
combine quelque pia0 nouveau. Parfois, cependant, je me leve sans
penseI' à ri811 de c.e que je vais faire et sans :rvoir rien élaborá d'a-
vance. Ma bougie allumée, je me mets devant mon papicr. J' entends
alors du côlé gaucfue, dans l'oreille gauche, UI1 110m, un mot, UI1 su-
jet de roman eo deux ou trois mots. Cela suffit; les mots se succMent
SélllS interruplion; les événements viennent s'aligner d'eux-m êmes
sous ma plume Eans UI1 instant d'arrêt, jusqu',à ce que l'histoire soit
terminée. Quand Jes choses se passent ainsi , c' est qu'il ne s'agit que
d'une nouvellc tres cOUl'le qui sera lerminée dans une séance.
«( 11 y ot encore dans mon état une p:Hlicularité tres singuliere, c' est
10l'sque je suis inquiet de la saoté de quelqu'un que j'aime. Cela de-
vient véril él blement pour moi une atroce maladie, et je cl'Ois bieo que
je sou(fre plus que la personne elle-m ême. Durant quelquesiostants,
je suis saisi dans la têle, dans l'estomac, dans lecceur et dans les
entrailles, d'une pression pleine d'angoisses qui va jusqu'à un e dou-
leul' extrême. li vient UH momellt ou la tête seule souffre. Alol'i'iun
- 324-
110m de remede, ou plusieurs 110ms sont en moi. Je ne veux pas par-
ler, cal' je cloute et cl'ains de faire mal, qlland je voudrais tant sou-
lager! Mais ces mots reviennent sans cesse; je suis vaincu, je cede
et les dis avec efTort, ou je les écris. Alors c'est finí, je n'y pense
plus, et tout est efTacé. »
Je ne sais pas si je me trompe, mais il me semble retrouver lã tous
les caracteres de la possession d'autrefois, et je crois bien que \'on a
brulé jaclis bien des possédés qui n'étaient pas plus sorciers que mon
jeune extatique. Evidemment il vil d'une dúuble vie dont chacune
n'a aucun rapport avec l'autre. Je l'ai vu souvent, lorsqu'une des
persoIlll es qui se confiaient à lui, venait lui dire qu' elle soufTrait;
I'eeil fixe, les paupieres éeartées, la pllpille dilatée, il semblait éeou-
ter, eherehel'. - « Oui, oui! II murmul'ait-il, comme s'i! se répétait à
lui-même ce qu'une voix intérieure lui disait. 11 indiquait alors le
remede nécessaire, causait un moment SUl' la nature et la cause du
mal, puis, peu à peu, tout cela se dissipait, et il n'avait conscien ce
ni de l'instant ou l'extase était venue, ni de celui ou elle avait cessé.
Ce l'apide momellt d' absenee n' existait pas poul' lui, et on évitait ele
lui en parler.
«Je veux et je dois vivre clans l'ombre, a-t-i! écrit ailleurs. On
me dit : Vous êtes dans unE; soeiété dévoyée par suíte d'une mauvaisc
directíon. Lo bz"en qu'on liát sans intérét, émanant d'une SOUl'ce na-
turelle, mais un peu extraordinaire, semble coupable, ridicule , in-
discret tout au moins. 11 ne faut pas s'exposer à la moquerie, par-
fois au mépris pour une bonne action. Suivant un vieux proverbe :
« Faute avouée est à moitié pardonnée, II on peut dire qu'une bonne
action cachée est à moitié pardonnée. 11 faut donc faire aux autres le
bien sans qu'ils s'en doutent. C'est la véritable charilé qui donne
sans espérer qu'on lui rende. »
Tout cela ne s'accomplit pas sans luttes. Parfois i! se révolte con-
tre cétte obsession tyrannique. Je l'ai vu résister, se débattre avec
colere, puis, dompté par une volonté supérieure &, la sienne, se
mettre à l' ouvrage.
11 avait annoncé un grand et long travail sur la liberté. 11 se dé-
clarait incapable de le faire, et protestait qu'il ne le ferait pas. Un
matin il écri vit :
« Non, je veux lutter encore aujourd'hui. Je sens que la forme
n'est pas venue encore assez claire ... Quand done me laissel'ez-vous
en repos? ... Je suis brisé!. .. Ah! vous appelez cela une liberté de
pensée que vous infusez en moi! Mais c'est la servitude de vos pen-
- 32fJ -
sées, qu'il faudrait dil'e! Vous prétendez que j'en ai le germe,et que
e'est me rendre un immense service que de la développer en y ajou-
tant ce que vous pouvez y meUre ! .
« Je commencerai par cette question déjà traitée : Qu'est-ce que
la vie? »
Une sorte d'annollce de programme à remplir se continuait ainsi
pendant dix pages de son écriture, et a vait été écrite en quarante
minutes.
Toutes ces choses, qui m'ont paru bien étranges, le se1'ont peut-
être moins pour vous, Monsieur. En sornme, j'ai fui dans son pou-
voir mystérieux, parce qu'il m'a guéri de plus d'une afTection qui
eut peut-êLre embarrassé la Faclllté. Jamais personne n'est malade
aupres de lui sans qu'il écrive sa petite o1'donnance. II le fait sou-
vent malgl'é lui, sentant bien que l'on ne tiendra pas compte de ses
prescriptions. 11 terminait Ull jour par ces lignes une consultation au
sujet d'une personne malade de la poitrine que I'on soig nait mal, à
son avis, et qu'il croyait pouvoir sauver encore :
« Voilà les choses que je [luis dire. Qu'on en fasse ce qu'on jugera
convenable; ce sont mes observatíons, voilà tout. .Te n'aurai pas à
me reprocher de les avoir laissées dormir en moi. II ne faut rien faire
sans l'avis du médecin. Avec des natures comme ils 80nt tous, ceei
ne peat servir que comme indication. Que 1'01l ne m'en parlc jamais;
que I'on ne me remercie pas. Je ne suis lias un !wrmne, mm:~ une
âme qui s' éveille ou cri de la soul/rance, et qui ne se souvient pltls
rpres que te sou!agement est a1'rivé. »
Quand il n'avait pas de malades, sous la main, il écrivait des re-
medes généraux pour les affections que la science officielie ne sait
pas encore guérír. Que valent ces prcscriptions? Je l'ignore. Toute-
fois, ce que j'ai vu, ce que j'ai pu expérimenter, me porte à cl'oire
qu' elles pouiTaient peut-être mettre SUl' la voie de procédés curatifs
nouveaux.
Si un individu qui n'a jamais ouvert un livre de médecine écrit,
sans en avoir conscience, d8S remMes qui peuvent guérir, dans
bien des cas, la plupart des maux déclarés aujourd'hui incurables, il
me semble incontestable que ces choses lui sont révélées par une
puissance inconnue et mystérieuse. En présence c!' un pareil fait, la
question me parait tranchée. On doit accepter, comme démonfré,
qu'il existe des sensitifs auxquels il est accordé ele servir d'intermé-
diaires aux amis disparus qui, n'ayant plus d'organes au service de
leur volonté, viennent emprunter la voix ou la maiI1 de ces êtres pri-
- 326 -
vilégiés, lorsqu'ils veu lent guérir notre corps, ou raffermir notre
âme en l'éc\airant SUl' les choses qu'i1 leur est permis de nous fairB
connaltre.
On peut risquer une expérience lil anima vilz', sur les vers à soie
par exemple, qui ne sont plus guêre bons qu'à être jel,és eux-mêmes
aux vers de la tombe, tant ils sont malades. La queslion est grave,
cal' c'est par centaines de millions de francs qu'il faut compter la
pede que nous fait subir chaque année la maladie qui les moissonne.
Le résultat à obtenir vaut la peine que 1'on tente cette premiere ex-
périence qui, dans tous les cas, si ell e échoue, ne saurait aggraver
la sit~ a tion.
II peut y avoir ici un mystere, mais j'affirme qu'i! n'y a pas de
mysti (kation. Si je suis mystifi é, il me re~ tera tO lJjours les cent
et quelques romans et nou :,r eli es de ce romancier sans le savoir, do nt
la publication va occuper agréablement le& loisirs drs derniêres an-
nées de mon existence, et dont je laisserai la plus grosse part à
d'aulres apres moi.
Cet hi vcr je donnerai un nouveau roman de mon jeune extatique
breton. Dans la préface, je transcrirai textuellemen t tout ce qu'i! a
éi;rit S Ul' la guérison des vers à soie; et j' ajo utcrai même, si 1'0n
vent, ses prescription s pour préve nir et guéril' le c.holéra et les ma-
ladies de poitrine.
11 importe peu que l'on rie de moi pendant q uelques jours; mais
il importe beaucoup que ces secrets dont le hasard m'a fait déposi-
sitaire, ne mcurent pas avec moi, s'ils contien nent quelque chose de
sérieux, et que 1'0/1 sache s'i1 existe des rapports possibles entre les
intelli gences supérieures de l'êlUtre côlé de la vi e et les intel-
ligenccs dociles de cell1i-ci; et je crois cr u'il se rait fort important
pour nous de nouel' des relations de plus en plus suivies avec ces
morts de bonne volonté qui paraissent disposés à naus rendre de
pareils services.
Agréez , etc..
E. BO NNRM ERE.

Le tableau des impressions de ce jeune homm e, lracé par lui-


même, cst d'autantplus rcmarqu able qu'ayant été écrit enl'absence
de lautc connaissance spiri te , il ne peut être le refl et d'idées puisées
dans une étude quelconqlle qui aurait exalté son imagination. C'est
l'impressioll spontanée de Ees sensations, d' oú re~so rtc nt avec la der-
niere évidence tous les caracteres d'une médiumnilé inconsciente ;
--- :~27 -
l'inlet''Vcntion d'inlelligenccs occul tes y esl exprimée sans am bigurté ;
la rÉ"istance qu'il oppose, la contrariété même qu'il en ressent, prou-
vent surabondamment qu'il agit sous I'empire d'une volonté qui n'est
pas la sienne. Ce jeune homme est donc un médium dans toute l'ac-
ception du mot, et de plus doué de facultés multiples, cal' il est ~t la
fois médium écrivain, parl ant, voyant, auditif, mécanique, intuitif,
inspiré, impressible, somnambule, médical, littéraire, pbilosophe,
moraliste, etc. Mais d:lns les ph énomEmes retracés, il n'y a aucun
des caracteres de l'extase; e'est donc improprement que M. 13onne-
mere le qualifie d'extatique, car e'esL précísément un e des facllltés
qui lu; manquent. L'extase est un état parliculier bien défini, qui 11e
s'est pas présenté dans le cas dont il s'agit. 11 ne pal'alt pas non plus
doué de la médiumnité à effets .physiques, ni d ~ la médiumnité gué-
rissantc.
Il y a des médiums naturels, comme il y a des somn ambules na-
turels, qui agissen t spontanément et incon sciemment ; ehez d'autres,
les phénomenes médianimiques sont provoqués par la volonté, la fa-
culté ost cléve lo ppée par l' exercice, comme chez cerlain s Ílldi vid us le
somnambulisme ost provoqllé et déveluppé par l'action magn étique.
11 y a done les médiums inc'Jnscients et les médiwns conscients.
La premiere catégorie, à laquell e apparti ent le jeune brelon, est la
pl us nombreusc ; elle esi presque générale, et I'on peut dire, sans
exagération , qlle sur 100 individus il yen a 90 qui sont eloués de
eette aptilude 11 des degrés plus ou moins ostC'n sib1es ; si ch acun
s' étudiait, 011 trou verait dans ce genrc de méd iumnité, qui r0vêt les
apparences les plus multiples, la raisoll d'uo e foul e d'effets qui nc
s'expliquent par aucune des lois cornwes ele la maliere.
Ccs elTets, qu'ils soient matériels ou noo, apparents ou oeculles,
pour avoir cette origine, n'en sont pa3 moin s nalurels ; le Spirilisme
n'adll1et rien de surnaturel ni de merveill eux; selo11 lui tout renlre
dans I' ordre des lois de lit nab re. Lorsque la cause d'un eiTet est in-
CO ~lllu e , il faul la chercher dan 3l' tlccompliss81l1ent de ees lois, el non
eb ns leur perlurbatioll provoquée par l' ade d'une volont é quclc0n-
que, ce qui seraÍt le vérila,ble miracle; un hom me investi du don de
miracles aurait lc pouvoir de suspendl'e le co ilrs des lois que Dieu a
établic;; , cc qui n'est pas ad'nissiblc. Mais I' é!ément spirituel étant
une des forces ac lives de la nature, do nDe lieu à d,~s phénomenes
spéciaux qui no paraisscnt surn aturels CJue parce qu'on s'obstine à
en cherclv'!' li1, cause dans les seules lois de la matiel'e. Voi là pour-
qlloi les Spirites ne fo nt pas de mi rac\es , et n'ont jamais eu la pré-
- 328 -
ten Lion d'en faire. La qualification de tbaumalurgcs, qu e leur donne
la crüique par ironie, prouve ql1'elle parle d'une chose dont elle ne
sait pas le premier mot, puisqu'elle appelle faiseurs de miracZes ceux
mêmes qui viennent les détruire.
Dl) autre fait ressort des explications données dans la leUre ci-
dessus, e'est que le R aman de l'avenir est bifl n une muvre médiani~,
mique du jeune breton, et 1'011 ne peut que savoir gré à M, Bonne-
mere d'en avoir déeliné la paternilé. Des pensées aussi élevées et
aussi profondes n'avaient rien qui put nous étonner de sa part, e'est
pourquoi nous n' a vions pas hésité à les Iui attribuer, et nous n' en a vions
que pl lls d'estime pour son caractere, et pour sonlalent cl'écrivain qui
110US était connu; mais elles empruntent un intérêt particulier de la
source d' ou elles émanent ; quelque étrange que celte souree paraisse
au premieI' abord, elle n'a rien de surprenant pour quicoeque con-
naU le Spiritisme. Des faits de ce geme se voient fréquemment, et il
n' e5t pas un Spirite un peu éclairé qui ne s'en rende parfaitement
eompte , san s recourir aux miracles.
Altribuant done l'ouvrage à 1\1. Bonnemere, et ytrouvant eles fai ts
et des pensées qui semblent empruntés à. Ia doctrine elle-même, il
nous paraissait difficile que l' auteur y fUt étranger. Des lors qu'il af-
firme le contraire, nous le eroyons sans peine, et nous trouvons dans
S011 ignoranee même la confirmation de ce fait mainles fois répété
dans nos écri1s, que les idées spiriLes sont tellement dans la naturc
qu' elles germent en de/wrs de l' enseipnement du Spiritz'sme, et
qu'une [oule de gens sont ou deviennent Spirites sans le savoir et par
inluilion; il ne manque ~t leurs idées que le nom. Le Spiritisme est
comme ces plantes dont les semences sont portées par les vents et
qui poussent sans eulture; il nait spontanément dans la pensée, sans
é1ude préalable. Que peuvent donc conlre lui eeux qui rêvent 8011
anéantissement en frappant la souche mere?
Ai nsi, voici un médium e0mp le1, remarquable, et un observateur
qui ne se doutent ni l'un ni l'autre de ee que e'est que le Spiritisme,
ct l'observaLeur, par une déduction logique de ee qu'il voit, arrive de
lui-même à toutes les eonséquences du Spirilisme. Ce qu'il constate
d' abo rd, c'est que les faits qu'i l a sous les yellx lui présentent, dans
lc même individu, une daub/e vie dont I'wUJ n'a aucun rct/lpart avec
l'autre. Evidemment ces deux vies, Olt se manifestent des pen s~cs
di vergentes, sont soumises ti. eles eonditions différentes; elles ne peu-
ven1 toul es les dellx procéder de la matiere; e'est la constatation de
la vie spiritnelle ; c' e~ t l'Eune que 1' 0 11 I'oil agir en dehors de l'orga-
- :i29 -
nisme. Ce phénomene est três vulgaire ; il se produit journellement
pendant le somrneil du corps, dans les rêves, dans le somnambu-
lisme naturel ou provoqué, dans la catalepsie, dans la léthargie, dans
la double vue, dans l'extase. Le príncipe intelligent isolé de I'orga-
nisme est un fait capital, car c'est la prellve de son individualité.
L'existence, l'indépendance et l'individllalité de l'âme peuvent ainsi
être le résultat de l'observation. Si, pendant la vie du corps, I'âme
p ellt agir sans le concoUl'S des organes matériels, c'est qu'elle a un e
existence propre; l'extinction de la vie corporelle n'entraine donc pas
forcément celle de Ia vie spirituelle. On voit par I~t ou, de conséquence
en conséquence, on arrive par une déduction logique.
M. Bonnemere n'est point arrivé à ce résultat par une théorie
préconçue, mais par l'observation; le Spiritisme n'a pas procédé
autrement; I'étude des faits a précédé la doct,rine, el les principes
n'ont été fol'mulés, comme dans tOlltes les sciences d'observation,
qu'au ful' et à mesure qu'ils ont été déduits de l'expérience.
M. Bonnemere a fait ce que peut faire tout observateur sérieux, car
les phénomenes spontanés qui l'essortent du même principe sont nom-
breu x et vulgaires; seulement, M. Bonnemere n'ayant vu qu'un
point, n'a pu arriver qu'à une conclusion partielle, tandis que le Spi-
ritisme, ayant embrassé l'ensembl c de ces phénomenes si complexes
<>.t si variés, a pu les analyser, les comparer, les contrôler les uns
par les autres, et y tronver la solution d'un plus grand nombre de
problêmes.
Puisque le Spiritisme est un résultat d'observations, quiconque a
des yeux pOUI' voir, du jugement pour raisonner, de la patience
et de la persévérance pour aller jusqu'au bout, pourrait arriver à
constituer le Spiritisme, de même qu'on pourrait recollstituer tontes
les sciences; mais le travail étant tout fait, c'est du temps gagné et
de la peine épargnée. S'il fallait sans cesse recommencer, il n'y au-
rait pas de progr8s possible.
Com me les phénomencs spirites sont dans Ia l1ature, ils se sont
produits à toutes les époques; et précisément parce qu'i1s touchent
d'nne maniere pIus direcle à la spiritualité, ils se trouvent mêlés à
toutes les théogonies. Le Spiritisme, venu à une époqne moins ac-
cessible allx préjugés, éclairé par lo progres des sciences natmelles
qui manqllaient aux premiers hommes, et par une raison plus déve-
loppée, a pu mieux observer qu'on ne le faisait jadis; il vient aujour-
d'hui dégager ce qui est vrai de l'alliage introduit par Ies croyances
superstitieuses, filies de l'ignorance.
- 330-
M. Bonnemere se félicíte du hasard qui lui a mis entre les mail1s
les documents fournis par le jeune breton. Le Spiritifme n'admet
pas plus le ltasard que le surnaturel dans les événements de la vie.
Le ha8ard, qui par sa nature est aveugle, se monlrerait parfois sin-
gulierement intelligent. Nous pensons donc que c'est intentionnelle-
ment que ces documents 80nt venus en sa possessioll apres qu'i! a été
mis à même d'en constater l'origine. Entre les mains du jeune homme,
ils eussent élé perdus, et c' est sans doute cc qui ne devait pus être.
11 JalIait donc que quel<l!u'un :se chargeât ue les tirer de l'obscurité,
et c'est, parait-il, à M. Bonnemere qu'est dévolue cette mission.
Quunt à la valeUl' de ces documents, à en juger par l'échantillon
des pcnEées contenues dans le Roman de l'av enir , i! doit assurément
y avoir d'exceIlenteschoses; toutes sont-eIles bonnes ? c'est une
autre questiono ~ous ce rapport leur origine n'est pas une garantie
d'infaillibilité , attendu que les Et"prits, n'étant que les âmes des
hommes, n'onl pas la souveraice science. Leur avancement étant rc-
latif, iI y en a de plus éclairés les uns que les aulres; s'il y en a qui
saven t plus que les hommes, il y a aussi des hommes qui savent
plus que certains Esprits. Jm:qu'à ce jour on a considéré les Esprits
comme des êtres en dehors de l'humanité, et doués de facultés ex-
ceptionnelles; c'est là une erreur capitale qui a engendré tant de
superstitions et que le Spirilisme est venu reclifier. Les Esprits font
partie de l'humanité, et jusqu'à ce qu'ils aient atteint le point culmi-
nant de la perfeclion vers lequel i1s gravitent, ils sont sujets à se
tromper. C'est pourquoi on ne doit jamais faire abnégation deson
libre arbitre et de son jugement, rnêrne à l' égard de ce qui vient du
monde des Esprits; il ne faut jamais rien accepter les yeux ferm és,
et sans le contrôle séverc de la logique. Sans ri8n préjuger SUl' les
documents eu question, il se pOUl'rait done qu'i1 y eut du bon et du
mau vais, du vrai et <.lu faux, et que, par suite, il y eut à faire un cboix
judicieux pour lequel Ies príncipes de la doctrine peuvent foumir
.d'utiles indicalions.
Au nombre de ces principes, iI en est un qu'il importe de ne pas
perdre de vue, c'est le but providentiel de la manifeslation des Es-
prits. Ilviennent pour attester leur existence et prouver tL l'homme
que tuut ne finit pas pour lui avec la vie corporelle; ils viennent
l'instruire SUl' sa condition fulure, l' exciter 3, acquérir ce qui est utile
à son avenir el ce qu'il peut em porteI', c'est· à-di re les qualités mo-
rales, 111ais non pour lui donner les moyens de 8'enrichir. Le soin de
sa forlune et de I' amélioration de son bim- être matériel doit être
_.- 3:3 \ -
le fait de sa propre intclligence, de son activité, de son Iravail et de
ses recherches. S'il en élait autrement, le paresseux et I'ignoran
pourraient s'enrichir sans peine, puisqu'il suffirait de s'(\dressel' aux
Esprits pour obtenir une invention luc.ralive, faire découvrir des tré-
sors, gagner à la bourse ou à la loterie; ausE'i toutes Ics espérances
de fortune fondées sur le concours des Esprils ont-elles déplol'able-
ment échoué.
C'est ce qui nous inspire quelg:ues doutes sur I'efficacité du pro-
cédé pour les vers à soie, procédé qui aurait pour erret de faire ga-
gner de3 millions, et d'accréditer I'idée que les Esprits peuvent
donner I~s moyens de s'enrichir, idée qui pervertirait I'essence même
du Spiritisme. 11 serait donc imprudent de se créer des chimeres à ce
sujet, car il pourrait en être ici commc de certaines receltes qui de-
vaienl faire cauler le Pactole en certaines mains, et qui n'ont abouli
qu'à ele ridicules mystifications. Ce n'cst cependant pas une raison
pour taire le procédé, et pour le négliger; si le succes doi! avoir un
résultat plus important et plus sérieux que la fortune, il , se peut
qLl'une pareille révélatioll soit pel'mise. Mais dans l'inceditude, iI est
bon de ne pas se bercer d'espérances qui pourraient être déçues.
Nous approuvons donc le proj ct de M. Bonnemcre de publiel' les re-
cettes qui ont élé données ~L son jeune b1'e1oll, parce que, elans le
nombre, il peut s'en trouver el'utiles, ~urtout pour les maladies.

Le c uré Gassner
Médium guérisseur.
Dans le journal l' Exposition populaire illustrée, 2!le numéro, nous
trouvons dans un article inlitul6: Correspondance SUl' les thawna-:-
turges, une intéressante nolice sur le cllré Gassner, presqlle aussi
connu dans son temps que le prince Hohenlohe pour son pouvoir
guérisseur.
(rGassner (Jean-Joseph) naquit le 20 aout 1727, à Bratz pres de
Bludens (So uabe) ; il fit ses premieres éludes à Inspruck et à Prague,
reçut les ordres ecclésiastiques et ful pourvu, en 17 58 , de la cure
de Kloesterle, dans le pays eles Grisons.
( Apres quinze ans d'une vie retirée, il se révéla au monde comme
doué d'une puissance exeeptionnelle,. celle de guérir toutes les ma-
ladies par la simple apposiLion des mains, et cela sans employer allcun
remede, et sans exiger aUCllne rétribution. Les mal aeles afflllerent
bientôt de toutes parts, et en si granel nombre que, pour se mEttre plus
- 33:'! -
à la portée de les secourir, Gassnel' sollicita et obtint la permission
de s'nbsenter de sa cure, et 8e rendit succe8si vement à vVolfegg, à
Weingarten, à Raven sperg, à Deiland, à Kirchberg, à Morspurg et
à Constance. Les malheureux lui faisaient cortége; le corps m(5dicnl
se dressa contre lui. LE's uns proclamaient des cures merveilleuses,
d' autreo; les contestaient.
« L'évêque de Conslance le eontraignit à une enquête faite par 1e
directeur du sé minaire. Gassner déclara n'avoir jamais eu la pensée
de faire des miracles et s'être borné à appliquer le pouvozi" que 1'01'-
dination contere à tous les prétres d' exorcisel' , au nom de J ésus-
Clzrist, les clémons qw· sont une des causes les plus fréquen tes de nos
malaches. Il déclara diviser toutes les maladies en mal adies naturel-
les ou lésions, en maladies d' obsessions et en maladies compliquées
d'obseEsions. li était, disait-il, sans pouvoir SUl' les premieres et
échouait SUl' celles de la troisieme catégorie, lorsque la maladie na-
turelle était supérieure à la maladie d'obsession.
«L'évêque ne fut point convaincu et ordonna à Gassner de rentrer
dans sa cure, mais bientôt apres il l'autorisa à continueI' ses exor-
cismes; le curé se hâta de profiler de l' autorisation et surprit les ha-
bitants d'Elwangen, de Sulzbach et de Ratisbonne, par la foule
immense de malades que sa renommée attirait de la Suisse, de I' Al-
· Iemagne et de Ia France. Le duc de Wurlemberg se déclara ouver-
tement son admirateur et son protecteur; ses succes lui attirerent de
puissants adversaires. Le célebre Haen et le théatin Sterzingen j'at·
taquerent avec persévérance et passioll; plusieurs évêques prêterent
leuI' appui au fougueux théatin et lui interdirent d' exorciser dans leurs
dioceses. Enrn Joseph II rendit un rescrit qui ordonnait à Gassner de
quitter Ratisbonne; mais fort de la proteclion du prince-évêque de celte
ville, qui lui avait conféré le titre de cOllseiller ecclésiastique, avec lé'.
charge de chapelain de cour, il persévéra; celte résistance se prolongea
jusqu'en 1777, époque à laquelle Gassner fut pourvu de la cure de
Bondorf ou il se retira et mourut le 4 avril 1779, à l'âge de 52 an s.
Reinarque. - Le Spiritisme proteste contre la qualification de
thawnaturge donnée aux guérisseul's, par la raison qu'il n'admet
pas que rien se fasse en dehors des lois naturelles. Les phénomênes
qui appartiennent à l' ordre des faits spirituels ue sont pas pIus mira-
culeux que les faits matériels, attendll que l'élément spirituel est une
des forces de Ia nature, tout aussi bien que l'élément matériel. Le
curé Gassnel' ne fnisait donc pas plllS de miracles que le prince de
Hohenlohe et que le zouave Jacob, et 1'0n peut voir de singuliers
- 33:1 -
rapprochements entre ce qui se passait alors à son sujet, et ce qui
se passe aujourd'hui.
Les pressenti.ments et les pronosticg.
Nous empruntons au même article du journal pl'éeíté les faits ci-
apres qui accompagnent.la notice sur le curé Gassner, parce que le Spi.
ritisme peut en tirer UH utile sujet d'instruction. L' auteur ele I'article
les fait suivre de réflexions dignes de remarque en ce temps de scep·
ticisme à I'endroit des causes extra matérielles.
« Gassner avait joui d'une grande faveur aupres de l'impératrice
Marie-Thérese, qui le consultait souvent, ajoutant quelque foi à ses
illspiratians. On raconle (vair les Mémoires de Mme Cam pan) qu'à
l'époque ou I'idée avait été conçue d'unir la fili e ele Marie-Thérese
au petit-fils de Louis XV, la grande impéralrice fit venÍl' Gassner et
lui demanda : « Mon ANTOINETTE doit-elle être heureuse ? D
« Gassner, apres avoir longuement réfléchi, pâlit étrangemcnt et
persista à garder te silence.
« Pressé de nouveau par l'impéralrice et cherchant alors à donner
une expression générale à l'idée dont it semblait fortem ent occupé :
J~adame, répondit-il, il est des croi,r; paul' toutes les épaules.
Ii Le mariage eut Iieu le 16 mai 1770; le dauphin et Marie-An-

toineUe reçurent la bénédiction nuptiale à la chapelle de Versailles


(Marie-Antoinette était arrivée à Compiegne le 14) ; à trois heures
de I' apres-midi le deI se couvl'it de nuages, des torrents de pluie
inond erent Versailles; de violents coups ele tonnene retentirent, et
la. foule des curieux qui remplissai ent le jardin fut obligée de se re-
tirer.
« L'arrivée de Marie-Antoinette da ns le palais des rois de France
(lisons-nous dans la Vie publique et privéc de Louis XVI, par
M. A*** et deSalex; Paris, 18 14 , p. 340), futsign alée par UI1 de
ces pronostics dont 011 llC se rappelle d'ordinaire que lorsqu'on les voit
se réaliser dans la suite des temps.
( Au moment ou cette princesse, enLranL pour la premiel'e fois
dans les cours du cbâteau de Versailles, mil le pied dans la com de
marbl'e, un violenl coup de tonnerre ébran1a 1e ch âteau : Pl'ésage
de malheur! s'écria le maréchal de Richeliell.
« La soirée fut triste dans la ville, et les illuminatio ns ne purent
produire aucun effet.
« Ajoutez-y le terrible accident arrivé le 30 mai dansla rue Royale,
le jour de la fête que donna SUl' la place touis XV la ville de Paris
-- :l34 --
pour le' mari ag f~ du Dau phin et de la Dauphine. ANQUETIL porte à
300 Je nombre des morts SUl' place, et (l 1,200 le nombre de cetlx
qui succomberent dans les hospices ou à domicile peu de jours apres,
ou bien qui restêrent estropiés.
« En 1757 (voir les Aflz'clzes de Tours, 25" année, n° 14. - Jeudy
5 avril 1792), marJame de Pompadour flt venir devant Louis X V un
astrologue qui, apres avoir calculé son theme de naii'sance, lui dit :
( Sire, votre regne est célebre par de grands événements, celui qui
ele suivra, le sera par de gl'ands désastres. »
" Le j(1)ur de la mort de Louis XV il y eut à Versailles un orage
affreux,
li QueHe accumulation de pronostics!

(f Pendant huit ans la couche de la reine fut stérile. - Le 19 dé-


cembre 1778 naquit une filie, Marie- Thérese-Chal'lotte (plus tard
appelée du titre de son époux, madame la Dauphine, duch esse d'An-
goulême). Encore trois ans et le 22 octobre 1781 Marie-AnV)inette
donna un héritier à la COUrOlll1e. La ville de Paris vota à cette occa-
sion à la reine une fete ou fut déployée la plns somplueuse muni fi-
cenee.
(f Cette fête eut lieu le 21 janvier 1782. On ze ans plus tard la
commune de Paris donnait au peuple le SPECTACLE DE LA MORT DU
ROI. La reine était prisonniere en attendant que la vision de Gastoner
s'accomplit.
(f Puisque nous avons touché à ces questions brulantes, écoutez
encore les révélations de Mme Campan. - On était en mail789;
les journées des .\ et 5 avaient diversement impressionné les esprits;
quatre bougies éclairaient le cahinl~t de la reine, qui racontait quel-
qlles accidents remarquables qui avaient eu lieu dans le cours de la
journée. - «Une bougie s'éteignit d'elle-même; je la rallumai, dit
Mme Campan; bientôt la deuxieme, puis la troisieme, s'éteignil'ent
aussi; alors la reine, lui sel'rant la main avec un mouvem r)J1 t d'effroi,
lui dit : ( Le malheur peut rendre sclperstitir.use; si cette quatrieme
« bougie s'éteint comme les autres, rien ne pOUfl'a m'empêcher de
«regarder ce signe com me un sinistre présage ... » La quatriême
bougie s' éteignit ! ! !
« Peu de nuits avant, la reine avait, disait-elle, fait un songe aj-
fr'eux dont elle était restée profondément affectée.
« Sans doute les esprits forts rient de tous ces pronostics, de
toutes ces prol)héties, de ce don de vue antérieure. IIs n'y croient
pas ou feignent de ne pas y croire I Mais, pourquoi donc, à toutes
- 335-
les époques, y a-L-il eu des personnages de quelque valeur, de quel.
que imporLance qui, sans aucun irttérêt quelconque, ont affirmé des
faits de ce genre qu'ils ont déclarés absolm:, positif~.
« Citons quelques exemples :
« Théodore· Agrippa d' Aubigné, hleul de Mme DE MAI~TENON ,
rapporte dans ses Mémoires avoir eu à son servic8,enPoitotl, un
sourd-muet de naissance DOOÉ DU DON DE LA DlVINA.TION. {{ Vn jour,
« dit-il, les filies du logis lui ayant demandé combien le roi
« (Remi IV) vivrait encore d'années, le temps et los GÍrconstancC's
« desa mor!, illeur marqua trois ans etdemi, et désigna la ville, la
{{ rue et le carrosse avec les deux coups de couteau qu'il recevrait
« dans le creur. »
~ Quelqll t's mots encore sur ce même Henri IV.
« Quel jugement porterons-nous sur les noir:; pressentiments qu'il
« n'est que tl'Op constant que cc malheureux prince eut de sa eruelle
« destinée? - dit Sully dans ses Mémoires, Iiv. XXVI!. - lls sont
«d'une singularité qui a quelque chose d'effrayanl; j'ai d~jà rap ·'
« pürté avec quelle répugnance il s'était laissé aller à penneltre que
« la cé .. émonie du couronnement de la I eine se fit avant son déparl ;
« plus il en voyait approcher le mom ent, plus il senlait la frayeur ot
.« l'borreur redoubler en son creur; il venait I'ouvrir tout entier à moi,
« dans cet état d'amertume et d'aceablemcnt, dont je le reprenais
« c(Jmme d'une faiblesse impardonnable. Ces propres paroles feront
« une tout autre impression que tout ce que je pourrais dire : -
« Ah! mon ami, me disait-il, que ce sacre me dépla'lt; je ne saz's ce
« que c' est, mais le cmur me dit qu' ({ rit' arnvera quelque mallzeur. ))
« II s'asseyait, en me disant ces paroles, SUl' une chaise basse, que
«j'avais fait faire expres pour lui, et, livré à toutes les noirceurs de
« ses idées, il frappait des doigts sur l' étui de ses Iunettes en rêvéUJt

« profondémcnt.

« S'il sortait de celte rêverie, c'était pour se lever brusquemcnt


« en frappant des mains sur ses cuisses et pom s'écrier: « Pardieu,
c je mourrai dans cette vzlle, je n' en sortiraijamais; ils me tueront;
« je l'ois bien qu' ils mettent leur derniere ressource dans ma mort.

« Ah! maudit sacre, tu seras cause de ma mort!


«- Mon Dieu, sire, lui dis-je un jour, à quelle idée vous livrez-
« vous là ? Si elle continue, je suis d'avis que vaus rompiez ce sacre,
« et couronnell1ent, voyage, et guerre; le voulez- vous? Ce sera bien-
« tôt fait.
u - Oui, me dit-il enfin, :tr-rrs que je lui cus tenu ce discours deux
- 336 -
« ou trois fois; oui, rompez ce sacre, et que je n' en entende plus par-
a ler)' j' aumi par ce moyen l' esprit guéri des impl'essions que quel-
« ques avis y on! jaites)' je sortiJ'ai de cette vi/te et ne craindrai pIas
« rzen. »
A quel trait reconnaltrait-on ce cri secrct ei impérieux du creUl'
«
a si on le méconnait à ceux-ci : « Je ne veux point vaus cé/er, me di-
« sait-il encore, qu' 011 m' a c/it que je devrais être tué â la premiere
« 11wgnificence que je fetais et que je mourrais duns un carrasse, ct
f c'est ce qui faiL quej'y suis si peureux. »
a- Vous ne m'aviez, ce me semble, jamais dit cela, sire, lui ré-
« pondis-je;je me suis plusieurs fois étonné, en vous entendant crier
</ dans un carrosse, de vous voir si sensible à un petit danger, apres

« vaus avoir vu tant de fois intrépide au milieu des coups decanon et


« de mousquet, et parmi les piques et les épées nues; mais puisque
« cette opinion vous trouble jusqu'à ce point, en votte place, sire, je
« partirais dês demain : je laisserais faire le sacre sans vaus, ou je le
« remeltrais à une autre fois, et de longtemps je ne renlrerais dans
« Paris, !li dans aucun carrosse ; voulez-vous que j' envoie tout à cette
a heure à Notre-Dame et à Saint-Denis, faire tout cesser et renvoyer
« les ouvriers?
«- Je le veux bien, me dit encore ce prince, mais que dira ma
« femme? car elle a merveilleusement ce sacre en téte.
«- Elle dira ce qu'elle voudra , repris-j e, voyant combien ma pro-
I position avait fait plaisir au roi. Mais je ncsaurais croire que
« quand RlIe saura la persuasion ou vous êtes qu'il doU être la cause
a de tant de mal, elle s'y opiniâtre davantage. "
« Je n'attendis point d'autre ordre paul' alieI' donner celui d'inter-
a rompre les préparatifs du couronnement; ce n'est qu'avec un vé-
• ritable regret que je me vois obligé de dire que, quelques efforts
« que je fisse, je ne pus jamais engager la reine à donner ce lte satis-
" faction à son épOllX.
« Je passe sous sil ence les sollicitations, les priêres, et les contes-
a tations que j'employai pendant trais jours entiers pour tâcher de l::t
« fléchir; ce fut à ce prince à céder. Mais Henri n'en revintpas
« moins fortement à ses premieres appréhensions, qu'il m'exprimait
a ordinairement par ces paroles-ci qu'il avaiL souvent à la bOliche :
« -Alz! mon ami, je ne sartirazjamazs de cette ville / ils nw tuerant
a iei! O maudit sacre, tu seras la cause de ma morl ! ))
« Ce sacre se fit à Saint-Denis le jeudi 13 mai, et la reine devait,
le dimanche 16 du même mois, faire son entrée à Paris.
- 337 -
cc Le :1 4, le roi voulut faire visite à Sully, visite qu'illui avait an-

noncée pour le samedi matin 15 ; il prit son carrosse et sortit, mo-


difiant plusieurs fois son itinéraire en roule, etc., etc.
cc Péréfix e, son historien, fait observeI' que cc le ciel et la terre n'a-

« vaient donné que trop de pronostics de ce qui lui arriva. »


cc L'ÉvÊQU E DE RODEZ met au nombre de Ges pronostics une éclzlJse

de soleil, l'apparit'ion d'un e terrible conu':te, des tremblernents de terre,


des monstl'es nés en diverses contrées de la France ) des pluies de sang
qui lomberent en que/ques endroits, une grande peste qui avait a(fligé
Paris en 1606, des apparzh'ons de j'antômes e! p lusieurs outl'es pro-
diges (voir I'Histoire de Henri le Grand par Hardouin de Péréfixe,
évêque de Rhodez, Vie riu duc d'Epernon , JJfercure jrançais, Ma-
thieu, l' Estoile, etc.)
cc Aúêtons-nous! nous écririons un vol ume, des volumes, tant les

faits abondent. Mais est-il donc si nécessai re d'avoir r ecours aux


récits des autres? Que chacun se qu estionne lui-mê me ; que chacun
en appelle à ses propres souven irs et se r éponde avec loyau té ei fran-
chise, et chacun dira : Il y a en moi un inconnu qui es! naus , qui
tou! à la ( ois commande à mon moi matiere et lui obéit. - Cet in-
connu, esprit, âme, qui est-il? comm ent est-il ? pourquoi est-il? Mys-
tere; série de mysteres; inexplicable mystere. Comme tout dans la
nature, dans l'organisme, c1ans la vie, la vi e et la mort ne sont-
elles pas deux impénétrables mysteres? Le sommeil, cet essai de
la mort, n'est-il pas un inflxplicab le myslere? L'assimilation des
aliments, qui devi ennent nous: inexplicable, incompréhensible mys-
tere! La génératio!1: mystérieuse obscurité ! Cette obéissance
passive d e mes doig ts qui tracent ces lignes et obéissent à ma vo-
lonté : ténebres dont Dieu seul sonde les profondeurs et qui s'illu-
minent, pour lui seul, de la lumiere de vérité !
cc Baissez la tête, enfants de l'i gnorance et du doule; humilicz celte

orgueilleuse que vous nom mez la raison ; libres pensem's, subissez les
chalnr,s qui étreignent votre in telligence; fl échissez le genoux :
Dieu se ul sait! »
Dans ces faits, il y a deux choses bien d istinctes à cOllsidérer : les
p ressentiments et les phénomen es r egardés comme des pronosties
d' événements futurs.
On ne saurai t nier les pressentiments dont iI est peu de personnes
qui n'aient eu des exemples. C'est un de ces phénomenes dont la ma-
tiere seule esl impuissa nte à donner l'explication, car si la matiere
ne pense pas, elle ne peu t non plus pressentir. C'esl ainsi que le ma-
- 338-
térialisme se heurte à chaque pas contre les choses les plus vulgail'e::;
qui viennenl le démentir.
Pour être averli d'une maniere occulte de ce qui se pa~se au loill
et dont nous ne pouvons avoir connaissance que dans un avenir plus
ou moins prochain par les moyens ordinaires, il faut que quelque
chose se dégage de nous, ve,je et entende ce que nous ne pouvons
percevoir par les yeux et IE's oreilles, pour en rapporter l'intuitíon
à notre cerveau. Ce quelque chose doil être intelligent puisqu'il
comprcnd, et que souvent d'un fait actuel il prévoit lrs consé·
quences futures; c'est ainsi que nOl1s avons parfois le rres-
sentiment de l'avenir. Ce quelque cbose n'est autre que nous-
même, notre être spirituel, qui n'est point confiné dans le corps
comme un oiseau dans une cage, mais qui, parei! à un balIon captif,
s'éloigne momentanément de la terre, sallS cesseI' d'y être aUaché.
C' ef>t surtout dans les moments ou le corps repos(', pendant le som-
meil, que l'Espril, profitant du répit que lui laisse le soin de son en-
veloppe, reCOllvre en paTtie sa liberté et va puiser dans l'espace,
parmi d'autres Esprits, incarnés comme lui ou désincarnés, et dans
ce qu'i1 voit, des idées dont il rapporte l'intuition au réveil.
Cette émancipation de l'âme a souvenL lieu à l'état de veilJe, dans
les moments d'absorption, de méditation et de rêverie, ou I'âme
semble n'Hre plus préoccupée de la terre; elle a surtout lieu d'une
maniere plus effective et plus ostensible chez les personnes douées de
ce qu'on appelle double vue ou vue spirítuelle.
A côté des intuitions personnelles de I'Esprit, il faut placer celles
qui lui sont suggérées par d'aulres Esprits, soit pendant la veille, soit
pendônt le sommeil, par la transmission de pensées d'âme à âme.
C'est ainsi que souvent on est averti d'ul1 dangel', sollicité de prel1-
dre telle ou telle direction, sans pour cela qlle l' Esprit cesse d'avoir
S011 libre arbitre. Ce sont des conseils, et non des ordres, car il resté
toujours maitre d'agir à son gré.
Les pressentiments ont do"c leur raison d'être, et trouvent le ur
explication nalurelle dans la vie spirituelle, dont nous ne cessons pas
un instant de vivre, paree que e'est la vie normale.
II n'en est pas de même des phénomenes physiques considérés
eomme des pronostics d'évenements heureux ou malbeureux. Ces
phénomenes n'ont en général aUCllne liaison avec les choses qu'ils
semblent présager. IIs pcuvent être les précurseurs d'etfets pbysiques
qui en sont la conséquence, comme un point noir à l'horizon peut
présager au marin la t~mpête, ou certains nuages annoncer la grêle,
- 339 -
mlis la signification de ces phénomencs pOUl' les choses de I'ordre
moral doit être rangée parmi les croyc:tnces superstitieuses qu' 011 ne
saurait combatLre ave c trop d'énergie.
Cette croyance, qui ne repose absolument sur rien de rationnel,
fait que, lorsqu'un événement arrive, 011 se rappelle quelque phéno-
mene qui l'a préc2dé, et auquel l'esprit frappé le rattache, sans
s'inquiéter de I'impossibilité de rapports qui n'existcnt que dans
l'imagination. On ne songe pas que les mêlll<3S ph él10menes se répe-
tent journellement sans qu'il en résulte rien de fâcheux, et que les
mêmes événements arrivent à chaque instant sans être précédés d'au-
cun prétendu signe précurseur .. S'il s'agit d'événements qui touchent
à des intérêts généraux, des narrateurs crédules, ou plus souvent
oflicieux, pour en exalter ['importance aux yeux de la postérit~,
amplifient sur les pronostics qu'ils s'eíf,Jrcent de rendre plus sinislres
et plus terribles en y ajoutant de prétendues perturbati'lns de la na,-
ture, dont les tremblements de terre et les é~lipses sont les accessoires
obligés, ainsi que I'a fait l'évêque de Rodez à propos de la mort
d'Henri IV. Ces récits fant astiques, qui SOl1vent avaient leur
som'ce dans les intérêts des partis, ont été acceptés sans examen par
la crédulité populaire qui a vu, ou à laquelle on voulait faire voir des
miracles dans ces phénomenes étranges.
Quant aux événement.s vulg r1ires, l'homme en est le plus soavent
lui-même la premiere CtUse; ne voulant pas s'avouer ses propres fái-
blesses, il cherche une excuse en m8tttnt SUl' le compte de la nalure
les vicissitudes qui sont presque toujours le résultat de son impré-
voyance et de son impéritie, C'est da.ns ses passioll3, d:tns ses défauts ·
personnels qu'i! faut chercher les véritables pl'Onostics de ses mi-
seres, et non dans 1:1 nature qui ne dévie p:1S de la. route que Oieu
lui a tracéc de toute éternité.
Le Spiritisme, en expliquant par une loi natllrelle la véri table
cause des press2ntiments, dérnontre, par cela même, ce qu'il y a
d'absurde dans la croyance 11 .1X pronosti ~s. Loin d'aceréditer la su-
perstition, il lui ôte son dernier refuge : le surnaturel.

L,e zouave ' Jiacob.


(Deuxi eme arlicle, vair le uuméra d'actobl'e).

M. Jacob est-il un charhtan? Son désintéressement matériel est


un fait constant, el pel.lt-être un de ceux qui ont le plus désorienté la..
critique. Comment accuser de charlatanisme un homme qui ne
demande rien et qui ne veLlt rien, pas même de remerciments?
.- 34·0 -'-
Que] se rait donc son mobil e? L'amour-propre, dit-on. Le désinté-
ressement moral absolu étullt le sublime de I'abnégation, iI faudrait
avoir la vertu des anges pour nc pas éprouver une certaine satisfac-
tion quand on voit la foul e se press(~r subi te ment autour de soi, alors
que la veill e 011 élait inconnu. 01', comme M. Jacob n'a pas les pré·
tentions d' être un ange, <: n supposant, ce que nous ignorol1s, qu'il
se soit un peu exalté 80n importance li, ses propre8 yeux, on ne pour-
rait lui en fair ~ Ull granel crime, et cela ne détruirail pas les faits s'il
y en H. Nous aimons à croire que ceux qui lui imputent ce lravcrs
sont trop au-dessus des choses terrestres pour avoir, sous ce rapport,
le moindre reproche à se faire.
Mais dans tous Ics cas, ce sentiment ne pouvait être que con-
sécuti( et 11011 précon çu. Si M. Jacob eut prémédité le dessein de se
populariser en se donnant pour guérisseur émérite sal1S pouvoir
prouver autre chose que son impuissance, au lieu d'applaudissements,
iln' aurait I'ecueilli des le premier jour que des huées, ce qui n'aurait
pas été tres flatteur pour lui. Pour s'enorgueillir de quelque chose
il faut une cause préexiBtante ; il fallait donc qu'il guérit avant d'en
tireI' vanité.
11 vo ul ait, ajoute-t-on, faire parler de lui, 80it ; si tel a été son
but, il faut convenir que, grâce à la presse , il a été servi à souhait.
Mais quel est le journal qui peut dire que M. Jacob ait été quêtcr la
moindre réclame, le plus petit article, qu'il ait pa,yé une He ule ligne ?
A-t-il été voi!' un seul journa1iste? Non , cc sont les journalistes qui
sont allés à lui, et qui n' ont pas toujours pu le voir facilement. La
presse a parlé spontanément de lui quand eile a vu la foule, et la
foule n' est venuc que quand il y a eu des faits. A-t-il été faíre sa
cour aux grands persolillages? S'est-il montré pour eux p1us acces-
sible, p1us c mpre ~sé , plus prévellant? 'fout le monde sait qu'il a poussé,
wus ce rapport, le rigorisme jusqu'à l' exc8s. Son amour- propre,
cependant, eut trouvé plus d'éléments de satisfaction dans le granel
monde, que chez d'obscurs indigents.
11 faut donc Jogiquement écarter toute imputation d'intrigue et
de charlatanisme.
Guérit-il toutes les maladies ? Non-seulement il ne les guérit pas
toutes, mais de deux individus atleints du même mal , souvent il gué-
rira \'un et ne fera rien sur l'autrc. II De sait jamais d'avance
s'i! guérira un malade, voilà pourquoi il ne promet .i amais rien; ar
on sait que les charlatans ne sont pas avares de promesses . La gué-
rison tient à des affinités fluidiques qui se manifestent instantané·
ment, comme une secousse électrique, et qui lle peuvent être préju-
gées.
Est - il doué d'un pouvoir surna tu rei ? Sommes - 110US revenus au
temps des miracles? Interrogez - le lui-même, et il vous répon-
- i~4 1 -"
dra qu'il n'y a dans ces guérisons rien de surnaturet lli de mira-
culeux; qu'il est doué d'une puissl1l1ce fluidique indépendante
de sa volonté qui se manifeste avec plus ou moins d'énergie selon les
circonstances et le milieu OÚ il se trouve; que le tluide qu'il émet
guérit cerlaines maladies chez certaines personnes, sans qu' il sache
ni pourquoi ni comment. ,
Quant à ceux qui prétendent que cette faculté est un présent du
diable, on peut leur répondl"e que, puisqu'elle nc s'exerce que pour
le bien, il faut admettre que le diable a des bons moments dont 011
fait bien de profiler. On peut aussi leur demander CJuelle différence
il ya entre les guérisons du prince de Hohcnlohe et celles du zouave
Jacob, pour que les unes soient réputées saintes et miraculeuses,
et les hutres diaboliques? Passons sur cette question qui ne peut être
prise au sérieux dans ce temps-ci.
La question de charlatanisme préjugeait toutes les autres, c'est
pourquoi nous y avons insisté; cette question étant écartée, voyons
queUes conclusions on paut tirer de l'observation.
M. Jacob a guéri instantanément desmaladies réplltées incurables,
c'est un fait positif. La question du nombre des malades guéris estiei
secondaire; n'y en eut-il qu'un sur cent, le faÍt n'en subsisterait pas
moins; or ce fait a une cause.
La facllllé guérissante portée fL ce degré de puissance, se trouvant
chez un soldat qui, toul honnête homme qu'il soit, n' a ni le caractere,
ni les habitudes, ni te langage, ni les allures des saints; exercée en
dehors de ioule form e ou appareil mystique, dans les conditions les
plus vlllgaires et les plus prosalques; se trouvant d'ailleurs à diffé-
rents degrés chez une foule d'autres personnes, chez des héréti-
qlles comme les Musulmans, les Indous, les Boudhistes, etc., ex-
clue l'idée de miracles dans le sens lif.urgique du moI. C'est donc
une fa~ulté inhérente à l'indi vidu; et puisqu'elle n' est pas un fait isolé,
c'est qu'elle dépend d'une loi comme tout elTet naturel.
La guérison est obtenue sans l'emploi d'aucun médicument, donc
elle estdue à uneinflucnce occulte; et atlendu qu'il s'agild'un résultat
eiTectif, matéricl, et que rien ne pellt produire quelque chose, il faut
que cette influence soit quelque chose de matéri el; cc ne peut donc
être qu'un fluide matériel, quoique impa!pable et invisible. M. Jacob
ne touchant pas le malade, ne faisant même aucune passe magné-
tique, !e flllide ne peut avoir pour motem' et propulseur que la volonté ;
01', la volonté n'étant pas un attribut de la matiere, ne peut émaner
que de l' esprit; c' est donc le fluidc qui agit sans l'impulsion de
l'esprit. La plupart des maladies guéries par ce moyen élant de
celles contre lesquelles la science est impuissante, il y a donc des
agents curatifs plus puissants que ceux de la médecine ordinaire ; ces
phénomenes sont, par conséquent, la révélation de lois inconnues de
- 3-í:2 --
la scicn cc ; en présence de faits paten ts il est plus prudent de douter
Cjue de nier. Telles sont les conclusions auxquelles arri ve forcérnent
t')ut obscrvaleur impartial.
Quellc est la nature de ce fluide? Est-ce de l'éleGtricité ou du ma-
gn éti'3me ? Il y a probablem e~lt I'Utl et l'autre, et pcut-être quelque
chose de plus; c'en est, dans tons les cas, une modifica.tion, puisque
los cITets sont diITéren!s. L' action magnétique est évidente, Cjuoique
plus puissante que celle du magnétisme ordinail'e, dont ces faits sont
la. confirmation, et en même temps la preuve qu'il n'a pas dit son
dernier moL
11 n'entre pas dans le cadre de cet article d'expliquer le mode
d'action de cet agent curatif, déjà décrit dans la théorie de la mé-
diumnité guérissante; il suffi t d'avoir démontré que l'examen des
faits conduit h reconnaltre l' existence d'un principe nouveau, et que
C0 principe, quelque étt"aDgCS qu'en soient les effets, ne 80rt pas du
domaine eles lois naturelle8.
Dans Ics faits cOllcernant M. Jacob, il n?a pour ainsi elire pas été
f,dt mention du Spi ritisme, tandis quetoute l'altenlions'est concentrée
SUl' le magnélisme; cela avait sa relÍson d'être et son utilité. Bien
que le concoul'S d' Esprits désincarnés dans ces sortes de phénomenes
soit un fait constaté, leu r aclion n'est pas ici évidente, c'est pourquoi
nous en faisons abstraction. Peu importe que les faits soient ex pliqués
avec ou sans l'ifllervenlion d' Esprits étrangtlrs ; le magnélisme et le
Spiritisme se donncnt la main; ce 80nt ueux parties d'un même toul,
deux branches d'une rnême science qui se completent et s'expliqu ent
l'llne par l'antre. Accréditer le magnélisme, c'est ouvrir la voie au
Spiritisme, et réciproquement.
La critiqu e n'a pas épargné M. Jacob; à défaut d8 bonn es rai-
sons, elle lui a, comme d'habitude, proJigué h raillcrie et les injures
grossiim:s, ce dont il ne s'est pas ému le moins du monde; il a rné-
prisé Ics unes et les autres, et les gens sem:és lui ont su gré de sa mo-
dél'ation.
Quelques-uns ont été jusqu'à solliciter son incarcération comme
imposteur abusant de la crédulité publique; mais un imposteur est
celui qui promet et ne tient pas; 01', comme M. Jacob n'a jamais rien
promis, personne ne peut se plaindre d'avoir élé abusé. Que pou-
vaÍl-on lui reprocher? En quoi était-il en eontravention légale ? li
n' exerçait pas la médecine, pas même ostensiblement le magn8tisme.
Quell e est la loi qui défend de guérir les gens en les regardant?
On lui a fait un grief de ce que la foule des malades qui venaient.
à lui gênait la circulation ; mais est -ce luÍ qui a appelé la foule? L'a-
t-il convoquée par des annonces ? Quel est le médecin qui se plain-
drait s'il en avait une pareille à sa porte? Et si l'un d'eux avait cette
bonno fortun e, même au prix d'annonces cherement payées, que di-
- 343 -
rait-il si on voulait l'inquiéter pour ce fait? On a dit qu'à quinze
cents personnes par jour pendant un mois, cela faisait quaranle-cinq
mille mal ades qui s'étaient prése nlés, et qu'à ce compte, s'illes avail
guéris, il ne devrait plus y avoir de boiteux ni d' estropiés dans les
rues de Paris. 11 serait superflu de relever cette f'inguliere objection,
mais nous dirons que plus on grossit le nombre des mal ades qui,
guéris ou non, se pressaient dans I'impasse de la rue de la Roquette,
p lus on prouve combien est grand le nembre de ceux que la médc-
cine ne peut guérir, car il est évident que si ces malades avaient été
guéris par les médecinf:l, il s ne seraient pas venus à M. Jacob.
'Comme, malgré les dénégations, il y avait des faits patents de
guérisons exlraordinaires, on a voulu les expliquer en âisant que
M. Jacob agissait, par la brllsquerie même de Ees paroles, sur I'ima-
gination des malades ; soit, mais alors si V0US reconnail'sez à I'in-
flu ence de l'imagin ation une te1le puis~ance sur les paralysies, les
épilepsies,les membres ankylosés, que n'employez-vous ce moye n,
au lieu de laisser souffrir tant de malheureux infirmes , ou de leur
donner des drog,les que vúus savez inutiles ?
La preuve, a-t-on dit, que M. Jacob n'avait pas le pouvoir qu'il
s'attribu ait, c'e",t qu'i! a refnsé d'aller guérir dans un hôpil al so us
les yeux ue gens compétents pour apprécier la réalité des cures.
Deux r[l isons onl elO. motivel' ce refus. D' abord, il ne pouv:üt se
dissillJul er que l'offl'e qui lui était faite n'était pas diclée par la syrn-
pathie, mais un défi qu'on lui proposait.. Si,surune salle de irente ma-
lades , il n' en avait mis SUl' piedsou soulagé que trois ou quatre, on
n'aurait pas manqL:é de dire que cela ne prouvait rien et qu'i\ avait
échoué.
En seconrllieu, iI faut tenir compte des circonstances qui peuvent
favoriser ou paralyser wn action fluirlique. Lors'lu'i! est en touré de
mal ades qui viennent à lui volontairement, la co nfiance qu'ils appor-
tent les prédisposc. N'udmeltant auc un étrangcr uttiré par la curio-
sité, il se trouve duns un milieu sympathique qui le prédispose lui-
même ; il est tout à lui; sun esprit se concentre librement, et son
action a toute sa puissance. Dans une salle d'h ôpital, inconnu des
malades habitués aux soins de Ieurs médecins dont ce serait suspec-
ter I'habil eté que d'avoir foi en autre chose qu'en leu r médicalion,
sous les regards inquisiteurs et moqueurs de gens prévenus , intéres-
sés à le dénigrer; qui, au lieu de le seconder par le concours d'in-
tentions bienveillantes, cl'aidraient pl LiS qu'ils ne désireraient ne le voir
réussir, parce que lo succes d'un zouave ignorant serait un démenti
donné à leur savoir, il est évident que, sous I'empire de ces impres-
sions et de ces effiuves antipathique:3, sa faculté se trouverait neutra-
Iisée. Le tort de ces messieurs, en cela comme lorsqu'i! s'est agi du
somnambulisme, a toujours été de croire que ces sortes de phéno-
- 34·4 -
menes se manamvraient à volonté comme une pile électrique.
Les guérisons de ce genre sont spontanées, imprévues et ne
peuvent être préméditées ni mises au concours. Ajoutons à cela que
le pouvoir guérissant n'est point permanent; tel qui le possede au-
jourd'hui, peut le voir cesseI' au moment ou iI s'y attend le moins;
ces intermittences prouvent qu'il dépend d'une cause indépendante
de la volonté dn guérisseur, et déjouent les ealculs du ch arlatanisl11E'.
Nota. M. Jacob n'a point encore repris le cours de ses guérisons ;
nous en ignorons le motif, et il ne parait pas qu'i! y ait rie,1 de fi xé
SUl' l'époque ou illes recommencera si cela doit avoir lieu. En atlen-
dant, nous apprenons que la médiumnité guérissante se propago
en différentes localités, avec des aptitudes diverses.

Notices Bibliograpbiques
La Raison du Spiritisme
P A H. M I CHEL BO NN A 1VIY
Ju ge d'in stl'uclion; membre des cong"l'es scicntifiques de France ; an cien mcmbre
du conscil général de 'farn-et-Garonne.
Lorsque parllt le roman de lJ1lt'retle, les Esprits dirent ce;) parolos
remarquables à la Société de Paris:
« L'année 1.866 présente la philosophie nouvelle sous tout8S sos
formes; mais c' est encore la tige verte qui renferme I' épi de blé, ct
attend · pour le montrer que la chaleur du printemps l'ait fait murir
et s'entr'ouvrir. 1866 a préparé. 1867 murira et réalisera. L' année
s'ouvre sous les auspices de Mi'rette, et elle ne s'écoulera pas sans
voir apparaitre de nouvelles publications du même genre, et de plus
sérieuses encare, en ce sens que le roman se fera philosophie et que
la philosophie se fera histoire. » (Revue de février 1867, page 64.;
IIs avaient déjà dit précédemment qu'il se préparait plllsieurs ou-
vrages sérieux SUl' la philosophie du Spiritisme, ou le nom de la
doctrine ne serait pas timidement dissimulé, mais hautement avoué
et proclamé, par des hommes donl le nom et la position socialo
donneraient du poids á leur opinion; et ils ajoulerent que le pre-
mier paraitrait probablement vers la fin de la pré.sente année.
L'ouvrage que nous annonçons réalise eomplétement cette pré-
vision. C'est la premifll'e publication de ce genre ou la question soit
envisagée dans toutes ses parties et de toute sa hauteur; on peut
done dire qu'elle inaugure une des phases de l'existence du Spiri-
tisme. Ce qui le caractérise, c'est que ce n'est point une adbésion
banale aux príncipes de la doctrine, une simple profession de fo i,
mais une démonstratiol1 rigoureuse, ou les adeptes eux-mêmes trou-
(lrUn volume in-12; prix 3 francs, p'lr la poste, 3 fI'. 3!S c. Librairie interna-
tionale, 15, boul eva rd ll\'!ontmartre à Pari s.
--
... -
.lL! .} -

veront eles apel'çus 1l011Veaux. En lisant cette argumentation serrée,


poussée, si I'on peut dire jusqu' à la min utie, et par un enchalnement
méth odique des idées, on se demandera, sans doute, par quelle
étrange extension du mot on pourrait appliquer à l' au teur l'épithete
de (ou. Si c' est un fou qui discute ainsi, on pourra dire que les
fous ferment parfois la bouche à des gens soi-disant sensés. e'est un
plaidoyel' en regle ou I' on reconnalt I'avocat qui veut réduire la ré-
plique à 8es derniel'es limites ; mais on y reconnait aussi celui qui a
étudié sa cause sérieusement et I'a scrutée dans ses rlus minu-
tieux détails. L'auteur ne se borne pas à émettre son opinion : iI la
motive et c!Ol1lle la raison d'ê lre de cha.que chose; e'est pour cela
qu'il a justement intitulé son livre : La R aison du Spiritúme.
EI1 publiant cel ouvrage, sans couvrir sa personnalité du moindre
voile, I'êlutcur prouve qu'il a le vrai courage de son opinion, et
l' exemple qu' il donne est un titre à la reconnaissanee de tous les
Spirites. Le point de vue ou iI s' est placé est principalemen t celui des
conséquenc8s pbilosophiques, morales et religieuses, celles qui con-
stituent le but essentiel du Spiritisme et en font une reUVl'e huma-
nitaire.
Voici du reste eomment il s'exprime dans sa préface.
« 11 est dans les vicissitudes des choses humaines , ou pl ulôt il
s (~ ll1ble fa lalemen t réservé à toute idée nouvelle, d' être mal accueillie
;L son apparition. Comme e!le a pour mission le plus souvent de ren-
verser des idées qui l'ont précédée, elle rencontre une três grande
résis!.ance de la part de I' entendernent humain.
« L'homrne qui a vécu avec les préjugés n'accueille qu'avec dé-
fi ance la nouvelle venue, qui tend à modifier, à détruire même des
combinaisons et des idées arrêtées dans son esprit, à le forc er, en un
mot, à se mettre de nouveau à I' reUVl'e, pOUl' courir apres la vérité.
11 se sent d'ailleurs hurnilié dans son orguei! d'avoir vécu c1ans
I'erreur.
cc La répulsion qu'inspire I'idée nouvelle est bian plus aceentuée
encore, l o r.~ qu'elle apporte avec elle des obligations, des devoirs j
lorsqu' elle impose une ligne de eonduite plus sévere.
u ElIe rencontre enfin des attaques systématiques, ardentes,
acharnées, lorsqu'elle menace des positions acquises, et surtout 101's-
qu' elle se trouve en face du fanatisme ou d'opinions profondément
enracinées dans la tradition des siecles.
CI Les doctrines nouvell es ont clone toujours de nombreux détrac-

teurs ; ell es ont même souvent à subir la persécution , ce qui a fait


dirc à Fontenelle : cc Que s'il tenait toutes les vérités dans sa. main,
(C il se garderait bien de l'ouvrir. »

u Tels étaient la c1éfaveur et les pé1'il s qui attendaient le Spirilisme


à son apparition dans le monde des idées. Les insultes, la raillerie,
- 346 -
la calomnie m lui ont pas été épargnées; et, peut-êlre, viendra·l·i!
aussi le joul' de la persécution. Les adeptes du Spiritisme ont eté
traités d'illuminés, d'hallucinés, de dupes, de fous, et à ce flux
d'épithetes qui semblaient cependant se contredire et s'excJare, Oll
a ajouté celles d'imposteurs, de charlatans, et enfin de suppôts ele
Satan.
« La ql1alification de fou est celle qui parait plus spécialemenl
ré!;!crvée à tout promoteur ou propagateur d 'idées nou velles. C' est
alnsi Lju'on trétita de fou celui qui, le premier, s'avisa de dire que la
terre tournc aulour du s.oleil.
« 11 était fou aU3si, ce célebre navigateur qui découvrit un nou-
veau monde. C'était encore un fou, de par l'aréopage de la scietlce,
ceJui qui trouva la puissance de la vapeul'; et la docte assemblée ac-
cueillit, avcc un déJaigneux sourire, la savan le dissertation de
Franklin SUl' les propriétés de l' électricité et la theorie du para-
tonnerre.
« Lui aussi n'a-t-il pas élé traité ele fou, ie divin régénérateur ele
l'hllmanité, le réformateur alltorisé de la loi de MoL,e ? N' a-t-il pas
expié par un suppliee ignominieux l'inoculation à la terre des bien-
fails de la moral e di vine ?
« Galilée n'a-t -il pl S expié comme hérétique dans une cruell e se-
questratiúl1 et par Ics plus ameres persécutions morales, la gloire
d'avoir eu le premieI' I'initialive du systeme planétaire dúnt Newton
devait promulgueI' les lois ?
« Saint Jean-Baptiste, le précurseur du Christ, avait, aussi été S1-

crifié à la vengeance eles coupables dont il flétr.issait le3 crimes.


« Lcs arÔlres, déposil::tires des enseignemenls du di vin Messie,
dl1rent sccll er ele leu\' sang la sainleté de leur mission. Et In reli gioll
réformée l1' a-t- el le pas éte persécutée li son tour, et apres les mas-
sacres de la Saint-Barlhéiemy, n' a-t-elle pas eu à subir les drago-
nad es ?
« Enfln, remontant jusCJu'á l'ostracisme inspiré par d'autres pas-
8io115, nous voyons Aristide exilé, et Socrate condamné à boirc la
cigue.
« Sans c1oute, grâcc aux IDffiurs dauces qui caractériscnt notre
siccle, sous l' empil'c de nos insti tutiol1S et des lumicres qui meltent
un fr ein ~L l' intokrance fanatique, les búchcrs nc se clresseron t pas
pour purifl er par les fl ammes les cloclrines spirites, clont on prélend
fail'e remonteI' la paternité à Sainn. Mais elles c\oivent s'attendre,
ell es anssi, à une levée de boucliers des plus hosliles, el aux atlaques
d'arclents adversaires.
« TOlltefois, ccl état militant ne saurait alTaiblir le courage de ceux
qui Bont animés d'une conviclion profonde, de ceux qui ont la certi-
tudo de tenir dans Icms mains une de ces vérilés fécond es qui
constitllent, dans leurs développements, un grand bienfait pOUl' l'bu-
manité.
c( Mais, quoi qu'il en soit de l'antagonisme des idées ou des doc-

trines que suseitera le Spiritisme; quels que soienl les périls qu'il
doive ouvrir sous les pas des ndeptes, le Spirite ne saurait laisser
cette lumiere sous le boisseau, et se refuser à lui donner tout l'éclat
qu'elle comporte, l'appui de ses convictions et le témaignage sincere
de sa cons~ience.
Ii Le Spiritisme révélant à l'hamme l'écono.nie de son organisa-
tion, l'initiant à la connaissm~ce de f'es destinées, ouvre un chnmp
immense à set'i médiaticns. Ainsi le philosophe spirite, appelé à por-
ter ses in v€stigations vers ces nouveaux rt splendides húrizons, n' a
pour limites que l'infir;i. li assiste, en quelque sorte, au conseil SlI-
prême du Créateur, Mais l'enthousiasme est l'écuei l qu'il doit éviter',
surtout lorsqu'il jette ses regards sur l'homme, devenu si grand, et
qui, cependant, se fait orgueilleusement si petít. Ce n'est donc qu' é-
clairé par les lumieres d'une prudente raison, et qu'en prenant pOUl'
guide la froide et sévere logique, qL1'il doit diriger ses pérégrinations
dans le c10maine de la bcience divir.e dont le voile a été EOulevé par
les Esprits.
" Ce livre cst le résultat de nos propres études et de nos média-
tions Silr ce sujet qui, des I'abord, naus a paru d'une importanee
capitale, et avoÍl' des canséque nces de la plus baute gravité. Nous
avons reconnu que ces idée sont dE's racines profonde2, et IlOUS y avons
entrcvu I' au rore d'une ere llouvelle paul' la, sockté ; la rapidité avec
Jaqllell e elles se propagent est un indice de leur prochaine admission
au nornbre des croyances rcçu es. En raison même de leur impol'-
lance, nous ne nous -sommes pas contenté des affirmations .et des ar-
guments de la doctrine; non--seulement nous naus sommes assuré
de la réalit é clE's faits, ' mais nous aVOI1S scruté avec une atlention mi-
nutieuse les principes qu'on en fait déco ulcr ; nous en avons cherehé
la raison avec une froide impartialité, sans négliger I'ét,ude nOI1 moins
conscienciellse des objeet io Ds qu'opposent les antélgonistcs; tornme
un juge qui écoule les deux parties adverses, naus avon s mUl'ement
pcsé le pour et le contre. C'est donc aprés avoir acquis la convictioll
que les allégations contraíres De détruiscnt rien; que la daetrine
repose sur des bases sérieuses, sur Ulle lagique rigoureuse, et non
SUl' des rêveries ehimél;iqu es ; qu'ellc contient le germe d'une rérw-
valion salutaire de I'état social sf)urdement miné par l'ineréduli lé ;
que c'est en fm une barriere puissante contre l'env ahissement du ma-
térialisme el de la démoralisalion, que nous avons cru devoi!' don-
ner notre apprécialion personnelle , et les déductions que naus avons
tirées d'unc éiude altenlive.
« AyanL dane tl'ouvé une raison d'être aux princi pes de ceLte
- 34·8 -
science nouvelle qui vient prendre rang parmi les connaissances hu-
maines, nous avons intitulé notre livre: La Raison C/U Spiritisme.
Ce titre est justifié par le point de vue 80US lequ el nous avons envi-
sagé le sujet, et ceux qui nous liront reconnaitront sans reine que ce
travail n'est pas le produit d'un enthousiasme inconsidéré, mais d'ul1
examen murement et froidem ent réfléchi.
Nous sommes convaincu que quiconque, sans parti pris d'oppo ..
sition systématique, fera, comme nous I' avons fait, une étude
consciencieuse de la doctrine spirite, la consid érera com me une des
choses qui intéressent au plus haut degré l'avenir de I'humanilé.
« En donnant nolre adhésion à celte doctrine, nous usons dl1 droit
de Iiberté de conscience qui ne peut être contesté à personne, quelle
que soit sa croyance; à plus forte raison, cette liberté doit-ell e être
res pectée quand elle a pour objectif des principes de la plus haute mol'd.-
lité qui conduisent les hommes à, la pratique des enseignements du
Christ, et par cela mêmc sont la sallvegarde de l'ordre social.
(( L'écrivain qui consacre sa plume à retraceI: l'impression que de
tels enseignements ont laissée dans le sanctllaire de sa conscience,
doit bien se garder de confondre les élucubrations écloses dans son
horizon terrestre avec les traits lumineux partis dn ciel. S'il reste eles
points obscurs ou cachés à ses explications, points qu'il ne lui es!
pas encore donné de connaitre, c' est que, dans les vues de la sagesse
divine, ils restent réservés pour un degré supérieur dans I' échelle
ascendante de son épuration progressi ve et de sa perfectibilité.
I( Néanmoins, hfttons-nous de le dire, tout homme convaincll et
consciencieux, en consacrant ses méditations à la diffusion d'une vé-
rité féconde pour le bonheur de l'humanité, trempe sa plume dans
l'atmosphere céleste ou notre globe est immergé, et reçoit incontes-
tablement I' étincelJe de l'inspiration. »
L'indication du titre des chapitres fera connaitre le cadre em-
brassé par l' auteur.
1. Définition du Spiritisme. - 2. Principe du bien et du mal. -
3. Union de I' âme avec le corps. - 4. Réillcarn ation. - 5. Phré-
nologie. - 6. Du péché origineI. - 7. L'enfer. - 8. Mission du
Christ. - 9. Le purgatoire. - 10. Le ciel. - 11. Pluralité des
globes habités. - 12. La charité. - 13. Devoirs de l'homme. -
14. - Périsprit. - 15. Nécessité de ln. révélation. - 16. Oppor-
tunité de la révélation. - 17. Les anges et les démons. - 18. Les
temps prédits. - 19. La priêre. - 20. La foi. - 21. Réponse aux
insulteurs. - 22. Réponse aux incrédules, athées ou matérialistes,
- 23. Appel au clergé.
Nous regrettons que le défaut d'espace l1e nous permette pas de
reproduire autant de passages que nous l'eussions désiré. Nous nOllS
bornerons à quelques citations.
- ;34 9 -
Chap. IH, page 111 . - « L'utilité réciproque et indispensable de
l' âme et du corps pour leur coopération res pective constitue donc la
raison d'êlre de leur union. Elle constitue de plus, pour l'esprit, les
conditions militantes dans la voie du progres ou il est appelé à con-
quéril' sa pcrsonnalité intellectuelle et morale.
« Comll1ent ces deux príncipes accomplissent-ils normalement en
l'hol11me le but de leur destination? Quand l'esprit est fidt'de à ses as-
pirations divincs, il restreint les instincts animaux et sensuels du
corps et les réduit à )eur action providentielle dans l'ceuvre du Créa-
teur; il se développe, il grandit. e'est la perfection de I'ceuvre même
qui s'accomplit. Il arrive au bonhem, dont le dernier terme est il1-
hérent au degré suprême de la perfectibilité.
({ Si, au contraire, abdiquant la souveraineté qu'il est appelé à
exercer sur le eorps, il cede à [' entrainement des sens, et s'il aeeeple
leurs eonditions de plaisirs terrestres eomme unique but de ses aspi-
ratiam, il fausse la raison d'être de son existenee, et, loin d' aceom-
pli1' ses destinées, il reste stationnaire ; attaehé à eette vie terrestre
qui, cependant, n'allrait dO être pour lui qu'une condition accessoire,
puisqll'elle ne sallrait être sa fin, I'Esprit, de chef qu'il était, devient
subordonné; il accepte en insensé le bonheur terrestre que ses sens
lui fant éprouver et qu'ils lui proposent de satisfaire, étoufTant ainsi
ell lui l'i lJ tuition du bonheur vrai qui lui est réservé. e'est là sa
premiere punition. »
Au chapitre XII, de l'enfer, page 99, nous trouvons eette remar-
quable appréeiation de la mort et des fléaux destl'Ueteurs :
« Serait-ce en énumérant les fléaux qui promenent SUl' la terre la
terreur et l'épouvante, la souífranee et la mort, que I'on croirait pou-
voir donner la preuve des manifestations de la colêre divine?
« Sachez done, téméraires évacateurs des vengeances eélestes, que
les cataclysmes que vous signalez, loin d'avoir le caractere exclusi
d'un châtiment infligé à I'humanité, sont, au contraire, un acte de la
misél'icorde divine, qui ferme à ce/le-ci I'abime ou la précipitaient
ses désordres, et lui ouvre les vaies du progres qui doivent la ra-
mener dans le chemin qu'elle doit suivre poul' assurer sa régéné-
ration.
« Que sont ces calaclysmes, sinon une nauvelle phase dans l'exis-
tence de l'homme, une el'e heureuse marquanl pour les peuples et
I'humanité entiere le point providentiel de SOI1 avaneement?
(I Sachez danc que la mart n'est pas un mal; phare de l'existence
de l' Esprit) celle-ci est toujours, lorsqu' elle vient de Dieu, le signe
de sa miséricorde et de son assistance bienveillante. La mort n'est
que la fin du corps, le terme d'une incarnation, et dans les mains de
Dieu, e'est l' anéantissement d'un milieu corrupteul' et vieieux , 1'in-
- 3:50 -
terruption d'un eourant func3te, auquel, en un mo mcnt solennel, la
Providenee arrache I'homme et les peuples.
II La mort u'est qu'un temps d'arrêt dans I'épreuve terrestre; loin

de nuire à I'homme, ou plutàt à l'Esprit, elle I'aprelle à se recueillir


dans le monde invisible, ' soit pOUI' I'ceonnaitre ses fautes et les re·
gretter, soit pour s' éelail'er et se préparer , par de ferm es et salutaires
résolution s, à reprendre I'épreuve de la ... ie terrestre.
I( La mort no glaee l'homme d'effroi que parce que, trop identifié

à la terre, il n'a pas foi à son auguste destinée, dont la terre n'est
que la douloureuse officine ou doit s'accomplir son épuration.
(( Cessez done de croire que la mort stJit un inslrurnent de co lere el
de "engeanc8 entre los maills de Dieu; sachez, au contraire, qu'elle
ost à la fois I' expressioll de sa rn iséricorde et de sa jLl sti~e , sai t en ar·
rêlan t le méchant dans la vIJie de I'iniquité, soit el1 abrégealllle
lemps d' épreuves ou d' exil du juste SUl' la terre.
~ Et vous, millÍ slres du Chl'ist, qui du baut de la chairc de vérité
procJamez la colere et la vengeance de Dieu, et semblez, par vos
éloqu entes deseription s de la fantaslique fournaise , eu attiser Ics
flamm es inext.inguibles pour dévorer le malheureux pécbeur; vous
qui , de vos levres si auto risées, laissez tomber celte terrifian le épi .
graphe : (( Jamais! - Toujours!» avez-vous done oublié les ins-
tructions de volre di.vin Malt re? »
Nous citerons encore les pa.ssages suivanls extrails du chapitre
SUl' le péehé origineI.
« Au lieu de créer l'âme parfaite, Dieu a voulu que c.c ne fút que
par de longs et conslants efforts qu'elle parvint à se dégager de cet
étal d'infériorilé native, et graviter vers ses augustes de;;tinée1'.
(( Pour arriver ~t ees fins, elle a done à rompre les liens qui l'alla-
ehE' nt á la matiere, à résister à I'enlrainornen t des sens, avec I'alter-
native de sa suprématie sur le corps, ou de I'obsession exercée SUl'
elle par les instincts animaux.
«( Ce sont ces liens terrestres dont iI lui importe de s'affranchir el
qui constituenl cn elle les conditions mêmes de SOI! infériorité ; ils ne
80nt au;res que le prétendu péché origineI, l'alvéole qui voile son
essence divine. Le péebé originei constitue ainsi I'ascendant primitif
que les instincls anirn aux ont dtl exercer d'abord SU l' les élspirations
de l'âme. Tel est I'état de l'hornme que la Genese a VOUlll représen-
ter sous la figure nalve de I' arbre de la scicnee du bien et du mal.
L'intervention du ser pent tentateur n'est autre que les désirs ele la
chair et la sollicitation des sens; le christianisme a consacré cellc
allégorie comme uu [ait r éel se rattachant à l'existence du premier
hom me ; et c\'st SUl' ce fait qu' il 11 basé le dogme de la rédemp-
tion. »
(( Placé ~t ce poin l de vue , il faulle reconnaitre, le péc- hé originei 11
- 351 -
du être et a été, en eITet, celui de toute la postérité du premie!'
homme, et il en sera ainsi pendant une longue suite de siecles, jus-
qu'à l'aITranchissement complet de l' Esprit des étreintes de la ma-
tíE~re; aifranchissement qui tend sans doute à se réalisel', mlis qui
n'est pas encore accompli de nosj0urs.
« En un mot, le péché originei constitue les conditioos de la na-
ture humail!e portant les premiers élémellts de son existence, avec
tous les vices qu'elle a engendrés.
« Le péché originei, e'est l'égolsme, c'est l'orgueil qui président
à tous les actes de la vie de l'homme ; .
« C'est le démon de I'envie et de la jalousie qui rongent son
coour ;
« C'est l'ambition qui tl'ouble son sommeil ;
« C'est la cupidité que ne pcut rassassier son âpreté au lucre;
'I C'esl l'amour et la soif d,~ ror, cet élément indispensable poUl'

donner satisfaction à toutes les exigences du luxe, du confortable et


du bien-être, que poursuit le siecle avec tant d'ardeur.
« Voilà le péché originei proelamé par la Genese, et CJue l'homme
a tnujours recélé en lui; il nc sera elTacé que le jour ou, pénétré de
ses hautes df~stinées, I' homme abandonnera, conformément à, la le-
çoo du bon La Fontaine, l'ombre pour la proie ; le jour ou il renon-
cera au mirage du bonheur terrestre, pour tourner loutes ses aspira-
tions vers le bonheur réel qui lui est réservé.
« Que l'homme apprenne donc à se rendre digne de son titre de
chef parmi tous les êtres créés, et de I'essence éthérée émanée du
sein même de son créateur et donl il est péLri. Qu'il soit fo rt pour
lutler contre les tendances de son enveloppe lel're.stre, dont les ins-
tincts 100nt élrangers à ses aspirations divines et ne sauraienl consti-
tuer sa personnalité spirituelle ; que son but unique soit toUjOllfS de
graviteI' vers la perfection de sa derniere fin, et le péché originel
n'exi 1Otera plus pour lui. ))
M. Bonnamy est déj ã. connu de nos lecteurs qui ont pu apprécier
la fcrm eté, I 'indépendance de son caractere, et I'élévation de ses
sentiments, par la IcUre remarquable que nous avons publiée de lui
dans la R evue de mars 1866, page 76, à l'article intitulé: Le Spi-
1'itis1ne et la magistrature. 1\ vicllt auj ol1rd'hui, par un travail de
haule portée, p r êV~ r réso lCtmen t I'appui et I'autorité de son nom à
une cause Q L18, dans S~L consCÍence, il con sidere comme celle de l'hu-
manité.
Parmi les adeptes déj à nombreux que le Spirilisme compte daos
la mag istraturc, M. Jallbert, vlce-président du tribunal de Carcas-
sonne, ct M. Bonnamy, juge d'instruction à Vill eneuvc-sur-Lot,
SO l' t les prcmiers CJui en ont ouvel'tement arboré le drapeau ; et i1s
l' Oi : fait, non pn10 au !endemain de la victoire, mais au mament de
- 352 --
Ia lutte, alors que la doctrine est en bulle aux attaques de ses advel'-
saires, et ou ses adhérents sont encore sous le coup de la persécu-
tion. Les Spirites présents et ceux de I'avenir sauront I'apprécier et ne
I'oublieront pas. Quand une doctrine reç'oit les suffrages d'hommes
aussi justement considérés, c'est la meilleure réponse aux diatribes
dont elle peut être I' objet.
L'ouvrage de M. Bonnamy marquera dans les annales du Spiri-
tisme, non-seulement comme premier en date dans 80n genre, mais
8urtout par son importance philosophique. L'auteur y examine la
doctrine en elle-même, il en discute les principes dont il tire la quin-
tessence, en faisant abstraction complete de toute personnalité, ce
qui exclut taute pensée de coterie.

SOUS PHESSE

POUR P ARAITRE EN DÉCEMBRE

LA GENESE, LES MIRACL'ES ET LES PRÉDICTIONS


SELON LE SPIRITISME

Par AlLLAN KARDEC

1 voI. in-12 de 500 pages.

Avis.
Réponse à M. S. B. de Marseille.

11 n'e.st tenu aucun campte des lettres qui ne sont pas astensibl e-
meDt signées, ou qui sant sans adresse certaine quand le nom est
inconnu. Elles sont mises au rebut.
Cette réponse s'adresse également à une série de lettres portant
le timbre de route de Besançon et venues quotidiennement pendant
un certain temps. Si cet avis parvient à leur auteur, iI sera informé
que,par le motif ci-dessus, et vu leur lan gueur, elles n'ont même
pas été lues à mesure de leur arrivée, la personne chargée du dé-
pouillement de la correspondance les a mises de côlé, comme toutes
celle qui sont entourées de mystere, ct que, par cette raison, on ne
considere pas comme assez sérieuses pour y donner du temps au
préjudice des travaux d'une importance réelle, et auxquels on sufiit
à peiue,
ALLAN KARDEC.

Paris. - Typ. de Rouge frer es, Dv.llon et Wresné, rue du Four-Saillt-Gel'main, 13.
REVUE SPIRITE
JOURNAL

10" A N NÉE. No 12. DÉCEMBR E 1867

L'homme avant I'histoil'e.


Anciennele de !a rac~ humaine (I).

Dans I'histoire de la terre, l'humanité n'est peut-êlre qu'un rêve,


et lorsque 110tre vieux monde s'endormira dans les glaces de son hi-
ver, 1e passagc de nos ombres SUl' son front n'aura peut-êlre laissé en
lui aucun sou venir. La terre possede en propre une histoirc incom-
parablement plus riche et plus complexe que celle de I'homme. Long-
temps avant ['l'lpp:trition de notre race, pendant des siccles de siecles,
elIe fut tour à tour occtlpée par des habitants divers, par des êtres
primol'c\iaux, qui étendirent leur domination successive à sa surface,
ei disparurent avec les modifications élémentilires de Ia physique du
globe.
A ['une des dernieres périodes, h l'époque tertiaire, à iaquelle
nous pouvons assigner sans crainte une date de plusieurs centaines de
mille ans en arriimOl de nous, l'endroit ou Paris déploie aujourd'lmi
ses splendeul's était une Méditel'l'anée, un golfe de l'océan universol,
au-dessus duquel s'élevaient seulement en France le terrain crétacé
de Troie, Rouen, Tours; le terrain jurassique de Cbaumont, Bour-
ges, Niort; le terrain triasique des Vosges, et le terrain primitif des
Alpes, de l' Auvergne et des côtes de Bretagne. Plus tard, la configu-
ration changea. A l'époque ou vivaient encore le mammouth, I'ours
des cavernes, le rhinocéros aux narines c\oisonnées, 011 pouvait a1\er
(f) Cet article est tiré des articles scientitiques que M. Flamm uion a publiés
dans le Sitie/e. Nous avons crudevoir le reproduire, d'abord parce que nous
savons l'intérêt que nos lecteurs portent aux écrits de cejeune savant,et e~ oiltre
par ce qu'i! touche, au point de vue de 1:1 science, à quelques-uns des poinls
t'ondamentaux de la doctrine exposée dans notre ouvrage sur la Genese.
--- 35 i ~

pai' terre dl~ Paris à Lo nd res; et pcul-ê: re ce traj et fut.-il eíTedué par
nos altmx ele ce temps-L't, cal' il y ayait des hqmm es ici aVtnt la fur-
malion de la Fran ce géograpbiq ue.
Leu l' vi,; diíTérait aulanl de la nô tre que cellc des sallvages dont
nous IYilll'; enl rcteni l)ns r écemmen t. Les uns avaient construit leurs
bmrgacles sur pil otis au milieu des granels lars; ces cités lacuslres,
comparabl es à celles des castors, furJnt devinées en 1853, lo rsqu'à la
su:te j'une longl1e séchercsse , le.; lacs de la Suisse étant clescend1l3 à.
un éti::tge inUSlL(\ mirent à découvert d~s pilolis, des ustensiles de
pierre, clt) come, d' or et d' étrgile, des vesti ges nO I1 équi \'oqlles ele
l' :1nti que h1hitatim ele J'homme; et ccs villes aqnatiques n'étaient
pas un e cxce pt ion : on en a tl'o uvé plus de deux cento; c1 ans la Suis:',e
seule. Hérodol e racol~ t e que les Pce011Í'ens bflbitaient el es villes sem-
bl abl es sur le lac Prasias. Chaque citoyen qui premit femmc élait
obligé de fuire venir trois p:enes de la forêt voi si ne et de les fixeI'
duns le lac. Comm ~ le nambre des femmes n' était pas limité, le
plancher de la ville s'agrandissait "ite. Les cabanes étaient cn com ·
munication avec r eau par une tra j)pc, et les enfunts élaient atLachés
par le pied à. une corde, de craillte d'accident. Hommes, chevaux,
bétail, vivaient ensem1Jk, se nourrissantde poisson. Hippocrate rap-
porte tes,mêtnes coutum es aux h1.bitants du PhaS3. En 1826, Dumo;1t
d'Urville décúuvl'it de.;:; cités lacust.res analogucs SUl' les côte::; de la
Nouvelk- GuitlJe.
D'aLltres habittient les cavernes, les grottes natu:,effes, ou se for-
maient un r efuge grossier contre les bêtes féroces. On retrouve au-
jourd' hui lears os mêlés à ceux de I' hyene, de l'ours des ca vernes, du
rhinocéros tichorhinus. En 18 .~2, un terrassier voulant juger la pro-o
fondeur d'un trou par leque\. les lapins s'esquívaient des chasseurs, à
Aurignac (Haute-Garonne), ramena de cette ou verlure des os de f,)rte
dimensiono AlIaquant alors le flallc du monticule dans l'cspérance
d~y rencontrer un trésor, il se trouva bien.tôt en face d'un véritable
oS3uaire. L'l rumeur pablique, s'emparant d.u fait, mit en circulalion
des ré.cits de faux: monnayeurs, d'aseassinats, etc. Le maire jugea à
prop{ls de faire rarr,asser tous res ossements pour les porter au címe-
tie.re; et lorsqu'en 1860 M. Lartet voulut examiner ces vieux débris,
le fossoyeur ne He souvint mêm e plus du lieu de leur sépulture. A
l'aide eles lTaTCS vestig,es qui cnvironnent la caverne, des traces d'un
fúyer, d'ossements fendus paur en extraire la: moelle, om put néan-
moillS s~assurer que les trois especes nommées pIus ha:ut. o,nt vécu sur
ce point de·la Fl'ance en tué.ne ternp~ que "IHi)im"Il8. Le chien, était
- 355 -
df" jà 10 compagnon de l'homme, et il rul sans doule Sl premiure C01 :-
quête.
La nourrit.ure de ces hommes primitifs élait déjà tlCS varié;). Un
professe uf prélend qLl'ils élaient carnivores comme dOLlze ct fru gi-
veres cotntne vingL M. li'lollJ'ens préfere qu'ils se soicn t excliusi-
vemeut nourris de fruits. t!bis la vrritó cst que, des le co mmencement ,
l'bolllme fut omnivore. Los kjd:k8Illiloc1dings dLI Danemark nOLlS ont
conservé des débris de clt/sine antérliluvienlle prouvant ce fa itjllsqu'it
l' évidence. 11s d ~j eu n aie llt déjà. d'h ,tllres d de poisson, connaissaient
I'oie, le cygne , le canard; appréciaieJJt le coq de bruycre, !e cerf, le
chevrf.uiJ, le rcnne, qu'ils chassaicnt et dont on a trouvé les débris
percés de fleches de pierre. L'urus ou bteuf primi ti f leur donnait déjà
le potage; lu loup, le renard, le chien et le cbat leur servaient de
plats de I'é ~ i:; tan ce . Les glands, l'orgE', I'avoine, les poi~, los Jentill es
leu!' Llonnaienlle pain et les lég umes ; le blé ne ví,nt que plus tardo
Les noiseltes, les faines, les pOlJlmes, les poires, les fraises et les
framb oises lermínaient ces mets des anciens Danoi.;:. Les Suisses de
I'âge de pierre s'élaien t, en outre, approprié la chair d~1 bison, de
l'élan, du taureau sauvag-e, avaicnt soumis la chuvre et la brebis à
l'état do mes tique. Le lievre et le lnpil1 étaicnt dédtLÍgnés pour quel-
que raíson sLlperstitieuse; mai", en revanche, le cheva.! avait déFt pris
sa place daos Icurs repas. Toutes ces viandes se mangeaient ccues et
fumantes à l'ori gine, et , remarque curieuse, les anciens D:tI1o is ne se
servaient pas comme naus de leurs cleu ts in cisives p'!ur trancher,
mais bicn pum saisir, p0ur relenir et mâcher leur nourritul'e,; de sorte
que ces dents n'élaient pas tl'anchanles comme les nôLreB, mais ap'a-
ties COl1lme nos mulaires et que les dCllX arcadcs deuta,ires s'cLrrê-
taient ['une SUl' ['autre au líeu de s' emboHer.
Tous les sauva ges primitifs n'étaient pas nus. Les premiers habi-
tants des laliludes boréales, du Danemal'k, de la Gaule ,et de I' Hel-
vétie, durent se garantir du fmid par des peaux et des fourrure~ .
Plus lard, on songea aux om emen ts. cc La coquetterie, l'amoul' de la
parure ne dalent pas d'hier, mesdames : témoins ces col liers fOl',m é::õ
avcc des dents de chicn , de renard ou de [oup, percés d'un lrou ele
suspensiol1 . Plus tard , les épin gl'es i1 chevoux , les bracelets, les agra-
fes el1 bronze se multiplierent à l'infjni, et I'on s' élonne de la val'iété
et même du bon goút eles objets servant à la toilette dE's pet.ites mal-
tresses et des lions de ce temps-Ià.
Pendan t ces âg-es rcculés, on en fermait les morts so us des voútcs
sépulcrales. Les cada vres étaíen t placés dans une at lilude accroupie,
- 356-
les genoux presque en conlact avec le menton, les bras repliés sur Ia
poítrine et rapprochés de Ia tête. C'est lã, comme on l'a remarqué,
Ia position de l'enfant dans le sein de sa mere. Ces hommes primor-
diaux l'ignoraient certainement, et c'est par une sorte d'intuition
qu'ils assimilaient la tombe à un berceau.
VeEtiges des àges évanouis, ces longs tumulus, ces tertres, ces
collines que 1'on nommait aux siecles passés « tombeaux des géanls »
et qui servaient de limites inviolables, sont les chambres mortuaires
sous lesquelles nos ancêtres cachaient leurs morls. Quels étaient ces
premiers hommes? « 'Ce n' est pas seulement par curiosité, dit Vi\'-
chow, que nous demandons qui élaient ces morts, s'ils nppartenaient it
une face de géants, quand ils ont vécu. Ces queslions nous tou chent.
Ces morts sont nos ancêtres, et les questions que nous adressons à ces
tombeaux ont également trait à nolre propre origine. De quelle race
sortons-nous? De quels commencements est sorti e notrc culture
actueIle et ou nous conduit-elle? ))
II n'est pas nécessaire de remonter à la création pour rccevoir
quelque lueur SUl' nos origines; autrement il faudrait nous voir COll-
damnés à demeurer toujours dans une nuit complete à cet égard. SUl'
la seule date de la création on a compté plus de 140 opinions, et de
la premiere à la derniere il n'ya pas moins de 3,194 ans de diffé-
rence ! AjauleI' une t 41" hypothese n'éclaircirait pas lo probleme.
Aussi nous bornerons-nous à établir que, au poinl de vue géologique,
la derniere période de 1'histoire de la terre, la période quaternail'e,
celle qui dllre encore aujourd'hui, a été divisée en trois phases : la
phase dlluvieilne, pendant laquelle il y eut d'immenses inondations
partielle:", et de vastes dépôts et accumulations de sable; la phase
[daciail'e, caraclérisée par la formation des glaciers et par un plus
grand refroidissement du globe; enfin la phase moderne. En somme,
l'imporlante question, à peu pres résolue aujourd'hui, était de savoir
si l'homme nc dale qlle de cette derniere époque ou des précédentes.
01', il est maintenan t avéré qu'il date au moins de la premiere, et
que nos premiers ancêtres ont droit au titre de fosszles, attend u que
leurs o:"sements (te peu qui reste) gisentavec ceux de l'ursus speléB l1s,
de 1'hyena et des felis speléBa, de l'clephas primigenius, dn mega-
ceras, et.c., da.ns une couche apparlcnant à un ordre de vie différent
de I' ordre ac tuel.
En ces époques lointaines régnail une nature bien différenle de
cclle qui déploie aujourd'hui ses splendeurs autour de nous; d'autres
types de plantes décoraient les forêls et les campagnes, d'iiutres cs-
- 357-
peces d'animaux vivaient à la surface du sol et dans les mers. QueIs
furent les premiers hommes qui s'éveillerent en ce monde primordial?
Qnelles cités furent édifiées? Quellangage fut parlé? Quelles mreurs
furent en usage? Ces questions sont encore entourées pour nous d'un
profond mystere. Mais ce dont nous avons la certitude, c'est que lã
ou nous fondons aujourd'hni des dynasties et des monuments, plu-
sieurs races d'hommes onl successivement habité pendant les pério-
eles sécnlaires.
Sir John Lubbock, dans l'ouvrage signalé en tête de cette étude,
a démontré l'ancienneté de la race humaine par les découvertes re-
!atives aux usages et costumes de nos ancêtres, comme sir Ch~rles
Lyelll'avait démontrée au point de vue géologique. Quel que soU le
myslere qui enveloppe encore nos origines, nous préférons ce résul-
tat encore il1complet de la science positive, aux rab!es et aux romans
ele I'ancienne mythologie. CAMILLE FLAMUAlUON.

Un ressuscité contrarié
Exlrait du voyage de M . Victor Hugo eu Zélande.

L' épisode sui van t est tiré du récit publié par le jOUl'nal la Liberté,
d'un voyage de M. Victor Hugo en Hollande, dans la province de
Zélande. Cet article se trouve dans le nurriéro du 6 novembre j 867 .
« No us venions d'entrer dans la ville. J'avais les yeux levés et je
faisais remarq uer it Stevens, mon voisin de char-à-bancs, Ia dente-
lure pittoresque d'une succession de toitures hispallo-flamand es,
JJrsqu'il son tour, il me toucha l'ép aule et me iH signe de regarder
ce qui se passait SUl' le quai.
« Une foule bruyante d'hol11mes, de feml11es et d'enfants entou -
rait Victor Hugo. Descendu de voiture et escorté eles autorités de ia.
ville, il s'avançait, l' air simplement él11u, le feont découvert, avec
deux bJuquets dans les mains et deux petites fili es en robe blanche [t
ses cô tés.
« C'étalen t les deux petites filles qui venaient de lui ofTrir les deux
bouquets.
« Que dites-vous, par ce temps de visites couronnées et d'ovations
artiíiciell es ou afficieUes, de cette entrée nalvement triomphale d'un
homme unlversellement populaire qui arrive à l'improviste dans un
pays perdu, elant iI ne sonpçonnait même pas I' existence, et qui s'y
trouve tont l1aturellement dans ses Etats? Qui eut pu faire prévoir
au poetc (ll1e celte petite ville inconnue, dont il avait considéré de
- 358-
loin la silh ollclle a vec curiosité, c' é! ait sa bonne ville <.lo ZiéricEér:- ?
(( Au c! iner, M. Van Maenen dit à Victor Htlgo :
(( - S'ivez- vous qU311 es SOllt ces deux jolies ell falll s qui vo us ont
oífert des bourluels ?
(( - Non .
(( - Ce Eo nt les fill es d'un revemn t.
C( Ceei demandait un e ex rJlicéllian, et le capitaine nous raconta
l'aventure étrange que vuici :
(( Il Y avait environ un mais de cela. Un soir, au crépuscule, une
voiture Oll était U11 homme et un pelit garçon renlrait ell ville. 11faut
dire que cel llomme avail peu de temps aupara vant perdu 50. fcmme
et un de se" cll falJts, et en était demeul'é tres-Iris le. Bicn qu'il eút
encare dctlx pelites fili es et le garço11 qu'il a vait en ce morncnt avec
llli, il ne s'élait point conso lé et il vivait dans la mélancolic.
" Ce soir-Ià, sa voiture sui vait une de crs chaussées élevées et
abruptes qui sont , ;\ droite et ;\ gauche, bordées d'an fossé d'eau
siagnanle et souvent profonde. Soud ain lo cheva!, mal di ri gé sans
doule h Iraver.:S la brume du soir, perdit brusqu'ement l' équilibre et
ro ula dll haul du lalus dans 113 fossé, elll rainant ave c lui la voilure,
l' homme et l'éllfanL
(( II y cut dans cc grou pe d' êtrcs précipités un moment d'angoisse
aífreuse , dont pcrsorne ne fut lémoin, et UI1 eífort (lbSCUf et déses-
péré vers le sal ut. Mais r eng l olltis~e ment se fit aV lC le pêlc-mêle de
la chute, et tou t di~par llt dans le cloaque , qui se refermaavec
l' épaisse lenteu l' de la boue.
I/, L' enfan t seul, I'cs: é cr; mme par miracle hors du fossé, criait et
appelait lameLtablemcnt , e11 agilant sea petils braf:. Dellx paysaní'l,
qui Iraversaient à qu elque dblance de là un champ de garance,
enlen d ire~ t ses gérnissemenls et acco ururen t. lIs rel irercnt l' enfant.
(( L'enfé! nt cl'ialt : (( 1\1on p a p~ ! mon papa ! je vcux mon papa! »
« - Et ou cst-il clone ton papa?
(( - UI, disaü l'enfallt, en monlrant le foss(~ .
«( Les deux paysans comprircnt, et se mirent à la besogne. All bO llt
d' un quart d'heure, ils rclirerent la voilure brü,ée ; au bout d'une
demi -heure, ils relirerent le cheval mort. Le pelit criail 101ljours et de-
mancl ait SOI1 pere.
(( Enfin, apres de nouveaux effurtf:, dans le I1jême trou du fossé que
la \'oiture et le cheval, ils repêcheren t et amenerent hors de I'eau
quelque ch06e d'inerle et de félide qui était entiêrement noir rt cou-
vert de fange : c' élait un cada vre, eelui du pert'o
- 359-
« Toul ceci avait pris ul1e heure environ. 1 c dti3espoir de !'enfant
redoüblait; il ne voulait pas que SOI1 pere fUt morto Les paysans te
croyaient bicl1 mort pou i'tanL ; mn,is comil1C l'enrant lcs suppliait et
s'ailachait à eux , et qu'lls étaient de braves gens, ils tenterent, pour
calm er le pelít, cc QU'0 :1 fait toujours en pareil cas dand !e pays, et
se min~ nt à roul er le noyé dctns le champ de garance ,
(C 11" Icroul ei'ent ainsi un bOI1 (part d'IB Ui'e. Rien ne bOilgea:. lls !e

roul erenl encore. M ê m ~ immobilité. Le petit sui vaít ct p\eurait. Ils


re c omm e nc,~rent un~ troisieme fois , et ils allaicilt re,l OnCel' pour tout
de b,:m, lorequ' íl leur selIlbla que le CadaVl'8 reil1nait un bras. Hs
conli n·uerent. L'autrc bras s'agíta. Ns s'acharn:el'ent. Le corps entier
donna de vagues sigiles de vie, eL le mort se mit.à resslrl,sciter lente-
ment.
«Gela est ex lraordinaire, n'est-~e pas? Ell bieil ! voici qui est plus
inat.lendu. encore. L'homme soupírélJ longuement en reveoant à la vie
et s'écri:t avec désespojr: « Ah! mO:1 Diell ! ql1'esl-ce que vous avez
fait? J'étais si bien là ou j'étais. J'étais avec ma femme, avec
1110n fil l3. lls étaient veous à moi, ct moi à eux .. Je les voyais,
j'étais dans le ciel, j'étais dans la lumiere. Ah! mon Dieu ! qu'est-ce
que vous avez fait? Je ne su:s plus mort!»
« L'bomme qui parlait ainsi venait d (~ pas3el; une heul'e dans la
fa nge. 11 avait le bras cassé el des· contllsions graves.
« 0 :1 le ramena à l,a. ville, et il vient seulement de guérir, ajouta
M. Van Maenela en achevant de naus raconler €ette histoire. G'est
M. D~, ... , une des pll!ls haules intelügences" I101i1-s:eulemen.t de la
Zélande, lilíHl:iS de la HoJl.ande. C'est un, de fioa meiUeurs avocats.
Toul le monde l'estime et l'hol1ore ü.d.•. Quand il. a tiU, monsie .u'
Viclor Hugo, que vous alliez }!lasser par la ville r i.l a voulu absolu-
men1 se J.e'veu de son lit" qu'il n'avait pa3 eacore quitté depuis. un
mois, et il a fa-it aujoll,ud"hui sa premiere sortie pour alIer au-devant
de vous et vous préscnter ses deu~ . peLitcs, ti.Hes, à qui i.L avait donné
p@tlr vous des bouquets.
« II n'y eUlt <'lu'un cri par toute la. table.
« Ce sont l,à, des cho~es q,ui. ne se passent qu'en Zéla.nde !. Les
voyageurs n'y vienn ent pas, mais les habitants y reviennent.
« On aurait dili. L'invilen à diner, hasarda la partie ftiminine de la
tab!e.
« - L'invitee! m'écriaHe,; mais, naus étiolGS déjà douze ! Ce
n'était pas précisément le rnoment d'ioviter'ull fantôme. Aimer.iez-
vous, .mesdames, avoill un movt pour tneiziême.
- 360-
« - 11 Y a, dit Vielor Hugo, qui était resté silencieux, deux énig-
mes dans cette histoire, l'énigme du corps et celle de l'âme. Je no
me charge pas d'expliquer la premiere ni de dire comment il se peut
qu'un homme reste englouli toute une grande heure dans un cloaque
sans que mort s'cnsuive. L'asphyxie, il faut le croire, est UH phéno-
mene encore mal connu. Mais ce que je comprends admirablement,
c'est la lamentation de celte âme. Quoi ! elie était déjà sort.ie de la
vie terrestre, de cette ombre, de ce corps souillé, de ces levres noi-
res, de ce fossé noir I Elle avait eommencé l'évasion charmante. A
travers la boue, elle était arrivée à la surface du cloalllle, el. lã, it
peine rattaehée encore par la derniere plume de son aile à. cet hor-
rible dernier soupir étranglé de fange, elle respirait déjà silencieu-
sement le frais ineffable du dehors de la vie. Elle pouvait déjit voleter
jusqu'à ses amours perdus et atteindre la femme, et se soulever jus-
qu'à. l'enfanl.. Tout à coup, la demi-évadée frissonne ; elle sent que
le lien terrestre, au lieu ele se rompre tout à fait, se renoue sous
elle, et qu'au Jieu de monteI' elans la lumiere, elie redescend brusque-
ment dans la nuil, et qu'elle, l'âme, on la fait violemment rentrer au
cadavre. Alors, elle pousse un cri terrible.
« Ce qui résulte de ceci pour moi, ajoluta Vicor Hugo, e' est que
l'âme peut resteI' un cerl.ain temps au-dessus elu corps, à l'état fIot-
tant, n' étant eléjà plus prisonniere et n' étant pas encore déli vrée.
Cet état Uottant, c'est l'agonie, e'est la léthargie. Le râle, e'est l' âme
qui s'élance hors ele la bouche ouverte et qui y retombe par instants,
et qui secoue, haletante, jusqu'à ce qu'i! se brise, le fi! vaporeux du
dernier souffle. II me semble que je la vois. Elle lulte, elle s'échappe
à demi des levres, elle y rentre, elIe s'échappe de nouveau, puis elle
donne un granel coup d'aile, el. la voilà qui s'envole d'un trait el. qui
disparait dans l'immense azul'. EUe est libre. Mais quelquefois aussi
le mou1'ant revient à la vie : alors l'âme désespérée revient au mou-
rant. Le rêve nous donne parfois la sensation de ces étranges allées
et venues de la prisonniere. Le rêve, ce sont les quelques pas quoti-
diens ele l'âme ho1's de nous. Jusqu'à ee qu'elle ait fini son temps
dans le corps, l'âme fait, chaque nuit, dans notre sommeil, le tour
de préau du songe.
« PAUL DE LA MILTIERE. ».

Le fait eu lui-même est éminemment spirite, comme on le volt ;


mais s'il est quelque chose de plus spirite encore, c'est l'explication
qu'en donne M. Victor Hugo; on la di1'ait puisée textuellement dans
- 361 -
la doctrine ; ce n'est, du reste, pas la premiere fois qu'il s'exprime
dans ce sens. On se rappelle le charmant discours qu'il prononça, il
y a bientôt trais ans, sur la tombe de la jeune Emily Putron (Revue
s piri~e de février 1865, page 59); assurément, le Spirite Ie plus
convaincu ne parlerait pas autrement. A de telles pensécs, il ne
mmque absolument que le mot ; mais qu'importe le mot si les idées
s' accréditent ! M. Victor Hugo, par son nom autorisé, cn es! un vul-
garisaleur. Et cependant ceux qui les acclament dans sa bouche
tournen t en ridicule le Spiritisme, preuve nouvelle qu'ils ne savent
pas en quoi il consiste. S'ils le savaient, ils ne traiteraient pas la
même idée de folie chez les uns, et de vérité sublime chez les autres.

Le ttre de Beujamin Franklin à mistress J one Mecone.


SUR LA PRÉEXISTENCE.
Décembl'e n/o.
Dans mon premier séjour à Londres, il y a pres de quarante-cinq
ans, j'ai connu une personne qui avait une opinion presque 8em-
blable á celle de volre auteur. Son nom était Hive; c'était la veuve
d'ul1 imprimeUl" Elle mourut peu apres moa départ. Par 80n testa-
ment, elle obligea son fils à lire publiquement, á Salter's-I-lall, ua
discours solennel dont l'objet était de prouver que cette terre est le
véritable enfer, le lieu de punition pour les Esprits qui oat péché dans
un monde meilleur. En expialion de Ieurs faules, ils sont envoyés
ici-bas sous formes de toute espece. J'ai vu, iI ya longtemps, ce dis-
cours qui a été imprimé. Je crois me rappeler que les citations de
I'Ecriture n'y manquaientpoint; on y supposaitqu'encore bien qu'au-
jourd'hui nous n'ayons aucun souvenir de notre préexistence, nous
cn reprendrions connaissance apres not1'e mort, et nous nous rappel-
lerions les châtiments soufferts, de façon à être corrigés. Quant à
ceux qui n'avaient pas encore péché, la vue de nos souffrances devait
leur servir d'avertissem ent.
De fait, nous voyons ici-bas que chaque animal a son ennemi, et
cet ennemi a des instincts, des facultés, des armes pour le terrifier,
le blesser, le détruire. Quant à l'homme, qui est au premier degré de
l' échclle, il esi un diable pour son semblable. Duns la doctrine reçue
de la bonlé et de la justice du grand Créateur, il semble qu'il faille
une hypothese comme celle de madame Hive pour concilier ave c
l'honneur de la divinité cet état apparent de mal général et systé-
matique. Mais, faute d'histoire et de faits, notre raisonnement ne
- 362 --
peut aller loin quand nous VOUIOIlS découvrir ce que nou s avo'Os éLé
ai'ant notre existence terrestre, ou ce qae nous serons r~, IL1s tardo
(Ma(J(!sin pittoresque , octobre 1867, page 340.)
Nous avons rapporté dans la B ente d'aoút 1865 , page '244, [' épita-
pile de F'ranklin composée p iU lui-m ême et qui est ainsi conçue :
« Ici repose, livré aux vers, le corps de Benjanün F'ranklill, im-

u primeul', C')illme la C0uvclture d'un vieux livre dou t les fell ill ets
« sont arrachés, et le tilre et la dorureelfacéi'; mais, pOUI' cela

« I'ol.lvrage ne sera pas perdu, cal' ill'eparaitra, COIWl me il le CI'0V l<' it ,

«dans une nouvellc et meilleure éc!ítion, revue et ccrrigé par I'au -


Q teur. J)

Encore une eles grandes doctrines du Spiriti!"me, la ptundilé des


existences, professée , il ya plus d'un siecle, par UB hommc regardeS
à juste titre COIllme une des lumie res de l'humanilé. CeLte iJée est
du reste si logique, si évidente par les faíts qu'on a journellement
sous les yeux, qu' elle est tL l' élat d'íntuition cb ez une fou le de gens.
Elle est même r'ocitivementadm ise aujourd'hui, par des intelligcnccs
d'élile, comme príncipe philosophiqul', endehors du SpiríLisrne. Le
Spiriti~me ne l' (l, donc pas in ventée; lnais ill' a. délIlo~M ée et pr0uvée,
et (le l'étal de simple th éorie ill'a fait passeI' à \' étnt de fait positif. C' est
une des nombreuses pOTtes ouvertcs aux idées spirjle~, car, ainsi que
nous l'av ons expliqué dans une autre circonftance, ce point ,de départ
admis, de c'éduction en dé d'uction on aboutit forcémenL à tout ce
qu'enseigne le Spiritisme.

Rt'fl e t de Ia prét-xistence
Pélr Jean Faynaud.
Voilà UH bomme qui toucbe à la fin de sa carriere; dans quelq ues
hcuresil ne sera plus ue ce monele . A ce moment suprême, a-t-i[
conscience du résllltat, dll produit llet de la vie? En voit-il le résumé
comme dClns UI1 miroir? Peut-il 3'en faire une idée? NOll sans doute.
Pourlant cc produit net, ce ré ~ ul1lé exbte quelq ue parto 11 est dans
l''âme d'une maniere latente, sans qu'elle puisse le discernpr. Elle le
discernera ao granu jOllr; a,lors le résumé de tout le passé prellaut
vie 'à la foi~, on se ccmnaitra l'éellement. lci-baE', DOUS ne nuus COll-
nai ~ son s que par parcelles ; la lumiere d'un jourest eITacée par les
tenebres d'un autre jO l!T; l' âme TeE'scrre et garde dans S011 [réso!' tine
foule cl"impressions, de pCTceptions, de désirsque nous ollblions.
Nutre mémoire es t bien loia d'être proporliol1'f!lée à I,a capacité de
- 363 -
110tre âme ; ot tant de choses qui ont ag i SUl' l1 élt.re âm:, clont nous
avons perdu le souvenir, sont pOUI' no us COiTI:ne si elles n'avaient
jamais élé. Cependant ellcs ont eu IcU!' effd , et leur cffd d (~mC llre;
J'à'11 e en garde I'em preinle, qui se lrO'lH'era dans I ~ résum é fiDal qui
sera nolre vie f'llure. (Exlrai ~ des P e:ls,Jei genrJvoises, par François
Rl)gel. Jl1agas/n pittores }u'3, 186 1, p ag \~ 2'B. )

.r eailn ~ d'A rc et se. commentateurs.


Jeann n d' A rc est U110 eles gra nd e,:; figmes de la FraDc.; , qui se dresse
d:\llS J' his:oire CO ;11 :11 e un im:l1 ;l13t-:! probleme, et en même temps
r,nmme une proleslatiol1 vivante conlre l'inCi'édulilé. 11 est di gne de
re:n t rquc qll' en ce temps d ~ sccpti.ci:.;me, ce sant lcs ad versaires les
phq obs' inés du mei' veiJl eux; qui s'eiToreent rl' exJJter la. mémoi re de
eette bé:ol llC presqu,; légendaire; obligés de fouill er dan s celte vie
pl eille de my ;t\res, il ~ 8e voicnt €ontrai:nts de reeonnaitre I'existence
de Lli!s qu;~ I ~s seules "li" d l~ la mútiere ne saurãient expliquer, car
si l'on ôte ces Í<1it.s, Jeann e d'A re m'cst plus qu'une femm e eout'a-
geu'le, comm e 011 ef! v0it beaucoup. C() n' est probab: ement pls
sal],'; un e raisao d' opporhll1ité que l' altentiol1 publique est appelée
sur cc sujet en ee m )menl; c' est un m0Yen eomm c UI1 aui re de
frayer la voie aux idé,)s noavell es ,
Jeanne d'Are n' es t ni un pl'o ~) l e m '?, ni un myst8re pour ks Spi-
rites ; c'est un typ a érninent de pres qu~ to ates I ,~s flcultés médíani-
mi ques, dont les ciTets, comme un8 fou le d'alllres phénom enes, s' ex-
pliquent par les prinei,)es d r~ la docLrine S1.ns qu' il soit besoin el'en
chercher la came d,ll1S le sUrJlalure 1• ELl e e:;t I'éclabn te conul'l11ation
c1u Spiritisll1e dont el1e a é~é I'UIl ele,:; plus émil1"nls préeur5e urs, non
par ses rens ~i g n e :nents, m"i., par les faits, au.tant que par ses vertus
qui dénotent en ell e n:l Esp rit su périeur'.
Naus nom prnposons d ,~ fa.ire El ce s'lj et un e étude spéeiale, des
que nos travilUX nous l ~ p,: rmettront; en altend Lnt i1 n' est pas inu ti le
de connal tre la maniere d mt ses fael11t és 50 li e n visagé (~s par los
eommenlateurs.
L' article suivant esi ti ré dt! Propagateurde Lille da 17 a0út 1'867.
« N03 lee t. eur;; se souviennent sans douto que ceite ann Áe, ~L ra fête
«. fl nniversail'e de la levée d lI siégi~ d'Orléans, j\I . J' abb S Fr~ ppe l a
« cl emandé , avec une hllmble et généreMse h~l:rdi essc, la eanoni;;ation
- :~64 -
«de notre Jeanne d' Are. Nous lisons aujourd'hui dans la Biólio-
tlu':que ele I'Éeole eles Chartes un exeellent article de M. Natalis
< <<

« de Wailly, membre de l'Académie des Inseriptions, qui, à propos


« de la Jeanne d' Are de M. Wallon, donne ses conelusions et eelles
« de la vraie scienee sur l'histoire surnaturelle de celle qui fut à la
I(fois une héroYne de I'Église et de la Franee. Les arguments de
« M. de Wailly sont bien faits pour eneourager les espérances de
« M. I'abbé Freppel et les nôlres. - Léon GAUTIER (Monde). T,
I( Il n'y a pas beaucoup de personnages historiques qui aient été,

plns que J eanne d' Are, en butle à la eontradietion des contemporains


et de la postérité; il n' y en a pas pOllrtant dont la vie soit plus
simple ni mieux connue.
« Sortie tout à coup de l'obseurité, elle n'apparait sur la scene que
pour y remplir un rôle merveilleux qui attire aussitôt l'aUention de
tous. C' est une jeune filie habile senlement à fileI' et à coudre, qui se
prétend envoyée de Dieu pour vaincre les ennemis de la Franee.
RUe n'a d'abord qu'un petit nombre de partisans dévoués qui croient
à sa parole; les lrabiles se défient et lui font obstaele : ils eedent
enfin, et Jeanne d'Arc peut rem porteI' les victoires qu'elle avait pré-
dites. Bientôt elle entraine jusqu'à Reims un roi incrédule et ingrat,
qui b trahit au moment ou elle 'se prépare à emportel' Paris, qui
l'abandonne quand elIe tombe prisonniere aux mail1s des Anglais,
qui ne tente même pas de protesteI' ni de la proclamer innocente
quand elle va expirer pour lui. Au jour de sa mort, il n'y avait done
pas seulement des ennemis qui la déclaraient apostate, idolâ.lre,
impudique, ou des amis fideles qui la vénéraient comme une sainte;
il y avait aussi des ingrats qui l'oubliaient, sans parler des indilfé-
rents qui ne se souciaient pas d'elle, et des habiles gens qui se
vantaient de n'avoir jamais cru à sa mission ou de n'y avoir eru
qu'à demi.
Toutes ces contradietions, au milieu desquelles Jeanne d'Are
I(

dut vivre et mourir, lui ont survécu et l'ont aeeompagné à travers


Ies siec\es. Entre le honteux poeme de Voltaire et I'éloquente his-
toire de M. Wallon, les opinions les pIus di verses se sont produiles;
et si tous s'aeeordent aujourd'hlli à respecter cette grande mémoire,
011 peut dire que sous l'admiration commune se cachaient encore ele
profonds dissentiments. Quieonque, en elfet, lit ou écrit l'histoire de
J eallnc d' Are, volt se dresser en face de soi un probleme que la cri-
tique moderno n'aime pas à rencontrer, mais qui s'impose là comme
une nécessité. Ce probleme, c'est le caractere surnaturel qui se ma-
- 365-
nifeste dD.llS l'ensemble de cette vie extraordinaire, et plus spéciale-
ment dans certains faits particuliel's.
« ~ui, la question du miracle se pose inévitablement dans la vic
de Jeanne d'Arc; elle a embarrassé plus d'un écrivain et provoqué
souvent d'étranges réponses. M. 'Vallon a pensé avec raison que le
premier devoir d'un historien de Jeanne d' Arc était de ne pas éluder
celte difficulté : il l'aborde de front, et I'explique par l'intervention
miraculeuse de Dieu. J'essayerai de montrer que cette solution est
parfaiternent conforme aux regles de la critique historique.
« Les preuves métaphysiques sur lesquelles 011 peut appuyer la
pOE'si bilité du miracle échappent ou déplaisent à certains esprits;
mais l'histoire n'a que faire de ces preuves. Sa missian n'est pas
d'établir des théories; c'est de constater eles faits, et d'enregistrer
tous ceux qui lui apparaissent comme certains. Qu'un fait rniraculeux
011 inexplicable doive être vérifié avec plus d'attention, personne ne
le contestera; par conséquent aussi, ce même fait, plus attentivement
vérifié que les autres, acquiert en quelque sorte un plus grand degré
de certitude. Raisonner autrement, c'est violer toutes les regles de
la critique, et transporteI' mal à propos dans l'histoire les préjugés
de la métaphysique. 11 n'y a pas d'argumentation contre la possibi
lité du miracle qui dispense d' examiner les preuves hisloriques d'nn
fait miraculeux, et de les admettre quand elles sont de nature à pro-
duire la conviction chez un homme de bon sens et de bonne foi. 011
aura le droit plus tard de chercher à ce fait une explication qui satis-
fasse à tel ou tel systeme scientifique ; mais avant tout, et quoi qu'il
arrive, l'existence du fait doit êlre reconnue quand alie repose SUl'
des preuves qui satisfont aux regles de la critique historique.
« Y a-t-il, oui ou non, des faits de celte nature du,ns I'histoire de
Jeanne d' Arc? Cette question a été disclltée et discutée par un savant
qui a précédé M. Wallon, et s'est acquis en cette matiere une auto-
rité incon testable. Si je cite ici M. Quicherat de préférence tt
M. Wallon, ce n'est pas seulement parce que l'un a conslaté avant
l'aulre les faits que je veux rappeler; c'est aussi pal'ce qu'il s'est pro-
posé de les établir sans prétendre les expliqueI', en sorte que sa cri.
tique, indépendante de lout systeme préconçu, s'est bornée à pose r
des prémisses don t elle n' a voulu pas même prévoir les conclusions.
~ II est clair, dit-il, que les curieux voudront alieI' plus loin, et rai-
sonner SUl' une cause dont il ne leur sllffira point d'admirer les elIets.
Théologiens, psychologues, physiologistes, jc n'ai pas de Sollltion à
leur indiquer : qu'ils trouvent, s'ils le peuvent, chacun à leu r
p,)int de vue, les élémenls d\me apprécialiol1 qni détl e to ut con-
tradictcur. La seule chose que je me sente cél pablc de fairc d:ln , la
direction ou s'cxcrcera une semblable r, chercbe, c' est de préscnter
sous kur forme la plus précise Ics particularités de la vie de Jeanne .
d'A rc qui se nblent sortir dLl cerck des faculLés humain cs.
a La particularité la plus im portanle, c011 e qui domine loutes l ,~s
aut res, c'cst le [ait de vozx qu' ell e entendait plusieurs foi, par joUl',
qui I'in te ri ellaien t ou lui répondaien~, dont e ~ le dis!i!lgll ait Ics into-
nations, les rapportant surl~)Ut à saint Michel, à sainte Catherine et
à sainle l\larguerite. En mêmc tcmps sc manife8talt unc vive lu-
micre, ou ell e apcrccvait la figll re de scs in krlocu ieurs : « Je les vois
({ dc's Y": ux de mon corp:; , c1isai t-C'l le h 8es juges, all '= si bien qu e je
"vou:, vois vOLls ·mên,(\s. » Oui, ell e sou1enaíl. avec ulle fermeté
illébl'iLnlable que Dieu la cdITscillail IXlr l' entremi"e de3 s:lÍ nls et des
anges, Un i :1s t ~l11t, elle se elémentit, e11e faiblit el '~ vé'l nt la peur du
SLlpplic mni::; el :e pl ellra, sa f tiblesse et s'rn confessa publiquemen t;
1' ;

son dernier cri dans les fl ammes, c'est que ses voix ne l'avaient point
tl'Ompé0 el qu e ses révél,üions étaient ele Di elJ . I1 faut done conclnre
avec M. Qu icherat que « Sll' ce point la critique la plu, sé vere n'a
« pas de Soul)çon à él,~ ver contre s 1 bonne foi. » Le r,it une fois
C'oflstaté, CIJ mm en t certaiTls savants I'ont-i!s expli rlué ? De deux 1111,-
nieres : ou par la foNe, ou par la simple hallucinalion. Qu'en dit
.M, Quich el'itl? Qu'il prévoit de granels périls pour ceux qni voudront
classer ]e L,it de la Puce\lle parmi les cas patllOlogi'ques.
« Mai::;, (ljn~tc-t-il, CjU(! la science y trouve ou nnn son compl e, il
n'en filudi'a pas moins adlTlcUre les vi ~ions, ct, co)mme je yais le
fiiÍrú v)ir, (I' ét ra.nves perceptioll ) d' esprit issues dc ces vi ~i !) n ;;: .
« QLi cll ;' . jnt ces éll'é'lnges perceptio:1s d'esprit? Ce son t eles révé-
lati'o .s CJu i unt permis it J 2anile : hntô : de CO :ln ::ti · I'C lcs plus secretes
pensées de certaine3 perso nnes, !antô [ d' ~ percevoir des Obj ,ltS hol's
de la portéc de scs sens, tantôt de discem er et d'annonc<: r l'avcnir.. 11
« M. Quichcrat c'te pOUI' cllaclJ:1c de ces trois espcces de révéla-
tions « un cxempl (' as.'is S Ui' eles bases si solides, qll'O)) 11 e pe ut, elit-
« il, le r+ ·te1' san s rejeter te Lmdement mêm il de l'histo ;rc. »
« En premieI' licu, JI~ ann e ré vele à Charles ViI Ull secrct CO lmu de
Dieu ct de Illi, sCI1I moyen qu'clle eut de forcer la créance de cc
princc méfi ,wt.
« En suile, se 1rou'.'ant à Tours, elle c1isr:enn qll'i! y avail, en tre
Locll es eL Chinoll, d 1115 l'ég li 8e de Sainle-Callteriíle cl,' Fi cr bo i~ , en-
foncée à me ccrtainc profolldeur prcs de l'allt'd , (1:1C rpóe rO llillé'e
- 36 7 -
et marq uée de cinq \'fO!X, L'épée fut trouvée, ot sC's accusateurs lui
imlJulerent pl us lar d d' aroit' su par oUI-dile que c.:tte ;:rme étail lã ,
ou de I' y aVOil' t'<tit meLtre ellc-même .
(( Je 5en", dit à Gi; propos M. Qukhel'i,d , Gombien une pareil le in -
lcr prétation para1tra fo rte dans un lell1ps cornLDe le nôtre ; comb.ie 11
faibles aa contraíre sant Ics lall1beaL1X d'in tL'rroga loirl~ queje mots eo
oppositioll; mais ll/rsqu'on it le prod~s lout ell liel' sous los yeux, et
qu'on y voit ele quc lle rnçon I'acc uséc miLSd conscicll ce it découvcrt,
i.t1ors c'est SOI1 LélT,oig nag-c (,ui est fo rt, L'l l'i!l tel'préla lion des rai-
sonneuI'S qu i est fmble.
Ii Je laisse en fin M. Quicherat raconlel' lui-m ême Ulle des prédic -

tiuns de Jcanne d' Are :


« !)ans I' un o de ses pl'cmi,\l'cs COI1 vors:üion::; a vcc Charles Vlf,
elle lui all~lO: ç3. 'iu'eu ()pl~rant la dé livral:ce d'O rléan::; elle sel'ait
blessée , mais sans êl re mise hors d'état d'agi i'; sos deux saint es le
lui avaient dir, et l' événemen t lui prouva qu' ell es ne l'av;tÍ ell t pas
tromp6e. EI'e confesse ce la rJalJs SOI1 qu;ü rieme inlerrl)galolre. No us
en sel'ions réduils ~t ce témoigna.ge , que le ~ce pticisme, Sél.llS révo-
quer en d') lüe s:\ bonne foi, pourr,tit imputeI' son elire à utle il!usion
de mémoire. Mais ce qui démo nlre qU't'lle préd it efl',clivcrnel lt sa
blc!3sure, c' ett qu'el:e l.t r'\ çut le 7 mai 1429 , d quf' , le 12 avril pré-
cédell t, un an !b3.ssadeu r flarnan d qui était en France écrivit au gú u-
ve rne n]l'~lt de Bndnllt une leUre ou était r,lppo rlée llon -sl ul emel!t la
prophélie, mais la mani\: re dO llt el le s' nccull1p! i,'ait. Jeall ile cu t I'é-
paulc percée <.J'Utl trait J'arbalele li l' assau t du furt des To urd les, et
I'envoyó fl nmallcl avait ~crit : ElIe duit être b/-ssée d'un ü'aitdans
un conlbal d(:~'allt Orléans, mais e/te n' en 1rW/ll'ra pa·. Le [Jassage de
sa leure a. él~ c:ons;gllé SUl' les regi.:'lres d~ b Ch:lmbre des cOll1ples
de Bruxellef:.
"Un des Sél \' au ts dont je l'a ppe'ais tout à I' he ure I' ol'illion, celui qui
fait de J eallne d' Are une hl\llucinéc plutôt qu'une fol :c , l1e conteste
pas ses pl'édil tiOIlS, eL ill es altr:buc « à une sorte d'impressiol111abi-
" lilé : : el:si tive , à Ull rayol1u emcnl de la force Ilerveuse don t les lais
(( ne SC/ 1Jt pa.s encore ,COU Jlues.
li Esl-on lJil'11 síh' que ces lois exisle lJt, et qu'elles doivent j amais

êlre cOllnue::? Tant qu'e ll cs ne le serollt [1[1,8, ne vailt-il pas mieux


a vauer rn~nc he m l·lIt SOI1 ignorance que de propuser de te ll es explica-
tions ? TVuile h ypotbese e:ót-el!e bonne qu and il :;'agit de nier I'action
de la, Providencr, tt J'incréduliLé di:;pens\;- t- l' lle de tuut raisollne-
ment? Ne uevrait-on pas se dire que, depuis I'origine eles lemp8,
- 368-
l'immense majorité des hommes s'est accordée ~L croire qu'il existe un
Dieu personnel qui, apres avoir créé le monde, le dirige et 8C mani-
feste quand il lui plalt par eles signes extraordinaires'? Si J'on faisait
taire uninstant son orgueil, n' entendrait-on pae cc COllcert de toutes
les races et de toutes les génération s? Ce qui est mervcill eux , c'est.
qu'on pui s ~ e avoir une foi si robuste en soi-même quand on parIe au
nom d'unc science qui est la plu s incerlaine et la plus vari able de
toutes, d'une science clont les adeptes ne cessent de se contl'edirc,
dont les systemes meurent et renaissent comme la mode, saes que
jamais l' cxpérience ait pu en ruilier ou en asse0ir défi niti vement un
seul. Jc dirais volontiers à ces docteurs en pathologie : Si vous
renconlrcz des maladies comme celle de Jeanne dArc, garch:z-vous
de les guérir; tâch ez pl utât qu'ell es deviennent contagieuses.
« Mieux inspi ré, M. Wallon n' a pas prélendu conn aitre Jeanne
d'Arc mieux qu'elle ne s'était connue elle-m ême. Placé ell fac e du
plus sincere des témoins, il lui a prêté une oreille attenLi ve et accordé
une confi ance entiere. Ce mélange de bon sens et d- élévation, de
Eimplicilé ct de grandeur, cc co urage surhumain, rchaussé encore
par les courtes défaill ances de la nal me, lui ont !i pparu non comme
des symplômes de folie ou d'ballucination, mais comme des Sigll CS
éclalants d'héroi'sme et de sainteté. tã, et non aillellrs, élait la honne
critique ; de !à vient qu'cn cberchant la vérité il a trouvé aussi l'élo-
quence, et dépassé tous ceux qui I'avaient devancé dans cette voie.
li mérite d' être piacé en tête de ces éGrivains dont M. Quicherat a
dit excellcmment :
(( I1s ont rcstitué Jeanne aussi enlicre qu'ils ont pu, et plus ils se sont
attachés à reprocluirc son origina!ité, plus ils ont trou vé le secret de
sa grandeur.
M. Quich erat trou vera tou Lnaturel quej'emprunle ses paroles pour
caractériser un succes auquel il a contribué plus que personne ; car,
s' il ne Illi a pas convenu d' écrire lui-même I'histoire de Jeanne d' Arc,
il est désormais impossible de l'enlreprendre sans recourir à ses
travaux. 1\1. "Vallon, en particulier, en a tiré UI! imm ense profit,
sans avoi r [! l'eEque jamais rien á modifier ni aux textes recueillis par
l' éc1 iLeur, ni à ses conclusions. Cependant il ne les 11 point acceptés
Ul,llS conlrôlc. C'est ai nsi qu' il signa le une omission involontaire dont
s' csLprévét lu un écrivain qui pcnche plutôt pour l'hallucination que
paUl' l'inspiration de Jeanne d' Arc. 011 lit à h page 216 du Proces
(tome i") que J eanne d'Arc était à jeunle jourou elle entendit paUl'
lu prcmiere foi s la voix de I'ange, mais qu' elle n'avait pas jeuné le
- :369 -
jour p!'écédent. A Ia page 52, au contraire, M. Quicherat avait im-
primé : cf i[!sa Jo!wnna jc.funavcrat die prcecedenti. En supprimant
à la page 2'\ 6 Ia l1égation qui manque à. la page 52, on avait deux
jeunes consécutifs qui semblaient une cause suffisante d'hallucina-
tion. Le manuscrit ne se prête poínt à cette hypothese; M. Wallon a
constaté que I'exactitude habiluelle de M. Quicherat se trouve ici en
défaut, et qu'il faut lire, à la page 52, non.fefunaverat.
«Le seul dissentiment un peu grave quej'aperçoive entre les deux
auteurs, c'est lorsqu'ils apprécient les vices de forme signaIés au
proces. 1\'1. Quicherat soutient que Pierre Cauchon était trop h:tbile
pour commettre des illégaliLés, et M. Wallon le croit trop passionné
pour avoir pu s'en défendre. Je ne suis pas e11 état de décider cette
question; je femi seulement remarqu~r qu'elle a au fond peu d'im-
portance, puisque, de part el d' autre, on est d' accord SUl' l'iniquité
du juge et l'innocence de la victime.
« J e retrouve M. Wallon affil'lTIltnt a vec M. Quicherat, conlrairement
à une opinion c1éjà ancienne et qul conserve encore des parlisans,
que, Charl es VII une fois sacré à Reims, Jeanni3 d' Arc n' avait pas
encore accompli toute sa mission; cal' elle s'élait annoncée elle-
même comme devant en OUlre expulseI' les Anglais. Je laisse à des-
. sein de côté la délivrance du durod'Orléans, ln rce que c'est un point
SUl' lequel ses déclaratioas ne sont point aussi ex plicites. Mais pour
ce qui concerne l' explllsion eles Anglais, on a la leUre même qu' elle
leur adressait le 22 mars 1429 : « Je suis cy venue de par Dieu,
« le roy du ciel, COl' pS pour corps, pour vous bouter hors de
« toule France. uSes co urtes défaillances ne peuvel1t rien contre ce
texle aulhentique, qu' e!le a d'ailleurs cOl1firmé el1 mainte occasio11,
jusqu'it ce qu'elle le consacrâi sur S011 bucher par une protestation
suprême. Je 11e m'explique donc pas qu'un dOUlt3 puisse exisler, sur-
tout dans l' esprit de ceux qui croienl à. l'inspiration de Jeanned'Arc.
Commenl peuvent-ils connaitre sa mission, sinon par ell e ? et pour-
quoi lui refuser ici la créance qu'ils lui accordent aill eurs ?
(I ElI e a échoué, dira-t-on, donc eUe n' avait pas mission (!e Dieu
pour l' entreprenc1re. 're llc fut, cn eITet, In. triste pensée qui s'empara
des csprits quand on la sut prisolll1ierc des Anglais. Mais 1e pieux
Gersoll, quelques mois avant de mourir et au lendemain do la déli-
vrance d'Orléans, al'ait en quelque sorle prévu les revers apres la
victoire, non commc un désaveu pour Jeanne d'Arc, mais comme un
châtiment paul' les ingrats qu'elle venait défendre. 11 écrivait le
14mai1529 :
- 370 --
« (lLLlIlu bien mêm8 (co qu' ~L Dieu IlI~ plais~!) elle serait trom pée
dans son 'e;-:poir et dans le nôlre, il n'c!! faudrait pas condura que ce
qu'elle a faiL vient de I'esprit rna!in et n011 el e Dieu; mais plulôt s'on
pn;ndre à notre ingralilucle et au juste jus ement de Dieu, quoique
secret. ..... cal' Dieu, sans chunger de cUllscil, ch 'l ng8 l'arrêt seloIl
les mérites.
II lci cncure, M, Wallon a [ait de la b ünHe critique : il ne clivise

pas les témo ignage::: de Je::\l10e à'Ar·~., il les accepia tous et les pro-
clame sinceres, même quancl ils sembleut n'êlre plus prophé liquc:::.
J' ajoute .qu' il les j uslifie pleinemont ell lllolltrant qlle, ~i elle a vait
missio11 de chasser les A n g l lt i~, el lo n'avait point promesse de lont
exécuter par elie-même, mais qu'elle a commencé l'ceuvre et 011 a
prédit l' achevemcn t. M. Wallon I'a bien sen.ti,; cc n'o:;t pas com·
premIre JOé\nnc d' Are que de l::t glorificl' d'dlS 8es triomphes pOUl' la
I'CniéI' dans sa pàssion.
« Nous SLlrtolJt qui connaissolls le dénoúment de ce dram8 l1lervoil-
leux, nous (lui savo ns 'lue les Anglais furellt en elfeL cbassés ou
rOYeilime et la couronne de Rdms afTermie au front de Charles YlI,
nous devolls cl oire, avec M, Wallofl, que Dieu lle cessa jam ais cl'in-
spirer cclle dont illlli a plu de ·consacrel' la grancleur IHr 1'8preuve
et la sainlelé par ·le martyl'e . .» - N. de Wdilly.
Cel ui de nos corre;.: pondants d' Anvers quí a bi e11 voulu nous en-
vayer i'article ci-dl:S3US, y a juint la noLe ci-apres pravenant dese3
rechel'ches per:ionndles SUT le proces dfl Jeanne d' Are:
" Picrte Cauc holl, évêq 'Je de Beauvais, et un inquisileUl' nommé
Lernaire, a~si1:'Lés de soix í.tll le assesse urs, furenl les juges c!e Jeall ue,
Son proces s' im;lruiEit selo u les form es mystérieuses et barbares de
I' Inqui1:' ition, qui a vait juré :;:a perle. EUe voulut s' en r<1pportcr au
jugcmcnt du Pape et du Concile de Bâle , mais l'évêque 8'y 0lJPosa.
Un prêlre, L' Cyse!eur', la tl'Ompa en abu ~ allt de la coufession, et lui
dOll ll il de fune:-tes conseih:. A la. t uite d'ilJlrigues de toules sorle c ,
dle fut cO ll l!al1J: .ée , en 1131 , à être brôlée vive, « comme mente-
rcsse, pcrnicieuse , abuseresso du peuple, devineresse , blaspheme-
resse de Dieu, mal créant de la foy de JésLls-Christ, vantcrcsse,
ydolàt re, crueJle, dissolue, invocalcre::,se des cliabks, scisl11atique et
héréti que. "
« Le PapeCalixte II r, en 1456, fil prononcer, par une commis-
sion ecclé1:' iasti que, la réhél bilitalion ele Jeannc, et il fut d:éclal'é, pa'l'
un arrêt solennel, que Jeanne était morte marlyre pOUl' la défense de
sa religion, cl,! SD. patrie ot de son roi.. Le Pape eut bien voulu la
c.anoniser, mais son courage n'alla pas si loin,
- 37/ -

« Picrre Cauchon mourut subitem ()l1t en I t43, en se faisant la


bacbe; il fut excommunié; son corps f!lt dél.erré et jeté 11 11\.
voirie. l

La jeune pay ~ anTl e de Moni.:t.


Fait d'apparition.
U r) de nos con'cspondrtnts d' Oloron (Blsses-P j rénées) , nous a
adrel'sé la relation du fait suivant, qui cst à sa c,)nnaissance per-
sonnelle :
« Vers la fln dn m01s de décemhre 1'866, 110n Ilin' dtl viIJage de
Mo nin (Basses-Pyrénées), une pay~an l1'e âgée de vingt-quatre ans,
nommée jJari a nll ~ Combct, se trouvait occl1pé ,~ à ramasser des
fenil les dans ll 'lC prairi e, pres de la maison qu'ell e habite 8vec son
perc, âóé de soixanhl-quatre ans, et tme sceu'r âgéc de vingt-neuf
amo Depuis quel:Jucs instants déjlt, Ul1 vieillad €l'une taille moyenne,
porlant de:; vêtemellts de pay6an, se tflnait a:~ coin de la daire-voic
qui do nne passage dans la prairie. To:lt à coup, il arpelle la jeune
filie qni l;e tarde pas à s'approcher, et ).ui demande si elle pourrait
lui fairc I'aumône.
« - Mais que p0UlTais-je vous diJnner, lui di't-eIJe, je n'ai r;el1; à
moins que vous nc voulirz acccptcr un morceau de pain?
« - Cc qile VO ~IS voudrez, réplic{llPl. Ie viei ilard; d'ailleurs, vous
pouvez être tranquill e, vous n'en manquel'8Z pas.
« Et h paysanne se hâta d'aller chereher le mOl'ceau de paio. A
SOIl relour, I'c vieillard lui dit :
(I - 11 Y a déj!t longtt'mps que vaus m'avi'ez répondu .
(I - Comment, reprend la pays:lnnc· étonnée', pou va'Í>; je vous ré-
pon dre? vaus no m'aviez pas encore app elé(~ _
a - Je ne vous avais point appclée, il e~t vraí, mais mon E;;prit
s'était tr:lnsporlé vers vou~, avait pénétré volre Esprit, ct c'est ainsi
qu ej'ai connu d'avance vos intcnlions. Je me suis arrêtéaussi devant
une autrc maison, là- bas; mJn Esprit a pén ~ tr é dedrLlls et j'ai connu
Ics dispositions peu charitables de ceux qui l'ha:biten t . Aussi ai-je
pensá qu'il était inlltile d'y rien demand er. Si ces personnes ne
changent pas, si clles continuent à: ne pas exercer la charilé, ell'es
sonl bien á pl aindre_ P,mr vou,:;, ne refusez jamais de faí re J'al'1mône,
et Diel l vous tiendra cO:llpte de vos senlimenls el vous rendra bien
HU d l~ :à ce quo vou,:; a\'cz clonné au" malhe'll'cux ... Vous avez mal
allx yellx?
- 372 -
« - Hélas! oui, répond la pa-ysanne, et le plus souvent ma vue
est tellement faible que je ne puis me livrei' aux travaux de la cam-
pagne.
« - Eh bien! continue le vieillard, voici une paire de luneHes
avec lesquelles vous verrez parfaitement. Vous aviez une sreur que
vous aimiez beaucoup et qui est morte depuis huit ans et quutre
mois.
« - C'est vrai, répond la paysanne de plus en plus étonnée.
«- Votre mere est morte il y a un ano
a - C'esl vrai, continue-t-elle de même.
« - Eh bien 1 vous irez dire einq Pater et cinq Are SUl' sa
tombe. D'ailIeurs elles se trouvent toutes deux c1ans un endroit ali
elles sont heureuses et ou vous les reverrez un jour. Avant de vous
quilter, j'ai une chose à vous recommander : c'est d' aller chez telle
personne (une filie de mauvaise conduite ayant plusieurs enfants), et
\OUs lui demanderez de vous laisser emmener un de ses enfants que
vous éleverez jusqu'à l'époque de sa premiere communion.
« Enfin, voiei un paroissien que vous devez garder précieusement
et auquel est .lttachée une grâce pOUl' tous ceuxqui le toucberont. Les
personnes qui viendront vous voir devront dire en venant ou en s'en
retournant deux Pater et deux Ave pour les âmes du purgatoire.
Parmi ces personnes, dont le nombre augmentera de jour en jour
d'une maniere considérable, il y en a qui riront, qui se moquero nt;
à celles-Ià, vous ne raconterez rieo. Ne manquez pas de recom-
mandeI' à la personne chez qui vous devez prendre l'enfant de se
convertir, cal' je ne crois pas qu'ell e vive encore longtemps.
« Je vous préviens que vous ferez une grave maladie vers la fin
du mois de IlJarS; ne faites pas appeler de médecin, ce serait inutile;
c'est une épreuve à laquelle vous devez vous soumettre avec résigna-
tion. D'ailleurs, je reviendrai vous vaie.
« Et le vieillard s'éloigna. Arrivé à un petit pont tres rapproché,
il disparut tout à coup.
« Naturellement, la jeune paysanne se hâta d'aller raconter le fait

à M. le curé auquel elle montra le paroissien. Le curé lui dit qu'il


pensait qu'il y avait là quelque chose d'extraordinaire et l'engagea à
garder ave c soin ce p:troissien. ElIe s'empressa aussi de faire tout
cc que le vicillard lui avait recommandé, et depuis, Oll la vit tou-
jours avec ses lunettes et l'enfant dont el! e s'est chargée. Elle a été
visitée par une foule innornbrable, et, di manche del'l1iêr, sa maisoll
était pleine à ce point que M. le cllré a dú chanter les vêpres à peu
- 373-
pres à lui seul. Je ne dois point oublier une circonstance importante,
c' est que, selon la prédiction du vieillard, la paysanne p.st a'l li t
depuis quelques jours. Maintenant, il faut vous · dire qu'à Monin
comme à Oloron, les opinions sont tres partagées au sujet du fait en
question; les uns y cl'Oient et les autres restent incrédules. Le curé
de Monin, qui avait d'abord trouvé la chose fort extraordinaire, a
prêché plusieurs fois pour disEUac1er 8es paroissiens d'aller visiteI' la
paysanne. D'apres celle-ci, le personnage qui s'est présenté à elle
lui a clit 80n nom et lui [I. confié plusieurs choses qu'elle ne doit point
révéler, du moins pour le moment. Dans tout ceci, ce qui me ferait
UI1 peu réfléchir, c'est qu'il a manifesté le désil' qu'on élevât une
statue le l'eprésentant à la place oú il etit apparu.
(I L'opiníon générale, parmi les croyants, est que ce doit être saint
Josepb. Pour moi, si le fait est vl'ai, je ne puis y voir qu'une mani-
festalion spirite ayant pOUI' but d'appeler l'attention sur notre philo-
sophie, dans une conlrée dominée par des influences contraíres. »

Quelques mots à la R~vue spirite


par le journal l'Exposition populaire illustrée.
L' Exposition populaire illustrée contient, dans son trenle-qua-
trieme numéro, I'arlicle wivant au sujet des réflexions dont nous
avons fait suivre les deux articles de notre dernier ll'-lméro sur le
curé Gassnel' et les pronostic:::, que nous avions empl'untés it ce
jOUt'nal :
« La Revue spirite est un journal spécial mensuel qui, depuis dix
ans, soutient courageusemenL la lutte contre la classe nombreuse des
écri vains et des hommes superficieIs qui traitent, à I'envi les uns
des autres, les adeptes de la foi nou velle «d'illuminés, d'hallucinés,
« de dupes, de fllUS, d'imposteurs, de charlatans, et enfin de suppôts

" de Salan. » Vous voyez que certains écri vains aimenl mieux insul-
ter, outrager que discuter.
« O mon Dieu! tout ce vocabulaire fut épuisé il y a trente-cinq

~L trellte-six ans, contre les SAINT-Sll\WNIENS, et, f'i naus ne faisons


erreur, l'éloquence du Parquet se mil de la partie, et il nous sernble
que le PERE et un de ses ardents disciples furent atleints par une
condamnalion qui les a laissés libres de diriger de grandes ac1rninis-
trations, de siéger à l'Institut, d'être élevés à la dignité de senateur,
de porter en bandouliel'e Ies insignes de di verses décoratiol1s, la
- 3ílJ -
CI'01X d'honn eur c,)mprise, mais qui ne leur perrnel pas seul e-
ment d (~ fié,;cr dans \p. Canseil municipal de leur vii lage, mais encore
d' user du dl'oil civique du vole.
(f Vous voycz bi'~ n que I'outrage ne signifie pas grand'chose;
toutefois aussi vous voyez bien toujours qll'i l en reste q!lelCJu c chose;
- c'est une espece de caloml~ie; or, la calomnie, 0'1 I'a dit bien
}nnglemps avant naus, qualld efl l ne bl'ítle }JI1S, no ;rcit.
« Revenons aux Spirites; qui s:tit ce qui est réservé aux hommes
d (~ I'écl)\e spil'ite?' P~ut -êlre I'es vel·rOI1S -nous un jour se fai I'e la courte
éch elle pau l' arl'iver uux sommi!és du p01voir, ainsi qu; 1'0nl. fai t
l\II~J. ks sainl-sim oniens.
cc Touj o ur~; esL -ii (jll'iis progresscnt (Ies SpirÍLes), qu'i!:; gl'ossi:5sent

lems rangs d' hommcs graves cL intelli;enls, de magi.-.; trals réj)lllés


dans Icur corps.
(C Na us parlons aujoul'd'hui di) la REVUE SPl íUTE, parce que la
ll'!Vlte spirite a bi'~ n vOlllu S'o ~ c i lper de ll nus dans son dernier nu-
méro (celui de novembl'e) ... Ell e a repr'Jduit divers pass1gcs de
110lrc vhgt qllatrie;ne llllm éro, rchlif:; à une co ''1'esjJ rmda l /ce SIl] ' ler,
Ilwurnatul'(jes, et s'est ernpressée de protester cO'llt.re la qu llification
de lliaumalurge quo NOUS avons donn i}e, da!B divers aulrllS arlicles,
au guérisseur Jacob et au:)' !Juérisseurs passés, }Jl'ésen/s et tut m's,
alor.s qll' jls glléri.;~ent en dehors de la th él'apcllliqlle scientifL]ue.
(( La R evue spz>i'e prot.esLe c0n tre cc mot TH ,\UMATun :; E, par la
raison qu' elle n' aElme! pas que rien S'J fasse'· en dehors des lois 11'llu-
l'elles... ; mai.s il me semble que c' esL ce que notre pelit joul'l1al a
cl éj!l dit pl1l3 de vingl [,_li.,.
- I1n'y a rien, rien, rien, en dehors des lois naturell es.
(( Túut ce qui est, tout ce qui advient, tout ce qui seproJuit, est
la rósul tant e de lois naturelles, de phén imenes naturels CON\US ou
nCO~N(jS.

(( Oui, mille foi~ OllÍ, cc les phéilOmen eS q/li appar:i'mi1ell t à 1'0rJre


cc des fai:s spiritlle's ne s'mt pas p:us mil'aculeux que les [ait:~ maté·
(I rHs, aLtendll que I'lh,ÉME~T spiri tuel est une des f·)rces de la natUl'e,
C( t0ill allssi bi ,~ n q!.le I'ÉI.ÉvIE:vr matérial, » di te:; -vous l
« ~ui, me:::;~i ~ ur~, mille fois ou i, nous partageolH volre senlirnent;
l11:1i., nous protest,Jr!s conlre c; tit) expression élé,nent, toul comme
,'ous avcz proteste cc) ;ltl'e la qualificati,m de thaumaturge donnée par
n :lU S à un S/Jll'ite conscümt ou i,/co 1scient.
« Le maL tha1lmaluJ'(je vous choque ; donnez-!1l'en un autre, ra-
tb nnel , logique, com;)l'éh,;nshre... jc I'accepterai.
37:5 -
(C Par cOl1séquencc logique, le mot nliracle doit vous choqueI';

- donn ez- en un autrp. pOUl' remire, po,ur exprimer ce que rend, ce


qu'exprime le mot rniracle, et je I'adoptercli.
(C Mais tant que votre, que l10tre dictiol1naire ne sera pilS fait, ne

sera pas con nu , il fuut bien avoir recours au dictioi1naire de f' Acadé-
nu'e)' vél'ilablement, mei:'sic urs les SI-,il'ite8, il ne fuul pus s' ocLroyer
la prétcntion d'avoir Ull autre vocabula,ire que JJ!lJI. les Quarante.
( Linguistiquemen t , acadéllliqw·ment parlallt, cru' cs~-ce qu'un
thullmaturge? un faiseur de miracleR.
(C Qu'e::;t-ce qu'un min,cle? - UIl acte de la puissance clivine,
contraire aux: lois connues de la nature.
(( Donc, MM. los guérisseul's, les Hohenlohe, les Gassner, Je.s
Jacob, sont des tlwwnaturges, des (aiseuJ's de mil'aclcs, cal' ils
agisselJt en dehors des luis connues de la nature.
(( Inventez, créez, donnez, promul guez un nouveau mot et naus
I' ado pterolls; mais, j usque -là, permeltez-nous de conserver le \ ieux
vocabul"ire et de naus y confonmr jusclu'à, nouvelle iLstructi0Jl,
nous ne pouvons faire aulrement.
« Sarez vous commen t agit Jacob? elites-Ie ; - si vaus ne le savez
pas, fait es comme nous, recol1liétissC'z qu'i! agit en dehors des lois
connues de la nal ure, done il cst thaumaLurge.
(( Pour notre ct)mpte, LOUS protestons, aV :Jl1S -1l0US dit, contre le
mot /lément, pa r une nison tres sim ple, c'cst que nous déc:larul1s
ignorcr cOlllplétement quel cst et ce qu'est I'í:lément spil'ituel, p:1.S
plus que nous ne saVOllS ce qu'est l'élément matérz'el.
« En fi.1it cj'élérnent spinÚtel, nous ne reconnaissons que !'é lémcll t
créateul' : Diea ... -- En loute humilité, eu toute vénération, nous
courbons la tête et respcctons l'inexplicable myslere de l'incamaÚol~
du sou/fie de Dieu en nous ... nous bornallt ~~ l'I'>pétcr cc que nous
aVOllS dit: (( It y a en naus wt inconnu q/li est nous, qui foul à la
(ois commande â notte moi matieJ'e cf fui úbéz't. ))
« POUl' c,~ qui cst de l' élémen t matél'ld, nous proclamons de touLe
la puisEance de 110tre sincérité que naus ne sommes pas moins embar-
rassés .. . Ia crf~atioll ctu premieI' homme, de la premicre fernme, en
tant qu'8Lres matériels, est un mystere aU'3si inextricablc que ce.luide
la spiritilalis::tlion de cat être crM.
« Voi le de ténebre8, secret ctu Créateul' <Iu'il n'est pas permis de
soulever, de péllétrer.
« L'élémBnt primitif est Dicu úu est eu Dieu ... Ne cherchons pas,
- 376 -
et disons avec le plus savant des docteurs de l' Eglise: (( Ne cherchez
pas à pénétrer ce mystere, vous devienddcz fou. »
« Mainlenanl, nous demanderons à messieurs de la R evue spi?'ite,
ceux qui croient â rl double vue, à la vue spirituelle, pourquoi ils
s'élevent con tre les plzénoillenes physiques considérés comme eles pro-
nosÚcs d' événements lzeureux ou malheureux.
li Ces ph enomenes, dites-vous, n'ont en général aucune liaison

avec les choses qu'ils semblent présager. Ils peuvent êlre les précur-
seurs d' efrets physiques qui el1 sont la cOllséquen ce, comme un point
noir à l' horizon peut présüger au marin la tempêtc, ou certains l1uages
anl10ncer la grêle, mais la signiO cation de ces phénomencs pOUl' les
choses de l'ordre moral doit, ajoutez-vous, être rangée parmi les
croyallces superstitieuses qu'on ne saurait combattre uvec trop
d' éllergie.
(I Expliquez-vous un peu mieux, messieurs, car vous touchez ici

~L une des gri.J.ves questiol1s des scicnces cabalistiques, des pré visions
prophétiques.
Ii Dites-n ous franchem ent, loyalement, dans quelle catégorie vous

<.;]assez les influences numériques ; les niez-vous, les contestez-vous, y


cl'oyaz-vaus? .. Avez-vaus jamais réfléchi à ces questions?
(I Prenez garde; tout s'enchaine duns les mysteres de la création,

duns le secret des corrélatians des mondes, des corrélations planétai-


res. Vous croyez à vous-même, à voLre moi spirituel, à votre E sprit
incamé, et vaus croyez uussi aux Esprits désincamés : donc aux
Esprits qui ant été incarnés et qui, épurés de leur incarnation pré-
cédente, attendent une incamation, nous ne dirons pas plus célesle,
plus divine, mais plus angélique .. . Voilà votre foi; et puis , vaus ar-
rêterez la mathématique divi ne, et vaus dites : Je ne crois pus à cette
prescience réguliere qui porterait atteintc à man libre arbitre; je ne
crais pas u. ces calculs de détail.. . Bornez-vous à douler, messieurs;
mais ne niez pas.
(I Si vaus étudiiez I'histoire de I'humanité cn prenant pour guide les

concordances numél'iques, vous restericz écrasés et n'asel'Íez plus


dire qu'an ne saurait combattre cette croyance superstitieuse avec
t rop d' énergie.
(I Naus pouvons mettre saus vos yeux plus de QUATfiE MILLE con-

cardances numériques, hisloriques, indiscutables. Faites arriver un


événement, naltre ou monrir un an plutôl ou plus tard, el la concor-
dance cesse .. • Quelle loi les regle? .. Myslere de Dieu, - secret in-
connu de la créature •. . ; - et camme tout se lie et s'enchaine, osez,
- 37i -
vous qui, en votre qualité de Spirite, devez croire au magnétisme, á la
somllo-activdé, au 30mnambulisme; vous qui devez croire à I' AGENT
(et llon ÉLÉ~IfiNT) SPIRITUEL, comment pouvez-vous NJER les lois in-
conmws qui régissent les relaLions des mondes entre eux ?... Vous
croyez aux relations des Esprits INCARNÉS avec les Esprits DÉSINCAR-
NÉS! Soyez dane logiques et ne reculez devant aucune possibilité
cachée encore dans les ténebres de I'inconnu.
« Nous reviendrons sur cette questioll, qui n'est pas neuve, mai'3
qui est toujous demeurée dans les LIMJ3ES DE LA SCIENCE. (Nüus nous
servons de ce mot ave c in tention.) »
R éponse.
Les raisons pour lesquelles le Spiritisme répudie le mot miracle
pour ce qui le concerne en particulier, et en généraI pOUl' les phéno-
mimes qui ne sortent pas des lois naturelles, ont élé maintes foi s dé-
veloppées, soit dans nos ouvrages sur la doctrine, soit dans plusieurs
articles de la Revue Spirite. Elles sont résumées dans le passag0
suivant, tiré du numéro de mal 1867, page 132 :
« Dans son acception usuelle le mot mirade a perdu sa significa-
tiol1 primitive comme tant d'autres, à commencer par 1e mot plziloso-
phie (amour de la sagesse), dont on se sert aujourd'hui pour expri-
mel' les idées les plus diamétraJement opposées, depuis le plus pur
spiritualisme, jusqu'au matérialisme le plus absolu. 11 n'est douteux
pour personne que, dans la pensée des masses, mimde implique
l'idée d'un fait extranaturel. Demandez à tous ceux qui croient aux
miracles s'ils les regardent comme des effets naturels. L'Église est
tellement fixée sur ce point qu'elle anathématise ceux qui prétendent
expliquer les miracles par les lois de la nature. L' Académie elle-même
définit ce mot : Acte de la puissance divine, contraire' aux lois con-
nues de la nature. - Vrai, faux miracle. - Mirade avéré. -
Opérer des miracles. - Le don des mirades.
« POUl' être compris de tous, iI faut par ler comme toul le monde;
01', iI est évident que si nous eussions quaJifié les phénomenes spirites
de miraculeux, le publie se serait mépris sur leur véritable caractere,
à. moins d'employer chaque fois une circonlocution et de dire que ce
sont des miracles qui ne sont pas des miracles comme on l'entend
généralement. Puisque la généralité y attache l'idée d'une dérogation
aux lois naturelles, et que les phénomenes spirites ne 50nt que l'ap-
pIication de ces mêmes lois, il est bien plu~ simple et surtout plus
logique de dire carrément: Non, le Spiritisme ne fait pas de mira-
- 378-
eles. De ceUe mitniei'e , il n'y a ni mépi'ise, nl fall sse intel'pl'élation.
De mêrne qu e l ,~ j)l'ogre3 des scien ccs pb ySlflllcS a dótruit un 0 fJUle
de préjugés, el fail rcntrel' dans l'ordrc des faits naturels un gnnd
nombre d'eifels considérés j,l dis comme miraculeux , le Spil'itism e, par
la révélation d (~ nouvcll es lois, yient restreindre encore le d')maine du
merveilleux; nous disons p1us: il lui porte le derni el' coup, c'est
pourqlloi il n'est pas pal'tout CI1 odem de sain~elé, pas pLls que l'as-
tronomie et la géologie. »
Du reste, la question des miraclesest traitée d'uqle maniere complete
etavec tous les développe:n ents qu'elle comporte dans la secondc partie
du nou vel ouvr ag'~ que nO :13 [)ublions sou" ]e ti tre de la Gei/(lse, les
rni1'Cl,-1es rt les jil'édlctions, selon le Spiritisme. La cause naturelle des
faits répulés miracl(leu.r, dans le sens vulgaire du mol, est expliquée.
Si l'au!cllr ele l'arlicle ci-dessus prend la peine ele le lire, il verra que
les gUériSOllS de 1\'1. .Jacob, et toutes ~Ies du mêrne genre, ne gant
pas \111 problcme paur le Spiritism lJ qui, depuis longternps, s:üt à, quoi
s'en tenir SUl' ce point; c'ef': t une question presque élómentaire.
L'acceplion du mot ntiracle, dans le sens de fút extranaturel', est
cünsacrée par l'usagei l'Églisc la revendique pOUl"'son eompte comme
parlie intégrante de ses dogmes ; il nOU3' pa;ra'lt donc difficile de faire
revenir ce mot à son acception étymologique sans s'exposer à des
Cjuíprofjuos. 11 faudrait, dit l'auteur, un' mol H0UVl.'!atl' ; or, comme
tout ce qui n' esl pas en dehors des 10is de la nature est nahl'l!el, nous
n~ en voyons pas d"autre pOUV1l1t res embrasser t{JUS' que cel'ui< de' pké-
rlOmenes naturds.
Mais les phénomcnc:3 na~urels, réputés miraculeux, sont de deux
ordres; les uns dépendenl des lois qui régissent lia matiere, les autres
des lois qui régissent l'action du principe spiritueJi. L~s premiers sonl
ctu ressort de la science proprement düe, les seconds sont plus spé-
cialement dans le domaine du Spi,ritisme. Quant à ces· d'ernieIls,
comme ils sont, pour la plupart, une eonséqul311ce eles a:HribuLs, de
l'âme, Ie mot existe i on les appcHe phémme,zes psychiques, et', quand
ils sont combinés aJvec les eifets de la matí€we, an pourrait les appeler
psyco-matériels ou semi-psychiques.
L'auleur eritique l'expl'essian d'éléirumf. spiritltl?l~ par la raisoo,
dit-il, que le seul él'ément spirituel est Dien. A cela', l'aJ réponse' est
bien simple. Le mol élément l1' est pas pris ici (1)ans le sens de corps
simple, étémentaii'e, de moléculesprimitives, mais dans celui de p(f.'f'tie
constituante d'un taut. En ce sens, 011 peut dil'e' que ]I élemeJVt; spiri-
luel à une part active dans Fécanomie de ll'un~versi comme, ou dit
.- 3 79 -
que l' élhnent cá il et I' aément mihtaà'e figurent pOUl' lelle propor-
tion dans le cbilfre d'une population; que J'c'lément l'e/~r;ieux enlre
dalls l'édLlcation; C[u'en Algérie, il y a l'élément arabe et l'dément
eUJ'opéell, etc. A notre tour, nous d;rol1s á I' au teur que, à défau t (j'Ul1
moI spécial POUi' ceUe derniere acceplio n du moI é:'émrn/, on est forcé
de s'en servir. Du reste, comme ces deux accep tions ne rerré"cnlen t
pas des idées coni rud j ctoire.~, comme celle dLl mot miracle , il n'y a
pas de coLfLl~ ioiJ IJossib IE' , l'idée radica le étanl la lllême.
Si l'auteur prend h peine d'éludier le Spirilisl11f', clJntre leque l naus
constatolls avec plaisil' qu'il IÚ t pas un parlipl'is de négatioll, il y
trouvcra la répollse aux doules (lue semblelJt exprimer quelques par-
ties de son arlicle touchant la maniêre d' en visager certaines choses,
sauf, louLefoi8, CI1 ce qui concerne la sciellce des concordan ces nUIl:é-
riques dor:t nóus ne n(iUS sommes jam"is occupé, et SUl' laquelle, par
cOllséquent, nous ne saurions a voir une opi nion arrêlée.
1.e Spirilisme n'a pas la prétention d'avoir le deroiet' mol SUl'
toutes lef! lois qui régissent l'univers, c'est pourquoi il n'a jamais
dit : Ncc plus ultra. Par sa natUl'e même il ouvre la voie à toutes
les IlOU velles décO ~1 vertes, mais j Llsqu' à ce qu' UI1 prillci pe llOll veau
soil constalé, il ne l' accep te qu'á till'e d'hy polhcse ou de probabi lit é.

L'abbé de Saint-Pit rre


Les Epbémérides du Sú}cle llu i9 avril dcrnier conlenaieut la
nOli<.;e suivan le :
174 :1. - Mort de l'abbé de Saint.-Pierre (Charles-I rénée Castel
de), écrivain et phila!l thrope, au nom duquel restera élel'lIellcm ent
altacbé le f:Ouven ir du prnjet de jJaix pe,pl:taelle, dont la conception
semble devenÍr chaque jour plus inJpraticable. La vie elltih'e de cc
di gn e abbé se com'urna en tl'a vaux et ell actiuns qui a vaiellt pour
but le bOllheur des hommes. Donnt·r et pard onner devait êlre á son
a\is la base de to ute la monde, ct il la mettait constamment en pra-
tique; ce fut lui aLlssi qui créa ou tout au moins ressuscita le mot de
bien(áisance, ex priman t une vertu qu'il excrçait cbaque jour. L'abbé
de Sainl ·Pierre était né le 18 février 1658, et l' Académie française
lui avait ouvel't ses portes eo 1695; mais un jour clan s S,t P úlysy-
1w(lz"e , l'abbé s'exprima séveremen t SUl' le regne de Louis XIV. Le
cardinal de Polignac déféra le li vre à I' Académie, qui conclamna
l'auteur ~an s elaigner I'entendre, et l'exclut ele son sein en i 71 8.
J. -J. R ous~eau, qui partagea et développa quelques-unes des idées
- 380-
de l'abbé de Saint-Pierre, a dit de lui : «C'était un homme rure ,
l'honneur de son siecle et de son esrece. »
L'abbé de Saint-Pierre était un homme de bien et de talent, j L1S-
tement estimé. Dans les circonstances présentes, l'idée qu'il avait
poursuivie de son vivant donnait à son évocation une sorte d' acl ui\-
lité.
(Société de Paris; 17 mai 1867; méd. M. RuI. )
Evocation. La note que nous venons de lire dans les Ephémé-
rides du Siecle, nous a rappelé votre mémoire, et nous y avon s lu
avec intérêt le juste tribut d' éloges rendu aux qualités qui vous Ollt
rnérité l'estime de vos contemporains, et vous assurent celle de la
postérité. Dn homme qui a eu des idées aussi élevées ne peut être
qu'un Esprit avancé; c'esl pourquoi nous serons hcureux de proflter
de vos instructions, si vous voulez bien venir parmi nous. Nous 58-
rons particulierement charmés de connaitre votre opinion actuelle
sur la paix perpétuelle qui a fait l' objet de vos préoccupations.
Réponse. Je viens ave c plaisir répondre à l'appel du président.
Vous savez qu'à toutes les époques, des Esprits viennent s'incamer
SUl' la terre, pour aider à l'avancement de leurs freres moins avancé8.
Je fus un de ces Esprits. J'avais le devoi!' de chercher à persuader
aux hommes qui ont l'habitude des luHes fratricides, qu'il viendrai t
une époque ou les passions qui engendrent la guerre feraient place à
l'apaisement et à la concorde. Je voulais leur faire pressentir qu'un
jour les freres ennemis se réconcilieraient, se donneraient le baiser
de paix, qu'il n'y amait place dans leur coeur que pour l'amour et la
bienveillance, et qu'ils ne penseraient plus à forger les arm es qui
sement la mort, la dévastation et les ruin es! Si je fus bienveilbnt ,
c'élait l'e[fet de ma nature plus avancée que celle de mes contempo-
rains. Aujourd'hui, un granel nombre parmi vous pratiquent cette
vertu évangélique, et, si elle est moins remarquée, c'est qu'ell e est
plus répan clue et que les moeurs se sont aelollcies.
Mais je reviens à la question qui fait l'objet de cette communica-
tion, à la paix perpétuelle. 11 n'y a pas un seul Spirite qui doute que
ce qu'on appelle une utopie, le rêve de l'abbé de Saint-Pierre, ne
devienne plllS tard la réalité.
On n'a pas beau jeu aujourd'hui, au milieu de toutes ces clamellrs
qui annoncent l'approche de graves événements, de parlel' de pai x
perpétuelle ; mais soyez bien persuadés que cette paix descendra SUl'
votre terre. Vous assistez à un grand spectacle, à celui de la réno-
vation de votre globe. Mais que de guerres auparavant! que ele sang
répandu! que de désastres! Malbeur à ceux qui, par leur orgueil,
par leur ambition, auront déchainé la tempête! Ils auront à rendre
- 381 -
compte de leurs aetes à eelui qui juge les grands et Ies puissants
comme les plus petits de ses enfants !
Persévérez tous, freres, qui êtes aussi les apôtres de la paix perpé-
tuelle, car être les disciples de Christ, e'est prêeher la paix, la con-
corde. Cependant, je vous le dis encore, avant que vous ne soyez
témoins de ce grand événement, vous verrez de nouveaux engins de
destruction, et plus les moyens de s'entretuer se multiplieront, plus
vite les hommes prépareront l'avénement de la paix perpéluelle.
Je vous quitte en vous répétant les paroles de Christ : « Paix SUl'
la terre aux hommes de bonne volonté. »
Celui qui fut L' ABBÉ DE SAINT-PlEllRE.

DissertatioDS spirites.
Des Erreurs Scientifiques.
(Paris, 20 mars 1867, groupe de M. Lampériere) .
De même qlle le corp3 ases organes de locomotion, de nutrition,
de respiration, etc., de même I'Esprit a des facultés variées qui se
rapportenlrespectivement à chaque situation particuliere de son être.
Si le corps a son enfance, si les membres de ce corps sont faibles et
débiles, incapables d'ébranler les fardeaux qu'ils pourrollt plns tard
soulever sans peine, I' Esprit possêde tout d'abord des facullés qui
doivent, comme tout cc qui existe, passer de l'enLll1ce à la jellnesse
et de la jeunesse à l'âge muro Dema!lclerez-vous it l'enfant au ber-
ceau d'agir avec la rapidité, Id. sureté et l'habileté de l'homme fait?
Non, ce serait folie, n'est-ce pci.S ? 11 ne faut exiger de chacun que ce
qui rentre dans le cadre de sos forces etde ses connaissances. Deman-
der à celui qui n'a jamais touché un livre de mathém:üiques ou de
pIo.ysique, de raisonner sur une branche quelconque des connaissan-
ces qui dépendent de ces sciences, serait aussi peu logique que de
prétendre exiger une description exacte d'une contrée lointaine, d'un
Parisien qui n'a jamais quitté l'enceinte de sa ville natalc ct quel-
quefois de son faubourg!
Il est dane nécessaire, pour juger sainement d'une chose, d'avoil'
de cette chose une connais~ance aussi complete que possible. II serait
absurde de faire subir un examen de lecture courante 11 celui qui
commence lt peine à épeler; et cependant 1... cependant, I'homme,
cet hurmmimal doué de raison, ce puissant de la créalion, pour qui
tout est obstacle dans le livre des mondes, cet enfant terrible qui bé-
gaie à peine les premiers mots de la vraie science, ce mystifié de
l'apparence, prétend lire, sans hésitation, les pages les plus il1dé-
chiffrables du manuel que la nature présente chaque jour à ses yeux.
L'inconnu nait sous ses pas ; ille heurte ~t ses côtés; en avant, en
arriere, parlout, en tout, ce ne sont, que problemes sans solution, ou
dont les solulions connues 50nt illogiques et irrationnelles, et le grand
- 382-
ellfant détourne scs yeux <.lu livre, en disant : Je le cOllllais, il L11l
aulre !... Ignurant des choc e~, il s'attache aux causes de ces choses,
d sans boussGlr, sans c ompa~, il s'embarque ~ ur la. lllel' orageuse
des systemes prér:onçus, qui le conduit falalemcnt à un naufraga
dont le doute et l'incréclulité SOllt le résultat ! te fall il tisme, j] 's de
l'erreur, le Lient sous son sceplre; car, sachez-Ie bie il, le fanalique
Il'est pas Ci;!lli qui croit sans preuve et qui, pOlll' une foi incomprise,
dünnerait::-a vie; il y a des fanatiqucs d'incrédulité, coml11 e iI ya
des fanaliqu cs de foi !
La route du vrai est étroile, et il est néce~saire de sonder 1e tel'-
miu avant de s'avancer, pOUl' ne point ~ e précipiter uans les abimcs
qui l' entourcllt à droite et à ga~chc.
Hâle-toi lenlement. dit la sage6se des nations, eL commc toujours
10l'squ'el!c est d'aGcord avec le bon sen::: , la sagesse des nations a l'ili-
son o - Ne la:sse po int d'ennemis derriere toi, et n'avance que quand
tusel'as súr de ne point être obJigé de rdourDcr cu arricl'e. -Dieu e::it
patient parce ([u'il est éterne l ; l'bon~tl1e , qui a ,' éternité dGvant lu i ,
peut, lui aussi, etre patient.
Ou'il juge SU l' I'apparence , qu'il se trompe et. reco nnaisse SOIl er-
reur di.!IlS l'itVenir) c'e~ t logique; mais qu'il p: étendc ne point pou-
voil' se trol11per, qu'i! nssigne une limite quelconque à I'enlendement
humaín, l' en fan t reparLlit SUl' l'eau ave c ::;es caprices et SeS co leres
impuissantes !.,. Le jeune cheval n'a pas e ~lcore jeté s11. gourme ; il
s' em porte, iI se cabre ! le sallg bri:dé circule dans ses veines !. ..
Laissez-le faire, I' âge saura call1lel' sonardc ur sans la détruire, et
ii en tirera. plus de profit en en me: urant plussagemcnt la dépense !
En naissant, l'homme vit une plaine formée de terre e1 de fOC s'é-
ten dre sans lim ite sous ses pas ; une plaine d'azur pnrsemée de feux
scin lil lan1s s'étendait :;ur sa lête ct paraissait se mouvoir rf\guliêre-
menl ; il en conclut que la terre dait un large plateau accidt nté, sur·
monté d'une cOllpole animée d'un mouveme nt constant. Rilpportallt
tout à lui, il se fit le centre d' Ul1 ::iy::'lerne créé pour lui, et la lerre im-
tl1ue!lJle colllernpla le soleiI lo urnalJt dans la pl aine céleste. Aujolll'-
d'hui, le solei! ne tourne plus 131 la. terre s'est mise en mouvement; le
premier poiut ne serait peut-êtrc pas difí:cile à élucider selon la Bi-
Me, car, si Josué orclonna un j our au so lei l de s'arrêter, on ne voit
nulle part qu'illui ait coml11andé de reprcndre sa com'se.
L'intelligence humaine d'anjolll'd'hui donne un démellti aux tra-
vaux des intelligences d'une époque plus reculée, et ainsi, d'âge eo
âge, jusqu'à l'origine, et ccpendallt, ma!gré les leçons du passé, bien
qu'il s'apel'çoive, par des prér,édents, que I'utopia d'bier est souvent
demain réali té, l'homme s'obstine à clire : Non, tu n'iras pas plus
loill ! Qui pourrait fai re plus que nous? L'íntelligence est au SOl1ll11et
de I'écbelle; apres nous, 011 ne peut que descendre L .. Et poul'taut,
- 383-
ceux qui discnt cela sont les témoins, les pl'opagatcllrs ct les promo-
tcms des merve il les ac,~ ompli es par la science acl uelk . li ,., ont fait de
nombreuses décollverte3 qui ont singulierern enl modiíi é le'l lhéories
àe leu!'::; devaneiers ; mais qu'im porte !. .. Le mOI' paI'lc chcz eux plus
haul que la raison . Jouissant d'une royauté d'nl1 jour, ii,.:; ne peuvcnt
adll1ctlre qu'ils seront sOll l11is demain ~t une pilLSSaQCe que. l'avenir
tient à l' abl'i de lellrs regard;::.
11s ni en t \' Esprit, com 11e il ,.; nh icnt le mouve ,nent de la tcrre ! ,,,
Pi aigno ns- Ics, ct consolons-no us de lem avcugle 11ent Gil nous disant
qlle ce qui est ne peul r,: ster éterncllemcnt cach é ; la lumiere ne peut
devenir I'om bre ; la vérité ne peut dcvenir errem; Ies téneb res s'ef-
fac"'nt clevant l' aul'o ra.
O Gal ilée ! ... ou que lu sois, tu. te réjo:.Jis, cal' elle se m ,n tt ..... ct
nous p'JUvons nous réjouir, nous aussi, (tar notl'e terne à nous, nolre
monde, l'ilJtelligen ce, I'Espri t a aussi sou mouvement. i.ncompris , in-
connll, mais qui deviendra bientôl aussi évident CJue les axiomes 1'e-
connus par la science. FUA NÇOIS AU kGO.
L' e!position.
P aris . Gl'on pe Desli ens . Méd. 1\11. Deslicns.
L' observateur superíiciel qui jetterait en ce mOlllent les yeux sur
votre monde, sans trop se préoccnper de quelques pclites taches dis -
séminéüs à sa surface, et. qui semb:cnt destinécs à. faire 1'essortir les
splendeurs de I.'ensembl e, se dirait, sansaucun doule, que l'bumanité
n' a jamais présenté une physionomie plus heureuse. Par tout, 00
cé lebre b. I'envi les Doces de Gamache. Ce ne sont qu e fêles, trains
de plaisir" villes p:u é.;s et j"yeux visages. Toutes les grandes ar-
tp.res doU globe' a,meOé~nt dans votre capitale trop étroite la foule ba-
r iolée venuc de tous les climats. SUl' vos boulevards, le ~hinois et le
Persan saluent le Russe et I'Allemand; I'Asip en cachemire donne la
main à l' Afrique en turban; le nouveau monde et I'an cien, la jeune
Amérique et les citoyens duo monde européen se heurleot, se cou·
doient, s'entretienN cnt SUl' le ton d'nne inaltérabl e atnilié.
Est-ce donc vél1itablemenb que le monde soit c;onvié à la fete de la
paix? L'Exposilion franç aise de 1,86.7 seraiL-elle le signal lant at,..
tendu de' la soliclarité univenselle? - On serait t~nté de le croire, si
toutes les animosités étaient éteintes; si, chaGun , songeant. à la pros-
périté ilíldUlsbrielle et au- triomphe de l'intelljgence SUl' la matiere,
laissait tranql1liUement Ies engiB s de mort, Ics instruments de vio-
lence et de force, dormir au, fond. de Ieufs.· arsenaux à t'état de rel~
ques b,Hunes pour satisfair.e la. cuuiosité des- visitem:s.
Mais en êtes-vous là? Hélas ! non ; le visage grimace som le sou-
rire, l'ceiL menace quand la bouche complimente, et on se serre cor-
dialement la main, au moment même ou chacun médile la ruine de
- 384-
son voisin. On rit, on chanle, 011 danse; mais écoutez bien, el vous
entendrez l'écho répéter ces rires et ces chants com me des sanglots
et des cris d'agonie!
La joie est SUl' les visages, mais I'inquiélude est dans les C(Bur~.
On se réjouit pour s'élourdir, et, si 1'0n songe au lendemain, 011
ferme les yeux pour ne pOÍl~t voir.
Le monde est en crise, et le commerce se demande ce qu'il fera
quand le grand brouhaha de I'Exposition sera passé. Chacun médite
SUl' I'avenir, et l'on sent qu'en ce momcut on ne vit qu'en hypothé-
quant le temps futuro
Que manque-t-il donc à tous ces heureux? Nc sont-ils pas aujour-
d'hui ce qu'ils étaient hier? ne seront-ils pas demain ce qu'ils sont
aujourd'hui? Non, l'arc commercial, inlellectuel et moral, se re.-
oresse de plus en plus, la corde se tend, la fleche va partir! -- OÜ
les menera-t-elle? - Voilà le secret de la crainte instinctive qui se
reflete sur bien des fronls ! lls ne voienl pas, ils ne savenl pas , ils
pressenlent un je ne sais quoi; un danger est dans I'air, et cbacull
tremble, chacun se sent moralement oppressé, comme lorsCJlI' un
orage prêl à éclater agit SUl' les tempél'aments nerveux. Chacun est
dans I'attenle, et qQ'arrivera-t-il? une catastrophe on un e sc>lution
heureuse? Ni l'une ni l'autre, ou plutôt les de ux résultats cofnci-
deront.
Ce qui manque aux populations inquietes; aux intelligences aux
abois, c'est le sens moral attaqué , macéré, à. demi délruit par
l'in crédulité, le positivisme, le matérialisme. On croit au néant,
mais on le craint; on se sent au seuil de ce néant et l'on tremble! ..
Les démolisseurs ont fait leur (B uvre, le terrain est déblayé.-Cons-
truÍsez donc avec rapidité pour que la génération aduelle ne reste
pas davanta ge sans abri! Jusqu'ici le ciel s'est maintenu étoil é,
mais un nuage apparait à l'horizon; couvrez vite vos tOit5 bospi-
taliers; conviez-y tous les hôtes de la plaine et de la montagne.
L'ouragan va bientõt sévir avec viguem, et alors, malheur aux
imprudents, confiants en la certitude du beau temps. 1\s auront la
solution de leurs craintes vagues, et, s'ils sortent de la lice meurtris,
déchirés, vaincus, ils ne devront s'en prendre qu'à eux-mêmes,
qu'à leur refus d'accepter I'hospitalité si généreusement offerte.
A l' (Buvre donc; construisez toujours au plus vite; accueillez le
voyageur qui vient à vous, mais allez aussi chercher, et tentez d'a-
mener à vous celui qui s'éloigne sans frapper à votre porte, cal'
Dieu sait à combien de souffrances il serait exposé avant de trou-
ver la moindre retraite capable de le préserver des atteintes du
fiéau. MOK1.
ALL1l.1W K1l.RDEC
Paris. - Typ. de Rouge freres, Dunon et Fresné, rue du Four-Saint-Germain, 43.
TABLE GÉNÉRALE DES MATIERES

DU DIXIEME VOLU:NIE

JANVIER.

A nos correspondan!s............ . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . i
Coup d'Olil rétrospe ~tir sur le mouvement du Spiritisme ........ . . ' " .. '" ., .. 2
Pensées spirites qui courent le monde. . . . .. . .............. . ........... , .. i1
Les romans ~pirites : L' Assassinat du Pont- Rouge, par Charle~ Barbara. . . . . . . . i4
Variétés : Porlrait physique dés Spirites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 23
Nécrologie : Mort de M. Leclp-rc .... " " . . . .... '" •... . ... , . . . . . . . . . . . . . . 27
Notices bibliographiques : Poésies diverses du monde invisible. . . . . . . . . . . . . • . . ~o
- P ortrait 'lithographié de M. Allan Ií:arrlee, par M. Bertrand 30
Union spirite de nordeuux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 3i
"'aVocediDio .... . .... .. ...... . .............•. 3i
Rectification aux Evangiles de 111. Roustaing........ 31
Avis à MM. les Abonnés •.• . ....... .. .... .. '" .. ' ............ '" ....... ,. 32

FÉVRIER.

La libre pensée et la libre consciencc.. . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. ..... . 33


Les trais filies de la Rible .. . ...... ' . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 4i
L'abbé Lacordaire et les Tables tournantes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Réflltalion de l'ioterventlon du démon, par Mgr Frayssinous, évêque d'Hermopolis 46
Variétés : E\lgénie Colombe. Précocité phénoménale ...... " .....•.. ' .. . . . .. 47
- . Tom l'aveugle, musicien naturel ................... , .. '.... ... . ,. 50
S,uicide eles animaux .... . ........•.•........... . '" . .. . ..•.. .. 51
Poésies spiritel! : Souvenir . .•.... , . ... ... ......... ... . ...... ... , . . . . • . • . . 53
Disserta.tionss.pirites : Les trois causes principales des malaelies ..• ,..... ..•••. 58
La Clarté ...... , ... , .... , .... , •.•... , . ....•... ... ,. 56
Communication providentielle des Esprits .... ,... . . . . . • ~5
- 386-
Notices bibliograpltiques : l\1ireLtfl; roman spirite, par M. Elie Sauvage........ 00
Echos poéliqnes d'outre-tombe, par M. Vavasseur. • . . . . .. 64
Nouvelle théorie médico-spirite, par le docteur llrizio de
Turin...... .........•.....•.....••.••....•.••... 64
Le Livre des Médiums en espagnol. . •.. . . . . . . . . . • . . • • .• 64

MARS.

De I'Homcepathie dans les maladies morales.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • • • 65


Exploilation des idées spirites ; à propos des comptes r6ndus de Mirette. . . • • . .. 70
Robinson Crusoé spiritc •.•............. . .... . ..•. ..•..... .. ,. . .. . •. . .••. 74
Tolérance et charitó. LeUre du nouve! Archevêque d'Alger .•... ... " ... " •. •. 76
Linccln et son meurtrier.. . .. . .. . . . . . . . . . .•. . . . . . •. • . . .• . . . . . . .. . .. . •.•• 77
Poésies spirites. A Bernard Palbsy, par Mlle Lieutaud ...... '" . . . .. • . . • . . . . . . 79
La ligue de l'enseignement. ..... , . . . ••••. . ..•• . •• . .. • . .. .. .. . . .•. •• .. .. 79
Dissertations spirites : Communication collective . .••.•.•••...•... .. .... ..• , 80
Mangin lo Charlatan ........ , •.• , . .. .... " ., ..... '" 85
La solidarilé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . . . • . • •. . . • . . . . 88
Tout vient en son temps ............... '" . . •.. • . .. . . 8!1
Respect dú aux croyances passées (Lacordaire).... . .... (lO
La comédie humaine (Eug. Sue)........... . .......... 92
Nolices bibliographiques : Lumen, récit d'outre·terre, par Camille Flammarion.. 93

AVRIL

Galilée; à propos du drame de M. Ponsard....... . . • . • . . . • • • • . . . • . . . . • . . . • 97


Del'esprit prophétiquc, [lar Jeseph de Maistre ............................. 101
La ligue de l'enseigll l' llIent (2° article) ......... '" ..... " ................ 110
Manifeslations spoll tanées; le moulin de Vicq-sur-Nahon ..........• " . .•.••. 118
Id. de l\1énilmontant ..................... " . ... 124:
Dissertations spirites. - Mission de la femme... . . . . . . . . . • . . . . . . . • . . . . . . . . . 125
Bibliographie. - Changement de titre du journal La Vérité ... ..•... , . . .. ..• 127
Carla de un spirita (Lettre d'un spirite) ....... , •.......... , 128

MAl.

Atmosphere spirite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . • . . . . . . . . • . . . . . • . • • • • • . 129


De l'emploi du mot miraclc .•.. . ...... .... . . .. ... ...... , ........ , .. .... 132
Revue réltospective des idées spirites. - l'unilion de l'alhée ... .. . •. .. •• .• . . 135
Une expiation terrestre. Le jeune François .•....... '" '" ..• . .. , . .. •... . • • f40
GaliJée. Fragmcnts dn drame ele I\1.Pollsard.. .. .. ...... ........... .... . . .• l,45
Lumen (2< article) ........•. ' . . . .. . . . . . . . . . . . . . . .. . . .. . .. . . . . . . . . . .. • . 1lil
Dissertations spirites. - La vitl spiritllfllc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . • • l, 56
Epreuves terrestres des hommes en mission. . . . • . . . .. 158
Le Génie.... ............•..........•.••.•....•. 15(l
- 387-

1OIN.
Émancipalion des femmes aux Etats-Unis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 t
De l'homceopathie dans le traite'ment des maladies morales (2° article)... . . . . .. 168
Le Sens spirituel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
Groupe guérisseur de Marmando.- Intervention des proches dans los guérisons. j 74
Nou velle Société spirite de Bordeaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Nécrologie. - M. Quinemant (deSétil)... . ... . .... . .. .... . ... .. . . ... . .... 182
Le comle d'Ourches . '" . . . ... . ... . . . . ...... . .•. .... .. . . .. 186
Diss€ftations spiriles. - Le Magnétisme et le SpiriLisme comparés ..•...... ' . . 186
Bibliographie. - Union spirite de Bordeaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 1DO
Progres spiriLualiste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . 1fi t
Recherches sur les causes de l'athéisme.. . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Le Roman rIe l'avenir...... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1!l2

JUiLLET.

Courte excursion spirite.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . 193


La Loi et les Médiums guérisseurs. . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . j 97
Illiel's et les Spirite~. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
Epidémie de l'ile Maurice ... . ........... . .. , . .. . .. .. . . . . . . ... . . .. . . . . .. 208
Variétés. - Fait d'identité............................................. 212
Poésios spirites. - Aux Esprits protecteurs ..................... ' . . . . . . . .. 213
Bibliographio. - Le Roman de l'avenir .......... " . .. . .. . . . . .. . .. . . . .. .• 215
Disscrtations spirites. - Lutle des Esprits pour revellir au bien .... , . . . . . . . .• 223

AOUT.

Fernande, nouvelle spirite. . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 ~


Simonét, médium guérisseur do 13ordeaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 232
Entréo d'incrédules dans le monde des Esprits. - Le docteur Claudius. .. .... 235
Un ouvrier de Marseille. . . . 238
Variétés. - La Ligue deI'enseignement,..... " '" ...................... " 240
Madame Walker, docteur eu· chirurgie ..... . ....... .. .. .. ,. . . .. 240
L'Iman, granel au.mônier du Sultan .. . .. .. ' . . .. ... ... . ..... .. . , 241
Jean Ryzak, puisôance des remords. - Etude morale.. . . .. . . . . . . . . . . . . . . . .. 242
Dissertations spirites. - Plan de campagne. - L'Ere nouvelle. - Considéra-
tions sur le S: omnambuliste spontané ............ , 245
Les Espions.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 250
La responsabilité lI1or"le ... .... .. , .. ..... , . . . . . . . 253
Rédamation au journalla Marionnette ...... .. . .. .. . ........ . ........ . ... , 255

SEPTEMBRE.

Caracteres de la Révélation spirite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257


Robinson Crusoé spirite (suite) . •. ............. . ..... .. .... , . . . ... .. . " .. 279
Bibliographio. - Dieu dans la nature, par Camille Flammarion. . . . . . . . .. . . .. 286
- 388-

OCTOBRE.

Le Spirilismc parloul; à prnpos des !,oé;ies de M. Marteau.... .. .. .. . . . .. . .. . 289


l\f udnme la com l es~e Adfll"i'do de Clérambert... .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. ~ ();j
L ~s médécins-mprliums.. . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .. . . .. . . . . .. . . . . . . . .. . . .. 299
l.e c" i'd H,'S>H Jl, f:u{ri,set;r lripo!ilain, ou la bénédiction du .sang... .. ... .... 303
Le zouave Jacob ..•.. . . .. ... ...... .... ' .................. .' o. o. ... o. .. 3('6
lkscl tali ons spíriles. - Cons~i l.~ SUl' la médiumnilé guérissan le. • . . . . . ... . . .. 312
Les adiou x •••..... o.. . oo....... o. .... . ........ il15

NOVEMBREo

lml 'ressions d'lJn médium inconscient, à propos du Roman de l'avenir, de


M. Bonnemere .. .. ... ..... .. . . ................... : . .. . . . . . . . . . . . . . 32 {
Lo curé Gasmer, médium guérisseur. ' . . , o.. o... .. o....... . ..... . . . . .. . . , 331
Lr s pressonlimenls et les proJloslics ..•.. ' " . ..... . ... '" ...... .. .... o. . . . 333
Lo zouave Jacob (2" article) ... • , ........... . . .. ..... , .. " o. . . . . . . . . . . . • 339
Noli ces bibliogrophiques.- La raison du Spiritisme, par M. Bonnamyo.... . .. :144-
La Genese, les miracles et los prédiclions, selon le
Spiritisme, par AlIan Kardec ... " ............ . ' 3!í2
Avis sur les leltres non siguées. ' Héponse à 1\1. S. U................ ........ 352

DECEMBRE

L'humme avant I'hi sloire; ancienn elr de la race humaine, par C. Flammarion. 3.')3
Un ressuscité conlrarié. Ex lrait d'un \'oyage de M. Victor Hugo, en Zélande.. .. 3;)7
LeUre de Benjamin Franklin SUl' la préexistence. · o•...... o. . . .. . .. . . . . . . . . :l lH
Rellet de la préexislence, par Jean Elaynaud ..... Co.. . .. . . ·. 0... ...... .. . o. • .. 362
Jeanne d' Are et ses commentaleurs ..... . ... ......... .. o. . . . . . . . . . . .. . . .. 363
L a jcune payEanne de Monin ; appr.rition .. o. . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . 37 1
Qu elques maIs à la Revue Spirite, par le journall' E:.cposition populaire illustrte. 377
L'abbé de Saint-Pierre . ........... . o... .. . oo.....• o•..... o. o..... , .. o'. 379
Disserl ations spiriles. - Des erreurs scienli fiques .....•. . " o., o. . . o•.. . .. .• 38f
L' Exposition . . .. , . . ... o.• o...... . o. . . , .. . . . , 383

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